Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 24658

  1   Le mercredi 18 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  6   dans le prétoire.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Monsieur les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina

 11   et consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : MATE GRANIC [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, bonjour à vous

 16   également.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous disais donc que je souhaitais

 19   vous rappeler que vous êtes toujours tenu de respecter la déclaration

 20   solennelle que vous avez prononcée hier au début de votre déposition.

 21   Maître Mikulicic, êtes-vous prêt à poursuivre ?

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23   Interrogatoire principal par M. Mikulicic : [Suite]

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.

 25   R.  Bonjour.

 26   Q.  Aujourd'hui, nous allons donc reprendre le fil de l'interrogatoire

 27   principal, là où nous nous sommes arrêtés hier, et je vais vous rappeler où

 28   nous nous sommes arrêtés hier. Nous étions en train de parler de la période

Page 24659

  1   de la crise de Bihac et nous parlions donc de cette situation au moment où

  2   il y avait une menace; la menace étant que l'enclave de Bihac pourrait

  3   peut-être tomber - ainsi que la zone de sécurité des Nations Unies - tomber

  4   au sens militaire du terme, et des nombreuses lettres ont été envoyées à

  5   l'époque et nous avons vu votre dernière lettre du 20 juillet que vous

  6   aviez envoyée à M. Blanco qui avait été présenté du Conseil de sécurité des

  7   Nations Unies.

  8   Je dirais que le public international était particulièrement intéressé par

  9   la crise de Bihac et par ses événements. Je vais en fait vous montrer ce

 10   que pensait M. Galbraith et j'aimerais savoir si lors de contacts avec M.

 11   Galbraith vous êtes parvenu à des conclusions semblables.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaiterais que le document D1799

 13   [comme interprété] soit affiché à l'écran.

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 24660

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Pages 24660-24661 expurgées.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 24662

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8   [Audience à huis clos partiel]

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 24663

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Page 24663 expurgée. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 24664

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Poursuivez, Maître Mikulicic.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation]

  7   Q.  Donc il s'agit du document de l'intercalaire 14 de votre classeur; est-

  8   ce que vous vous souvenez du message du président Tudjman, le message

  9   transmis le 4 août 1995 ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens très bien.

 11   Q.  Le président Tudjman avait dit qu'étant donné que toutes les tentatives

 12   visant à une réintégration pacifique avait échoué, tentatives faites par

 13   les autorités croates ainsi que par la communauté internationale, notamment

 14   les pourparlers d'hier qui ont eu lieu à Genève, et l'Etat croate se voit

 15   forcer de prendre des mesures militaires et des mesures policières après

 16   cette phase de quatre années de négociations qui n'ont abouti à aucun

 17   résultat.

 18   Puis à la deuxième page, le président Tudjman, au nom des autorités

 19   démocratiques de la Croatie, exhorte les membres des Unités paramilitaires

 20   serbes qui avaient été mobilisés, soit, par la force, soit, de leur propre

 21   volonté de rendre leurs armes aux autorités croates en leur garantissant

 22   qui bénéficieront d'un pardon qui, ou d'une amnistie qui sera accordée en

 23   fonction des lois croates en vigueur.

 24   Monsieur Granic, est-ce que les dirigeants de l'Etat avaient parlé de la

 25   façon, dont l'Etat croate traiterait dans les territoires occupés les

 26   ressortissants croates qui étaient d'appartenance ethnique serbe, à

 27   l'époque, et qui serait la politique était envisagée vis-à-vis de ces

 28   personnes ?

Page 24665

  1   R.  Tout cela a fait l'objet de nombreuses discussions notamment le

  2   traitement donc à accorder aux ressortissants croates d'appartenance

  3   ethnique serbe, ainsi que les liens avec la communauté internationale à ce

  4   sujet.

  5   Je me souviens très bien des discussions dès le début du mois de

  6   juin, car notre objectif principal était la réintégration pacifique, si

  7   tant est que cela était possible. Il y a une conversation entre le

  8   président Tudjman et le ministre Susak. Compte tenu de l'expérience de

  9   l'opération Eclair, il y a eu un grand nombre de ressortissants

 10   d'appartenance ethnique serbe qui étaient partis de la zone, avec l'aide du

 11   CICR et du HCR, ce qui fait que notre objectif principal en cas d'opération

 12   était tout simplement d'atteindre les frontières de la Croatie, et il

 13   allait dans notre intérêt d'avoir autant de Serbes de Croatie qui s'étaient

 14   relégués, qui resteraient dans la zone à l'exception de ceux qui avaient

 15   bien entendu commis des crimes de guerre, et à l'exception également de

 16   ceux qui ne voulaient pas reconnaître la Croatie ou l'Etat de la Croatie.

 17   Donc nous avons discuté de tout cela. Nous étions parfaitement

 18   conscients d'un certain endoctrinement de la part des médias. Nous savions

 19   quelle était la politique menée à bien par Belgrade depuis 1987, en tout

 20   cas. Nous savions également qu'il y avait des plans qui prévoyaient

 21   l'évacuation des personnes d'appartenance ethnique serbe, mais ce que nous

 22   savions également, c'est qu'ils étaient nombreux à ne pas accepter l'état

 23   de la Croatie. Nous savions par ailleurs que des nombreuses parmi ces

 24   personnes avaient commis de guerre parce que nous savions que pendant la

 25   guerre quasiment 14 000 personnes avaient été tuées et 36 000 avaient été

 26   blessées. Donc c'étaient des éléments dont nous disposions. Mais nous

 27   sommes parvenus à un accord, car le président Tudjman avait décidé une fois

 28   de plus d'inviter toutes les personnes qui souhaitaient rester à pouvoir le

Page 24666

  1   faire, et c'est pour cela qu'il leur adressait ce message.

  2   Q.  Avant cette lettre, comme le dit lui-même, le président Tudjman,

  3   les pourparlers du 3 août 1995, à Genève avaient échoué; est-ce que vous

  4   pourriez nous dire en quelques phrases ce dont il s'agissait ?

  5   R.  Alors il faut savoir que la menace qui pesait sur la zone

  6   protégée de Bihac, zone protégée par les Nations Unies, était

  7   particulièrement importante. Il faut savoir que nous savions également que

  8   les Serbes rebelles avaient reçu une aide supplémentaire de la part de

  9   Belgrade, et avaient donc accumulé des armes. Il était donc absolument

 10   manifeste que le plan visant la réintégration pacifique aurait du mal à

 11   aboutir. Alors il faut savoir que si ce plan avait été proposé par M.

 12   Stoltenberg six mois plus tôt, la Croatie l'aurait accepté. Mais à ce

 13   moment-là, elle ne pouvait rien faire. Le plan en fait ne faisait rien si

 14   ce n'est que donner la possibilité de conquérir Bihac. C'est pour cela que

 15   nous ne pouvions pas l'accepter.

 16   Nous savions grâce à nos communications permanentes avec les Etats-

 17   Unis, moi je communiquais personnellement avec le secrétaire d'état, M.

 18   Christopher, et le représentant des Etats-Unis auprès des Nations Unies,

 19   Mme Madeleine Albright, ainsi qu'avec M. Holbrooke d'ailleurs, surtout

 20   d'ailleurs avec M. Holbrooke qui était l'envoyé spécial de M. Clinton. Il

 21   ne faut pas que j'oublie mes contacts avec les premiers ministres

 22   européens, et notamment le premier ministre qui avait la présidence de

 23   l'Union européenne à l'époque. Donc je savais quelle serait la réaction, la

 24   réaction du monde si certains principes étaient suivis. Je pensais

 25   principalement à la protection de l'ONU, enfin à la protection des civils.

 26   Je savais qu'il fallait absolument respecter les droits de la guerre et les

 27   conventions internationales. Puis il y avait une autre condition préalable,

 28   il fallait que nous agissions très rapidement.

Page 24667

  1   Q.  Alors pour ce qui est du public yougoslave ainsi que des Serbes de

  2   Krajina et de certains membres du public international, en fait toutes ces

  3   personnes ont essayé de perdre en conjecture quant au rôle joué par Milan

  4   Babic. Parce que en fait, il avait au tout dernier moment accepté la

  5   réintégration pacifique et les pourparlers de paix. Est-ce que vous

  6   pourriez nous dire en fait quel a été le rôle de Milan Babic lors des

  7   négociations et quelle fut son importance en son influence ?

  8   R.  M. Galbraith, l'ambassadeur des Etats-Unis, a essayé de parvenir à un

  9   accord avec M. Babic pour qu'il soit contraint à venir négocier autour de

 10   la table. Mais M. Babic, à ce moment-là, n'avait pas d'influence, il

 11   n'avait absolument aucune influence sur les Serbes en rébellion. La seule

 12   véritable influence s'est exercée par M. Milan Martic et par M. Karadzic,

 13   en fait c'étaient eux qui voulaient attaquer Bihac ensemble.

 14   Q.  Mais quel fut le rôle officiel de M. Babic, dans cette Krajina, parce

 15   qu'ils appelaient ce Krajina serbe ?

 16   R.  Pendant un moment, Babic a été premier ministre, toutefois après il est

 17   allé à Belgrade. A partir de ce moment-là, à partir du moment où il étai à

 18   Belgrade, il n'a plus aucune influence.

 19   Q.  Donc l'opération militaire Tempête a été déclenchée, c'est cela, et

 20   ensuite vous avez rassemblé le corps diplomatique à Zagreb et vous leur

 21   avez expliqué les raisons qui sous-tendaient l'opération, les résultats

 22   escomptés, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui. Nous avons une réunion du Conseil de sécurité national, le 3 août

 24   à 18 heures, et nous sommes convenus qu'après la réunion, lorsque le

 25   président a pris sa décision, la décision officielle pour déclencher

 26   l'opération Tempête, d'en informer les ambassadeurs des Etats-Unis, de la

 27   France, du Royaume-Uni, du Vatican et de la Fédération russe.

 28   Moi, personnellement, je me suis rendu à Split, pour en informer M.

Page 24668

  1   Juppe, le ministre des affaires étrangères français, qui se trouvait à

  2   l'aéroport de Split. Je pense que cela s'est passé vers 21 heures; c'était

  3   l'heure à laquelle nous étions censés les informer officiellement de notre

  4   décision de lancer l'opération Tempête, qui était une opération militaire

  5   et une opération policière.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

  7   demander le versement au dossier de la pièce 3D00466. Il s'agit de la

  8   lettre du président.

  9   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1809.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1809 est versée au dossier.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation]

 14   Q.  Donc cette Chambre a déjà entendu des éléments de preuve portant sur

 15   l'opération qui a duré quatre jours. Donc la population serbe a été

 16   évacuée, et après l'opération Tempête, il y a eu certaines réactions qui

 17   sont parvenues de la communauté internationale.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Il faut faire attention en fait à ce qui est

 20   dit. Je ne sais pas s'il cite le témoin, Me Mikulicic, lorsqu'il dit que la

 21   population serbe a été évacuée. Car je dois dire que c'est véritablement un

 22   élément qui prête à la polémique, en l'espèce.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

 25   Q.  Apres le départ des Serbes du territoire, de ce qui avait été appelé la

 26   République serbe de la Krajina, il y a eu des réactions internationales;

 27   est-ce que vous pouvez nous décrire ces réactions, est-ce que vous pourriez

 28   nous décrire également quelle était l'atmosphère générale ?

Page 24669

  1   R.  La première réaction est la réaction initiale a été présentée par le

  2   co-président de la Conférence pour l'ex-Yougoslavie, M. Carl Bildt. M. Carl

  3   Bildt a déclaré que le pilonnage de Knin était excessif et aléatoire, que

  4   le président Tudjman devrait être traduit en justice pour cela devant le

  5   Tribunal pénal international de La Haye, à savoir devant ce Tribunal-ci.

  6   Je dois dire que personnellement en tant que ministre j'ai eu quand même

  7   des problèmes à accepter cela parce qu'après avoir consulté les généraux

  8   les plus importants, M. Miljevac et le général Cervenko, j'ai reçu des

  9   informations suivants, lesquelles il n'y avait pas eu de pilonnages

 10   excessifs ou aléatoires. Bon, les pilonnages ont duré deux matins avant que

 11   Knin ne soit libéré. Bon, il m'avait été dit que l'opération avait été

 12   menée à bien par nos meilleurs généraux, à savoir M. Gotovina et M. Markac,

 13   ainsi que par la police spéciale.

 14   Après avoir consulté ces personnes qui officiellement dirigeaient

 15   l'opération au QG, et je pense au général Cervenko ainsi qu'au général

 16   Miljevac, j'ai envoyé une lettre ou une note plutôt lapidaire et j'étais

 17   également le premier ministre adjoint pour la guerre.

 18   Alors il faut savoir en fait qu'aujourd'hui c'est le 18 novembre, le jour

 19   de la chute de Vukovar, Vukovar en une seule journée. En une seule journée,

 20   il y a eu entre 6 000 et 8 000 obus qui tombaient -- qui sont tombés sur

 21   des objectifs civils. Donc vous pouvez quand même comprendre aisément que

 22   j'étais particulièrement perturbé par cette information parce que je savais

 23   à quel point les personnes qui participaient à cela avaient gardé le moral

 24   et j'étais convaincu en fait qu'ils -- ou plutôt, je savais quelle était la

 25   moralité des personnes qui effectuaient cette opération et j'étais

 26   convaincu qu'ils ne cibleraient jamais des civils à dessein donc je suis

 27   allé auprès de M. Tudjman plus tard. Il faut savoir en fait que nous avons

 28   eu une réunion ainsi que nous -- et nous avons déjeuné à la forteresse;

Page 24670

  1   moi, en fait je n'ai pas vu une seule maison détruite. C'est la raison pour

  2   laquelle j'ai réagi de façon si vive et de façon si véhémente à la lettre

  3   de M. Bildt.

  4   Deuxièmement, il y avait des pressions qui étaient exercées à propos du

  5   départ des Serbes de Croatie. Les chiffres d'ailleurs qui sont présentés

  6   fluctuent; il y a de nombreux chiffres qui sont exagérés. Il est vrai qu'il

  7   y a beaucoup de Serbes de Croatie qui sont partis. Toutefois, ils sont

  8   partis de façon tout à fait concertés; ils ont été d'ailleurs -- c'est

  9   leurs dirigeants qui les ont incité à partir. Ceux qui ont refusé, c'est --

 10   eux autres qui refusent de reconnaître la Croatie en tant qu'Etat, ceux qui

 11   avaient subi cet endoctrinement, et cela inclut également ce qui tout

 12   simplement avait peur des actes de vengeance du fait de leur participation

 13   à certains crimes plus tôt. En fait, nous --

 14   Q.  Vous avez décrit des événements généraux, vous avez décrit les contacts

 15   très étroits que vous aviez avec les représentants des Etats-Unis,

 16   notamment M. Galbraith qui était à l'époque ambassadeur des Etats-Unis à

 17   Zagreb. J'aimerais vous montrer un autre document mais, pour ce faire, il

 18   faudrait que nous passions à huis clos partiel.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

 20   avoir le document D1792 à l'écran ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 23   le Président.

 24   [Audience à huis clos partiel]

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 24671

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Pages 24671-24672 expurgées. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 24673

  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  3   Poursuivez.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que le greffe puisse afficher

  5   le document P458, s'il vous plaît.

  6   Q.  Nous allons maintenant voir s'afficher à l'écran, Monsieur Granic, un

  7   document qui a déjà été précédemment versé au dossier. Il s'agit du journal

  8   de M. Peter Galbraith où il consignait ses impressions et je voudrais que

  9   l'on passe à la page 36 de ce journal où l'on trouve aborder les événements

 10   du 7 août.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Page 36. Le numéro ERN est le 065 -- se

 12   termine par 065. La date est celle du 7 août, donc le numéro ERN de la page

 13   en question est 0649065. Voilà c'est la bonne page.

 14   Q.  Alors, Monsieur Granic, au milieu de ce passage, M. Galbraith écrit la

 15   chose suivante --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, afin d'éviter toute

 17   confusion, dans la numérotation du système e-court, c'est la page 30 sur

 18   76. Veuillez poursuivre.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  M. Galbraith déclare la chose suivante, je cite :

 21   "Je me suis entretenu avec M. Susak. Il voulait poursuivre, avancer en

 22   Bosnie. Il dit que j'aurais dit à Granic d'avancer, mais Zuzul a reçu

 23   l'information comme quoi ils étaient censés s'arrêter. J'ai dit que je ne

 24   pouvais pas faire état d'une position officielle, que l'opération croate

 25   avait été considérée comme bienvenue par nombre de personnes à Washington

 26   en raison de l'influence que cela exerçait sur la Bosnie."

 27   Ensuite, il dit qu'il a donné une interview aux chaînes NBC et BBC. Et que

 28   la BBC lui a demandé si les Croates avaient entrepris des opérations de

Page 24674

  1   nettoyage ethnique.

  2   M. Galbraith dit avoir répondu :

  3   "Non, compte tenu du fait que le nettoyage ethnique était une

  4   pratique organisée depuis Belgrade et mise en œuvre par les Serbes de

  5   Bosnie et de Croatie avec pour objectif les expulsions systématiques des

  6   populations, qu'elle soit croate ou bosnienne, et cela au moyen de meurtre,

  7   de viol, commis à une échelle massive, et de violence de façon générale. Il

  8   n'y a aucune preuve que les Croates aient procédé à des expulsions

  9   systématiques des Serbes, bien qu'ils y aient des rapports faisant état de

 10   crimes commis."

 11   Alors si maintenant nous pouvions passer à la page 32 dans la numérotation

 12   du système e-court, correspond à la date du 9 août. M. Galbraith y dit la

 13   chose suivante :

 14   "Je suis revenu à Zagreb. J'ai appris que mes commentaires formulés sur le

 15   sujet du nettoyage ethnique avaient été à l'origine d'une controverse,

 16   d'une polémique dans la presse britannique, en effet, le journal

 17   'Independent' a déclaré que mes commentaires avaient exacerbé les tensions

 18   entre la Croatie d'une part et les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Alors que

 19   M. Portillo avait déclaré qu'il se serait agi de nettoyage ethnique. Je

 20   n'aime pas les polémiques. J'ai raison d'un point de vue technique, mais

 21   tout cela apparaît comme si j'étais en train de m'excuser au nom des

 22   Croates."

 23   Alors ce qui m'intéresse, Monsieur Granic, c'est les rapports entre les

 24   grandes puissances dans l'évaluation de cette opération. D'un côté, nous

 25   avons la position américaine du moins dans la bouche de M. Galbraith;

 26   d'autre part, la position du Royaume-Uni. Etes-vous sensible à la

 27   différence qui peut exister entre les positions de ces deux grandes

 28   puissances ?

Page 24675

  1   R.  Bien entendu qu'il y avait des différences. L'opération policière et

  2   militaire Tempête conduite par les Croates était d'une importance

  3   extrêmement importante pour l'opération de paix américaine en Bosnie. Cette

  4   dernière initiative se serait retrouvée pratiquement au point mort s'il n'y

  5   avait pas eu l'opération Tempête. D'autre part, il importe de souligner

  6   qu'en Bosnie le Royaume-Uni tenait en quelque sorte le haut du pavé

  7   jusqu'au moment où les Américains ont repris l'initiative avec cette

  8   opération de paix qui était la leur, et étant donné l'échec du plan Vance-

  9   Owen, les Etats-Unis ont conduit à la signature dans un première temps des

 10   accord de Washington puis les accords de Dayton.

 11   Donc il y avait des différences, bien que ces différences, et les grandes

 12   puissances se soient efforcées de les amoindrir à l'intérieur du Groupe de

 13   contact, et cela notamment juste avant la signature des accords de

 14   Washington, ils y sont parvenus dans une certaine mesure, dans une mesure

 15   assez large. Mais il est indubitable que d'un point de vue stratégique,

 16   l'opération Tempête s'est particulièrement bien coordonnée avec

 17   l'initiative américaine de paix, et nous en étions tout à fait conscients.

 18   Cependant, pour le média, donc les accusations, qui provenaient des médias

 19   britanniques qui faisaient état de nettoyage ethnique, étaient non

 20   seulement fausses mais aussi extrêmement dommageables, parce que,

 21   ultérieurement, on a découvert qu'il y avait bien eu des crimes commis et

 22   qui ont été reconnus en tant que tel, mais d'autres accusations se sont

 23   révélées être tout à fait fausses, parce que le départ des Serbes avait été

 24   planifié, les Serbes avaient été incités à partir, leur départ avait été

 25   entièrement organisé, et cela reposait en effet sur la peur de la

 26   population serbe et notamment de ceux parmi elle qui avaient commis des

 27   crimes et qui ne considéraient pas la Croatie comme étant leur propre pays.

 28   Donc il y a eu une campagne qui a été à tout point de vue extrêmement

Page 24676

  1   dommageable et contreproductive.

