Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 11 janvier 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Je demande au greffier d'annoncer l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous.

  8   L'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina et consorts.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 10   Tout d'abord, la Chambre souhaite une très bonne nouvelle année à tous qui

 11   se trouvent dans cette salle d'audience et autour d'elle. Nous espérons que

 12   les difficultés que nous venons d'avoir ne se répéteront pas durant cette

 13   année.

 14   Après cette pause relativement longue, nous souhaitons demander aux parties

 15   s'il y a des affaires urgentes à soulever avant de procéder. Nous ne sommes

 16   pas au courant d'une telle demande. Je vois que personne ne réagit, donc on

 17   peut passer au témoin suivant.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, nous sommes prêts pour notre témoin.

 19   C'est Mme Snjezana Bagic.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Qu'on la fasse entrer dans le

 21   prétoire.

 22   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Bagic.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez dans une

 26   langue que vous comprenez ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Bonjour.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Avant de commencer votre

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  1   déposition, conformément au Règlement, vous devez lire la déclaration

  2   solennelle selon laquelle vous allez dire la vérité, toute la vérité et

  3   rien que la vérité.

  4   On va vous passer maintenant le texte de cette déclaration. Je vous prie de

  5   la lire.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  7   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  8   LE TÉMOIN : SNJEZANA BAGIC [Assermentée]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci, Madame Bagic. Vous pouvez

 11   vous asseoir maintenant.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bagic, vous êtes la seule dans

 14   cette salle d'audience à qui je n'ai pas souhaité la bonne année au nom de

 15   la Chambre. Donc je vais le faire maintenant. Je vous souhaite une très

 16   bonne nouvelle année 2010.

 17   C'est Me Mikulicic qui va vous examiner maintenant. C'est le conseil de

 18   l'accusé Markac.

 19   Allez-y, Maître Mikulicic.

 20   Interrogatoire principal par M. Mikulicic : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 22   R.  Bonjour.

 23   Q.  Je vous demande de vous présenter pour les besoins du compte rendu.

 24   R.  Je suis Snjezana Bagic.

 25   Q.  Compte tenu du fait que nous parlons la même langue, je dois attirer

 26   votre attention sur le fait que pour les besoins de l'interprétation, vous

 27   devez essayer de parler aussi lentement que possible et de faire une pause

 28   entre ma question et la réponse. Tout cela facilitera le travail des

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  1   interprètes et permettra de disposer d'un compte rendu beaucoup plus

  2   complet.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Tout d'abord, j'aimerais vous présenter le

  4   document 3D00957.

  5   Q.  Madame Bagic, ce que vous allez voir maintenant affiché à l'écran,

  6   c'est votre déclaration. Vous souvenez-vous d'avoir fait une déclaration à

  7   la Défense du général Markac en octobre 2010 ?

  8   R.  Oui, je m'en souviens. Mais je ne vois pas la déclaration à l'écran.

  9   Si, si, elle vient d'être affichée.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la dernière

 11   page de la déclaration, s'il vous plaît.

 12   Q.  On va vous présenter la dernière page de la déclaration où figure la

 13   signature, ensuite de quoi je vais vous demander de confirmer qu'il s'agit

 14   bien de votre signature.

 15   A droite en bas, la signature qu'on y voit, est-ce bien la vôtre ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Au moment où vous avez fait cette déclaration et en répondant aux

 18   questions qui vous ont été posées, avez-vous dit la vérité et avez-vous

 19   donné des réponses exactes portant sur les événements dont il était

 20   question ?

 21   R.  Oui, j'ai dit la vérité en parlant de ces événements, du mieux que j'ai

 22   pu m'en souvenir.

 23   Q.  Si on devait aujourd'hui vous reposer ces questions, questions posées

 24   au moment où la déclaration a été recueillie, vos réponses seraient-elles

 25   les mêmes ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Bien. Hier lors de la séance de récolement, vous avez examiné votre

 28   déclaration et vous avez pu observer quelques inexactitudes figurant dans

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  1   cette déclaration, par exemple, la date de l'entretien où il est indiqué

  2   qu'il s'était tenu le 29 octobre 2009. Mais en fait c'est la date de la

  3   signature de votre déclaration, alors que l'entretien lui-même s'était tenu

  4   le 23 octobre. C'est ce que vous avez précisé dans votre déclaration

  5   supplémentaire.

  6   Vous avez également apporté une modification au paragraphe 7 de cette

  7   déclaration. Ici on fait référence à l'article 9 portant sur l'annulation

  8   d'une loi, alors que c'est l'article 2 qui aurait dû y figurer. S'agit-il

  9   bien des modifications que vous avez apportées à cette déclaration pour les

 10   besoins de votre déposition

 11   d'aujourd'hui ?

 12   R.  Oui, il s'agit bien de ces modifications-là.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que le greffier

 14   d'audience affiche la déclaration supplémentaire où figurent les

 15   modifications apportées par Mme Bagic lors de la séance de récolement.

 16   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document et ces modifications, Madame

 17   Bagic ?

 18   R.  J'attends que le document soit affiché.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. A-t-on vraiment besoin de ce

 20   document, puisque le témoin l'a dit ici en audience et cela a été consigné

 21   au compte rendu --

 22   M. MIKULICIC : [aucune interprétation] 

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on peut poursuivre sans qu'on

 24   affiche le document.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est exact. C'est exact.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de voir le document.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation]

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  1   Q.  En dehors de ces deux modifications qu'on vient de mentionner, y a-t-il

  2   d'autres modifications que vous souhaiteriez apporter, des éléments

  3   auxquels vous souhaiteriez attirer l'attention de la Chambre ?

  4   R.  J'ai l'impression que non.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Je demande le versement de cette

  6   déclaration au dossier, la déclaration de Mme Bagic.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne suis pas sûre que tout a été fait de

  8   ce qu'il faut faire concernant les témoins déposant conformément à

  9   l'article 92 ter. Peut-être que je n'ai pas bien suivi.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela a été fait avant qu'on

 11   ne passe à l'histoire de cette déclaration supplémentaire.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Toutes mes excuses. Nous n'avons pas

 13   d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera D1911.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai expliqué à Mme Bagic le rôle d'un

 18   résumé de la déposition attendue du témoin. Je me propose d'en donner la

 19   lecture maintenant.

 20   Mme Bagic est juriste de formation. Elle travaille comme juge auprès de la

 21   cour constitutionnelle de la République de Croatie. Elle a étudié à la

 22   faculté de droit à Zagreb. Elle a fini ses études en 1983. Ensuite, durant

 23   toute sa vie professionnelle, elle s'est occupée des questions juridiques

 24   dans les domaines économique et juridique, ainsi qu'au sein du ministère de

 25   la Justice. Elle a occupé le poste du juge auprès du tribunal cantonal de

 26   Zagreb; du conseiller du ministre de la Justice; du secrétaire du ministère

 27   de la Justice; celui du ministre adjoint; du chef du département chargé de

 28   la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

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  1   et avec le Tribunal international de Justice de La Haye; ainsi que le chef

  2   de département juridique du gouvernement de la République de Croatie.

  3   Mme Bagic s'est occupée personnellement de l'élaboration de nombreuses lois

  4   dans le domaine de la propriété. Elle a participé à la préparation d'une

  5   Loi portant sur l'acquisition temporaire des biens et leur gestion portant

  6   sur la propriété des personnes ayant quitté le territoire de la République

  7   de Croatie avant, durant et suite à l'opération Tempête. Cette loi porte

  8   exclusivement sur les droits des personnes dans ce contexte.

  9   La raison pour laquelle cette loi a été adoptée est double : tout

 10   d'abord, le besoin d'héberger un très grand nombre de réfugiés ou de

 11   personnes qui revenaient soit d'autres régions, soit de l'étranger; la

 12   deuxième raison pour laquelle cette loi a été adoptée était le besoin de

 13   préserver en état les propriétés abandonnées et de les protéger des

 14   destructions, ce qui, objectivement, ne pouvait être fait qu'en mettant ces

 15   biens immobiliers à la disposition des personnes ayant besoin d'un

 16   logement.

 17   Cette loi n'a pas apporté des modifications dans le domaine des

 18   droits de propriété. Donc il ne s'agit pas de la confiscation des biens,

 19   même si certaines personnes qui ne connaissent pas suffisamment bien cette

 20   loi l'avancent.

 21   Les propriétaires des biens abandonnés, par cette loi, se sont vu limiter

 22   leurs droits de propriété sur ces biens conformément à la constitution de

 23   la République de Croatie, ce qui s'est avéré une mesure légitime ayant été

 24   confirmée par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.

 25   Cette cour européenne a rendu une décision selon laquelle la limitation des

 26   droits de propriété a été imposée avec un objectif légitime, à savoir

 27   d'héberger les réfugiés même s'il a été observé que la République de

 28   Croatie a manqué de préciser quels seraient les dédommagements offerts aux

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  1   propriétaires de ces biens en échange de leur impossibilité de jouir de

  2   droits de leurs propriétés.

  3   C'est le résumé donc de la déposition de Mme Bagic. Si vous le

  4   permettez, j'aimerais maintenant passer en interrogatoire principal.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, faites-le.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation]

  7   Q.  Madame Bagic, aujourd'hui, maintenant, vous êtes juge au sein de la

  8   cour constitutionnelle de la République de Croatie. Je vous demanderais de

  9   nous décrire très brièvement le rôle de la cour constitutionnelle dans le

 10   système des pouvoirs de la République de Croatie et de nous dire si le rôle

 11   de la cour constitutionnelle diffère de celle qu'elle avait à l'époque qui

 12   a précédé l'opération Tempête en 1996 et ensuite 1996, 1997.

 13   R.  Oui, je suis bien le juge de la cour constitutionnelle. J'ai pris mes

 14   fonctions le 7 décembre 2006.

 15   En ce qui concerne le rôle de cette cour, il n'a pas été modifié. Le rôle

 16   de la cour constitutionnelle est prévu par la constitution de la République

 17   de Croatie. La cour constitutionnelle de la République de Croatie est

 18   compétente pour plusieurs questions.

 19   On considère que cette cour a des compétences très, très larges par rapport

 20   par rapport à d'autres cours constitutionnelles dans les Etats européens.

 21   Notamment, deux compétences de cette cour sont pour moi les plus

 22   importantes, à savoir le contrôle abstrait et le contrôle concret.

 23   Alors qu'est-ce qu'on comprend sous le terme contrôle abstrait. Donc on

 24   contrôle la constitutionnalité des lois, mais aussi des textes et aux

 25   forces de loi ou autres textes émanant de l'Etat. En dehors de ce contrôle

 26   abstrait, la cour constitutionnelle décide si dans des cas individuels

 27   portant sur des situations judiciaires ou administratives qui finissent

 28   devant un organe judiciaire, un droit fondamental ou une liberté

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  1   fondamentale a été violé. Donc il y a un organe, un organe qui s'occupe des

  2   appels dans le domaine de la préservation des droits et des libertés

  3   fondamentales, et c'est la cour constitutionnelle qui statue ces cas-là.

  4   Q.  Bien. Merci. C'est quelque chose sur quoi nous allons revenir plus

  5   tard.

  6   Je vous demanderais encore une explication portant sur le rôle de la

  7   cour constitutionnelle et son emplacement au sein du système des pouvoirs.

  8   Est-ce que la cour constitutionnelle représente une partie des pouvoirs

  9   exécutifs comme une sorte de cour de cassation ou son rôle est-il différent

 10   ?

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons [comme interprété] entendu du

 14   français sur la chaîne anglaise, mais maintenant cela a été corrigé.

 15   Vous pouvez poursuivre.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Madame Bagic, donc vous avez parlé de la cour constitutionnelle…

 18   R.  La cour constitutionnelle ne fait pas partie des autorités judiciaires.

 19   Il est considéré que c'est le quatrième organe d'autorité. Pourquoi ? Parce

 20   que grâce à ses ingérences que la constitution lui confère, cette cour peut

 21   surveiller à la fois les organes de pouvoir judiciaire et législatif.

 22   Q.  Nous allons maintenant revenir sur votre carrière, carrière que vous

 23   avez menée au cours des années 90 du siècle dernier, pendant que vous avez

 24   travaillé au sein du ministère de la Justice en exerçant des fonctions

 25   différentes.

 26   Dans le résumé de votre déclaration, nous avons dit que vous avez participé

 27   à l'élaboration des projets de lois différentes et nous allons élaborer là-

 28   dessus maintenant. Est-ce que vous pouvez nous décrire la procédure en

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  1   question. Donc de quelle manière que l'on crée une loi dans la République

  2   de Croatie ?

  3   R.  Je vais essayer de le faire et je vais essayer d'être aussi brève que

  4   possible. C'est exact. Au sein du ministère de la Justice -- enfin, j'y

  5   suis arrivée en 1991, et justement pour m'occuper des affaires liées aux

  6   propriétés sur le plan juridique, et je travaillais surtout dans le domaine

  7   de l'élaboration des lois et réglementations concernant le droit civique.

  8   Je vais faire une digression ici : nous parlons de la période de transition

  9   de la République de Croatie au moment de son indépendance et l'ensemble du

 10   système social et l'ensemble de la législation devaient être transformés.

 11   C'était une période extrêmement dynamique mais aussi exigeante pour juriste

 12   s'agissant de l'élaboration d'une loi ou d'une réglementation.

 13   Lors de l'élaboration d'une loi, en règle générale, l'organe du ministère

 14   dans la problématique relève du domaine en est compétent. Par exemple, le

 15   ministère du Transport était compétent pour les voies ferroviaires, mais

 16   d'autres domaines relevaient du ministère de la Justice.

 17   Au sein du ministère de la Justice, une section du ministère qui était

 18   compétente, par exemple, pour les droits de propriétés était compétente

 19   donc pour l'élaboration de telles lois. Compte tenu du fait que dans

 20   l'administration de l'Etat, et surtout dans certains départements il n'y a

 21   pas eu suffisamment de juristes capables d'effectuer ces tâches, et là je

 22   parle des lois totalement nouvelles comme la loi sur la propriété, et

 23   cetera.

 24   Nous avons dû créer des groupes de travail constitués des experts, et là je

 25   parle des professeurs des facultés de droit, des collègues qui

 26   travaillaient dans des tribunaux, et ainsi de suite. Et ce groupe de

 27   travail élaborait des projets de loi. Finalement, au moment où un texte de

 28   loi était prêt pour avoir la forme d'un projet de loi, le ministère de la

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  1   Justice ou un autre organe envoie ça au gouvernement de la République de

  2   Croatie qui organise une discussion là-dessus, y compris avec d'autres

  3   ministères qui peuvent faire leurs commentaires. Puis le cabinet du

  4   gouvernement donnait son avis également pour savoir si c'était conforme à

  5   la constitution et au reste de la législation. Et après ce départ

  6   gouvernemental, lorsque le projet de loi était adopté, il était envoyé

  7   devant le parlement de la République de Croatie au nom du gouvernement pour

  8   la suite des débats et l'adoption.

  9   Pour ce qui est de la suite de la procédure concernant les options de la

 10   loi au sein du parlement croate, en règle générale, il existe deux lectures

 11   du projet de loi d'abord, et la deuxième lecture concerne la proposition

 12   définitive de la loi. Autrement dit, devant les organes de travail du

 13   parlement, lors de la session plénière, l'on discutait lors de la première

 14   lecture du projet de loi, les élus donnaient leurs avis, et à la fin ils

 15   votaient pour ou contre l'adoption de la loi.

 16   Heureusement, le plus souvent les lois sont adoptées, ensuite le

 17   texte est renvoyé à celui qui l'a proposé - ici, il s'agit du gouvernement

 18   - le parlement explique éventuellement si quelque chose n'a pas été adopté,

 19   les modifications qu'il faudrait apporter, ensuite le gouvernement doit

 20   renvoyer le texte corrigé devant le parlement. Normalement le délai était

 21   de six mois.

 22   Q.  Merci de cette explication. Nous n'allons plus entrer dans les détails

 23   de cette procédure.

 24   Donc je crois que vous l'avez déjà dit, mais nous allons réexpliquer

 25   les choses.

 26   Toute cette procédure que vous avez expliquée concernant l'adoption

 27   d'une loi était assez longue. Quelle était sa durée moyenne ?

 28   R.  Il est difficile de répondre très concrètement à cette question compte

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  1   tenu du fait que ceci dépendait également, enfin, non pas seulement de

  2   l'importance et de la taille d'une loi, mais je dirais qu'en moyenne il

  3   s'agissait d'une période d'entre huit et dix mois.

  4   Q.  Cependant, si dans le fonctionnement de l'Etat il est tout simplement

  5   nécessaire de faire en sorte qu'un domaine soit régulé en utilisant une

  6   procédure plus urgente, est-ce que dans la structure du gouvernement croate

  7   il existe une autre procédure suivant laquelle le gouvernement peut adopter

  8   des décrets.

  9   Est-ce que vous pouvez nous expliquer cette procédure ?

 10   R.  Je vais essayer.

 11   D'après la constitution, le gouvernement a le droit d'adopter les décrets

 12   ayant la force de la loi. Avec votre permission, je vais apporter une

 13   clarification. Le gouvernement est compétent, en règle générale, d'adopter

 14   les décrets afin de faire respecter les lois et appliquer les lois. Mais

 15   vous me posez maintenant la question portant sur un autre type de décret,

 16   décret ayant la force de la loi. Le gouvernement peut les adopter sur la

 17   base des compétences constitutionnelles du gouvernement. Donc le

 18   gouvernement peut adopter de tels décrets ayant la force de la loi pour

 19   régir certaines questions, mais à l'exception des questions telles que les

 20   droits de l'homme fondamentaux et les libertés fondamentales.

