Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 4 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  8   C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Gotovina et consorts.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Avant d'entendre le témoin suivant, nous avons quelques questions de

 11   procédure.

 12   Monsieur Carrier, nous avons essayé de voir s'il y a des mesures de

 13   protection qui ont été demandées pour ce témoin. Apparemment, il n'y en a

 14   pas eu.

 15   Dans ce cas, le deuxième point à l'ordre du jour : je souhaite dire,

 16   pour le compte rendu d'audience, que le 25 février, le personnel des

 17   Chambres ont informé les parties par courriel de la portée de

 18   l'interrogatoire du témoin Juric, où l'on peut lire :

 19   "Les Juges souhaitent questionner le Témoin CW-2 au sujet de son de

 20   son rôle dans le secteur sud, entre à peu près le 3 et le 13 août 1995. On

 21   va lui poser des questions précises au sujet de ses pouvoirs et ses

 22   responsabilités.

 23   "Ensuite les Juges ont l'intention de poser des questions au témoin

 24   CW-2, au sujet de ce qu'il sait, de sources de ce qu'il sait concernant les

 25   événements sur le terrain dans le contexte du système de reporting.

 26   "Troisièmement, la Chambre a l'intention de questionner le témoin CW-

 27   2 sur différents aspects concernant le rapport entre la police militaire et

 28   autres autorités civiles et militaires y compris la police spéciale. Les

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  1   Juges ne souhaitent pas examiner ce témoin sur le fonctionnement et la

  2   structure de la police militaire en général, mis à part dans le contexte

  3   que nous venons de mentionner."

  4   Ensuite, le 4 février 2010, la Défense de M. Gotovina a soumis un

  5   document contenant l'accord sur différentes portions du mémoire préalable

  6   au procès du Procureur, dans lequel la Défense s'est mise d'accord sur les

  7   paragraphes 105 à 108 du mémoire préalable au procès du Procureur, mis à

  8   part la deuxième phrase du paragraphe 105, où il est écrit que le conflit

  9   armée de 1991 a été initié par le gouvernement croate. Le 26 février, la

 10   Défense Cermak s'est jointe à ce document contenant le point d'accord.

 11   Le 28 février, la Défense Markac a informé les Juges de façon

 12   informelle qu'elle ne souhaite pas se joindre à ces points qui font l'objet

 13   d'un accord, car la position de cette Défense est que le conflit armé dans

 14   le territoire concerné s'est terminé à peu près ou le 8 août 1995. Les

 15   Juges souhaitent pour le compte rendu d'audience et pour le savoir, poser

 16   la question à la Défense de M. Markac; est-ce que la Défense de M. Markac

 17   est d'accord sur les autres points d'accord mis à part la date de l'arrêt

 18   du conflit armé ?

 19   Donc, Monsieur Mikulicic, je m'adresse à vous, puisqu'il me semble

 20   que ce qui vous préoccupe, c'est de savoir si les opérations de nettoyage

 21   des terrains font partie encore du conflit armé, de sorte que les Juges se

 22   posent la question, mais il voudrait entendre votre point de vue, si vous

 23   vous voulez joindre aux autres Défenses sur les autres points d'accord ou

 24   bien si vous ne souhaitez pas du tout vous joindre à ce document contenant

 25   différents points d'accord.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Effectivement.

 27   Mais tout d'abord, bonjour, Monsieur le Président.

 28   Donc effectivement, Monsieur le Président, ce qui nous préoccupe est

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  1   exactement ce que vous venez de dire. En ce qui concerne le reste des

  2   points d'accord, ceci ne nous pose pas de problème. Ce qui nous préoccupe

  3   donc principalement c'est la déclaration que le conflit armé s'est arrêté

  4   le 8 août 1995, ou à peu près à cette date-là. En ce qui concerne les

  5   autres parties qui ont fait l'objet d'un accord de la part de la Défense de

  6   M. Gotovina et Cermak, ceci ne nous pose pas de problème.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez définir

  8   précisément ce qui ne fait pas l'objet d'un accord de votre part ?

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais essayer de le faire, Monsieur le

 10   Président, mais la façon s'est formulée dans ce texte, est telle que je ne

 11   peux pas changer, sortir une phrase tout simplement l'extraire du contexte,

 12   et changer une phrase. J'ai essayé de me conformer à vos instructions,

 13   Monsieur le Président, j'ai essayé de me concentrer sur ce qui est au cœur

 14   du sujet, mais les paragraphes sont écrits de sorte que je n'arrive pas à

 15   enlever, à extraire une seule phrase de ce paragraphe.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je peux imaginer qu'il y avait d'autres

 17   aspects, il y a des aspects sur lesquels vous pouvez tout de même vous

 18   mettre d'accord, et puis j'imagine qu'il y en a d'autres où c'est plus

 19   difficile de vous prononcer; par exemple, est-ce que la Défense de M.

 20   Markac considère que ce conflit était un conflit international ou qu'il

 21   n'avait pas de caractère international ? Il y a d'autres points que vous

 22   pouvez essayer d'élucider --

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Effectivement, nous pourrions faire ceci

 24   assez facilement et vous dire quelle est notre position là-dessus. Mais ces

 25   paragraphes sont écrits de sorte que je ne peux pas me mettre d'accord sur

 26   l'intégralité de ces paragraphes, donc ce que je peux faire, moi, je peux

 27   vous dire quelle est la position de la Défense de M. Markac par rapport à

 28   ces accords.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, même si vous ne suivez pas

  2   mot par mot le paragraphe et les termes utilisés cela serait utile aux

  3   Juges de savoir quels sont les points que vous ne contestez pas, même si

  4   vous ne suivez pas le tout cas du paragraphe mot pour mot.

  5   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons épuisé toutes les

  7   questions liées à la procédure, s'il n'y en a pas d'autres. Je vais

  8   demander au témoin d'entrer dans le prétoire.

  9   Je tiens à vous signaler que, quand nous allons faire référence à

 10   différentes pages de documents, nous allons toujours faire référence aux

 11   numéros des pages telles qu'elles figurent dans le système de prétoire

 12   électronique.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Ivan Juric.

 15   Avant de commencer votre déposition, le Règlement de procédure et de preuve

 16   exige que vous fassiez une déclaration solennelle, le texte de cette

 17   déclaration va vous être présentée par Mme l'Huissière. Apparemment, vous

 18   n'avez pas pu suivre ce que je viens de vous dire, parce que vous n'avez

 19   pas mis vos écouteurs. Donc je vais vous répéter.

 20   Avant de commencer votre déposition, le Règlement de procédure et de preuve

 21   exige que vous fassiez une déclaration solennelle, le texte de cette

 22   déclaration solennelle vous engageant à dire la vérité, va vous être

 23   présentée par Mme l'Huissière. Je vais vous demander de le lire dans votre

 24   langue.

 25   L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que le témoin est inaudible.

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation de l'assermentation]

 27   LE TÉMOIN : IVAN JURIC [Assermenté]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Juric. Vous pouvez vous

  2   asseoir.

  3   Donc, Monsieur Juric, c'est d'abord les Juges qui vont vous poser leurs

  4   questions. Ensuite c'est le Procureur qui va vous poser ses questions, et

  5   après, différentes équipes de la Défense vous poser leurs questions, les

  6   trois équipes de la Défense.

  7   Monsieur Juric, tout d'abord, veuillez vous présenter, donner nous votre

  8   nom, votre prénom, votre date de naissance, le lieu de naissance aussi.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ivan Juric, né le 28 octobre 1963.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, pourriez-vous nous dire

 11   quelle est votre occupation professionnelle à présent ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis le commandant du commandement de

 13   l'armée croate chargé de la formation, il s'agit du centre Krsto Frankopan.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est votre grade ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis un général de brigade.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous aussi nous dire quel était

 17   votre grade la première moitié du mois d'août 1995; donc pendant

 18   l'opération Tempête ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, j'ai travaillé dans

 20   l'administration de la police militaire et j'ai été commandant.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez gardé ce grade jusqu'à quelle

 22   date ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à la fin de l'année 1995.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, dans certaines questions

 25   que nous allons vous poser, nous allons nous baser sur les éléments que

 26   nous avons déjà entendus et acceptés, si vous n'êtes pas d'accord avec ces

 27   éléments, veuillez nous l'indiquer.

 28   Questions de la Cour : 

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous confirmer que vous êtes

  2   arrivé dans ce qui était à l'époque le secteur sud le 3 août 1995, et que

  3   vous êtes reparti vers le 13 août ?

  4   R.  Oui, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, l'acte d'accusation en

  6   l'espèce indiquait que pendant et après l'opération Tempête, des crimes ont

  7   été commis par l'armée croate et par les forces de la police visant la

  8   population d'origine ethnique serbe habitant la Krajina pendant la période

  9   qui inclut le mois d'août 1995.

 10   Pendant votre mission sur le terrain, est-ce que vous avez reçu des

 11   informations concernant de tels crimes, à savoir pillage, incendie, de

 12   mauvais traitements, meurtres, qui auraient été commis soit par le HVO ou

 13   bien les membres de la police spéciale du MUP ?

 14   R.  Je ne saurais vous dire à 100 % quel genre d'information j'ai reçu

 15   pendant que j'ai été sur le terrain. Toujours est-il, que j'ai reçu des

 16   informations indiquant que les membres, faisant partie de forces armées, ou

 17   bien vêtus comme militaires, se livrent à des actes illicites. Cela étant

 18   dit, je peux vous dire à 100 % que je n'ai pas reçu d'information indiquant

 19   que des crimes graves aient été commis.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux questions de suivi.

 21   Quand vous parlez de forces armées, ceci comprendrait toutes les forces

 22   armées, n'est-ce pas ? Ou bien, est-ce que vous pouvez nous dire quelles

 23   forces ceci comprendrait ?

 24   R.  Les membres de l'armée croate.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne comptez pas là les membres des

 26   forces du MUP ou de la police spéciale qui auraient pu participer à

 27   l'opération Tempête.

 28   R.  Non.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous

  2   n'avez reçu des informations concernant les membres du HV ou des individus

  3   vêtus de tels uniformes, ou bien avez-vous reçu des informations concernant

  4   des crimes qui auraient été éventuellement commis par les membres de la

  5   force spéciale de la police ?

  6   R.  Non, Monsieur le Président, je n'ai jamais reçu d'information

  7   concernant des crimes qui auraient été l'œuvre de la police spéciale ou la

  8   police civile.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, j'ai parlé des forces du MUP, donc

 10   la police spéciale. Je n'ai pas encore parlé de la police militaire.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'il faut vérifier

 12   l'interprétation.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous dites que vous n'avez pas

 14   reçu d'information au sujet des crimes qui auraient été commis par les

 15   membres de la police civile ou -- qu'est-ce que vous avez dit ensuite ?

 16   Qu'est-ce que vous avez dit ?

 17   R.  J'ai dit police civile et la police spéciale. C'est ça les termes que

 18   nous utilisons nous, mais c'est ce que vous et ce qu'on attend comme MUP.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne la police militaire,

 20   est-ce que vous avez reçu des rapports au sujet des crimes qui auraient été

 21   l'œuvre des membres de la police militaire ?

 22   R.  Non, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner davantage de

 24   détails puisque tout à l'heure, vous avez mentionné quelques crimes, en

 25   excluant des crimes graves ? Vous avez dit que vous pouvez affirmer à 100 %

 26   que vous n'avez pas reçu d'informations concernant des crimes graves. Quels

 27   sont les crimes graves, d'après vous ?

 28   R.  Des meurtres, des importantes infractions à la discipline Si j'avais

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  1   reçu de telles informations, je m'en souviendrais encore. Les informations

  2   que nous recevions sur les terrains quand il s'agissait de problèmes, nous

  3   nous efforcions de les résoudre.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ma question, j'ai inclus aussi les

  5   pillages, les incendies volontaires, les meurtres. Est-ce que vous

  6   considérez que là, il ne s'agit pas de crimes graves ou bien est-ce que

  7   vous n'avez pas reçu l'information au sujet de tels crimes ?

  8   R.  Je n'ai pas reçu des informations au sujet de tels crimes.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous expliquer quels sont

 10   ces actes illicites que vous avez mentionnés quand vous avez dit que vous

 11   avez reçu certaines informations au sujet de certains actes illicites ?

 12   Donc que certains membres soient des forces armées, ou bien des individus

 13   vêtus dans les uniformes ou partiellement vêtus des uniformes de l'armée

 14   croate, auraient commis des actes illicites ? Est-ce que vous pourriez nous

 15   dire quels sont ces actes auxquels vous faites référence ? 

 16   R.  Il s'agissait surtout des informations que je recevais par le biais du

 17  commandant de la 62e et la 63e  Compagnies de la Police militaire concernant

 18   les agissements de leurs membres et de ce qu'ils ont pu observer en

 19   patrouillant dans leurs zones de responsabilité. C'était une zone très

 20   vaste, et il y avait peu d'éléments qui pouvaient, qui étaient censés la

 21   contrôler. Au niveau des points de contrôle, ils arrêtaient tous ceux qui

 22   entraient et sortaient de la zone de responsabilité en examinant --

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Parce que, là,

 24   vous êtes en train de nous expliquer quelle est la situation, quelles sont

 25   les informations que vous pouvez recevoir. Mais ce qui m'intéresse, ce sont

 26   ces actes illicites dont vous avez eu connaissance ? Donc, s'il ne

 27   s'agissait pas des pillages, d'incendies volontaires, de meurtres, de quoi

 28   s'agissait-il ? Quels étaient ces actes auxquels vous avez fait référence ?

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  1   R.  En général, l'on apprenait que certaines personnes, à partir du moment

  2   où elles se rendaient aux points de contrôle qu'elles étaient, qu'on les

  3   trouvait en possession des objets dont ils ne pouvaient pas prouver la

  4   provenance. Donc ce que l'on faisait, on les saisissait. Ils disaient en

  5   général -- le plus grand nombre d'entre eux disaient que c'étaient des

  6   objets qui leur appartenaient ou bien qui leur ont appartenu à un certain

  7   moment. Mais ce que l'on faisait, c'était de les confisquer et de les

  8   déposer dans un bâtiment où il y avait un centre de Réception qui a été

  9   créé pour justement accueillir ces objets.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ces centres se trouvaient où

 11   exactement, ces centres de réception ?

 12   R.  Je ne sais pas exactement. Je sais qu'il y en avait un au niveau de

 13   Zadar, il y en avait au niveau de Sibenik. Il y en avait un au niveau de

 14   Sinj, me semble-t-il, mais je n'en suis pas sûr à 100 %.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Jusqu'à présent, nous avons parlé des

 16   actes illicites. Mais nous avons aussi parlé des crimes qui ont fait

 17   l'objet d'un rapport. Est-ce que -- vous, personnellement, est-ce que vous

 18   avez été témoin des crimes commis par les forces croates pendant que vous

 19   avez été dans le secteur sud, à savoir entre le 3 et le 13 août 1995 ?

 20   R.  Non, Monsieur le Président, pas personnellement. Moi, je n'en ai pas vu

 21   personnellement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je continue donc.

 23   Monsieur Juric, est-il exact qu'au cours de la première moitié du mois

 24   d'août 1995, vous avez été envoyé dans la zone où se déroulait l'opération

 25   Tempête, suite à un ordre donné par le général Lausic ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quelles étaient

 28   vos missions précises et quelle était la zone de responsabilité de ce qui

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  1   était à l'époque le secteur sud pendant cette période-là, évidemment ?

  2   R.  Moi, avec un certain nombre d'officiers de l'administration de la

  3   police militaire, j'ai été envoyé donc à la zone de responsabilité de Split

  4   couvrant la zone de responsabilité de Split pour coordonner le travail de

  5   la 62e et 63e Compagnies de la Police militaire, là, où ces unités

  6   agissaient de concert et de leur fournir toute aide nécessaire quand il

  7   s'agit de coordonner le travail de la police militaire, la police civile,

  8   les employés du SIS et de tous les autres services de Sécurité, appelons-

  9   les comme ceci.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire à quelle date

 11   exactement vous êtes arrivé à Knin ?

 12   R.  Je pense que je suis arrivé le deuxième jour de l'opération, vers 18,

 13   19 heures de l'après-midi. Je ne me souviens pas de la date exacte, enfin

 14   de l'heure exacte. Donc le 5.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 5 août, donc ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne vos pouvoirs et vos

 18   compétences pendant cette période qui s'étale entre le 3 et le 13 août,

 19   est-ce que vous aviez un pouvoir sur les commandants des 72e et 73e

 20   Bataillons de la Police militaire ?

 21   R.  Les ordres que j'ai reçus et quand j'ai accepté cet ordre, j'ai été en

 22   quelque sorte le supérieur hiérarchique des commandants des 62e et 63e

 23   Compagnies dans la mesure où ils agissaient ensemble. Donc j'avais le

 24   pouvoir de leur confier des tâches, des missions. Cela étant dit, je ne

 25   dirais pas que formellement, juridiquement, j'ai été leur supérieur

 26   hiérarchique. 

