Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 12 janvier 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Je demande au greffier d'annoncer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous. Affaire

  9   IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 11   Madame Bagic, je dois vous rappeler que vous êtes toujours tenue par la

 12   déclaration solennelle que vous avez lue hier au début de votre déposition.

 13   Madame Gustafson, êtes-vous prête ?

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   LE TÉMOIN : SNJEZANA BAGIC [Reprise]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : [Suite]

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Bagic.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Hier, juste avant la fin de l'audience, je vous ai posé une question

 21   portant sur vos contacts avec des ministres du gouvernement autre que M.

 22   Separovic en 1995 et vous avez répondu ne plus vous souvenir de contacts

 23   concrets. Alors, dites-nous maintenant si vous aviez eu des contacts avec

 24   le président Tudjman en 1995.

 25   R.  Je ne me souviens pas avoir eu un contact quelconque avec le président

 26   Tudjman en 1995.

 27   Q.  Le connaissiez-vous à l'époque ?

 28   R.  Non, autrement que par le biais des médias.

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  1   Q.  L'avez-vous rencontré; et si oui, quand ?

  2   R.  J'ai rencontré le président Tudjman à plusieurs reprises. Deux fois

  3   personnellement. Je ne me souviens pas exactement quelle année. Je crois

  4   que la première fois c'était avant ma nomination au poste du ministre

  5   adjoint en 1997.

  6   Je crois que notre deuxième rencontre a eu lieu durant 1999 à peu près. Et

  7   je crois que j'étais présente à deux réunions du Conseil de sécurité

  8   nationale présidées, si je ne m'abuse, par le président Tudjman, qui était

  9   président du conseil. Et je crois que ces réunions se sont tenues en 1998,

 10   fin printemps, au moment où il n'y avait pas de ministre de la Justice, ou

 11   plutôt que le ministre précédent avait quitté ses fonctions et le nouveau

 12   ministre, M. Ramljak, était ambassadeur croate en Autriche, et on attendait

 13   qu'il arrive prendre ses fonctions du ministre.

 14   Si je me souviens bien.

 15   Q.  Merci bien. J'aimerais maintenant aborder le décret relatif à

 16   l'appropriation temporaire de propriété.

 17   On vous a posé hier des questions portant sur l'élaboration de ce décret,

 18   c'est la page 26 495 de ce décret.

 19   Vous avez dit que oui.

 20   Et vous avez dit que vous l'avez fait, parce que vous aviez participé

 21   auparavant à l'élaboration d'un autre texte de loi portant le même titre.

 22   Alors, vous nous avez dit aussi avoir commencé à travailler sur

 23   l'élaboration de ce texte en juin 1995.

 24   Dites-nous, à quel moment avez-vous été informée du fait que ce décret

 25   allait être adopté et de quelle manière on vous a informée de ceci ?

 26   R.  Je ne sais pas quelle est la date exacte.

 27   Quant à la manière dont j'en ai été informée, cela a dû se passer de

 28   la manière habituelle, à savoir lors d'une réunion du cabinet du

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  1   gouvernement, des personnes compétentes ou chargées de s'occuper d'une

  2   mission donnée étaient convoquées si leur présence était souhaitée.

  3   Donc le décret a été adopté environ le 31 août ou à peu près à cette

  4   date lors d'une réunion du gouvernement, ensuite le décret a été publié au

  5   journal officiel et est entré en vigueur le 4 septembre. Donc j'ai dû en

  6   être informée durant la deuxième moitié du mois d'août, mais je ne me

  7   souviens pas exactement des détails. De toute manière, il n'y a pas de

  8   traces écrites détaillées sur cet élément.

  9   Q.  Vous souvenez-vous si M. Separovic vous avait donné à l'époque des

 10   instructions ou des lignes directrices précises concernant ce décret, par

 11   exemple, que le délai de 30 jours devait être prévu ?

 12   R.  Je ne me souviens pas de ça. J'ai l'impression que les instructions

 13   données portant sur l'élaboration de ce texte de loi ne devaient pas dévier

 14   dans une grande mesure du projet de la loi, parce que le projet de loi

 15   portant sur l'appropriation de propriété était déjà prêt et avait déjà

 16   passé la première lecture devant le parlement. Et au moment où nous étions

 17   en train d'élaborer et d'adopter le décret, l'accent était mis sur la

 18   recherche d'une solution qui pourrait permettre de passer pratiquement à

 19   l'appropriation de la propriété et sa gestion temporaire. Du point de vue

 20   du droit, le moyen que nous avions à notre disposition pour faire passer

 21   cette mesure était de passer ce texte en tant que décret ayant force de

 22   loi.

 23   Q.  Très bien. Je vous suis reconnaissante d'essayer de nous donner autant

 24   de détails dans vos réponses, mais essayez de vous concentrer tout

 25   simplement parce que notre temps est limité.

 26   J'aimerais maintenant qu'on passe au document D422, c'est la Loi sur

 27   l'appropriation temporaire de propriété.

 28   Dans votre déclaration, vous avez déclaré que cette loi avait un objectif

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  1   double. Le premier est de protéger la propriété des Serbes ayant quitté la

  2   zone avant l'opération Tempête; et deuxièmement, l'hébergement des réfugiés

  3   et personnes déplacées venant tout d'abord de Bosnie. A plusieurs reprises

  4   vous avez dit que votre objectif était de fournir un hébergement temporaire

  5   aux personnes déplacées et aux réfugiés.

  6   Alors pour que tout soit clair, dites-nous tout d'abord, ces réfugiés et

  7   personnes déplacées étaient surtout des Croates, n'est-ce pas ?

  8   R.  J'ai dit ceci à plusieurs reprises déjà. La loi n'a pas été élaborée

  9   avec l'idée de faire une distinction entre les citoyens sur la base de leur

 10   appartenance ethnique ou nationale. Mais de fait, et surtout suite à

 11   l'opération Tempête, beaucoup de citoyens, surtout ceux de nationalité

 12   serbe, ont quitté la République de Croatie et se sont installés sur le

 13   territoire de la République de Bosnie-Herzégovine et celle de la République

 14   fédérale de Yougoslavie. D'autre côté, il y avait aussi un très grand

 15   nombre de citoyens de nationalité croate qui avaient quitté les territoires

 16   occupés, mais ils y avaient habité auparavant et se sont rendus sur le

 17   territoire toujours occupé mais sur le territoire de la Croatie, de Bosnie-

 18   Herzégovine, par exemple, en Croatie.

 19   Au moment où on a commencé à mettre en œuvre les dispositions de

 20   cette loi - je n'ai pas les données, parce que cela ne relève pas de mes

 21   compétences concernant cette question, mais je sais que la plupart des

 22   personnes hébergées conformément à cette loi étaient de nationalité croate.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Examinons maintenant l'article 2 de

 24   cette loi, c'est à la page suivante dans la version B/C/S.

 25   Q.  Ce texte ne concernait pas seulement la propriété des Serbes ayant

 26   quitté la Croatie en lien avec l'opération Tempête. Ce texte couvrait

 27   également toute propriété en Croatie appartenant à des personnes ayant

 28   quitté la Croatie après le 17 août 1990 ou à des ressortissants de la

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  1   République fédérale de Yougoslavie qui n'utilisaient pas à ce moment-là

  2   leur propriété.

  3   Donc il y a trois catégories de propriétaires qui sont définis par

  4   l'article 2, et il s'agit dans une grande mesure des personnes

  5   d'appartenance ethnique serbe ?

  6   R.  Il s'agit très probablement de citoyens de l'appartenance ethnique

  7   serbe, mais la première catégorie dont nous avons parlé hier sont les

  8   citoyens croates, probablement de nationalité serbe, parce que de toute

  9   manière, suite à ces opérations, ils ont commencé à quitter le pays à

 10   partir du 17 août, mais surtout suite aux opération Tempête et Eclair. Donc

 11   il s'agissait très probablement d'eux, mais pas seulement d'eux. Puis la

 12   troisième catégorie, qui n'est peut-être pas suffisamment bien définie ici,

 13   est celle qui concerne les personnes dont un retour ne posait pas problème,

 14   un retour en Croatie en tant que citoyens croates, puisqu'il s'agissait des

 15   ressortissants de la République fédérale de Yougoslavie qui avaient des

 16   biens immeubles en Croatie - c'est l'alinéa 3 de l'article 2 - et il

 17   s'agissait le plus souvent des biens, par exemple, des maisons secondaires

 18   des ressortissants yougoslaves sur le territoire de la République de

 19   Croatie.

 20   Q.  Bien. Concernant la dernière partie de votre réponse, vous avez dit

 21   qu'il s'agissait le plus souvent de résidences secondaires, de personnes

 22   qui étaient ressortissantes de la République fédérale de Croatie, c'est ce

 23   qui a été consigné au compte rendu, mais je pense que vous vouliez dire de

 24   la République fédérale de Yougoslavie ?

 25   R.  Oui, excusez-moi.

 26   Q.  Ça ne pose pas de problème. Hier on vous a présenté un document des

 27   Nations Unies comportant une analyse juridique de votre décret ayant force

 28   de loi. C'est la pièce D689, où on disait qu'il s'agissait d'un acte

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  1   discriminatoire. Ensuite, on vous a demandé de trouver une disposition

  2   témoignant de l'existence d'une discrimination à l'encontre des citoyens

  3   croates s'agissant de leur retour au pays, et vous avez répondu, page 26

  4   526 :

  5   "Non, je ne trouve pas. Ce n'était pas ça les effets de cette loi. Cela

  6   concernait tous les citoyens dont la propriété était abandonnée ou qui ne

  7   l'utilisaient pas personnellement à l'époque."

  8   Alors j'aimerais qu'on me précise ceci, puisqu'on ne fait pas de manière

  9   explicite référence à l'appartenance ethnique, mais on constate que la loi

 10   a eu des conséquences discriminatoires. Cela est le résultat du fait que

 11   les personnes concernées étaient tout d'abord largement les Serbes.

 12   N'est-ce pas ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Je laisserai le témoin répondre, ensuite je

 15   ferai un commentaire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'habitude on fait une objection avant

 17   que le témoin ne commence à répondre.

 18   Allez-y, répondez.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] L'objectif de cette loi est quelque chose dont

 20   j'ai déjà parlé hier à plusieurs reprises. Tout d'abord, protéger les biens

 21   concernés par cette loi et permettre l'hébergement des réfugiés, des

 22   personnes déplacées et des personnes subissant les conséquences de la

 23   guerre. Il s'agissait des membres des familles aussi des soldats croates

 24   tués ou disparus. Et aussi l'arrivée de ces personnes dans la région

 25   permettait à ces régions de revivre.

 26   Alors cette loi, évidemment, on l'appliquait d'une manière qui était

 27   adaptée aux circonstances locales et à un moment donné sur le territoire de

 28   toute la Croatie, mais il y a eu une différence évidemment concernant les

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  1   territoires qui, auparavant, étaient occupés et ensuite libérés. Alors il

  2   arrivait qu'en République de Croatie, mais pas seulement en République de

  3   Croatie, mais aussi dans les Etats voisins, si vous permettez, par exemple,

  4   en République fédérale de Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine, comme

  5   résultat de guerre, il y a eu de grands mouvements de population. Des

  6   citoyens croates, en particulier ceux d'appartenance ethnique serbe,

  7   quittaient la Croatie et se rendaient surtout en Yougoslavie et en Bosnie-

  8   Herzégovine. Ces personnes, avant l'opération Tempête, se rendaient sur des

  9   territoires à l'époque occupés de la République de Croatie. Et d'autre

 10   part, il y avait de grands mouvements de population des citoyens croates en

 11   République de Croatie d'appartenance ethnique croate qui arrivaient dans

 12   ces régions.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Ça fait déjà un moment que vous répondez mais sans donner une véritable

 15   réponse à ma question. Je vous demanderais d'essayer de vous concentrer sur

 16   les questions que je vous pose.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Misetic.

 18   M. MISETIC : [interprétation] En ce qui concerne la description de D689,

 19   vous avez dit qu'il s'agissait d'un document des Nations Unies contenant

 20   une analyse. Je dois dire qu'il s'agit d'une analyse faite par le comité

 21   Belgrade Helsinki, qui avait été transmise aux Nations Unies.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 23   Poursuivez, Madame Gustafson.

 24   Et vous, Madame Bagic, je vous prie d'essayer vraiment de vous

 25   concentrer. Le cœur de la question portait sur les commentaires pour

 26   lesquels il vous est peut-être difficile de dire pour quelle raison ils ont

 27   été faits, mais on parlait des effets factuels d'une loi. Par exemple, si

 28   on adoptait une loi portant sur les membres des organisations sportives

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  1   disant qu'aucune personne ayant une taille dépassant les 2 mètres ne

  2   pouvait être membre d'un club sportif, évidemment si on adoptait une telle

  3   loi, tous ceux qui font partie des clubs de basket diraient que cette loi

  4   les visent. Donc même si on ne fait pas de manière explicite référence à un

  5   certain groupe dans les faits, il se peut que les membres d'un groupe

  6   précis soit des personnes particulièrement visées par une loi ou subissent

  7   les conséquences ou les effets d'une loi.

  8   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Madame Gustafson.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant passer à l'article 11

 11   de cette loi.

 12   Q.  Où l'on parle de ce délai de 90 jours. Hier on vous a posé des

 13   questions portant sur ce délai, et cela, en relation avec les délais

 14   mentionnés au décret ayant force de la loi, c'est la page

 15   26 513 du compte rendu, et vous avez dit :

 16   "Au moment de l'élaboration du décret, l'intention était de résoudre ces

 17   relations aussi vite que possible. Et en établissant ce délai sous

 18   souhaitions permettre aux propriétaires de retourner aussi tôt que possible

 19   et demander la restitution de leurs biens."

 20   Et vous avez dit : "Nous souhaitions." "Nous souhaitions que les

 21   propriétaires," ou "nous souhaitions autoriser le propriétaire à revenir

 22   aussi rapidement que possible." Lorsque vous indiquez cela, à qui faites-

 23   vous référence lorsque vous dites "nous" ? Aux membres du groupe de

 24   travail, puisque vous avez participé à ce groupe de travail ou de rédaction

 25   de cette loi ?

 26   R.  Oui, je pensais au groupe de travail, mais je pensais également au

 27   point de vue du gouvernement, au point de vue du parlement croate qui a

 28   adopté cette législation ou cette loi.

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  1   Q.  Donc à votre avis, le parlement croate était du même avis que le groupe

  2   de rédaction, puisqu'il a adopté ladite loi, mais vous ne savez pas

  3   précisément s'il y a eu des membres du parlement ou du gouvernement

  4   d'ailleurs, à l'exception de M. Separovic, vous ne saviez pas ce que les

  5   autres pensaient de cette loi, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je n'étais pas présente aux sessions du gouvernement lors de la

  7   discussion de ce sujet, donc je n'ai pas de connaissance directe de la

  8   question, mais ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement a adopté

  9   cette loi à l'unanimité.

 10   Q.  Lorsque vous dites que le point de vue était le point de vue du groupe

 11   de travail, sur quoi vous fondez-vous ? Quelle est la source de votre

 12   information ? Sur quoi vous fondez-vous pour avancer cela et pour conclure

 13   qu'ils avaient le même point de vue à propos de la date butoir ?

 14   R.  Ecoutez, je vous ai déjà dit que nous participions à des réunions, que

 15   nous avons travaillé à l'élaboration de cette loi, et nous avons envisagé

 16   quelle était la meilleure date butoir, ce qui fait que j'ai cette

 17   connaissance, connaissance acquise lorsque nous avons préparé cette loi.

 18   Q.  Lorsque M. Separovic vous a informée qu'il fallait rédiger cette loi,

 19   est-ce que vous vous souvenez s'il vous avait parlé d'une date butoir pour

 20   justement pouvoir récupérer les biens fonciers en question, les propriétés

 21   ? Est-ce que vous vous souvenez de cela maintenant ?

 22   R.  Il est difficile de me souvenir de détails portant sur des discussions

 23   précises. Qui plus est, la rédaction d'une loi ou d'un décret est un

 24   processus particulièrement long. Donc à quel moment donné au sein du groupe

 25   de travail ou quand est-ce que M. Separovic qui assurait la coordination du

 26   travail relatif à la rédaction de cette loi, quand est-ce que cela a été

 27   évoqué pour la première fois, écoutez, je ne m'en souviens pas. Quand est-

 28   ce que la date butoir a été évoquée comme quelque chose de souhaitable, je

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  1   ne m'en souviens pas.

  2   Q.  Hier une question vous avait été posée. On vous a demandé pourquoi est-

  3   ce que l'on avait modifié cette date butoir de 30 à 90 jours, et vous avez

  4   dit - cela fait l'objet de la page 26 533 - voilà ce que vous avez dit :

  5   "La période butoir a été élargie de 30 jours à 90 jours par décret. En tout

  6   cas, c'est l'impression que j'ai maintenant. Parce qu'il s'est avéré qu'il

  7   n'était absolument pas réaliste d'envisager le retour d'un propriétaire en

  8   un laps de temps aussi bref que 30 jours, un laps de temps au cours duquel

  9   la personne aurait demandé que lui soit restitué son bien. Donc il y avait

 10   des difficultés véritablement objectives, parce qu'il ne faut pas oublier

 11   que la population avait subi de fortes migrations."

 12   Voilà quelle fut votre réponse. Maintenant, c'est ce que vous avez dit

 13   maintenant, et je suppose, d'après votre réponse, qu'à l'époque de la

 14   modification de cette période butoir, vous n'aviez pas d'autres

 15   connaissances, ou vous ne vous souvenez plus en tout cas des raisons de la

 16   modification de cette période butoir. Donc vous évoquez cette conclusion et

 17   vous avancez ce qui, d'après vous, serait la raison qui sous-tend la

 18   conclusion; est-ce exact ?

 19   R.  Non, non, non, ce n'est pas exact. Plus précisément, je dirais que -

 20   bon, je me suis livrée à une digression - mais cela est expliqué par le

 21   fait que je parle de quelque chose qui s'est déroulé il y a 15 ans. Donc il

 22   est difficile de se souvenir de tous les détails afférents à la rédaction

 23   d'un document. Toutefois, je l'ai déjà dit et je vais essayer de le répéter

 24   succinctement. Voilà ce que je voudrais dire. Lors de l'élaboration de ce

 25   document et lorsque les amendements ont été apportés à ce document - et je

 26   pense aux représentants du système judiciaire, mais il y avait également

 27   des représentants d'autres ministères et d'autres institutions qui ont

 28   participé à cette élaboration, tout comme d'ailleurs les représentants du

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  1   ministère du développement.

