Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 14 mai 2012

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

  7   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  9   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-06-90-A, le Procureur contre Ante Gotovina et

 12   Mladen Markac.

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Monsieur Gotovina, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous

 15   comprenez ?

 16   L'APPELANT GOTOVINA : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 18   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 19   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 20   L'APPELANT CERMAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]

 22   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 23   M. KEHOE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Gregory Kehoe,

 24   ainsi que M. Luka Misetic, Me Mettraux et Payam Akhavan représentant les

 25   intérêts d'Ante Gotovina.

 26   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 27   [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]

 28   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]


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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, et bonjour à

  2   tous et à toutes en dehors du prétoire.

  3   Je m'appelle Me Mikulicic. A ma gauche se trouve M. Tomislav Kuzmanovic, et

  4   derrière moi, Me John Jones ainsi que M. Kai Ambos. Et nos assistants

  5   juridiques, David Gault et Cameron Russel, qui sont à notre droite, et

  6   notre commis à l'affaire.

  7   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

  8   M. STRINGER : [interprétation] M. Stringer, je représente l'Accusation. Je

  9   suis accompagné ce matin par mes collègues - qui se trouvent de gauche à

 10   droite - M. Matthew Cross, Helen Brady ainsi que Saeeda Verral. Notre

 11   commis à notre l'affaire est Colin Nawrot.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Appel de la décision rendue par la

 13   Chambre de première instance le 15 avril 2011 par la 1ère Chambre de

 14   première instance. D'après l'ordonnance portant calendrier délivrée le 4

 15   avril 2012, la Chambre d'appel va entendre l'affaire en l'espèce.

 16   Je vais résumer les éléments de l'appel et vous dire comment nous allons

 17   procéder aujourd'hui.

 18   Dans l'affaire qui nous intéresse, la responsabilité de M. Gotovina et M.

 19   Markac sont mises en cause pour les crimes commis dans la région de

 20   Krajina, en Croatie, au moment où des actions militaires nommées opération

 21   Tempête étaient menées, et ceci s'est déroulé en août 1995. Pendant la

 22   période couverte par l'acte d'accusation, M. Gotovina était lieutenant

 23   général dans l'armée croate et commandait la Région militaire de Split.

 24   M. Markac était assistant du ministre de l'Intérieur et commandait la

 25   police spéciale de Croatie.

 26   La Chambre de première instance a constaté que M. Gotovina et M. Markac

 27   étaient tous deux membres de l'entreprise criminelle commune et

 28   souhaitaient réaliser l'objectif commun, à savoir de déplacer de façon


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  1   permanente la population civile serbe de la région de Krajina par la force

  2   ou sous la menace de la force.

  3   MM. Gotovina et Markac ont tous deux été condamnés au terme de l'entreprise

  4   criminelle commune pour incitation et pour avoir expulser la population en

  5   tant que crimes contre l'humanité, forme d'entreprise criminelle commune

  6   accusée de persécutions en tant qu'actes inhumains et crimes contre

  7   l'humanité et de pillage, et en tant que membres de cette entreprise

  8   criminelle commune, de s'être livrés à des pillages de biens privés, de

  9   destruction sans motif, de meurtre et de traitement cruel en tant que

 10   violations des lois et coutumes de la guerre.

 11   La Chambre de première instance a condamné M. Gotovina à une seule peine

 12   d'emprisonnement de 24 ans. M. Markac a été condamné à une peine de 18 ans.

 13   M. Markac [comme interprété] a demandé à ce que la Chambre d'appel annule

 14   l'ensemble des condamnations. Au premier motif, il conteste la constatation

 15   de la Chambre de première instance à savoir que les attaques d'artillerie

 16   contre la population civile étaient illégales et contre des biens de

 17   civils.

 18   Au chef numéro 2, il conteste les constatations de la Chambre de première

 19   instance indiquant que les attaques illégales avaient pour but de déplacer

 20   par la force les civils serbes.

 21   Aux chefs 3 et 4, il conteste les constatations de la Chambre de première

 22   instance indiquant qu'une entreprise criminelle commune existait et qu'il

 23   était responsable individuellement pour les crimes qu'il avait commis dans

 24   le cadre de l'entreprise criminelle commune.

 25   La réponse de l'Accusation est la suivante : M. Gotovina, tous ses motifs

 26   d'appel doivent être rejetés.

 27   M. Markac présente huit motifs d'appel, il conteste toutes les

 28   condamnations et demande à la Chambre d'appel d'annuler ces condamnations


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  1   dans leur intégralité ou, subsidiairement, que sa peine soit réduite.

  2   Au premier motif, il conteste les constatations de la Chambre

  3   de première instance indiquant que l'entreprise criminelle commune existait

  4   et qu'il en était un membre, et qu'il était donc individuellement

  5   responsable des crimes qui lui étaient attribués dans le cadre de

  6   l'entreprise criminelle commune.

  7   Aux motifs 2, 3 et 5, il met en cause les constatations de la Chambre de

  8   première instance eu égard au rôle joué par le police spéciale dans la

  9   destruction et le pillage de Gracac, de Donji Lapac, et pour avoir

 10   planifier des meurtres au point 10.

 11   Au motif numéro 8, il conteste les constatations de la Chambre de première

 12   instance eu égard à l'expulsion et au déplacement forcé.

 13   Au chef numéro 8 [comme interprété], il conteste les constatations de la

 14   Chambre de première instance indiquant qu'un conflit armé international

 15   n'existait pas pendant toute la période de l'acte d'accusation.

 16   Et pour finir, au motif numéro 12, il conteste sa peine.

 17   L'Accusation a répondu en indiquant que tous les motifs de l'appel de M.

 18   Markac doivent être rejetés dans son addendum à l'ordonnance portant

 19   calendrier aux fins de cette audience qui est délivré. Le 23 avril 2012, la

 20   Chambre d'appel a demandé aux parties d'évoquer ces questions en citant les

 21   archives :

 22   1, à savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur en

 23   appliquant ce critère d'une distance de 200 mètres lorsque la Chambre a

 24   analysé le caractère légal des pilonnages par l'artillerie.

 25   Au point 2, à savoir si les conclusions de la Chambre de première instance

 26   concernant l'impact que ces tirs d'artillerie ont eu sur différents sites

 27   doivent être retenues et si on doit appliquer ce critère des 200 mètres, à

 28   savoir s'il s'agit d'une erreur ou pas.


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  1   Au point 3, à savoir si ces attaques illégales ont eu lieu ou non et qu'il

  2   faut retenir cet élément-là dans les conclusions de la Chambre eu égard aux

  3   sites où ont été retrouvés les impacts, à savoir si ceci est une erreur ou

  4   si les constatations de la Chambre de première instance, à savoir qu'il

  5   existait réellement un entreprise criminelle commune, si ceci doit être

  6   retenu, à savoir si les conclusions de la Chambre sont erronées ou non eu

  7   égard aux attaques illégales de l'artillerie.

  8   Pendant toute la durée de l'audience, les parties pourront soumettre les

  9   arguments par rapport aux motifs de l'appel dans un ordre qu'ils jugent

 10   approprié.

 11   Cependant, j'enjoins les conseils de ne pas répéter littéralement ou de

 12   résumer les arguments déjà présentés dans leurs mémoires.

 13   La Chambre d'appel connaît ces arguments.

 14   De surcroît, nous demanderons aux parties de citer des références

 15   très précises eu égard à leurs arguments oraux.

 16   Je remarque qu'il existe des éléments de preuve dans cette affaire qui

 17   n'ont pas encore été versés au dossier. J'encourage les parties à ne pas

 18   citer ces documents-là. Si de tels documents doivent être cités, je demande

 19   à ce que les parties indiquent très clairement de quoi il s'agit et de

 20   préciser si oui ou non ces documents ont été versés au dossier.

 21   Et je réitère qu'un appel n'est pas un procès de novo et que les parties

 22   doivent s'abstenir de présenter leur thèse comme elles l'ont fait pendant

 23   le procès.

 24   Les arguments doivent s'en tenir à des erreurs de droit qui invalident le

 25   jugement rendu par la Chambre de première instance ou qui mettent en

 26   exergue des erreurs présumées de fait qui auraient pu conduire à une erreur

 27   judiciaire.

 28   Nous allons donc procéder comme suit : nous allons tout d'abord entendre


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  1   les arguments du conseil de M. Gotovina pendant une heure et 30 minutes.

  2   Après une pause de 15 minutes, l'Accusation répondra pendant une heure et

  3   30 minutes. Suite à une deuxième pause de 15 minutes, le conseil de M.

  4   Gotovina aura 30 minutes pour répliquer.

  5   Dans l'après-midi, nous allons reprendre à 14 heures 10 et nous entendrons

  6   les arguments des parties dans le cadre de l'appel de M. Markac. Il y aura

  7   peut-être des déclarations personnelles de la part de M. Gotovina et de M.

  8   Markac.

  9   Les parties vont présenter les arguments de façon précise et concise. Les

 10   Juges, bien évidemment, pourront intervenir et interrompre les parties à

 11   tout moment pour leur poser des questions ou pourront poser des questions à

 12   la suite des arguments présentés par les parties ou à la fin de l'audience.

 13   Après avoir indiqué de quelle façon nous allons procéder, je souhaite

 14   inviter le conseil de M. Gotovina à présenter son appel. Et je souhaite

 15   rappeler aux parties que nous avons un calendrier très strict aujourd'hui,

 16   et je remercie les parties de bien vouloir s'en tenir au temps qui leur a

 17   été alloué.

 18   Monsieur le Conseil de M. Gotovina, veuillez prendre la parole, s'il

 19   vous plaît.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Encore une fois, je m'appelle Gregory Kehoe. Je vais présenter

 22   l'argument principal concernant M. Gotovina, les points 1 et 2, par rapport

 23   aux questions qui ont été demandées par la Chambre d'appel.

 24   Ensuite, je donnerai la parole à Me Misetic, qui abordera les points 3 et

 25   4.

 26   Et pour finir, Me Akhavan terminera notre présentation avec quelques brèves

 27   remarques.

 28   Monsieur le Président, en ce qui concerne -- ou plutôt, avant de répondre


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  1   aux questions qui ont été posées par la Chambre d'appel et par la Chambre

  2   de première instance, nous aimerions faire un résumé succinct de l'affaire

  3   et dire quelles, exactement, étaient les constatations de la Chambre de

  4   première instance par rapport aux Serbes qui ont quitté la région de

  5   Krajina.

  6   La Chambre de première instance a conclu que les civils serbes sont partis

  7   pour des raisons qui étaient indépendantes d'un comportement légal de la

  8   part de HV dans quatre villes à l'exception de celles qui sont citées dans

  9   l'acte d'accusation. A savoir, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac. Les

 10   motifs pour lesquels la Chambre de première instance a cité ces villes dans

 11   le cadre de départ de civils, à l'exception de ces quatre villes, se

 12   trouvent au paragraphe 1 754, 1 755 et 1 762 du jugement de la Chambre de

 13   première instance. On y trouve les informations suivantes : des

 14   informations fournies par les unités de la SVK ou des comités locaux de

 15   l'armée serbe de Krajina, le départ d'autres personnes et les craintes

 16   lorsque les Croates et le HV arriveraient, la crainte de la violence

 17   communément associée à des conflits armés et des craintes généralement

 18   ressenties en raison de la présence les forces croates et la méfiance par

 19   rapport aux autorités croates. Le dernier motif présenté par la Chambre de

 20   première instance concernait le fait que des représentants officiels de la

 21   RSK disaient aux habitants de quitter les autres endroits, et ce, le 4 août

 22   1995.

 23   Alors, dans quelle mesure la Chambre de première instance a constaté que

 24   les quatre motifs pour un départ vers d'autres endroits ne pouvaient

 25   constituer une explication raisonnable pour la raison pour laquelle ces

 26   personnes avaient quitté ces quatre villes en question ? Pourquoi ? Parce

 27   que ces attaques d'artillerie soi-disant illégales qui avaient pour but de

 28   prendre pour cible des zones civiles, et ce, à dessein, à partir desquelles


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  1   la Chambre de première instance en a conclu que le général Gotovina avait

  2   donné l'ordre que ces attaques indiscriminées soient menées contre ces

  3   quatre villes. Cette constatation constituait-elle véritablement une

  4   explication raisonnable de ces éléments de preuve ?

  5   Alors je vais aborder quelques points. La Chambre de première instance a

  6   les éléments de preuve qui lui ont été présentés : 95 % des cas, on a dit

  7   que les projectiles ont été tirés à Knin et que les objectifs militaires

  8   ont été pris pour cible. Je souhaite enjoindre la Chambre d'appel de se

  9   tourner vers l'annexe 1, la réponse de l'appelant à la requête de

 10   l'Accusation qui souhaitait supprimer cette partie-là du mémoire en

 11   réplique de l'appelant, déposée devant la Chambre d'appel le 7 octobre

 12   2011. Les statistiques se trouvent à la page 2.