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Pourrions-nous demander au témoin de répéter

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  1   une partie de sa réponse, en page 12, ligne du compte rendu d'audience,

  2   parce qu'il me semble qu'i a fait une référence quant à la source de

  3   l'autorité qui était la sienne ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit.

  5   Monsieur le Témoin, pourriez-vous répondre à cette question ? Vous nous

  6   avez dit -- ou plutôt, dans votre réponse, vous nous avez dit avoir été le

  7   supérieur des commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire,

  8   pour ce qui est d'une partie de leurs activités. Ensuite vous avez parlé

  9   d'activités communes, et vous avez continué en disant, je cite que :

 10   "Pour ce qui concerne la police militaire…"

 11   Alors est-ce que vous pouvez nous répéter ce que vous avez dit juste après,

 12   s'il vous plaît ? Quelles étaient les attributions dont vous disposiez ?

 13   R.  J'ai dit que j'avais une autorité de direction de la police militaire

 14   et que, sur la base de cette autorité, je pouvais attribuer des missions.

 15   Mais que, d'un point de vue officiel ou formellement parlant, je n'étais

 16   pas leur supérieur.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous expliciter ce que vous

 18   avez voulu dire en affirmant que "vous disposiez d'une autorité émanant de

 19   l'administration de la police militaire" ?

 20   R.  L'administration de la Police militaire était hiérarchiquement

 21   supérieure aux unités. Moi, j'étais à la tête de la section qui traitait du

 22   mouvement des unités et des problèmes de la circulation, et compte tenu de

 23   mon origine, du poste que j'occupais et de l'ordre du responsable de la

 24   police militaire, j'ai disposé de cette autorité pour ce qui est d'émettre

 25   des ordres ou de confier des missions.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Alors est-il exact de dire que le

 27   général Lausic aurait délégué une partie de son autorité, vous aurait

 28   délégué une partie de son autorité en se fondant sur la législation en

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  1   vigueur ?

  2   R.  Monsieur le Président, je ne sais vraiment pas ce qu'il en est. Par

  3   exemple, est-ce que vous pourriez me donner un exemple peut-être ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je parle plutôt d'un point de vue

  5   général et abstrait pour le moment. La question posée portait avant tout

  6   sur l'autorité, l'autorité dont disposait le général Lausic sur la base de

  7   l'ordre du ministère croate de la Défense concernant la police militaire,

  8   émis en 1994. La question était de savoir si une partie de son autorité

  9   vous avait été déléguée : est-ce que le général Lausic vous avait délégué

 10   une partie de son autorité donc ?

 11   R.  Alors si je vous ai bien compris, vous parlez du règlement concernant

 12   le travail et l'organisation de la police militaire, et vous demandez si

 13   c'est sur la base de ce document que j'ai reçu une partie des attributions,

 14   peut-être une certaine autorité de la part du général Lausic; c'est bien la

 15   question ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. Est-ce qu'il vous a

 17   délégué une partie des pouvoirs qui étaient les siens, en vous nommant à ce

 18   poste ?

 19   R.  Il n'y a rien de plus que qu'est-ce que le général Lausic a écrit dans

 20   son ordre, qu'il m'a dépêché sur place, sur le terrain, ensuite la façon

 21   dont j'ai pris ces fonctions et l'explication que j'ai fournie également

 22   quant à ma compréhension de cet ordre de la mission qui était la mienne.

 23   Mais il n'avait pas du tout la possibilité de me transférer la moindre

 24   partie de l'autorité qui était la sienne ni j'aurais pu exercer cette

 25   autorité. Je n'aurais pu exercer aucun des pouvoirs qui étaient ceux du

 26   chef de l'administration de la police militaire.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Avançons.

 28   Je vous ai demandé de nous expliquer la chose suivante : qu'avez-vous

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  1   exactement voulu dire, en affirmant que "vous aviez une autorité qui

  2   émanant de l'administration de la police militaire" ?

  3   C'est à ce sujet que je voulais obtenir des précisions mais également

  4   concernant une autre partie de votre réponse. Alors est-ce que vous étiez

  5   hiérarchiquement supérieur aux commandants des 72e et 73e Bataillons de la

  6   Police militaire ? Pour ce qui est du 73e Bataillon, je pose la question

  7   dans la mesure où ils portaient assistance au 72e. Est-ce que vous étiez

  8   hiérarchiquement supérieur à leurs commandants ?

  9   R.  Monsieur le Président, d'un côté, je peux dire que, dans la mesure où

 10   ces deux bataillons agissaient de concert, j'avais une autorité. Mais

 11   exclusivement, pour ce qui est de la coordination et d'organisation de ces

 12   activités conjointes qui étaient les leurs, donc j'étais leur supérieur à

 13   cet égard, mais uniquement.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien que vous vous

 15   concentriez sur les questions de coordination, mais est-ce que vous

 16   émettiez des ordres adressés aux commandants de ces Bataillons de la Police

 17   militaire, si le besoin se présentait ?

 18   R.  Moi, je dirais plutôt que je leur confiais des tâches, des tâches

 19   qu'ils devaient exécuter, coordonner mais je ne rédigeais ni n'émettais

 20   aucun ordre direct.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous confiez une tâche à quelqu'un,

 22   qui a alors l'obligation d'exécuter cette tâche; alors la question de

 23   savoir si on appelle cela un ordre ou pas, c'est une autre question. Mais

 24   si vous leur disiez qu'ils devaient accomplir une tâche, ils avaient

 25   l'obligation de le faire, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, mais je n'avais aucune autorité de direction ou de commandement

 27   personnel, aucune des autres attributions qui sont propres à un commandant,

 28   qui le caractérisent. Je ne disposais que de la partie correspondant à

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  1   l'accomplissement des tâches. Je n'avais ni la possibilité de nommer qui

  2   que ce soit ni d'agir pour ce qui est de la ville de ces unités, je ne

  3   pouvais intervenir que pour ce qui concernait l'exécution de la tâche

  4   particulière concernée.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, pourriez-vous examiner le

  6   document suivant, qui porte la cote D268 ?

  7   Alors, Monsieur Juric, les documents vont s'afficher sur votre écran. Si

  8   jamais toutefois vous éprouviez le besoin de consulter une copie papier du

  9   même document, veuillez nous l'indiquer et nous vous fournirons un tel

 10   document.

 11   Donc, pouvons-nous avoir le document D268 en page 2 de la version anglaise,

 12   page 1 de la version croate à l'écran, s'il vous plaît.

 13   Alors, Monsieur Juric, vous pouvez voir ici le document dans la langue

 14   originale à l'écran. Peut-être pourrions-nous zoomer un peu pour que vous

 15   puisiez lire plus facilement ?

 16   Reconnaissez-vous cet ordre ?

 17   R.  Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, entre autres aspects, nous

 19   pouvons y voir la chose suivante. Peut-être que vous pourriez le parcourir,

 20   dans un premier temps, en prendre connaissance à nouveau pour ce qui est

 21   des éléments qui sont énumérés ?

 22   Tout d'abord, il est dit que c'est le système de commandement, et que dans

 23   ce système de commandement, il est hiérarchiquement supérieur au commandant

 24   des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire; et "il," c'est vous ?

 25   Alors nous nous sommes déjà penchés là-dessus. Si vous aviez le moindre

 26   commentaire supplémentaire à ce sujet, je vous prie de nous le livrer.

 27   R.  Monsieur le Président, je peux répéter ce que j'ai dit.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas le moindre besoin de

Page 27416

  1   répéter quoi que ce soit. Mais puisque vous avez maintenant le texte de cet

  2   ordre sous les yeux, je voulais simplement vous donner l'occasion de

  3   compléter vos réponses précédentes, si cela s'avérait pertinent.

  4   Alors, le deuxième point dit que vous êtes responsable, je cite :

  5   "De la mise en œuvre de toutes les tâches incombant à la police

  6   militaire au sein de la zone de responsabilité du 72e Bataillon de la

  7   Police militaire."

  8   Alors cela suggère tout de même que votre responsabilité ou votre autorité

  9   pour ce qui est de ces tâches incombant à la police militaire n'est en rien

 10   limitée ?

 11   R.  Oui. Mais si vous vous reportez au premier alinéa, vous verrez que je

 12   suis :

 13   "Supérieur hiérarchiquement au sein du système de commandement aux

 14   commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire en ce qui

 15   concerne l'assistance fournie par le 63e Bataillon et 72e."

 16   Donc, il en ressort que je n'exerce cette supériorité hiérarchique

 17   que pour une partie des tâches qui incombent à ces unités. Pour ce qui

 18   concerne ma responsabilité pour la mise en ordre de toutes les tâches

 19   incombant au 72e Bataillon de la Police militaire, c'est à comprendre au

 20   sein de la coordination et du contrôle de la mise en œuvre des tâches en

 21   question, uniquement. Moi, lorsque je suis arrivé sur place, presque tous

 22   les plans avaient déjà été rédigés, élaborés et les commandants se sont

 23   contentés de me faire prendre connaissance des plans qu'ils avaient adoptés

 24   et de la façon dont on allait s'organiser pour mettre en œuvre ces

 25   différentes tâches, étape par étape.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vais relire le premier point,

 27   le premier point énuméré, et vous allez me corriger si j'ai mal compris.

 28   Cela revient à dire que l'exercice de cette supériorité hiérarchique à

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  1   l'égard du 73e Bataillon de la Police militaire est restreint et limité.

  2   Toutefois, l'inverse n'est pas vrai. Cela ne s'applique pas également à

  3   l'exercice de votre supériorité en tant que hiérarchiquement supérieur au

  4   commandant du 72e Bataillon, n'est-ce pas ? Il n'y aurait pas également

  5   cette nuance ou cette limitation restreignant votre autorité uniquement aux

  6   questions d'assistance ? Si ma question n'est pas claire, veuillez me le

  7   dire.

  8   R.  Monsieur le Président, je vous ai dit comment j'interprète cet ordre ou

  9   comment je l'ai interprété à l'époque, et je maintiens que je n'avais pas

 10   une pleine et entière responsabilité de commandement à l'égard des 72e et

 11   73e Bataillons de la Police militaire, et que je n'ai reçu aucun ordre,

 12   qu'aucune autorité de cette nature ne m'a été transférée. 

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais dans l'avant-dernier point qui

 14   est ici énuméré, il est dit que vous avez l'autorisation de prendre toutes

 15   les mesures nécessaires pour vous assurer de la mise en œuvre efficace et

 16   réelle des tâches incombant à la police militaire au sein de la zone de

 17   responsabilité du 72e Bataillon de la Police militaire.

 18   R.  Oui, Monsieur le Président. J'ai dit qu'en m'appuyant sur l'autorité

 19   qui est celle de l'administration de la police militaire, j'ai confié des

 20   tâches aux membres des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire dans le

 21   but de combler toutes les insuffisances existantes, de travailler de façon

 22   plus efficace, plus méthodique, d'améliorer également l'aspect tactique et

 23   d'assurer la coopération et la coordination.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'exercice de votre autorité aurait-il

 25   alors été indépendant du rang des officiers assurant le commandement des

 26   72e et 73e Bataillons de la Police militaire ?

 27   R.  Je ne comprends pas votre question, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire si

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  1   ces commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire avaient un

  2   grade supérieur ou non au vôtre ?

  3   R.  Je crois que nous avions tous les trois le même grade.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, en général, des officiers de même

  5   rang ne donnent pas des ordres l'un à l'autre ou les uns aux autres ? C'est

  6   ce que je voulais dire dans ma question. Donc, vous, est-ce que vous étiez

  7   en mesure de donner des ordres bien que les commandants concernés n'aient

  8   pas eu un grade inférieur au vôtre ?

  9   R.  Très sincèrement, je ne sais pas comment les choses se seraient passées

 10   s'ils avaient eu un grade supérieur au mien. Mais pour ma part, je les

 11   considérais à tous points de vue comme des collègues. Nous travaillions --

 12   nous faisions notre travail ensemble et c'est pour cela que je persiste à

 13   dire que je leur confiais des tâches et non pas que j'émettais des ordres.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais même s'ils avaient le même

 15   grade que vous, cela n'a pas eu de conséquences fâcheuses ou d'influences

 16   négatives sur l'exercice de votre autorité sur eux en leur qualité de

 17   commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire ?

 18   R.  Non. Dans l'accomplissement de toutes ces différentes tâches, qui nous

 19   avaient été confiées et que nous avons formellement également attribuées

 20   aux personnes concernées, ils se sont efforcés d'apporter une solution à

 21   tous les problèmes qui se présentaient sur le terrain.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous avez dit précédemment que

 23   vous leur confiez des tâches, et qu'ils avaient à les exécuter; cependant,

 24   vous étiez de même grade, alors la seule chose que je vous demande c'est si

 25   ce fait que vous ayez été du même grade a eu ou non une influence négative

 26   sur l'exercice votre autorité ce fait que vous ayez été de même rang et que

 27   malgré cela vous l'auriez confié des tâches qu'ils avaient l'obligation

 28   d'exécuter ou d'accomplir.

Page 27419

  1   R.  Je pense, Monsieur le Président, que cela n'a exercé absolument aucune

  2   influence.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, alors vous avez donné un

  4   entretien, vous avez eu un entretien avec des enquêteurs du bureau du

  5   Procureur au mois de mars 2002, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, ils ont procédé à cet entretien. Je ne me rappelle pas la date

  7   exacte.

  8   Il me semble que c'était bien au début de l'année 2002, vers le début de

  9   cette année.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter la dernière partie

 11   de votre réponse, s'il vous plaît ?

 12   R.  Oui. Ils ont procédé à cet entretien avec moi, mais je ne me rappelle

 13   pas exactement quand cela a eu lieu. Il me semble que c'était toutefois

 14   bien au début de l'année 2002.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors la date qui figure sur les notes

 16   correspondant à cet entretien est celle du 5 mars 2002, ce qui semble

 17   correspondre au souvenir que vous en avez.

 18   Alors je voudrais vous demander quelques précisions concernant votre

 19   déclaration, ou du moins votre déposition telle qu'elle a été consignée.

 20   Alors je vais donner lecture de son paragraphe 26, où vous dites, je cite :

 21   "Deux ou trois jours après," c'est du moins la façon dont c'est consigné je

 22   poursuis la citation :

 23   "Deux ou trois jours après le départ du président de Knin, je suis

 24   également parti. Je me suis rendu en visite sur l'ensemble du territoire

 25   pour lequel j'étais responsable. Je me suis rendu dans les cantonnements de

 26   la police militaire. Nous mettions en place des postes de la police

 27   militaire dans le territoire libéré. Dans certaines zones, d'autres

 28   commandants de la police militaire nous ont confié la tâche d'assurer la

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  1   sécurité de certains bâtiments."

  2   Alors pourriez-vous nous dire, lorsque vous vous référez à "d'autres

  3   commandants de la police militaire," à qui vous référiez-vous en fait ?

  4   R.  Monsieur le Président, je crois qu'il y a une erreur dans la

  5   traduction. Il ne s'agit certainement pas "d'autres commandants de la

  6   police militaire." Mais pour ce qui concerne la sécurisation de certaines

  7   infrastructures, certains bâtiments, ou certaines zones du territoire

  8   libéré, nous ne pouvions recevoir d'ordre que de nos supérieurs. Qu'ils

  9   viennent de l'admissibilité de la police militaire, de l'état-major, ou du

 10   ministère de la Défense, mais en tout cas ce n'est que de ces organes et de

 11   ces institutions-là que nous recevions nos ordres et c'est très

 12   certainement de cette façon-là que je l'ai expliqué à l'époque. Je ne sais

 13   pas pourquoi cela a été traduit ainsi mais il ne s'agit certainement pas

 14   "d'autres commandants de la police militaire."

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Ce dont nous discutons, c'est la

 16   façon dont c'est consigné dans cette déclaration, il est question de

 17   bâtiments, comprenant deux ou trois églises, des centrales électrique, des

 18   stations ou des châteaux d'eau, et d'autres infrastructures également. Donc

 19   vous dites, je cite :

 20   "Lorsque nous avons reçu des ordres afin que la sécurité de ces

 21   bâtiments soit assurée, ces ordres…"

 22   Je finis la citation :

 23   "…venaient soit de l'admissibilité de la police militaire, soit de

 24   l'état-major, soit du ministère de la Défense."

