Page 26485
1 Le lundi 11 janvier 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
6 Je demande au greffier d'annoncer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous.
8 L'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina et consorts.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
10 Tout d'abord, la Chambre souhaite une très bonne nouvelle année à tous qui
11 se trouvent dans cette salle d'audience et autour d'elle. Nous espérons que
12 les difficultés que nous venons d'avoir ne se répéteront pas durant cette
13 année.
14 Après cette pause relativement longue, nous souhaitons demander aux parties
15 s'il y a des affaires urgentes à soulever avant de procéder. Nous ne sommes
16 pas au courant d'une telle demande. Je vois que personne ne réagit, donc on
17 peut passer au témoin suivant.
18 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, nous sommes prêts pour notre témoin.
19 C'est Mme Snjezana Bagic.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Qu'on la fasse entrer dans le
21 prétoire.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Bagic.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez dans une
26 langue que vous comprenez ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Bonjour.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Avant de commencer votre
Page 26486
1 déposition, conformément au Règlement, vous devez lire la déclaration
2 solennelle selon laquelle vous allez dire la vérité, toute la vérité et
3 rien que la vérité.
4 On va vous passer maintenant le texte de cette déclaration. Je vous prie de
5 la lire.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 LE TÉMOIN : SNJEZANA BAGIC [Assermentée]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci, Madame Bagic. Vous pouvez
11 vous asseoir maintenant.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bagic, vous êtes la seule dans
14 cette salle d'audience à qui je n'ai pas souhaité la bonne année au nom de
15 la Chambre. Donc je vais le faire maintenant. Je vous souhaite une très
16 bonne nouvelle année 2010.
17 C'est Me Mikulicic qui va vous examiner maintenant. C'est le conseil de
18 l'accusé Markac.
19 Allez-y, Maître Mikulicic.
20 Interrogatoire principal par M. Mikulicic :
21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
22 R. Bonjour.
23 Q. Je vous demande de vous présenter pour les besoins du compte rendu.
24 R. Je suis Snjezana Bagic.
25 Q. Compte tenu du fait que nous parlons la même langue, je dois attirer
26 votre attention sur le fait que pour les besoins de l'interprétation, vous
27 devez essayer de parler aussi lentement que possible et de faire une pause
28 entre ma question et la réponse. Tout cela facilitera le travail des
Page 26487
1 interprètes et permettra de disposer d'un compte rendu beaucoup plus
2 complet.
3 M. MIKULICIC : [interprétation] Tout d'abord, j'aimerais vous présenter le
4 document 3D00957.
5 Q. Madame Bagic, ce que vous allez voir maintenant affiché à l'écran,
6 c'est votre déclaration. Vous souvenez-vous d'avoir fait une déclaration à
7 la Défense du général Markac en octobre 2010 ?
8 R. Oui, je m'en souviens. Mais je ne vois pas la déclaration à l'écran.
9 Si, si, elle vient d'être affichée.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la dernière
11 page de la déclaration, s'il vous plaît.
12 Q. On va vous présenter la dernière page de la déclaration où figure la
13 signature, ensuite de quoi je vais vous demander de confirmer qu'il s'agit
14 bien de votre signature.
15 A droite en bas, la signature qu'on y voit, est-ce bien la vôtre ?
16 R. Oui.
17 Q. Au moment où vous avez fait cette déclaration et en répondant aux
18 questions qui vous ont été posées, avez-vous dit la vérité et avez-vous
19 donné des réponses exactes portant sur les événements dont il était
20 question ?
21 R. Oui, j'ai dit la vérité en parlant de ces événements, du mieux que j'ai
22 pu m'en souvenir.
23 Q. Si on devait aujourd'hui vous reposer ces questions, questions posées
24 au moment où la déclaration a été recueillie, vos réponses seraient-elles
25 les mêmes ?
26 R. Oui.
27 Q. Bien. Hier lors de la séance de récolement, vous avez examiné votre
28 déclaration et vous avez pu observer quelques inexactitudes figurant dans
Page 26488
1 cette déclaration, par exemple, la date de l'entretien où il est indiqué
2 qu'il s'était tenu le 29 octobre 2009. Mais en fait c'est la date de la
3 signature de votre déclaration, alors que l'entretien lui-même s'était tenu
4 le 23 octobre. C'est ce que vous avez précisé dans votre déclaration
5 supplémentaire.
6 Vous avez également apporté une modification au paragraphe 7 de cette
7 déclaration. Ici on fait référence à l'article 9 portant sur l'annulation
8 d'une loi, alors que c'est l'article 2 qui aurait dû y figurer. S'agit-il
9 bien des modifications que vous avez apportées à cette déclaration pour les
10 besoins de votre déposition
11 d'aujourd'hui ?
12 R. Oui, il s'agit bien de ces modifications-là.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que le greffier
14 d'audience affiche la déclaration supplémentaire où figurent les
15 modifications apportées par Mme Bagic lors de la séance de récolement.
16 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document et ces modifications, Madame
17 Bagic ?
18 R. J'attends que le document soit affiché.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. A-t-on vraiment besoin de ce
20 document, puisque le témoin l'a dit ici en audience et cela a été consigné
21 au compte rendu --
22 M. MIKULICIC : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on peut poursuivre sans qu'on
24 affiche le document.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] C'est exact. C'est exact.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de voir le document.
28 M. MIKULICIC : [interprétation]
Page 26489
1 Q. En dehors de ces deux modifications qu'on vient de mentionner, y a-t-il
2 d'autres modifications que vous souhaiteriez apporter, des éléments
3 auxquels vous souhaiteriez attirer l'attention de la Chambre ?
4 R. J'ai l'impression que non.
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Je demande le versement de cette
6 déclaration au dossier, la déclaration de Mme Bagic.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne suis pas sûre que tout a été fait de
8 ce qu'il faut faire concernant les témoins déposant conformément à
9 l'article 92 ter. Peut-être que je n'ai pas bien suivi.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela a été fait avant qu'on
11 ne passe à l'histoire de cette déclaration supplémentaire.
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Toutes mes excuses. Nous n'avons pas
13 d'objection.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera D1911.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
17 M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai expliqué à Mme Bagic le rôle d'un
18 résumé de la déposition attendue du témoin. Je me propose d'en donner la
19 lecture maintenant.
20 Mme Bagic est juriste de formation. Elle travaille comme juge auprès de la
21 cour constitutionnelle de la République de Croatie. Elle a étudié à la
22 faculté de droit à Zagreb. Elle a fini ses études en 1983. Ensuite, durant
23 toute sa vie professionnelle, elle s'est occupée des questions juridiques
24 dans les domaines économique et juridique, ainsi qu'au sein du ministère de
25 la Justice. Elle a occupé le poste du juge auprès du tribunal cantonal de
26 Zagreb; du conseiller du ministre de la Justice; du secrétaire du ministère
27 de la Justice; celui du ministre adjoint; du chef du département chargé de
28 la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
Page 26490
1 et avec le Tribunal international de Justice de La Haye; ainsi que le chef
2 de département juridique du gouvernement de la République de Croatie.
3 Mme Bagic s'est occupée personnellement de l'élaboration de nombreuses lois
4 dans le domaine de la propriété. Elle a participé à la préparation d'une
5 Loi portant sur l'acquisition temporaire des biens et leur gestion portant
6 sur la propriété des personnes ayant quitté le territoire de la République
7 de Croatie avant, durant et suite à l'opération Tempête. Cette loi porte
8 exclusivement sur les droits des personnes dans ce contexte.
9 La raison pour laquelle cette loi a été adoptée est double : tout
10 d'abord, le besoin d'héberger un très grand nombre de réfugiés ou de
11 personnes qui revenaient soit d'autres régions, soit de l'étranger; la
12 deuxième raison pour laquelle cette loi a été adoptée était le besoin de
13 préserver en état les propriétés abandonnées et de les protéger des
14 destructions, ce qui, objectivement, ne pouvait être fait qu'en mettant ces
15 biens immobiliers à la disposition des personnes ayant besoin d'un
16 logement.
17 Cette loi n'a pas apporté des modifications dans le domaine des
18 droits de propriété. Donc il ne s'agit pas de la confiscation des biens,
19 même si certaines personnes qui ne connaissent pas suffisamment bien cette
20 loi l'avancent.
21 Les propriétaires des biens abandonnés, par cette loi, se sont vu limiter
22 leurs droits de propriété sur ces biens conformément à la constitution de
23 la République de Croatie, ce qui s'est avéré une mesure légitime ayant été
24 confirmée par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.
25 Cette cour européenne a rendu une décision selon laquelle la limitation des
26 droits de propriété a été imposée avec un objectif légitime, à savoir
27 d'héberger les réfugiés même s'il a été observé que la République de
28 Croatie a manqué de préciser quels seraient les dédommagements offerts aux
Page 26491
1 propriétaires de ces biens en échange de leur impossibilité de jouir de
2 droits de leurs propriétés.
3 C'est le résumé donc de la déposition de Mme Bagic. Si vous le
4 permettez, j'aimerais maintenant passer en interrogatoire principal.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, faites-le.
6 M. MIKULICIC : [interprétation]
7 Q. Madame Bagic, aujourd'hui, maintenant, vous êtes juge au sein de la
8 cour constitutionnelle de la République de Croatie. Je vous demanderais de
9 nous décrire très brièvement le rôle de la cour constitutionnelle dans le
10 système des pouvoirs de la République de Croatie et de nous dire si le rôle
11 de la cour constitutionnelle diffère de celle qu'elle avait à l'époque qui
12 a précédé l'opération Tempête en 1996 et ensuite 1996, 1997.
13 R. Oui, je suis bien le juge de la cour constitutionnelle. J'ai pris mes
14 fonctions le 7 décembre 2006.
15 En ce qui concerne le rôle de cette cour, il n'a pas été modifié. Le rôle
16 de la cour constitutionnelle est prévu par la constitution de la République
17 de Croatie. La cour constitutionnelle de la République de Croatie est
18 compétente pour plusieurs questions.
19 On considère que cette cour a des compétences très, très larges par rapport
20 par rapport à d'autres cours constitutionnelles dans les Etats européens.
21 Notamment, deux compétences de cette cour sont pour moi les plus
22 importantes, à savoir le contrôle abstrait et le contrôle concret.
23 Alors qu'est-ce qu'on comprend sous le terme contrôle abstrait. Donc on
24 contrôle la constitutionnalité des lois, mais aussi des textes et aux
25 forces de loi ou autres textes émanant de l'Etat. En dehors de ce contrôle
26 abstrait, la cour constitutionnelle décide si dans des cas individuels
27 portant sur des situations judiciaires ou administratives qui finissent
28 devant un organe judiciaire, un droit fondamental ou une liberté
Page 26492
1 fondamentale a été violé. Donc il y a un organe, un organe qui s'occupe des
2 appels dans le domaine de la préservation des droits et des libertés
3 fondamentales, et c'est la cour constitutionnelle qui statue ces cas-là.
4 Q. Bien. Merci. C'est quelque chose sur quoi nous allons revenir plus
5 tard.
6 Je vous demanderais encore une explication portant sur le rôle de la
7 cour constitutionnelle et son emplacement au sein du système des pouvoirs.
8 Est-ce que la cour constitutionnelle représente une partie des pouvoirs
9 exécutifs comme une sorte de cour de cassation ou son rôle est-il différent
10 ?
11 R. [aucune interprétation]
12 M. MIKULICIC : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons [comme interprété] entendu du
14 français sur la chaîne anglaise, mais maintenant cela a été corrigé.
15 Vous pouvez poursuivre.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Q. Madame Bagic, donc vous avez parlé de la cour constitutionnelle…
18 R. La cour constitutionnelle ne fait pas partie des autorités judiciaires.
19 Il est considéré que c'est le quatrième organe d'autorité. Pourquoi ? Parce
20 que grâce à ses ingérences que la constitution lui confère, cette cour peut
21 surveiller à la fois les organes de pouvoir judiciaire et législatif.
22 Q. Nous allons maintenant revenir sur votre carrière, carrière que vous
23 avez menée au cours des années 90 du siècle dernier, pendant que vous avez
24 travaillé au sein du ministère de la Justice en exerçant des fonctions
25 différentes.
26 Dans le résumé de votre déclaration, nous avons dit que vous avez participé
27 à l'élaboration des projets de lois différentes et nous allons élaborer là-
28 dessus maintenant. Est-ce que vous pouvez nous décrire la procédure en
Page 26493
1 question. Donc de quelle manière que l'on crée une loi dans la République
2 de Croatie ?
3 R. Je vais essayer de le faire et je vais essayer d'être aussi brève que
4 possible. C'est exact. Au sein du ministère de la Justice -- enfin, j'y
5 suis arrivée en 1991, et justement pour m'occuper des affaires liées aux
6 propriétés sur le plan juridique, et je travaillais surtout dans le domaine
7 de l'élaboration des lois et réglementations concernant le droit civique.
8 Je vais faire une digression ici : nous parlons de la période de transition
9 de la République de Croatie au moment de son indépendance et l'ensemble du
10 système social et l'ensemble de la législation devaient être transformés.
11 C'était une période extrêmement dynamique mais aussi exigeante pour juriste
12 s'agissant de l'élaboration d'une loi ou d'une réglementation.
13 Lors de l'élaboration d'une loi, en règle générale, l'organe du ministère
14 dans la problématique relève du domaine en est compétent. Par exemple, le
15 ministère du Transport était compétent pour les voies ferroviaires, mais
16 d'autres domaines relevaient du ministère de la Justice.
17 Au sein du ministère de la Justice, une section du ministère qui était
18 compétente, par exemple, pour les droits de propriétés était compétente
19 donc pour l'élaboration de telles lois. Compte tenu du fait que dans
20 l'administration de l'Etat, et surtout dans certains départements il n'y a
21 pas eu suffisamment de juristes capables d'effectuer ces tâches, et là je
22 parle des lois totalement nouvelles comme la loi sur la propriété, et
23 cetera.
24 Nous avons dû créer des groupes de travail constitués des experts, et là je
25 parle des professeurs des facultés de droit, des collègues qui
26 travaillaient dans des tribunaux, et ainsi de suite. Et ce groupe de
27 travail élaborait des projets de loi. Finalement, au moment où un texte de
28 loi était prêt pour avoir la forme d'un projet de loi, le ministère de la
Page 26494
1 Justice ou un autre organe envoie ça au gouvernement de la République de
2 Croatie qui organise une discussion là-dessus, y compris avec d'autres
3 ministères qui peuvent faire leurs commentaires. Puis le cabinet du
4 gouvernement donnait son avis également pour savoir si c'était conforme à
5 la constitution et au reste de la législation. Et après ce départ
6 gouvernemental, lorsque le projet de loi était adopté, il était envoyé
7 devant le parlement de la République de Croatie au nom du gouvernement pour
8 la suite des débats et l'adoption.
9 Pour ce qui est de la suite de la procédure concernant les options de la
10 loi au sein du parlement croate, en règle générale, il existe deux lectures
11 du projet de loi d'abord, et la deuxième lecture concerne la proposition
12 définitive de la loi. Autrement dit, devant les organes de travail du
13 parlement, lors de la session plénière, l'on discutait lors de la première
14 lecture du projet de loi, les élus donnaient leurs avis, et à la fin ils
15 votaient pour ou contre l'adoption de la loi.
16 Heureusement, le plus souvent les lois sont adoptées, ensuite le
17 texte est renvoyé à celui qui l'a proposé - ici, il s'agit du gouvernement
18 - le parlement explique éventuellement si quelque chose n'a pas été adopté,
19 les modifications qu'il faudrait apporter, ensuite le gouvernement doit
20 renvoyer le texte corrigé devant le parlement. Normalement le délai était
21 de six mois.
22 Q. Merci de cette explication. Nous n'allons plus entrer dans les détails
23 de cette procédure.
24 Donc je crois que vous l'avez déjà dit, mais nous allons réexpliquer
25 les choses.
26 Toute cette procédure que vous avez expliquée concernant l'adoption
27 d'une loi était assez longue. Quelle était sa durée moyenne ?
28 R. Il est difficile de répondre très concrètement à cette question compte
Page 26495
1 tenu du fait que ceci dépendait également, enfin, non pas seulement de
2 l'importance et de la taille d'une loi, mais je dirais qu'en moyenne il
3 s'agissait d'une période d'entre huit et dix mois.
4 Q. Cependant, si dans le fonctionnement de l'Etat il est tout simplement
5 nécessaire de faire en sorte qu'un domaine soit régulé en utilisant une
6 procédure plus urgente, est-ce que dans la structure du gouvernement croate
7 il existe une autre procédure suivant laquelle le gouvernement peut adopter
8 des décrets.