 21   Avec l'adoption de tels décrets ayant la force de la loi, le

 22   gouvernement doit faire référence à la disposition de la constitution - je

 23   pense qu'il s'agit de l'article 87 de la constitution - et chaque année une

 24   loi est adoptée portant sur les compétences du gouvernement dans ce

 25   domaine-là, et les questions concernant lequel le gouvernement avait le

 26   droit d'adopter les décrets ayant la force de la loi, et ces questions

 27   concernaient les questions économiques. Ces décrets ayant la force de la

 28   loi ont un effet limité. D'habitude, leur validité est un an, et au bout

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  1   d'un an le parlement doit soit changé ce décret, soit l'adopter. Donc nous

  2   appelons ces décrets les décrets ayant force de loi.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons maintenant nous pencher

  4   sur l'article P476.

  5   Q.  Madame Bagic, nous allons nous pencher maintenant sur le décret numéro

  6   1 adopté par le gouvernement lors de la séance qui a eu lieu le 31 août

  7   1995. Il s'agit d'un décret portant sur l'acquisition temporaire -- ou la

  8   reprise temporaire et la gestion de certaines propriétés.

  9   Est-ce que vous avez des connaissances personnelles s'agissant de ce

 10   décret ? Est-ce que vous savez dans quel contexte temporaire et logique

 11   elle était adoptée ?

 12   R.  Oui, je connais cela. Il faut toujours rappeler les faits. Il est

 13   indiqué que sur la base de cette Loi portant sur les compétences du

 14   gouvernement, ce décret a été adopté, et ce décret a été adopté lors de la

 15   session du gouvernement du 31 août 1995.

 16   Si vous considérez cela nécessaire, Monsieur le conseil de la Défense, je

 17   peux apporter des explications supplémentaires.

 18   Q.  Est-ce que vous avez participé à l'élaboration de ce

 19   décret ?

 20   R.  Oui. Compte tenu du fait qu'auparavant, j'avais participé aux

 21   préparatifs de l'élaboration du projet de loi ayant la même appellation,

 22   c'est-à-dire Loi portant sur la reprise temporaire et gestion de certaines

 23   propriétés.

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on brièvement nous pencher sur la

 25   pièce D427.

 26   Q.  Madame Bagic, je vais vous montrer maintenant la pièce à conviction qui

 27   a été versée au dossier. Il s'agit d'un projet de loi qui a été soumis

 28   devant le parlement de la République de Croatie.

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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite demander au greffe de passer à

  2   la page 3D000-0911; il s'agit là de la motivation de ce projet de loi --

  3   l'exposé des motifs de ce projet de loi.

  4   Q.  Vous pouvez donc lire du côté gauche l'exposé des motifs, et il en

  5   ressort que le parlement ou la chambre des députés du parlement de la

  6   République de Croatie, lors de sa 26e session tenue le 4 juillet 1995, a

  7   adopté les conclusions acceptant la Loi portant sur la reprise et gestion

  8   temporaire de certaines propriétés.

  9   Compte tenu de la chronologie, nous pouvons voir qu'il s'agit ici du

 10   4 juillet, que c'est à cette date-là que la chambre des députés a adopté

 11   cette loi qui avait été proposée au préalable. Est-ce que vous souvenez

 12   quand ?

 13   R.  Si mes souvenirs sont bons, le projet de loi a été soumis au mois de

 14   juin, et a été adopté en tant que proposition par le gouvernement croate.

 15   Ceci a été soumis au parlement pour le débat, ensuite a fait l'objet des

 16   débats au sein du parlement, et a été adopté lors de sa session du 4

 17   juillet 1995.

 18   Q.  Et maintenant, la procédure devant le parlement s'ensuit. Vous avez

 19   décrit la procédure. Première lecture, deuxième lecture, renvoi devant le

 20   gouvernement, et ainsi de suite, et c'est une procédure relativement

 21   longue. Cependant, ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement --

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Et maintenant, nous pouvons revenir au

 23   document précédent. Il s'agit du document P476.

 24   Q.  Nous pouvons voir que le gouvernement, lors de sa session du 31 août,

 25   donc avant que le parlement n'ait adopté cette loi, a adopté un décret

 26   portant sur la reprise temporaire et la gestion de certaines propriétés,

 27   donc concernant le même domaine que celui couvert par la loi.

 28   Est-ce que vous pourriez nous décrire les circonstances qui ont amené le

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  1   gouvernement à agir ainsi ?

  2   R.  Je vais essayer.

  3   Avec votre permission, je souhaite tout d'abord revenir à la période

  4   qui a précédé à l'élaboration et la soumission des propositions. J'avais

  5   déjà dit que j'avais travaillé au sein du ministère dans le cadre de

  6   l'administration compétente de la gestion des questions de propriétés. Déjà

  7   en 1990 et par la suite lorsque les questions liées à l'indépendance de la

  8   République de Croatie et à la nouvelle distribution des biens au sein de

  9   l'ex-Yougoslavie sont devenues d'actualité, il y avait une pression exercée

 10   sur la population afin que celle-ci parte dans les régions de ses origines

 11   ethniques. Pourquoi est-ce que je mentionne cela ? Car dans

 12   l'administration chargée des biens mobiliers, il y avait beaucoup de

 13   citoyens originaires de la Voïvodine ou de certaines régions, par exemple,

 14   autour de Banja Luka, qui souhaitaient échanger leurs propriétés contre les

 15   propriétés des citoyens de la République de Croatie. Il y avait de plus en

 16   plus de contrats d'échange de ce type. Je peux parler seulement des

 17   citoyens qui ont ainsi acquis les biens immobiliers dans la République de

 18   Croatie.

 19   Maintenant, les réglementations étaient nouvellement adoptées dans les

 20   Etats nouvellement établis. Ce domaine n'avait pas encore été réglé sur le

 21   plan législatif, donc il fallait voir quelle était la validité de tels

 22   contrats. Et le ministère de la Justice a décidé de donner son aval à la

 23   validité de ces documents émanant des autres Etats, documents qui

 24   comportaient des signatures et des sceaux.

 25   Et après l'opération Eclair, qui a eu lieu au printemps 1995 en Slavonie

 26   orientale, beaucoup de personnes ont abandonné leur propriété. Il ne

 27   s'agissait pas d'un échange mais les gens partaient tout simplement. La

 28   propriété était abandonnée. Il y avait des pillages, des destructions. Donc

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  1   il a fallu se pencher sur la question afin de protéger et préserver les

  2   propriétés d'un côté afin d'aider les citoyens qui souhaitaient les vendre

  3   ou les acheter.

  4   Les événements se sont déroulés très vite par rapport à la procédure

  5   législative habituelle, car au mois d'août, après l'opération Tempête, les

  6   propriétés abandonnées par les citoyens qui sont partis soit ailleurs dans

  7   la République de Croatie, soit en RFY ou en Bosnie, leur nombre s'est accru

  8   de manière importante. Il devenait de plus en plus clair que les propriétés

  9   avaient été abandonnées et que l'on procédait au pillage et à la

 10   destruction de ces propriétés, donc il était nécessaire de faire régner

 11   l'ordre et la loi de manière assez urgente.

 12   Je dois dire que les autorités locales dans ces régions-là, en raison de

 13   cet abandon en masse de la propriété, il ne leur était pas possible de

 14   protéger cette propriété.

 15   Puis d'ailleurs, avec l'abandon volontaire, le nombre de réfugiés, de

 16   personnes déplacées s'est accru. Il y avait des personnes qui avaient perdu

 17   leurs biens immobiliers, ils sont venus dans la République de Croatie et la

 18   question de leur hébergement n'était pas résolue. Il n'était pas possible

 19   de les installer dans des locaux publics.

 20   Q.  Madame Bagic, ce que vous venez de nous dire fait partie de notre

 21   question suivante, question que je souhaitais vous poser, c'est-à-dire quel

 22   était le ratio légiste d'un tel décret ? Et pour ce faire, je vous invite à

 23   vous pencher sur le document D1823. Je vais vous montrer le compte rendu de

 24   la 262e session à huis clos du gouvernement de la République de Croatie

 25   tenue le 31 août 1995. Et lors de cette session, les membres du

 26   gouvernement ont expliqué et discuté des raisons pour lesquelles ce décret

 27   a été adopté.

 28   Tout d'abord, je souhaite vous demander si vous avez assisté à cette

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  1   session du gouvernement du 31 août, lors de laquelle il a été question de

  2   ce décret et lors de laquelle le décret a été adopté ?

  3   R.  Non, je ne me souviens pas avoir assisté à cela.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

  5   Apparemment, nous avons un problème technique.

  6   [Le conseil de la Défense se concerte]

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Apparemment, j'ai eu un problème concernant

  8   l'annotation du document. Peut-être j'ai indiqué la mauvaise date. Donc je

  9   souhaite que le greffe montre le document 05015. En vertu de l'article 65

 10   ter -- oui, maintenant c'est à l'écran.

 11   Je souhaite que l'on passe à la page 3 du texte en croate de ce document.

 12   Il s'agit de la page 0614-2854.

 13   Q.  Maintenant, Madame Bagic, je souhaite attirer votre attention sur

 14   l'intervention du président du gouvernement, M. Nikica Valentic, qui dit

 15   dans cet extrait-là :

 16   "Nous passons au point 1, point 1 A et B, avant que je donne la parole au

 17   vice-président Misetic, qui a coordonné le travail s'agissant de cette loi,

 18   la deuxième lecture et la proposition de la loi soumise au gouvernement

 19   dont le texte est identique, je souhaite avertir le gouvernement du fait

 20   qu'il s'agit là d'un des documents les plus importants adoptés par le

 21   gouvernement sur le plan factuel et sur le plan des implications

 22   politiques.

 23   "Comme vous avez pu le constater, il s'agit en réalité de la nécessité de

 24   protéger les propriétés qui ont perdu leur propriétaire de fait, les

 25   propriétés dont la valeur se compte en milliards, les propriétés qui ne

 26   sont placées sous la protection de qui que ce soit et qui, dans une grande

 27   mesure, en raison de cela, est brûlée et pillée. Et à moins que cette

 28   propriété ne soit placée sous la protection de quelqu'un, il est

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  1   pratiquement impossible de la protéger dans une région aussi vaste. Nous

  2   sommes conscients des implications politiques possibles, et c'est la raison

  3   pour laquelle nous avons opté pour une solution que nous considérons comme

  4   ayant une justification à la fois factuelle, politique et juridique. C'est

  5   la raison pour laquelle je souhaite demander au vice-président Misetic

  6   d'expliquer la loi et le décret; et je vais peut-être juste expliquer une

  7   nouvelle fois la raison pour laquelle nous adoptons ce décret.

  8   "Nous avons analysé le fondement constitutionnel de cela longuement et nous

  9   considérons que ce décret ne va pas à l'encontre de la constitution. Mais

 10   puisque nous avons un projet de loi qui suit sa procédure devant le

 11   parlement, le parlement peut, lors de sa session suivante ou celle d'après,

 12   adopter cette loi et ainsi abroger ce décret; cependant, le décret prend

 13   clairement la place de la loi avant l'adoption de celle-ci."

 14   Après cela, M. Misetic qui, à l'époque, était le vice-président du

 15   gouvernement, donne l'explication à son tour. Il dit, je cite, il s'agit de

 16   la page suivante, il dit qu'il s'agit là de la propriété qui peut être

 17   classifiée en plusieurs catégories et qu'il existe plusieurs catégories de

 18   citoyens aussi. Il énumère au paragraphe 2 en disant qu'il s'agit des

 19   propriétés des citoyens de la République de Croatie qui, le 17 août et il

 20   est question de l'année 1995, ont quitté la Croatie suite à l'agression

 21   contre la République de Croatie.

 22   Le deuxième type de propriétaires - là il s'agit des citoyens de la Serbie

 23   et Monténégro à l'époque, qui ont les biens immobiliers sur le territoire

 24   de la République de Croatie.

 25   La troisième catégorie concerne les citoyens, primairement ceux qui sont

 26   sur les territoires occupés de la République de Croatie qui, après la

 27   libération de ces territoires occupés, ont quitté le territoire de la

 28   République de Croatie.

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  1   Et le vice-président Misetic continue en disant que le but est de gérer ces

  2   biens immobiliers comme un bon propriétaire le ferait afin d'éviter les

  3   dégâts immenses infligés à cette propriété; et deuxièmement afin de

  4   s'assurer qu'un grand nombre de citoyens de la Croatie, surtout des

  5   Croates, qui ont été expulsés des autres régions de l'ex-Yougoslavie,

  6   notamment par les Serbes, et qui se sont retrouvés dans la République de

  7   Croatie, donc pour s'assurer qu'ils puissent être hébergés.

  8   Nous passons maintenant à la page suivante où Misetic, ligne 10 -- ou 7,

  9   voici ce qu'il dit :

 10   "La proposition finale des organes de coordination pour les affaires

 11   intérieure et pour" --

 12   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas eu la traduction.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais à la ligne

 14   17, la phrase n'a pas été achevée lorsqu'elle a été lue, ce qu'a dit M.

 15   Misetic, que c'était essentiellement des Croates qui avaient été expulsés

 16   d'autres parties de la Yougoslavie par des Serbes et qui pourraient

 17   bénéficier de ces propriétés; c'est comme ça que la phrase se termine en

 18   anglais.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes d'accord avec ça, à savoir le

 20   texte de cette phrase, Maître Mikulicic ?

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. Laissez-moi, s'il vous plaît, regarder

 22   cette question de la proposition finale.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait également un problème qui

 24   s'est posé au niveau de l'interprétation, les interprètes n'ayant pas eu à

 25   l'écran la traduction. En l'occurrence, il s'agirait de la page 19, lignes

 26   22 et 23.

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] Je suis d'accord pour le premier point.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être --

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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Je peux répéter.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous répéter la

  3   phrase entièrement, avec un passage précis d'une page à l'autre.

  4   Veuillez poursuivre.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président.

  6   Q.  Donc cette partie du texte qui n'a pas été traduite se lit comme suit :

  7   "La proposition finale concernant la coordination de politique" --

  8   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas cela et on interprète d'après ce

  9   l'on entend dire par le conseil qui lit.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Bien --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les interprètes disent qu'ils ont

 13   interprété comme ils sont censés le faire à partir de ce que vous avez lu,

 14   Maître Mikulicic.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense que ça va aller.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous avons maintenant --

 17   Madame Gustafson, est-ce que vous êtes satisfaite que nous avons bien…

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais vous dire, pour le compte rendu,

 19   que oui je suis satisfaite de cela. Simplement, je ne suis pas bien sûre

 20   d'où on trouve ça dans le document.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agit de la partie du document en

 23   croate, la septième ligne sur la gauche de l'écran. La phrase commence par

 24   le mot "Konaci prijedlos."

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Je ne peux pas voir le texte anglais.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je pense que c'est au bas de la page 3 de

 28   l'anglais.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien que nous n'ayons pas l'anglais

  2   sur nos écrans pour le moment. Vous pouvez poursuivre. Les mots que vous

  3   avez dits, tels que traduits, l'ont été.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Page anglaise, troisième page, 15 lignes à

  5   partir du bas et qui commence par, je cite:

  6   "Proposition finale."

  7   Cinquième ligne à partir du bas. Oui, c'est bien cela, à l'endroit où se

  8   trouve le curseur maintenant.

  9   Est-ce que je devrais en donner à nouveau lecture, Monsieur le Président ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit

 11   nécessaire.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Bien.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Indépendamment du fait que ce document

 14   est présenté comme élément de preuve et sa traduction également.

 15   Veuillez poursuivre.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Q.  Témoin, je voudrais maintenant vous demander, s'il vous plaît, étant

 18   donné que vous avez pris part à la préparation de cette loi et que vous

 19   avez vu maintenant comment on a expliqué, lors de la séance du

 20   gouvernement, les motifs qui sont à la base de son adoption, d'après ce que

 21   vous avez compris et les principes qui vous ont servi de directives et qui

 22   vous ont guidée, est-ce que vous pouvez nous dire si c'est bien la

 23   procédure ?

 24   R.  Oui. Il me semble que ceci correspond bien à la procédure qui a été

 25   suivie, c'est ce qui a été fait. Je pense qu'entre ces deux lois il y a

 26   également eu un décret. Ce sont essentiellement les juristes du ministère,

 27   des gens qui étaient de la faculté de droit, et d'autres ministères du

 28   gouvernement croate, qui ont pris part à cette rédaction, et ils ont dû

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  1   analyser quelles étaient celles des dispositions qui seraient

  2   constitutionnelles, acceptées et bien fondées.

  3   Nous étions conscients du fait que notre constitution, même si elle

  4   était très récente, nous étions, en fait, en train d'apprendre pratiquement

  5   ce qui concernait la propriété privée et les garanties qui s'y attachaient.

  6   Et ce n'était pas un droit absolu. Bien entendu, c'était sujet à certaines

  7   limitations, mais on ne pouvait le faire que par les moyens d'une loi,

  8   compte tenu des circonstances qui, par exemple, pouvaient exiger la

  9   protection de la République de Croatie.