 25   C'est bien ce que vous nous dites ?

 26   R.  En effet, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors au cours de ce même entretien, on

 28   vous attribue les propos suivant, au paragraphe 29, je vais en donner

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  1   lecture, je cite :

  2   "Pendant le temps que j'ai passé dans les territoires libérés, je n'ai

  3   rencontré aucune difficulté avec les autres commandants de la police

  4   militaire. Je ne m'inquiétais pas sur leur travail, j'essaie juste

  5   d'établir un lien entre le travail du MUP et celui de la police militaire.

  6   Si le moindre problème c'était présenté, j'en aurai informé le général

  7   Lausic."

  8   Alors ici, une nouvelle fois, nous trouvons cette formulation "des autres

  9   commandants de la police militaire." Alors pourriez-vous nous dire à qui

 10   vous pensiez dans ce contexte particulier ?

 11   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas comment la question a été

 12   formulée. Comment la question m'a été posée. Mais le plus probable c'est

 13   que nous ayons envisagé la question des zones de responsabilité, et que

 14   nous ayons parlé uniquement des commandants se trouvant dans l'organigramme

 15   des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire et qui se trouvaient dans

 16   la zone de responsabilité correspondante.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez évoqué votre zone de

 18   responsabilité. Mais comment a-t-elle été définie au juste ? Une zone

 19   géographique précise a-t-elle été déterminée ou bien a-t-on pris en compte

 20   le mouvement de certaines unités pour la caractériser ? Pourriez-vous nous

 21   dire de quelle façon cette zone de responsabilité qui était la vôtre a été

 22   définie ?

 23   R.  Monsieur le Président, au début, cette zone de responsabilité était

 24   celle de la région militaire de Split. Ensuite les choses ont avancé, en

 25   fonction la progression de la libération du territoire occupé de la

 26   République de Croatie par les forces armées de cette dernière et selon le

 27   même rythme.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc est-ce que vous nous dites qu'à

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  1   mesure qu'ils avançaient votre zone de responsabilité se déplaçait avec eux

  2   -- est-ce bien la façon dont il convient de comprendre ce que vous nous

  3   dites ?

  4   R.  Oui, jusqu'à une certaine limite toutefois que nous considérions être

  5   la ligne de séparation entre la zone de combat et la zone où il n'y avait

  6   plus de combats, pour ainsi dire.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Mais alors, dans l'opération

  8   Tempête, les forces de la HV n'étaient pas les seules forces

  9   opérationnelles en présence. Il y avait également d'autres forces armées,

 10   d'autres unités armées. Par exemple, cette Chambre a été saisie de nombreux

 11   éléments de preuve concernant les Unités spéciales de la Police militaire

 12   et leur participation aux opérations de combat. Donc, si des Unités de la

 13   Police spéciale ont pris part au déroulement de l'opération Tempête, en

 14   général, quelle aurait été leur influence, ou quelle a-t-elle été sur votre

 15   propre zone de responsabilité dans la mesure où celle-ci, comme vous venez

 16   de le dire, se déplaçait à mesure que les unités avançaient ?

 17   R.  Monsieur le Président, la police militaire n'avait aucune compétence à

 18   agir sur la police spéciale. Si je me souviens bien, les membres de la

 19   police spéciale n'ont pas participé aux combats dans le secteur où j'avais

 20   responsabilité de mener à bien mes tâches de policier et militaire; si je

 21   me souviens bien, je crois que ces troupes étaient sur notre gauche, dans

 22   le secteur de Lika.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur votre gauche. Pourriez-vous être un

 24   peu plus précis ? Les Juges de cette Chambre ont reçu des renseignements

 25   que vous pourriez peut-être confirmer ou infirmer. Ils ont appris, par

 26   exemple, que les forces de police spéciale se déplaçaient de l'ouest vers

 27   l'est et qu'elles ont participé au cours de ce déplacement à la libération

 28   de Gracac avant de se déplacer davantage vers l'est et le nord-est, vers

Page 27423

  1   Donji Lapac.

  2   Est-ce à cela que vous avez fait référence à l'instant ?

  3   R.  Oui, oui. C'est bien le secteur auquel je pensais, mais ce secteur ne

  4   se trouvait pas dans ma zone de responsabilité, si je puis me permettre

  5   d'utiliser cette expression.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si nous ne parlons pas du secteur

  7   particulier qui est concerné, je vous demande toutefois s'il est exact

  8   qu'apparemment, vos attributions, donc votre zone de responsabilité, se

  9   déplaçait selon le déplacement physique des troupes de l'armée de Croatie ?

 10   Est-ce que c'est cela que nous devons comprendre ou est-ce que nous devons

 11   comprendre qu'il n'y avait aucune troupe de l'armée de Croatie dans le

 12   secteur de Gracac ou de Donji Lapac ou de Bruvno ?

 13   R.  Monsieur le Président, si je me souviens bien, cette zone de la

 14   République de Croatie ne faisait pas partie de la zone de responsabilité

 15   dont j'étais responsable dans l'exercice de mes fonctions de policier

 16   militaire. Par conséquent, je n'ai vraiment aucune information au sujet du

 17   travail et de l'activité de la police militaire pendant l'opération

 18   Tempête. Je n'ai pas vu les soldats de l'armée de Croatie que pendant

 19   l'opération Tempête. Je ne les ai pas rencontrés.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Je crois qu'en page 22 du compte rendu

 22   affiché à l'écran actuellement, ligne 11, le témoin a dit qu'il n'avait

 23   aucune information sur le travail et l'action de --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander au témoin de répéter ce

 25   qu'il a dit.

 26   Monsieur, vous nous avez dit que ce secteur de la Croatie ne faisait pas

 27   partie de la zone de responsabilité dont vous étiez responsable dans

 28   l'exercice de vos fonctions de policier militaire, et puis vous avez ajouté

Page 27424

  1   :

  2   "Par conséquent, je n'ai vraiment aucune information au sujet de…"

  3   Pourriez-vous répéter la suite de cette phrase, je vous prie ? Je crois que

  4   vous avez dit : "Je n'ai vraiment aucune information au sujet du travail et

  5   de l'activité." Activité de quoi ? C'est cela qui nous intéresse.

  6   R.  Je n'ai aucune information au sujet du travail et de l'activité de la

  7   police spéciale pendant l'opération Tempête.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Comment saviez-vous exactement où

  9   les troupes de l'armée de Croatie étaient opérationnelles et où elles ne

 10   l'étaient pas ? Car, apparemment, c'est cette distinction qui permet de

 11   déterminer votre zone de responsabilité.

 12   R.  Tous les jours, nous avions des réunions de travail auxquelles je

 13   participais personnellement ou en tout cas, auxquelles participait le

 14   commandant du 72e Bataillon de la Police militaire. Donc nous étions

 15   informés du terrain couvert par les unités, des lignes atteintes par les

 16   troupes et de la façon dont ces troupes menaient à bien leurs missions. En

 17   principe, lors de chacune de ces réunions de travail, nous apprenions

 18   jusqu'à quel point l'armée de Croatie avait libéré le terrain pendant la

 19   journée précédente, quelles lignes elle avait atteint. Donc, nous savions

 20   en conséquence de cela à quel endroit établir nos postes de contrôle de

 21   police militaire et de police tout court, quels étaient les secteurs à

 22   patrouiller, jusqu'à quel point nous devions patrouiller en tout cas,

 23   jusqu'à quel point il était possible d'aller.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces opérations mixtes menées, par des

 25   parties différentes des forces armées, comme par exemple, par l'armée de

 26   Croatie ou les forces de police participant à l'opération Tempête,

 27   prenaient l'exemple des troupes qui faisaient mouvement. Est-ce qu'elles

 28   recevaient l'appui de l'artillerie d'autres éléments des forces armées ?

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Président, j'étais membre de

  2   la police militaire. Je n'ai pas participé à la planification et à la

  3   vérification de la réalisation de ce genre d'opération, et je n'avais pas

  4   d'informations particulières sur ce genre d'opération, donc je ne peux pas

  5   répondre à votre question.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si votre zone de responsabilité

  7   était définie par le déplacement des troupes, j'imagine que ceci ait pu

  8   faire naître des questions sur l'étendue exacte de votre zone de

  9   responsabilité au cas où des opérations étaient menées aussi bien par des

 10   troupes de l'armée de Croatie que par des troupes d'une armée qui n'était

 11   pas l'armée de Croatie. Autrement dit, par d'autres éléments des forces

 12   armées.

 13   R.  Oui, Monsieur le Président. Mais je répète toutefois que nous suivions

 14   uniquement les unités de l'armée de Croatie qui avaient été affectées à la

 15   Région militaire de Split pour la réalisation de cette mission bien

 16   précise. Le secteur où une Unité de la Police spéciale était déployée ne

 17   dépendait pas de la Région militaire de Split. Donc, je dirais que notre

 18   responsabilité consistait exclusivement à suivre les unités de l'armée de

 19   Croatie dont je viens de parler, unités qui selon la répartition faite par

 20   nous s'étaient vues affectées à la Région militaire de Split.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, je vais passer à un

 22   autre sujet.

 23   Dans la réalisation de la mission qui vous avait été assignée, vous pouvez

 24   vous déplacer un peu partout sur le terrain.

 25   R.  Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire comment vos

 27   déplacements étaient planifiés, quel était le critère qui vous permettait

 28   de décider de vous rendre à tel endroit plutôt qu'à tel autre ?

Page 27426

  1   R.  De façon générale, cette décision reposait sur le fait de savoir si les

  2   rapports provenant des subordonnés du 72e Bataillon de  Police militaire ou

  3   provenant d'éléments du 73e Bataillon de la Police militaire, or ces

  4   rapports portaient sur l'organisation et la création de nouvelles Unités de

  5   la Police militaire, sur la coordination, la coopération, le suivi de la

  6   mise en œuvre des missions de contrôle des postes, et la façon dont les

  7   hommes responsables de ces postes de contrôle menaient à bien leur mission.

  8   Donc cela dépendait -- c'est de ce genre de chose que dépendait ma

  9   planification aux lieux où il convenait de se rendre pour inspecter les

 10   troupes.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez passé une dizaine de

 12   jours sur place. Quelle était la distance que vous couvriez tous les jours.

 13   Je vous demande cela pour que les Juges puissent se faire une impression

 14   personnelle.

 15   R.  Monsieur le Président, je ne menais pas des tournées d'inspection tous

 16   les jours, cela dépendait des autres missions qui avaient pu m'être

 17   assignées entre-temps. Nous sommes entrés dans Knin, à la date du 5. Le 6,

 18   le président de la Croatie, M. Tudjman est venu à Knin, j'ai donc eu des

 19   cours de travail dans le cadre de cette visite, et je crois que M. Akashi

 20   est venu à Knin, le 7. Ce qui signifie que là encore, j'ai eu beaucoup de

 21   travail pour assurer sa sécurité. Je crois que c'est le 8 ou le 9 ou peut-

 22   être le 10, je ne me souviens pas exactement du jour, que j'ai procédé à ma

 23   première inspection de certains des éléments des unités présentes sur la

 24   ligne qui s'étendait de Benkovac, Drnis, en passant par Obrovac, si je ne

 25   me trompe.

 26   Q.  Monsieur Juric, les Juges de a Chambre ont cru comprendre que vous avez

 27   joué un rôle de coordination, de deux points de vue au moins : d'abord en

 28   assurant la coordination entre les 72e et 73e Bataillons de la Police

Page 27427

  1   militaire, et en deuxième lieu, en assurant la coordination vis-à-vis du

  2   travail accompli par la police civile d'une part et la police militaire de

  3   l'autre. Pourriez-vous nous apporter quelques explications complémentaires

  4   quant à la nature exacte de cette coordination de ces deux points de vue;

  5  d'abord s'agissant de la coordination du travail accompli par les 72e et 73e

  6   Bataillons et ensuite du travail accompli par la police militaire et la

  7   police civile ? Donnez-nous, je vous prie, une idée de la façon de ce que

  8   vous coordonniez, de la façon dont vous le coordonniez.

  9   R.  Dès lors que la décision d'engager la police militaire dans l'opération

 10   Tempête a été prise, en raison du nombre relativement limité de policiers

 11  disponibles, le chef a décidé d'engager activement les 72e et 73e Bataillons

 12   de la Police militaire dans l'opération Tempête, dans leurs zones de

 13   responsabilité respectives, de sorte que le 72e Bataillon de la Police

 14   militaire, en tout cas, une partie de ces effectifs a été intégrée à des

 15   actions qui d'une certaine façon se chevauchaient, ou en tout cas, cette

 16   zone de responsabilité d'une certaine façon faisait double emploi par

 17   rapport à la zone ou empiétait sur la zone de responsabilité de la région

 18   militaire de la zone opérationnelle de Sibenik. Donc ces deux bataillons

 19   ont opéré pendant les quelques premiers jours de l'opération, et ils l'ont

 20   fait dans le secteur de Drnis et dans des environs de Drnis. C'est dans ce

 21   cadre que s'est fait la coordination entre le travail de ces deux unités

 22   qui avaient un lien l'une avec l'autre puisqu'elles ont travaillé ensemble.

 23   Quant à la coordination entre la police civile et la police militaire, la

 24   police civile avait également certaines de ces unités, si nous tenons à

 25   utiliser un terme militaire, engagées dans cette opération qui avaient été

 26   chargées de travailler dans les localités les plus importantes qui avaient

 27   été libérées. Donc cette coordination s'est effectuée au quotidien et a

 28   impliqué les commandants des unités de police militaire et ceux des postes

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  1   de police créés dans ces secteurs. Mon rôle consistait à vérifier la

  2   qualité de cette coordination au jour le jour, vérifier qu'elle était

  3   réellement effective et voir s'il y avait danger, que certains problèmes

  4   surgissent à d'autres niveaux nécessitant une coordination plus poussée.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Voyons si j'ai bien tout compris.

  6   Donc vous vous rendez sur place, vous couvrez ce secteur ou en tout cas

  7   vous y établissez un poste de police. Alors voilà, je vais vous poser la

  8   question suivante : Est-ce qu'un travail de coordination consiste à

  9   repartir de mission et vérifier que le travail n'est pas fait deux fois, et

 10   que la zone est raisonnablement couverte par les 72e et 73e Bataillons ?

 11   Est-ce que c'est ainsi que je dois comprendre votre déposition ? Mais vous

 12   avez dit qu'il y avait d'abord à l'origine une décision, donc est-ce que

 13   cette coordination devait nécessairement commencer par une décision ?

 14   R.  Vous voulez dire la police militaire, la police civile --

 15  M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commençons par les 72e et 73e Bataillons.

 16   R.  Nous pouvons dire qu'une partie de la zone de responsabilité couverte

 17   par le 73e Bataillon à Drnis a vu se dérouler certaines actions. Nous

 18   pouvons, par exemple, voir quels sont le nombre des postes de contrôle, et

 19   le nombre de patrouilles effectuées, et les secteurs qui ont été couverts

 20   par les patrouilleurs pendant leur patrouille régulière. Tout cela avait

 21   pour but d'éviter un travail trop important pour certains et insuffisant

 22   pour d'autres. Nous voulions répartir la charge de façon équitable entre le

 23   72e et le 73e Bataillons de la Police militaire.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez-nous maintenant un exemple de

 25   coordination entre la police civile et la police militaire, je vous prie.

 26   R.  Personnellement, quand je suis allé dans le secteur de Obrovac ou celle

 27   de Benkovac, de Drnis, ou de Knin, j'ai vérifié personnellement, jour après

 28   jour, auprès des commandants de la police militaire, si la coordination

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  1   était bonne avec la police civile, et quand je dis "vérifier," la

  2   vérification portait dans tous les cas sur la façon dont étaient tenus les

  3   postes de contrôle. Donc est-ce qu'ils étaient tenus que par des membres de

  4   la police militaire, ou aussi par des membres de la police civile, ou s'il

  5   y avait que des membres de la police civile, comment le travail et l'action

  6   des forces de police -- de ces deux forces de police étaient coordonnées

  7   dans le secteur de responsabilité en question ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Puisque nous parlons

  9   de coordination, je vous demande si vous avez assisté à des réunions de

 10   haut niveaux peut-être, et ma question concerne aussi bien des réunions de

 11   nature purement militaire, que des réunions avec participation des pouvoirs

 12   civils, ou des supérieurs du MUP.