  2   Donc lorsque nous avons parlé d'amendements éventuels apportés au

  3   texte, il était absolument évidemment et manifeste à l'époque qu'il

  4   existait des obstacles et que cette période de 30 jours n'était absolument

  5   pas réaliste. C'était une période beaucoup trop courte, ce qui fait qu'au

  6   vu de ces difficultés, nous avons envisagé d'élargir la période butoir et

  7   de la faire passer de 30 à 90 jours.

  8   Q.  Le projet de législation que vous avez présenté à M. Separovic pour que

  9   le département -- pour que le parlement, plutôt, puisse en parler - je

 10   pense à ce projet de loi - est-ce que vous vous souvenez s'il était

 11   question d'une période butoir de 30 jours ou 90 jours pour ce qui est de ce

 12   projet de loi ?

 13   R.  Je pense que nous avions déjà cette période butoir de 90 jours mais je

 14   ne peux pas vous l'affirmer de façon catégorique. Parce qu'il n'y a pas eu

 15   d'amendements apportés à cette loi, et de ce fait j'ai l'impression que

 16   déjà, à l'époque, la période butoir était de 90 jours.

 17   Q.  Quand avez-vous présenté cette loi à M. Separovic pour qu'il puisse la

 18   relayer au gouvernement et au parlement ?

 19   R.  Je ne me souviens pas précisément de la date exacte. Etant donné

 20   toutefois que le décret a été adopté par le gouvernement le 31 août et

 21   qu'il y avait donc la session parlementaire de l'automne qui démarre

 22   toujours après le 15 septembre, et ce, chaque année d'ailleurs. Je suppose

 23   que nous avons très probablement préparé la mouture définitive de la loi

 24   immédiatement après que nous avons envoyé ou donné le projet de loi à M.

 25   Separovic, et ce, afin que M. Separovic puisse présenter ce projet

 26   définitif au parlement, ainsi qu'au gouvernement d'ailleurs, et au

 27   parlement de la République de Croatie.

 28   Q.  Quand est-ce que cela s'est passé ?

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  1   R.  Ecoutez, en septembre 1995, dans le courant du mois de septembre 1995.

  2   Mais j'aimerais apporter une précision. Je vous parle du projet de

  3   loi définitif, projet de loi relatif à la saisie ou à l'appropriation

  4   temporaire et à la gestion des biens fonciers, étant donné que la loi avait

  5   déjà fait l'objet d'une discussion au sein du parlement et avait été adopté

  6   par le parlement en juillet de cette même année.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

  9   afficher la pièce P475.

 10   Q.  Les questions qui vous avaient été posées à propos de cet amendement

 11   apporté à la Loi relative à l'appropriation temporaire en janvier 1996,

 12   donc la période butoir de 90 jours avait été supprimée, et la loi, en fait,

 13   stipulait ce qu'il était en matière de retour, d'appropriation et

 14   d'utilisation, et tout cela devait être régulé dans l'accord relatif à la

 15   normalisation des relations entre la Croatie et la RFY.

 16   Et vous avez témoigné que la raison qui explique la suppression de la

 17   période de 90 jours - et cela fait l'objet de la page 26 534 - voilà ce que

 18   vous indiquez :

 19   "Lors de la mise en œuvre de cette législation, nous nous sommes rendu

 20   compte que la période butoir n'était pas réaliste, parce qu'il y avait des

 21   difficultés objectives qui étaient telles que l'on ne pouvait pas établir

 22   de période butoir, période butoir au cours de laquelle le propriétaire que

 23   lui soit restitué son bien foncier. Et peut-être avez-vous poursuivi, peut-

 24   être que ces conclusions étaient erronées. Donc il était beaucoup plus

 25   judicieux de supprimer la période butoir et de demander ou d'indiquer que

 26   le propriétaire devait réclamer que lui soit restitué son bien à son

 27   retour."

 28   Donc vous faites état de difficultés objectives qui étaient telles que l'on

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  1   ne pouvait pas indiquer de période ou de date butoir. Et vous dites ensuite

  2   que les conclusions étaient peut-être erronées. Et l'une des conclusions

  3   qui était erronée était que ces biens fonciers ou ces propriétés avaient

  4   été abandonnées, n'est-ce pas ? En fait, ces propriétés n'avaient pas été

  5   abandonnées. Il y avait des milliers de Serbes de la Krajina qui voulaient

  6   revenir en Croatie et qui voulaient ainsi récupérer leurs biens fonciers,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, car nous parlons de

  9   biens fonciers qui, au moment de l'adoption et de la mise en œuvre de la

 10   législation en question de la loi, avaient été abandonnés. Et c'est la

 11   raison pour laquelle nous avons envisagé une appropriation temporaire de

 12   ces propriétés, de ces biens fonciers. Mais lorsque le droit de propriété

 13   était irréfutable, lorsque cela n'était pas touché, lorsque ce droit à la

 14   propriété n'était pas touché de quelque façon que ce soit, il y avait une

 15   obligation qui était telle qu'elle permettait aux personnes qui

 16   souhaitaient revenir en Croatie de déterminer qu'elles étaient

 17   propriétaires de biens fonciers en Croatie.

 18   Et là, je pense que nous parlons de deux choses tout à fait

 19   différentes.

 20   Q.  Oui, je le pense effectivement.

 21   J'aimerais savoir si vous avez participé à la rédaction de cet amendement

 22   du mois de janvier.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre mon estimée

 24   consoeur, mais j'aimerais faire une remarque à propos du compte rendu

 25   d'audience, car il s'agit de la traduction du mot croate "posjed" qui a été

 26   traduit par droit de propriété. Et je ne pense pas, en fait, qu'il s'agit

 27   de la traduction idoine.

 28   Donc j'aimerais demander aux interprètes d'avoir l'amabilité de vérifier la

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  1   traduction du mot "posjed."

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Devons-nous réenvisager la traduction du

  3   mot prononcé par Me Mikulicic, le mot étant "posjed ?"

  4   Je ne sais pas, je me tourne vers les cabines française et anglaise. Qu'en

  5   pensez-vous ?

  6   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise indique que le mot "posjed" peut être

  7   traduit par propriété ou droit de propriété.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, j'aimerais demander

  9   l'avis de la cabine française.

 10   L'INTERPRÈTE : Le mot "posjed" peut également comporter une nuance de

 11   jouissance d'un bien sans nécessairement impliquer le droit de propriété au

 12   sens plein.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, les cabines ont présenté plusieurs

 14   observations à propos de la traduction du mot "posjed." La Chambre est

 15   maintenant consciente du fait qu'il faut être très prudent pour la

 16   traduction de ce mot.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Par mesure de sécurité, j'aimerais que l'on

 18   demande au témoin de nous donner une définition juridique, ce qu'elle peut

 19   tout à fait faire d'ailleurs. Est-ce que vous pouvez nous donner la

 20   définition juridique du mot "posjed" et est-ce qu'elle pourrait également

 21   nous donner la définition du mot "propriété," en croate, et ce, pour qu'il

 22   n'y ait pas de malentendu à ce sujet.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Je pense que

 24   nous devrions inviter le témoin à préciser ce qu'elle entendait lorsqu'elle

 25   a prononcé le mot "posjed." Alors, lui demander de nous fournir une

 26   définition, une explication à propos d'un mot qu'elle n'a pas utilisé, je

 27   pense que cela devra être fait lors du contre-interrogatoire.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Nous avons déjà eu ce problème avec ce mot.

Page 26583

  1   J'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur les lignes 11 à 18 de la

  2   page 18 246.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne me souviens pas précisément de

  4   cela. Mais même si la question a été soulevée à l'époque, un mot peut avoir

  5   différents sens, et lorsque cela est le cas, il faut toujours demander au

  6   témoin à quel sens elle songeait ou il songeait lorsqu'il a utilisé tel ou

  7   tel mot.

  8   Donc Madame Gustafson, je pense qu'il faudrait mieux battre le fer

  9   tant qu'il est chaud, ne pas attendre le contre-interrogatoire et poser

 10   cette question maintenant.

 11   Donc j'aimerais que vous invitiez le témoin à nous fournir une

 12   explication à propos de ce qu'elle entendait lorsqu'elle a utilisé le mot

 13   "posjed." Est-ce qu'elle pourrait nous fournir une explication à ce sujet ?

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 15   Q.  Madame Bagic, vous avez entendu le président de la Chambre de première

 16   instance. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous fournir une

 17   précision à ce sujet.

 18   R.  Je vais essayer de le faire, et je vous remercie d'ailleurs de me

 19   donner la possibilité de vous fournir cette explication à propos de ce que

 20   j'entends lorsque j'utilise le mot "posjed."

 21   Dans notre système juridique, le terme "posjed" signifie le fait

 22   d'être propriétaire et d'utiliser de façon pratique un bien foncier. Je

 23   pense que c'est l'explication la plus simple que l'on peut donner à propos

 24   du mot "posjed." Donc il s'agit de propriété, mais de propriété au sens

 25   général, ce qui signifie que vous avez le droit également d'utiliser le

 26   bien foncier en question et de vous débarrasser du bien foncier en

 27   question. En fait, il s'agit de la propriété et de la possession de cette

 28   propriété.

Page 26584

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il s'agit d'un aspect du

  2   droit à la propriété.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il s'agit d'un des aspects justement du

  4   droit et de la jouissance de la propriété.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, poursuivez.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que vous avez participé à la rédaction de l'amendement du mois

  8   de janvier 1996, amendement à cette Loi relative à l'appropriation ou la

  9   saisie temporaire ? Si vous pouviez me répondre par oui ou par non, ce

 10   serait très utile.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Bien. Alors une fois de plus, lorsqu'on vous a demandé quelles étaient

 13   les raisons qui sous-tendaient cet amendement, vous avez dit que :

 14   "Il était plus judicieux de supprimer la date butoir et de demander

 15   au propriétaire de réclamer en quelque sorte son bien lorsqu'il revenait."

 16   Mais cet amendement, il a supprimé la date butoir, certes, mais il

 17   n'autorise pas précisément le propriétaire à demander que son bien lui soit

 18   restitué une fois qu'il revient.

 19   Alors j'aimerais vous demander pourquoi. Pourquoi est-ce que les autorités

 20   croates ne se sont pas contentées d'ôter la référence aux 90 jours dans la

 21   législation et d'autoriser ainsi les propriétaires à réclamer leurs biens

 22   lorsqu'ils revenaient ?

 23   R.  Je pense avoir déjà dit hier qu'à l'époque la République de Croatie et

 24   la République fédérale de Yougoslavie étaient en train de communiquer à

 25   propos de la question des réfugiés justement. L'un des aspects du trouble,

 26   l'une des choses qui étaient étudiées était, dans le cas de la

 27   normalisation des relations entre la RFY et la Croatie, une coopération

 28   directe entre les autorités compétentes des deux Etats, ainsi que la mise

Page 26585

  1   au point d'une commission mixte qui était censée échanger des informations

  2   et travailler pour supprimer les obstacles qui entravaient ou empêchaient

  3   le retour au pays des personnes qui souhaitaient revenir dans leurs anciens

  4   lieux de résidence.

  5   Q.  Là, nous parlons des droits de propriété croates, de personnes qui

  6   étaient nées en Croatie, qui avaient quasiment passé toutes leurs vies en

  7   Croatie et qui résidaient peut-être ou peut-être pas d'ailleurs en RFY à

  8   l'époque. Donc ce n'était pas la peine d'imposer des conditions pour ce qui

  9   était de leurs droits de propriété, je pense aux Serbes de Croatie. Ce

 10   n'est pas la peine d'imposer cela dans le cadre de la normalisation des

 11   relations avec un pays étranger, n'est-ce pas ?

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise n'entendent plus.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait qu'il y a un problème

 15   technique. Je vois, Madame, que votre micro est parfaitement branché. Est-

 16   ce que vous pourriez juste nous dire quelques mots pour que nous puissions

 17   voir si le son marche à nouveau.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, bien.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Visiblement, les cabines ont entendu ce

 20   que vient de dire le témoin. Je pense qu'il faudrait peut-être essayer de

 21   reprendre ce qui avait été dit.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez reprendre votre réponse depuis le début,

 24   Madame, puisque les interprètes ne vous entendaient plus ?

 25   R.  Oui, c'est exact, parce que par la suite nous nous sommes rendu compte

 26   que cela était déterminé par la cour constitutionnelle dans sa décision

 27   1997 que si l'on précisait ainsi la restitution des biens fonciers de

 28   ressortissants croates, cela ne pouvait pas être lié à la signature de

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  1   l'accord, parce que ces personnes étaient des ressortissants ou des

  2   citoyens croates et devaient, de ce fait, jouir des mêmes droits que tous

  3   les autres citoyens croates. Ce qui fait que cette disposition a été

  4   annulée par la cour constitutionnelle.

  5   Toutefois, lorsque cet amendement a été préparé et lorsque la

  6   restitution était régie et régulée d'une façon bien précise, l'intention

  7   était de permettre à ces personnes, nos citoyens qui avaient abandonné leur

  8   propriété mais qui souhaitaient maintenant revenir, de pouvoir le faire

  9   justement, et ce, au moment qui leur semblait le plus approprié, au moment

 10   où ils souhaitaient le faire, et nous avons été d'avis qu'il ne serait pas

 11   extrêmement judicieux d'imposer une date butoir.

 12   Q.  Mais lorsque cet amendement a été rédigé, est-ce que vous avez

 13   reçu des instructions pour imposer des conditions entre l'amendement et les

 14   droits de propriété des citoyens croates dans le cadre de l'accord relatif

 15   à la normalisation avec la Yougoslavie; et si tel est le cas, qui vous a

 16   donné ces consignes ?

 17   R.  Non, nous n'avons pas reçu de consignes ou d'instructions par

 18   lesquelles on aurait établi une condition par rapport à ces droits de

 19   propriété, conditions entre ceci et la signature de l'accord relatif à la

 20   normalisation des relations. Puisqu'ils étaient les propriétaires de leurs

 21   biens, par conséquent, il s'agissait de faire en sorte qu'ils puissent

 22   récupérer leurs biens fonciers et qu'ils puissent les utiliser de façon

 23   pragmatique en République de Croatie. Donc il y a eu un projet d'accord qui

 24   a été préparé, et c'est la raison pour laquelle il a été jugé souhaitable

 25   de modifier la date butoir préconisée en cas de restitution.

 26   Et si vous m'y autorisez, j'aimerais apporter la précision suivante :

 27   nous nous trouvions dans une situation qui était telle qu'il y avait des

 28   communications extrêmement intenses entre le ministère, mais il ne fallait

Page 26587

  1   pas oublier qu'il y avait le retour des réfugiés, le retour des personnes

  2   qui avaient fait l'objet de déplacements internes, et lorsque je vous

  3   parlais de communications, il s'agit de communications et de pourparlers

  4   avec les représentants de la communauté internationale, et je dois dire que

  5   très souvent, notamment à cette époque-là, je pense qu'il y a eu amalgame

  6   entre les droits à la propriété et les droits à la restitution et à

  7   l'utilisation du bien foncier. Et pour éviter que ce type d'interprétation

  8   erronée ne surgisse, nous avons estimé qu'il était bien plus judicieux de

  9   ne pas établir de lien entre la période butoir et la restitution.

 10   Q.  Ecoutez, je ne pense pas que vous ayez répondu à ma question, donc je

 11   vais essayer de la poser de façon plus précise et concise.

 12   Est-ce que vous avez reçu des consignes pour que la question du

 13   retour, de la possession et de la restitution des biens fonciers était une

 14   condition qu'il fallait respecter pour qu'il y ait normalisation des

 15   relations entre la Croatie et la RFY; et le cas échéant, qui vous a fourni

 16   ces consignes ?

 17   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais soulever une objection. Je pense

 18   que la réponse a été apportée par la première phrase de la dernière

 19   réponse.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, je ne le pense pas, Monsieur le

 21   Président. Moi, ce qui m'intéressait, c'est la propriété et on a digressé.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après la réponse que vous avez

 23   apportée, nous ne savons si vous avez véritablement répondu à la question.

 24   Donc la question, elle était très, très simple; il s'agissait de la

 25   suppression de cette période qui était envisagée, et cela a apparemment été

 26   remplacé par une autre condition, à savoir un accord entre la Croatie et la

 27   RFY, accord relatif à la normalisation des relations.

 28   Moi, ce que je j'aimerais savoir, c'est si vous avez reçu de quelconque des

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  1   instructions ou des consignes en vertu desquelles la période butoir en

  2   question devait être remplacée par la signature de l'accord entre la RFY et

  3   la Croatie. Voilà la question qui a été posée.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je vous remercie de votre précision.

  5   Car la question portait sur le droit de propriété, c'est pour cela que j'ai

  6   répondu comme je l'ai fait.

  7   Mais pour ce qui est de la restitution des biens fonciers, pour ce qui est

  8   donc de cette restitution, je pense aux personnes qui travaillaient au sein

  9   du ministère et qui ont préparé la rédaction de cette loi. Je vous dirais,

 10   en fait, que nous avons reçu des informations suivant lesquelles, pour ce

 11   qui était de la restitution, cela serait régi et réglé par l'accord en

 12   question. D'ailleurs cela a eu une incidence sur le sous-paragraphe 2 du

 13   paragraphe 11 de la Loi relative à l'appropriation et à la gestion des

 14   biens fonciers.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, voilà une réponse bien longue,

 16   mais vous avez fait référence à cet accord, et la référence à l'accord a

 17   été intégrée dans le projet de loi.

 18   C'est ainsi que je dois comprendre votre réponse, Madame ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je vous prie de bien vouloir

 21   essayer de répondre aussi clairement que possible et de façon concise

 22   également. Merci.

 23   Madame Gustafson, veuillez poursuivre.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Madame Bagic, la loi telle qu'amendée, comme on le voit ici, ne

 26   contenait aucune disposition prévoyant le moindre mécanisme qui aurait été

 27   à la disposition des Serbes de la Krajina afin que ces derniers puissent

 28   reprendre possession des biens qui avaient été les leurs et dont l'Etat

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  1   avait pris la charge. Donc hier, lorsque nous avons vu l'accord de

  2   normalisation, c'est la pièce D412, il s'agit d'un texte qui est entré en

  3   vigueur environ huit mois après le présent accord, et là encore il n'y

  4   avait pas le moindre mécanisme de prévu pour permettre aux Serbes de

  5   Krajina de reprendre possession de leurs biens. Et la première fois que de

  6   tels mécanismes ont été mis en place, c'était au terme du programme de

  7   retour de juin 1998, qu'on vous a montré hier, et notamment à l'article 9

  8   de ce programme, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, c'est inexact, parce que dans la Loi portant sur la prise en

 10   charge et la gestion temporaire des biens par l'Etat, indépendamment des

 11   modifications qui sont intervenues dans l'article 11 concernant le délai,

 12   il y avait bien des dispositions qui prévoyaient qu'en cas de retour du

 13   propriétaire légitime et en cas de demande émanant de lui pour que son bien

 14   lui soit restitué, ce dernier lui serait effectivement restitué.