9 Est-ce que vous pouvez nous expliquer cette procédure ?
10 R. Je vais essayer.
11 D'après la constitution, le gouvernement a le droit d'adopter les décrets
12 ayant la force de la loi. Avec votre permission, je vais apporter une
13 clarification. Le gouvernement est compétent, en règle générale, d'adopter
14 les décrets afin de faire respecter les lois et appliquer les lois. Mais
15 vous me posez maintenant la question portant sur un autre type de décret,
16 décret ayant la force de la loi. Le gouvernement peut les adopter sur la
17 base des compétences constitutionnelles du gouvernement. Donc le
18 gouvernement peut adopter de tels décrets ayant la force de la loi pour
19 régir certaines questions, mais à l'exception des questions telles que les
20 droits de l'homme fondamentaux et les libertés fondamentales.
21 Avec l'adoption de tels décrets ayant la force de la loi, le
22 gouvernement doit faire référence à la disposition de la constitution - je
23 pense qu'il s'agit de l'article 87 de la constitution - et chaque année une
24 loi est adoptée portant sur les compétences du gouvernement dans ce
25 domaine-là, et les questions concernant lequel le gouvernement avait le
26 droit d'adopter les décrets ayant la force de la loi, et ces questions
27 concernaient les questions économiques. Ces décrets ayant la force de la
28 loi ont un effet limité. D'habitude, leur validité est un an, et au bout
Page 26496
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26497
1 d'un an le parlement doit soit changé ce décret, soit l'adopter. Donc nous
2 appelons ces décrets les décrets ayant force de loi.
3 M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons maintenant nous pencher
4 sur l'article P476.
5 Q. Madame Bagic, nous allons nous pencher maintenant sur le décret numéro
6 1 adopté par le gouvernement lors de la séance qui a eu lieu le 31 août
7 1995. Il s'agit d'un décret portant sur l'acquisition temporaire -- ou la
8 reprise temporaire et la gestion de certaines propriétés.
9 Est-ce que vous avez des connaissances personnelles s'agissant de ce
10 décret ? Est-ce que vous savez dans quel contexte temporaire et logique
11 elle était adoptée ?
12 R. Oui, je connais cela. Il faut toujours rappeler les faits. Il est
13 indiqué que sur la base de cette Loi portant sur les compétences du
14 gouvernement, ce décret a été adopté, et ce décret a été adopté lors de la
15 session du gouvernement du 31 août 1995.
16 Si vous considérez cela nécessaire, Monsieur le conseil de la Défense, je
17 peux apporter des explications supplémentaires.
18 Q. Est-ce que vous avez participé à l'élaboration de ce
19 décret ?
20 R. Oui. Compte tenu du fait qu'auparavant, j'avais participé aux
21 préparatifs de l'élaboration du projet de loi ayant la même appellation,
22 c'est-à-dire Loi portant sur la reprise temporaire et gestion de certaines
23 propriétés.
24 M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on brièvement nous pencher sur la
25 pièce D427.
26 Q. Madame Bagic, je vais vous montrer maintenant la pièce à conviction qui
27 a été versée au dossier. Il s'agit d'un projet de loi qui a été soumis
28 devant le parlement de la République de Croatie.
Page 26498
1 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite demander au greffe de passer à
2 la page 3D000-0911; il s'agit là de la motivation de ce projet de loi --
3 l'exposé des motifs de ce projet de loi.
4 Q. Vous pouvez donc lire du côté gauche l'exposé des motifs, et il en
5 ressort que le parlement ou la chambre des députés du parlement de la
6 République de Croatie, lors de sa 26e session tenue le 4 juillet 1995, a
7 adopté les conclusions acceptant la Loi portant sur la reprise et gestion
8 temporaire de certaines propriétés.
9 Compte tenu de la chronologie, nous pouvons voir qu'il s'agit ici du
10 4 juillet, que c'est à cette date-là que la chambre des députés a adopté
11 cette loi qui avait été proposée au préalable. Est-ce que vous souvenez
12 quand ?
13 R. Si mes souvenirs sont bons, le projet de loi a été soumis au mois de
14 juin, et a été adopté en tant que proposition par le gouvernement croate.
15 Ceci a été soumis au parlement pour le débat, ensuite a fait l'objet des
16 débats au sein du parlement, et a été adopté lors de sa session du 4
17 juillet 1995.
18 Q. Et maintenant, la procédure devant le parlement s'ensuit. Vous avez
19 décrit la procédure. Première lecture, deuxième lecture, renvoi devant le
20 gouvernement, et ainsi de suite, et c'est une procédure relativement
21 longue. Cependant, ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement --
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Et maintenant, nous pouvons revenir au
23 document précédent. Il s'agit du document P476.
24 Q. Nous pouvons voir que le gouvernement, lors de sa session du 31 août,
25 donc avant que le parlement n'ait adopté cette loi, a adopté un décret
26 portant sur la reprise temporaire et la gestion de certaines propriétés,
27 donc concernant le même domaine que celui couvert par la loi.
28 Est-ce que vous pourriez nous décrire les circonstances qui ont amené le
Page 26499
1 gouvernement à agir ainsi ?
2 R. Je vais essayer.
3 Avec votre permission, je souhaite tout d'abord revenir à la période
4 qui a précédé à l'élaboration et la soumission des propositions. J'avais
5 déjà dit que j'avais travaillé au sein du ministère dans le cadre de
6 l'administration compétente de la gestion des questions de propriétés. Déjà
7 en 1990 et par la suite lorsque les questions liées à l'indépendance de la
8 République de Croatie et à la nouvelle distribution des biens au sein de
9 l'ex-Yougoslavie sont devenues d'actualité, il y avait une pression exercée
10 sur la population afin que celle-ci parte dans les régions de ses origines
11 ethniques. Pourquoi est-ce que je mentionne cela ? Car dans
12 l'administration chargée des biens mobiliers, il y avait beaucoup de
13 citoyens originaires de la Voïvodine ou de certaines régions, par exemple,
14 autour de Banja Luka, qui souhaitaient échanger leurs propriétés contre les
15 propriétés des citoyens de la République de Croatie. Il y avait de plus en
16 plus de contrats d'échange de ce type. Je peux parler seulement des
17 citoyens qui ont ainsi acquis les biens immobiliers dans la République de
18 Croatie.
19 Maintenant, les réglementations étaient nouvellement adoptées dans les
20 Etats nouvellement établis. Ce domaine n'avait pas encore été réglé sur le
21 plan législatif, donc il fallait voir quelle était la validité de tels
22 contrats. Et le ministère de la Justice a décidé de donner son aval à la
23 validité de ces documents émanant des autres Etats, documents qui
24 comportaient des signatures et des sceaux.
25 Et après l'opération Eclair, qui a eu lieu au printemps 1995 en Slavonie
26 orientale, beaucoup de personnes ont abandonné leur propriété. Il ne
27 s'agissait pas d'un échange mais les gens partaient tout simplement. La
28 propriété était abandonnée. Il y avait des pillages, des destructions. Donc
Page 26500
1 il a fallu se pencher sur la question afin de protéger et préserver les
2 propriétés d'un côté afin d'aider les citoyens qui souhaitaient les vendre
3 ou les acheter.
4 Les événements se sont déroulés très vite par rapport à la procédure
5 législative habituelle, car au mois d'août, après l'opération Tempête, les
6 propriétés abandonnées par les citoyens qui sont partis soit ailleurs dans
7 la République de Croatie, soit en RFY ou en Bosnie, leur nombre s'est accru
8 de manière importante. Il devenait de plus en plus clair que les propriétés
9 avaient été abandonnées et que l'on procédait au pillage et à la
10 destruction de ces propriétés, donc il était nécessaire de faire régner
11 l'ordre et la loi de manière assez urgente.
12 Je dois dire que les autorités locales dans ces régions-là, en raison de
13 cet abandon en masse de la propriété, il ne leur était pas possible de
14 protéger cette propriété.
15 Puis d'ailleurs, avec l'abandon volontaire, le nombre de réfugiés, de
16 personnes déplacées s'est accru. Il y avait des personnes qui avaient perdu
17 leurs biens immobiliers, ils sont venus dans la République de Croatie et la
18 question de leur hébergement n'était pas résolue. Il n'était pas possible
19 de les installer dans des locaux publics.
20 Q. Madame Bagic, ce que vous venez de nous dire fait partie de notre
21 question suivante, question que je souhaitais vous poser, c'est-à-dire quel
22 était le ratio légiste d'un tel décret ? Et pour ce faire, je vous invite à
23 vous pencher sur le document D1823. Je vais vous montrer le compte rendu de
24 la 262e session à huis clos du gouvernement de la République de Croatie
25 tenue le 31 août 1995. Et lors de cette session, les membres du
26 gouvernement ont expliqué et discuté des raisons pour lesquelles ce décret
27 a été adopté.
28 Tout d'abord, je souhaite vous demander si vous avez assisté à cette
Page 26501
1 session du gouvernement du 31 août, lors de laquelle il a été question de
2 ce décret et lors de laquelle le décret a été adopté ?
3 R. Non, je ne me souviens pas avoir assisté à cela.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
5 Apparemment, nous avons un problème technique.
6 [Le conseil de la Défense se concerte]
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Apparemment, j'ai eu un problème concernant
8 l'annotation du document. Peut-être j'ai indiqué la mauvaise date. Donc je
9 souhaite que le greffe montre le document 05015. En vertu de l'article 65
10 ter -- oui, maintenant c'est à l'écran.
11 Je souhaite que l'on passe à la page 3 du texte en croate de ce document.
12 Il s'agit de la page 0614-2854.
13 Q. Maintenant, Madame Bagic, je souhaite attirer votre attention sur
14 l'intervention du président du gouvernement, M. Nikica Valentic, qui dit
15 dans cet extrait-là :
16 "Nous passons au point 1, point 1 A et B, avant que je donne la parole au
17 vice-président Misetic, qui a coordonné le travail s'agissant de cette loi,
18 la deuxième lecture et la proposition de la loi soumise au gouvernement
19 dont le texte est identique, je souhaite avertir le gouvernement du fait
20 qu'il s'agit là d'un des documents les plus importants adoptés par le
21 gouvernement sur le plan factuel et sur le plan des implications
22 politiques.
23 "Comme vous avez pu le constater, il s'agit en réalité de la nécessité de
24 protéger les propriétés qui ont perdu leur propriétaire de fait, les
25 propriétés dont la valeur se compte en milliards, les propriétés qui ne
26 sont placées sous la protection de qui que ce soit et qui, dans une grande
27 mesure, en raison de cela, est brûlée et pillée. Et à moins que cette
28 propriété ne soit placée sous la protection de quelqu'un, il est
Page 26502
1 pratiquement impossible de la protéger dans une région aussi vaste. Nous
2 sommes conscients des implications politiques possibles, et c'est la raison
3 pour laquelle nous avons opté pour une solution que nous considérons comme
4 ayant une justification à la fois factuelle, politique et juridique. C'est
5 la raison pour laquelle je souhaite demander au vice-président Misetic
6 d'expliquer la loi et le décret; et je vais peut-être juste expliquer une
7 nouvelle fois la raison pour laquelle nous adoptons ce décret.
8 "Nous avons analysé le fondement constitutionnel de cela longuement et nous
9 considérons que ce décret ne va pas à l'encontre de la constitution. Mais
10 puisque nous avons un projet de loi qui suit sa procédure devant le
11 parlement, le parlement peut, lors de sa session suivante ou celle d'après,
12 adopter cette loi et ainsi abroger ce décret; cependant, le décret prend
13 clairement la place de la loi avant l'adoption de celle-ci."
14 Après cela, M. Misetic qui, à l'époque, était le vice-président du
15 gouvernement, donne l'explication à son tour. Il dit, je cite, il s'agit de
16 la page suivante, il dit qu'il s'agit là de la propriété qui peut être
17 classifiée en plusieurs catégories et qu'il existe plusieurs catégories de
18 citoyens aussi. Il énumère au paragraphe 2 en disant qu'il s'agit des
19 propriétés des citoyens de la République de Croatie qui, le 17 août et il
20 est question de l'année 1995, ont quitté la Croatie suite à l'agression
21 contre la République de Croatie.
22 Le deuxième type de propriétaires - là il s'agit des citoyens de la Serbie
23 et Monténégro à l'époque, qui ont les biens immobiliers sur le territoire
24 de la République de Croatie.
25 La troisième catégorie concerne les citoyens, primairement ceux qui sont
26 sur les territoires occupés de la République de Croatie qui, après la
27 libération de ces territoires occupés, ont quitté le territoire de la
28 République de Croatie.
Page 26503
1 Et le vice-président Misetic continue en disant que le but est de gérer ces
2 biens immobiliers comme un bon propriétaire le ferait afin d'éviter les
3 dégâts immenses infligés à cette propriété; et deuxièmement afin de
4 s'assurer qu'un grand nombre de citoyens de la Croatie, surtout des
5 Croates, qui ont été expulsés des autres régions de l'ex-Yougoslavie,
6 notamment par les Serbes, et qui se sont retrouvés dans la République de
7 Croatie, donc pour s'assurer qu'ils puissent être hébergés.
8 Nous passons maintenant à la page suivante où Misetic, ligne 10 -- ou 7,
9 voici ce qu'il dit :
10 "La proposition finale des organes de coordination pour les affaires
11 intérieure et pour" --
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas eu la traduction.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais à la ligne
14 17, la phrase n'a pas été achevée lorsqu'elle a été lue, ce qu'a dit M.
15 Misetic, que c'était essentiellement des Croates qui avaient été expulsés
16 d'autres parties de la Yougoslavie par des Serbes et qui pourraient
17 bénéficier de ces propriétés; c'est comme ça que la phrase se termine en
18 anglais.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes d'accord avec ça, à savoir le
20 texte de cette phrase, Maître Mikulicic ?
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. Laissez-moi, s'il vous plaît, regarder
22 cette question de la proposition finale.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait également un problème qui
24 s'est posé au niveau de l'interprétation, les interprètes n'ayant pas eu à
25 l'écran la traduction. En l'occurrence, il s'agirait de la page 19, lignes
26 22 et 23.
27 M. MIKULICIC : [interprétation] Je suis d'accord pour le premier point.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être --
Page 26504
1 M. MIKULICIC : [interprétation] Je peux répéter.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous répéter la
3 phrase entièrement, avec un passage précis d'une page à l'autre.
4 Veuillez poursuivre.
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président.
6 Q. Donc cette partie du texte qui n'a pas été traduite se lit comme suit :
7 "La proposition finale concernant la coordination de politique" --
8 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas cela et on interprète d'après ce
9 l'on entend dire par le conseil qui lit.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 M. MIKULICIC : [interprétation] Bien --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les interprètes disent qu'ils ont
13 interprété comme ils sont censés le faire à partir de ce que vous avez lu,
14 Maître Mikulicic.
15 M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense que ça va aller.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous avons maintenant --
17 Madame Gustafson, est-ce que vous êtes satisfaite que nous avons bien…
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais vous dire, pour le compte rendu,
19 que oui je suis satisfaite de cela. Simplement, je ne suis pas bien sûre
20 d'où on trouve ça dans le document.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agit de la partie du document en
23 croate, la septième ligne sur la gauche de l'écran. La phrase commence par
24 le mot "Konaci prijedlos."
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] Je ne peux pas voir le texte anglais.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je pense que c'est au bas de la page 3 de
28 l'anglais.
Page 26505
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien que nous n'ayons pas l'anglais
2 sur nos écrans pour le moment. Vous pouvez poursuivre. Les mots que vous
3 avez dits, tels que traduits, l'ont été.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Page anglaise, troisième page, 15 lignes à
5 partir du bas et qui commence par, je cite:
6 "Proposition finale."
7 Cinquième ligne à partir du bas. Oui, c'est bien cela, à l'endroit où se
8 trouve le curseur maintenant.
9 Est-ce que je devrais en donner à nouveau lecture, Monsieur le Président ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit
11 nécessaire.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Bien.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Indépendamment du fait que ce document
14 est présenté comme élément de preuve et sa traduction également.
15 Veuillez poursuivre.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.
17 Q. Témoin, je voudrais maintenant vous demander, s'il vous plaît, étant
18 donné que vous avez pris part à la préparation de cette loi et que vous
19 avez vu maintenant comment on a expliqué, lors de la séance du
20 gouvernement, les motifs qui sont à la base de son adoption, d'après ce que
21 vous avez compris et les principes qui vous ont servi de directives et qui
22 vous ont guidée, est-ce que vous pouvez nous dire si c'est bien la
23 procédure ?
24 R. Oui. Il me semble que ceci correspond bien à la procédure qui a été
25 suivie, c'est ce qui a été fait. Je pense qu'entre ces deux lois il y a
26 également eu un décret. Ce sont essentiellement les juristes du ministère,
27 des gens qui étaient de la faculté de droit, et d'autres ministères du
28 gouvernement croate, qui ont pris part à cette rédaction, et ils ont dû
Page 26506
1 analyser quelles étaient celles des dispositions qui seraient
2 constitutionnelles, acceptées et bien fondées.
3 Nous étions conscients du fait que notre constitution, même si elle
4 était très récente, nous étions, en fait, en train d'apprendre pratiquement
5 ce qui concernait la propriété privée et les garanties qui s'y attachaient.
6 Et ce n'était pas un droit absolu. Bien entendu, c'était sujet à certaines
7 limitations, mais on ne pouvait le faire que par les moyens d'une loi,
8 compte tenu des circonstances qui, par exemple, pouvaient exiger la
9 protection de la République de Croatie.