 13   R.  Non, Monsieur le Président. Ces réunions de coordination se tenaient de

 14   façon générale avec les commandants des postes de police qui avaient mis en

 15   place dans les secteurs libérés. Je ne me rappelle plus très bien, mais

 16   peut-être y avait-il parfois participation des représentants de la

 17   direction de la police, mais en dehors de cela personne d'autre.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de cette Chambre ont entendu

 19   un témoin qui leur a dit que vous assistiez à des réunions de haut niveau,

 20   en tout cas, que vous aviez assisté à une réunion de haut niveau - figure

 21   en page T-8973 du compte rendu d'audience - donc que vous avez assisté à

 22   des réunions de haut niveau destinées à déterminer le travail à accomplir,

 23   et que vous aviez ensuite assigné une mission particulière au témoin en

 24   question, qui travaillait exclusivement au sein de la police militaire, en

 25   lui disant comment les missions décidées durant ces réunions devaient être

 26   menées à bien. Le témoin décrit plus ou moins votre participation à des

 27   réunions de haut niveau, et parle de coordination entre la police militaire

 28   et la police civile, et du fait que vous assignez ensuite des missions vers

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  1   le bas de la hiérarchie.

  2   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas. Pourriez-vous me préciser un peu

  3   les choses, en me disant où cette réunion s'est tenue, et à quelle date ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous parle de rien de précis. Je

  5   vous renvoie simplement au fait que les Juges de cette Chambre ont entendu

  6   un témoin, et je vous demande un instant pour trouver l'endroit exact du

  7   compte rendu où le témoin évoque ce fait. J'essaie de retrouver ces mots

  8   exacts. Il parlait de vous, disant que vous étiez le coordinateur, et

  9   déclare ce qui suit, je cite :

 10   "Il coordonnait le travail de la police militaire et de la police civile.

 11   Il assistait à des réunions de haut niveau destinées à s'entendre sur le

 12   travail à accomplir, après quoi il me donnait."

 13   Ce témoin était commandant de Compagnie au sein du 72e Bataillon de la

 14   Police militaire, je poursuis la citation :

 15   "Il me donnait ensuite des consignes quant à la façon dont la mission

 16   décidée à la réunion devait être exécutée."

 17   Il n'y a pas d'autre détails. Voilà la base de ma question.

 18   R.  Monsieur le Président, je ne me rappelle vraiment pas avoir assisté à

 19   une réunion convoquée par de hauts responsables du ministère de l'Intérieur

 20   avec nous, pour discuter de questions opérationnelles pendant l'opération

 21   Tempête. Je ne sais vraiment pas. Est-ce qu'il pensait à une réunion d'une

 22   autre nature, peut-être ? Mais je ne me souviens vraiment pas que des

 23   responsables du ministère de l'Intérieur, des responsables de haut rang du

 24   ministère de l'Intérieur aient organisé une réunion à laquelle j'aurais

 25   personnellement assisté.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais d'après vos souvenirs, quelle est

 27   la réunion de plus haut niveau que vous auriez eu avec des responsables du

 28   MUP alors que vous vous trouviez dans le secteur entre le 3 août et le 13

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  1   août ?

  2   R.  Je crois que cela a été la réunion organisée en présence du chef de

  3   l'admissibilité de la police de Sibenik et de Knin.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous avez à quelque

  5   moment que ce soit assisté à des réunions auquel assistait M. Cermak ?

  6   R.  Oui, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui d'autres étaient présents à ces

  8   réunions ? Est-ce que des responsables du MUP étaient présents à ces

  9   réunions ? Est-ce qu'il y avait d'autres représentants ? Dites-le-nous.

 10   R.  Si je me souviens bien, j'ai assisté à deux ou trois réunions

 11   organisées par le général Cermak, mais les participants à ces réunions

 12   étaient très nombreux. Je me souviens que nous avions du mal parfois à

 13   trouver tous une place dans la salle, et oui, il y avait des représentants

 14   de la direction de la police militaire à ces réunions, et je crois me

 15   rappeler qu'il y avait aussi des représentants d'organisations

 16   internationales, des Nations Unies en particulier. Mais vraiment je ne me

 17   rappelle pas exactement quels étaient les participants à ces réunions, mais

 18   ce que je sais c'est que le nombre des participants était très important.

 19   Ça je m'en souviens, oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, nous allons maintenant

 21   faire une pause, et nous reprendrons nos débats à 11 heures.

 22   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

 23   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, je vais passer à un

 25   autre sujet.

 26   On va parler du système d'envoi de rapports. Donc, pendant que vous étiez

 27   dans le secteur sud, donc pendant la période que j'ai déjà mentionnée, est-

 28   ce que vous avez envoyé des rapports au général Lausic au sujet des crimes

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  1   ?

  2   R.  Le système d'envoi des rapport  qui étaient en vigueur était comme suit

  3   : Moi, j'étais au poste de commandement avancé du commandant du 72e

  4   Bataillon de la Police militaire où prévalait un système de garde

  5   opérationnelle où nous avions des rapports envoyés par toutes les unités

  6   subordonnées. C'est là que nous faisions un rapport, moi, ou un de mes

  7   collègues, un rapport consolidé que nous envoyions, un accord avec les

  8   ordres du général Lausic, donc que ne envoyions à Zagreb quotidiennement à

  9   l'administration de la Police militaire au plus tard à 22 heures.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ces rapports vous ne les envoyiez

 11   qu'à l'administration de la Police militaire de Zagreb, ou bien y a-t-il eu

 12   d'autres destinataires de ce rapport ?

 13   R.  Si mes souvenirs sont exacts, moi, j'ai envoyé mes rapports uniquement

 14   à l'administration de la police militaire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part de système d'envoi de

 16   rapports, puisqu'on va y revenir plus tard, est-ce que, dans ces rapports,

 17   vous parliez des crimes éventuels, des crimes constatés ?

 18   R.  Absolument. Tout ce que nous recevions des unités subordonnées en guise

 19   de rapports d'informations, tout cela se trouvait consigné dans ces

 20   rapports consolidés.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Dans la réponse précédente, vous

 22   avez dit que les rapports arrivaient de toutes les unités subordonnées.

 23   Ensuite, vous ou votre collègue, vous élaboriez un rapport consolidé. Est-

 24   ce que, dans ce rapport, vous inscriviez des informations qui provenaient

 25   de ce que vous avez vu, ce que vous avez constaté vous-même ?

 26   R.  Si mes souvenirs sont exacts, oui. Je l'ajoutais au rapport. Cela étant

 27   dit, il m'est arrivé aussi d'appeler l'administration de la Police

 28   militaire par téléphone et de les informer de tout ce que je savais

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  1   personnellement, ce que j'ai pu apprendre concernant l'accomplissement des

  2   missions, de problèmes aperçus pendant la journée.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci ne se trouvait pas

  4   consigné dans ce rapport écrit, le rapport dont vous venez de parler ?

  5   R.  Oui, dans le cas où j'ai été présent au moment où le rapport a été fait

  6   mais, pour moi, un rapport communiqué verbalement ou par écrit avait la

  7   même valeur.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez nous citer un exemple de choses

  9   vues ou constatées par vous qui ne se trouvaient pas dans le rapport envoyé

 10   par les unités subordonnées.

 11   R.  Je ne me souviens pas précisément de cela, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous demander d'examiner un

 13   certain nombre de rapports que vous avez reçus.

 14   Je vais demander d'examiner la pièce P1193. C'est la page 9 en anglais qui

 15   m'intéresse et la page 7 en B/C/S. C'est le deuxième paragraphe qui

 16   m'intéresse. Je n'ai pas l'impression que c'est la bonne page. Un instant,

 17   s'il vous plait. Apparemment, nous n'avons pas la bonne page en B/C/S.

 18   M. MISETIC : [interprétation] C'est le troisième paragraphe en B/C/S,

 19   Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me suis trompé alors. Je vous

 21   présente mes excuses. Voilà, j'aurais collé les chiffres "cinq à six",

 22   c'est moi qui me suis trompé.

 23   Monsieur Juric, veuillez lire le dernier paragraphe de ce qui se trouve sur

 24   la page en B/C/S. Donc il s'agit ici d'un rapport qui porterait sur les

 25   événements du 5 août.

 26   Vous souvenez-vous avoir reçu ce rapport où l'on fait mention de cinq à six

 27   corps trouvés au cours des recherches, et que l'on a informé de cela les

 28   forces de sécurité, et où on peut lire :

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  1   "Vu que peu de temps est passé depuis qu'on est entré dans la ville, nous

  2   supposons qu'il s'agit là des Croates tués par des Chetniks."

  3   Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu ce rapport ?

  4   R.  Monsieur le Président, je ne suis pas sûr à 100 % de l'avoir reçu. Si

  5   c'est un rapport envoyé par la police militaire de Benkovac, au jour

  6   indiqué, sans doute que nous l'avons reçu dans notre centre opérationnel et

  7   que nous l'avons lu.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant quand on lit cela, cinq à six

  9   personnes tuées, et dire que l'on peut supposer que ce sont les Croates

 10   tués par des Chetniks. Vous pensiez qu'on ne vous a pas fait rapport des

 11   crimes graves; est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire -- est-ce

 12   que vous êtes d'accord avec la conclusion que l'on trouve dans ce rapport,

 13   à savoir qu'à cause de la période qui s'est écoulées ces corps doivent être

 14   des corps des Croates tués par des Chetniks ?

 15   R.  Non, Monsieur le Président. Moi, je n'ai pas fait de conclusion de ce

 16   genre. C'est un rapport du 6 août, pour la date du 5 août, les combats se

 17   déroulaient intensément encore dans la région, et ce que l'on voit, c'est

 18   que les membres de la police militaire ont trouvé cinq à six corps sans

 19   vie, et ils ont sûrement informé qui de droit de cela. On doit retrouver un

 20   rapport à part de la police criminelle militaire qui aurait dû se rendre

 21   sur les sites et faire un constat. Donc je pense que nous n'avons pas tenu

 22   compte de l'opinion exprimée par la personne qui écrit ce rapport, qui fait

 23   part de son point de vue personnel.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous -- est-ce que vous, vous

 25   avez demandé à ce que l'on identifie les corps trouvés pour voir si la

 26   supposition exprimée dans ce rapport a un fondement réel ou factuel ?

 27   R.  Oui, avec moi, dans mon équipe, comme vous avez pu le voir il y avait

 28   des membres de la police criminelle militaire et de la police civile. Leurs

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  1   missions étaient bien définies. Une des missions de la police criminelle

  2   militaire était justement de prendre toutes les mesures nécessaires quand

  3   on retrouve de corps sans vie, des mesures qui relèvent de la compétence de

  4   la police criminelle militaire. S'ils ne sont pas en mesure de le faire,

  5   ils devaient en informer les organes de la police civile, qui devaient

  6   ensuite prendre les mesures adéquates telles que définies par notre

  7   profession.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous vous exprimez en termes

  9   généraux. Mais par rapport à ce rapport précis, est-ce qu'il y a eu des

 10   ordres de donnés, tel que faites en sorte que l'on identifie les corps ?

 11   Est-ce que vous vous souvenez d'avoir pris cette mesure ?

 12   R.  En lisant ce rapport, il est certain que j'ai dû donner une telle

 13   instruction, moi, ou quelqu'un d'autre qui faisait partie du centre

 14   opérationnel de garde. C'était quelque chose de tout à fait normal que de

 15   le faire. Il ne s'agit pas là d'une action extraordinaire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, là, vous répondez aussi de façon -

 17   - encore une fois de façon générale. Vous dites c'est sûr que quelque chose

 18   comme cela aurait dû être fait. Mais est-ce que vous avez un document à

 19   l'esprit que vous pouvez nous montrer et qui corrobore ce que vous venez de

 20   dire ?

 21   R.  Je ne suis pas sûr s'il existe un document. Je ne sais pas si

 22   personnellement j'ai donné ces instructions pour ce cas précis. Mais je

 23   répète, Monsieur le Président, dans de cas comme celui-ci, on était obligé

 24   de demander que ceci soit fait.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, dans ce rapport, il

 26   semblerait que vu que l'on part de la supposition un peu bancale qui ne

 27   fondait que sur le temps ou la période de temps passée, et bien, en se

 28   basant sur cette position, on entreprendrait pas une enquête ?

Page 27436

  1   R.  Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur le Président, les

  2   missions régulières, notre façon de travailler était telle que dans le cas

  3   comme celui-ci, il y avait un certain nombre de mesures à prendre, qu'il

  4   fallait prendre. Je dois vous rappeler encore une fois que peut-être que la

  5   personne qui a écrit ce rapport n'était pas suffisamment formé, de sorte

  6   qu'il ait exprimé ses points de vue personnels. Mais au sein de la police

  7   militaire il y avait suffisamment d'experts, de professionnels pour tenir

  8   compte de cela et pour vérifier de telles informations.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander d'examiner la page

 10   suivante en B/C/S. En anglais, c'est la même page, le dernier paragraphe.

 11   Donc, on peut lire :

 12   "Il faut ajouter qu'il n'y eut qu'un seul incendie dans la ville…"

 13   Est-ce que vous vous souvenez de cela ? Le rapport de M. Kranjcevic et il

 14   s'agit de Benkovac.

 15   R.  Si c'est quelque chose qui est écrit dans ce rapport, moi, je considère

 16   que telle était la situation sur le terrain.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un rapport qui a été fait par la

 18   police militaire. Cependant, nous ne voyons pas ici des informations qui

 19   indiqueraient qu'il y a eu une enquête de faite à ce sujet.

 20   Est-ce que vous avez reçu des rapports, ou bien est-ce qu'il y a eu des

 21   instructions demandant que dans le cas où il y aurait des maisons en feu

 22   qu'il fallait enquêter sur les causes de l'incendie ?

 23   R.  Je ne peux que supposer que la police militaire et les collègues, qui

 24   ont pu constater cela, qu'ils ont trouvé, donc personne autour de la

 25   maison. C'est pour cela qu'ils n'ont rien écrit à ce sujet. S'ils avaient

 26   remarqué qui que ce soit, qui que ce soit autour de la maison, à proximité

 27   de la maison, sans doute que c'est une information qui aurait été consignée

 28   dans ce rapport.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous d'accord avec moi pour dire

  2   qu'il s'agit peut-être ici d'un incendie volontaire des maison puisqu'ici,

  3   on peut lire qu'il n'y avait pas eu de tentatives d'incendie volontaire des

  4   maisons et que la situation était donc satisfaisante ?

  5   R.  Oui. Mais ici, on met l'accent sur le fait qu'il y avait une seule

  6   maison en feu et qu'on a pris les mesures nécessaires pour éteindre

  7   l'incendie le plus rapidement, le plus simplement possible pour empêcher

  8   que l'incendie ne se propage. Donc, je ne vois pas qu'on a essayé de

  9   dissimuler la réalité ou les événements.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous demander d'examiner la

 11   suite du document, la page 10 en anglais, et 8 en B/C/S.

 12   Veuillez lire le troisième paragraphe en entier en partant du bas du

 13   document. Lisez-le en votre langue et commencez par : "Treba napomenuti."

 14   R.  Je viens de le lire, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, ici, l'on décrit les

 16   problèmes qui ont commencé dans les lieux dont la police militaire s'est,

 17   où la police militaire s'est retirée en direction du front, de sorte que

 18   ces lieux sont restés sans les membres de la police militaire, ce qui a

 19   compliqué le travail du MUP puisqu'il n'y avait pas suffisamment de

 20   ressources humaines.

 21   Vous souvenez-vous avoir reçu ce rapport ?

 22   R.  Monsieur le Président, c'est une des constatations, je dirais

 23   quotidiennes, que l'on a pu voir de façon quotidienne lors de nos

 24   communications enter nous. Cette zone était extrêmement large. Nous

 25   n'avions que très peu de gens. Les gens travaillaient 12 heures par jour,

 26   on essayait de travailler le plus possible pour couvrir la plus grande

 27   partie du territoire pour être présents. Mais vous-même, vous devez savoir

 28   qu'il n'est pas possible de couvrir une zone aussi large avec aussi peu

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  1   d'éléments.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons examiner d'autres rapports

  3   plus tard. Mais entre-temps, je vais aborder un autre thème.

  4   Les commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police militaire qui vous

  5   faisaient des rapports à vous, est-ce qu'ils envoyaient en même temps des

  6   rapports au général Gotovina, ou bien est-ce qu'ils recevaient des rapports

  7   des commandants militaires ? Ce qui m'intéresse, c'est de connaître les

  8   liens de reporting, donc d'envoi des rapports, de réception de rapports

  9   entre le commandement opérationnel du HV et la police militaire.