  2   Q.  Monsieur Granic, il y a une chose qui n'est pas claire pour moi et je

  3   voudrais que vous le précisiez cela à la lumière de votre expérience de

  4   diplomate. Nous avons vu le document D1792 précédemment - et ces

  5   considérations qui sont celles de l'ambassadeur britannique, M. Hewitt, à

  6   Zagreb, qui est un homme de terrain, pour ainsi dire, il a dit qu'il ne

  7   s'agissait pas là de nettoyage ethnique pour ce qui était du départ des

  8   Serbes mais qu'il s'agissait d'une évacuation de la population serbe qui

  9   avait été ordonnée par la direction de la République serbe de Krajina. Donc

 10   ça c'est l'évaluation d'un diplomate qui est sur le terrain à Zagreb. Par

 11   ailleurs, nous avons l'évaluation de M. Portillo, qui dit qu'il s'agit de

 12   nettoyage ethnique, M. Portillo, le ministre de la défense.

 13   Alors comment interprétez-vous un tel décalage entre les évaluations, d'une

 14   part, de l'ambassadeur qui est sur place, et d'autre part, du ministre de

 15   la défense --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 17   M. WAESPI : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait sûr que le témoin

 18   puisse être entendu ici en qualité d'expert pour ce qui est concerne la

 19   politique britannique.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin s'est trouvé être au cœur des

 21   événements à l'époque, les évaluations qui ont pu être faites en la matière

 22   entrent dans le champ de ses connaissances. Quant au point qui pourrait y

 23   être accordé, cela incombe évidemment à la Chambre.

 24   Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation]

 26   Q.  Pourriez-vous, Monsieur Granic, nous dire brièvement, ce que vous

 27   pourriez dire à ce sujet ?

 28   R.  L'ambassadeur Hewitt s'exprimait en se fondant sur la connaissance

Page 24677

  1   qu'il avait des événements réels sur le terrain. Alors que le ministre

  2   Portillo lui envisageait les choses d'un point de vue stratégique.

  3   Q.  Merci pour ce commentaire.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors en restant dans ce même document, je

  5   voudrais que l'on passe à la page ERN 0609101 et si vous laissez encore

  6   juste quelques instants, je vais vous donner le numéro de la page e-court

  7   également. C'est la page 65 du même journal de M. Galbraith, et cette page

  8   correspond à la date du 13 octobre 1995. Dans le dernier paragraphe, M.

  9   Galbraith dit vous avoir vu, et qu'il a été question des droits de l'homme

 10   en Krajina, et notamment du droit au retour. Il a dit qu'il fallait être

 11   sérieux concernant les négociations portant sur la Slavonie orientale. M.

 12   Galbraith dit que vous avez bien reçu le message, et que vous avez souligné

 13   le fait que vous n'auriez fait aucune déclaration concernant la Krajina

 14   parce que vous étiez préoccupé par ce qui s'était produit. Vous avez

 15   déclaré selon lui que le gouvernement croate était absolument disposé à

 16   saluer tous les retours à venir, qu'ils soient de nature humanitaire ou

 17   motivé par des rassemblements familiaux ou qu'il s'agisse encore de retour

 18   à titre individuel, mais que cependant un retour massif devait faire objet

 19   d'un rapport définitif avec la Serbie.

 20   Alors pourriez-vous nous dire M. Granic si ce dont je viens de donner

 21   lecture reflète bien les entretiens que vous avez vus avec M. Galbraith, et

 22   si c'est bien le cas, quel était votre position concernant un éventuel

 23   retour massif de la population serbe en Krajina ?

 24   R.  Cela est correctement repris ici, et il y a trois problèmes qui

 25   apparaissent ici manifestement. Premièrement, j'ai personnellement et très

 26   clairement condamné les crimes et les comportements criminels qui ont été

 27   le fait de Croates juste après l'opération Tempête.

 28   Deuxièmement, dans cette période nous négocions au sujet de la

Page 24678

  1   réintégration pacifique de la région croate du Danube et nous étions à la

  2   recherche d'une solution nous permettant de mettre en œuvre cette

  3   réintégration pacifique. Ce qui signifie que Dayton en tant que préalable

  4   aux négociations sur la Bosnie-Herzégovine, la Croatie a d'abord exigé que

  5   l'on se mette d'accord pour une solution pacifique concernant la

  6   réintégration de la région croate du Danube.

  7   Et c'était là l'une des nombreuses discussions qui ont eu lieu avec

  8   M. Galbraith à ce sujet.

  9   Troisièmement, parce que la population serbe s'est enfui pour rejoindre

 10   Belgrade, et lorsque ces personnes sont devenues des réfugiés, n'oubliez

 11   pas qu'ils avaient le droit de devenir des citoyens de la République

 12   fédérative de la Yougoslavie, et que c'était une époque où l'on annonçait

 13   encore des attaques terroristes contre la Croatie ou un gouvernement en

 14   exile qui avait été mis en place. Et il y avait toujours un danger. La

 15   République fédérative de Yougoslavie représentait toujours un danger pour

 16   la Croatie, il y avait toujours des cas de Croates et de non-Serbes qui

 17   étaient expulsés de la Republika Srpska.

 18   A l'époque, seul des cas de retour individuel étaient possibles, mais

 19   c'était avant tout pour des raisons ayant trait à la sécurité, qu'aucun

 20   retour massif n'était encore possible. Ce n'est qu'au printemps 1998 qu'un

 21   accord a été conclu, portant sur un retour en masse, accord conclu avec le

 22   Haut-commissariat aux Réfugiés et la communauté internationale. Ce n'est

 23   qu'à lors que les conditions ont été réunies pour un tel retour qui

 24   nécessitait un traitement particulier, et ça ne pouvait faire l'objet que

 25   d'un plan très détaillé en coopération avec le HCR.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que l'on puisse afficher

 27   maintenant le document 3D00538, s'il vous plaît.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je ne sais pas si vous

Page 24679

  1   vous êtes penché sur ce sujet, mais la notion de rassemblement familial

  2   dans le présent contexte n'est pas tout à fait très claire. Est-ce que vous

  3   aviez l'intention de préciser la chose ou puis-je poser une question ?

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Il me semble que c'est un bon moment peut-

  5   être pour demander une précision bien que nous ayons prévu un témoin, un de

  6   nos témoins suivants va nous parler plus en détail de la question du

  7   rassemblement familial, ainsi que d'autres aspects. Je suis sûr que le

  8   témoin est bien au courant de ce que recouvre cette expression. Donc vous

  9   pouvez tout à fait lui demander.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, lorsque vous parlez de

 11   rassemblement familial, est-ce que vous parlez d'aller retrouver des

 12   membres de sa propre famille qui sont restés en Krajina après l'opération

 13   Tempête ou bien parlez-vous également de rassemblement familial au sens où

 14   une famille reviendrait sur les lieux où elle a vécu même si aucun membre

 15   de cette famille n'était resté sur place après l'opération Tempête ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous parlons des membres de la famille qui

 17   sont restés en Croatie, et ce peu importe la localité où ils se trouvent.

 18   Qu'il s'agisse d'une localité se trouvant dans les territoires nouvellement

 19   occupés ou de Zagreb ou de n'importe quelle autre localité. Donc de leur

 20   réunion avec ceux qui ont quitté la Croatie pour rallier la Republika

 21   Srpska ou pour gagner Belgrade. En d'autres termes, cela faisait l'objet

 22   d'une donc qui était en principe toujours positive, et qui faisait l'objet

 23   de médiations également tout à fait constructives et positives du HCR.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si aucun membre de la famille

 25   n'était parti, si aucune grand-mère ou aucun mari, par exemple, était parti

 26   pour eux -- réunion familiale -- je me suis trompé, excusez-moi, j'ai dit

 27   "n'était parti," mais j'aurais dû dire : si toute la famille était partie,

 28   il n'y avait pas de rassemblement familiale possible; est-ce que j'ai

Page 24680

  1   raison de dire cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Vous avez bien compris, Monsieur

  3   le Président. Si tous étaient partis, ils entraient alors dans le cadre du

  4   programme qui était légalement défini comme le programme de retour des

  5   réfugiés. J'avais personnellement la responsabilité de ce programme, j'ai

  6   insisté pour qu'il soit adopté et il y a eu des débat intenses au sein du

  7   gouvernement croate concernant la question de savoir si le temps était bien

  8   venu d'élaborer un tel programme, s'il était temps de procéder ainsi ou

  9   non.

 10   C'était en avril 1998, et pour des raisons psychologiques et ayant

 11   trait à la sécurité, il y avait des opinions divergentes. Non pas au sujet

 12   de la question de savoir si les Serbes pouvaient revenir, mais au sujet de

 13   la question de savoir si le temps était venu pour procéder à un tel retour

 14   massif. Moi, j'estimais qu'il était temps de mettre en œuvre cela et de

 15   prendre cette décision. En définitive, le président Tudjman m'a soutenu et

 16   le gouvernement croate a rédigé, a adopté ce programme relatif au retour de

 17   tous les réfugiés.

 18   Tout cela s'est produit sur une période de deux ans ou deux ans et

 19   demi. Ce que l'on s'accorde à considérer comme une période particulièrement

 20   courte. Etant donné qu'il s'agissait d'une période de reconstruction, et

 21   c'était une question économique également, conformément à la législation en

 22   vigueur alors, aussi bien les maisons des Serbes et des Croates étaient

 23   reconstruites, mais manifestement, les maisons des Croates faisaient

 24   l'objet d'une reconstruction qui intervenait plutôt parce que les Croates

 25   sont revenus plutôt que les Serbes; cependant, tout Serbe qui était parti à

 26   l'époque avait bénéficié d'un droit au retour.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors pour que je vous comprenne bien,

 28   si une famille entière était partie, par exemple, à la date du 6 août, ils

Page 24681

  1   se trouvaient être contraints d'attendre deux ans et demi, c'est-à-dire

  2   d'attendre le moment où un programme spécial avait été élaboré à leur

  3   attention; est-ce que je comprends bien? Est-ce que j'ai bien compris si je

  4   dis cela ? Parce que ce n'était pas un rassemblement familial, n'est-ce pas

  5   ? Donc en dehors de ce que vous considérez comme étant une période de temps

  6   plutôt courte, moi, je me concentre plutôt sur la situation concrète, la

  7   situation factuelle. Si cette famille entière était partie le 6 août 1995,

  8   ils ne pouvaient pas prétendre à un rassemblement familial et vous nous

  9   avez dit qu'il y avait de très bonnes raisons pour lesquelles ce n'est que

 10   deux ans et demi plus tard qu'un programme a été conçu et mis en pratique

 11   pour que ceux qui n'avaient pas pu revenir plutôt puissent revenir.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président, parce

 13   que bien qu'il y ait eu de nombreux cas où de telles questions ont été

 14   résolues plus tôt.

 15   Par exemple, dès le mois de septembre 1995, je peux vous parler d'un cas où

 16   il y a eu 50 réfugiés serbes qui par l'entremise de M. Dzakula, qui était

 17   le dirigeant serbe local en Slavonie occidentale, et qui a demandé qu'un

 18   retour soit possible.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, moi, en ce moment, je

 20   ne parle que de Krajina. Je vois que tous ces problèmes sont peut-être liés

 21   entre eux. Mais ce qui m'intéresse c'est vraiment les réponses précises aux

 22   questions posées, et là, je vous ai posé une question au sujet de la

 23   Krajina.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez très bien compris, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais attendez, encore une question.

 27   Est-ce que vous savez combien de familles sont parties ? Là, je parle des

 28   cas de figure où tous les membres seraient partis à la fois. Est-ce que

Page 24682

  1   vous savez quel est le pourcentage des familles au sein desquelles un ou

  2   deux membres sont restés dans la Krajina ? Là, je parle évidemment de

  3   familles serbes.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Le chiffre dont nous étions sûrs est le

  5   chiffre de 140 000 familles parties. Cela étant dit, je ne sais pas quel

  6   est le chiffre exact de ceux qui sont restés, où vous avez un membre de la

  7   famille, un ou deux membres qui sont restés derrière, dans la Krajina.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, vous pourrez poursuivre.

  9   M. MIKULICIC : [interprétation]

 10   Q.  Vu la réaction de la communauté internationale, après l'opération

 11   Tempête, il y a souvent eu des demandes formulées et adressées au

 12   gouvernement de la République de Croatie, où l'on demandait que les

 13   observateurs de la communauté internationale se rendent sur le terrain pour

 14   se rendre compte personnellement de la situation sur le terrain.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est pour cela que je vais demander au

 16   Greffier de nous montrer la pièce 3D00538.

 17   Q.  Vous allez voir, Monsieur Granic, que c'est une lettre que vous avez

 18   écrite le 14 février 1996, vous l'avez envoyée au siège de l'OSCE et suite

 19   à une demande qu'ils vous ont faite, demandant de pouvoir envoyer en

 20   Croatie une mission d'établissement de fait.

 21   Quelle était la position du gouvernement croate que vous articulez

 22   d'ailleurs dans cette lettre ? Quelle était donc la position du

 23   gouvernement croate quant à la possibilité d'avoir les représentants de la

 24   communauté européenne ou internationale qui observent la situation sur le

 25   terrain ?

 26   R.  Moi, je considérais qu'il fallait absolument permettre à tous les

 27   observateurs qui voulaient être présents, leur permettre d'être présents,

 28   l'OSCE ou autres organisations, peu importe. Tous les observateurs

Page 24683

  1   pouvaient venir, telle était ma position. Vous aviez "Helsinki Watch," Mme

  2   Elizabeth Rehn, il y avait de nombreuses organisations qui étaient

  3   présentes et qui souhaitaient être présentes. Donc nous permettions à tout

  4   le monde de venir pour observer la situation.

  5   Q.  Est-ce qu'il y avait des conditions qui visaient à réduire et cadrer la

  6   présence des internationaux ?

  7   R.  Non, il n'y avait pas de conditions du tout. A un moment donné, en

  8   1996, on voulait tout simplement savoir qui faisait quoi exactement, mais

  9   mis à part cela, ces observateurs jouissaient d'une liberté absolue dans

 10   leur travail évidemment.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit

 12   versée au dossier.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci va devenir la pièce D1810.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais demander au Greffe de nous montrer

 18   la pièce 3D00537.

 19   Q.  Nous allons voir, Monsieur Granic, une note qui vient de M. Branko

 20   Socanac, et cette note fait suite à un accord qui vient de Mme Dubravka

 21   Simonovic, du ministère des Affaires étrangères. Par cette note, on

 22   approuve donc la présence d'une mission de l'OSCE à Knin. Il s'agit d'une

 23   mission visant à établir les faits. Donc vous allez voir qu'à Knin, M.

 24   Pasic ainsi que M. Gojevic, le chef de la garnison de Knin, toutes ces

 25   personnes ont parlé avec cette délégation, on les a informés du nombre des

 26   habitants à Knin, en 1991, de leur composition ethnique et les ont informés

 27   également de la situation qui prévalait à Knin, après l'opération Tempête,

 28   à savoir que 420 Serbes sont restés après l'opération, que 250 ont réussi à

Page 24684

  1   rentrer, que d'autres pouvaient encore retourner et que de façon

  2   quotidienne, ils recevaient quatre, cinq demandes de retour. Tout ceci est

  3   envoyé au bureau chargé des personnes déplacées et des réfugiés, où on

  4   délivre aussi des permis de regroupement familial.

  5   Donc ensuite on parle de l'importance de ce projet qui vise à préserver la

  6   vie, où il s'agit de prendre soin des personnes qui sont restées, qui sont

  7   dépourvues ou seules sur ce territoire libéré, et qu'il est important donc

  8   de traduire les criminels devant la justice.

  9   Monsieur Granic, donc effectivement il y a eu des problèmes après

 10   l'opération Tempête. Il y a eu une escalade en ce qui concerne les

 11   pillages, les incendies. Alors quelle était la réaction des politiques,

 12   quelle était la réaction de l'Etat croate et du président Tudjman ?

 13   R.  On était plus concerné par tout cela, on pensait, au début, qu'il

 14   s'agissait là de la propagande, rien d'autre. Mais déjà à la date du 20

 15   août, on était sûr, on a dû se rendre à l'évidence qu'il s'agissait là des

 16   événements qui se déroulaient à grande échelle et qu'il fallait prendre les

 17   mesures les plus strictes pour empêcher des activités criminelles qui se

 18   déroulaient sur ce territoire libéré. Partant des pillages ou incendies

 19   jusqu'au meurtre qui était l'œuvre aussi bien des groupes criminels que des

 20   individus, de particuliers.

 21   On en a discuté au niveau des sessions du gouvernement et on a vraiment

 22   condamné de la façon la plus sévère ces activités. Moi, je peux dire

 23   personnellement qu'après quelques entretiens que j'ai eus avec le ministre

 24   Kinkel et avec d'autres amis internationaux, mais aussi avec le comité

 25   d'Helsinki de Croatie, ou bien les médias et les ambassadeurs étrangers, y

 26   compris Peter Galbraith, je peux vous dire que, sur la base de tous ces

 27   entretiens, que j'aurais pu avoir aussi avec le ministre des affaires

 28   intérieurs Jarnjak, qui m'a dit quelle était vraiment l'importance de ces

Page 24685

  1   activités. Il m'a dit qu'il y avait vraiment besoin de plus de policiers,

  2   peut-être de 1 500 policiers plus et même 3 000 -- il allait même jusqu'à

  3   évoquer le chiffre de 3 000, mais 1 500 c'était au moins le minimum dont il

  4   avait besoin et il a dit qu'il était vraiment nécessaire de déplacer

  5   l'armée parce que l'armée, les professionnels de l'armée, d'après lui ne

  6   commettaient pas de crimes. Donc il a dit qu'il était vraiment nécessaire

  7   de les démobiliser le plus rapidement possible et qu'ensuite qu'il y ait

  8   des patrouilles communes entre la police et l'armée qui allait être

  9   organisée.

 10   Moi, personnellement, j'ai parlé avec le premier ministre qui m'a dit qu'il

 11   fallait vraiment empêcher tout cela. J'ai même eu un entretien très, très

 12   long avec le président Tudjman qui m'a dit lui-même que presque 200 000

 13   soldats étaient en mouvement et qu'il était très difficile de contrôler la

 14   situation complètement mais qu'il allait tout faire, mais vraiment tout

 15   faire pour mettre un terme à ces activités criminelles, qu'il allait

 16   permettre à Jarnjak d'avoir davantage d'éléments et que sur la base de la

 17   déclaration de Split, une partie de l'armée s'est déjà rendue en Bosnie-

 18   Herzégovine et il a aussi parlé avec M. Susak qui m'a dit Mate écoute ce ne

 19   sont pas les soldats professionnels qui font cela.

 20   Moi-même, je me suis adressé aux médias, j'ai voulu que l'on parle de cela

 21   dans les médias justement pour que ces crimes éventuellement commis par des

 22   Croates et bien qu'ils s'arrêtent. Donc la Croatie a pris à cœur ce

 23   problème et ceci est bien vu dans différentes sessions -- dans les

 24   transcripts de différentes sessions du gouvernement qu'on a eu. Vous pouvez

 25   voir quelles étaient nos positions.

 26   Mais, moi, personnellement, je pensais que chacun d'entre nous devait tout

 27   ce qui était dans son pouvoir pour arrêter, pour mettre un terme à toutes

 28   activités criminelles.

Page 24686

  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais demander que cette pièce soit

  2   versée au dossier, Monsieur le Président.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci va devenir la

  6   pièce D1811.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai essayé de regarder rapidement ce

  8   document et de la lire en diagonale et apparemment il s'agit là d'un

  9   document portant sur cette mission d'établissement des faits.

 10   Monsieur Granic, en parcourant ce document très rapidement, ai-je raison de

 11   penser qu'il aura fallu une journée à cette mission donc pour mener à bien

 12   leur mission ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était une mission qui a duré une

 14   journée. Ils ont passé une journée sur le terrain à Knin, et ensuite ils se

 15   sont rendus dans d'autres parties de la Croatie mais après cela une mission

 16   permanente pour la Croatie a été créée. Donc cette première mission avait

 17   pour but de créer une mission permanente, la Croatie était parfaitement

 18   d'accord avec cette proposition; elle a accepté une mission permanente de

 19   l'OSCE en Croatie qui disposait de plusieurs bureaux dont un à Knin.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cette mission que l'on appelée une

 21   mission d'enquête consistait donc à avoir des contacts avec les

 22   représentants du gouvernement avec des officiels, n'est-ce pas, parce que

 23   là je viens de lire en vitesse ce document et il me semble que c'est bien

 24   cela, n'est-ce pas ? C'était cela finalement le but de cette mission ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais vous savez ils ont aussi rencontré

 26   les représentants de la communauté serbe.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais, là, c'était vraiment des

 28   réunions de bureau.

Page 24687

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en général, oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis à la fin, on dit que la tempête,

  3   enfin il y avait une tempête et les conditions météorologiques ne

  4   permettaient pas une visite de Kistanje. Est-ce que vous souvenez d'une

  5   telle tempête, de telles conditions météorologiques qui empêchaient que

  6   l'on se rende là-bas ou que les gens se rencontrent dans les bureaux ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, moi, je n'étais pas là, je n'étais

  8   pas présent donc je ne me souviens pas des conditions de météo. Je ne m'en

  9   souviens pas tout simplement.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Vous pouvez poursuivre, Monsieur

 11   Mikulicic.

 12   Ou bien, j'ai encore une question. Là, c'est un rapport, un rapport qui

 13   vient des autorités croates. Est-ce que nous disposons d'un rapport qui

 14   vient de ceux qui ont effectué cette mission d'enquête du 22 février ? Donc

 15   je vous pose la question, Monsieur Granic, mais je m'adresse aussi aux

 16   parties ? Peut-être que nous l'avons déjà parmi nos documents parce que je

 17   ne me souviens pas de cette mission d'enquête qui se serait déroulée aussi

 18   tôt en 1996 ?

