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1 Le jeudi 10 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je reçois la traduction en français sur
7 le quatrième canal qui est censé être le canal anglais.
8 Je souhaite bonjour à tout le monde.
9 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
11 Bonjour à toutes les personnes présentes dans ce prétoire.
12 C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et
13 consorts.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
15 LE TÉMOIN : GEOFFREY CORN [Reprise]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation]
18 Monsieur Corn, je voudrais vous rappeler que vous êtes toujours tenu
19 par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre
20 déposition.
21 Monsieur Russo, êtes-vous prêt à poursuivre votre contre-
22 interrogatoire ?
23 M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
24 Contre-interrogatoire par M. Russo : [Suite]
25 Q. [interprétation] Bonjour, Professeur.
26 R. Bonjour.
27 Q. La dernière fois, nous avons parlé de cette attaque d'infanterie sur
28 Knin qui, d'après vous, n'était pas une option viable, et dans le contexte
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1 de ce contexte de la déclaration du général Gotovina dans la pièce P461, à
2 savoir qu'il pourrait prendre Knin sans aucun problème. Quand on examine
3 votre réponse, j'ai l'impression que vous n'avez pas vraiment répondu à la
4 dernière question que je vous ai posée, qui figure à la page du compte
5 rendu d'audience, page 21 335, lignes 21 à 22, à savoir si vous avez des
6 raisons pour ne pas être d'accord avec l'évaluation faite par le général
7 Gotovina, à savoir qu'il pourrait facilement prendre Knin, prendre le
8 contrôle de Knin.
9 R. La réponse est oui, puisque j'ai reçu les éléments d'information des
10 conseils de la Défense, et c'est sur la base de ces informations que j'ai
11 formulé mes opinions dans l'addendum. Il s'agit donc des faits qui
12 portaient sur le nombre d'objectifs des cibles militaires dans la ville sur
13 l'information que la RSK faisait un objectif prioritaire la défense de Knin
14 et les connaissances du côté du général Gotovina qui considérait qu'il
15 allait peut-être avoir à contre-attaquer pendant sa propre opération
16 d'offensive. Je pense que les trois facteurs mis ensemble, du point de vue
17 opérationnel et stratégique, à l'époque où l'attaque a été lancée -- je
18 pense qu'il s'est dit tout simplement que l'attaque de l'infanterie sur
19 Knin n'était pas une option viable, et ceci, dans le contexte de
20 l'opération Tempête qu'il était en train de lancer en anticipant la
21 situation du côté de l'ennemi, ses propres capacités, ses propres
22 ressources.
23 Q. Donc pour être clair, vous dites que ce que vous ai lu du transcript
24 présidentiel où il dit au président Tudjman qu'il pourrait prendre
25 facilement Knin sans aucun problème, vous dites que sur la base des faits
26 et des hypothèses qu'on vous a fournis que le général Gotovina s'est trompé
27 ?
28 R. Non. Peut-être que je ne me suis pas bien exprimé. Je ne sais pas ce
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1 qu'il croyait à l'époque, le général Gotovina. Moi, je vous ai dit dans la
2 première réponse que je vous ai donnée que, quand j'ai lu tout cela dans un
3 contexte plus large, par rapport à toutes les informations dont je
4 disposais, et surtout quand je plaçais cela dans le contexte des autres
5 déclarations faites par le général au cours de cette réunion, j'ai eu
6 l'impression - et ce n'est qu'une impression - j'ai eu donc l'impression
7 qu'il s'agissait là d'une réponse faite à la déclaration faite par le
8 président qui consistait à dire au fond que s'il y avait une contre-attaque
9 lancée en dehors de Knin, que cela servirait de prétexte pour un
10 bombardement ou du pilonnage. Je ne me souviens pas vraiment des termes
11 utilisés. En répondant cela, le général dit et cela figure partout dans le
12 compte rendu d'audience où il parle de son concept de l'opération, son
13 concept général de l'opération, il répond : si j'ai besoin de prendre Knin,
14 je peux le faire.
15 Alors vous pouvez interpréter ça de différentes façons. Je ne sais pas si
16 le général Gotovina, à l'époque, pensait que c'était exact, oui ou non. Ce
17 que je pense c'est que je pense qu'il pensait que c'était vrai. Je pense
18 que la nuit, la veille de la bataille, si on lui avait demandé de faire de
19 la prise de Knin une cible prioritaire, un objectif prioritaire -- je pense
20 qu'il se pensait capable de le faire. Mais au fur et à mesure que la
21 bataille avançait, c'était clair que Knin allait tomber comme un domino et
22 que Knin allait tomber dans le cadre de son opération et la priorité dans
23 le cadre de son opération, la priorité qu'il s'était définie c'était d'agir
24 en profondeur dans le terrain. Donc peut-être qu'il pensait que c'était
25 vrai mais ce que je peux vous dire c'est que moi, je n'en sais rien. Je ne
26 pense pas qu'il voulait agir comme cela. Il voulait agir de façon
27 automatique comme cela, et c'est pour cela qu'il s'est exprimé ainsi.
28 Q. Dans votre réponse, j'ai l'impression que vous êtes concentré surtout
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1 de savoir si M. Gotovina croyait ou on en ce qu'il disait. Mais, moi, je
2 vous ai posé une autre question, peut-être que je n'étais pas assez précis.
3 Il a dit tout simplement qu'il pouvait prendre Knin sans aucun problème. Si
4 on parle de l'hypothèse qu'il pensait ce qu'il disait, est-ce que vous
5 n'êtes pas d'accord avec lui ? Enfin est-ce que vous diriez qu'il avait
6 tort de le dire ?
7 R. Qu'est-ce que vous me demandez, là ? Est-ce que vous me demandez de
8 porter un jugement de valeur sur ce qu'il croyait ou non ?
9 Q. Non. Je vous demande d'ailleurs de partir de l'hypothèse qu'il croyait
10 ce qu'il disait.
11 R. Bien. Je ne sais pas dans quelle mesure il était conscient de la
12 situation de la limite à l'époque. Donc j'imagine qu'il le croyait
13 puisqu'il l'a dit au président, donc il devait avoir des éléments pour le
14 croire. Mais là, il s'agit d'une hypothèse pure de conjecture rien d'autre,
15 donc j'imagine qu'un général, qui commande un corps d'armée, qu'il ne va
16 pas mentir à son commandant en chef, à son président. Mais quand j'ai écrit
17 mon addendum, moi, je me suis placé dans le contexte de l'opération et j'ai
18 examiné l'opération telle qu'elle était avant l'attaque. Donc je pense, et
19 là, je vous dis, franchement, je pense qu'il pensait comme cela. Je suis le
20 commandant de l'opération et bien laissez-moi faire mon plan et vaincre
21 l'ennemi. Ne vous inquiétez pas, je peux le faire. Je peux prendre Knin, si
22 je le veux. Je peux avoir d'autres priorités mais je peux le faire, et cela
23 dépend évidemment du contexte et de la situation telle qu'elle évolue.
24 M. RUSSO : [interprétation] Je vais vous demander d'examiner la pièce P482.
25 C'est la page 17 qui m'intéresse en anglais. Je cherche la page
26 correspondance en B/C/S. Donc en B/C/S c'est la page 22.
27 Q. Professeur, là, vous voyez le titre : "Les tâches accomplies," où l'on
28 peut lire : "La libération de Knin est l'objectif principal de l'attaque."
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1 Vous, vous avez répondu différemment et vous me disiez que ce n'était pas
2 vraiment l'objectif principal.
3 R. Mais pas du tout.
4 Q. Qu'est-ce que je n'ai pas compris ?
5 R. Vous n'avez pas compris quelle est la différence qui existe entre un
6 objectif stratégique et l'effort opérationnel et stratégique ou tactique où
7 il s'agit de manœuvres. Donc la prise de Knin aurait pu être un objectif
8 prioritaire, comme en 2003, la prise de Bagdad aurait pu constituer un
9 objectif stratégique défini par le commandant stratégique, mais vous ne
10 pouvez pas prendre toute une région avant de prendre les points clés de la
11 région. Donc le commandant se définit des objectifs stratégiques et ensuite
12 les traduit dans l'effort opérationnel, dans le modèle de la planification
13 de l'opération. Ensuite il transmet cela à ses unités, les unités qui lui
14 sont subordonnées, et donc je l'ai répété à plusieurs reprises et vous avez
15 tout un processus de planification de l'opération. Puisqu'on a défini les
16 positions de la défense de l'ennemie qui étaient autour de Knin, à partir
17 du moment où on réussissait à percer ces positions, la ville Knin allait
18 tomber comme un domino, et par cela, même on a allait donc réaliser
19 l'objectif stratégique de l'opération.
20 Q. Si vous avez pour objectif de prendre Knin, vous êtes très expérimenté,
21 peut-être que je ne vous comprends pas très bien, donc c'est pour cela que
22 je vais vous demander de me le répéter. J'insiste un peu. Donc si vous avez
23 pour objectif la prise de Knin, le contrôle de Knin, vous ne dites pas,
24 n'est-ce pas, que cet objectif doit être subordonné à d'autres objectifs
25 tactiques ? Autrement dit, si vous avez pour objectif la prise de Knin,
26 vous n'avez pas à vous préoccuper des obstacles étatiques qui existent
27 avant sur le terrain, ou bien est-ce que vous dites qu'en faisant cela,
28 donc en s'occupant de ces obstacles étatiques et qui sont placés avant la
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1 ville de Knin, cela pourrait vous empêcher d'aboutir, de réaliser votre
2 objectif définitif ?
3 R. Quand on dit "libération de Knin," on ne peut pas dire que c'est
4 l'objectif de l'opération quand, en 2003, les Etats-Unis d'Amérique ont
5 lancé leurs divisions d'attaque aérienne, la 92ième sur Bagdad, cela aurait
6 pu faire en sorte que Bagdad -- enfin aboutir à la prise de Bagdad --
7 contre la prise de contrôle de Bagdad. Mais cela ne veut pas dire qu'ils
8 auraient par là même réaliser l'objectif stratégique, parce que l'objectif
9 est de vaincre l'ennemi, et c'est vous qui dictez le terme de la bataille.
10 Donc cela ne veut pas forcément dire que vous avez libéré un pays en
11 réalisant ce point, cette phase. Quand on regarde les objectifs
12 stratégiques, il faut prendre en compte l'opération de côté stratégique
13 tactique et définir la façon dont on va réaliser ces objectifs.
14 Donc je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que si le
15 général Gotovina pensait qu'il pouvait facilement prendre le contrôle de
16 Knin, dans ce cas-là, effectivement, cela aurait entraîné la défaite totale
17 de l'ennemi dans la zone. Il aurait pu se décider enfin opter pour une
18 attaque de l'infanterie sur Knin, donc envoyer les troupes d'infanterie sur
19 Knin. Mais si vous regardez l'autre alternative qu'il a choisie, à savoir
20 vous, Knin, comme centre de gravité, lui, il perce les lignes de l'ennemi
21 autour de Knin, et à la fin, cela aboutit à la libération de Knin, la chute
22 de Knin qui tombe comme un domino.
23 Donc, effectivement, en tant que commandant, il avait tout à fait le
24 droit de choisir des alternatives pourvues en fonction de ses capacités de
25 la situation pourvues que l'objectif soit atteint.
26 Q. Je vous ai pratiquement suivi jusqu'au bout, puis après à la fin,
27 j'avais un petit problème. Donc vous dites que Knin était le centre de
28 gravité. Si vous prenez la ville, vous n'avez plus besoin de vous occuper
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1 de communications qu'il s'agit de couper, puisque vous prenez leur ville
2 principale, et par la même, vous coupez tout moyen de communication entre
3 les soldats se trouvant dans la ville ou le QG et les soldats à
4 l'extérieur. Mais vous, dans votre réponse, vous dites autre chose. Vous
5 dites : "Vaincre les positions de défense de l'ennemi autour de la ville
6 pour faire tomber la ville."
7 R. Il s'agit donc des positions qui étaient à l'extérieur de la ville et
8 je me suis peut-être pas très bien exprimé tout à l'heure. Vous partez du
9 postulat que l'ennemi va rester tranquille en attendant que vous lancez les
10 troupes d'infanterie sur la ville, sur ce que l'on peut définir comme leur
11 centre de gravité. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
12 Q. Ecoutez, là, vous ne répondez pas précisément à la question posée.
13 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que la question était assez générale
14 et c'est pour cela que le témoin répond comme cela.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, il faut donner la
16 possibilité au témoin de s'expliquer, de vous fournir ses propres
17 explications. Cela étant dit, vous, vous avez posé une question en partant
18 d'une hypothèse et il faudrait lui permettre de terminer en même temps. Il
19 s'agit donc de trouver un juste équilibre et vous allez comprendre,
20 Monsieur Corn, que M. Russo doit avoir la possibilité de vous poser des
21 questions précises et de vous diriger dans les réponses que vous lui
22 fournissez.
23 Est-ce que vous pourriez répondre brièvement à la réponse ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais essayer d'être encore plus
25 précis. Moi, j'ai parlé des allocations des moyens à la hauteur de 85 % par
26 rapport aux cibles, et le temps est un facteur important. Donc cela reflète
27 les capacités, la marche de manœuvre de l'ennemi et la possibilité d'une
28 contre-attaque ou de renfort, et ceci aurait pu mettre en danger
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1 l'opération. Donc il est tout à fait possible que le général Gotovina se
2 trouvait dans cette situation; il aurait pu penser comme cela :
3 effectivement, je peux envoyer mes troupes à Knin, je peux prendre le
4 contrôle de Knin, je peux m'emparer de Knin. Mais ce que j'ai fait,
5 finalement, j'ai fait autre chose. Je vais entourer l'ennemi, je vais les
6 couper et ensuite je vais les vaincre en profondeur. Donc je ne dis pas que
7 vous n'avez pas raison. Je pense que, vu la situation, vu les objectifs
8 stratégiques qu'il avait il est arrivé à une conclusion logique, à savoir
9 qu'il n'avait -- que pour libérer Knin il lui suffisait d'isoler la ville
10 de couper ces moyens de communication et de couper les capacités de défense
11 de Knin. Il pouvait y arriver de cette façon-là.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris ?
13 Vous dites, sur la base des informations que vous avez, vous essayez donc
14 de reconstruire l'opération, et ce, qu'il aurait pu se passer. Donc,
15 évidemment, vous ne savez pas exactement ce que le général Gotovina savait
16 à l'époque, vous ne savez pas quels étaient les éléments qu'il avait à sa
17 disposition, et vous ne savez pas exactement pourquoi exactement il a
18 décidé d'agir comme il a agi.
19 Est-ce qu'on peut le dire ainsi ? Est-ce que je vous ai bien compris ?
20 C'est sur cette base-là que vous déposez ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est parfaitement, Monsieur le Président.
22 C'est exactement cela. Nous avons différents facteurs et on m'a demandé de
23 dire : si je pense que la décision qu'il a prise était une décision
24 raisonnable, moi, je pense que c'est une décision qui est tout à fait
25 raisonnable par laquelle il a décidé, donc, de couper l'ennemi qui se
26 trouve isolé dans la ville et agissant sur un terrain bien plus large, et
27 je pense qu'il s'agit là d'une décision tout à fait raisonnable pour un
28 commandant de l'opération. Je pense que c'est une solution bien plus
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1 raisonnable que la solution proposée par M. Russo, à savoir d'envoyer
2 l'infanterie -- les troupes d'infanterie sur Knin, pour prendre la ville.
3 Q. Donc vous en arrivez à la conclusion, dans votre rapport, que la prise
4 de Knin n'était pas l'objectif primordial de l'opération ?
5 R. Je pense que, dans le rapport, je dis clairement qu'il s'agit de faire
6 un appui feu indirect et c'était ça les points tactiques de l'attaque. Il a
7 décidé d'utiliser 80% de ses capacités des feux réels pour appuyer la
8 bataille, et pour moi, cela indiquait quel était son effort primordial, à
9 savoir ce n'est pas la prise de Knin, proprement dite.
10 Q. Examinons le document qui s'affiche à l'écran. Je voudrais que l'on
11 lise la partie sur la libération de Knin. Dans une de vos réponses, vous
12 avez dit qu'il s'agissait de libérer Knin, mais que la libération n'est pas
13 la même chose que le fait de prendre la prise d'une ville. Alors, vous
14 n'avez jamais vu ce document ?
15 R. C'est vrai.
16 Q. Donc, vous ne savez pas, au moment où le général Gotovina rédigeait ce
17 document, si en fait libérer signifiait prendre ?
18 R. Non.
19 Q. C'est une hypothèse que vous formulez ?
20 R. C'est une hypothèse, la réponse est oui. C'est une hypothèse qui se
21 fonde sur le fait ou -- et sur les hypothèses qui m'ont été communiquées
22 pour que je fonde mon opinion. Donc -- excusez-moi, le général Gotovina n'a
23 jamais eu la vision, la fin de l'opération Tempête comme étant le stade
24 final de son effort opérationnel et tactique. Donc il pensait qu'il allait
25 y avoir des missions de suivi qu'on allait devoir mener. Donc c'est tout à
26 fait possible qu'il envisageait la libération de Knin comme étant un point
27 crucial, si vous voulez, permettant d'atteindre l'objectif stratégique plus
28 large de libérer tout le territoire croate. Mais cela ne veut pas dire
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1 qu'il s'agissait -- que c'était décisif pour l'emporter sur les défenses de
2 l'ennemi, les défenses de l'ennemi qui ont été prévues pour miner les
3 forces de l'opération Tempête.
4 Q. Mais la précision du général Gotovina que l'on trouve dans la
5 constitution du 31 juillet sur le fait qu'il serait facile de prendre Knin
6 avec 1 000 hommes, tout d'abord, alors, imaginons que ce soit vrai. Est-ce
7 qu'on ne pourrait pas raisonnablement déduire que le général Gotovina ne
8 s'attendait pas à ce qu'on lui oppose une résistance importante dans la
9 ville ?
10 R. Si c'est ce qu'il pensait à l'époque, il serait raisonnable de sa part
11 d'estimer qu'il n'allait pas rencontrer une résistance importante,
12 suffisamment importante pour miner les efforts de 1 000 hommes bien
13 entraînés pour, donc, atteindre l'objectif qui était le sien. Mais je dois
14 mentionner une chose, encore une fois. Comme on se rapproche de l'exécution
15 de l'opération, il y a une autre hypothèse qui m'a été fournie, à savoir
16 que le général Gotovina, la veille de la bataille, s'est inquiété de
17 l'éventualité d'une contre-attaque, soit par la VRS, soit par la JNA aussi.
18 Donc à ce moment-là, il avait donc 1 000 hommes, 1 000 fantassins, 1 000
19 hommes dans l'infanterie. Supposons qu'ils étaient sur place, qu'ils
20 étaient prêts, qu'ils étaient bien formés, formés comme il l'envisage
21 lorsqu'il rencontre le président, peut-être que le commandant doit se dire
22 que peut-être il faut qu'il retienne certaines de ces forces pour
23 l'éventualité de cette contre-attaque, si jamais elle se réalise. Donc, il
24 y a tant de facteurs différents qui entrent en jeu.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de comprendre. Je ne sais pas
26 si j'ai bien compris la dernière réponse.
27 M. Russo affirme que s'il souhaitait prendre la ville de Knin avec son
28 infanterie, est-ce que cela ne signifie pas qu'il ne s'attendait pas à ce
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1 qu'on lui oppose une résistance significative ? Est-ce que vous avez bien
2 dit que, mis à part le fait qu'il fallait qu'il apprécie la résistance
3 qu'on allait lui opposer, qu'il fallait aussi prendre en compte qu'on
4 allait peut-être vouloir utiliser ses hommes ailleurs ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. On peut même ne pas savoir
6 où on va les engager, se réserver la décision pour plus tard, lorsqu'on
7 saura, et nous avons déjà parlé du fait que l'on ne peut pas prévoir
8 l'évolution des combats en zone urbaine. Sur le plan de la doctrine, on
9 sait que la résistance peut finalement se révéler être bien plus forte que
10 ce qui était prévu, donc c'est un risque qu'encourt le commandant lorsqu'il
11 s'engage dans ce type de combat.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais sur la base d'éléments
13 d'informations valables, normalement, on doit savoir à quoi s'attendre. Si
14 vous n'avez pas reçu d'éléments d'informations détaillés, vous ne savez pas
15 exactement à quoi on s'attendait; vous ne savez pas, non plus, à quoi
16 s'attendait le général Gotovina.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai des hypothèses et d'après cela, il
18 supposait qu'il y avait des réserves dans l'unité, des Unités spéciales,
19 des Unités spéciales à Police, et d'autres forces, mais ces hypothèses ne
20 me fournissaient pas l'image pleine et entière, tous les éléments, eu égard
21 au champ de bataille et pour ce qui est du déploiement des forces serbes
22 dans la ville de Knin, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, nous avons des questions
24 qui sont tout aussi complexes que les réponses. Je me demande si on ne
25 pourrait peut-être pas chercher à simplifier un petit peu. J'espère que
26 cela ne vous dérange pas que je cherche à me vérifier -- à vérifier si j'ai
27 bien compris, puisqu'en dernière instance, il appartiendra à la Chambre
28 d'apprécier les éléments de preuve.
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1 Je vous en prie, poursuivez.
2 M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Q. Professeur, par rapport à ce que vient de dire le Juge Orie, alors au
4 moment où le général Gotovina a fait cette déclaration à son commandant, à
5 son chef suprême, lorsqu'il lui a dit qu'il pouvait facilement s'emparer de
6 la ville, est-ce qu'il vous a dit quoi que ce soit qui vous permette de
7 penser qu'il ne connaissait pas tous les facteurs que vous avancez
8 maintenant, qui auraient pu changer la donne ?