 13   Les enquêtes menées par la communauté internationale et les observateurs

 14   militaires des Nations Unies ont constaté que les attaques avaient un

 15   caractère hautement professionnel et étaient concentrées sur des cibles

 16   militaires. Aucune enquête sur le terrain n'a été conclue ou n'a permis de

 17   dire que des conclusions contraires ont été constatées, ce qui laisse

 18   entendre qu'il s'agirait d'une attaque illégale. Je demande aux Juges de la

 19   Chambre de se reporter à la pièce de l'Accusation P64, une évaluation

 20   provisoire par les observateurs militaires des Nations Unies, suivie par

 21   une évaluation définitive. Ceci est conforme à l'évaluation dite

 22   professionnelle, tel que cela a été confirmé de l'Accusation, Alun Roberts,

 23   c'est le chef des services de Renseignements des Nations Unies. Et ceci a

 24   été confirmé aux pages du compte rendu d'audience 7 081 et 7 082 du compte

 25   rendu d'audience en l'espèce.

 26   La Mission d'observation européenne n'a pas évoqué les attaques illégales

 27   lorsqu'elle a parlé des événements en Krajina les 4 et 5 août 1995. Ce qui

 28   est encore plus important, aucune constatation n'a permis de conclure qu'un


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  1   civil a été tué ou blessé et qu'aucun civil serbe n'a pu être identifié

  2   comme tel, qui aurait pu prétendre avoir quitté la Krajina parce qu'il

  3   avait peur du pilonnage, à savoir si c'était légal ou illégal --

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi. Mon collègue, le Juge

  5   Patrick Robinson, souhaite prendre la parole.

  6   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je souhaite vous demander sur cette

  7   partie de votre déclaration. Vous avez posé la question de savoir si

  8   c'était la seule constatation raisonnable que la Chambre de première

  9   instance aurait pu faire.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 11   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Autrement dit, vous laissez entendre

 12   que s'il y avait des constatations autres que raisonnables, la Chambre

 13   d'appel pourrait constater que la Chambre de première instance avait commis

 14   une erreur.

 15   M. KEHOE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge. S'il n'y a pas

 16   d'explication raisonnable des éléments de preuve qui s'accorde avec

 17   l'innocence de l'accusé, dans ce cas la Chambre d'appel devrait constater

 18   que nos clients ne sont pas coupables et annuler le jugement rendu par la

 19   Chambre de première instance.

 20   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Même si la constatation de la

 21   Chambre de première instance est raisonnable.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Au terme de la loi, s'il y a une explication

 23   raisonnable pour ces éléments de preuve et, dans le cas qui nous intéresse,

 24   coïncide avec son innocence, dans ce cas la Chambre d'appel doit constater

 25   que nos clients ne sont pas coupables.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous demander de m'indiquer

 27   quels sont les autres éléments de preuve à l'appui.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Nous allons donc poursuivre notre présentation,

  3   Monsieur le Juge Robinson, et nous allons aborder certains de ces points-

  4   là. Au fur et à mesure, nous répondrons aux questions posées par la Chambre

  5   d'appel.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Robinson.

  7   Monsieur Kehoe, vous pouvez poursuivre.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.

  9   Comme je l'ai indiqué, ce qui est encore plus important, aucune

 10   constatation n'a permis de dire que des civils ont été tués ou blessés et

 11   que des civils serbes ont pu être identifiés qui auraient prétendu avoir

 12   quitté la Krajina en raison de leur crainte du pilonnage, que ceci ait été

 13   légal ou illégal.

 14   En conclusion, je vais parler de ce que nous avons conclu à partir de ces

 15   questions-là. La Chambre d'appel [comme interprété] a agi de façon

 16   déraisonnable lorsqu'elle a inclus dans ses motifs le départ et que la

 17   Chambre a constaté qu'il y avait d'autres régions de Krajina dont ces

 18   personnes sont parties auxquelles on n'a pas pu attribuer un comportement

 19   illégal de la part de l'armée croate, et on n'aurait pas pu constater qu'il

 20   s'agissait là d'une explication raisonnable des éléments de preuve

 21   présentés eu égard à ces quatre villes qui sont en cause ici.

 22   Messieurs les Juges, nous vous remercions pour les questions posées par la

 23   Chambre, et nous estimons que cela porte sur les points essentiels du

 24   jugement rendu par la Chambre de première instance, à savoir s'il s'agit là

 25   d'un fondement suffisant permettant de prendre en compte cette notion

 26   arbitraire des 200 mètres lorsque la population civile serbe a été prise

 27   pour cible.

 28   Je vais maintenant parler de la première question à laquelle vous nous avez


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  1   demandé de répondre.

  2   Première question : alors la Chambre de première instance a commis une

  3   erreur lorsqu'elle a appliqué ce critère des 200 mètres pour indiquer que

  4   le pilonnage par l'artillerie était légal ou non. La réponse à la question

  5   est très simple.

  6   Je crois qu'il est important de parler de cette distance et qu'il s'agit

  7   d'une erreur parce que la Chambre de première instance en a conclu que

  8   cette règle a été appliquée. Il est simple de dire qu'aucun obus tombant

  9   dans cette zone de 200 mètres pouvait constituer un objectif militaire

 10   connu et avait l'intention de frapper un objectif militaire, parce qu'il

 11   s'agit d'"une interprétation raisonnable des éléments de preuve."

 12   Messieurs les Juges, il ne s'agit pas d'un critère de marge d'erreur. Une

 13   marge d'erreur n'a pas été établie. Il s'agit simplement d'une règle qui a

 14   été mise en place par la Chambre de première instance. Si nous avions eu un

 15   expert qui aurait pu parler de la marge d'erreur, à ce moment-là il aurait

 16   fallu prendre en cause un nombre très important de critères, comme par

 17   exemple les tirs qui seraient tombés à l'extérieur de cette marge d'erreur,

 18   et ensuite on aurait pu dire pourquoi ces tirs seraient tombés à

 19   l'extérieur. Ceci aurait été dû à l'erreur humaine ou à des informations

 20   erronées et, donc, qui auraient indiqué que ces tirs auraient été à

 21   l'extérieur de cette marge d'erreur. Donc il suffit de dire que cette règle

 22   qui a été appliquée, cette règle de 200 mètres, n'est pas une marge

 23   d'erreur.

 24   Et pourquoi s'agit-il d'un critère erroné au terme duquel les tirs

 25   d'artillerie ont été analysés ? Et comment et pourquoi est-ce que la

 26   Chambre de première instance a commis une erreur en utilisant cette norme,

 27   ce critère ? Premièrement, je vous dirais que la première erreur commise

 28   par la Chambre de première instance vient du fait qu'elle n'a pas expliqué


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  1   pourquoi il fallait mener à bien une analyse des lieux où se trouvent les

  2   impacts d'obus afin de déterminer l'intention qui sous-tendait l'ordre

  3   d'attaque donné par le général Gotovina. Comme je l'ai indiqué très, très

  4   brièvement auparavant, la Chambre de première instance disposait d'éléments

  5   de preuve qui se trouvaient dans les documents de la HV suivant lesquels au

  6   moins 95 % de tous les tirs ont été tirés avec comme objectif la

  7   suppression ou l'attaque contre les objectifs militaires tout à fait

  8   légitimes. Cela aurait dû suffire pour que la Chambre détermine qu'il y

  9   avait une explication raisonnable des éléments de preuve qui correspondait

 10   tout à fait à l'affirmation de la Défense suivant laquelle l'ordre donné

 11   par le général Gotovina n'était pas un ordre d'attaque illégale, mais a

 12   plutôt été interprété en tant que tel comme ordre pour attaque illégale. Et

 13   c'est exactement ce qu'a témoigné lors de sa déposition le chef

 14   d'artillerie du général Gotovina, M. Marko Rajcic, dont la déposition a été

 15   corroborée par les registres d'artillerie de la HV. Et qu'en est-il des

 16   morts et de la destruction ? Car la Chambre n'a pas absolument pas conclu

 17   qu'il y avait eu des morts de civils ou des blessures de civils dans les

 18   quatre villes touchées par les obus. Il n'y avait pas d'éléments de preuve

 19   non plus à propos de destructions larges et importantes d'objets à

 20   caractère civil. Par conséquent, la Chambre de première instance n'a pas

 21   expliqué pourquoi, au vu de ces conclusions, elle a pensé qu'il était

 22   judicieux d'étudier les sites ou les lieux d'impact afin de déterminer

 23   l'intention qui sous-tendait l'ordre donné par le général Gotovina ou

 24   pourquoi elle a eu besoin de mettre au point une méthodologie qui

 25   s'appuyait sur la mesure de la distance entre les lieux d'impact et les

 26   objectifs militaires connus.

 27   Ce qui nous amène à la deuxième erreur commise par la Chambre de première

 28   instance, à savoir cette règle des 200 mètres qui ne s'appuie sur aucun


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  1   élément de preuve. Cela n'a jamais été présenté lors du procès. Cela n'a

  2   même pas été une question qui aurait été abordée ou analysée. Absolument

  3   pas. La Chambre de première instance a déterminé et a fait sienne cette

  4   règle des 200 mètres au bout d'une très longue analyse menée sur les

  5   éléments de preuve relatifs aux marges d'erreur des systèmes d'armement de

  6   la HV, et ce, au paragraphe 1 898 du jugement. Placée dans ce contexte,

  7   cette règle des 200 mètres suggère de façon très, très, très claire que la

  8   Chambre de première instance essayait d'établir un lien entre ses

  9   conclusions relatives aux 200 mètres et son analyse de la marge d'erreur.

 10   Mais en fait, ce lien n'a pas été établi. Car si nous reprenons le

 11   paragraphe 1 898 du jugement où la Chambre de première instance se penche

 12   sur cette marge d'erreur et sur ce critère de la Chambre, d'ailleurs nous

 13   voyons qu'il n'y a aucune conclusion. Par exemple, la Chambre de première

 14   instance cite la déposition de M. Konings, qui indique que pour un obus de

 15   155 millimètres [comme interprété] tiré à une distance de 14,5 kilomètres,

 16   la marge d'erreur serait pour la portée 55 mètres, auquel il faut ajouter

 17   60 mètres supplémentaires pour chacun des quatre paramètres suivants :

 18   notamment la vitesse initiale, la vitesse de l'air, la température ainsi

 19   que la densité.

 20   Il faut savoir, en fait, quelles sont les armes dont parlait M.

 21   Konings, car il n'y avait pas d'obus de 155 mètres qui ont été utilisés. Je

 22   pense en fait qu'il s'agissait d'un T-130.

 23   Mais si la Chambre de première instance avait accepté le critère de M.

 24   Konings, elle aurait, pour un obus de 155 mètres, envisagé une marge

 25   d'erreur allant jusqu'à 295 mètres. Voilà les observations d'ordre général

 26   qui ont été avancées par M. Konings.

 27   Or, pour le T-130, la distance de tir était de 26 kilomètres. Alors,

 28   manifestement, lorsqu'il s'agit d'une distance de 26 kilomètres, la marge


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  1   d'erreur aurait dû être beaucoup plus importante. Par conséquent, la

  2   Chambre d'erreur [comme interprété] ne s'est pas fondée sur la déposition

  3   de M. Konings pour déterminer cette règle des 200 mètres, parce que M.

  4   Konings, pour une distance beaucoup plus réduite, avançait déjà une marge

  5   d'erreur qui était quasiment de 300 mètres. En fin de compte, la Chambre de

  6   première instance a reconnu que l'Accusation n'avait pas su déterminer au-

  7   delà de tout doute raisonnable quelle était la gamme des marges d'erreur

  8   des systèmes d'armement de la HV. Et l'Accusation, en fait, n'a pas su en

  9   présenter les preuves.

 10   La Chambre -- en fait, j'aimerais attirer l'attention de la Chambre à la

 11   note en bas de page 932, qui figure à la page 965 du jugement, note en bas

 12   de page où la Chambre - et j'aimerais que vous puissiez consulter vos

 13   écrans - où la Chambre, disais-je, je cite :

 14   "Si ces impacts qui se trouvaient à une distance de plus de 700 mètres des

 15   cibles d'artillerie avaient été le résultat de l'imprécision des armes

 16   d'artillerie utilisées, il aurait fallu encore savoir si ce type d'arme

 17   imprécise pouvait être utilisée dans le contexte d'une attaque d'artillerie

 18   dirigée contre des cibles bien précises à l'intérieur d'une ville."

 19   Manifestement, cette conclusion démontre que la Chambre de première

 20   instance ne savait pas quelle était la marge d'erreur pour ces systèmes

 21   d'armement.

 22   Et je dirais qu'étant donné que l'Accusation n'a pas su démontrer et

 23   présenter ces preuves à propos de la marche d'erreur qui devait être

 24   retenue, de ce fait la Chambre de première instance aurait dû conclure que

 25   l'Accusation n'avait pas pu s'acquitter de la charge de la preuve à propos

 26   de la détermination de cette règle de 200 mètres. Cela est assez évident.