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'en suis pas sûr, Monsieur le

 20   Président, et il faudrait que je vérifie cela.

 21   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-être est-ce le rapport de Mme Ogata ?

 23   Il faudrait que je vérifie cela.

 24   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 25   M. WAESPI : [interprétation] Je peux essayer de retrouver cela.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, la question en fait s'adressait

 27   à vous même si j'ai demandé aux parties de m'aider. Est-ce que vous avez

 28   d'autres informations à ce sujet, Monsieur Granic ?

Page 24688

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sûr qu'un tel

  2   rapport existe parce que c'est sur la base de ce rapport que nous avons --

  3   qu'on a proposé que l'on crée une mission permanente, en disant que cette

  4   mission serait fort utile à la Croatie, qu'elle accélérerait le processus

  5   de retour, le retour à une vie normale dans les territoires libérées. Moi,

  6   je me souviens d'un tel rapport de l'OSCE, je me souviens qu'il m'a été

  7   adressé à moi en tant que ministre des Affaires étrangères et c'est sur la

  8   base de ce rapport que la Croatie a donné son accord pour qu'il y ait une

  9   mission permanente de l'OSCE sur le territoire croate.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

 12   demander une cote pour ce document.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je pense que je viens de le dire.

 14   M. WAESPI : [interprétation] Oui, oui, oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   Moi, j'ai commencé ma question vu maintenant que nous avons ce document

 17   dans le dossier de l'affaire.

 18   Vous pouvez poursuivre.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais demander le document 3D00539.

 20   Q.  Donc l'Etat croate fait face à ces crimes qui ont eu lieu après la fin

 21   de l'opération, et il y a eu des réactions aussi dans les canaux

 22   diplomatiques et vous allez voir que cela dans votre dossier dans -- au

 23   niveau de l'intercalaire 18. C'est M. Ivan Simonovic, votre adjoint, votre

 24   adjoint qui s'est adressé à la Commission des Droits de l'homme des Nations

 25   Unies à Genève lors de la 22e Session de ce comité.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Là, vous allez voir donc le discours de M.

 27   Simonovic.

 28   Q.  Dans le dernier paragraphe, vous pouvez voir qu'il a dit qu'après le

Page 24689

  1   succès de ces opérations militaires, qu'il y a eu des infractions aux

  2   droits de l'homme -- un certain nombre de ces infractions qui se sont

  3   déroulées sur le territoire libéré de la République de Croatie contre la

  4   population serbe qui restait, et qu'un certain nombre de procès d'actions

  5   juridiques ont été entamés contre les auteurs de ces crimes, et en faisant

  6   cela, la Croatie a démontré qu'il ne s'agissait pas là des actes de

  7   vengeance, et ce que l'on visait ici, et ce que la Croatie visait, c'était

  8   d'assurer que l'on respecte les droits de l'homme de tous. Les enquêtes ont

  9   été lancées contre des milliers de personnes concernant ces crimes, et tout

 10   cela a pour but de restaurer la confiance. Le président de la république a

 11   pardonné 455 Serbes de Croatie, qui avaient participé dans la rébellion

 12   armée contre la Croatie. Donc est-ce que vous pouvez nous dire si c'était

 13   la position personnelle de votre adjoint, ou bien est-ce que sa position

 14   reflète la position de l'armée ?

 15   R.  Il articulait aussi bien ma position que la position de la République

 16   de Croatie. Il est incontestable qu'on était très critique par rapport à

 17   ces événements qui se sont produits après l'opération Tempête. En même

 18   temps, on faisait tout ce que l'on pouvait pour qu'il y ait un retour, une

 19   restauration de la confiance. Je dois dire que tout ceci a été suivi par

 20   une réintégration pacifique dans la vallée du Danube en Croatie. Vous voyez

 21   ici qu'il a amnistié -- qu'il a donné son pardon à plus de 400 personnes,

 22   ce qui après a été suivi par une amnistie générale par rapport à toutes les

 23   personnes qui ont pris part à la rébellion armée.

 24   Q.  Le prochain paragraphe. M. Simonovic dit que le gouvernement croate

 25   essaie de faciliter le retour des Serbes qui sont partis pendant

 26   l'opération militaire et qui souhaite revenir à présent.

 27   "0Tous ainsi que membres de 15 autres minorités ethniques qui

 28   habitent la Croatie ont non seulement les mêmes droits que les citoyens

Page 24690

  1   croates, les mêmes libertés, mais ils ont aussi le droit d'utiliser leur

  2   propre langue, leur propre alphabet. Ils ont tout le droit relevant d'une

  3   autonomie culturelle."

  4   Monsieur Granic, est-ce que ceci aussi montre quelle était la politique

  5   officielle de l'Etat par rapport aux minorités ethniques en Croatie, y

  6   compris donc la minorité serbe ?

  7   R.  Mais, oui, c'est parfaitement exact, c'est un processus qui a commencé

  8   très tôt comme on peut le voir, et qui a fait que la communauté serbe de

  9   Croatie, juridiquement ait un niveau le plus haut, plus élevé possible a

 10   été protégé. Donc du point de vue juridique. Donc c'est un processus qui

 11   était le notre depuis le début.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une cote pour ce

 13   document, Monsieur le Président ?

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

 15   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 16   Mais pourriez-vous me donner la date de ce document ?

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Le 15 avril 1996.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci va devenir la pièce D1812.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mikulicic.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Monsieur Granic, là, on vient de discuter de différentes choses, et à

 24   plusieurs reprises, vous avez dit que la politique croate -- enfin, que sa

 25   position était reflétée dans les sessions du gouvernement croate. Puisque

 26   vous avez évoqué ces sessions du gouvernement, on va parcourir un certain

 27   nombre de procès verbaux, de telles sessions. Je vais vous les montrer, les

 28   passer en revue, vous demander vos commentaires. Donc le premier document

Page 24691

  1   que je vais vous montrer c'est le document 3D00964. Il ne figure pas sur la

  2   liste 65 ter, donc je vais demander tout d'abord que ce document soit

  3   ajouté, et d'ailleurs, je me suis entretenu à ce sujet avec M. Waespi; il

  4   n'a pas d'objection par rapport à cette requête.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Oui, c'est vrai. Ceci s'applique à tous les

  6   autres documents que M. Mikulicic souhaite verser, des documents qui ne

  7   figuraient pas jusqu'à présent sur la liste 65 ter.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On vous donne -- on vous

  9   accorde cette possibilité, à savoir d'ajouter ces documents sur la liste 65

 10   ter, les documents qui ont fait l'objet d'un accord avec M. Waespi comme

 11   vous l'avez dit.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien. Je vais demander donc de voir ce

 13   document qui est le procès-verbal de la session de travail du gouvernement

 14   croate du 4 août 1995; c'est la session donc du gouvernement qui a eu lieu

 15   le 1er jour du lancement de l'opération Tempête.

 16   Donc si l'on regarde la deuxième page, M. Nikica Valentic, qui est donc le

 17   premier ministre croate, a dit - c'est à l'intercalaire 24 de votre

 18   dossier, Monsieur - donc M. Valentic dit vers la fin de la page :

 19   "Je pense qu'il faut dire qu'on a vraiment tout fait pour résoudre la crise

 20   par négociations. Malheureusement, il n'y avait aucune chance de réussir

 21   par négociations. Au fur et à mesure que le temps passait, les Serbes se

 22   fermaient davantage en se liant davantage avec les Serbes de Bosnie, avec

 23   la Yougoslavie, et malheureusement, la seule option qui nous restait

 24   c'était la guerre et l'option que l'on a choisie."

 25   Monsieur Granic, là, vous avez exprimé donc un commentaire, un point de

 26   vue; est-ce que ceci correspond à votre façon de penser ?

 27   R.  Mais, oui, absolument.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Moi, je voudrais tout d'abord savoir si le

Page 24692

  1   témoin était présent.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais M. Granic était présent puisque, là,

  3   on a dit que, lui aussi, il a parlé lors de la réunion.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, oui, peut-être que c'est

  5   intéressant de demander au témoin si c'était bien la position qui a été

  6   adoptée.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Mais j'ai voulu savoir quelle était la base de

  8   tout cela. Mais par la suite il peut parler de ce qui s'est vraiment passé.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mikulicic, posez la question au

 10   témoin.

 11   Donc ici on voit qu'il a été présent puisque son nom se trouve dans le

 12   procès-verbal de la réunion, et on va voir s'il a été présent. Je vais lui

 13   poser la question.

 14   Monsieur Granic, est-ce que vous avez été présent lors de la réunion, la

 15   réunion où par la suite dans le compte rendu on voit votre nom apparaître ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais oui, oui. J'ai assisté depuis le début à

 17   cette réunion, à cette session.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Jusqu'au bout ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, jusqu'aujourd'hui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, vous pouvez poursuivre, Monsieur

 21   Mikulicic.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation]

 23   Q.  A la page 5 du document d'origine, et c'est la page 2 en anglais, la

 24   traduction anglais c'est le ministre des affaires intérieures, M. Jarnjak,

 25   qui prend la parole et qui dit :

 26   "En accord avec le ministère de la Défense, nous avons préparé 3 500

 27   policiers vêtus d'uniformes bleus de base qui vient du nord et nord-ouest

 28   de Croatie. La partie des contingents qui ne participe pas directement aux

Page 24693

  1   activités de guerre, dont 500 ont déjà été envoyés à Zadar, Gospic, et

  2   Sibenik, car vous avez d'abord l'armée qui entre, qui est suivie par la

  3   police militaire qui assure la sécurité de la ligne du front. Ensuite c'est

  4   la police de base qui suit directement après pour s'occuper de toutes les

  5   missions qui relèvent du travail de la police ordinaire conformément à la

  6   constitution et aux lois en vigueur, à savoir le maintien de l'ordre et de

  7   la paix de la vie et des biens."

  8   Monsieur Granic, est-ce que vous vous souvenez si l'on a discuté de cela, à

  9   savoir de préparer donc les contingents de policiers qui allaient entrer

 10   sur le terrain, après l'armée, après la police militaire ? Est-ce que vous

 11   vous souvenez du chiffre évoqué, du nombre de policiers qui avaient été

 12   évoqués à l'époque qui étaient donc nécessaires pour couvrir ce territoire

 13   ?

 14   R.  C'est exactement le chiffre évoqué par M. Jarnjak, à savoir 3 500

 15   policiers. Ici on indique très clairement que ce sont les policiers qui

 16   viennent du nord et du nord-ouest de Croatie, donc de la partie de la

 17   Croatie qui n'a pas été touchée par la guerre, ce sont des policiers

 18   justement de cette partie-là de la Croatie qui allaient être envoyés dans

 19   ces territoires libérés, au lieu d'envoyer les policiers originaires de ces

 20   territoires, là où il y a eu des souffrances des victimes. Ce n'est pas un

 21   hasard, ce n'est pas un hasard qu'on a envoyé justement les policiers du

 22   nord de la Croatie.

 23   Q.  Mais comme vous l'avez dit, il y a une petite minute de cela, Monsieur

 24   Granic, lorsque le gouvernement croate a été informé du fait qu'il y avait

 25   des crimes qui avaient lieu après l'opération Tempête dans les zones

 26   libérées, le problème des policiers supplémentaires s'est posé, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Oui, c'est exact. Car il était absolument clair que le nombre de

Page 24694

  1   policiers n'était pas suffisant. Car il s'agissait quasiment d'un quart du

  2   territoire croate, qui était un territoire à faible densité, mais le nombre

  3   de policiers était quand même insuffisant. Donc il était absolument évident

  4   que nous avions besoin d'une force de police supplémentaire.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai plus qu'une question à poser, je

  6   pourrais la poser avant la fin de cette audience ensuite nous pourrions

  7   avoir la pause si cela ne vous pose pas de problème.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous nous dites que vous n'avez

  9   plus qu'une question, cela signifie que vous en avez terminé de votre

 10   interrogatoire principal ?

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, non. J'aurais terminé cette partie de

 12   l'interrogatoire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc poursuivez à ce sujet.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 7

 15   du texte croate qui correspond à la page 3 de la version anglaise.

 16   Q.  Vous voyez qu'il est indiqué dans le procès-verbal que vous prenez la

 17   parole lors de cette session gouvernementale. Vous faites référence à la

 18   déclaration de Split, et vous dites, après l'accord de Washington, la

 19   déclaration de Split est très certainement le geste le plus important qui a

 20   été fait pour les affaires étrangères il a créé les conditions pour

 21   l'opération de Grahovo-Glamoc, qui en fait n'a pas donné lieu à de graves

 22   conséquences internationales mais qui a obtenu, si l'on peut dire, l'aval

 23   ou le soutien des Etats-Unis et de l'Allemagne.

 24   Vous dites que les conditions optimales pour la politique étrangère

 25   s'étaient présentées quelques sept jours plus tôt, lorsque Bihac avait été

 26   lourdement attaquée, mais vous indiquez en fait que ce n'était pas la

 27   meilleure époque du fait de la population de Stoltenberg à Genève et du

 28   fait que les Serbes avaient indiqué qu'ils acceptaient cela ainsi que les

Page 24695

  1   mesures prises entre Babic et Galbraith, même si nous savons pertinemment

  2   que ces accords fussent artificiels, mais le fait est qu'il y avait des

  3   pressions exercées qui ont influencé même -- ils ont même été influencés

  4   par Stoltenberg.

  5   Vous mentionnez M. Babic, vous l'avez déjà mentionné. Ce n'est pas la peine

  6   de revenir là-dessus. Mais vous mentionnez, en fait, que du fait de votre

  7   position, vous avez envoyé une lettre au Groupe de contact, à l'Union

  8   européenne, au président Clinton, ainsi que M. Kohl, et à M. Sarinic, et M.

  9   Sarinic a reçu plutôt les ambassadeurs de la Grande-Bretagne. Il y a une

 10   grande réception qui est organisée à 17 heures pour tout le corps

 11   diplomatique. Donc on voit que la diplomatie croate est particulièrement

 12   active, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui. Nous nous sommes adressés à tous les ambassadeurs au premier jour

 14   de l'opération. Moi, j'ai pris contact en tout cas avec au moins 25

 15   ministres des affaires étrangères, pour leur expliquer quelles étaient les

 16   raisons et les objectifs de l'opération. J'ai répété en fait que la

 17   proposition de Stoltenberg -- j'ai indiqué qu'elle avait été acceptée par

 18   les Serbes locaux tout comme l'initiative prise par M. l'ambassadeur

 19   Galbraith d'ailleurs à propos de M. Babic qui en fait M. Babic qui avait

 20   fait -- n'avait qu'aggraver la situation politique internationale, mais

 21   nous, nous expliquons plutôt que cela ne signifiait pas grand-chose et que

 22   Babic n'avait absolument aucune influence sur les Serbes insurgés,

 23   notamment sur l'armée et sur Martic.

 24   Nous savions également qu'ils étaient en train d'accumuler des armes et

 25   qu'ils essayaient justement de temporiser pour pouvoir occuper la zone

 26   protégée des Nations Unies.

 27   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez dit qu'il s'agissait de votre

Page 24696

  1   dernière question avant la pause.

  2   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous allons faire la pause

  4   maintenant, et nous reprendrons à 11 heures.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Juste avant la pause, je voulais, en fait,

  6   demander le versement au dossier de quelques pièces, de cette pièce.

  7   M. MISETIC : [interprétation] C'est pour cela que je souhaitais intervenir

  8   pour dire que cette pièce 3D00946 est déjà versé au dossier, et fait

  9   l'objet de la pièce D1634.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Je remercie mon estimé confrère.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire la pause, et nous

 12   reprendrons à 11 heures.

 13   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 16    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions,

 17   j'aimerais soulever quelques questions relatives à la programmation. Dans

 18   un premier temps, je vous dirais que les parties ont été consultées au

 19   sujet de la semaine prochaine, donc nous devions siéger l'après-midi. Nous

 20   avons demandé si nous pouvions siéger le matin, il s'agit du mercredi 25

 21   novembre, cela est réglé, et le résultat est que nous siégerons donc le

 22   matin.

 23   Puis la Chambre a été informée du fait que la Défense de M. Cermak

 24   souhaiterait également pouvoir siéger le matin, jeudi 26 novembre, et nous

 25   allons donc étudier la question. Si l'un ou l'autre des parties ont des

 26   problèmes à ce sujet, est-ce que vous pourriez en informer soit la Chambre,

 27   soit le Juriste de la Chambre ou alors le représentant du Greffe ? 

 28   Nous avons également quelques problèmes pour ce qui est d'après ce que je

Page 24697

  1   crois comprendre, la déposition ou la programmation de la déposition du

  2   témoin. Maître Mikulicic, est-ce que vous pourriez nous dire quel est le

  3   point de la situation maintenant; est-ce que vous êtes dans les temps ?

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre aimerait faire remarquer

  6   qu'il y a quand même certains éléments de preuve qui sont présentés, au

  7   sujet desquels la Chambre se demande dans quelle mesure il existe un litige

  8   à propos de la présentation desdits moyens de preuve. Alors je ne suis pas

  9   en train de vous dire qu'il s'agit d'éléments de preuve non pertinents,

 10   mais dans une certaine mesure, ils sont assez répétitifs, qui plus est ne

 11   semblent pas faire l'objet de beaucoup de litige.

 12   Donc j'aimerais demander aux parties de ne pas perdre de vue cet élément.

 13   Je m'adresse non seulement à la Défense mais également à l'Accusation, qui

 14   prépare son contre-interrogatoire, qui doit durer quand même un certain,

 15   pour ce qui est de ce témoin.

 16   Alors il se peut que l'on souhaite amener à se demander si le témoin

 17   pourrait rentrer chez lui avant le week-end. Cela semble être une question

 18   assez sérieuse. La Chambre s'est demandée, ou en tout cas la suggestion qui

 19   a été présentée est que la Chambre voit si l'on pourrait peut-être trouver

 20   du temps cet après-midi. Mais d'après ce que je crois comprendre, cet

 21   après-midi, cela vous pose des problèmes, Monsieur Waespi.

 22   M. WAESPI : [interprétation] C'est exact.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est toute l'après-midi qui vous pose

 24   problème ?

 25   M. KEHOE : [interprétation] Moi, j'ai un problème également cet après-midi.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour toute l'après-midi.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Ecoutez, vous me croirez si vous le voudrez,

 28   mais je dois me présenter à un tribunal à 15 heures, il s'agit d'un

Page 24698

  1   tribunal aux Etats-Unis, donc je dois le faire par vidéoconférence. Je ne

  2   sais pas combien de temps va durer. Mais je dois être présent à 15 heures,

  3   heures locales, heures de La Haye.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela semble quand même susciter pas

  5   mal de problème. Qu'en est-il de la situation pour demain après-midi. Je ne

  6   sais pas s'il y a des salles d'audience qui seront à notre disposition,

  7   mais j'essaie tout simplement de voir si nous pouvons en fait nous trouver

  8   une solution pour le témoin qui doit repartir.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Ecoutez, il y a une possibilité peut-être que

 10   nous en serons davantage pour demain pour la disponibilité des salles

 11   d'audience. Mais j'ai cru comprendre que l'affaire Prlic ne siègerait pas

 12   demain après-midi. Donc nous pourrions bien entendu siéger dans la salle

 13   d'audience qui a été prévue pour eux. Mais cela bien entendu, si cette

 14   décision est prise cet après-midi, à propos de demain après-midi.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il y a la question de la

 16   disponibilité des salles d'audience, il y a également la question de la

 17   disponibilité des Chambres, des Juges et des parties.

 18   J'aimerais savoir si vous souhaitez intervenir à propos de cette idée donc

 19   qui consisterait à siéger demain après-midi, demain étant le 19 ? Alors,

 20   bien entendu, nous ne savons pas si nous pourrons terminer la déposition --

 21   le témoignage du témoin, cette semaine, parce que cela dépend également de

 22   la durée qui sera prise par les autres équipes de la Défense et pour le

 23   contre-interrogatoire de l'Accusation. Je ne sais pas s'il y a -- après ce

 24   que vous avez entendu jusqu'à présent, vous allez vous en tenir à vos

 25   estimations, Maître Misetic.

 26   M. MISETIC : [interprétation] J'avais envoyé un courriel pour dire que je

 27   prévoyais trois heures, ou légère -- ou un peu plus de trois heures. Je

 28   sais que j'ai utilisé le mot audience donc j'avais dit que j'aurais besoin

Page 24699

  1   de trois audiences, trois séances plutôt, mais étant donné que la troisième

  2   séance est en général plus courte d'une demi-heure que les deux premières

  3   séances, moi, je faisais référence à la première séance du matin, et à

  4   celle du milieu. Donc voilà ça nous donne trois heures environ.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il de vous, Monsieur Waespi ?