10 Deuxièmement, lorsqu'une loi ou un décret était rédigé, nous n'avons jamais
11 discuté des saisies de propriété ou du droit de la propriété d'une manière
12 quelconque. Mais puisqu'il s'agissait là de propriétés ou de biens qui
13 étaient abandonnés et que les propriétaires étaient partis, nous avons
14 finalement trouvé l'idée qu'on pouvait parler d'usage limité de la
15 propriété. Il a fallu, à ce moment-là, que nous trouvions un cadre
16 juridique acceptable qui pourrait permettre d'incorporer ce type de
17 restrictions limitées des droits de la propriété d'une façon qui
18 permettrait à des tiers, ceci faisant également partie de la loi, d'avoir
19 un usage temporaire, de jouir d'un usage temporaire de ses propriétés ou
20 biens.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais maintenant demander au greffe
22 de nous présenter la pièce P476, qui est le décret proprement dit.
23 Q. Vous avez dit, Madame Bagic, que la propriété est une catégorie qui est
24 définie par les lois croates et que ce décret ne manquait pas ou
25 n'abrogeait pas le fait d'être propriétaire de la propriété mais les
26 limitait.
27 R. Oui.
28 Q. Je ne suis pas sûr si votre réponse ait été complètement interprétée.
Page 26507
1 Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter quel type de limitation était
2 envisagé par ce décret ?
3 R. Ce décret mettait la propriété en question sous une gestion temporaire
4 et nous parlons de droits de propriété individuels qui avaient une
5 incidence sur la propriété en question parce qu'elle prévoyait la
6 possibilité que des organes compétents, une commission, puissent être
7 confiés à des tiers pour un usage temporaire. Il s'agissait là d'un groupe
8 de population qui était pris comme objectif, qui était ciblé et nous
9 voulions parler là de personnes qui avaient été expulsées, des réfugiés,
10 des familles ou des familles de ceux qui étaient tombés au combat dans la
11 guerre pour la patrie et d'autres personnes de ce genre.
12 Je vais essayer, excusez-moi.
13 Q. Regardons maintenant l'article 2 de ce décret, au paragraphe 2, qui se
14 lit :
15 "A compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret, les propriétés
16 situées sur le territoire de la République de Croatie, appartenant à des
17 personnes qui ont quitté la République de Croatie après le 17 août 1990,
18 propriétés se trouvant dans la zone occupée de la République de Croatie qui
19 est située dans le territoire de la République fédérale de Yougoslavie
20 (Serbie-et-Monténégro) ou dans le secteur occupé de la Bosnie-Herzégovine
21 et qui n'a pas été utilisé personnellement par les propriétaires à partir
22 du jour où ils sont partis."
23 Nous voyons ici une définition à la fois de la propriété et des personnes
24 qui s'y rattachent et c'est la date du 17 août 1990 qui est la date à
25 laquelle remonte le texte, c'est-à-dire la date de l'agression contre la
26 Croatie à laquelle M. Misetic faisait référence lors de la séance du
27 gouvernement.
28 On voit que ce terme de propriété s'applique à tous les biens meubles et
Page 26508
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26509
1 immeubles.
2 Du point de vue de la solution législative, pourriez-vous expliquer cela ?
3 R. L'administration temporaire, telles que les choses sont définies,
4 inclut les immeubles, à savoir les maisons, les terrains et aussi les biens
5 meubles qui étaient rattachés à ces immeubles, parce qu'il y a des
6 situations dans lesquelles quelqu'un pouvait être là tout simplement et
7 prendre des machines, des engins, des outils, les voler, et donc
8 s'approprier les biens appartenant à une autre personne, en d'autres
9 termes. Donc le motif, le but, c'était que lorsque des biens immeubles
10 étaient passés à certaines personnes pour qu'elles puissent vivre sur place
11 et également assurer leur subsistance à ce moment-là de façon à protéger
12 les biens, c'est la raison pour laquelle le décret couvrait à la fois les
13 biens immeubles et les biens meubles.
14 Q. Regardons maintenant la page suivante du texte croate, l'article 4, qui
15 envisage la création de commissions dans les municipalités ou les villes et
16 qui ont certaines tâches particulières.
17 Pourriez-vous nous dire quelque chose concernant les tâches de ces
18 commissions, du point de vue de ce décret ou du projet de loi qui s'est
19 tenu par la suite ?
20 R. Oui. A savoir, l'appréciation, c'était que les autorités locales et la
21 population locale étaient les mieux à même de reconnaître à quoi se
22 rattachait la propriété en question et à mettre en œuvre la loi de façon à
23 ce que dans les villes et les municipalités, les commissions qui étaient
24 constituées devaient, en premier lieu, établir la liste des biens en
25 question, ces biens étaient donc couverts par la loi en question, c'est-à-
26 dire les biens qui devaient être considérés comme ayant été abandonnés.
27 En plus d'établir les listes de ces biens, de ces propriétés, établissant
28 quels étaient les biens couverts par ces lois ou décrets, il y avait, en
Page 26510
1 plus, un pouvoir supplémentaire qui était de remettre ces biens aux fins
2 d'être utilisés par des catégories de personnes qui sont énumérées à
3 l'article 5 - je pense avoir déjà mentionné cela - à savoir les groupes qui
4 étaient visés par ces dispositions parce que nous parlons là des
5 circonstances, nous avions une énorme crise en matière de réfugiés, à
6 l'époque, dans la République de Croatie. Nous avions un afflux considérable
7 de réfugiés ou de personnes qui revenaient et qui n'avaient pas de
8 possibilité d'hébergement. C'est la raison pour laquelle ce décret, cette
9 loi avait trait, de façon explicite, non seulement à ces catégories de
10 personnes, mais il y avait également toutes les autres catégories de
11 personnes qui n'étaient pas visées par ce décret; donc on définissait ce
12 qui serait illégal.
13 De même, lorsque les commissions prenaient des décisions pour attribuer des
14 biens aux fins d'usage dans ces catégories, ils étaient également obligés
15 de rédiger une lettre officielle concernant les conditions de
16 l'appropriation au moment où elle avait lieu, où elle était autorisée de
17 façon temporaire pour utilisation par un utilisateur temporaire.
18 Le travail de commission était dirigé par le ministère qui devait vérifier
19 si tout était bien en ordre. S'il y avait des problèmes qui pouvaient se
20 poser entre les différentes autorités locales, s'il y avait des difficultés
21 d'interprétation des textes ou de mise en œuvre de ce décret, c'était à
22 certaines de ces commissions de s'en occuper.
23 Q. Donc nous voyons à l'article 4, à l'avant-dernier paragraphe, qu'il y
24 avait un représentant de chacun des ministères, du ministère du
25 Développement et de la Reconstruction, le ministère de la Reconstruction,
26 le ministère de l'Intérieur, le ministère du Travail et des Affaires
27 sociales qui s'occupait, par exemple, des personnes expulsées et des
28 réfugiés, les bureaux municipaux, ainsi que d'autres organes compétents qui
Page 26511
1 pouvaient, en cas de besoin, être -- ou de personnes qui pourraient être
2 nommées à la commission.
3 Pourriez-vous nous dire quel était le motif pour lequel ce décret envisage
4 la composition de commissions de cette manière ? Pourquoi est-ce qu'il
5 faudrait qu'il y ait des membres des ministères de l'Etat d'un côté, et
6 également des représentants de la communauté locale ?
7 R. Ceci était fait parce qu'il semblait nécessaire à l'époque et ça
8 semblait être une solution pragmatique, parce que d'un côté les
9 représentants de la communauté locale étaient ceux qui étaient les mieux à
10 même de connaître les circonstances dans leur propre secteur; et d'autre
11 part, l'Etat était sur le point de définir ce type de propriétés et de
12 protection sur ces propriétés. Nous avions là une situation qui était
13 extraordinaire et complexe et il était nécessaire que tous les organes du
14 gouvernement, les ministères, aient également leurs représentants dans ces
15 commissions.
16 D'un côté, le motif, c'était de protéger les intérêts de l'Etat et la
17 protection des propriétés en exerçant ce rôle de l'Etat; et d'autre part,
18 que ces représentants, ils soient des organes les plus élevés, c'est-à-dire
19 les ministères qui pouvaient à ce moment-là compléter le décret ou la loi
20 du mieux possible en coopération avec le représentant de la communauté
21 locale.
22 Q. Vous avez déjà dit que les biens faisaient l'objet d'une liste. Et à
23 l'article 4, au troisième paragraphe, il est mentionné que la liste des
24 biens devait être présentée au ministère du Développement et de la
25 Reconstruction qui, à ce moment-là, s'occuperait des biens en question.
26 Madame Bagic, quel était l'objectif pour un ministère de garder les
27 archives relatives à des biens qui, de cette manière, étaient placés sous
28 l'administration de l'Etat ?
Page 26512
1 R. Il semblait nécessaire de centraliser les listes de façon à avoir des
2 archives unifiées en un seul lieu, ne serait-ce que pour pouvoir les
3 inspecter et contrôler et voir s'il y avait des abus ou des problèmes afin
4 de les éviter, si on pouvait les éviter et tout ceci faisait l'objet de
5 vérifications régulières.
6 Q. A l'article 5 de ce décret, il est dit que les commissions auxquelles
7 il est fait référence devaient prendre les décisions en fonction desquelles
8 elles autoriseraient les personnes expulsées et les réfugiés à se servir de
9 ces biens, mais qu'il était possible de présenter ces recours au ministère
10 de la Justice contre ces décisions mais que ceci ne donnait pas lieu à un
11 sursis à l'exécution de la décision.
12 D'après votre expérience, il y avait des cas dans lesquels le ministère
13 pouvait se prononcer sur ces recours ? Quelle était la fréquence de ce
14 phénomène, d'après vos souvenirs ?
15 R. Oui, un recours au ministère de la Justice était permis. Selon mon
16 expérience, pour autant que je puisse m'en souvenir, il y a eu certaines
17 réclamations ou recours présentés au ministère de la Justice. Toutefois, le
18 nombre de ces recours n'était pas très important, parce qu'il s'agissait
19 juste de personnes autorisées à le faire qui pouvaient les présenter, et il
20 n'y en avait pas tellement que cela de ces réclamations.
21 Q. Donc le ministère de la Justice était l'organe qui décidait de ces
22 réclamations ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres formes de protection en ce qui concerne
25 la décision du ministère de la Justice concernant les réclamations ?
26 R. Lorsque le décret a été mis en œuvre et la Loi relative à la reprise
27 temporaire des biens qui a été mise en œuvre, la Loi sur la procédure
28 administrative générale a également été mise en œuvre. Donc si une partie
Page 26513
1 était mécontente, elle pouvait présenter un recours devant le tribunal
2 administratif et demander la protection de ses droits ou essayer de faire
3 annuler cette décision devant le tribunal administratif.
4 Q. C'est ce qu'on appelait le contrôle de l'administration, le contrôle
5 judiciaire de l'administration; c'est bien cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Regardons maintenant l'article 7.
8 Il prévoit que les personnes qui se sont vu attribuer des biens afin de les
9 posséder devaient les gérer correctement et les protéger contre des tiers
10 et avaient toute l'autorité qui aurait été celle du propriétaire proprement
11 dit et qui pouvaient l'utiliser et également bénéficier des revenus
12 produits par ces biens pour leurs propres besoins.
13 Le paragraphe 2 prévoit que les personnes à qui ont été attribuées les
14 propriétés aux fins d'usage ne pouvaient pas céder ces propriétés, ne
15 pouvaient ni vendre, ni échanger, ni louer et rendre disponible aux fins de
16 payer ces parties qui seraient payantes ou non payantes ou également les
17 grever d'une hypothèque ou autre type de gage ou responsabilité. Ils ne
18 pouvaient pas utiliser les véhicules ou le bétail sans l'approbation de la
19 commission mentionnée à l'article 4 du présent décret.
20 Plus loin, il est dit que les contrats d'ordre juridique qui avaient été
21 conclus et qui seraient contraires au présent décret seraient non valables.
22 Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire des commentaires sur ce que ceci
23 voulait dire dans la pratique et comment ça a été mis en œuvre ?
24 R. Cette disposition visait à renforcer la protection des droits des
25 propriétaires, mais en précisant de façon très claire que la personne qui
26 s'était vu attribuer les biens en question et qui pourrait l'utiliser de
27 façon temporaire ne pouvait pas, en fait, céder ou faire des actes de
28 dispositions concernant ces biens d'une façon quelconque parce que cette
Page 26514
1 personne n'était pas le vrai propriétaire.
2 Par ailleurs, lorsque cette personne utilisait temporairement le bien en
3 question et l'avait possédé de façon temporaire pendant une certaine
4 période alors cette personne était obligée de planifier les choses aussi
5 bien que possible. Il était également permis à ces personnes qui avaient
6 des revenus et qui étaient conscients de cela -- il s'agissait
7 essentiellement de personnes qui avaient été expulsées, de personnes qui
8 n'étaient pas employées ou qui, si elles avaient des revenus, pouvaient
9 utiliser ces revenus pour leurs propres besoins. Ensuite, parce qu'elles
10 utilisaient et possédaient ces biens, ils avaient le droit d'empêcher toute
11 tentative d'utilisation illégale de cette propriété.
12 Q. S'il arrivait, de toute manière, qu'une personne qui s'était vu
13 attribuer la propriété pour son usage voulait vendre ces biens à un tiers,
14 quelle serait la validité d'un tel contrat définissant la vente ?
15 R. Au paragraphe 3 de l'article 7, il est dit qu'une telle vente serait
16 considérée comme nulle et non avenue, de sorte que la demande du
17 propriétaire pourrait être décidée de telle sorte que la transaction en
18 question serait considérée comme nulle et non avenue et ceci ouvrirait la
19 possibilité d'une procédure.
20 Q. Regardons maintenant l'article 10 de ce décret. Il est dit que si
21 l'utilisateur de la propriété mentionnée au paragraphe 1 de l'article 23
22 revient en République de Croatie dans les 30 jours suivant l'entrée en
23 vigueur de ce décret et cherche à obtenir restitution du bien, la
24 commission mentionnée à l'article 4 de la présente loi annulera la décision
25 en question.
26 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer cette disposition qui
27 mentionne un délai de 30 jours comme étant le délai préfixe dans lequel il
28 serait possible -- quel était le motif qui se trouvait à la base, en fait,
Page 26515
1 d'un tel délai dans ce décret ?
2 R. Pour le cas où le propriétaire reviendrait et demanderait restitution,
3 c'est-à-dire voudrait reprendre possession et l'usage de ses biens.
4 On pouvait demander, tout particulièrement dans cette perspective
5 s'il y avait des tentatives par la suite de résoudre la question de ces
6 propriétés par rapport à des réfugiés ou des personnes expulsées, si le
7 délai était trop court ou trop long, et voir si c'était réaliste au moment
8 où le décret a été rédigé. Mais l'intention était de résoudre les
9 situations aussi rapidement que possible. Nous donnons ce délai, parce que
10 nous voulons permettre aux propriétaires de revenir dès que possible pour
11 obtenir restitution, de sorte que ces personnes pouvaient rentrer en
12 possession de leurs biens dès que possible, et à ce moment-là l'Etat
13 saurait quelle était la partie de la propriété qui pouvait encore être
14 utilisée de façon temporaire par l'Etat ou utilisée par des utilisateurs
15 temporaires.
16 Q. Regardons l'article 11 qui dit que :
17 "La propriété de biens meubles visés à l'article 2 du présent décret
18 --"
19 Nous regardons donc cet article 2. On décrit de quoi il s'agit. Ces
20 biens ne peuvent pas être acquis par voie d'appropriation ni d'occupation.
21 Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire des commentaires --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je regarde la pendule.
23 Nous sommes tout près de dix heures et demie, et vous êtes en train de
24 commencer sur un nouveau sujet. Est-ce que vous seriez en mesure de
25 terminer ce point en deux ou trois minutes. Dans ce cas-là, très bien.
26 Sinon, il faudra que nous reprenions après la suspension de séance, en
27 lisant votre résumé - et je veux parler là de la page 6, ligne 18, et les
28 lignes qui suivent, il est dit :
Page 26516
1 "Cette réglementation n'affectait pas les droits de propriété." Par
2 conséquent, nous ne parlons pas ici de confiscation de biens, comme parfois
3 ceci a été décrit à tort par des personnes qui n'étaient pas pleinement au
4 courant de la teneur de cette réglementation."
5 C'est-à-dire, où est-ce que nous trouvons ceci dans la déclaration
6 qui est résumée là ? Parce que j'ai eu des difficultés à retrouver des
7 commentaires de ce témoin sur --
8 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour savoir si d'autres personnes ont
10 décrit de façon inexacte des gens qui n'étaient pas pleinement au courant
11 de la teneur de cette réglementation des difficultés à retrouver cette
12 déclaration du témoin.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons venir à
14 cet aspect dans ce que je dirai par la suite.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Maître Mikulicic.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Dans l'examen, par la suite --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question est de savoir où je peux
18 retrouver cela.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense que littéralement, mot à mot, vous
20 ne trouvez pas cela dans la déclaration.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais où est-ce qu'en substance on peut
22 trouver cela ?