 10   Deuxièmement, lorsqu'une loi ou un décret était rédigé, nous n'avons jamais

 11   discuté des saisies de propriété ou du droit de la propriété d'une manière

 12   quelconque. Mais puisqu'il s'agissait là de propriétés ou de biens qui

 13   étaient abandonnés et que les propriétaires étaient partis, nous avons

 14   finalement trouvé l'idée qu'on pouvait parler d'usage limité de la

 15   propriété. Il a fallu, à ce moment-là, que nous trouvions un cadre

 16   juridique acceptable qui pourrait permettre d'incorporer ce type de

 17   restrictions limitées des droits de la propriété d'une façon qui

 18   permettrait à des tiers, ceci faisant également partie de la loi, d'avoir

 19   un usage temporaire, de jouir d'un usage temporaire de ses propriétés ou

 20   biens.

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais maintenant demander au greffe

 22   de nous présenter la pièce P476, qui est le décret proprement dit.

 23   Q.  Vous avez dit, Madame Bagic, que la propriété est une catégorie qui est

 24   définie par les lois croates et que ce décret ne manquait pas ou

 25   n'abrogeait pas le fait d'être propriétaire de la propriété mais les

 26   limitait.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Je ne suis pas sûr si votre réponse ait été complètement interprétée.

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  1   Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter quel type de limitation était

  2   envisagé par ce décret ?

  3   R.  Ce décret mettait la propriété en question sous une gestion temporaire

  4   et nous parlons de droits de propriété individuels qui avaient une

  5   incidence sur la propriété en question parce qu'elle prévoyait la

  6   possibilité que des organes compétents, une commission, puissent être

  7   confiés à des tiers pour un usage temporaire. Il s'agissait là d'un groupe

  8   de population qui était pris comme objectif, qui était ciblé et nous

  9   voulions parler là de personnes qui avaient été expulsées, des réfugiés,

 10   des familles ou des familles de ceux qui étaient tombés au combat dans la

 11   guerre pour la patrie et d'autres personnes de ce genre.

 12   Je vais essayer, excusez-moi.

 13   Q.  Regardons maintenant l'article 2 de ce décret, au paragraphe 2, qui se

 14   lit :

 15   "A compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret, les propriétés

 16   situées sur le territoire de la République de Croatie, appartenant à des

 17   personnes qui ont quitté la République de Croatie après le 17 août 1990,

 18   propriétés se trouvant dans la zone occupée de la République de Croatie qui

 19   est située dans le territoire de la République fédérale de Yougoslavie

 20   (Serbie-et-Monténégro) ou dans le secteur occupé de la Bosnie-Herzégovine

 21   et qui n'a pas été utilisé personnellement par les propriétaires à partir

 22   du jour où ils sont partis."

 23   Nous voyons ici une définition à la fois de la propriété et des personnes

 24   qui s'y rattachent et c'est la date du 17 août 1990 qui est la date à

 25   laquelle remonte le texte, c'est-à-dire la date de l'agression contre la

 26   Croatie à laquelle M. Misetic faisait référence lors de la séance du

 27   gouvernement.

 28   On voit que ce terme de propriété s'applique à tous les biens meubles et

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  1   immeubles.

  2   Du point de vue de la solution législative, pourriez-vous expliquer cela ?

  3   R.  L'administration temporaire, telles que les choses sont définies,

  4   inclut les immeubles, à savoir les maisons, les terrains et aussi les biens

  5   meubles qui étaient rattachés à ces immeubles, parce qu'il y a des

  6   situations dans lesquelles quelqu'un pouvait être là tout simplement et

  7   prendre des machines, des engins, des outils, les voler, et donc

  8   s'approprier les biens appartenant à une autre personne, en d'autres

  9   termes. Donc le motif, le but, c'était que lorsque des biens immeubles

 10   étaient passés à certaines personnes pour qu'elles puissent vivre sur place

 11   et également assurer leur subsistance à ce moment-là de façon à protéger

 12   les biens, c'est la raison pour laquelle le décret couvrait à la fois les

 13   biens immeubles et les biens meubles.

 14   Q.  Regardons maintenant la page suivante du texte croate, l'article 4, qui

 15   envisage la création de commissions dans les municipalités ou les villes et

 16   qui ont certaines tâches particulières.

 17   Pourriez-vous nous dire quelque chose concernant les tâches de ces

 18   commissions, du point de vue de ce décret ou du projet de loi qui s'est

 19   tenu par la suite ?

 20   R.  Oui. A savoir, l'appréciation, c'était que les autorités locales et la

 21   population locale étaient les mieux à même de reconnaître à quoi se

 22   rattachait la propriété en question et à mettre en œuvre la loi de façon à

 23   ce que dans les villes et les municipalités, les commissions qui étaient

 24   constituées devaient, en premier lieu, établir la liste des biens en

 25   question, ces biens étaient donc couverts par la loi en question, c'est-à-

 26   dire les biens qui devaient être considérés comme ayant été abandonnés.

 27   En plus d'établir les listes de ces biens, de ces propriétés, établissant

 28   quels étaient les biens couverts par ces lois ou décrets, il y avait, en

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  1   plus, un pouvoir supplémentaire qui était de remettre ces biens aux fins

  2   d'être utilisés par des catégories de personnes qui sont énumérées à

  3   l'article 5 - je pense avoir déjà mentionné cela - à savoir les groupes qui

  4   étaient visés par ces dispositions parce que nous parlons là des

  5   circonstances, nous avions une énorme crise en matière de réfugiés, à

  6   l'époque, dans la République de Croatie. Nous avions un afflux considérable

  7   de réfugiés ou de personnes qui revenaient et qui n'avaient pas de

  8   possibilité d'hébergement. C'est la raison pour laquelle ce décret, cette

  9   loi avait trait, de façon explicite, non seulement à ces catégories de

 10   personnes, mais il y avait également toutes les autres catégories de

 11   personnes qui n'étaient pas visées par ce décret; donc on définissait ce

 12   qui serait illégal.

 13   De même, lorsque les commissions prenaient des décisions pour attribuer des

 14   biens aux fins d'usage dans ces catégories, ils étaient également obligés

 15   de rédiger une lettre officielle concernant les conditions de

 16   l'appropriation au moment où elle avait lieu, où elle était autorisée de

 17   façon temporaire pour utilisation par un utilisateur temporaire.

 18   Le travail de commission était dirigé par le ministère qui devait vérifier

 19   si tout était bien en ordre. S'il y avait des problèmes qui pouvaient se

 20   poser entre les différentes autorités locales, s'il y avait des difficultés

 21   d'interprétation des textes ou de mise en œuvre de ce décret, c'était à

 22   certaines de ces commissions de s'en occuper.

 23   Q.  Donc nous voyons à l'article 4, à l'avant-dernier paragraphe, qu'il y

 24   avait un représentant de chacun des ministères, du ministère du

 25   Développement et de la Reconstruction, le ministère de la Reconstruction,

 26   le ministère de l'Intérieur, le ministère du Travail et des Affaires

 27   sociales qui s'occupait, par exemple, des personnes expulsées et des

 28   réfugiés, les bureaux municipaux, ainsi que d'autres organes compétents qui

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  1   pouvaient, en cas de besoin, être -- ou de personnes qui pourraient être

  2   nommées à la commission.

  3   Pourriez-vous nous dire quel était le motif pour lequel ce décret envisage

  4   la composition de commissions de cette manière ? Pourquoi est-ce qu'il

  5   faudrait qu'il y ait des membres des ministères de l'Etat d'un côté, et

  6   également des représentants de la communauté locale ?

  7   R.  Ceci était fait parce qu'il semblait nécessaire à l'époque et ça

  8   semblait être une solution pragmatique, parce que d'un côté les

  9   représentants de la communauté locale étaient ceux qui étaient les mieux à

 10   même de connaître les circonstances dans leur propre secteur; et d'autre

 11   part, l'Etat était sur le point de définir ce type de propriétés et de

 12   protection sur ces propriétés. Nous avions là une situation qui était

 13   extraordinaire et complexe et il était nécessaire que tous les organes du

 14   gouvernement, les ministères, aient également leurs représentants dans ces

 15   commissions.

 16   D'un côté, le motif, c'était de protéger les intérêts de l'Etat et la

 17   protection des propriétés en exerçant ce rôle de l'Etat; et d'autre part,

 18   que ces représentants, ils soient des organes les plus élevés, c'est-à-dire

 19   les ministères qui pouvaient à ce moment-là compléter le décret ou la loi

 20   du mieux possible en coopération avec le représentant de la communauté

 21   locale.

 22   Q.  Vous avez déjà dit que les biens faisaient l'objet d'une liste. Et à

 23   l'article 4, au troisième paragraphe, il est mentionné que la liste des

 24   biens devait être présentée au ministère du Développement et de la

 25   Reconstruction qui, à ce moment-là, s'occuperait des biens en question.

 26   Madame Bagic, quel était l'objectif pour un ministère de garder les

 27   archives relatives à des biens qui, de cette manière, étaient placés sous

 28   l'administration de l'Etat ?

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  1   R.  Il semblait nécessaire de centraliser les listes de façon à avoir des

  2   archives unifiées en un seul lieu, ne serait-ce que pour pouvoir les

  3   inspecter et contrôler et voir s'il y avait des abus ou des problèmes afin

  4   de les éviter, si on pouvait les éviter et tout ceci faisait l'objet de

  5   vérifications régulières.

  6   Q.  A l'article 5 de ce décret, il est dit que les commissions auxquelles

  7   il est fait référence devaient prendre les décisions en fonction desquelles

  8   elles autoriseraient les personnes expulsées et les réfugiés à se servir de

  9   ces biens, mais qu'il était possible de présenter ces recours au ministère

 10   de la Justice contre ces décisions mais que ceci ne donnait pas lieu à un

 11   sursis à l'exécution de la décision.

 12   D'après votre expérience, il y avait des cas dans lesquels le ministère

 13   pouvait se prononcer sur ces recours ? Quelle était la fréquence de ce

 14   phénomène, d'après vos souvenirs ?

 15   R.  Oui, un recours au ministère de la Justice était permis. Selon mon

 16   expérience, pour autant que je puisse m'en souvenir, il y a eu certaines

 17   réclamations ou recours présentés au ministère de la Justice. Toutefois, le

 18   nombre de ces recours n'était pas très important, parce qu'il s'agissait

 19   juste de personnes autorisées à le faire qui pouvaient les présenter, et il

 20   n'y en avait pas tellement que cela de ces réclamations.

 21   Q.  Donc le ministère de la Justice était l'organe qui décidait de ces

 22   réclamations ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres formes de protection en ce qui concerne

 25   la décision du ministère de la Justice concernant les réclamations ?

 26   R.  Lorsque le décret a été mis en œuvre et la Loi relative à la reprise

 27   temporaire des biens qui a été mise en œuvre, la Loi sur la procédure

 28   administrative générale a également été mise en œuvre. Donc si une partie

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  1   était mécontente, elle pouvait présenter un recours devant le tribunal

  2   administratif et demander la protection de ses droits ou essayer de faire

  3   annuler cette décision devant le tribunal administratif.

  4   Q.  C'est ce qu'on appelait le contrôle de l'administration, le contrôle

  5   judiciaire de l'administration; c'est bien cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Regardons maintenant l'article 7.

  8   Il prévoit que les personnes qui se sont vu attribuer des biens afin de les

  9   posséder devaient les gérer correctement et les protéger contre des tiers

 10   et avaient toute l'autorité qui aurait été celle du propriétaire proprement

 11   dit et qui pouvaient l'utiliser et également bénéficier des revenus

 12   produits par ces biens pour leurs propres besoins.

 13   Le paragraphe 2 prévoit que les personnes à qui ont été attribuées les

 14   propriétés aux fins d'usage ne pouvaient pas céder ces propriétés, ne

 15   pouvaient ni vendre, ni échanger, ni louer et rendre disponible aux fins de

 16   payer ces parties qui seraient payantes ou non payantes ou également les

 17   grever d'une hypothèque ou autre type de gage ou responsabilité. Ils ne

 18   pouvaient pas utiliser les véhicules ou le bétail sans l'approbation de la

 19   commission mentionnée à l'article 4 du présent décret.

 20   Plus loin, il est dit que les contrats d'ordre juridique qui avaient été

 21   conclus et qui seraient contraires au présent décret seraient non valables.

 22   Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire des commentaires sur ce que ceci

 23   voulait dire dans la pratique et comment ça a été mis en œuvre ?

 24   R.  Cette disposition visait à renforcer la protection des droits des

 25   propriétaires, mais en précisant de façon très claire que la personne qui

 26   s'était vu attribuer les biens en question et qui pourrait l'utiliser de

 27   façon temporaire ne pouvait pas, en fait, céder ou faire des actes de

 28   dispositions concernant ces biens d'une façon quelconque parce que cette

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  1   personne n'était pas le vrai propriétaire.

  2   Par ailleurs, lorsque cette personne utilisait temporairement le bien en

  3   question et l'avait possédé de façon temporaire pendant une certaine

  4   période alors cette personne était obligée de planifier les choses aussi

  5   bien que possible. Il était également permis à ces personnes qui avaient

  6   des revenus et qui étaient conscients de cela -- il s'agissait

  7   essentiellement de personnes qui avaient été expulsées, de personnes qui

  8   n'étaient pas employées ou qui, si elles avaient des revenus, pouvaient

  9   utiliser ces revenus pour leurs propres besoins. Ensuite, parce qu'elles

 10   utilisaient et possédaient ces biens, ils avaient le droit d'empêcher toute

 11   tentative d'utilisation illégale de cette propriété.

 12   Q.  S'il arrivait, de toute manière, qu'une personne qui s'était vu

 13   attribuer la propriété pour son usage voulait vendre ces biens à un tiers,

 14   quelle serait la validité d'un tel contrat définissant la vente ?

 15   R.  Au paragraphe 3 de l'article 7, il est dit qu'une telle vente serait

 16   considérée comme nulle et non avenue, de sorte que la demande du

 17   propriétaire pourrait être décidée de telle sorte que la transaction en

 18   question serait considérée comme nulle et non avenue et ceci ouvrirait la

 19   possibilité d'une procédure.

 20   Q.  Regardons maintenant l'article 10 de ce décret. Il est dit que si

 21   l'utilisateur de la propriété mentionnée au paragraphe 1 de l'article 23

 22   revient en République de Croatie dans les 30 jours suivant l'entrée en

 23   vigueur de ce décret et cherche à obtenir restitution du bien, la

 24   commission mentionnée à l'article 4 de la présente loi annulera la décision

 25   en question.

 26   Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer cette disposition qui

 27   mentionne un délai de 30 jours comme étant le délai préfixe dans lequel il

 28   serait possible -- quel était le motif qui se trouvait à la base, en fait,

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  1   d'un tel délai dans ce décret ?

  2   R.  Pour le cas où le propriétaire reviendrait et demanderait restitution,

  3   c'est-à-dire voudrait reprendre possession et l'usage de ses biens.

  4   On pouvait demander, tout particulièrement dans cette perspective

  5   s'il y avait des tentatives par la suite de résoudre la question de ces

  6   propriétés par rapport à des réfugiés ou des personnes expulsées, si le

  7   délai était trop court ou trop long, et voir si c'était réaliste au moment

  8   où le décret a été rédigé. Mais l'intention était de résoudre les

  9   situations aussi rapidement que possible. Nous donnons ce délai, parce que

 10   nous voulons permettre aux propriétaires de revenir dès que possible pour

 11   obtenir restitution, de sorte que ces personnes pouvaient rentrer en

 12   possession de leurs biens dès que possible, et à ce moment-là l'Etat

 13   saurait quelle était la partie de la propriété qui pouvait encore être

 14   utilisée de façon temporaire par l'Etat ou utilisée par des utilisateurs

 15   temporaires.

 16   Q.  Regardons l'article 11 qui dit que :

 17   "La propriété de biens meubles visés à l'article 2 du présent décret

 18   --"

 19   Nous regardons donc cet article 2. On décrit de quoi il s'agit. Ces

 20   biens ne peuvent pas être acquis par voie d'appropriation ni d'occupation.

 21   Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire des commentaires --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je regarde la pendule.

 23   Nous sommes tout près de dix heures et demie, et vous êtes en train de

 24   commencer sur un nouveau sujet. Est-ce que vous seriez en mesure de

 25   terminer ce point en deux ou trois minutes. Dans ce cas-là, très bien.

 26   Sinon, il faudra que nous reprenions après la suspension de séance, en

 27   lisant votre résumé - et je veux parler là de la page 6, ligne 18, et les

 28   lignes qui suivent, il est dit :

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  1   "Cette réglementation n'affectait pas les droits de propriété." Par

  2   conséquent, nous ne parlons pas ici de confiscation de biens, comme parfois

  3   ceci a été décrit à tort par des personnes qui n'étaient pas pleinement au

  4   courant de la teneur de cette réglementation."

  5   C'est-à-dire, où est-ce que nous trouvons ceci dans la déclaration

  6   qui est résumée là ? Parce que j'ai eu des difficultés à retrouver des

  7   commentaires de ce témoin sur --

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour savoir si d'autres personnes ont

 10   décrit de façon inexacte des gens qui n'étaient pas pleinement au courant

 11   de la teneur de cette réglementation des difficultés à retrouver cette

 12   déclaration du témoin.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons venir à

 14   cet aspect dans ce que je dirai par la suite.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Maître Mikulicic.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Dans l'examen, par la suite --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question est de savoir où je peux

 18   retrouver cela.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense que littéralement, mot à mot, vous

 20   ne trouvez pas cela dans la déclaration.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais où est-ce qu'en substance on peut

 22   trouver cela ?