 27   Je reviens à la note en bas de page 932. Si nous prenons la note en bas de

 28   page 932, qui se trouve maintenant sur vos écrans, et cela donc commence au


Page 27

  1   bas de la page et ensuite se retrouve à la page suivante, la Chambre de

  2   première instance indique, et je cite :

  3   "En conclusion, la Chambre de première instance a conclu qu'il y avait trop

  4   de projectiles qui ont eu un impact dans des zones qui étaient trop

  5   éloignées des cibles d'artillerie identifiées et qui se trouvaient

  6   disséminées dans Knin pour que les projectiles d'artillerie qui ont eu un

  7   impact dans ces zones puissent être considérés comme résultat d'erreurs ou

  8   d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV."

  9   Si la Chambre de première instance avait été d'avis que la marge d'erreur

 10   avait pu être établie comme étant inférieure à 200 mètres, elle l'aurait

 11   indiqué comme base permettant d'exclure la possibilité que les obus

 12   atterrissent à une distance de plus de 200 mètres.

 13   Et nous pouvons, en fait, prendre en considération le dossier, car la

 14   Chambre de première instance n'a jamais expliqué pourquoi les 200 mètres

 15   avaient une importance si capitale. Il n'y a pas d'élément de preuve que

 16   l'on puisse trouver dans le dossier qui justifie le choix de ce critère de

 17   200 mètres. Il semblerait donc que la Chambre de première instance a retenu

 18   ce critère de 200 mètres de façon arbitraire.

 19   Et en dernier lieu, il semblerait que toutes les parties, y compris

 20   l'Accusation d'ailleurs, s'entendent et s'accordent pour dire, et je cite,

 21   que "La marge d'erreur de 200 mètres est beaucoup trop étroite." Par

 22   conséquent, la Chambre de première instance a commis une erreur en

 23   déterminant que cette règle des 200 mètres et en l'acceptant alors qu'elle

 24   ne peut pas véritablement affirmer que cela corresponde à une marge

 25   d'erreur.

 26   Il y a une troisième raison que j'avance et par laquelle j'indique que la

 27   Chambre de première instance a commis une erreur, puisque l'accusé n'a

 28   jamais été informé de cette norme. Au moyen d'appel 1.1.3, il est indiqué


Page 28

  1   en fait que la Chambre a adopté ce rayon de 200 mètres autour des objectifs

  2   militaires et que c'est une affirmation qui n'a jamais fait l'objet de

  3   discussion lors du procès.

  4   Donc il faut savoir si cette Chambre de première instance a commis une

  5   erreur en utilisant cette distance de 200 mètres pour analyser la légalité

  6   des tirs d'artillerie, étant donné qu'il a été démontré que les tirs

  7   étaient concentrés sur des cibles militaires. Par conséquent, au vu de

  8   cette règle de 200 mètres, il n'y a pas de relation ou de lien entre la

  9   marge d'erreur, étant donné que ces 200 mètres correspondent manifestement

 10   à une norme tout à fait arbitraire, qui n'a absolument pas fait l'objet de

 11   discussion.

 12   J'aimerais maintenant en venir à ma deuxième question.

 13   Est-ce que les conclusions tirées par la Chambre de première instance eu

 14   égard aux lieux d'impact devraient être conservées si l'application ou

 15   l'utilisation de cette marge d'erreur de 200 mètres est considérée comme

 16   erronée ? Bien entendu, ma réponse sera négative.

 17   Car si l'on considère que la règle de 200 mètres est erronée, alors

 18   les conclusions tirées par la Chambre de première instance à propos des

 19   lieux d'impact doivent également être annulées. Car la Chambre de première

 20   instance tire plusieurs conclusions qui ne semblent pas raisonnables et qui

 21   se fondent toutes sur l'application erronée de la règle des 200 mètres.

 22   Premièrement, je vous dirais que la Chambre de première instance a

 23   utilisé cette règle des 200 mètres pour déterminer le caractère civil des

 24   "zones civiles où il a été indiqué que des obus sont tombés."

 25   La jurisprudence est très claire en la matière, car il revient à

 26   l'Accusation de déterminer au-delà de tout doute raisonnable qu'"un objet

 27   était destiné à des fins civiles." Et j'attire votre attention sur les

 28   paragraphes 111 et 145 de l'arrêt dans l'affaire Blaskic.


Page 29

  1   Et là, je vous dirais, Messieurs les Juges, que l'Accusation n'a pas

  2   été en mesure de présenter ne serait-ce que le moindre élément de preuve à

  3   propos de la présence de civils ou d'objets à caractère civil pour ce que

  4   la Chambre appelle les zones civiles, et n'a pas pu non plus présenter

  5   d'éléments de preuve pour déterminer que n'importe laquelle de ces zones

  6   civiles déterminées par la Chambre était véritablement une zone consacrée à

  7   des objectifs civils. En fait, l'Accusation n'a pas déterminé qu'il y a des

  8   civils qui auraient été tués ou blessés par ces obus. Il y a très, très peu

  9   d'objets à caractère civil qui ont été touchés par ces obus dans les quatre

 10   villes en question. Et je dirais en dernier lieu que la Chambre de première

 11   instance elle-même n'a pas su tirer de conclusions suivant lesquelles ces

 12   zones civiles étaient en fait utilisées à des objectifs civils.

 13   Alors, Messieurs les Juges, pourquoi est-ce que cela s'est passé ?

 14   Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu d'éléments de preuve présentés ? La

 15   raison pour laquelle l'Accusation n'a pas su déterminer le caractère civil

 16   d'objets ou de zones est parce que, et cela était la thèse de l'Accusation,

 17   et je la cite : "Il y avait très peu de cibles militaires ou quasiment

 18   aucune cible militaire identifiées."

 19   Et je fais référence au paragraphe 31 du mémoire préalable au procès

 20   de l'Accusation. L'Accusation a avancé comme thèse que les tirs de la HV

 21   contre les villes représentaient une attaque illégale en tant que telle

 22   contre les civils parce qu'il n'y avait pas dans ces villes d'objectifs

 23   militaires. Par conséquent, à partir du moment où la Chambre de première

 24   instance a conclu que la Défense avait, effectivement, établi l'existence

 25   de nombreux objectifs militaires, la Chambre de première instance aurait dû

 26   tout simplement conclure que l'Accusation n'avait pas pu prouver ce qu'elle

 27   avançait. Mais la Chambre de première instance, en fait, ne l'a pas fait.

 28   Ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a modifié la présentation des moyens


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  1   à charge, et ce, à l'avantage de l'Accusation. Par conséquent, là où

  2   l'Accusation n'a pas su présenter l'élément de preuve prouvant la nature

  3   civile des objets ou des zones dans Knin, parce qu'elle avait adopté la

  4   position suivant laquelle toute la ville était une zone civile au vu de

  5   l'absence alléguée des objectifs militaires, la Chambre de première

  6   instance ensuite utilise sa règle des 200 mètres pour faire deux choses.

  7   Elle choisit de traiter de façon tout à fait arbitraire toutes les zones

  8   qui se trouvent à l'extérieur des 200 mètres des cibles d'artillerie

  9   connues de la HV et indique qu'il s'agit de zones civiles, et puis elle

 10  contourne ce qui est indiqué par les articles 51 et 52 du 1er protocole pour

 11   déterminer en fait qu'il a bel et bien eu attaque contre des civils ou des

 12   objets civils. Au lieu de cela, la Chambre de première instance a inventé

 13   le concept des zones civiles, et de ce fait "la Chambre créait des zones

 14   que l'on considère comme étant présumées comme ayant un caractère civil."

 15   Et quelle fut la conséquence de ceci ? La Chambre de première

 16   instance a créé une présomption d'intention criminelle pour tous les obus

 17   qui tombent dans une zone civile en faisant fi de savoir s'il s'agit d'un

 18   civil ou d'un objet civil qui a véritablement été ciblé.

 19   La Chambre de première instance utilise de ce fait la règle des 200

 20   mètres pour colmater les brèches de la thèse de l'Accusation, qui

 21   d'ailleurs ont été réfutées par la Défense, à savoir qu'il y avait de

 22   nombreux objectifs militaires dans les quatre villes en question.

 23   A la suite de quoi la Chambre de première instance a accordé le

 24   statut civil à toute zone se trouvant à plus de 200 mètres d'un objectif

 25   militaire connu. Par exemple, je vous donne à titre d'illustration

 26   l'exemple du carrefour à Obrovac qui a été considéré comme une zone civile

 27   tout simplement parce qu'il se trouve à plus de 200 mètres d'un objectif

 28   militaire connu.


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  1   Le dépôt de combustible ferroviaire à Knin est considéré comme zone

  2   civile même si la gare ferroviaire à proprement parler est considérée comme

  3   un objectif militaire légitime, tout simplement parce que le dépôt se

  4   trouvait trop loin d'un objectif militaire connu. Alors il s'agit de savoir

  5   si le dépôt de combustible ferroviaire était en fait utilisé à des fins

  6   civiles, et d'ailleurs je vous réfère à la norme dans l'arrêt Blaskic citée

  7   ci-dessus. C'est une question que la Chambre de première instance ne s'est

  8   même pas posée ou à laquelle elle n'a pas essayé d'apporter de réponse.

  9   Parce que l'Accusation n'a tout simplement pas présenté d'éléments de

 10   preuve à ce sujet.

 11   Alors, essayons de visualiser un peu et de voir comment cette

 12   conclusion a finalement inversé la charge de la preuve. Et je vous demande

 13   de bien vouloir consulter la carte A.

 14   Qui figure dans le jeu de cartes dont vous disposez.

 15   Alors, regardez l'application dans la pratique du jugement de la

 16   Chambre de première instance. Vous avez donc ce rayon de 200 mètres autour

 17   des cibles militaires identifiées par la Chambre. Et donc, de façon

 18   unilatérale, il a été décidé que tout ce qui est tombé dans cette zone est

 19   supposé avoir été dirigé contre une cible militaire et tout ce qui tombe à

 20   l'extérieur est tombé dans une zone considérée comme civile, ce qui ne

 21   devait pas être le cas. Ce fut la conclusion à laquelle la Chambre de

 22   première instance est parvenue, sans pour autant disposer d'éléments de

 23   preuve à propos de ce qui se trouvait à l'extérieur de ce rayon de 200

 24   mètres et sans pour autant avoir la preuve qu'il s'agissait de zones

 25   utilisées à des fins civiles.

 26   Alors, quelle est la conséquence première ? Comme vous le voyez, cela

 27   ne permet pas à l'Accusation de s'acquitter de la charge de la preuve. Car,

 28   comme je viens de l'indiquer, l'Accusation devait déterminer que tout objet


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  1   touché par un obus était un objet consacré à des fins civiles. La Chambre

  2   de première instance n'a pas tiré de conclusions suivant lesquelles ces

  3   zones étaient destinées à des objectifs civils, et elle n'a pas pu le faire

  4   parce qu'il n'y a pas d'éléments de preuve qui ont été proposés et

  5   présentés à ce sujet. Et, par conséquent, la règle des 200 mètres a été

  6   utilisée pour complètement inverser la charge de la preuve, ce qui fait que

  7   l'accusé a dû présenter des éléments de preuve relatifs aux objectifs

  8   militaires qui se trouvaient près des lieux d'impact. Et lorsque l'accusé

  9   n'a pas présenté ces éléments de preuve à propos de ces objectifs

 10   militaires, la Chambre de première instance a alors utilisé son critère des

 11   200 mètres pour déterminer le caractère civil de ces zones civiles même

 12   lorsque aucun élément de preuve n'a été présenté par l'Accusation afin

 13   d'identifier si les civils ou les objets à caractère civil étaient

 14   véritablement présents dans ces zones.

 15   Et nous aimerions, en fait, vous permettre d'étudier de façon plus

 16   détaillée un des exemples repris par la Chambre de première instance ainsi

 17   que dans le jugement. Et j'aimerais en fait attirer votre attention sur le

 18   paragraphe 1 904 du jugement.

 19   Mais avant de vous intéresser à ce paragraphe, je vous présente donc

 20   cette carte qui vous montre la zone qui se trouvait devant le QG des

 21   Nations Unies. Vous voyez qu'il y a une zone entourée de jaune, et il y a

 22   trois cercles dans cette zone. Il s'agit d'un champ qui se trouvait devant

 23   le QG. Ce sont des lieux d'impact qui ont été identifiés lors du procès par

 24   les témoins à charge, MM. Dijkstra, Berikoff et Williams. Les zones en

 25   rouge sont les zones qui ont été visées et où il y a eu des tirs de la part

 26   de la HV. Cela a été indiqué par M. Marko Rajcic. Et puis, nous avons les

 27   deux cibles militaires qui ont été présentées, et M. Rajcic a dit qu'il n'y

 28   avait eu aucun tir. Alors, en utilisant cette carte, la Chambre de première


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  1   instance a indiqué que trois obus étaient tombés donc dans ce champ en

  2   friche qui se trouvait devant le QG des Nations Unies et elle a estimé que

  3   le champ se trouvait à plus de 200 mètres d'une cible connue de la HV mais

  4   à moins de 200 mètres d'autres objectifs militaires. La Chambre en a donc

  5   conclu que, étant donné qu'aucun élément de preuve n'avait été présenté

  6   suivant lequel la HV avait tiré sur ces installations militaires qui se

  7   trouvaient à 200 mètres du champ en friche, le champ était un objet à

  8   caractère civil. Et cela figure, je le rappelle, au paragraphe 1 904 du

  9   jugement.