23 M. MIKULICIC : [interprétation] Je ne pense pas qu'on puisse le trouver,
24 Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il y a de votre opinion
26 de ce qui est présenté en tant que résumé d'un témoin, ou est-ce que c'est
27 votre propre commentaire sur des questions qui, selon vous, sont
28 implicites, cette histoire de commenter sur le fait que d'autres personnes
Page 26517
1 sont au courant ou non. On ne sait pas exactement qui.
2 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, mais je vais en venir à ce sujet à la
3 suite de l'interrogatoire.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais mon observation est
5 essentiellement une observation de procédure.
6 M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre la séance
8 maintenant, et nous reprendrons à 11 heures moins 5.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
10 --- L'audience est reprise à 11 heures 5.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, vous pouvez
12 poursuivre.
13 Si vous abordez le sujet que vous avez annoncé tout à l'heure, à
14 savoir si cette loi a eu l'influence sur les droits de propriété,
15 j'aimerais tout d'abord qu'on établisse si cette question est contestée.
16 Parce que s'il n'y a pas de contestation, ça ne vaudrait pas la peine
17 d'aborder cette question.
18 Allez-y.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Avant la pause, nous avons donné lecture de l'article 11 de cette loi.
21 Je vais le répéter brièvement maintenant. Cet article prévoit que les biens
22 mobiliers définis par l'article 2 ne peuvent pas être acquis par le fait de
23 l'occuper.
24 Vous avez dit qu'il s'agit là des équipements différents des machines, des
25 biens immobiliers, des maisons, et cetera.
26 Pourriez-vous nous dire pour quelle raison il a été décidé d'adopter ces
27 dispositions, à savoir que l'usage d'un bien n'ouvre pas un droit à la
28 propriété de ce bien ?
Page 26518
1 R. Cela ne concerne que les biens mobiliers, meubles, et pas immeubles.
2 Pourquoi alors le législateur a trouvé nécessaire d'élaborer cette
3 disposition ? Parce que notre loi régissant le droit de la propriété, en
4 tant qu'une loi fondamentale en vigueur à l'époque, prévoyait que
5 concernant les biens immobiliers, le droit de propriété ne pouvait pas être
6 acquis découlant de son occupation.
7 Mais cette loi ne prévoyait rien en ce qui concerne les biens
8 immeubles. C'est pour cette raison-là que nous avons conclu qu'il fallait
9 réagir et empêcher que quelqu'un à qui on octroyait le droit d'usage,
10 l'utilisation temporaire de ces biens meubles, que cette personne croit que
11 cela lui ouvrait le droit de se considérer comme son propriétaire.
12 Q. L'article 14 de ce décret prévoit qu'une loi séparée sera adoptée
13 concernant la restitution des biens placés sous la gestion temporaire
14 conformément à ce décret.
15 Alors quelle était l'intention de cette disposition ?
16 R. Le décret et la loi n'abordaient pas la question du droit de la
17 propriété dans le sens qu'elle prévoyait l'expropriation. Cette loi, ce
18 texte touchait seulement à la limitation de droits de propriété sur la base
19 de notre expérience, à savoir les échanges de propriétés qui existaient
20 entre les citoyens qui déménageaient d'une région à l'autre. Aujourd'hui,
21 nous voyons bien que ce délai de 30 jours a été bien trop court pour les
22 propriétaires des biens de rétablir leurs droits de propriété sur ces biens
23 pour pouvoir ensuite procéder à l'échange des biens.
24 Mais à l'époque, nous pensions que cela serait faisable, que les
25 propriétaires allaient avoir suffisamment de temps pour confirmer leurs
26 droits de propriété, ensuite décider de quelle manière ils souhaitaient
27 disposer de leurs biens.
28 M. MIKULICIC : [interprétation] Bien. Le document D689, s'il vous plaît.
Page 26519
1 Q. Nous avons donc dit que cet acte est entré en vigueur à partir du jour
2 où il a été publié dans le journal officiel et qu'il a été adopté par le
3 gouvernement le 31 août 1995.
4 Maintenant, nous allons voir un document qui est une analyse juridique
5 effectuée par le centre des droits de l'homme au sein des Nations Unies.
6 Nous voyons ici que le projet de cette opinion a été fait par Mme Maida
7 Pasic. J'ai ici la date du 23 octobre 1995 comme date.
8 Tout d'abord, dites-moi, est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de voir ce
9 document ?
10 R. Non.
11 Q. J'attire votre attention sur plusieurs passages de ce document qui est
12 donc une analyse des aspects juridiques de cette loi.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons tout d'abord voir le point 2
14 qui figure à la page 3 du texte en croate et à la page 1D40-0501 en
15 anglais.
16 Q. Au point 2 de cette analyse, il est indiqué :
17 "Il n'y a aucun fondement juridique permettant que la propriété des
18 citoyens présentement à l'extérieur des territoires croates soit placée
19 sous gestion temporaire de la République de Croatie, puisque ce serait basé
20 sur une hypothèse erronée, à savoir que les biens en question sont
21 abandonnés. En effet, afin qu'on puisse considérer un bien comme un bien
22 abandonné, il est nécessaire que son propriétaire indique d'une manière
23 claire, sans équivoque, qu'il ne souhaite plus l'utiliser."
24 Est-ce que vous êtes d'accord, Madame Bagic, avec l'interprétation avancée
25 dans ce document émanant du centre des droits de l'homme des Nations Unies
26 ?
27 R. Non, je ne suis pas d'accord. Parce qu'il s'agit des biens, d'après ce
28 que nous avons pu observer et sur la base des faits observés sur le
Page 26520
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26521
1 terrain, des biens abandonnés. Il s'agissait donc des propriétaires qui
2 avaient quitté le territoire de la Croatie en se rendant dans une des
3 républiques de l'ex-Yougoslavie ou ailleurs. Ces biens étaient vides, il
4 n'y avait personne qui pouvait s'en occuper. Donc pour nous, ces biens
5 étaient abandonnés.
6 Q. Est-ce que la question de savoir si un bien est abandonné est une
7 question de nature juridique ou de nature pratique, pragmatique ?
8 R. La définition de ce que c'est un bien abandonné peut être considérée
9 comme une question de nature juridique, mais elle doit être de toute
10 manière mise en rapport avec la situation de fait, dans certains cas.
11 Autrement, le propriétaire peut contester cette qualification et dire qu'un
12 bien n'est pas abandonné, demander qu'on établisse que ce bien n'est pas
13 abandonné.
14 Q. Maintenant, paragraphe 2, alinéa 4, où il est indiqué :
15 "Il est évident que cette disposition met en œuvre la confiscation de la
16 propriété dans l'esprit d'une loi révolutionnaire. Cela ne représente pas
17 seulement une violation des droits fondamentaux, mais aussi une tentative
18 de mettre en place une politique chauviniste et se base sur une 'tradition'
19 soi-disant abandonnée selon laquelle, découlant d'une expérience longue de
20 50 ans, tous les Serbes qui n'habitaient plus sur le territoire de Croatie
21 allaient être privés de leurs droits de propriété, quelle que soit la
22 situation."
23 Etes-vous d'accord avec cette interprétation, cette évaluation de votre loi
24 ?
25 R. Non, je ne suis pas d'accord. Au moment où cet acte et cette loi ont
26 été élaborés, nous avons essayé de faire très attention à ce que le droit
27 de propriété en soi ne soit pas modifié ou mis en question. J'ai dit déjà
28 ceci à plusieurs reprises qu'il s'agissait là seulement d'un droit d'usage
Page 26522
1 accordé à des tiers et des propriétés temporaires.
2 Et si vous permettez, j'ajouterais quelque chose.
3 Q. Allez-y.
4 R. Ici on fait référence à la "confiscation de la propriété" dans l'esprit
5 du droit révolutionnaire, conformément à la tradition basée sur une
6 expérience de 50 ans.
7 Alors, la République de Croatie, en tant que partie de l'ex-Yougoslavie,
8 était un Etat avec un régime communiste, un régime socialiste, avec la
9 propriété d'Etat ou propriété sociale. Alors, l'institut de confiscation
10 des biens est quelque chose que nous connaissons bien.
11 Et à l'époque, pendant la période de transition en République de Croatie -
12 et cette transition a eu lieu en même temps dans de nombreux pays de
13 l'Europe orientale et centrale - des lois étaient élaborées qui devaient
14 permettre la restitution des biens confisqués. Et l'une des lois - en ex-
15 Yougoslavie, il y en avait environ 42 qui permettaient la confiscation des
16 biens - donc une de ces lois était la loi relative à la confiscation des
17 biens. Là, je parle de tous les textes qui permettaient la confiscation des
18 biens privés et leur transfert à la propriété de l'Etat.
19 Q. Vous parlez de quelle période ?
20 R. Je dis que la confiscation des biens est quelque chose qui existait en
21 ex-Yougoslavie à partir de la fin de la guerre et jusqu'à 1958. On
22 considère que c'est en 1958 que la confiscation des biens privés et leur
23 transfert dans le domaine de la propriété de l'Etat ont été conclus.
24 Q. Donc vous parlez de la période après la Deuxième Guerre mondiale où le
25 nouveau régime socialiste a procédé à la confiscation des biens privés et
26 leur transfert vers les biens de l'Etat ?
27 R. Oui.
28 Q. Mais ce que vous avez fait, est-ce que ça a quelque chose à voir avec
Page 26523
1 ceci ?
2 R. Je suis fermement convaincue que cela n'a rien à voir. Et je dis ceci
3 parce qu'à la même époque je travaillais --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez un instant. Ce que vous venez
5 de lire parle des effets pratiques de cette loi, et non pas des fondements
6 juridiques de cette loi. Ce qui signifie que comparer la confiscation qui
7 existait pendant la période précédente à ce qui existe par la suite, alors
8 qu'on n'indique même pas d'une manière quelconque que le droit de propriété
9 a été influencé par cette loi d'une manière formelle ou autre; ce n'est pas
10 avancé.
11 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. Mais il y a une autre partie du texte
12 qui dit :
13 "Il est évident que ce décret représente la mise en œuvre de la politique
14 de confiscation inspirée par les lois révolutionnaires."
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on parle ici de la situation
16 de fait, et non pas de jure. Donc il n'est pas très utile à cette Chambre
17 de comparer les fondements juridiques de cet acte juridique avec une loi
18 existant à l'époque communiste parce que ce n'est pas ce qu'on dit ici. On
19 dit ici tout simplement que les conséquences de ces lois sont similaires,
20 qu'elles conduisaient à ce qu'on ne puisse plus jouir de sa propriété.
21 C'est ce qui est dit ici.
22 J'ai l'impression - en fait, je m'adresse maintenant à vous, Monsieur
23 [comme interprété] le Procureur - y a-t-il quelque chose qui fait de cette
24 question une question contestée ? Pour vous, est-ce que le droit de
25 propriété du point de vue de jure est affecté par cette loi ou pas ?
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Misetic.
28 M. MISETIC : [interprétation] J'ai du mal, parce que le Procureur dit que
Page 26524
1 cette question n'est pas contestée, alors que si on regarde le compte rendu
2 et la décision conformément à l'article 92 bis, page 17 615, ligne 20, la
3 Chambre s'est basée sur la déclaration 92 bis de Galbraith portant sur les
4 Lois relatives à la confiscation de la propriété qui exigeaient de ceux
5 ayant quitté la Croatie de retourner dans un délai très court, au risque de
6 perdre leur propriété.
7 Alors, si l'on prend en compte ce que M. Galbraith a dit en plus - page 5
8 129, à partir de la ligne 21 - où il parle des actions des autorités
9 croates :
10 "Afin d'exproprier les personnes n'étant pas retournées sur le
11 territoire croate sous les 30 jours, que ce plan existait et qu'il y avait
12 des citoyens croates qui se trouvaient en dehors de la Croatie et que s'ils
13 ne revenaient pas, d'après Tudjman, qu'ils n'obtiendraient rien."
14 Donc c'est ce qui a été indiqué lors de la période de présentation
15 des moyens de preuve de l'Accusation. M. Galbraith a dit que dans le cadre
16 de règlement de dispute entre la Yougoslavie et la Croatie, les personnes
17 ayant quitté le territoire croate et ayant des prétentions et ayant des
18 propriétés en Croatie n'allaient obtenir rien puisqu'elles avaient quitté
19 le pays.
20 Alors, si l'on regarde ceci, on ne peut pas dire qu'il ne s'agit pas là
21 d'une question contestée.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le fait qu'on utilise le terme
23 "confiscation" n'a pas d'importance décisive, parce que je pense que M.
24 Galbraith, ce qu'il a dit, ne porte pas sur les aspects techniques de cette
25 loi.
26 C'est pour cela que j'ai parlé tout à l'heure des aspects de jure et de
27 fait de cette question. Je ne m'oppose pas à ce que vous approfondissiez
28 cette question, mais j'essaye tout simplement de savoir s'il y a
Page 26525
1 contestation à ce sujet-là. Donc est-ce que quelqu'un ici conteste -- est-
2 ce qu'en fait, cette loi avait pour effet la perte du droit de propriété du
3 point de vue formel ?
4 Donc est-ce que c'était de jure le cas ou pas ? D'un côté, on a les
5 résultats de fait, les conséquences de cette loi, et ça c'est une chose,
6 mais est-ce que du point de jure, vous pensez que les droits de propriété
7 ont été affectés ?
8 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
9 Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
11 Nous allons poursuivre sur cette base.
12 M. MISETIC : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, je dois
13 vous informer de la chose suivante. Je ne sais pas comment on peut arriver
14 à la situation où un bien est de facto, de fait confisqué, mais pas de
15 jure.
16 On peut peut-être priver quelqu'un de l'usage de son bien pendant une
17 période limitée, mais je ne vois pas comment on peut faire.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, c'est quoi le droit de
19 propriété si vous ne pouvez pas bénéficier, jouir de votre bien ?
20 M. MISETIC : [interprétation] C'est la confiscation de jure, parce que
21 votre bien a été saisi sans compensation.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais là on entre dans un des cas
23 juridiques, et ce que je souhaite, moi, c'est de voir s'il y a un manière
24 technique, pour ainsi dire, si le droit de propriété ou la mise sous
25 tutelle d'un bien abandonné ou à moitié abandonné par quelqu'un est
26 considéré comme un acte résultant de la Loi relative au droit de la
27 propriété et portant modification au droit de propriété de jure.
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais est-ce que le nom du propriétaire a
Page 26526
1 changé ou pas, ce n'est pas ça, la question. La question, c'est si le bien
2 a été confisqué ou pas.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je n'essayais pas de donner
4 une définition juridique de ceci, mais j'essayais tout simplement
5 d'entendre le Procureur, d'entendre leur position afin d'éviter de perdre
6 du temps sur cette question, si ce n'est pas nécessaire.
7 Avez-vous quelque chose à ajouter, Madame Gustafson ?
8 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous avez maintenant ceci comme un
10 repère pour la suite de votre interrogatoire.
11 Allez-y.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.
13 Q. Point 4 de ce document. C'est la page suivante du texte en anglais, où
14 il est indiqué :
15 "Ce décret de la République de Croatie représente un acte discriminatoire
16 pour les citoyens croates, puisque la déclaration universelle des droits de
17 l'homme, (son article 13), et la charte des droits civils et politiques,
18 (article 12), prévoient explicitement que 'chacun est libre de quitter son
19 pays et d'y retourner.'"
20 Madame Bagic, est-ce que vous pouvez, dans ce décret dont on vient de
21 parler, trouver quoi que ce soit qui indique l'existence d'une
22 discrimination à l'égard des citoyens croates concernant leur départ de
23 Croatie et retour au pays ?
24 R. Non, je ne peux pas.
25 Le décret qui est devenu loi par la suite n'a pas eu cet effet-là. Il
26 portait sur les biens de tous les citoyens qui ont été abandonnés et que
27 ces personnes n'utilisaient pas personnellement. Le décret et la loi
28 n'avaient pas d'effet discriminatoire et ceci a été confirmé par une
Page 26527
1 décision de la cour constitutionnelle de 1997 et également par le biais de
2 la pratique de la cour -- devant la Cour européenne des droits de l'homme
3 qui s'est penchée sur un certain nombre de cas individuels dans ce domaine-
4 là.
5 Q. Est-ce que vous êtes alors d'accord avec l'avis juridique qui figure au
6 point 4 de ce document ?
7 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Je ne comprends absolument pas
8 de quelle disposition une telle conclusion pouvait découler.