  6   M. WAESPI : [interprétation] Oui, bien entendu, je referai le point de la

  7   situation à la fin de l'interrogatoire principal du témoin. Mais je vais

  8   m'évertuer de m'en tenir aux éléments essentiels lors de mon contre-

  9   interrogatoire, les éléments les plus pertinents.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me tourne vers la défense de M.

 11   Cermak.

 12   M. KAY : [interprétation] Pour le moment, nous avions prévu une séance mais

 13   tout dépend de ce que dira Me Misetic qui vous intervenir avant moi pour

 14   son contre-interrogatoire parce que je pense ou je prévois qu'il y a une

 15   convergence en fait de thèmes entre Me Misetic et moi-même.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il est trop tôt pour savoir ce

 17   qu'il en est. Nous envisagerons la possibilité de siéger demain après-midi,

 18   demain étant le 19 donc et puis j'aimerais également plus tard aborder une

 19   autre question. Il s'agit en fait des questions relatives à l'article 92

 20   bis pour la défense de M. Cermak et le bureau du Procureur.

 21   Combien de temps est-ce que je devrais réserver pour cela ?

 22   Mme HIGGINS : [interprétation] Moi, j'aurais besoin d'environ dix minutes

 23   car je souhaiterais vous présenter la chronologie du problème.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous, Monsieur Waespi.

 25   M. WAESPI : [interprétation] J'aurais besoin de cinq minutes pour répondre.

 26   Bon, évidemment, maintenant, je ne sais pas ce que ma consœur va dire.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, bien entendu que non. Donc nous

 28   réserverons un quart d'heure à la fin de l'audience d'aujourd'hui.

Page 24700

  1   Est-ce que l'on pourrait faire entrer le témoin dans le prétoire à nouveau.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] En attendant que le témoin n'entre dans le

  3   prétoire et pour en venir au document qui avait été annoncé comme le

  4   document D1634, il avait été dit que ce document avait déjà été versé au

  5   dossier. Il semblerait qu'en fait c'est une cote qui a trait à un autre

  6   document, donc le document 3D00964 ne correspond pas au document D1634. Le

  7   document D1634 est un document qui présente -- la 250e Session du

  8   gouvernement de la République de Croatie alors que ce document-ci est le

  9   procès-verbal de la 265e Session du gouvernement ou séance du gouvernement.

 10   Donc il semblerait qu'il y ait une confusion qui règne.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, c'est vous qui avez

 12   suggéré la cote et le versement au dossier de ce document.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Ecoutez, je vais vérifier mais je suis assez

 14   sûr que la teneur est plus ou moins la même d'où ma confusion mais je vais

 15   vérifier tout cela.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie, vérifiez.

 17   Entre-temps, Maître Mikulicic, vous pouvez poursuivre.

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   J'aimerais demander à M. le Greffier d'afficher la pièce 3D00962. Il s'agit

 21   d'un autre document qui ne figure pas sur notre liste 65 ter et j'aimerais

 22   demander à la Chambre l'autorisation de l'inclure sur la liste.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que je vous avais déjà donné

 24   cette autorisation, Maître Mikulicic, poursuivez.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci.

 26   Alors à la page 2 de la version anglaise, nous entendons l'intervention de

 27   M. Susak. Il s'agit de la page 5 pour la version B/C/S.

 28   Q.  Donc, Monsieur Granic, cela correspond à l'intercalaire 26 de votre

Page 24701

  1   classeur, et nous voyons que M. Susak dit ce qui suit lors de cette session

  2   du gouvernement, session du 7 août 1995 :

  3   "Pour ce qui est de la politique d'Etat et du plan d'action, il s'agissait

  4   en fait de quadriller le territoire en évitant les zones résidentielles

  5   afin que et c'est l'espoir qui était exprimé que ces citoyens de Croatie se

  6   rendent et soient ainsi inclus dans le cadre juridique constitutionnel de

  7   la République de Croatie."

  8   J'aimerais savoir si cette intervention de M. Susak est conforme à la

  9   politique d'Etat dont vous étiez informé à l'époque.

 10   R.  Oui. C'était tout à fait les objectifs, et l'objectif de l'opération,

 11   en tant que ministre des affaires étrangères, je ne connaissais pas les

 12   détails de l'opération militaire et je n'avais pas besoin de les connaître

 13   d'ailleurs. Mais pour ce qui est de l'objectif dont fait état M. Susak, je

 14   dois dire que c'est un objectif que je connaissais bien.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la page

 16   4 de la version anglaise ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, moi, je n'avais pas encore

 18   trouvé l'extrait que vous avez cité.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] -- Monsieur Susak.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'abord nous avons vu trois lignes au

 21   bas de la page, il s'agissait de trois lignes attribuées à M. Susak

 22   effectivement. Puis ensuite maintenant où est-ce que nous trouvons la

 23   citation que vous avez faite ?

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] A la page 2 au bas de la page 2. Vous voyez

 25   qu'il est question de M. Susak et vous voyez que c'est M. Susak qui

 26   s'adresse à --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un petit moment.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors dans la version croate, il s'agit de

Page 24702

  1   la page 2 et c'est la page 6, où se trouve le discours de M. Susak -- ah

  2   non, c'est la page 3 -- pardon, c'est la page 3 de la version anglaise.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vérifier cela. Cela commence à

  4   la page 11 de la version anglaise; c'est la première page d'un document de

  5   26 pages dans le prétoire électronique.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Il faudrait que ce soit la page 3, le haut

  7   de la page 3.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le haut de la page 3 dans le système

  9   électronique ?

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, dans la version anglaise.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vais retrouver ou essayer de

 12   retrouver la citation que vous avez lue.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Il y est question de la politique d'Etat.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la page qui est

 15   affichée à l'écran, quatrième ligne à partir du bas.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, c'est la phrase qui commence par :

 17   "Conformément aux politiques de l'Etat…"

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, oui, je vois qu'effectivement,

 19   cela correspond à la citation dont vous avez donnée lecture, et je pense

 20   que vous aviez dit : "Quadriller le territoire alors qu'il est question de

 21   disséquer le territoire…" -- mais enfin, j'ai trouvé la citation.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Alors j'aimerais demander à M. le Greffier de bien vouloir afficher la page

 24   4 de la version anglaise où nous voyons que M. Granic prend la parole. Vous

 25   dites, Monsieur Granic, que :

 26   "La décision politique qui consistait à lancer une action policière

 27   et militaire a été prise après l'échec des négociations menées pendant

 28   quatre ans avec les Serbes de Croatie dans les zones occupées après l'échec

Page 24703

  1   de la FORPRONU et de l'ONURC pour ce qui est d'exercice de leur mandat et

  2   afin d'aider Bihac qui était en fait mise en danger à la fois par les

  3   Croates et les Serbes de Bosnie."

  4   C'est ce que vous avez dit lors d'une session du gouvernement, n'est-ce pas

  5   ?

  6   R.  Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Mikulicic. Il n'empêche

  8   que je reviens sur votre citation. Je dois dire qu'il y a vraiment des

  9   divergences importantes entre la traduction officielle, et puis vous avez

 10   fait référence à "ceux qui nous avaient fait faire fausse route pendant une

 11   période de quatre ans." Enfin, je ne sais pas d'où vient un problème. Je

 12   n'ai pas consulté l'original, mais ce que vous avez lu apparemment un ou

 13   deux mots ne correspond pas à ce que nous voyons dans la traduction

 14   anglaise --

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous faites

 16   référence au texte qui commence par : "La décision politique qui consistait

 17   à lancer une action militaire et policière." C'est à cette partie du texte

 18   que vous faites référence, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, on m'a dit que je trouverais

 20   votre citation sur la page qui commence par : "Conformément aux politiques

 21   de l'Etat." C'est ce que j'avais trouvé.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais ça c'était la citation précédente.

 23   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors que maintenant je cite un discours de

 25   M. Granic --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, moi, je fais référence à la

 27   page 42, qui commence à la ligne 4. Vous avez apparemment cité les propos

 28   de M. Susak; j'en suis toujours à cette citation, et voilà ce que vous avez

Page 24704

  1   lu :

  2   "Conformément au politique de l'Etat, le plan d'action consistait à

  3   quadriller le territoire et à éviter les zones résidentielles, parce que

  4   l'on espérait que ces citoyens de la Croatie se rendraient."

  5   Alors maintenant si je consulte le document, voilà ce que je trouve :

  6   "Conformément à la politique de l'Etat, l'opération était censée disséquer

  7   le territoire sans pour autant toucher aux localités peuplées, dans

  8   l'espoir que les citoyens de la Croatie à qui l'on avait fait faire fausse

  9   route pendant ces quatre dernières années."

 10   Alors vous voyez que les dix derniers mots n'apparaissent absolument pas

 11   dans la citation que vous nous avez donnée.

 12   Alors il se peut qu'il s'agisse d'un problème de traduction.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. C'est le cas, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si c'est le cas, il y a quand même

 15   un certain nombre de mots qui ne nous ont pas été traduits. Si tel est le

 16   cas, nous allons laisser cela de côté pour le moment. Si cela doit être

 17   corrigé, bon, cela a été corrigé maintenant. Mais je pense que vous

 18   pourriez considérer cela comme une incitation à parler un peu moins vite

 19   lorsque vous lisez.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le

 21   Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Granic, Vous faites référence aux pressions des médias lors de

 25   votre intervention et vous dites qu'il avait été dit que l'on avait tiré

 26   sur des colonnes et que toute opération était une vaste opération de

 27   nettoyage ethnique et que les chiffres avaient été manipulés et que donc il

 28   y avait de plus en plus de félicitations car il avait été dit que cette

Page 24705

  1   opération était censée régler également les problèmes en Bosnie.

  2   R.  Oui, tout à fait. Parce qu'à l'époque, il y avait des pressions, les

  3   pressions des médias, on avait commencé à mentionner les termes de

  4   nettoyage ethnique, indépendamment du fait d'ailleurs que les Serbes

  5   étaient partis de leur propre chef ou d'une façon qui avait été planifiée

  6   par leur dirigeant. Je pense plus particulièrement à la période qui va

  7   jusqu'au 7 août 1995. Il n'y a pas eu d'objection sérieuse soulevée vis-à-

  8   vis de notre opération jusqu'à ce moment-là, à l'exception d'un grief, il

  9   avait été dit que l'on avait ouvert le feu sur une colonne. Ce que nous

 10   n'avons pas accepté d'ailleurs, nous avons rejeté cette idée.

 11   Pour ce qui est d'une évaluation politique, la plupart des personnes qui

 12   avaient exprimé leurs satisfactions avec les résultats de l'opération,

 13   l'ont fait. Parce que cela permettait d'ouvrir de nouvelles voies pour

 14   envisager la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine ainsi que la création

 15   ou la mise au point d'une paix durable. Bien entendu, il est inutile de

 16   dire, que Bihac avait également été sauvé.

 17   Q.  Alors après cela, à la page 5 du texte anglais, vous dites que le

 18   président Tudjman a invité les citoyens d'appartenance ethnique serbe à

 19   rester et à accepter également la loi relative à l'amnistie, à rendre leurs

 20   armes, et vous avez dit ensuite le gouvernement avait fait ce qu'il fallait

 21   faire "par conséquent" et c'est votre conclusion :

 22   "…nous avons fait tout ce que nous pouvions faire pour faire en sorte que

 23   la population serbe reste chez elle, et nous allons également inviter tous

 24   ceux qui n'ont pas violé les normes du droit international de la guerre, à

 25   savoir ceux qui n'ont pas commis de crime de guerre, à revenir."

 26   Monsieur Granic, il s'agissait d'une séance du gouvernement qui a eu lieu

 27   le 7 août. J'aimerais savoir si, à la fin de l'opération Tempête -- après

 28   l'opération Tempête, vous aviez toujours le même sentiment.

Page 24706

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 24707

  1   R.  Ecoutez, oui, tant que l'opération Tempête était en cours c'est ce qui

  2   s'est passé, et il en allait de notre intérêt stratégique absolu de faire

  3   en sorte que la population serbe qui souhaitait rester puisse rester à

  4   condition bien entendu qu'elle n'ait pas commis de crime de guerre, donc

  5   ceux qui voulaient rester à la fin, après la fin de l'opération Tempête, et

  6   après, bien entendu, la libération de ces zones pouvaient le faire, bon, il

  7   y avait quand même une partie de la population serbe qui était partie, soit

  8   en République fédérale de Yougoslavie, soit en Republika Srpska.

  9   Donc il était assez clair que, pour ce qui était des ressortissants

 10   d'appartenance ethnique serbe qui étaient réfugiés, ils allaient être

 11   traités -- nous allions les traiter conformément au droit international et

 12   aux conventions internationales et aux expériences du HCR.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander, Monsieur le Président,

 14   qu'une cote soit attribuée à ce document.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 16   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela va devenir la pièce D1813.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

 20   J'aimerais poser une question.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous venons de nous rendre compte que le

 22   document précédent n'est pas le document D1634. Il s'agit d'un document

 23   tout à fait différent.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il faut lui accorder une cote,

 25   n'est-ce pas

 26   Maître Misetic.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Pour que tout soit bien clair, le

 28   document D1634 contient, dans sa page 5, un élément que l'on retrouve dans

Page 24708

  1   le document 3D00. D'où la confusion. Alors je ne sais pas comment la

  2   Chambre souhaite procéder; il se trouve que la pagination est tout à fait

  3   différente pour ce qui est du passage qui a été présenté au témoin,

  4   j'entends.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il serait plus judicieux de

  6   lui attribuer une nouvelle cote, parce que, sinon, je pense qu'on risque --

  7   cela risque de prêter davantage à confusion.

  8   Donc, Monsieur le Greffier, est-ce que vous pourriez répéter la cote 3D ?

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce 3D00964, qui

 10   devient la pièce D1814.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1814 est versée au dossier.

 12   Monsieur Granic, j'ai une question à vous poser : cette réunion, du 7 août,

 13   bon, en fait, ce que vous nous dites fondamentalement c'est : "Nous voyons

 14   que les Serbes restent." C'est ça -- c'est cela le fond, l'essence même du

 15   document ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A ce moment-là, oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se trouve que cette Chambre a reçu

 18   des éléments de preuve, et je ne vais pas tout vous révéler mais -- tout

 19   évalué maintenant, mais la Chambre a entendu comme je vous le disais des

 20   personnes dire que toutes les personnes, qui étaient parties ou qui étaient

 21   déjà parties à cette époque-là, ne représentaient peut-être pas 100 %, mais

 22   il faut savoir qu'une grande majorité des Serbes étaient déjà partis, le 7

 23   août, ou ils étaient en partance.

 24   Alors comment est-ce que je dois comprendre le message, votre

 25   message, dans lequel vous dites : "Que les Serbes doivent rester," s'ils ne

 26   sont pas déjà partis, comment est-ce que l'on doit interpréter cela ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la majorité était partie, Monsieur

 28   le Président. C'est exact. Toutefois il faut savoir qu'il y en a eu qui ont

Page 24709

  1   été ralentis dans la partie nord du territoire. Donc il me semblait logique

  2   d'envoyer un message à ces personnes qui n'étaient pas encore parties, mais

  3   il est vrai de dire que la majorité était partie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez de la partie nord du

  5   territoire, donc de quel territoire parlez-vous exactement ? Est-ce que

  6   cela inclut le secteur sud, le bas du secteur sud -- ou plutôt, la partie

  7   nord du secteur sud ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est ce qu'on a appelé

  9   essentiellement le secteur nord, la zone protégée par les Nations Unies.

 10   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'en fait, dans cette zone, l'opération

 12   a été ralentie. Il y a un corps entier qui s'était rendu, et c'est la

 13   raison pour laquelle nous envoyons justement ce type de message, parce

 14   qu'il y avait encore la possibilité qu'une partie de la population serbe

 15   reste.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'à l'époque, vous pensiez à

 17   ceux qui n'étaient pas encore partis du territoire de la Croatie, n'est-ce

 18   pas ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait exact, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Mikulicic.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Je voudrais demander au greffe de bien vouloir afficher le document

 24   3D00961.

 25   Q.  C'est un document qui est dans votre classeur, Monsieur Granic, à

 26   l'intercalaire numéro 30. Alors comme nous allons le voir, il s'agit d'un

 27   procès-verbal de la 261e Session du gouvernement en date du 23 août 1995.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais qu'on passe immédiatement en

Page 24710

  1   page 10 du texte anglais, correspondant à la page 5 de l'original. On y

  2   fait état de la discussion à laquelle a participé le Dr Jure Radic et des

  3   paroles qu'il a prononcées.

  4   Q.  Donc le Dr Jure Radic parle ici, on peut le voir indiqué à la page

  5   précédente. Il dit ici, au paragraphe numéro 2 du texte anglais, je cite :

  6   "Deuxièmement, aussi bien le président que le premier ministre et, nous

  7   tous, nous n'avons eu de cesse de souligner et d'appeler en fait la

  8   population serbe, qui est constituée de citoyens croates de cet état de

  9   rester dans zones où ils habitaient. Mais il faut souligner que nombreux

 10   d'entre eux ont été chassés par les mêmes agresseurs qui ont expulsé les

 11   Croates de ces territoires libérés."

 12   Alors, plus loin, le Dr Radic parle de la majorité des maisons croates qui

 13   ont été détruites, notamment à Kijevo, Lovinac, Skabrnja, Polaca et Sveti

 14   Rok. Il parle de maisons qui appartenaient aux citoyens croates de ce

 15   territoire. Il parle - entre guillemets - "de maisons croates," pour dire

 16   ensuite, je cite :

 17   "Je voudrais dire qu'en mon nom personnel, et certainement également au nom

 18   de l'état-major et du gouvernement dans son intégralité, je voudrais

 19   prendre une certaine réserve, me distancier des individus -- je voudrais me

 20   distancier très nettement des individus qui sont à l'origine -- me

 21   distancier de ces situations individuelles de destruction de biens, de

 22   biens croates, biens qui sont appartenus à des Serbes."

 23   Et qui se sont produits au cours de ces derniers jours, peut-être la

 24   semaine dernière, peut-être que cela s'est produit à grande échelle, et

 25   cela est peut-être visible. Mais je voudrais demander au gouvernement de

 26   prendre des décisions très précises concernant cela, notamment le ministère

 27   de l'Intérieur. Je ne sais pas si le ministère de la Défense a compétence

 28   pour que ce type de discussion puisse être empêchée et que pour les auteurs

Page 24711

  1   de ces crimes puissent être punis.

  2   Alors, Monsieur Granic, cela s'est produit le 23 août, donc le gouvernement

  3   a été manifestement informé d'actes illégaux commis et il a été discuté

  4   pendant cette séance du gouvernement, de cette proposition du Dr Jure

  5   Radic, adressée au ministère de l'Intérieur, au ministère de la Défense,

  6   selon cette proposition, ces derniers devaient être un peu davantage

  7   impliqués dans la prévention des crimes.

  8   Alors selon le souvenir que vous avez de cette période, est-ce que vous ou

  9   plutôt qu'est-ce que le gouvernement a fait du point de vue politique et à

 10   l'échelon diplomatique de ce point de vue ?

 11   R.  Je dois dire que cette semaine-là, nous avons reçu pour la première

 12   fois des éléments d'information sérieux, crédibles provenant du terrain,

 13   selon lesquels de nombreux incidents criminels s'étaient produits. Le Dr

 14   Jure Radic les a justement qualifiés de crimes, il s'agissait de crimes qui

 15   étaient commis y compris du côté croate et qui étaient très dommageables

 16   pour le gouvernement croate ainsi que pour la crédibilité de la Croatie

 17   dans son ensemble. D'autre part, les proportions de ces destructions

 18   étaient très importantes.

 19   Le ministère de l'Intérieur a été chargé d'entreprendre toutes les mesures

 20   nécessaires pour mettre un terme à ce processus négatif et dommageable.

 21   Concrètement cela signifie que le ministère de l'Intérieur a reçu l'ordre

 22   aussi bien du gouvernement ou plutôt l'instruction aussi bien du

 23   gouvernement que du président Tudjman, lui indiquant qu'il s'agissait

 24   d'augmenter les effectifs de la police; et à cette époque déjà, aussi on a

 25   procédé de façon accélérée à la démobilisation. Il me semble qu'en deux

 26   mois, on est passé de 190 000 soldats à pratiquement 50 000. Il s'agissait

 27   d'un processus de démobilisation accélérée, bien entendu, une partie des

 28   effectifs de l'armée de soldats donc professionnels s'est rendue en Bosnie-

Page 24712

  1   Herzégovine conformément aux termes de l'accord de Split, et de l'opération

  2   de paix américaine -- ou plutôt, conformément aux objectifs de l'initiative

  3   de paix américaine. On a également lancé à l'époque une campagne dans les

  4   médias visant à souligner le fait que rien n'était dissimulé, de ce qui

  5   s'était passé, de ce qui se passait sur le terrain.