 10   Il semblerait donc que la Chambre de première instance a conclu que

 11   si la HV avait ciblé ces installations militaires qui se trouvaient à une

 12   distance plus proche de 200 mètres par rapport au champ, elle en aurait

 13   donc conclu que le champ avait un objectif militaire.

 14   J'aimerais, en fait, maintenant que nous nous intéressons à la carte

 15   numéro 4. Il s'agit en fait du QG de la police spéciale pour l'ARSK, cible

 16   sur laquelle, comme nous l'a indiqué M. Marko Rajcic, la HV n'avait pas

 17   tiré dessus. Toutefois, si la HV avait décidé de cibler cet objectif

 18   particulier qui correspond au numéro 25, nous pouvons voir, d'après les

 19   calculs qui ont été faits à 200 mètres ou à 400 mètres, que quasiment la

 20   moitié de ce champ se serait immédiatement transformée en un endroit où des

 21   obus auraient atterri. Donc vous avez la conclusion à la suite de la

 22   décision prise par la HV, où vous avez donc la moitié du champ où les obus

 23   peuvent atterrir en toute légitimité, et l'autre moitié qui se trouve soit

 24   à l'extérieur de la règle de 200 mètres ou de 400 mètres, qui est donc

 25   considéré comme une zone civile et qui, de ce fait, ne peut pas faire

 26   l'objet de tirs.

 27   Et si nous prenons le cliché suivant - il s'agit du numéro 7 -

 28   regardez le 26 qui correspond à une installation de la RSK. Donc il s'agit


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  1   d'une caserne. Vous voyez que cette caserne de la RSK se trouve juste à

  2   côté du bâtiment des Nations Unies. Donc, en bas de la photographie, vous

  3   avez l'installation des Nations Unies. Et là, une fois de plus, M. Marko

  4   Rajcic nous a dit que la HV n'avait pas tiré là-dessus.

  5   Mais je vous dirais en fait que si nous avions utilisé, pour ce qui

  6   correspond au numéro 26, la thèse avancée par l'Accusation, le champ serait

  7   devenu un endroit idoine où les obus auraient pu atterrir, et d'ailleurs

  8   cela n'aurait donc eu aucune conséquence négative.

  9   Et j'aimerais maintenant que nous nous intéressions à la carte numéro

 10   17. Mais nous pouvons dans un premier temps indiquer comment le paragraphe

 11   1 904 démontre comment le statut civil d'un objet particulier ou d'une zone

 12   particulière est entièrement tributaire de cette règle de 200 mètres par

 13   rapport à un objectif militaire qui a été bel et bien ciblé par la HV. De

 14   surcroît, il est important de ne pas oublier que la règle de 200 mètres ne

 15   s'appuie sur aucune marge d'erreur. Si la marge d'erreur avait été établie

 16   comme étant de 400 mètres, comme l'a indiqué M. Andrew Leslie, un témoin à

 17   charge et un officier canadien, aurait été créée la règle des 400 mètres.

 18   Ce qui fait que le statut civil des zones et des objets à caractère civil,

 19   si l'on s'en tient à la méthodologie de la Chambre de première instance,

 20   dépend de cette règle des 200 mètres ou de la marge d'erreur des systèmes

 21   d'armement qui sont utilisés pour tirer près du lieu en question.

 22   Regardez la carte 17. Alors, ce que nous avons fait, il s'agit de

 23   l'application tout à fait pratique de ce que la Chambre de première

 24   instance a fait. Nous avons donc des cercles pour le rayon de 200 mètres et

 25   des cercles pour le rayon de 400 mètres, et cela dépend une fois de plus de

 26   ce qui a été ciblé par la HV. Et en fonction de ce qui a été ciblé ou de ce

 27   qui n'a pas été ciblé, le champ devient soit une zone civile, soit une zone

 28   qui correspond à la règle des 200 mètres ou des 400 mètres par rapport à


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  1   l'objectif militaire.

  2   De ce fait, il a été complètement fait fi de ce qui avait indiqué

  3   dans l'arrêt Blaskic à propos des zones considérées comme zones civiles.

  4   Donc cela nous donne un résultat tout à fait absurde parce que cela ne nous

  5   permet absolument pas de déterminer si l'objet en question était utilisé à

  6   des fins civiles. Mais cela est la nature de la méthodologie adoptée par

  7   cette Chambre de première instance. Et avant de ne donner la parole à Me

  8   Misetic, je me permets d'attirer votre attention sur ma conclusion relative

  9   à la question numéro 2, à savoir, une fois de plus, les conclusions de la

 10   Chambre de première instance eu égard aux lieux d'impact ne devraient pas

 11   être retenues. Les zones civiles ont été déterminées au vu des impacts et

 12   non pas en fonction de l'utilisation civile qui en avait été faite. Une

 13   fois de plus, toute décision à propos du caractère civil ou non des objets

 14   s'appuie sur ce critère des 200 mètres, ce qui va tout à fait à l'encontre

 15   de la nature véritablement civile de l'objet en question.

 16   Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, les conclusions de la Chambre

 17   de première instance eu égard aux sites d'impact ne doivent pas être

 18   retenues et devraient être complètement annulées.

 19   Je vais maintenant donner la parole à Me Misetic.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais vous poser une question

 21   avant que votre confrère ne prenne la parole.

 22   Vous avez évoqué la question suivante : est-ce que la Chambre de première

 23   instance a commis une erreur en ne tenant pas compte de la possibilité des

 24   cibles opportunistes qui avaient été déterminées par la Chambre de première

 25   instance ? Vous indiquez en fait que les éléments de preuve présentés n'ont

 26   pas permis de déterminer si les forces croates avaient l'aptitude de

 27   superviser les zones où il y avait des barrages routiers et une présence

 28   des véhicules militaires et de la police dans les villes en question.


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  1   Donc c'est une question qui vise les cibles opportunistes.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Il y a des éléments de preuve qui ont été

  3   présentés à ce sujet. Manifestement, le 5, alors qu'ils sont entrés dans la

  4   ville, ils ont eu suffisamment de temps pour frapper les cibles

  5   opportunistes et pour les examiner auparavant. Donc il n'y a pas eu

  6   possibilité de voir et de constater quels étaient les lieux d'impact, et je

  7   pense en fait que les citations que nous évoquons dans notre mémoire

  8   permettent de le déterminer.

  9   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 10   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Je suis Me Luka Misetic.

 13   Et je vais dans un premier temps compléter la réponse de mon confrère

 14   après la question que vous avez posée. Nous aimerions attirer l'attention

 15   de la Chambre sur la déposition du Témoin Leslie, et le Témoin Dawes

 16   également. Ils ont évoqué la question et ont tiré la conclusion suivant

 17   laquelle HV pouvait en fait observer Knin. Donc je n'ai pas les citations,

 18   je ne peux pas vous les fournir maintenant, mais je sais que cela est

 19   indiqué dans notre mémoire.

 20   Donc, Monsieur le Président, je vais répondre aux questions 3 et 4.

 21   La question 3 étant : est-ce que la conclusion de la Chambre de première

 22   instance suivant laquelle les attaques d'artillerie illégales ont eu lieu

 23   devrait être retenue si les conclusions eu égard aux lieux d'impact sont

 24   considérées comme erronées ?

 25   La réponse est très simple : tout simplement, non. Car cela ne peut pas

 26   être retenu si les conclusions eu égard aux lieux d'impact sont considérées

 27   comme erronées parce que la règle de 200 mètres était la condition

 28   préalable nécessaire qui a permis à la Chambre de première instance de


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  1   tirer les différentes conclusions pour déterminer l'illégalité alléguée des

  2   obus.

  3   La Chambre de première instance a conclu que les opérations de tirs

  4   étaient illégales et s'est appuyée pour ce faire sur les conclusions

  5   suivantes, qui émanent toutes des conclusions erronées de la règle des 200

  6   mètres et des conclusions erronées consécutives à propos du fait que "les

  7   obus sont tombés dans des zones civiles," tel que cela a été décrit

  8   précédemment par mon collègue.

  9   Premièrement, il y a six conclusions erronées : la HV a délibérément

 10   tiré des projectiles d'artillerie sur des zones où il n'y avait pas de

 11   cibles militaires, qui sont donc considérées comme des zones civiles;

 12   deuxièmement, ces projectiles n'auraient pas atterri dans ces zones civiles

 13   à la suite d'erreurs ou d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV;

 14   troisièmement, l'ordre d'artillerie donné par le général Gotovina était un

 15   ordre illégal permettant de considérer et de traiter toutes les villes, et

 16   des villes entières, comme autant de cibles; quatrièmement, les rapports

 17   des unités d'artillerie de la HV ont indiqué que des villes entières ont

 18   été considérées comme des cibles; cinquièmement, l'impression générale

 19   communiquée par les témoins oculaires était que "les bombes tombaient dans

 20   tout Knin et qu'il s'agissait d'une attaque indiscriminée"; et sixièmement,

 21   qu'il y a eu une attaque disproportionnée contre Martic.

 22   Toutes ces conclusions à l'exception d'une émanent de la règle des

 23   200 mètres. Toutefois, si la règle des 200 mètres est considérée comme

 24   erronée, alors les conclusions qui viennent d'être citées doivent être

 25   annulées parce qu'elles s'appuient sur la conclusion erronée tirée par la

 26   Chambre de première instance suivant laquelle les obus ont atterri dans les

 27   zones civiles.

 28   Premièrement, la conclusion relative à l'intention illégale est tout


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  1   à fait erronée. La conclusion de la Chambre de première instance suivant

  2   laquelle HV a, de façon délibérée, ciblé des zones civiles se fonde sur la

  3   conclusion suivant laquelle les projectiles ont atterri dans des zones

  4   civiles. Paragraphe 1 911 du jugement. Toutefois, comme cela a été déjà

  5   expliqué à propos de la règle des 200 mètres, sans la règle des 200 mètres,

  6   l'Accusation n'a pas su prouver que ces zones qui se trouvaient dans ces

  7   quatre villes étaient des "zones civiles" et, par conséquent, il n'y a pas

  8   d'éléments de preuve présentés suivant lesquels la HV a délibérément ciblé

  9   ces zones civiles. L'on ne peut donc pas en conclure qu'il y a eu intention

 10   illégale, conclusion dégagée du fait d'obus qui sont tombés dans des

 11   endroits à Knin, Benkovac, Obrovac ou Gracac.

 12   Deuxièmement, la Chambre de première instance a commis une erreur en

 13   concluant que les obus n'auraient pas pu avoir un impact à plus de 200

 14   mètres d'un objectif militaire à cause de la marge d'erreur des systèmes

 15   d'armement. La Chambre de première instance a commis une erreur en

 16   établissant cette règle des 200 mètres, elle a exclu de façon erronée une

 17   marge d'erreur pouvant être considérée comme raisonnable et n'a pas prouvé

 18   au-delà de tout doute raisonnable et n'a pas fourni d'explication pourquoi

 19   les obus qui sont tombés à plus de 200 mètres d'objectifs militaires ont

 20   été considérés comme illégaux. C'est une conclusion que l'on trouve au

 21   paragraphe 1 906, que vous avez maintenant sur vos écrans. 1 906 :

 22   "En conclusion, la Chambre de première instance conclut que trop de

 23   projectibles ont eu des impacts dans des zones qui se trouvent trop

 24   éloignées de cibles d'artillerie identifiées qui se trouvaient autour de

 25   Knin pour que ces projectiles d'artillerie qui ont eu des impacts dans ces

 26   zones de façon accidentelle soient considérés comme le résultat d'erreurs

 27   ou d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV. Par conséquent, la

 28   Chambre de première instance a conclu que la HV avait délibérément tiré ces


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  1   projectiles d'artillerie en ciblant ces zones dans Knin." Paragraphe 1 906.

  2   Donc, pour Benkovac, Obrovac et Gracac, les mêmes conclusions ont été

  3   tirées, en excluant la conclusion qu'il y avait trop d'obus.

  4   Si la Chambre de première instance n'avait pas commis cette erreur,

  5   elle aurait dû conclure qu'étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment

  6   d'éléments de preuve présentés à propos de la marge d'erreur, elle n'aurait

  7   pas pu exclure la possibilité raisonnable que des bombes soient tombées à

  8   plus de 200 mètres des optiques militaires du fait de cette marge d'erreur

  9   inconnue. A défaut, si la Chambre de première instance avait accepté le

 10   critère de 400 mètres de M. Leslie comme étant la marge d'erreur, elle

 11   aurait conclu que sur 1 200 projectiles tirés, 13 seulement, ou à savoir

 12   1 %, sont tombés au-delà de la marge d'erreur des systèmes d'armement de la

 13   HV. Vous avez maintenant ce tableau en face de vous, où nous avons donc

 14   ventilé les conclusions tirées par la Chambre de première instance en

 15   fonction des quatre villes. Et vous avez donc cinq incidents pour un total

 16   de 13 projectiles qui sont tombés au-delà de ce qui est considéré par M.