9 Q. Penchons-nous, pour finir, également, sur la conclusion de cette
10 analyse juridique. Au dernier paragraphe, il est écrit :
11 "Compte tenu le ci-mentionné, il est évident que ce décret ne régule
12 pas la disposition de la propriété fondée sur la législation, mais
13 représente un acte partiel de l'Etat, saisissant la propriété de la manière
14 la plus proche de la confiscation. Par le biais de ce décret, de nombreuses
15 normes internationales sont violées, notamment l'article 17 de la
16 déclaration générale des droits de l'homme, qui envisage que tout le monde
17 a le droit à la propriété et que personne ne peut être privé de sa
18 propriété de manière arbitraire. Qui plus est, ce décret applique la
19 discrimination sur la base nationale et ethnique dans sa forme la plus
20 pure. Le décret va à l'encontre de la constitution même de la République de
21 Croatie. Par conséquent, la Croatie est tenue d'annuler le décret en
22 question immédiatement."
23 Madame Bagic, sans égard à ce qu'on a dit concernant le terme de la
24 confiscation tout à l'heure, il est question ici d'un autre terme, celui de
25 la prise de la propriété. Quel serait votre commentaire là-dessus lorsqu'il
26 est question de la prise ou de la privation de la propriété ?
27 R. Par rapport à ce que vous avez lu, comme je l'ai déjà dit, je ne peux
28 pas comprendre ni conclure sur la base de quel élément l'auteur de ce
Page 26528
1 document et de cette conclusion a pu conclure et écrire ce que vous venez
2 de lire; à savoir ni dans la préparation, ni dans le contenu de ce décret
3 par la suite de la loi, ni sur la base de leur application dans la pratique
4 il n'est possible nullement de conclure qu'il s'agissait de la privation de
5 ces personnes de leur propriété.
6 Je l'ai déjà dit mais je ressens le besoin de le souligner. Personne
7 n'a été privé de son droit à la propriété. Il s'agissait ici d'une
8 limitation de la propriété entérinée par la loi et le but était de protéger
9 les intérêts de la République de Croatie.
10 Nous avons limité l'une des lois à la propriété dans une situation
11 dans laquelle les biens étaient abandonnés et il était nécessaire de les
12 utiliser afin d'y héberger les personnes déplacées et les réfugiés. La cour
13 constitutionnelle s'est prononcée là-dessus dans une décision de 1997 et
14 par la suite, également, la Cour européenne de Justice.
15 Q. Nous allons traiter de ce sujet-là également. Pour le moment, je
16 souhaite vous inviter à vous pencher sur une partie de ce document disant
17 que ce décret représente une discrimination sur la base nationale ethnique.
18 Est-ce que vous voyez un quelconque fondement pour un tel
19 avis ?
20 R. Non, car le décret et la loi portent sur la propriété abandonnée, qui
21 n'est pas utilisée personnellement par les propriétaires, quelle que soit
22 leur appartenance ethnique.
23 Q. Merci.
24 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite qu'on se penche sur un autre
25 document que nous avons déjà eu l'occasion de voir; il s'agit de D427.
26 Il s'agit d'une proposition de la loi qui a été soumise au parlement de la
27 République de Croatie concernant la reprise temporaire et la gestion de la
28 propriété, document qui contient également un exposé des motifs portant sur
Page 26529
1 les dispositions qui y sont contenus.
2 Je souhaite qu'on montre la version croate de ce document, page 3D00-0911.
3 Dans la version en anglais, il s'agit de la page 9 dans le prétoire
4 électronique.
5 Q. Ici, celui qui propose soumet au parlement croate l'exposé des motifs
6 et les raisons pour lesquelles cette loi devrait être adoptée et il
7 explique deux motifs principaux de celui qui propose. Vous en avez déjà
8 parlé, à savoir la protection de la propriété, et d'autre part la nécessité
9 d'héberger les personnes déplacées, les réfugiés qui sont retournés en
10 Croatie. Cependant, ici, il est question également d'une troisième raison,
11 je vais vous la lire. Il y est dit :
12 Il n'est pas moins important de faire en sorte que les territoires de
13 la République de Croatie qui avaient été occupés préalablement soient
14 revitalisés sur le plan économique, ce qui est impossible sans de
15 véritables professionnels.
16 Quel serait votre commentaire sur ce qui est écrit ici concernant les
17 motifs de l'adoption de cette loi ?
18 R. Mis à part les deux régions fondamentales dont il a déjà été question,
19 la protection de la propriété et l'hébergement de ceux qui avaient perdu
20 leurs foyers ou dont les foyers ont été endommagés, dès ce moment-là, il
21 était clair que le retour de la population dans ces territoires n'allait
22 pas être possible sans la revitalisation économique de cette région et la
23 possibilité d'embaucher les citoyens.
24 Il y avait des coupures d'alimentation en électricité, les installations
25 industrielles avaient été détruites, donc il n'était pas possible d'y
26 réinstaller les gens sans leur proposer du travail. Il était prévu de faire
27 venir un certain nombre de professionnels sur place pour pouvoir relancer
28 l'économie et pour pouvoir offrir aux autres de nouveaux emplois. C'est ce
Page 26530
1 qui a été fait par la suite de manière plus systématique, par le biais d'un
2 nombre d'actes législatifs, comme la Loi relative au bien-être social de
3 1996.
4 Q. Nous pouvons maintenant passer à la page suivante et lire une autre
5 partie du texte. Ici, au paragraphe 2 de la version croate et dans la
6 version en anglais, c'est le premier paragraphe, comme suit :
7 "Par le biais de la loi proposée, on prévoit la limitation des droits de
8 propriété, le placement des biens immobiliers qui ne sont pas
9 personnellement utilisés sous la gestion et à la cession de ces biens
10 immobiliers aux autres personnes qui peuvent les utiliser afin de préserver
11 ces biens immobiliers et afin d'assurer l'existence de ces autres
12 personnes, afin d'aider à la reprise économique et autres, des territoires
13 préalablement occupés et maintenant libérés de la République de Croatie."
14 Maintenant, il est dit :
15 "Ce qui est sans aucun doute dans l'intérêt de la république et remplit la
16 condition de l'article 50, alinéa 2 de la constitution de la République de
17 Croatie, nécessaire pour adopter cette loi."
18 Est-ce que vous pouvez brièvement nous dire ce que contient l'article 50,
19 paragraphe 2 de la constitution ?
20 R. A chaque fois qu'il est question des droits de propriété, il est
21 question de savoir quelle est la limite de ce qui est acceptable sur le
22 plan juridique. Au paragraphe 2 de l'article 50, il est stipulé que de
23 manière extraordinaire, par le biais de la loi, il est possible de limiter
24 les droits de propriété, si ceci est nécessaire afin de protéger les
25 intérêts et la sécurité de la République de Croatie. Le gouvernement de la
26 République de Croatie et nous qui, en tant qu'experts, avons participé à
27 l'élaboration de ce décret et de cette loi, nous nous sommes penchés sur
28 l'article 50, paragraphe 2 et nous y avons trouvé notre fondement, car il
Page 26531
1 s'agissait de circonstances extraordinaires, la République de Croatie était
2 en état de guerre, un grand nombre de personnes avaient abandonné leurs
3 propriétés et beaucoup de réfugiés à se déplacer existaient et nous avons
4 considéré qu'il était possible de faire référence et de s'appuyer sur le
5 paragraphe 2 de l'article 50 de la constitution.
6 M. MIKULICIC : [interprétation] Je dis qu'à titre de référence, que ceci a
7 été versé au dossier, c'est-à-dire la constitution de la République de
8 Croatie. Il s'agit de pièce à conviction D1779.
9 Je souhaite maintenant vous demander de passer à la page suivante où
10 nous trouvons l'exposé des motifs s'agissant des articles 5, 7 et 9 de la
11 loi.
12 Q. Où il est dit, on prévoit également des limitations s'agissant de la
13 disposition de cette propriété. Il s'agit des limitations des droits qui,
14 de lege lata, appartiennent seulement au propriétaire de la propriété. Il
15 est, par contre, stipulé que les actes juridiques accomplis par la personne
16 qui a le droit de disposer ou d'utiliser la propriété sont interdits. Et en
17 vertu de la disposition de l'article 9, la propriété peut être reprise de
18 la personne qui en dispose temporairement et qui peut temporairement
19 l'utiliser si ses actes vont à l'encontre des dispositions de cette loi et
20 si elle ne prend pas soin de cette propriété de manière appropriée.
21 Madame, vous avez déjà parlé des commissions comprises par les
22 représentants des communautés locales. Est-ce que ces commissions
23 surveillaient la manière dont les personnes qui pouvaient utiliser les
24 biens abandonnés en vertu de cette loi exerçaient leur droit ? Comment est-
25 ce qu'ils le faisaient ?
26 R. Oui, l'une des tâches des commissions était de surveiller la question
27 de savoir si le propriétaire temporaire utilisait la propriété conformément
28 à la loi. Il était de leur devoir d'agir s'ils recevaient une plainte
Page 26532
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26533
1 indiquant que la personne agissait de manière contraire à ce qui est prévu
2 par la loi.
3 Q. Il en est question au paragraphe 4, qui porte un commentaire sur
4 l'article 8, il y est indiqué que cette loi introduit seulement la gestion
5 de la République de Croatie, autrement dit le propriétaire de la propriété
6 n'est pas privé de la propriété. Donc il ne s'agit pas de l'application du
7 paragraphe 1 de l'article 50 de la constitution, mais ceci se fonde sur le
8 paragraphe 2 de l'article 65. Il s'agit là des limitations des droites de
9 propriété en vertu de l'article 8, paragraphe 1.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Maintenant, je souhaite vous inviter à vous
11 pencher sur la page suivante, notamment s'agissant de l'exposé des motifs
12 portant sur l'article 16, ce qui est contenu au paragraphe 9 de ce
13 document. Donc il s'agit de la page suivante dans la langue croate. Voilà.
14 En anglais, il s'agit également de la page suivante.
15 Q. Paragraphe 9, qui porte un commentaire sur l'article 16. Il y est dit :
16 "Etant donné que les questions régies par cette loi de lege lata ont
17 été régies par le biais du décret portant sur la reprise temporaire et la
18 gestion de certaines propriétés adoptée par le gouvernement de la
19 République de Croatie, il est stipulé que ce décret devient nul et non
20 avenu le jour où cette loi entre en vigueur."
21 Madame Bagic, c'est ce dont vous nous avez déjà parlé, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci.
24 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite que l'on présente maintenant le
25 document D422.
26 Q. Il s'agit de la Gazette officielle de la République de Croatie dans
27 laquelle l'on publie les lois et d'autres actes législatifs. Ce document y
28 est contenu. C'est le document du 27 septembre 1995. Nous y voyons la
Page 26534
1 publication de cette loi qui a été adoptée par le parlement croate, loi
2 portant sur la reprise provisoire et la gestion de certaines propriétés.
3 Nous l'avons d'ailleurs vue tout à l'heure.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on maintenant nous pencher sur
5 l'article 11 de cette loi.
6 Q. Où il est indiqué :
7 "Si le propriétaire de la propriété, l'article 2, paragraphe 1 de cette
8 loi, rentre dans la République de Croatie dans un délai de 90 jours après
9 l'entrée en vigueur de cette loi et demande la restitution et la
10 réutilisation de sa propriété, la commission, citée à l'article 4 de cette
11 loi, annulera la décision contenue dans l'article 5 de cette loi."
12 Est-ce que vous pouvez faire un commentaire là-dessus ?
13 R. Le délai a été prorogé de 30 jours à 90 jours en raison du fait,
14 c'est ce que je pense maintenant avec le recul, car il s'est avéré
15 irréaliste que le propriétaire pouvait retourner dans un aussi bref délai
16 que celui de 30 jours pour demander la réappropriation de sa propriété. Il
17 était difficile, car il était souvent difficile de contacter le
18 propriétaire. Souvent il était inconnu quelle était sa nouvelle adresse. La
19 circulation entre les Etats était rendue plus difficile. Il semblait
20 logique de proroger ce délai dans lequel le propriétaire pouvait redemander
21 la restitution et la réutilisation de sa propriété. Donc il a été prorogé à
22 90 jours.
23 Q. Donc ceci a eu lieu le 27 septembre 1995, autrement dit un mois après
24 l'adoption du décret.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Voyons maintenant le document dont la cote
26 est P475.
27 Q. Il s'agit d'une loi, ou plutôt, d'une modification de la loi que nous
28 venons d'examiner, c'est-à-dire la loi sur la reprise temporaire et la
Page 26535
1 gestion de certaines propriétés.
2 Cette loi a été amendée le 23 janvier 1996, autrement dit environ six
3 mois après son adoption. Madame Bagic, veuillez vous pencher sur l'article
4 1, paragraphe 2, qui modifie la loi, modifie notamment l'article 11, où il
5 est dit :
6 "La question de la restitution et la réutilisation de la propriété
7 appartenant aux personnes visées à l'article 2 de cette loi sera régie par
8 le biais d'un accord portant sur la normalisation des relations entre la
9 République de Croatie et la République fédérale de Yougoslavie."
10 Donc nous voyons que ce délai de 90 jours a été annulé par le biais de
11 cette disposition et qu'il a été décidé de régir cette question par le
12 biais d'un accord portant sur la normalisation future des relations entre
13 la République de Croatie et la République fédérale de Yougoslavie.
14 Est-ce que vous pouvez faire un commentaire sur cette disposition de la loi
15 portant sur les amendements ?
16 R. Au cours de la mise en œuvre de cette loi, il s'est avéré que tous les
17 délais se montraient comme non réalistes en raison des difficultés
18 objectives, car il n'était pas possible d'imposer des délais et de
19 s'attendre à ce que leur propriétaire les respecte afin d'obtenir la
20 restitution de leur propriété. Donc il a été conclu qu'il était mieux de
21 rendre possible au propriétaire de demander la restitution de sa propriété
22 une fois de retour.
23 Ça c'était l'une des raisons.
24 L'autre raison était que les deux Etats, la République fédérale de
25 Yougoslavie et la République de Croatie, avaient déjà commencé des
26 négociations portant sur leurs relations. La question du retour des
27 réfugiés était une question qui intéressait tous les Etats de la région,
28 non seulement la République fédérale de Yougoslavie, mais aussi la Bosnie-
Page 26536
1 Herzégovine. C'était une question - plutôt un problème régional - et il
2 était possible de trouver une solution à cela seulement par le biais d'une
3 coopération réciproque entre les deux, et par la suite les trois Etats.
4 Par la suite, par conséquent, avec les amendements de cette loi, ce délai a
5 été aboli et il a été décidé que cette question allait être élaborée de
6 manière supplémentaire dans le cadre de l'accord portant sur la
7 normalisation des relations.
8 Nous allons maintenant nous pencher sur cet accord portant sur la
9 normalisation des relations qui fait partie du document D412.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] D412.
11 Q. Nous allons nous situer dans le temps. La loi qui a aboli ce délai est
12 une loi de janvier 1996 et elle se réfère sur l'adoption prévue d'un accord
13 de normalisation des relations entre la République de Croatie et la
14 République fédérale de Yougoslavie.
15 M. MIKULICIC : [interprétation] Nous allons trouver cela dans le document
16 qui est devant nous, car l'accord portant sur la normalisation fait partie
17 intégrante du document que nous avons sous les yeux. Malheureusement, je
18 n'ai pas une version sous les yeux.
19 Un instant, s'il vous plaît.
20 Oui, voilà le texte en question.
21 Q. Donc il est question de l'accord portant sur la normalisation des
22 relations entre la République de Croatie et la République fédérale de
23 Yougoslavie en date du 23 août 1996.
24 Au paragraphe 7 de cet accord --
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Veuillez nous afficher l'article 7, s'il
26 vous plaît. Page suivante.
27 Q. Il est dit :
28 "Les parties contractuelles vont assurer les conditions pour un retour
Page 26537
1 libre et sur des réfugiés et des personnes déplacées à leur lieu de
2 résidence ou d'autres endroits qu'ils choisissent librement. Les parties
3 contractuelles s'assureront que ces personnes se verront restituer leur
4 propriété ou bien recevoir une récompense équitable."
5 Madame Bagic, est-ce que vous pouvez faire un commentaire sur cette
6 disposition du paragraphe 1 de l'article 7 de la l'accord par rapport à la
7 décision préalable portant sur le délai dans lequel les propriétaires
8 doivent demander la restitution de leurs biens ?
9 R. Dans ce paragraphe 1 de l'article 7, les parties contractantes
10 confirment et s'obligent à mettre en œuvre les dispositions du droit
11 inaliénable du propriétaire de prendre possession de son bien ou de la
12 propriété. C'est-à-dire que si le propriétaire revient et souhaite que la
13 propriété ou le bien lui soit restitué, ceci est prévu et autorisé. Et il y
14 a une adjonction par rapport à la loi précédente, à savoir le droit à une
15 indemnisation juste. A savoir, conformément aux principes généraux du droit
16 international, si pour une raison quelconque il était impossible au
17 propriétaire d'exercer son droit, à ce moment-là, il aurait certainement le
18 droit à une indemnisation équitable.
19 Q. Regardons maintenant un peu plus loin sur la page suivante de ce
20 document, le premier paragraphe, paragraphe 5 sur la page, qui est ainsi
21 rédigé :
22 "Chacune des parties contractantes garantit les mêmes protections
23 juridiques du bien ou des personnes physiques et des personnes morales qui
24 ont la citoyenneté de l'autre partie, c'est-à-dire qui a son siège dans le
25 territoire de l'autre partie, comme celui dont jouissent ses propres
26 citoyens, c'est-à-dire les personnes juridiques."