 10   R.  Nous avons respecté la pratique en vigueur de la police militaire, la

 11   pratique habituelle. Donc, le commandant le plus haut gradé de la zone de

 12   responsabilité devait recevoir des rapports quotidiens opérationnels de la

 13   police militaire portant sur les événements dans sa zone de responsabilité

 14   et qui se sont déroulés au cours des 24 heures passées.

 15   Aussi, les commandants étaient supposés être présents lors de réunions de

 16   briefing tenues par les commandants opérationnelles dans leur zone de

 17   responsabilité où ils étaient censés recevoir et donner certaines

 18   informations.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part les rapports que vous avez

 20   envoyé à l'administration de la police militaire à Zagreb, est-ce que vous

 21   envoyez aussi des rapports au commandant militaire, qui n'appartenait pas à

 22   la police militaire ? Le cas échéant, à qui ?

 23   R.  Non, Monsieur le Président, moi, mes rapports, je ne les ai envoyés

 24   qu'à la direction, l'administration de la Police militaire, personne

 25   d'autre.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges ont reçu des éléments de

 27   preuve qui indiquent qui existaient différents systèmes de "reporting,"

 28   relevant des différentes chaînes de commandement; donc aussi bien au niveau

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  1   de la hiérarchie du HV qu'au niveau de la hiérarchie de la police

  2   militaire. Donc d'après vous, ce n'était pas le cas. Est-ce que vous, vous

  3   étiez censé envoyer des rapports le long de la chaîne de commandement du HV

  4   ?

  5   R.  Moi, je n'ai pas dit cela, si je vous ai bien compris, si j'ai compris

  6   de ce que vous venez de dire, moi, j'ai dit que le système d'envoie de

  7   rapports était le même que celui qui existait auparavant, et qui

  8   correspondait au système d'envoie de rapports de la police militaire, à

  9   savoir les commandants étaient obligés d'informer les commandants

 10   opérationnels du plus haut rang des événements qui se sont produits. Moi,

 11   personnellement, je n'ai envoyé mes rapports qu'à l'administration de la

 12   police militaire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire alors, donc si

 14   je vous ai bien compris, les autres commandants de la police militaire

 15   étaient censés envoyés des rapports à la hiérarchie du HV. Pourriez-vous

 16   nous dire à qui les commandants des 72e et 73e Bataillons de la Police

 17   militaire envoyaient leurs rapports et vers la chaîne de commandement du HV

 18   de l'armée ?

 19   R.  Le commandant du 72e Bataillon de la Police militaire était censé

 20   envoyer le rapport portant sur le développement de la situation du point de

 21   vue de la sécurité de façon quotidienne au commandant du district

 22   militaire.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'ils les faisaient ?

 24   R.  Je ne le sais pas, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez été responsable de

 26   l'accomplissement de toutes les tâches qui relevaient de la police

 27   militaire est-ce que ceci ne comprenait pas une responsabilité pour un

 28   système d'envoie de rapport correct vers l'hiérarchie du HV, ou bien au

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  1   moins de vérifier si cela est fait ?

  2   R.  Monsieur le Président, c'était une procédure habituelle qui existe

  3   depuis l'organisation, la création de la police militaire depuis qu'existe

  4   le règlement de la police militaire, donc je n'avais aucun besoin de

  5   vérifier cela, de vérifier si c'était fait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vais passer à un autre sujet,

  7   Monsieur Juric.

  8   Est-ce que -- alors que vous étiez en poste dans le secteur sud, est-ce que

  9   vous avez eu connaissance du pillage et incendie commis par les membres du

 10   HV dans la ville de Kistanje et les villages aux alentours de Kistanje le 6

 11   août 1995 ou autour de cette date ?

 12   R.  Non, Monsieur le Président. Moi, je suis allé, personnellement, à

 13   Kistanje le 8, le 9, le 10, peut-être, août; je ne me souviens pas de la

 14   date exacte. Je suis allé pour rendre visite à un petit groupe de police

 15   militaire qui a été envoyé là-bas pour assurer la sécurité dans un

 16   monastère orthodoxe et d'une usine qui était une usine de l'armée où l'on

 17   fabriquait des denrées destinées à l'armée. En arrivant à Kistanje, je n'ai

 18   remarqué rien d'extraordinaire, qui sort du cadre des galiers [phon] aux

 19   opérations de combat. Pendant que j'y étais, je suis sûr ne pas avoir vu

 20   une maison en feu, j'ai vu peut-être quatre ou cinq ruines et je me suis

 21   dit que ces maisons étaient dans cet état à cause des activités de combat.

 22   Peut-être si mes souvenirs sont exacts, le chemin faisant ou à Kistanje,

 23   même, j'ai rencontré quelques membres de l'ONU ils étaient présents ce

 24   jour-là à Kistanje, et moi, je n'ai rien vu d'extraordinaire, rien allant

 25   dans le sens de ce que vous dites, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander que l'on mette sur

 27   l'écran la pièce P203, la première page de ces documents aussi bien en

 28   anglais qu'en B/C/S. Veuillez examiner le paragraphe qui commence par :

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  1   "Sur le territoire libéré de l'arrière pays de Zadar et de Sibenik."

  2   Donc ici nous avons un rapport de M. Gugic du SIS, donc le service

  3   d'information et de sécurité, envoyé à M. Gojko Susak et à M. Miroslav

  4   Tudjman, et je vais vous donner lecture de ce qui m'intéresse. Voici ce

  5   qu'il dit :

  6   "Plus précisément" - il a fait un rapport du 8 août - "dans les

  7   villages libérés de Bribirske, Mostine, Djeverske et Kistanje, la situation

  8   est assez chaotique. Des incidents liés à l'incendie massif des biens au

  9   vol de biens, à la consommation de l'alcool et sont présents dans -- et les

 10   unités sont désorganisées."

 11   Donc, apparemment, ce que l'on lit ici ne correspond pas à ce que

 12   vous, ce que vous avez pu voir. Parce que vous, vous avez dit que vous

 13   n'avez même vu une seule maison en feu. Apparemment, M. Gugic n'est pas du

 14   même avis.

 15   R.  Monsieur le Président, moi, je vous ai dit que je suis allé à Kistanje

 16   ce jour-là et je ne l'ai vraiment pas vu. Je ne sais pas quelle était la

 17   situation dans les autres lieux ci-mentionnés. Je n'y suis pas allé donc je

 18   ne peux pas me prononcer à ce sujet.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, dans ce rapport, on peut lire,

 20   cette information a été envoyée aux commandants des groupes opérationnels,

 21   et on peut lire, par la suite :

 22   "Un Peloton de la Police militaire a été déployé dans la région pour

 23   normaliser la situation concernant les membres du HV."

 24   Là, j'ai l'impression que c'est quelque chose qui relève de votre

 25   responsabilité, à savoir de donner des missions ou des tâches aux Pelotons

 26   de la Police militaire.

 27   Est-ce que je vous ai bien compris ? Mais je vais vérifier. Donc est-ce que

 28   je vous ai bien compris ? Est-ce que vous avez dit que vous avez envoyé la

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  1   police militaire là-bas pour une autre raison, autrement dit, pour assurer

  2   la sécurité d'un monastère orthodoxe et d'une fabrique qui était une

  3   fabrique de l'armée ? Donc M. Gugic dit autre chose. Il dit que ce peloton

  4   a été envoyé là-bas pour normaliser la situation pour seulement les membres

  5   du HV.

  6   R.  Ce groupe de policiers militaires, que j'ai mentionnés par rapport à

  7   Kistanje, nous les avons envoyés là-bas. Cela faisait partie d'un plan sans

  8   qu'on ait reçu une quelconque information concernant la situation à

  9   Kistanje, puisque cela faisait partie de notre mission. On était censé

 10   assurer la sécurité de ces endroits, de ces installations. Moi, je ne me

 11   souviens pas de la date exacte de l'envoi de cette Unité à Kistanje. Est-ce

 12   que cette unité a été vue par M. Gugic comme une unité envoyée pour

 13   normaliser la situation comme il l'indique ? Je ne le sais pas. Toujours

 14   est-il que cette unité, l'unité envoyée là-bas avait pour mission d'assurer

 15   la paix et la sécurité dans un village qui relevait de notre

 16   responsabilité, qui se trouvait dans notre zone de responsabilité.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites vous être rendu sur place.

 18   Alors, la Chambre a été saisie d'éléments de preuve indiquant que vous vous

 19   êtes rendu dans la zone à la date du 9 août. Mais cela correspond-il aux

 20   souvenirs que vous en avez ?

 21   R.  Oui, Monsieur le Président. C'est ce que j'ai dit, qu'à ces dates du 8,

 22   9 août et 10 août, j'étais en déplacement dans la zone. Mais je n'arrivais

 23   pas et je n'arrive toujours pas à me rappeler de façon plus précise.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors d'autres personnes qui se sont

 25   trouvées présentes sur place aussi font état, pour ce jour-là, de votre

 26   présence. Ces personnes disent vous avoir vu sur place, à Kistanje. Les

 27   personnes en question ont traversé Kistanje, qui avait été complètement

 28   détruite et où l'on sentait l'odeur des cadavres. Alors, cela ne correspond

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  1   pas vraiment à votre souvenir, n'est-ce pas ?

  2   R.  Monsieur le Président, je peux dire encore une fois, et ce, en étant

  3   sûr à 100 % de cela, que le jour où j'ai été à Kistanje, je n'ai pas vu la

  4   moindre maison en flammes et je n'ai pas remarqué à titre personnel le

  5   moindre corps ni rien de ce que vous venez d'évoquer.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'une des personnes, qui ont noté votre

  7   présence ce jour-là sur place, s'est vue poser la question de savoir si

  8   vous étiez au courant de la situation. Je me réfère à la déposition de M.

  9   Hill, en pages 3 849 et 3 850 du compte rendu d'audience. Il a répondu :

 10   "Absolument," que vous étiez au courant, et il a répondu également, je cite

 11   :

 12   "Peut-être devrais-je ajouter que dans cette zone, à la date du 9

 13   août, une autre personne s'était rendue sur place."

 14   Vous a rencontré dans la municipalité de Kistanje, a rapporté que

 15   vous lui aviez demandé ce qu'il faisait dans une zone à accès restreint,

 16   que vous lui aviez remis de la nourriture et leur avez dit de retourner à

 17   la base des Nations Unies.

 18   Alors est-ce que cela vous permet de vous rappeler peut-être un peu mieux

 19   les rencontres que vous avez pu faire à l'époque ? Vous avez dit avoir vu

 20   des représentants de la communauté internationale à Kistanje, n'est-ce pas

 21   ?

 22   R.  Oui, Monsieur le Président. J'ai dit que, cette fois-là, lorsque

 23   j'étais sur place, j'ai remarqué sur la route ou dans la rue des membres de

 24   la police militaire canadienne. Je me suis arrêté. Je leur ai proposé et

 25   demandé de venir jusqu'à nous. Alors je n'entravais pas leur liberté de

 26   mouvement dans cette zone de responsabilité, pas du tout. Je ne leur

 27   interdisais rien, au contraire. Nous avions même des ordres nous enjoignant

 28   de rendre possible une pleine liberté de circulation dans toute cette zone

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  1   de responsabilité.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, apparemment, ce dont vous vous

  3   souvenez diffère de ce que ce témoin nous a dit. Il a déclaré que, plus

  4   tard ce même jour, ils ont traversé en voiture la ville de Kistanje et

  5   qu'ils ont dû fermer les, ils ont dû remonter les vitres de la voiture en

  6   raison de la chaleur qui se dégageait des bâtiments en flammes ?

  7   Avez-vous jamais reçu ou remarqué des rapports pour la date du 9 août

  8   faisant état de bâtiments qui auraient toujours été en flammes à ce moment-

  9   là, à Kistanje, donc ?

 10   R.  Je ne sais pas si j'ai reçu ultérieurement un rapport concernant les

 11   événements que vous décrivez. Mais je ne peux que répéter qu'au moment où

 12   moi j'étais sur place, il n'y avait pas une seule maison en flammes, et

 13   qu'il s'agit là des faits que j'ai notés et observés le jour où j'ai été

 14   présent sur place.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors conviendrez-vous avec moi que si

 16   des maisons étaient en train de brûler, étaient en flammes, il aurait été

 17   vraiment difficile de ne pas les remarquer, si toutefois tel était le cas ?

 18   R.  Absolument.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, voilà où nous en sommes.

 20   La Chambre, est, bien entendu, perplexe devant ces éléments émanant d'une

 21   personne indiquant avoir vu, alors plusieurs personnes indiquant avoir vu

 22   des maisons en train de brûler. Il y a également des rapports faisant état

 23   de soldats de la HV qui entrent dans les maisons, et ensuite, on observe

 24   que ces maisons sont en flammes. Donc la Chambre est perplexe face à cela

 25   d'un côté, et au fait que d'autre part, que vous, vous dites n'avoir rien

 26   remarqué alors même qu'il y a des rapports des représentants de la

 27   communauté internationale, un rapport de M. Gugic, le 8 août, qui donne de

 28   la situation une image complètement différent, qui fait état d'éléments que

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  1   vous auriez certainement remarqués. Enfin, il est extrêmement difficile

  2   d'imaginer que vous ne les auriez pas remarqués, si vous aviez été sur

  3   place à ce moment-là, est-ce que vous pouvez aider la Chambre face à ce

  4   dilemme ?

  5   R.  Monsieur le Président, il y avait le commandant de la police militaire

  6   canadienne, qui était présent. Je ne sais plus combien d'autres

  7   représentants ou officiers de la police militaire étaient encore présents,

  8   je ne sais pas exactement combien il y avait de Canadiens, mais il y en

  9   avait peut-être deux ou trois. Je n'arrive pas à m'en souvenir exactement,

 10   mais est-ce que vous pensez que nous aurions tous été assis ensemble autour

 11   d'une table, où nous nous serions contentés de rester debout les uns à côté

 12   des autres dans la rue à regarder des maisons en train de brûler sans

 13   essayer de faire quelque chose. Moi, j'aurais certainement essayé de me

 14   rendre sur place et de faire quelque chose. Je pense que les membres de la

 15   police militaire canadienne, tout comme moi, auraient également voulu

 16   prendre l'initiative. Mais je ne peux que répéter encore une fois la même

 17   chose, je ne sais pas exactement quel jour, à quelle date j'ai été sur

 18   place, mais au moment où j'ai été sur place en tout cas, je n'ai

 19   véritablement vu aucune maison en train de brûler.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y avait-il une raison précise à votre

 21   venue à Kistanje ce jour-là, que certains rapports nous indiquent comme

 22   ayant été le 9 août ? Certaines personnes indiquent qu'il s'agissait du 9

 23   août.

 24   R.  Oui, Monsieur le Président. J'ai dit que nous avions reçu déjà à

 25   l'avance, une mission, nous indiquant qu'une partie des effectifs de la

 26   police militaire devait se trouver sur place à Kistanje pour assurer la

 27   sécurité de certaines installations et bâtiments. Je suis venu sur place

 28   pour voir comment cette mission était accomplie, si les hommes faisaient

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  1   bien leur travail, s'ils disposaient de tout l'équipement nécessaire, s'ils

  2   avaient été mis au courant de tous les aspects des tâches qui leur

  3   incombaient, et donc en définitive s'ils mettaient correctement en œuvre

  4   les tâches qui leur avaient été confiées.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Alors est-ce que vous vous

  6   souvenez de la première fois où un détachement de la police militaire a été

  7   envoyé à Kistanje ?

  8   R.  Non, je ne m'en souviens pas, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si je vous disais que le registre

 10   de l'agent de permanence fait état pour la date du 6 août, que des membres

 11   de la police militaire ont été envoyés à Kistanje à 20 heures 40, est-ce

 12   que vous auriez la moindre raison de douter de l'exactitude de cette entrée

 13   dans le registre en question ?

 14   R.  Non, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous souvenez-vous de l'objectif précis

 16   qui était poursuivi dans le cadre de l'envoi de ce détachement de la police

 17   militaire; s'agissait-il uniquement de protéger le monastère orthodoxe ? Y

 18   avait-il d'autres installations ou bâtiment ou peut-être êtes-vous au

 19   courant d'autres raisons ? Je vous demande également cela dans le contexte

 20   non seulement du rapport de M. Gugic mais également des observations faites

 21   par d'autres. Mais je me limiterais aux observations qui sont celles de M.

 22   Gugic, pour la date du 8 août, donc qui fait donc déjà M. Gugic, fait déjà 

 23   état à ce moment-là, d'une situation chaotique, d'incendie volontaire dans

 24   des proportions massives, et ainsi de suite.