  6   De plus, nous accordions des autorisations à tous les observateurs qui

  7   souhaitaient se rendre sur place, sans chercher à en empêcher qui que ce

  8   soit. Parce que indépendamment du caractère dommageable de tous ces

  9   événements et indépendamment du fait que tout cela était très douloureux

 10   pour nous, indépendamment de tous les rapports tendancieux qui pouvaient

 11   être rédigés à ce sujet, nous souhaitions que tout un chacun de la

 12   communauté internationale puisse se rendre sur place, et rendre compte.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je voudrais que vous

 14   preniez garde dans les citations que vous faites, qui parfois disparaissent

 15   de l'écran et que donc nous n'avons plus sous nos yeux.

 16   Il me semble également qu'est-ce que l'on voit s'afficher dans

 17   l'original n'a rien à voir avec ce qui s'affiche en anglais. Donc je vous

 18   prie de bien vouloir faire attention, pour les personnes qui suivent nos

 19   débats en B/C/S, cela entraînera immanquablement une certaine confusion

 20   pour eux. Veuillez donc faire bien attention à ce que nous ayons toujours à

 21   l'écran ce sur quoi vous interrogez le témoin.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] J'y vieillerais, Monsieur le

 23   Président.

 24   Alors pourrons-nous maintenant passer à la page 21, du texte en

 25   anglais; c'est la page 32 du texte en croate.

 26   Q.  Alors ce que nous voyons dans le début de la page qui s'affiche à

 27   l'écran, c'est une discussion qui commence quelques pages plus tôt donc les

 28   propos de M. Misetic -- Bosiljko Misetic. Alors qu'elle était sa fonction à

Page 24713

  1   l'époque ?

  2   R.  Il était le vice premier ministre en charge des Affaires intérieures,

  3   de la politique intérieure.

  4   Q.  Alors, M. Misetic dit - c'est au début - je cite :

  5   "L'Etat croate a fait preuve de sa bonne volonté à l'égard de  ce site et

  6   de son désir qu'ils soient des citoyens de la Croatie, ce qui signifie et

  7   présuppose qu'une protection sera accordée à chaque citoyen croate du point

  8   de vue de ses droits de l'homme et de ses autres droits aux moyens de tous

  9   les instruments nécessaires -- tous les instruments juridiques nécessaires,

 10   et conformément aux dispositions actuelles de la constitution, et notamment

 11   de la loi constitutionnelle sur les droits des groupes ethniques.

 12   "Chaque citoyen de la République de Croatie a eu l'occasion et

 13   aujourd'hui encore a l'occasion d'être -- d'adhérer à la citoyenneté de

 14   l'Etat croate. Etre citoyen cela sous-entend également le bénéfice de

 15   certains droits et le fait de s'acquitter de certains devoirs. Le minimum

 16   que l'on exige d'eux est qu'ils acceptent l'existence d'un Etat croate.

 17   Chaque Serbe qui est parti a eu l'occasion et l'Etat croate lui fournit une

 18   nouvelle fois cette occasion d'être citoyen de l'Etat croate. Ceux qui ne

 19   le souhaitent pas peuvent faire ce choix de par leur propre volonté

 20   politique."

 21   Alors, Monsieur Granic, était-il nécessaire d'être en possession de

 22   certains documents pour être citoyen de la République de Croatie ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pouvez-vous dire quelles sont les mesures que l'Etat croate a

 25   entreprise afin que la population des territoires libérés qui étaient

 26   restés dans les zones en question puissent avoir délivré des papiers d'ID,

 27   les papiers nécessaires, et nous pouvons voir, à partir de ces documents,

 28   qu'il s'agissait avant tout de personnes âgées, n'est-ce pas ?

Page 24714

  1   R.  Pour ceux qui sont restés sur place, il s'agissait avant tout de

  2   personnes âgées, nous avons eu quelques difficultés également en raison de

  3   l'état du cadastre et des registres d'état civil dans de nombreuses

  4   municipalités. Ces registres avaient tout simplement été emportés par la

  5   population serbe qui a quitté le territoire suite à l'opération Tempête.

  6   Donc indépendamment de la disparition de ce registre, ces personnes

  7   pouvaient immédiatement se voir accorder la citoyenneté croate. Il y a eu

  8   aussi une opération humanitaire visant à venir en aide aux populations qui

  9   étaient restées sur place. C'était une opération à part.

 10   Quand je parle d'assistance humanitaire, cela signifiait à leur fournir une

 11   aide médicale, des services sociaux, des services de santé et également

 12   leur délivrer des documents. Tout cela était organisé et planifié de façon

 13   très précise.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé.

 15   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le

 18   document reçoit la cote D1815.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 20   Je voudrais juste demander une précision concernant la citation que vous

 21   avez faite : 

 22   "Tout citoyen de la République de Croatie a eu et bénéficie toujours de

 23   l'opportunité de devenir un citoyen croate."

 24   C'est la citation au sujet de laquelle je voudrais vous demander, Monsieur

 25   Granic, ce que signifie cette ligne, que donc si vous êtes un citoyen

 26   croate vous avez l'opportunité de devenir un citoyen croate; qu'est-ce que

 27   cela veut dire ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout simplement, tout citoyen appartenant au

Page 24715

  1   groupe ethnique serbe, qui se trouvait sur le territoire occupé, avait le

  2   droit de devenir un citoyen croate, mais il n'a pas fait usage de ce droit.

  3   Tout simplement et en pratique, ils avaient la citoyenneté de la République

  4   fédérative de Yougoslavie. Mais compte tenu de leur naissance en Croatie,

  5   ils avaient le droit de devenir citoyen croate et ultérieurement tous ceux

  6   qui ont souhaité le devenir, et ont vu leurs demandes couronnées de succès.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors quand on dit "tout

  8   citoyen," cela signifie tout habitant appartenant au groupe ethnique serbe

  9   né sur le territoire de la Croatie, n'est-ce pas ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc tout citoyen réunissant ces

 12   conditions a la possibilité de devenir un citoyen croate ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors précédemment, je vous ai posé une

 15   question sur le retour dans la configuration où il ne restait plus aucuns

 16   membres de la famille en question sur place.

 17   Or comment peut-on consigner ces deux éléments ? D'une part, il y a eu un

 18   programme qui a dû être conçu, mis au point, et vous avez dit que cela a

 19   pris deux ans et demi. Vous avez qualifié cette période de temps comme

 20   étant courte; alors que, maintenant, nous avons un passage qui nous suggère

 21   qu'à partir du moment où vous êtes né sur le territoire de la République de

 22   Croatie, il vous suffit de demander la citoyenneté croate et vous pouvez

 23   revenir sur place.

 24   Alors comment dois-je comprendre votre réponse précédente par rapport à

 25   cette question ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

 27   Président. Les Serbes, qui sont restés sur le territoire de la République

 28   de Croatie, pouvaient se voir accorder immédiatement la citoyenneté croate,

Page 24716

  1   et on a fourni une assistance notamment pour ce qui était des personnes

  2   âgées afin qu'elles puissent recevoir ce statut dès que possible. Les

  3   Serbes de Croatie, qui ont quitté les territoires occupés, sont devenus des

  4   réfugiés. Pour ceux d'entre eux qui étaient également des citoyens de la

  5   République fédérative de la Yougoslavie, il nous était nécessaire de

  6   traiter leur cas dans le cadre de ce plan consacré au retour des réfugiés.

  7   Donc nous devions travailler, d'une part, au problème de la délivrance des

  8   documents, et d'autre part, à la question du retour. Nous avons inclus tout

  9   cela dans le plan consacré au retour des réfugiés et tout cela a été conçu

 10   en coopération avec la communauté internationale aussi bien le HCR que le

 11   CICR.

 12   Entre-temps, donc pendant cette période pendant laquelle on a procédé

 13   uniquement au rassemblement familial sur le plan humanitaire, il y a eu

 14   également un très grand nombre de cas qui ont été résolus, qui se sont vus

 15   accorder des réponses positives; mais comme je ne suis pas spécialisé en la

 16   matière, je ne peux pas vous donner de chiffres exacts. Mais si vous

 17   interrogez un spécialiste, vous pourriez sans doute obtenir cette

 18   information.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc pour ceux qui étaient restés en

 20   Krajina, il était possible d'obtenir très rapidement le statut de citoyen

 21   croate, mais ceux qui étaient partis étaient confrontés à deux problèmes :

 22   tout d'abord, obtenir les documents nécessaires leur permettant de

 23   recouvrer -- ou plutôt, d'obtenir pour la première fois la citoyenneté

 24   croate; mais est-ce que cela n'impliquait qu'ils pouvaient revenir

 25   immédiatement ? Vous nous avez dit que le retour en masse devait être

 26   préparé par des accords préalables et que cela a pris environ deux ans et

 27   demi. Vous nous avez dit que, malgré tout, dans certains cas individuels,

 28   il y a eu des personnes qui ont pu revenir.

Page 24717

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Il y a eu

  2   un grand nombre de cas individuels de cette sorte parce que, s'ils

  3   disposaient de garant ou de lettre attestant que leurs familles pouvaient

  4   les accueillir en Croatie, cela faisait l'objet d'une résolution très

  5   rapide.

  6   De plus, la communauté internationale intervenait également, si bien

  7   qu'il y a eu un procès sus continu et intense de retour; cependant, cela

  8   n'a pris de l'ampleur, cela n'est passé à une vitesse supérieure qu'à

  9   partir du moment où le plan et le programme du retour a été mis en place.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça se réfère à votre réponse précédente

 11   en effet, merci.

 12   Continuez.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation]

 14   Q.  Restons-en à ce sujet encore un peu, Monsieur Granic, bien que vous ne

 15   soyez pas un spécialiste en la matière, je reviens à la question de M. Le

 16   Président.

 17   Après que la Croatie en 1991 est devenue un Etat indépendant, est-il

 18   exact de dire que tous les citoyens croates, indépendamment de leur

 19   appartenance ethnique étaient censés faire des démarches pour obtenir de

 20   nouveaux papiers d'identité, afin d'obtenir les papiers qui étaient

 21   délivrés par le nouvel Etat ?

 22   R.  Oui, et cela concernait tout le monde, aucune distinction n'était

 23   faite, dès le début aucune distinction n'a été faite. Nous aurions été très

 24   heureux que les Serbes se trouvant dans les territoires occupés, si ces

 25   Serbes se trouvant dans les territoires occupés avaient aussi demandé que

 26   leur soient délivrés ces nouveaux documents d'identité.

 27   Q.  Cependant, les Serbes qui vivaient sur le territoire -- sur le

 28   territoire de la Krajina serbe ne pouvaient pas matériellement se voir

Page 24718

  1   délivrer des documents d'identité croate parce qu'ils n'avaient aucun point

  2   de contact avec les autorités croates, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, tout à fait car en terme simple les Serbes dans les territoires

  4   occupés et leurs représentants étaient disposés lors des négociations à

  5   aborder les questions de nature économique, et ce, sous la pression de la

  6   communauté internationale. Mais ils n'étaient absolument pas disposés à

  7   aborder quelque politique que ce soit, notamment la question de

  8   réintégration de ce territoire dans le cadre de la République de Croatie.

  9   Alors il y a eu des cas individuels de personnes qui ont approuvé cette

 10   idée, mais cela ne s'est jamais produit à grande échelle.

 11   Q.  Alors nous allons revenir sur un élément que vous avez déjà énoncé, un

 12   problème considérable s'est présenté, à savoir que les registres d'état

 13   civil, sur les territoires de la soi-disant Krajina serbe nouvellement

 14   libérée, avaient été emportés par les personnes qui ont quitté ces

 15   territoires ou ils ont été détruits. Il y a eu donc des problèmes sérieux

 16   qui se sont posés quant à l'identification des personnes, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. La plupart des registres ont été emportés. Pour autant que je le

 18   sache, cela n'a pas toujours été le cas, mais la plupart du temps cela a

 19   été le cas.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 21   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que c'est la troisième  question

 22   directrice de suite.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dirais que, pour la journée

 24   d'aujourd'hui mais, Monsieur Waespi, j'ai noté que vous n'avez pas objecté

 25   à la plupart d'entre elles.

 26   Alors, Maître Mikulicic, je me suis demandé pourquoi M. Waespi ne soulevait

 27   pas d'objection.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Parce que c'était évident, Monsieur le

Page 24719

  1   Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'était évident, et si M. Waespi

  3   n'avait pas de désaccord, peut-être s'agit-il de questions qui ne sont pas

  4   vraiment controversées ?

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Je ne sais pas par avance ce sur quoi M.

  6   Waespi sera d'accord ou non.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas le premier jour que nous

  8   entendons cette déposition, donc il serait peut-être bon de clarifier ce

  9   qui est controversé et ce qui ne l'est pas.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je peux vous assurer

 11   que ma seule intention est d'accélérer nos débats, rien d'autre.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je l'espère bien.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Donc, excusez-moi -- bien entendu, excusez-

 14   moi, Monsieur Waespi, également. J'essaierais d'éviter de poser des

 15   questions directrices à l'avenir, notamment lorsque je suis sur le point de

 16   finir mon interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc j'essaie juste d'obtenir des

 18   précisions. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il était

 19   matériellement impossible pour des personnes appartenant au groupe ethnique

 20   serbe, de faire les démarches nécessaires pour obtenir des documents

 21   d'identité croates lorsque ces personnes résidaient d'obtenir des documents

 22   d'identité croates ? Mais est-ce que la même chose était vraie également

 23   pour des citoyens appartement au groupe ethnique croate ?

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi

 25   d'interrompre, mais est-ce que vous vous référez uniquement aux gens qui

 26   vivaient sur le territoire de la Krajina, et non pas à ceux qui vivaient

 27   ailleurs ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela est tout à fait clair pour

Page 24720

  1   moi. Je me réfère également aux Croates qui ont continué à vivre sur le

  2   territoire de ce que l'on désigne communément comme la République de

  3   Krajina serbe; est-ce qu'ils ont rencontré les mêmes difficultés ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai tout à fait

  5   compris votre question. Il est exact de dire que le problème s'est présenté

  6   de façon identique pour les Croates et pour les Serbes. Nous étions heureux

  7   de voir que des Croates de cette région demandaient à obtenir des papiers,

  8   tout comme nous étions heureux de voir que des Serbes de ces régions

  9   faisaient également cette démarche. Pour nous, cela représentait un signe,

 10   et des Serbes étaient en de demander une réintégration pacifique.

 11   Il y a eu des cas individuels dans ce sens, mais pas à grande

 12   échelle, parce que, sur ces territoires occupés, s'exerçait le pouvoir de

 13   Martic et de ses collaborateurs.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc une fois que la République de

 15   Croatie a rétabli son autorité sur le secteur sud et sur ce qui s'était

 16   appelé la République de la Krajina serbe, on s'est trouvé en présence d'une

 17   situation dans laquelle aussi bien les personnes appartenant aux groupes

 18   ethniques serbes que celles appartenant aux groupes ethniques croates se

 19   trouvaient ne pas être enregistrés en tant que citoyens croates, à

 20   l'époque, en tout cas. Donc les Croates devaient s'enregistrer à nouveau et

 21   faire des démarches pour obtenir des documents d'identité, n'est-ce pas ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Ceux qui ne l'avaient pas

 23   fait précédemment, en tout cas. Le nombre de ces Croates n'était pas très

 24   important parce que cette région avait fait l'objet d'un nettoyage ethnique

 25   quasiment total, mais il est exact de dire qu'il s'est présenté un certain

 26   nombre de Croates et de Serbes qui ont dû faire les mêmes démarches.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   Veuillez poursuivre.

Page 24721

  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Monsieur Granic --

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors avant d'avancer je voudrais que l'on

  4   attribue une cote à ce document.

  5   Ah non, excusez-moi, ce document a déjà une cote. Ou bien, peut-être qu'il

  6   n'en a pas. Oui, excusez-moi.

  7   Donc je voudrais que le document puisse être versé à la liste 65 ter dans

  8   un premier temps. Ensuite je voudrais que ce même document, 3D00961 puisse

  9   être versé au dossier.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est déjà une pièce à conviction, si j'ai

 13   bien compris.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez raison, Maître Mikulicic,

 15   il n'est donc pas nécessaire de redemander un versement au dossier. Il

 16   n'est pas nécessaire non plus de redemander un ajout à la liste 65 ter

 17   parce que je crois l'avoir déjà dit, tous les documents qui ne figurent pas

 18   sur la liste 65 ter, si l'autorisation a été donnée par avance d'examiner

 19   sans objection de M. Waespi, on peut procéder de cette manière.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation]

 23   Q.  Donc, Monsieur Granic, nous approchons de la fin de mon interrogatoire.

 24   En tant que personne qui a été présente à ces séances du gouvernement et à

 25   différentes autres réunions. Que ce soit en présence du président Tudjman

 26   ou lors des réunions du Conseil suprême de la sécurité nationale. Est-ce

 27   que vous avez jamais été le témoin d'une réunion au cours de laquelle on

 28   aurait soulevé le problème d'un comportement indu de la part de la police

Page 24722

  1   spéciale ou des unités de cette dernière ?

  2   R.  Non, jamais. Les Unités de la Police spéciale jouissaient d'une grande

  3   estime. Puisque j'étais premier ministre depuis le 3 août 1991, je savais

  4   que les Unités de la Police spéciale, chargées de tâches particulièrement

  5   difficiles, il s'agit d'unité d'élite; et plus tard,également elle était

  6   connue pour être composée d'hommes particulièrement disciplinés et à même

  7   d'exécuter les tâches les plus difficiles.

  8   Q.  Connaissiez-vous personnellement le général Markac à l'époque ?

  9   R.  Oui. Je le connaissais en 1991 en qualité d'une personne tout à fait

 10   honorable et d'une grande moralité qui était à la tête des forces de la

 11   police spéciale et qui jouissait d'une grande estime.

 12   Q.  Avez-vous eu l'occasion de vous entretenir personnellement avec lui ?

 13   R.  Oui, à plusieurs occasions.

 14   Q.  Avez-vous jamais lors de ces entretiens avec le général Markac

 15   remarquer ou entendu qu'il est fait montre de quelque préjugé ou animosité

 16   à l'encontre de la population serbe, plutôt, des citoyens croates

 17   appartenant au groupe ethnique serbe ?

 18   R.  Non, je n'ai jamais rien entendu de tel. Si j'avais -- si tel avait été

 19   le cas j'aurais réagi immédiatement, mais ça ne s'est pas produit.

 20   Q.  Merci, Monsieur Granic, pour ces réponses. Cela conclut mon

 21   interrogatoire principal.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais

 24   juste aux fins du compte rendu d'audience, page 61, ligne 16, le témoin a

 25   dit,me semble-t-il,qu'il était premier ministre adjoint.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il me semble que ça ne fait

 27   pas l'objet du moindre malentendu.

 28   Ensuite donc c'est votre tour, Monsieur Misetic.

Page 24723

  1   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, maintenant c'est M.

  3   Misetic qui va vous poser ses questions dans le cadre de son contre-

  4   interrogatoire et il est ici le conseil de M. Gotovina.

  5   Contre-interrogatoire par M. Misetic : 

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.

  7   R.  Bonjour, Monsieur Misetic.

  8   Q.  Monsieur Granic, je vais parcourir avec vous les événements en nous

  9   concentrant sur le mois d'août 1995, mais tout d'abord.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Je vais citer une pièce à conviction P462,

 11   s'il vous plaît. P456, excusez-moi, Monsieur le Greffier.

 12   Donc, là, vous avez une réunion à laquelle vous avez assistée,

 13   Monsieur Granic, en date du 11 août, ont assisté Gojko Susak, le président

 14   Tudjman, et Jarnjak, et je vais vous demander de lire une portion de ce

 15   document, de me dire comment vous interprétez cela. M. MISETIC :

 16   [interprétation] Cela se trouve à la page 6 en croate, et à la page 3 en

 17   anglais.

 18   Q.  Donc pourriez-vous revoir ce que dit le ministre Jarnjak, le paragraphe

 19   que vous voyez sur l'écran, qui commence par : "De Zagreb, Pupovac a tiré

 20   la sonnette d'alarme," et cetera, et cetera.

 21   Il dit :

 22   "Donc Pupovac a tiré sur la sonnette d'alarme en appelant à tour de bras

 23   pour dire que c'était une vraie catastrophe, et qu'ils sont en train de

 24   tuer des gens, de les assommer, et les passer à tabac. Une femme l'a appelé

 25   et elle a dit que 99 % de Serbes qui passent par Sisak ont été passés à

 26   tabac. C'est vraiment terrifiant, il faut faire quelque chose. Ils ont

 27   appelé tout le monde. Djukic m'a appelé hier. Je n'étais pas là. Mais c'est

 28   probable qu'il a voulu parler de cela aussi. Le Dzakula, cette espèce de

Page 24724

  1   fils de pute, qui pense exactement comme Pupovac, il fait tout ce que

  2   Pupovac lui dit de faire."

  3   Pourriez-vous nous expliquer le contexte ? Pourquoi M. Jarnjak était

  4   perturbé par ce que faisaient M. Dzakula et M. Pupovac ?