27 Et plus loin, on lit au paragraphe suivant :
28 "Dans un délai de six mois à partir de la date d'entrée en vigueur du
Page 26538
1 présent accord, les parties contractantes concluront un accord relatif à
2 l'indemnisation pour tout bien détruit, endommagé ou perdu. Un tel accord
3 définira les procédures nécessaires pour réaliser le droit à une
4 indemnisation équitable, ne comprenant pas une action ou une procédure en
5 justice."
6 Il semble, Madame Bagic, que l'accord est allé un peu plus loin par rapport
7 sur la loi sur l'appropriation temporaire des biens, en particulier du
8 point de vue de l'indemnisation équitable de biens qui ont été détruits, en
9 particulier la protection également de biens à la fois de personnes
10 physiques et de personnes morales.
11 Pourriez-vous, s'il vous plaît, commenter ceci ?
12 R. Oui. Il allait effectivement un peu plus loin, et je pense que le
13 paragraphe 5 est parfaitement clair. Il garantit que le traitement réservé
14 aux biens appartenant à des personnes physiques ou à des personnes morales
15 sera égal pour tout un chacun, indépendamment du pays d'où ils sont
16 ressortissants.
17 Cet accord serait une normalisation des relations, ceci inclut les
18 paragraphes 5 et 6, en contraste par rapport à la Loi relative à
19 l'appropriation de biens qui a trait à des biens appartenant à des
20 personnes physiques prévoit que ces garanties existes également pour les
21 biens appartenant à des personnes morales. Je pense que ce qu'il y a
22 nécessité de souligner ici, c'est l'accord sur la normalisation des
23 relations par rapport aux commissions qui existaient et que ceci a été mis
24 en place aux fins de régulariser les choses. Ceci avait trait aux questions
25 des biens des personnes physiques et l'échange de renseignements avec des
26 listes de personnes permettant aux personnes en question de restituer le
27 bien enregistré.
28 Je voulais mentionner ceci, parce que le but de l'accord et en
Page 26539
1 particulier l'article 67 était plus développé, allait plus loin; en
2 particulier le but était de conclure un accord qui pouvait également
3 s'appliquer à des biens détruits, perdus ou endommagés. Et ceci a été
4 appelé un accord relatif aux dommages de guerre. La commission a cessé de
5 fonctionner. L'une des raisons pourrait être plus tard, comme l'ont fait
6 les anciens pays qui étaient ensemble après la dislocation de la
7 Yougoslavie et sont parvenus à un accord en matière de succession de
8 l'Etat.
9 Q. Regardons maintenant ensemble ce document D425, et il s'agit là d'un
10 document qui a été conclu en août 1996, c'est-à-dire en gros qui est un an
11 après l'opération Tempête et qui régit les questions d'un mouvement dont
12 nous venons de parler.
13 Dans l'intervalle, en République de Croatie, certaines procédures ont
14 été mises en place, qui avaient à voir avec la mise en œuvre de la Loi sur
15 l'appropriation temporaire des biens. Et certaines de ces procédures se
16 sont terminées devant la Cour constitutionnelle de la République de
17 Croatie. Ceci avait à voir avec le rôle de la cour constitutionnelle que
18 vous nous avez décrit dans votre introduction.
19 Je vous montre là une décision de la cour constitutionnelle, qui est
20 datée du 25 septembre 1997, donc un an plus tard, et cette décision a à
21 voir avec la loi sur la prise temporaire et la gestion des biens en
22 question.
23 Vous connaissez bien cette décision, Madame Bagic, je suppose ?
24 R. Oui.
25 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, brièvement interpréter la décision de
26 la cour constitutionnelle et nous dire quelle est son importance.
27 R. Il me semble que c'était une décision importante, parce qu'elle avait à
28 voir avec le problème complexe de la propriété et des limites permises par
Page 26540
1 la loi sur la façon de limiter ce droit. La cour constitutionnelle,
2 agissant sur la proposition de plusieurs parties, a commencé les procédures
3 visant à créer la validité de la Loi sur les appropriations temporaires et
4 la gestion de certains biens.
5 Dans sa décision, la cour constitutionnelle, parce que telles étaient
6 les propositions faites --
7 Q. Excusez-moi un instant. Vous avez mentionné une procédure qui avait été
8 entamée par certaines personnes, y compris, avez-vous dit --
9 R. C'était le procureur de l'Etat de la République de Croatie.
10 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelles étaient ses fonctions
11 dans cette partie de votre réponse qui n'a pas été interprétée ?
12 R. Oui, excusez-moi.
13 Le procureur de l'Etat, du point de vue constitutionnel, est la
14 personne qui s'occupe plus particulièrement -- enfin, ceci a trait des
15 fonctions d'ombudsman et sa tâche est de protéger les droits et les
16 intérêts des citoyens, s'il pense que ces droits ont été violés ou
17 compromis par des activités de certaines autorités.
18 De sorte que la cour constitutionnelle apprécie la constitutionalité
19 des lois dans leur ensemble et également certaines de leurs dispositions
20 conformément à des directives et propositions qui sont faites.
21 En prenant sa décision relative à la constitutionnalité d'une loi dans son
22 ensemble, parce que ça c'est le point essentiel, elle a tenu compte, au
23 premier chef, de l'objectif et du but de la loi dans le contexte des
24 dispositions pertinentes de la constitution et également des droits
25 constitutionnels prévus par la convention européenne, ceci faisant partie
26 de notre système juridique interne.
27 Donc se prononcer sur la constitutionalité de la loi dans son ensemble et
28 constatant que son objectif, l'objectif de cette loi était la gestion
Page 26541
1 temporaire des biens par la loi aux fins de la protection de ces biens, à
2 la lumière des circonstances extraordinaires de l'époque, lorsqu'un si
3 grand nombre de biens de ce genre avaient été abandonnés d'une part, et de
4 protéger les biens des réfugiés, la cour constitutionnelle a établi que la
5 loi dans son ensemble n'était pas inconstitutionnelle, n'était pas
6 contraire à la constitution, elle ne violait pas les principes
7 constitutionnels en vertu de l'article 14 et 50, article 50, paragraphe 2
8 de la constitution de la République de Croatie et en particulier, la
9 convention européenne, tout particulièrement le protocole numéro 1 de la
10 convention européenne qui a trait aux biens, aux propriétés.
11 Si vous me permettez de le dire, la cour constitutionnelle, à
12 l'époque, s'est occupée des dispositions individuelles et de leur
13 constitutionalité. La cour constitutionnelle, dans sa décision, a souligné
14 qu'on n'avait pas pris en considération également ces dispositions parce
15 qu'il y avait certaines indications selon lesquelles il y avait des cas
16 isolés de violations ou d'abus de cette loi. Par conséquent, la cour
17 constitutionnelle a évoqué le problème de la définition lorsque certains
18 des biens ou propriétés abandonnés, les limites qui s'imposaient sur les
19 usages ou emplois temporaires et ont, donc, examiné également ces
20 dispositions.
21 Maintenant, la cour constitutionnelle a constaté qu'à la lumière des
22 conditions qui existaient à l'époque, qui régnaient à l'époque, dans
23 lesquelles ces normes et règles ont été adoptées et les motifs qui étaient
24 à leur base n'étaient pas contraires à la constitution et également
25 satisfaisaient à toutes les conditions prévues à l'article 50, paragraphe
26 2, de la constitution.
27 La cour constitutionnelle a examiné ces dispositions dans leur cadre
28 temporel et a tenu compte de leur nature temporaire, dit qu'avec
Page 26542
1 l'écoulement du temps, si les conditions continuaient d'exister, ces
2 dispositions pourraient continuer d'être mises en œuvre. Il y aurait, à ce
3 moment-là, nécessité de les réexaminer et réviser. Toutefois, en dernière
4 analyse d'autres dispositions, la cour constitutionnelle a constaté que
5 certaines d'entre elles étaient contraires à la constitution et a annulé
6 les dispositions en question. Ces dispositions annulées sont les articles 8
7 du décret et de la loi.
8 L'article 8 de la loi imposait une interdiction au propriétaire de
9 céder ou disposer de son bien pendant qu'elle était utilisée
10 temporairement, ce qui veut dire qu'il n'était pas autorisé à le vendre ou
11 à l'échanger ou à faire quoi que ce soit avec la propriété en question.
12 Bien que la loi elle-même, d'après la cour constitutionnelle, était
13 conforme à la constitution, néanmoins elle a décidé que ce type de
14 limitation des droits de propriété, alors que le bien était utilisé
15 temporairement par quelqu'un d'autre, n'était pas conforme aux dispositions
16 de l'article 50, paragraphe 1 de la constitution et cette disposition a
17 également été annulée.
18 Il y a eu également l'article 9, paragraphe 2 de cette loi, ainsi que
19 le paragraphe 4 de l'article 11, ont été annulés, qui stipulaient que
20 pendant que la propriété est sous gestion temporaire, l'utilisateur
21 temporaire ne peut être expulsé.
22 Par conséquent, même lorsque la décision relative à l'utilisation du
23 bien est annulée, il ne peut pas être expulsé avant qu'on lui ait trouvé un
24 hébergement ou une façon de se loger appropriée. La cour a constaté que ce
25 type de procédure était permise, mais empêcher le propriétaire de revenir
26 dans sa propriété, sans avoir établi un délai, cela, ils ont estimé que
27 c'était non constitutionnel et ils l'ont également annulé.
28 Egalement l'article 11, paragraphe 2, ce qui était une disposition
Page 26543
1 modifiée qui stipulait que la restitution et l'utilisation seraient régies
2 par un accord entre la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie,
3 mais la cour a annulé ceci, c'est-à-dire uniquement la partie qui avait
4 trait aux ressortissants croates qui étaient allés vivre en République
5 fédérale de Croatie ou en Bosnie-Herzégovine, ayant constaté que ceci
6 constituerait une discrimination contre d'autres ressortissants. Et d'après
7 l'article 32 de la constitution, tous les citoyens sont en droit de
8 l'avoir, quel que soit l'endroit énoncé.
9 Et la raison pour laquelle la cour constitutionnelle a constaté que
10 c'était possible du point de vue constitutionnel, mais néanmoins, décidé
11 d'annuler certaines dispositions de cette loi.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons un
13 problème de traduction concernant les fonctions mentionnées par le témoin,
14 à savoir les fonctions du procureur -- le ministère public.
15 Ça a été traduit comme le procureur de l'Etat. Mais le témoin a
16 expliqué les fonctions de ce défenseur public était quelque chose
17 d'analogue à un ombudsman. Ça a été traduit de la même manière de la
18 décision de la cour constitutionnelle que vous pouvez voir à droite de
19 votre écran. Je dis ceci simplement pour le compte rendu.
20 Pourrions-nous maintenant regarder le document D424, s'il vous plaît.
21 Q. Du point de vue de l'époque et du moment, nous voyons que cette
22 décision de la cour constitutionnelle a été prise en septembre. Nous voyons
23 que le parlement croate a adopté une loi visant à abroger la loi sur les
24 confiscations temporaires et sur le contrôle sur certains biens.
25 Il est dit qu'en ce qui concerne les procédures qui ont trait à
26 l'utilisation temporaire et à la gestion temporaire de biens régis par la
27 Loi relative à l'utilisation temporaire et à la gestion des biens,
28 impliquera un programme qui s'applique au retour des réfugiés et personnes
Page 26544
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26545
1 déplacées.
2 Par conséquent, ce programme relatif au retour l'emporte sur cette
3 loi.
4 Pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer les motifs pour lesquels le
5 législateur a adopté cette disposition législative ?
6 R. L'intention était de faire en sorte que l'ensemble du processus de
7 retour soit aussi efficace que possible. Ce qui voulait dire que les
8 procédures relatives au retour des citoyens et les procédures de
9 restitution des biens devaient être régies et devaient être définies de
10 façon plus détaillée, devaient être plus pragmatiques et pratiques et
11 devaient prévoir une mise en œuvre plus simple. Ce qui faisait que les
12 choses seraient plus claires pour tous ceux qui demandaient la protection
13 de leurs biens en vertu de leurs droits au titre de ce document.
14 En coopération avec la communauté internationale, nous avons décidé
15 que nous devrions adopter un document qui ne serait pas une loi, mais qui
16 serait plutôt un programme et que ce serait une meilleure manière de
17 réaliser cela, cet objectif.
18 Q. Merci.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Pour le compte rendu, je voudrais dire que
20 nous allons demander la certification de ce document parce que dans la
21 traduction anglaise qu'on trouve sur le système e-court, il est dit que
22 c'est une Loi relative aux confiscations temporaires.
23 Voyons maintenant, s'il vous plaît, le document D428.
24 Q. La Loi relative à l'appropriation temporaire n'était plus en vigueur et
25 il est dit que toutes ces procédures seront régies ou feront partie du
26 programme relatif au retour des réfugiés et des personnes déplacées. Ce
27 programme, nous pouvons le voir maintenant à l'écran, c'est le document
28 428. Il a été adopté en juin 1998.
Page 26546
1 Au point 5, nous voyons que le gouvernement a conçu ce programme en
2 coopération avec des institutions de l'ONU, avec l'appui de l'OSCE.
3 Autrement dit, avec la communauté internationale.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Pourrait-on voir maintenant, s'il vous
5 plaît, le point 10 de ce document qui se trouve sur la page 3 du texte
6 croate.
7 Excusez-moi -- en l'occurrence, la page 4 du texte croate, point 9 en
8 croate; et pour l'anglais, la page 4, point 9.
9 Q. Les personnes ayant des documents croates qui sont les propriétaires de
10 biens en République de Croatie, propriétés dans lesquelles d'autres
11 personnes sont temporairement hébergées peuvent s'adresser et se présenter
12 aux commissions municipales de logement et présenter des demandes de
13 restitution.
14 C'est ce qui est dit au point numéro 9.
15 M. MIKULICIC : [interprétation] A la page 7 en anglais.
16 Q. Pendant qu'on attend de voir la version anglaise, disons que nous
17 parlons ici de personnes qui ont une propriété dans laquelle vivent
18 d'autres personnes; et il est dit qu'ils peuvent se mettre en rapport avec
19 les commissions municipales de logement, de façon à demander la restitution
20 de leur propriété; la commission chargée des logements, dans les cinq
21 jours, informe le propriétaire par écrit de la situation juridique de leur
22 propriété; et sur la base des preuves rapportées concernant la propriété,
23 la commission chargée d'hébergement, dans les sept jours suivants, prend
24 une décision qui rapporte et annule la décision d'utilisation temporaire et
25 demande à l'occupant temporaire de libérer les lieux.
26 A la page suivante, nous voyons que si l'utilisateur temporaire ne vide pas
27 les lieux, à ce moment-là, la commission du logement présente une
28 réclamation.
Page 26547
1 Donc voilà le programme de retour avec les délais qui sont précisés avec
2 cette procédure qui est du ressort de la commission des logements, y
3 compris le fait de présenter des réclamations et éventuellement, d'exercer
4 une instance, en l'occurrence.
5 Pourquoi est-ce que le gouvernement a décidé d'adopter cette solution ?
6 R. Ceci a trait aux différentes situations concernant les personnes de
7 retour. La portion que vous venez de lire a trait à la situation qui dépend
8 de la loi sur l'utilisation temporaire et la gestion des biens. Ceci
9 confirme que le propriétaire peut obtenir, s'il revient, peut acquérir de
10 nouveau, dès que possible, ses biens, sa propriété. A la différence de
11 certaines solutions antérieures qui avaient été prévues dans la loi, cette
12 décision annulant la décision prise quant à l'utilisation temporaire montre
13 très clairement que l'utilisateur temporaire doit vider les lieux dans un
14 certain délai.
15 Maintenant, la question se pose de savoir ce qui se passe : si
16 l'utilisateur temporaire ne respecte pas la demande, ne satisfait pas cette
17 demande, à ce moment-là, elle est soumise à une juridiction. Le
18 propriétaire, à tout moment, est autorisé à demander à l'utilisateur
19 temporaire de vider les lieux qui lui appartiennent. Toutefois, gardons à
20 l'esprit que nous parlons de biens qui avaient fait l'objet d'une mesure
21 d'administration temporaire par le gouvernement pour les motifs que nous
22 avons déjà expliqués. Il était considéré que l'Etat également avait une
23 obligation d'entamer une instance par le truchement des commissions
24 d'hébergement ou de logement de façon à assurer la libération des lieux et
25 assurer que le propriétaire légitime puisse récupérer sa propriété ou
26 obtenir une indemnisation.
27 Un autre motif était, pourrais-je dire, une raison pragmatique, parce
28 que les propriétaires sont des gens qui ont toujours besoin d'aide
Page 26548
1 juridique et s'ils se lancent dans une procédure ça prend toujours très
2 longtemps.