 15   Q.  Où se trouve cette disposition ?

 16   R.  Elle est également liée, me semble-t-il, à l'article 8 ainsi qu'à

 17   l'article 11 de cette Loi portant sur la prise en charge et la gestion

 18   temporaire de biens par l'Etat.

 19   Q.  Nous avons ici l'article 11 sous les yeux et aucun mécanisme n'y figure

 20   prévoyant la restitution des biens des Serbes de la Krajina.

 21   Pourrions-nous revenir également à la pièce D422, et en particulier à son

 22   article 8.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est la page 3 de l'anglais, également la

 24   page 3 du B/C/S.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 26   il serait peut-être plus simple pour notre témoin de suivre les questions

 27   qui lui sont posées en disposant d'une copie papier de la loi en question.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que si Mme Gustafson n'a pas

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  1   d'objection à cela, vous pouvez fournir effectivement une copie papier au

  2   témoin.

  3   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur l'Huissier, veuillez

  5   remettre ce document papier au témoin. Merci.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  7   Nous voyons une disposition à l'article 11, point numéro 2, il y est dit --

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  9   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, Madame Bagic. L'article 11 que nous

 10   venons juste de voir a été remplacé par l'amendement de janvier 1996.

 11   L'article 11 que vous avez sous les yeux n'existe plus dans la version

 12   amendée de janvier 1996.

 13   R.  Vous avez partiellement raison, Madame le Procureur, partiellement

 14   seulement, parce que dans l'article 11, le paragraphe 1 a été modifié et il

 15   s'énonce ainsi : la question de la restitution des biens et de la

 16   restitution de la jouissance du bien - et là on vient de retirer cela de

 17   l'écran - sera appliquée dans le cadre de l'accord de la normalisation

 18   entre la République de Croatie et la République fédérative de Yougoslavie.

 19   Cependant, le paragraphe 2 de cet article, lui, n'a pas été modifié et il

 20   s'énonce : la décision de la commission annulant l'article 5 de cette loi

 21   peut faire l'objet d'un appel de la part de propriétaires de biens dans un

 22   délai --

 23   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne disposent pas du texte en question sous

 24   les yeux.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nos interprètes nous font remarquer que

 26   vous devriez ralentir lorsque vous donner lecture de certaines portions de

 27   ce texte, parce qu'il est difficile de vous suivre à cette vitesse.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez m'excuser, Monsieur le Président.

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  1   Donc cette disposition, elle subsiste, qui s'énonce ainsi, je cite : 

  2   "La décision par laquelle la commission a annulé les décisions prises en

  3   application de l'article 5 de la présente loi peut faire l'objet d'un appel

  4   de la part de la personne à qui la jouissance du bien a été attribuée et le

  5   médiateur public peut faire appel auprès du ministère de la Justice."

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  7   Q.  Il s'agit, ici, d'une disposition qui permet à certaines personnes

  8   particulières de remettre en cause des décisions, il s'agit d'une voie pour

  9   interjeter appel contre des décisions qui ont attribué la jouissance ou la

 10   possession d'un bien en application de l'article 5, mais il n'y a pas de

 11   disposition qui prévoit ou qui permet au propriétaire de reprendre

 12   possession de son bien ? Je parle de la loi amendée de 1996.

 13   R.  C'est exact. Alors peut-être que cette disposition qui figure au

 14   paragraphe 1 n'a pas été rédigée de la façon la plus heureuse.

 15   Cependant, ce qui avait cours et la façon dont on interprétait la chose

 16   dans la pratique et dans l'ensemble de l'application de cette loi était la

 17   suivante : le propriétaire avait toujours la possibilité, au moment où il

 18   revenait, de demander la restitution de son bien, parce que c'était là son

 19   droit le plus fondamental de propriétaire.

 20   Q.  Mais comment était-il censé procéder pour formuler cette demande alors

 21   même qu'aucun mécanisme n'avait été prévu à cet effet ?

 22   R.  Il en avait la possibilité, parce que s'il était bien le propriétaire

 23   du bien en question, en application de la Loi sur le droit de propriété et

 24   d'autres lois ultérieures, il avait la possibilité de s'adresser à la

 25   commission sur les biens immobiliers et la commission sur le logement pour

 26   reprendre possession de son bien et il avait également toujours la

 27   possibilité et le droit de porter plainte auprès du tribunal compétent ou

 28   de la cour constitutionnelle.

Page 26593

  1   Q.  Pourriez-vous me dire où exactement se trouve cette loi et quelle est

  2   la disposition exacte à laquelle vous vous référez ?

  3   R.  Je parle de la Loi sur les droits de propriété et la succession que la

  4   République de Croatie a reprise à son compte, et je parle également de la

  5   Loi sur les droits de propriété qui est entrée en vigueur à partir du 1er

  6   janvier 1997. Et il me semble que dans les articles 160 et 162 de cette

  7   loi, il est question de cette possibilité qu'a le propriétaire de demander

  8   la protection, ou plutôt, la restitution de son bien.

  9   Q.  Est-ce qu'une référence précise y est faite à la Loi sur la prise en

 10   charge et la gestion temporaire de biens par l'Etat ou certaines

 11   dispositions de cette dernière ?

 12   R.  Non, parce qu'il s'agit de lois fondamentales, alors que la Loi sur la

 13   prise en charge et la gestion temporaire de biens était une loi

 14   exceptionnelle qui disposait de la façon dont il convenait de procéder avec

 15   des biens temporairement abandonnés. Enfin, je ne vais pas répéter ce que

 16   j'ai déjà dit à ce sujet.

 17   Q.  Soit. Mais avez-vous connaissance de la moindre affaire dans laquelle

 18   un ou des Serbes de Krajina, entre le moment où cet amendement a été passé

 19   en janvier 1996 et le moment où des mécanismes ont été mis en place en 1998

 20   pour permettre la restitution de biens, avez-vous connaissance de la

 21   moindre affaire où des Serbes de Krajina aient pu obtenir qu'on leur

 22   restitue leurs biens ?

 23   R.  Je n'ai pas eu affaire directement à ce type de situation. Cela entrait

 24   dans la compétence d'un autre ministère, si bien que je ne suis pas en

 25   mesure de vous fournir cette information.

 26   Ce que je sais, c'est que dans le cadre des organes compétents, dans le

 27   cadre de la coordination qui était en place également, la restitution de

 28   biens se faisait conformément aux procédures qui étaient prévues par cette

Page 26594

  1   loi. Si jamais une plainte était déposée par quelqu'un auprès d'un

  2   tribunal, cela suivait le cours d'une procédure judiciaire.

  3   Q.  Donc vous n'avez pas connaissance d'affaires de cette nature, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Je ne dispose pas de telles informations.

  6   Q.  Pour revenir à ce que vous avez dit hier concernant le délai qui

  7   courrait en cas de prise en charge temporaire --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, je voudrais juste

  9   vérifier si votre question porte sur une clarification. En tout cas,

 10   j'aimerais une clarification.

 11   Cette Loi sur la prise en charge temporaire, que signifie cette mention qui

 12   dit qu'aussi longtemps que le bien en question est abandonné, c'est cette

 13   loi qui s'applique et non la loi à vocation plus générale ? Est-ce que cela

 14   signifie que c'est la lex specialis qui se retrouverait dérogée à

 15   l'application de la loi générale ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, cette loi était une loi

 17   exceptionnelle au sens où elle réglait la question des biens immobiliers

 18   abandonnés et de la jouissance de ces biens, et pour cette dernière

 19   question de la jouissance et de l'utilisation temporaire de ces biens, il

 20   s'agissait justement, à cause de cela, d'une loi spécifique et

 21   exceptionnelle.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça ne répond pas tout à fait à mes

 23   questions. S'il s'agissait d'un bien immobilier abandonné, est-ce qu'il

 24   était possible d'invoquer la loi générale sur la propriété ou non, la loi

 25   que vous venez juste d'évoquer ?

 26   Est-ce que cette loi à vocation plus générale était une loi à laquelle on

 27   pouvait se référer dans un tribunal ou bien pouvait-on objecter à cela :

 28   Non, il s'agit d'un bien immobilier abandonné et donc, la lex specialis

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  1   disponible s'applique en espèce ? Qu'en était-il ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Le propriétaire pouvait en appeler à la loi

  3   générale sur le droit de propriété et exiger une expulsion. Cependant, les

  4   tribunaux avaient également la possibilité d'établir son droit à la

  5   restitution de son bien immobilier.

  6   La pratique des tribunaux, toutefois, pour ce qui est de l'application de

  7   cette loi -- ou plutôt, dans les affaires dans le cadre desquelles on

  8   demandait une restitution et donc une expulsion en se basant sur la Loi sur

  9   le droit de propriété, ces tribunaux établissaient, pour simplifier, que la

 10   décision ne serait pas mise en œuvre ni appliquée aussi longtemps que la

 11   personne qui avait reçu la jouissance temporaire du bien ne se verrait pas

 12   attribuer une solution de logement adéquate, décision d'expulsion.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble qu'il y ait deux problèmes. Le

 14   premier porte sur la question de savoir si l'expulsion est exécutoire dans

 15   le cas où aucun logement n'a été trouvé pour la personne qui avait l'usage

 16   temporaire du bien immobilier abandonné, et ce n'est pas la même chose ici.

 17   Nous avons vu les décisions, les arrêts de la Cour européenne des droits de

 18   l'homme auxquels vous vous êtes référé.

 19   Mais est-ce que j'ai raison de dire que la lex specialis a joué un

 20   rôle particulier dans les procédures qui se sont déroulées à Strasbourg et

 21   qu'à certains moments les plaignants se sont vu opposer le caractère

 22   inapplicable de certaines lois, parce que des lois spécifiques régulaient

 23   les questions concernées et que par conséquent, ces autres lois ne

 24   pouvaient être invoquées ?

 25   Je l'ai relu, mais peut-être que je devrais le relire, mais peut-être

 26   que vous, vous vous en souvenez correctement.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] La question de la restitution des biens et de

 28   l'hébergement des personnes expulsées et des réfugiés a été réglée après

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  1   l'adoption de cette Loi sur la prise en charge et la gestion temporaire de

  2   biens, sa version amendée et après, également, l'adoption du programme sur

  3   le retour des personnes expulsées, des réfugiés et des personnes déplacées

  4   de 1998, ainsi qu'avec la Loi portant annulation de l'applicabilité de la

  5   Loi sur la prise en charge et la gestion temporaire des biens par l'Etat.

  6   Je dis cela, parce que le programme sur le retour des personnes expulsées

  7   et des réfugiés et la Loi portant annulation de la Loi de prise en charge

  8   temporaire ont permis d'établir, en première instance, que ce sont les

  9   commissions de logement qui étaient compétentes pour statuer sur les

 10   demandes de restitution de biens en première instance et qu'en deuxième

 11   instance, c'était les tribunaux réguliers qui étaient compétents. Il avait

 12   donc été établi que c'était les dispositions générales, les dispositions

 13   législatives générales qui devaient être appliquées devant les tribunaux

 14   municipaux et dans les procédures qui étaient initiées en la matière.

 15   Ensuite, suite aux décisions de la Cour européenne des droits de

 16   l'homme, la compétence des commissions de logement a été reprise par le

 17   ministère de la Reconstruction et du Développement. Quant à la compétence

 18   qui était celle des tribunaux qui recevaient des plaintes, elle a été

 19   transférée au procureur de la République de Croatie.

 20   Je dis cela, parce qu'au cours de la résolution de ces demandes de

 21   restitution de biens, d'une part et d'hébergement des personnes expulsées

 22   et des réfugiés, les compétences n'ont pas toujours été les mêmes, ce ne

 23   sont pas toujours les mêmes organes qui ont été compétents. C'est le plus

 24   souvent la commission de logement à laquelle il en a été référé. Alors dans

 25   la décision, ou dans certaines décisions, en tout cas, pas dans toutes,

 26   mais dans certaines décisions de la Cour européenne des droits de l'homme,

 27   il a été constaté que cette procédure même visant à résoudre la situation

 28   et visant à restituer les biens à leurs propriétaires, qu'il s'agissait

Page 26597

  1   d'une procédure trop longue et que sa longueur même représentait une

  2   violation du droit qui était celui du plaignant. La Cour européenne des

  3   droits de l'homme n'a pas remis en cause la compétence des organes qui

  4   étaient chargés de la prise de décisions, mais s'est contentée de se

  5   référer à la longueur de certaines de ces procédures. Certaines d'entre

  6   elles étaient achevées avant la décision prise, avant que la Cour

  7   européenne des droits de l'homme ne prenne sa décision.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il ne faut pas ici aussi

  9   prendre en considération la possibilité même d'accéder à un tribunal pour

 10   qu'une procédure y soit mené au-delà de la longueur de cette dernière ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, du point de vue de la longueur de ces

 12   procédures, ce n'était pas une façon efficace de résoudre le problème.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas une manière efficace de

 14   résoudre le problème, mais si l'accès même aux tribunaux n'était pas

 15   suffisant ou était inefficace, n'en résultait-il pas une violation de

 16   l'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme ? Dans ce

 17   cas-là, on peut dire qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de délai

 18   ou de longueur de procédure, c'est l'accès même à la justice qui apparaît

 19   être entravé, en partie, pour les raisons que vous venez juste d'évoquer,

 20   puisque les organes compétents se sont relayés, la compétence a été

 21   transférée d'un organe à l'autre, et cela, plusieurs fois.

 22   Vous nous dites que vous avez pris beaucoup de précautions, parce que vous

 23   vouliez permettre le retour de ces personnes sous 30 jours, puis que cela

 24   s'est avéré irréaliste et qu'ensuite le délai a été prorogé à 90 jours.

 25   Nous voyons dans les décisions sur lesquelles nous nous sommes

 26   penchés que ces personnes, il leur a fallu six ans pour que leurs biens

 27   leur soient restitués. Donc je pense que ce qui vous sépare encore, vous-

 28   même et Mme Gustafson, c'est la chose suivante : Mme Gustafson essaie

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  1   d'attirer votre attention sur les éléments que je viens d'évoquer, alors

  2   que vous, vous continuez à souligner à quel point le système judiciaire

  3   prenait soin de tous ceux qui souhaitaient revenir.

  4   Est-ce que vous pourriez revenir là-dessus et nous fournir une

  5   explication ou un commentaire sur cette divergence qui semble encore être

  6   la vôtre avec Mme le Procureur ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me

  8   donner l'occasion de clarifier ce dont je viens juste de parler.

  9   Le système avait bien été conçu, c'est ainsi également que les textes

 10   ont été rédigés afin de permettre une restitution relativement rapide des

 11   biens. Cependant, ce dont nous parlons maintenant, c'est l'application de

 12   ce système et dans ce cadre, il est impossible d'exclure tout à fait qu'il

 13   ait été inefficace dans certains cas. Il est tout à fait certain que le

 14   système s'est avéré inefficace dans certains cas individuels.

 15   Cela était, entre autres, la raison pour laquelle ces différentes

 16   lois se sont succédé l'une à l'autre, la raison pour laquelle on a adopté

 17   un programme de retour et la raison pour laquelle également ce programme

 18   lui-même a été ultérieurement amendé. On réagissait tout simplement à

 19   l'imperfection de ce programme et à la constatation qu'on avait faite en

 20   pratique des dispositions qui étaient impossibles à appliquer. C'est

 21   pourquoi il est impossible d'exclure tout à fait des cas dans lesquels les

 22   procédures ont été très longues du point de vue du plaignant, du point de

 23   vue de la personne qui demandait qu'on lui restitue son bien. Il est tout à

 24   fait certain que ça durait trop longtemps; et c'est également, entre

 25   autres, une des raisons pour laquelle la Cour européenne des droits de

 26   l'homme a établi qu'il y avait ici violation d'un droit. Les mécanismes que

 27   les autorités de l'Etat mettaient à disposition du plaignant ont été

 28   qualifiés d'inefficaces dans certains cas.

Page 26599

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour cette réponse. Juste un

  2   autre élément : lorsque vous avez renoncé à ce délai de 90 jours pour le

  3   remplacer par un accord entre la République de Croatie et la République

  4   fédérative de Yougoslavie, vous avez mis en avant, plusieurs fois, le fait

  5   que cette loi ne visait pas de façon spécifique les Serbes ou un autre

  6   groupe ethnique.

  7   Mais qu'en était-il des citoyens qui n'avaient rien à voir avec la

  8   République fédérative de Yougoslavie ? Comment un accord entre la

  9   République de Croatie et un Etat avec lequel il n'avait absolument rien à

 10   voir pouvait-il être applicable à eux ? Cela ne pouvait-il pas constituer

 11   encore un obstacle supplémentaire ? Ce que je veux dire, c'est pourquoi n'y

 12   a-t-il eu un accord qu'avec la République fédérative de Yougoslavie, et non

 13   pas également avec la Bosnie-Herzégovine, par exemple, ou l'Italie.

 14   Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il apparaît qu'un tel accord a

 15   constitué une précondition à la restitution de biens de propriétaires qui

 16   se présentaient dans toutes sortes de situations différentes et appartenant

 17   à des groupes ethniques ou ressortissants d'Etats tout à fait différents ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas une précondition dans le

 19   processus de restitution, parce que les propriétaires pouvaient toujours

 20   revenir et demander qu'on leur restitue leurs biens.

 21   Alors, pourquoi n'a-t-on passé d'accord qu'avec la République fédérale de

 22   Yougoslavie ? La raison en est que la République de Croatie avait subi une

 23   agression de la part de cette même République fédérative de Yougoslavie, de

 24   la part de l'ex-Etat yougoslave, et à cet instant précis, c'est-à-dire

 25   juste après la guerre, il était essentiel de normaliser les relations. Et à

 26   cet égard, la seule chose pertinente c'était de passer un accord avec la

 27   République fédérative de Yougoslavie. C'est la seule explication que je

 28   puis vous donner à la question que vous posez.

Page 26600

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela nous amène à un autre point.

  2   Est-il exact de dire que pour revenir sur place, ceux qui étaient les

  3   propriétaires de biens se trouvant en Croatie dépendaient de la décision

  4   prise en la matière et de la conclusion de cette procédure de restitution ?

  5   Je veux dire qu'en réalité, ils n'étaient pas véritablement libres de

  6   revenir. Je parle de Serbes vivant sur le territoire de la RFY.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Indépendamment du fait que l'accord

  8   n'avait pas encore été conclu, ils avaient la possibilité même dans cette

  9   période-là, s'ils voulaient revenir en tant que citoyens croates, de

 10   revenir et de jouir des droits qui étaient les leurs en leur qualité de

 11   citoyens croates.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette Chambre a entendu des dépositions

 13   concernant des réflexions qui avaient été émises sur l'opportunité qu'il y

 14   avait, ou la possibilité qu'il y avait, de permettre ou non un retour en

 15   masse.