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Je ne pense pas qu'on puisse le trouver,

 24   Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il y a de votre opinion

 26   de ce qui est présenté en tant que résumé d'un témoin, ou est-ce que c'est

 27   votre propre commentaire sur des questions qui, selon vous, sont

 28   implicites, cette histoire de commenter sur le fait que d'autres personnes

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  1   sont au courant ou non. On ne sait pas exactement qui.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, mais je vais en venir à ce sujet à la

  3   suite de l'interrogatoire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais mon observation est

  5   essentiellement une observation de procédure.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre la séance

  8   maintenant, et nous reprendrons à 11 heures moins 5.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 5.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, vous pouvez

 12   poursuivre.

 13   Si vous abordez le sujet que vous avez annoncé tout à l'heure, à

 14   savoir si cette loi a eu l'influence sur les droits de propriété,

 15   j'aimerais tout d'abord qu'on établisse si cette question est contestée.

 16   Parce que s'il n'y a pas de contestation, ça ne vaudrait pas la peine

 17   d'aborder cette question.

 18   Allez-y.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Avant la pause, nous avons donné lecture de l'article 11 de cette loi.

 21   Je vais le répéter brièvement maintenant. Cet article prévoit que les biens

 22   mobiliers définis par l'article 2 ne peuvent pas être acquis par le fait de

 23   l'occuper.

 24   Vous avez dit qu'il s'agit là des équipements différents des machines, des

 25   biens immobiliers, des maisons, et cetera.

 26   Pourriez-vous nous dire pour quelle raison il a été décidé d'adopter ces

 27   dispositions, à savoir que l'usage d'un bien n'ouvre pas un droit à la

 28   propriété de ce bien ?

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  1   R.  Cela ne concerne que les biens mobiliers, meubles, et pas immeubles.

  2   Pourquoi alors le législateur a trouvé nécessaire d'élaborer cette

  3   disposition ? Parce que notre loi régissant le droit de la propriété, en

  4   tant qu'une loi fondamentale en vigueur à l'époque, prévoyait que

  5   concernant les biens immobiliers, le droit de propriété ne pouvait pas être

  6   acquis découlant de son occupation.

  7   Mais cette loi ne prévoyait rien en ce qui concerne les biens

  8   immeubles. C'est pour cette raison-là que nous avons conclu qu'il fallait

  9   réagir et empêcher que quelqu'un à qui on octroyait le droit d'usage,

 10   l'utilisation temporaire de ces biens meubles, que cette personne croit que

 11   cela lui ouvrait le droit de se considérer comme son propriétaire.

 12   Q.  L'article 14 de ce décret prévoit qu'une loi séparée sera adoptée

 13   concernant la restitution des biens placés sous la gestion temporaire

 14   conformément à ce décret.

 15   Alors quelle était l'intention de cette disposition ?

 16   R.  Le décret et la loi n'abordaient pas la question du droit de la

 17   propriété dans le sens qu'elle prévoyait l'expropriation. Cette loi, ce

 18   texte touchait seulement à la limitation de droits de propriété sur la base

 19   de notre expérience, à savoir les échanges de propriétés qui existaient

 20   entre les citoyens qui déménageaient d'une région à l'autre. Aujourd'hui,

 21   nous voyons bien que ce délai de 30 jours a été bien trop court pour les

 22   propriétaires des biens de rétablir leurs droits de propriété sur ces biens

 23   pour pouvoir ensuite procéder à l'échange des biens.

 24   Mais à l'époque, nous pensions que cela serait faisable, que les

 25   propriétaires allaient avoir suffisamment de temps pour confirmer leurs

 26   droits de propriété, ensuite décider de quelle manière ils souhaitaient

 27   disposer de leurs biens.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Bien. Le document D689, s'il vous plaît.

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  1   Q.  Nous avons donc dit que cet acte est entré en vigueur à partir du jour

  2   où il a été publié dans le journal officiel et qu'il a été adopté par le

  3   gouvernement le 31 août 1995.

  4   Maintenant, nous allons voir un document qui est une analyse juridique

  5   effectuée par le centre des droits de l'homme au sein des Nations Unies.

  6   Nous voyons ici que le projet de cette opinion a été fait par Mme Maida

  7   Pasic. J'ai ici la date du 23 octobre 1995 comme date.

  8   Tout d'abord, dites-moi, est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de voir ce

  9   document ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  J'attire votre attention sur plusieurs passages de ce document qui est

 12   donc une analyse des aspects juridiques de cette loi.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons tout d'abord voir le point 2

 14   qui figure à la page 3 du texte en croate et à la page 1D40-0501 en

 15   anglais.

 16   Q.  Au point 2 de cette analyse, il est indiqué :

 17   "Il n'y a aucun fondement juridique permettant que la propriété des

 18   citoyens présentement à l'extérieur des territoires croates soit placée

 19   sous gestion temporaire de la République de Croatie, puisque ce serait basé

 20   sur une hypothèse erronée, à savoir que les biens en question sont

 21   abandonnés. En effet, afin qu'on puisse considérer un bien comme un bien

 22   abandonné, il est nécessaire que son propriétaire indique d'une manière

 23   claire, sans équivoque, qu'il ne souhaite plus l'utiliser."

 24   Est-ce que vous êtes d'accord, Madame Bagic, avec l'interprétation avancée

 25   dans ce document émanant du centre des droits de l'homme des Nations Unies

 26   ?

 27   R.  Non, je ne suis pas d'accord. Parce qu'il s'agit des biens, d'après ce

 28   que nous avons pu observer et sur la base des faits observés sur le

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  1   terrain, des biens abandonnés. Il s'agissait donc des propriétaires qui

  2   avaient quitté le territoire de la Croatie en se rendant dans une des

  3   républiques de l'ex-Yougoslavie ou ailleurs. Ces biens étaient vides, il

  4   n'y avait personne qui pouvait s'en occuper. Donc pour nous, ces biens

  5   étaient abandonnés.

  6   Q.  Est-ce que la question de savoir si un bien est abandonné est une

  7   question de nature juridique ou de nature pratique, pragmatique ?

  8   R.  La définition de ce que c'est un bien abandonné peut être considérée

  9   comme une question de nature juridique, mais elle doit être de toute

 10   manière mise en rapport avec la situation de fait, dans certains cas.

 11   Autrement, le propriétaire peut contester cette qualification et dire qu'un

 12   bien n'est pas abandonné, demander qu'on établisse que ce bien n'est pas

 13   abandonné.

 14   Q.  Maintenant, paragraphe 2, alinéa 4, où il est indiqué :

 15   "Il est évident que cette disposition met en œuvre la confiscation de la

 16   propriété dans l'esprit d'une loi révolutionnaire. Cela ne représente pas

 17   seulement une violation des droits fondamentaux, mais aussi une tentative

 18   de mettre en place une politique chauviniste et se base sur une 'tradition'

 19   soi-disant abandonnée selon laquelle, découlant d'une expérience longue de

 20   50 ans, tous les Serbes qui n'habitaient plus sur le territoire de Croatie

 21   allaient être privés de leurs droits de propriété, quelle que soit la

 22   situation."

 23   Etes-vous d'accord avec cette interprétation, cette évaluation de votre loi

 24   ?

 25   R.  Non, je ne suis pas d'accord. Au moment où cet acte et cette loi ont

 26   été élaborés, nous avons essayé de faire très attention à ce que le droit

 27   de propriété en soi ne soit pas modifié ou mis en question. J'ai dit déjà

 28   ceci à plusieurs reprises qu'il s'agissait là seulement d'un droit d'usage

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  1   accordé à des tiers et des propriétés temporaires.

  2   Et si vous permettez, j'ajouterais quelque chose.

  3   Q.  Allez-y.

  4   R.  Ici on fait référence à la "confiscation de la propriété" dans l'esprit

  5   du droit révolutionnaire, conformément à la tradition basée sur une

  6   expérience de 50 ans.

  7   Alors, la République de Croatie, en tant que partie de l'ex-Yougoslavie,

  8   était un Etat avec un régime communiste, un régime socialiste, avec la

  9   propriété d'Etat ou propriété sociale. Alors, l'institut de confiscation

 10   des biens est quelque chose que nous connaissons bien.

 11   Et à l'époque, pendant la période de transition en République de Croatie -

 12   et cette transition a eu lieu en même temps dans de nombreux pays de

 13   l'Europe orientale et centrale - des lois étaient élaborées qui devaient

 14   permettre la restitution des biens confisqués. Et l'une des lois - en ex-

 15   Yougoslavie, il y en avait environ 42 qui permettaient la confiscation des

 16   biens - donc une de ces lois était la loi relative à la confiscation des

 17   biens. Là, je parle de tous les textes qui permettaient la confiscation des

 18   biens privés et leur transfert à la propriété de l'Etat.

 19   Q.  Vous parlez de quelle période ?

 20   R.  Je dis que la confiscation des biens est quelque chose qui existait en

 21   ex-Yougoslavie à partir de la fin de la guerre et jusqu'à 1958. On

 22   considère que c'est en 1958 que la confiscation des biens privés et leur

 23   transfert dans le domaine de la propriété de l'Etat ont été conclus.

 24   Q.  Donc vous parlez de la période après la Deuxième Guerre mondiale où le

 25   nouveau régime socialiste a procédé à la confiscation des biens privés et

 26   leur transfert vers les biens de l'Etat ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Mais ce que vous avez fait, est-ce que ça a quelque chose à voir avec

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  1   ceci ?

  2   R.  Je suis fermement convaincue que cela n'a rien à voir. Et je dis ceci

  3   parce qu'à la même époque je travaillais --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez un instant. Ce que vous venez

  5   de lire parle des effets pratiques de cette loi, et non pas des fondements

  6   juridiques de cette loi. Ce qui signifie que comparer la confiscation qui

  7   existait pendant la période précédente à ce qui existe par la suite, alors

  8   qu'on n'indique même pas d'une manière quelconque que le droit de propriété

  9   a été influencé par cette loi d'une manière formelle ou autre; ce n'est pas

 10   avancé.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. Mais il y a une autre partie du texte

 12   qui dit :

 13   "Il est évident que ce décret représente la mise en œuvre de la politique

 14   de confiscation inspirée par les lois révolutionnaires."

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on parle ici de la situation

 16   de fait, et non pas de jure. Donc il n'est pas très utile à cette Chambre

 17   de comparer les fondements juridiques de cet acte juridique avec une loi

 18   existant à l'époque communiste parce que ce n'est pas ce qu'on dit ici. On

 19   dit ici tout simplement que les conséquences de ces lois sont similaires,

 20   qu'elles conduisaient à ce qu'on ne puisse plus jouir de sa propriété.

 21   C'est ce qui est dit ici.

 22   J'ai l'impression - en fait, je m'adresse maintenant à vous, Monsieur

 23   [comme interprété] le Procureur - y a-t-il quelque chose qui fait de cette

 24   question une question contestée ? Pour vous, est-ce que le droit de

 25   propriété du point de vue de jure est affecté par cette loi ou pas ?

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation] J'ai du mal, parce que le Procureur dit que

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  1   cette question n'est pas contestée, alors que si on regarde le compte rendu

  2   et la décision conformément à l'article 92 bis, page 17 615, ligne 20, la

  3   Chambre s'est basée sur la déclaration 92 bis de Galbraith portant sur les

  4   Lois relatives à la confiscation de la propriété qui exigeaient de ceux

  5   ayant quitté la Croatie de retourner dans un délai très court, au risque de

  6   perdre leur propriété.

  7   Alors, si l'on prend en compte ce que M. Galbraith a dit en plus - page 5

  8   129, à partir de la ligne 21 - où il parle des actions des autorités

  9   croates :

 10   "Afin d'exproprier les personnes n'étant pas retournées sur le

 11   territoire croate sous les 30 jours, que ce plan existait et qu'il y avait

 12   des citoyens croates qui se trouvaient en dehors de la Croatie et que s'ils

 13   ne revenaient pas, d'après Tudjman, qu'ils n'obtiendraient rien."

 14   Donc c'est ce qui a été indiqué lors de la période de présentation

 15   des moyens de preuve de l'Accusation. M. Galbraith a dit que dans le cadre

 16   de règlement de dispute entre la Yougoslavie et la Croatie, les personnes

 17   ayant quitté le territoire croate et ayant des prétentions et ayant des

 18   propriétés en Croatie n'allaient obtenir rien puisqu'elles avaient quitté

 19   le pays.

 20   Alors, si l'on regarde ceci, on ne peut pas dire qu'il ne s'agit pas là

 21   d'une question contestée.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le fait qu'on utilise le terme

 23   "confiscation" n'a pas d'importance décisive, parce que je pense que M.

 24   Galbraith, ce qu'il a dit, ne porte pas sur les aspects techniques de cette

 25   loi.

 26   C'est pour cela que j'ai parlé tout à l'heure des aspects de jure et de

 27   fait de cette question. Je ne m'oppose pas à ce que vous approfondissiez

 28   cette question, mais j'essaye tout simplement de savoir s'il y a

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  1   contestation à ce sujet-là. Donc est-ce que quelqu'un ici conteste -- est-

  2   ce qu'en fait, cette loi avait pour effet la perte du droit de propriété du

  3   point de vue formel ?

  4   Donc est-ce que c'était de jure le cas ou pas ? D'un côté, on a les

  5   résultats de fait, les conséquences de cette loi, et ça c'est une chose,

  6   mais est-ce que du point de jure, vous pensez que les droits de propriété

  7   ont été affectés ?

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le

  9   Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 11   Nous allons poursuivre sur cette base.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, je dois

 13   vous informer de la chose suivante. Je ne sais pas comment on peut arriver

 14   à la situation où un bien est de facto, de fait confisqué, mais pas de

 15   jure.

 16   On peut peut-être priver quelqu'un de l'usage de son bien pendant une

 17   période limitée, mais je ne vois pas comment on peut faire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, c'est quoi le droit de

 19   propriété si vous ne pouvez pas bénéficier, jouir de votre bien ?

 20   M. MISETIC : [interprétation] C'est la confiscation de jure, parce que

 21   votre bien a été saisi sans compensation.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais là on entre dans un des cas

 23   juridiques, et ce que je souhaite, moi, c'est de voir s'il y a un manière

 24   technique, pour ainsi dire, si le droit de propriété ou la mise sous

 25   tutelle d'un bien abandonné ou à moitié abandonné par quelqu'un est

 26   considéré comme un acte résultant de la Loi relative au droit de la

 27   propriété et portant modification au droit de propriété de jure.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais est-ce que le nom du propriétaire a

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  1   changé ou pas, ce n'est pas ça, la question. La question, c'est si le bien

  2   a été confisqué ou pas.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je n'essayais pas de donner

  4   une définition juridique de ceci, mais j'essayais tout simplement

  5   d'entendre le Procureur, d'entendre leur position afin d'éviter de perdre

  6   du temps sur cette question, si ce n'est pas nécessaire.

  7   Avez-vous quelque chose à ajouter, Madame Gustafson ?

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous avez maintenant ceci comme un

 10   repère pour la suite de votre interrogatoire.

 11   Allez-y.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.

 13   Q.  Point 4 de ce document. C'est la page suivante du texte en anglais, où

 14   il est indiqué :

 15   "Ce décret de la République de Croatie représente un acte discriminatoire

 16   pour les citoyens croates, puisque la déclaration universelle des droits de

 17   l'homme, (son article 13), et la charte des droits civils et politiques,

 18   (article 12), prévoient explicitement que 'chacun est libre de quitter son

 19   pays et d'y retourner.'"

 20   Madame Bagic, est-ce que vous pouvez, dans ce décret dont on vient de

 21   parler, trouver quoi que ce soit qui indique l'existence d'une

 22   discrimination à l'égard des citoyens croates concernant leur départ de

 23   Croatie et retour au pays ?

 24   R.  Non, je ne peux pas.

 25   Le décret qui est devenu loi par la suite n'a pas eu cet effet-là. Il

 26   portait sur les biens de tous les citoyens qui ont été abandonnés et que

 27   ces personnes n'utilisaient pas personnellement. Le décret et la loi

 28   n'avaient pas d'effet discriminatoire et ceci a été confirmé par une

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  1   décision de la cour constitutionnelle de 1997 et également par le biais de

  2   la pratique de la cour -- devant la Cour européenne des droits de l'homme

  3   qui s'est penchée sur un certain nombre de cas individuels dans ce domaine-

  4   là.

  5   Q.  Est-ce que vous êtes alors d'accord avec l'avis juridique qui figure au

  6   point 4 de ce document ?

  7   R.  Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Je ne comprends absolument pas

  8   de quelle disposition une telle conclusion pouvait découler.

  9   Q.  Penchons-nous, pour finir, également, sur la conclusion de cette

 10   analyse juridique. Au dernier paragraphe, il est écrit :

 11   "Compte tenu le ci-mentionné, il est évident que ce décret ne régule

 12   pas la disposition de la propriété fondée sur la législation, mais

 13   représente un acte partiel de l'Etat, saisissant la propriété de la manière

 14   la plus proche de la confiscation. Par le biais de ce décret, de nombreuses

 15   normes internationales sont violées, notamment l'article 17 de la

 16   déclaration générale des droits de l'homme, qui envisage que tout le monde

 17   a le droit à la propriété et que personne ne peut être privé de sa

 18   propriété de manière arbitraire. Qui plus est, ce décret applique la

 19   discrimination sur la base nationale et ethnique dans sa forme la plus

 20   pure. Le décret va à l'encontre de la constitution même de la République de

 21   Croatie. Par conséquent, la Croatie est tenue d'annuler le décret en

 22   question immédiatement."