3 Il y a également une question qui se pose concernant la compétence.
4 Il y avait ou bien pas de juge dans ces juridictions ou il n'y avait pas de
5 registre cadastral, de plan cadastral, qui fait qu'il serait possible que
6 de telles instances ou procédures puissent être menées avec la célérité
7 voulue, c'est la raison pour laquelle, par ces commissions du logement,
8 celles-ci étaient mieux placées pour traiter de ces questions.
9 Q. Juste une question avant la suspension de séance.
10 Il est dit ici que cette juridiction pourrait à ce moment-là recourir
11 à une procédure accélérée, la décision serait définitive, et il n'y aurait
12 pas sursis à l'exécution de la décision, c'est-à-dire pour ce qui est de la
13 restitution de la propriété.
14 Est-ce que ceci est bien dans la logique de ce que vous avez dit
15 concernant le rôle du gouvernement ?
16 R. Oui, parce que ceci était à la fois dans l'intérêt du gouvernement et
17 du propriétaire qu'il puisse obtenir restitution de son bien dès que
18 possible. Et à cette fin, certaines dispositions ont été déplacées de façon
19 à ce qu'on puisse mener les procédures de façon accélérée et il est ainsi
20 fait qu'un recours n'a pas pour objet d'exercer un sursis sur l'exécution
21 de la décision.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, les dernières paroles
23 que vous avez prononcées, on n'a pas pu les entendre, parce que la
24 traduction se poursuivait, donc j'ai pas entendu cela, mais à ce que je
25 comprends vous vouliez suggérer que l'on fasse une suspension de séance.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] C'est bien cela, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons suspendre la séance et
28 nous reprendrons à 1 heure moins 10.
Page 26549
1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Madame Bagic, vous avez préalablement fait à plusieurs reprises fait
6 référence à la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg.
7 Je demanderais maintenant de nous dire concernant la législation
8 croate, quelles sont les conditions qui doivent être remplies pour que
9 quelqu'un puisse s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme ?
10 R. Afin que quelqu'un puisse s'adresser concernant les cas individuels à
11 la Cour européenne des droits de l'homme, tous les moyens à la disposition
12 des citoyens au niveau de la République de Croatie doivent être épuisés,
13 tous les moyens prévus par la loi.
14 Dans le cas concret de la croate, cela signifie que quelqu'un doit
15 faire, cette personne doit d'abord faire appel sur la décision de première
16 instance et ensuite déposer une plainte contre La Haye, donc on désigne une
17 instance, et si la cour de cassation, s'il n'est pas content de la décision
18 de la cour de cassation, ensuite il doit s'adresser à la cour
19 constitutionnelle et c'est seulement après avoir épuisé ces moyens-là, ces
20 recours, il peut avoir recours à la CEDH.
21 Q. Bien. Madame Bagic, concernant la CEDH dans l'affaire Kunic contre la
22 Croatie.
23 Est-ce que vous connaissez cette décision rendue par la Cour
24 européenne des droits de l'homme de Strasbourg dans l'affaire Kunic contre
25 la Croatie ?
26 R. Oui, je la connais.
27 Q. Je vous demanderais maintenant d'examiner avec moi une partie de cette
28 décision.
Page 26550
1 M. MIKULICIC : [interprétation] Paragraphe 64 dans la version électronique.
2 C'est à la page 12 de la version anglaise. Et en croate c'est 3D00-1185,
3 paragraphe 64.
4 Q. Cela est intitulé :
5 "L'évaluation de la cour."
6 Partons du paragraphe 64. Commençons par ceci. Il est indiqué que :
7 "Il est indiscutable, d'après la cour, qu'il y a eu une interférence
8 sur le droit de propriété du propriétaire de la maison puisque le droit
9 d'occupation de ce bien était accordé à un tiers."
10 Cela concerne la Loi sur l'appropriation des biens dont nous avons
11 déjà parlé.
12 Ensuite, il est indiqué :
13 "Par ailleurs, la cour observe que le plaignant n'a pas été privé du
14 droit de propriété de ce bien. Cela signifie que l'interférence de laquelle
15 se plaint M. Kunic tombe sous la signification du deuxième paragraphe de
16 l'article 1 du protocole numéro I.
17 "Alors, compte tenu du fait que la situation entre le moment où la
18 maison a été donné à quelqu'un d'autre pour son utilisation, pour
19 l'occuper. Et le moment où le plaignant a déposé sa plainte, au moment où
20 il en a eu besoin pour y habiter lui-même et sa famille, les autorités ont
21 réagi, ont donné l'ordre à l'occupant de la maison de la vider et de la
22 libérer pour le propriétaire. Alors, il n'y a pas lieu de décider sur ce
23 point-là. Il faut tout simplement établir si cette pratique est contraire à
24 l'article 1 ou pas."
25 Alors, de cette situation, il est clair que la Cour européenne des
26 droits de l'homme a considéré que cela n'était pas contesté du moment où le
27 gouvernement croate avait décidé que le propriétaire de ce bien n'était pas
28 privé de son droit de propriété. Cela corrobore ce que vous avez dit.
Page 26551
1 Pourriez-vous faire quelque autre observation à ce sujet-là ?
2 R. Oui. Cela correspond exactement à ce que j'ai dit avant. Cela
3 correspond à ce que la cour constitutionnelle a décidé elle-même. Donc la
4 cour constitutionnelle a trouvé que cette loi n'était pas
5 anticonstitutionnelle, mais a néanmoins annulé certaines dispositions de
6 cette loi considérant qu'elles ne répondaient pas aux normes portant sur
7 les limitations des droits de propriété envisagés par la constitution.
8 Dans ce cas individuel, il a été expliqué par la Cour européenne des
9 droits de l'homme qu'il ne s'agissait pas ici de la privation du droit de
10 propriété, mais d'une limitation, d'une interférence dans le sens du
11 protocole I, article 1, où il est indiqué que l'objectif du gouvernement
12 était légitime et que la seule question qui se posait était de savoir si la
13 mise en place d'une telle procédure répondait aux normes très élevées qui
14 existent, alors que cette situation tout simplement répondait à la
15 situation sur le terrain.
16 Donc il s'agit là d'une nouvelle norme qui est apparue et qui est
17 censée aider à déterminer si, du fait de la durée de l'occupation d'un
18 bien, il devient impossible de restituer un bien conformément à l'article 1
19 du protocole I.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Gustafson, allez-y.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Toutes mes excuses pour cette
22 interruption. J'aurais dû soulever mon objection plus tôt, mais je n'ai pas
23 eu l'occasion, je n'avais pas voulu interrompre le témoin.
24 La question était :
25 "Il est clair, sur la base de cette citation, que la CEDH elle-même
26 considérait que sans conteste le droit de propriété n'est pas remis en
27 question par la décision du gouvernement croate."
28 Je pense que cette manière de décrire ce que la Cour européenne a dit
Page 26552
1 n'est pas tout à fait correcte.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la cour dit que personne n'a
3 été privé de son droit de propriété. Et de toute manière, la Chambre est
4 capable de lire la version originale de ce texte.
5 Néanmoins, j'ai une question que je me posais concernant
6 l'interprétation, en dehors de la question de savoir si c'est à ce témoin
7 d'interpréter une décision de la Cour européenne des droits de l'homme,
8 mais du moment où elle a déjà fait ça, alors je lui demanderais de nous
9 repréciser un élément.
10 Madame Bagic, je suis en train de lire une partie de votre réponse. Vous
11 nous avez dit :
12 "L'objectif légitime de l'action gouvernementale entrait dans le
13 cadre de la loi," c'est ce que vous avez dit.
14 C'est quoi l'action gouvernementale dont vous parliez là ? L'adoption
15 de la loi ou autre chose, ou cette privation temporaire du plaignant de son
16 droit d'occuper son bien ?
17 Qu'entendiez-vous par "l'action gouvernementale légitime entrant dans
18 le cadre de la loi" ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, toutes mes excuses, je n'ai
20 pas été consciente d'avoir prononcé "l'objectif légitime de l'action du
21 gouvernement". Peut-être que c'est un problème d'interprétation aussi, je
22 ne sais pas.
23 Mais ce que j'ai voulu dire de toute manière en disant objectif
24 légitime, je voulais dire que la réglementation émanant du gouvernement
25 croate, c'est-à-dire la loi relative à la l'appropriation des biens et le
26 programme du retour.
27 Je voulais dire que ces deux textes avaient un objectif légitime;
28 c'est ça que je voulais dire.
Page 26553
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais où est-ce que cela est dit dans
2 cette décision ? Je ne veux pas dire que cela est quelque chose
3 d'introuvable, mais dans cette décision-ci, où est-ce qu'on peut trouver
4 cette constatation ?
5 Est-ce que vous avez un exemplaire de ce document ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai sous les yeux, un exemplaire de
7 cette décision.
8 Dans cette décision, cela n'est pas indiqué. Cela est indiqué dans
9 une autre décision, et c'est pour cette raison-là que je me suis donnée la
10 liberté d'inclure cela de mon commentaire. Je crois que cela est inclus
11 dans la décision Radanovic.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on afficher la décision Radanovic
13 pour qu'on voie où cela est écrit.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] J'avais l'intention justement de présenter
15 cette décision. J'avais pensé d'abord à la décision Saratic, où on parle de
16 l'objectif légitime.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, si le témoin me dit
18 que cela figure dans la décision Radanovic et que vous nous dites
19 maintenant que cela figure dans la décision telle et telle, ce n'est pas un
20 commentaire approprié. Il n'est pas à vous de nous suggérer d'utiliser une
21 autre décision, alors que le témoin a fait référence à une autre décision.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai compris la réponse du témoin de la
23 manière suivante : je croyais qu'elle avait dit qu'elle était pas tout à
24 fait sûre si c'était dans la décision Radanovic ou dans une autre décision.
25 Je voulais tout simplement être utile.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors vous pouvez être utile mais
27 d'une manière appropriée.
28 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais avant de passer à l'autre décision, je
Page 26554
1 demanderais le versement de celle-ci au dossier.
2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'on a besoin de verser au
4 dossier les décisions d'autres tribunaux… Je dois dire qu'il n'est pas aisé
5 de retrouver toutes ces décisions, bien que ce ne soit pas le cas avec
6 celle-ci, que j'ai déjà trouvée sur Internet. C'est bien la décision Kunic
7 dans l'affaire Kunic contre la Croatie.
8 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Un instant.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre considère, du moment où on
12 peut retrouver ce document très facilement sur Internet ou auprès de la
13 Cour européenne des droits de l'homme, que ce n'est pas la peine de le
14 verser au dossier.
15 M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.
16 Peut-on maintenant regarder la décision dans l'affaire Saratlic
17 contre la Croatie rendue par la CEDH de Strasbourg. C'est le document
18 3D00182. C'est une décision en date du 24 octobre 2006. Je demanderais
19 qu'on affiche immédiatement la page 6. C'est le premier paragraphe de la
20 dernière page de la version croate.
21 Q. "En ce qui concerne l'attitude des autorités concernant leurs efforts
22 afin de restituer la propriété de la maison au plaignant, la cour observe
23 tout d'abord que l'Etat avait un intérêt légitime de trouver un logement
24 pour les réfugiés et personnes déplacées dont le propriétaire avait quitté
25 la Croatie durant la guerre. Par ailleurs, le système qui permet à des
26 personnes de rester dans un bien occupé jusqu'à ce qu'on leur fournisse un
27 autre logement approprié n'est pas en soi en contradiction avec les
28 garanties contenues dans l'article 1 du protocole I, à condition que des
Page 26555
1 garanties suffisantes aient été fournies pour protéger le droit de la
2 propriété du plaignant."
3 Madame Blagic, pourriez-vous commenter cette décision ?
4 R. Dans cette affaire Saratlic contre la Croatie, j'ai l'impression - je
5 n'ai sous les yeux que ce passage - qu'il s'agissait là d'un plaignant qui
6 n'avait pas du tout déposé une requête formelle aux fins de restitution de
7 son bien ou de compensation pour l'utilisation ou l'occupation de la maison
8 par un tiers. Et c'est pour cette raison-là que la CEDH a trouvé que sa
9 requête était infondée. Mais ceci faisant, la cour a également émis les
10 observations que vous avez citées où elle a parlé d'un intérêt légitime
11 d'héberger les réfugiés et les personnes déplacées dont les biens
12 abandonnés par des personnes ayant quitté la Croatie.
13 Q. Bien. Examinons maintenant le document 3D009, la décision de la CEDH
14 concernant l'affaire Kostic --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Pourriez-vous tout d'abord
16 demander au témoin de nous expliquer pour quelle raison cette requête du
17 plaignant a été rejetée.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] La demande ou la requête a été rejetée parce
19 que le plaignant, si je ne m'abuse, avait auparavant vendu son bien. Donc
20 il en a disposé. Il a vendu son bien en donnant procuration à un tiers, et
21 c'est par la suite qu'il a contesté la validité de cette vente en affirmant
22 qu'il n'avait pas donné de procuration à la personne qui avait conclu en
23 son nom le contrat de vente. Mais ceci n'a pas pu être prouvé. La personne
24 bénéficiant de cette procuration avait même retiré la saisie puisqu'il n'y
25 avait plus de fondement pour poursuivre.
26 A mon avis, la CEDH a conclu que dans le cas en espèce on ne pouvait
27 pas parler d'une violation des droits prévus par la convention, à savoir de
28 l'article 1 du protocole I de cette convention.
Page 26556
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 26557
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes d'accord avec moi
2 pour dire qu'il s'agissait surtout de l'omission de demander l'ordre
3 d'application par la mise en œuvre de cet ordre et le fait que le requérant
4 n'a pas demandé dommages et intérêts et que ceci a abouti à la décision
5 selon laquelle l'application a été manifestement mal fondée, c'était plutôt
6 cela qu'une décision substantielle ou une action ou activité gouvernement
7 croate ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai l'impression, si j'ai le droit
9 d'interpréter cette décision, que la Cour européenne n'a pas considéré
10 utile dans l'affaire en espèce d'évaluer les activités du gouvernement
11 croate, mais s'agissant de la durée de la procédure de la saisie, il a été
12 considéré que la procédure n'a pas été trop longue. Mis à part cela, la
13 cour n'a pas évalué les activités des autorités croates justement étant
14 donné que le propriétaire des biens, ou le requérant, possédait sa
15 propriété et l'avait vendue. Et c'est la raison pour laquelle il n'avait
16 pas demandé des dommages et intérêts.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était justement le point contesté, la
18 question de savoir s'il avait donné son consentement à un document
19 apparemment signé.
20 Poursuivez, Maître Mikulicic.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-on présenter maintenant 3D00200. C'est
22 la décision de la Cour de Strasbourg.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit dit en passant, cette décision
24 n'est pas vraiment accessible par le biais du système électronique, car
25 même si vous donnez le numéro de l'affaire, nous n'avons pas de réponse.
26 Donc peut-être il serait judicieux de verser au dossier ce document.
27 Mais la décision de Saratlic contre la Croatie, Monsieur le Greffier
28 --
Page 26558
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce dont le
2 numéro 65 ter est 3D82 sera versée au dossier en tant que pièce à
3 conviction D1912.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1912 est versé au dossier.
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Donc si l'on se penche sur la décision dans
6 l'affaire Kostic contre la Croatie. Et je souhaite que l'on affiche la page
7 6 de la version en anglais.
8 Q. On a stipulé au paragraphe 2 -- pardon, c'est le troisième paragraphe
9 qui m'intéresse.
10 Voici ce qui était dit. Je vais citer cela en anglais :
11 "La cour remarque que le requérant avait reçu un jugement définitif
12 confirmant sa possession de la maison en question et ordonnant l'éviction
13 des occupants temporaires."
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante, page
15 7, où il est dit que c'est une décision de la cour. Il s'agit du cinquième
16 paragraphe.
17 Q. "La cour note que le programme pour le retour s'applique de manière
18 égale à toutes les personnes qui sont rentrées en Croatie quelle que soit
19 leur origine ethnique et qu'il n'y a pas d'indication indiquant que le
20 requérant ait fait l'objet d'une discrimination de quelque manière que ce
21 soit."
22 Madame Bagic, ce qui m'intéresse ici, c'est la manière dont vous comprenez
23 le fait que la cour conclut que le programme pour le retour ne comportait
24 aucun élément discriminatoire vis-à-vis de l'origine ethnique.
25 Est-ce que vous pourriez, d'après vos connaissances et vos souvenirs,
26 nous faire un commentaire sur cette partie de la décision de la Cour de
27 Strasbourg ?
28 R. Je vais essayer d'expliquer la manière dont je comprends cette partie
Page 26559
1 de la décision de la Cour de Strasbourg.
2 Comme on peut le voir, il s'agit de l'application du programme pour
3 le retour des personnes déplacées et des réfugiés. Ce programme comportait
4 plusieurs points qui élaboraient en détail des situations différentes du
5 retour des réfugiés et des personnes déplacées liés à la possession ou la
6 non-possession des documents de nationalité croate, la procédure de les
7 obtenir si les personnes ne les avaient pas, puis concernant la situation,
8 et la question de savoir si les personnes possédaient des biens en Croatie,
9 si les biens étaient vides ou temporairement occupés.