 16   Alors est-ce que vous avez des éléments à ce sujet ? En avez-vous

 17   connaissance, ou avez-vous votre propre opinion peut-être ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas des informations directes à ce

 19   sujet, parce que je n'ai pas travaillé directement au retour des réfugiés

 20   et des personnes expulsées. J'ai travaillé directement à la rédaction des

 21   présents documents, notamment le décret et la Loi portant prise en charge

 22   et gestion temporaire de biens par l'Etat. Mais pour ce qui est des

 23   procédures de retour, je suis au courant de cela de manière indirecte en ma

 24   qualité de personne ayant participé à des actions de coordination qui

 25   étaient mises en place par rapport à toutes ces différentes questions du

 26   retour et ayant trait aux réfugiés.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire ce que vous savez,

 28   même si c'est de façon indirecte ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne s'agit pas des informations incorrectes,

  2   mais indirectes. Puisque concernant le retour des réfugiés, c'était des

  3   questions dont on débattait lors des réunions de travail ou les réunions de

  4   coordination au sein du gouvernement. Il y avait, par exemple, un organe de

  5   coordination qui s'occupait de l'aide sociale au sein du gouvernement en

  6   2000, et à ce moment-là on discutait de toutes les procédures relatives au

  7   retour des réfugiés, le but étant d'éliminer les obstacles observés dans ce

  8   domaine, relatifs à l'application des lois et à la pratique. Le résultat en

  9   a été que suite à l'adoption de cette loi, et en particulier de la décision

 10   de la cour constitutionnelle, a été l'adoption d'un document, un document

 11   ayant force de la loi, qui portait sur le retour des réfugiés qui, à mon

 12   avis, définissait d'une manière beaucoup plus détaillées les circonstances

 13   du retour de ces personnes. Je fais référence à ce document-là et à mes

 14   connaissances portant sur la teneur de ce document pour ce qui est des

 15   conditions de retour des réfugiés et de restitution de leurs droits d'usage

 16   des biens.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si j'ai bien compris, à partir du

 18   moment où les programmes et les plans ont été élaborés, il n'était plus

 19   possible de rentrer de son plein gré, à sa propre initiative, et de la

 20   manière qu'on pouvait choisir librement. Brièvement, les personnes qui

 21   souhaitaient retourner devaient se conformer à ce qui était prévu par ces

 22   programmes, ces plans ou les accords.

 23   J'essaie de vous expliquer d'une manière plus claire ce qu'essaie de

 24   voir avec vous Mme Gustafson et aussi ce que la Chambre aimerait mieux

 25   comprendre.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit pas

 27   de ça, de ce que vous êtes en train de dire, que les personnes ne pouvaient

 28   pas rentrer ou que le retour a été rendu impossible. En fait, la situation

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  1   était la suivante : malgré l'adoption des lois, des textes de loi, et

  2   malgré les efforts fournis afin de les mettre en œuvre, des difficultés

  3   objectives pour leur application existaient objectivement, et on était tenu

  4   de réagir à cette situation et à modifier la procédure et les textes afin

  5   de les améliorer afin de les rendre plus clairs. Puisque s'il y a des

  6   indices, si on se rend compte que lors de la mise en œuvre de certaines

  7   lois ou des textes que l'effet recherché n'est pas obtenu, alors cela

  8   signifie qu'il faut modifier la loi, qu'il faut l'adapter à la situation

  9   pour répondre aux besoins des personnes concernées. C'était ça l'idée

 10   derrière toute cette évolution du cadre juridique portant sur le retour des

 11   réfugiés.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de votre réponse.

 13   Nous allons faire maintenant une pause.

 14   Excusez-moi, Madame Gustafson, de m'être initié à votre

 15   interrogatoire, mais parfois il vaut mieux réagir immédiatement dans le

 16   contexte des questions posées et réponses obtenues.

 17   Donc nous allons poursuivre à 11 heures.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, est-ce que vous êtes

 21   prête pour poursuivre avec vos questions ?

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Madame Bagic, juste avant la pause, vous avez répondu à une question

 24   posée par le Juge Orie, et vous avez dit que vous n'avez pas travaillé

 25   directement sur les questions de retour et que vous ne disposiez pas

 26   d'information directe portant sur l'opportunité de permettre à un retour

 27   des Serbes en masse.

 28   Je souhaite enchaîner sur ceci, et vous demander si, en 1995, vous n'avez

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  1   pas eu de rôle concernant l'élaboration et la mise en œuvre des politiques

  2   croates relatives au retour des Serbes en Croatie; cela est-il vrai ?

  3   R.  Je n'avais aucun rôle dans l'élaboration de la politique, dans le sens

  4   de la prise de décisions politiques. Et je crois qu'il ne s'agit pas là

  5   d'une autorisation à donner à quelqu'un pour retourner -- ou ne pas

  6   l'autoriser. Il s'agit plutôt de modalités de retour, conformément à la

  7   réglementation en vigueur en Croatie.

  8   En tant que juriste et expert ayant occupé plusieurs fonctions différentes

  9   au sein du ministère de la Justice, je participais à l'élaboration de la

 10   réglementation.

 11   Q.  En 1995, avez-vous participé à l'élaboration de la réglementation

 12   quelle qu'elle soit portant sur le retour des Serbes en Croatie ?

 13   R.  Je ne sais pas quelle est la réglementation à laquelle vous faites

 14   référence.

 15   Q.  Aucune. D'après ce que j'en sais, il n'y en a pas. Vous avez dit avoir

 16   participé à la rédaction de la réglementation. Et alors, je vous ai demandé

 17   si cela comprenait aussi le travail sur une réglementation portant sur le

 18   retour des Serbes en Croatie, en 1995.

 19   R.  J'ai participé à l'élaboration de cette loi et du décret, force de loi

 20   sur l'appropriation des biens temporaires qui concernaient, entre autres,

 21   les citoyens croates de nationalité serbe également.

 22   Q.  Oui, ça, on le sait. Mais avez-vous participé à la rédaction d'autres

 23   textes de loi ou réglementations portant sur le retour des Serbes en

 24   Croatie en 1995 ?

 25   R.  Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas d'avoir participé à la

 26   rédaction d'une telle réglementation.

 27   Q.  Bien. La Chambre a entendu des dépositions des membres des dirigeants

 28   selon lesquelles des dirigeants croates, tels que le président Tudjman, M.

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  1   Sarinic, M. Jarnjak, et autres, discutaient de ces questions en

  2   particulier, la question dont vous parlez, les modalités de retour des

  3   Serbes, les procédures de retour, le moment de leur retour, et la question

  4   de savoir s'il fallait permettre un retour en masse.

  5   Savez-vous quoi que ce soit au sujet de ces discussions ou des décisions

  6   prises par la direction concernant la question du retour en 1995 ?

  7   R.  Je ne sais pas.

  8   Q.  Quand vous avez fait référence à des difficultés objectives concernant

  9   le retour, en parlant des dates butoir, concernant la restitution des biens

 10   conformément à la Loi de l'appropriation des biens, en fait, vous ne pouvez

 11   pas nous dire quels étaient les décisions prises par la direction sur les

 12   modalités et le moment de retour des Serbes et de quelle manière ces

 13   décisions ont pu affecter leur possibilité de retourner véritablement en

 14   Croatie ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Je ne comprends pas tout à fait votre réponse. Vous dites, c'est exact.

 17   Est-ce que vous voulez nous dire qu'il est exact que vous ne pouvez pas

 18   nous en dire quelque chose de plus, que vous n'êtes pas en mesure de nous

 19   en parler ?

 20   R.  Oui, vous avez bien compris.

 21   Q.  Bien. Retournons maintenant aux dates butoir indiquées dans le décret

 22   ayant force de loi et dans la Loi sur l'appropriation temporaire des biens,

 23   la raison que vous nous avez donné expliquant la prolongation de cette date

 24   butoir de 30 à 90 jours, et ensuite l'annulation de dates butoir tout court

 25   était qu'il s'est avéré que ces dates butoir n'étaient pas réalistes. La

 26   Chambre a également entendu des dépositions selon lesquelles ces dates

 27   butoir étaient d'abord prorogées, ensuite annulées sous pression de la

 28   communauté internationale, entre autres, pression des Etats-Unis et de

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  1   l'Union européenne.

  2   Est-ce que vous disposez des informations concrètes concernant la pression

  3   internationale exercée sur la Croatie concernant ces dates butoir à cette

  4   époque-là, à savoir en 1995 ?

  5   R.  Non, je ne dispose d'aucune information concrète portant sur la

  6   pression exercée par la communauté internationale, en ce qui concerne

  7   l'application de cette loi et en ce qui concerne les dates butoir prévues

  8   par ces textes.

  9   Q.  Vous avez déclaré hier que la raison pour laquelle les dates butoir

 10   dans cette loi avaient été déterminées était parce que vous souhaitiez

 11   permettre aux propriétaires de ces biens de retourner aussi vite que

 12   possible et d'obtenir la restitution de leurs biens aussi vite que possible

 13   et que c'était la position de votre groupe de travail.

 14   Alors, quelle que soit la position du groupe de travail, la vraie raison

 15   pour laquelle ces dates butoir et autres limitations entravant la

 16   possibilité des Serbes de se voir restituer leurs biens était que la

 17   direction croate, les dirigeants croates souhaitaient faire installer les

 18   Croates d'une manière permanente dans les maisons auparavant, dans les

 19   propriétés des Serbes et empêcher le retour de ces Serbes en Croatie.

 20   Est-ce que vous avez des commentaires à ce sujet ?

 21   R.  Non, aucun, parce que je ne dispose d'aucune information à ce sujet.

 22   L'objectif de ces lois, de cette réglementation a été de permettre aux

 23   propriétaires la restitution de leurs biens où qu'ils se trouvaient sur le

 24   territoire de la République de Croatie.

 25   Q.  Bien. Mettons ceci au clair. C'était l'objectif de la loi, d'après ce

 26   que vous en savez et d'après ce que savait le groupe de travail, c'est ce

 27   que vous êtes en train de nous dire, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne peux parler que de ce que je sais, et ce que je sais, c'est la

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  1   mission qui a été assignée au groupe de travail. Je sais quelle était la

  2   réglementation adoptée et de quelle manière elle a été mise en place en

  3   pratique.

  4   Q.  Bien.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on passer à D1823.

  6   Q.  C'est le procès-verbal d'une réunion du gouvernement, qui s'était tenue

  7   à huis clos. Ce PV vous a été présenté hier. La réunion s'est tenue le 31

  8   août.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 11 en anglais, 21 en B/C/S.

 10   Q.  C'est l'intervention de M. Separovic qu'on voit. En haut de la page en

 11   B/C/S et près du bas de la page en anglais, vous pouvez voir ce qu'il dit :

 12   "Je soutiens absolument cette loi. Le décret ayant force de loi est quelque

 13   peu problématique du point de vue de loi et de la constitution, mais comme

 14   nous savons maintenant que cette loi sera adoptée, la question

 15   d'inconstitutionnalité ne peut qu'être rejetée. Je propose des

 16   modifications considérables de l'article 11 en accord avec le vice-

 17   président; il ne faudra pas y parler de propriété et de quelle manière on

 18   acquiert le droit de propriété, mais plutôt il faudra avoir une loi séparée

 19   qui réglera cette question…"

 20   Ensuite, dans le paragraphe suivant, il dit :

 21   "Nous n'avons pas d'objections concernant la manière dont la

 22   nationalisation est promue, qu'il y a des biens qui sont la propriété de la

 23   république, que nous sommes en train de mettre en œuvre la nationalisation

 24   des biens; on pourrait nous objecter qu'il s'agisse de la nationalisation.

 25   Mais il y a ici une limite dans le temps qui porte sur une période de 20

 26   ans. Ça ce serait trop long d'attendre, et c'est pour cette raison-là que

 27   je suis d'accord avec la proposition faite par le vice-président de laisser

 28   cette question de côté pour l'instant et de nous occuper d'autres

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  1   questions. Il s'agit là du droit de propriété et d'une date butoir pour le

  2   dépôt d'une demande de restitution des biens qui devrait être déterminée à

  3   30 jours à partir de la date de l'entrée en vigueur de cette loi…"

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant, passons à la page 14 en

  5   anglais, page 26 en B/C/S.

  6   Q.  Maintenant c'est l'intervention de M. Misetic, qui dit, c'est la

  7   troisième ligne en B/C/S :

  8   "C'est une chose et le gouvernement devrait définir exactement si cela va

  9   ensemble avec le droit d'usage sachant qu'il faudra adopter une loi

 10   spéciale régissant cette question de propriété ou décider d'accorder le

 11   droit de propriété immédiatement. Mon opinion personnelle est qu'il serait

 12   plus prudent, du point de vue politique, à ce moment précis, d'accorder

 13   seulement le droit d'usage."

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et un peu plus bas en anglais, page

 15   suivante en B/C/S.

 16   Q.  L'intervention de M. Simunovic. La deuxième phrase :

 17   "Si l'on examine ceci du point de vue de la politique étrangère, il y aura

 18   des frais et la pression considérable. Cela concerne en particulier

 19   l'article 11; je fais référence à l'article 11 et en particulier à ce que

 20   MM. Prus, Separovic et Pavlovic nous disent ici, à savoir le principe

 21   d'inviolabilité de propriété. Et en ce qui concerne les pressions, elles

 22   seront les plus fortes en ce qui concerne l'utilisation du terme bien ou

 23   propriété."

 24   Ensuite, page suivante en anglais :

 25   "Usage de propriété ou de bien, c'est une chose, comme le monde occidental

 26   est tout à fait pragmatique et rationnel. Ils vont accepter ceci dans les

 27   termes d'effort de préserver, de protéger un capital ou une ressource. Mais

 28   en même temps, violer le droit de propriété de quelqu'un, contrairement aux

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  1   principes énoncés dans les constitutions des sociétés occidentales,

  2   signifie qu'il faudra essayer de traiter cette question en l'abordant du

  3   point de vue du droit d'usage exclusivement, et non pas du point de vue du

  4   droit de propriété."

  5   Enfin, page 19 en anglais, 30 [comme interprété] en B/C/S. Le premier

  6   ministre Valentic. C'est en haut de la page en B/C/S, bas de la page en

  7   anglais, deuxième phrase du dernier paragraphe :

  8   "Deuxièmement, je propose que l'acquisition de la propriété soit définie

  9   par une loi séparée. Nous n'avons ni le temps ni de possibilité et je ne

 10   pense pas qu'il soit nécessaire en plus de s'exposer à tous ces risques

 11   politiques; donc nous devons nous laisser du temps de régler la question de

 12   propriété calmement et sans se presser dans le cadre d'une autre loi. Je

 13   propose donc que cette solution soit adoptée. Le seul problème que je vois,

 14   c'est l'article 11 où il est dit de manière explicite que si quelqu'un ne

 15   respecte pas cette date butoir pour réclamer son bien, que dans ce cas-là,

 16   son bien devient la propriété de l'Etat. Et cela peut être très dangereux

 17   politiquement pour nous. Pour cette raison-là, je propose qu'on discute de

 18   cette question au sein de notre cabinet demain matin, si nécessaire, en

 19   présence du ministre de la Justice, pour voir comment définir ceci, comment

 20   on peut placer ça sous séquestre.

 21   "Parce que si nous violons le droit de propriété, nous serons

 22   confrontés au danger de subir des attaques, desquelles nous ne pourrons pas

 23   nous défendre, puisque en occident le droit de propriété est sacré, et

 24   nous, en tant qu'Etat, nous devons respecter ce droit, mais nous accorder

 25   la possibilité de gérer ces biens. Alors nous devons nous assurer que les

 26   personnes pourront utiliser ces biens en toute sécurité mais en même temps

 27   régler la question de propriété. Et même si dans certains cas il serait

 28   possible d'accorder la propriété, nous ne le ferons pas pour des raisons

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  1   qui ont été expliquées par le ministre Misetic. On pourrait s'attendre à

  2   des cas où de tels biens seront peut-être revendus, et cetera, donc il

  3   faudra bien déterminer tous les critères."

  4   Alors vous nous avez dit que ce projet de loi a été soumis au gouvernement,

  5   qu'on en a parlé lors d'une réunion. Et hier vous avez dit, page 26 505,

  6   que :

  7   "Lors de l'élaboration de cette loi ou décret ayant force de loi, la

  8   question de priver quelqu'un de droit de propriété n'a jamais été discutée,

  9   qu'il n'en a jamais été question."

 10   Vous voyez ici que maintenant le premier ministre, en parlant de

 11   cette loi lors de la réunion du gouvernement, en a bien parlé. On parlait

 12   de cette possibilité de transfert du droit de propriété prévu par l'article

 13   11, et on voit qu'il disait qu'il considère que ce n'était pas prudent,

 14   qu'il faudrait éviter de faire ceci.

 15   Est-il vrai que le décret dans sa forme originale prévoyait ceci, que

 16   le droit à la propriété de ces biens pouvait être transférée directement à

 17   l'Etat à l'issue de cette date butoir ?

 18   R.  Il est possible que l'une des options soit justement celle-ci,

 19   étant donné qu'auparavant il y a eu de nombreux cas d'échange ou de vente

 20   de propriété. Toutefois, finalement, la version qui était préconisée par

 21   tous les experts a été adoptée et, par conséquent, il a été décidé de ne

 22   pas enfreindre le droit de propriété, qui reste considéré comme un droit

 23   inaliénable.

 24   Q.  Alors nous pouvons voir, d'après le débat, qu'il s'agit d'une décision

 25   du gouvernement. Mais le projet de décret que vous et votre groupe de

 26   travail avez présenté à M. Separovic pour qu'il en parle lui-même avec le

 27   gouvernement prévoyait la possibilité de transfert de propriété, et ce, au

 28   titre de l'article 11, n'est-ce

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24  

25  

26  

27  

28  

Page 26611

  1   pas ?

  2   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, un certain nombre d'experts a participé à

  3   l'élaboration de ce décret qui comportait plusieurs options pour ce qui est

  4   du fond du décret. Donc il est possible que pour ce qui est de l'une ou

  5   l'autre des options, nous ayons envisagé les dangers implicites à cette

  6   solution.

  7   Q.  Je dois dire que nous avons les remarques du premier ministre et de M.

  8   Simunovic qui indiquent que cette disposition prévoyant le transfert ou la

  9   possibilité en tout cas de transfert du droit de propriété serait, du point

 10   de vue politique, une décision extrêmement dangereuse, et ils font

 11   référence aux points de vue des nations occidentales. Alors vous avez

 12   participé aux discussions. Est-ce que les considérations politiques ont eu

 13   une incidence justement sur le libellé du décret ou de la loi, tel que cela

 14   est mentionné par le premier ministre et le vice-premier ministre ?