9 R. Est-ce que j'ai des raisons de penser ? Bien, ce sont des conjectures
10 que plus, vous, vous rapprochez du moment où l'opération commence, mieux on
11 est au courant, au fait de la situation. Donc, je ne peux pas m'aventurer
12 dans des conjectures. Donc, je ne sais pas. Je ne sais pas s'il savait
13 entièrement ou non.
14 Q. Alors, vous avez répondu au Juge Orie au sujet des hypothèses qui vous
15 ont été fournies sur la situation à Knin. Alors, est-ce que vous pourrez
16 dire -- est-ce que vous, vous savez combien il y avait d'hommes de l'ARSK à
17 Knin, le 4 août ?
18 R. Non, non, non, justement, je n'ai pas travaillé sur la base d'hypothèse
19 qui me fournissait les effectifs réels dans la ville. Je ne connaissais pas
20 le déploiement réel dans la ville.
21 Q. En appréciant la viabilité d'une attaque terrestre sur Knin d'un
22 assaut, est-ce que ce n'est pas les effectifs que vous devriez connaître
23 pour pouvoir apprécier cela ?
24 R. Dans ce contexte plus large, je pense que non. Lorsque je sais quel est
25 le risque de contre-attaque, le manque caractère prévisible des forces
26 qu'ils ont lancés cette attaque, est-ce que c'est l'ARSK, ou les Serbes de
27 Bosnie ou la JNA ? Donc je sais qu'il y a une position doctrinale qu'au
28 fond les commandants comme une position de principe, les commandants
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1 doivent se méfier des zones, des combats en zone urbaine. On sait que
2 l'ennemi a son centre, son point focal. C3I dans la ville que le commandant
3 en chef et là alors je pense que raisonnablement on ne peut pas éviter cela
4 tout en arrivant à notre objectif sur le plan opérationnel.
5 Q. Vous voulez dire que dans un contexte plus large, vous n'avez pas
6 besoin de connaître les effectifs pour apprécier la viabilité d'une attaque
7 sur Knin. Est-ce que vous voulez dire que vous devez passer même s'il y a
8 cinq hommes dans la ville ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais peut-être vérifier si j'ai bien
10 compris la réponse. On verra s'il convient de poser cette question que vous
11 posez.
12 D'après ce que j'ai compris dans votre réponse, vous ne devez pas savoir
13 quel est le nombre d'hommes qui sont dans la ville si vous n'envisagez pas
14 de prendre la ville d'assaut avec l'infanterie puisque vous avez d'autres
15 priorités.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous connaissez exactement les effectifs et
17 le déploiement de l'ennemi, c'est mieux, mais si vous savez qu'il a son QG,
18 ses points d'approvisionnement logistiques à cet endroit, si vous, en tant
19 qu'officier du renseignement, je supposerais que c'est quelque chose que
20 l'ennemi cherchera à protéger. Aussi, je me dis que c'est de manière
21 professionnelle qu'on a demandé que cette mission soit menée à bien. Donc à
22 partir du moment où vous avez l'infanterie dans une zone urbaine, il peut
23 se produire des choses imprévues.
24 Alors s'ils ont besoin d'appui aérien ou d'appui indirect, alors votre
25 capacité de contrôler l'engagement de ces moyens, ça devient beaucoup moins
26 prévisible. Donc je ne cherche pas à dire qu'il n'avait pas besoin de
27 savoir quoi que ce soit mais puisqu'on sait qu'il y a des points de valeur
28 -- enfin, des cibles importantes, ça nous amène en déduire que ce n'est pas
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1 une question de trois ou quatre forces de réserve qui vont -- qu'il va
2 ajouter et que ça va changer la situation.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc en partie, vous comprenez, dans
4 votre réponse, l'hypothèse que compte tenu des cibles de la nature des
5 cibles, vous supposerez, et qu'il y aurait des effectifs
6 proportionnellement suffisamment importants pour protéger ces cibles et
7 qu'il faut prendre en compte cela le fait qu'ils seraient protéger par
8 d'autres moyens que des forces terrestres et qu'il faudrait envisager cela.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et que l'ennemi pourrait redéployer et
10 bouger ses forces et ses moyens.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Merci.
12 Monsieur Russo, vous avez la parole.
13 M. RUSSO : [interprétation]
14 Q. Professeur, afin de pouvoir savoir décider si on va se servir
15 d'artillerie pour tirer sur la ville, pour vous l'important est d'apprécier
16 la viabilité d'une attaque terrestre, comme c'est une des options. C'est ce
17 que vous avez mentionné dans votre rapport.
18 R. Je dis, dans mon rapport, que je suis d'avis sur la base de la
19 situation dans laquelle il s'est trouvé, qu'il n'a pas pensé que l'attaque
20 terrestre était viable. Si vous me demandez si je pense que l'usage
21 d'artillerie serait inadéquat, si un assaut terrestre était viable, je ne
22 serais pas d'accord. Je ne pense pas.
23 Q. Mais, ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous dis qu'afin de
24 décider si oui ou non, il utilisait l'artillerie pour attaquer la ville,
25 donc pour choisir l'artillerie pour attaquer la ville, donc pour savoir si
26 c'est une décision raisonnable ou pas, une des alternatives qu'il faudrait
27 envisager, c'était de se servir et de lancer un assaut terrestre.
28 R. Un commandant doit envisager les risques de dégâts collatéraux et de
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1 dégâts indirects et secondaires et donc il assume la responsabilité en
2 endossant la responsabilité d'agir lorsqu'il n'y a pas de moyens viables
3 d'alternatives. Oui, je pense qu'un commandant, s'il pense qu'il y a un
4 poste de commandement ennemi, qu'il y a des civils dans la zone, qu'il peut
5 prendre ce poste de commandement, que s'il n'y a pas d'incertitudes;
6 envisageons un cas extrême, l'ennemi déclare que c'est une zone ouverte ou
7 je ne sais pas, il y a tellement d'hypothèses, d'incertitudes.
8 Lorsque vous lancez un assaut dans une zone urbaine mais vous pouvez,
9 par exemple, imaginons que le commandant pense : oui, je peux prendre cela
10 quasiment sans perte et l'ennemi n'opposerait pas de résistance, et il n'y
11 aurait pas de combat corps à corps, et je n'aurai pas besoin d'un appui
12 aérien pour mes forces et je n'aurai pas à m'inquiéter au sujet d'un appui
13 feu, donc je suis certain de pouvoir m'en sortir sans avoir besoin des feux
14 indirects ou des moyens destructifs qui pourraient constituer un risque
15 pour la population civile, à ce moment-là, ce serait une alternative. Je
16 pense qu'effectivement, il serait appelé à envisager cette possibilité
17 aussi, mais il y a énormément d'incertitudes lorsqu'il s'agit d'un assaut
18 terrestre que dans une zone urbaine. Donc lorsque vous avez deux méthodes
19 vous permettant d'atteindre le même objectif, ce n'est pas -- c'est très
20 difficile, je pense, d'envisager celle-ci.
21 Q. Mais quelque chose qui pourrait réduire le degré d'incertitudes
22 dans une -- dans lorsqu'il y a des combats dans les zones urbaines, c'est
23 lorsqu'il n'y a pas de forces ennemies dans la ville ?
24 R. Non, parce que l'ennemi peut manœuvrer, donc je sais où est
25 l'ennemi, et je suppose que vous allez, avant tout, agir avant la ville.
26 Donc mon renseignement sur la base de la collecte de mon renseignement
27 c'est ce que je prépare. Mais imaginons que soudain je m'en rends compte
28 qu'en fait j'ai été dupé, que vous allez en fait vous engagez surtout
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1 ailleurs, alors il me faut vous abandonner -- les objectifs que vous
2 cherchiez à atteindre, ou bien il faut que je redéploie mes forces, il faut
3 que je manœuvre parce que vous constituez désormais une menace différente -
4 - donc il faudrait qu'il suppose que l'ennemi n'est pas capable de se
5 défendre donc même s'il y avait une capacité de défense limitée dans la
6 ville.
7 M. KEHOE : [interprétation] J'objecte quant à la forme de la question.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, est-ce que vous pouvez
9 reprendre votre question ?
10 M. RUSSO : [interprétation] Mais ça m'est difficile d'obtenir des réponses
11 du témoin s'il ne comprend pas ce que je vise.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ce qu'il m'a semblé jusqu'à
13 présent.
14 Vous pouvez demander au témoin de bien se limiter à répondre à votre
15 question, mais vous ne pouvez pas reprendre le témoin sur la manière dont
16 il se prend pour donner la réponse, et vous, vous annonciez que vous alliez
17 faire cela. Donc posez votre question et je verrai de près.
18 M. RUSSO : [interprétation]
19 Q. Monsieur le Professeur, je vous ai demandé de partir de l'hypothèse
20 qu'il n'y a pas de force dans la ville et qu'il n'y a personne à combattre.
21 Vous avez commencé à me répondre en disant que :
22 "Il y avait en fait des effectifs qui éventuellement pourraient
23 rentrer dans la ville et opposer une résistance, engager un combat, et que
24 ce serait une raison de ne pas envisager un assaut terrestre."
25 Alors à moins que je me trompe, il m'a semblé --
26 R. Vous m'avez demandé -- vous avez dit une chose. Donc vous avez dit que
27 cela placerait sur un pied d'égalité les hypothèses. Donc s'il n'y a pas de
28 cas de figure il n'y a pas de force dans la ville. Je vous ai dit que cela
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1 automatiquement produit cet équilibre. Prenons -- c'est le METT-T-C, donc
2 je réfléchis de la manière dont on m'a formé. Tout d'abord, le commandant
3 doit se poser la question de la situation de l'ennemi, et vous m'avez donné
4 une position de l'ennemi. Donc il n'y a pas de position de défensive
5 efficace à l'intérieur. Mais ce n'est pas tout le déploiement de l'ennemi
6 donc il peut avoir des forces dans toute la zone, des renforts potentiels,
7 il peut menacer les flancs pour atténuer la pression qui s'exerce sur la
8 ville. Donc il peut les envoyer dans la ville, les placer dans les
9 situations vulnérables où ils pourraient être encerclés. Donc vous m'avez
10 demandé si ça place les choses sur u pied d'égalité, mais je pense que je
11 vous ai dit autre chose. Donc si la ville n'est pas défendue, si l'ennemi
12 ne peut pas manœuvrer, si l'ennemi ne peut pas apporter des renforts, s'il
13 ne peut pas se redéployer pour contre-attaquer, s'il ne peut pas non plus
14 menacer d'autres zones, pour atténuer la pression sur la ville. Alors, si
15 on prend tout cela en considération, vous pouvez dire effectivement il
16 suffit de tendre la main et de prendre la ville. Pourquoi ne pas le faire ?
17 Donc là, je serai d'accord avec vous, si vous ajoutez toutes les autres
18 hypothèses.
19 Q. Monsieur le Professeur, je n'ai pas été formé comme vous à l'usage de
20 la terminologie militaire, mais vous me dites que la ville n'est pas
21 défendue de manière significative de l'intérieur. Ça c'est un élément
22 d'information, et puis le reste de ce que vous avez dit, à savoir que
23 l'ennemi ne peut pas manœuvrer pour apporter des renforts pour défendre la
24 ville. Je suppose que tout un chacun est capable de se déplacer pour
25 essayer de défendre la ville, à moins qu'on soit une armée de
26 quadriplégique. La vraie question est de savoir si leur capacité est
27 d'envoyer effectivement les forces de manière significative là où elles
28 pourront combattre.
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1 Aussi, vous pouvez avoir une situation où ils vont se placer dans une
2 situation plus vulnérable pour votre attaque, à partir du moment où vous
3 les attirez pour qu'ils répondent à votre fêlât où ils s'exposeront à votre
4 attaque. Ça aussi ça pourrait entrer en ligne de compte.
5 Q. D'autres considérations que vous avez mentionnées, tout cela a à voir
6 avec la capacité de l'ennemi de contre-attaquer ou d'ajouter, d'exercer des
7 pressions sur les forces qui essaient d'attaquer.
8 R. Oui, mais il faut limiter cela. Il s'agit de capacité limitée. Vous
9 essayez de prévoir cela afin de savoir si c'est une alternative viable qui
10 vous permettra de prendre le contrôle du commandant et du contrôle des
11 communications de l'ennemi. Donc ce n'est pas la véritable capacité. La
12 JNA, par exemple, n'a peut-être jamais eu l'intention d'intervenir. Mais ce
13 qui est important, à mon sens, c'est que le général Gotovina a anticipé ou
14 avait des raisons de penser que c'était une menace. Donc je pense que c'est
15 avec cette réserve près qu'il faut l'entendre.
16 Q. L'anticipation que fait le général Gotovina, son appréciation
17 raisonnable, doit se fonder sur les éléments de renseignement qu'il reçoit.
18 Mais aussi, il doit faire déployer un effort considérable pour réunir ces
19 renseignements ?
20 R. Oui, mais c'est ça le renseignement tactique. Vous devez vous placer
21 dans la tête de votre ennemi. Vous devez essayer d'envisager comment il
22 répondrait à vos actions. Donc en partie, le fait de prédire, c'est de
23 connaître la doctrine, par exemple, du combat de l'ennemi - qu'est-ce qui
24 est important ? Qu'est-ce qu'il défendrait - et apprécier en fonction de
25 cela. Donc qu'est-ce qui se passerait si vous devez lancer quelle que soit
26 l'action ? Quelle soit l'attaque opération militaire ? Vous savez, c'est un
27 jeu d'échec. Il ne s'agit pas seulement de réunir du renseignement et tout
28 élément d'information ne constitue pas le renseignement. Le renseignement
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1 c'est l'analyse des éléments d'information avec tout ce que vous savez sur
2 l'ennemi, tout ce qui est important, tout ce qu'il a fait de par le passé,
3 comment il a agi, et cetera.
4 Q. Professeur, en répondant à la question 12 dans votre rapport, page 21,
5 au sujet de ce que le commandant aurait dû faire, est-ce qu'il aurait dû
6 essayer d'éviter des combats aux zones habitées, comme FIBUA, comme vous
7 l'appelez ?
8 Alors vous dites :
9 "S'il y a des alternatives viables à cela, un commandant devrait en
10 fait y avoir recours. Par exemple, un commandant peut choisir de se servir
11 de moyens de feu indirect pour infliger des dégâts aux forces ennemies dans
12 une zone urbaine. Il peut -- lorsqu'il peut, par exemple, il peut faire
13 cela pour les empêcher de se stationner, de se fixer dans une zone."
14 Alors si l'objectif du général Gotovina était de contrôler
15 physiquement la ville de Knin et non pas de la contourner, alors quoi qu'il
16 en soit il va falloir qu'ils combattent en zone urbaine pour les jeter hors
17 de la ville ?
18 R. Non.
19 Q. Alors est-ce que vous me dites que le fait de se servir de l'artillerie
20 ce serait la manière de les jeter hors de la ville; ce serait ce qu'ils
21 devraient anticiper ?
22 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, la question posée :
23 "Etes-vous en train de dire que le fait de se servir de l'artillerie est le
24 moyen qu'il aurait dû anticiper afin de les jeter de la ville ?"
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il allait -- le témoin allait citer un
26 exemple historique. Si M. Russo préfère qu'on ne cite pas d'exemple, il
27 peut le dire. Parfois les exemples sont mieux.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] L'objectif stratégique peut être la libération
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1 de la ville. D'une capitale. Libération peut se produire par la destruction
2 des forces ennemies dans cette capitale mais aussi ces forces -- les
3 forces, qui sont stationnées dans la capitale, peuvent soit se replier soit
4 capituler, et en fait, la capitulation c'est l'issue idéale lorsqu'il
5 s'agit d'une zone urbaine. C'est pourquoi le fait de contourner est la
6 meilleure option -- la meilleure option tactique. Donc l'idée, vous
7 contournez la ville, les forces ennemies voient qu'il est inutile de
8 continuer de combattre, il capitule. La population civile est protégée, et
9 vous avez atteint votre objectif stratégique. Vous avez nombre d'exemples
10 historiques. C'est ce que le général Eisenhower voulait faire avec Paris en
11 1944. En outre, il ne voulait pas rentrer et combattre dans la ville. Et
12 finalement, heureusement, le général allemand qui était dans la ville a
13 choisi de capituler, et c'est ce qui a bien servi les intérêts alliés. Mais
14 la préférence du général Eisenhower, c'était de contourner Paris et de
15 forcer l'ennemi à capituler. Il voulait libérer Paris; ce n'est pas ça, la
16 question.
17 M. RUSSO : [interprétation]
18 Q. Monsieur le Professeur, vous savez que les unités subordonnées au
19 général Gotovina, et la 4e et la 7e Brigade de la Garde ont reçu l'ordre de
20 prendre la ville de Knin.
21 R. Oui, d'occuper la ville de Knin après le premier jour de combat, sur la
22 base des hypothèses et des faits que j'ai reçus. Dans la matinée du
23 deuxième jour, ils sont rentrés dans la ville de deux directions
24 différentes, mais à ce moment-là, là encore sur la base des hypothèses et
25 des éléments qu'on m'a donnés, le général savait qu'il y avait un repli
26 généralisé au retrait des forces serbes de Knin. Donc, d'une certaine
27 manière, O.K., il ne l'a pas encerclé le forçant à capituler. Etait-ce
28 inévitable sur le plan tactique ou est-ce que c'était de son choix,
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1 l'ennemi a pris la voie de sortie, il est parti, puis le général Gotovina a
2 envoyé ses forces dans la ville. C'est une tactique habituelle.
3 Q. Mais on leur a donné l'ordre d'occuper la ville à un moment où, d'après
4 les faits que vous avez avancés, le général Gotovina continue à penser
5 qu'il y avait encore présence des troupes ennemies dans la ville. Donc, le
6 général Gotovina n'a pas attendu que les troupes ennemies quittent ?
7 R. Non, non, non, non, c'était l'évolution du deuxième jour de bataille.
8 Les forces ennemies avaient été vaincues, elles battaient en retraite, et
9 ses forces sont allées à la poursuite d'ennemis qui se retiraient.
10 Q. J'aimerais vous poser la question : d'après ce qu'on vous a dit, est-ce
11 qu'il y avait, le 5 août, des troupes ennemies à Knin ?
12 R. Il y avait des troupes ennemies qui s'étaient retirées vers Knin. Je
13 pense que c'est l'une des suppositions, l'une des hypothèses ou l'un des
14 faits. En fait, je pense qu'à 10 heures, le matin du deuxième jour de la
15 bataille, la volonté de l'ennemi avait été brisée, sa capacité avait été
16 vaincue, il y avait une retraite générale et les deux brigades - et je
17 pense à des brigades de métier qui étaient placées sous le commandement du
18 général - avaient reçu l'ordre d'entrer dans la ville. Je ne me souviens
19 pas -- en fait, voilà ce que j'aimerais dire : Je suppose que le général
20 n'avait pas prévu qu'il allait y avoir véritablement des combats urbains
21 dans la ville.
22 Q. Oui, mais au vu des faits et des hypothèses qui vous ont été fournis,
23 vous n'avez pas reçu d'informations sur le moment où le général Gotovina a
24 donné à ses troupes l'ordre d'occuper la ville, par rapport au moment où
25 les troupes se retiraient de la ville, à proprement parler, donc j'essaie
26 de comprendre ce que vous pensiez lorsque vous avez évalué la possibilité
27 du bombardement ou du pilonnage qui s'est produit le 5 août. Combien de
28 troupes --
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1 R. Je peux répondre à cette question, parce que tout portait à croire
2 qu'après le premier succès tactique de la première nuit, l'ennemi ou le
3 général Gotovina était tout à fait conscient du fait que le commandant
4 ennemi avait demandé à ce que les lignes soient rétrécies, soient diminuées
5 en quelque sorte. C'est tout à fait classique lorsque vous effectuez une
6 défense. Vous déplacez vos positions de défense initiales vers vos
7 positions secondaires.
8 Ensuite il y a eu l'artillerie qui était beaucoup plus utilisée au moment,
9 et cela était synchronisé avec le lancement des forces croates lors du
10 deuxième jour d'offensive contre les positions défensives secondaires qui,
11 en fait, se sont effondrées beaucoup plus rapidement que les Croates ne
12 l'avaient prévu. L'utilisation de l'artillerie le deuxième matin, d'après
13 ce que je pense, a été faite conformément à l'utilisation synchronisée de
14 l'artillerie le premier matin. Il s'agissait d'un effort synchronisé dont
15 le but était de perturber l'aptitude de l'ennemi à maîtriser ce qui se
16 passait, alors que vous aviez les forces générales qui faisaient leur
17 effort principal contre les positions défensives secondaires.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de comprendre.
19 J'ai l'impression, Monsieur Russo, et corrigez-moi si je m'abuse,
20 mais j'ai l'impression, disais-je, que vous souhaitiez savoir ce que le
21 général Gotovina savait lorsqu'il a commencé le 5; c'est ça ?
22 M. RUSSO : [interprétation] Non, c'est un peu plus précis que cela,
23 Monsieur le Président. Je souhaiterais savoir quelle était la situation qui
24 prévalait, d'après le témoin, ce que le témoin pensait de la situation qui
25 prévalait le 5 août, lorsque le pilonnage a commencé.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, le matin du 5 août ?
