Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 8 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes dans ce prétoire.

 10   C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et

 11   consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 13   Monsieur Russo, êtes-vous prêt à poursuivre votre contre-interrogatoire ?

 14   M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corn, il est peut-être inutile

 16   de vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez déclarée hier

 17   est toujours de vigueur, donc vous êtes toujours tenu par cette

 18   déclaration, mais voici que je le fais.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de m'avoir donné

 22   la parole.

 23   LE TÉMOIN : GEOFFREY CORN [Reprise]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   Contre-interrogatoire par M. Russo : [Suite] 

 26   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

 27   R.  Bonjour.

 28   Q.  Je voudrais tout d'abord revenir sur quelques points que nous avons

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  1   soulevés hier. Il s'agit de la page 21 223, ligne 13 du compte rendu

  2   d'audience. Je vous ai posé des questions au sujet des documents qui

  3   figurent au paragraphe 12 du document D1644, donc c'est la feuille avec les

  4   informations supplémentaires. Je vous ai demandé si ces documents, si vous

  5   les avez consultés avant d'écrire votre addendum. Vous avez dit que c'était

  6   exact, généralement parlé.

  7   Ensuite je vous ai demandé si on vous a fourni d'autres documents

  8   concernant le lieutenant-colonel Konings et Marko Rajic, et vous avez dit :

  9   "Je n'arrive pas à faire le lien comme cela, immédiatement, mais je peux

 10   vous dire que j'ai consulté d'autres documents, notamment le compte rendu

 11   d'une réunion avec le président et les officiers du QG militaire. Je pense

 12   que c'est quelque chose qui s'est produit à Brioni. Il y a eu quelques

 13   directives psychologiques, pour ainsi dire, concernant la population

 14   civile. Moi, j'ai regardé en détail la déposition du Témoin Marko Rajic.

 15   Comme j'ai dit, la disposition visuelle des objectifs militaires à Knin

 16   c'est quelque chose qui était extrêmement important pour moi. Je pense que

 17   c'est une information qui a influé de façon importante mon processus de

 18   réflexion."

 19   Donc vous avez tout d'abord identifié les documents que vous avez utilisés

 20   pour vous préparer pour venir déposer ici, et ce que vous me dites suggère

 21   à mes yeux qu'il s'agissait là d'une préparation, d'une préparation pour

 22   écrire votre rapport. Mais vous m'avez dit que ceci influait de façon

 23   importante l'écriture de votre rapport.

 24   Donc je n'ai toujours pas compris si vous pensez que le compte rendu

 25   de Brioni, la déposition de Marko Rajic et tout cela, si c'est un élément

 26   important de votre addendum.

 27   R.  Ecoutez, j'essaie d'être aussi candide que je puisse l'être. Je

 28   n'ai pas pu écrire l'addendum de ce rapport sans avoir pris connaissance du

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  1   contexte de l'opération. De toute façon, personnellement, je ne vois pas

  2   comment un quelconque expert qui doit analyser la méthode utilisée au cours

  3   d'une opération de guerre puisse faire ce rapport sans connaître la nature

  4   générale de l'opération. Quand je regarde, par exemple, l'addendum de M.

  5   Konings, tout cela est basé sur des hypothèses. Il me paraît en même temps

  6   assez clair qu'il applique ces hypothèses dans un contexte plus large de

  7   l'opération, puisque ces hypothèses n'incluent pas chaque aspect de

  8   l'opération Tempête.

  9   Donc ce que j'essaie de dire et le message que j'essaie de faire

 10   passer c'est que, moi, j'ai écrit cet addendum sur la base des hypothèses

 11   que m'ont fourni les conseils de la Défense sur les choses que j'ai

 12   apprises lors de la réunion à Tampa et les éléments que je pensais qu'ils

 13   étaient importants et en m'assurant en même temps qu'ils ont été déjà

 14   présentés aux Juges. Ensuite j'ai essayé de voir ensemble avec les conseils

 15   de la Défense qu'elles sont ces informations pour lesquelles ils me

 16   disaient qu'ils avaient été déjà présentés devant ce Tribunal. C'est tout

 17   simplement que je ne pense pas avoir pu expurger de mon processus de

 18   réflexion le contexte général de l'opération.

 19   C'est quelque chose dont je parle dans le dernier paragraphe, le

 20   dernier paragraphe que vous avez cité et qui figure au compte rendu

 21   d'audience d'hier.

 22   Q.  Merci, Professeur. Je ne dis pas que c'est de votre faute, je ne dis

 23   pas que ce n'est pas bien d'avoir placé tout cela dans le contexte mais

 24   vous comprenez que le Procureur n'est pas vraiment sûr de ce que vous aviez

 25   en tête au moment où vous avez écrit votre rapport. 

 26   Est-ce que vous pouvez nous dire qui était présent au moment où vous avez

 27   été informé de l'opération ?

 28   R.  Il y avait les trois avocats qui sont présents en ce moment dans le

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  1   prétoire ainsi qu'une personne qui s'appelle Goran et qui était un

  2   conseiller technique.

  3   Q.  Est-ce qu'il y avait qui que ce soit d'autre ?

  4   R.  Hormis moi-même, non.

  5   Q.  Pendant cette opération, Professeur, est-ce que l'on vous a montré des

  6   documents témoignant de résultats du pilonnage sur les quartiers

  7   résidentiels avant l'opération Tempête et ceci à partir des troupes du

  8   général Gotovina ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce qu'on vous a parlé du pillage et des incendies des biens des

 11   Serbes par les forces commis par les forces du général Gotovina avant

 12   l'opération Tempête ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Est-ce qu'on vous a montré des documents concernant les points de vue

 15   du gouvernement croate et du président Tudjman concernant le statut des

 16   Serbes de leur retour éventuel en Croatie ?

 17   R.  Je sais, je crois que l'on a parlé d'une réunion, d'une réunion qui a

 18   eu lien entre le président et les QG militaires dont faisait partie le

 19   général. Est-ce que nous en avons parlé à Tampa ? Ecoutez, je n'en suis pas

 20   sûr à 1 000 %. Je vous ai dit que j'ai vu la réunion, j'ai vu le compte

 21   rendu de la réunion de cette réunion; cela étant dit, je ne suis pas sûr

 22   que ce compte rendu c'est bien le compte rendu qui tombe dans la catégorie

 23   que vous venez d'invoquer à savoir le souhait de voir la population serbe

 24   partir de ses terres. Je sais qu'il y a eu des discussions de la part des

 25   Serbes de la Zone opérationnelle autour de Knin mais d'après ce que j'ai

 26   compris, d'après ce que vous me dites, vous parlez aussi du souhait de ne

 27   pas les voir revenir et ça je ne m'en souviens pas.

 28   Q.  Vous avez parlé de la réunion qui a eu lieu à Brioni et vous avez dit

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  1   que vous ne vous souveniez pas si c'est quelque chose qui s'est produit

  2   pendant cette présentation que l'on vous a fait au mois de décembre 2008 ou

  3   bien si ces informations si c'est quelque chose que vous avez grâce au

  4   compte rendu que vous avez lu ?

  5   R.  Ecoutez, je ne m'en souviens pas; c'est vrai.  

  6   Q.  Mis à part cette réunion à Brioni, est-ce qu'on vous a fourni des

  7   informations concernant d'autres réunions entre le président Tudjman et

  8   d'autres officiels où au cours duquel on a éventuellement discuté du retour

  9   des Serbes ?

 10   R.  La seule autre source d'information que j'avais, il s'agissait des

 11   directives psychologiques pour ainsi dire que j'ai pu examiner avant de

 12   venir déposer et après avoir écrit l'addendum.

 13   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que c'était cette directive ?

 14   R.  Il y en avait une qui était importante. Je pense que c'était l'opinion

 15   de quelqu'un qui examinait ces rapports et c'est une personne qui a fait

 16   part de son opinion quant à la réaction des généraux ou leur acceptation de

 17   directives psychologiques de l'opération. Moi, je me souviens très bien

 18   avoir écrit dans la marge que je ne pensais pas que la conclusion à la

 19   quelle on était arrivé dans ce rapport était correcte et j'en suis arrivé à

 20   cette conclusion sur la base des informations que j'ai pu trouver dans la

 21   transcription de l'affaire Gotovina.

 22   Q.  Est-ce qu'il s'agissait là de la transcription d'un témoin qui a déposé

 23   en l'espèce ?

 24   R.  Je pense que oui.

 25   Q.  Est-ce que vous savez qui était-ce ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Vous a-t-on montré les transcriptions des dépositions d'un autre témoin

 28   mis à part le lieutenant-colonel Konings, Marko Rajic et de cet individu

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  1   que vous venez de mentionner ?

  2   R.  Que je sache, non.

  3   Q.  Au cours de la présentation orale qu'o vous a fait à la fin du mois de

  4   décembre 2008, est-ce qu'on vous a montré des documents portant sur la

  5   prise de contrôle du poste d'observation de l'ONU par les forces du général

  6   Gotovina pendant l'opération Tempête ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Est-ce que vous avez examiné des pièces en l'espèce, des motions, et

  9   cetera, enfin des requêtes, et cetera ?

 10   R.  Mis à part les rapports du colonel Konings, c'est un rapport d'expert

 11   et mon propre rapport qui fait maintenant partie du dossier, non, j'en ai

 12   j'en avais pas vu d'autres.

 13   Q.  Est-ce qu'on vous a dit quoi que ce soit au sujet des positions du

 14   Procureur en l'espèce ?

 15   R.  Au cours de la préparation de la déposition, après avoir déposé

 16   l'addendum - je pense que c'est le mois dernier - on m'a fait part de

 17   quelques informations d'ordre général quant aux positions du Procureur et

 18   de la Défense, autrement dit, pour être encore plus précis, je vais

 19   reformuler. Donc, évidemment, moi, je me suis concentré sur l'utilisation

 20   de l'artillerie pendant l'opération Tempête, l'utilisation de l'artillerie

 21   sur la ville de Knin, et il s'agissait donc de placer cet aspect-là de

 22   l'affaire dans un contexte plus large. C'est dans ce sens qu'on a fait les

 23   liens entre cette partie-là du rapport qui m'a intéressé et le contexte

 24   plus large, à savoir aussi les allégations en l'espèce contre le général

 25   Gotovina.

 26   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qu'on vous a dit exactement ?

 27   R.  Pendant la préparation à ma déposition, j'ai voulu être sûr en fait

 28   que, moi, j'allais déposer. C'est uniquement au sujet de ce qui est au cœur

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  1   de mon rapport, à savoir au sujet de l'utilisation de l'artillerie et la

  2   légalité de la façon dont elle a été utilisée, et ceci, basé sur les faits

  3   qu'on a fournis, et ils étaient tout à fait d'accord. Ensuite ils m'ont dit

  4   quelles étaient les allégations dont fait l'objet le général Gotovina, à

  5   savoir que l'utilisation de l'artillerie de ces forces n'était pas

  6   convenable, et si on en arrivait à la conclusion que c'était une

  7   utilisation illégale, que ceci allait s'inscrire dans le cadre des

  8   allégations de système systématique, d'un modèle systématique de

  9   l'intention délictueuse du défendant.

 10   Q.  Est-ce qu'on vous a dit quoi que ce soit de particulier au sujet de

 11   l'illégalité prétendue de l'attaque ?

 12   R.  D'après le rapport du colonel Konings, on voit assez clairement que le

 13   Procureur considère que les cibles de l'artillerie étaient ce qui était

 14   considéré illégal et ce qui est différent des conclusions que j'ai pu

 15   tirer, et d'ailleurs, si on lit les faits que vous avez énumérés dans votre

 16   lettre, je comprends très bien pourquoi le Procureur allègue que l'on n'a

 17   pas utilisé correctement les feux d'artillerie, les armes d'artillerie.

 18   Au cours des discussions que j'ai pu avoir avec la Défense, les conseils de

 19   la Défense m'ont fourni des faits qui s'inscrivaient mieux dans la théorie

 20   dans la thèse du Procureur que dans les hypothèses et qui ont servi de base

 21   de mon rapport. Les faits que vous, vous avez fourni au colonel Konings,

 22   j'en ai été informé donc puisque j'ai cru comprendre qu'ils ont servi de

 23   base de son rapport.

 24   Q.  Je ne suis pas sûr d'avoir compris la dernière partie de la réponse,

 25   mais j'avais l'impression que vous avez compris quelle était la thèse du

 26   Procureur sur la base du rapport du colonel Konings. Moi, je vous ai

 27   demandé autre chose, je vous ai demandé ce que la Défense vous a dit au

 28   sujet de nos thèses.

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  1   R.  Je vais vous citer un exemple.

  2   Comme je vous ai dit déjà à plusieurs reprises, à partir du moment où j'ai

  3   écrit cet addendum, j'ai pensé qu'il était important que les faits -- que

  4   les hypothèses sur lesquels je basais mon opinion soient des faits qui

  5   figurent au compte rendu d'audience, dans le dossier en l'espèce, et j'ai

  6   posé la question à ce sujet à la Défense à plusieurs reprises. A plusieurs

  7   reprises au cours de ces discussions, les conseils de la Défense m'ont dit

  8   qu'il était parfaitement clair que le Procureur n'allait pas être d'accord

  9   ou qu'il allait probablement pas être d'accord avec tous les faits, avec

 10   toutes les hypothèses que nous vous avons fournis. Par exemple, ils

 11   pensaient qu'on a utilisé bien davantage le feu indirect en suivant un

 12   modèle assez chaotique quand il s'agit du pilonnage de Knin. Donc,

 13   finalement, je n'avais pas vraiment besoin qu'ils me les disent, je n'avais

 14   pas besoin de cette information parce que c'est quelque chose qui figurait

 15   finalement comme un postulat de base de l'addendum du rapport de M.

 16   Konings. C'est moi-même qui suis arrivé à cette conclusion et je me suis

 17   dit que c'était les faits présentés par le Procureur -- ce témoin, et qu'il

 18   pensaient qu'il s'agissait là des faits qui figuraient au compte rendu

 19   d'audience, en l'espèce également. Mais ce sont les discussions donc que

 20   j'ai pu avoir avec le conseil de la Défense à ce sujet.

 21   Q.  Vous a-t-on dit quoi que ce soit d'autre, là, je parle des conseils de

 22   la Défense et surtout quand il s'agit des allégations concernant une

 23   attaque illégale, illicite et qui n'a pas de lien direct avec ce que vous

 24   avez pu lire dans le rapport de M. Konings ?

 25   R.  La seule autre information qui relèverait de cette catégorie serait la

 26   façon dont la Défense a évalué ces -- qu'ils pensaient qu'allaient être les

 27   conclusions du Procureur par rapport à certains éléments de preuve. Par

 28   exemple, à la lecture des informations fournies du lieutenant Konings, ou

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  1   bien en lisant les hypothèses que vous lui avez envoyées, à un moment

  2   donné, ont dit que l'hôpital figurait en tant que cible sur la liste de

  3   cible, et la Défense pense que ceci témoignait d'une intention délictueuse

  4   de la part du HV, puisque l'hôpital ne devrait jamais figurer sur la liste

  5   des cibles, mais c'est une hypothèse que vous avez présentée à cet expert.

  6   Donc si vous voulez, moi, j'ai fourni mon opinion quant aux cibles et

  7   aux listes de cible et au fait qu'il s'agit d'une cible valide, correcte ou

  8   non, et ces informations je les ai fournies dans mon addendum.

  9   Q.  Vous nous avez effectivement cité un ou deux exemples. Ce qui

 10   m'intéresse c'est de savoir tout ce qu'on vous a dit au sujet des thèses du

 11   Procureur.

 12   Est-ce que vous pouvez me dire tout ce que l'on vous a dit

 13   parce que là vous venez de citer juste quelques exemples ?

 14   R.  Je vais commencer par la fin. En ce qui concerne les questions qu'on

 15   allait me poser, la Défense m'a dit que je devais m'attendre à ce que le

 16   Procureur conteste certains faits ou certaines hypothèses qui ont servi de

 17   postulat de base pour mon rapport pour l'addendum -- qu'ils allaient donc

 18   douter de leur crédibilité même s'il s'agissait des faits qui figurent en

 19   l'espèce, dans le dossier en l'espèce.

 20   Par exemple, il y a eu des discussions sur les frappes des armes

 21   d'artillerie, les cibles de ces tirs. La Défense attendait à ce que le

 22   Procureur suggère que le modèle de tir était systématiquement un modèle de

 23   tir chaotique ou indirect quand il s'agissait des tirs sur Knin. Il

 24   s'agissait aussi -- enfin, il pensaient aussi qu'il y allait y avoir des

 25   discussions sur les tirs sur le poste de commandement du corps qui étaient

 26   une cible importante et la question qui se posait c'était de savoir si le

 27   commandement était présent sur ces lieux oui ou non, donc je parle du QG de

 28   l'armée serbe.

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  1   Je pense qu'on a aussi évoqué la question si les observateurs des Nations

  2   Unies, qu'ils étaient présents à Knin parlaient des frappes d'artillerie

  3   partout dans Knin, et je me suis posé la question de savoir si je voyais

  4   une explication à ce problème, et j'en ai déjà parlé --

  5   Q.  Je vais vous arrêter avant que vous ne poursuiviez.

  6   Je voudrais exactement ce qu'on vous a dit au sujet des observateurs de

  7   l'ONU, et est-ce qu'on vous a dit quelque chose, et quelle est l'opinion --

  8   enfin, la conclusion que vous avez tirée sur la base de ces informations.

  9   R.  Je pense qu'on a dit, ou bien on a évoqué un témoin - je ne sais plus -

 10   donc que les individus travaillant pour l'ONU à Knin et qu'ils ont dit que

 11   d'après eux il y avait des impacts d'artillerie absolument partout dans la

 12   ville, et ils pensaient donc que l'utilisation de l'artillerie était

 13   hautement chaotique. Mais ils ne sont pas allés plus loin, c'est cela,

 14   parce que je les ai interrompus là-dessus, parce que je leur ai dit que je

 15   n'étais absolument pas surpris de savoir qu'ils aient pu avoir cette

 16   impression puisqu'en regardant les photos aériennes que j'ai pu observer

 17   lors de la réunion, à Tampa, effectivement, il y avait des cibles

 18   militaires partout dans la ville et ce sont les forces ennemies qu'ils ont

 19   placé là où elles étaient.

 20   Donc, moi, si j'observais cette attaque de loin, effectivement, j'aurais eu

 21   cette même impression, à savoir qu'il y a des excursions partout dans la

 22   ville et c'est pour ça que je vous ai arrêté là-dessus. C'est pour cela que

 23   j'ai réagi comme j'ai réagi comme j'ai réagi à cette information.

 24   Q.  Bien. Justement, j'aimerais que nous nous penchions un peu sur cette

 25   question.

 26   Parce que dans un premier temps, je crois comprendre que vous interprétez

 27   la situation comme suit : si quelqu'un observe la ville et vous dit qu'il y

 28   a des pilonnages dans toute la ville et, vous, vous pensez qu'il y a des

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  1   objectifs militaires dans toute la ville, votre interprétation c'est qu'ils

  2   -- c'est un -- c'est une erreur que de penser, en fait, qu'ils sont en

  3   train de pilonner sur toute la ville.

  4   C'est ainsi que vous interprétez la situation, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, non, non. Moi, je n'étais pas présent. Je n'ai pas observé ce qui

  6   s'est passé. Mais j'ai dit à la Défense : vous pouvez tirer à partir de cet

  7   élément de preuve différentes conclusions. Premièrement, par exemple, une

  8   des conclusions, c'est qu'il y a des attaques chaotiques aléatoires menées

  9   contre toute une ville. Mais je pense qu'il y a eu donc -- les forces

 10   serbes ont dispersé, en quelque sorte, des objectifs militaires, et eux,

 11   leur but, c'était de cibler les objectifs militaires qui étaient dispersés

 12   dans toute la ville, ce qui créait une impression visuelle d'une attaque

 13   aléatoire sur une grande échelle. Donc, je me souviens très précisément que

 14   j'ai utilisé la formule suivante, à savoir qu'à partir de cet élément de

 15   preuve, l'on pouvait dégager plusieurs conclusions raisonnables et

 16   multiples.

 17   Q.  Alors, que tout soit bien clair. Vous n'êtes pas en train de suggérer

 18   qu'une interprétation est plus raisonnable qu'une autre. Vous n'êtes pas en

 19   train de dire, oui, je suis d'accord pour dire qu'il y ait eu -- qu'il y a

 20   eu pilonnage aléatoire.

 21   C'est cela, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non, non, moi, je n'étais pas présent, je vous le répète. Donc les

 23   personnes qui ont donné leur point de vue, ce qui n'était pas clair pour

 24   moi, c'est que je ne savais pas si ces personnes savaient, en fait, qu'il y

 25   avait dispersion d'objectifs militaires. Moi, je le savais cela, d'où ma

 26   réaction. C'est ce qui a déclenché justement ma réaction. Je pense et je

 27   continue à le dire que vous pouvez, à partir de cette idée, dégager

 28   plusieurs conclusions. Alors, ceci étant dit, je ne sais pas laquelle,

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  1   parmi ces conclusions, est exacte.

  2   Q.  Mais vous dites que ce qui n'est pas clair pour vous, c'est que les

  3   personnes qui ont dégagé ces conclusions étaient conscients du fait qu'il y

  4   avait eu dispersion des objectifs militaires au sein de la ville. Alors,

  5   est-ce que vous avez des raisons de penser qu'eux ne le savaient pas ?

  6   R.  Ce que je sais, c'est qu'il est des personnes qui travaillaient pour

  7   les Nations Unies et qui ont avancé le fait qu'ils avaient l'impression que

  8   toute la ville avait été attaqué par l'artillerie justement.

  9   Q.  Mais est-ce qu'ils vous ont dit, en fait, que certaines de ces

 10   personnes se sont déplacées dans la ville pendant ces attaques ?

 11   R.  Oui, ils me l'ont dit. D'ailleurs, je me souviens qu'il y en a un qui

 12   disait qu'il a conduit pendant -- dans toute la ville. Je pense qu'il

 13   participait à un exercice d'évacuation pendant justement tout ce phénomène

 14   d'attaque contre la ville.