 23   Madame Bagic, sans égard à ce qu'on a dit concernant le terme de la

 24   confiscation tout à l'heure, il est question ici d'un autre terme, celui de

 25   la prise de la propriété. Quel serait votre commentaire là-dessus lorsqu'il

 26   est question de la prise ou de la privation de la propriété ?

 27   R.  Par rapport à ce que vous avez lu, comme je l'ai déjà dit, je ne peux

 28   pas comprendre ni conclure sur la base de quel élément l'auteur de ce

Page 26528

  1   document et de cette conclusion a pu conclure et écrire ce que vous venez

  2   de lire; à savoir ni dans la préparation, ni dans le contenu de ce décret

  3   par la suite de la loi, ni sur la base de leur application dans la pratique

  4   il n'est possible nullement de conclure qu'il s'agissait de la privation de

  5   ces personnes de leur propriété.

  6   Je l'ai déjà dit mais je ressens le besoin de le souligner. Personne

  7   n'a été privé de son droit à la propriété. Il s'agissait ici d'une

  8   limitation de la propriété entérinée par la loi et le but était de protéger

  9   les intérêts de la République de Croatie.

 10   Nous avons limité l'une des lois à la propriété dans une situation

 11   dans laquelle les biens étaient abandonnés et il était nécessaire de les

 12   utiliser afin d'y héberger les personnes déplacées et les réfugiés. La cour

 13   constitutionnelle s'est prononcée là-dessus dans une décision de 1997 et

 14   par la suite, également, la Cour européenne de Justice.

 15   Q.  Nous allons traiter de ce sujet-là également. Pour le moment, je

 16   souhaite vous inviter à vous pencher sur une partie de ce document disant

 17   que ce décret représente une discrimination sur la base nationale ethnique.

 18   Est-ce que vous voyez un quelconque fondement pour un tel

 19   avis ?

 20   R.  Non, car le décret et la loi portent sur la propriété abandonnée, qui

 21   n'est pas utilisée personnellement par les propriétaires, quelle que soit

 22   leur appartenance ethnique.

 23   Q.  Merci.

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite qu'on se penche sur un autre

 25   document que nous avons déjà eu l'occasion de voir; il s'agit de D427.

 26   Il s'agit d'une proposition de la loi qui a été soumise au parlement de la

 27   République de Croatie concernant la reprise temporaire et la gestion de la

 28   propriété, document qui contient également un exposé des motifs portant sur

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  1   les dispositions qui y sont contenus.

  2   Je souhaite qu'on montre la version croate de ce document, page 3D00-0911.

  3   Dans la version en anglais, il s'agit de la page 9 dans le prétoire

  4   électronique.

  5   Q.  Ici, celui qui propose soumet au parlement croate l'exposé des motifs

  6   et les raisons pour lesquelles cette loi devrait être adoptée et il

  7   explique deux motifs principaux de celui qui propose. Vous en avez déjà

  8   parlé, à savoir la protection de la propriété, et d'autre part la nécessité

  9   d'héberger les personnes déplacées, les réfugiés qui sont retournés en

 10   Croatie. Cependant, ici, il est question également d'une troisième raison,

 11   je vais vous la lire. Il y est dit :

 12   Il n'est pas moins important de faire en sorte que les territoires de

 13   la République de Croatie qui avaient été occupés préalablement soient

 14   revitalisés sur le plan économique, ce qui est impossible sans de

 15   véritables professionnels.

 16   Quel serait votre commentaire sur ce qui est écrit ici concernant les

 17   motifs de l'adoption de cette loi ?

 18   R.  Mis à part les deux régions fondamentales dont il a déjà été question,

 19   la protection de la propriété et l'hébergement de ceux qui avaient perdu

 20   leurs foyers ou dont les foyers ont été endommagés, dès ce moment-là, il

 21   était clair que le retour de la population dans ces territoires n'allait

 22   pas être possible sans la revitalisation économique de cette région et la

 23   possibilité d'embaucher les citoyens.

 24   Il y avait des coupures d'alimentation en électricité, les installations

 25   industrielles avaient été détruites, donc il n'était pas possible d'y

 26   réinstaller les gens sans leur proposer du travail. Il était prévu de faire

 27   venir un certain nombre de professionnels sur place pour pouvoir relancer

 28   l'économie et pour pouvoir offrir aux autres de nouveaux emplois. C'est ce

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  1   qui a été fait par la suite de manière plus systématique, par le biais d'un

  2   nombre d'actes législatifs, comme la Loi relative au bien-être social de

  3   1996.

  4   Q.  Nous pouvons maintenant passer à la page suivante et lire une autre

  5   partie du texte. Ici, au paragraphe 2 de la version croate et dans la

  6   version en anglais, c'est le premier paragraphe, comme suit :

  7   "Par le biais de la loi proposée, on prévoit la limitation des droits de

  8   propriété, le placement des biens immobiliers qui ne sont pas

  9   personnellement utilisés sous la gestion et à la cession de ces biens

 10   immobiliers aux autres personnes qui peuvent les utiliser afin de préserver

 11   ces biens immobiliers et afin d'assurer l'existence de ces autres

 12   personnes, afin d'aider à la reprise économique et autres, des territoires

 13   préalablement occupés et maintenant libérés de la République de Croatie."

 14   Maintenant, il est dit :

 15   "Ce qui est sans aucun doute dans l'intérêt de la république et remplit la

 16   condition de l'article 50, alinéa 2 de la constitution de la République de

 17   Croatie, nécessaire pour adopter cette loi."

 18   Est-ce que vous pouvez brièvement nous dire ce que contient l'article 50,

 19   paragraphe 2 de la constitution ?

 20   R.  A chaque fois qu'il est question des droits de propriété, il est

 21   question de savoir quelle est la limite de ce qui est acceptable sur le

 22   plan juridique. Au paragraphe 2 de l'article 50, il est stipulé que de

 23   manière extraordinaire, par le biais de la loi, il est possible de limiter

 24   les droits de propriété, si ceci est nécessaire afin de protéger les

 25   intérêts et la sécurité de la République de Croatie. Le gouvernement de la

 26   République de Croatie et nous qui, en tant qu'experts, avons participé à

 27   l'élaboration de ce décret et de cette loi, nous nous sommes penchés sur

 28   l'article 50, paragraphe 2 et nous y avons trouvé notre fondement, car il

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  1   s'agissait de circonstances extraordinaires, la République de Croatie était

  2   en état de guerre, un grand nombre de personnes avaient abandonné leurs

  3   propriétés et beaucoup de réfugiés à se déplacer existaient et nous avons

  4   considéré qu'il était possible de faire référence et de s'appuyer sur le

  5   paragraphe 2 de l'article 50 de la constitution.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Je dis qu'à titre de référence, que ceci a

  7   été versé au dossier, c'est-à-dire la constitution de la République de

  8   Croatie. Il s'agit de pièce à conviction D1779.

  9   Je souhaite maintenant vous demander de passer à la page suivante où

 10   nous trouvons l'exposé des motifs s'agissant des articles 5, 7 et 9 de la

 11   loi.

 12   Q.  Où il est dit, on prévoit également des limitations s'agissant de la

 13   disposition de cette propriété. Il s'agit des limitations des droits qui,

 14   de lege lata, appartiennent seulement au propriétaire de la propriété. Il

 15   est, par contre, stipulé que les actes juridiques accomplis par la personne

 16   qui a le droit de disposer ou d'utiliser la propriété sont interdits. Et en

 17   vertu de la disposition de l'article 9, la propriété peut être reprise de

 18   la personne qui en dispose temporairement et qui peut temporairement

 19   l'utiliser si ses actes vont à l'encontre des dispositions de cette loi et

 20   si elle ne prend pas soin de cette propriété de manière appropriée.

 21   Madame, vous avez déjà parlé des commissions comprises par les

 22   représentants des communautés locales. Est-ce que ces commissions

 23   surveillaient la manière dont les personnes qui pouvaient utiliser les

 24   biens abandonnés en vertu de cette loi exerçaient leur droit ? Comment est-

 25   ce qu'ils le faisaient ?

 26   R.  Oui, l'une des tâches des commissions était de surveiller la question

 27   de savoir si le propriétaire temporaire utilisait la propriété conformément

 28   à la loi. Il était de leur devoir d'agir s'ils recevaient une plainte

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  1   indiquant que la personne agissait de manière contraire à ce qui est prévu

  2   par la loi.

  3   Q.  Il en est question au paragraphe 4, qui porte un commentaire sur

  4   l'article 8, il y est indiqué que cette loi introduit seulement la gestion

  5   de la République de Croatie, autrement dit le propriétaire de la propriété

  6   n'est pas privé de la propriété. Donc il ne s'agit pas de l'application du

  7   paragraphe 1 de l'article 50 de la constitution, mais ceci se fonde sur le

  8   paragraphe 2 de l'article 65. Il s'agit là des limitations des droites de

  9   propriété en vertu de l'article 8, paragraphe 1.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Maintenant, je souhaite vous inviter à vous

 11   pencher sur la page suivante, notamment s'agissant de l'exposé des motifs

 12   portant sur l'article 16, ce qui est contenu au paragraphe 9 de ce

 13   document. Donc il s'agit de la page suivante dans la langue croate. Voilà.

 14   En anglais, il s'agit également de la page suivante.

 15   Q.  Paragraphe 9, qui porte un commentaire sur l'article 16. Il y est dit :

 16   "Etant donné que les questions régies par cette loi de lege lata ont

 17   été régies par le biais du décret portant sur la reprise temporaire et la

 18   gestion de certaines propriétés adoptée par le gouvernement de la

 19   République de Croatie, il est stipulé que ce décret devient nul et non

 20   avenu le jour où cette loi entre en vigueur."

 21   Madame Bagic, c'est ce dont vous nous avez déjà parlé, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci.

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite que l'on présente maintenant le

 25   document D422.

 26   Q.  Il s'agit de la Gazette officielle de la République de Croatie dans

 27   laquelle l'on publie les lois et d'autres actes législatifs. Ce document y

 28   est contenu. C'est le document du 27 septembre 1995. Nous y voyons la

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  1   publication de cette loi qui a été adoptée par le parlement croate, loi

  2   portant sur la reprise provisoire et la gestion de certaines propriétés.

  3   Nous l'avons d'ailleurs vue tout à l'heure.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on maintenant nous pencher sur

  5   l'article 11 de cette loi.

  6   Q.  Où il est indiqué :

  7   "Si le propriétaire de la propriété, l'article 2, paragraphe 1 de cette

  8   loi, rentre dans la République de Croatie dans un délai de 90 jours après

  9   l'entrée en vigueur de cette loi et demande la restitution et la

 10   réutilisation de sa propriété, la commission, citée à l'article 4 de cette

 11   loi, annulera la décision contenue dans l'article 5 de cette loi."

 12   Est-ce que vous pouvez faire un commentaire là-dessus ?

 13     R.  Le délai a été prorogé de 30 jours à 90 jours en raison du fait,

 14   c'est ce que je pense maintenant avec le recul, car il s'est avéré

 15   irréaliste que le propriétaire pouvait retourner dans un aussi bref délai

 16   que celui de 30 jours pour demander la réappropriation de sa propriété. Il

 17   était difficile, car il était souvent difficile de contacter le

 18   propriétaire. Souvent il était inconnu quelle était sa nouvelle adresse. La

 19   circulation entre les Etats était rendue plus difficile. Il semblait

 20   logique de proroger ce délai dans lequel le propriétaire pouvait redemander

 21   la restitution et la réutilisation de sa propriété. Donc il a été prorogé à

 22   90 jours.

 23   Q.  Donc ceci a eu lieu le 27 septembre 1995, autrement dit un mois après

 24   l'adoption du décret.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Voyons maintenant le document dont la cote

 26   est P475.

 27   Q.  Il s'agit d'une loi, ou plutôt, d'une modification de la loi que nous

 28   venons d'examiner, c'est-à-dire la loi sur la reprise temporaire et la

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  1   gestion de certaines propriétés.

  2   Cette loi a été amendée le 23 janvier 1996, autrement dit environ six

  3   mois après son adoption. Madame Bagic, veuillez vous pencher sur l'article

  4   1, paragraphe 2, qui modifie la loi, modifie notamment l'article 11, où il

  5   est dit :

  6   "La question de la restitution et la réutilisation de la propriété

  7   appartenant aux personnes visées à l'article 2 de cette loi sera régie par

  8   le biais d'un accord portant sur la normalisation des relations entre la

  9   République de Croatie et la République fédérale de Yougoslavie."

 10   Donc nous voyons que ce délai de 90 jours a été annulé par le biais de

 11   cette disposition et qu'il a été décidé de régir cette question par le

 12   biais d'un accord portant sur la normalisation future des relations entre

 13   la République de Croatie et la République fédérale de Yougoslavie.

 14   Est-ce que vous pouvez faire un commentaire sur cette disposition de la loi

 15   portant sur les amendements ?

 16   R.  Au cours de la mise en œuvre de cette loi, il s'est avéré que tous les

 17   délais se montraient comme non réalistes en raison des difficultés

 18   objectives, car il n'était pas possible d'imposer des délais et de

 19   s'attendre à ce que leur propriétaire les respecte afin d'obtenir la

 20   restitution de leur propriété. Donc il a été conclu qu'il était mieux de

 21   rendre possible au propriétaire de demander la restitution de sa propriété

 22   une fois de retour.

 23   Ça c'était l'une des raisons. 

 24      L'autre raison était que les deux Etats, la République fédérale de

 25   Yougoslavie et la République de Croatie, avaient déjà commencé des

 26   négociations portant sur leurs relations. La question du retour des

 27   réfugiés était une question qui intéressait tous les Etats de la région,

 28   non seulement la République fédérale de Yougoslavie, mais aussi la Bosnie-

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  1   Herzégovine. C'était une question - plutôt un problème régional - et il

  2   était possible de trouver une solution à cela seulement par le biais d'une

  3   coopération réciproque entre les deux, et par la suite les trois Etats.

  4   Par la suite, par conséquent, avec les amendements de cette loi, ce délai a

  5   été aboli et il a été décidé que cette question allait être élaborée de

  6   manière supplémentaire dans le cadre de l'accord portant sur la

  7   normalisation des relations.

  8   Nous allons maintenant nous pencher sur cet accord portant sur la

  9   normalisation des relations qui fait partie du document D412.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] D412.

 11   Q.  Nous allons nous situer dans le temps. La loi qui a aboli ce délai est

 12   une loi de janvier 1996 et elle se réfère sur l'adoption prévue d'un accord

 13   de normalisation des relations entre la République de Croatie et la

 14   République fédérale de Yougoslavie.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons trouver cela dans le document

 16   qui est devant nous, car l'accord portant sur la normalisation fait partie

 17   intégrante du document que nous avons sous les yeux. Malheureusement, je

 18   n'ai pas une version sous les yeux.

 19   Un instant, s'il vous plaît.

 20   Oui, voilà le texte en question.

 21   Q.  Donc il est question de l'accord portant sur la normalisation des

 22   relations entre la République de Croatie et la République fédérale de

 23   Yougoslavie en date du 23 août 1996.

 24   Au paragraphe 7 de cet accord --

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Veuillez nous afficher l'article 7, s'il

 26   vous plaît. Page suivante.

 27   Q.  Il est dit :

 28   "Les parties contractuelles vont assurer les conditions pour un retour

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  1   libre et sur des réfugiés et des personnes déplacées à leur lieu de

  2   résidence ou d'autres endroits qu'ils choisissent librement. Les parties

  3   contractuelles s'assureront que ces personnes se verront restituer leur

  4   propriété ou bien recevoir une récompense équitable."

  5   Madame Bagic, est-ce que vous pouvez faire un commentaire sur cette

  6   disposition du paragraphe 1 de l'article 7 de la l'accord par rapport à la

  7   décision préalable portant sur le délai dans lequel les propriétaires

  8   doivent demander la restitution de leurs biens ?

  9   R.  Dans ce paragraphe 1 de l'article 7, les parties contractantes

 10   confirment et s'obligent à mettre en œuvre les dispositions du droit

 11   inaliénable du propriétaire de prendre possession de son bien ou de la

 12   propriété. C'est-à-dire que si le propriétaire revient et souhaite que la

 13   propriété ou le bien lui soit restitué, ceci est prévu et autorisé. Et il y

 14   a une adjonction par rapport à la loi précédente, à savoir le droit à une

 15   indemnisation juste. A savoir, conformément aux principes généraux du droit

 16   international, si pour une raison quelconque il était impossible au

 17   propriétaire d'exercer son droit, à ce moment-là, il aurait certainement le

 18   droit à une indemnisation équitable.

 19   Q.  Regardons maintenant un peu plus loin sur la page suivante de ce

 20   document, le premier paragraphe, paragraphe 5 sur la page, qui est ainsi

 21   rédigé :

 22   "Chacune des parties contractantes garantit les mêmes protections

 23   juridiques du bien ou des personnes physiques et des personnes morales qui

 24   ont la citoyenneté de l'autre partie, c'est-à-dire qui a son siège dans le

 25   territoire de l'autre partie, comme celui dont jouissent ses propres

 26   citoyens, c'est-à-dire les personnes juridiques."