27 M. RUSSO : [interprétation] Oui.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du deuxième jour de bataille, n'est-
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1 ce pas ? Il me semblait que dans l'addendum je l'avais dit, et je m'excuse
2 si cela n'était pas très, très clair, mais le matin du 5 août, l'ennemi
3 avait maîtrisé encore les transmissions, la communication, le contrôle, le
4 commandement, la logistique, le renseignement et surtout tous les
5 itinéraires, toutes les routes de la ville. Il y avait essentiellement les
6 mêmes objectifs militaires que le premier matin de la bataille. Le deuxième
7 matin, le démarrage était exactement à la même heure que la veille, à
8 savoir à 5 heures du matin. Les forces du général allaient, en fait,
9 participer à des combats rapprochés contre les deuxièmes lignes de défense
10 serbes. Puis il y a ce barrage d'artillerie qui est synchronisé justement
11 pour étayer cet effort. C'est ce que je suppose lorsque je réfléchis à
12 l'utilisation de l'artillerie le deuxième matin des combats.
13 M. RUSSO : [interprétation]
14 Q. C'est justement ce qui me préoccupait, parce qu'au vu des faits et au
15 vu des hypothèses qui vous ont été fournis, vous ne disposiez d'aucune
16 information à propos de ce qui restait à Knin le 5 août. Plus précisément,
17 on vous a dit que l'attaque d'artillerie a commencé à 5 heures du matin le
18 5 août. On vous a également dit qu'il fallait que vous supposiez
19 qu'auparavant, donc la veille et la nuit qui a précédé le 5 août, le 7e
20 Corps de la Krajina avait reçu l'ordre de se retirer et le commandement de
21 l'armée de la RSK avait également reçu comme ordre le fait de se déplacer
22 de Knin vers les postes de commandement arrière. Donc, le 7e Corps de la
23 Krajina n'est plus présent. Les commandements de l'armée de la RSK
24 reçoivent l'ordre de quitter Knin. Donc, ces deux éléments n'étaient
25 absolument pas les mêmes que le 4 août. Alors, je ne sais pas, il n'y a pas
26 d'information précise, à moins que vous ne m'indiquiez quelle est cette
27 information précise, mais autant que je sache, il n'y a pas d'information
28 précise qui vous avait été donnée sur ce qui restait dans la ville de Knin
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1 le 5 août à 5 heures du matin.
2 R. Premièrement, lorsque vous recevez l'ordre de vous déplacer, cela ne
3 signifie plus qu'il n'y a absolument plus de présence --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un petit moment. Essayons de nous
5 concentrer. M. Russo souhaiterait savoir où vous avez trouvé les
6 informations que vous avez données dans votre réponse précédente,
7 information qui émane des faits et des hypothèses qui vous ont été envoyés.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se trouve dans la lettre qui m'a été
9 envoyée par le conseil de la Défense, M. Cronin. Je pense que c'est M.
10 Cronin qui a signé cette lettre.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissons-nous voir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez la lettre du 19 mai qui fait l'objet
13 de la pièce 1D2772 dans mes documents, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de retrouver tout cela.
15 Est-ce que cela pourrait être affiché à l'écran.
16 M. KEHOE : [interprétation] Mais cela a déjà été versé au dossier.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes.
18 M. RUSSO : [interprétation] Je pense que c'est une pièce enregistrée aux
19 fins d'identification, D1642.
20 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que c'est 1642, et cela a été versé au
21 dossier.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous savons que la cote est 1642,
23 cela nous suffit pour demander l'affichage de ce document à l'écran.
24 Bien. Il s'agit de la lettre du 19 mai, c'est cela, à quelle page ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] La page 6, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Page 6.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas cette page-ci.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela pourrait être la page 7
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1 ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais je pense que ce que vous avez
3 maintenant à l'écran est mon premier rapport.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je faisais référence à la lettre qui porte la
6 date du 19 mai, qui est une lettre envoyée par Greenberg Traurig.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une copie papier devant moi.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela figure précéder d'un sous-titre : Faits
9 supposés relatifs à l'opération Tempête.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être nous
11 expliquer, Maître Kehoe.
12 M. KEHOE : [interprétation] Cela fait l'objet de la page 36 dans le
13 prétoire électronique.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous indiquer
15 quels sont les paragraphes précis ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous avez le paragraphe 5.
17 Vous voyez qu'il est question de la brèche qui a été percée au niveau de la
18 ligne défensive de l'ennemi --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur le mont Dinara, oui.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis aussi ici, vous voyez qu'il est indiqué :
21 "A 16 heures 45, Milan Martic a signé un ordre d'évacuation et les
22 forces de la HV ont par la suite observé que les civils se retiraient. Vers
23 la même heure" - maintenant je vous lis le paragraphe 7 - "le général
24 Mrksic a donné un ordre destiné au retrait du 7e Corps de la Krajina et à
25 la création d'une deuxième ligne de défense plus courte à l'arrière-garde,
26 pour assurer une défense décisive, ainsi qu'un redéploiement du QG de
27 l'armée de la RSK et pour le 7e Corps de la Krajina également qui doivent
28 se déplacer vers l'arrière."
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1 Ce que je comprends de cela c'est que Knin n'a pas été complètement
2 abandonné. Knin doit toujours être défendu. Il y a un ordre de
3 redéploiement du QG. Lorsqu'un ordre est donné pour déplacer un QG, cela ne
4 se produit pas automatiquement. C'est une procédure très complexe; cela
5 prend un certain temps. Mais en fait, il s'agit de l'une des actions les
6 plus complexes que peut mener à bien un commandement militaire à cause de
7 la perturbation que cela représente pour les opérations. Donc, même si je
8 savais que le général Gotovina disposait d'informations suivant lesquelles
9 l'ennemi allait se retirer ou déplacer son QG, c'était quelque chose qui
10 était en cours.
11 Nous parlons de l'après-midi ou de la soirée du 4 août, et lui, il
12 lance son attaque le 5 août. Je pense qu'il aurait été très dangereux de sa
13 part de présumer que le QG à Knin était tout à fait absent au moment où il
14 allait lancer ces opérations du deuxième jour. Une fois de plus, il ne faut
15 pas oublier toute l'attente qui est produite par le renseignement.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais vous avez ce paragraphe 7.
17 Cela signifie que cela va faire une grande différence pour la ville de
18 Knin, quand même ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous nous avez expliqué ce qui
21 s'était passé : il y a eu déplacement de forces qui sont parties de la
22 ville ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu un resserrement du périmètre de la
24 défense à l'extérieur de la ville, avec une restauration des lignes
25 défensives, et en plus, on leur a donné l'ordre de déplacer la capacité de
26 commandement de contrôle, transmission et renseignements vers l'arrière-
27 garde.
28 Alors visiblement, je n'ai pas été suffisamment clair, mais pour moi,
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1 cela ne signifie pas automatiquement que le commandant en conclut
2 automatiquement qu'à 5 heures le lendemain matin il n'y a plus de
3 commandement et contrôle. Cette aptitude à se déplacer, elle est tributaire
4 de la situation du champ de bataille. Elle est tributaire du nombre de
5 véhicules qu'ils ont à leur disposition, du nombre de forces qu'ils ont à
6 leur disposition. Est-ce qu'ils pouvaient déplacer très rapidement le QG,
7 ou est-ce que c'est quelque chose qu'il fallait qu'ils mettent sur pied ?
8 Est-ce que vous envoyez quelques éclaireurs pour essayer d'établir cela
9 pendant la nuit, ou est-ce que cela doit se passer pendant la nuit, pendant
10 que vous pouvez essuyer des attaques. En fait, c'est ce que je disais à M.
11 Russo. A 5 heures du matin, le lendemain matin, le commandement
12 opérationnel a décidé qu'il y avait encore une capacité de QG, même si
13 c'était une capacité de QG réduite, dans ces immeubles où se trouvait
14 justement le QG de l'ennemi. Donc il décide qu'il y a encore commandement,
15 contrôle et liaison.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, il s'agissait de savoir
17 si les suppositions factuelles sur lesquelles s'est basé le témoin pour
18 vous répondre un peu plus tôt figuraient dans les faits. Alors, est-ce
19 qu'il y a encore quelque chose qui manque pour votre entendement, Monsieur
20 Russo ? Vous pourrez toujours lui poser la question, si cela est le cas.
21 M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Nous allons, donc, étudier au cas par cas ce que vous avez indiqué.
23 Vous interprétez l'information qui vous a été donnée aux paragraphes 6 et
24 7, et à partir de ces informations, vous dégagez des suppositions. Vos
25 suppositions portent sur des faits qui ne vous ont pas été fournis. Par
26 exemple, à environ le même temps que l'on a donné l'ordre aux civils d'être
27 évacués, le général Mrksic donne un ordre pour le retrait du 7e Corps de la
28 Krajina.
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1 Dans un premier temps, vous ne savez pas si cet ordre a été exécuté, n'est-
2 ce pas ?
3 R. Oui, c'est cela.
4 Q. Vous ne savez pas non plus combien de troupes du 7e Corps de la Krajina
5 sont restées dans la zone de Knin, n'est-ce pas ?
6 R. Ce que je lis, moi, est comme suit : le général a donné un ordre pour
7 que se retire le 7e Corps de la Krajina de l'armée de la RSK et pour qu'une
8 deuxième ligne de défense plus courte soit mise en place à l'arrière. Il
9 s'agit d'une défense décisive de Knin. Donc moi, je lis cela dans son
10 ensemble. Je lis l'ensemble de ces idées. Mais le général - et je m'excuse
11 si j'écorche un peu son nom - mais le général Mrksic a donné un ordre à ses
12 forces tactiques pour qu'elles se retirent à partir des positions de
13 défense où elles se trouvaient, puisqu'il y avait eu percée sur ces lignes
14 défensives, pour qu'elles rétablissent une ligne de défensive plus courte,
15 et ce, pour continuer d'assurer la défense des civils de Knin. Donc, je ne
16 supposais pas que ce qu'il entendait c'était qu'ils allaient tous s'enfuir
17 de la zone, parce que cela ne correspond pas à la défense de Knin.
18 Q. Pour ce qui est de la mise en place de cette deuxième ligne de défense
19 plus brève, vous, vous ne savez pas si l'ordre de création de cette
20 deuxième ligne a été donné ?
21 R. Je peux extrapoler à partir d'un fait que je connais. Il y a eu, le
22 deuxième jour d'attaque, des forces qui ont attaqué cette deuxième ligne de
23 défense, donc cette deuxième ligne de défense, elle se trouve quelque part
24 entre Knin et la première défense. Mais certes, vous avez raison, cela je
25 le suppose.
26 Q. Cette deuxième ligne de défense, et pour ce qui est de la défense
27 décisive de Knin, tout cela a été établi non pas entre les forces de la HV
28 et Knin, mais en fait derrière Knin et à l'extérieur de la ville, ce qui
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1 change tout à fait les conclusions que vous avez dégagées dans ce
2 paragraphe, n'est-ce pas ?
3 R. Vous me posez une question à partir d'une certaine interprétation
4 donnée du paragraphe, et vous isolez cela des autres faits et des autres
5 hypothèses. Voilà ce qui m'a été dit : Le deuxième matin, il y a eu une
6 attaque délibérée menée contre les positions défensives de l'ennemi qui
7 avaient été réétablies, et se trouvaient sur ces positions les forces qui
8 étaient subordonnées au QG qui avait été mis en place depuis très longtemps
9 à Knin et qui avait été mis en place jusqu'à l'après-midi veille de cette
10 journée. Je ne suis pas sûr de tout à fait comprendre. Peut-être que vous
11 pourriez reformuler maintenant votre question.
12 Q. Oui, tout à fait. Vous supposez que la deuxième ligne de défense, à
13 savoir la ligne de défense beaucoup plus courte, beaucoup moins longue, se
14 trouve à un endroit entre la ville de Knin et les forces de la HV qui
15 progressent ?
16 R. Je suppose que la deuxième ligne de défense est un obstacle très
17 important sur la route des forces de la HV qui veulent capturer Knin.
18 Q. Oui, mais capturer, ce n'est pas la même chose qu'entrer dans une
19 ville.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois faire objection.
21 M. Russo formule ses questions d'une certaine façon, et ensuite vous,
22 vous dites je suis d'accord, puis vous dites quelque chose d'autre, d'où
23 mon objection. A votre attention, M. Russo vous dit plus ou moins
24 qu'apparemment vous supposez que la deuxième ligne de défense se trouve à
25 un endroit placé entre les forces croates qui progressent et la ville de
26 Knin.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est une supposition que j'ai dégagée
28 tout à fait, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Russo.
2 M. RUSSO : [interprétation]
3 Q. Je comprends tout à fait votre façon de voir les choses et l'hypothèse
4 que vous avez dégagée, et je ne suis pas en train de pointer un doigt
5 accusateur.
6 En fait, ce que je vous demande c'est que si, par exemple, cette deuxième
7 ligne de défense se trouvait derrière Knin sur les collines qui dominent la
8 ville, derrière la ville, est-ce que cela changerait les conclusions que
9 vous avez dégagées en vertu desquelles vous indiquez que la deuxième ligne
10 est comme pour vous citer un obstacle sur la route ou sur la voie des
11 forces de HV qui progressent ?
12 R. De façon abstraite, je suis d'accord avec vous. Si je n'ai aucun autre
13 élément d'information et puisque vous dites que les forces de la HV ont des
14 renseignements qui leur permettent de penser que l'ennemi est en train de
15 fuir et à abandonner la ville.
16 Laissez-moi terminer aller jusqu'au bout de ma pensée. En fait, je
17 voudrais indiquer de façon très claire que si la défaite de la capacité
18 tactique terrestre de l'ennemi est la priorité essentielle, je n'en
19 conclurais pas automatiquement que parce que du fait que -- de ce fait
20 qu'ils ont établi des positions de défense, non pas de ce côté de la ville,
21 mais tout à fait de l'autre côté, je ne dirais pas que cela changerait de
22 façon radicale mon évaluation. Parce que cela dépend en fait de la tâche
23 qui leur a été confié par les forces tactiques terrestres croates qui
24 poursuivaient l'ennemi.
25 Q. Pour ce qui est "de la défense décisive de Knin," qu'est-ce que vous
26 entendez par ces termes ?
27 R. Moi, ce que j'entendais par ces termes c'est que le commandant
28 militaire disait à ses forces, Vous venez d'essuyer un échec tactique,
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1 reprenez-vous, rétablissez vos positions de défense, parce que nous allons
2 continuer à nous battre pour priver les Croates de la capacité d'entrer
3 dans la ville.
4 Q. Oui, mais là, une fois de plus, vous supposez cela à partir d'une idée,
5 sur la base d'une idée des forces de l'armée de la RSK se trouvent entre la
6 ville de Knin et les forces qui avancent vers la ville. Donc vous ne
7 supposez pas qu'elles se trouvent à l'extérieur de la ville -- derrière la
8 ville ?
9 R. Je suppose que c'est ainsi que le général Gotovina aurait perçu la
10 situation, et ça, de façon raisonnable cette nuit-là.
11 Q. Alors pour ce qui est du redéplacement -- du déplacement et de la
12 réinstallation du QG de l'armée de la RSK et du QG du 7e Corps de la
13 Krajina, le déplacement de ces deux QG à l'extérieur de Knin vers un lieu
14 arrière, vous avez indiqué que tout simplement que du fait qu'ils avaient
15 quitté la ville; le général Gotovina ne pouvait pas absolument prendre pour
16 argent comptant le fait que cet ordre avait été donné et suivi. Mais je ne
17 vous suis pas tout à fait.
18 R. Dans un premier temps, en réponse à votre question, vous avez parlé en
19 fait de déplacement et de réinstallation. Il y a un ordre pour cela mais,
20 moi, ce que j'essaie de vous expliquer c'est qu'un commandant raisonnables,
21 qui se trouve dans la situation du général Gotovina, doit prendre les
22 devants et doit prévoir que, même si ce type d'ordre a été donné à ce
23 moment-là au vu des circonstances le déplacement de ce commandement ou de
24 cette capacité de commandement, le contrôle ne peut pas complètement être
25 exécuté. Il se peut qu'il ne peut pas commencer. Il se peut en fait qu'il
26 commence de façon très modeste du fait de ce que fait l'ennemi. Donc vous
27 me demandez comment j'évalue le barrage d'artillerie du matin, et moi, je
28 vous dis, je n'ai pas interprété cela comme me donnant la preuve que le
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1 général Gotovina savait ou aurait dû savoir ou aurait dû raisonnablement
2 savoir que les objectifs militaires, commandement, contrôle, et
3 transmission qui étaient ses objectifs du matin avaient été totalement
4 déplacés.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, écoutez, je vais essayer de voir
6 si j'ai compris dans un premier langage de [imperceptible].
7 Vous dites :
8 "Un commandement raisonnable qui ne dispose pas d'élément
9 d'information à propos d'un ordre de déplacement ne pouvait pas savoir s'il
10 avait été exécuté mais ne pouvait pas ignorer la possibilité qu'il n'avait
11 pas été entièrement exécuté"
12 C'est ce que vous avez dit ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. En sachant, d'autant plus, qu'un
14 commandant raisonnable serait tout à fait informé de la difficulté de la
15 tâche lors d'un entraînement en temps de paix. Alors imaginez-vous quand il
16 y a dans des combats.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu, qu'il prend en
18 considération tout ce qu'il sait, et il devra également prendre en
19 considération le fait qu'il ne sait pas si cela a été fait. Donc il prendra
20 en considération toutes ses expériences pour essayer d'évaluer la
21 vraisemblabilité [comme interprété] de l'exécution de cet ordre; c'est cela
22 ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous savons tous qu'il s'agit
25 d'un sujet extrêmement complexe. Alors essayons quand même de rester simple
26 -- relativement simple sans pour autant perdre la teneur de ce que le
27 témoin vous dit et de ce que nous voulons entendre de sa part.
28 Poursuivez, Monsieur Russo, il vous reste encore six minutes avant la
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1 pause.
2 M. RUSSO : [interprétation]
3 Q. L'inverse est vrai, Monsieur le Professeur, parce que vous avez dit --
4 bon, vous nous dites, si le général Gotovina sait qu'il y a un ordre de
5 déplacement du QG de l'armée de la RSK. Vous nous dites qu'il ne peut pas
6 considérer à 100 % que l'œuvre a été exécuté. Mais que l'inverse est vrai;
7 si le général Gotovina, par exemple, est informé d'un ordre pour que soit
8 diminuée la longueur de la ligne de défense ou il est informé d'un ordre de
9 défendre des civils de Knin, est-ce qu'il peut tout à fait prévoir que ces
10 ordres n'auront pas tout à fait été exécutés ?
11 R. Je pense que lorsque vous interceptez un ordre qui est destiné à
12 l'ennemi, bon, si vous n'avez que cela comme information et si vous oeuvrez
13 à partir de cet ordre, vous prenez quand même un risque assez important.
14 Alors il se peut que vous ayez d'autres informations. Mais je vous ai dit
15 que l'ordre c'est un élément d'information. Mais encore faut-il que
16 l'information en question soit analysée ? C'est justement cela la
17 différence entre l'information et le renseignement. Le renseignement c'est
18 la force motrice pour la prise de décision d'un commandant. Donc si, le
19 matin ou la nuit, ces commandants tactiques, qui se trouvaient de l'autre
20 côté de la ligne, qui battaient en retraite, ne font pas leurs opérations
21 de reconnaissance pour essayer d'évaluer au mieux de leurs moyens, si les
22 faits sur le terrain corroborent leurs éléments d'information ils vont
23 prendre un risque ? Alors, bien entendu, leur attitude à faire des
24 exercices de reconnaissance est tributaire du METT-T-C. S'ils n'ont pas la
25 possibilité d'obtenir de meilleurs éléments d'information, il se peut que
26 leurs commandants doivent agir.
27 Puis il y a un autre facteur qu'il ne faut pas perdre de vue dans
28 cette équation, car même si le général suppose qu'il s'agit d'un véritable
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1 ordre et qu'il ne s'agit pas d'un de leur -- que l'on n'essaie pas de --
2 qu'on n'essaie pas en fait de perturber sa vision du champ de bataille, et
3 si cet ordre est exécuté, il doit également se demander si cela va rendre
4 davantage vulnérable la capacité de commandement, contrôle et liaison de
5 l'ennemi, parce qu'elle doit se déplacer justement. De ce fait, qui dit
6 "déplacement" dit "mouvement," et qui dit "mouvement" dit "exposition."
7 Donc c'est un autre élément qu'il faudra qu'il prenne en considération.
8 Q. Je vous remercie.
9 M. RUSSO : [interprétation] Je pense que le moment est bienvenu pour faire
10 la pause.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais quand même
12 vous demander si nous pourrions avoir de votre part une estimation; est-ce
13 que vous allez poursuivre votre contre-interrogatoire comme vous l'aviez
14 prévu pour que nous puissions savoir combien de temps va encore durer le
15 témoignage ou la déposition de M. le Pr Corn ?
16 M. RUSSO : [interprétation] Pour être très franc avec vous, je ne vais pas
17 aussi rapidement en besogne que je le pensais. Alors je pourrais
18 certainement vous le dire beaucoup mieux à la fin de cette audience. Je
19 vous dirai ainsi de combien de temps j'aurais besoin vendredi ou voire plus
20 si j'ai besoin de temps supplémentaire.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous pourriez peut-être
22 essayer de vous en tenir au temps qui vous a été imparti ? Je pense à la
23 toute première estimation de durée que vous nous aviez donnée.
24 Donc nous allons faire une pause et nous reprendrons à 16 heures 10.
25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.