 25   R.  Je sais qu'avant le début même de l'opération Tempête, il y avait une

 26   compagnie à Sibenik, qui avait reçu pour mission de sécuriser un certain

 27   nombre de bâtiments, une fois que la zone serait libérée par la HV. C'était

 28   conformément au plan qui avait été établi, une partie des raisons mêmes

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  1   pour lesquelles cette unité s'est rendue à Kistanje. Alors, maintenant,

  2   est-ce que la tâche confiée à cette unité, et les effectifs qui avaient été

  3   affectés, ont fait l'objet d'une modification, entre-temps ? C'est quelque

  4   chose que je ne sais pas du tout. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous avez indiqué au général

  6   Lausic -- ou plutôt, vous avez fait votre rapport à ce dernier concernant

  7   les événements des 9 et 10 août. Dans ce rapport, ne se trouve pas la

  8   moindre mention d'incendie volontaire à grande échelle ni la moindre

  9   mention de pillage. Dans ce rapport du 10 août, peut-être souhaiteriez-vous

 10   le consulter, mais vous pourrez voir en tout état de cause, qu'il n'y ait

 11   pas du tout fait mention de quoi que ce soit ni d'incendie volontaire ni de

 12   pillage. En tout cas, la Chambre constate qu'il n'y a pas de rapport allant

 13   en ce sens, pas du tout même.

 14   Cependant, dans le rapport du 10 août, et peut-être que nous

 15   pourrions nous repencher sur lui, c'est le document qui porte la cote D733,

 16   si nous pouvions l'avoir à l'écran, s'il vous plaît.

 17   Au point numéro 2 de ce rapport est indiqué la chose suivante, je

 18   cite :

 19   "Les membres de l'unité assurent toujours la garde de ces deux

 20   installations industrielles, ainsi que du monastère orthodoxe."

 21   Alors ici, encore une fois, si on se réfère au rapport de M. Gugic

 22   concernant des incendies volontaires à grande échelle, si nous avons deux

 23   représentants de la communauté internationale qui décrivent avec force

 24   détail --

 25   Est-ce que vous avez des difficultés, Monsieur le Témoin, avec

 26   l'interprétation ? Est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que vous avez bien

 27   l'interprétation dans votre casque, Monsieur le Témoin ?

 28   R.  Oui, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc il est pour le moins

  2   surprenant de voir que ceux, qui montent la garde devant des complexes,

  3   devant des installations, des bâtiments industriels et un monastère

  4   orthodoxe, semblent être passés complètement à côté d'informations de cette

  5   nature qui font l'objet d'une description très détaillée de la part de

  6   représentants de la communauté internationale, et cela conformément avec

  7   des observations antérieures du SIS.

  8   Alors est-ce que vous avez la moindre explication à proposer quant à cela,

  9   quant aux raisons pour lesquelles vous auriez pu ne pas observer les

 10   incendies et les pillages et pourquoi également ceux qui étaient en pose,

 11   sur place, les hommes qui étaient en poste, eux, non plus n'auraient rien

 12   observé du tout ?

 13   R.  Monsieur le Président, les rapports, que je recevais des unités et que

 14   je faisais suivre aux chefs de l'administration de la police militaire, ne

 15   contenaient que ce dont on m'avait informé moi-même. Alors est-ce qu'il a

 16   pu y avoir un rapport particulier concernant Kistanje à la date du 10 août

 17   ? Je n'arrive pas à m'en souvenir. Mais s'il y avait eu des incendies

 18   volontaires à grande échelle ou des pillages, il est tout à fait certain

 19   que les hommes de la police militaire auraient dû en faire état dans leurs

 20   rapports, soit dans leurs rapports réguliers soit dans des rapports

 21   exceptionnels. Mais je ne sais pas, je ne sais vraiment pas si cela a ou

 22   non été fait.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Avançons à présent, alors.

 24   Je vous ai dit qu'il n'y avait pas la moindre mention à des incendies

 25   volontaires ou à des pillages dans les rapports des 9 et 10 août. Mais

 26   avant ces dates, est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu le moindre

 27   rapport qui vous ait été envoyé quant à ce que vous étiez censé faire ? Je

 28   parle de rapports concernant les événements des 6, 7 et 8 août. Je me

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  1   tourne vers les parties parce que la Chambre, pour le moment, n'a pas été

  2   en mesure de retrouver de tels rapports dans le dossier.

  3   Est-ce que vous pourriez nous dire s'il y a bien eu des rapports à

  4   ces dates-là qui ont été envoyés, rédigés et envoyés ?

  5   R. Oui. C'est tout à fait certain parce que nous faisions des rapports

  6   quotidiennement. Il est hors de doute que nous ayons rédigé ce rapport et

  7   que nous l'ayons envoyé. Alors je ne comprends comment il est possible

  8   qu'on n'at pas réussi à les retrouver dans les archives.   

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous dites qu'il y a nécessairement

 10   eu des rapports à ces dates ?

 11   R.  Oui. Absolument. Il est tout à fait certain que nous en avons rédigé

 12   des rapports à ces dates-là.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ce, quotidiennement, donc les 6 et 7

 14   août, également, et le 8 ?

 15   R.  Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre s'est penchée sur les

 17   rapports qui ont été versés au dossier, rapports que vous avez envoyés à

 18   l'attention du général Lausic. A aucun moment dans ces rapports, on ne fait

 19   état d'incendies volontaires ou de pillages dans la ville de Knin.

 20   Alors est-ce que vous pourriez nous dire si cela a jamais fait l'objet de

 21   rapports ? Parce que, comme vous le savez maintenant, nous avons pu étudier

 22   certains rapports et certains éléments de preuve, mais il semblerait que

 23   d'autres rapports soient manquants.

 24   Est-ce que vous, vous avez fait état d'incendies et de pillages se

 25   déroulant à Knin ?

 26   R.  Oui. Les membres de la police judiciaire, en plus de ce rapport dont

 27   j'ai parlé envoyaient quotidiennement un rapport séparé. Alors s'agissait-

 28   il d'un rapport écrit ou d'un rapport qui était fait oralement ? Je

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  1   n'arrive pas à m'en souvenir. Ce que je sais - et j'en suis certain - c'est

  2   que de tels événements faisaient bien l'objet d'envoi d'informations et de

  3   rapports à l'attention des supérieurs qui étaient informés d'incidents de

  4   cette nature.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que ces incidents faisaient

  6   l'objet de rapports et que les supérieurs en étaient informés. Mais y

  7   avait-il d'autres actions ou d'autres mesures qui étaient prises également

  8   ?

  9   R.  Je ne peux pas dire exactement le nombre de personnes contre lesquelles

 10   la police militaire a porté plainte ou a engagé des procédures, ni le

 11   nombre d'hommes contre lesquels des procédures disciplinaires ont été

 12   initiées.

 13   Je peux dire toutefois, sans pouvoir préciser leur nombre exact, qu'il y a

 14   sans aucun doute eu de tels cas et de tels rapports.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que, dans ce cadre, des personnes

 16   ont été arrêtées ?

 17   R.  Je n'arrive pas à me rappeler de cas concrets.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez communiqué cela au

 19   général Lausic ?

 20   R.  De quoi me demandez-vous si je l'ai informé ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'avez-vous informé des pillages

 22   auxquels certains se livraient à Knin ? L'avez-vous informé des incendies à

 23   Knin également ?

 24   R.  Il est hors de doute que je l'ai informé de tous les incidents se

 25   déroulant dans l'ensemble de la zone et non pas uniquement à Knin.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figurait-il dans vos rapports ?

 27   R.  Excusez-moi. Je parle des incidents dont j'étais au courant et au sujet

 28   desquels j'ai été informé par l'intermédiaire du système d'envoi de

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  1   rapports réguliers.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela dans ce cas figurait

  3   dans vos rapports écrits ?

  4   R.  Je n'arrive pas à me rappeler si tout avait été intégré ou non dans les

  5   rapports écrits, parce que ces rapports étaient rédigés dans les locaux des

  6   permanences opérationnelles. Je ne pouvais pas toujours m'y rendre. Il est

  7   tout à fait certain que j'ai également rendu mon rapport à l'administration

  8   de la Police militaire par téléphone concernant tous les incidents dont

  9   j'avais été mis au courant grâce aux rapports reçus en provenance du

 10   terrain dans ma zone de responsabilité.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, si nous reprenons l'ordre du 2

 12   août, sur la base de cet ordre, vous aviez pour tâche d'envoyer des

 13   rapports, rapports qui étaient censés inclure, je cite :

 14   "La criminalité et les infractions au pénal dans les territoires libérés et

 15   les zones de combat, le nombre de crimes commis, le nombre de plaintes

 16   déposées et le nombre de membres de la HV ayant commis des crimes."

 17   Donc rendre un rapport de cette nature par téléphone semblait assez

 18   inhabituel parce que fournir ce genre de détail, des noms, le nombre de

 19   plaintes déposées, et cetera, et le faire par téléphone, enfin, est-ce que

 20   vous avez une explication à nous proposer, ou bien y a-t-il eu également

 21   des rapports écrits ?

 22   R.  Concernant ces conversations téléphoniques et le fait de rendre mon

 23   rapport oralement, il s'agissait de rapports généraux. Je ne faisais pas

 24   état de cas concret ni ne donnais de noms. C'était dans les rapports écrits

 25   que l'on pouvait aborder cela de façon plus précise et concrète. Alors je

 26   ne sais pas s'il existe des rapports précédents dans lesquels les hommes

 27   qui se trouvaient ensemble avec moi au sein du même groupe ont relié ce

 28   type d'information, mais je ne me souviens tout simplement pas de quelle

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  1   façon ces éléments étaient ou non intégrés dans les rapports concernés.

  2   Alors est-ce qu'ils ont été reliés par d'autres rapports ? Peut-être que ce

  3   jour-là, les unités n'avaient envoyé aucun rapport à notre attention.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors ces rapports correspondant aux

  5   dates des 6, 7 et 8 août, est-ce qu'il est possible de les retrouver ?

  6   Parce que nous avons vu le rapport du 5 août, ceux des 9 et 10.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Nous n'avons pas été en mesure de retrouver

  8   les rapports correspondant aux dates du 6 et du 7. Nous vérifierons pour ce

  9   qui est de la date du 8, il faut vérifier si cela fait déjà partie du

 10   dossier ou non, parce que je n'en suis pas sûr.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Peut-être que nous avons, en fait,

 12   nous passer à côté de quelque chose dans les recherches que nous avons

 13   faites.

 14   Monsieur Carrier.

 15   M. CARRIER : [interprétation] Nous n'avons pas de rapports pour ces dates,

 16   Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 18   Alors le sujet suivant, au sujet duquel je souhaiterais vous poser

 19   quelques questions, Monsieur Juric, est le suivant : il s'agit de la police

 20   militaire et des responsabilités qui étaient les siennes à l'égard des

 21   civils; est-ce que vous pourriez nous dire quel était exactement le rôle de

 22   la police militaire par rapport aux civils que l'on retrouvait sur place,

 23   dans le secteur sud ?

 24   R.  La police militaire avait un rôle double. Pour ce qui est des

 25   civils, qui étaient retrouvés dans une zone de combat opérationnel, il

 26   était nécessaire de les évacuer dès que possible, de les placer sous la

 27   responsabilité de la police civile qui organisait les centres d'Accueil.

 28   Pour ce qui était des civils retrouvés dans une zone de responsabilité mais

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  1   hors des zones opérationnelles de combat, c'était la police civile qui

  2   avait une compétence exclusive pour eux.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors qu'est-ce que vous

  4   considérez comme "une zone de combat," si des unités se déplaçaient, qu'il

  5   n'y avait pas eu la moindre résistance, que ces unités ne rencontraient pas

  6   la moindre résistance ou ne rencontraient plus la moindre résistance sur

  7   place ? Est-ce qu'il s'agissait, là aussi, d'une zone d'où il aurait été

  8   nécessaire d'évacuer les civils ?

  9   R.  Je ne peux pas maintenant vous dire exactement quand telle ou

 10   telle zone cessait d'être une zone de combat. Mais, en tout état de cause,

 11   dans la grande majorité des cas, dès le moment où les forces de la HV

 12   avaient libéré une localité donnée et où la paix y avait été rétablie, peu

 13   ou proue, les Unités de la Police militaire et de la Police civile

 14   arrivaient très rapidement sur place, si bien que les unes comme les autres

 15   arrivaient très rapidement sur les territoires nouvellement libérés.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les civils restaient dans les

 17   centres de Regroupement ?

 18   R.  Je ne suis pas au courant, Monsieur le Président, de la façon dont les

 19   choses étaient organisées par la suite.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais juste avant votre départ, disons,

 21   juste avant le 11 août ou le 12 août, peut-être, y avait-il la moindre

 22   raison de maintenir des civils dans les centres de Regroupement, à ce

 23   moment-là ?

 24   R.  Je ne sais pas de quelle façon je pourrais répondre à cette question.

 25   Tous les civils ne se trouvaient pas dans des centres de regroupement. Il y

 26   avait aussi des civils, et je parle de Knin en tant que tel, il y avait

 27   certains civils de Knin qui étaient dans un camp des Nations Unies,

 28   d'autres civils de Knin qui étaient sur le territoire de Sibenik. Donc je

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  1   pense qu'au moment où tous les combats de quelle nature qu'ils soient ont

  2   pris fin, d'une certaine façon, il aurait dû y avoir une autorisation

  3   délivrée à ces civils pour qu'ils rentrent chez eux. Mais je ne sais pas

  4   comment les choses se sont passées, comment tout cela était organisé, car

  5   cela ne relevait pas de la compétence de la police militaire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais quoi qu'il en soit, la présence de

  7   civils dans les centres d'accueil était évoquée dans les rapports de la

  8   police militaire. Le nom de M. Glavan, vous dit-il quelque chose ?

  9   R.  Oui, c'était l'officier qui était avec moi dans l'équipe que nous

 10   formions. Il était responsable du travail de la police militaire chargée

 11   des crimes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il traite des civils et des centres

 13   d'Accueil destinés aux civils dans ces rapports, n'est-ce pas ? Vous avez

 14   dit, il y a quelques instants, que tout cela ne relevait pas de la

 15   compétence de la police militaire, mais en dépit de cela, ces éléments sont

 16   évoqués dans un rapport de M. Glavan qui date du 11 août ?

 17   R.  Peut-être a-t-il écrit si tel est le nombre de personnes qui ont été

 18   remises entre les mains de la police civile alors qu'elles se trouvaient

 19   dans des zones de guerre. Mais vous, vous m'avez demandé comment, de quelle

 20   façon ils étaient accueillis dans ces centres et à quel moment ils étaient

 21   censés être libérés de ces centres. Ma réponse a consisté à dire que je

 22   n'étais pas au courant de cette partie de l'activité en cause. Mais je sais

 23   que tous les civils ont été transférés dans un lieu sûr alors qu'ils se

 24   trouvaient dans des zones touchées par les combats. Peut-être est-ce sur ce

 25   point que M. Glavan fait rapport.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, M. Glavan indique quel est le

 27   nombre de personnes présentes dans ces divers centres, qu'il s'agisse de

 28   prisonniers de guerre ou de civils. Il en indique le nombre dans les

Page 27455

  1   centres de Regroupement, à la date du 11 août, ainsi que dans les centres

  2   d'Accueil, donc il ne rend pas compte de la façon dont ces personnes ont

  3   été remises à un tel ou à un tel. Si vous voulez, vous pouvez jeter un coup

  4   d'œil au rapport pendant la pause suivante, j'aurai grand plaisir à vous

  5   reposer ma question plus tard si vous le souhaitez pour vérifier si vous

  6   pouvez faire un commentaire supplémentaire ?

  7   R.  Non, Monsieur le Président. Non, je suis tout à fait sûr que mon

  8   collègues M. Glavan évoque le nombre total des personnes en question dans

  9   son rapport. Maintenant est-ce qu'il s'agissait de militaires ou de civils

 10   qui avaient été transférés à partir de zones touchées par les combats, ou

 11   est-ce que nous parlons de prisonniers de guerre qui ont été transférés

 12   dans un centre pour que leur sécurité soit assurée, donc qu'il fallait

 13   extraire des zones touchées par le combat le plus rapidement possible, en

 14   tout cas, ce sont des personnes qui sont passées entre les mains de la

 15   police militaire.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je vais maintenant

 17   aborder rapidement avant la deuxième pause une autre question.

 18   D'après ce que vous savez, est-ce que les Unités du 72e ou du 73e Bataillon

 19   de la Police militaire ont assuré à quelque moment que soit la garde d'un

 20   cimetière ?