 27   Et plus loin, on lit au paragraphe suivant :

 28   "Dans un délai de six mois à partir de la date d'entrée en vigueur du

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  1   présent accord, les parties contractantes concluront un accord relatif à

  2   l'indemnisation pour tout bien détruit, endommagé ou perdu. Un tel accord

  3   définira les procédures nécessaires pour réaliser le droit à une

  4   indemnisation équitable, ne comprenant pas une action ou une procédure en

  5   justice."

  6   Il semble, Madame Bagic, que l'accord est allé un peu plus loin par rapport

  7   sur la loi sur l'appropriation temporaire des biens, en particulier du

  8   point de vue de l'indemnisation équitable de biens qui ont été détruits, en

  9   particulier la protection également de biens à la fois de personnes

 10   physiques et de personnes morales.

 11   Pourriez-vous, s'il vous plaît, commenter ceci ?

 12   R.  Oui. Il allait effectivement un peu plus loin, et je pense que le

 13   paragraphe 5 est parfaitement clair. Il garantit que le traitement réservé

 14   aux biens appartenant à des personnes physiques ou à des personnes morales

 15   sera égal pour tout un chacun, indépendamment du pays d'où ils sont

 16   ressortissants.

 17   Cet accord serait une normalisation des relations, ceci inclut les

 18   paragraphes 5 et 6, en contraste par rapport à la Loi relative à

 19   l'appropriation de biens qui a trait à des biens appartenant à des

 20   personnes physiques prévoit que ces garanties existes également pour les

 21   biens appartenant à des personnes morales. Je pense que ce qu'il y a

 22   nécessité de souligner ici, c'est l'accord sur la normalisation des

 23   relations par rapport aux commissions qui existaient et que ceci a été mis

 24   en place aux fins de régulariser les choses. Ceci avait trait aux questions

 25   des biens des personnes physiques et l'échange de renseignements avec des

 26   listes de personnes permettant aux personnes en question de restituer le

 27   bien enregistré.

 28   Je voulais mentionner ceci, parce que le but de l'accord et en

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  1   particulier l'article 67 était plus développé, allait plus loin; en

  2   particulier le but était de conclure un accord qui pouvait également

  3   s'appliquer à des biens détruits, perdus ou endommagés. Et ceci a été

  4   appelé un accord relatif aux dommages de guerre. La commission a cessé de

  5   fonctionner. L'une des raisons pourrait être plus tard, comme l'ont fait

  6   les anciens pays qui étaient ensemble après la dislocation de la

  7   Yougoslavie et sont parvenus à un accord en matière de succession de

  8   l'Etat.

  9   Q.  Regardons maintenant ensemble ce document D425, et il s'agit là d'un

 10   document qui a été conclu en août 1996, c'est-à-dire en gros qui est un an

 11   après l'opération Tempête et qui régit les questions d'un mouvement dont

 12   nous venons de parler.

 13   Dans l'intervalle, en République de Croatie, certaines procédures ont

 14   été mises en place, qui avaient à voir avec la mise en œuvre de la Loi sur

 15   l'appropriation temporaire des biens. Et certaines de ces procédures se

 16   sont terminées devant la Cour constitutionnelle de la République de

 17   Croatie. Ceci avait à voir avec le rôle de la cour constitutionnelle que

 18   vous nous avez décrit dans votre introduction.

 19   Je vous montre là une décision de la cour constitutionnelle, qui est

 20   datée du 25 septembre 1997, donc un an plus tard, et cette décision a à

 21   voir avec la loi sur la prise temporaire et la gestion des biens en

 22   question.

 23   Vous connaissez bien cette décision, Madame Bagic, je suppose ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, brièvement interpréter la décision de

 26   la cour constitutionnelle et nous dire quelle est son importance.

 27   R.  Il me semble que c'était une décision importante, parce qu'elle avait à

 28   voir avec le problème complexe de la propriété et des limites permises par

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  1   la loi sur la façon de limiter ce droit. La cour constitutionnelle,

  2   agissant sur la proposition de plusieurs parties, a commencé les procédures

  3   visant à créer la validité de la Loi sur les appropriations temporaires et

  4   la gestion de certains biens.

  5   Dans sa décision, la cour constitutionnelle, parce que telles étaient

  6   les propositions faites --

  7   Q.  Excusez-moi un instant. Vous avez mentionné une procédure qui avait été

  8   entamée par certaines personnes, y compris, avez-vous dit --

  9   R.  C'était le procureur de l'Etat de la République de Croatie.

 10   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelles étaient ses fonctions

 11   dans cette partie de votre réponse qui n'a pas été interprétée ?

 12   R.  Oui, excusez-moi.

 13   Le procureur de l'Etat, du point de vue constitutionnel, est la

 14   personne qui s'occupe plus particulièrement -- enfin, ceci a trait des

 15   fonctions d'ombudsman et sa tâche est de protéger les droits et les

 16   intérêts des citoyens, s'il pense que ces droits ont été violés ou

 17   compromis par des activités de certaines autorités.

 18   De sorte que la cour constitutionnelle apprécie la constitutionalité

 19   des lois dans leur ensemble et également certaines de leurs dispositions

 20   conformément à des directives et propositions qui sont faites.

 21   En prenant sa décision relative à la constitutionnalité d'une loi dans son

 22   ensemble, parce que ça c'est le point essentiel, elle a tenu compte, au

 23   premier chef, de l'objectif et du but de la loi dans le contexte des

 24   dispositions pertinentes de la constitution et également des droits

 25   constitutionnels prévus par la convention européenne, ceci faisant partie

 26   de notre système juridique interne.

 27   Donc se prononcer sur la constitutionalité de la loi dans son ensemble et

 28   constatant que son objectif, l'objectif de cette loi était la gestion

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  1   temporaire des biens par la loi aux fins de la protection de ces biens, à

  2   la lumière des circonstances extraordinaires de l'époque, lorsqu'un si

  3   grand nombre de biens de ce genre avaient été abandonnés d'une part, et de

  4   protéger les biens des réfugiés, la cour constitutionnelle a établi que la

  5   loi dans son ensemble n'était pas inconstitutionnelle, n'était pas

  6   contraire à la constitution, elle ne violait pas les principes

  7   constitutionnels en vertu de l'article 14 et 50, article 50, paragraphe 2

  8   de la constitution de la République de Croatie et en particulier, la

  9   convention européenne, tout particulièrement le protocole numéro 1 de la

 10   convention européenne qui a trait aux biens, aux propriétés.

 11   Si vous me permettez de le dire, la cour constitutionnelle, à

 12   l'époque, s'est occupée des dispositions individuelles et de leur

 13   constitutionalité. La cour constitutionnelle, dans sa décision, a souligné

 14   qu'on n'avait pas pris en considération également ces dispositions parce

 15   qu'il y avait certaines indications selon lesquelles il y avait des cas

 16   isolés de violations ou d'abus de cette loi. Par conséquent, la cour

 17   constitutionnelle a évoqué le problème de la définition lorsque certains

 18   des biens ou propriétés abandonnés, les limites qui s'imposaient sur les

 19   usages ou emplois temporaires et ont, donc, examiné également ces

 20   dispositions.

 21   Maintenant, la cour constitutionnelle a constaté qu'à la lumière des

 22   conditions qui existaient à l'époque, qui régnaient à l'époque, dans

 23   lesquelles ces normes et règles ont été adoptées et les motifs qui étaient

 24   à leur base n'étaient pas contraires à la constitution et également

 25   satisfaisaient à toutes les conditions prévues à l'article 50, paragraphe

 26   2, de la constitution.

 27   La cour constitutionnelle a examiné ces dispositions dans leur cadre

 28   temporel et a tenu compte de leur nature temporaire, dit qu'avec

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  1   l'écoulement du temps, si les conditions continuaient d'exister, ces

  2   dispositions pourraient continuer d'être mises en œuvre. Il y aurait, à ce

  3   moment-là, nécessité de les réexaminer et réviser. Toutefois, en dernière

  4   analyse d'autres dispositions, la cour constitutionnelle a constaté que

  5   certaines d'entre elles étaient contraires à la constitution et a annulé

  6   les dispositions en question. Ces dispositions annulées sont les articles 8

  7   du décret et de la loi.

  8   L'article 8 de la loi imposait une interdiction au propriétaire de

  9   céder ou disposer de son bien pendant qu'elle était utilisée

 10   temporairement, ce qui veut dire qu'il n'était pas autorisé à le vendre ou

 11   à l'échanger ou à faire quoi que ce soit avec la propriété en question.

 12   Bien que la loi elle-même, d'après la cour constitutionnelle, était

 13   conforme à la constitution, néanmoins elle a décidé que ce type de

 14   limitation des droits de propriété, alors que le bien était utilisé

 15   temporairement par quelqu'un d'autre, n'était pas conforme aux dispositions

 16   de l'article 50, paragraphe 1 de la constitution et cette disposition a

 17   également été annulée.

 18   Il y a eu également l'article 9, paragraphe 2 de cette loi, ainsi que

 19   le paragraphe 4 de l'article 11, ont été annulés, qui stipulaient que

 20   pendant que la propriété est sous gestion temporaire, l'utilisateur

 21   temporaire ne peut être expulsé.

 22   Par conséquent, même lorsque la décision relative à l'utilisation du

 23   bien est annulée, il ne peut pas être expulsé avant qu'on lui ait trouvé un

 24   hébergement ou une façon de se loger appropriée. La cour a constaté que ce

 25   type de procédure était permise, mais empêcher le propriétaire de revenir

 26   dans sa propriété, sans avoir établi un délai, cela, ils ont estimé que

 27   c'était non constitutionnel et ils l'ont également annulé.

 28   Egalement l'article 11, paragraphe 2, ce qui était une disposition

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  1   modifiée qui stipulait que la restitution et l'utilisation seraient régies

  2   par un accord entre la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie,

  3   mais la cour a annulé ceci, c'est-à-dire uniquement la partie qui avait

  4   trait aux ressortissants croates qui étaient allés vivre en République

  5   fédérale de Croatie ou en Bosnie-Herzégovine, ayant constaté que ceci

  6   constituerait une discrimination contre d'autres ressortissants. Et d'après

  7   l'article 32 de la constitution, tous les citoyens sont en droit de

  8   l'avoir, quel que soit l'endroit énoncé.

  9   Et la raison pour laquelle la cour constitutionnelle a constaté que

 10   c'était possible du point de vue constitutionnel, mais néanmoins, décidé

 11   d'annuler certaines dispositions de cette loi.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons un

 13   problème de traduction concernant les fonctions mentionnées par le témoin,

 14   à savoir les fonctions du procureur -- le ministère public.

 15   Ça a été traduit comme le procureur de l'Etat. Mais le témoin a

 16   expliqué les fonctions de ce défenseur public était quelque chose

 17   d'analogue à un ombudsman. Ça a été traduit de la même manière de la

 18   décision de la cour constitutionnelle que vous pouvez voir à droite de

 19   votre écran. Je dis ceci simplement pour le compte rendu.

 20   Pourrions-nous maintenant regarder le document D424, s'il vous plaît.

 21   Q.  Du point de vue de l'époque et du moment, nous voyons que cette

 22   décision de la cour constitutionnelle a été prise en septembre. Nous voyons

 23   que le parlement croate a adopté une loi visant à abroger la loi sur les

 24   confiscations temporaires et sur le contrôle sur certains biens.

 25   Il est dit qu'en ce qui concerne les procédures qui ont trait à

 26   l'utilisation temporaire et à la gestion temporaire de biens régis par la

 27   Loi relative à l'utilisation temporaire et à la gestion des biens,

 28   impliquera un programme qui s'applique au retour des réfugiés et personnes

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  1   déplacées.

  2   Par conséquent, ce programme relatif au retour l'emporte sur cette

  3   loi.

  4   Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer les motifs pour lesquels le

  5   législateur a adopté cette disposition législative ?

  6   R.  L'intention était de faire en sorte que l'ensemble du processus de

  7   retour soit aussi efficace que possible. Ce qui voulait dire que les

  8   procédures relatives au retour des citoyens et les procédures de

  9   restitution des biens devaient être régies et devaient être définies de

 10   façon plus détaillée, devaient être plus pragmatiques et pratiques et

 11   devaient prévoir une mise en œuvre plus simple. Ce qui faisait que les

 12   choses seraient plus claires pour tous ceux qui demandaient la protection

 13   de leurs biens en vertu de leurs droits au titre de ce document.

 14   En coopération avec la communauté internationale, nous avons décidé

 15   que nous devrions adopter un document qui ne serait pas une loi, mais qui

 16   serait plutôt un programme et que ce serait une meilleure manière de

 17   réaliser cela, cet objectif.

 18   Q.  Merci.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Pour le compte rendu, je voudrais dire que

 20   nous allons demander la certification de ce document parce que dans la

 21   traduction anglaise qu'on trouve sur le système e-court, il est dit que

 22   c'est une Loi relative aux confiscations temporaires.

 23   Voyons maintenant, s'il vous plaît, le document D428.

 24   Q.  La Loi relative à l'appropriation temporaire n'était plus en vigueur et

 25   il est dit que toutes ces procédures seront régies ou feront partie du

 26   programme relatif au retour des réfugiés et des personnes déplacées. Ce

 27   programme, nous pouvons le voir maintenant à l'écran, c'est le document

 28   428. Il a été adopté en juin 1998.

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  1   Au point 5, nous voyons que le gouvernement a conçu ce programme en

  2   coopération avec des institutions de l'ONU, avec l'appui de l'OSCE.

  3   Autrement dit, avec la communauté internationale.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Pourrait-on voir maintenant, s'il vous

  5   plaît, le point 10 de ce document qui se trouve sur la page 3 du texte

  6   croate.

  7   Excusez-moi -- en l'occurrence, la page 4 du texte croate, point 9 en

  8   croate; et pour l'anglais, la page 4, point 9.

  9   Q.  Les personnes ayant des documents croates qui sont les propriétaires de

 10   biens en République de Croatie, propriétés dans lesquelles d'autres

 11   personnes sont temporairement hébergées peuvent s'adresser et se présenter

 12   aux commissions municipales de logement et présenter des demandes de

 13   restitution.

 14   C'est ce qui est dit au point numéro 9.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] A la page 7 en anglais.

 16   Q.  Pendant qu'on attend de voir la version anglaise, disons que nous

 17   parlons ici de personnes qui ont une propriété dans laquelle vivent

 18   d'autres personnes; et il est dit qu'ils peuvent se mettre en rapport avec

 19   les commissions municipales de logement, de façon à demander la restitution

 20   de leur propriété; la commission chargée des logements, dans les cinq

 21   jours, informe le propriétaire par écrit de la situation juridique de leur

 22   propriété; et sur la base des preuves rapportées concernant la propriété,

 23   la commission chargée d'hébergement, dans les sept jours suivants, prend

 24   une décision qui rapporte et annule la décision d'utilisation temporaire et

 25   demande à l'occupant temporaire de libérer les lieux.

 26   A la page suivante, nous voyons que si l'utilisateur temporaire ne vide pas

 27   les lieux, à ce moment-là, la commission du logement présente une

 28   réclamation.

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  1   Donc voilà le programme de retour avec les délais qui sont précisés avec

  2   cette procédure qui est du ressort de la commission des logements, y

  3   compris le fait de présenter des réclamations et éventuellement, d'exercer

  4   une instance, en l'occurrence.

  5   Pourquoi est-ce que le gouvernement a décidé d'adopter cette solution ?

  6   R.  Ceci a trait aux différentes situations concernant les personnes de

  7   retour. La portion que vous venez de lire a trait à la situation qui dépend

  8   de la loi sur l'utilisation temporaire et la gestion des biens. Ceci

  9   confirme que le propriétaire peut obtenir, s'il revient, peut acquérir de

 10   nouveau, dès que possible, ses biens, sa propriété. A la différence de

 11   certaines solutions antérieures qui avaient été prévues dans la loi, cette

 12   décision annulant la décision prise quant à l'utilisation temporaire montre

 13   très clairement que l'utilisateur temporaire doit vider les lieux dans un

 14   certain délai.

 15   Maintenant, la question se pose de savoir ce qui se passe : si

 16   l'utilisateur temporaire ne respecte pas la demande, ne satisfait pas cette

 17   demande, à ce moment-là, elle est soumise à une juridiction. Le

 18   propriétaire, à tout moment, est autorisé à demander à l'utilisateur

 19   temporaire de vider les lieux qui lui appartiennent. Toutefois, gardons à

 20   l'esprit que nous parlons de biens qui avaient fait l'objet d'une mesure

 21   d'administration temporaire par le gouvernement pour les motifs que nous

 22   avons déjà expliqués. Il était considéré que l'Etat également avait une

 23   obligation d'entamer une instance par le truchement des commissions

 24   d'hébergement ou de logement de façon à assurer la libération des lieux et

 25   assurer que le propriétaire légitime puisse récupérer sa propriété ou

 26   obtenir une indemnisation.

 27   Un autre motif était, pourrais-je dire, une raison pragmatique, parce

 28   que les propriétaires sont des gens qui ont toujours besoin d'aide

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  1   juridique et s'ils se lancent dans une procédure ça prend toujours très

  2   longtemps.