26 --- L'audience est reprise à 16 heures 16.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de continuer, Monsieur Russo, je
28 voudrais demander aux parties d'écouter une petite histoire.
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1 Je suis un médecin. On est -- c'est un week-end, nous avons trois
2 enfants, et moi, je suis de garde ce week-end là. Il fait beau, mais comme
3 d'habitude, aux Pays-Bas, il se pourrait qu'il pleuve. Voici la question
4 que je me pose : devrais-je aller à la plage avec mes enfants ? Il y en a
5 qui diront : les enfants aiment la plage, il fait beau, il y a beaucoup de
6 raisons pour aller à la plage; cependant, il y a un certain nombre de
7 raisons pour ne pas y aller, des raisons évidentes, je suis de garde.
8 Est-ce que l'on peut m'appeler pendant que je suis à la plage ?
9 Qu'est-ce que je fais avec les enfants si je suis appelé à l'hôpital
10 d'urgence, pour mon travail ? Voici une situation où il s'agit de prendre
11 en compte tous les éléments. Vous pouvez poursuivre de la sorte, à
12 l'infini. Qu'est-ce qui se passe si mon téléphone portable est très
13 sensible au sable ? Est-ce qu'il faudrait prendre en compte cet élément
14 pour ne pas aller à la plage, alors que je suis de garde ? Bon, vous
15 pourriez peut-être trouver un autre téléphone portable qui n'est pas aussi
16 sensible au sable, ce qui vous permettrait peut-être d'aller quand même à
17 la plage. Peut-être, je dis, parce que si vous gardez ce téléphone, celui
18 qui est sensible, vous pouvez toujours essayer de les mettre dans un sac
19 plastique, de l'ouvrir, de ne le sortir de là que si on vous appelle. Puis,
20 avec les enfants, il en va de même, vous pourriez faire quelque chose de
21 semblable. Qu'est-ce qui se passe s'ils sont dans l'eau et je n'entends pas
22 le coup de fil ?
23 Donc, cette petite histoire que je viens de vous raconter, je vous l'ai
24 racontée pour essayer de faire comprendre aux parties et au professeur qui
25 est en train de m'écouter qu'il est des situations qui sont complexes et
26 qui deviennent encore plus complexes, s'il s'agit de prendre des décisions.
27 Vous pourriez examiner tous les détails, et à partir du moment où vous avez
28 examiné tous les détails, vous allez facilement pouvoir trouver encore
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1 d'autres détails parce que, moi, j'ai parlé de la -- enfin, du fait qu'un
2 téléphone portable soit sensible au sable ou non. Alors, effectivement,
3 avec les sacs plastiques, vous pourrez résoudre peut-être les problèmes,
4 mais je pense qu'on n'aide pas les Juges, si on débat à l'éternité de tous
5 ces détails, de toutes ces possibilités et surtout, si, dans une certaine
6 mesure, on n'est pas vraiment sûr des faits de l'histoire parce qu'on
7 pourrait, par exemple, parler de la météo de ce jour-là parce que si jamais
8 la famille n'a pas consulté la météo, que se passerait-il ? Quel serait le
9 résultat, la décision ? Puis que se passe-t-il -- enfin, qu'est-ce qu'on --
10 comment on prend en compte l'élément de l'ensoleillement de la plage de
11 Scheveningen au cours de ces dernières années ? Evidemment que les Juges
12 sont pris par les aspects pertinents du processus de prise des décisions de
13 l'accusé mais, en même temps, nous pensons qu'à un moment donné, il faut
14 s'arrêter, il faut qu'on arrête de chercher d'autres hypothèses, de
15 nouveaux -- en introduisant de nouveaux détails, alors qu'on n'est même pas
16 sûr s'il s'agit de détails que l'on peut considérer comme étant des faits
17 ou bien des hypothèses.
18 Si vous avez des questions -- est-ce que vous avez des questions par
19 rapport à cette petite histoire que je viens de vous raconter ? Je vous
20 regarde, Monsieur Russo, mais je vous regarde vous aussi, Monsieur Corn, et
21 les conseils de la Défense. Est-ce que vous avez des questions au sujet de
22 cette petite histoire de famille ? Est-ce qu'on va avoir un développement
23 tragique, à savoir la pluie sur la plage, qui s'abat sur la plage et -- ou
24 bien le père qui est rappelé à l'hôpital, et cetera, et cetera ?
25 M. RUSSO : [interprétation] Je dois dire que je pense que j'ai compris,
26 Monsieur le Président. Mais, en même temps, je dois vous dire que cela nous
27 pose problème que de contester la déposition du témoin.
28 Vous nous avez raconté une histoire, il s'agit de déterminer un certain
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1 nombre de facteurs, le nombre des enfants, et cetera. Mais le témoin a reçu
2 un certain nombre d'informations. Sur la base de ces informations, il a
3 fait son rapport, et si le professeur était venu ici sans cette feuille
4 d'informations supplémentaires, en nous disant qu'il a pris en compte les
5 documents qui figurent à la page au paragraphe 12 où se trouve certains
6 documents qui sont très importants en l'espèce, et j'aurais fait son
7 contre-interrogatoire très rapidement. Mais maintenant il nous dit qu'il a
8 pris en compte ces documents, ces documents cruciaux, mais qu'il ne les a
9 pas vraiment examinés en détail. C'est pour cela que j'essaie de comprendre
10 exactement quels sont ces documents qu'il a examinés.
11 Si vous ne pensez pas qu'il est utile que j'examine les cibles parce
12 que telle était mon intention, pour voir qu'elle aurait été la situation
13 par rapport enfin si on changeait chacun des objectifs militaires de Knin,
14 si vous pensez que ce n'est pas utile, je ne vais pas le faire évidemment.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Evidemment, nous ne savions pas
16 exactement ce que vous aviez à l'esprit. Pour nous, ce qu'il est plus
17 important c'est de comprendre la déposition du Pr Corn pour savoir
18 exactement quelles sont les limites de ses connaissances par rapport à la
19 situation des faits. On, à plusieurs reprises, établit qu'il est très
20 important de prendre en compte les connaissances de l'accusé au moment des
21 faits.
22 Donc si on part des hypothèses et en essayant de voir ce que l'on sait, ce
23 que l'on ne sait pas, et quels seraient les nouveaux éléments, ce n'est pas
24 toujours très utile. Je ne dis pas que vous ne devez pas parler des cibles.
25 J'ai dit que tout simplement, à un moment donné, il faudrait que vous
26 preniez une décision, à savoir est-ce que vous pensez que les réponses par
27 rapport aux hypothèses que vous avances sont productifs ou non ? Ou bien
28 est-ce que cela vous amène vers de nouvelles hypothèses ? Là, il faudrait
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1 peut-être s'arrêter -- savoir où s'arrêter, parce qu'à un moment donné, les
2 statistiques portant sur le nombre de téléphones portables, qui ont cessé
3 de fonctionner à cause pas seulement du sable, mais et pas seulement sur
4 les plages mais aussi dans le désert, cette statistique-là -- ces chiffres-
5 là ne vont peut-être pas nous aider pour établir les faits. Ils ne vont pas
6 aider les Juges de cette Chambre, en tout cas.
7 M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie.
8 Q. Professeur, par rapport à la formulation de l'ordre d'offensive du
9 général Gotovina dont on a parlé mardi, et surtout là où il est écrit qu'il
10 s'agit de placer sous le feu d'artillerie la ville de Knin, vous avez dit :
11 "J'ai aussi dit aux Juges qu'en examinant ce document, en tant que
12 soi, je pense qu'on ne peut pas dire qu'il n'existe qu'une seule
13 interprétation de ce document, pas aussi clairement pour rejeter la
14 possibilité d'autres informations -- d'autres interprétations. Moi, je
15 pense que vous pourriez en arriver à la conclusion que les deux
16 interprétations sont acceptables.
17 Je finis par ceci votre citation, la citation du compte rendu
18 d'audience.
19 Ensuite, moi, je vous ai demandé sur quoi vous vous êtes basé pour
20 interpréter cet ordre. Vous avez dit que, là, il ne s'agissait pas d'un
21 ordre demandant à se lancer dans une attaque sans distinction de Knin. Vous
22 nous avez fourni différentes raisons pour cette interprétation. Par
23 exemple, vous avez dit :
24 "L'information venant du président, l'accent qui est mis sur la
25 professionnalité des opérations sont passées de soldat de carrière et de
26 sous officier dans une des organisations des plus professionnelles dans le
27 monde."
28 Vous avez donc donné une interprétation mais l'interprétation que
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1 vous faites de cet ordre n'est pas forcément celle que va en faire un
2 subordonné à la lecture de l'ordre.
3 R. Dans mon rapport d'origine, j'ai évoqué les principes du droit
4 international humanitaire et c'est quelque chose qui vient d'un officier
5 haut gradé, un commandant haut gradé doit s'attendre à ce que ses
6 subordonnés respectent ses ordres et respectent aussi leurs obligations
7 juridiques. Je pense que ceci ne nous montre pas s'il avait ou non
8 l'intention de se lancer dans une telle attaque. Ce n'est pas une
9 formulation idéale, ce n'est pas écrit de la meilleure des façons.
10 Vous m'avez demandé comment j'ai pu interpréter cela. Je vous ai dit
11 sur la base desquelles informations je l'ai fait. Si je ne l'ai pas fait à
12 l'époque, je vous dis aujourd'hui, franchement, j'accepte la possibilité
13 que cela dépend de ce que pensait l'accusé à l'époque, l'auteur à l'époque,
14 et c'est cela qui détermine l'interprétation. Donc effectivement je ne
15 pense pas que ses subordonnés aient pu interpréter cet ordre comme cela, et
16 je ne pense pas que c'est une question importante et décisive quand il
17 s'agit de déterminer la responsabilité au pénal de l'accusé.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre dernière phrase, vous parlez
19 de la responsabilité pénale de l'accusé.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci ne faisait pas partie de la
22 question. M. Russo vous a demandé : est-ce que cela compte ? Cela dépend de
23 ce que vous regardez. Si vous voulez savoir si ce qui s'est finalement
24 passé constituait une violation du droit humanitaire international; dans ce
25 cas-là il est très important de savoir ce qui s'est passé avec cet ordre.
26 Si on essaie de faire valoir l'élément de l'intention, dans ce cas-là,
27 peut-être que cette question n'est pas si importante que cela.
28 Dans votre question, vous dites que c'est important, et vous, vous parlez
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1 de la façon dont l'opération s'est déroulée. Dans ce cas-là, il est
2 important de savoir ce qui s'est passé et ce qui s'est passé est peut-être
3 contraire aux intentions de la personne qui a écrit l'ordre. Donc là, vous
4 avez posé une question alors que vous n'avez pas vraiment placé la question
5 dans le contexte de ce qui serait ou ne serait pas important.
6 M. RUSSO : [interprétation]
7 Q. Professeur Corn, vous dites, dans votre rapport, que les commandants
8 partent souvent ou en général de l'hypothèse que les subordonnés vont
9 exécuter l'ordre correctement en respectant les lois. Là, je lis le
10 transcript, page 21 274, lignes 11 à 15 :
11 "On regarde le document où on parle de ce qui est légal et de ce qui
12 n'est pas légal."
13 Vu ce que vous venez de dire, à savoir que les commandants partent de
14 l'hypothèse que les subordonnés vont exécuter tout ordre légal, c'est-à-
15 dire si les subordonnés ne font pas cette interprétation, à savoir s'ils
16 pensent que c'est un ordre qui n'est pas légal, qui est illégal, dans ce
17 cas-là, vous conviendriez, n'est-ce pas, que c'est le général Gotovina qui
18 est responsable d'avoir donné cet ordre, c'est sa faute, n'est-ce pas, s'il
19 pense que c'est un ordre qui n'est pas légal ?
20 R. Dans l'abstrait, la réponse serait positive, mais je pense qu'il
21 faudrait prendre en compte les circonstances, les faits, et c'est surtout
22 la planification de l'opération qui est importante.
23 Q. En ce qui concerne cette base que vous avez donnée pour dire qu'il
24 s'agissait là d'un ordre légal, les déclarations du précédente Tudjman lors
25 de la réunion, le fait que le général Gotovina était dans la légion
26 étrangère française, est-ce que vous pensez que les subordonnés à la
27 lecture de cet ordre d'offensive du lancement de l'opération -- est-ce que
28 vous pensez vraiment qu'ils avaient quelques idées qui que ce soit au sujet
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1 de son service dans la légion étrangère, ou bien ce que lui a dit le
2 précédent ?
3 R. Ecoutez, moi, je n'ai pas ce transcript sous mes yeux, et ce n'est pas
4 à mon avantage. Mais je suis sûr que vous devez placer tout cela dans le
5 contexte et on parle donc des cibles tactiques qu'il s'agit de viser. Je me
6 souviens qu'on en a parlé. On a dit qu'il serait inutile de dire qu'il
7 fallait attaquer la communication, le commandement et le contrôle si, en
8 même temps, vous placez sous l'attaque les mêmes cibles à Knin. Moi, je
9 vous ai dit que ce n'est pas la seule interprétation, parce que -- mais il
10 s'agit de toute façon d'avoir à l'esprit les C3I, ainsi que le combat
11 stratégique et tactique. Donc je pense que cet ordre existait. Cet ordre
12 est tel que tel, mais le fait que les subordonnés ne connaissaient pas le
13 parcours du général Gotovina, je pense que cela n'influence aucunement leur
14 interprétation de l'ordre.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ce que vous dites aux Juges c'est
16 de ne pas ignorer le contexte parce que c'est quelque chose qui est très
17 important. Le contexte est très important.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo.
20 M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous avez parlé des
22 cibles, et moi, je ne dis pas qu'il ne faut pas en parler, parce que,
23 parfois, les choses sont plus claires quand on cite des exemples. Donc si
24 vous voulez évoquer quelques cibles en guise d'exemple, je pense que ceci
25 pourrait mieux nous aider pour comprendre comment l'expert s'est forgé ses
26 opinions par rapport à ces faits, et peut-être que cela nous suffirait ces
27 quelques exemples. Mais c'est une possibilité qui reste encore ouverte.
28 Vous pouvez poursuivre.
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1 M. RUSSO : [interprétation]
2 Q. Professeur, vous avez parlé de déclarations du président Tudjman qui
3 ont été reproduites en quelque sorte dans l'ordre du général Gotovina,
4 l'ordre opérationnel. C'est pour cela que -- puisque vous avez dit que
5 c'est quelque chose de très important, je voudrais vous montrer la façon
6 dont, moi, j'interprète cela pour voir ce que vous, ce que vous avez à dire
7 par rapport à cette interprétation.
8 M. RUSSO : [interprétation] C'est pour cela que je vais demander que l'on
9 présente la pièce P461. Est-ce que nous pouvons examiner la page 15 en
10 anglais, et la page 28 en B/C/S ?
11 Q. C'est à peu près au milieu du paragraphe où on lit c'est le président
12 qui parle. Mais je l'ai dit et on l'a dit ici que :
13 "Il faut leur donner une possibilité de sortir d'ici parce qu'il est
14 important que ces civils se mettent en route. Ensuite l'armée va suivre, et
15 à partir du moment où les colonnes partent, il va y avoir un impact
16 psychologique entre eux, entre les gens."
17 Professeur, est-ce que vous pensez que ce que le président Tudjman a dit
18 devant le général Gotovina -- est-ce que vous pensez que c'est quelque
19 chose qui est important pour interpréter l'ordre que le général Gotovina a
20 donné pour le pillage des villes de Knin, Obrovac, Benkovac, et cetera ?
21 R. Non, mais c'est parce qu'il dit que les -- au fur et à mesure, que
22 l'opération se poursuit les civils partent et ils vont continuer à partir.
23 Oui, effectivement, je pense qu'il existe une probabilité raisonnable qu'il
24 y ait eu des échanges qui auraient pu servir de prétexte pour attaquer
25 Knin, et la façon dont le général a répondu à cela.
26 Q. Est-ce que vous pouvez prendre en compte une autre interprétation, à
27 savoir que le président Tudjman dit aux commandants militaires présents à
28 cette réunion pour -- il leur dit qu'il est très important de faire sortir
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1 les Serbes de Croatie ?
2 R. Je dois dire que je n'ai pas étudié en profondeur les déclarations et
3 les propos du président Tudjman pendant le conflit, où je n'ai pas vraiment
4 réfléchi à ses objectifs.
5 Mais par rapport à ce que l'on vient de lire dans ce transcript, la
6 façon dont je lis la suite du transcript, surtout c'est que le général
7 Gotovina répond :
8 "Ecoutez, laissez-moi faire mon travail, laissez-moi faire fuir
9 l'ennemi, laissez-moi le vaincre."
10 Je ne vois pas pourquoi et comment vous pouvez interpréter ce que dit
11 le président comme autre chose que sa propre façon de voir les choses.
12 Peut-être qu'il pourrait y avoir un avantage militaire dont on aurait pu
13 profiter suite au départ de la population civile. Mais même là, on peut se
14 poser la question, parce qu'est-ce qu'il a vraiment l'intention d'utiliser
15 -- de semer la terreur sur la population civile. Est-ce que c'est vraiment
16 la façon dont il veut faire la guerre ? Parce que c'est quelque chose qui
17 est clairement interdit. Est-ce qu'il veut profiter du fait que les civils
18 sont en train de partir pour provoquer un effet psychologique sur l'ennemi
19 ? Moi, ce n'est pas comme cela que j'ai lu la réponse du général où je n'ai
20 pas eu l'impression qu'il a voulu utiliser la population civile à cette
21 fin.
22 Q. Je vais voir qu'est-ce que vous dites vraiment dans votre réponse. Donc
23 est-ce que vous dites que l'on pourrait interpréter ce que dit le président
24 Tudjman comme étant le souhaite ou la possibilité d'utiliser la population
25 civile comme un facteur de pression sur les militaires, et ceci ne serait
26 pas légal ?
27 R. Oui, effectivement, vous ne pouvez pas utiliser les moyens militaires
28 pour forcer le départ des civils. Cela étant dit, je ne pense pas qu'il est
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1 illégal de prendre note du départ des civils dans une zone de conflit parce
2 que c'est quelque chose qui arrive souvent et ceci peut avoir un effet sur
3 l'ennemi. Je pense qu'on peut prendre compte de cela, ce n'est pas illégal.
4 Cela étant dit, terroriser la population civile serait autre chose et ceci
5 serait illégal.
6 Q. On va regarder la réponse du général :
7 "Un grand nombre de civils ont déjà été -- sont déjà partis de Knin
8 et ils partent en direction de Banja Luka et de Belgrade. Cela veut dire
9 que si l'on continue avec ce genre de pression, à un moment donné, il ne va
10 plus y avoir de civils qui vont rester. Il ne va y rester que des civils
11 qui doivent rester, qui ne peuvent pas partir."
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On dit "autant de civils," et pas "trop
13 de civils."
14 M. RUSSO : [interprétation] Oui. Excusez-moi, Monsieur le Président.
15 Q. Donc, Professeur, est-ce que vous n'avez pas l'impression là que ce que
16 dit le général Gotovina, finalement, on peut interpréter cela comme
17 l'acceptation de ce que dit le président Tudjman, à savoir continuer à
18 exercer la pression sur la population, comme ils sont en train de le faire,
19 sur les civils de la RSK, pour partir, et comme ça, les civils ne poseront
20 plus de problème ?
21 R. Si vous prenez le terme "pression" pour signifier des pressions qui
22 s'exercent sur des civils, mais reprenons leur premier échange où le
23 président parle de contre-attaque depuis Knin, comme un prétexte pour
24 attaquer Knin, et que le général dit : "Mais je peux -- je peux me charger
25 de Knin, je peux répondre à une contre-attaque. Je suis en mesure de m'en
26 occuper." Lorsqu'il dit "pression," il -- au mieux de mon souvenir dans
27 cette transcription, je n'ai pas le tout sous les yeux, il me semble qu'il
28 parle de planification -- de concentration opérationnelle de ses priorités.
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1 Donc, dans ce contexte, encore une fois, il ne m'appartient pas de me
2 prononcer en dernière instance. Mais je pense que là, il dit que si nous
3 continuons à remporter des succès militaires comme nous le faisons jusqu'à
4 présent, la pression militaire, il va y avoir un exode naturel des civils,
5 depuis la zone de conflit. Donc, Monsieur le Président, laissez tomber.
6 Permettez-moi de me charger de ma partie du travail. Il ne faut pas vous
7 préoccuper de ça.
8 Mais je ne dis pas que mon interprétation est la bonne ou pas la bonne. Je
9 pense que je l'ai replacé dans un contexte plus large de ce qu'il doit
10 faire pour se préparer pour le combat.
11 Q. Prenons la page 10, en anglais et qui correspond à la page 18, en
12 B/C/S. Je voudrais reprendre la partie de la transcription à laquelle vous
13 vous référez. Vous avez déjà mentionné cela précédemment, vous avez
14 mentionné votre interprétation du prétexte d'attaquer Knin avec les pièces
15 d'artillerie. Vous avez dit que la réponse du général Gotovina était, en
16 quelque manière -- cherchait à dissuader le président de l'utilisation de
17 l'artillerie sur Knin. C'est vous, ai-je bien compris ?