 17   Leslie comme la marge d'erreur de la HV.

 18   Si nous nous intéressons à Knin, vous verrez que 5 sur 900 obus sont

 19   tombés à l'extérieur de ce qui est la marge d'erreur de Leslie. Donc cela

 20   prouve que seuls 5 obus sur 900, 0,5 % [comme interprété], à Knin, sont

 21   tombés au-delà de la marge d'erreur de 400 mètres.

 22   Donc cela démontre que les ordres du général Gotovina ont été

 23   interprétés et exécutés en comprenant qu'il fallait prendre pour cible les

 24   objectifs militaires. Qui plus est, cela correspond parfaitement à une

 25   enquête qui a été menée par la suite sur le bombardement de Knin, qui a été

 26   menée par les observateurs militaires. Il s'agit là de la pièce de

 27   l'Accusation P64. Les observateurs des Nations Unies ont constaté que trois

 28   sur cinq obus ont été trouvés au-delà de la proximité immédiate des


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  1   objectifs militaires.

  2   Autrement dit, si la Chambre de première instance s'était basée sur la

  3   marge d'erreur de 400 mètres, seuls 13 sur les 1 200 obus tirés, c'est-à-

  4   dire seul 1 %, seraient tombés au-delà de la marge d'erreur des armes de la

  5   HV. Nous savons, cependant, que les statistiques qui étaient présentées à

  6   la Chambre de première instance, à savoir que seuls 5 % des obus tirés sont

  7   tombés au-delà de 200 mètres, étaient suffisantes pour démontrer que des

  8   villes entières n'étaient pas prises pour cibles.

  9   L'ordre donné à l'artillerie par Gotovina n'était pas illégal s'il n'y

 10   avait pas de règle de 200 mètres. Marko Rajcic, qui était le chef

 11   d'artillerie du général Gotovina et qui est celui qui interprétait et

 12   exécutait l'ordre du général Gotovina, a été le témoin de l'Accusation, pas

 13   de la Défense. Il a été le seul qui avait une connaissance directe et qui a

 14   déposé sur la manière dont cet ordre de Gotovina a été interprété et

 15   exécuté. Et explicitement, Marko Rajcic a dit que l'ordre du général

 16   Gotovina a été interprété en tant qu'un ordre de prendre pour cible

 17   uniquement des cibles militaires légales. Ce qui est corroboré par la

 18   déposition que 95 % de l'ensemble des obus d'artillerie qui ont été tirés

 19   ont été tirés sur des objectifs militaires.La déposition de Rajcic est

 20   corroborée par les enquêtes qui ont été menées sur le pilonnage de Knin,

 21   mais entre autres, par les enquêteurs des Nations Unies et des Etats-Unis

 22   d'Amérique. Et je vous renvoie à la pièce P64.

 23   Même si l'on prend en compte la règle des 200 mètres, l'explication

 24   que donne Rajcic de l'ordre de Gotovina se trouve confirmée par d'autres

 25   éléments corroborants qui ont été versés au dossier. Cependant, nous

 26   trouvons, au paragraphe 1 893, que la Chambre appréciera la légalité de

 27   l'ordre de Gotovina en se fondant sur la crédibilité ou non de la

 28   déposition de Rajcic. Puis, la Chambre de première instance applique la


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  1   règle dont elle s'est dotée toute seule, la règle des 200 mètres, pour

  2   conclure au paragraphe 

  3   1 911, et je cite :

  4   "La Chambre de première instance considère que la prise pour cible

  5   délibérée des zones de Knin a eu lieu, des zones où il n'y a pas

  6   d'objectifs militaires, et que cela ne correspond pas, n'est pas logique

  7   avec l'explication donnée par Rajcic des ordres donnés à l'artillerie de la

  8   HV. En revanche, cela correspond avec le texte de ces ordres, à savoir de

  9   viser avec les tirs d'artillerie les villes entières, y compris Knin."

 10   Autrement dit, la Chambre de première instance se base sur sa

 11   conclusion que 5 % d'obus sont tombés dans les zones civiles pour ne pas

 12   tenir compte la déposition de Rajcic et pour arriver à la conclusion que

 13   Gotovina a émis un ordre illégal. Si la Chambre a commis une erreur dans

 14   ses conclusions sur le caractère civil de ces "zones civiles" et, par

 15   conséquent, si elle n'a pas eu besoin de conclure que la HV "a pris pour

 16   cible délibérément les zones civiles," alors la Chambre de première

 17   instance n'avait pas de fondement pour rejeter la déposition de Rajcic qui

 18   a été corroborée. Même avec la règle de 200 mètres, le fait que l'exécution

 19   de l'ordre de Gotovina ait eu pour résultat dans 95 % -- que les

 20   projectiles sont tombés sur des cibles objectifs, cela a été plus que

 21   suffisant de constater la légalité de l'ordre de Gotovina.

 22   Sans la règle de 200 mètres, donc sans cette conclusion que la HV a

 23   pris pour cible délibérément les objectifs civils, la déposition de Rajcic

 24   est inattaquable.

 25   En conclusion, l'ordre de Gotovina était légal.

 26   Alors, sans la marge d'erreur de 200 mètres, les rapports des unités

 27   d'artillerie de la HV ne prouvent pas que des villes entières ont été

 28   prises pour cible. Si on se base sur les rapports des unités d'artillerie


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  1   de la HV de l'époque, la Chambre de première instance aurait pu conclure

  2   qu'au moins 95 % de l'ensemble des projectiles ont été tirés sur des

  3   objectifs militaires en application de l'ordre de Gotovina. Aux paragraphes

  4   1 895 et 1 896, la Chambre de première instance a constaté qu'il y a eu un

  5   certain nombre d'annotations d'éléments dans les rapports de la HV qui

  6   pourraient être interprétées comme prouvant que des villes entières ont été

  7   prises pour cibles. La Chambre de première instance a, cependant, constaté

  8   que ces éléments souvent étaient en fait une manière codée de parler de

  9   cibles qui ont été visées, et que souvent il pouvait s'agir de "lacune au

 10   niveau de détails ou absence de détails, des erreurs et autres

 11   inexactitudes."

 12   Afin de déterminer si ces éléments prouvaient la nature indiscriminée

 13   des attaques, la Chambre a dit qu'elle allait :

 14   "… évaluer ces rapports à la lumière des constatations qui sont

 15   tirées sur les zones d'impact à Knin."

 16   Jugement, 1 895 et 1 896, les deux paragraphes. Puisque les

 17   conclusions de la Chambre de première instance sont fondées sur les zones

 18   d'impact et que ces conclusions étaient erronées sur la base de la règle

 19   des 200 mètres, les interprétations des rapports de la HV ne peuvent pas

 20   être exclues comme constituant des explications raisonnables des éléments

 21   de preuve.

 22   Sans la marge d'erreur de 200 mètres, l'impression générale des

 23   témoins qu'"il y a eu des impacts partout dans Knin," en fait, correspond

 24   aux constatations de la Chambre que la HV a pris pour cible des objectifs

 25   légaux militaires à Knin.

 26   Je voudrais que l'on voie à présent les cartes qui ont été

 27   distribuées, il s'agit des cartes A et B. La carte qui nous montre les

 28   objectifs militaires de Knin. Et la plupart des témoins se sont trouvés


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  1   dans la partie extrême à droite, donc la base des Nations Unies. La Chambre

  2   de première instance a constaté que tout projectile arrivant dans cette

  3   zone, en fait, normalement visait un objectif militaire et serait donc

  4   légalement tiré, et du point de vue des témoins sur le terrain, perçu comme

  5   tombant partout dans Knin. Parce que les objectifs militaires se

  6   trouvaient, effectivement, partout dans Knin.

  7   La Chambre a entendu qu'au moins 850 projectiles ont atterri dans ces

  8   zones. Donc, si la Chambre de première instance avait accepté les 400

  9   mètres de marge d'erreur de Leslie, on aurait des cercles encore plus

 10   larges. Donc c'est là qu'on aurait trouvé les endroits d'impact parce qu'on

 11   verrait qu'il s'agit de lieux d'impact qui se situent à l'intérieur de la

 12   marge d'erreur des systèmes d'armes de la HV. La perception des témoins que

 13   les obus tombaient partout dans Knin correspond en fait aux objectifs

 14   militaires légaux qui ont été pris pour cible partout dans Knin.

 15   La déposition, donc, des témoins oculaires n'a pas beaucoup

 16   d'importance ici puisque nous n'avons pas un seul témoin en l'espèce qui

 17   connaissait toutes les cibles militaires de Knin. Et, par conséquent,

 18   savoir exactement où devaient tomber les projectiles pour être légaux.

 19   Il n'y a pas eu d'attaque disproportionnée sur Martic. Même si cette

 20   conclusion n'aurait pas été affectée par l'annulation de la conclusion de

 21   la Chambre sur la règle de 200 mètres pour des raisons qui sont expliquées

 22   dans notre mémoire, la Chambre de première instance a commis une erreur en

 23   arrivant à la conclusion que l'attaque sur Martic était disproportionnée.

 24   Il n'y a pas d'éléments de preuve de présence de civils là où était son

 25   lieu de résidence et pas d'éléments de preuve de quelque sorte que ce soit

 26   que Gotovina avait "la connaissance des circonstances."

 27   Il n'a pas d'éléments de preuve montrant qu'il y ait eu une attaque

 28   quelconque civile en tant que résultat de prise pour cible de Martic.


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  1   Martic était le commandant en chef, et peut-être l'objectif militaire de la

  2   plus grande valeur possible. Qui plus est, la Chambre de première instance

  3   n'est pas arrivée à la conclusion que l'attaque disproportionnée était la

  4   preuve d'une attaque directe contre les civils, c'est-à-dire la Chambre de

  5   première instance n'a pas dit que l'objectif réel de cette attaque n'était

  6   pas Martic, mais les civils qui l'entouraient. Non. Elle est arrivée à la

  7   conclusion que cela prouvait le fait que l'on ne prenait pas en compte la

  8   sécurité des civils, mais la Chambre de première instance n'a pas remis en

  9   question le fait que Martic a effectivement constitué l'objectif ou la

 10   cible de cette attaque. Par conséquent, cet incident Martic ne prouve pas

 11   qu'il y ait eu des attaques sur la population civile qui aurait été

 12   délibérément prise pour cible.

 13   Donc il y a un seul facteur qui ne repose pas sur la règle des 200

 14   mètres. La conclusion de la Chambre de l'attaque indiscriminée doit donc

 15   être infirmée. S'il n'y a pas de preuve au-delà de tout doute raisonnable

 16   que les obus sont tombés dans les zones civiles, mais il n'y a pas de

 17   preuve d'attaque illégale. Même s'il y avait des preuves d'impact dans les

 18   zones civiles, il n'y a pas de preuve que cela n'était pas le résultat

 19   d'erreurs ou d'inexactitudes au niveau des systèmes d'armement de la HV.

 20   Sans la règle de 200 mètres, la Chambre de première instance aurait pu

 21   constater que : Gotovina a ordonné que l'on prenne pour cible des cibles

 22   militaires qui ont été identifiées au préalable dans les quatre villes;

 23   deuxièmement, que les 900 projectiles d'artillerie qui ont été tirés sur

 24   Knin, eh bien, que sur eux, au moins 850 ont été tirés avec l'intention de

 25   toucher des objectifs militaires; à Knin, seul cinq projectiles sur 900

 26   sont tombés au-delà de la marge d'erreur de 400 mètres établie par Leslie

 27   pour les systèmes d'armes de la HV; quatrièmement, il n'y a pas eu de

 28   civils tués ou de blessés pendant le pilonnage des quatre villes;


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  1   cinquièmement, les dégâts aux structures civiles ont été très modestes et

  2   limités à la proximité des objectifs militaires; sixièmement, il n'y a pas

  3   de preuve qu'on ait pris pour cible des civils par le feu d'artillerie; et

  4   septièmement, il n'y a pas de preuve que des structures civiles ont été

  5   prises pour cible par les tirs d'artillerie.

  6   Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, essayons de voir s'il y a

  7   une preuve de l'élément matériel. S'il n'y a pas d'attaque illégale, il n'y

  8   a pas de preuve d'élément matériel, il n'y a pas de preuve que les civils

  9   ont constitué une cible de l'attaque, il n'y a pas de preuve que les tirs

 10   d'artillerie de la HV ont été de telle nature de prendre pour cible des

 11   objectifs militaires et des civils ou des objectifs civils sans distinction

 12   et aucune preuve que la HV aurait utilisé des armes de manière

 13   indiscriminée pendant l'opération d'artillerie. Par conséquent, il n'y a

 14   pas eu d'élément matériel.

 15   La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion qu'on

 16   pouvait constater l'existence délictueuse de commettre une attaque illégale

 17   en tant que crime de persécution, crime contre l'humanité. Mais cette

 18   constatation doit aussi être infirmée. La Chambre a expressément constaté

 19   que sa conclusion sur l'existence de cette intention illégale était fondée

 20   sur la formulation que l'on trouve dans les ordres d'artillerie de la HV,

 21   et la déduction que ces ordres étaient illégaux en se fondant sur le

 22   pilonnage délibéré des zones où il n'y avait pas d'objectifs militaires. Je

 23   vous renvoie au paragraphe 1 912 du jugement.