 15   Q.  Est-ce que l'on vous a fourni des informations à propos de ces

 16   personnes qui ont fourni ces informations ? Est-ce qu'elles étaient en

 17   mesure de faire la différence entre des tirs sur des cibles, des tirs

 18   corrigés et des tirs qui sont tout simplement aléatoires ?

 19   R.  Ce que l'on m'a dit, c'est qu'il y avait des membres des Nations Unies

 20   qui observaient les attaques et qui ont indiqué qu'ils avaient l'impression

 21   que la ville entière subissait une attaque.

 22   On ne m'a pas indiqué si cela -- si ces rapports -- si leur

 23   déposition faisait référence à des aspects techniques des tirs

 24   d'artillerie. Vous, vous avez fourni ce terme, "tir," pour avoir un effet

 25   escompté. En fait, lorsque vous tirez de cette façon, vous savez quel

 26   résultat vous voulez obtenir. Donc, quel était le résultat qu'ils voulaient

 27   obtenir ? Moi, ce que je suppose, c'est que si j'observe les effets, les

 28   résultats d'une attaque, vous avez l'effet cinétique d'une attaque

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  1   d'artillerie. Je n'ai pas forcément la maîtrise de tous les éléments de la

  2   situation, je ne sais pas forcément quel est l'effet opérationnel qu'essaie

  3   d'obtenir le commandant. Je ne vois que l'effet cinétique, en fait.

  4   Donc, lorsque vous me dites : est-ce qu'ils vous ont dit si ces

  5   personnes savaient si les tirs ciblaient ou étaient fait pour obtenir

  6   certains effets ou résultats escomptés ou s'il s'agissait de tirs

  7   aléatoires, je n'en sais rien ? Moi, ce que je suppose, c'est qu'ils

  8   n'étaient pas en mesure de le savoir cela, parce qu'ils -- je ne pense pas,

  9   en fait, qu'ils étaient au courant de la planification opérationnelle qui

 10   définissait les résultats que souhaitait obtenir le commandant en question.

 11   Q.  D'après votre réponse, je ne pense pas que vous avez compris, en fait,

 12   cette formule que j'ai utilisée, tir pour résultat. C'est une formule qui a

 13   été utilisée par plusieurs personnes, plusieurs témoins, ici et qui

 14   indique, en fait, qu'il y a, sur une seule cible, plusieurs projectiles qui

 15   arrivent.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais, en fait, soulever une objection

 17   par rapport à cette évaluation.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'une objection vient

 19   d'être soulevée, vous venez de résumer les propos du témoin, Monsieur

 20   Russo, mais il faut que vous soyez plus précis.

 21   M. RUSSO : [interprétation]

 22   Q.  Ecoutez, moi, je vais vous expliquer ce que j'entends par cette formule

 23   "tir pour avoir des résultats." Ce que j'entends, en fait, c'est la

 24   différence qu'il faut tirer entre le fait de tirer un tir pour essayer de

 25   se rapprocher d'une cible et le fait de tirer des tirs multiples, en même

 26   temps, vers ce qui semble être une cible.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Ecoutez, cela n'est pas très pertinent parce

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  1   que le point de vue de M. Russo n'a absolument aucune -- n'est d'aucune

  2   conséquence.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais cela fait partie de sa

  4   question. Donc, s'il a -- il a posé la question au témoin -- à moins que

  5   vous n'êtes en train de me dire, Maître Kehoe, que toutes les questions où

  6   cette formule a été utilisée n'ont pas de pertinence.

  7   M. KEHOE : [interprétation] C'est ce que j'avance parce que -- bon, bien

  8   entendu, cela est pertinent pour la Chambre dans la mesure où le témoin a

  9   quelque chose à dire, mais ce n'est pas pertinent -- enfin, pour ce qui est

 10   de l'opinion exprimée par M. Russo, d'où mon objection.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le terme qui a été utilisé -- la

 13   question qui a été posée par M. Russo pourrait justement prêter à

 14   confusion. Donc, M. Russo a tout à fait le droit de nous fournir une

 15   explication à propos de ce qu'il entend. Alors, pour ce qui est de savoir

 16   si c'est ce que les témoins ont dit ou non, il appartient à la Chambre d'en

 17   décider.

 18   Monsieur Russo, je vous en prie.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Q.  Est-ce que vous comprenez ce que j'entends maintenant lorsque j'utilise

 21   cette formule avec ajustement, donc, pour obtenir des résultats bien précis

 22   ?

 23   R.  Oui, je pense que je comprends. J'insisterais, une fois de plus, sur

 24   quelque chose. Il ne s'agit pas, en fait, de parler, il ne s'agit pas des

 25   détails opérationnels de l'utilisation de l'artillerie.

 26   Ce que vous -- ce que vous entendez, en fait, c'est une formule qui est

 27   assez classique dans notre jargon et qui permet, en fait, d'identifier une

 28   cible, cible dont vous croyez, puisque vous êtes le commandant, que vous

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  1   pouvez obtenir un résultat bien précis, si vous -- si vous utilisez contre

  2   cette cible plusieurs salves d'artillerie. Donc, l'observateur, en fait,

  3   lui, il identifie la cible. Il indique que les tirs peuvent être -- peuvent

  4   commencer. Vous avez le premier tir et puis les -- ou les différentes

  5   salves et à partir du premier tir, l'observateur ou le guetteur ajuste son

  6   tir et c'est cela que l'on appelle "les tirs ajustés." Mais vous voyez,

  7   cela signifie, en fait, que le résultat qui est recherché par le commandant

  8   est un résultat destructeur, mais il est tout à fait possible que le

  9   commandant ne souhaite pas obtenir un résultat destructeur.

 10   Si vous prenez en fait les hypothèses qui figurent dans mon addendum, il

 11   est absolument clair que le général Gotovina et son état-major d'artillerie

 12   savaient en fait qu'ils avaient de gros problèmes de contingence de

 13   munitions. Donc il a déterminé que ce qui était la priorité absolument

 14   c'était la façon d'attaquer pour pouvoir prendre en considération la brèche

 15   qui -- parce qu'en fait, il voulait faire une brèche au niveau des

 16   positions défensives serbes, d'où l'utilisation de l'artillerie contre des

 17   objectifs militaires à Knin qui a été menée à bien à partir d'une économie

 18   des forces, et l'effet obtenu n'est probablement pas la destruction.

 19   Ce qui est implicite dans votre question, d'ailleurs. Je suppose en fait --

 20   les témoins ont supposé que le général souhaitait obtenir une destruction,

 21   mais je ne pense pas en fait qu'ils puissent savoir si cela était le

 22   résultat escompté.

 23   Il y a eu deux ou trois salves qui ont été tirées pour justement permettre

 24   d'ajuster les tirs dans ce contexte.

 25   Q.  Je pense avoir compris votre réponse, Professeur. Mais corrigez-moi si

 26   je ne m'abuse, mais dans ce que vous dites, vous partez d'une prémisse pour

 27   avancer ce que vous dites, à savoir les observateurs des Nations Unies

 28   n'ont pas vu ces tirs ajustés, ils ne se sont pas rendu compte qu'il y

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  1   avait toute une série de tirs et de projectiles qui atterrissaient sur une

  2   cible bien particulière après qu'il y ait eu correction de tirs.

  3   Je vais terminer.

  4   Donc on a l'impression en fait que vous dites que le général Gotovina

  5   n'avait pas l'intention de détruire des objectifs et que donc il n'aurait

  6   pas tiré un volume important de projectiles sur une cible donnée. Par

  7   conséquent, que toute personne qui aurait vu cela, ce que j'appelle moi des

  8   tirs ajustés, aurait pu en conclure qu'il s'agissait tout simplement de

  9   tirs aléatoires avec un tir ici et là.

 10   Est-ce que j'ai bien compris la dernière partie de votre réponse ?

 11   R.  J'aimerais vous répondre par une question : est-ce que j'ai bien

 12   compris ce que vous, vous entendez par tir ajusté ?

 13   Parce qu'en fait, j'aimerais revenir sur ce qui est important dans ma

 14   réponse pour répondre à la dernière partie de votre question. Parce que je

 15   ne pense pas que des personnes qui observent les résultats cinétiques des

 16   tirs d'artillerie à Knin auraient pu connaître l'effet opérationnel qui

 17   était escompté par ces tris.

 18   Alors ce qui est clair pour moi et ce qui est absolument manifeste

 19   dans l'addendum c'est que le QG, par exemple, était considéré comme une

 20   cible extrêmement prioritaire du fait de sa fonction, commandement,

 21   renseignement, communication et contrôle. Donc ce n'est pas une surprise

 22   pour moi de savoir que des personnes qui ont observé l'attaque sur Knin ont

 23   vu quelque chose qui correspond beaucoup plus à votre définition de tirs

 24   ajustés, lorsqu'il y a donc des tirs contre un QG, il y a par opposition

 25   des tirs sur un autre secteur. Mais pour répondre à votre question en fait,

 26   je pense que l'on pourrait conclure de façon rationnelle si l'on observe

 27   l'effet cinétique qu'un tir qui n'est pas suivi par une attaque beaucoup

 28   plus lourde ou par une salve justement, donc que cela en fait ne correspond

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  1   pas à leur supposition qui est que les premiers tirs ont été faits pour

  2   justement ajuster les tirs. Donc ils ne savent pas en fait si la première

  3   salve a été effectuée à des fins d'ajustement ou pour tout simplement

  4   tirer.

  5   Q.  Maintenant c'est clair. Je vous remercie.

  6   Mais on vous a fait part de l'opinion de personnes qui ont observé

  7   l'attaque, ils pensaient qu'il s'agissait de tirs aléatoires sur toute la

  8   ville, et je comprends pourquoi vous avez, à juste titre d'ailleurs, arrêté

  9   la Défense, à ce moment-là, et indiqué ce que vous, vous entendiez et

 10   quelles étaient les conclusions qui pouvaient être dégagées.

 11   Mais ce qui m'intéresse beaucoup plus c'est si vous avez demandé des

 12   éléments de preuve, parce que si quelqu'un vous dit : un témoin de cet

 13   événement a indiqué qu'il lui semblait qu'il s'agissait d'une attaque

 14   aléatoire dans toute la ville, il me semble que vous auriez pu demander des

 15   informations. Des informations du style, est-ce que cette personne savait

 16   quelles étaient les cibles ? Combien de personnes ont avancé ce point de

 17   vue ? Est-ce que ces personnes, comme vous l'avez dit, étaient au courant

 18   des objectifs opérationnels ? Quelles étaient leurs compétences pour

 19   présenter ce point de vue ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 21   M. KEHOE : [interprétation] J'ai déjà soulevé une objection. En fait,

 22   maintenant je soulève une objection par rapport à la façon dont la question

 23   est posée, il présente des opinions et ensuite il termine par une question

 24   au témoin.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corn, voilà ce que M. Russo

 26   aimerait savoir.

 27   Apparemment, vous avez interrompu la Défense qui vous fournissait une

 28   explication qui était une explication rationnelle et qui aurait pu indiquer

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  1   que les personnes qui avaient observé la situation auraient pu dégager des

  2   interprétations erronées de la situation.

  3   Alors M. Russo voudrait savoir : pourquoi est-ce que vous les avez

  4   interrompus ? Pourquoi est-ce que vous ne leur avez pas demandé des

  5   informations ou des renseignements supplémentaires, que savaient ces

  6   personnes, et cetera, et cetera ?

  7   Apparemment, c'est ce que M. Russo souhaiterait savoir, si j'ai bien

  8   compris la question de M. Russo.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, Monsieur le

 10   Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répondre

 12   alors ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Les informations qui m'ont été données ne

 14   correspondaient pas aux détails formulés par M. Russo lorsqu'il a posé la

 15   question. Il m'a été dit qu'il y avait des personnes qui travaillaient pour

 16   les Nations Unies qui avaient dit qu'ils avaient eu l'impression que la

 17   ville entière faisait l'objet d'une attaque. Il ne s'agissait pas

 18   d'attaques aléatoires, il ne s'agissait pas d'utilisation aléatoire

 19   d'artillerie. Ils ont dit qu'il semblait que la ville entière faisait

 20   l'objet d'une attaque. C'est ce qui m'a été dit. Alors à ce moment-là --

 21   alors peut-être que, je ne sais pas, j'étais un peu trop enthousiaste. Je

 22   me suis un peu trop emballé. Mais j'ai eu cette idée qui m'est passée par

 23   la tête parce que je savais qu'il y avait des objectifs militaires

 24   disséminés dans toute la ville et j'ai dit : voilà, il y a une explication

 25   logique à cela.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais je pense que M. Russo vous

 27   pose une question en fait, parce que d'un côté, nous avons l'impression

 28   qu'au vu de votre expérience, vous auriez dû savoir que cela n'était pas

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  1   toute la déposition du témoin, il est évident que le témoin nous aurait dit

  2   l'impression qu'il avait eue, mais on lui aurait également demandé où il se

  3   trouvait exactement, s'il s'était déplacé dans la ville, ce qu'il avait pu

  4   observer, ce qu'il savait. En d'autres termes, de nombreuses questions

  5   techniques et détaillées lui auront été posées, et les réponses à ces

  6   questions auraient été un critère qui vous aurait permis en fait de mettre

  7   à l'épreuve l'explication possible.

  8   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Russo aimerait savoir pourquoi vous

 10   vous êtes arrêté au début de cette conversation et que vous n'avez pas

 11   essayé d'obtenir --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de plus amples renseignements, n'est-

 14   ce pas ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   Lorsque j'ai dit que je les ai interrompus, je les ai interrompus

 17   lorsqu'ils ont dit que les gens avaient dit qu'ils avaient l'impression que

 18   toute la ville avait fait l'objet d'attaques. Il me semble que par la suite

 19   je leur ai demandé où ils se trouvaient. Donc c'est pour cela qu'il m'a été

 20   dit qu'il y avait une personne qui avait conduit dans toute la ville, je

 21   pense qu'il m'avait été dit qu'il avait essayé de récupérer les réfugiés ou

 22   d'aider à l'évacuation de réfugiés, puis il y en avait d'autres qui se

 23   trouvaient dans un immeuble et qui regardaient l'attaque. Alors cet

 24   immeuble, d'après mes souvenirs, ne se trouvait pas au centre de la ville,

 25   mais se trouvait à la périphérie de la ville. De cela je m'en souviens en

 26   fait, donc de ce fait, c'est pour cela qu'ils ont eu cette impression.

 27   Mais avec le recul maintenant, je pense que toutes les informations que

 28   j'ai obtenues je les ai obtenues à ce moment-là, parce qu'eux, ils étaient

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  1   présents; moi, je n'y étais pas, je n'étais pas sur les lieux. Je ne suis

  2   pas forcément en train de contredire les conclusions auxquelles ils sont

  3   parvenus à partir de leurs observations. Tout ce que je me suis contenté de

  4   faire c'est de montrer à la Défense que moi je pensais que du fait de la

  5   dispersion des objectifs militaires dans la ville, il se pouvait qu'il y

  6   ait une autre explication. Voilà, nous nous en sommes tenus à cela.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  8   Poursuivez, Monsieur Russo.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Q.  Professeur, en réponse à une question posée par M. le Juge Orie, page

 11   19 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, lignes 18 à 19, vous avez dit

 12   :

 13   "Il m'avait été dit qu'il y avait des personnes qui travaillaient pour les

 14   Nations Unies et qui avaient indiqué qu'ils avaient l'impression que toute

 15   la ville faisait l'objet d'attaques et qu'il n'y avait pas, et qu'il ne

 16   s'agissait pas d'attaques aléatoires ou d'utilisation aléatoire de

 17   l'artillerie."

 18   Mais vous conviendrez quand même que si toute la ville fait l'objet d'une

 19   attaque, il s'agit d'une attaque aléatoire ?

 20   R.  Mais tout dépend en fait de la présence d'objectifs militaires dans la

 21   ville et de l'endroit où ils se trouvaient.

 22   Q.  Oui, mais ce que je vous dis enfin --

 23   R.  Ce que je vous dis c'est qu'ils n'ont pas dit, ces témoins ont dit

 24   qu'il s'agissait d'attaques aléatoires.

 25   D'ailleurs, maintenant je ne me souviens pas s'il s'agissait des

 26   témoins qui me l'ont dit ou si je l'ai lu dans le rapport. Mais

 27   l'impression qui s'en dégageait c'est qu'ils avaient eux l'impression que

 28   toute la ville était attaquée.

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  1   Q.  Oui, mais, moi, voilà ce que j'essaie de comprendre. Ils vous ont dit

  2   que ce qu'ils avaient vu, enfin ce qu'ils avaient vu était de telle nature

  3   que cela aurait dû faire l'objet d'une enquête un peu plus poussée, n'est-

  4   ce pas ?

  5   R.  D'après ce que j'ai compris des positions de l'ennemi, donc s'il y

  6   avait un objectif militaire dans la ville, disons par exemple le QG du

  7   corps et vous avec un témoin qui dit : j'ai eu l'impression que toute la

  8   ville était attaquée, alors, bien entendu, là, on est en droit de se poser

  9   des questions.

 10   Mais ma réaction en fait s'est fondée sur le fait ou sur ce qui m'a été

 11   montré; bon il y a des suppositions qui ont été présentées, des prémisses,

 12   des faits et à savoir l'ennemi avait placé dans Knin différents objectifs

 13   militaires qui se trouvaient dans toute la ville, donc il n'y avait pas un

 14   seul secteur bien précis pour les objectifs militaires. Il y avait des

 15   objectifs militaires disséminés dans toute la ville, et l'ennemi avait

 16   placé ainsi des objectifs qui étaient extrêmement importants dans la ville

 17   et avait donc créé l'impression que la ville était quelque chose qu'il

 18   fallait protéger.

 19   En fait, moi, je me suis imaginé, je me suis mis dans la position de

 20   quelqu'un qui imaginait les effets cinétiques de ces tirs d'artillerie à

 21   déflagration importante qui sont dirigés vers les objectifs militaires de

 22   l'ennemi dans toute la ville et je me suis dit il se peut qu'il existe une

 23   autre explication pour cette situation.

 24   Q.  Professeur, d'après ce que vous savez donc la dispersion des objectifs

 25   militaires dans toute la ville, est-ce que vous pensez qu'il aurait été

 26   licite de pilonner toute la ville pour pouvoir supprimer ces objectifs

 27   militaires, parce que j'ai l'impression quand même que c'est un élément qui

 28   est implicite dans votre réponse ?

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  1   R.  J'aimerais vous rappeler mon premier rapport. Ma réponse est absolument

  2   catégorique; elle est négative, parce que cela est interdit par le droit

  3   humanitaire international. Vous ne pouvez pas -- en fait, lorsque vous avez

  4   des objectifs militaires disséminés dans un secteur civil, vous ne pouvez

  5   pas considérer qu'il s'agit, que cela fait un correspond à un objectif

  6   important. Vous avez le protocole additionnel numéro un qui interdit en

  7   fait cette pratique de bombardements généraux pendant la Deuxième Guerre

  8   mondiale, pendant la guerre du Vietnam, et je dirais que c'est

  9   véritablement l'une des valeurs fondamentales du droit humanitaire

 10   international. Il est absolument mal avisé pour ne pas dire indu de

 11   considérer comme un seul militaire objectif un secteur où l'ennemi a

 12   dispersé des objectifs militaires au milieu de la population civile.

 13   Q.  Je vous remercie. Alors au vu de ce que vous savez à propos donc de

 14   cette dispersion d'objectifs militaires dans Knin, vous conviendrez quand

 15   même qu'il y avait certains quartiers de la ville qui ne se trouvaient pas

 16   près des objectifs militaires ?

 17   R.  Il y a certainement des quartiers de la ville qui ne faisaient, enfin

 18   qui ne relevaient pas de la catégorie des objectifs militaires licites.

 19   Mais vous avez fait référence à la marge éventuelle d'erreurs, et en fait

 20   cela d'ailleurs est une question qui est posée par l'addendum du

 21   lieutenant-colonel Konings --

 22   Q.  Non, non, non. J'aimerais dans un premier temps que vous répondiez à la

 23   question que je vous ai posée.

 24   R.  Ecoutez, je ne peux pas répondre à votre question sans pour autant vous

 25   dire ce que je pense de votre définition d'une erreur probable, et je ne

 26   suis pas sûr que je sois d'accord avec vous.

 27   Q.  Je vais vous donner la possibilité de revenir là-dessus et d'exprimer

 28   votre désaccord. Mais ce que j'aimerais savoir c'est ce qui suit donc :

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  1   vous avez donc les objectifs militaires, le lieu où se trouve ces objectifs

  2   militaires dans la ville. Si vous dessinez autour de ces objectifs

  3   militaires, ce que j'appelle la gamme probable d'erreurs avec les armes qui

  4   sont utilisées pour tirer sur la ville, est-ce que cela comprendrait toute

  5   la ville ?

  6   M. KEHOE : [interprétation] Ecoutez, ça n'a pas été la première question

  7   qui a été posée et je dirais en fait que l'Accusation n'a absolument

  8   présenté pendant la présentation de ses moyens à charge aucune preuve pour

  9   ce qui est de cette marge probable d'erreurs.

 10   M. RUSSO : [interprétation] C'est une question ou c'est une observation,

 11   Monsieur le Président ?

 12   M. KEHOE : [interprétation] C'est une objection à propos de la façon dont

 13   le Procureur pendant la présentation des moyens à charge a présenté cette

 14   marge probable d'erreurs. C'était à eux que revenait le fardeau de la

 15   charge plutôt de présenter cela. S'il pensait que cela était véritablement

 16   un problème. Tout simplement cela n'a pas été un problème, l'Accusation en

 17   fait n'a absolument pas présenté d'arguments à ce sujet, donc il n'y a

 18   aucune base pour poser cette question.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Je vais répondre.

 20   Pour ce qui est des éléments de preuve, je fais référence au rapport du

 21   lieutenant-colonel Konings. Vous avez également des positions de Marko

 22   Rajic ainsi que la déposition d'un capitaine -- dont l'interprète n'a pas

 23   saisi le nom -- et il y a probablement des marges d'erreurs pour ce qui est

 24   de certaines des armes qui ont été utilisées contre Knin.

 25   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de revenir à la déposition de

 27   ce témoin.