  5   R.  M. Jarnjak était le ministre de l'intérieur et il pensait que les

  6   représentants de la communauté serbe, le 11 août, donc à cette époque,

  7   qu'ils exagèrent les problèmes. Comme vous le voyez, ce qu'ils essayaient

  8   de faire c'était -- enfin, ils ont exagéré donc la situation, le problème

  9   par rapport au départ de la population serbe, en disant qu'il y a eu des

 10   attaques sur la population serbe. Le ministre voulait dire qu'ils

 11   exagéraient vraiment, qu'ils noircissaient les tableaux, c'est comme ça que

 12   je l'ai compris et de toute façon c'est la seule façon dont on peut

 13   interpréter cela.

 14   Q.  Donc le ministre Jarnjak était perturbé ou cela le dérangeait parce

 15   qu'il pensait que ce qu'ils disaient qui se passe ne correspondait pas à la

 16   vérité ?

 17   R.  Il est vrai qu'il y a eu des incidents, surtout lors du passage à

 18   travers Sisak. Cependant, il n'y a pas eu d'incident qui entraînait la mort

 19   de qui que ce soit. De toute façon, nous avons pris note de tout cela.

 20   C'était une information qui venait du ministre de l'intérieur et nous avons

 21   pris en compte cela. Quand nous avons pris des décisions quant à la façon

 22   de continuer, d'un côté, il fallait arrêter ces incidents, et de l'autre

 23   côté, il fallait en informer correctement la communauté internationale.

 24   Bien sûr, cette communauté internationale exerçait des pressions

 25   incroyables, en nous disant qu'on faisait du nettoyage ethnique alors que

 26   ce n'est absolument pas vrai. Puisque la population serbe est partie de la

 27   façon organisée, elle a été incitée à partir. Je l'ai dit à plusieurs fois

 28   aujourd'hui, et ceux qui sont partis aussi c'est ceux qui ne voulaient pas

Page 24725

  1   accepter l'Etat croate et ceux qui étaient complètement endoctrinés pendant

  2   les dix dernières années. En tout cas, depuis 97, au moins.

  3   Q.  Pourriez-vous répéter l'année ?

  4   R.  Depuis 1997. Depuis que Milosevic est arrivé au pouvoir.

  5   Q.  Merci.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-il possible de voir

  7   sur l'écran la pièce D1635 ?

  8   Q.  Donc, là, vous voyez que c'est un télégramme chiffré qui vient des

  9   Etats-Unis, et si vous regardez la quatrième ligne vous y voyez une date,

 10   c'est la date du 6 août 1995, c'est quelque chose qui a été envoyé à 15

 11   heures 30.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Veuillez nous montrer la deuxième page, s'il

 13   vous plaît.

 14   Q.  On peut lire :

 15   "Le ministre des affaires étrangères, Mate Granic, a dit à l'ambassadeur

 16   que le gouvernement de la Croatie avec le gouvernement de Bosnie-

 17   Herzégovine vont coopérer du point de vue militaire en Bosnie."

 18   Ensuite à peu près au milieu, on dit :

 19   "Granic a dit que la milice bosno-croate, HVO aidée par l'armée croate,

 20   continuera sa campagne militaire en direction de Drvar, Gornji Vakuf, et

 21   Jajce. Ensuite ils vont s'atteler à pousser l'artillerie serbe le long de

 22   Mostar et de Dubrovnik. Après, ils vont, en consultation -- en accord avec

 23   la communauté internationale et surtout les Etats-Unis, et aider à ouvrir

 24   le corridor de Sarajevo."

 25   M. MISETIC : [interprétation] Maintenant, je vais vous demander de

 26   remontrer la pièce D296, s'il vous plait. Là, c'est le transcript

 27   présidentiel du 7 août, donc c'est quelque chose qui intervient donc le

 28   lendemain du télégramme américain.

Page 24726

  1   La page qui nous intéresse, c'est la page 15 en anglais, et la page 31 en

  2   croate. C'est la page 14 en anglais, excusez-moi. C'est la page précédente

  3   en B/C/S.

  4   Q.  Si vous regardez le milieu de la page en anglais, j'ai du mal à le

  5   retrouver en B/C/S, donc on peut lire :

  6   "Les Américains seraient très intéressés à présent, et c'est pour cela

  7   qu'il est d'une importance vitale que vous vous entreteniez avec

  8   Izetbegovic, le plus rapidement possible pour s'occuper stratégiquement de

  9   la situation globale et à chaque jour, à partir de demain, chaque jour est

 10   précieux. Par rapport à cela, je pense que nous devons arriver le plus

 11   rapidement possible…"

 12   M. MISETIC : [interprétation] Ensuite il faut passer à la page suivante en

 13   anglais.

 14   Q.  La discussion se poursuit, on parle de consultation avec le

 15   gouvernement bosniaque, en bas, le Dr Zuzul, dit, c'est tout à fait en bas.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Page 31 en croate, s'il vous plaît.

 17   Donc il dit :

 18   "Hier, j'ai demandé clairement ce qui se passe dans le sud. Il n'y a

 19   pas de problème que le HVO y aille, mais pas l'armée croate, si c'est

 20   possible."

 21    Là, il parle de ces consultations avec le gouvernement américain, et

 22   il propose, et là --

 23   M. MISETIC : [interprétation] Je vous demande de tourner la page en

 24   anglais.

 25   Q.  Donc il propose que "de faire de Gornji Vakuf et Jajce avec les

 26   Musulmans ensemble."

 27   Donc Donji Vakuf et Jajce sont les villes de Bosnie, n'est-ce pas ?

 28   R.  Exact.

Page 24727

  1   Q.  Ensuite il dit :

  2   "J'aimerais proposer que juste pour être sûr que notre armée ne passe par

  3   la frontière à présent, maintenant que nous avons libéré cette zone autour

  4   de Bihac, faire en sorte que vraiment ils ne passent pas la frontière. Moi,

  5   je n'ai pas posé la question au sujet de Drvar, mais à cause de cette

  6   histoire qui consiste à dire que la Bosnie-Herzégovine va finalement être

  7   divisée avec l'aide des Américains, et on en parle de plus en plus, et

  8   comment ils nous ont laissés faire."

  9   Donc, Monsieur, aujourd'hui à la ligne 13, de la page 46 du transcript, et

 10   jusqu'à la ligne 16, vous avez dit que :

 11   "L'opération Tempête a ouvert de nouvelles routes pour résoudre la

 12   question de problème de la guerre de Bosnie."

 13   Je voudrais donc vous demander ce qui s'est passé lors de l'opération

 14   Tempête pour que l'on puisse par la suite résoudre le problème en Bosnie,

 15   donc c'est la première question.

 16   La deuxième : quel était l'objectif stratégique du gouvernement de

 17   Croatie, quand ils ont planifié les opérations en Bosnie avant l'opération

 18   Tempête, avant que l'opération Tempête ne soit terminée ?

 19   On a bien vu que l'ambassadeur Galbraith, le 6 et même le 7, parle

 20   aussi de cela. Il parle des Croates qui vont entrer en Bosnie, et cetera.

 21   R.  Tout ce qu'on a vu jusqu'à maintenant, je peux vous dire que tout cela

 22   est exact, parce que notre premier objectif stratégique était d'aider à

 23   débloquer, à lever le siège de Bihac. Ensuite il s'agissait aussi d'aider

 24   les Croates et les Bosniens, les aider à libérer les zones occupées en

 25   Bosnie-Herzégovine. C'était aussi l'objectif de l'initiative américaine,

 26   parce que sans cela Milosevic n'aurait jamais accepté à négocier, et ne

 27   parlons pas de Karadzic, jamais.

 28   Donc chaque jour, nous étions en contact avec les officiers de plus haut

Page 24728

  1   rang des Etats-Unis d'Amérique. On oeuvrait sur le plan diplomatique. Moi

  2   et M. Zuzul, qui était à l'époque l'ambassadeur et au niveau militaire, sur

  3   le plan militaire, c'était M. Susak qui travaillait avec M. William Perry,

  4   du point de vue de renseignement, mais aussi sur d'autres plans militaires.

  5   Donc jamais on a fait un pas sans après cela, sans les consulter. Ici il

  6   s'agissait de voir quel était l'axe à emprunter, quelles étaient les villes

  7   les plus intéressantes, donc les Croates devaient se diriger vers Vakuf,

  8   mais toujours est-il qu'il y a toujours eu un accord stratégique sur la

  9   portée territoriale de l'action ?

 10   Je peux vous dire quelque chose, cela va vous être utile, je pense

 11   quand l'armée croate et l'armée de Bosnie-Herzégovine, quand nous sommes

 12   arrivés jusqu'à Banja Luka, Christopher, qui était secrétaire de l'état, à

 13   l'époque, américain, et je pense que c'était quelque chose qui s'est

 14   produit autour de 14 octobre 1995, c'est à peu près à cette date-là, M.

 15   Holbrooke a appelé le président Tudjman. Il m'a dit : "Mate, arrêtez-vous,

 16   s'il vous plaît." Je lui ai dit que, moi, je ne suis pas le commandant des

 17   forces armées. Je ne pouvais que donner mon opinion au président, qui était

 18   donc aussi le chef des forces armées. C'est là que le secrétaire d'état m'a

 19   dit que si on ne s'arrêtait pas, parce qu'il ne nous fallait que deux jours

 20   pour libérer Banja Luka et Posavina, il m'a dit qu'une catastrophe

 21   humanitaire allait avoir lieu, que 350 000 personnes vont partir, qu'un

 22   grand nombre de personnes vont partir vers la Slovénie orientale, Baranja

 23   et qu'on allait donc déstabiliser Milosevic, en tant que partenaire, parce

 24   qu'à l'époque, on préparait les accords de Dayton. Après ça, donc le

 25   secrétaire d'état Christopher et Holbrooke ont appelé le président; le

 26   président a accepté leur proposition. Donc cela vous montre donc que nous

 27   avons vraiment coopéré entièrement avec les Etats-Unis d'Amérique et la

 28   communauté internationale.

Page 24729

  1   Q.  Monsieur Granic, à partir de l'accord de Split qui a eu lieu fin

  2   juillet, vous avez dit que l'opération s'est arrêtée à peu près aux confins

  3   de Banja Luka. Vous venez de nous décrire cela. Est-ce que l'on savait quel

  4   allait être le rôle du général Gotovina quand il s'agissait d'émettre un

  5   ordre à ces objectifs stratégiques en Bosnie ?

  6   R.  Même si je n'étais le ministre des affaires étrangères et cela ne

  7   relevait pas de mes fonctions, mais la Bosnie-Herzégovine du point de vue

  8   diplomatique était un objectif très important pour moi. Donc c'est pour

  9   cela que je suis bien versé dans la matière.

 10   Donc le général Gotovina était considéré comme un excellent général,

 11   extrêmement discipliné et que l'on -- à qui on confie les missions les plus

 12   difficiles, de sorte que je n'étais absolument pas surpris quand le

 13   président a dit que c'était lui qui allait mener cet axe du sud, que c'est

 14   une mission qui allait être confiée au général Gotovina, la mission donc en

 15   Bosnie-Herzégovine pour moi c'était quelque chose de complètement normal.

 16   Je n'étais absolument pas surpris, c'était des opérations extrêmement

 17   importantes aussi bien pour l'armée croate et donc je n'étais pas surpris

 18   par cela.

 19   Q.  Est-ce qu'on peut dire que vous êtes mis d'accord avec les Etats-Unis

 20   d'Amérique même du point de vue stratégique et que donc ces discussions

 21   stratégiques avec les Etats-Unis étaient mises en œuvre sur le terrain par

 22   le général Gotovina ? Est-ce qu'on peut le dire comme cela ?

 23   R.  Mais oui, absolument. Vous le voyez bien. Dans les sources américaines,

 24   les informations le disent ce que j'ai dit le 6; je pense que ça s'est basé

 25   justement sur cette source-là, c'était un objectif stratégique qui avait

 26   donc l'appui total, le support total des Etats-Unis d'Amérique parce qu'on

 27   n'a pas fait un mouvement sérieux sans avoir consulté au préalable les

 28   Etats-Unis d'Amérique.

Page 24730

  1   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas à quel

  2   moment on va parler de la question que vous voulait soulever la défense

  3   Cermak. Est-ce qu'on va le faire maintenant, ou bien on va le faire au

  4   début de la session suivante ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, on va s'occuper des

  6   questions de procédure, ce qui fait qu'on n'a plus besoin de vous dans ce

  7   prétoire, ce qui veut dire aussi que vous allez bénéficier d'une pause plus

  8   longue, plus longue que la nôtre en tout cas.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Higgins, c'est vous qui vouliez

 11   parler de cela ?

 12   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Donc la question

 13   que je voulais soulever brièvement concerne donc le tableau des feuilles

 14   qui ont fait objet d'un accord de l'affaire Martic. Vous êtes au courant de

 15   cela. Nous avons eu -- enfin, il y a eu une contestation il y a quelques

 16   jours, et je pense qu'il serait peut-être utile d'informer la Chambre de la

 17   chronologie et de toutes les mesures que la Défense a prise par rapport à

 18   cela.

 19   Donc vous savez que, le 2 octobre 2009, la défense de l'équipe Cermak a

 20   soumis sept requêtes qui courent sur 1 374 pages, dont six tombent sur la

 21   catégorie de l'article 92 bis et une sur 92 quater.

 22   Votre instruction du 9 octobre 2009, à la page du compte rendu d'audience

 23   22 866 jusqu'à 22 869, vous avez demandé au Procureur d'explorer d'autres

 24   manières de verser au dossier ces moyens de preuve. Vous avez dit que vous

 25   pensiez que la façon la plus appropriée pour la défense Cermak pour

 26   présenter les portions pertinentes, ce serait par la route de faits qui

 27   font l'objet d'un accord entre les parties.

 28   Donc suite à cela, nous avons envoyé la première version de ce tableau au

Page 24731

  1   Procureur et nous avons fait cela le 16 octobre cette année. Le Procureur a

  2   répondu le 22 octobre, et il a proposé que l'on ne s'appuie que sur ce qui

  3   se trouve dans le jugement Martic plutôt que de citer les dépositions de

  4   témoins ou bien les témoignages dans le compte rendu d'audience. Nous avons

  5   travaillé là-dessus. Nous avons passé plusieurs journées à travailler sur

  6   ce nouveau tableau pour qu'il y soit reflété le jugement dans l'affaire

  7   Martic, et donc nous avons envoyé, le 26 octobre, un nouveau tableau. Le 28

  8   octobre, le Procureur a proposé qu'on ajoute en plus une carte pour que

  9   l'on sache exactement où se trouvent tous ces lieux qui sont répertoriés.

 10   Donc la dernière version a été envoyée sans faute de frappes, elle a été

 11   envoyée le 10 novembre, et nous nous sommes mis d'accord là-dessus avec M.

 12   Waespi qui est intervenu au niveau du Procureur.

 13   Donc jusque-là, tout va bien. Mais à partir de là, nous essayons d'écrire

 14   donc -- de faire une écriture commune que nous présenterions avec ce

 15   tableau et nous avons donc envoyé une proposition d'une telle écriture au

 16   Procureur, le 11 novembre, et nous n'avons pas reçu de réponses avant le

 17   délai que vous avez fixé, à savoir le 16 novembre, donc il y a plusieurs

 18   jours.

 19   Malheureusement, donc là, pour la première fois, le Procureur nous fait

 20   part de son désaccord, en disant que -- enfin, la pièce à conviction A qui

 21   donc correspond à ce tableau de fait qui en fait l'objet d'un accord ne

 22   devrait pas être versé, que les Juges devraient tout simplement prendre

 23   note de cela.

 24   Nous pensons que c'est quelque chose qui est extrêmement important. Nous

 25   pensons qu'il ne devrait pas y avoir de contestations là-dessus comme il ne

 26   devrait pas y avoir de contestations par rapport aux zones géographiques

 27   aux lieux qui sont inclus.

 28   Donc nous vous disons que nous avons compris que le Procureur considère que

Page 24732

  1   ces tableaux ne devraient pas être versés au dossier. Nous, nous vous

  2   demandons de prendre en compte deux décisions : une décision, décision dans

  3   l'affaire Perisic, en date du 30 septembre 2009, dans laquelle la Chambre

  4   de première instance numéro III a accepté que les faits qui ont fait

  5   l'objet d'un accord en vertu de l'article 65 ter (H) et (M) et en vertu de

  6   l'article 89(C) sont pertinents et ont une valeur probante et ils doivent

  7   être versés au dossier et faire partie du dossier.

  8   Ensuite le deuxième cas que de jurisprudence sur lequel nous souhaitons

  9   attirer votre attention c'est une décision dans l'affaire Blagojevic du 19

 10   décembre 2003, et là il s'agit donc de prendre -- de dresser un conseil

 11   judiciaire sur les faits qui ont fait l'objet d'un accord.

 12   Au niveau du paragraphe 13 de cette décision, les Juges ont décidé

 13   que -- dressé un constat judiciaire pendant la phase du procès équivaut à

 14   l'accord de ces points par rapport à l'article 89(C).

 15   Donc dans les cas, enfin, nous ne savons pas comment les Juges vont se

 16   positionner par rapport à cela. Nous, nous vous avons fait part de notre

 17   proposition. Nous vous proposons aussi de vous donner le texte de décisions

 18   que je viens de citer et nous demandons donc que les deux tableaux soient

 19   versés au dossier.

 20   M. Waespi, nous l'avons informé de cela hier et nous l'avons fait par le

 21   biais des e-mails.

 22   Je suis vraiment désolé que ce problème soit intervenu mais je me

 23   vois vraiment dans l'obligation de vous en informer MM. les Juges.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que M. Waespi a quelque chose à

 25   dire à ce sujet ?

 26   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis tout à

 27   fait d'accord avec mon collègue. Il y a eu beaucoup d'effort pour -- quand

 28   nous avons travaillé au cours de notre travail sur ce projet et pas

Page 24733

  1   seulement du côté de la Défense mais aussi du côté du Procureur, nous avons

  2   créé cette carte. Il y a beaucoup d'erreurs qui ont dû être corrigées et

  3   j'ai voulu le dire pour que le compte rendu d'audience pour que les choses

  4   soient bien claires.

  5   Donc le Procureur n'a pas vraiment d'intention d'entre dans le débat sur la

  6   façon dont il faut traiter ces points d'accord. Je voudrais vous dire que

  7   tout ce que l'on fait, ce que l'on souhaite c'est que le compte rendu soit

  8   clair et que l'on préserve l'intégrité du processus de la présentation des

  9   moyens de preuve. Donc les faits qui ont fait l'objet d'un accord, ce n'est

 10   pas forcément les moyens de preuve et c'est ce que nous pensons. Au

 11   contraire, le but d'un accord entre les parties est justement pour se

 12   mettre d'accord sur les points qui ne font pas l'objet d'un désaccord et

 13   donc puisque ce ne sont pas les moyens de preuve, ces points d'accord, on

 14   ne peut pas donc les verser dans le cadre de ce document. On ne peut pas

 15   verser ce document, autrement dit, la carte. On ne peut pas lui attribuer

 16   une cote. Ce document devrait être versé au dossier à part.

 17   Parce que le fait de verser au dossier un document cela ne change pas

 18   son statut. La Défense va peut-être continuer à parler des points d'accord

 19   quand elle va présenter ses arguments juridiques dans sa plaidoirie, mais

 20   ces accords, ces points d'accord ne constituent pas les pièces à

 21   conviction. La Défense devrait savoir que le Procureur ne va pas contester

 22   les faits ou demander à présenter d'autres faits qu'il contesterait. Les

 23   Juges, évidemment ne nous laisseraient pas faire cela. Là, il s'agissait

 24   d'une différence de procédure, la procédure entre la possibilité de

 25   proposer les points de l'accord ou bien de les proposer en tant que moyens

 26   de preuve parce que ce n'est pas exactement la même chose.

 27   Si vous voulez, moi aussi, j'ai examiné la jurisprudence. Par

 28   exemple, j'ai examiné ce que nous avons dans l'affaire Blagojevic au niveau

Page 24734

  1   de la note de bas de page. Donc, là c'est une décision, enfin la décision

  2   qui porte sur le point d'accord et leur accord.

  3   J'attire votre attention sur la note de base de page 650, ensuite la

  4   décision du 17 janvier 2005 où aussi on fait référence au point d'accord

  5   dans le paragraphe 135. De façon similaire, dans l'affaire Milosevic, nous

  6   avons la note de bas de page 13 et aussi le jugement où on fait référence à

  7   cela dans la l'affaire Galic. Note de bas de page 344, quand il s'agit des

  8   accords, et aussi dans le jugement Krajisnik, note 259, et là, à nouveau,

  9   ce sont les accusés qui ont accepté donc des faits.

 10   La seule chose où j'ai trouvé une sélection un peu différente se trouve

 11   dans l'affaire Oric dans le jugement, dans la note de bas de page 146. Donc

 12   là effectivement ces points d'accord ont été référencé en tant que pièces à

 13   conviction, mais c'est vrai que je n'ai examiné que la note de bas de page,

 14   je n'ai pas vraiment examiné la pièce à conviction.