 24   A présent, je tiens à me pencher sur la question 4.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Juge Robinson.

 26   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez parlé de 95 % de

 27   projectiles. Vous avez dit que les 95 % des projectiles ont été prouvés

 28   d'avoir été tirés sur les objectifs militaires.


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  1   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous

  3   admettez qu'il y a des preuves pour les 5 % restants -- 

  4   M. MISETIC : [interprétation] Non.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

  6   M. MISETIC : [interprétation] Ce sont les projectiles qui restent. Cela

  7   constitue une ambiguïté dans les rapports d'artillerie de la HV. Nous

  8   n'acceptons pas cela. Il s'agit d'ambiguïtés. Il y a des ambiguïtés sur les

  9   constatations par rapport aux zones d'impact.

 10   M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

 11   M. MISETIC : [interprétation] La Chambre elle-même, la Chambre de première

 12   instance, a constaté que l'intention délictueuse qu'elle a constatée, donc

 13   qui constitue sa conclusion, se fonde uniquement sur ces entrées dans les

 14   rapports de la HV où elle trouve les endroits d'impact précisés. Donc la

 15   Chambre de première instance dit que ces lieux d'impact, là où ils ne sont

 16   pas précis, ne le sont pas peut-être parce que suffisamment de détails

 17   n'ont pas été fournis parce qu'il y a beaucoup d'erreurs, parce qu'il y a

 18   des inexactitudes dans les rapports, mais elle dit qu'elle évaluera si, en

 19   fait, ils résultent de ces erreurs ou non.

 20   Donc nous estimons que ces 5 % qui restent, en fait, avaient pris

 21   pour cible des objectifs militaires et qu'il s'agit simplement d'erreurs

 22   qui sont dues au langage codé, aux formulations des rapports que la Chambre

 23   appréciait. 

 24   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Donc la question numéro 4 : est-ce que la conclusion de la Chambre de

 28   première instance qu'une entreprise criminelle commune a existé doit être


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  1   maintenue si sa conclusion que les attaques illégales d'artillerie sont

  2   considérées comme étant erronées.

  3   Non. S'il n'y a pas d'attaque illégale, la condition nécessaire préalable

  4   de l'existence d'entreprise criminelle commune, à savoir qu'il y a

  5   "commission du crime tel que visé dans le statut," n'existe pas. Il n'y a

  6   pas de commission s'il n'y a pas d'attaque illégale.

  7   Et je vous renvoie au paragraphe 2 314 du jugement. La Chambre dit comme

  8   suit, que les membres de la direction politique et militaire croate ont

  9   partagé l'objectif commun de déplacer de manière permanente la population

 10   serbe civile de la Krajina par la force ou par la menace de force, ce qui

 11   correspond à la persécution, expulsion, transfert forcé, attaque illégale

 12   contre les civils et les biens civils, mesures discriminatoires et

 13   restrictives, donc expulsion et transfert forcé.

 14   L'objectif de l'entreprise criminelle commune exigeait qu'un certain

 15   nombre de Serbes restent dans la Krajina, que ce nombre soit réduit au

 16   minimum, mais non pas que l'ensemble de la population civile soit déplacée.

 17   Conformément à cela, la Chambre de première instance a constaté que

 18   l'objectif criminel commun était de déplacer de manière permanente la

 19   population civile, mais non pas de la déplacer dans sa totalité. Et

 20   quelques paragraphes en avant, la Chambre de première instance a constaté

 21   que cet objectif commun devait être atteint par le biais des attaques

 22   illégales d'artillerie. Je vous invite maintenant à consulter le paragraphe

 23   2 311, qui se lit comme suit :

 24   "Le procès-verbal de la réunion de Brioni montre que les participants

 25   étaient au courant de la situation difficile que rencontraient les Serbes

 26   de Krajina, en particulier à Knin, et qu'ils savaient qu'il ne serait pas

 27   très difficile de les faire partir. Compte tenu de cette situation, dans

 28   ces circonstances-là, les membres de la direction politique et militaire


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  1   croate ont pris la décision de prendre pour cible des villes entières dans

  2   le cadre de l'attaque d'artillerie initiale. L'expulsion de la population

  3   serbe de Krajina a été atteinte par des moyens illégaux contre les civils

  4   et les biens civils à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac, et la Chambre de

  5   première instance a constaté que cela a été mené sur une base

  6   discriminatoire."

  7   Au paragraphe 2 321 du jugement, la Chambre de première instance a

  8   également dit clairement ce qui ne faisait pas partie de l'objectif commun

  9   et dit :

 10   "La Chambre de première instance constate que l'objectif criminel

 11   commun ne consiste pas à vouloir expulser les civils serbes de Krajina par

 12   le biais de crimes tels que meurtre, destruction, pillage, actes inhumains

 13   et traitement cruel, destruction sans motif, et cetera. Donc, que

 14   l'objectif criminel commun n'a pas consisté à vouloir déporter les Serbes

 15   civils de Krajina par le biais de crimes tels que meurtre, assassinat,

 16   destruction, pillage, actes inhumains et traitement cruel."

 17   En revanche, la Chambre a constaté que l'objectif criminel commun

 18   d'expulsion des civils serbes de Krajina existait par le biais de pilonnage

 19   illégal des quatre villes.

 20   Et nous avons déjà vu pour quelles raisons nous estimons que si cela

 21   ne tient pas, qu'à ce moment-là il n'y a plus d'élément matériel qui reste

 22   et qui pourrait être utilisé pour étayer l'affirmation que toute intention

 23   de déporter la population serbe de Krajina a effectivement été mise en

 24   œuvre. Donc, sans la marge d'erreur de 200 mètres et sans les conclusions

 25   erronées qui en résultent d'attaque illégale, la Chambre n'aurait pas pu

 26   identifier une cause de départ des Serbes de Krajina des quatre villes. Et

 27   elle n'aurait eu aucune base pour différencier entre les causes de départ

 28   du reste de la Krajina, et donc je vous renvoie aux paragraphes 1 754, 1755


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  1   et 1 763 [comme interprété] du jugement. Donc il convient néanmoins de

  2   souligner que sans cette conclusion de l'existence d'attaque illégale, la

  3   Chambre de première instance n'aurait pu arriver à la conclusion

  4   d'existence d'intention délictueuse pour déporter la population serbe de la

  5   Krajina et n'aurait pas pu être capable d'établir l'existence d'un objectif

  6   criminel commun. A savoir, les conclusions de la Chambre de première

  7   instance concernant la réunion de Brioni et la politique de logement

  8   discriminatoire reposent dans leur ensemble sur la conclusion de la Chambre

  9   de première instance qu'il y a eu une attaque illégale d'artillerie.

 10   Alors, Brioni. Voyons ce qu'il en est de Brioni.

 11   Concernant la réunion de Brioni, tant la Chambre de première instance

 12   et l'Accusation ont accepté qu'il n'y a pas une seule déclaration qui

 13   aurait été proférée pendant cette réunion de laquelle on pourrait déduire

 14   un accord de pilonner des villes, de pilonner les biens et la population

 15   civile. A la place, tant la Chambre de première instance et l'Accusation

 16   expliquent que l'intention délictueuse alléguée des participants à la

 17   réunion de Brioni doit être déduite des attaques illégales qui ont eu lieu.

 18   Et je vous invite maintenant à voir le paragraphe 2 310 du jugement :

 19   "La Chambre de première instance déduit de l'exode en masse de la

 20   population civile de Krajina, à quelques jours de distance de l'opération

 21   Tempête et des efforts qui ont été entrepris au niveau politique et

 22   législatif d'empêcher la population de revenir, que les membres de la

 23   direction politique et militaire croate avaient l'intention de forcer les

 24   Serbes à quitter leurs foyers."

 25   Donc il s'agit de les forcer sur la base des événements qui vont suivre.

 26   Et au paragraphe 2 305, cinq paragraphes en avant, la Chambre de première

 27   instance note qu'elle s'est penchée avec attention sur le procès-verbal de

 28   la réunion de Brioni au point 6.2.2 et qu'elle examine cela à la lumière


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  1   des événements qui vont suivre.

  2   Et la Chambre continue, en disant :

  3   "La Chambre a constaté au paragraphe 4.4 et 5.8.2 (i) qu'au moins dans

  4   certaines de ces attaques, des villes entières ont été prises pour cible

  5   par l'artillerie. Par conséquent, ces attaques ont constitué des attaques

  6   illégales qui ont été menées contre des objectifs civils."

  7   En résultat, l'Accusation elle-même a affirmé que la Chambre de première

  8   instance ne s'est pas simplement penchée sur le procès-verbal de la réunion

  9   de Brioni pour tirer sa déduction que la discussion portait sur le fait de

 10   forcer les Serbes de leurs maisons. Je vous invite à consulter le

 11   paragraphe 234 du jugement :

 12   "La Chambre de première instance a constaté correctement qu'une attaque

 13   illégale contre les civils et les biens civils était prévue et qu'elle

 14   constituait l'objectif de l'entreprise criminelle commune. Cette dernière

 15   conclusion se fonde sur de nombreuses considérations.

 16   "Par exemple, ce que avançait Gotovina, à savoir qu'il y a eu l'intention"

 17   --

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige.

 19   M. MISETIC : [interprétation] "Gotovina," au paragraphe 239, "semble

 20   suggérer que la Chambre a constaté l'existence d'une décision formelle qui

 21   aurait été prise à la réunion de Brioni par les membres de l'entreprise

 22   criminelle commune de prendre pour cible des villes entières. Mais cela

 23   n'existe pas. Cette conclusion n'existe pas. La Chambre a conclu que,

 24   compte tenu de ces circonstances, une décision générale a été prise à

 25   Brioni de viser des villes entières dans le cadre des attaques

 26   d'artillerie. Compte tenu des discussions qui ont eu lieu lors de la

 27   réunion, Gotovina et Tudjman se sont référés explicitement au bombardement

 28   et à la destruction potentielle de Knin, et la Chambre a trouvé, et c'est


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  1   une conclusion raisonnable, que les membres de l'entreprise criminelle

  2   commune à Brioni ont pris pour décision de viser ces villes suite à cela."

  3   Au paragraphe 266 [comme interprété] :

  4   "Gotovina se réfère à l'exactitude de ses commentaires, on dit qu'ils sont

  5   mal appropriés. La Chambre s'est polarisée sur le sens des déclarations de

  6   Gotovina et des autres participants dans le contexte des événements qui

  7   vont suivre."

  8   Puis, la conclusion qui suit est que :

  9   "Gotovina avait pour intention de prendre pour cible… les civils serbes, de

 10   les forcer de quitter la Krajina et d'utiliser l'artillerie dans cet

 11   objectif, et cette conclusion se fonde sur la totalité des éléments de

 12   preuve et non pas sur une simple déclaration qui aurait été faite lors de

 13   la réunion de Brioni." Paragraphe 271.

 14   Par conséquent, la Chambre de première instance tire ses conclusions en se

 15   fondant sur l'existence de l'attaque illégale qui aurait eu lieu après

 16   l'attaque Tempête et se fonde sur le caractère illégal de l'ordre de

 17   Gotovina. L'Accusation reconnaît qu'il n'y a pas dans le procès-verbal de

 18   Brioni d'éléments de preuve prouvant une décision formelle. Par conséquent,

 19   à partir du moment où on annulait la conclusion de la Chambre de première

 20   instance concluant que l'attaque a été illégale, il faut aussi annuler la

 21   conclusion sur l'existence de l'intention délictueuse comme présente à

 22   Brioni, donc l'intention de prendre pour cible les quatre villes par le

 23   biais de tirs d'artillerie indiscriminés.

 24   Les mesures discriminatoires, maintenant. Cette question ne peut pas

 25   constituer la base de l'entreprise criminelle commune --

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je voulais juste m'assurer que vous

 27   respectiez encore la question qui a été posée, la question des ordres

 28   d'évacuation.


Page 54

  1   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

  3   M. MISETIC : [interprétation] Je vous renvoie aux paragraphes 

  4   2 325 et 26 du jugement pour ce qui est du général Gotovina et 2 562 et 63

  5   pour ce qui est de M. Markac. Donc aucun des appelants n'a joué un rôle

  6   quel qu'il soit dans le cadre des politiques de logement ou dans le cadre

  7   des politiques soi-disant discriminatoires. Par conséquent, même si on

  8   arrivait à confirmer l'existence de l'entreprise criminelle commune qui

  9   cherchait à imposer des mesures discriminatoires, il est clair que la

 10   Chambre de première instance a constaté que ni Gotovina ni Markac n'ont eu

 11   aucun rôle au niveau de la commission du crime principal d'une telle

 12   entreprise criminelle commune, à savoir les mesures discriminatoires.

 13   N'empêche que la Chambre de première instance s'est fondée sur ces lois

 14   portant sur le logement, sur ces lois discriminatoires, et en citant la

 15   décision de la commission des réclamations Ethiopie-Erythrée, paragraphes 1

 16   748 et 1 749.