18 R. Pourriez-vous reprendre, s'il vous plaît ?
19 Q. Je vais être plus précis. Je vous ai posé initialement ma question au
20 sujet de la déclaration du général Gotovina, disant qu'il pouvait prendre
21 Knin avec 1 000 hommes, page 21 337 du compte rendu d'audience, lignes 8 à
22 14, et là, vous avez répondu, je vous cite :
23 "Il est possible d'interpréter cela comme si le général Gotovina disait :
24 cela fait partie de mon plan, je suis prêt à rentrer dans Knin. Mais je
25 pense que si on replace ça dans un contexte plus large, on peut
26 l'interpréter -- on sera amené à l'interpréter d'une manière tout à fait
27 différente, à savoir il cherche à dissuader le président de cette --
28 d'exercer cette pression trop importante, à savoir d'ouvrir le feu sur
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1 Knin."
2 Je vous ai cité, j'ai vérifié dans le compte rendu d'audience. Est-ce que
3 vous maintenez cette position ?
4 R. Oui. Mon interprétation sur -- qui se fonde sur l'intonation, le style
5 de la participation du général Gotovina, cette conversation tout au long de
6 la transcription, vous avez un commandant opérationnel qui a, face à lui,
7 son chef politique, qui est le numéro 1 du pays et qui, en fait, empiète
8 sur ces [imperceptible]. Donc, ce que dit le commandant opérationnel ? Il
9 s'attend à ce que son chef politique fixe l'objectif stratégique et puis
10 qu'il lui laisse la possibilité de l'exécuter. Donc le président parle
11 d'une contre-attaque lancée depuis Knin, et de cela, comme d'un prétexte
12 pour ouvrir le feu d'artillerie sur la ville, et le général lui répond :
13 mais, non, je suis en mesure de m'en occuper. Ne vous en préoccupez pas, je
14 sais ce qu'il faut faire avec Knin et je vais m'en occuper plus large de
15 mon plan.
16 Donc, c'est l'impression que j'ai, peut-être que je me trompe.
17 D'autres peuvent penser que ce n'est pas une analyse rationnelle. Mais je
18 pense que, dans le contexte général de ce dialogue, de la réunion que cela
19 a à voir avec d'autres faits, par exemple, il consacre 80% de ces tirs
20 indirects aux points tactiques de l'exécution du combat pour Knin et -- ou
21 de l'emporter sur les forces serbes. Je pense que cela étaie mon propos.
22 Mais tout cela, c'est les déductions à partir des éléments indirects et je
23 ne pense pas qu'on peut sortir cela de son contexte. C'est ce que je n'ai
24 pas fait lorsque j'ai formulé mon opinion.
25 Q. Je voudrais vous donner lecture de cela et je vais vous soumettre mon
26 interprétation et puis, vous me direz si vous trouvez cette interprétation
27 tout aussi raisonnable que la vôtre.
28 Donc je commence, le président Tudjman dit, je le cite :
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1 "Messieurs, en principe, j'accepte ce type d'approche, mais il y a une
2 chose que je n'y trouve pas, qui y fait défaut, à savoir dans ce type de
3 situation qui se produira si nous lançons une offensive généralisée sur la
4 totalité du territoire, à Knin, il va y avoir une panique même plus
5 importante qu'à présent. Par conséquent, il nous faut prévoir des forces
6 qui agiront directement en direction de Knin et en particulier, Messieurs,
7 rappelez-vous le nombre de localités et de villes croates détruites, tandis
8 qu'à Knin, la situation n'est pas encore celle-là. Donc, il nous faudra
9 régler cela avec l'ONURC, et cetera. Mais ce serait bien, par conséquent,
10 ce serait une bonne justification pour cette action, leur contre-attaque
11 depuis Knin, et cetera. Donc, nous avons un prétexte de frapper, si
12 possible avec l'artillerie, si vous pouvez, pour qu'il y ait démoralisation
13 jusqu'au bout et pas seulement cela."
14 Avant de donner la réponse du général Gotovina, est-ce qu'on ne serait pas
15 en droit d'interpréter cela raisonnablement, comme étant une suggestion
16 avancée par le président, à savoir de se servir d'un prétexte d'une contre-
17 attaque qui n'existe pas pour pilonner Knin ?
18 R. Ou d'une attaque réelle. Lorsque j'ai lu cela, ça ne semblait pas bien,
19 bien entendu, de mon point de vue. Bien sûr, je pense que c'est une
20 interprétation raisonnable de ce paragraphe et, bien sûr, ça m'intéressera
21 de voir ce que répondra Gotovina face à ça, et par la suite, je vais
22 essayer de replacer ça dans le contexte. Oui, je pense, si nous apprécions
23 l'intention du président, tout à fait, cela semble préoccupant, qu'il
24 incite ses commandants militaires à lancer un combat qu'il ne devrait pas
25 annoncer.
26 Q. Voyons ce que répond le général Gotovina, il dit :
27 "Monsieur le Président, en ce moment, par notre -- nos moyens techniques,
28 nous contrôlons complètement Knin. Ce n'est pas -- cela ne pose pas
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1 problème si l'ordre est donné de frapper Knin en quelques heures nous
2 l'aurons détruit complètement avec nos blindés et nos moyens de lance-
3 roquettes moyens et à plus grande portée.
4 Alors, Monsieur le Professeur, j'essaie de voir quelle est votre
5 interprétation de cette réaction du général. Vous dites qu'il cherche à
6 dissuader le président, il l'invite à ne pas exercer une pression trop
7 forte. Mais je ne sais pas comment vous expliquez cela c'est plutôt le
8 général Gotovina qui dit :
9 "O.K. vous voulez qu'on pilonne Knin, mais nous sommes capables de le
10 détruire en quelques heures."
11 Voyons un peu plus loin, le texte sur la même page. Le président Tudjman,
12 c'est la même page dans les deux versions. En bas le président dit :
13 "Généraux, officiers, même si nous faire -- il ne nous faut faire rien qui
14 serait précipité, il faut partir du fait que cela signifie que nous avons
15 remporté de tel succès depuis la Slavonie occidentale et maintenant en
16 Bosnie que nous avons gagné la confiance de la population que l'armée est
17 disposée à agir, que nous bénéficions du soutien d'une bonne partie de
18 l'opinion internationale, que l'adversaire est démoralisé au point qu'il ne
19 peut pas l'être plus. Par conséquent, je pense qu'il nous faut être
20 audacieux. Autrement dit, il ne suffit pas d'exercer le contrôle, il faut
21 nous en emparer au plus vite pour qu'il voit un petit peu pour qu'on -- lui
22 règle son compte. Par conséquent, ne pas se lancer dans des aventures parce
23 qu'on aurait essuyé des pertes pour remporter des succès. Mais je pense
24 qu'il vaut mieux une situation politique -- à ce point positive qu'il nous
25 faut garder à l'esprit cela et qu'il faut rentrer dans Knin au plus vite."
26 Q. Alors, Professeur, n'est-il pas raisonnable d'interpréter cet échange
27 comme je l'ai dit, à savoir le président offre cette possibilité d'ouvrir
28 le feu sur Knin en se fondant sur le prétexte que cela sera justifié par
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1 une contre-attaque non existante.
2 Gotovina répond :
3 "Il nous suffit de quelques heures pour détruire Knin, pas de problème."
4 Le président Tudjman répond :
5 "Et bien, ne nous précipitions pas parce que --
6 C'est ce que je vous soumets, il souhaite que l'opinion internationale
7 continue de penser bien de lui et la situation politique est si favorable à
8 la Croatie que le président Tudjman dit :
9 "Mais nous avons suffisamment de marge pour attaquer Knin avec notre
10 artillerie et en offrant comme prétexte cette contre-attaque."
11 C'est mon interprétation.
12 M. KEHOE : [interprétation] J'objecte à la forme de la question.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au vu de la situation, nous avons ici un
14 universitaire, notre témoin est un universitaire, je l'invite à répondre.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Si la Chambre m'y autorise, je souhaite voir
16 la page précédente. Il y a là un échange, une partie de l'échange que nous
17 n'avons pas vue vers la fin de la page.
18 Monsieur Russo, pour commencer, je pense que c'est une interprétation
19 raisonnable. Je ne conteste pas que mon interprétation soit raisonnable
20 mais je ne dis pas que ce soit la seule interprétation raisonnable et je ne
21 pense pas non plus que dans un contexte plus large je serais d'accord avec
22 cela. Mais je vous dis qu'effectivement c'est une interprétation
23 raisonnable.
24 Mais ce qui m'a frappé quand j'ai lu cela c'est que la première fois où
25 j'ai lu la réponse du général par rapport au prétexte qui est invoqué par
26 le président, là, je me suis dit si c'est quelque chose qu'il peut obtenir
27 à tout moment bien alors pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas déjà fait au
28 moins partiellement. Donc s'il est d'accord sur le fait qu'il est légitime
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1 de moraliser l'ennemi en obtenant un avantage tactique par une campagne
2 lancée contre la population, pourquoi elle ne l'a pas encore fait ?
3 Donc ça a été ma première réaction. Mais comme je ne lis pas l'original, je
4 ne lis pas le croate, mais la première phrase m'a préoccupé. Puis après, il
5 revient à sa première polarisation tactique et il dit au président :
6 "Mais ne vous inquiétez pas de ce qui n'est pas de votre ressort. C'est moi
7 qui vais mener la bataille pour vous. Vous, vous me fixez les objectifs et
8 c'est à moi de m'en charger. Donc si je dois prendre Knin, je le prendrai."
9 Ce qui m'a intéressé c'est je pense que nous avons passé une heure
10 pendant la dernière audience en échangeant des propos là-dessus. Je pense
11 que même à ce stade-là il pense que l'assaut terrestre sur Knin est sa
12 priorité idéale. Mais en répondant à la proposition de pilonner Knin, il
13 répond cela, et donc là, je me suis demandé : mais quel est le sens de ce
14 dialogue ?
15 Le président lui dit :
16 "Mais vous devriez envisager une possibilité d'attaque par
17 hélicoptère."
18 Donc nous avons le numéro apolitique qui dicte la tactique à son
19 officier qui commande les troupes. Mais dans l'histoire moderne des
20 guerres, c'est ce qui inquiète souvent les chefs militaires. Vous avez des
21 tomes et des tomes rédigés là-dessus suite à la guerre que les Etats-Unis
22 ont mené au Vietnam. Le président Johnson, installé à la Maison blanche
23 avec des cartes sous les yeux, qui choisit des cibles, et l'exaspération
24 des commandants, donc le président lui dit :
25 "Voilà ce que nous allons faire, pilonnons Knin."
26 Et il lui dit :
27 "N'oubliez pas l'attaque par hélicoptère."
28 Puis lui, il dit : "O.K., j'ai ça à l'esprit, je vais noter mais nous
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1 allons y arriver, nous allons le faire."
2 Puis il lui parle de sa vision tactique du développement tactique et
3 il lui dit en fait :
4 "J'ai un plan de déploiement, de manœuvre terrestre."
5 Ce que je ne sais pas et j'admets que je ne sais pas quelle est la
6 nature des relations entre le général Gotovina et le président Tudjman. Je
7 n'ai jamais pu être présent lors d'une réunion d'information avec le
8 président américain. Je ne sais pas ce que c'est lorsque vous êtes à un
9 très haut poste de commandement militaire et vous êtes face à votre
10 président, votre chef politique. Je ne sais pas quelle est la dynamique
11 sous-jacente, donc le général Gotovina, et j'en ai presque terminé, s'il
12 dit dans la transcription : écoutez, nous n'allons pas faire cela, laissez-
13 moi agir, je vais le faire à ma façon et si vous ne l'aimez pas, alors vous
14 me relevez de mes fonctions.
15 Ça nous aurait permis de savoir quelle est effectivement la nature de cette
16 relation. Mais je ne sais pas ce qu'il en a été. Il me semble qu'il se
17 défend de cette ingérence du président qu'il cherche à lui dire -- à lui
18 dicter comment combattre. Il dit au président :
19 "Non, non, moi je vais m'en charger, laissez-moi faire cela."
20 Donc mais il le fait d'une manière qui lui permet, mais d'empêcher son
21 supérieur d'aller au-delà tout en rejetant sa suggestion. Voilà c'est comme
22 ça j'ai réagi.
23 Q. Je voudrais que l'on examine plusieurs autres extraits de cette
24 transcription peut-être pour élargir le contexte. Page 7 en anglais, page
25 12 en B/C/S.
26 Non, excusez-moi. Page 23, en anglais, page 43 en B/C/S.
27 S'agissant maintenant des déclarations précédentes du président lorsqu'il
28 parle du départ des civils de la ville. Voyons maintenant ce que dit M.
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1 Miroslav Tudjman. Je cite :
2 "Est-ce que l'on doit diffuser le message à la radio au sujet des voies qui
3 sont à leur disposition pour qu'ils puissent évacuer ?"
4 Le président répond :
5 "Oui, il faudrait le dire. Non pas que ces voies leur sont ouvertes ou
6 qu'elles sont à leur disposition, mais qu'il a été remarqué que des civils
7 s'évacuaient en empruntant des voies de communication telle ou telle."
8 M. Miroslav Tudjman :
9 "Est-ce que l'on peut le faire vers le début de l'action ? Est-ce que l'on
10 peut diffuser cette information qu'ils sachent que les civils s'évacuent
11 par ces voies de communication ?"
12 Le président :
13 "Oui, dire qu'ils empruntent ces voies de communication à bord de véhicules
14 de tourismes, des voitures."
15 Puis Miroslav Tudjman :
16 "Toi, tu fermeras, tu bloqueras quelques routes et il faut leur dire dans
17 quelle direction aller pour que nous ayons le moins de travail possible."
18 Monsieur le Professeur, serait-il raisonnable d'en déduire que le président
19 en la présence du général Gotovina développe ce plan de laisser les Serbes
20 quitter la Croatie pour qu'eux aient le moins de choses à faire ?
21 R. Monsieur Russo, il me semble que c'est ce qu'ils offraient les
22 déclarations du président dans cette transcription. C'est l'impression que
23 j'ai eue lorsque je l'ai lue. Je me focalisais avant tout sur la réaction
24 du général suite à cela, parce que j'avais à analyser son comportement.
25 Effectivement, certaines déclarations du président ne peuvent pas
26 s'interpréter rationnellement parce qu'il semble engager ses subordonnés à
27 adopter cette mode ce conduite mais d'autres le contredisent. Il dit :
28 "Nous devons respecter ou faire attention à la bonne opinion dont
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1 nous bénéficions sur le plan international."
2 J'étais dans la 101e Division aéroportée en 1995 et nous suivions la
3 situation dans les Balkans, et en 1995, si on ne voyait pas -- si on
4 n'avait pas compris que l'opinion vous entre Knin en fonction de la manière
5 dont vous meniez des combats. Là, il y a un problème. Donc il me semble que
6 c'est ce qu'ils offraient parce que ce sont des -- le tout étant contraire
7 qui est dit. Mais initialement le général Gotovina dit :
8 "Mais ils sont déjà en train de partir."
9 Donc permettez-moi de combattre. Il y a déjà un processus naturel qui
10 est en place. Je ne pense pas qu'il accepte cet objectif, même si je ne
11 pense pas qu'il pense que c'est un objectif illicite. Il réitère l'objectif
12 qu'il y ait la défaite des forces armées ennemies. Mais, là, encore c'est
13 mon interprétation. Donc je suis d'accord avec vous pour dire
14 qu'effectivement rationnellement cela peut être lu de cette manière-là, à
15 savoir suggérer que l'on souhaite que les Serbes partent.
16 Q. Je vous remercie, Professeur. Est-ce que je peux contester cette
17 appréciation que vous faites, à savoir que les déclarations du président
18 Tudjman sur le fait de se faire mal voir par la communauté internationale,
19 que c'est contredit parce qu'il semble être ces encouragements à ce type de
20 comportement ? En fait, je vais soumettre la chose suivante : ce que nous
21 avons déjà lu, le paragraphe que je vais vous citer à présent, ce que l'on
22 y voit c'est que le président Tudjman tente de développer un plan par
23 lequel ils vont pouvoir atteindre l'objectif illicite de repousser les
24 Serbes, et en même temps, c'est justifié aux yeux de la communauté
25 internationale. Je vais vous donner lecture.
26 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, avec tous mes respects,
27 le conseil est en train de défendre sa cause, il aura du temps, le moment
28 viendra pour faire cela. Mais j'objecte pour ce qui est de la forme de la
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1 question.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans le contexte spécifique de ce
4 contre-interrogatoire, nous rejetons votre objection. Je ne donne pas carte
5 blanche à M. Russo, peut-être qu'il y aura des témoins factuels avec
6 lesquels on vous arrêterait. On vous aurait déjà arrêté, mais compte tenu
7 de la situation, votre interprétation du texte ne peut pas être rejeté. Il
8 est vrai que vous avancez les arguments pour défendre des arguments, des
9 éléments de votre cause, mais cette partie intégrante de l'exercice dans
10 lequel nous sommes engagés à présent.
11 M. RUSSO : [interprétation] Page 29, s'il vous plaît, en anglais, et page
12 55 au B/C/S. Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 Q. En haut de la page, Gojko Susak s'exprime, je cite :
14 "Troisièmement, président, permettez-moi de terminer. Est-ce que nous
15 pouvons avoir votre accord, à savoir que l'on y aille et que l'on court des
16 risques si on perd ? Je pense que cela aura un impact psychologique si
17 après le premier jour d'opération sur Benkovac et Obrovac, si on courrait
18 le risque de distribuer des tractes c'est quelque chose qui pourrait causer
19 des pertes. Mais ce que l'on sache, par avance, que nous avons accepté un
20 risque mais qu'on leur lance un appel en votre nom quelle que soit la
21 nature du tracte après le premier jour de l'opération. Précisez des voies
22 d'évacuation qui seraient à des positions et faire cela d'une telle façon
23 que cela suscite ce remue-ménage qui est le double de cela. Il faut
24 risquer, il faut trouver des gens, et je crois qu'il y en a qui seraient
25 prêts à courir ce risque."
26 Le président Tudjman répond :
27 "Ce genre de tract - le chaos général, la victoire de l'armée croate
28 soutenue par la communauté internationale, et cetera, et cetera. Serbes,
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1 vous êtes déjà en train de vous retirer, et cetera, et cetera, et nous vous
2 lançons un appel pour que vous ne vous retiriez pas, nous vous offrons une
3 garantie. Ça c'est une façon de leur offrir une voie de secours tout en
4 faisant semblant de garantir les droits civils,"et cetera, et cetera.
5 Monsieur le Professeur, on vous avait accordé une certaine interprétation,
6 parce que vous avez dit que le président Tudjman faisait des déclarations
7 tout à fait schizophréniques. Mais en fait, est-ce que cela n'est pas une
8 façon d'harmoniser ces types de déclarations, toutes ces déclarations, dans
9 la mesure où il dit : Montrez aux Serbes qu'il y a une voie de secours,
10 qu'il y a une sortie, donc, avec ces tracts, ce qui sera une façon de
11 garantir leurs droits civiques. En fait, il montre aux Serbes qu'il y a
12 cette issue pour sortir de Croatie et qu'il y a également une excuse qu'ils
13 peuvent utiliser pour la communauté internationale. Quelle est votre
14 réponse ?
15 R. Oui, il se peut que cela fût son intention, effectivement. Mais pour
16 moi, ce qui saute aux yeux, lorsque je lis cela -- je ne sais pas comment
17 cela ne vous saute pas aux yeux, d'ailleurs ? Vous me demandez : Au vu de
18 ce texte, est-ce que vous pouvez conclure que le commandant était en train
19 d'exercer des pressions sur ses commandants pour qu'ils se lancent dans des
20 actions qui pourraient être autant d'infractions ou de violations du droit
21 humanitaire international ? Moi, je pense que c'est une interprétation
22 raisonnable, d'ailleurs. Mais si vous me demandez : Si je pense que cela
23 nous permet de déterminer que le commandant subordonné, à savoir, et
24 notamment le général Gotovina, se rallie à cette cause, à cette tâche, je
25 ne pense pas cela est déterminé par cela. Je pense -- d'ailleurs, il est
26 silencieux, il ne participe pas au dialogue, et à différents endroits de ce
27 texte,il met l'accent sur son plan opérationnel, sur le fait que du point
28 de vue tactique il est très proche de l'ennemi, qu'il peut détruire les
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1 forces de l'ennemi. Tout cela suggère que ce qu'il essaie de faire c'est de
2 préserver sa liberté, sa latitude de manœuvre opérationnelle. Il ne veut
3 pas que le président le détourne de cela.
4 Cela est lié de façon indélébile aux faits et aux suppositions qui
5 m'ont permis de rédiger mon addendum, parce que si vous changez ces faits,
6 si vous changez ces suppositions, et vous me dites, par exemple, qu'il
7 avait été établi qu'ils avaient mille obus d'artillerie et qu'il y a eu
8 deux frappes contre un objectif militaire et 900 frappes contre des
9 objectifs civils, alors là, toute personne rationnelle dirait,
10 effectivement, il semblerait que cela suggère qu'il a été influencé dans sa
11 méthode opérationnelle. Mais les faits et les suppositions que j'ai obtenus
12 contredisent justement cette conclusion, et cela place les choses dans un
13 contexte beaucoup plus général. Non seulement ça, mais il y a également la
14 déposition de son officier d'artillerie, il y a tous les objectifs
15 préplanifiés, il y a le fait qu'il n'a pas utilisé l'artillerie pour
16 susciter la terreur avant de lancer cette opération, l'opération tactique,
17 j'entends.
18 Donc, tout cela me permet de poser autant de questions à propos de la
19 dynamique de cette réunion, de la relation entre ces deux personnes, ou
20 entre les différentes personnes, d'ailleurs, de la façon dont réfléchissait
21 le général, mais j'accepte ce que vous me dites, en ce sens qu'il y a des
22 éléments de ce texte qui indiquent que le président essaie véritablement de
23 faire pression.