 15   Donc l'affaire Perisic, donc la décision dont on parle dans l'affaire

 16   Perisic, on n'a pas vraiment accordé les numéros de cote à ces points

 17   d'accord, d'après la façon dont je l'ai compris.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de comprendre comment vous

 19   réfléchissez.

 20   Donc, vous, Madame Higgins, vous dites que ces documents, nous nous sommes

 21   mis d'accord là-dessus, et donc il faut les verser au dossier.

 22   Vous, Monsieur Waespi, vous dites : "On est d'accord sur les faits,

 23   on persiste. On ne veut pas ceci devient des pièces à conviction"; est-ce

 24   que je vous ai bien compris ?

 25   Je vais revenir dans un premier temps sur ce qui apparemment est un élément

 26   de preuve. N'est-il pas exact et vrai qu'un élément de preuve est une

 27   information quelque soit sa forme d'ailleurs, qu'il s'agit d'une

 28   information que l'on trouve dans un document ou d'une information qui est

Page 24735

  1   donnée par témoignage oral ou qui se trouve sur une vidéo. Enfin, cela

  2   importe. Mais le fait est qu'il s'agit d'un élément que l'on trouve dans

  3   une information présentée dans un format bien précis, et qui lorsqu'elle

  4   est présenté cet élément d'information peut-être considéré par la Chambre

  5   comme une conclusion juridique si elle venait à délibérer. Est-ce que tout

  6   le monde est d'accord sur le concept de base pour ce qui est d'un élément

  7   de preuve ?

  8   Deuxième, vous avez l'admissibilité, le versement au dossier de cet élément

  9   de preuve, et je dirais en fait essentiellement que c'est ainsi que

 10   l'élément de preuve trouve sa dimension. Parce que cela signifie qu'on

 11   autorise ladite information à être accessible au Juge du fait, et cela joue

 12   un rôle extrêmement important dans le système contradictoire, je dirais

 13   également lorsqu'il y a un jugement avec un jury. Parce que c'est cela qui

 14   aboutit à la décision, c'est l'information qui se trouve dans un document,

 15   dans une vidéo ou quelque soit le format de l'information qui est mise à la

 16   disposition des membres du jury pour ce qui est de la mission d'enquête des

 17   membres du jury. Vous êtes d'accord avec cela ?

 18   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors revenons maintenant ou penchons-

 20   nous sur la question des faits faisant l'objet d'accord. Pour qu'il y ait

 21   faits faisant l'objet d'accord, n'est-il pas nécessaire que les parties

 22   disent, disais-je :

 23   "Nous considérons que la Chambre peut déterminer les faits à partir

 24   desquels nous avons conclu un accord comme un élément de preuve puisqu'il y

 25   a des éléments d'information qui étaient la constatation et la conclusion à

 26   propos de ces faits. Nous les parties après avoir étudié les éléments de

 27   preuve qui ont été présentés, ou après avoir étudiés des éléments de preuve

 28   ou des documents qui n'ont pas été présentés comme éléments de preuve à la

Page 24736

  1   Chambre, nous nous mettons d'accord et nous sommes d'accord pour que la

  2   Chambre puisse à partir de ces éléments de preuve, dégager une conclusion."

  3   Ensuite vous énoncez quels sont les faits faisant l'objet d'accords.

  4   Par conséquent, lorsqu'il y a un accord à propos de faits, la base de

  5   l'accord peut se trouver dans des documents qui ont été versés au dossier,

  6   mais peut également se trouver dans des documents qui ne sont pas

  7   considérés comme des éléments de preuve, ou peuvent même se trouver dans

  8   des documents qui ne sont même pas présentés.

  9   Ce qui signifie que, finalement, il incombe à la Chambre de voir si

 10   elle adopte soit sur la base de l'accord conclu entre les parties, ou dans

 11   le contexte de la globalité des éléments de preuve, d'adopter ou de ne pas

 12   adopter la conclusion qui est suggérée par les parties, lesquelles parties

 13   suggèrent à la Chambre d'adopter les faits faisant l'objet d'accord. Vous

 14   êtes d'accord Me Higgins ?

 15   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il s'agit

 16   d'éléments de preuve que les Juges doivent considérer comme éléments de

 17   preuve et à propos desquels ils doivent dégager des conclusions.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors qui vous sépare pour le moment,

 19   c'est de savoir si vous appelez ça des éléments de preuve ou non. Alors,

 20   j'ai dit, lors de mon analyse, que les Juges devraient considérer cela sur

 21   la base de la totalité des éléments de preuve ou sur une autre d'ailleurs,

 22   à partir d'une autre base. Mais la Chambre devrait considérer -- va devoir

 23   considérer si ces faits seront adoptés oui ou non. Encore faut-il savoir

 24   s'ils peuvent être adoptés sans pour autant que l'on entende davantage

 25   d'éléments de preuve à leur sujet ? Mais il appartient finalement à la

 26   Chambre de prendre a déclaration ultime.

 27   Alors il semblerait que vous avez -- vous interprétez de façon

 28   différente la discrétion ou la latitude qui est octroyée à la Chambre pour

Page 24737

  1   étudier ces documents. Cela semblerait être au cœur de vos préoccupations,

  2   Maître Higgins; c'est bien cela, n'est-ce pas ? Vous ai-je bien compris ?

  3   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  4   Mais je vais un peu développer mon idée. Ce qui me préoccupe, c'est que mon

  5   estimé confrère parle de transparence de la procédure, et pour que nous

  6   nous comprenions la transparence de la procédure ou du procès, la meilleure

  7   méthode consisterait à suivre les exemples qui nous ont déjà été donnés

  8   préalablement, à savoir en vertu de ces exemples, les faits faisant l'objet

  9   d'accord ont été déclarés comme éléments de preuve qui ont été versés au

 10   dossier conformément à l'article 65 ter (H) et (M) et à l'article 89(C).

 11   Donc nous, nous indiquons qu'il s'agit d'éléments de preuve très clairs.

 12   Alors que vous versiez cela comme un document qui est déposé séparément ou

 13   comme quelque chose qui fera partie de l'annexe, peu importe, mais ce qui

 14   nous préoccupe c'est qu'on accorde l'étiquette "d'éléments de preuve" parce

 15   que cela vient du fait qu'il y avait énormément d'éléments de preuve que

 16   nous voulions présenter à la Chambre. Mais nous pensons qu'on nous

 17   restreint et qu'on nous force à admettre seulement le strict minimum. Nous

 18   avons l'impression qu'on ne nous donne pas les coudées franches pour ce qui

 19   est de la meilleure façon de présenter nos éléments à décharge.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais un peu plus tôt, j'avais

 21   essayé de comprendre ce que cela signifiait lorsqu'on dit que quelque chose

 22   est versé au dossier ou est considéré comme élément de preuve. Cela

 23   signifie que cela peut être présenté à un jury; c'est ça.

 24   Il semblerait qu'il y ait -- ce n'est pas une question sémantique. Il

 25   faut savoir si cette question est présentée à la Chambre de première

 26   instance à partir de la base suivant laquelle il s'agit de faits faisant

 27   l'objet d'accords, est-ce que c'est clair pour les deux parties ou est-ce

 28   que cela est présenté seulement parce que la Chambre pourrait adopter ces

Page 24738

  1   faits comme des faits qu'elle a constatés, même s'il n'y a pas d'autre base

  2   qui permette de présenter ces faits ?

  3   Par ailleurs, la Chambre - je pense que les parties seront probablement

  4   d'accord avec cela - la Chambre n'est pas tenue de respecter l'accord

  5   conclu entre les deux parties si, je ne vous dis pas pour n'importe quelle

  6   raison - mais s'il y a de bonnes raisons qui nous poussent à ne pas adopter

  7   ces faits, nous avons quand même une certaine latitude en la matière, tout

  8   comme nous pouvons adopter des conclusions semblables à celles qui ont été

  9   dégagées par les parties. Mais en fin de compte, nous avons cette liberté

 10   de prendre la décision finale à propos de ce que nous allons faire ou

 11   n'allons pas faire. La façon dont cela a été présenté, à savoir est-ce

 12   qu'il s'agit d'éléments de preuve ou est-ce qu'il s'agit d'un dépôt de

 13   faits faisant l'objet d'accords, je n'en ai pas encore parlé avec mes

 14   collègues, mais très franchement je ne vois pas où réside la subtile

 15   différence. Parce que si cela est accepté comme élément de preuve, cela

 16   signifierait que c'est un peu étrange lorsqu'on pense au contexte de la

 17   définition des "éléments de preuve" que je viens de donner puisqu'il s'agit

 18   d'éléments de preuve, je vous ai dit qu'un élément de preuve était une

 19   information qui est utilisée pour établir des faits. Là nous sommes déjà

 20   passés à la phase suivante parce que les éléments de preuve connus ou

 21   inconnus de la Chambre ont déjà amené les parties à tirer des conclusions

 22   suivant lesquelles il est suffisamment de déterminer ou de déterminer les

 23   faits A, B ou C.

 24   Je comprends tout à fait votre préoccupation, mais je pense que cela dépend

 25   de la façon dont la Chambre va percevoir cette différence parce que jusqu'à

 26   maintenant, je ne pense pas que l'une ou l'autre technique - puisque c'est

 27   le substantif que je choisis d'utiliser -donnera un résultat bien

 28   différent. Voilà, je voulais vous livrer ces quelques observations.

Page 24739

  1   Ensuite, j'en parlerai avec mes collègues.

  2   Vous voulez dire autre chose à ce sujet ?

  3   Mme HIGGINS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Justement à propos de la date butoir

  6   puisqu'il y avait été dit qu'aujourd'hui, nous voulons avoir une

  7   orientation pour savoir comment nous allons signer, bien entendu.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez ce que je pense de ce genre

  9   de choses. S'il y a une question qui, d'après moi, pourrait être réglée par

 10   les parties et si les parties ne sont pas en mesure de le faire, j'offre

 11   toujours mes bons offices, même si cela signifie une réunion à 8 heures du

 12   matin [comme interprété] et je suis sûr que nous trouverons très

 13   certainement une solution pour ce problème. Cette offre est une offre qui

 14   est toujours valable, mais j'ai cru voir Me Kehoe qui voulait intervenir.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Oui, tout à fait. Etant donné le point de vue

 16   exprimé par le bureau du Procureur, je vous dirais que cela m'a donné

 17   matière à réflexion parce qu'il y a tout un certain nombre d'accords qui

 18   ont été conclus avec le bureau du Procureur à propos d'un certain nombre de

 19   faits. Jusqu'à ce matin ou en tout cas, jusqu'à cet échange agité de

 20   correspondance de courriels à laquelle a fait allusion ma consoeur Me

 21   Higgins, nous pensions qu'un fait qui fait l'objet d'accords qui fait

 22   partie du dossier en l'espèce, que la Chambre peut accepter ou ne pas

 23   accepter d'ailleurs, le fait est qu'à propos de ces faits faisant l'objet

 24   d'accords, nous n'avions jamais pensé qu'ils ne faisaient pas partie du

 25   cadre des éléments de preuve en l'espèce et très franchement, Monsieur le

 26   Président, compte tenu du point de vue préconisé par l'Accusation, je ne

 27   sais pas à quelle catégorie appartiennent ces faits ayant fait l'objet

 28   d'accords dont parlait Me Higgins, dans quelle catégorie est-ce qu'ils

Page 24740

  1   tomberaient, s'ils ne sont pas considérés comme des éléments de preuve.

  2   Bien entendu, il appartient à la Chambre de rendre la décision ultime, tout

  3   en sachant, et c'est une mise en garde, tout en sachant, bien entendu, que

  4   la Chambre peut accepter ou rejeter tout fait faisant l'objet d'accords et

  5   elle peut le faire comme bon lui semble, mais il me semble que ce

  6   changement de point de vue donne la possibilité à l'Accusation de sortir de

  7   ce cadre des éléments de preuve par opposition à tenir compte de ce cadre

  8   d'éléments de preuve.

  9   La discussion est certes est très utile parce que cela nous permet de faire

 10   un peu de haute voltige mentale, mais vous comprendrez que cela me donne

 11   quand même matière à réflexion, je l'ai déjà dit, parce que nous en avions

 12   parlé à partir du mois de mars 2008 et très franchement, le point de vue

 13   exprimé par l'Accusation est tout à fait différent à ce qu'ils avaient dit

 14   à l'époque. Très franchement, je ne sais pas comment répondre, mais je me

 15   fais l'écho des préoccupations exprimées par ma consoeur Me Higgins.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je vous l'ai dit - je vous l'ai

 17   déjà dit- je vais consulter mes confrères ou mes collègues plutôt. Nous

 18   allons voir si nous nous mettons d'accord sur ces éléments de preuve et ces

 19   conclusions ou ces constatations.

 20   Vous savez, Maître Kehoe, c'est un peu comme avec la grippe : Si nous

 21   constations qu'il y a un problème, il faut régler le problème parce que

 22   sinon tout le monde va devenir malade. Nous essayons de régler le problème

 23   pour que personne ne tombe malade.

 24   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui. Il y a la décision dans l'affaire

 25   Blagojevic qui serait peut-être utile à la Chambre parce que je peux vous

 26   en fournir des copies. Il y a le paragraphe 9 qui stipule que -- qui a

 27   trait non seulement aux méthodes qui permettent de présenter des éléments

 28   de preuve à la Chambre, qui inclut également l'admissibilité des faits

Page 24741

  1   conformément à l'article 65 ter, mais il y a le paragraphe 12 où il est

  2   indiqué qu'on peut admettre des faits en supprimant les éléments qui

  3   avaient fait l'objet d'enquête judiciaire pendant le procès. Cela a été

  4   accepté et il s'agit des faits faisant l'objet d'accords qui ne sont pas

  5   considérés comme une question pouvant porter ou prêter à polémique. Voilà,

  6   je peux tout à fait fournir des exemplaires de cette décision à la Chambre.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ne pas trop gaspiller de papier, je

  8   pense que vous pourriez nous remettre une copie, un exemplaire de cela.

  9   Ma dernière observation à propos de l'article 65 ter (H), même si j'avais

 10   cité l'article, ne fait absolument pas référence au fait qu'il y a ou qu'il

 11   n'y a pas des éléments de preuve. Il s'agit de points d'accord et de

 12   désaccord et lorsqu'il y a des questions de droit et de fait, il appartient

 13   au Président de la Chambre de trancher. C'est tout ce qu'il dit, ni plus ni

 14   moins. La Chambre pourrait donner l'ordre aux parties de déposer des

 15   écritures sur la question.

 16   Je dirais maintenant que nous nous trouvons dans une situation classique,

 17   une situation de juriste qui est tout à fait classique parce qu'il

 18   semblerait qu'il y a un accord, tout du moins, à propos du fond, mais bien

 19   entendu, nous pouvons trouver des questions de procédure pour voir qu'il

 20   n'y a pas accord.

 21   Monsieur Waespi.

 22   M. WAESPI : [interprétation] Justement, parce que je suis un avocat,

 23   j'aimerais dire que nous n'avons absolument pas changé de point de vue à

 24   propos de ce qu'a dit Me Kehoe pour les faits faisant l'objet d'accords qui

 25   sont considérés ou ne sont pas considérés comme des pièces d'un dossier.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la date butoir ou

 27   l'heure butoir qui est la question la plus préoccupante pour le moment. La

 28   Chambre apprécie vivement le fait que les parties se sont au moins mises

Page 24742

  1   d'accord sur la formulation des faits qui font l'objet d'accords entre eux.

  2   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

  3   ORIE : [interprétation] M. le Greffier d'audience vient de m'indiquer que

  4   la salle d'audience est disponible demain après-midi, tout comme le

  5   personnel. Je ne sais pas si les Juges seront disponibles, cela reste à

  6   voir. Je ne serai pas disponible pendant au moins une demi-heure pour une

  7   autre question et nous aurons quand même beaucoup de temps à notre

  8   disposition.

  9   Par ailleurs, je répète ce que j'ai déjà dit un peu plus tôt, se lancer

 10   dans ce genre d'exercices, à savoir demander davantage de temps d'audience,

 11   et cetera, est quelque chose que nous ferons seulement si les parties

 12   s'engagent à terminer la déposition de M. Granic à la fin de la semaine.

 13   Bien entendu, avec toutes les réserves d'usage, parce qu'on ne peut jamais

 14   exclure des circonstances imprévisibles, mais j'attends de la part des

 15   parties un engagement ferme.

 16   Deuxièmement, nous n'apprécierons pas que les parties nous demandent

 17   un temps supplémentaire et nous disent, pour finir, à la fin de la semaine,

 18   qu'ils n'avaient absolument pas besoin de ce temps supplémentaire. Le but

 19   est très clair et si nous voulons atteindre ce but, nous devons demander

 20   aux parties de s'engager à atteindre ce but et si ce but peut être atteint

 21   sans cet exercice supplémentaire, nous nous passerons de l'exercice

 22   supplémentaire.

 23   Je vous demanderais de bien vouloir reprendre l'audience à 13 heures

 24   15.

 25   --- L'audience est suspendue à 12 heures 51.

 26   --- L'audience est reprise à 13 heures 15.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre souhaite informer les

Page 24743

  1   parties, pour commencer, qu'elle fournira aux parties les instructions

  2   nécessaires concernant la question que nous avons examinée. Nous allons

  3   avoir besoin d'un petit peu plus de temps. Après avoir débattu de cela,

  4   mais pour ce qui est de la Chambre, il n'y aura plus de question en

  5   suspens.

  6   La seconde question que je voulais aborder, c'est le planning de cette

  7   semaine. Nous avons vérifié la disponibilité de nos ressources pour demain

  8   après-midi, donc si les parties sont disposées à tenir une audience demain

  9   après-midi, cela tomberait dans le cadre de l'article 15 bis, puisque l'un

 10   des Juges ne sera pas disponible. La Chambre préfère éviter de siéger en

 11   vertu de l'article 15 bis, mais nous le ferons si cela peut contribuer à

 12   réaliser cet objectif d'en terminer avec la déposition de M. Granic.

 13   La Chambre a également procédé à une autre évaluation. Un autre Juge sera

 14   temporairement indisponible, ce qui signifie que nous ne pourrons pas

 15   siéger avant 3 heures 30 ou 3 heures 45 de l'après-midi, ce qui amène la

 16   Chambre, pour ce qui est du temps dont ont besoin les parties, à estimer le

 17   temps disponible demain après-midi, à deux séances, et je le répète, nous

 18   préférerions pouvoir faire sans ce type de disposition, mais si ces deux

 19   séances supplémentaires permettent de conclure la déposition de M. Granic,

 20   la Chambre procèdera ainsi.

 21   Pour finir, la Chambre en appelle aux parties, Accusation comme Défense, à

 22   travailler sans délai à la question de savoir si cela est véritablement

 23   nécessaire ou non, afin que nous ayons un planning précis, qui fasse

 24   l'objet de l'accord de tous. Si les parties ne peuvent se mettre d'accord,

 25   la Chambre prendra une décision finale en la matière. Mais nous invitons

 26   les parties à nous fournir leur proposition en terme planning d'ici à 15

 27   heures, aujourd'hui. Donc je vous prie de vous y atteler dès la fin de

 28   cette audience, parce que le Greffe doit savoir s'il faut accorder du temps

Page 24744

  1   d'audience supplémentaire ou non.

  2   Monsieur Waespi.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois qu'il y

  4   aussi un certain nombre d'incertitudes concernant le contre-interrogatoire.

  5   Mon contre-interrogatoire sera assez important, assez long et, donc,

  6   offrira peut-être des occasions aux Défenses de poser des questions

  7   supplémentaires. Je me demandais donc s'il serait pertinent de considérer

  8   la possibilité de prolonger la présence du témoin à vendredi après-midi,

  9   parce que nous nous engagerions, sans compter sur l'audience de demain

 10   après-midi, à en avoir fini demain lors du déjeuner, comme prévu, et si

 11   nous n'allons pas jusqu'à vendredi après-midi, c'est mieux -- enfin, ça

 12   sera mieux parce que si ce n'est pas nécessaire il est préférable de

 13   s'éviter l'effort considérable et le stress supplémentaire que cela

 14   entraîne que de travailler, et le matin et l'après-midi vendredi, donc sans

 15   interruption. Donc je serais heureux d'en discuter avec les parties après

 16   l'audience, mais il est très difficile de procéder à ces estimations et, en

 17   même temps, d'attribuer le temps nécessaire aux uns et aux autres. C'est

 18   simplement une suggestion. Merci.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons tous suffisamment

 20   d'expérience pour nous livrer à ce genre de calcul, même de façon

 21   prévisionnelle, pour ce qui est des questions supplémentaires notamment.

 22   Mais nous demanderons, bien entendu, au témoin ce qu'il en est, et la

 23   Chambre est également préoccupée par le rythme qu'il convient de maintenir

 24   dans la présentation des moyens à décharge, parce que nous avions trois

 25   témoins prévus cette semaine, nous renonçons déjà à l'un d'eux, et donc ça

 26   nous amène à décaler l'ensemble du planning au début de la semaine

 27   prochaine, alors que la Chambre est résolue à avancer de façon aussi

 28   efficace que possible en restant, bien entendu, dans le cadre d'un procès

Page 24745

  1   équitable.