 28   Vous pouvez lui poser une question, Monsieur Russo, et vous lui avez une

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  1   question, Monsieur Russo, et le témoin vous a dit qu'il y avait

  2   certainement certains quartiers de la ville qui ne pourraient pas être

  3   considérés comme des cibles militaires légitimes.

  4   Alors à partir de cette idée. Voyons dans un premier temps si le

  5   témoin indique s'il existe des quartiers qui ne peuvent pas faire l'objet

  6   d'attaques licites, ce qui me semble être un point de départ extrêmement

  7   important pour ce qui est de la réponse à votre question.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Je suis d'accord.  

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez poser davantage de

 10   questions à ce sujet, faites-le non pas en formulant de façon différente

 11   votre question, mais vous pourrez peut-être lui poser quelques questions de

 12   suivi au témoin.

 13   M. RUSSO : [interprétation] Oui, c'est ce que je vais faire.

 14   Q.  Alors prenons donc comme prémisse votre observation, à savoir il y

 15   avait certains quartiers de la ville de Knin qui n'étaient, ne

 16   correspondaient pas à des objectifs militaires légitimes pour des tirs

 17   d'artillerie. Ça c'est une première partie de votre évaluation. Donc est-ce

 18   qu'il y a une différence entre le fait que l'on cible ces quartiers ou ces

 19   secteurs de façon intentionnelle et une -- entre la façon -- et les effets,

 20   et une différence entre les effets de l'artillerie ?

 21   Parce que je pense que vous conviendrez qu'il y a une différence,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Je vais essayer d'être clair. Un objectif militaire licite est la seule

 24   chose qui peut inciter un commandant à utiliser de façon délibérée cet

 25   objet pour une attaque. Lorsque nous utilisons le terme "cible," cela

 26   signifie qu'il y a une décision qui a été prise par un chef opérationnel

 27   qui décide que tel objet deviendra l'objet d'une attaque.

 28   Seul les objectifs militaires licites dans Knin auraient pu être considérés

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  1   comme une cible, auraient pu être ciblés de façon absolument légale par le

  2   général Gotovina et par ses commandants subordonnés et son état-major. Les

  3   effets de l'artillerie comme nous le savons, on ne peut pas toujours

  4   établir en fait une corrélation directe entre les effets de l'artillerie et

  5   la cible qui fait l'objet de l'artillerie et je pense aux premiers tirs en

  6   fait. Donc vous me demandez en fait s'il y avait une marge probable

  7   d'erreurs, et si je pourrais faire un cercle autour d'un objectif militaire

  8   qui doit être considéré comme tout à fait licite. Vous voulez savoir en

  9   fait s'il y a eu des objets ou des cibles d'attaques intentionnelles qui ne

 10   correspondaient pas à des objectifs militaires licites.

 11   C'est cela, n'est-ce pas ? C'est ce que vous suggérez ? 

 12   Q.  Non.

 13   R.  Ah bon.

 14   Q.  Si quelqu'un affirme que la ville de Knin a été pilonnée --

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  -- donc quelqu'un affirme cela. Vous serez d'accord avec moi pour

 17   admettre qu'on peut l'expliquer juste de quelque manière uniquement,

 18   premièrement, qu'on avait l'intention de toucher différentes cibles qui

 19   s'étendent sur toute la ville.

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   Q.  Puis vous, vous êtes en train de me dire qu'il y a peut-être une autre

 22   raison qui n'a rien à voir avec l'intention, et qui aurait pu donner le

 23   même résultat.

 24   R.  Encore une fois, ce qu'on m'a dit c'est qu'un témoin aurait dit que ça

 25   semblait être le cas, que toute la ville de Knin avait été pilonnée. Alors

 26   dans votre question telle que vous l'avez reformulée vous présentez cela

 27   comme étant un fait. Mais c'était une perception. C'est ce qu'on m'a dit.

 28   Un témoin qui s'est trouvé sur les lieux a eu la sensation, a eu

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  1   l'impression que toute la ville était attaquée.

  2   Donc vous avez raison si on corrobore cette perception du témoin, ou

  3   si le Juge du fait devant ce Tribunal arrive à la conclusion que, sur la

  4   base de cette perception, on peut arriver à la conclusion qu'il y a eu

  5   pilonnage sur la ville toute entière, ceci nous permettrait de penser qu'il

  6   y a eu une attaque sans distinction, parce que j'ai dit avant qu'il y avait

  7   des objectifs militaires éparpillés de par la ville mais cela ne permet pas

  8   de dire que toute la ville était une cible militaire.

  9   Donc ce que j'ai dit c'était lorsque j'ai réagi à l'affirmation qu'il

 10   y avait une explication autre alternative, il y avait une alternative pour

 11   cette perception lorsque vous observez les faits cinétiques des projectiles

 12   d'artillerie qui sont tirés de manière simultanée dans un effort coordonné

 13   afin de couper la capacité de l'ennemi de voir le champ de bataille, de

 14   manœuvrer, de se réapprovisionner, et d'apporter des renforts. Ça peut être

 15   une attaque intense tous les matins vers l'aube, par exemple, et l'effet

 16   cinétique de l'artillerie est exacerbé parce qu'il n'y a pas de lumière

 17   naturelle, parce que vous voyez des éclairs dues à l'impact des projectiles

 18   d'artillerie, et cetera.

 19   C'est ce que j'ai expliqué au conseil de la Défense

 20   lorsqu'il en a été question -- lorsqu'ils m'ont dit cela.

 21   Q.  Je vous remercie, Professeur. Je pense que j'ai compris votre position.

 22   Je vais vous la résumer.

 23   On vous a soumis la perception de quelqu'un ils pensaient donc c'est

 24   quelque chose qui a été observé par le témoin, et vous les avez arrêtés

 25   immédiatement en disant : il y a là deux possibilités. Premièrement, ils

 26   peuvent avoir raison sur ce qu'ils ont vu; deux, ils peuvent faire erreur.

 27   Est-ce que j'ai raison ?

 28   R.  Non, premièrement, ils peuvent avoir raison; deuxièmement, ils peuvent

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  1   se tromper. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de déduction

  2   rationnelle que l'on puisse tirer de cela.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'en est pas nécessairement ainsi.

  4   Donc ce n'est pas nécessairement ce que vous pensez.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela.

  6   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  7   M. RUSSO : [interprétation]

  8   Q.  Vous avez dit donc que :

  9   "Il y avait des cibles militaires éparpillées de par la ville mais

 10   que cela ne rend pas la ville toute la ville une cible militaire."

 11   Alors vous serez d'accord avec moi, pour dire que si le général Gotovina

 12   décidait d'attaquer toute la ville comme étant une cible militaire, cette

 13   attaque serait illicite ?

 14   R.  Expliquez-moi comment vous transformez toute la ville en cible

 15   militaire ?

 16   Q.  J'ai l'impression que vous anticipez. Mais répondez tout d'abord sur ma

 17   première question.

 18   R.  Si le général Gotovina a donné l'ordre à ses subordonnés un ordre dans

 19   l'intention était qu'il fallait le comprendre comme étant une directive,

 20   instruction d'attaquer toute la ville parce qu'il y avait plusieurs

 21   objectifs, plusieurs cibles militaires dispersés de par la ville, bien, là,

 22   cet ordre n'aurait pas été correct.

 23   Q.  Il me semble que vous anticipez sur la suite de ma question.

 24   Mais vous avez vu l'ordre d'attaque du général Gotovina, l'ordre où il

 25   s'adresse à ses forces d'artillerie il leur dit d'ouvrir le feu

 26   d'artillerie sur la ville de Knin.

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   Q.  Vous avez vu cela, vous avez vu également ce que le document qui émet

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  1   le général de brigade Rajcic, c'est un document de suivi où il donne

  2   l'ordre "de pilonner la ville de Knin."

  3   Vous avez vu cela ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous me dites que ces ordres ne vous permettent pas d'affirmer que la

  6   ville de Knin était devenue la cible des tirs d'artillerie ?

  7   R.  Là encore, je pense que plusieurs possibilités d'interprétations sont

  8   offertes par ces documents.

  9   Je ne pense pas que ce soit la formulation idéale. Mais si j'avais analysé

 10   cet ordre je me serais adressé au commandant et je lui aurais dit : il faut

 11   revoir la terminologie. Donc c'était la pratique habituelle, parce qu'à un

 12   niveau, à un échelon élevé de commandement, vous arrivez à un point où on

 13   ne s'exprime pas de manière tout à fait précise, vous avez -- je ne sais

 14   pas combien de juristes en uniforme dans l'armée américaine, plus 500

 15   d'entre eux seront déployés sur le terrain et ils vont vérifier ce qui en

 16   est du langage dans les ordres.

 17   Donc lorsque j'ai vu cela, de toute évidence, je me suis posé la question,

 18   et je pense qu'il faut le replacer dans un contexte plus large.

 19   Il y a eu une partie de la déposition lorsque Rajcic a déposé où il est

 20   question du fait que le général Gotovina aurait souligné que la priorité

 21   était de ne pas prendre des civils pour cible. Il y a eu une discussion

 22   entre le général Gotovina et son commandant politique, à savoir le

 23   président, c'est au tout début des transcriptions de Brioni où le président

 24   souligne l'importance tout à fait primordiale du fait de ne pas perdre

 25   l'appui, le soutien de la communauté internationale, et il me semble qu'il

 26   dit : il convient de s'assurer que l'opération est menée d'une manière

 27   professionnelle.

 28   Je sais que le général Gotovina sortait de la Légion étrangère française

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  1   donc avant de devenir commandant en Croatie. Donc lorsqu'on garde tout cela

  2   à l'esprit on est amené à se poser la question de savoir ce que constitue

  3   une exécution professionnelle d'une opération lorsque son président lui dit

  4   cela, un commandant opérationnel donc lorsqu'il lui dit : il nous faut

  5   préserver le soutien de la communauté internationale et il faut faire en

  6   sorte que l'opération est menée professionnellement, en 1995, dans les

  7   Balkans. Qu'est-ce que cela veut dire "quel est l'état d'esprit sous-

  8   jacent" ?

  9   Vous avez une guerre qui est en cours. On ne va pas mener une opération

 10   contre un centre de gravité stratégique sans bien la planifier, et il est

 11   clair que les objectifs militaires à l'intérieur de la ville de Knin

 12   étaient identifiés. Il est clair que le général Gotovina avait des

 13   problèmes d'approvisionnement en munition, et l'effort principal

 14   prioritaire était d'apporter l'appui à l'effort tactique qui était

 15   primordial.

 16   Donc la perception que toute la ville de Knin était attaquée, il me semble

 17   si on sort cela de contexte effectivement, ça nous amène à nous poser des

 18   questions; mais si vous replacez cela dans un contexte plus large, cela

 19   vous permet d'arriver à plusieurs conclusions différentes sur la base de

 20   cette formulation-là.

 21   Q.  Mais entre le début et la fin de votre réponse, il semble que vous êtes

 22   d'accord pour dire que la terminologie employée par le général Gotovina

 23   ouvre la voie à plusieurs explications. Une des explications possibles est

 24   qu'il voulait que toute la ville de Knin soit pilonnée ?

 25   R.  Si vous dites, "attaquez la ville," de toute évidence, une des

 26   conclusions que l'on peut tirer de cela est qu'effectivement, c'était l'une

 27   des intentions.

 28   Q.  Vous dites, si vous étiez conseiller juridique et que vous étiez appelé

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  1   à revoir la terminologie de cet ordre et si vous lui disiez qu'il fallait

  2   donc revoir la terminologie employée, vous lui diriez de faire cela parce

  3   que, sinon, l'exécution explicite de l'ordre aurait mené à la commission

  4   d'un crime.

  5   R.  La raison est que je ne voudrais pas qu'il y ait des incertitudes sur

  6   l'intention.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   M. KEHOE : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 10   M. KEHOE : [interprétation] Si nous parlons d'incertitude pour ce qui est

 11   de cet ordre, je pense que le mieux serait d'afficher le document 1125 et

 12   de savoir exactement de quoi on parle.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, on peut examiner le

 14   document. Mais d'après ce que j'ai compris dans la déposition du Pr Corn,

 15   il semblerait la chose suivante : afin de comprendre exactement ce qui

 16   était entendu, ce ne serait peut-être pas la meilleure idée que de se

 17   polariser uniquement sur cette ligne-là contenue dans l'ordre ou ces lignes

 18   dans ces ordres parce que pour arriver à la bonne interprétation, il

 19   faudrait replacer les choses dans un contexte plus large avant de formuler

 20   une opinion finale sur la manière dont il convient de comprendre cet ordre.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je ne m'oppose pas à ce

 23   que l'on se penche sur les termes employés dans le document, mais la valeur

 24   n'en sera que limitée par rapport à ce que vous semblez chercher à

 25   atteindre.

 26   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'est la manière dont j'ai compris

 28   le témoin. Monsieur Russo, j'essayais de retrouver la référence précise.

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  1   Donc, ça ne ferait pas de mal, en fait, de regarder ce qui est dit

  2   dans le texte. En fait, ça pourrait être utile.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Le témoin, de toute évidence, sait très

  4   précisément de quoi je parle. Il sait de quelle partie du texte je parle,

  5   de quels termes. Si Me Kehoe souhaite poser des questions supplémentaires

  6   là-dessus --

  7   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] 

  8   M. RUSSO : [interprétation] -- il est libre de le faire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, si vous avez bien

 10   compris ce que j'allais dire, ce serait peut-être utile que tout un chacun

 11   sache exactement quels sont les mots qui ont été utilisés.

 12   M. RUSSO : [interprétation] Tout à fait. Je ne m'oppose pas à ce que l'on

 13   examine l'ordre. Il s'agit de la pièce P1125. En anglais, page 14, me

 14   semble-t-il.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous verrons ça s'afficher à

 16   l'écran. Veuillez poursuivre.

 17   M. RUSSO : [interprétation]

 18   Q.  Essayons d'avancer pas à pas.

 19   Nous pouvons donner lecture à partir du moment où ce sera affiché. Donc,

 20   nous voyons en bas, à l'écran :

 21   "Regroupez et organisez les TS et les TRS-2 le long des axes principaux

 22   d'attaque, se polariser sur l'appui artillerie aux forces principales

 23   engagées dans l'opération offensive" -- et puis plusieurs directions sont

 24   indiquées, comment -- "il indique comment il entend faire cela. Donc,

 25   premièrement, fournir -- premièrement, des attaques puissantes contre les

 26   forces de l'ennemi, le long de la ligne de front. Poste de commandement.

 27   Centres de communication. Puis, tirer sur les positions d'artillerie, et

 28   puis ouvrir le feu d'artillerie sur les villes de Drvar, Knin, Benkovac,

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  1   Obrovac et Gracac."

  2   Donc, Professeur Corn, il y a donc les -- prenons le numéro 5, prenons

  3   cette formulation comme étant une explication explicite, donc en plus de

  4   tout ce que je vous ai demandé de garder à l'esprit, donc le fait d'ouvrir

  5   le feu sur des centres de Communication, positions d'artillerie, les villes

  6   de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac doivent faire l'objet de tirs

  7   d'artillerie. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire

  8   qu'explicitement, il s'agit d'un ordre d'attaquer de manière illicite les

  9   villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac ?

 10   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec vous parce que vous pensez que vous

 11   pouvez le sortir du contexte.

 12   Q.  Professeur --

 13   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux terminer ?

 15   M. RUSSO : [interprétation]

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'interprétation française était quatre

 18   ou cinq lignes derrière vous, Monsieur Russo, et c'est la raison pour

 19   laquelle j'ai essayé de vous arrêter.

 20   Ralentissez, s'il vous plaît, votre débit.

 21   Maintenant, vous pouvez terminer votre question.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que le

 23   témoin a terminé sa réponse avant qu'il y ait eu une nouvelle question de

 24   M. Russo. Le témoin s'est arrêté parce que, Monsieur le Président, vous

 25   avez demandé une pause pour l'interprétation et le témoin souhaitait

 26   ajouter un commentaire.

 27   M. RUSSO : [interprétation] J'ai posé une question directe et le témoin m'a

 28   répondu directement. Donc, je lui ai demandé s'il était d'accord. Il

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  1   n'était pas d'accord, il voulait fournir une explication. Mais je voudrais,

  2   tout d'abord, qu'il réponde à ma question.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était -- la suivante, vous

  4   lui avez donné -- fourni des suggestions, et puis, vous avez dit : "Correct

  5   ?"

  6   Le témoin vous a dit :

  7   "Non, je ne serais pas d'accord avec cela." C'est la réponse à votre

  8   question."

  9   Puis le témoin a commencé à expliquer sa réponse et je pense qu'il convient

 10   de l'entendre par rapport au nombre de questions que vous lui avez

 11   soumises. Vous avez dit :

 12   "Pour commencer, Professeur Corn, parce que je ne pense pas qu'on

 13   puisse sortir cela du contexte, est-ce que vous souhaitez ajouter quelque

 14   chose ?"

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le conseil m'a demandé si j'étais d'accord sur

 16   le fait que cette formulation -- je ne vois plus ça à l'écran, mais donc,

 17   que cette formulation, que cette terminologie signifiait que c'est un ordre

 18   qui lançait -- qui donnait l'ordre de lancer une attaque illégale. J'ai dit

 19   que je n'étais pas nécessairement d'accord avec cela, que ce serait une

 20   conclusion qu'on pourrait tirer sur la base de la formulation, mais lorsque

 21   je me penche sur cette formulation, je la replace dans un contexte plus

 22   large, et dans ce contexte, ce que je vois, c'est que le commandant oriente

 23   ses moyens d'appui artillerie sur des objectifs tactiques et des objectifs

 24   opérationnels.

 25   Donc la question que vous m'avez posée, Monsieur Russo, se fonde sur une

 26   hypothèse, à savoir que le poste de commandement et le centre de

 27   communication ne peuvent exister que dans la ville de Knin. Donc, que

 28   placer -- qu'attaquer Knin ne peut signifier que le fait qu'on veut

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  1   attaquer des cibles qu'on a déjà identifiées. Mais de la manière dont, moi,

  2   je l'interprète, parce qu'avant j'ai travaillé dans le renseignement, dans

  3   le domaine tactique, je pense que les postes de commandement, les centres

  4   de Communications existent dans des zones rapprochées de combat et à

  5   l'arrière. Donc comment est-ce que je lis la suite du paragraphe ? Il se

  6   polarise sur les faits tactiques de l'appui feu.

  7   Donc, ma réponse est par l'affirmative : oui, c'est une des conclusions

  8   possibles sur la base de cette formulation, l'ordre, donc, d'attaquer toute

  9   la ville. Ça, c'est une conclusion possible. Mais je ne pense pas que le

 10   contexte plus large confirme cette hypothèse ou cette déduction.

 11   M. RUSSO : [interprétation]

 12   Q.  Je vous remercie, Professeur. Je voulais qu'on se concentre sur votre

 13   accord. Donc, vous êtes d'accord qu'une conclusion possible sur la base de

 14   cette formulation est de -- que l'on donne l'ordre d'attaquer toute la

 15   ville et je vous demande de nous confirmer que si cette interprétation --

 16   cette explication est la bonne, cet ordre émis par le général Gotovina est

 17   l'ordre de mener une attaque illicite sur ces villes ?

 18   R.  Cela peut être compris de cette manière-là, mais quant à savoir si

 19   telle était l'intention, je pense que c'est une autre question. Mais,

 20   effectivement, c'est une conclusion possible que l'on peut tirer de cela.

 21   Q.  Très bien.

 22   M. RUSSO : [interprétation] P1205, s'il vous plaît, à présent.

 23   Q.  Avant de continuer, de la manière dont vous interprétez l'ordre que

 24   nous avons examiné, vous dites qu'il est possible que lorsque le général

 25   Gotovina dit : "Tirez sur des postes de commandement, postes de

 26   communication, positions d'artillerie et ouvrir le feu sur les villes de

 27   Drvar, Obrovac, Benkovac, Gracac," et cetera, vous dites que l'un des

 28   interprétations possibles est qu'il cherche à communiquer à ses

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  1   subordonnés, qu'il veut que l'artillerie attaque les postes de

  2   commandement, les centres de Communication et positions d'artillerie dans

  3   ces villes.

  4   Est-ce que j'ai bien compris ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  D'accord. Alors…

  7   R.  Dans un contexte plus large de l'appui feu à l'opération, il est clair

  8   que l'effort prioritaire de l'appui feu est d'apporter l'appui feu au

  9   combat. L'offensive, le début d'action contre des lignes de défense

 10   établies, lorsque vous avez une bataille rapprochée, vous allez vous servir

 11   de l'artillerie pour un appui feu, il vous faut vous servir de cette

 12   artillerie non seulement contre les défenses, mais contre les 3CI et la

 13   logistique qui existe à proximité de ce combat rapproché. Donc c'est un

 14   principe de base dans des opérations militaires.

 15   Donc je le lis dans un contexte plus large, une conclusion possible est que

 16   vous avez des objectifs militaires à Knin qui ont été identifiés avant que

 17   l'ordre ne soit émis, et il dit à ses subordonnés qui ont la charge de

 18   l'artillerie, Placez ces objectifs sous l'attaque afin d'apporter un appui

 19   à l'opération plus large. Donc il se polarise sur les objectifs qui ont à

 20   voir avec le combat rapproché parce que c'est sa priorité.

 21   Q.  Mais si ce que vous nous dites, Professeur, est vrai, alors dites-nous

 22   : pourquoi, de votre point de vue, il ne dit pas : et attaquer par

 23   l'artillerie les cibles militaires à Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac, et

 24   Gracac ? Parce que cela éclaircirait la chose, pourquoi il ne le dit pas ?

 25   R.  Premièrement, comment voulez-vous que je vous dise ce qu'il avait à

 26   l'esprit, ce serait des conjectures ? Mais ce que je peux vous dire sur la

 27   base de mon expérience, parce que j'ai fourni des conseils juridiques aux

 28   commandants militaires, qu'il y a toute une série d'explications possibles.

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  1   Premièrement, je doute que le général Gotovina ait rédigé le document lui-

  2   même. Peut-être qu'il l'a fait. Mais le plus souvent ce n'est pas le

  3   commandant qui rédige. C'est l'officier chargé de l'opération qui le fait.

  4   Le commandant de toute évidence il signe l'ordre. Donc il se fonde sur le

  5   fait que l'officier opérationnel sait comment il rédige.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez.