24 Je pense que ce n'est pas unique dans l'histoire de la guerre
25 moderne. Je pense que très malheureusement il y a d'autres exemples qui
26 prouvent que les dirigeants politiques nationaux ont véritablement exercé
27 des pressions sur les militaires et que les militaires ont, de façon
28 subtile d'ailleurs, essayé de repousser cette pression ou l'ont tout
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1 simplement évité, en fait, en exécutant les choses de façon différente.
2 J'espère avoir répondu à votre question.
3 Q. Oui, oui, tout à fait. Je vous remercie. J'avais une toute dernière
4 question à vous poser à ce sujet : étant donné que vous êtes d'accord pour
5 dire que la déclaration du président Tudjman peut être conçue ou
6 interprétée comme une façon d'exercer des pressions et de faire faire
7 certaines choses qui ne sont pas toujours licites, est-ce que l'on ne
8 pourrait pas également déduire, contrairement à l'interprétation que vous
9 venez d'avancer, qu'en fait le général Gotovina a justement adopté ces
10 suggestions et que c'est la raison pour laquelle il a rédigé un ordre qui -
11 d'après vos propos, d'après vos dires - est manifestement ambigu, un ordre
12 d'attaque, j'entends ?
13 R. Je crois qu'il y a trois principes implicites dans votre question et je
14 ne suis pas d'accord avec ces principes.
15 D'abord, vous supposez que le président avait un objectif qui était
16 illicite. D'abord, il va falloir établir ce fait. C'est peut-être vrai,
17 mais il faut l'établir, le prouver.
18 Deuxièmement, vous supposez que la réponse du général au président indique
19 qu'il a tout à fait adopté cet objectif illicite, alors, c'est une
20 supposition qu'il faudra que vous prouviez et qui est loin de tenir la
21 route.
22 Puis, troisièmement, je pense que vous ne connaissez pas la méthode
23 d'exécution, supposant que les faits et les suppositions que j'ai utilisés
24 pour rédiger mon addendum sont bien établis en l'espèce, et je sais que
25 vous n'êtes pas forcément d'accord avec ce que je dis. Mais si vous
26 supposez que le président avait effectivement un objectif qui était
27 illicite, que la réaction du général était telle lors de la réunion qu'il
28 a, en quelque sorte, avalisé cet objectif illicite, et que l'exécution
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1 tactique et opérationnelle de la mission corrobore cette conclusion, alors
2 bien entendu, ce procès-verbal peut nuire aux intérêts du général.
3 Mais il y a autre chose que j'aimerais ajouter, ceci étant dit. Vous m'avez
4 posé de nombreuses questions et vous m'avez posé des questions à propos de
5 cette idée de mener à bien une attaque terrestre dans Knin. Il y était
6 question des risques en question, et je pense qu'il était clair que la
7 suggestion en question était telle que -- il voulait véritablement atténuer
8 les risques pour la population civile par opposition à l'utilisation de
9 moyens que le général avait ordonné pour parvenir au résultat qu'il
10 souhaitait obtenir. Mais ce qui me pose problème, du point de vue
11 opérationnel, c'est que s'il est conscient de la situation des civils qui
12 vont quitter la zone de conflit, est-ce que c'est quelque chose à propos
13 duquel il peut soulever des objections ? Alors, si on lui a dit de les
14 contraindre à partir en utilisant des attaques et en les terrorisant, il
15 doit soulever une objection vis-à-vis de ça, parce que s'il attaque une
16 zone où il y a une population civile, et s'il déploie des efforts pour
17 mettre en garde la population civile, pour les encourager à partir, dans un
18 autre contexte il serait absolument applaudi et loué pour cela, parce que
19 c'est justement l'une des mesures qu'un commandant doit essayer de prendre
20 pour minimiser le risque pour la population civile.
21 Je vois un commandant opérationnel qui réfléchit à sa bataille
22 tactique, il y a des civils qui quittent la zone en question, donc c'est
23 très, très bien pour lui, parce qu'il faut qu'il fasse le distinguo entre
24 ses ennemis et les civils. Je dois dire que vous m'avez posé une question à
25 propos du mobile, du mobile par rapport aux commentaires, aux observations
26 du général, mais je dois dire qu'à mon avis, personnellement, je ne
27 comprends pas très bien, à la lecture de ce dialogue, quelle est la
28 motivation ou mobile.
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1 Q. Merci.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez peut-être remarqué, Monsieur,
3 que M. Russo doit attendre assez longtemps lorsque vous vous êtes tu -- il
4 y a une raison à cela, c'est parce que les interprètes doivent terminer vos
5 interventions. C'est pour cela qu'un certain temps supplémentaire leur est
6 accordé.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'excuse.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.
9 M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Dans une de vos réponses, Monsieur, vous avez mentionné qu'il avait été
11 établi que c'était un fait que si vous aviez 1 000 obus, et qu'il y en a
12 deux seulement qui touchent un objectif militaire, et 900 qui touchent des
13 objectifs civils, cela suggère dans une certaine mesure que l'opération a
14 été menée à bien de façon illicite. Alors, j'aimerais maintenant que nous
15 parlions un peu des faits qui vous ont été fournis à propos justement des
16 objectifs.
17 Si vous prenez l'alinéa K de la page 29 de votre addendum, vous voyez
18 qu'il y a les faits supposés pour ce qui est du nombre de projectiles tirés
19 sur Knin et les environs de Knin. Je dois vous dire, Monsieur, qu'il y a
20 quelque chose qui n'est pas clair. Qu'entendez-vous par les environs
21 immédiats de Knin ? Je ne sais pas si vous le savez, mais j'aimerais quand
22 même vous montrer une carte et je vais vous demander de dessiner un cercle
23 autour de cette zone.
24 M. RUSSO : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce 7393 de la liste
25 65 ter soit affichée à l'écran. Est-ce que vous pouvez, je vous prie,
26 agrandir la partie inférieure.
27 Q. Vous voyez la lettre majuscule A ?
28 R. Oui.
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1 Q. Juste au nord de cette lettre, vous trouverez Knin. Est-ce que vous
2 pouvez nous indiquer sur cette carte ce qui, pour vous, représentaient les
3 environs immédiats de Knin ?
4 R. C'est une carte qui est sur une échelle 1 sur 600 000, alors non, je ne
5 peux pas véritablement le faire. Ce que j'entendais par les "environs
6 immédiats," c'étaient les zones habitées autour de la ville. C'est un terme
7 que j'utilise de façon générique.
8 Q. Vous avez vu la photographie aérienne de Knin, je suppose ?
9 R. Oui.
10 Q. D'après votre réponse, est-ce que je dois comprendre qu'entre 800 et 1
11 100 projectiles ont été tirés sur cette zone, la zone que l'on voyait sur
12 cette photographie qui vous a été montrée ?
13 R. Oui, je pense qu'on peut le dire.
14 Q. Merci.
15 M. RUSSO : [interprétation] Je dirais, aux fins du compte rendu d'audience,
16 qu'il s'agit de la pièce P62.
17 Q. Vous avez déterminé ou expliqué si l'utilisation de l'artillerie à Knin
18 était une utilisation licite ou non, et je suppose que vous avez évidemment
19 considéré le nombre de projectiles qui avaient frappé des objectifs qui
20 étaient allégués comme des objectifs militaires par rapport à l'endroit où
21 ils ont atterri, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Je ne vois pas où vous avez reçu ou quand vous avez reçu cette
24 information. Donc j'aimerais savoir quelles informations ou renseignements
25 vous avez utilisés pour tirer cette conclusion, puisque d'après vous il
26 s'agit d'un élément d'information pertinent ?
27 R. Oui, un petit moment, je vous prie.
28 Il y a des suppositions qui m'ont été données pour indiquer les
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1 objectifs, et j'en avais déduit que c'étaient des objectifs qui faisaient
2 l'objet d'attaques. En fait, mon point de vue se fond certainement sur une
3 hypothèse, à savoir l'artillerie était dirigée vers ces objectifs. Puis je
4 suppose que j'avais aussi présent à l'esprit un rapport d'observation de la
5 part des observateurs des Nations Unies. Il s'agissait d'un rapport qui
6 détaillait les effets des tirs d'artillerie. Je pense que je l'ai mentionné
7 un peu plus tôt. Je pense que cela, lorsque j'ai tiré cette conclusion, j'y
8 ai pensé à ce rapport -- lorsque, plutôt, j'ai présenté cette hypothèse,
9 j'y ai pensé au rapport en question.
10 M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce P64,
11 je vous prie ?
12 Q. Il s'agit d'une évaluation, l'évaluation initiale d'un observateur d'un
13 rang assez élevé.
14 R. Oui.
15 Q. C'est à ce document que vous songiez ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que nous pourrions voir le paragraphe 2, je vous prie. Vous
18 voyez qu'il est indiqué au paragraphe 2, et je cite :
19 "En règle générale, le pilonnage s'est concentré sur des objectifs
20 militaires. Les dégâts provoqués par le pilonnage à des immeubles civils se
21 concentrent dans un environnement très proche des objectifs militaires. Il
22 y a quelques impacts (3-5) qui ont été notés dans d'autres zones urbaines."
23 C'est à ce passage que vous pensiez, Monsieur, lorsque vous avez présenté
24 votre hypothèse relative aux dégâts pour les objectifs militaires ?
25 R. Vous venez de me demander si c'est ce passage que j'avais utilisé, oui.
26 Mais il s'agit des objectifs qui ont fait l'objet d'attaques, et lorsque
27 j'ai rédigé l'addendum, je n'avais pas ce document, mais je m'en souvenais
28 assez bien. Puis il y avait un autre document qui était un document, un
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1 rapport préliminaire qui ne devait pas être communiqué. Donc, ce que j'ai
2 fait en rédigeant mon addendum c'est que j'ai supposé que les bâtiments et
3 immeubles qui étaient énumérés avaient essuyé des tirs d'artillerie, qu'il
4 s'agisse ou non d'objectifs militaires licites.
5 Q. Outre cette supposition et ce document, j'aimerais savoir si d'autres
6 éléments d'information vous ont été fournis à propos des véritables dégâts
7 qui ont été provoqués par les tirs d'artillerie, et je pense toujours aux
8 objectifs militaires ?
9 R. Je pense que, comme je vous l'ai déjà dit, je pensais à une autre
10 information qui était les dépositions et les témoignages suivants. On a
11 l'impression que toute la ville fait l'objet de l'attaque, et nous en avons
12 parlé lors de ma première journée de déposition. Je pensais également au
13 rapport du colonel Konings, aux faits et hypothèses qui figurent dans son
14 rapport et qui indiquaient qu'il y avait eu des tirs d'artillerie beaucoup
15 plus dispersés.
16 Q. Monsieur le Professeur, le document que nous étudions ici en sus des
17 faits et hypothèses qui vous ont été présentés ne nous indiquent pas le
18 nombre de projectiles qui ont frappé les objectifs militaires, n'est-ce pas
19 ? Vous avez déjà indiqué que c'était un élément d'information qui avait sa
20 pertinence lorsqu'il s'agissait de déterminer si l'artillerie avait été
21 utilisée de façon licite.
22 R. J'ai utilisé une situation extrême pour présenter mon explication, et
23 cela n'était pas forcément lié à ce rapport. Alors je pense qu'il est
24 important de voir que dans le rapport il est indiqué que les dégâts qui ont
25 été causés au niveau des immeubles civils ont été causés à des immeubles
26 qui se trouvaient dans les environs des objectifs militaires. Donc je ne
27 voulais pas indiquer si un tir frappait un objectif civil qui se trouvait
28 près d'un objectif militaire, cela prouvait que le tir était licite. Si je
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1 l'ai suggéré, je m'en excuse.
2 Q. Non, non, non, mais ce n'est pas du tout ce que je pensais, Monsieur.
3 Pour que tout soit bien clair, moi, je me concentrais sur la situation et
4 vous avez utilisé un exemple extrême, comme vous l'avez dit, deux bâtiments
5 militaires ou deux objectifs militaires touchés, 900 bâtiments civils
6 touchés. Mais dans ce rapport, bien qu'il soit question de dégâts pour les
7 zones civiles, il n'est absolument pas question des dégâts pour les
8 objectifs militaires. Donc vous n'êtes absolument pas en mesure à la
9 lecture de ce document d'indiquer quels ont été les dégâts pour les
10 objectifs militaires ?
11 R. Non, non, bien sûr. De toute façon, ce n'est pas son intention. Il
12 n'est pas en train de procéder à une analyse des cratères, par exemple. Ça
13 c'est évident, lorsque l'on voit ce rapport. Moi, je pense que c'est plutôt
14 une réaction quasiment immédiate. Il présente ces impressions. Il est tout
15 près du champ de bataille. Il s'agit donc quelqu'un qui a quand même une
16 certaine expérience des tirs et qui essaie d'identifier les résultats des
17 tirs de la meilleure façon qu'il le peut. Il s'agit d'un premier rapport et
18 il dit que :
19 "A première vue, la plupart des effets, des dégâts sont concentrés
20 sur/autour des objectifs militaires."
21 Q. A la lecture de ce document, vous ne pouvez pas dire si le rédacteur du
22 document considère comme des objectifs militaires licites ou considère que
23 des bâtiments sont des objectifs militaires licites et qu'ils sont les
24 mêmes que les objectifs militaires sur lesquels il a été dit qu'il fallait
25 tirer, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, c'est exact.
27 Q. Vous aviez cette supposition entre 800 et 1 100 obus qui sont tirés sur
28 Knin et -- ces environs immédiats, pendant le 4 et le 5 août. On vous a
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1 demandé également de supposer que l'attaque d'artillerie entre sur ces deux
2 jours a duré environ 24 heures. Il vous a été dit de supposer également
3 qu'il y a eu un total de une heure à 90 minutes de pilonnage très intense
4 pendant cette période de 24 heures. Alors j'aimerais vous poser cette
5 question dans un premier temps : étant donné la durée d'intensité, le
6 nombre d'obus, est-ce que vous pensez que les armes qu'apparemment ont été
7 utilisées par le général Gotovina, à savoir donc les canons 130 millimètres
8 et les lance-roquettes multiples -- est-ce que vous pensez que ces armes
9 étaient capables de frapper les objectifs militaires allégués ?
10 R. Ecoutez, je me suis fondé pour présenter mon point de vue, enfin je ne
11 me suis pas fondé sur -- je ne me suis pas plutôt posé la question de
12 savoir si le général Gotovina se serait demandé si ces armes auraient pu
13 obtenir le résultat qu'il voulait obtenir. En fait, je ne pense pas que
14 cela soit synonyme de frappe d'objectifs militaires. Ce que j'entends c'est
15 ce que vous voulez obtenir c'est la perturbation du commandement, contrôle,
16 et communication, par exemple, et si tout cela se trouve situé dans un
17 bâtiment où se trouve le QG vous avez donc tous les matériels de
18 transmission et de liaison qui se trouvent à l'extérieur du bâtiment, en
19 haut du bâtiment. Il se peut qu'il y avait des antennes, des fils. Il se
20 peut qu'il y ait des lignes terrestres enterrées également. Il se peut
21 qu'il y ait du matériel dans les environs des objectifs visés. Comme je
22 l'indique dans mon addendum, l'un des objectifs -- justement l'un des buts
23 est peut-être de perturber l'aptitude de l'ennemi à récupérer sa capacité
24 en communication.
25 Donc, en fait, le but n'est pas forcément peut-être de trouer le
26 plafond ou le toit du bâtiment et de détruire l'ensemble du bâtiment. Moi,
27 je pense que le système d'armement qu'il avait était tout à fait capable de
28 perturber le commandement, contrôle, et la communication, les mouvements et
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1 déplacements, le réapprovisionnement --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, je regarde la
3 pendule et je vois que nous devons avoir une autre pause. Alors je me
4 demande si ce serait le bon moment justement.
5 M. RUSSO : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause et
7 nous reprendrons à 18 heures.
8 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
9 --- L'audience est reprise à 18 heures 01.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous pouvez poursuivre.
11 M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Professeur, je vous ai posé quelques questions, mais avant cela, j'ai
13 cru comprendre que vous, vous êtes parti d'une autre hypothèse, vous avez
14 regardé cela d'une autre perspective. Voulez-vous répondre à la question
15 suivante : donc, est-ce que vous pensez que les armes que le général
16 Gotovina utilisait sur Knin -- sur les objectifs militaires de Knin, à
17 savoir les canons 130 millimètres, 122 millimètres -- enfin, quelques
18 multiples de 122 -- est-ce que vous pensez qu'il pouvait tirer sur ces
19 cibles pour atteindre ces objectifs en utilisant ces armes ?
20 R. Je pense que oui, effectivement. Mais je voudrais tout de même corriger
21 quelque chose. J'ai dit, lors de la session précédente, que le document sur
22 l'écran -- enfin, c'était l'évaluation des Nations Unies et j'ai dit que je
23 ne l'avais pas, pendant que j'ai écrit mon rapport, mais je me suis trompé.
24 Effectivement, ceci figure en tant que pièce jointe à mon rapport; c'est
25 quelque chose qui m'a été communiqué par les conseils de la Défense.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.
27 M. RUSSO : [interprétation]
28 Q. Donc, vu que vous pensez que l'on pouvait atteindre ces objectifs, ces
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1 cibles avec les armes utilisées et que vous le dites -- ces cibles telles
2 qu'identifiées dans votre rapport, est-ce que vous pouvez réfléchir à la
3 chose suivante : après 24 heures de bombardement, il n'y a qu'un projectile
4 qui atterrit dans le QG de l'ARSK et d'ailleurs, dans le parking du
5 bâtiment et quand vous apprenez cela, est-ce que cela corrobore les faits
6 que c'était la cible de l'attaque d'artillerie ?
7 R. Non. Vous me demandez si l'on pouvait atteindre cet immeuble avec cette
8 arme. Vous pouvez atteindre un immeuble avec toute sorte d'arme. Mais si
9 vous me demandez si on peut le faire avec une précision extrême, je dirais
10 : non, puisque l'artillerie utilisant des canons comme cela ne sont pas
11 très précis ainsi que les lance-roquettes multiples -- ce sont des armes,
12 plutôt, antiaériennes.
13 Je pense que je l'ai écrit dans mon addendum, et cela étant dit, il est
14 tout à fait possible qu'on a visé sur la zone où se trouvait le quartier
15 général puisqu'il y avait aussi des choses à l'extérieur du bâtiment sur
16 lesquelles les commandants voulaient agir à l'utilisation de ce feu
17 d'artillerie. Là, je vais revenir sur la première page du rapport du
18 colonel Konings où il parle de la doctrine de l'appui feu. Il dit quel est
19 le premier objectif, à savoir anéantir le commandement et le contrôle et la
20 communication de l'ennemi ou entraver plutôt.
21 Q. Je suis un peu surpris parce que - et corrigez-moi si j'ai tort - parce
22 qu'on vous a demandé à dire, si le général Gotovina, sur la base des
23 informations qui vous ont été fournies, s'il a pris une décision
24 raisonnable quand il a utilisé les armes d'artillerie qu'il a utilisées
25 contre les militaires, les objectifs militaires de Knin.
26 Ensuite vous le citez vous-même. Par exemple, vous le citez en tant
27 qu'objectifs militaires de l'ARSK et le QG de l'ARSK qui se trouve à Knin,
28 mais s'il utilise les moyens d'artillerie qui ne sont pas capables de tirer
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1 sur cet immeuble, est-ce que c'est raisonnable ?
2 R. Je ne sais pas s'il voulait tirer sur l'immeuble, ou bien sur le
3 parking, ou bien tout près de l'immeuble où on aurait pu avoir des
4 installations de communication et de transmission. La nature de ce genre
5 d'arme est tel enfin je ne suis pas un expert en capacité ou précision
6 d'artillerie. Je n'ai que des connaissances générales sur justement
7 l'artillerie du temps de l'URSS mais parce que c'est à cette époque-là que
8 j'ai suivi ma formation. Il y a longtemps. Mais l'effet que vous pouvez
9 avoir est l'effet de tirer autour du bâtiment. Vous pouvez vouloir le
10 faire. Si vous avez un obus qui tombe seulement un obus qui tombe sur la
11 totalité du feu de barrage et qui ne tombe qu'a proximité du bâtiment, à
12 moins qu'il ne s'agisse d'un endroit extrêmement précieux, ceci indique que
13 le système de commandement ne consistait pas à une -- ne constituait pas
14 une priorité absolue si vous n'avez qu'un seul obus qui est tombé sur tout
15 le feu de barrage tiré.
16 Q. On vous a donné des informations, et est-ce que vous pouvez nous dire
17 si, sur la base de ces informations, vous pouvez arriver à la conclusion
18 qu'il a tiré sur autre chose que les cibles elles-mêmes, donc autour du
19 bâtiment par exemple ?
20 R. Ce que j'ai fait dans mon addendum, c'est d'évaluer si tirer sur -- ou
21 nuire à cette installation et aux fonctions qui relèvent de cette
22 installation que ces bâtiments, si ceci constitue une cible militaire
23 légitime. Donc quand on me dit qu'il a tiré sur les QG, pour moi, il ne
24 s'agit pas seulement de tirer sur le bâtiment lui-même. Pour moi, il s'agit
25 d'anéantir les fonctions même de ces QG par le biais de ce feu.
26 Q. Peut-être que vous pourriez être encore plus précis quant aux
27 hypothèses qui vous ont guidé. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges
28 ce que vous pensez que le général Gotovina a fait quand il a dit qu'il a
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1 décidé d'utiliser l'artillerie contre le QG de l'ARSK sur le bâtiment ?