  3   Il y a également une question qui se pose concernant la compétence.

  4   Il y avait ou bien pas de juge dans ces juridictions ou il n'y avait pas de

  5   registre cadastral, de plan cadastral, qui fait qu'il serait possible que

  6   de telles instances ou procédures puissent être menées avec la célérité

  7   voulue, c'est la raison pour laquelle, par ces commissions du logement,

  8   celles-ci étaient mieux placées pour traiter de ces questions.

  9   Q.  Juste une question avant la suspension de séance.

 10   Il est dit ici que cette juridiction pourrait à ce moment-là recourir

 11   à une procédure accélérée, la décision serait définitive, et il n'y aurait

 12   pas sursis à l'exécution de la décision, c'est-à-dire pour ce qui est de la

 13   restitution de la propriété.

 14   Est-ce que ceci est bien dans la logique de ce que vous avez dit

 15   concernant le rôle du gouvernement ?

 16   R.  Oui, parce que ceci était à la fois dans l'intérêt du gouvernement et

 17   du propriétaire qu'il puisse obtenir restitution de son bien dès que

 18   possible. Et à cette fin, certaines dispositions ont été déplacées de façon

 19   à ce qu'on puisse mener les procédures de façon accélérée et il est ainsi

 20   fait qu'un recours n'a pas pour objet d'exercer un sursis sur l'exécution

 21   de la décision.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, les dernières paroles

 23   que vous avez prononcées, on n'a pas pu les entendre, parce que la

 24   traduction se poursuivait, donc j'ai pas entendu cela, mais à ce que je

 25   comprends vous vouliez suggérer que l'on fasse une suspension de séance.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est bien cela, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons suspendre la séance et

 28   nous reprendrons à 1 heure moins 10.

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  1   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

  2   --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Madame Bagic, vous avez préalablement fait à plusieurs reprises fait

  6   référence à la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.

  7   Je demanderais maintenant de nous dire concernant la législation

  8   croate, quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour que

  9   quelqu'un puisse s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme ?

 10   R.  Afin que quelqu'un puisse s'adresser concernant les cas individuels à

 11   la Cour européenne des droits de l'homme, tous les moyens à la disposition

 12   des citoyens au niveau de la République de Croatie doivent être épuisés,

 13   tous les moyens prévus par la loi.

 14   Dans le cas concret de la croate, cela signifie que quelqu'un doit

 15   faire, cette personne doit d'abord faire appel sur la décision de première

 16   instance et ensuite déposer une plainte contre La Haye, donc on désigne une

 17   instance, et si la cour de cassation, s'il n'est pas content de la décision

 18   de la cour de cassation, ensuite il doit s'adresser à la cour

 19   constitutionnelle et c'est seulement après avoir épuisé ces moyens-là, ces

 20   recours, il peut avoir recours à la CEDH.

 21   Q.  Bien. Madame Bagic, concernant la CEDH dans l'affaire Kunic contre la

 22   Croatie.

 23   Est-ce que vous connaissez cette décision rendue par la Cour

 24   européenne des droits de l'homme de Strasbourg dans l'affaire Kunic contre

 25   la Croatie ?

 26   R.  Oui, je la connais.

 27   Q.  Je vous demanderais maintenant d'examiner avec moi une partie de cette

 28   décision.

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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Paragraphe 64 dans la version électronique.

  2   C'est à la page 12 de la version anglaise. Et en croate c'est 3D00-1185,

  3   paragraphe 64.

  4   Q.  Cela est intitulé :

  5   "L'évaluation de la cour."

  6   Partons du paragraphe 64. Commençons par ceci. Il est indiqué que :

  7   "Il est indiscutable, d'après la cour, qu'il y a eu une interférence

  8   sur le droit de propriété du propriétaire de la maison puisque le droit

  9   d'occupation de ce bien était accordé à un tiers."

 10   Cela concerne la Loi sur l'appropriation des biens dont nous avons

 11   déjà parlé.

 12   Ensuite, il est indiqué :

 13   "Par ailleurs, la cour observe que le plaignant n'a pas été privé du

 14   droit de propriété de ce bien. Cela signifie que l'interférence de laquelle

 15   se plaint M. Kunic tombe sous la signification du deuxième paragraphe de

 16   l'article 1 du protocole numéro I.

 17   "Alors, compte tenu du fait que la situation entre le moment où la

 18   maison a été donné à quelqu'un d'autre pour son utilisation, pour

 19   l'occuper. Et le moment où le plaignant a déposé sa plainte, au moment où

 20   il en a eu besoin pour y habiter lui-même et sa famille, les autorités ont

 21   réagi, ont donné l'ordre à l'occupant de la maison de la vider et de la

 22   libérer pour le propriétaire. Alors, il n'y a pas lieu de décider sur ce

 23   point-là. Il faut tout simplement établir si cette pratique est contraire à

 24   l'article 1 ou pas."

 25   Alors, de cette situation, il est clair que la Cour européenne des

 26   droits de l'homme a considéré que cela n'était pas contesté du moment où le

 27   gouvernement croate avait décidé que le propriétaire de ce bien n'était pas

 28   privé de son droit de propriété. Cela corrobore ce que vous avez dit.

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  1   Pourriez-vous faire quelque autre observation à ce sujet-là ?

  2   R.  Oui. Cela correspond exactement à ce que j'ai dit avant. Cela

  3   correspond à ce que la cour constitutionnelle a décidé elle-même. Donc la

  4   cour constitutionnelle a trouvé que cette loi n'était pas

  5   anticonstitutionnelle, mais a néanmoins annulé certaines dispositions de

  6   cette loi considérant qu'elles ne répondaient pas aux normes portant sur

  7   les limitations des droits de propriété envisagés par la constitution.

  8   Dans ce cas individuel, il a été expliqué par la Cour européenne des

  9   droits de l'homme qu'il ne s'agissait pas ici de la privation du droit de

 10   propriété, mais d'une limitation, d'une interférence dans le sens du

 11   protocole I, article 1, où il est indiqué que l'objectif du gouvernement

 12   était légitime et que la seule question qui se posait était de savoir si la

 13   mise en place d'une telle procédure répondait aux normes très élevées qui

 14   existent, alors que cette situation tout simplement répondait à la

 15   situation sur le terrain.

 16   Donc il s'agit là d'une nouvelle norme qui est apparue et qui est

 17   censée aider à déterminer si, du fait de la durée de l'occupation d'un

 18   bien, il devient impossible de restituer un bien conformément à l'article 1

 19   du protocole I.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Gustafson, allez-y.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Toutes mes excuses pour cette

 22   interruption. J'aurais dû soulever mon objection plus tôt, mais je n'ai pas

 23   eu l'occasion, je n'avais pas voulu interrompre le témoin.

 24   La question était :

 25   "Il est clair, sur la base de cette citation, que la CEDH elle-même

 26   considérait que sans conteste le droit de propriété n'est pas remis en

 27   question par la décision du gouvernement croate."

 28   Je pense que cette manière de décrire ce que la Cour européenne a dit

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  1   n'est pas tout à fait correcte.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la cour dit que personne n'a

  3   été privé de son droit de propriété. Et de toute manière, la Chambre est

  4   capable de lire la version originale de ce texte.

  5   Néanmoins, j'ai une question que je me posais concernant

  6   l'interprétation, en dehors de la question de savoir si c'est à ce témoin

  7   d'interpréter une décision de la Cour européenne des droits de l'homme,

  8   mais du moment où elle a déjà fait ça, alors je lui demanderais de nous

  9   repréciser un élément.

 10   Madame Bagic, je suis en train de lire une partie de votre réponse. Vous

 11   nous avez dit :

 12   "L'objectif légitime de l'action gouvernementale entrait dans le

 13   cadre de la loi," c'est ce que vous avez dit.

 14   C'est quoi l'action gouvernementale dont vous parliez là ? L'adoption

 15   de la loi ou autre chose, ou cette privation temporaire du plaignant de son

 16   droit d'occuper son bien ?

 17   Qu'entendiez-vous par "l'action gouvernementale légitime entrant dans

 18   le cadre de la loi" ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, toutes mes excuses, je n'ai

 20   pas été consciente d'avoir prononcé "l'objectif légitime de l'action du

 21   gouvernement". Peut-être que c'est un problème d'interprétation aussi, je

 22   ne sais pas.

 23   Mais ce que j'ai voulu dire de toute manière en disant objectif

 24   légitime, je voulais dire que la réglementation émanant du gouvernement

 25   croate, c'est-à-dire la loi relative à la l'appropriation des biens et le

 26   programme du retour.

 27   Je voulais dire que ces deux textes avaient un objectif légitime;

 28   c'est ça que je voulais dire.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais où est-ce que cela est dit dans

  2   cette décision ? Je ne veux pas dire que cela est quelque chose

  3   d'introuvable, mais dans cette décision-ci, où est-ce qu'on peut trouver

  4   cette constatation ?

  5   Est-ce que vous avez un exemplaire de ce document ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai sous les yeux, un exemplaire de

  7   cette décision.

  8   Dans cette décision, cela n'est pas indiqué. Cela est indiqué dans

  9   une autre décision, et c'est pour cette raison-là que je me suis donnée la

 10   liberté d'inclure cela de mon commentaire. Je crois que cela est inclus

 11   dans la décision Radanovic.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on afficher la décision Radanovic

 13   pour qu'on voie où cela est écrit.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] J'avais l'intention justement de présenter

 15   cette décision. J'avais pensé d'abord à la décision Saratic, où on parle de

 16   l'objectif légitime.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, si le témoin me dit

 18   que cela figure dans la décision Radanovic et que vous nous dites

 19   maintenant que cela figure dans la décision telle et telle, ce n'est pas un

 20   commentaire approprié. Il n'est pas à vous de nous suggérer d'utiliser une

 21   autre décision, alors que le témoin a fait référence à une autre décision.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai compris la réponse du témoin de la

 23   manière suivante : je croyais qu'elle avait dit qu'elle était pas tout à

 24   fait sûre si c'était dans la décision Radanovic ou dans une autre décision.

 25   Je voulais tout simplement être utile.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors vous pouvez être utile mais

 27   d'une manière appropriée.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais avant de passer à l'autre décision, je

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  1   demanderais le versement de celle-ci au dossier.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'on a besoin de verser au

  4   dossier les décisions d'autres tribunaux… Je dois dire qu'il n'est pas aisé

  5   de retrouver toutes ces décisions, bien que ce ne soit pas le cas avec

  6   celle-ci, que j'ai déjà trouvée sur Internet. C'est bien la décision Kunic

  7   dans l'affaire Kunic contre la Croatie.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Un instant.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre considère, du moment où on

 12   peut retrouver ce document très facilement sur Internet ou auprès de la

 13   Cour européenne des droits de l'homme, que ce n'est pas la peine de le

 14   verser au dossier.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.

 16   Peut-on maintenant regarder la décision dans l'affaire Saratlic

 17   contre la Croatie rendue par la CEDH de Strasbourg. C'est le document

 18   3D00182. C'est une décision en date du 24 octobre 2006. Je demanderais

 19   qu'on affiche immédiatement la page 6. C'est le premier paragraphe de la

 20   dernière page de la version croate.

 21   Q.  "En ce qui concerne l'attitude des autorités concernant leurs efforts

 22   afin de restituer la propriété de la maison au plaignant, la cour observe

 23   tout d'abord que l'Etat avait un intérêt légitime de trouver un logement

 24   pour les réfugiés et personnes déplacées dont le propriétaire avait quitté

 25   la Croatie durant la guerre. Par ailleurs, le système qui permet à des

 26   personnes de rester dans un bien occupé jusqu'à ce qu'on leur fournisse un

 27   autre logement approprié n'est pas en soi en contradiction avec les

 28   garanties contenues dans l'article 1 du protocole I, à condition que des

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  1   garanties suffisantes aient été fournies pour protéger le droit de la

  2   propriété du plaignant."

  3   Madame Blagic, pourriez-vous commenter cette décision ?

  4   R.  Dans cette affaire Saratlic contre la Croatie, j'ai l'impression - je

  5   n'ai sous les yeux que ce passage - qu'il s'agissait là d'un plaignant qui

  6   n'avait pas du tout déposé une requête formelle aux fins de restitution de

  7   son bien ou de compensation pour l'utilisation ou l'occupation de la maison

  8   par un tiers. Et c'est pour cette raison-là que la CEDH a trouvé que sa

  9   requête était infondée. Mais ceci faisant, la cour a également émis les

 10   observations que vous avez citées où elle a parlé d'un intérêt légitime

 11   d'héberger les réfugiés et les personnes déplacées dont les biens

 12   abandonnés par des personnes ayant quitté la Croatie.

 13   Q.  Bien. Examinons maintenant le document 3D009, la décision de la CEDH

 14   concernant l'affaire Kostic --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Pourriez-vous tout d'abord

 16   demander au témoin de nous expliquer pour quelle raison cette requête du

 17   plaignant a été rejetée.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] La demande ou la requête a été rejetée parce

 19   que le plaignant, si je ne m'abuse, avait auparavant vendu son bien. Donc

 20   il en a disposé. Il a vendu son bien en donnant procuration à un tiers, et

 21   c'est par la suite qu'il a contesté la validité de cette vente en affirmant

 22   qu'il n'avait pas donné de procuration à la personne qui avait conclu en

 23   son nom le contrat de vente. Mais ceci n'a pas pu être prouvé. La personne

 24   bénéficiant de cette procuration avait même retiré la saisie puisqu'il n'y

 25   avait plus de fondement pour poursuivre.

 26   A mon avis, la CEDH a conclu que dans le cas en espèce on ne pouvait

 27   pas parler d'une violation des droits prévus par la convention, à savoir de

 28   l'article 1 du protocole I de cette convention.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes d'accord avec moi

  2   pour dire qu'il s'agissait surtout de l'omission de demander l'ordre

  3   d'application par la mise en œuvre de cet ordre et le fait que le requérant

  4   n'a pas demandé dommages et intérêts et que ceci a abouti à la décision

  5   selon laquelle l'application a été manifestement mal fondée, c'était plutôt

  6   cela qu'une décision substantielle ou une action ou activité gouvernement

  7   croate ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai l'impression, si j'ai le droit

  9   d'interpréter cette décision, que la Cour européenne n'a pas considéré

 10   utile dans l'affaire en espèce d'évaluer les activités du gouvernement

 11   croate, mais s'agissant de la durée de la procédure de la saisie, il a été

 12   considéré que la procédure n'a pas été trop longue. Mis à part cela, la

 13   cour n'a pas évalué les activités des autorités croates justement étant

 14   donné que le propriétaire des biens, ou le requérant, possédait sa

 15   propriété et l'avait vendue. Et c'est la raison pour laquelle il n'avait

 16   pas demandé des dommages et intérêts.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était justement le point contesté, la

 18   question de savoir s'il avait donné son consentement à un document

 19   apparemment signé.

 20   Poursuivez, Maître Mikulicic.

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on présenter maintenant 3D00200. C'est

 22   la décision de la Cour de Strasbourg.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit dit en passant, cette décision

 24   n'est pas vraiment accessible par le biais du système électronique, car

 25   même si vous donnez le numéro de l'affaire, nous n'avons pas de réponse.

 26   Donc peut-être il serait judicieux de verser au dossier ce document.

 27   Mais la décision de Saratlic contre la Croatie, Monsieur le Greffier

 28   --

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce dont le

  2   numéro 65 ter est 3D82 sera versée au dossier en tant que pièce à

  3   conviction D1912.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1912 est versé au dossier.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Donc si l'on se penche sur la décision dans

  6   l'affaire Kostic contre la Croatie. Et je souhaite que l'on affiche la page

  7   6 de la version en anglais.

  8   Q.  On a stipulé au paragraphe 2 -- pardon, c'est le troisième paragraphe

  9   qui m'intéresse.

 10   Voici ce qui était dit. Je vais citer cela en anglais :

 11   "La cour remarque que le requérant avait reçu un jugement définitif

 12   confirmant sa possession de la maison en question et ordonnant l'éviction

 13   des occupants temporaires."

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante, page

 15   7, où il est dit que c'est une décision de la cour. Il s'agit du cinquième

 16   paragraphe.

 17   Q.  "La cour note que le programme pour le retour s'applique de manière

 18   égale à toutes les personnes qui sont rentrées en Croatie quelle que soit

 19   leur origine ethnique et qu'il n'y a pas d'indication indiquant que le

 20   requérant ait fait l'objet d'une discrimination de quelque manière que ce

 21   soit."

 22   Madame Bagic, ce qui m'intéresse ici, c'est la manière dont vous comprenez

 23   le fait que la cour conclut que le programme pour le retour ne comportait

 24   aucun élément discriminatoire vis-à-vis de l'origine ethnique.

 25   Est-ce que vous pourriez, d'après vos connaissances et vos souvenirs,

 26   nous faire un commentaire sur cette partie de la décision de la Cour de

 27   Strasbourg ?

 28   R.  Je vais essayer d'expliquer la manière dont je comprends cette partie

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  1   de la décision de la Cour de Strasbourg.

  2   Comme on peut le voir, il s'agit de l'application du programme pour

  3   le retour des personnes déplacées et des réfugiés. Ce programme comportait

  4   plusieurs points qui élaboraient en détail des situations différentes du

  5   retour des réfugiés et des personnes déplacées liés à la possession ou la

  6   non-possession des documents de nationalité croate, la procédure de les

  7   obtenir si les personnes ne les avaient pas, puis concernant la situation,

  8   et la question de savoir si les personnes possédaient des biens en Croatie,

  9   si les biens étaient vides ou temporairement occupés.