  7   J'essaie de comprendre, j'essaie de comprendre la question, et j'essaie

  8   aussi de bien comprendre votre témoignage jusqu'à présent. Vous avez dit

  9   que la formulation qu'il emploie peut s'expliquer différemment. Une

 10   explication possible serait qu'il souhaitait que l'on attaque les villes en

 11   question.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une autre explication serait qu'il avait

 14   l'intention de donner l'ordre d'attaquer des cibles militaires qui se

 15   situent à l'intérieur de ces villes.

 16   Alors, maintenant, Monsieur Russo, la question suivante : pourquoi est-ce

 17   qu'il aurait formulé cela de cette manière - corrigez-moi si je n'ai pas

 18   bien compris - mais cette question elle ne sert à rien puisque cela dépend

 19   de la manière dont il faut comprendre la formulation ? Donc si l'intention

 20   de cette formulation était attaquer ces villes, là, bien entendu, la raison

 21   pour laquelle cela a été formulé ainsi c'est parce qu'autrement, ils

 22   n'auraient pas touché les autres parties de la ville, les parties civiles,

 23   s'ils avaient attaqué uniquement des objectifs militaires; cependant, si

 24   d'autre part l'intention était de donner l'ordre d'attaquer uniquement des

 25   cibles militaires, dans ces circonstances, vous pouvez dire que la

 26   formulation n'est pas la mieux choisie.

 27   Donc la réponse à votre question dépend entièrement de l'interprétation

 28   qu'il convient de donner à cette formulation, et le Pr Corn nous a dit que

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  1   plusieurs interprétations sont possibles. Donc A petit (b) donc lui

  2   demander pourquoi, non, il faut scinder cela. Donc si on adopte

  3   l'interprétation, petit (a), alors pourquoi ? Si on adopte l'interprétation

  4   petit (b), alors pourquoi ?

  5   Donc il me semble que ça saut aux yeux, si vous interprétez cet ordre

  6   comme étant un ordre qui se fonde sur l'intention d'attaquer toute la

  7   ville, vous avez pratiquement la réponse dans la formulation.

  8   Cependant, si on l'interprète autrement, je pense que nous avons déjà

  9   reçu une réponse de la part du Pr Corn, à savoir la formulation n'est pas

 10   tout à fait précise, et il aurait demandé que l'on revoie cette formulation

 11   s'il avait été appelé à vérifier ce document.

 12   Donc vous avez les réponses. La question ne sert à rien si vous ne

 13   faites pas une distinction entre les différentes interprétations.

 14   Si vous n'êtes pas d'accord avec mon analyse, je vais vous entendre

 15   et, bien sûr, le mieux ce serait de formuler des questions de telle façon

 16   que je comprenne immédiatement à quel point mon analyse n'était pas exacte.

 17   Mais pour commencer, je vais poser ma question au Pr Corn, j'ai

 18   écouté la dernière question, vous avez écouté la dernière question de M.

 19   Russo, vous avez entendu mon analyse, j'ai estimé que cette question ne

 20   servait à rien, êtes-vous d'accord ou non ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord, et bien entendu, je me

 22   fondais sur la supposition que M. Russo me posait la question s'il n'avait

 23   pas à l'esprit qu'il fallait attaquer toute la ville de Knin.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] L'alternative, je pense que --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'aurait pas touché d'autres parties

 27   de la ville --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, il est presque 10 heures

  2   30. Si vous souhaitez réfléchir encore un petit peu à ma réflexion

  3   précédente en préparant vos questions suivantes qui démontreront que le Pr

  4   Corn se trompe, lui aussi, je souhaiterais vous donner un petit peu de

  5   temps pour faire cela.

  6   Sinon, une question de procédure semble se poser. Donc je vous propose, à

  7   moins que vous ayez juste une ou deux questions…

  8   M. RUSSO : [interprétation] Juste pour répondre à l'analyse de la Chambre.

  9   Ce que j'essaie de faire, et peut-être que je ne le fais pas suffisamment

 10   bien lorsque je pose mes questions, il me semble que le Pr Corn a choisi

 11   parmi les possibilités une interprétation et je voudrais vérifier pourquoi

 12   il a adopté cette interprétation en particulier, mais je trouverai une

 13   façon moins superflue et moins inutile de lui poser la question et obtenir

 14   cet élément d'information.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   Monsieur Russo, on n'a peut-être passé plus de temps sur une explication,

 17   qui n'est pas nécessairement de l'Accusation. Moi-même, je n'ai pas entendu

 18   le Pr Corn choisir entre ces versions, mais nous pouvons lui poser la

 19   question au Pr Corn.

 20   Est-ce que vous avez vous-même choisi l'interprétation que vous estimez

 21   être la bonne ou vous l'avez juste dit dans le contexte l'interprétation de

 22   l'Accusation n'est pas nécessairement la bonne ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est le dernière qui s'applique

 24   et je m'explique. Dans mon addendum, on m'a fourni des faits, des

 25   suppositions qui se polarisent si on l'attaque sur des objectifs militaires

 26   situés dans la ville. Donc par rapport à l'addendum, j'aurais à dire que

 27   les hypothèses factuelles rejettent la proposition de l'Accusation

 28   lorsqu'elle affirme qu'il y avait, que cet ordre visait à ce qu'on attaque

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  1   toute la ville.

  2   Mais s'agissant de cette question particulière, je pense qu'il a deux

  3   déductions raisonnables ou rationnelles qui toutes les deux peuvent être

  4   tirées de la formulation. Les deux ont leurs points forts et leurs

  5   faiblesses, ais je pense qu'il convient de replacer cela dans un contexte

  6   plus large. Donc la supposition est l'intention est d'attaquer la ville

  7   mais à ce moment-là pourquoi n'a-t-il pas été même plus pressé que cela si

  8   c'est cette hypothèse-là.

  9   Donc je pense qu'il y a deux conclusions rationnelles qui sont

 10   possibles.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je pense que nous

 12   allons prendre là une pause, Monsieur Russo.

 13   Mais tout d'abord, je vais demander à Mme l'Huissière de vous

 14   conduire pour sortir de ce prétoire.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, on m'a dit que vous

 17   avez une question de procédure à soulever.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Oui, effectivement. Je voudrais demander à

 19   cette fin de passer à huis clos partiel.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous passons à huis clos

 21   partiel.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 23   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Puisque nous parlons de questions de procédure, Monsieur Cayley, en ce qui

 27   concerne le calendrier à présent. Votre présentation de moyens va

 28   commencer, doit commencer le 17 septembre. Mais apparemment nous n'allons

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  1   pas être en mesure de le faire le 17 septembre. Il faudrait modifier cela.

  2   Vous avez demandé à avoir encore plusieurs jours entre l'arrêt, la fin de

  3   la présentation des moyens de la Défense Gotovina et des débuts de votre

  4   présentation de moyens. Est-ce que vous avez besoin de quelques jours pour

  5   vous préparer, ou bien est-ce que vous pensez que, vu que la Défense

  6   Gotovina s'arrête le 14 ou le 15, vous allez vraiment avoir besoin de plus

  7   de temps ?

  8   M. CAYLEY : [interprétation] Je vous interromps. Nous sommes prêts à

  9   poursuivre immédiatement donc dès que l'équipe Gotovina termine avec sa

 10   présentation des moyens à décharge; nous pouvons donc prendre la suite.

 11   Nous avons besoin pourtant d'une date pour prévoir et commencer à organiser

 12   l'arrivée de nos témoins.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le lendemain de la fin  des moyens

 14   de la Défense Gotovina vous pouvez débuter.

 15   M. CAYLEY : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, et vu les témoins que nous

 17   avons sur notre liste, vu le temps prévu pour chacun de ces témoins, nous

 18   avons tous ces éléments, il faudrait peut-être que vous vérifier cela

 19   encore une fois avec la Défense Gotovina, et ensuite vous pouvez vous tenir

 20   prêt pour commencer le lendemain. Mais il faudrait donc vérifier si nos

 21   informations se concordent et si tout cela correspond.

 22   M. CAYLEY : [interprétation] Très bien. Nous allons faire cela.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 24   Nous allons prendre une pause à présent et poursuivre à 11 heures.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo.

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  1   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Professeur, avant la pause, le Président vous a posé une question, à

  3   savoir si vous avez choisi entre différentes interprétations de la formule

  4   utilisée quand on parle de placer sous le feu d'artillerie des villes, et

  5   vous avez dit que vous avez choisi d'interpréter cela comme s'il s'agissait

  6   d'un ordre légitime sans avoir l'intention de détruire la ville.

  7   Est-ce que j'ai raison ?

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  J'ai expliqué que, quand j'ai écrit mon addendum, et quand il

 11   s'agissait d'évaluer la légalité de certaines cibles qui ont été les cibles

 12   à Knin quand la ville a été placée sous l'attaque, et il s'agissait de

 13   tirer des conclusions, et pour moi, cet ordre voulait dire qu'il fallait

 14   placer certaines cibles à Knin sous l'attaque.

 15   J'ai aussi dit au Juge qu'en regardant ce document en tant que soi, que

 16   cela ne servait à rien de choisir de façon très catégorique l'une ou

 17   l'autre interprétation, parce que vous pouvez de façon très logique arriver

 18   à la conclusion que les deux interprétations finalement tient la route.

 19   Moi, je pense qu'on ne peut tout de même accorder un tout petit plus de

 20   poids à l'interprétation qu'il s'agissait là des cibles militaires, mais

 21   sans pour autant exclure l'autre interprétation, en regardant le document à

 22   proprement parler, et rien d'autre.

 23   Q.  Si l'on place ce document dans le contexte, toutes les informations que

 24   vous avez au sujet de cette affaire, sur la base des hypothèses qu'on vous

 25   a avancées, des informations, tout ce que vous savez, maintenant quand vous

 26   regardez cet ordre, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est à présent

 27   votre interprétation de cela ?

 28   R.  Moi, je considère que, là, il ne s'agissait pas d'un ordre exigeant

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  1   qu'on se lance dans les tirs sans discrimination sur Knin. Je pense que,

  2   quand on place cela dans le contexte de l'opération, il s'agissait d'une

  3   opération professionnelle avec -- enfin le commandant c'est un soldat

  4   professionnel dans une organisation militaire la plus professionnelle qui

  5   soit dans la monde, et tout cela, et d'autres facteurs me font dire qu'on a

  6   un objectif de combat extrêmement précis, à savoir battre et détruire

  7   l'ennemi. C'est à cela que sert l'infanterie, à savoir l'infanterie légère,

  8   se rapprocher de l'ennemi et le détruire. Je pensais que dans un contexte

  9   plus large ça serait complètement futile de faire autrement alors qu'il a

 10   bien fait comprendre que sa priorité est de faire plier l'ennemi, donc cela

 11   ne sert à rien d'avoir un feu aléatoire complètement chaotique.

 12   A la lecture de toutes ces informations, j'en arrive à la conclusion que là

 13   il ne s'agissait pas de placer la ville de Knin sous l'attaque sans

 14   discrimination, mais qu'il s'agit d'un ordre portant sur les cibles bien

 15   identifiées à l'avance, précises, cibles militaires.

 16   Q.  Merci.

 17   M. RUSSO : [interprétation] Maintenant je vais vous demander de me

 18   présenter la pièce D970.

 19   Q.  Là il s'agit d'une pièce jointe à l'ordre portant sur l'engagement de

 20   l'artillerie, quelque chose qui vient du général Gotovina.

 21   M. RUSSO : [aucune interprétation]

 22   Q.  On peut lire :

 23   "Pilonner les villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac, et Gracac."

 24   Est-ce que vous pensez que l'on peut interpréter cela exactement de la même

 25   façon que l'ordre précédent ?

 26   R.  Oui. Je peux vous fournir un autre élément qui me fait dire cela.

 27   Vous savez, moi, je suis passé par là, à savoir vous recevez les ordres du

 28   commandement supérieur et ensuite vous, vous écrivez votre propre ordre.

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  1   Moi, je ne l'ai jamais fait en situation de combat. Je l'ai fait en

  2   situation de formation et j'ai beaucoup travaillé dans ma formation. Même

  3   dans un exercice de formation, vous avez les impératifs de temps, vous avez

  4   l'intensité des activités, des demandes différentes formulées par les

  5   éléments, par les soldats, ce qui fait que dans votre processus vous

  6   intégrez le langage de vos supérieurs dans vos propres ordres.

  7   Moi, je ne pense pas que ce soit vraiment le général Gotovina qui a

  8   dactylographié ses ordres, il a sans doute communiqué ses intentions, le

  9   concept, à ses officiers qui l'ont fait, à ses subordonnés. Ensuite un

 10   officier de l'état-major prépare l'ordre, et il s'agit de mobiliser les

 11   troupes suite à l'ordre de ses commandants.

 12   Là, à nouveau, vous voyez que l'accent est mis sur les tâches de

 13   l'artillerie, sur la tactique. Ils parlent du besoin de protéger les flancs

 14   contre le feu, neutraliser la zone de combat principale.

 15   Donc effectivement il s'agit d'un ordre qui n'est pas très bien écrit

 16   linguistiquement, qui peut être interprété de différentes façons. Ce n'est

 17   pas écrit de façon idéale, pas du tout. Je pense qu'un officier de la JAG

 18   qui examine cet ordre, il aurait demandé à l'officier qui l'a écrit d'en

 19   écrire un autre, de le réécrire, de le refaire. Mais quand on place tout

 20   cela dans un contexte plus large, je comprends pourquoi le document qu'on a

 21   à la fin c'est lui qu'on a.

 22   Q.  Vu l'ordre de lancement d'opération du général Gotovina, vous

 23   avez dit que vous l'avez vu, est-ce que vous avez vu celui-ci ?

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   R.  Non.

 27   Q.  Je suis tout à fait d'accord que cet ordre peut être interprété de

 28   différentes façons. Mais est-ce qu'on ne peut pas l'interpréter autrement,

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  1   à savoir qu'il fallait pilonner les villes entières de Drvar, Knin,

  2   Benkovac, Obrovac, Gracac, et cetera ?

  3   R.  Je -- oui, effectivement, vous ne pouvez pas exclure cette possibilité.

  4   Q.  Professeur, vous, vous avez une opinion totalement différente de celle

  5   du lieutenant-colonel Konings, qui s'est exprimé au sujet du droit, et

  6   quand vous, vous dites que c'est un ordre qui n'est pas très bien écrit

  7   linguistiquement. Mais vu les conclusions qu'en a tirées le colonel

  8   Konings, est-ce que vous maintenez votre position ?

  9   R.  Je dois dire que je comprends ce que le colonel Konings a dit par

 10   rapport au droit, j'ai dit que j'ai passé beaucoup de temps à faire la

 11   différence entre ce qui relève de la politique et ce qui relève du droit;

 12   de l'autre côté, je comprends que c'est tout à fait compréhensible

 13   l'interprétation qu'il a faite, parce que mes propres officiers auraient

 14   interprété cela de la même façon sans doute. Enfin, il y en a pas mal qui

 15   l'auraient fait, en tout cas.

 16   Moi, j'ai un autre point de vue parce que je sais qu'il existe des

 17   distorsions -- des modifications de la doctrine opérationnelle, et c'est

 18   pour cela que j'ai dit que c'est quelque chose qui est tout à fait

 19   explicable, souvent on confond les règles d'engagement et le droit, et

 20   c'est comme cela que je réagis.

 21   Moi, je suis un juriste de l'armée formé, je suis formé pour aider et

 22   appuyer les opérations militaires, et quand je reçois un ordre comme cela,

 23   je vérifie quand même l'annexe qui explique l'appui feu, parce que je sais

 24   qu'au moment où vous devez faire une centaine de choses alors que vous

 25   n'avez le temps que pour en faire une vingtaine, des erreurs surviennent.

 26   C'est quelque chose qui arrive dans la réalité. Si vous faites partie d'une

 27   armée qui a une équipe de juristes chevronnés, évidemment qu'on les

 28   utilise.

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  1   Mais le danger existe, le danger d'être imprécis tout comme le

  2   colonel Konings l'a été quand il a discuté du droit, évidemment que vous

  3   avez un danger ici. Mais vous devez comprendre que là c'est un ordre de

  4   lancement et que c'est quelque chose qui figure dans les annexes, à savoir

  5   on y voit les cibles exactes, ce qu'on a planifié, les possibilités de

  6   tirer sur ces cibles, tout ce processus est entamé par cet ordre, et qu'il

  7   s'agit donc de placer dans un contexte plus large le contexte de la mission

  8   qu'il faut accomplir.

  9   Q.  Professeur, vous conviendrez que quel que soit le processus, que

 10   c'était le général Gotovina qui l'a écrit lui-même l'ordre ou quelqu'un qui

 11   l'aurait écrit pour lui, si c'est le général de brigade Rajic qui l'a tapé

 12   ou quelqu'un d'autre, ce qui est écrit là-dedans c'est la responsabilité

 13   ultime du général Gotovina, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, c'est son ordre. C'est lui qui en est responsable. Mais ici,

 15   vous avez un rapport qui respecte les principes du droit humanitaire

 16   international, et c'est comme cela que ses subordonnés doivent

 17   l'interpréter.

 18   Donc pour répondre à votre question, oui, c'est lui qui est responsable de

 19   cela. Dans un contexte plus large, je pense que de toute façon cette

 20   responsabilité doit être placée dans un contexte plus large. C'est la seule

 21   façon possible de l'analyser, et c'est d'ailleurs l'objectif de ce procès.

 22   Q.  Merci. On va revenir sur quelques questions que je vous ai déjà posées

 23   sur ce qu'on vous a dit pendant la présentation qu'on vous a fait.

 24   Au mois de décembre 2008, quand on vous a parlé du pilonnage qui sont

 25   l'œuvre des forces du général Gotovina, est-ce qu'on vous a parlé du

 26   pilonnage des autres villes, mis à part Knin pendant l'opération Tempête ?

 27   R.  Non. 

 28   Q.  Est-ce que vous avez jamais parlé avec le général Gotovina ou un de ses

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  1   officiers subordonnés faisant partie de la HV ?

  2   R.  Non, je n'ai jamais parlé avec le général Gotovina. Je vous ai dit

  3   qu'il y avait une personne censée nous aider lors de la réunion. Il

  4   s'appelait Goran. Je ne me rappelle pas de son nom de famille, et d'après

  5   ce que j'ai compris, il faisait partie des forces armées des Croates donc

  6   du HV, et il faisait aussi partie de l'équipe du général Gotovina de la

  7   Défense. C'est la seule fois que j'ai eu affaire avec un membre des forces

  8   armées croates.

  9   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 10   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit de M. Goran Zugic. C'est la personne

 11   qui vient de temps en temps nous aider ici dans ce prétoire. Il fait partie

 12   de notre équipe, et donc j'ai voulu tout simplement éclaircir ce point.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plutôt, Monsieur Corn, vous avez parlé

 14   des trois conseils qui sont présents dans ce prétoire, mais je ne vois pas

 15   les trois conseils ici présents dans ce prétoire aujourd'hui; pourriez-vous

 16   me dire de qui il s'agit ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est M. Kehoe, M. Stanton et M. Cronin.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   M. RUSSO : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous vous avez reçu des informations concernant cette

 23   affaire qu'il s'agisse des informations transmises dans les médias, ou bien

 24   si vous avez peut-être eu la possibilité d'avoir suivi le procès ?

 25   R.  Non. Je ne savais pas qui était le général Gotovina. La veille

 26   d'arrivée, je suis allé sur Wikipedia voir de quoi il avait l'air pour voir

 27   sa photo. C'est la première fois que je l'ai vu.

 28   Q.  Est-ce que vous aviez des informations au sujet du conflit en Croatie

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  1   et surtout et concrètement de l'opération Tempête ?

  2   R.  Non, je n'ai pas eu d'informations précises au sujet de l'opération

  3   Tempête. Moi, à l'époque, j'étais juriste de l'armée faisant partie de la

  4   JAG. Je savais qu'il y avait un -- qu'il y a eu un conflit entre les

  5   Croates et les Serbes de Croatie mais je n'ai jamais eu d'informations

  6   précises à ce sujet.

  7   Q.  Monsieur, êtes-vous jamais allé à Knin ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Etes-vous allé -- êtes-vous jamais allé où que ce soit d'autre en

 10   Krajina ?

 11   R.  Non, je suis allé à Dubrovnik mais je ne pense pas que cela fasse

 12   partie de la Krajina, c'est la seule ville de Croatie que j'ai visitée.

 13   Q.  Est-ce que vous avez eu des contacts avec un autre membre de l'équipe

 14   de la Défense Gotovina mis à part le général Gotovina lui-même et par

 15   rapport à cette affaire ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Professeur, dans la feuille d'information supplémentaire D1644, vous

 18   dites :

 19   "J'ai examiné ces documents" - donc ce sont les documents qui se trouvent

 20   au paragraphe 12, et là, vous dites - "par rapport aux conclusions que j'ai

 21   citées au paragraphe 11; et à la lecture et à l'examen de ces documents, je

 22   ne modifie pas mes conclusions."

 23   Donc, moi, j'ai du mal à comprendre ce que vous voulez dire là-dessus. Donc

 24   vous parlez de limitations de vos conclusions par rapport au paragraphe 11,

 25   et là, à nouveau, vous en parlez aussi au paragraphe 13. 

 26   Est-ce que pouvez nous expliquer de quoi il s'agit ?

 27   R.  Je me suis préparé pour venir déposer en l'espèce --

 28   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc dans le cadre de cette préparation, il y

  2   a eu la visite à Houston effectuée par M. Cronin et M. Stanton quand ils

  3   ont donc examiné mon addendum; ils m'ont fourni d'autres informations, par

  4   exemple, le compte rendu de la réunion de Brioni, quelques ordres que nous

  5   venons d'examiner. Je les ai aussi rencontrés ici à La Haye dans le bureau

  6   de Greenberg Traurig, ce bureau d'avocats, et cela a eu lieu dimanche

  7   dernier et donc j'ai ajouté ce paragraphe pour dire qu'après avoir écrit

  8   mon addendum, je n'ai pas vu de documents qui feraient que je change une

  9   quelconque opinion exprimée là-dedans.

 10   M. RUSSO : [interprétation]

 11   Q.  Est-ce que cela veut dire que vous avez donc examiné tous les documents

 12   qui figurent au paragraphe 12 ?