2 R. Tout d'abord, je devais prendre compte de l'emploi de l'artillerie en
3 général. Ensuite du pourcentage de l'appui artillerie désigné pour la
4 bataille rapprochée, le pourcentage utilisé pour l'attaque sur les
5 positions de l'ennemi, et voir aussi à prendre en compte aussi le fait que
6 l'opération porte -- que l'ordre porte sur une opération en profondeur.
7 Donc vous avez obtenu un rapport du colonel Konings qui dit : qu'il est
8 fort improbable qu'avec cette arme, avec le feu utilisé, que vous soyez en
9 mesure de détruire un bâtiment.
10 R. Je pense que c'est exact. Si vous vous souvenez du premier jour de ma
11 déposition, en répondant aux questions au cours de mon interrogatoire
12 principal, je me suis dit qu'il n'y avait pas cet effet de rupture. Donc ce
13 qu'il essayait c'était de faire en sorte que le QG ne puisse fonctionner,
14 et il voulait faire cela, à savoir qu'on ne pouvait plus contrôler la
15 bataille, répondre à la bataille ou bien diriger la bataille à partir de ce
16 QG.
17 Q. Professeur, j'essaie d'aller encore plus loin, et voir comment vous
18 pensez qu'il a réalisé cela. Est-ce que vous pensez qu'il a fait cela en
19 tirant sur le bâtiment, ou bien, sinon, ou pensez-vous qu'il a tiré ?
20 R. Je dois dire encore une fois que je ne suis pas un expert en
21 utilisation de l'artillerie à canon, pas du point de vue technique. Mais ce
22 que j'ai vu en pratique, en regardant mes collègues à l'œuvre, j'imagine
23 que le QG était défini comme une cible. On savait que c'était une cible.
24 Ils ont tiré là-dessus pour en essayant de tirer sur l'immeuble mais aussi
25 autour de l'immeuble pour faire en sorte que cette installation ne
26 fonctionne plus, qu'il n'y ait plus de mouvement personnel qu'il n'y ait
27 plus de transmission, que les antennes qui se trouvent à l'extérieur sur le
28 bâtiment, et cetera, soit hors fonction. Je pense que c'est une façon tout
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1 à fait habituelle d'utiliser l'artillerie à canon dans cette situation
2 particulière.
3 Q. Donc quand on vous a demandé s'il était raisonnable, si la façon dont
4 le général Gotovina utilisait l'artillerie contre le QG de l'ARSK était
5 raisonnable, est-ce que vous vous êtes dit qu'il tirait sciemment sur le
6 bâtiment et autour du bâtiment, ou bien est-ce que vous pensiez qu'il
7 essayait de tirer sur le bâtiment mais en sachant que ces obus allaient
8 tomber aussi autour du bâtiment ?
9 R. Je pense que c'était la deuxième hypothèse. Mais cela ne veut pas dire
10 que si les officiers en charge pensaient qu'il y avait des installations
11 importantes qui se trouvaient à l'extérieur du bâtiment, et bien je ne dis
12 pas qu'il est impossible qu'ils aient réajusté les tirs justement pour
13 tirer sur le parking, par exemple, derrière le bâtiment. Je ne dis pas, de
14 toute façon, je veux dire que ça n'aurait pas été incorrect. Je pense en
15 revanche qu'ils ont utilisé ce bâtiment comme point de mire et ensuite ils
16 se sont dits qu'ils allaient probablement aussi toucher les toits, la zone
17 autour
18 du bâtiment, et cetera.
19 Q. Quand vous avez fait votre évaluation quant à la justification de ces
20 tirs d'artillerie, quand ils ont tiré sur les QG de l' ARSK, est-ce que
21 vous savez ce qui se trouvait autour du bâtiment ?
22 R. Je sais que c'était une cible définie et effectivement dans les
23 hypothèses qu'on m'a donnée, on n'a pas dit ce qui s'y trouvait exactement
24 autour. Je savais, en revanche, que ces bâtiments se trouvaient dans une
25 ville -- dans la ville. Donc on pouvait imaginer qu'autour de ce bâtiment,
26 il y avait des bâtiments qui ne constituaient pas des objectifs militaires.
27 Q. Mais on ne vous a pas dit ce qui s'y trouvait exactement à côté de ce
28 bâtiment ou juste à côté ou à proximité ? On ne vous a pas donné ces
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1 informations, on ne vous a pas dit qu'il y avait des cibles militaires
2 autour.
3 R. Il y avait quelques objectifs qui étaient définis comme étant des
4 bâtiments militaires ou une base militaire. Mais si on parle de ce QG, le
5 QG de l'ARSK, vu les faits qui m'ont été présentés l'évaluation que j'ai
6 faite les cartes, les photos que j'ai pu examiner, je me suis rendu compte
7 qu'aucune de ces cibles n'était isolée par rapport aux zones habitées par
8 des civils. Je pense que le général devait le savoir, lui aussi.
9 Q. A nouveau, Professeur, vu l'hypothèse à partir, enfin que vous avez
10 utilisée comme une hypothèse de base, à savoir que le général Gotovina a
11 utilisé le QG de l'ARSK comme un repère pour son feu d'artillerie, et si à
12 la fin de cette opération, le deuxième jour, il n'y a qu'un seul projectile
13 qui a touché le QG de l'ARSK, et qui d'ailleurs n'a pas touché le bâtiment
14 mais le parking, cela vous amènerait nécessairement à la conclusion que ce
15 QG n'était pas la cible primaire -- primordiale ?
16 R. S'il y a qu'un obus et qui tombe sur ce QG, sur une période de 48
17 heures, oui, effectivement vous devez en arriver à la conclusion que ce
18 n'était pas un objectif de haute priorité.
19 Q. Qu'en est-il d'une période de 24 heures ?
20 R. Ça dépend de ce que vous faites avec le reste. Si vous me dites qu'on a
21 tiré trois obus en 24 heures, il y en a un qui tire -- qui atterrit sur le
22 QG cela change les données du problème. S'il y en a eu 500 milles qui ont
23 été tirés au cours de 24 heures et il y en a qu'un qui est tombé sur le
24 bâtiment ou autour du bâtiment, dans ce cas-là, j'en arrive à la conclusion
25 que le commandant pensait que ce QG ne constituait pas une cible
26 prioritaire. Ou bien qu'il a atteint son objectif avec ce seul obus, cet
27 unique obus tiré sur le bâtiment.
28 Q. Une question vous a été posée, c'est une question concernant la bonne
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1 foi. C'est la page 7 de votre rapport, et vous dites :
2 "Parce que les effets opérationnels peuvent parfois aller à l'appui d'une
3 conclusion différente, à savoir que le commandant a agi en bonne foi. Même
4 si l'évaluation de conséquence potentielle n'était pas bonne, il faudrait
5 tout de même prendre en compte les décisions préalables du commandant, et
6 dans ce cas, l'effet est qu'il y a eu bonne foi dans la prise de décision
7 du commandant va avoir un effet négatif sur la conclusion qu'il s'agissait
8 là d'un acte motivé par une pensée criminelle, intention criminelle ou
9 délictueuse."
10 Donc, Professeur, j'essaie de comprendre ce que vous avez dit ici. Vous
11 dites, et vous avez dit, que les effets de l'artillerie, quant à elle toute
12 seule - donc là, on parle vraiment des dégâts infligés - ne devrait servir
13 comme d'un seul indice quand il s'agit de l'intention du commandant.
14 L'intention du commandant qui ordonne l'attaque; est-ce exact ?
15 R. Vous, vous dites "devrait pas," non. Je dis que cela peut induire en
16 erreur.
17 Q. Si c'est le cas, et dans ce cas-là, la concentration des dégâts autour
18 des cibles ne peut pas être pris comme le seul indice nous indiquant qu'il
19 s'agissait là d'une attaque légale, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est exact donc dans les deux hypothèses. Cela vous les avez --
21 vous avez les deux possibilités et on va se demander laquelle des deux
22 possibilités a une plus grande valeur probante. Donc si vous pouvez
23 démontrer qu'il y a 900 obus qui ont été tirés sur les zones habitées par
24 des civils alors qu'on a ignoré les cibles militaires. Vous n'avez pas
25 besoin davantage pour corroborer cette hypothèse. Mais, moi, je vous dis
26 que nous ne sommes pas là, dans ces deux cas de figures qui sont très
27 extrêmes. D'un côté chaque obus est tiré précisément sur les objectifs
28 militaires, ou bien chaque obus tire les objectifs qui ne sont pas des
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1 objectifs militaires, nous sommes entre les deux. On ne peut pas dire donc
2 que ceci constitue un indice quant à l'intention criminelle.
3 Q. Je vous remercie, Professeur. Puis le deuxième point, me semble-t-il,
4 que vous faisiez dans cette référence que j'ai citée, à savoir ce sont les
5 décisions prises au préalable par le commandant, et en particulier le fait
6 qu'il se soit servi d'artillerie de bonne foi, qu'il convient de s'en
7 servir pour rejeter une conclusion qui semblerait pointer sur une attaque
8 illicite, n'est-ce pas, sur la base des éléments physiques ?
9 R. Oui, je pense que c'est évident. Je veux dire, ce sont les éléments de
10 preuve qui ont à voir avec son modus operandi. Si vous pouvez démontrer
11 qu'il y a un comportement systématique qui était l'une ou l'autre des
12 hypothèses, bien entendu, c'est un facteur en prendre en considération.
13 Q. Bien sûr, vous êtes d'accord pour dire que le contraire est vrai, à
14 savoir si les éléments de preuve tentent à montrer que le commandant avait
15 tendance à pilonner de manière illégale, illicite, des zones peuplées de
16 civils, cela vendrait étayer l'hypothèse qu'effectivement, il lance une
17 attaque d'artillerie sur la ville de Knin elle-même en prenant des civils
18 pour des cibles ?
19 R. Je pense que vous avez en fait deux éléments ici. Supposons que nous
20 pouvons effectivement attribuer à ce commandant des attaques sans
21 distinction, qu'il aurait menées au préalable, et qu'ii en ait eu la
22 responsabilité. Je ne pense pas que l'on puisse ne pas en tenir compte
23 lorsqu'on apprécie la légalité des attaques à l'avenir, enfin qui suivent,
24 mais je ne pense pas que ça exclut toute autre possibilité. Donc je pense
25 que c'est possible, si vous avez un commandant qui fait quelque chose qui
26 est contraire aux règles, mais il peut faire une erreur, il peut modifier
27 son comportement, mais tout à fait c'est probant. Donc ce sont des éléments
28 probants.
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1 Mais il y a là un autre point, et je suis sûr que les Juges le
2 voient, à savoir la responsabilité du supérieur hiérarchique. Si on ne peut
3 pas l'attribuer au commandant, et bien, une autre question se pose, à
4 savoir est-ce qu'il aurait dû le savoir -- est-ce qu'il aurait dû savoir
5 que ses subordonnés allaient enfreindre au règlement, vu que ça leur est
6 arrivé de par le passé ? Donc, vous avez deux éléments différents dans
7 cette question.
8 Q. Monsieur le Professeur, l'on vous a demandé de partir de l'hypothèse
9 que le général Gotovina n'a pas pilonné Knin, avant l'opération Tempête et
10 vous dites, dans votre rapport, que c'était un élément important à vos
11 yeux, le fait qu'il ne l'ait pas fait antérieurement. Alors, partant de
12 l'hypothèse différente, à savoir que les forces placées sous le contrôle du
13 général Gotovina ont pilonné des zones civiles où il n'y avait pas de
14 cibles militaires avant l'opération Tempête, dans le secteur de la
15 République serbe de Krajina, et que cela a été porté à la connaissance du
16 général Gotovina, qu'il a, lui, à son tour, nié le fait qu'il a exercé le
17 contrôle sur les forces qui se sont livrées à ces actes, et en fait,
18 c'était un mensonge puisqu'il contrôlait bel et bien ces forces. Alors,
19 partez de cette hypothèse et dites-nous si ces faits sont vrais. A partir
20 de ce moment-là, quelle serait votre conclusion ? Est-ce que vous vous
21 fonderiez sur cela pour arriver à la conclusion que ce pilonnage de Knin
22 était dirigé sur des cibles civiles ?
23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
24 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, et quelles sont les
25 bases sur quoi repose le monologue hypothétique que nous venons d'entendre
26 et qui est au compte rendu d'audience ?
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, je ne sais pas si vous
28 voulez répondre -- répondre à la question posée par Me Kehoe.
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1 M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense a soumis des
2 hypothèses à l'expert qui ne se fondaient pas sur des bases explicitées et
3 c'est sur cela que s'est fondé le témoin pour rédiger son rapport.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce serait trop facile, Monsieur
5 Russo, dire que la Défense a avancé, de manière aléatoire, des hypothèses à
6 l'intention du témoin. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec celles qui
7 ont été avancées, mais vous ne pouvez pas dire qu'elles sont dénuées de
8 fondement; et d'ailleurs, dans son ensemble, ce témoignage serait rendu
9 complètement superflu, si tel était le cas. Donc, essayez, s'il vous plaît,
10 de reformuler votre question et puis nous verrons quelle sera la réponse
11 apportée par le témoin.
12 Je vais reformuler votre question.
13 Si un commandant était connu comme étant quelqu'un qui prend pour cible la
14 population civile, est-ce que cela entrerait en ligne de compte pour
15 arriver à conclure au sujet d'une attaque où la population civile a été
16 touchée ? Est-ce que -- alors, je vais vous offrir les cas de figure comme
17 suit : alors, une réponse où vous diriez que c'est d'accord ou pas et est-
18 ce que la réponse serait que ce serait un élément à prendre en compte pour
19 évaluer la situation ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
22 M. RUSSO : [interprétation]
23 Q. Alors, prenons la première question, page 23 de votre rapport, question
24 première de votre addendum : Alors, Professeur, je sais que, dans cette
25 question qui vous est posée, il y a plusieurs faits qui laissent entendre
26 que le pilonnage est légitime. Donc, par exemple, le fait que l'artillerie
27 était dirigée sur des cibles militaires de Knin, c'est une supposition dans
28 cette question; vous êtes d'accord avec moi ? Si l'artillerie est pointée
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1 sur quoi que ce soit d'autre, ce serait une violation -- ce serait --
2 R. Une violation en soi.
3 Q. [aucune interprétation]
4 R. Excusez-moi, je vous ai interrompu. Oui, c'est tout à fait évident, ça
5 saute aux yeux.
6 Q. Je vous remercie. Une autre -- un autre fait est supposé dans cette
7 question, à savoir que l'attaque par l'artillerie vient à l'appui de
8 l'assaut de l'infanterie.
9 R. Oui.
10 Q. Alors, s'il y a des éléments d'infanterie, qui ne sont pas utilisés
11 comme appui feu -- comme appui de l'attaque d'artillerie, mais utilisés
12 pour chasser les civils -- expulser les civils de la ville; vous seriez
13 d'accord pour dire que c'est contraire à la loi ?
14 R. Oui, si on utilise le système d'armement délibérément pour terroriser
15 la population civile, c'est contraire à la loi.
16 Q. Mais ce que l'on suppose donc que l'on se servirait des armes pour
17 expulser les civils, cela ne modifie pas le fait que vous êtes en train de
18 pilonner également des objectifs militaires légitimes sur la ligne de front
19 ?
20 R. Donc, en fait, vous envisagez, ici, trois -- trois cibles prises --
21 trois cibles de cette attaque, choisies délibérément, les objectifs
22 militaires dans une zone peuplée, les positions de défense sur la ligne de
23 front et les objectifs et cibles non militaires dans une zone peuplée ?
24 Q. Oui.
25 R. Lorsque vous avez une attaque -- à ce moment-là, lorsque vous avez une
26 attaque de cibles non militaires, c'est en soi une violation,
27 indépendamment du fait que vous attaquez également des objectifs militaires
28 autorisés.
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1 Q. Très bien. Bien entendu, la réponse à la question 1 répond entièrement,
2 non seulement sur les faits et les suppositions qui vous sont fournis, mais
3 également sur des faits qui sont contenus dans la question elle-même.
4 R. [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais maintenant, Monsieur Russo, vous
6 demandez au témoin de supposer que certains des faits sont complètement
7 différents et puis, tout de suite, c'est "une violation en soi." Mais il
8 s'ensuit de cela d'office, que ce témoin, lorsqu'il a répondu à cette
9 question, il a répondu conformément aux faits qui étaient contenus dans la
10 question. Si les faits avaient été différents, la réponse aurait pu être la
11 même ou différente. Donc, il me semble que c'est une situation où je ne
12 comprends pas pourquoi vous cherchez à vérifier cela davantage.
13 M. RUSSO : [interprétation] Mais ce que je cherche à savoir, Monsieur le
14 Président, c'est si la réponse, apportée à la question numéro 1 par le
15 professeur, était quelque chose où il s'est fondé sur d'autres éléments que
16 ceux qui sont fournis par la Défense dans cette question. Le témoin nous a
17 dit qu'il a été briefé sur la situation stratégique et opérationnelle. Je
18 voudrais simplement vérifier que dans la mesure où il s'est fondé sur des
19 éléments qui lui ont été fournis dans le cadre de cette conversation, que
20 nous le sachions, nous aussi, puisque nous, nous ne le savons pas.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être n'aurais-je pas dû intervenir
22 ? La situation n'en est pas devenue plus claire.
23 Veuillez poursuivre.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Voulez-vous que je réponde ?
25 M. RUSSO : [interprétation]
26 Q. Oui.
27 R. Comme je l'ai déjà dit, je pense que je l'ai dit le premier jour de mon
28 témoignage, je ne crois pas que cette opinion aurait un poids quel qu'il
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1 soit, si cette opinion était complètement déconnectée du contexte
2 opérationnel auquel appartiennent ces cibles opérationnelles. Donc, le
3 briefing -- le concept général de l'opération est là pour que j'y puise les
4 éléments pour mon appréciation, pour formuler mon opinion. Si je ne savais
5 pas que le général Gotovina cherchait à percer les positions de défense pas
6 en se servant des forces qui Etaient placées sous son commandement et
7 contrôle. Alors, à ce moment-là, je ne pourrais pas apprécier de manière
8 rationnelle. Donc je peux dire que c'est une cible militaire mais la vraie
9 question qui se pose c'est la question de la proportionnalité et je ne
10 pense pas que le colonel Konings a agi différemment pour être tout à fait
11 franc. Je pense qu'il faut replacer les choses dans un contexte plus large
12 avoir l'opération à l'esprit pour pouvoir dire quel était la nature des
13 attaques contre certaines cibles militaires. Donc il fallait que je
14 m'appuie sur le contexte général de l'opération.
15 Q. Monsieur le Professeur, le général de brigade Rajcic, il était le chef
16 de l'artillerie du général Gotovina et il a déposé et il a dit que
17 lorsqu'on se sert des pièces de 122 millimètres donc les lance-roquettes
18 multiples de 122 millimètres sur la résidence de Milan Martic et que cela
19 aurait été en infraction de la règle de distinction et du principe de
20 proportionnalité ?
21 R. Je ne sais pas si je m'en souviens.
22 M. RUSSO : [interprétation] Page 16 582 [comme interprété], lignes 5 à 22
23 [comme interprété].
24 Q. Professeur, j'ai demandé au général de brigade Rajcic si cela poserait
25 problème de se servir des pièces de 122 millimètres sur le bâtiment de
26 Martic, il a répondu et je cite :
27 "Oui, vu la règle de distinction."
28 Après, il explique :
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1 "Lorsqu'on analyse l'utilisation des lance-roquettes multiples qui ont une
2 plus grande densité de projectiles, pour ce qui est de leur impact sur la
3 cible, cela couvre une zone plus large ces roquettes. Si vous comparez ça à
4 un canon de 130 millimètres, l'appréciation était la suivante : la
5 proportionnalité ou l'équilibre entre ce qui risque de se produire avec les
6 bâtiments qui entourent, sont à proximité de la cible, et bien que c'était
7 inacceptable."
8 Donc vous ne serez pas d'accord avec le général de brigade Rajcic lorsqu'il
9 fait cette évaluation ?
10 R. Tout d'abord, il est possible que telle a été son appréciation mais je
11 ne pense pas qu'il y a là une équation catégorique. Je sais que les Juges
12 le savent. Il s'agit d'une analyse par anticipation qui se fonde sur des
13 faits. C'est ce qui ressort de l'article 51. C'est ce qui ressort du
14 commentaire et je pense que la jurisprudence de ce Tribunal l'a aussi
15 confirmé. Sur la base de ces faits et de ces circonstances -- sur la base
16 du METT-T-C, le commandant doit faire son appréciation. Donc il doit se
17 poser la question : les dégâts collatéraux ou les blessures accidentelles
18 qu'il anticipe par cette attaque, est-ce que ce serait excessif par rapport
19 à l'avantage militaire que ce cela lui apportera ? Donc si le général ou
20 son officier chargé d'artillerie estime que le risque, que cela représente
21 pour la population civile, est excessif par rapport au succès militaire que
22 ça lui apporte, c'est son travail. Il fait son travail. Je suis d'avis que
23 cela n'est pas dans l'absolu vrai. Il faut tenir compte de tous les autres
24 éléments de processus de la prise de décision. Pourquoi est-ce qu'il
25 choisit cette cible ? Quel effet il cherche à obtenir en prenant cela pour
26 cible ? Quelle est la probabilité que ce système d'armement permettra d'y
27 arriver ? Qu'en est-il de la population civile dans ce secteur ? Quels sont
28 les risques autres que comporteraient d'autres moyens utilisés ? Quels sont
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1 les autres moyens disponibles ? Quel serait le risque si on continue
2 l'attaque ? Donc c'est à ça qu'il se réfère le témoin et il tire la
3 conclusion qu'il tire. Je pense que sa conclusion est raisonnable.