 10   La cour fait référence au fait que le requérant, dans sa proposition

 11   soumise à la Cour européenne, considérait qu'il avait fait l'objet d'une

 12   discrimination dans l'application de ce programme compte tenu de ces

 13   origines ethniques. Or, la cour a déterminé que le programme portait de

 14   manière égale sur toutes les personnes qui revenaient en Croatie. Donc la

 15   procédure qui s'appliquait était la même quelle que soit l'appartenance

 16   ethnique de la personne. Ou l'appartenance nationale, si vous voulez.

 17   Q.  Aujourd'hui, au début de notre conversation, Madame Bagic, vous nous

 18   avez indiqué vos fonctions différentes dans l'administration de l'Etat, et

 19   normalement au sein du ministère de la Justice, et ce, pendant les temps

 20   extrêmement troublés pendant la guerre en Croatie.

 21   Est-ce qu'au cours de votre travail dans le ministère de la Justice

 22   vous avez jamais reçu un ordre ou est-ce que vous avez assisté à une

 23   conversation dans laquelle l'on discriminerait d'une manière ou d'une autre

 24   les membres d'une communauté ethnique ou religieuse par rapport à l'autre ?

 25   Est-ce que vous avez jamais, s'agissant de l'élaboration des lois à

 26   laquelle vous avez participé, est-ce que vous avez jamais été guidée par de

 27   tels principes ? Est-ce qu'on vous a jamais suggéré de tels principes ?

 28   R.  Au cours de mon travail au sein du ministère et de mon travail

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  1   dans des groupes de travail différents, pour ce qui est de mes fonctions

  2   exercées dans le cadre du travail pour le ministère de la Justice, je n'ai

  3   jamais été régie par le but de discriminer des citoyens sur la base de leur

  4   origine ethnique ou autre. Je n'ai jamais reçu de tels ordres ou

  5   instructions, ni moi ni mes collègues dans le cadre de ces groupes de

  6   travail.

  7   Q.  Merci.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la fin

  9   de mon interrogatoire principal.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 11   Monsieur Mikulicic, je crois que vous avez parlé du jugement de la Cour

 12   européenne; c'est exact ?

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense qu'il faut parler d'une

 14   "décision."

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Car il faut faire la distinction

 16   entre la décision sur la recevabilité dont vous avez parlé et d'un jugement

 17   dans cette affaire, car le jugement, finalement, s'élevait à une issue

 18   amicale trouvée entre les parties et consignée par écrit.

 19   Je me tourne vers les autres équipes de la Défense. Y a-t-il des questions

 20   ?

 21   M. CAYLEY : [interprétation] Pas de questions pour ce témoin.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la Défense Cermak.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Pas de questions.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, êtes-vous prête à

 25   commencer votre contre-interrogatoire ?

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, poursuivez, s'il vous

 28   plaît.

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  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

  2   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : 

  3   Q.  [interprétation] Madame Bagic, bonjour.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Je souhaite, pour commencer, vous poser quelques questions

  6   préliminaires au sujet de votre préparation à déposer dans cette affaire.

  7   Avant d'être venue déposer ici aujourd'hui, est-ce que vous avez vu des

  8   parties de ce procès ou bien est-ce que vous avez suivi la procédure ?

  9   R.  Non, je n'ai pas suivi de près cette affaire, mis à part ce qui était

 10   publié dans les médias, que ce soit la presse quotidienne ou d'autres

 11   médias.

 12   Q.  Et vous nous avez expliqué que la date de votre entretien avec la

 13   Défense Markac était le 23 octobre 2009. Pourriez-vous me dire à quel

 14   moment vous avez reçu pour la première fois les communications de la

 15   Défense Markac au sujet de votre déposition dans cette affaire ou à quel

 16   moment -- enfin concernant la prise d'une déclaration ?

 17   R.  Tout d'abord, j'ai été contactée par téléphone par la Défense de M.

 18   Markac, qui m'a proposé de déposer en tant que témoin de la Défense

 19   concernant la Loi relative à la reprise temporaire et gestion de certaines

 20   propriétés. J'ai accepté, car je considérais que si l'on connaît bien un

 21   domaine, on est tenu de déposer là-dessus au besoin. Et après cela, nous

 22   nous sommes rencontrés pour la première fois dans le bureau de Me Mikulicic

 23   le jour mentionné, c'est-à-dire le 23 octobre afin d'élaborer ma

 24   déclaration.

 25   Q.  Mis à part cet appel téléphonique et la réunion du 23 octobre et

 26   réunion que vous avez eue hier avec la Défense Markac, si j'ai bien

 27   compris, est-ce que vous avez eu d'autres communications avec eux

 28   concernant quoi que ce soit de pertinent dans cette

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  1   affaire ?

  2   R.  Non, il n'y a pas eu de contacts, sauf qu'après que nous nous sommes

  3   rencontrés le 23 octobre dans le bureau de Me Mikulicic, à ce moment-là,

  4   nous avons parlé du sujet de ma déposition, donc nous avons rédigé un

  5   projet de ma déclaration. J'étais pressée à ce moment-là, nous n'avons pas

  6   eu suffisamment de temps. Et après cela, M. Rendulic est venu dans mon

  7   bureau dans la cour constitutionnelle - je pense que c'était le 29 octobre

  8   - afin que je puisse examiner ma déclaration, apporter des corrections,

  9   corriger des fautes de frappes et autres, peut-être des fautes dans les

 10   dates, et ainsi de suite, et la signer par la suite.

 11   Q.  Savez-vous comment la Défense de Markac a appris que vous aviez

 12   participé à la rédaction de la loi en matière de

 13   propriété ? Vous avez expliqué qu'ils avaient évoqué cela avec vous.

 14   R.  Je ne sais pas exactement, et je ne leur ai pas posé la question, mais

 15   ce n'était pas un secret, puisque pendant des années avant que je ne vienne

 16   à la cour constitutionnelle, j'ai travaillé pour les ministères de la

 17   Justice et l'administration du gouvernement, donc on connaissait bien quel

 18   était le type de travail que j'avais fait. J'avais également été membre de

 19   comité parlementaire. Et en tant que ministre adjoint, j'avais à traiter de

 20   ce genre de problèmes. Donc je suppose que cela a motivé la Défense pour se

 21   mettre en rapport avec moi.

 22   Q.  Je vous remercie. Et avez-vous jamais été informée de la nature ou de

 23   la teneur d'autres dépositions d'autres témoins dans la présente affaire ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Merci. Je voudrais maintenant vous poser des questions concernant votre

 26   rôle au ministère de la Justice au moment des événements en question.

 27   Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre de façon plus précise

 28   quelles étaient vos fonctions et obligations au ministère de la Justice,

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  1   plus précisément en 1995, dans la deuxième partie de

  2   1995 ? Quelles étaient exactement vos fonctions du point de vue de vos

  3   fonctions quotidiennes ?

  4   R.  Je vais essayer.

  5   Depuis 1995, à peu près à la mi-1995, du côté du 20 -- enfin un

  6   moment donné au mois de juin en 1995, j'ai été nommée secrétaire du

  7   ministère de la Justice. Donc dans la première moitié de 1995, j'ai

  8   travaillé dans l'administration qui s'occupait du droit de propriété et

  9   j'étais l'assistante ou l'adjointe de la personne qui s'occupait de cette

 10   administration à l'époque ou son chef. Puis en juin 1995, j'ai été désignée

 11   comme secrétaire au ministère de la Justice. Et en 1997, au mois de mars,

 12   j'ai été nommée ministre adjointe de la justice.

 13   Pour ce qui est de l'administration chargée des droits de la

 14   propriété, en tant qu'assistante du chef de cette administration, j'ai

 15   examiné les dossiers qui étaient produits par mes collègues qui

 16   travaillaient également dans la même administration. J'ai également été

 17   membre de groupes de travail qui rédigeaient et préparaient des

 18   réglementations relatives au domaine du droit de propriété; c'était, par

 19   exemple, des Lois sur des biens sur le plan cadastral, sur les

 20   indemnisations quand il y avait expropriation, notamment sous le régime

 21   communisme en Yougoslavie. Il y avait également la Loi relative à la saisie

 22   de biens mobiliers et la Loi relative aux médias, et je n'en énumérerai pas

 23   d'autres.

 24   Mais je suis également allée aux séances du gouvernement de la

 25   République de Croatie. J'ai participé à la préparation de documents par

 26   divers ministères dans le cadre de leur mandat, parce que ces documents

 27   sont soumis au gouvernement. J'étais membre moi aussi de certaines

 28   commissions, par exemple, pour ce qui était des rapports --

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  1   Q.  Excusez-moi, Madame Bagic, peut-être pourrais-je appeler votre

  2   attention plus particulièrement sur le domaine.

  3   Vous avez mentionné le fait d'avoir participé à des séances du

  4   gouvernement, et on vous a montré un compte rendu d'une séance du

  5   gouvernement et vous pensez que vous n'y avez pas assisté. Avec quelle

  6   fréquence est-ce que vous assistiez à des séances du gouvernement ?

  7   R.  Si vous voulez me le permettre, je vais essayer d'éclaircir ce point.

  8   J'ai dit que je n'avais pas -- ou, en fait, je n'ai pas dit que

  9   j'assistais à des séances du gouvernement, mais plutôt à des réunions

 10   d'organes professionnels du gouvernement qui s'occupaient de la

 11   rationalisation et la mise au point de documents préparés par les divers

 12   ministères de façon à ce qu'ils puissent être soumis par la suite au

 13   gouvernement.

 14   La période dont je vous parle, c'est à peu près le moment où j'étais

 15   adjointe au chef du département chargé des questions de droits de

 16   propriété, et en vertu de mon poste, je n'aurais pas pu assister à des

 17   sessions du gouvernement. J'ai seulement pu le faire lorsque je suis

 18   devenue ministre adjointe. Et je suis devenue ministre adjointe en mars

 19   1997.

 20   Q.  Donc pendant que vous étiez secrétaire au ministère de la Justice entre

 21   1995 et 1997, vous n'avez pas assisté à des sessions du gouvernement; c'est

 22   bien cela ?

 23   R.  Est-ce que vous posez la question pour la période pendant laquelle

 24   j'étais ministre adjoint de la Justice ?

 25   Q.  Non, je vous demande de confirmer que j'ai bien compris ce que vous

 26   avez dit dans votre déposition, à savoir que pendant que vous étiez

 27   secrétaire au ministère de la Justice entre 1995 et 1997, vous n'avez pas

 28   assisté à des séances du gouvernement.

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  1   Est-ce que j'ai bien compris les choses là ?

  2   R.  Pendant que j'étais secrétaire au ministère, non, je n'ai  pas assisté

  3   à des séances du gouvernement.

  4   Q.  Et en tant que secrétaire du ministère de la Justice, à qui rendiez-

  5   vous compte ? Qui était votre supérieur ?

  6   R.  C'était le ministre de la Justice.

  7   Q.  Avec quelle fréquence aviez-vous des contacts avec le ministre ?

  8   Pourriez-vous brièvement décrire quel type de contacts vous aviez avec lui

  9   lorsque vous étiez la secrétaire du ministère de la Justice ?

 10   R.  Nos contacts avaient lieu selon que de besoin. Nous avions des

 11   communications normales, nous discutions et nous nous mettions d'accord

 12   pour savoir qui allait à tel ou tel endroit ou qui n'irait pas. Le ministre

 13   me demandait de venir à son bureau pour me donner des instructions en vue

 14   de préparer quelque chose, ou si moi-même, je voulais lui dire quelque

 15   chose. Il m'est difficile de dire quoi que ce soit concernant la fréquence

 16   de nos réunions. Il arrivait parfois qu'on ne se voyait pas pendant deux

 17   jours. Puis, par contre, certains jours on se voyait plusieurs fois ou on

 18   pouvait passer deux ou trois heures ensemble.

 19   Q.  Est-ce que vous l'avez rencontré ou avez-vous eu des réunions avec lui

 20   et des communications concernant les questions fondamentales des droits de

 21   propriété et La loi sur l'appropriation temporaire des biens de propriété

 22   dont vous avez discuté dans votre déposition ? Juste pour être bien au

 23   clair, c'est exact, n'est-ce pas, ce serait le ministre Miroslav Separovic

 24   à l'époque ?

 25   R.  Je suppose que c'est ce que nous avons fait. Le ministre,

 26   officiellement, n'était pas membre du groupe qui travaillait à la question,

 27   mais je suppose que -- je n'arrive pas à me rappeler exactement à quel

 28   moment, mais c'était la procédure habituelle pour chaque loi. C'est qu'au

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  1   moment où une loi était presque prête, nous contactions un ministre. On

  2   l'informait de la teneur de cette loi, de ce projet de loi. On lui

  3   demandait ses suggestions et s'il avait des commentaires concernant un

  4   amendement, à ce moment-là, c'était fait. Parce que lorsqu'il allait se

  5   réunir avec les membres du gouvernement ou qu'il allait au parlement, il

  6   convoquait tout le monde de façon à ce qu'on lui donne tous les détails

  7   nécessaires afin de le préparer pour son exposé devant les membres du

  8   gouvernement ou devant le parlement.

  9   Q.  Du point de vue de la Loi applicable à l'appropriation temporaire et à

 10   la gestion temporaire, vous ne pouvez pas vous rappeler de façon précise, à

 11   l'époque, quelle était la procédure pour ce qui était du ministre Separovic

 12   et de sa participation ?

 13   R.  Les procédures dans lesquelles le ministre participait pour la

 14   préparation des textes de loi étaient toujours à peu près les mêmes. En

 15   d'autres termes, le ministre était quelqu'un qui, au stade final, au nom du

 16   ministère et de membre du gouvernement, se présentait au gouvernement pour

 17   expliquer les détails de la loi. S'il parvenait à obtenir du gouvernement

 18   que le projet soit entériné, à ce moment-là, le même ministre présenterait

 19   le texte et le défendrait devant le parlement au nom du gouvernement.

 20   Q.  Bien. Vous avez parlé d'un groupe de travail qui avait participé à

 21   cette loi sur l'appropriation temporaire de biens. Est-ce qu'elles étaient

 22   aussi du ministère de la Justice ou y en avait-il d'autres qui s'occupaient

 23   de rédiger cette loi ?

 24   R.  Ça incluait aussi d'autres personnes. Cette loi a été établie par un

 25   groupe de juristes du ministère de la Justice, du département chargé des

 26   lois. Nous avons contacté également les gens du judiciaire, à savoir le

 27   bureau du procureur du ministère public, comme on l'appelait à l'époque. Et

 28   peut-être également, nous avons demandé, selon les cas, lorsque ça

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  1   impliquait les travaux publics ou la reconstruction, ceux qui étaient

  2   directement disponibles pour fournir un hébergement aux réfugiés et

  3   personnes déplacées.

  4   Q.  Est-ce que ce ministre était celui qui, à l'époque, s'appelait le

  5   ministre de la Reconstruction et du Développement; c'est bien cela ?

  6   R.  Je suppose que oui. Les ministères changeaient de nom si souvent que je

  7   ne peux pas dire avec certitude quel était son nom à l'époque.

  8   Q.  Indépendamment de vos contacts avec le ministre, est-ce que vous avez

  9   jamais eu d'autres communications directes avec d'autres membres du

 10   gouvernement, d'autres ministres du gouvernement pendant la période où vous

 11   avez été secrétaire au ministère de la Justice ? Je m'adresse plus

 12   particulièrement à la même période, enfin, la période 1995.

 13   R.  Je n'avais pas de contacts particuliers avec les ministres ou qui que

 14   ce soit du gouvernement. Il pouvait se produire qu'un ministère convoque

 15   une réunion ou il pouvait arriver que j'accompagne le ministre à une

 16   réunion où d'autres ministres seraient présents. Mais le contact

 17   particulier entre moi-même et eux, je ne m'en souviens pas.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, je regarde la pendule.

 19   Est-ce que le moment conviendrait pour Mme Gustafson ?

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   Donc avant que nous ne levions la séance, Maître Mikulicic, lorsque j'ai

 23   dit que la décision Saratlic, il n'était pas facile d'y accéder, n'était

 24   pas facilement accessible, c'était une erreur de ma part, parce qu'avec le

 25   moteur de recherche, il faut précisément inclure les discussions au niveau

 26   de la Chambre, indépendamment de rechercher les jugements.

 27   Par conséquent, je vous suggère que conformément à la règle générale

 28   concernant la jurisprudence qui est facilement accessible n'est pas admise

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  1   comme élément de preuve, c'est exact. Nous avons une indication dans D1912

  2   et nous conseillons à tous de ne pas omettre les décisions de la Cour

  3   européenne des droits de l'homme, HUDOC, qui a une base de données de la

  4   Cour européenne des droits de l'homme et qui est facilement accessible sur

  5   internet.

  6   Y a-t-il des objections ? 

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, le D1912 est une cote qui

  9   est libérée.

 10   Madame Bagic, nous allons lever la séance pour aujourd'hui. Nous souhaitons

 11   vous revoir demain matin, à 9 heures, dans le prétoire numéro III. Je vous

 12   donne pour instruction de ne parler à personne de la déposition que vous

 13   avez déjà faite ni de la déposition que vous allez faire dans les jours qui

 14   viennent.

 15   Nous levons la séance jusqu'à demain matin, 12 janvier, à

 16   9 heures.

 17   [Le témoin quitte la barre]

 18   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 12 janvier

 19   2010, à 9 heures 00.  

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