 13   R.  Je les ai examinés mais pas en détail. J'ai vu ces documents. J'ai vu

 14   ces photos. Je pense que je vous ai dit : quels étaient ceux qui ont influé

 15   sur mon processus de réflexion ? Je vous ai indiqué aussi quels documents

 16   j'avais trouvé moins important mais cela dépend de ce que vous voulez

 17   savoir exactement. Vous me demandez si je les ai examinés "en détail."

 18   Qu'est-ce que vous voulez dire par cela ?

 19   Q.  Vous avez, quand vous dites qu'à la vue, qu'à la lecture de ces

 20   documents, vos conclusions restent les mêmes, j'ai voulu tout simplement

 21   vérifié que vous les avez vraiment examinés ?

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   R.  Ce que j'ai voulu dire et la conclusion à laquelle je suis arrivée

 25   c'est qu'il y en avait qui était moins important et d'autres qui étaient

 26   plus importants. Evidemment, ceux que j'ai jugés trop plus importants, je

 27   les ai examinés de la façon plus détaillée, plus intense. Par exemple,

 28   quand j'ai lu l'ordre en disant : placez les villes, telle -- telle ville

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  1   sous l'attaque, évidemment, là, vous avez un clignotant rouge qui s'allume

  2   disant danger; il faut que j'examine cela et il faut que je réfléchisse au

  3   contexte qui a entouré cet ordre.

  4   Ce n'est pas que -- on ne peut pas dire que quelqu'un m'a mis un papier

  5   sous les yeux, en me disant : écoute, regarde cela, il faut que tu regardes

  6   cela, il faut que tu l'examines celui-ci.

  7   Q.  Professeur, dans votre rapport, vous dites à la page 28 :

  8   "D'après les informations qui figurent au compte rendu d'audience, il

  9   convient de conclure que le général Gotovina a réfléchi à ce qui allait se

 10   passer avec les civils à Knin et il a réfléchi, il a pris en compte la

 11   population civile de Knin quand il a décidé de l'action à prendre, à savoir

 12   à utiliser les tirs indirects d'artillerie."

 13   Donc quand vous parlez des informations, quand vous parles des éléments et

 14   de ce qui se trouve au compte rendu, vous parlez finalement des

 15   informations que vous a fournies l'équipe de la Défense Gotovina; est-ce

 16   exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Dans la lettre du 19 mai ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Aux pages 28 et 29, on trouve donc les hypothèses qui ont servi de base

 21   pour votre rapport, les faits, les hypothèses tels que fournis par la

 22   Défense Gotovina dans sa lettre du 19 mars; est-ce exact ?

 23   R.  Attendez voir ce que je trouve la lettre. 

 24   Oui.

 25   Q.  Donc lorsque vous avez découvert des éléments d'information qui vous

 26   semblaient pertinents, vous n'avez pas considéré qu'il fût utile de

 27   mentionner d'autres éléments d'information pour ce qui est de l'utilisation

 28   d'artillerie faite par le général Gotovina ?

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  1   R.  Je vais vous expliquer à nouveau ce qui m'a en quelque sorte fait

  2   réfléchir. Je vais vous expliquer comment nous avons réfléchi.

  3   On m'a demandé de donner mon point de vue sur ce que je considérais être la

  4   question ultime qui allait être posée ici devant ce Tribunal, à savoir

  5   l'utilisation de la part du général de l'artillerie. Il s'agit de savoir

  6   s'il était conforme à ces obligations conformément au droit du conflit

  7   armé.

  8   Alors je suis allé trouvé la Défense au départ ils avaient indiqué qu'ils

  9   allaient me fournir moult documents et comptes rendus d'audience et procès-

 10   verbaux, et cetera, et cetera. Je leur ai dit que j'estimais que ce qui

 11   était absolument essentiel c'était que mon point de vue doive se fonder sur

 12   des éléments factuels et qu'il fallait que ces éléments factuels soient

 13   absolument conformes au dossier en l'espèce utilisés pendant le procès.

 14   C'est pour cela que j'utilise le mot de "dossier." Au vu des faits et des

 15   hypothèses qui ont été fournis, je voulais en fait que la Défense me

 16   garantisse que les dossiers qu'ils me donnaient pour étayer en fait ces

 17   faits et ces hypothèses qu'ils me fournissaient.

 18   C'est pour cela en fait que j'ai essayé de les utiliser pour donner mon

 19   point de vue, parce que si j'avais utilisé d'autres faits, d'autres

 20   prémisses et d'autres hypothèses qui ne font pas partie du dossier, à mon

 21   avis, mon point de vue n'aurait pas été particulièrement utile et précieux.

 22   Parce que tout ce que j'aurais fait c'est fournir, au vu de mon expérience,

 23   mon point de vue, mais ce que j'ai essayé de faire c'est de donner mon

 24   point de vue pour que le Juge du fait puisse parvenir à la conclusion en

 25   l'espèce, et je pense, en fait, que ce qui est important c'est la base et

 26   les sources utilisées. C'est pour cela que j'ai pensé qu'il était

 27   extrêmement utile que je leur dise ce qui est important c'est la décision

 28   qui a été prise de ne pas lancer une attaque sur des zones où il y avait un

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  1   mélange en quelque sorte de civils et de militaires les civils fuyant la

  2   zone où était pratiquée l'incursion.

  3   C'est la meilleure explication que je peux vous fournir, c'est pour cela en

  4   fait que j'ai essayé toujours de forger et de présenter mon point de vue à

  5   partir des faits et des hypothèses qui figurent dans la lettre, en tout

  6   cas, c'est ce que j'ai essayé de faire.

  7   Q.  Monsieur le Professeur, lorsque vous avez énuméré ces éléments

  8   d'information, à ce moment-là, vous aviez déjà vu l'ordre d'offensive du

  9   général Gotovina et vous avez indiqué que cela pour vous a était une sorte

 10   de clignotant qui s'allumait; et lorsque vous faites l'énumération de ces

 11   éléments d'information qui vous semblent pertinent pour la façon dont il a

 12   utilisé l'artillerie, vous n'avez pas pensé qu'il était utile de mentionner

 13   le fait que cela avait en quelque sorte tiré la sonnette d'alarme pour vous

 14   ? Vous n'avez pas pensé que la Chambre de première instance devrait être

 15   mise au courant de cette considération de votre part ?

 16   R.  Comme je vous l'ai expliqué. Dans le contexte plus général, je pense

 17   que j'ai compris ce que cela signifiait. C'était mon point de vue. Alors ma

 18   réponse elle est négative. Si, manifestement, j'avais pensé qu'il était

 19   utile ou important d'ajouter cela aux faits et aux hypothèses, j'en aurais

 20   parlé au conseil de la Défense et je lui aurais demandé si je pouvais

 21   inclure, le fait de décider de ne pas tirer sur les forces qui

 22   s'enfuyaient. Car j'ai pensé au vu de l'exécution tactique, au vu de la

 23   situation générale, et j'ai pensé en fait que l'effet relatif aux tirs

 24   ajustés était beaucoup plus important.

 25   Très honnêtement, je ne me souviens plus maintenant si je me suis dit, Cela

 26   a déjà été présenté au Tribunal. Le Tribunal en est saisi. Bien évidemment,

 27   ils prendront cela en considération. Je ne sais pas si intellectuellement

 28   j'ai eu cette démarche.

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  1   Q.  Monsieur le Professeur, avant que nous nous penchions sur ces faits

  2   supposés que vous avez considérés comme pertinents, j'aimerais vous poser

  3   une question : conviendrez-vous alors que vous ne disposiez d'aucune

  4   information relative aux circonstances factuelles vous avez présenté des

  5   hypothèses ou vous avez dégagé des déductions qui sont quand même

  6   favorables au général Gotovina, et ce, justement pour combler la lacune en

  7   matière d'information, lacune qui était la vôtre ?

  8   Est-ce que vous convenez de cela ?

  9   R.  Est-ce que vous pouvez me donner un exemple précis vous parlez des

 10   faits et des suppositions --

 11   Vous savez lorsque j'ai commencé, je n'avais absolument aucun avis par

 12   rapport à la façon dont il avait agi. Je me suis contenté d'étudier le

 13   rapport du colonel Konings et j'ai aidé le conseil de la Défense à

 14   identifier ou à découvrir ce qui, pour moi, pose des problèmes dans le

 15   rapport, et puis ensuite la situation a évolué à partir de cela. Je ne

 16   pense pas qu'à un moment donné j'ai supposé que le général Gotovina

 17   agissait en bonne et due forme et que j'aurais en quelque sorte présenté

 18   des faits et des circonstances pour renforcer cette supposition. Et

 19   d'ailleurs, comme je l'ai déjà dit hier, c'est la Chambre de première

 20   instance détermine ou décide que ce que j'avance est erroné, je reconnais

 21   d'ailleurs qu'il y a beaucoup de points de vue et d'avis qui ne sont pas

 22   encore considérés comme valables.

 23   Donc la question critique qu'il convient de se poser est : quels étaient

 24   les faits et les circonstances et les suppositions relatives à sa décision

 25   au moment où il a pris sa décision ? Cela j'insiste sur ce fait dans mon

 26   premier rapport.

 27   Q.  Justement à propos de ce rapport en haut de la page 28, dans l'alinéa

 28   B, vous dites que :

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  1   "Parmi des éléments d'information qui vous ont été donnés, il vous

  2   avait été dit qu'un couvre-feu avait été imposé aux civils de Knin."

  3   Si vous prenez la page suivante au bas de la page suivante, vous tirez des

  4   conclusions à partir de ces faits supposés, et à l'alinéa A, vous concluez,

  5   et je cite :

  6   "Le général Gotovina a essayé d'exploiter le couvre-feu en augmentant ces

  7   tirs indirects contre les objectifs militaires à Knin lors des heures de

  8   couvre-feux."

  9   Puis un peu plus bas, au petit (c), vous concluez que le général Gotovina,

 10   et je cite :

 11   "A fait usage de tirs indirects pendant des heures qui n'étaient des heures

 12   de couvre-feu, et ce, de façon limitée, ce qui suggérait qu'il avait

 13   l'intention de perturber les opérations de l'ennemi tout en minimisant les

 14   risques de dégâts collatéraux et de blessures collatérales pour les

 15   civils."

 16   Puis finalement, à la page 30, à la page suivante, à l'alinéa (f), vous

 17   concluez que le général Gotovina, et je cite :

 18   "A utilisé des lance-roquettes multiples seulement pendant les périodes où

 19   il supposait que les civils étaient tenus de respecter l'ordre de couvre-

 20   feu -- ou les civils jouissaient du couvre-feu."

 21   Alors, Monsieur le Professeur, lorsque vous avez rédigé cet addendum, et

 22   d'après la déposition que vous avez faite, vous n'aviez pas d'information

 23   ou de moyen de preuve eu égard aux heures de couvre-feu. Si vous prenez la

 24   liste des faits supposés que vous considérez comme pertinents, ainsi que la

 25   liste de tous les faits supposés qui vous ont été fournis par la Défense de

 26   M. Gotovina, il n'y a absolument pas indiqué quelles étaient précisément

 27   ces heures de couvre-feu.

 28   Donc ce que je souhaite vous dire c'est que vous avez tiré une conclusion

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  1   sans pour autant savoir quelles étaient les heures de couvre-feu, et vous

  2   avez présenté des conclusions à propos du comportement du général Gotovina

  3   et à propos de ses intentions, sans savoir quelles étaient exactement les

  4   heures de couvre-feu; comment est-ce que vous expliquez cela ?

  5   R.  Ecoutez, la seule explication c'est que je pense que vous aviez ces

  6   heures de couvre-feu jusqu'à 5 heures du matin. Je vous l'ai déjà dit hier,

  7   donc je ne peux pas vous dire que, lorsque j'ai rédigé cet addendum, j'y ai

  8   inscrit tous les -- tout le moindre élément d'information qui avait été

  9   porté à ma connaissance. Pour répondre à votre question, je dirais que je

 10   l'ai probablement, en fait, appris lors de la réunion de Tampa, j'ai

 11   probablement appris quelles étaient les heures de couvre-feu.

 12   Q.  Nous n'allons pas donc aborder la question de savoir ce que vous avez

 13   appris à Tampa.

 14   M. RUSSO : [interprétation] Mais j'aimerais que la pièce D41 soit affichée

 15   -- ou D241 soit affichée à l'écran.

 16   Q.  On vous a fourni le document que je suis sur le point de vous montrer

 17   et en fait cela indique que ce vous venez de dire à propos des heures de

 18   couvre-feu est erroné parce que la situation était exactement le contraire

 19   de vos conclusions car vous dites : le général Gotovina a essayé

 20   d'optimaliser ses tirs indirects pendant les heures de couvre-feu et vous

 21   verrez, d'après le document qui va être affiché, que cela n'est pas exact.

 22   Car il est indiqué que les heures de couvre-feu courent de 22 heures à 5

 23   heures. Donc alors il est absolument indubitable que le général Gotovina a

 24   choisi 5 heures du matin pour commencer ses attaques d'artillerie, et en

 25   fait donc c'est pendant les heures où il n'y avait pas de couvre-feu --

 26   R.  [aucune interprétation]

 27   Q.  -- qu'il a optimalisé ses tirs d'artillerie. Alors maintenant que vous

 28   savez que la situation est exactement l'inverse de celle à laquelle vous

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  1   aviez pensé lors des conclusions, est-ce que vous seriez incité à tirer les

  2   conclusions tout à fait inverses, à savoir qu'il a optimalisé, utilisé son

  3   artillerie pendant les heures qui n'étaient pas des heures de couvre-feu ?

  4   Donc est-ce que cela, pour vous, correspond à une intention d'augmenter le

  5   risque pour les civils ?

  6   R.  Non, pas forcément, pas nécessairement.

  7   Parce que j'aimerais répondre à la première partie de votre question, parce

  8   qu'en fait, je reconnais que les faits qui sont déterminés que, si les

  9   faits déterminés par la Chambre de première instance ne correspondent pas

 10   aux faits et les suppositions que j'ai utilisés pour écrire mon rapport,

 11   alors la valeur, de mon avis, s'en trouve diminué.

 12   Alors, bien entendu, il appartiendra à la Chambre de déterminer quel poids

 13   accorder, à mon avis.

 14   Mais, au vu de la situation, moi, je pense que, compte tenu de toute la

 15   situation, son utilisation des tirs indirects contre les cibles où étaient

 16   concentrés le commandement, le contrôle, la communication et le

 17   renseignement à Knin étaient mus essentiellement par la façon dont il

 18   prenait en considération ces éléments tactiques. Parce que si vous lancez

 19   une attaque au crépuscule -- à l'aube plutôt, ça ne sert à rien de

 20   commencer une attaque à minuit parce que l'ennemi aura une marge d'action

 21   pendant six ou sept heures, entre minuit et l'aube.

 22   Donc, bien entendu, que -- bon, si vous me dites maintenant qu'il y a eu le

 23   maximum de tirs d'artillerie entre midi et 2 heures de l'après-midi, et que

 24   cela n'a rien à voir avec le lancement et le début de l'opération

 25   offensive, et vous me dites que cela crée une probabilité extrêmement

 26   élevée de risque pour les civils, je pense qu'effectivement, cela aura --

 27   cela va minimiser la qualité de mon opinion.

 28   Mais vous, vous me parlez d'une différence de temps entre 5 heures et 5

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  1   heures et demie du matin; donc, dire qu'à 5 heures du matin, à la fin du

  2   couvre-feu, tout le monde se précipite dehors et prend les armes. Bon, je

  3   n'en sais rien, c'est peut-être vrai, je ne connais pas, en fait, quelle

  4   est la dynamique culturelle des personnes qui habitent à Knin, bon, c'est

  5   quelque chose, la différence culturelle que je suis prêt à prendre en

  6   considération, mais je ne pense pas, en fait, qu'il y ait une grande

  7   différence entre ces deux horaires.

  8   Q.  Je comprends tout à fait ce que vous dites, Monsieur le Professeur.

  9   Mais en fait, ce que vous me dites, c'est que vous, vous ne saviez pas ce

 10   qui se passait à 5 heures du matin --

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   Q.  -- vous êtes en train de supposer qu'ils ne se trouvaient pas, à 5

 13   heures, dans les champs, auprès du bétail, que les gens ne se déplaçaient

 14   pas dans les rues, à 5 heures et que c'est donc une hypothèse qui milite en

 15   faveur du général Gotovina ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Mais je

 18   pense au contexte de la question. Il va falloir jeter la base de ce

 19   contexte justement parce que si c'est une question qui devra être posée, il

 20   faudra que le conseil nous dise où il est indiqué qu'à 5 heures du matin,

 21   les gens déambulent dans les rues, et cetera -- dans les rues de Knin, bien

 22   sûr, et cetera, et cetera.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Russo est en train d'essayer de

 24   déterminer les éléments rationnels qui sous-tendent vos conclusions, et il

 25   a indiqué au témoin que l'une des hypothèses qui avait été utilisée n'est

 26   pas forcément exacte, à savoir le couvre-feu était en vigueur jusqu'à 5

 27   heures du matin. Alors, nous parlons de quelque chose d'abstrait et le

 28   témoin ne sait pas si les heures de couvre-feu ont été strictement

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  1   observées et respectées. Il y a beaucoup de paramètres qui échappent au

  2   témoin. Donc, là, nous sommes dans le domaine de l'hypothèse. Bon, je ne

  3   vais pas utiliser le mot de "conjectures."

  4   Mais, au vu des circonstances, si le témoin explique qu'il n'est pas

  5   nécessairement vrai que le -- qu'au moment où le couvre-feu se termine,

  6   tout le monde se précipite dehors, c'est différent -- 5 heures du matin,

  7   c'est différent de la situation à 14 heures. Si c'était 14 heures, moi, je

  8   demanderais -- nous pourrions poser la question au témoin. Nous pourrions,

  9   par exemple, demander au témoin si les gens avaient l'habitude de se lever

 10   à 4 heures du matin et de vaquer à leurs activités, si les gens retardaient

 11   cela d'une heure.

 12   Mais ce n'est pas moins logique que de dire, à 5 heures du matin, tout le

 13   monde se précipite dehors.

 14   Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que j'avance ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais avec une nuance -- à une nuance

 16   près, Monsieur le Président. Est-ce que c'est ce à quoi s'attendait le

 17   commandant qui prenait la décision ? Est-ce que le commandant avait des

 18   éléments d'information lui indiquant que les gens commencent normalement

 19   leur journée à 4 heures du matin, le couvre-feu s'étend jusqu'à 5 heures du

 20   matin, ils sont prêts, donc, à commencer leur journée à 5 heures du matin ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous, vous ne le savez pas,

 22   cela.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne le sais pas.

 24   M. RUSSO : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Professeur, j'ai compris certains éléments des explications

 26   que vous avez avancées, un peu plus tôt, avec l'utilisation de l'artillerie

 27   par rapport aux heures de couvre-feu. Mais le fait est que, dans votre

 28   rapport, vous faites une déclaration où vous dites : étant donné que le

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  1   général Gotovina a utilisé ces tirs indirects pendant les heures qui

  2   n'étaient pas les heures de couvre-feu, et ce, de façon limitée, cela

  3   signifie qu'il avait l'intention de perturber les positions de l'ennemi

  4   tout en minimisant le risque pour les civils. Alors c'est ce que vous

  5   avancez. Mais, moi, ce que je vous dis, c'est que le document que je vous

  6   montre maintenant modifie cette situation.

  7   Alors, pourquoi est-ce que vous n'êtes pas disposé à modifier la

  8   déduction que vous avez tirée, alors que vous aviez une information

  9   différente ?

 10   R.  Il y a trois réponses.

 11   Tout d'abord, à l'alinéa (c), vous voyez que j'utilise le mot suggérant une

 12   intention. Donc c'est une déduction. Ce n'est qu'une déduction parmi tant

 13   d'autres. Il se peut qu'il y en ait d'autres. Mais je pense que s'il

 14   utilise, au maximum, ses tirs contre les objectifs militaires dans des

 15   zones qui sont peuplées, à une heure où, d'après lui, il pense qu'il peut

 16   utiliser à bon escient, où il peut exploiter, en fait, les faits du couvre-

 17   feu, tout temps, parvenant à son objectif opérationnel; ce sont deux

 18   facteurs qui sont pertinents. Si vous prenez le petit (b), je vous dis, en

 19   fait, que la façon dont utilisent ces tirs indirects correspondent tout à

 20   fait au concept de la mission ennemie, troupes, terrain, temps et civils.

 21   Mais puisqu'il y a également les cibles qui sont associées aux positions

 22   défensives de l'ennemi et au combat rapproché. Alors, ça, c'est mon point

 23   de vue. Mais s'il sait, en fait, que le couvre-feu se termine à 3 heures du

 24   matin, et que l'effort principal va être déployé à 5 heures, je pense que

 25   l'on peut dire qu'il utilise ce maximum d'artillerie à 5 heures, parce que

 26   je pense qu'à Knin, l'utilisation de l'artillerie était synchronisé avec

 27   l'utilisation générale des tirs indirects dont l'objectif était de vaincre

 28   l'ennemi au niveau de l'attaque, et ce, de façon aussi efficace que

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  1   possible.

  2   Tout ce que j'avance, c'est que s'il pensait qu'il pourrait utiliser de

  3   façon positive le couvre-feu. C'est un autre facteur qu'il devait prendre

  4   en considération et que j'utilise pour étayer la déduction en vertu de

  5   laquelle je pense que sa décision d'utiliser au maximum ces tirs indirects

  6   à un moment donné était une décision raisonnable.

  7   Q.  Monsieur le Professeur, mais avant que vous ne parveniez à cette

  8   conclusion, vous n'aviez pas reçu les moyens de preuve de la part de la

  9   Défense de M. Gotovina, qui vous aurait permis de comprendre ce que le

 10   général Gotovina pensait qu'il allait se passer dans la ville à 5 heures.