10 La cour fait référence au fait que le requérant, dans sa proposition
11 soumise à la Cour européenne, considérait qu'il avait fait l'objet d'une
12 discrimination dans l'application de ce programme compte tenu de ces
13 origines ethniques. Or, la cour a déterminé que le programme portait de
14 manière égale sur toutes les personnes qui revenaient en Croatie. Donc la
15 procédure qui s'appliquait était la même quelle que soit l'appartenance
16 ethnique de la personne. Ou l'appartenance nationale, si vous voulez.
17 Q. Aujourd'hui, au début de notre conversation, Madame Bagic, vous nous
18 avez indiqué vos fonctions différentes dans l'administration de l'Etat, et
19 normalement au sein du ministère de la Justice, et ce, pendant les temps
20 extrêmement troublés pendant la guerre en Croatie.
21 Est-ce qu'au cours de votre travail dans le ministère de la Justice
22 vous avez jamais reçu un ordre ou est-ce que vous avez assisté à une
23 conversation dans laquelle l'on discriminerait d'une manière ou d'une autre
24 les membres d'une communauté ethnique ou religieuse par rapport à l'autre ?
25 Est-ce que vous avez jamais, s'agissant de l'élaboration des lois à
26 laquelle vous avez participé, est-ce que vous avez jamais été guidée par de
27 tels principes ? Est-ce qu'on vous a jamais suggéré de tels principes ?
28 R. Au cours de mon travail au sein du ministère et de mon travail
Page 26560
1 dans des groupes de travail différents, pour ce qui est de mes fonctions
2 exercées dans le cadre du travail pour le ministère de la Justice, je n'ai
3 jamais été régie par le but de discriminer des citoyens sur la base de leur
4 origine ethnique ou autre. Je n'ai jamais reçu de tels ordres ou
5 instructions, ni moi ni mes collègues dans le cadre de ces groupes de
6 travail.
7 Q. Merci.
8 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la fin
9 de mon interrogatoire principal.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
11 Monsieur Mikulicic, je crois que vous avez parlé du jugement de la Cour
12 européenne; c'est exact ?
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense qu'il faut parler d'une
14 "décision."
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Car il faut faire la distinction
16 entre la décision sur la recevabilité dont vous avez parlé et d'un jugement
17 dans cette affaire, car le jugement, finalement, s'élevait à une issue
18 amicale trouvée entre les parties et consignée par écrit.
19 Je me tourne vers les autres équipes de la Défense. Y a-t-il des questions
20 ?
21 M. CAYLEY : [interprétation] Pas de questions pour ce témoin.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la Défense Cermak.
23 M. MISETIC : [interprétation] Pas de questions.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, êtes-vous prête à
25 commencer votre contre-interrogatoire ?
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, poursuivez, s'il vous
28 plaît.
Page 26561
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
2 Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :
3 Q. [interprétation] Madame Bagic, bonjour.
4 R. Bonjour.
5 Q. Je souhaite, pour commencer, vous poser quelques questions
6 préliminaires au sujet de votre préparation à déposer dans cette affaire.
7 Avant d'être venue déposer ici aujourd'hui, est-ce que vous avez vu des
8 parties de ce procès ou bien est-ce que vous avez suivi la procédure ?
9 R. Non, je n'ai pas suivi de près cette affaire, mis à part ce qui était
10 publié dans les médias, que ce soit la presse quotidienne ou d'autres
11 médias.
12 Q. Et vous nous avez expliqué que la date de votre entretien avec la
13 Défense Markac était le 23 octobre 2009. Pourriez-vous me dire à quel
14 moment vous avez reçu pour la première fois les communications de la
15 Défense Markac au sujet de votre déposition dans cette affaire ou à quel
16 moment -- enfin concernant la prise d'une déclaration ?
17 R. Tout d'abord, j'ai été contactée par téléphone par la Défense de M.
18 Markac, qui m'a proposé de déposer en tant que témoin de la Défense
19 concernant la Loi relative à la reprise temporaire et gestion de certaines
20 propriétés. J'ai accepté, car je considérais que si l'on connaît bien un
21 domaine, on est tenu de déposer là-dessus au besoin. Et après cela, nous
22 nous sommes rencontrés pour la première fois dans le bureau de Me Mikulicic
23 le jour mentionné, c'est-à-dire le 23 octobre afin d'élaborer ma
24 déclaration.
25 Q. Mis à part cet appel téléphonique et la réunion du 23 octobre et
26 réunion que vous avez eue hier avec la Défense Markac, si j'ai bien
27 compris, est-ce que vous avez eu d'autres communications avec eux
28 concernant quoi que ce soit de pertinent dans cette
Page 26562
1 affaire ?
2 R. Non, il n'y a pas eu de contacts, sauf qu'après que nous nous sommes
3 rencontrés le 23 octobre dans le bureau de Me Mikulicic, à ce moment-là,
4 nous avons parlé du sujet de ma déposition, donc nous avons rédigé un
5 projet de ma déclaration. J'étais pressée à ce moment-là, nous n'avons pas
6 eu suffisamment de temps. Et après cela, M. Rendulic est venu dans mon
7 bureau dans la cour constitutionnelle - je pense que c'était le 29 octobre
8 - afin que je puisse examiner ma déclaration, apporter des corrections,
9 corriger des fautes de frappes et autres, peut-être des fautes dans les
10 dates, et ainsi de suite, et la signer par la suite.
11 Q. Savez-vous comment la Défense de Markac a appris que vous aviez
12 participé à la rédaction de la loi en matière de
13 propriété ? Vous avez expliqué qu'ils avaient évoqué cela avec vous.
14 R. Je ne sais pas exactement, et je ne leur ai pas posé la question, mais
15 ce n'était pas un secret, puisque pendant des années avant que je ne vienne
16 à la cour constitutionnelle, j'ai travaillé pour les ministères de la
17 Justice et l'administration du gouvernement, donc on connaissait bien quel
18 était le type de travail que j'avais fait. J'avais également été membre de
19 comité parlementaire. Et en tant que ministre adjoint, j'avais à traiter de
20 ce genre de problèmes. Donc je suppose que cela a motivé la Défense pour se
21 mettre en rapport avec moi.
22 Q. Je vous remercie. Et avez-vous jamais été informée de la nature ou de
23 la teneur d'autres dépositions d'autres témoins dans la présente affaire ?
24 R. Non.
25 Q. Merci. Je voudrais maintenant vous poser des questions concernant votre
26 rôle au ministère de la Justice au moment des événements en question.
27 Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre de façon plus précise
28 quelles étaient vos fonctions et obligations au ministère de la Justice,
Page 26563
1 plus précisément en 1995, dans la deuxième partie de
2 1995 ? Quelles étaient exactement vos fonctions du point de vue de vos
3 fonctions quotidiennes ?
4 R. Je vais essayer.
5 Depuis 1995, à peu près à la mi-1995, du côté du 20 -- enfin un
6 moment donné au mois de juin en 1995, j'ai été nommée secrétaire du
7 ministère de la Justice. Donc dans la première moitié de 1995, j'ai
8 travaillé dans l'administration qui s'occupait du droit de propriété et
9 j'étais l'assistante ou l'adjointe de la personne qui s'occupait de cette
10 administration à l'époque ou son chef. Puis en juin 1995, j'ai été désignée
11 comme secrétaire au ministère de la Justice. Et en 1997, au mois de mars,
12 j'ai été nommée ministre adjointe de la justice.
13 Pour ce qui est de l'administration chargée des droits de la
14 propriété, en tant qu'assistante du chef de cette administration, j'ai
15 examiné les dossiers qui étaient produits par mes collègues qui
16 travaillaient également dans la même administration. J'ai également été
17 membre de groupes de travail qui rédigeaient et préparaient des
18 réglementations relatives au domaine du droit de propriété; c'était, par
19 exemple, des Lois sur des biens sur le plan cadastral, sur les
20 indemnisations quand il y avait expropriation, notamment sous le régime
21 communisme en Yougoslavie. Il y avait également la Loi relative à la saisie
22 de biens mobiliers et la Loi relative aux médias, et je n'en énumérerai pas
23 d'autres.
24 Mais je suis également allée aux séances du gouvernement de la
25 République de Croatie. J'ai participé à la préparation de documents par
26 divers ministères dans le cadre de leur mandat, parce que ces documents
27 sont soumis au gouvernement. J'étais membre moi aussi de certaines
28 commissions, par exemple, pour ce qui était des rapports --
Page 26564
1 Q. Excusez-moi, Madame Bagic, peut-être pourrais-je appeler votre
2 attention plus particulièrement sur le domaine.
3 Vous avez mentionné le fait d'avoir participé à des séances du
4 gouvernement, et on vous a montré un compte rendu d'une séance du
5 gouvernement et vous pensez que vous n'y avez pas assisté. Avec quelle
6 fréquence est-ce que vous assistiez à des séances du gouvernement ?
7 R. Si vous voulez me le permettre, je vais essayer d'éclaircir ce point.
8 J'ai dit que je n'avais pas -- ou, en fait, je n'ai pas dit que
9 j'assistais à des séances du gouvernement, mais plutôt à des réunions
10 d'organes professionnels du gouvernement qui s'occupaient de la
11 rationalisation et la mise au point de documents préparés par les divers
12 ministères de façon à ce qu'ils puissent être soumis par la suite au
13 gouvernement.
14 La période dont je vous parle, c'est à peu près le moment où j'étais
15 adjointe au chef du département chargé des questions de droits de
16 propriété, et en vertu de mon poste, je n'aurais pas pu assister à des
17 sessions du gouvernement. J'ai seulement pu le faire lorsque je suis
18 devenue ministre adjointe. Et je suis devenue ministre adjointe en mars
19 1997.
20 Q. Donc pendant que vous étiez secrétaire au ministère de la Justice entre
21 1995 et 1997, vous n'avez pas assisté à des sessions du gouvernement; c'est
22 bien cela ?
23 R. Est-ce que vous posez la question pour la période pendant laquelle
24 j'étais ministre adjoint de la Justice ?
25 Q. Non, je vous demande de confirmer que j'ai bien compris ce que vous
26 avez dit dans votre déposition, à savoir que pendant que vous étiez
27 secrétaire au ministère de la Justice entre 1995 et 1997, vous n'avez pas
28 assisté à des séances du gouvernement.
Page 26565
1 Est-ce que j'ai bien compris les choses là ?
2 R. Pendant que j'étais secrétaire au ministère, non, je n'ai pas assisté
3 à des séances du gouvernement.
4 Q. Et en tant que secrétaire du ministère de la Justice, à qui rendiez-
5 vous compte ? Qui était votre supérieur ?
6 R. C'était le ministre de la Justice.
7 Q. Avec quelle fréquence aviez-vous des contacts avec le ministre ?
8 Pourriez-vous brièvement décrire quel type de contacts vous aviez avec lui
9 lorsque vous étiez la secrétaire du ministère de la Justice ?
10 R. Nos contacts avaient lieu selon que de besoin. Nous avions des
11 communications normales, nous discutions et nous nous mettions d'accord
12 pour savoir qui allait à tel ou tel endroit ou qui n'irait pas. Le ministre
13 me demandait de venir à son bureau pour me donner des instructions en vue
14 de préparer quelque chose, ou si moi-même, je voulais lui dire quelque
15 chose. Il m'est difficile de dire quoi que ce soit concernant la fréquence
16 de nos réunions. Il arrivait parfois qu'on ne se voyait pas pendant deux
17 jours. Puis, par contre, certains jours on se voyait plusieurs fois ou on
18 pouvait passer deux ou trois heures ensemble.
19 Q. Est-ce que vous l'avez rencontré ou avez-vous eu des réunions avec lui
20 et des communications concernant les questions fondamentales des droits de
21 propriété et La loi sur l'appropriation temporaire des biens de propriété
22 dont vous avez discuté dans votre déposition ? Juste pour être bien au
23 clair, c'est exact, n'est-ce pas, ce serait le ministre Miroslav Separovic
24 à l'époque ?
25 R. Je suppose que c'est ce que nous avons fait. Le ministre,
26 officiellement, n'était pas membre du groupe qui travaillait à la question,
27 mais je suppose que -- je n'arrive pas à me rappeler exactement à quel
28 moment, mais c'était la procédure habituelle pour chaque loi. C'est qu'au
Page 26566
1 moment où une loi était presque prête, nous contactions un ministre. On
2 l'informait de la teneur de cette loi, de ce projet de loi. On lui
3 demandait ses suggestions et s'il avait des commentaires concernant un
4 amendement, à ce moment-là, c'était fait. Parce que lorsqu'il allait se
5 réunir avec les membres du gouvernement ou qu'il allait au parlement, il
6 convoquait tout le monde de façon à ce qu'on lui donne tous les détails
7 nécessaires afin de le préparer pour son exposé devant les membres du
8 gouvernement ou devant le parlement.
9 Q. Du point de vue de la Loi applicable à l'appropriation temporaire et à
10 la gestion temporaire, vous ne pouvez pas vous rappeler de façon précise, à
11 l'époque, quelle était la procédure pour ce qui était du ministre Separovic
12 et de sa participation ?
13 R. Les procédures dans lesquelles le ministre participait pour la
14 préparation des textes de loi étaient toujours à peu près les mêmes. En
15 d'autres termes, le ministre était quelqu'un qui, au stade final, au nom du
16 ministère et de membre du gouvernement, se présentait au gouvernement pour
17 expliquer les détails de la loi. S'il parvenait à obtenir du gouvernement
18 que le projet soit entériné, à ce moment-là, le même ministre présenterait
19 le texte et le défendrait devant le parlement au nom du gouvernement.
20 Q. Bien. Vous avez parlé d'un groupe de travail qui avait participé à
21 cette loi sur l'appropriation temporaire de biens. Est-ce qu'elles étaient
22 aussi du ministère de la Justice ou y en avait-il d'autres qui s'occupaient
23 de rédiger cette loi ?
24 R. Ça incluait aussi d'autres personnes. Cette loi a été établie par un
25 groupe de juristes du ministère de la Justice, du département chargé des
26 lois. Nous avons contacté également les gens du judiciaire, à savoir le
27 bureau du procureur du ministère public, comme on l'appelait à l'époque. Et
28 peut-être également, nous avons demandé, selon les cas, lorsque ça
Page 26567
1 impliquait les travaux publics ou la reconstruction, ceux qui étaient
2 directement disponibles pour fournir un hébergement aux réfugiés et
3 personnes déplacées.
4 Q. Est-ce que ce ministre était celui qui, à l'époque, s'appelait le
5 ministre de la Reconstruction et du Développement; c'est bien cela ?
6 R. Je suppose que oui. Les ministères changeaient de nom si souvent que je
7 ne peux pas dire avec certitude quel était son nom à l'époque.
8 Q. Indépendamment de vos contacts avec le ministre, est-ce que vous avez
9 jamais eu d'autres communications directes avec d'autres membres du
10 gouvernement, d'autres ministres du gouvernement pendant la période où vous
11 avez été secrétaire au ministère de la Justice ? Je m'adresse plus
12 particulièrement à la même période, enfin, la période 1995.
13 R. Je n'avais pas de contacts particuliers avec les ministres ou qui que
14 ce soit du gouvernement. Il pouvait se produire qu'un ministère convoque
15 une réunion ou il pouvait arriver que j'accompagne le ministre à une
16 réunion où d'autres ministres seraient présents. Mais le contact
17 particulier entre moi-même et eux, je ne m'en souviens pas.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, je regarde la pendule.
19 Est-ce que le moment conviendrait pour Mme Gustafson ?
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
22 Donc avant que nous ne levions la séance, Maître Mikulicic, lorsque j'ai
23 dit que la décision Saratlic, il n'était pas facile d'y accéder, n'était
24 pas facilement accessible, c'était une erreur de ma part, parce qu'avec le
25 moteur de recherche, il faut précisément inclure les discussions au niveau
26 de la Chambre, indépendamment de rechercher les jugements.
27 Par conséquent, je vous suggère que conformément à la règle générale
28 concernant la jurisprudence qui est facilement accessible n'est pas admise
Page 26568
1 comme élément de preuve, c'est exact. Nous avons une indication dans D1912
2 et nous conseillons à tous de ne pas omettre les décisions de la Cour
3 européenne des droits de l'homme, HUDOC, qui a une base de données de la
4 Cour européenne des droits de l'homme et qui est facilement accessible sur
5 internet.
6 Y a-t-il des objections ?
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, le D1912 est une cote qui
9 est libérée.
10 Madame Bagic, nous allons lever la séance pour aujourd'hui. Nous souhaitons
11 vous revoir demain matin, à 9 heures, dans le prétoire numéro III. Je vous
12 donne pour instruction de ne parler à personne de la déposition que vous
13 avez déjà faite ni de la déposition que vous allez faire dans les jours qui
14 viennent.
15 Nous levons la séance jusqu'à demain matin, 12 janvier, à
16 9 heures.
17 [Le témoin quitte la barre]
18 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mardi 12 janvier
19 2010, à 9 heures 00.
20
21
22
23
24
25
26
27
28