 17   La Défense Gotovina a fait savoir expressément que ce droit à

 18   empêcher le retour immédiat a existé uniquement si l'Etat n'avait pas

 19   expulsé de manière illégale les civils dans un premier temps. La Chambre de

 20   première instance a distingué ce précédent sur la base du fait que les

 21   civils en l'espèce ont fait l'objet d'attaque illégale

 22   menée contre les civils. A savoir, s'il n'y a pas d'attaque illégale, alors

 23   le fondement sur lequel se base la Chambre de première instance pour

 24   distinguer cela est invalidé. La Chambre de première instance a évité en

 25   fait cette question lorsqu'elle est arrivée à la conclusion qu'elle

 26   manquait de pertinence.

 27   En conclusion à vos quatre questions, la constatation que l'entreprise

 28   criminelle commune a existé se fonde entièrement sur une règle erronée, la


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  1   règle de 200 mètres, sur la base de laquelle la Chambre de première

  2   instance appréciait les zones d'impact. Si vous infirmez la marge d'erreur

  3   de 200 mètres, vous devriez également infirmer la déclaration de

  4   culpabilité du général Gotovina de tous les chefs parce qu'il n'y aurait

  5   plus de responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune.

  6   Monsieur le Président, maintenant pour répondre à la question qui portait

  7   sur l'ordre d'évacuation de Martic. M. Kehoe et moi-même avons

  8   explicitement renvoyé ce matin la Chambre d'appel aux constatations qui

  9   figurent dans les paragraphes 1 754, 1 755 et 1 762 du jugement de la

 10   Chambre de première instance. Plusieurs facteurs sur lesquels la conclusion

 11   repose ont été cités par Me Kehoe, et je vous renvoie de nouveau au

 12   paragraphe 1 762 du jugement, à savoir : "Les responsables de la RSK ont

 13   dit aux habitants de partir le 4 août."

 14   Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez vu notre moyen

 15   2 d'appel. Nous y avons précisé les circonstances et les raisons du départ

 16   massif de la population serbe de Krajina. Comme nous le savons, ce crime de

 17   déportation ou d'expulsion recouvre le fait d'expulser en masse une

 18   population au-delà d'une frontière de jure ou de facto. Il n'y a aucun

 19   élément de preuve en l'espèce qui permette de démontrer qu'une personne

 20   aurait affirmé avoir été expulsée de la Krajina par crainte d'une attaque

 21   d'artillerie illégale.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais vous interrompre, Maître,

 23   pour une seconde.

 24   La Chambre de première instance a conclu que les ordres d'évacuation

 25   n'étaient pas la cause principale des départs des civils. Vous estimez qu'à

 26   cet égard la Chambre de première instance est sortie du champ de son

 27   pouvoir discrétionnaire.

 28   Je vous demande pourquoi ?


Page 56

  1   M. MISETIC : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, d'abord et

  2   avant tout, je pense que nous devrions tous convenir que la question

  3   principale ne doit pas être expliquée par la Défense, à savoir la cause des

  4   départs. Ce qui nous revient de faire du côté de la Défense, c'est

  5   d'expliquer pourquoi des Serbes ne sont pas partis, et ils ne sont pas

  6   partis en raison des pilonnages de l'artillerie.

  7   Mais deuxièmement, nous avons présenté dans notre mémoire final en Défense

  8   le fait que la Chambre de première instance -- et vous avez ce mémoire

  9   devant vous, donc vous voyez toutes les mesures qui ont été prises par les

 10   autorités de la RSK afin de pousser les civils à fuir. Il y a un problème

 11   entre la démarche appliquée par la Chambre de première instance par rapport

 12   à l'ordre d'évacuation de Martic et ce que nous affirmons qu'il s'est

 13   réellement passé.

 14   La Chambre de première instance semble s'être penchée sur la question

 15   très restrictive de savoir si l'ordre d'évacuation a été mis en œuvre dans

 16   le sens où il aurait fallu être capable d'organiser

 17   des camions, l'approvisionnement de ces camions en carburant, et cetera, de

 18   façon à démontrer qu'il s'agissait d'un acte systématique. Mais le fait de

 19   savoir si ces personnes sont parties de façon organisée ou non organisée,

 20   de façon systématique ou pas, n'est pas tout ce qu'il importe de

 21   déterminer. Notre objectif dans le moyen numéro 2 en appel consiste à

 22   expliquer quelle est la nature des éléments de preuve. Par ailleurs, de

 23   nombreux éléments de preuve, en particulier émanant du commandant du

 24   secteur sud des Nations Unies à Knin, qui a rédigé un rapport qui a été

 25   versé au dossier de l'espèce et dans lequel il analyse ce qu'il s'est passé

 26   au cours de l'opération Tempête, eh bien, dans ce rapport il parvient à la

 27   conclusion qu'une fois l'ordre d'évacuation donné, tout le monde a décidé

 28   de partir, les civils et les militaires. Donc nous estimons que la Chambre


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  1   de première instance n'a pas traité l'élément de preuve principal; par

  2   exemple, elle n'a pas pris en compte l'élément de preuve émanant de ce

  3   commandant du secteur sud des Nations Unies. Il y a d'autres éléments de

  4   preuve que nous avons définis dans nos mémoires en appel qui montrent que

  5   la Chambre de première instance n'a pas pris en compte des questions tout à

  6   fait critiques alors que, comme nous l'indiquons, elle avait le devoir de

  7   le faire en l'espèce.

  8   L'autre élément, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il fallait

  9   prendre en compte, c'est le fondement utilisé par la Chambre de première

 10   instance pour inclure les éléments de preuve relatifs au témoignage

 11   concernant Kosta Novakovic dans la Défense Martic. Il a témoigné que des

 12   civils étaient déjà en mouvement avant l'ordre d'évacuation et a dit que la

 13   publication de cet ordre d'évacuation avait pour but d'introduire un peu

 14   d'ordre dans un processus qui était déjà en cours. Donc nous soutenons que

 15   la Chambre de première instance a commis une erreur en ne tenant pas compte

 16   de la date d'émission de cet ordre d'évacuation. Monsieur le Président,

 17   Messieurs les Juges, nous estimons que plusieurs erreurs ont été commises

 18   par la Chambre de première instance qui n'a pas pris en compte ces éléments

 19   de preuve importants en l'espèce. Et il s'agissait, en effet, de déterminer

 20   la cause des départs, ce qui était un point de tout à fait important.

 21   Je vais maintenant, à moins qu'il y ait des questions, Monsieur le

 22   Président, redonner la parole pour une minute à mon confrère, Me Akahavan.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

 24   M. AKHAVAN : [interprétation] Monsieur le Président, membres distingués de

 25   la Chambre d'appel, c'est un honneur pour moi que de prononcer ces quelques

 26   remarques de conclusion dans ce procès en appel qui a des conséquences

 27   importantes pour le droit humanitaire.

 28   L'affaire est tout à fait simple. Elle se centre pour l'essentiel sur des


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  1  violations massives de l'article 51.2 du 1er protocole qui constituerait des

  2   crimes contre l'humanité. Le jugement en première instance déclare que

  3   quelque 20 000 civils serbes ont été déplacés par la force parce qu'ils ont

  4   été pris délibérément pour cible et terrorisés par des attaques

  5   d'artillerie massive de la part de la Croatie. L'acte de persécution que

  6   constitue une attaque illégale massive contre des civils et des objets

  7   civils ne se limite pas simplement à un acte parmi tant d'autres; cet acte

  8   de persécution constitue le cœur même d'un concept plus vaste qui est

  9   l'attaque massive ou l'attaque systématique contre une population civile.

 10   Pour l'essentiel, la théorie de l'entreprise criminelle commune confond les

 11   exigences que l'on trouve dans le chapeau de l'article 5, à savoir

 12   l'attaque massive et l'acte sous-jacent de cette attaque massive qui est un

 13   acte de persécution constitutif, donc, d'une attaque illégale.

 14   Alors, quelle est la norme juridique exactement applicable en l'espèce ? Le

 15   paragraphe 1 841 du jugement se lit comme suit, je 

 16   cite :

 17   "Une attaque contre des civils et des objets civils dans le contexte de

 18   crimes contre l'humanité doit être comprise comme recouvrant toute une

 19   série d'actes de violence délibérément entamés contre des civils ou des

 20   objets civils même si aucun résultat particulier ne doit nécessairement

 21   être assigné à cette attaque et recouvre également des attaques sans

 22   discrimination contre des cités, des villes et des villages."

 23   Quels sont les éléments de preuve qui viennent appuyer la

 24   conclusion de grande portée selon laquelle le général Gotovina est

 25   coupable, non seulement de quelques violations isolées et aléatoires de

 26   l'article 51.2 du protocole I, mais également d'attaque illégale massive

 27   qui aurait suffi à terroriser 20 000 civils ? Eh bien, d'abord, il n'existe

 28   qu'une preuve que des personnes soient mortes ou aient été gravement


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  1   blessées, pas un seul incident. Deuxièmement, il n'existe aucune preuve que

  2   des dommages importants aient été causés à des objets civils. Au mieux, il

  3   existe des éléments de preuve montrant que quelques habitations civiles ont

  4   été endommagées un peu au hasard. Troisièmement, il n'existe aucune preuve

  5   montrant que des attaques étaient effectivement dirigées contre des civils

  6   ou des objets civils indépendamment de leur résultat. Au mieux, on peut

  7   parler de quelques projectiles qui auraient touché avant tout des champs

  8   désertés au-delà de la limite de 200 mètres qui permet de définir une cible

  9   militaire.

 10   Alors, qu'est-ce qui résulte de l'examen de l'ensemble des éléments de

 11   preuve ? Nous avons 1 200 projectiles d'artillerie qui ont été tirés dans

 12   des environnements urbanisés, mais aucune preuve qu'il y aurait eu un seul

 13   civil mort ou blessé et aucune preuve qu'il y aurait eu des destructions

 14   importantes. Dans de telles circonstances, est-ce qu'une attaque massive

 15   contre une population civile était la seule conclusion raisonnable pour la

 16   Chambre de première instance ? La seule explication possible c'est que

 17   l'armée croate aurait fait preuve d'une incompétence tellement

 18   exceptionnelle qu'aucun des 1 200 projectiles qu'elle a tirés n'aurait

 19   réussi à toucher un seul civil. Inutile de dire qu'une telle conclusion

 20   serait manifestement absurde. Aucun raisonnement créatif sur le plan

 21   juridique ne saurait remédier à l'absence de preuve quant à l'existence ne

 22   serait-ce qu'une seule attaque illégale.

 23   La condamnation du général Gotovina sur la base de tels faits est une

 24   erreur judiciaire, mais il y a une autre considération à prendre en compte

 25   qui est de portée plus vaste. A savoir que ce jugement établit un précédent

 26   qui rendrait impossible toute conduite légale de la guerre. Le droit

 27   humanitaire a été pertinent pour les commandants militaires en raison de

 28   cet équilibre très fin qui a été établi entre la protection humanitaire


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  1   nécessaire et les nécessités militaires. Comme l'a fait observer un ancien

  2   conseiller juridique du CICR, Louise Doswald-Beck, les Etats qui ont

  3   négocié le protocole I, je cite, "… ont maintenu fermement dans leur esprit

  4   la nécessité de créer une loi acceptable aux yeux de leur état-major

  5   militaire."

  6   Et pourtant, d'éminents auteurs ont fait remarquer que, je cite, "des

  7   tribunaux et des cours de justice ont souvent laissé de côté la pratique

  8   opérationnelle sur les champs de bataille." Afin de demeurer crédible et

  9   pertinente, la jurisprudence de ce Tribunal doit appliquer le droit

 10   humanitaire de façon conséquente par rapport aux réalités des opérations de

 11   la conduite de la guerre.

 12   Et nous disons, avec le respect que nous devons à cette Chambre

 13   d'appel, que l'accusé, le général Gotovina, doit être acquitté.

 14   Je remercie la Chambre pour sa patience. J'ai terminé mes

 15   observations.

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Akhavan. Je

 17   remercie le conseil de M. Gotovina pour avoir respecté l'horaire prévu pour

 18   la présentation de ses arguments.

 19   Monsieur Stringer.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Je ne voudrais pas interrompre, mais nous

 21   regardions les cartes et il nous apparaît que la légende que l'on voit au

 22   bas de certaines d'entre elles ne correspond pas à cette dimension des 200

 23   et 400 mètres. Je ne sais pas ce que cela signifie. Je ne sais pas si la

 24   Chambre l'a remarqué, mais nous l'avons remarqué. Je regarde la carte A.

 25   L'échelle ne correspond pas, c'est ce que je voulais faire remarquer.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons regardé ces documents sans

 27   préjuger de leur signification.

 28   A moins que quelqu'un puisse répondre immédiatement à cette question,


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  1   nous allons donc suspendre maintenant l'audience jusqu'à 11 heures.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 45.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une heure 30 pour la réponse de

  5   l'Accusation.

  6   Monsieur Stringer, c'est à vous.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous

  8   une nouvelle fois.