 11   Vous ne l'aviez pas obtenu cela, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non, non, non, non. Non, non, je n'ai pas obtenu de déclarations. Je

 13   n'ai pas obtenu de confessions non plus d'aveux, de dépositions du général

 14   Gotovina. Moi, je ne sais pas exactement ce à quoi il pensait à ce moment-

 15   là, et si vous prenez en considération mon premier rapport, j'insiste

 16   toujours sur un fait, à savoir lorsqu'on évalue et que l'on utilise un

 17   principe du droit du conflit armé qui a été rédigé afin de placer dans un

 18   cadre opérationnel, ou que l'on essaie de convertir un cadre opérationnel

 19   en responsabilité pénale, qui représente justement un grand défi. L'un des

 20   éléments qu'en général on n'a pas, c'est l'état d'esprit de l'accusé et

 21   très souvent il faut pouvoir utiliser des éléments de preuve indirects pour

 22   essayer de le découvrir cet état d'esprit.

 23   Donc je reconnais parfaitement qu'il s'agit d'un grand défi du

 24   Tribunal, de ce Tribunal ou de tout tribunal d'ailleurs. Lorsqu'il s'agit

 25   d'allégations relatives à des violations en matière de ciblage, et c'est ce

 26   que j'ai essayé d'indiquer lorsque j'ai présenté mon avis, avis auquel je

 27   parviens sur la base de faits et des circonstances qui m'ont été fournis.

 28   M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, avoir

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  1   la pièce 2161 de la liste 65 ter ?

  2   Il s'agit en fait d'un rapport qui porte la date du 30 juillet 1995 qui

  3   émane de l'administration du renseignement secret. Est-ce que vous pourriez

  4   voir la première page pour la version en B/C/S et la deuxième page pour la

  5   version anglaise ?

  6   Q.  Deuxième paragraphe de cette deuxième page de la version anglaise,

  7   voyez ce qui est écrit :

  8   "Alors outre le fait qu'il fallait prendre une décision pour engager

  9   toutes les ressources humaines et matérielles pour la défense de la RSK, le

 10   conseil militaire a imposé un couvre-feu entre 22 heures et 5 heures et a

 11   décidé de punir très sévèrement," et cetera, et cetera.

 12   Alors, Monsieur le Professeur, est-ce que vous convenez, au vu de ce qui a

 13   été dit, qu'il fallait justement prendre en considération les moyens de

 14   preuve indirects ? Est-ce que vous conviendrez que c'est un élément

 15   d'information que le général Gotovina a dû prendre en considération

 16   lorsqu'il a pris sa décision relative au moment d'attaquer avec

 17   l'artillerie ?

 18   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, je ne sais pas si le témoin a

 19   jamais vu ce document. Je ne le pense pas d'ailleurs, et je pense qu'il

 20   faudrait peut-être lui donner la possibilité de prendre connaissance du

 21   document. 

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Premièrement, Monsieur le Professeur

 23   Corn, je suppose que, lorsqu'on vous présente un document, vous appréciez

 24   la possibilité de pouvoir étudier le document. Donc Me Kehoe vient de faire

 25   cette observation. Est-ce que vous auriez besoin de prendre connaissance ou

 26   d'étudier un peu plus ce document pour le moment ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais voir le début du

 28   document pour pouvoir en déterminer l'origine ?

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.

  2   M. Russo vous a déjà dit qu'il s'agissait d'un rapport qui émanait de

  3   l'administration du renseignement en date du 30 juillet 1995.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui, c'est bon, Monsieur le

  5   Président, je suis prêt.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Russo.

  7   M. RUSSO : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que vous convenez, Monsieur le Professeur, que cette information

  9   devait être pris en considération par le général Gotovina avant de décider

 10   du moment où il devait commencer exactement son attaque d'artillerie ?

 11   R.  Oui, tout cela relève de l'analyse missions, ennemis, troupes, terrain,

 12   temps et civil, l'analyse METT-T-C. Alors si un commandant compétent doit

 13   disposer de ces renseignements et je suppose qu'il les avait obtenus de la

 14   part de son officier du renseignement ou de la part de l'officier des

 15   affaires civiles et cela doit être utilisé.

 16   Q.  Est-ce que cela signifie oui, votre réponse ?

 17   R.  Ecoutez, vous avez utilisé -- écoutez, je ne sais plus, je pense que

 18   vous avez dit que le commandant est requis ou doit -- moi, cela me pose

 19   problème. Bon. Cela doit être porté à sa connaissance, certes, mais lorsque

 20   vous dites : il est requis, est-ce qu'un commandant doit véritablement être

 21   -- doit véritablement être informé du moindre détail d'information reçue

 22   par son officier chargé du renseignement ? Ecoutez, c'est impossible. C'est

 23   pour cela d'ailleurs qu'il a un officier chargé du renseignement. Parce que

 24   l'officier chargé du renseignement, au vu de l'évaluation qu'il a faite,

 25   peut justement filtrer en quelque sorte le volume d'information, il peut

 26   lui fournir les renseignements dont il a besoin pour ses opérations.

 27   Donc je pense que cela est pertinent au vu d'utilisation de tirs

 28   indirects dans une zone habitée. Mais je suppose que son officier du

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  1   renseignement lui aura fourni ces renseignements. Mais s'il ne l'a pas

  2   fait, vous me posez cette question et cela suggère que le général est ipso

  3   facto coupable de ce fait, mais le général, il est également, il compte

  4   également sur son personnel pour lui fournir les informations, et moi, je

  5   peux faire appel à mon expérience personnelle.

  6   Je pense que ce rapport n'a pas été présenté directement au général.

  7   Il est passé par son service du Renseignement qui l'aura analysé, trillé

  8   sur le volet, qui lui aura fourni les renseignements qui d'après eux sont

  9   nécessaires au général. Ça c'est la réalité d'un commandant qui planifie et

 10   exécute une bataille et il est absolument bombardé de renseignements, de

 11   défis, de gageures et c'est pour cela que les commandants ont justement des

 12   états-majors qui les aident pour leurs opérations.

 13   Q.  Mais le général Gotovina doit justement, c'est de son ressort que de se

 14   tenir informer, par exemple, des concentrations de civils ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que la

 17   pièce 2161 de la liste 65 ter soit versée au dossier.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P2619.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2619 est versée au dossier.

 22   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

 23   Q.  Monsieur le Professeur, dans le chapitre 1 de votre addendum qui figure

 24   à la page 25 de votre rapport, vous faites référence au processus de

 25   ciblage et vous dites comment il faut choisir l'arme appropriée, l'arme

 26   idoine pour obtenir les faits escomptés sur les cibles, et vous dites dans

 27   l'avant-dernier paragraphe :

 28   "Compte tenu de ce que je sais de la situation opérationnelle du

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  1   général Gotovina, il semble manifeste que ces choix que ces options de

  2   choix de cibles étaient limités. Il n'y avait pas en fait, il n'avait pas

  3   de capacité d'armes électroniques lui permettant de perturber la mission.

  4   Il ne disposait pas de matériel de précision du type de ceux qui sont

  5   associés aux opérations pour attaquer le centre de commandement de contrôle

  6   de communication et renseignements. En fait, sa capacité se limitait à des

  7   pièces permettant les tirs indirects des combats terrestres ainsi qu'une

  8   capacité aérienne extrêmement limitée." 

  9   Q.  Monsieur le Professeur, vous dites que vous n'avez trouvé aucune

 10   indication vous permettant de penser qu'il avait à sa disposition des

 11   moyens électroniques puissants. Je suppose que vous avez estimé que c'était

 12   un élément pertinent dans votre analyse lorsqu'il s'agissait de savoir ce

 13   qu'il en est du choix d'armes par le général Gotovina. Etait-ce raisonnable

 14   dans les circonstances ?

 15   R.  Oui. C'est un facteur très important dans le processus de prise de

 16   cibles, un choix de cible.

 17   Q.  Vous avez vu qu'il n'y avait pas de capacité électronique puissante;

 18   est-ce que vous avez demandé à la Défense du général Gotovina de vous

 19   fournir des éléments d'information au sujet des capacités électroniques de

 20   la HV ?

 21   R.  Non, j'ai posé la question à Tampa, et j'ai demandé ce qu'il en était

 22   de leur moyen pour ce qui est des moyens électroniques. C'était une de mes

 23   fonctions; j'étais un ancien officier du renseignement donc j'avais une

 24   expertise dans ce domaine. Et je devais fournir des connaissances sur leur

 25   capacité de prise de cible et de choix d'armes. Donc j'aimais savoir ce qui

 26   en était. Bien sûr que la HV ne pouvait pas avoir le même type de moyen que

 27   les Etats-Unis.

 28   Q.  Oui. Très bien. Alors qu'est-ce qu'on vous a répondu ?

Page 21302

  1   R.  Il me semble qu'il y a eu une conversation au sujet d'un hélicoptère

  2   qui avait la capacité de brouiller les communications mais je pense que ce

  3   n'était pas du tout les communications et les moyens électroniques au

  4   niveau d'un bataillon, quelque chose que vous auriez trouvé dans l'armée

  5   américaine.

  6   En partie, je cherchais aussi à comprendre ce qui en était dans la

  7   HV. Donc lorsque je vois qu'il est question de corps d'armée, par exemple,

  8   pour ce qui est de l'armée croate ou serbe, je me pose la question, pour

  9   savoir quel serait l'équivalent dans l'armée américaine, et en fait, je

 10   suis arrivé à la conclusion qu'en fait c'est plutôt bien plus restreint

 11   pour ce qui est de la taille est moins d'appui que ça n'aurait été au

 12   niveau de brigade, par exemple, dans notre armée.

 13   Q.  Professeur, je vous remercie. Ça aurait été des capacités de brouillage

 14   normalement et également les moyens d'interception sur le plan des

 15   communications radio et surveillance électronique ?

 16   R.  Cela fait longtemps que je ne suis plus penché sur des questions de

 17   renseignement militaire, mais si mes souvenirs sont bons, lorsqu'il s'agit

 18   de brouillage, ce n'est pas la même chose que les moyens de guerre

 19   électronique.

 20   Là, vous auriez, par exemple, les équipements électroniques qui vous

 21   permettraient de prendre pour cible de manière précise le fait de

 22   brouillage, interception, pour pouvoir écouter les conversations de

 23   l'ennemi, la destruction aussi. Ce sont aussi des moyens militaires

 24   électroniques. Par exemple, pour pouvoir détruire les émetteurs ennemis

 25   donc les capacités de transmission. Donc, normalement, le fait de

 26   transmettre ou de diffuser des fausses communications ça ne ferait pas

 27   partie de cette catégorie.

 28   M. RUSSO : [interprétation] Pièce 2156, s'il vous plaît.

Page 21303

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si cela ne ferait pas partie de la

  2   catégorie électronique dans quelle catégorie le rangeriez-vous ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] La capacité de transmettre, cela fait partie

  4   des transmissions, des communications, et diffuser les informations

  5   fausses. Je considère que c'est un autre type de moyen parce que

  6   d'expérience sur le plan de la doctrine les moyens de guerre électroniques

  7   relèvent de la responsabilité de l'officier du renseignement. En fait, dans

  8   l'armée américaine le commandant d'une unité de moyens électroniques est un

  9   officier du renseignement. Donc lorsqu'il s'agit de diffusion de fausses

 10   informations, cela relève de la responsabilité d'officier d'opération. Vous

 11   pouvez vous servir d'équipement de communication, vous pouvez utiliser d'un

 12   moyen électronique pour diffuser de fausses informations mais une opération

 13   de diffusion de fausses informations ne relève pas, à mon esprit, dans la

 14   catégorie des moyens électroniques.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est plutôt les moyens qui sont

 16   utilisés que la finalité.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Avec tous mes respects, en fait, c'est le

 18   contraire. C'est ce qu'on appelle dans l'armée américaine MIJI. Donc

 19   lorsque vous êtes au milieu d'une opération, toutes les procédures

 20   opérationnelles comportent un rapport, à savoir le commandement subordonné

 21   doit envoyer le long de sa filière hiérarchique le rapport lorsqu'il a la

 22   sensation qu'il est victime de la guerre électronique menée par l'ennemi.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur Russo.

 24   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   Q.  Nous avons la demande qui émane le 31 juillet 1995 du chef du

 26   renseignement HV au général Gotovina et lui demande de donner son aval pour

 27   mener à bien "des opérations de guerre électronique et de diffusion de

 28   fausses informations radio," dans la région militaire de Split.

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  1   Alors ce n'est pas un document qui est très long.

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  C'est un document que vous n'avez pas vu lorsque vous avez tiré cette

  4   conclusion que le général Gotovina n'avait pas à sa disposition des moyens

  5   électroniques ?

  6   R.  Je n'avais pas vu cela.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Je demande le versement au dossier.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection de la part de la Défense.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2620.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce est versée au dossier.

 12   M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir à présent la

 13   pièce sur la liste 65 ter 7146.

 14   Q.  Vous avez affiché à l'écran, Professeur, un document qui porte la date

 15   du 1er août 1995, et c'est le plan de la HV aux fins de surveillance

 16   électronique et de brouillage. Une des pages suivante, comporte l'aval

 17   donné par le général Gotovina pour ce plan.

 18   M. RUSSO : [interprétation] Page 7 en anglais et en B/C/S.

 19   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 20   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais que le témoin voit le début du

 21   document.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si le témoin souhaite voir quelque

 23   chose il s'est qu'il doit s'adresser à moi et me le demander. N'hésitez pas

 24   à me le demander.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si je pouvais juste le

 26   voir rapidement depuis le début.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, est-ce que l'on peut

 28   faire cela ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

  2   O.K.

  3   O.K.

  4   O.K.

  5   O.K.

  6   O.K.

  7   O.K.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que l'on peut reprendre la page 7, s'il

  9   vous plaît, puisque c'est la page que je voulais examiner ?

 10   Q.  Vous voyez en haut à gauche l'approbation accordée par le général

 11   Gotovina, et vous voyez quelles sont les tâches qui sont données. Il s'agit

 12   de détecter et de surveiller les communications par radio entre la VRSK,

 13   l'armée de la République serbe de Krajina, le 15e Corps, et la TK, et les

 14   communications radio entre la VRS, et cetera.

 15   R.  Je peux voir la page suivante ?

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Puis la page suivante, s'il vous plaît ?

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Ou la fin de celle-ci.

 20   Est-ce que je peux voir la fin de la dernière page ?

 21   Très bien.

 22   Q.  Monsieur le Professeur, encore une fois, ce n'est pas un des documents

 23   que vous avez examinés avant d'arriver à votre conclusion sur le fait que

 24   le général Gotovina n'avait pas de moyen électronique puissant ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Vous ne l'avez pas vu ?

 27   R.  C'est la première fois que je vois ce document.

 28   Q.  Merci.

Page 21307

  1   M. RUSSO : [interprétation] Je demande le versement de la pièce sur la

  2   liste 65 ter.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2621.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2621 est versée au dossier.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Sur la liste 65 ter la pièce 7351 --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux formuler un commentaire ?

  9   M. RUSSO : [interprétation]

 10   Q.  Oui, tout à fait.

 11   R.  Les tâches des unités subordonnées sont des tâches de surveillance.

 12   Vous pouvez surveiller et suivre avec vos propres radios. Mais pour

 13   interrompre les transmissions de l'ennemi, là, vous avez besoin d'avoir des

 14   moyens de brouillage. Vous allez entendre des -- un grésillement sur votre

 15   fréquence, si j'utilise mon microphone, pour vous intercepter, et donc vous

 16   allez l'entendre jusqu'à ce que j'arrête ou jusqu'à ce que je change de

 17   canal.

 18   Mais ceci m'incite à penser à deux choses. Premièrement, il y a une

 19   espèce de polarisation opérationnelle sur l'effort de collecte; et

 20   deuxièmement, il ne dit pas -- il ne donne pas la directive de brouiller

 21   dans ce rapport. Mais peut-être qu'il y en a un autre, donc où il dit :

 22   recueillez un maximum d'informations, autant que vous pouvez.

 23   Q.  Je vous remercie.

 24   M. RUSSO : [interprétation] La pièce 7351 sur la liste 65 ter, s'il vous

 25   plaît.

 26   Q.  Monsieur le Professeur, vous avez, à l'écran, un ordre qui provient du

 27   chef du grand état-major de la HV, du général Cervenko, sur la guerre

 28   électronique, la date du document est celle du 30 juillet 1995, et je cite

Page 21308

  1   :

  2   "Afin d'utiliser de manière efficace le brouilleur UHF et pour mettre

  3   sur pied, de manière unifiée, le combat électronique lors de l'opération

  4   offensive de la HV," et cetera.

  5   Donc, il s'agit d'utilisation des unités de guerre électronique. Donc, il

  6   dit que la 4e Brigade de la Garde va recevoir une station de brouillage

  7   pour sa zone de responsabilité.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Puis la page suivante en anglais, mais toujours

  9   la même en B/C/S.

 10   Q.  Vers le haut, la 5e Brigade de la Garde, qui se voit confier également

 11   une station de brouillage, puis la 7e Brigade de la Garde, section de

 12   guerre électronique, dans la zone de responsabilité Knin, se voit confier

 13   deux stations de brouillage.

 14   Alors, Professeur, là encore, c'est un document que vous n'avez pas eu

 15   l'occasion d'examiner.

 16   R.  C'est exact.

 17   M. RUSSO : [interprétation] Je demande le versement de la pièce 7351.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2622.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2622 est versée au dossier.

 22   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que nous pouvons

 23   afficher la pièce D965, s'il vous plaît ?

 24   Q.  Monsieur le Professeur, nous avons à l'écran, à présent, un plan

 25   d'appui renseignement de la HV et la date de ce document est le 2 août

 26   1995. Les Unités de Reconnaissance électronique se voient instruire à

 27   recueillir les éléments de renseignements sur la composition et le

 28   déploiement de l'ennemi.

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  1   Alors, vous voyez en haut, à gauche, il y a l'approbation au nom du général

  2   Gotovina.

  3   Voyons un petit peu ce qui est mentionné : recueil d'éléments du

  4   renseignement sur la puissance de l'ennemi et son organisation.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Page suivante.

  6   Q.  S'il vous plaît, vous voyez les missions qui concernent surtout la

  7   collecte des éléments d'information, le fait de repérer le mouvement de

  8   l'ennemi.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

 10   Q.  De nouveau, collecte d'éléments d'information, nouvelles locations,

 11   positions des postes de commandement, les directions possibles des attaques

 12   de l'ennemi.

 13   M. RUSSO : [interprétation] Puis, la page suivante.

 14   Q.  De nouveau, des tâches portant sur la collecte d'éléments d'information

 15   concernant l'ennemi éventuel, dispositions de combat. Surveiller également

 16   les pertes essuyées par l'ennemi, ses effectifs, équipement technique.

 17   M. RUSSO : [interprétation] Page suivante.

 18   Q.  Là encore, quelles sont -- quelles sont les instructions données ?

 19   M. RUSSO : [interprétation] Page suivante.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Juste un instant.

 21   M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez revenir en arrière, s'il

 22   vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] OK.

 24   M. RUSSO : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Professeur, vous voyez, sur la base de ce document, ce plan

 26   d'appui renseignement; vous voyez qu'il n'y a pas d'ordre visant à se

 27   servir de moyens électroniques afin de collecter les éléments d'information

 28   sur la population civile. Vous êtes d'accord avec moi que c'est quelque

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  1   chose qui peut être fait en se servant de moyens électroniques ? Etes-vous

  2   d'accord ?

  3   R.  Comme je l'ai déjà dit, cela fait longtemps que je n'ai plus travaillé

  4   dans le domaine du renseignement. Je n'ai plus rédigé d'annexe aux ordres

  5   d'opérations sur le plan du renseignement depuis très longtemps.

  6   Alors, la collecte d'éléments d'information sur la population civile

  7   fait partie des activités du S5 ou S6, donc affaires civiles qui --

  8   maintenant, quant à savoir si l'officier chargé des affaires civiles

  9   donnera la suggestion aux officiers chargés d'opérations et à l'officier du

 10   renseignement de recueillir ces informations ou non, ça, je ne le sais pas.

 11   Mais il y a un lien très clair ici, entre ce qu'on appellerait la

 12   liste de priorités du commandant, à savoir l'emporter sur l'ennemi en

 13   profondeur et empêcher l'ennemi de se regrouper et d'apporter des renforts,

 14   donc isoler les forces de l'ennemi de toute -- et aussi les missions

 15   données en moyens électroniques.

 16   Donc, de toute évidence, ici, il n'est pas demandé de surveiller

 17   l'activité des civils, mais je ne sais pas si cette station d'écoute est

 18   nécessairement un moyen idéal pour recueillir ces informations.

 19   Q.  Professeur, non, je ne veux pas -- je ne veux pas que vous tiriez des

 20   conclusions sur la base du fait qu'il n'y a pas d'instruction demandant de

 21   collecter les éléments d'information sur la population civile. Je veux

 22   simplement votre confirmation au sujet de la fonction de ces moyens.

 23   R.  Supposons qu'il y a quelque chose à intercepter qui révélerait le

 24   déploiement au mouvement des moyens civils et qu'à ce moment-là, vous

 25   pourriez utiliser un moyen d'interception. C'est tout comme l'artillerie,

 26   vous avez un nombre limité de moyens à votre disposition. Vous avez une

 27   certaine probabilité de recueillir les éléments d'information valables et

 28   vous concentrez ces moyens limités pour obtenir les meilleures

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  1   informations. Par exemple, imaginons qu'on apprenne qu'il y a un convoi qui

  2   évacue des civils, et le service du Renseignement sait que ce convoi se

  3   sert du UHF pour informer, par exemple, le QG des Nations Unies. Je ne sais

  4   pas. Théoriquement, ce serait un bon moyen pour savoir où est le convoi.

  5   Mais il y a des facteurs multiples et c'est ça qui va vous inciter à

  6   vous servir de vos moyens électroniques pour ces finalités ou pas. Dans de

  7   bonnes circonstances oui, on peut le faire.

  8   Q.  Donc, M. le Professeur, ce document que nous avons à l'écran, ce n'est

  9   pas quelque chose dont vous vous êtes servi ?

 10   R.  Je ne l'ai pas examiné.

 11   Q.  Donc nous avons vu quelques éléments de preuve de capacité électronique

 12   qu'avait le général Gotovina à sa disposition. Est-ce que vous êtes

 13   d'accord pour dire que si vous aviez eu le temps de vous pencher sur ces

 14   éléments dans le contexte général, que ceci aurait peut-être une incidence

 15   sur vos conclusions ?