4 Mais si on modifie l'effet, si on modifie les circonstances, je pense que
5 l'on peut créer une situation hypothétique où l'utilisation de ce système
6 d'arme peut s'avérer conforme à la loi.
7 Q. En fait, compte tenu de tout ce qui vous a été dit, donné, compte tenu
8 de l'enseignement que vous avez reçu, j'aimerais savoir si vous êtes
9 d'accord avec cette évaluation ou si vous n'êtes pas d'accord, ou si tout
10 simplement vous ne pouvez pas procéder à cet appréciation et nous dire si
11 cela était exact ou non ?
12 R. Ecoutez, ce que j'ai essayé de dire, je n'essayais pas de vous dire que
13 cette évaluation est erronée. Je pense que c'est une évaluation tout à fait
14 légitime. Mais je ne sais pas si je dispose de suffisamment de faits pour
15 savoir si une autre évaluation n'aurait pas été -- ou n'aurait pas été
16 judicieuse. Mais si tel est l'appréciation ou l'évaluation qui a été faite,
17 je suppose en fait qu'elle a été faite à partir de l'analyse METT-T-C.
18 Q. Mais lorsque le général de brigade Rajcic a témoigné et a indiqué que
19 l'utilisation de lance-roquettes multiples contre l'immeuble ou la
20 résidence de Martic aurait posé problème -- serait un problème du fait de
21 la règle de distinction, qu'est-ce que cela -- qu'est-ce que cela signifie
22 pour vous à propos d'utilisation des armes dans cette zone ?
23 R. Cela suggère que le général de brigade est d'avis que l'utilisation
24 d'un système de roquettes était indue dans cette zone du fait de
25 l'incapacité ou de l'inaptitude à pouvoir savoir avec précision qu'elle
26 allait être le résultat. Comme vous le savez, cela a d'ailleurs été abordé
27 dans le rapport par le colonel Konings, dans son addendum également
28 lorsqu'il indique que l'utilisation de lance-roquettes multiples dans une
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1 zone habitée et je paraphrase est illicite en soi parce que vous ne pouvez
2 pas maîtriser les résultats. Et d'ailleurs, j'ai réagi à cela dans mon
3 rapport. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une interdiction en tant que tel.
4 Je ne dis pas qu'il s'agit d'une méthode de guerre qu'il faut privilégier
5 dans une zone peuplée et habitée, mais il y a très, très peu
6 d'interdictions de système d'armement et la plupart en fait sont faits par
7 le biais de traités bien précis ou de protocoles par lesquels la communauté
8 internationale a décidé qu'on ne pouvait absolument pas en aucune
9 circonstance utiliser telle méthode ou tel moyen de guerre, et que cela
10 n'est pas justifié.
11 Mais si vous créez en fait une situation hypothétique, si vous avez
12 en fait l'objectif et si vous mettez en parallèle la zone et le résultat
13 que vous voulez avoir, si vous pensez aux effets collatéraux que la
14 roquette pourrait avoir, et si vous pensez que cela serait moins nocif ou
15 présenterait moins de risque pour la population civile, alors là vous
16 pouvez vous trouver dans une situation où cette utilisation est considérée
17 comme licite. Donc d'après ce témoignage, je suppose que ce qu'il a pensé
18 c'était qu'il y avait trop de risques inhérents à l'utilisation de ce
19 système au vu des circonstances. Mais est-ce que cela signifie qu'il est
20 illicite d'utiliser ce système dans une zone où nous savons qu'il y a une
21 population civile, je ne sais pas si l'on peut le décider cela.
22 Q. Ecoutez, Monsieur le Professeur, la réponse que je vous ai lue, la
23 réponse du général de brigade, ne faisait pas référence aux principes de
24 proportionnalité, il était question de distinction alors que ce sont deux
25 considérations assez différentes, n'est-ce pas ?
26 R. Ecoutez, si vous prenez l'article 51 du protocole additionnel numéro 1,
27 une attaque disproportionnée est l'une des trois méthodes qui permet de
28 définir une attaque sans discrimination. Une attaque sans discrimination
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1 est interdite et empêchée parce qu'elle viole le principe de distinction.
2 Il y a plusieurs méthodes ou il y a plusieurs catégories dans lesquelles
3 peut tomber une attaque pour définir l'attaque sans discrimination. S'il y
4 a infraction de la règle de proportionnalité c'est l'une des méthodes qui
5 permet de déterminer le fait qu'une attaque est faite sans discrimination.
6 Si vous utilisez un système d'arme qui est incapable de faire la différence
7 entre un objet licite d'attaque et des personnes protégées c'est une autre
8 définition de l'attaque sans discrimination. Ce que je pense, d'ailleurs,
9 c'est très clair d'après mon rapport, c'est que la règle de
10 proportionnalité est liée au principe de distinction. Mais je pense que ce
11 que vous avez cité révèle également une hypothèse sous-jacente, à savoir le
12 système d'arme à proprement parler est utilisé de façon indiscriminé dans
13 ce contexte.
14 Q. Ecoutez, je pense que pour ce qui est de l'article 51 vous avez peut-
15 être pris les devants par rapport à ce que j'allais dire. Mais vous avez
16 donc l'article 51, le paragraphe 4 et l'alinéa C, qui est la règle à
17 laquelle vous avez fait référence, me semble-t-il, où il est question de
18 l'utilisation d'une méthode d'un moyen d'attaque qui de par sa nature va
19 frapper des objets militaires ou civils sans distinction, n'est-ce pas ?
20 Alors ce que je vous ai posé comme question à propos de la déposition du
21 général de brigade Rajcic c'est que si -- pour savoir si l'utilisation de
22 lance-roquettes multiples pour tirer sur la résidence de M. Martic serait
23 une violation de cette règle de distinction; est-ce que vous avez compris
24 en fait que l'utilisation de lance-roquettes multiples serait une
25 infraction de cette disposition précise de l'article 51, paragraphe 4 ?
26 R. Ecoutez, vous me demandez d'interpréter ce que d'après moi le témoin
27 croyait lorsqu'il a fait sa déclaration, n'est-ce pas ?
28 Q. Oui. Au vu du fait qu'il a identifié à la fois le principe de
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1 proportionnalité et de distinction, je vous demande ce que, d'après vous,
2 signifiait sa déposition ?
3 R. Je vais vous dire quelle est ma réaction vis-à-vis de sa déposition. En
4 fait, il a fait un amalgame entre les deux. On ne peut pas utiliser cette
5 arme contre cet objectif ou cette cible parce que cela va donner un
6 résultat sans -- qui ne permettra pas de faire la discrimination. Alors
7 comme je vous l'ai dit, je pense que cela suppose et pré suppose ou parle
8 plutôt d'une hypothèse, à savoir dans ce contexte utiliser une arme, il
9 faut mettre en parallèle, en fait, l'utilisation de l'arme et le risque des
10 dégâts collatéraux excessifs ou de la blessure accidentelle, par exemple.
11 Donc il y a quand même une connotation dans sa déposition suivant laquelle
12 c'est la nature de l'armée à proprement parler qui pose problème
13 lorsqu'elle est utilisée dans cette zone.
14 Q. Je ne suis pas très sûr de la façon dont il faut interpréter votre
15 connotation. Dans un premier temps, sur quoi vous basez-vous pour penser
16 que les concepts de proportionnalité de distinction ont fait l'objet d'un
17 amalgame dans l'esprit du général de brigade Rajcic ?
18 R. Est-ce que vous pourriez me lire à nouveau ?
19 Q. Oui, tout à fait. J'ai demandé s'il y aurait eu un problème à utiliser
20 des roquettes à 122 millimètres contre la résidence de M. Martic.
21 Voilà ce qu'il a répondu :
22 "Oui, du fait de la règle de distinction."
23 Puis ensuite il a ajouté :
24 "Lorsqu'on analyse l'utilisation de lance-roquettes multiples qui a
25 une plus grande densité de projectile lorsque l'on pense à leur impact, au
26 niveau du point d'impact, au niveau de la cible, il faut savoir que cela
27 recouvre une zone beaucoup plus large grâce à ces roquettes donc si vous
28 comparez cela avec un canon de 130 millimètres et si vous évaluez -- il
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1 faut savoir quel est -- il faut parvenir à un équilibre entre ce qui
2 pourrait advenir aux bâtiments mais également ce qui pourrait advenir
3 autour de la cible ou de l'objectif et ce qui est inacceptable."
4 R. Ecoutez, je pense en fait que ce qu'il est en train de vous dire
5 c'est qu'un système d'armement, et c'est implicite dans sa déposition, plus
6 précis et meilleur puisqu'on a une plus grande facilité ou aptitude pour le
7 contrôler. En fait, bon, j'essaie d'interpréter ce qu'il a voulu dire dans
8 sa déclaration. Mais je pense en fait qu'il pense à deux équations. Est-ce
9 qu'il s'agit d'un système d'arme qui du fait de la zone et du fait du
10 résultat escompté ne peut pas être utilisé de façon en bonne et due forme
11 dans une zone peuplée, il faut savoir également ce que nous essayons
12 d'obtenir par l'utilisation de ce système d'arme, par rapport également à
13 la légitimité de l'objectif que l'on essaie obtenir ou d'atteindre grâce à
14 ce système d'arme. Je pense, en fait, que les deux paramètres, les deux
15 considérations sont tout à fait valables dans ce contexte.
16 Q. Merci, Monsieur le Professeur.
17 Alors vous avez l'évaluation du général de brigade Rajcic; est-ce que
18 cette évaluation justement cette appréciation ne vous indique pas, en fait,
19 que la résidence de M. Martic se trouvait dans un quartier habité par des
20 civils ?
21 R. Ecoutez, je pense que parmi les faits et prémisses qui m'ont été
22 présentés il avait été dit qu'il se trouvait dans une résidence ou dans un
23 immeuble où il y avait des civils. Je pense qu'il était dans un appartement
24 de résidence, d'immeuble. De toute façon, je ne pense pas que j'avais
25 besoin de ce détail pour pousser mon raisonnement intellectuel. J'ai
26 supposé justement que M. Martic était dans un immeuble et ce qui signifie
27 qu'il n'était pas dans une caserne. C'est la déduction.
28 Q. Bien. Je pense comprendre votre réponse.
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1 R. Ecoutez, il est dit :
2 "L'appartement de Milan Martic se trouvait à l'étage supérieur, au
3 dernier étage, plutôt, d'un immeuble à plusieurs étages qui avaient été
4 construits pour loger le personnel de la police."
5 Donc j'ai peut-être tiré des conclusions hâtives mais enfin je
6 suppose qu'il s'agissait d'un appartement et qu'il y avait également des
7 civils.
8 Q. Mais est-ce que vous aviez compris à la lumière de la déposition du
9 général de brigade Rajcic que c'était Milan Martic lui-même qui était la
10 cible de l'attaque d'artillerie et non pas le bâtiment ?
11 R. Oui, oui. Le résultat qu'ils essayaient d'obtenir c'était de tuer Milan
12 Martic, en tout cas, de perturber ses activités. Ça a été ma supposition.
13 M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à un
14 autre sujet. Donc je ne sais pas si le moment est peut-être venu --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais tout dépend de la durée de temps
16 dont vous avez encore besoin, Monsieur Russo. Parce que -- bon, vous ne
17 nous avez pas promis de nous donner une meilleure idée à la fin de cette
18 journée.
19 M. RUSSO : [interprétation] Mais j'avais cru comprendre qu'il y allait
20 avoir deux audiences demain, Monsieur le Président, --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, mais il se pourrait que nous
22 puissions commencer un peu plus tard l'après-midi, et d'ailleurs, Monsieur
23 Russo, ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder. Vous nous dites de combien
24 de temps vous avez besoin après nous avoir dit combien de temps il nous
25 restait à notre disposition. Ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder. Alors
26 supposons qu'il ne va y avoir d'audience demain après-midi. De toute façon,
27 aujourd'hui, nous nous perdons en hypothèses. Il y a de nombreuses
28 hypothèses. Donc supposons qu'il n'y a pas d'audience demain après-midi.
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1 M. RUSSO : [interprétation] Bien, écoutez, s'il n'y a pas d'audience demain
2 après-midi, je pense que j'aurais besoin de toute l'audience du matin.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Toute l'audience du matin.
4 Alors je me tourne vers la Défense, vous avez besoin de combien de temps
5 pour vos questions supplémentaires ?
6 M. KEHOE : [interprétation] Ce sera, très, très bref, Monsieur le
7 Président. C'est ce que je peux vous dire pour le moment.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il des autres membres de la
9 Défense qui sont restés silencieux ?
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
12 Je suppose qu'il en va de même pour vous, Maître Cayley.
13 Monsieur Russo, et maintenant si je vous donnais la possibilité d'avoir une
14 audience demain après-midi.
15 M. RUSSO : [interprétation] Ecoutez, je m'efforcerai de terminer le contre-
16 interrogatoire pendant l'audience du matin. Je comprends tout à fait les
17 préoccupations de la Chambre. Alors, en fait, j'aurais besoin, je pense, de
18 l'audience du matin et de l'après-midi mais je vais essayer de prendre en
19 considération ce que vous m'avez dit, Monsieur le Président. Je vais donc
20 réduire de façon assez considérable mon contre-interrogatoire et je vais
21 faire de mon mieux pour terminer le contre-interrogatoire demain matin.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, la Chambre penche plutôt
24 pour la solution suivante : nous allons vous autoriser à utiliser toute
25 l'audience du matin et nous n'allons pas mettre un terme à votre contre-
26 interrogatoire, si vous devez encore poser des questions pendant l'audience
27 de l'après-midi. Mais la Chambre souhaiterait, ceci étant dit, mettre un
28 terme à la déposition de ce témoin demain.
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1 Je suppose, Monsieur Kehoe, que cela ne vous pose pas de problème,
2 n'est-ce pas ?
3 M. KEHOE : [interprétation] Non, non, pas du tout, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
5 Je pense que nous allons lever l'audience pour aujourd'hui.
6 Peut-être que nous pourrions utiliser les quelques minutes qui nous
7 restent pour un tout dernier point de mon ordre du jour.
8 Monsieur le Professeur Corn, cela ne vous concerne pas véritablement.
9 Puisque demain nous serons le 11 septembre, nous allons, donc, reprendre le
10 11 septembre, à 9 heures du matin, dans la salle d'audience numéro I. Bien
11 entendu, je vous exhorte à ne parler à personne de votre témoignage, tout
12 comme je l'ai fait auparavant.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous retrouverons demain matin,
15 mais vous avez compris qu'il se peut que nous ne terminions pas demain
16 matin. Donc, je pense que l'audience risquera de se prolonger jusqu'à 16,
17 17, voire 18 heures.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie de vos efforts pour terminer
19 demain. Ainsi, je pourrai terminer les cours que j'avais prévus.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, ce n'est pas la seule
21 raison, mais --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je comprends.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- si cela a eu un effet collatéral sur
24 notre décision, ce n'est pas si mauvais que cela.
25 Est-ce que vous pourriez faire sortir le témoin, Madame.
26 [Le témoin quitte la barre]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre aimerait rendre sa décision à
28 propos de l'admissibilité du rapport d'expert de M. Renaud de la Brosse.
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1 Le 22 juillet 2009, la Défense de M. Gotovina a demandé à la Chambre de
2 dresser un constat judiciaire du rapport d'expert du témoin. Le 24 juillet
3 2009, la Chambre avait demandé à la Défense de M. Gotovina de présenter le
4 rapport conformément à l'article 94 bis du Règlement de procédure et de
5 preuve du Tribunal. Cela figure aux pages 20 710 et 20 711 du compte rendu
6 d'audience. Le même jour, la Défense de M. Gotovina a présenté le rapport
7 d'expert conformément à l'article 94 bis. La Défense de M. Gotovina a
8 avancé que le rapport a trait aux chefs d'inculpation 1, 2 et 3 de l'acte
9 d'accusation. Le rapport a trait à l'utilisation de la propagande par les
10 autorités serbes, et ce, par le truchement des médias, et avait été
11 précédemment versé au dossier dans l'affaire le Procureur contre Slobodan
12 Milosevic.
13 Le 18 août 2009, l'Accusation a déposé son constat, en demandant à la
14 Chambre de ne pas verser au dossier le rapport. L'Accusation avançait que
15 le rapport n'avait pas suffisamment de pertinence parce qu'il n'établissait
16 aucun lien entre l'utilisation de la propagande et le départ des Serbes du
17 secteur sud. De surcroît, l'Accusation a avancé que l'existence de la
18 propagande serbe est une question de contexte qui ne fait l'objet d'aucun
19 litige en l'espèce et que le rapport n'ajoutait rien d'important aux
20 documents qui ont déjà été versés au dossier. L'Accusation a, de surcroît,
21 indiqué que si la Chambre décidait de verser au dossier le rapport, elle ne
22 souhaitait pas procéder au contre-interrogatoire du témoin.
23 Les critères généraux de l'admissibilité sont établis par l'article 89 du
24 Règlement de procédure et de preuve et sont également valables pour les
25 rapports d'experts. L'article 89(C) stipule qu'une Chambre peut décider de
26 verser au dossier tout élément de preuve pertinent pour lequel la Chambre
27 pense qu'il existe une valeur probante. De plus, la jurisprudence du
28 Tribunal précise les deux critères suivants : premièrement, pour qu'un
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1 rapport d'expert ait une valeur probante, le témoin qui a rédigé le rapport
2 doit être considéré comme expert par la Chambre; et deuxièmement, le
3 contenu du rapport d'expert doit correspondre aux compétences acceptées du
4 témoin expert. Un expert est une personne qui, du fait de certaines
5 connaissances spécialisées, de certaines compétences ou de certaines
6 formations, peut assister le juge du fait à comprendre ou trancher une
7 question faisant l'objet de litige.
8 La Chambre remarque que le statut d'expert du témoin ne fait pas
9 l'objet de litige ou de contentieux entre les parties. Nous avons le
10 curriculum vitae du témoin qui a été présenté le 6 mai 2003, par
11 l'Accusation, et ce, dans l'affaire le Procureur contre Slobodan Milosevic,
12 et sur la base de curriculum vitae, la Chambre est convaincue que le témoin
13 a bien la qualification de témoin expert pour ce qui est de l'analyse et de
14 l'utilisation de la propagande par les médias et que le rapport relève de
15 son domaine de compétence. Qui plus est, la Chambre remarque que le rapport
16 fournit au moins le degré minimum de transparence requis pour ce qui est
17 des sources et de la méthodologie utilisée. Pour ces raisons, la Chambre
18 est convaincue de la valeur probante du rapport.
19 Eu égard à la pertinence, la Chambre note que le rapport fait état du
20 contrôle exercé par les autorités serbes sur les médias serbes et sur
21 l'utilisation de la propagande par les autorités serbes, afin de promouvoir
22 leurs objectifs politiques, en encourageant ou en suscitant la crainte et
23 la haine des non-Serbes chez les Serbes. Ce rapport contient des exemples
24 précis de rapports de médias serbes de l'année 1991 à 1993, alléguant des
25 crimes commis par des Croates contre les Serbes. Le rapport décrit la
26 situation décrite par les médias serbes pour la même période et les
27 objectifs prétendus du régime croate sous le président Tudjman.
28 Le rapport ne se demande pas si et dans quelle mesure les civils
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1 serbes du secteur sud ont été exposés à la propagande serbe, et n'établit
2 aucun lien entre cette propagande et le départ des civils serbes du secteur
3 sud. Néanmoins, la Chambre considère que le fait que l'expert fait état de
4 la propagande dans les médias serbes pourrait aider la Chambre à comprendre
5 cette information qui aurait pu être mise à la disposition des civils
6 serbes qui quittaient le secteur sud aux environs de l'opération Tempête.
7 Par conséquent, cette question figurant dans le rapport y est pertinente
8 par rapport à l'acte d'accusation, notamment par rapport aux chefs
9 d'inculpation allégués de persécution, chef d'inculpation numéro 1, et de
10 transfert forcé qui sont les chefs d'inculpation 2 et 3.
11 Pour ces raisons, la Chambre est convaincu que le rapport respecte
12 les critères pour l'admissibilité établie par l'article 89(C) du Règlement,
13 ainsi que ceux établis par la jurisprudence du Tribunal, et admet le
14 rapport d'expert du Témoin de la Brosse et le verse au dossier. La Chambre
15 demande à M. le Greffier d'attribuer une cote au rapport et d'informer les
16 parties de la Chambre de la cote qui lui sera attribuée.
17 Ceci met un terme à l'addition de la Chambre relative au versement au
18 dossier du rapport d'expert du Témoin de la Brosse.
19 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient, Monsieur le Président, la
22 pièce D1645.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'ensuit de la décision que ce
24 document est donc versé au dossier.
25 Je dois dire que je suis surpris. Je suis surpris à quel point les gens ont
26 du mal à tirer les enseignements de leur longue expérience. Je péchais par
27 excès d'optimisme car je pensais très honnêtement que j'en aurais terminé à
28 19 heures parce que je pensais que je devais lire une décision qui m'aurait
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1 pris une décision de trois ou quatre pages. Donc je présente mes excuses à
2 la sténotypiste ainsi qu'aux cabines d'interprètes pour ce jugement erroné
3 de ma part.
4 Nous levons l'audience et nous reprendrons le 11 septembre à 9 heures du
5 matin.
6 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le vendredi 11
7 septembre 2009, à 9 heures 00.
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