 15   R.  Ecoutez, je n'ai participé à aucune discussion politique. Je me suis

 16   contentée de participer aux discussions d'expert.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions prendre la pièce

 18   3D00959 de la liste 65 ter.

 19   Q.  Madame Bagic, il s'agit du procès-verbal d'une séance publique du

 20   gouvernement, séance qui a eu lieu le 31 août 1995, visiblement

 21   immédiatement à la fin de la session à huis clos dont nous venons d'étudier

 22   le compte rendu. Là, vous voyez que lors de cette séance publique, le

 23   décret est effectivement adopté.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que l'on présente la page 17 de

 25   la version anglaise, qui correspond à la page 22 de la version B/C/S.

 26   Q.  Il s'agit d'un extrait du discours de M. Cedomir Pavlovic. M. Pavlovic

 27   était d'appartenance ethnique serbe. C'était d'ailleurs le seul Serbe

 28   d'appartenance ethnique au sein du gouvernement à l'époque, n'est-ce pas ?

Page 26612

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous répondre à la question,

  2   Madame.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Je n'avais pas compris qu'il

  4   fallait que je réponde.

  5   Oui, je suppose qu'il était effectivement Serbe de souche.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  7   Q.  Vous le savez ou vous le supposez ?

  8   R.  Je le suppose. Je ne sais pas si M. Pavlovic était à l'époque le seul

  9   représentant de la communauté serbe au sein du gouvernement à cette époque-

 10   là.

 11   Q.  Mais pour ce qu'il en est de lui, vous êtes sûre qu'il était Serbe de

 12   souche; c'est cela ?

 13   R.  Ecoutez, ce n'est pas un fait que j'ai pris en considération, mais je

 14   pense qu'effectivement c'était le cas.

 15   Q.  Bien.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Si --

 17   Q.  Est-ce que vous pourriez, je vous prie, vous pencher sur les quatre

 18   derniers paragraphes de la version B/C/S. Le quatrième paragraphe de la

 19   version anglaise, il s'agit du paragraphe qui commence par les mots : "Si

 20   vous m'autorisez…"

 21   M. Pavlovic parle du décret en séance publique, et voilà ce qu'il dit :

 22   "Si vous m'autorisez à souligner un petit dilemme qui a à voir avec les

 23   dates butoir, aux dates butoir auxquelles il est fait référence. Je

 24   comprends que les dates butoir font référence à ce qui a été déterminé, à

 25   savoir 30 ou 45 jours pour ce qui est de la déclaration d'intention de la

 26   part des citoyens de la République de Croatie qui indiquent vouloir revenir

 27   dans leur bien et utiliser ce bien. Donc il faut qu'ils indiquent

 28   'lorsqu'ils reviendront.' Je ne suis pas absolument sûr que cette procédure

Page 26613

  1   est une procédure en bonne et due forme qui respecte les règlements

  2   humanitaires, parce que - et j'en ai pour preuve mon expérience - je dirais

  3   que lors du débat qui a eu lieu lors de la dernière séance du gouvernement,

  4   je ne sais pas si nous avons fini par déterminer quelle doit être la

  5   procédure qui devra être suivie par ceux qui souhaiteront revenir.

  6   "D'ailleurs, d'après les informations que j'ai obtenues de la presse, je ne

  7   peux pas être absolument sûr et certain de ce que j'avance, mais il me

  8   semble qu'il y a une bonne partie de nos citoyens qui ont maintenant quitté

  9   les zones libérées, qui se sont inscrits à notre bureau de Belgrade et qui

 10   souhaiteraient revenir vers la Mère patrie et ce, grâce à l'entremise des

 11   organisations humanitaires. Alors ce que je veux dire - et je vais être

 12   très bref à ce sujet -, ce que je veux dire, c'est que quelqu'un doit

 13   déterminer quelle procédure de retour doit être suivie, auprès de qui ou

 14   qui sont les personnes qui doivent être inscrites auprès de qui, et qui

 15   s'occupera de traiter leur dossier en République de Croatie pour qu'ils

 16   puissent faire valoir leurs droits conformément à l'article 10 de ce

 17   décret, parce que pour qu'ils puissent revenir il faut qu'il y ait une

 18   procédure de retour essentiellement, parce que sinon, en fait, il se trouve

 19   qu'ils auront indiqué leur désir de revenir, mais qu'ils ne seront pas

 20   revenus.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page suivante.

 22   "…et vous avez cette période de 30 jours ou quelle que soit la date butoir

 23   qui sera déterminée. Par conséquent, le fait de revenir les rendra

 24   éligibles, comme cela est indiqué dans le décret, il ne faut pas qu'ils

 25   reviennent vers leur patrie et ne puissent pas être en mesure de récupérer

 26   leurs propriétés."

 27   Q.  Vous avez dit qu'il était devenu manifeste, à un moment donné, que

 28   cette période de 30 jours n'était absolument pas pragmatique. Est-ce que

Page 26614

  1   vous savez que M. Pavlovic a indiqué au gouvernement qu'étant donné qu'il y

  2   a cette période ou date butoir qui est déterminée par le décret, sans

  3   oublier le fait qu'il n'y avait pas de procédure prévue pour les Serbes qui

  4   souhaitaient revenir, que ces deux facteurs signifiaient que les Serbes qui

  5   souhaitaient revenir en Croatie pour récupérer leurs biens en prenant en

  6   considération la période ou la date butoir ne pourraient pas le faire et

  7   que cela posait un dilemme ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

  9   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais savoir dans quel contexte est-ce

 10   que M. Pavlovic s'exprime, parce que je vois que vous avez les deux

 11   premiers paragraphes de la déclaration de M. Pavlovic qui n'ont pas été

 12   montrés au témoin.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais il indique en disant qu'il

 14   souhaiterait parler du dilemme.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Mais ce n'est pas comme cela que la réunion

 16   commence.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais c'est le passage dont j'ai donné

 18   lecture, c'est ainsi que moi j'ai commencé. Il indique, si vous me

 19   permettez d'insister sur un petit dilemme.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous souhaiteriez suggérer à

 21   Mme Gustafson un passage plus précis pour qu'elle puisse  décider si elle

 22   souhaite ou non donner le contexte au témoin. Mais sinon, pour ce qui est

 23   de ce témoin, je vous accorderai la possibilité de fournir le contexte, si

 24   Mme Gustafson ne suit aucune de vos suggestions.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Au début de son intervention, juste en

 26   dessous de son nom, il y a le premier paragraphe complet et la première

 27   phrase du deuxième paragraphe.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, lisez cela et faites-

Page 26615

  1   vous une idée. Dites-nous si vous avez fourni quel était le contexte ou si

  2   vous souhaitez laisser ce soin à Me Misetic ultérieurement.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, je peux tout à fait vous donner

  4   lecture de ce qui est indiqué, mais il est indiqué en ce sens, il est

  5   indiqué :

  6   "Il n'est pas difficile de comprendre que la protection," et je cite, "qui

  7   devrait être assurée par l'Etat croate et de toute façon, cette protection

  8   doit être assurée sous l'égide des organes de l'état, tel que cela est

  9   indiqué par le décret."

 10   Q.  Donc, Madame Bagic, M. Pavlovic fait état d'un dilemme pour ce qui est

 11   de la date butoir ou de la période butoir et il dit que cette date butoir

 12   ou cette période butoir est de 30 jours et qu'en plus, il faut ajouter à

 13   cela le fait qu'il n'y a pas de procédure prévue pour les Serbes qui

 14   souhaitent revenir, ce qui signifie que les Serbes qui souhaiteraient

 15   revenir pour récupérer leurs propriétés en respectant la période butoir ne

 16   seraient pas à même ou en mesure de le faire.

 17   J'aimerais savoir si vous saviez que cela avait été indiqué au gouvernement

 18   par un représentant du gouvernement, au moment où le décret a fait l'objet

 19   d'adoption ?

 20   R.  Non, non, je ne le savais pas, je n'étais pas au courant de cette

 21   déclaration.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit toujours de la page 18 de la

 23   version anglaise et de la page 24 de la version B/C/S.

 24   Q.  Là, nous avons à nouveau une intervention du premier ministre et à la

 25   fin du deuxième paragraphe, et je pense à la deuxième partie de ce

 26   paragraphe, voilà ce qu'il indique :

 27   "Je pense que si l'on pense au public, il faut absolument insister sur le

 28   fait que si quelqu'un a reçu le projet de décret et le projet de loi

Page 26616

  1   indiquant que l'article 11 devrait être supprimé, alors que dans un projet

  2   il est envisagé différentes possibilités de transfert de droits de

  3   propriété, parce que nous avons conclu qu'il fallait définir et résoudre ou

  4   trouver une solution à ces problèmes particulièrement sensibles qu'est la

  5   question du droit de propriété qui serait solutionné par une nouvelle loi."

  6   Une fois de plus, il fait référence au fait que le projet de décret, dans

  7   un premier temps, était présenté au gouvernement et qui prévoyait un

  8   transfert de propriété, n'est-ce pas ?

  9   R.  Certes, il est possible que lors d'une des premières moutures du projet

 10   de décret, ce texte était inclus ou que d'autres options étaient incluses

 11   également.

 12   Mais une fois que le texte du décret a été envoyé du ministère de la

 13   Justice au gouvernement de la Croatie, l'organe de travail du gouvernement,

 14   l'organe de coordination ou les organes de coordination ou de travail des

 15   membres du gouvernement ou les membres du gouvernement plutôt, il est tout

 16   à fait probable qu'ils aient ajouté quelque chose au texte, parce qu'ils

 17   auraient pu ajouter certains éléments lors des réunions du groupe de

 18   travail, mais il est absolument sûr et certain que le texte qui a été

 19   adopté qui est le texte que nous avions présenté au nom des experts du

 20   groupe de travail n'envisageait pas le transfert de propriété.

 21   Q.  Donc vous ne vous souvenez pas si le décret présenté par le

 22   groupe de travail à M. Separovic pour qu'il le présente lui-même au

 23   gouvernement incluait une disposition prévoyant le transfert de propriété,

 24   mais par contre, vous pouvez vous souvenir que la proposition des experts

 25   du groupe de travail n'envisageait pas le transfert de propriété; c'est

 26   bien cela Madame ?

 27   R.  Oui, oui, c'est exact. J'ai dit que nous ne pouvions pas exclure la

 28   possibilité que ce fait n'ait pas été discuté au sein du groupe de travail.

Page 26617

  1   Peut-être que quelqu'un avait dit, voyons si la possibilité

  2   constitutionnelle existe, puis en tant que juristes, nous étions censés

  3   voir s'il y avait des possibilités constitutionnelles prévoyant ce genre de

  4   transfert. J'en ai parlé rapidement hier des possibilités

  5   constitutionnelles, parce que la constitution prévoit cette possibilité

  6   avec une compensation et, bien entendu, cela dépend de la valeur du bien

  7   foncier sur le marché. Bien entendu, le droit de propriété peut être limité

  8   à titre exceptionnel.

  9   Q.  J'aimerais vous demander, une fois de plus, de vous concentrer sur les

 10   questions bien précises que je vous pose.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, la deuxième réponse

 12   dont je vais vous donner lecture maintenant :

 13   "Nous ne pouvons pas exclure la possibilité que ce thème a été abordé au

 14   sein du groupe de travail, que ce thème n'a pas été abordé au sein du

 15   groupe de travail."

 16   Quelle est la possibilité que vous excluez, vous excluez la possibilité que

 17   cela a été abordé ou non ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de

 19   l'adoption d'une loi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je pense qu'hier vous aviez

 21   dit, lors de votre témoignage, que cela n'avait jamais été abordé. Mais

 22   maintenant je crois comprendre que l'anglais est un peu ambigu avec cette

 23   double négation, ce qui fait que vous ne pouvez pas exclure la possibilité

 24   que cela a bel et bien été abordé et discuté, n'est-ce pas ?

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Q.  Madame Bagic, vous avez dit un peu plus tôt aujourd'hui, que vous

 27   pensiez que c'était M. Separovic qui vous avait informée qu'un décret

 28   relatif à l'appropriation temporaire des propriétés devait être promulgué

Page 26618

  1   et vous pensiez que cela s'était passé lors de la deuxième moitié du mois

  2   d'août. La Chambre a reçu des éléments de preuve indiquant qu'une décision

  3   visant à promulguer un décret gouvernemental relatif au transfert

  4   temporaire de propriété avec une période butoir d'un mois prévu pour le

  5   retour et la réappropriation a été présenté par le président Tudjman lors

  6   d'une réunion que le président Tudjman a eu le 11 août 1995, avec des

  7   membres de sa direction qui inclut notamment M. Radic, M. Susak, M. Granic,

  8   M. Valentic, parmi d'autres, cela faisant l'objet de la pièce P462.

  9   Est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos de cette réunion ou à

 10   propos du fait qu'une décision relative à ce décret était prise à ce

 11   moment-là et à ce niveau-là ?

 12   R.  Non. Non, non, je ne sais absolument rien de cette réunion.

 13   Q.  Les points de vue des différents participants à propos de l'objectif du

 14   décret visant la propriété et le droit de propriété ont fait l'objet

 15   d'examens lors de cette réunion. Et je suppose que vous, vous ne savez

 16   absolument pas quels étaient ces points de vue, et le fait est que M.

 17   Valentic, M. Radic, M. Granic, le président Tudjman ont exprimé leur point

 18   de vue à ce moment-là.

 19   R.  Ecoutez, je m'excuse, vous parlez de la réunion à laquelle vous venez

 20   de faire référence, la réunion qui a eu lieu au bureau du président, le

 21   bureau du président de la République de Croatie ?

 22   Q.  Oui, le 11 août.

 23   R.  Non, comme je vous l'ai déjà dit, je ne sais absolument rien à propos

 24   de cette réunion et, par conséquent, je ne sais absolument rien de la

 25   teneur de ladite réunion.

 26   Q.  J'aimerais maintenant que nous parlions d'un thème légèrement

 27   différent. Il s'agit de la Loi relative aux zones représentant une

 28   préoccupation particulière que vous mentionnez dans votre déclaration.

Page 26619

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce 3173 de la liste 65

  2   ter.

  3   Et je souhaiterais, Monsieur le Président, demander le versement au dossier

  4   de la pièce 3D00959, qui correspond au compte rendu de la séance publique

  5   du gouvernement du 31 août.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Pas d'objections.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objections.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2697.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est maintenant versée au

 11   dossier.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 13   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 8, vous dites que :

 14   "La Loi relative aux zones d'intérêt spécial, ainsi que les amendements à

 15   cette loi datant de l'année 2002 - et je pense plus particulièrement aux

 16   articles 12 et 14 qui prévoient les délais prévus pour reprendre possession

 17   des biens qui ont été acquis temporairement conformément à la Loi relative

 18   à l'acquisition temporaire et à la gestion temporaire des biens et à la Loi

 19   relative aux zones d'intérêt spécial."

 20   Je suppose que vous connaissez cette loi ?

 21   R.  Oui, oui. Je connais cette loi. C'est tout à fait exact.

 22   Q.  Et cette loi a été promulguée le 27 mai 1996.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaiterais que la première page de la

 24   version B/C/S et la deuxième page de la version anglaise soient affichées.

 25   Q.  Voyez l'article 2 de cette loi qui stipule, et je cite,

 26   que :

 27   "Les zones d'intérêt spécial pour l'Etat seront déterminées afin d'éliminer

 28   les conséquences de la guerre afin de prévoir le retour plus rapide des

Page 26620

  1   personnes déplacées et des réfugiés afin de donner un nouvel élan au

  2   développement économique et démographique, ainsi qu'afin de faire en sorte

  3   que ces zones connaissent un développement égal à toutes les zones de la

  4   République de Croatie dans la mesure du possible."

  5   Article 3 de la même loi, vous voyez que ces zones d'intérêt spécial pour

  6   l'Etat sont divisées en deux groupes, ces deux groupes correspondent à des

  7   zones qui étaient précédemment occupées. Le premier groupe comprenant des

  8   zones frontalières à faible densité démographique; et le deuxième groupe

  9   correspondant au territoire précédemment occupé.

 10   Puis le texte se poursuit et vous fournit les coordonnées de ces

 11   municipalités, de ces localités relevant de ces deux zones.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaiterais maintenant que la page 7

 13   de la version anglaise soit affichée, qui correspond à la page 4 de la

 14   version B/C/S. Il s'agit de la deuxième partie, du deuxième chapitre de

 15   cette loi qui est intitulé :

 16   "Mesures d'incitation visant l'installation et le développement des zones

 17   d'intérêt spécial pour l'état."

 18   Q.  L'article 7(1) dispose que la République de Croatie encouragera le

 19   séjour et l'installation de la population dans les zones d'intérêt spécial

 20   grâce à des mesures spéciales.

 21   L'installation de la population sera encouragée dans les zones en

 22   question. Puis vous avez des catégories de citoyens. Vous voyez que vous

 23   avez les citoyens de la République de Croatie, puis vous avez les immigrés

 24   croates revenant de l'étranger. Si vous tournez la page de la version

 25   anglaise, vous verrez que vous avez en haut de la page suivante les Croates

 26   qui ont été expulsés de certaines zones, qui décideront de s'installer en

 27   République de Croatie.

 28   Puis vous avez le dernier paragraphe où il est indiqué :

Page 26621

  1   "Ces personnes seront considérés comme des personnes s'installant au titre

  2   de la loi."

  3   L'article 8, maintenant, article 8(1) qui dispose que le ministère du

  4   Développement et de la Reconstruction annoncera, environ au moins deux fois

  5   par an, une invitation pour que les personnes s'installent dans ces zones

  6   d'intérêt spécial.

  7   Puis au paragraphe 3, il est indiqué que les personnes s'installant dans

  8   ces zones se verront octroyer l'utilisation d'un appartement ou d'une

  9   maison familiale.

 10   Puis vous avez l'article 8(5) qui indique que les biens fonciers visés par

 11   le paragraphe 3 de cet article seront attribués pour qu'ils soient utilisés

 12   conformément à la décision du ministère.

 13   "Et après dix ans d'occupation d'un appartement ou d'une maison dans une

 14   zone d'intérêt spécial, le bien en question devient la propriété de la

 15   personne qui s'y est installée après plus de dix ans."

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Puis si vous poursuivez votre lecture

 17   jusqu'en bas de la page en version anglaise, article 10 en version B/C/S.

 18   Q.  Vous verrez qu'il est indiqué qu'il y a différentes catégories de biens

 19   fonciers qui seront donnés aux personnes qui vont s'y installer et les

 20   utiliser. Donc il y a une référence à l'article 8, paragraphe 3, qui est

 21   faite au début de cet article 10.