 16   R.  Peut-être. Même si sur la base de ce que j'ai vu, il n'y aurait pas eu

 17   de modifications significatives. Si vous voulez que je vous dise pourquoi,

 18   je vais vous le dire.

 19   Q.  Mais si vous avez déjà, déjà compris -- enfin, si vous savez déjà,

 20   j'aimerais l'entendre.

 21   R.  Vous devez savoir ce que c'est les moyens de brouillage, et ce que cela

 22   fait, quel rôle cela joue lorsqu'il s'agit de prendre pour cible tel ou tel

 23   objectif. Donc ce n'est pas différent d'un projectile cinétique

 24   d'artillerie. Donc c'est un moyen qui est à la disposition du commandant

 25   qui produit un certain effet, un certain résultat.

 26   Mais il y a aussi des défauts. Vous devez par exemple diffuser des

 27   fréquences très puissantes au dessus des fréquences pour couvrir les

 28   fréquences de l'ennemi. Donc l'ennemi qui anticipe votre brouillage, il va

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  1   éviter d'utiliser tel ou tel canal. Donc en d'autres mots, vous choisissez

  2   votre radio, on vous brouille et puis vous avez une autre fréquence pour

  3   vous déplacer sur cette autre fréquence pour vous protéger.

  4   Donc aussi l'ennemi peut déterminer votre position lorsqu'il y a

  5   brouillage. Donc il faut savoir s'en servir à bon escient, au bon moment,

  6   et lorsque pour un bon objectif.

  7   Donc la discussion sur les moyens électroniques, je pense avaient à

  8   voir avec l'attaque d'artillerie sur le QG du Corps d'armée. Donc une cible

  9   C3I d'importance primordiale, et d'autres cibles, et si vous avez, par

 10   exemple, le brouillage, ça peut être efficace pendant une certaine période

 11   de temps, mais vous pouvez vous exposer à une contre attaque, et l'ennemi

 12   peut aussi atténuer les résultats de ce brouillage.

 13   Prenons, par exemple, une opération qui est prévu par le commandant en

 14   profondeur, j'en ai parlé hier. Donc j'ai parlé de cet effet de

 15   prédominance entière, sur la totalité de l'échelle. Alors, vous avez la

 16   capacité C3I, mais si vous isolez les forces, si elles ont la sensation

 17   qu'elles ne peuvent être en communication avec personne, vous augmentez

 18   leur sentiment d'isolement, et cela vous donne plus de marge d'initiative.

 19   Donc les moyens de brouillage limité doivent être utilisés à bon

 20   escient. Donc lorsque vous voulez par exemple apporter un appui, un assaut,

 21   une attaque tactique terrestre.

 22   Donc, par exemple, pour aveugler les positions de commandement avancé

 23   ou pour réduire l'importance des postes arrières.

 24   Q.  Vous avez parlé de moyens de brouillage limité. Est-ce qu'on vous a dit

 25   qu'il avait des moyens limités ? Maintenant je vous ai montré quels moyens

 26   il avait à sa disposition. Est-ce que vous maintenez votre qualification ?

 27   R.  Oui, tout à fait puisque je me fonde sur mon expérience. Vous avez un

 28   groupe de combat au niveau d'une brigade, normalement ils auraient au moins

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  1   une compagnie sinon un bataillon de moyens électroniques. Donc ils auraient

  2   deux ou trois appareils de brouillage à leur disposition.

  3   Q.  Mais l'efficacité de vos capacités de brouillage, et bien entendu vos

  4   effectifs. Est-ce que vous avez une section, une brigade, mais tout cela

  5   est relatif par rapport aux effectifs de l'ennemi que vous avez face à vous

  6   et par rapport à la zone ?

  7   R.  Oui, bien entendu. Il y a la question de redondance aussi : combien de

  8   réseaux à l'ennemi ? Vous voyez, par exemple, à l'annexe, à l'annexe qui

  9   concerne la surveillance qui se poralise [phon] sur les réseaux de

 10   communication multiple de l'ennemi.

 11   Donc, par exemple, lorsque j'étais officier du renseignement,

 12   lorsqu'il y avait brouillage de la radio du commandant, et lorsque c'était

 13   au niveau d'une Unité légère d'Infanterie, le commandant prenait ma radio

 14   pour communiquer. Donc vous avez un réseau, donc il y a des réseaux

 15   multiples. Et si vous essayer d'aveugler la fonction commandement et de

 16   contrôle du commandant, vous devez utiliser vos appareils de brouillage

 17   exclusivement, non seulement pour réduire sa capacité, mais aussi pour

 18   rendre inefficace les autres appareils.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Rousseau, je regarde l'heure.

 20   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un petit peu technique de procédure qui

 22   n'a rien à voir avec la déposition.

 23   Nous allons faire une pause, une fois qu'on aura escorté le témoin et

 24   nous allons reprendre dans 20 minutes.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous avons parlé du début de

 27   l'affaire Cermak, j'ai soulevé cette question même avant d'avoir vu cette

 28   écriture où il y a plusieurs inquiétudes qui sont exprimées.

Page 21315

  1   Donc la question est de savoir si on en aura terminé la déposition du

  2   témoin de la semaine prochaine. Donc est-ce que vendredi on peut s'attendre

  3   à ce que ce soit terminé ?

  4   M. KEHOE : [interprétation] Oui, c'est ce que je pense, je pense qu'on aura

  5   terminé.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Donc on aura peut-être besoin

  7   d'une petite Conférence de mise en état, et peut-être qu'on pourra trouver

  8   un moment la semaine prochaine pour être efficace, peut-être à la fin de la

  9   semaine ou peut-être non. Mais ce ne serait pas bien de commencer la

 10   Défense Cermak puisqu'il faut savoir que nous avons ce week-end prolongé,

 11   nous avons le jour férié onusien le 21 septembre.

 12   Donc est-ce que la Défense Cermak pourrait prévoir de commencer le 22

 13   septembre ou un jour plus tard ? Donc on devrait peut-être prévoir de

 14   commencer le 22 septembre, à moins que cela vous pose de problèmes.

 15   M. CAYLEY : [interprétation] Non, non, cela nous convient tout à fait, nous

 16   serons prêt à commencer le 22 septembre.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a juste une légère incertitude

 18   quant au témoignage de ce témoin. Est-ce qu'on pourra le terminer vendredi

 19   ?

 20   M. CAYLEY : [interprétation] Oui, tout à fait.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande aux parties de voir si nous

 22   pouvons terminer la déposition du dernier témoin de la Défense Gotovina, de

 23   telle manière qu'on ne déborde pas sur la semaine du 21, 22.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Oui, juste un point, un problème de traduction

 25   que Me Misetic voudrait évoquer cela. C'est quelque chose qui s'est

 26   présenté lors de la dernière audience.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation] C'est un détail. Je pense que ce serait une

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  1   bonne chose que l'on puisse afficher la pièce à l'écran, voir la ligne 9,

  2   voir la dernière colonne, D965, d'après ce qu'on me dit. Il faudra corriger

  3   ce document --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est la page ?

  5   M. MISETIC : [interprétation] C'est ce que nous voyons à l'écran --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   M. MISETIC : [interprétation] -- l'entrée au point 9.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. MISETIC : [interprétation] La dernière colonne, "PZO" comme "Brigade

 10   d'Artillerie et de Roquette," mais en fait c'est "Défense antiaérienne,"

 11   c'est ce qu'il conviendrait de mettre.

 12   Donc nous téléchargerons la version correcte dans le prétoire électronique.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cette traduction elle provient

 14   d'où, qui est l'auteur de la traduction… vous dites que vous allez

 15   télécharger une traduction différente. Bien sûr, il faudra vérifier si on

 16   peut --

 17   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- autoriser.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Je pense que la traduction correcte c'est

 20   "Défense antiaérienne."

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je suppose que vous allez vérifier

 22   avec --

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- les traducteurs qui ont la compétence

 25   dans ce domaine qui pourront confirmer.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, et nous

 28   allons reprendre à 12 heures 50.

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  1   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

  2   [Le témoin vient à la barre]

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous allez poursuivre.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.

  6   Q.  Professeur, à la page 25, vous avez dit que le général Gotovina n'avait

  7   que très peu de moyens en termes d'hélicoptères ?

  8   R.  Oui, effectivement.

  9   Q.  Est-ce que vous pensiez que c'était un élément important quand il

 10   s'agissait de déterminer si les choix d'armes et d'artillerie que M.

 11   Gotovina a utilisé pour tirer sur Knin étaient raisonnables ou non ?

 12   R.  Oui, vous devez prendre en compte ces capacités globales.

 13   Q.  Quand vous avez vérifié donc les informations qui vous ont été

 14   fournies, je n'ai pas d'indication comme quoi vous ayez eu accès aux

 15   documents parlant de ces moyens en termes d'hélicoptères ou aviation.

 16   Pourtant vous en tirez une conclusion ?

 17   R.  Je pense que, là, il s'agit d'une question d'ordre générale que j'ai dû

 18   poser quand il s'agissait de savoir quels étaient donc les moyens dont

 19   disposaient les forces des deux côtés. C'est peut-être aussi quelque chose

 20   qui figure dans le rapport de M. Konings.

 21   M. RUSSO : [interprétation] Pourrions-nous avoir la pièce 65 ter 7354 ?

 22   Q.  Professeur, il s'agit ici d'un document d'analyse qui porte sur

 23   l'utilisation de forces aériennes de l'opération Tempête. C'est un document

 24   assez long et je ne vais pas vous demander de tout lire, mais vous pourriez

 25   peut-être parcourir avec moi un certain nombre de pages, notamment la page

 26   6 en anglais. Je pense que c'est aussi la page 6 en B/C/S.

 27   Donc on peut voir sous 4, quelles étaient les forces dont disposaient les

 28   forces croates. On peut voir qu'il y avait 17 avions de combat et cinq

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  1   hélicoptères de combat. Alors la page suivante en bas, la dernière phrase

  2   où l'on peut lire :

  3   "Nous avons créé un poste de commandement avancé de la force

  4   antiaérienne croate pour chaque district militaire, chaque poste de

  5   commandement de ces districts militaires, avec pour mission d'utiliser ces

  6   forces de façon raisonnable."

  7   Q.  Est-ce que je peux examiner à nouveau la page précédente, s'il vous

  8   plaît ?

  9   R.  Merci.

 10   Q.  D'accord.

 11   R.  C'est beau. C'est bon, j'ai vérifié. Merci.

 12   M. RUSSO : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 16 en anglais

 13   et en B/C/S ?

 14   Q.  Là, vous pouvez voir l'avant-dernier paragraphe en bas de la page, on

 15   peut lire 14,5 % de vols étaient effectués conformément au plan et 85,5 %

 16   des vols ont été effectués sur demande.

 17   Donc, Professeur, est-ce que vous avez eu cette information avant de

 18   tirer vos conclusions ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Quand on parle des MiG-21, les -- ligne 21, ce sont les avions de

 21   combat ?

 22   R.  Oui. Ils peuvent être utilisés aussi bien dans les combats aériens, ou

 23   bien air à la terre.

 24   Q.  Très bien.

 25   M. RUSSO : [interprétation] Maintenant je vais demander que ce document

 26   soit versé au dossier.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2623.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Maintenant je

  4   vais demander que l'on examine la pièce 65 ter 7361.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-il possible d'avoir

  6   un stylo ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en avons à votre disposition.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais faire en sorte de vous le retourner,

  9   Monsieur le Président.

 10   M. RUSSO : [interprétation]

 11   Q.  Sur votre écran, on voit un extrait du livre du général Gotovina. La

 12   section intitulée - celle qui nous intéresse - c'est "L'appui de la force

 13   aérienne." C'est le deuxième paragraphe qui m'intéresse, où on peut lire :

 14   "Au cours des opérations Ljeto 95, Tempête, Maestral et le mouvement du

 15   sud, le commandement du district militaire de Split a reçu les hélicoptères

 16   Mi-8, MTV 1, Mi-24V ainsi que des avions MiG 21 bis."

 17   A la fin, on peut lire aussi :

 18   "Les avions MiG 21 ont été les plus souvent utilisés pour protéger les

 19   hélicoptères Mi-24V au cours des opérations Eté 95, Tempête et Maestral;

 20   cependant, deux avions agissaient sur demande au cours de l'opération Eté

 21   95 et opération Tempête. Ils étaient extrêmement efficaces quand il

 22   s'agissait d'agir sur les colonnes de l'ennemi et sur les installations au

 23   niveau de Biovcino Selo, Ocestovo et Drvar."

 24   Professeur, est-ce que vous savez que le général Gotovina disposait de deux

 25   avions MiG 21 dont il pouvait disposer sur demande avant de tirer vos

 26   conclusions en disant que ces ressources étaient extrêmement limitées ?

 27   R.  Je ne pense pas.

 28   Q.  En ce qui concerne l'utilisation des MiG 21 à Ocestovo, ce qui est

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  1   mentionné dans le livre du général Gotovina, est-ce que vous savez à quelle

  2   proximité se trouve cet endroit de Knin ?

  3   R.  Non.

  4   M. RUSSO : [interprétation] Je demande que cette pièce soit versée au

  5   dossier.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci deviendra la pièce P2624.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.

 10   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

 11   Je vais demander à présent que l'on examine la pièce 65 ter 7353.

 12   Q.  Ce que vous voyez ici, Monsieur, c'est le rapport des forces aériennes

 13   croates en date du 4 août 1995. Comme vous pouvez le voir au deuxième

 14   paragraphe, on peut voir que 13 MiG 21, donc des avions de combat, ont été

 15   attribués à l'opération. Vous pouvez voir aussi quelles étaient les

 16   missions de l'opération. Entre autres, il s'agissait de détruire le poste

 17   de relais de Celavac, et ensuite on voit "éliminé" ou "détruit."

 18   Est-ce que vous le saviez -- est-ce que vous étiez au courant de cela ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-ce que vous savez quelle est l'importance de ce poste de relais

 21   radio de Celavac par rapport au système de communication de l'ARSK dans la

 22   zone de Knin ?

 23   R.  Non.

 24   M. RUSSO : [interprétation] Je demande que cette pièce soit versée au

 25   dossier.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci deviendra la

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  1   pièce P2625.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier ?

  3   Monsieur Russo, j'ai quelques inquiétudes quant à la vitesse de vos

  4   paroles, et c'est vraiment vous qui parlez trop vite.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je vous

  6   présente mes excuses.

  7   Q.  Maintenant nous revenons sur l'ordre d'attaque du général Gotovina,

  8   P1125.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Je vais demander qu'on examine la page 13 en

 10   anglais, la page 12 en B/C/S. Je regarde la section 6, qui figure à la

 11   treizième page en anglais. En B/C/S, je pense que nous avons la bonne page,

 12   mais en revanche, je ne vois pas la page correspondante en anglais. Voilà,

 13   nous y sommes.

 14   Q.  On y parle des forces aériennes croates, le général Gotovina donne

 15   l'ordre :

 16   "Qu'avec les avions autorisés pour les combats (MiG 21), les

 17   hélicoptères de combat (Mi-24) et les hélicoptères de transport (Mi-8),

 18   procédez à l'appui aérien sur les axes de l'attaque en accord avec le plan

 19   d'utilisation et suite à l'ordre du commandant du Groupe opérationnel."

 20   Est-ce que vous avez pris en compte ce document avant de dire que le

 21   général Gotovina n'avait que très peu d'hélicoptères à sa disposition ?

 22   R.  Non. J'ai dit que c'était au fond assez limité. Je savais qu'il avait

 23   quelques hélicoptères.

 24   Q.  Merci.

 25   M. RUSSO : [interprétation] Pouvons-nous à présent voir la pièce P71.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, la traduction de ce

 27   document parle de l'utilisation des forces antiaériennes où l'on voit le

 28   mot "PZO," M. Russo vient donc de se mettre d'accord avec votre proposition

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  1   de traduction puisque c'est comme cela qu'il a traduit ce sigle.

  2   M. RUSSO : [interprétation]

  3   Q.  Professeur, ici nous avons le journal des opérations du district

  4   militaire de Split. Je vais vous demander d'examiner la page 79 en anglais,

  5   c'est la page 42 en B/C/S. Ce qui m'intéresse c'est ce qui figure au

  6   paragraphe correspondant à 9 heures 27 du matin. Sur l'écran de droite,

  7   c'est la page 42.

  8   Vous allez voir que le général Gotovina donne l'ordre de "faire voler

  9   immédiatement nos avions MiG." A 9 heures 25 -- à 9 heures 55, il est dit

 10   que :

 11   "Les MiG sont en l'air et ils attendent les ordres à 9 heures 55."

 12   Il a indiqué aussi que les hélicoptères sont en train d'évacuer les

 13   blessés ou tués.

 14   Ensuite page 84 en anglais, et la page 47 en B/C/S. Je cherche ce qui

 15   correspond à 9 heures 25 - c'est la page 47 en B/C/S - donc 9 heures 25, où

 16   le général de brigade Ademi donne l'ordre aux avions de tirer sur la ligne

 17   de chars de l'ennemi au niveau de Stara Straza. Il s'agit de la date du 5

 18   août 1995.

 19   Savez-vous quelle est la distance qui sépare Stara Straza et Knin ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Est-ce que vous avez examiné ce document ?

 22   R.  Non, je ne l'ai jamais vu auparavant.

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Souhaitez-vous le verser ?

 25   M. RUSSO : [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Moi, je voudrais tout de même

 27   demander que l'on revienne à la page 42 de ce document.

 28   Monsieur Corn, tout à l'heure nous avons parlé de la guerre électronique.

Page 21324

  1   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois à 9 heures 50 quelque chose qui

  3   est écrit. On y mentionne justement : "La guerre électronique." En fait, on

  4   parle de l'avion de l'ennemi qui va tirer sur Grahovo.

  5   Ensuite, entre parenthèses, on voit : "La guerre électronique."

  6   L'abréviation pour cela.

  7   Alors vous nous avez expliqué dans quelle mesure l'équipement de guerre

  8   électronique, dont disposait cette troupe, était insignifiant, si j'ose

  9   dire; est-ce que vous pourrez nous dire ce que vous pensez de ce qui est

 10   écrit ici ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, vous pouvez interpréter cela de

 12   différentes façons. D'un coté, vous pouvez dire que l'information vient

 13   justement de moyens électroniques, puisque, là, il s'agit de prédire

 14   quelque chose qui va se passer à l'avenir, qui vous se produire à l'avenir.

 15   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je pense que c'est tout à fait possible

 17   qu'ils anticipent que leur -- et il y a aussi l'autre possibilité, à savoir

 18   qu'ils anticipent que justement leurs moyens de guerre électronique vont

 19   faire l'objet d'une attaque par l'avion de l'ennemi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] La troisième possibilité c'est qu'ils

 22   planifient d'utiliser la guerre électronique justement pour empêcher

 23   l'attaque de l'ennemi.

 24   Donc nous avons trois possibilités, là.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous remercie. C'est vrai que

 26   cela ne vous aide pas.

 27   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Russo.

 28   M. RUSSO : [interprétation]

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  1   Q.  Professeur, je regarde les informations que je vous ai montrées, et

  2   est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'est pertinent quand on parle

  3   de moyens dont disposait le général Gotovina ?

  4   R.  On ne peut pas dire qu'il y en avait ou qu'il y en n'avait pas. Il en

  5   avait à sa disposition et c'est ça le mot qui est important là. Donc

  6   apparemment, là, il s'agit des moyens d'appui aérien qui sont un élément

  7   importants en sa faveur. Il semble aussi clair que le général a compris

  8   qu'il est important de pouvoir répondre rapidement quand il s'agit donc de

  9   ce combat rapproché et qu'il est préoccupé devant la mobilité de l'ennemi,

 10   devant ses capacités de manœuvre, et il essaie d'agir là-dessus.

 11   Donc évidemment, qu'il savait qu'il avait à sa disposition cet appui

 12   aérien rapproché s'il en avait besoin.

 13   Mais le plus important ici dans ces documents c'est le pourcentage

 14   que l'on voit, à savoir 14,5 % d'utilisation pré planifiée; 85,5 sur ordre.

 15   Donc autrement dit, il a utilisé dans les combats rapprochés car il en

 16   avait besoin. Il n'a pas utilisé contre les cibles pré planifiées et c'est

 17   tout à fait logique puisqu'il essaie d'agir par rapport aux capacités de

 18   manœuvre de la force de l'ennemi. Donc il répond tout simplement par

 19   rapport à une situation qui se dévoile sous ses yeux.

 20   Donc si vous regardez toutes les informations dont on dispose, je

 21   suis d'accord pour dire qu'il s'agissait quand même de quelque chose qui

 22   est assez limité, et je pense que c'est quelque chose qui est important par

 23   rapport à ses capacités de manœuvre d'opérer et qu'il a agi conformément à

 24   cela.

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je suis la traduction en

 28   français, et je vais demander à tout le monde de faire attention au débit,

Page 21327

  1   s'il vous plaît.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Je vous présente mes excuses. Mais si nous

  3   allons passer à un autre sujet, je pense que le conseil du Procureur est

  4   obligé en vertu de l'article 99(H) de nous dire quel est son argument par

  5   rapport à l'utilisation des moyens, c'est-à-dire si le témoin le savait ou

  6   s'il ne le savait pas.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Tout d'abord, il s'agit d'un article qui

  8   concerne les témoins qui peuvent déposer ici. Il ne s'agit pas des

  9   informations dont disposait le témoin. Donc il faudrait tout d'abord en

 10   informer pour pouvoir lui demander son opinion.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Mais dans ce cas-là, le conseil n'aurait pas dû

 12   lui poser des questions tout simplement.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de comprendre de quoi il

 14   s'agit là.

 15   Donc j'essaie de comprendre ce qui s'est passé au cours de la dernière

 16   demi-heure, disons. Apparemment, M. Russo a présenté des éléments de preuve

 17   au témoin, éléments de preuve qui n'avaient pas été pris en considération

 18   par le témoin lorsqu'il s'est forgé son point de vue, et moi, je n'ai pas

 19   eu l'impression que le témoin avait contredit les éléments à charge

 20   présentés par l'Accusation donc. Alors peu importe qu'il s'agit d'éléments

 21   de preuve qui étayent la thèse de l'Accusation ou qui visent à démontrer

 22   qu'il y avait eu des documents assez limités qui ont été mis à la

 23   disposition de ce témoin expert. Je ne sais pas lequel de ces deux

 24   postulats est le juste. Mais le fait est qu'il existe une obligation pour

 25   l'Accusation vis-à-vis d'un témoin, si la déposition du témoin contredit la

 26   thèse de l'Accusation, s'il me semble avoir bien compris et interprété

 27   l'article 90(H) petit (ii).