 21   R.  Non, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de cette Chambre ont entendu

 23   des témoins qui se sont exprimés au sujet des événements du 6 août, et je

 24   m'appuie sur la pièce P785, qui est la déclaration préalable de ce témoin

 25   dont je vais citer un passage, je cite :

 26   "Certains policiers militaires ont participé à la garde du cimetière de

 27   Knin, au côté de policiers civils."

 28   Est-ce que ce passage que je viens de vous citer vous rafraîchit la

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  1   mémoire, ou est-ce que vous n'êtes pas au courant ?

  2   R.  Je ne parviens pas à me rappeler, Monsieur le Président. Vraiment je ne

  3   sais pas.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans cette déclaration préalable émanant

  5   d'une personne qui a été entendu en qualité de témoin, cette personne

  6   indique la raison pour laquelle le cimetière était gardé de cette façon, à

  7   savoir l'existence d'un ordre visant à assurer la protection des personnes

  8   qui creusaient les tombes. Est-ce que ceci vous rappelle quelque chose

  9   s'agissant des missions de la police militaire ou d'une mission consistant

 10   à assurer la sécurité des personnes participant à un enterrement ? Auriez-

 11   vous quelque chose que vous pourriez nous communiquer, au fond de votre

 12   mémoire, si une telle mission n'a jamais été exécutée, et quand

 13   éventuellement ce genre de travail a été confié à nouveau à la police

 14   civile ?

 15   R.  Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, le témoin --

 17   R.  Non, Monsieur le Président. Non, non. Je peux vous dire, avec une

 18   certitude à 100 %, que je ne me rappelle pas qu'une telle chose soit

 19   arrivée, en tout cas, je n'en ai pas connaissance.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire la pause.

 21   Nous reprendrons nos débats à midi 50.

 22   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française en page 21 du compte rendu

 23   anglais, à 10 heures 06, dans la réponse du témoin, remplacer s'il y a lieu

 24   Unité spéciale de la Police militaire par Unité spéciale de la Police.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier, la Chambre a appris

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  1   que vous aimeriez vous adresser à la Chambre avant l'entrée du témoin.

  2   M. CARRIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Très

  3   rapidement. Ce matin, vous avez dit au témoin que, le 2 août, il a été

  4   chargé de rédiger un rapport au sujet d'un acte criminel. Je suppose que

  5   vous parliez de la pièce D844, mais je ne suis pas sûr d'avoir compris à

  6   quel document vous faisiez référence ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai parlé de ce

  8   document. Je vais vous dire à quoi je faisais référence. Je vérifie.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce D27, je crois, D267,

 10   Monsieur le Président, je crois.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je crois que j'ai parlé de la pièce

 12   D844. 2D844.

 13   M. CARRIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Me Misetic a

 14   peut-être repris la confusion qui était la mienne. Il me semblait que

 15   l'ordre du 2 août dont vous parliez datait d'avant la pièce D267 ou la

 16   pièce D268. Parce que le document D844 n'a pas été envoyé à M. Juric.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Je revérifie. D844 envoyé par le

 18   général Lausic et destiné au commandement du détachement de la police

 19   militaire de la 3e Compagnie de Zadar et de la 4e Compagnie de Sibenik et,

 20   enfin, de Dubrovnik, donc je vais voir si je trouve --

 21   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me permets

 22   d'interrompre car peut-être pourrais-je être utile.

 23   Le document envoyé par le général Lausic à M. Juric n'a pas encore été

 24   versé au dossier. J'allais en demander le versement à l'issue de mon

 25   contre-interrogatoire. Il s'agit du document 65 ter numéro 2193.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, enfin, voyons les choses d'un peu

 27   plus près.

 28   Même si le numéro de référence du document, cité par moi, n'était pas le

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  1   bon, est-ce que ceci permet de douter du fait qu'il était censé rendre

  2   compte de la situation du point de vue des actes criminels commis ?

  3   M. MISETIC : [interprétation] J'allais soumettre au témoin la pièce D844

  4   pour ma part, Monsieur le Président, qui est un ordre émanant de M. Lausic

  5   et adressé directement à la 4e Compagnie du 72e Bataillon de Police

  6   militaire. Sur le fond, ce rapport reprend la pièce D844 et est identique à

  7   ce que l'on trouve dans le document 65 ter numéro 2193 qui est adressé aux

  8   officiers sur le terrain. Je le dis pour qu'il n'y ait pas de confusion.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a un problème sur le fond

 10   ou -- parce que je pense que vous avez raison, Monsieur Carrier. En tout

 11   cas, j'ai fait référence à un document qui n'était pas directement adressé

 12   à M. Juric.

 13   M. CARRIER : [interprétation] Je devrais vérifier le document dont vient de

 14   parler Me Misetic pour m'assurer --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Faites cela et nous reviendrons sur

 16   la question après le contre-interrogatoire. Si une question continue à se

 17   poser sur ce point, nous entendrons les parties. Si je n'ai pas été

 18   suffisamment précis sur ce point, toutes mes excuses. J'essaie, comme vous

 19   le faites tous, d'être le plus précis possible en toutes circonstances.

 20   M. CARRIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Toutes mes

 21   excuses.

 22   Puisque nous parlons des corrections au compte rendu d'aujourd'hui,

 23   j'indique qu'au compte rendu d'audience, en page 52, ligne 21, nous lisons

 24   la référence à la pièce P785, alors qu'il devrait être question de la pièce

 25   P875.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que M.

 27   Carrier a raison sur ce point.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 785 devrait se transformer en 875,

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  1   dites-vous. Oui. C'est bien à la pièce P875 que je voulais faire référence.

  2   M. CARRIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Pour finir, j'ai cru comprendre que vous avez proposé à M. Juric d'examiner

  4   un ordre --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne semblait pas très intéressé par la

  6   question. 

  7   M. CARRIER : [interprétation] Non, en effet. C'est clair, il ne s'y

  8   intéressait pas beaucoup. Mais il a expliqué qu'il a reçu des rapports

  9   traitant des civils qui étaient entre les mains de la police militaire. Il

 10   y a un certain nombre de rapports sur ce point. Je l'indique pour le compte

 11   rendu.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas que ce fait n'a pas fait

 13   l'objet de rapports. J'invitais simplement le témoin à examiner ce document

 14   particulier dont j'ai parlé. Je me souviens qu'il y a plusieurs rapports

 15   sur le sujet.

 16   Quelque chose d'autre ? Si tel n'est pas le cas, on peut faire entrer le

 17   témoin dans le prétoire.

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, j'aimerais à présent

 20   vous interroger au sujet de rapports que vous auriez pu avoir avec M.

 21   Cermak.

 22   Avez-vous joué un rôle quelconque dans la coordination du travail entre la

 23   police civile et la police militaire ?

 24   R.  M. Cermak a été placé aux fonctions du commandant de la garnison. Il a

 25   organisé un certain nombre de réunions. J'ai déjà dit qu'à ces réunions

 26   participait un très grand nombre de personnes qui discutaient de toutes

 27   sortes de choses. Mais M. Cermak n'était pas mon supérieur hiérarchique. En

 28   sa qualité de commandant de la garnison, il était habilité à donner des

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  1   ordres à la police militaire et en particulier à lui demander de vérifier

  2   comment était assurée la sécurité en certains lieux, par exemple. Il avait

  3   aussi la possibilité de demander des vérifications en matière de sécurité,

  4   des choses de ce genre. Mais je ne crois pas qu'il ait joué un rôle très

  5   important par rapport à la police militaire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il était en droit de

  7   distribuer des missions à la police militaire.

  8   Pourriez-vous nous dire sur quoi reposait ce droit ou ce pouvoir ?

  9   R.  Toutes les missions, tous les devoirs, toutes les tâches qui étaient

 10   celles de la police militaire selon le règlement, chaque officier dans sa

 11   zone de responsabilité avait également le droit de confier un travail à

 12   quelqu'un ou d'émettre une exigence pour autant que le travail en question

 13   ou l'exigence en question soit conforme aux pouvoirs dont était investie la

 14   police militaire selon les textes officiels.

 15   Dans des cas de ce genre, la police militaire avait le devoir d'exécuter la

 16   tâche qui lui est confiée selon les prescriptions régissant son travail.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a reçu un nombre restreint de

 18   documents constituant des ordres émanant de M. Cermak et adressés à

 19   diverses personnes et en particulier à la police militaire. J'aimerais vous

 20   les soumettre, pour voir si vous en avez le souvenir.

 21   D'abord, j'indique aux parties qu'il s'agit de la pièce D503 et je ne pense

 22   pas qu'il soit utile de reproduire l'intégralité des textes de ces ordres

 23   sur l'écran. Mais en tout cas, ce document est un ordre dans lequel le

 24   général Cermak ordonne à une équipe constituée de membres de la police

 25   militaire et de policiers de la police de Knin "de rechercher des véhicules

 26   appartenant à l'ONURC." Apparemment, ces véhicules de l'ONURC avaient

 27   disparu ou avaient été volés, et le général Cermak ordonne de constituer

 28   une équipe mixte constituée de policiers militaires et de policiers civils

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  1   dépendant du poste de police de Knin.

  2   Vous vous rappelez un ordre de ce genre ?

  3   R.  Je ne me rappelle pas à 100 % avec une certitude à 100 %, Monsieur le

  4   Président. Je ne me rappelle pas tout à fait bien cet ordre. Mais si vous

  5   dites qu'il a été rédigé, je suis sûr qu'il l'a été, ce qui confirme ce que

  6   j'ai déjà dit. Le général Cermak a confié une mission sur la base de

  7   renseignements reçus par lui au sujet d'un délit qui avait été commis. Il

  8   confie donc la mission de retrouver les auteurs de cet acte. Dans cette

  9   affaire, comme vous venez de le dire, il s'agit de véhicules volés.

 10   Cette mission relevait certainement des compétences de la police militaire,

 11   et la police militaire avait le devoir d'accepter cette mission et de

 12   l'exécuter.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis il y a un ordre assez semblable,

 14   qui date du 12 août, et qui ordonne la constitution d'équipes chargées de

 15   retrouver des matériels qui avaient apparemment été volés ou en tout cas,

 16   qui avaient disparu des locaux de l'ONURC.

 17   Est-ce que vous avez un souvenir précis de cela ? Il s'agit de

 18   pelleteuses, de camions et de Land Rover.

 19   R.  Comme tout à l'heure, je vous dirais que je n'ai pas un souvenir

 20   absolument précis d'un ordre de ce genre. Toutefois, il est clair que le

 21   général Cermak recevait des renseignements que lui transmettaient des

 22   membres des Nations Unies. Suite à quoi, il rédigeait ses ordres en

 23   fonction de ces renseignements pour les adresser à la police civile à

 24   laquelle il demandait de rechercher les auteurs des actes en question.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Considérez-vous que ceci entre dans la

 26   catégorie de ce dont nous avons discuté tout à l'heure et donc, relève de

 27   la compétence de M. Cermak, comme vous l'avez dit pour les véhicules

 28   évoqués tout à l'heure ?

Page 27462

  1   R.  C'est tout à fait ça. Ceci ne relevait pas uniquement de la compétence

  2   de M. Cermak ou du général Cermak. La police militaire avait le devoir de

  3   recevoir tout renseignement et d'en accuser réception en faisant état du

  4   fait qu'elle connaissait ces renseignements avant d'agir en conséquence.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a quelques instants, vous avez

  6   parlé de missions qui étaient confiées par M. Cermak à la police militaire.

  7   Est-ce que vous considérez que ce dont nous parlons en ce moment correspond

  8   à cette situation consistant à confier des missions ou est-ce simplement un

  9   problème d'information ?

 10   R.  Je considère que ces deux affaires sont des affaires où le général

 11   Cermak disposait de renseignements dont la police civile ne disposait pas.

 12   Donc il a émis un ordre en confiant une mission de suivi sur information,

 13   et les deux forces de police avaient le devoir d'agir selon ces

 14   renseignements et de mener à bien les missions qui leur étaient confiées

 15   dans ce cadre.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un autre document, maintenant. J'indique

 17   aux parties qu'il s'agit de la pièce D788.

 18   C'est donc un document écrit qui est un ordre adressé à la police militaire

 19   et destinée aux archives, également, mais qui n'est adressé à aucune autre

 20   police et qui se lit comme suit, je cite :

 21   "…ordre est donné de contrôler toutes les entrées de la caserne de l'ONURC,

 22   y compris l'entrée principale."

 23   Puis, en deuxième lieu, je cite :

 24   "…de procéder en particulier à des vérifications indispensables au moment

 25   où les réfugiés quittent une caserne, de ne pas les autoriser à partir en

 26   l'absence d'une autorisation en bonne et due forme."

 27   Je ne vais pas entrer dans le détail de cet ordre dans le détail de cet

 28   ordre, mais je vous demande si vous considérez ce document comme étant une

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  1   espèce d'ordre ou en tout cas un document qui confie une mission, comme

  2   l'avez dit à l'instant, et que rédiger un tel document était de la

  3   compétence de M. Cermak ? Ou est-ce que vous considérez que cet ordre ne

  4   rentre pas dans la catégorie dont nous venons de parler ?

  5   R.  Le général Cermak communiquait directement avec les représentants des

  6   Nations Unies stationnés dans le secteur de Knin. Il semble qu'ils ont eu

  7   une conversation ou plusieurs conversations quant à la meilleure façon de

  8   vérifier l'entrée des personnes dans la caserne et leurs déplacements dans

  9   celle-ci, ainsi que la mesure façon de les protéger.

 10   Si un ordre a été rédigé qui consistait à donner pouvoir à la police

 11   militaire de défendre le secteur, de protéger le secteur, cela relevait des

 12   attributions de la police militaire. Si on demandait aux policiers

 13   militaires d'empêcher des gens de sortir de ce secteur sans autorisation,

 14   il est certain que cela relevait bel et bien des attributions de la police

 15   militaire. Personnellement, je ne vois aucun problème dans tout cela.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Considérez-vous qu'il fût de la

 17   compétence de M. Cermak de vous donner des ordres ou de vous confier une

 18   mission, en rédigeant un ordre comme celui-ci ?

 19   R.  Je ne connais pas la date ni le contexte, peut-être pourriez-vous --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 2 août 1995 -- ou plutôt, je lis le

 21   2, au compte rendu - peut-être n'ai-je pas bien prononcé - c'est le 8 août.

 22   R.  Manifestement, le général a décidé de s'appuyer sur la police

 23   militaire, parce que des personnes armées présentes dans la région étaient

 24   impliquées, à savoir les représentants des Nations Unies présents dans le

 25   secteur. Donc leurs renseignements sont fournis à la police militaire et

 26   pas à la police civile.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si un ordre de ce type vous était

 28   adressé, un ordre vous demandant d'assurer la garde de l'entrée principale,

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  1   est-ce qu'il se serait agi d'un ordre pour lequel vous seriez censé obliger

  2   de l'exécuter ?

  3   R.  Dans le cadre de ce que j'ai dit précédemment, pour ce qui est de la

  4   sécurisation, de la protection des zones d'intérêt militaire, dans ce

  5   cadre-là, oui, j'aurais accepté cela comme étant une tâche incombant à la

  6   police militaire et je l'aurais exécutée.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la liberté de

  8   circulation, dont celle des personnels de l'ONURC, d'autres catégories,

  9   enfin nous avons vu cet ordre qui est intitulé comme tel et daté du 8 août,

 10   qui était envoyé aussi bien à la police militaire de Knin qu'au MUP, et

 11   dans lequel il était clairement indiqué que tous les membres de l'ONURC

 12   affichant de façon visible leurs insignes devaient pouvoir se déplacer

 13   librement dans la zone de Knin et de Drnis. On leur indiquait qu'il

 14   convenait pour eux d'utiliser les routes principales.

 15   Alors de votre point de vue, est-ce que cela entrait dans le cadre des

 16   ordres pour lesquels M. Cermak avait une certaine compétence et pour

 17   lesquels vous seriez senti tenu de les exécuter ?

 18   R.  Monsieur le Président, j'ai déjà indiqué précédemment que ces

 19   personnels avaient une pleine liberté de mouvement, de circulation. Alors

 20   j'ai reçu des informations mais je n'arrive pas à me rappeler si cela

 21   provenait de l'administration de la Police militaire ou de quelqu'un au

 22   sein du ministère de la Défense. Nous avions l'obligation d'assurer ou de

 23   permettre la liberté de mouvement de tous les membres des Nations Unies qui

 24   étaient déployés dans notre zone. Alors après avoir pris connaissance de

 25   cela, et après que ces tâches aient été confiées, il y a eu également cet

 26   ordre qui a été émis. Mais c'est uniquement après cela, après que j'ai

 27   confié ces tâches à mes unités, après que j'ai été informé que l'ordre a

 28   été émis.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que cet ordre est  arrivé au

  2   moment où vous aviez déjà planifié et préparé, organisé la mise en œuvre

  3   d'ordre précédent, et, suite à des informations que vous aviez reçues

  4   précédemment aussi; est-ce exact ?