 22   Puis si vous prenez le paragraphe 2, qui d'ailleurs -- c'est une

 23   erreur, il correspond au paragraphe 3 dans la version anglaise, mais en

 24   fait, il s'agit du sous-paragraphe 2. Il est indiqué que :

 25   "Les maisons de famille, à savoir les terrains d'un foyer agricole ou les

 26   appartements qui ont été abandonnés par leurs propriétaires et qui ne sont

 27   pas utilisés conformément aux dispositions de la Loi relative à

 28   l'appropriation temporaire et à l'administration des biens…" précise

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  1   "…seront attribués aux héritiers, et ce, sur proposition du ministère et

  2   conformément aux dispositions de ladite loi."

  3   Page suivante de la version anglaise, ainsi que page suivante de la version

  4   en B/C/S. Voyez ce qui est dit au numéro 3 :

  5   "Si lors de l'utilisation du bien foncier, le bien foncier auquel il est

  6   fait référence au paragraphe 2 de cet article est rendu à son propriétaire

  7   qui l'utilise, le ministère devra fournir à la personne qui s'y était

  8   installée un autre appartement ou une autre maison familiale, si possible

  9   dans la localité qui est la plus proche de la zone d'un intérêt spécial."

 10   Ensuite, la loi fait référence à différents impôts et différentes

 11   indemnités prévus pour les personnes qui s'installent dans ces zones

 12   d'intérêt spécial.

 13   Pour revenir à ce que vous avez dit dans votre déclaration au

 14   paragraphe 8, en fait, la première loi qui a été adoptée en 1996 ne

 15   prévoyait pas de période pendant laquelle les biens fonciers devaient être

 16   rendus, mais elle prévoyait que les biens fonciers qui avaient été pris et

 17   qui avaient été donnés à des personnes qui s'y étaient installées après dix

 18   ans d'occupation, en d'autres termes, la loi prévoyait, après cette période

 19   de dix ans, le droit de propriété pour ces personnes, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, oui, c'est exact. Plus précisément, la Loi relative aux zones

 21   d'intérêt spécial, qui date de l'année de 1996, vous nous avez donné

 22   lecture de certains articles, notamment de l'article 8 de cette loi, cette

 23   loi, disais-je, dispose que les personnes qui se sont installées dans une

 24   propriété et qui ont utilisé la propriété sous l'égide de la Loi relative à

 25   l'appropriation temporaire et la gestion des biens fonciers. Je faisais

 26   référence à des périodes qui étaient visées par les amendements apportés à

 27   la Loi relative aux zones d'intérêt spécial. Alors il y a eu un premier

 28   amendement en 2000, ensuite en 2002, et cela, ainsi, a permis d'établir le

Page 26623

  1   lien avec le programme qui fut adopté par la suite pour le retour des

  2   réfugiés et le retour des personnes déplacées, et il y avait des périodes

  3   qui étaient prévues pour que ces personnes puissent récupérer leurs biens.

  4   Q.  Le débat qui a eu lieu autour de ce décret lors de la séance du 31 août

  5   1995 à huis clos, il y a eu des commentaires qui ont été formulés

  6   concernant la propriété des biens pris en charge et que cela ferait l'objet

  7   d'une loi à part permettant que soit raccourci le délai aux termes duquel

  8   un droit de propriété serait obtenu. Ici en disposant d'un délai de dix

  9   jours, on raccourcit de moitié la période normale de 20 ans qui court dans

 10   ce genre de situation ? On divise par deux dans la législation croate le

 11   délai applicable.

 12   R.  Dans cette Loi sur les zones d'intérêt spécial, on englobe également

 13   d'autres types de biens, et non pas uniquement ceux qui tombent sous le

 14   coup de la Loi sur la prise en charge et la gestion temporaire des biens.

 15   Cela ressort également du paragraphe 3 de l'article 9, qui dispose que si

 16   le propriétaire revient et si on lui restitue l'usage de son bien, donc si

 17   on lui restitue son bien, dans ce cas-là, le ministère a l'obligation de

 18   trouver un autre logement pour les personnes qui vivaient jusqu'alors dans

 19   cette maison ou dans cet appartement. Mais il est précisé que cette

 20   possibilité d'acquérir un droit de propriété ne concernait pas les biens

 21   tombant sous le coup de la Loi sur la prise en charge et la gestion

 22   temporaire de biens. Cela n'a été le cas que plus tard, lorsqu'en 2002 la

 23   loi en question a été amendée, lorsqu'il est devenu impossible d'attribuer

 24   ce type de droit de propriété ou droit d'usage aux personnes qui venaient

 25   s'installer dans la région.

 26   Q.  Madame Bagic, nous nous sommes déjà penchés sur les possibilités qui

 27   existaient à l'époque pour les Serbes de se voir restituer leurs biens,

 28   mais la loi telle qu'elle a été passée en 1996, la Loi sur les zones

Page 26624

  1   d'intérêt spécial, prévoyait bien des mécanismes pour les Croates,

  2   mécanismes leur permettant de se voir attribuer temporairement l'usage de

  3   maisons ou d'appartements appartenant à des Serbes, de se voir accorder la

  4   propriété au terme d'une période de dix ans de ces mêmes biens immobiliers

  5   tombant sous le coup de la Loi sur la prise en charge temporaire et la

  6   gestion temporaire de biens, délai de dix ans qui représente la moitié de

  7   la période qui court normalement en pareille situation ?

  8   R.  La loi permettait à des personnes, indépendamment de leur appartenance

  9   ethnique, et vous avez pu lire toutes les différentes catégories de

 10   citoyens que cela concernait --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, Madame Bagic. Mais pourquoi

 12   ne répondez-vous pas à la question ? Est-ce que la période qui court

 13   normalement dans ce genre de situation est bien de 20 ans, et trouvons-nous

 14   bien dans cette loi une réduction de cette période à dix ans ? C'est ça la

 15   question qui vous est posée.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

 17   il ne s'agissait pas ici d'acquérir un droit de propriété par ce moyen-là.

 18   Lorsque j'entre dans le bien d'autrui de bonne foi, je peux prouver mon

 19   droit de propriété devant un tribunal.

 20   Mais ici, dans cette loi sur les zones d'intérêt spécial, certains

 21   individus se sont vu attribuer un droit d'usage. Après dix ans, sur la base

 22   de ce droit d'usage, ils pouvaient acquérir un droit de propriété du bien

 23   correspondant. C'est tout ce que dit la disposition correspondante de cette

 24   loi sur les zones d'intérêt spécial.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais alors, du point de vue de cette

 26   réaffectation des biens et de l'attribution d'un droit de propriété à

 27   l'occupant, le délai qui courrait normalement était-il bien de 20 ans ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce délai était bien de 20 ans et n'était

Page 26625

  1   pas censé changer. Il était de 20 ans en application de la loi sur le droit

  2   de propriété.

  3   Mais avec votre permission, Monsieur le Président, je souhaiterais juste

  4   pouvoir ajouter une explication supplémentaire.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Je vais vous y autoriser, mais

  6   juste pour faire suite aux questions qui vous ont été posées, est-ce que

  7   vous pourriez simplement répondre aux questions qui vous sont posées et

  8   uniquement après nous proposer les commentaires que vous considérez

  9   suffisamment importants pour que la Chambre les entende.

 10   Veuillez continuer.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Je souhaiterais juste éclaircir un point. En raison des différentes

 13   interprétations qui pouvaient être faites de cette loi, on a procédé à des

 14   amendements en 2000 et en 2002 et on a introduit une disposition concernant

 15   les biens immobiliers pour lesquels un droit d'usage avait été attribué en

 16   application de la Loi sur les zones d'intérêt spécial et de la Loi sur la

 17   prise en charge et la gestion temporaire des biens. On a introduit une

 18   disposition précisant qu'il n'était pas possible d'acquérir un droit de

 19   propriété du seul fait de l'application de ces lois.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais vous demander un

 21   éclaircissement concernant une de vos réponses précédentes.

 22   Vous avez dit, je cite :

 23   "Après dix ans, sur la base de cette occupation, ils pouvaient acquérir un

 24   droit de propriété."

 25   C'est ce que vous avez répondu.

 26   Je lis dans l'article 8, je cite :

 27   "Cela deviendra la propriété de l'occupant," cela semble être une

 28   conséquence quasi automatique. Il ne semble pas que ce soit exactement la

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  1   même chose que ce que vous nous disiez, donc il ne s'agit pas d'une

  2   possibilité éventuelle de devenir propriétaire. Ici on a plutôt

  3   l'impression qu'on devient automatiquement propriétaire.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais ce que je souhaitais mettre en

  5   avant, c'est la chose suivante : lorsque j'ai dit que sur cette base, sur

  6   la base de cette occupation, cela était possible, il était possible de

  7   devenir propriétaire, je voulais simplement mettre en avant le fait que les

  8   personnes concernées devaient disposer d'une décision allant en ce sens

  9   émanant de l'organe compétent et prouvant qu'un droit d'usage du bien

 10   immobilier leur avait été attribué par cet organe compétent.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 12   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Madame Bagic, vous vous référez continuellement aux amendements de ces

 15   différentes lois. Je me pencherai sur la version de 2000, donc je voudrais

 16   que nous mettions un instant cela de côté pour nous concentrer sur la

 17   version de 1996. Je ne suis pas tout à fait sûre de ce qu'il en est, mais

 18   je souhaiterais obtenir de vous une réponse claire. Donc je vais vous

 19   demander une nouvelle fois la chose suivante : est-ce que les biens

 20   attribués aux personnes venues s'installer dans la région en application de

 21   cette loi et qui leur donnait un droit de propriété après une occupation de

 22   dix ans, est-ce que cette disposition incluait également des biens

 23   immobiliers pris en charge en application de la Loi sur la prise en charge

 24   et la gestion temporaire des biens ?

 25   R.  Selon mon interprétation de la loi applicable sur les droits de

 26   propriété, les biens tombant sous le coup de la Loi sur la prise en charge

 27   et la gestion temporaire de biens ne pouvaient pas devenir la propriété des

 28   personnes à qui l'usage en avait été attribué par cette loi-ci.

Page 26627

  1   Q.  Sur quelles dispositions particulières vous appuyez-vous pour parvenir

  2   à cette conclusion ?

  3   R.  Je tire cette conclusion, parce qu'il s'agit ici de biens qui étaient

  4   la propriété d'autres personnes. Lorsqu'on parle de la Loi sur la prise en

  5   charge et la gestion temporaire de biens, il s'agit avant tout de biens qui

  6   sont propriétés de personnes physiques. En application de cette loi, ces

  7   biens pouvaient être attribués pour usage temporaire à d'autres personnes,

  8   et c'est ce qui a été fait. Mais cette loi permet également d'attribuer

  9   temporairement l'usage de ces biens à des personnes venues s'installer dans

 10   ces régions tombant sous le coup de la Loi relative aux zones d'intérêt

 11   spécial.

 12   Je me fonde notamment sur le paragraphe 3 qui précise que si le

 13   propriétaire revient, son bien lui est restitué ou la propriété lui est

 14   restituée. Donc je m'appuie sur le droit de la propriété et sur le fait que

 15   l'on ne peut transférer la propriété du bien d'autrui qu'en tenant compte

 16   de la valeur que ce bien a sur le marché privé. Cela était conforme à la

 17   constitution.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bagic, la question qui vous a été

 19   posée semble être plutôt la suivante : le paragraphe 5 de l'article 8 parle

 20   d'acquérir un droit de propriété après une occupation de dix ans, alors la

 21   question semblait porter sur le fait qu'aucune distinction ne semble avoir

 22   été faite par rapport à l'origine de ce bien. Est-ce qu'il s'agissait d'un

 23   bien qui appartenait à une personne privée, à une entreprise ? Il est

 24   simplement dit : Une fois l'usage de ce bien attribué par le ministère,

 25   après dix ans d'usage de ce bien, le bénéficiaire de la décision acquiert

 26   un droit de propriété.

 27   Alors vous êtes en train de nous dire que si entre-temps le propriétaire

 28   avait fait une demande de restitution, il en allait autrement. Dans ce cas-

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  1   là, peut-être que l'on envisage différemment ce délai de dix ans. Mais dans

  2   quelle disposition de cette loi trouvez-vous le fait qu'une personne qui

  3   vient s'installer dans une telle région, le bénéficiaire d'une telle

  4   décision, qui a bénéficié d'un tel bien pendant dix ans ne deviendrait pas

  5   propriétaire dans le cas où il s'agit d'un bien qui a été placé sous

  6   tutelle de l'Etat en application de la Loi sur la prise en charge et la

  7   gestion temporaire des biens ?

  8   Pourriez-vous nous dire où dans ce texte de loi vous trouvez cela ? Parce

  9   que cela semble être la question de Mme Gustafson.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est impossible de trouver cela dans ce

 11   texte de loi, parce que cela n'y est pas formulé explicitement.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et ce que nous trouvons formulé

 13   explicitement, c'est autre chose, à savoir qu'après dix ans de droit

 14   d'usage d'un tel bien, son bénéficiaire en devient propriétaire. C'est cela

 15   qui est formulé tout à fait expressément.

 16   Alors sur quoi pouvez-vous vous appuyer ? Y a-t-il d'autres sources de

 17   droit ou une quelconque jurisprudence qui vous permettraient de vous

 18   inscrire en faux contre ce qui est ici formulé explicitement ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux aller dans ce sens. J'ai déjà

 20   commencé du reste à le faire.

 21   Tout d'abord, il y a la constitution de la République de Croatie;

 22   deuxièmement, la Loi sur la propriété; et la Loi sur la prise en charge et

 23   la gestion temporaire de biens, et la loi amendée sur les zones d'intérêt

 24   spécial.

 25   Pourquoi est-ce que je présente les choses dans cet ordre ? Parce que la

 26   Loi sur les zones d'intérêt spécial englobait un ensemble beaucoup plus

 27   large de biens par rapport à la portée qui était celle de la Loi sur la

 28   prise en charge et la gestion temporaire de biens. Cette Loi sur les zones

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  1   d'intérêt spécial englobait également des biens qui étaient la propriété de

  2   l'Etat, ou plutôt, qui avaient été sous le régime de la propriété sociale -

  3   -

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, Madame Bagic. Vous avez

  5   commencé à répéter une partie de votre réponse précédente en disant que

  6   cette loi concernait également d'autres types de biens. Mais ce que je me

  7   suis contenté de faire, c'est attirer votre attention sur une portion de ce

  8   texte de loi qui ne fait aucune distinction.

  9   Alors vous vous référez à la constitution. Est-ce que cela signifie que la

 10   formulation de portée générale de l'article 8 est en violation de la

 11   constitution parce qu'elle n'opère aucune restriction ni distinction ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Parce que cette loi englobait également

 13   d'autres types de biens qui n'étaient pas la propriété de personnes

 14   physiques.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissons de côté ce que vous avez dit

 16   précédemment. D'un certain point de vue, cela pourrait être conforme à la

 17   constitution. Mais je voudrais me concentrer sur les biens qui ont été

 18   attribués à des personnes venues s'installer dans ce type de région et qui

 19   était la propriété de personnes privées, qui était donc couvert, c'est

 20   bien, par la loi sur la prise en charge et la gestion temporaire des biens.

 21   Je voudrais me concentrer exclusivement sur ce type de biens. Lorsque nous

 22   lisons l'article 8, nous n'y trouvons aucune distinction permettant

 23   d'exclure ce type de biens de la disposition stipulant qu'un bien dont le

 24   bénéficiaire d'une décision d'attribution a eu l'usage pendant dix ans en

 25   devient le propriétaire.

 26   Alors, vous, vous dites maintenant que c'est la constitution qui

 27   vient s'inscrire en faux contre cette lecture de l'article 8. Mais est-ce

 28   que vous voulez dire que pour ce qui est de ce type de biens particuliers,

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  1   le fait que l'article 8 n'opère aucune distinction constituerait une

  2   violation de la constitution ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il n'est pas exclu

  4   qu'on puisse envisager les choses de ce point de vue, mais notre point de

  5   vue concernant cette disposition serait le suivant, parce qu'en fait, la

  6   cour constitutionnelle n'a pas remis en cause cet article et ne l'a pas

  7   annulé.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas comment

 10   procéder, parce que je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur un

 11   point de droit et je ne sais pas s'il convient de le faire en présence du

 12   témoin.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il serait peut-être

 14   préférable de le faire sans que le témoin soit présent dans le prétoire.

 15   Nous sommes proches d'une pause de toute manière.

 16   Donc c'est votre réponse, Madame Bagic, vous vous êtes référée à la

 17   constitution pour ce qui était de la façon dont il convient de lire le

 18   texte que nous avons sous les yeux. Je vous ai demandé s'il y avait la

 19   moindre jurisprudence ou autres sources qui permettraient peut-être une

 20   décision de la cour constitutionnelle et vous avez répondu qu'il n'y avait

 21   pas une telle décision de la cour constitutionnelle.

 22   Une autre raison pour laquelle je ne souhaite pas lire, donner

 23   lecture de l'article 8, comme je l'ai déjà fait, la Loi sur la propriété et

 24   les autres droits substantiels, vous avez dit que c'était une autre raison

 25   pour laquelle il n'était pas possible de faire cette lecture de l'article

 26   8, à savoir que cet article conférerait un droit de propriété aux personnes

 27   venues s'installer et ayant bénéficié de l'usage de biens pendant au moins

 28   dix ans, biens qui avaient été la propriété de personnes physiques.

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  1   Pourriez-vous nous préciser quelle partie de cette Loi sur le droit de

  2   propriété et autres droits substantiels serait pertinente, pour ce qui est

  3   d'interpréter le paragraphe 5 de l'article 8 ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je me réfère aux dispositions générales

  5   de la Loi sur le droit de propriété qui précise qu'il existe une

  6   possibilité de saisir un bien à condition de le faire contre indemnité

  7   conforme à la valeur marchande de ce bien au prix du marché.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous dites que c'est une

  9   disposition qui revient quasiment à proscrire ce qui figure ici.

 10   Nous avons examiné cette Loi sur la prise en charge et la gestion

 11   temporaire de biens.

 12   Merci pour vos réponses, Madame Bagic.

 13   Madame Gustafson, je vous ai interrompue. Mais nous nous rapprochons de la

 14   pause suivante et Me Misetic souhaitait attirer notre attention sur un

 15   passage particulier de cette loi. Est-ce que vous souhaitez néanmoins

 16   trouver un meilleur moment pour une pause ou pouvons-nous faire la pause

 17   maintenant ?

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Nous pouvons faire la pause maintenant,

 19   nous pouvons parfaitement le faire, Monsieur le Président. Si toutefois je

 20   peux obtenir une cote pour ce document.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objections.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs et Madame les Juges, le

 25   document reçoit la cote P2698.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 27   Madame Bagic, la pause commence dès maintenant pour vous. Nous vous

 28   attendons dans environ une vingtaine de minutes à partir de maintenant.

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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, il s'agit d'éléments

  3   nouveaux, donc nous ne les connaissons peut-être pas.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Moi-même, je ne les connais peut-être pas

  5   très bien non plus, Monsieur le Président.