  2   Les parties ne sont pas les seuls à souffrir de cet effort

  3   supplémentaire et du stress supplémentaire engendré par nos aménagements.

  4   La Chambre le ressent également.

  5   Monsieur Granic, vous avez noté que nos débats ont trait dans une

  6   certaine mesure à vous et à votre propre calendrier. La Chambre s'efforce

  7   autant que possible à inciter les parties à conclure votre témoignage cette

  8   semaine. Mais si cela s'avérait impossible, est-ce que cela vous poserait

  9   des difficultés insurmontables que de prolonger votre séjour pendant ce

 10   week-end et de rester à notre disposition également lundi ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cela représenterait un

 12   problème assez important pour moi. Je souhaiterais pouvoir, dans toute la

 13   mesure du possible, en avoir terminé vendredi après-midi au plus tard, afin

 14   de pouvoir repartir vendredi après-midi, si c'est possible.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est donc une préférence

 16   marquée que vous exprimez, que nous partageons avec vous. Vous avez dit

 17   cependant que cela vous causerait une difficulté importante, une difficulté

 18   majeure, mais les difficultés majeures ne sont pas nécessairement

 19   insurmontables, en tout cas, pas toujours. Qu'en est-il ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, je devrais en référer à Zagreb

 21   et, dans ce cas-là, je ne pourrais vous donner la réponse que demain. Mais

 22   je serais particulièrement heureux de pouvoir être libéré vendredi après-

 23   midi.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très clair, Monsieur Granic. Nous

 25   allons donc essayer d'avancer aussi rapidement que possible.

 26   Maître Misetic.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Monsieur le Greffier, pourrions-nous avoir la pièce P453 à l'écran, s'il

Page 24746

  1   vous plaît. Je voudrais me pencher sur la page 2 en anglais et 4 en B/C/S.

  2   Q.  Monsieur Granic, c'est ici le procès-verbal du 16 août 1995, procès-

  3   verbal de l'entretien entre M. Holbrooke, M. Fraser, le général Clark, M.

  4   Galbraith, le président Tudjman, vous-même, le ministre Susak, et d'autres.

  5   Ce qui m'intéresse pour commencer, c'est une phrase qui figure dans

  6   l'original.

  7   M. MISETIC : [interprétation] En page 4 du texte en croate. C'est à la page

  8   2 en anglais. Donc page suivante, s'il vous plaît, en croate, et c'est le

  9   bas de la page au numéro 2 en anglais.

 10   Q.  Alors, M. Holbrooke parle donc alors --

 11   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler la page vers

 12   le haut en croate, s'il vous plaît. Merci.

 13   Q.  On voit le mot Tchécoslovaquie dans la moitié supérieure. M. Holbrooke

 14   envisage l'avenir de la Bosnie, et il dit :

 15   "Cependant quel que soit le résultat, nous pensons que les frontières

 16   actuelles, les frontières internationales actuelles dans la région ne

 17   devraient pas être modifiées, à moins qu'elles ne fassent l'objet d'une

 18   modification volontaire, comme cela a été le cas dans le cas de la

 19   Tchécoslovaquie. Cela était acceptable, la façon dont la Tchécoslovaquie a

 20   procédé à cette 'séparation'. Mais toute modification de frontières ne

 21   faisant pas l'objet d'un accord représente une erreur, et cela est

 22   important lorsqu'on envisage le cas de la Slavonie."

 23   M. MISETIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page suivante en

 24   anglais, s'il vous plaît.

 25   Alors, je voudrais qu'on aille en page 7 de la version croate, et page 4 de

 26   l'anglais.

 27   Nous allons revenir au passage, au premier passage que je viens de lire un

 28   peu plus tard. C'est tout en haut de la version croate en page numéro 7,

Page 24747

  1   avançons d'une page en croate, s'il vous plaît.

  2   Quant à la version anglaise, c'est le paragraphe qui commence par

  3   "quatrièmement", "fourthly". En croate c'est la quatrième phrase complète à

  4   partir du haut de la page.

  5   Q.  Donc au milieu de la page anglaise, M. Holbrooke dit, je cite :

  6   "Nous avons lu des rapports contradictoires concernant des abus commis à

  7   l'échelle locale liés au départ des Serbes de la Krajina, des rapports

  8   faisant état d'incendies volontaires des maisons, de mauvais traitements,

  9   et cetera. Je sais que de nombreux -- qu'un nombre de ces rapports sont

 10   exagérés. Les journalistes ont tendance à grossir le trait, mais des

 11   accusations de nettoyage ethnique à cet égard sont dommageables quant à

 12   l'objectif qui est le nôtre en matière d'accords constitutionnels."

 13   Alors dans votre déposition aujourd'hui, à plusieurs reprises, en

 14   page 25 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, lignes 18 à 19, par

 15   exemple, vous avez dit que concernant ces différents rapports faisant état

 16   de crimes, je cite : "Nous avons considéré qu'il s'agissait de propagande."

 17   Ensuite en page 18, ligne 16 du compte rendu, vous avez dit que les

 18   commentaires du ministre britannique de la Défense étaient en contradiction

 19   avec ceux de l'ambassadeur britannique en Croatie, parce que Portillo

 20   formulait un commentaire d'un point de vue stratégique, et je voudrais me

 21   pencher sur cette question d'un peu plus près.

 22   M. Holbrooke a dit au président Tudjman que selon lui ces rapports

 23   étaient exagérés, et ensuite il met en relation cela avec leurs caractères

 24   dommageables pour ce qui est de l'objectif en matière d'accords

 25   constitutionnels. Alors vous avez indiqué que M. Portillo avait des raisons

 26   d'ordre stratégique de croire ou d'avancer que la Croatie procédait à un

 27   nettoyage ethnique.

 28   Pourriez-vous expliciter cela ? Pourquoi y avait-il des rapports

Page 24748

  1   exagérés et des allégations de nettoyage ethnique, pourquoi cela serait-il

  2   allé dans le sens de l'intérêt stratégique de qui que ce soit ?

  3   R.  Cela nous montre deux choses : la première c'est que pendant

  4   l'opération Tempête et juste après, nous avions deux choses à l'esprit,

  5   premièrement, nous réfléchissions à la façon de réintégrer de façon

  6   pacifique la Slavonie orientale; et deuxièmement, nous réfléchissions à la

  7   façon de venir en aide à la Bosnie-Herzégovine afin d'arrêter la guerre là-

  8   bas et d'y établir la paix. La Croatie était un acteur important de

  9   l'initiative de paix américaine. Cette dernière était diamétralement

 10   opposée à ce que la communauté internationale avait fait jusqu'alors sous

 11   la direction des co-présidents, Owen et Stoltenberg. Ce plan, le plan Owen-

 12   Stoltenberg, avait échoué.

 13   J'ai l'obligation ici de dire qu'en 1994 déjà, à une occasion particulière,

 14   à New York, Lord Owen m'a dit qu'il était impossible de parvenir à la paix

 15   et à la réintégration des territoires occupés sans que la Croatie ne

 16   consente à faire des concessions sur le plan territorial. Cela signifiait

 17   accorder aux Serbes de Bosnie un accès à la mer, accorder un corridor d'au

 18   moins une vingtaine de kilomètres au sud de Zupanja; ce qui signifiait

 19   également que certaines parties de la Slavonie orientale ne feraient plus

 20   partie de la Croatie, en tout cas plus partie intégrante. C'était la raison

 21   pour laquelle l'ambassadeur Holbrooke a indiqué clairement qu'il était

 22   opposé à tout changement de frontières.

 23   L'objectif stratégique en Bosnie était également de voir fonctionner de

 24   façon très convaincante la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Lorsque j'ai

 25   été présent à Washington, lors des négociations, je peux dire que notre

 26   objectif était de voir ce modèle fédéral généralisé à l'ensemble de la

 27   Bosnie-Herzégovine, en tant que modèle d'un état unique fortement

 28   décentralisé couvrant l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine et

Page 24749

  1   qui se serait fondé sur un modèle fédéral.

  2   Il y avait des différences notables entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis,

  3   pour ce qui est de leur conception stratégique, de la façon dont il

  4   convenait d'arrêter la guerre et de mettre en place la paix en Bosnie-

  5   Herzégovine. Pour ce qui est de renvoyer les parties dos-à-dos, c'était

  6   quelque chose qui compromettait les intérêts croates ainsi que la

  7   crédibilité de la Croatie. La crédibilité de la Croatie était

  8   particulièrement importante, du point de vue des Etats-Unis, afin de leur

  9   permettre d'atteindre leurs objectifs en Bosnie-Herzégovine, y compris

 10   celui de l'opération militaire conjointe du HVO, de l'ABiH et de l'armée

 11   croate.

 12   Q.  Pourriez-vous nous apporter un peu plus d'explications ? Je vous ai

 13   interrogé de façon très précise concernant la position du ministre Portillo

 14   et vous avez parlé de renvoyer les parties dos-à-dos, de déclarer que les

 15   uns étaient aussi coupables que les autres, les Serbes comme les Croates et

 16   vous avez indiqué que cela entamait la crédibilité de la Croatie.

 17   Mais allons un pas plus loin. Comment le fait d'accorder du crédit à

 18   la Croatie peut-il affecter ou promouvoir les objectifs stratégiques de qui

 19   que ce soit ? Prenons le cas du ministre Portillo. Pourriez-vous nous

 20   expliquer ce que certains pouvaient avoir à gagner en discréditant la

 21   partie croate ?

 22   R.  A ce moment-là, pratiquement 70 % du territoire de la Bosnie-

 23   Herzégovine était tenu par les Serbes de Karadzic. Il n'y avait pas la

 24   moindre chance de parvenir de façon pacifique à un accord de paix, si la

 25   fédération croato/musulmane ne procédait pas à une libération d'une partie

 26   de ce territoire. C'était absolument limpide. En affaiblissant la Croatie

 27   sur le plan de sa crédibilité, il est tout à fait certain qu'on rendait,

 28   par là même, impossible les opérations conjointes en Bosnie-Herzégovine,

Page 24750

  1   tout comme le soutien des Etats-Unis à ces mêmes opérations.

  2   Encore une fois, je souligne qu'à l'époque de la crise à Srebrenica, l'OTAN

  3   n'a pas recouru à la force pour s'interposer et que ni les généraux, ni M.

  4   Akashi n'ont autorisé cela. Cela s'est ensuite révélé tragique. L'enquête

  5   des Nations Unies, l'enquête objective conduite par les Nations Unies et

  6   ses résultats sont tout à fait connus à cet égard. En d'autres termes, nous

  7   avions conscience d'être dans l'obligation de nous lancer, nous-mêmes, dans

  8   une opération de cette nature, si nous voulions venir en aide à Bihac,

  9   libérer les territoires occupés de la Croatie et contribuer à l'initiative

 10   stratégique américaine pour qu'on puisse établir la paix en Bosnie-

 11   Herzégovine. 

 12   Q.  Merci, Monsieur Granic. Puisque nous en avons terminé avec ce sujet, je

 13   vais vous demander tout de suite d'examiner la pièce 65 ter 4606. Je vais

 14   en parler aujourd'hui, mais demain aussi.

 15   Il s'agit d'un transcript présidentiel qui correspond à une conversation

 16   téléphonique entre le chancelier allemand, M. Kohl et le président croate,

 17   M. Tudjman, et tout ceci en date du 25 août 1995.

 18   M. MISETIC : [interprétation] C'est la page 2, en anglais. Voilà. Il faut

 19   aller jusqu'au bas de la page en anglais; en croate aussi, d'ailleurs.

 20   Q.  Comme vous le voyez, ils se disent bonjour. Ensuite le chancelier Kohl

 21   dit :

 22   "Cependant, vous avez beaucoup d'amis et moi, je voudrais discuter

 23   avec vous de trois choses."

 24   Le président Tudjman dit :

 25   "Allez-y."

 26   Là, Kohl continue :

 27   "La première chose qui me préoccupe, c'est cette campagne internationale,

 28   cette campagne à niveau international par rapport à cette prétendue règle,

Page 24751

  1   violations des droits de l'homme au cours des quelques dernières semaines.

  2   Je pense que c'est très important qu'il n'y ait pas d'instauration d'un

  3   climat ou d'une ambiance anti-croate et c'est quelque chose que je connais

  4   depuis assez longtemps d'ailleurs.

  5   "Je sais --"

  6   M. MISETIC : [interprétation] Veuillez tourner la page en croate.

  7   Q.  "Je sais ce qui s'est déroulé derrière mon dos dans mon propre pays,

  8   par rapport à la reconnaissance de la Croatie. C'est pour cela que je

  9   voudrais vous demander, Monsieur le Président, et je vous demande cela très

 10   directement, je vous demande de vous engager personnellement par rapport à

 11   ce que je viens de mentionner, cette première chose que je viens de

 12   mentionner et que vous fassiez quelque chose contre cela pour qu'on puisse

 13   réagir à de telles critiques par rapport aux infractions aux droits de

 14   l'homme, le non-respect des droits de l'homme. Si ceci est justifié et que

 15   vous prenez les choses en main, vous personnellement. C'est quelque chose

 16   qui est très important et je veux bien vous aider. Cette campagne, elle ne

 17   doit pas se voir couronner d'un succès. Au cours des négociations qui sont

 18   devant nous, on ne doit pas laisser l'impression que la Croatie ne doit pas

 19   -- ne veut pas, ne souhaite pas s'engager, autrement dit, qu'elle ne

 20   souhaite pas respecter les droits de l'homme."

 21   Là, vous avez la réponse :

 22   "Monsieur le Chancelier, comme vous l'avez dit vous-même, on connaît bien

 23   les causes de cette campagne. Ce sont tous ceux qui sont contre la Croatie.

 24   Evidemment qu'il y a eu des incidents, mais ces incidents ne sont pas

 25   l'œuvre de l'armée croate ou des organes officiels. Mais j'avais 400 [comme

 26   interprété] réfugiés croates de ces territoires qui sont libérés

 27   aujourd'hui et il y en a 120 000 aujourd'hui. Ces gens, après la

 28   libération, ils sont pleins d'amertume maintenant que l'armée est passée,

Page 24752

  1   parfois il n'y a pas eu suffisamment de retenus comme vous le voyez,

  2   Monsieur le Chancelier, nous avons déjà les rapports de Ghali dans les

  3   Nations Unies qui est bien plus réel et bien plus réaliste.

  4   Ensuite le chancelier Kohl continue :

  5   "A nouveau, Monsieur le président, je comprends cela, je le comprends

  6   très bien, mais en tant qu'Allemand, sur la base de ma propre expérience,

  7   je sais comment ça se passe avec les campagnes internationales, et je sais

  8   que de toute façon c'était inutile que je me mette en colère."

  9   Donc là, quand le chancelier Kohl parle d'une campagne, quand il dit

 10   que cette campagne ne doit pas se voir couronner de succès, ensuite il fait

 11   un lien entre cela et les négociations à venir, est-ce que c'est quelque

 12   chose que l'on peut aussi lier à ce que vous avez dit au sujet des

 13   objectifs stratégiques, est-ce que c'est comme cela que vous comprenez

 14   cette mise en garde du chancelier Kohl qui a été donc formulé au président

 15   Tudjman au sujet de cette campagne et par rapport à la négociation à suivre

 16   ?

 17   R.  Là, il s'agit d'un véritable ami de la Croatie qui met en garde le

 18   président Tudjman, la Croatie, il les met en garde de cette campagne, parce

 19   que M. Kinkel l'a dit des milliers de fois, chaque chose qui se passait en

 20   Croatie, qui se produisait en Croatie, la plupart des pays, et surtout la

 21   Grande-Bretagne, accusaient l'Allemagne de cela. Tout comme l'a évoqué à

 22   juste titre le chancelier Kohl, est-ce que l'Allemagne a reconnu la Croatie

 23   trop rapidement, la reconnaissance internationale de la Croatie est venue

 24   entièrement, pleinement après la fin de la guerre ? Autrement dit, ce qu'il

 25   raconte là, cela reflète complètement la situation dans laquelle on était.

 26   Parce que d'un côté on attendait les négociations en Croatie au sujet de la

 27   zone autour du Danube, mais de l'autre côté on attendait aussi la solution

 28   de la situation de la guerre en Bosnie-Herzégovine, et la Croatie était un

Page 24753

  1   facteur extrêmement important. Parce que sans la présence croate, sans la

  2   Croatie, sans ce facteur-là, il était pratiquement impossible d'aboutir à

  3   une paix en Bosnie, et c'est pour cela que le chancelier Kohl parle comme

  4   cela avec le président Tudjman.

  5   Q.  Donc si je vous ai bien compris, ces allégations auraient donc empêché

  6   que l'armée croate obtienne de l'aide par rapport à sa participation aux

  7   opérations en Bosnie ?

  8   R.  Mais oui, bien sûr. Parce que si vous avez un pays qui procède à un

  9   nettoyage ethnique, évidemment qu'on ne va pas le laisser, on ne pas

 10   laisser son armée intervenir en Bosnie-Herzégovine.

 11   Q.  Merci, Monsieur Granic. Je vais terminer avec cette page-là.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Veuillez tourner la page en croate.

 13   Q.  Donc il dit, c'est en bas de la page en anglais :

 14   "Cependant, je vous parle comme ami, un ami qui sympathise avec votre pays.

 15   Moi, à votre place, j'inviterais des internationaux de plus hauts niveaux,

 16   des journalistes étrangers, et ensuite je leur parlerais personnellement et

 17   je parlerais ouvertement, très ouvertement des problèmes que vous, vous

 18   avez mentionnés, Monsieur, vous aussi, autrement dit la situation

 19   psychologique mais aussi qu'elle est votre position et votre volonté de

 20   faire respecter les droits de l'homme. Pensez à ma proposition, et si vous

 21   décidez de faire cela, faites-le le plus rapidement possible parce que

 22   c'est vraiment bon pour la réputation de votre pays."

 23   Le président dit :

 24   "Je vais faire quelque chose dans ce sens."

 25   Ensuite, il continue :

 26   "J'avais l'intention de le faire, et je vais parler demain au cours de ce

 27   voyage Zagreb-Split. Je vais parler de cela à Karlovac."

 28   Donc vous, vous étiez à côté du président Tudjman à Karlovac, vous étiez

Page 24754

  1   avec lui, et on va demain examiner cet enregistrement vidéo, puisque le

  2   président Tudjman a prononcé un discours, un discours public sur la route

  3   Zagreb-Split au sujet justement de ces pillages, de ces incendies ?

  4   R.  Oui. C'est vrai qu'il a fait cette déclaration, le président, mais il

  5   m'en a parlé aussi, et moi-même j'ai eu toute une série d'interviews où je

  6   me suis adressé aux médias, où je leur ai parlé des événements, je leur ai

  7   dit qu'il y a eu pillage, incendies, que tout ceci n'était pas contesté,

  8   mais qu'il fallait faire la part des choses, parce que d'un côté vous avez

  9   les incidents, même les crimes commis par des individus, des particuliers,

 10   et de l'autre côté, vous avez une autre chose, c'est le nettoyage ethnique.

 11   Moi je sais personnellement, je sais très bien ce que c'est ce nettoyage

 12   ethnique, je sais ce que nous avons vécu pendant les quatre années de

 13   l'occupation. Donc d'un côté vous avez le nettoyage ethnique et de l'autre

 14   côté vous avez un départ volontaire organisé des Serbes qui soit

 15   n'acceptaient pas l'Etat croate, soit est parti, apeuré ou parce qu'ils ont

 16   pris part à la rébellion, et ils ont participé aux crimes surtout.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, moi je voudrais

 18   demander que ce document 4606 en vertu de l'article 65 ter soit versé au

 19   dossier.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objections.

 21   M. WAESPI : [interprétation] Non.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci va devenir la pièce à conviction

 24   D1816.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ceci est versé au dossier.

 26   Est-ce que vous avez besoin de parler avec le témoin par rapport à ces

 27   communications tardives ?

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je vais en parler. Et nous allons

Page 24755

  1   sans doute avoir besoin de cela. Nous allons le faire au cours de la

  2   dernière session, à moins qu'il n'y ait pas d'autres communications par la

  3   suite.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  5   Monsieur Granic, maintenant je vais vous dire la même chose que ce que je

  6   vous ai dit hier, à savoir que vous ne devez parler avec personne au sujet

  7   de votre déposition, celle que vous avez faite ou celle qui vous reste à

  8   faire avec une seule exception, c'est-à-dire que vous pouvez vous

  9   entretenir avec la Défense Markac au sujet de documents qu'ils ont reçu

 10   très tardivement.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais entièrement respecté vos instructions,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La défense Markac sait donc

 14   qu'elle est tenue par la même ordonnance que celle que j'ai communiquée

 15   hier. Pour ne pas prendre trop en retard, puisqu'il y a une Chambre qui

 16   prend la suite, une autre affaire qui se déroule ici, nous allons donc

 17   lever la séance aujourd'hui et reprendre nos travaux demain, le 19

 18   novembre, à 9 heures du matin dans la salle d'audience numéro III.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi 19 novembre

 21   2009, à 9 heures 00.

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28