  5   R.  Oui, je disposais de ces informations bien avant.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors il y a un ordre du 8 août qui est

  7   adressé ou du moins envoyé à la police militaire, et au poste de police de

  8   Knin. Le contenu de cet ordre est que, je cite :

  9   "Les hélicoptère de l'ONURC doivent être inspectés avant chaque vol, et que

 10   c'est la police militaire qui doit faire ces inspections conformément au

 11   plan de vol remis au préalable et en coopération avec les officiers de

 12   liaison des Nations Unies et de l'Union européenne."

 13   Alors je laisse de côté d'autres questions telles que la circulation des

 14   convois humanitaires et celles des véhicules de l'ONURC qui assurent

 15   l'approvisionnement en nourriture et en équipement. Je préférerais que nous

 16   nous concentrions sur le premier volet, donc celui des hélicoptères de

 17   l'ONURC devant subir une inspection.

 18   Tout d'abord, est-ce que cet ordre du 8 août est un ordre dont vous vous

 19   souvenez ?

 20   R.  Non, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour autant que vous le sachiez, la

 22   police militaire, n'a-t-elle jamais procédé à une inspection d'hélicoptère

 23   de l'ONURC, avant le décollage de ce dernier ?

 24   R.  Pas sous cette forme. Nous fournissions une assistance aux forces de

 25   sécurité lorsque des personnalités importantes venaient sur place, et nous

 26   procédions alors à des inspections pour contrer d'éventuels actes de

 27   sabotage et autres. Mais je ne me rappelle pas de cas concret de ce que

 28   vous venez de décrire.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Monsieur Juric, vous avez dit que

  2   si les tâches vous étaient confiées en application de documents qualifiés,

  3   désignés comme des ordres, vous vous considériez comme tenu d'effectuer ces

  4   tâches. Mais y avait-il ou n'y a-t-il jamais eu la moindre discussion à ce

  5   sujet ? N'avez-vous jamais eu une discussion quant à des tâches que M.

  6   Cermak vous demandait d'accomplir ou une controverse concernant son

  7   autorité à procéder ainsi, et votre obligation à accomplir les tâches

  8   concernées ?

  9   R.  Je ne me rappelle pas qu'il y ait eu de discussion de cette nature, et

 10   je ne me souviens pas non plus qu'il y ait eu des tâches attribuées par le

 11   général Cermak ou des ordres émis par lui qui seraient venus contredire la

 12   réalité du travail ou des activités de la Plus ou moins tel que régies ou

 13   décrites par les règlements applicables. Dans un telle situation, je suis

 14   sûr que certains des membres de la police militaire qui auraient reçu un

 15   tel ordre auraient pris contact avec le général Cermak, pour lui dire que

 16   cela sortait du cadre de leur compétence, et ils en auraient également de

 17   la compétence de la police militaire, donc qu'ils auraient également

 18   informé leurs propres supérieurs au sein de la police militaire de la

 19   situation concernée. Je suis sûr, dans de tel cas, une décision aurait été

 20   prise quant à la marche à suivre, pour ce qui était de la mise en œuvre de

 21   la tâche considérée. Il ne faut pas oublier que nous connaissions un manque

 22   réel d'effectif, et qu'à chaque fois que certaines personnes se voyaient

 23   confier telle ou telle tâche, cela réduisait les capacités d'action de la

 24   police dans ces tâches quotidiennes. C'était là le principe fondamental que

 25   nous gardions à l'esprit, qui régissait notre activité quotidienne.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors passons à un autre sujet.

 27   Les patrouilles de la police militaire étaient-elles limitées aux

 28   routes principales et à leurs intersections, aux carrefours principaux, ou

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  1   bien ces patrouilles s'aventuraient-elles également en profondeur sur le

  2   terrain en s'écartant des routes principales ?

  3   R.  Les patrouilles s'en tenaient pour l'essentiel aux routes principales

  4   et s'aventuraient peu sur le réseau routier secondaire pour deux raisons :

  5   Nous n'avions pas assez d'hommes ni de véhicules à notre disposition, d'une

  6   part; et d'autre part, il y avait des soupçons qu'une bonne partie du

  7   territoire était encore miné. Donc, nous n'étions pas en mesure, pour ces

  8   deux raisons que je viens de citer, de dépêcher des patrouilles loin des

  9   routes principales, en profondeur.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]  Soit. Mais la Chambre a entendu des

 11   témoignages, a été saisie d'éléments de preuve indiquant que certains

 12   personnes qui étaient en service d'active retournaient tout simplement chez

 13   eux dans leur village pour y passer la nuit.

 14   Alors, est-ce que vous pourriez nous expliquer comment il se fait que la

 15   situation ait été suffisamment sûre pour que vous renvoyiez ces hommes dans

 16   leur village pendant la nuit alors que simultanément, vous nous dites

 17   qu'elle n'était pas suffisamment sûre pour inspecter le terrain en

 18   profondeur ? Je parle de routes du réseau secondaire ou de petites routes

 19   de village plutôt que de routes principales. Je ne dis pas, je ne parle pas

 20   du fait de s'écarter des routes principales.

 21   R.  Quand je parle de routes principales, je parle de routes asphaltées.

 22   C'est ce à quoi nous nous tenions. C'était notre principe. Quant aux routes

 23   du réseau secondaire, j'ai dit les deux raisons pour lesquelles nous ne

 24   pouvions pas les couvrir en raison, donc, du manque de véhicules motorisés

 25   et du manque de personnel, du manque d'effectifs.

 26   D'autre part, il y a eu un grand nombre d'hommes et de membres du personnel

 27   civil qui, de leur propre initiative, ont exprimé le désir de se rendre à

 28   leur propre domicile, à leur maison. Il s'agissait de personnes qui

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  1   connaissaient bien mieux le terrain que nous. C'est de leur propre

  2   initiative et de leur propre responsabilité également qu'ils ont été

  3   autorisés à se rendre sur place pour vérifier l'état de leurs biens

  4   immobiliers, de leur maison, de leur ferme.

  5   Si vous prenez également en considération l'étendue de cette zone de

  6   responsabilité d'une part, le nombre de policiers que nous avions à notre

  7   disposition d'autre part, le nombre de postes de contrôle que nous devions

  8   mettre en place pour assurer les fonctions qui étaient les nôtres, il

  9   apparaît que nous avions encore moins d'hommes disponibles pour pouvoir les

 10   affecter éventuellement à des patrouilles pour renforcer l'effectif des

 11   patrouilles et prolonger la durée de leurs interventions.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions, et

 13   je demande l'affichage de la pièce D1533, paragraphe 12.

 14   Madame la Greffière, par souci de précaution, je vous demanderais de

 15   vérifier si ce document jouit d'une quelconque protection auquel cas il ne

 16   devrait pas être montré au public.

 17   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est un document ouvert au

 19   public. Très bien.

 20   Je vois deux versions en B/C/S sur l'écran alors qu'il conviendrait qu'il y

 21   en ait une en anglais et une en B/C/S.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je n'ai aucune objection, bien entendu, mais

 23   je voudrais m'assurer que je n'ai pas raté un mail, un courriel qui

 24   m'aurait été envoyé par la Chambre au sujet des pièces qui seront utilisées

 25   dans l'audition de ce témoin, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est possible que nous ayons raté

 27   quelque chose. Dans ce cas, toutes mes excuses. Je sais que ce document a

 28   été ajouté à la liste à un moment assez tardif, ce qui rend la Chambre

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  1   beaucoup plus humble dans les critiques qu'elle adresse pour défaut de

  2   préavis. Mais si vous pouviez faire preuve de la même indulgence que celle

  3   dont vous avez déjà fait preuve les uns envers les autres, la Chambre

  4   apprécierait beaucoup.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

  6   Comme je l'ai déjà dit, ce document nous est très connu. Mais au cas où il

  7   y aurait d'autres documents ajoutés dans ces conditions, il serait utile

  8   que nous le sachions.

  9   Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne crois pas que ce soit le cas en ce

 11   moment.

 12   Donc paragraphe 12, je vérifie un point. Non, c'est la fin du paragraphe

 13   qui m'intéresse. Donc, il faudrait faire défiler la page anglaise du texte

 14   vers le bas.

 15   Il est question du colonel Biskic qui assigne des tâches à certains hommes

 16   chargés, donc, d'assurer la sécurité de territoires nouvellement libérés

 17   dans la profondeur du terrain. Puis ensuite nous voyons une liste d'un

 18   certain nombre d'actions énumérées au paragraphe A à E du texte.

 19   Page suivante en anglais maintenant sur les écrans, je vous prie.

 20   Vous voyez qu'un certain nombre de mesures sont indiquées dans cette

 21   partie du texte, et je vous demanderais de vous concentrer sur la dernière

 22   de ces mesures, je cite :

 23   "…n'utiliser que les artères principales durant les déplacements en évitant

 24   les routes secondaires ou les raccourcis lors de voyages de nuit."

 25   La Chambre se pose la question de savoir de ce point de vue comment il est

 26   possible d'assurer la sécurité dans la profondeur d'un territoire lorsqu'on

 27   se contente d'emprunter les plus grandes voies de circulation.

 28   R.  Tous les jours, nous avions des discussions, nous analysions à

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  1   quelques-uns la meilleure façon de couvrir le terrain. Pour l'essentiel,

  2   nous recevions donc des rapports concernant la situation la veille, et

  3   c'est sur la base de ces rapports que nous nous efforcions de déplacer au

  4   mieux les postes de contrôle et donc de canaliser de cette façon certaines

  5   des routes secondaire pour installer les postes de contrôle sur les grandes

  6   artères. A l'aide des effectifs disponibles, nous nous efforcions de faire

  7   ce travail du mieux que nous pouvions, et lorsque nous modifiions

  8   l'emplacement d'un poste de contrôle ou lorsque nous modifiions le parcours

  9   d'une patrouille, nous essayions de le faire dans les meilleures conditions

 10   possibles.

 11   Je ne sais pas à quelle réunion particulière le colonel Biskic a évoqué ces

 12   missions, je n'en ai pas le souvenir très précis. Je ne sais pas s'il a dit

 13   expressément qu'il nous fallait éviter d'emprunter les sentiers et les

 14   routes secondaires pendant la nuit. Mais quoi qu'il en soit, il a

 15   probablement été guidé dans sa décision par les effectifs disponibles, le

 16   nombre des effectifs disponibles également, et le fait que certaines routes

 17   secondaires étaient minées.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce contexte et parlant toujours de

 19   cette même déclaration préliminaire, nous trouvons dans le texte de cette

 20   déclaration une référence à la date du 11 août 1995, et à ce qui s'est

 21   passé ce jour-là dans le secteur de Derala, à savoir au fait que 20 membres

 22   de la 141e Brigade de l'armée de Croatie ont été tués, ce jour-là, ce qui

 23   indique le danger qu'il y a à circuler sur d'autres routes que les routes

 24   principales. Alors pourriez-vous nous dire exactement si vous avez le

 25   souvenir de cet événement de ce jour, où 20 soldats ont été tués ?

 26   R.  Oui, je me souviens de cet événement, mais je ne me souviens pas des

 27   détails précis, à savoir des conditions, des circonstances exactes dans

 28   lesquelles cet incident s'est produit. Je crois que ces hommes sont tombés

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  1   dans une embuscade ou quelque chose comme ça, mais je ne peux pas vous dire

  2   avec une certitude à 100 % dans quelle condition exacte, ces hommes ont été

  3   tués.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pourriez-vous nous dire si

  5   vous avez souvenir précis de l'endroit où se trouve Derala, ou en tout cas

  6   de ce qu'est ce lieu-dit, est-ce un village, un hameau, une montagne ?

  7   R.  Pour vous dire la vérité, en cet instant précis, il est certain que je

  8   ne le sais pas exactement. Mais je pense qu'à l'époque où j'ai reçu les

  9   informations dont nous parlons, je savais à peu près où se trouvait cet

 10   endroit, et nous avons regardé la carte pour localiser l'endroit en

 11   question avec précision. Parce que, si je me souviens bien, l'un des hommes

 12   qui a été tué ce jour-là à cet endroit avait un rapport de famille avec M.

 13   Glavan, qui faisait partie de l'équipe en même temps que moi. Donc c'est la

 14   raison pour laquelle j'ai ce souvenir.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre sur la réponse d'une

 16   des réponses déjà fournies par vous, que lorsque nous parlons de

 17   patrouilles et d'efficacité des mesures prises, que les postes de contrôle

 18   se trouvaient tous en tout cas que la majorité de ces postes de contrôle se

 19   trouvaient sur les routes principales et aux carrefours principaux ?

 20   R.  Je ne dirais pas que nous n'érigions des postes de contrôle que sur les

 21   routes principales. Notre effort visait à canaliser au maximum la

 22   circulation sur les routes secondaires et à placer les postes de contrôle

 23   aux endroits où nous estimions qu'ils étaient les plus propices à une

 24   circulation d'un point A à un point B. Donc c'est ce genre de critères que

 25   nous avions à l'esprit lorsque nous installions nos postes de contrôle,

 26   nous voulions qu'ils soient le plus efficaces que possible.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'à l'époque de votre présence

 28   sur les lieux, vous aviez des postes de contrôle tenus par des policiers

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  1   civils en même temps que des policiers militaires ? Je pense que vous avez

  2   déjà parlé de ce genre de coordination un peu plus tôt dans la matinée;

  3   est-ce que cela s'est produit ? Est-ce que des postes de contrôle tenus par

  4   les deux polices ont existé pendant votre séjour sur place ?

  5   R.  Très certainement, mais je ne saurais vous dire exactement aujourd'hui,

  6   où se trouvaient ces postes.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre devant laquelle vous

  8   comparaissez a entendu des témoins déclarer que les policiers en uniforme,

  9   et il s'agit avant tout de membres de la police civile ne se rendaient que

 10   rarement dans les villages situés à une certaine distance des grandes voies

 11   de circulation; est-ce que la même remarque vaut pour la police militaire ?

 12   R.  Je ne saurais vous dire avec une certitude absolue que c'était le cas

 13   ou que cela n'était pas le cas. Mais en dépit de cela, chaque fois que nous

 14   étions informés du fait que quelque chose s'était passé, et chaque fois que

 15   nous avions la possibilité d'envoyer sur place une patrouille, il était

 16   certain que nous le faisions sans tenir compte du fait que le lieu-dit ou

 17   le village pouvait être rejoint en empruntant une route asphaltée ou non

 18   asphaltée.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Juric, la Chambre n'a plus de

 20   questions à vous poser. Je ne crois pas qu'il y ait le moindre sens à

 21   commencer le contre-interrogatoire maintenant. Monsieur Carrier, puisque

 22   nous sommes à quatre ou cinq minutes de l'heure normale de suspension.

 23   J'aimerais que les parties fournissent à la Chambre une indication quant au

 24   temps dont elles auront besoin suite à l'interrogatoire principal ?¸

 25   M. CARRIER : [interprétation] J'espère en terminer à la fin de

 26   première partie de l'audience de demain matin.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense, Maître Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais en terminer avant la fin de la

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  1   deuxième partie de la matinée, demain matin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, ne me dites pas que vous

  3   espérez en terminer à la fin de la troisième partie de l'audience.

  4   M. KAY : [interprétation] Non, Monsieur le Président, cela dépendra

  5   beaucoup de ce qui sera passé avant. Mais il me faudra une partie complète

  6   d'audience. Ça, c'est certain.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Mikulicic.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'aurais pas de questions à poser au

  9   témoin, Monsieur le Président. En tout cas, au vu de la situation actuelle.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 11   Alors nous avons trois parties de l'audience demain. M. Carrier en occupera

 12   une, Me Misetic la deuxième, Me Kay, aura besoin d'une partie entière.

 13   Monsieur Juric, je suis sûr que les parties feront de leur mieux pour que

 14   votre audition se termine demain, mais cela n'est pas garanti.

 15   J'aimerais vous donner consigne de ne parler à personne de votre

 16   témoignage, que ce soit de ce que vous avez déjà dit jusqu'à présent ou de

 17   ce que vous vous prêtez à dire demain, et peut-être lundi prochain.

 18   Nous aimerions vous revoir ici demain, vendredi 5 mars, à 9 heures du

 19   matin, dans cette même salle d'audience numéro III.

 20   Suspension jusqu'à demain.

 21   [Le témoin quitte la barre]

 22   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le vendredi 5 février

 23   2010, à 9 heures 00.

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