  6   Donc c'est l'article 10 de la loi en question --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'article 10, soit, laissez-moi voir.

  8   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais noter dès le début que

  9   l'original de cet article 10 diffère de sa traduction dans la numérotation

 10   qui est utilisée.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai l'article 10 sous les yeux, c'est

 12   celui qui commence par le bien attribué à la personne et cetera, n'est-ce

 13   pas ?

 14   M. MISETIC : [interprétation] En effet.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Ensuite, vous remarquerez qu'en anglais, il y

 17   a trois -- ou plutôt quatre sous-paragraphes.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vérifier.

 19   Oui, il y a une numérotation un peu inattendue dans la version anglaise,

 20   l'article 10 commence avec une partie entre parenthèses; ensuite, nous

 21   avons 1, 2 et 3; et sur la page suivante, dans le prétoire électronique,

 22   page 10 sur 23 pages et nous avons un chiffre 3 qui est, lui aussi, entre

 23   crochets ou parenthèses.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Et il me semble que dans l'original,

 25   cela est différent --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vérifier. Pouvons-nous avoir

 27   affiché à l'écran l'article 10, s'il vous plaît.

 28   M. MISETIC : [interprétation] C'est une page avant dans l'original et en

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  1   anglais.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Apparemment, dans l'original,

  3   l'article 10 commence avec un chiffre 1 entre parenthèses; ensuite, deux

  4   paragraphes numérotés 1 et 2; ensuite, un chiffre 2 entre parenthèses;

  5   ensuite, on a un chiffre 3 entre parenthèses qui entame un dernier

  6   paragraphe.

  7   M. MISETIC : [interprétation] En effet.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, la numérotation qu'on

  9   voit apparaître dans la traduction est pour le moins inattendu et prête à

 10   confusion; et je présume que vous ne souhaitiez pas nous parler uniquement

 11   de la numérotation, mais également de la teneur.

 12   M. MISETIC : [interprétation] En effet.

 13   Si vous vous reportez à l'article 10, vous voyez que s'y trouvent décrits

 14   quels types de biens immobiliers pourront être attribués, pour qu'ils en

 15   aient l'usage, à des personnes venues s'installer sur place, comme il est

 16   indiqué précédemment dans le paragraphe 3 de l'article 8. Ensuite, dans le

 17   paragraphe numéroté dans l'original par le chiffre (2), ce qui correspond

 18   dans la traduction anglaise au numéro 3, on parle de demeures familiales,

 19   de maisons --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

 21   M. MISETIC : [interprétation] -- ensuite, ça continue en application de la

 22   Loi sur la prise en charge temporaire. Si on passe au dernier paragraphe de

 23   l'article --

 24   Si nous pouvons tourner la page aussi bien en croate qu'en anglais.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois de quoi il s'agit. Si le

 26   bien est attribué pour son usage, à une personne venue d'installer sur

 27   place, et si pendant la durée de cette utilisation allouée le bien est

 28   restitué en propriété à son propriétaire, dans ce cas, le ministère aura

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  1   l'obligation de proposer un logement adéquat au bénéficiaire de la décision

  2   d'attribution.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Tout à fait. Mais il y avait un autre point

  4   que je souhaitais mettre en avant. Il y a une erreur de numérotation dans

  5   la version anglaise par rapport à l'original, parce que dans l'original ce

  6   paragraphe se réfère à des biens correspondant à la Loi sur la prise en

  7   charge temporaire tombant sous le coup de cette loi et dans l'autre

  8   paragraphe, je pense que la question de savoir si l'utilisation -- cela est

  9   à comprendre uniquement dans le cadre d'une période allant jusqu'à dix ans

 10   ou bien cela pourrait -- ou signifiait d'autres choses; cette question

 11   n'est pas claire. Donc je ne sais pas à quel moment le témoin se référait,

 12   à quelle disposition précise de la loi. On a envisagé le cas de la

 13   restitution de ces biens à leurs propriétaires, mais il s'agit peut-être

 14   d'un point que le témoin pourrait commenter.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et tout le problème avec la Loi sur

 16   la prise en charge temporaire et la demande en restitution, ainsi que

 17   l'attribution de l'usage d'un bien semble reposer sur le fait que le droit

 18   de propriété, continue à exister et à être celui du propriétaire d'origine.

 19   Alors je pense que cela revient en premier lieu au témoin d'apporter une

 20   explication et que votre explication potentielle, au moins, à mon avis,

 21   soulève plus de questions qu'elle apporte de réponses.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais juste expliquer ma position,

 23   Monsieur le Président.

 24   Le témoin n'avait pas sous les yeux la loi pertinente au moment où on lui

 25   demandait de s'expliquer et de dire où exactement, dans les textes de loi,

 26   elle trouvait des dispositions sur lesquelles elle pouvait s'appuyer pour

 27   expliquer que le retour et la restitution des biens en propriété avaient

 28   bien été envisagés dans la loi. Donc ça, c'est le premier point.

Page 26636

  1   Le second point est que dans ce contexte, le point que vous soulevez ne

  2   revient pas à une confiscation d'un bien si, premièrement, la personne en a

  3   conservé légalement le droit de propriété; et deuxièmement une indemnité

  4   adéquate est prévue et respectée.

  5   Donc du point de vue de ce qui a été présenté au témoin, si quelqu'un

  6   devient propriétaire à l'expiration d'un délai de dix ans, de mon point de

  7   vue, il ne s'agit pas d'une acquisition de titre de propriété sans

  8   compensation, si le propriétaire original a reperçu une indemnité, une

  9   compensation. Il ne s'agit pas de confiscation ni de saisie d'un bien. Mais

 10   je tiens compte évidemment de la remarque que vous avez faite, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est votre position.

 13   Madame Gustafson, puisqu'il y a eu quelques arguments d'échangés, je

 14   voulais savoir si vous aviez quoi que ce soit à ajouter.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président, mais

 16   nous demanderons que cette traduction fasse l'objet d'une révision afin de

 17   revoir cette numérotation.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Au moins pour éviter ce type

 19   de confusion.

 20   Nous allons maintenant faire une pause et nous reprendrons à

 21   12 heures 55.

 22   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

 23   [Le témoin vient à la barre]

 24   --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma première question, Madame Gustafson,

 26   est de savoir si vous êtes prête pour poursuivre votre interrogatoire; et

 27   la deuxième est de combien de temps pensez-vous avoir encore besoin ?

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'espère finir durant cette partie

Page 26637

  1   d'audience, mais je ne suis pas sûre.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Bagic, je vous demanderais

  3   d'essayer de vous concentrer sur les questions qui vous sont posées autant

  4   que possible.

  5   Allez-y, Madame Gustafson.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on afficher le document 689 de la

  7   liste 65 ter, s'il vous plaît.

  8   Q.  Madame Bagic, le document qui va être affiché à l'écran est le texte

  9   d'amendements de l'année 2000 portant sur la Loi relative aux zones

 10   d'intérêt spécial pour l'Etat, et vous avez fait référence à cette loi à

 11   plusieurs reprises.

 12   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il paraît que nous avons quelques

 14   problèmes techniques qui devront être réglés très vite.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 16   Q.  Madame Bagic, vous voyez c'est une décision portant sur l'entrée en

 17   vigueur de ces amendements après la mort du président Tudjman et l'arrivée

 18   de M. Mesic au poste de président.

 19   En bas de la page en anglais, on voit l'article 1 de cet amendement. Il est

 20   indiqué que l'article 2 de la loi de 1996 est modifié et que la formulation

 21   "les personnes déplacées et les réfugiés" est remplacée par "la population

 22   ayant habité ces zones avant la guerre de patrie."

 23   Parmi les questions d'intérêt pour l'Etat en 1996, on parlait d'un retour

 24   plus rapide des personnes déplacées et des réfugiés, alors que dans cet

 25   amendement de 2000, on dit que l'objectif en est un retour plus rapide des

 26   populations ayant habité ces zones avant la guerre de patrie.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite, on passe à la page 5 de la

 28   version anglaise, page 3 de la version en B/C/S --

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  1   Q.  -- par lequel on annule les articles 6 et 7 de la loi de 1976 [comme

  2   interprété], et vous vous souviendrez peut-être que l'article 7 de cette

  3   loi définissait les catégories de populations concernées par les mesures

  4   annoncées pour stimuler le séjour et l'installation de ces personnes, parmi

  5   lesquelles les émigrés croates et les Croates de nationalité serbe ou

  6   bosniaque.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] L'article 6 de cette loi est un amendement

  8   concernant l'article 8 de la loi précédente, 8(1).

  9   Q.  Où il était indiqué que le ministre chargé du développement et de la

 10   reconstruction devait appeler à ce qu'on s'installe dans ces zones

 11   d'intérêt spécial, alors que dans la nouvelle version, la Croatie, selon

 12   cet amendement, la Croatie devait promouvoir et le séjour des populations

 13   ayant habité les zones d'intérêt spécial pour l'Etat avant la guerre de

 14   patrie ainsi que l'installation des citoyens croates qui peuvent contribuer

 15   au développement économique et social de ces zones.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite, la page suivante, page 4 en

 17   B/C/S, article 7.

 18   Q.  Qui est un amendement de l'article 10 de la loi de 1996, où on parlait

 19   des dispositions définissant les catégories des biens qui pouvaient être

 20   donnés aux occupants. Alors vous pouvez voir ici qu'on ne parle plus de

 21   maisons dans cet article.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite, page 8, article 13.

 23   Q.  La disposition par laquelle on demande au ministère d'annuler toute

 24   décision portant sur l'usage des biens conformément à cette loi "en ce qui

 25   concerne les biens particuliers appartenant à des personnes physiques."

 26   Est-ce que cela se rapporte aux biens ayant fait l'objet des mesures sur la

 27   prise en charge et gestion temporaire ?

 28   R.  Oui. Mais également conformément à la Loi sur les zones d'intérêt

Page 26639

  1   spécial.

  2   Q.  Bien. Page suivante, article 14, où il est indiqué que les biens pour

  3   lesquels le droit d'usage a été attribué à des personnes physiques

  4   conformément à cette loi "devront être restitués aux propriétaires dans un

  5   délai de six mois à partir de la date où une demande de restitution a été

  6   déposée par le propriétaire."

  7    Ensuite, on voit ici la description de procédures concernant ceci.

  8   Puis à la page suivante en anglais, article 16, où il est indiqué que

  9   - c'est en haut de la page :

 10   "Le droit d'acquérir la propriété qui appartient à quelqu'un d'autre

 11   par le biais du droit d'occupation ne pourra pas être obtenu  par usucapion

 12   pour ce qui concerne les biens dont le droit d'usage a été accordé

 13   conformément à la Loi sur la prise en charge et gestion temporaire."

 14   Donc dans cet amendement de 2000, c'est la première fois qu'on voit que la

 15   Loi relative aux zones d'intérêt spécial prévoit des mécanismes de

 16   restitution des biens dont l'usage a été accordé à des tiers conformément à

 17   la Loi sur la prise en charge et gestion temporaire. Je parle maintenant

 18   des amendements concernant la Loi sur les zones d'intérêt spéciales.

 19   R.  Vous faites référence aux amendements sur la Loi relative aux zones

 20   d'intérêt spécial. Si je ne m'abuse, il y a plusieurs amendements, et ces

 21   amendements ici portent sur la restitution du droit d'usage au propriétaire

 22   de ces biens, biens qui avaient été donnés à des tiers conformément à la

 23   Loi sur la prise en charge et gestion temporaire.

 24   Q.  Bien. Quand je vous ai posé tout à l'heure la question au sujet des

 25   occupants qui avaient obtenu le droit de propriété au bout de dix ans

 26   d'occupation d'un bien conformément à la Loi de la prise en charge et de

 27   gestion temporaire, conformément à la loi de 1996, cet amendement de l'an

 28   2000 a modifié la situation en indiquant qu'il ne serait plus possible à

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  1   ces occupants d'obtenir le droit de propriété par l'usucapion de ces biens,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, effectivement, on exclut ici la possibilité d'acquérir le droit de

  4   la propriété par usucapion.

  5   Mais ce que j'ai dit tout à l'heure portait sur les personnes qui

  6   occupaient un bien sans bénéficier d'un titre ou d'un document officiel lui

  7   attribuant le droit d'utiliser ce bien. Et ce qui est indiqué ici est tout

  8   simplement fondé sur les dispositions fondamentales de la Loi sur la

  9   propriété. Comme cela n'a pas été dit de manière explicite auparavant alors

 10   on le fait maintenant par l'article 16.

 11   Q.  Et les amendements portés à cette loi en particulier, le fait qu'on a

 12   extrait les dispositions de la Loi sur la prise en charge et gestion

 13   temporaire de cette loi et qu'on a introduit le concept d'un retour plus

 14   rapide des populations ayant habité le zones avant la guerre, on démontre

 15   qu'il y a eu un changement de politique de la part des autorités croates,

 16   parce qu'auparavant les autorités se concentraient sur l'installation des

 17   Croates dans les zones touchées par les opérations Tempête et Eclair, alors

 18   qu'ici, avec ces amendements, on voit que l'objectif devient le retour des

 19   Serbes ayant habité ces zones auparavant, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui. Mais j'aimerais rajouter quelque chose, si vous le permettez.

 21   L'un des objectifs de cette Loi sur les zones d'intérêt spécial de

 22   1996 était, entre autres choses, le peuplement par les Croates. Il est vrai

 23   que cette disposition n'existe plus dans l'amendement de l'an 2000.

 24   Néanmoins, simultanément avec la Loi sur les zones d'intérêt spécial, et

 25   concernant les biens régis par la Loi de la prise en charge et gestion

 26   temporaire, il y avait aussi un programme de retour des expulsés, réfugiés

 27   et personnes déplacées qui portait sur la procédure de la restitution des

 28   biens couverts par cette Loi sur la prise en charge et gestion temporaire.

Page 26641

  1   Et comme vous le savez, ce programme a été adopté en 1998.

  2   Q.  Justement, nous allons nous pencher sur ce programme dans un petit

  3   moment.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  5   dossier de la pièce de la liste 65 ter 689.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objections.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce se voit attribuer la cote P2699.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2699 est versée au dossier.

 10   Poursuivez, Madame.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 12   Q.  Madame Bagic, on vous a montré le programme qui prévoyait le retour

 13   hier. Nous pouvons l'afficher à nouveau si vous le souhaitez.

 14   Ce programme, qui fait l'objet de la pièce D428, pour ce programme,

 15   une commission a été mise en place, commission qui prévoyait la mise en

 16   œuvre de ce programme de retour. Il est indiqué que le ministre adjoint de

 17   la Justice était membre de la commission. Or, il se trouve que le ministre

 18   adjoint, c'était vous à l'époque. Est-ce que vous faisiez partie de cette

 19   commission ?

 20   R.  Oui, j'étais effectivement le ministre adjoint de la Justice, et du

 21   fait de mes fonctions, j'étais justement membre de cette commission.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander

 23   l'affichage de la pièce D420, je vous prie.

 24   Q.  Le document qui va être affiché est un rapport de l'année 2000, rapport

 25   qui porte sur la mise en œuvre de ce programme par la commission chargée de

 26   superviser ce programme, et ce, en l'an 2000.

 27   En tant membre de la commission, est-ce que vous vous souvenez avoir rédigé

 28   ou participé à la rédaction de ce rapport en 2000 ?

Page 26642

  1   R.  Je ne souviens pas que j'aie participé directement à ce travail-ci,

  2   parce qu'il faut savoir que pour ce qui était des réfugiés et des personnes

  3   expulsées, cela incombait surtout - et je pense à leur retour, en fait,

  4   leur recours était véritablement du ressort du ministère du Développement

  5   et de la Reconstruction et de l'administration chargée du sort des

  6   personnes expulsées ainsi que des réfugiés. Mais il est fort probable que

  7   ce rapport m'ait été fourni pour que je fournisse mon point de vue, des

  8   suggestions et peut-être même des objections d'ailleurs.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez avoir la page 20

 10   de la version B/C/S, page 18 de la version anglaise.

 11   Q.  Voyez le haut de la page. Vous avez un titre :

 12   "Restitution des biens, commissions du logement."

 13   Voilà ce qui est écrit :

 14   "Le problème principal posé par la mise en œuvre du programme de

 15   retour est la restitution des biens fonciers, et cela concerne le travail

 16   des commissions de logement chargées de résoudre la restitution de biens

 17   fonciers ou des propriétés dont les propriétaires sont quasiment

 18   essentiellement des réfugiés qui se trouvent à l'heure actuelle en RFY et

 19   en Bosnie-Herzégovine, ce qui d'ailleurs est une conséquence de la mise en

 20   œuvre de la Loi relative à la mise en séquestre temporaire des biens

 21   fonciers privés en République de Croatie."

 22   Est-ce que vous vous souvenez de cette conclusion tirée par la commission

 23   en l'an 2000, à savoir deux ans après l'abrogation de la Loi relative à

 24   l'appropriation temporaire. Donc cette loi était le problème principal qui

 25   était posé lors de la mise en œuvre du programme des retours ?

 26   R.  Je ne me souviens pas des faits qui sous-tendent cette conclusion. Je

 27   ne m'en souviens pas maintenant, mais le fait est qu'il y a eu des

 28   problèmes de restitution de propriétés. Il s'agissait d'un problème

Page 26643

  1   complexe. C'est pour cela qu'ils ont essayé de trouver une solution

  2   législative. Les législations, d'ailleurs, avaient été modifiées au fil du

  3   temps, et je dois dire que cette question a continué à garder son

  4   importance même après l'an 2000 d'ailleurs. L'une des raisons qui

  5   expliquent cela, c'est qu'il fallait également changer la Loi relative aux

  6   zones d'intérêt spécial en 2002. En fait, le travail des commissions de

  7   logement était particulièrement primordial, parce que les commissions du

  8   logement, en dépit des objectifs de départ, auraient dû être les principaux

  9   protagonistes qui auraient dû mettre en œuvre tout ce programme. Ils

 10   auraient dû dresser des listes de propriété, et cetera. Et pour toute une

 11   kyrielle de raisons, très souvent ils n'étaient pas à même de mettre en

 12   œuvre ce que l'on attendait d'eux.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

 14   prendre la page 28 de la version anglaise et 25 de la version B/C/S.

 15   Q.  Vous verrez qu'au milieu de la page anglaise il y a un titre qui est :

 16   Amendements à la Loi relative aux zones d'intérêt spécial. Cela se trouve

 17   également au milieu de la page en version B/C/S.

 18   La deuxième partie de ce paragraphe d'introduction est comme suit :

 19   "Les amendements à cette loi sont en train d'être préparés. Ils

 20   visent essentiellement l'élimination de dispositions discriminatoires de la

 21   loi où il est fait référence à l'attribution des biens aux personnes qui

 22   s'y installent, essentiellement les maisons, conformément à la Loi relative

 23   à l'appropriation temporaire et la gestion des biens précisés, qui a été

 24   invalidée."