 28   Alors, Maître Kehoe, j'aimerais savoir où et quand ce témoin a

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  1   contredit dans le cadre de sa déposition, j'entends, la thèse de

  2   l'Accusation.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Premièrement, Monsieur le Président, si vous

  4   prenez l'article 90(H)(ii), cela ne se limite pas ou cet article ne se

  5   limite pas au témoin qui témoignage sur le fait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela n'a pas été dit par l'Accusation.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Oui, cela a été soulevé par l'Accusation. Il a

  8   dit que cela se limitait au témoin qui témoigne sur le fait.

  9    Si vous perdez de répondre, je vous dirais que cela se limite aux témoins

 10   qui sont en mesure de déposer sur un point ayant trait à sa cause. Et --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   M. RUSSO : [interprétation] Ce que je vous dis, en fait, c'est qu'il s'agit

 13   d'éléments de preuve qui sont des éléments de preuve factuels. Il ne s'agit

 14   pas d'une opinion juridique qui est demandée.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, faisons abstraction de cela pour

 16   le moment.

 17   Maître Kehoe.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Deuxièmement, le -- alors, bien entendu,

 19   l'Accusation va indiquer que l'utilisation de l'artillerie faite par le

 20   général Gotovina n'est pas -- n'a pas été faite à la suite d'un choix

 21   judicieux. Ce n'est pas une utilisation raisonnable. C'est le point de vue

 22   de l'Accusation. C'est sa thèse. En fait, donc, il aurait dû poser des

 23   questions au niveau opérationnel et au niveau tactique et à propos du

 24   théâtre des opérations.

 25   Mais s'il -- si, au vu des éléments de preuve qui ont été présentés,

 26   l'Accusation va indiquer que c'est ce qu'aurait dû faire le général

 27   Gotovina, l'article 90(H) les oblige à indiquer ou à interroger un témoin

 28   qui est en mesure de déposer sur un point et entrer à sa cause. Elle doit -

Page 21329

  1   - l'Accusation doit confronter le témoin aux éléments qui contredisent ces

  2   déclarations, et donc il aurait dû demander si le général -- ou il aurait

  3   dû dire que le général Gotovina aurait dû utiliser des avions, qu'il s'agit

  4   d'avions fixes ou d'avions rotatifs, par opposition à l'artillerie. Si

  5   c'est cela, c'est la question qu'il doit poser au professeur Corn, devant

  6   cette Chambre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que cela est bien votre

  8   point de vue, Monsieur Russo ? Est-ce que vous dites que cela aurait dû

  9   être utilisé par opposition à l'artillerie ?

 10   M. RUSSO : [interprétation] Ecoutez, nous ne sommes pas obligés de dire

 11   quel va être notre argument final et définitif lors de notre réquisitoire.

 12   Mais notre point de vue, c'est qu'il a utilisé son artillerie de façon qui

 13   n'était pas raisonnable. C'est ce que nous indiquons au témoin et je pense

 14   que le témoin est tout à fait conscient de notre point de vue.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons vérifier.

 16   Etes-vous tout à fait conscient du fait que l'Accusation avance que

 17   l'artillerie a été utilisée de façon irraisonnable pendant l'opération

 18   Tempête ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je comprends tout à fait que cela

 20   est leur thèse. Alors, je ne peux pas m'empêcher de tirer des déductions --

 21   ou de faire des déductions à partir de cela et de penser aux questions

 22   relatives à la disponibilité des pièces qu'ils avaient l'intention

 23   d'utiliser; ce qui renforce ma position et lamine la leur.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre statue de la façon suivante :

 26   L'Accusation a respecté ses obligations au titre de l'article 90(H)(ii).

 27   Poursuivez, Monsieur Russo.

 28   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

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  1   voulais juste préciser quelque chose à propos de ces questions que j'ai

  2   posées. Ces questions ont été posées, entre autres, pour mettre en brèche,

  3   en quelque sorte, l'affirmation du témoin dans son rapport, affirmation

  4   suivant laquelle le général Gotovina disposait de matériel et d'équipement

  5   extrêmement limité. Et je pense que le témoin est informé, en fait, de

  6   cette question.

  7   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  8   M. KEHOE : [interprétation] Mais cela fait partie intégrante de la thèse.

  9   Mais il ne faut pas oublier ce qui est, en fait, corollaire par rapport à

 10   cela. Si l'utilisation d'avions fixes ou rotatifs est quelque chose qui

 11   aurait dû être utilisée parce que --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Kehoe, je n'ai pas

 13   invité M. Russo à expliquer ce qu'il avait fait devant la Chambre.

 14   Alors, bien entendu, je vais vous autoriser à terminer votre phrase,

 15   et par ailleurs, la Chambre ne souhaiterait surtout pas un long débat à

 16   propos de la décision qu'elle vient de rendre.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Fondamentalement, en fait -- bon, je ne vais

 18   pas revenir à la charge. J'ai tout à fait compris ce que vous vouliez dire.

 19   Et je m'excuse si je n'ai pas donné cette impression.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, je ne vous demande pas

 21   quelle est votre remarque suivante, mais votre question suivante.

 22   M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur.

 23   Q.  Si vous prenez votre addendum, section 1, dernier paragraphe, page 25,

 24   voilà ce que vous dites et je cite :

 25   "Il semble clair qu'au vu de la doctrine METT-T-C, le général Gotovina

 26   aurait dû prendre en considération l'utilisation -- ou aurait dû utiliser

 27   une attaque terrestre pour détruire ou perturber le commandement, contrôle,

 28   communications et renseignements, le QG de l'ennemi à Knin, mais que cela

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  1   n'était pas véritablement une option viable."

  2   Alors, j'aimerais savoir sur quoi vous vous fondez pour présenter ce

  3   point de vue.

  4   R.  Premièrement, il s'agit d'une doctrine ou d'un principe qui est

  5   quasiment universel, un principe de la doctrine, à savoir il faut éviter

  6   quasiment, coûte que coûte, des combats terrestres dans un environnement

  7   urbain, des zones habitées; cela, il faut l'éviter. Je pense que cela est

  8   compris par la plupart des forces armées. C'est vraiment une solution de

  9   tout dernier recours parce qu'en fait, l'environnement urbain est tel qu'il

 10   minimise votre aptitude à manœuvrer et cela ne vous permet pas d'avoir une

 11   vision d'ensemble claire du champ de bataille.

 12   Si vous vous souvenez, hier, j'avais insisté sur un fait, j'avais dit

 13   qu'un commandant qui exécute une opération a pour objectif prioritaire,

 14   l'initiative -- il doit conserver l'initiative, conserver l'élan pris et

 15   c'est lui, en fait, qui donne le ton et qui est responsable de la cadence

 16   et du rythme de la bataille. Du point de vue historique, d'ailleurs, nous

 17   voyons que cela -- qu'il y a, en fait, des exemples universels de la

 18   brutalité des combats à pied dans les zones habitées, je pense à la

 19   bataille de Stalingrad, par exemple, vous voyez, c'est une anecdote

 20   intéressante, le débat entre le général de Gaulle et Eisenhower : est-ce

 21   que Paris aurait dû être libérée ou contournée, alors qu'Eisenhower était

 22   absolument catégorique et disait qu'il ne voulait absolument pas se lancer

 23   dans des combats de rue dans Paris à cause de l'impact que cela aurait

 24   représenté. Nous savons qu'il n'a pas, en fait, remporté -- qu'il n'a pas

 25   pu prouver son point de vue et qu'il a été le grand perdant dans cet

 26   argument. Donc ça c'est véritablement quelque chose -- c'est un axiome de

 27   doctrine.

 28   Donc, un commandant qui est prudent et qui se trouve à cette

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  1   question, est-ce qu'il faut détruire ou dégrader des objectifs militaires

  2   qui se trouvent dans un terrain ou dans un contexte urbain doit répondre à

  3   cette question ?

  4   Puis, deuxièmement, il y a autre chose qui est très très clair. Les

  5   efforts prioritaires déployés par le général visaient à détruire les

  6   positions ennemies fixes. Ce qui est loin d'être une tâche aisée. C'est une

  7   tâche qui est particulièrement périlleuse car un commandant préfère

  8   toujours attaquer un ennemi dans le cadre d'un combat avec la mobilité que

  9   cela représente par opposition à un ennemi qui se trouve investi dans des

 10   positions fixes. Je pense que vous verrez que le général, en fait, a pris

 11   en considération, de façon manifeste, cette priorité puisqu'il dit à ses

 12   unités subordonnées de mener à bien -- ou plutôt, en fait, il se rend

 13   compte que mener à bien un assaut, une attaque urbaine, au vu des

 14   conditions, aurait, en fait, fait en sorte que l'effort prioritaire se

 15   serait déplacé et n'aurait plus été un effort tactique, mais un effort

 16   d'appui, dans le cadre de l'attaque parce que vous n'aurez pas -- il

 17   n'aurait pas pu le faire très facilement.

 18   Il y a un autre facteur qu'il ne faut pas perdre de vue. Il faut -- il ne

 19   faut pas oublier le résultat qu'il compte obtenir pour bien mettre en place

 20   ces conditions débouchant sur le succès de ses efforts. Ce qu'il voulait,

 21   ce n'était pas capturer le QG. Il ne voulait pas le détruire, ce QG. Il

 22   voulait perturber le mouvement de ce QG. Il voulait perturber tous les

 23   phénomènes ou tous les -- tous les phénomènes d'approvisionnement et il

 24   voulait en sus créer un sentiment d'isolement pour les forces ennemies se

 25   trouvant au niveau au C3I, au lieu de l'attaque. Donc, c'est ce que j'en

 26   déduis, d'après ce que -- tout ce que je sais de cette attaque.

 27   Donc, s'il pensait que pour ses efforts soient couronnés de succès au

 28   niveau de l'opération, il fallait qu'il capture l'immeuble du QG, cette --

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  1   lorsque vous pensez au METT-T-C, il aurait, en fait, procédé à une analyse

  2   différente, Parce qu'il n'y a que quelques pièces ou quelques éléments du

  3   matériel qui vous permettent de capturer des personnes. Mais si vous

  4   envisagez la viabilité d'une attaque terrestre dans Knin, il ne faut pas

  5   oublier ce qu'il souhaitait obtenir dans le cadre de cette mission, et il

  6   ne faut pas non plus oublier que les opérations militaires qui sont menées

  7   par des soldats à pied sont considérées comme extrêmement dangereuses. Au

  8   vu de tous ces facteurs, je pense qu'il est très, très, très improbable

  9   qu'il ait considéré cette possibilité d'action comme une possibilité

 10   viable.

 11   Q.  Monsieur le Professeur, je pense que nous n'avons peut-être pas la même

 12   définition du terme "viable." Mais avant que nous ne nous penchions sur

 13   cette question, est-ce que vous avez compris que l'un des objectifs de

 14   l'opération Tempête n'était pas de saisir ou de capturer la ville de Knin ?

 15   R.  Non, non, non, non. J'avais compris que l'objectif prioritaire de

 16   l'opération Tempête était de faire fuir les forces ennemies de cette zone

 17   et de capturer donc le QG qui se trouvait à Knin. Ça c'était l'objectif

 18   stratégique. Alors le général Gotovina a fait ce qu'un commandant

 19   opérationnel est censé faire, il a converti ses objectifs stratégiques en

 20   une action opérationnelle. Il a -- et pour lui la priorité était de vaincre

 21   l'ennemi qui se trouvait sur des positions défensives, l'ennemi qui

 22   protégeait ce secteur. Je suppose en fait que ce qui était supposé c'était

 23   qu'une fois que les défenses de l'ennemi étaient mises à mal, et ce, sur

 24   toute leur profondeur, il aurait été facile de capturer Knin. Donc je ne

 25   vous suggère pas qu'il s'est rendu compte qu'il aurait pu capturer et

 26   contrôler Knin, mais ce que je suggère c'est que cela n'était pas forcément

 27   l'objectif premier de cette opération.

 28   Q.  Donc vous dites qu'il ne s'agissait pas d'une option viable et peut-

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  1   être que votre définition du terme viable n'est pas la même que la mienne

  2   parce qu'en ce qui me concerne lorsque j'utilise le terme "viable," cela

  3   signifie c'est quelque chose que vous pouvez faire.

  4   R.  Oui, la possibilité est une des composantes de la viabilité.

  5   Q.  Lorsque vous dites que ce n'est pas une option viable d'après votre

  6   avant-dernière réponse, je suppose que même si cela était impossible ce que

  7   vous n'avez pas dit, de toute façon cela n'était pas souhaitable; c'est

  8   bien cela ?

  9   R.  Non, non, je pense que comme vous dites ce n'était pas conseiller, non,

 10   cela peut induire en erreur. Parce que dans un premier temps, je suppose

 11   que cela était possible. Si le général avait décidé que l'effort

 12   prioritaire de son corps consistait à capturer la ville, je pense que vous

 13   auriez vu des manœuvres tout à fait différentes, vous auriez vu en fait que

 14   les unités subordonnées auraient été utilisées de façon différente. Donc ce

 15   que j'entends lorsque je dis que ce n'est pas viable, c'est que dans le

 16   cadre de tous les efforts qu'il devait faire et dans ce contexte, il aurait

 17   fallu qu'il engage certains -- ou plutôt, pour être plus clair, il aurait

 18   pu prévoir, et ce de façon assez raisonnable, que cela aurait requis de la

 19   part de son matériel un engagement qui aurait été tel qu'il n'aurait pas pu

 20   le concentrer pour avoir ces tactiques au niveau des positions défensives

 21   de l'ennemi.

 22   Puis un autre aspect pour ce qui est de l'utilisation de ce terme

 23   "viable." L'une des raisons pour lesquelles les opérations de fantassins

 24   sur terrain urbain n'est pas très bien considérée, c'est parce que

 25   justement les espaces des champs de bataille ne peuvent pas être prévoir et

 26   lorsque l'on prévoit la cadence d'une bataille, cela a un rapport direct

 27   avec le rythme, avec les initiatives qui peuvent être prises et à quel

 28   rythme. Donc si le général Gotovina en fait c'était dit : est-ce que je

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  1   peux prendre Knin, capturer Knin avec un bataillon ? S'il engage ce

  2   bataillon, il le fait en sachant pertinemment qu'il ne peut absolument pas

  3   prévoir si ce bataillon pourra accomplir sa mission de façon satisfaisante.

  4   Il peut bien entendu nourrir des espoirs à ce sujet. Mais ce n'est, ce

  5   n'est pas véritablement une analyse rationnelle des forces qui doit être

  6   menée à bien par un commandant sur un terrain ouvert, ou même contraint à

  7   une position ennemie fixe.

  8   Et d'ailleurs, l'histoire le prouve cela, car le problème pour le

  9   commandant c'est qu'une fois qu'il a engagé une force pour un objectif

 10   donné, cette force elle peut être utilisée pour ce faire. Il ne peut pas

 11   l'utiliser pour autre chose. Et il ne faut jamais envoyer des renforts

 12   lorsqu'il y a échec; ça c'est un autre aspect de la doctrine militaire, de

 13   la doctrine des opérations militaires. Parce que le problème avec les

 14   terrains urbains, c'est qu'en fait vous ne pouvez pas prévoir des renforts,

 15   du fait de l'imprévisibilité de ce type d'opération. C'est pour cela que

 16   les commandants sont toujours, on conseille toujours aux commandants

 17   d'essayer d'envisager d'autres méthodes pour essayer de capturer des

 18   positions ennemies dans un environnement urbain.

 19   Q.  Avant d'examiner en profondeur les possibilités d'une attaque terrestre

 20   sur Knin, vous nous dites si le général Gotovina a apprécié, par exemple,

 21   est-ce qu'il pouvait prendre Knin avec un bataillon ? Est-ce que vous savez

 22   quelles étaient l'évaluation et l'appréciation du général Gotovina pour ce

 23   qui est de la viabilité de sa capture de Knin avec ces hommes ?

 24   R.  Non. Parce que, d'après ce que j'ai vu dans les documents, d'après les

 25   informations que j'ai vues, il a apprécié qu'il n'aille pas faire cela

 26   l'effort, faire de cela l'effort prioritaire.

 27   M. RUSSO : [interprétation] La pièce P461, s'il vous plaît. Prenons la page

 28   10 en anglais, s'il vous plaît; la page 19 en B/C/S.

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  1   Q.  Voyons où le général Gotovina dit -- ou pour commencer, ce sont les

  2   transcriptions de Brioni, Monsieur le Professeur. Le général Gotovina dit,

  3   je cite :

  4   "Les forces en déplacement vers Knin se composent de 400 bons fantassins du

  5   3e Bataillon, le 126e Régiment, tous sont de ce secteur, connaissent bien le

  6   terrain sur le bout des doigts. Ils ont des raisons de combattre ici, et à

  7   ce moment, il est difficile de les garder en laisse. Il y a le premier

  8   Zdrug croate qui compte 300 hommes qui a fait ses preuves dans ce secteur,

  9   et à ce stade quoi qu'il en soit, nous pouvons compter sur ces hommes

 10   d'infanterie. Il y a des Unités spéciales du MUP croate et du MUP d'Herceg-

 11   Bosna qui se compose de 350 combattants d'infanterie des combattants

 12   excellents qui se sont distingués dans l'opération; en d'autres termes,

 13   nous avons à peu près 1 000 bons militaires d'infanterie formés aux

 14   opérations d'assaut, transfert rapide sur ce terrain accidenté, et nous

 15   pouvons facilement capturer Knin sans aucun problème."

 16   Alors, Monsieur le Professeur, si le général Gotovina arrive à l'évaluation

 17   qu'il peut facilement et sans aucun problème de Knin avec ces mille hommes,

 18   qu'est-ce qui vous permet de ne pas être d'accord avec lui ?

 19   R.  Oui, j'ai lu cela et je pense que c'est une citation importante.

 20   Replaçons ça, encore une fois, dans un contexte plus large et peut-être que

 21   vous avez une impression différente. Prenez le paragraphe qui précède, le

 22   président parle d'ouvrir le feu sur Knin --

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci de déplacer le texte.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Et de placer direct, les opérations enfin les

 25   orienter directement en direction de Knin.

 26   Quand j'ai lu cela, ça m'a sauté aux yeux pour les raisons que vous

 27   invoquez, donc nous avons un général qui dit, Je suis prêt à marcher sur

 28   Knin, et à le capturer, mais je pense qu'il y a d'autres éléments dans ce

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  1   document qui étaye la conclusion qu'il y a d'autres voix qui s'expriment

  2   lors de cette réunion et qu'à différents endroits, il s'agit de concevoir

  3   l'opération visant à détruire l'ennemi.

  4   Il est dit --

  5   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la suite du texte.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ceci n'est pas la situation à Knin

  7   aujourd'hui. Il y a une contre-attaque à Knin. Ceci justifierait cette

  8   action. Nous avons un prétexte pour attaquer.

  9   Donc au fond, le commandant opérationnel écoute son chef politique qui lui

 10   dit :

 11   "En tant que partie de la planification, il y a la destruction

 12   tactique des forces armées de l'ennemi, et cherchez une occasion

 13   d'endommager la ville."

 14   Le commandant répond :

 15   "Je pense que la manière raisonnable d'interpréter cela, c'est de

 16   faire un pas en arrière, Monsieur le Président, ne vous inquiétez pas au

 17   sujet de Knin. Je peux prendre Knin si je le veux. Nous avons les forces

 18   qu'il faut. Je suis capable de le faire."

 19   Mais, Général, tout au long de cette conversation, on parle de la

 20   destruction tactique des forces armées. Si je suis le général qui commande

 21   et je sais qu'en profondeur je détruis l'ennemi, je serais capable de

 22   rentrer dans Knin, à partir du moment où les forces ennemies commencent à

 23   s'écrouler, une fois que j'ai opéré une percée dans leur ligne; la

 24   direction à Knin sait qu'il y a une issue inévitable, et que c'est moi qui

 25   dicte les règles du jeu.

 26   Donc, là encore, je pense qu'on peut interpréter ces propos au général

 27   Gotovina comme disant : en tant que partie de mon plan, je suis prêt à

 28   marcher sur Knin, et à prendre la ville. Mais je pense que, dans un

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  1   contexte plus large, c'est plutôt une autre lecture qu'il faut en faire, il

  2   cherche à détourner le président de ce type de pression. La raison pour

  3   laquelle je dis c'est parce que, de toute évidence, depuis quelque temps,

  4   il a la capacité de le faire, donc il peut tout simplement ouvrir le feu

  5   sur Knin et lancer cette espèce d'attaque intense.

  6   Si vous regardez quel est l'issue de cette réunion, il y a des ordres qui

  7   sont donnés, il y a des annexes, il y a des tâches qui sont confiées à

  8   différentes unités, les priorités qui sont déterminées, et vous avez le

  9   même jugement opérationnel, donc de capacité d'utiliser mon appui aérien,

 10   mon Mi-24, les unités antichars. Donc j'ai ce qu'il faut pour détruire

 11   l'ennemi et pour le faire, il me faut réunir les conditions, rassembler et

 12   réunir les structures d'appui, et je vais me servir des moyens lorsque je

 13   pense que je peux le faire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure. Il nous faudra

 15   rapidement conclure.

 16   Si j'ai bien compris, vous n'êtes pas disponible demain, et vous allez

 17   revenir jeudi, le 10 septembre, à 14 heures, et dans le cour -- dans la

 18   salle d'audience numéro II. Je vais vous instruire à ne vous adresser à

 19   personne au sujet de votre déposition, déposition passée ou à venir.

 20   Pour ce qui est de notre calendrier, nous entendrons une déposition par

 21   vidéoconférence demain. Nous levons l'audience et nous reprendrons, le 9

 22   septembre, mercredi, à 9 heures, dans la salle d'audience numéro I.

 23   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 9

 24   septembre 2009, à 9 heures 00.

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