 25   En tant que ministre adjoint de la Justice, j'aimerais savoir si vous avez

 26   participé au travail de la commission pour ce qui était de l'élimination

 27   des dispositions discriminatoires de la Loi relative aux zones d'intérêt

 28   spécial ?

Page 26644

  1   R.  Je m'excuse, mais quelle est la date de ce rapport ? L'année 2000,

  2   certes, mais est-ce que vous pourriez me montrer la première page pour que

  3   je voie la date exacte.

  4   Q.  Je pense que l'année 2000 est mentionnée, mais je ne pense pas qu'il y

  5   ait de date plus précise. Je vais vérifier.

  6   R.  Bien.

  7   Q.  En tout cas, je n'ai pas l'impression qu'il y ait de date précisée.

  8   R.  Je vous posais la question, parce qu'en tant que ministre adjoint de la

  9   Justice, je vous dirais que mes fonctions ont pris fin en janvier 2000.

 10   Donc jusqu'à ce mois-là, j'ai participé aux travaux de la commission en

 11   tant que ministre adjoint de la Justice, et comme je vous l'ai déjà dit,

 12   j'ai participé aux discussions qui étaient du ressort du travail du

 13   ministère de la Justice.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que la page de garde nous

 15   donne la date du mois d'avril 2000.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je m'excuse. Excusez-moi, Monsieur le

 17   Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Auquel cas, je ne pense pas que cela ait

 19   un grand impact pour le témoin, puisqu'elle vient de nous dire que ses

 20   fonctions s'étaient terminées en janvier 2000.

 21   Le rapport, lui, date du mois d'avril 2000.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à ce moment-là, je n'étais plus ministre

 23   adjoint de la Justice, ce qui fait que je n'ai pas participé aux travaux de

 24   cette commission. Je n'ai pas non plus participé à la rédaction de ce

 25   rapport. Je l'ai peut-être fait dans le cadre des rapports précédents,

 26   parce qu'à l'époque je dirigeais le bureau chargé de la législation pour le

 27   gouvernement de la République de Croatie, et par la suite, j'ai participé

 28   aux travaux d'un groupe mixte du gouvernement de la République de Croatie.

Page 26645

  1   Dans ce groupe, il y avait des représentants du gouvernement, notamment des

  2   représentants de différents ministères, il y avait des représentants de la

  3   communauté internationale, tels que le HCR des Nations Unies, le OSCE, la

  4   Commission européenne.

  5   Nous avons justement travaillé pour rédiger les amendements à

  6   apporter à la Loi relative aux zones d'intérêt spécial, amendements qui

  7   sont entrés en vigueur en 2002. Le but était de terminer la procédure de

  8   restitution des propriétés, qui avait été menée à bien conformément à la

  9   Loi relative à l'appropriation temporaire et la gestion des propriétés.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Mikulicic.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Pour que le compte rendu d'audience soit un

 12   peu plus clair. Ligne 8, page 74, le témoin était en train de dire qu'elle

 13   n'était plus le ministre adjoint, ce qui fait que -- ensuite, voyez qu'il y

 14   a un mot dans la version anglaise qui manque, une négation avant le verbe.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas, vous pourrez peut-être

 16   vérifier.

 17   Alors vous avez fait référence au fait qu'il était fort probable que

 18   précédemment vous ayez participé à la rédaction de rapports, et ensuite

 19   qu'avez-vous dit ? Est-ce que vous avez dit que vous "aviez" ou que vous

 20   "n'aviez pas" participé aux travaux du groupe de travail mixte qui était

 21   composé des représentants du gouvernement ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai participé à ce travail. D'ailleurs,

 23   j'étais coprésidente de ce groupe qui a été établi par le gouvernement de

 24   la République de Croatie.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors là, je pense qu'il y a un malentendu

 26   qui règne. Je vais vous donner lecture de la ligne 7 de la page 74.

 27   Voilà ce que le témoin a dit :

 28   "Oui, à l'époque, je n'étais plus ministre adjointe de la Justice, ce qui

Page 26646

  1   fait, par conséquent, j'ai participé aux travaux de cette commission."

  2   Elle n'était plus ministre adjointe.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais elle a toutefois participé aux

  4   travaux du groupe en question. Bien.

  5   Poursuivez, Madame Gustafson.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Et hier des questions vous ont été posées. Il vous a notamment été

  8   demandé quelles étaient les raisons qui expliquaient l'abolition de la Loi

  9   relative à l'appropriation temporaire en 1998, ainsi que la mise au point

 10   des mécanismes visant la réappropriation dans le cadre du programme de

 11   retour en 1998, et vous avez expliqué votre participation à cet égard.

 12   La Chambre a entendu des éléments de preuve indiquant que l'élimination ou

 13   les amendements qui ont été apportés à ces lois visaient des propriétés de

 14   Serbes, de Serbes de Croatie et visaient également leur retour, et que

 15   toutes ces modifications avaient été apportées sous la pression assez

 16   importante des membres de la communauté internationale. Est-ce que cela

 17   correspond à ce dont vous vous souvenez, ou qu'avez-vous à nous dire à ce

 18   sujet ?

 19   R.  Oui, je peux vous en parler, parce que comme je l'ai dit, j'ai

 20   participé directement à cela. A partir de l'échelon où j'intervenais dans

 21   les amendements apportés à cette loi, je ne peux pas vraiment parler de

 22   pression exercée par la communauté internationale. Il s'agissait d'un

 23   groupe de travail conjoint au sein duquel, en amont déjà des réunions, les

 24   responsables de la communauté internationale et du ministère se

 25   rencontraient aux fins de permettre un échange d'informations autour de

 26   l'application des dispositions réglementaires, parce que c'est avec de

 27   grandes difficultés que nous avons réussi à acquérir de l'expérience en la

 28   matière et c'est après plusieurs amendements que nous avons réussi

Page 26647

  1   finalement à mettre un terme à ce processus de restitution des biens. Donc

  2   la situation était telle que nous procédions à des échanges d'information,

  3   c'était le but recherché, et il y avait des débats assez poussés, des

  4   débats sur des questions tout à fait pratiques, des débats d'experts. Mais

  5   je ne parlerais pas pour autant de pression.

  6   Nous avons donc discuté des modalités pratiques de mise en œuvre. Il

  7   me semble qu'à un moment donné, en 2001, je crois, il s'est présenté une

  8   situation dans laquelle nous étions confrontés à environ 4 000 maisons

  9   vides d'où les personnes qui les avaient occupées temporairement avaient

 10   été écartées. Cependant, les propriétaires légitimes étaient injoignables

 11   dans le cadre de l'accord que nous avions essayé d'obtenir par l'entremise

 12   du HCR et du forum démocratique serbe. Les propriétaires, aux termes de cet

 13   accord, étaient censés se trouver en République fédérative de Yougoslavie.

 14   Q.  Dans votre réponse, vous avez indiqué ne pas pouvoir véritablement

 15   qualifier cela de pression de la part de la communauté internationale. Et

 16   plus tard, vous avez dit, je cite :

 17   "Je ne décrirais pas cela comme étant des pressions."

 18   Est-ce que vous étiez impliquée à l'échelon politique et en interaction

 19   avec des représentants de la communauté internationale autour de cette

 20   question du retour pour pouvoir ainsi parler de la mesure dans laquelle des

 21   représentants de la communauté internationale ont ou n'ont pas exercé de

 22   pression ?

 23   R.  Non, je n'ai pas participé à cela ainsi, et notamment lorsque j'étais

 24   membre du bureau des affaires législatives, je n'intervenais pas à

 25   l'échelon politique. J'étais, en revanche, en contact régulier avec des

 26   experts et des représentants de la communauté internationale appartenant à

 27   différentes organisations que j'ai déjà évoquées concernant la levée des

 28   obstacles se dressant sur le chemin du retour des réfugiés et des autres

Page 26648

  1   personnes concernées.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le

  3   document portant le numéro 7520 sur la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  4   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Voilà. Maintenant, cela devrait s'afficher

  6   correctement. Excusez-moi.

  7   Q.  Madame Bagic, le document qui va maintenant s'afficher à l'écran est un

  8   rapport datant de décembre 2002. C'est un rapport du groupe de Crise

  9   international, de l'ICG, et qui remonte à l'époque où vous étiez à la tête

 10   du bureau des affaires législatives du gouvernement.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrions-nous passer maintenant à la page

 12   3 de la version anglaise et à la page 2 de cette traduction partielle que

 13   nous avons en B/C/S.

 14   Pourrions-nous passer au bas de la page en anglais. C'est dans le coin

 15   inférieur gauche et c'est la page suivante en B/C/S dont il s'agit.

 16   Q.  La phrase qui m'intéresse commence au bas de la page en anglais et près

 17   du haut de la page en B/C/S, je cite :

 18   "En 1998, le programme de retour du gouvernement a échoué à mettre en place

 19   les conditions adéquates pour mettre un terme aux lois et aux pratiques

 20   discriminatoires mises en place pendant et après la guerre. Ces dernières

 21   se sont donc poursuivies afin d'empêcher les intéressés de bénéficier de

 22   leurs droits dans des domaines-clés."

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Madame, Messieurs les Juges.

 24   Est-ce que nous pourrions nous voir préciser le fondement sur la base

 25   duquel on se réfère ici au groupe de Crise international ? Je ne sais pas

 26   si le témoin est familier de cela, mais je voudrais obtenir des précisions.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous en tenir compte, Madame

 28   Gustafson, dans vos questions ?

Page 26649

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne vais pas

  2   interroger le témoin sur le contenu de ce qui figure dans ce rapport, ce

  3   n'est pas spécifique à cet organe.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Je parlais de l'auteur du document.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez présenter au témoin un

  6   document dans lequel certaines positions sont exprimées, vous devriez

  7   évidemment préciser qui en est l'auteur. Autrement, s'il s'agissait, par

  8   exemple, de personnes qui seraient connues du témoin et qui auraient

  9   appartenu à ce groupe, des personnes de sa connaissance, cela peut-être

 10   intéressant d'obtenir des précisions.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je n'ai

 12   pas d'autres questions pour ce témoin, suite aux remarques qui ont été

 13   formulées concernant ce document.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Gustafson.

 15   Maître Mikulicic, je surveille l'heure. Je n'ai pas encore consulté mes

 16   collègues. Est-ce que vous avez des questions supplémentaires, et combien

 17   de temps demandez-vous pour cela ?

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai que quelques

 19   questions, et je pense d'être capable d'en finir en dix minutes, tout au

 20   plus.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais dans cas-là, il faut que

 22   je vérifie ce qu'il en est du planning de cet après-midi.

 23   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec l'accord bienveillant de notre

 26   sténotypiste, de notre personnel technique, et des interprètes, nous vous

 27   accordons ces dix minutes, Maître Mikulicic.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais essayer de faire même plus court,

Page 26650

  1   Monsieur le Président.

  2   Nouvel interrogatoire par M. Mikulicic : 

  3   Q.  [interprétation] Madame Bagic, quelques questions, dans une tentative

  4   de ne pas vous retenir plus qu'il n'est nécessaire.

  5   A un moment, le Président vous a demandé de fournir une explication, une

  6   interprétation de ce fait qui est le suivant : pourquoi cet accord de

  7   normalisation n'a été passé qu'avec la République fédérative de

  8   Yougoslavie, accord au terme duquel différentes dispositions relatives aux

  9   biens et aux biens immobiliers, notamment, ont été prises ?

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais qu'on affiche le document D1761

 11   à l'écran, s'il vous plaît.

 12   Q.  Il s'agit d'une disposition législative de l'ex-République serbe de

 13   Krajina en vertu de laquelle il est établi que tous les citoyens de la

 14   République serbe de la Krajina sont inscrits au registre des citoyens de la

 15   République fédérative de Yougoslavie, à l'état civil.

 16   Dans une telle situation juridique, indépendamment de la question de savoir

 17   où se trouvent ces citoyens de la République serbe de Krajina, que ce soit

 18   en Italie ou en Bosnie-Herzégovine, comme l'a suggéré le Président, est-ce

 19   que selon la compréhension juridique qui est la vôtre, il est pertinent de

 20   conclure à un accord plutôt avec l'état d'origine qui est la RFY plutôt

 21   qu'avec les différents états, où les citoyens de ce premier état d'origine

 22   peuvent se trouver à un moment ou à un autre ?

 23   R.  Oui, cela semble être logique.

 24   Q.  Ma consoeur, Mme le Procureur, vous a présenté le document D428, il

 25   s'agit du programme de retour et de prise en charge des réfugiés et des

 26   personnes expulsées, daté de l'année 1998. Pour gagner du temps, je

 27   souhaite me référer uniquement à cette disposition particulière de ce

 28   document qui, en page 1, au point numéro 4, dit, je cite :

Page 26651

  1   "Le gouvernement confirme une nouvelle fois l'obligation qu'elle reprend à

  2   sa charge d'appliquer la constitution et les droits y afférent en vue de

  3   permettre la réappropriation par les propriétaires en bonne et due forme

  4   des biens."

  5   Conformément à la compréhension qui est la vôtre, ce point de vue qui est

  6   exprimé dans un document tout à fait officiel par le parlement croate en

  7   1998, peut-il être considéré comme réglant la question de la propriété, y

  8   compris pour les biens qui avaient été mis sous séquestre d'état en

  9   application de la loi portant prise en charge et gestion temporaire de

 10   biens ?

 11   R.  Oui, c'est bien le cas parce que ce programme, tout à fait

 12   explicitement, portait aussi, dans ses points numéro 9 et 14, je crois, sur

 13   les biens qui tombaient sous le coup de la Loi de prise en charge et de

 14   gestion temporaire.

 15   Q.  Ce sera ma dernière question : d'un point de vue de principe, lorsqu'on

 16   se penche sur une situation juridique particulière et, notamment lorsqu'on

 17   a affaire à un état qui est en train d'élaborer son système juridique avec

 18   un système juridique en gestation, est-ce qu'il est possible, en se fondant

 19   uniquement sur un seul texte de loi, de parvenir à une vue juste de la

 20   situation prévalant à un moment donné, du point de vue juridique ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il me semble que cette question est

 23   excessivement floue et qu'il n'y a pas le moindre fondement à cela.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais retirer dans ce cas-là ma question,

 26   Monsieur le Président, et je n'en aurai pas d'autre.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez précédemment soulevé, Maître

 28   Mikulicic [comme interprété], une question qui ne semble plus être urgente,

Page 26652

  1   il s'agissait des différents amendements qui ont été abordés avec le

  2   témoin. Mais bon, je présume qu'il n'y a donc plus besoin de se pencher

  3   plus avant sur ces questions.

  4   Madame Gustafson, est-ce que les questions supplémentaires entraînent la

  5   moindre nécessité pour vous d'intervenir encore ?

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, Madame Bagic, ceci met

  8   un terme à votre déposition. La Chambre n'a pas, non plus, de questions

  9   supplémentaires à vous poser. Je souhaiterais vous remercier d'avoir bien

 10   voulu vous rendre à La Haye pour répondre aux questions qui vous ont été

 11   posées par les parties. Je vous souhaite bon retour chez vous.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite profiter encore juste un

 14   instant de ce que nous sommes réunis pendant quelques minutes

 15   supplémentaires.

 16   [Le témoin se retire]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais verser un ou deux points au

 18   compte rendu d'audience. Le premier est le suivant, une prorogation de

 19   délai a été accordée pour les dépôts d'écriture en raison de la vacation

 20   judiciaire et pendant cette dernière. Conformément aux demandes exprimées

 21   par e-mail par les parties précédemment, la Chambre a prorogé les délais

 22   courants pour les écritures déposées entre le 21 décembre 2009 et le 8

 23   juillet 2010 [comme interprété]; le délai a été prorogé à trois semaines.

 24   Ceci est maintenant versé au compte rendu d'audience, alors que cela

 25   n'avait été communiqué que de façon informelle aux parties et envoyé par e-

 26   mail à la date du 18 décembre 2009, à 17 heures 49 [comme interprété].

 27   Aux fins d'une transparence totale, je souhaite également informer les

 28   parties de façon peut-être un peu inhabituelle que la Chambre a reçu un

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  1   ouvrage de M. Vitez, un témoin qui a déposé précédemment, un ouvrage

  2   intitulé "Varazdin", la Chambre considère que cet ouvrage appartient au

  3   registre du voyage et du tourisme, il est doté de nombreuses images et

  4   puisque Varazdin est fort loin de la zone couverte par l'acte d'accusation

  5   et puisqu'il s'agit d'un cadeau adressé pour le Tribunal.

  6   Nous ne savons pas si notre bibliothèque pourrait accueillir de tels

  7   ouvrages. Si ce n'est pas le cas -- et je crois que d'autres ont reçu

  8   également des copies de cet ouvrage. Je souhaitais simplement verser cela

  9   au compte rendu d'audience. La Chambre a donc reçu un cadeau. Je me suis

 10   penché sur ce fort bel ouvrage au demeurant. Je ne peux pas vous lire le

 11   texte, et voilà.

 12   Alors, cela étant maintenant au compte rendu, vous ferez entrer votre

 13   témoin suivant demain, Maître Mikulicic ?

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il s'agira de…

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agira du témoin expert, le général

 17   Repinc.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Et je crois qu'on a déjà pris les

 19   dispositions pour le contre-interrogatoire de ce témoin.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] En effet. Puisque mon confrère du bureau du

 21   Procureur est actuellement absent, le contre-interrogatoire aura lieu

 22   lundi, Mme Prashanthi étant absente pour raisons personnelles.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et j'ai été bien informé. Est-ce que

 24   vous aurez besoin de quatre à cinq sessions pour l'interrogatoire ?

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il des autres parties ?

 27   M. KEHOE : [interprétation] J'ai informé mes confrères que nous aurions

 28   besoin d'une ou deux séances, mais en fin de compte, ça risque de ne pas

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  1   être plus d'une séance.

  2   M. CAYLEY : [interprétation] Nous aurons besoin d'une séance également,

  3   Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Cela signifie que nous n'aurions

  5   pas pu de toute manière commencer le contre-interrogatoire par le Procureur

  6   avant vendredi, si bien qu'il n'y a aucune conséquence particulièrement

  7   lourde à permettre au bureau du Procureur de procéder au contre-

  8   interrogatoire lundi.

  9   Nous levons donc l'audience en remerciant la sténotypiste, le personnel

 10   technique, les interprètes, et les gardes pour nous avoir accordé ce temps

 11   supplémentaire.

 12   L'audience est levée jusqu'à demain, mercredi 13 janvier, à 9 heures, en

 13   salle d'audience numéro III.

 14   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 13

 15   janvier 2010, à 9 heures 00.

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