  9   Je m'appelle Douglas Stringer. Ce matin, de concert avec mon confrère

 10   Matthew Cross, je vais traiter des arguments de Gotovina que l'on trouve

 11   dans le moyen numéro 1 en appel qu'il a présenté au sujet de l'attaque

 12   d'obus illégale dont la Chambre de première instance a estimé qu'elle était

 13   dirigée contre les quatre villes de Knin, Benkovac, Gracac et Obrovac les 4

 14   et 5 août 1995. Dans le cadre de nos exposés, M. Cross et moi-même

 15   traiterons des trois premières questions que les parties ont reçues des

 16   Juges de la Chambre d'appel dans l'addendum à l'ordonnance portant

 17   calendrier. Et ensuite, après que nous en aurons terminé, Mme Laurel Baig

 18   traitera de la quatrième question posée par la Chambre, qui concerne

 19   l'ordre d'évacuation.

 20   Globalement, nos exposés relatifs à l'attaque illégale peuvent se résumer

 21   comme suit : la Chambre de première instance a estimé à juste titre que

 22   l'armée croate, la HV, a mené une attaque sous forme de bombardement les 4

 23   et 5 août, et que cette attaque était illégale, sans discrimination et a

 24   visé les quatre villes susmentionnées. L'attaque illégale n'a pas constitué

 25   un événement isolé, qui ne serait pas lié à d'autres événements, mais a

 26   bien fait partie d'un plan criminel commun destiné à déplacer de façon

 27   permanente la population civile serbe de la région de la Krajina en

 28   Croatie. La conclusion de la Chambre de première instance au sujet du


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  1   caractère illégal de cette attaque est étayée amplement par diverses

  2   sources qui proviennent des éléments de preuve, toutes ces sources montrant

  3   de façon conséquente que le fait que les villes aient été prises pour cible

  4   en tant que telle est réel au cours de cette attaque. Ces éléments de

  5   preuve comprennent, premièrement, le débat entre Gotovina, Markac et

  6   d'autres personnes avec le président croate Franjo Tudjman à Brioni le 31

  7   juillet 1995, c'est-à-dire quatre jours avant l'attaque. La Chambre de

  8   première instance a conclu à juste titre que cette discussion a porté sur

  9   la nécessité de forcer les civils à partir. Paragraphe 1 995 du jugement.

 10   Deuxièmement, le libellé très simple de l'ordre d'attaque émis par Gotovina

 11   le 2 août qui impliquait, je cite, "de mettre ces villes sous les tirs

 12   d'artillerie," et les ordres des subordonnés de Gotovina qui avaient le

 13   même objectif.

 14   Troisièmement, les récits nombreux de témoins oculaires et les conclusions

 15   du personnel militaire des Nations Unies présent à Knin dans le cadre de la

 16   présence des forces de maintien de la paix selon lesquelles l'attaque à

 17   l'obus a touché l'ensemble de ces villes, et ce, de façon indiscriminée.

 18   Quatrièmement, le mépris total de la population civile présente à Knin au

 19   moment où l'armée croate a pilonné plusieurs localités dans l'espoir de

 20   toucher le président de la RSK, Martic, même si la HV savait que ses

 21   chances de le toucher étaient très faibles. Je parlerai plus en détails de

 22   chacun de ces points dans mon exposé à venir.

 23   La seule conclusion raisonnable à tirer de l'ensemble de ces éléments de

 24   preuve c'est qu'une attaque à l'obus illégale contre quatre villes a été

 25   planifiée, ordonnée et exécutée.

 26   Eu égard aux questions relatives à la marge d'erreur et à l'importance des

 27   conclusions de la Chambre de première instance au sujet de l'impact précis

 28   sur les localités mentionnées, point qui a été évoqué dans les questions 1,


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  1   2 et 3 de la Chambre, la position de l'Accusation est la suivante :

  2   D'abord, et ceci concerne la question numéro 1, si l'on prend en compte les

  3   éléments de preuve disponibles devant la Chambre durant le procès,

  4   l'utilisation de la marge d'erreur de 200 mètres dans l'analyse du

  5   pilonnage n'était pas déraisonnable.

  6   Notre réponse à la question 2 c'est que toute erreur impliquant une marge

  7   d'erreur de 200 mètres ne modifie rien aux conclusions de la Chambre de

  8   première instance au sujet des lieux d'impact. La marge d'erreur de 200

  9   mètres a servi principalement à évaluer la déposition du chef d'artillerie

 10   de Gotovina, M. Marko Rajcic, qui a affirmé que l'armée croate était en

 11   possession d'armes précises qui ont pris pour cible uniquement des objets

 12   autorisés par la loi dans le cadre de l'ordre d'attaque de Gotovina.

 13   La Chambre de première instance nous présente une analyse précise de

 14   l'impact précis des obus qui montre avant tout que les projectiles ont

 15   touché les villes, y compris dans des quartiers situés au voisinage de

 16   maisons, d'un hôpital et d'un centre médical. La Chambre de première

 17   instance a estimé à juste titre que le lieu et la diffusion des sites des

 18   impacts connus un peu partout dans ces villes correspondait à l'affirmation

 19   de Rajcic quant au fait que les appareils de visée étaient précis et

 20   légaux. Ceci est vrai même si la marge d'erreur était supérieure à 200

 21   mètres.

 22   Dans la question numéro 3 posée par la Chambre, celle-ci se demande si les

 23   conclusions globales relatives à une attaque illégale devraient être

 24   maintenues au cas où les conclusions de la Chambre de première instance

 25   relatives aux sites d'impact étaient estimées erronées. La réponse à cette

 26   question est oui. Sur la base d'un grand nombre d'éléments de preuve que

 27   j'évoquerai dans cet exposé, tels que le plan criminel discuté à Brioni et

 28   les ordres d'attaque en tant que tels, le recours à une marge d'erreur de


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  1   200 mètres lié aux conclusions selon lesquelles le nombre d'impacts connus

  2   est limité ne change rien à la conclusion globale relative au caractère

  3   illégal de l'attaque. Même si on laisse de côté la marge d'erreur, on

  4   constate que les villes en tant que telles ont été délibérément prises pour

  5   cible selon tous les éléments de preuve disponibles.

  6   Par ailleurs, la présente Chambre devrait rejeter la tentative de la

  7   Défense d'élever tous les éléments de preuve, y compris la marge d'erreur,

  8   à un statut tel que ce seul élément permettrait de déterminer le caractère

  9   légal ou non de l'attaque d'artillerie. Les Juges doivent prendre en compte

 10   l'intention du commandant en s'appuyant sur l'ensemble des éléments de

 11   preuve. L'intention est déterminée en prenant en compte l'ensemble des

 12   actes et des omissions de la personne, et pas simplement en calculant la

 13   marge d'erreur assignée aux armes qu'il a utilisées.

 14   La présente Chambre de première instance, lorsqu'elle se penchera sur le

 15   caractère de l'attaque d'artillerie, ne doit pas commencer par examiner les

 16   quatre premiers obus qui ont touché les quatre villes à partir de 5 heures

 17   du matin le 4 août.

 18   Même si l'attaque illégale contre les villes de Knin, Benkovac,

 19   Gracac et Obrovac a constitué une partie importante du plan commun, ce

 20   n'était pas la seule partie de ce plan. Le plan était plus vaste de par sa

 21   portée et de par sa mise en œuvre. Et c'est précisément cette portée plus

 22   vaste du plan et la façon dont l'attaque illégale s'intégrait dans le plan

 23   criminel commun global que la Chambre de première instance a prises en

 24   compte dans ses conclusions pour déterminer le caractère illégal de cette

 25   attaque.

 26   Comme la Chambre de première instance, la présente Chambre doit tenir

 27   compte de la discussion et des accords conclus quatre jours avant durant la

 28   réunion de Brioni du 31 juillet 1995. Pendant cette réunion, Ante Gotovina,


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  1   Mladen Markac et d'autres hauts conseillers ont rejoint le président

  2   Tudjman, président de la Croatie, pour discuter de la meilleure manière de

  3   ressaisir la Krajina dans le cadre de ce que l'on connaît désormais sous le

  4   nom d'opération Tempête. Comme le montre le procès-verbal de cette réunion

  5   - qui est P461 - la discussion de Brioni ne s'est pas limitée aux aspects

  6   militaires légitimes et aux objectifs de l'opération. Ce document révèle

  7   que l'objectif consistait à veiller à ce que la population civile en tant

  8   que telle soit chassée de la région dans le cadre de l'opération militaire.

  9   Ce n'est pas par hasard que le déplacement de la population civile serbe

 10   faisait partie de l'opération.

 11   Le président Tudjman considérait la population serbe de Croatie comme une

 12   menace stratégique. Peter Galbraith, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis en

 13   Croatie entre 1993 et 1998, a eu des rencontres et des contacts fréquents

 14   avec Tudjman. Et dans sa déposition, il déclare, je cite :

 15   "Le président Tudjman préférait une Croatie raisonnablement ou

 16   fondamentalement homogène. Il estimait que les Etats devraient être

 17   homogènes sur le plan ethnique, ou proches de l'homogénéité ethnique. Il

 18   estimait et a déclaré que les Serbes de Croatie étaient trop nombreux et

 19   constituaient une menace stratégique pour la Croatie. Il était très

 20   favorable aux transferts de population."

 21   Pièce P444, paragraphe 31, ainsi que paragraphe 1 999 du jugement.

 22   En effet, les civils étaient l'une des questions sur lesquelles se

 23   concentrait le président Tudjman à Brioni lorsqu'il a déclaré, je cite :

 24   "Mais j'ai dit, et nous avons dit cela ici, il devrait leur être donné une

 25   voie de sortie… car il est important que ces civils partent, et l'armée les

 26   suivra, et lorsque les colonnes prendront le départ, ceci aura un impact

 27   psychologique sur les uns et les autres."

 28   Pièce P461, page 15.


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  1   Gotovina a répondu que si les forces croates continuaient à exercer une

  2   pression, les seuls civils qui resteraient seraient ceux qui étaient

  3   considérés comme incapables de partir. Je cite :

  4   "Ce qui signifie que si nous continuons à exercer cette pression, il est

  5   probable que dans quelque temps il n'y aura pas un nombre aussi important

  6   de civils; il ne restera que ceux qui sont contraints de rester parce

  7   qu'ils n'ont aucune possibilité de partir."

  8   Pièce P461, page 15, paragraphe 1 977 du jugement.

  9   Alors, Messieurs les Juges, ces déclarations, on peut les attendre de

 10   dirigeants militaires qui avaient l'intention de respecter leur obligation

 11   de protéger la population civile pendant l'attaque; oui ou non ? "Il est

 12   important que ces civils partent… si nous poursuivons la pression… il n'y

 13   aura pas un nombre si important de civils qui resteront ?"

 14   La Chambre de première instance a conclu à juste titre que la discussion

 15   relative aux civils à Brioni ne portait pas sur la nécessité de les

 16   protéger, mais plutôt sur la nécessité de les forcer à partir. Paragraphe 1

 17   995 du jugement.

 18   L'attaque d'artillerie qui s'en est suivie quatre jours plus tard doit être

 19   prise en compte au vu de ce qui s'est passé pendant cette discussion. A

 20   savoir que la population serbe était considérée comme une menace

 21   stratégique pour la Croatie en tant que telle et devait être contrainte à

 22   partir dans le cadre de l'opération militaire.

 23   D'autres aspects du plan criminel qui a eu lieu après l'attaque

 24   d'artillerie ont permis d'aller dans le sens de l'objectif consistant à

 25   chasser les civils serbes. Ceci jette quelque lumière sur la nature de

 26   l'attaque. Nous savons que lorsque l'attaque d'artillerie s'est terminée,

 27   les forces terrestres de Gotovina et de Markac ont pénétré dans les quatre

 28   villes. La prévision de Gotovina formulée à Brioni s'est donc avérée


Page 68

  1   exacte. Les quelques civils serbes qui restaient dans ces lieux après

  2   l'attaque d'artillerie étaient pour la plupart ceux qui étaient trop âgés

  3   ou trop faibles pour s'enfuir.

  4   Pendant les deux mois qui ont suivi, ces malheureux individus ont été

  5   la cible d'une vague sans restriction de crimes et de vengeance entre les

  6   mains des subordonnés de Markac et de Gotovina. Et pendant tout ce temps,

  7   Gotovina et Markac n'ont pris aucune mesure sérieuse pour mettre un terme à

  8   ces crimes. Si nécessaire, les Juges peuvent se référer au paragraphe 2 365

  9   du jugement.

 10   L'absence de préoccupation pour la protection des civils qui a eu

 11   lieu et que l'on trouve dans les remarques de Gotovina à Brioni était très

 12   apparente et s'est matérialisée dans les suites données à l'attaque

 13   d'artillerie --

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Stringer, par rapport à ce que

 15   vous venez de dire, est-ce que vous laissez entendre que votre thèse ne

 16   repose pas sur la fréquence des attaques militaires illégales ?

 17   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ce que j'ai dit,

 18   c'est que le caractère légal ou pas de l'attaque doit être apprécié en

 19   tenant compte de l'ensemble des événements qui ont eu lieu, pas simplement

 20   de ceux qui ont eu lieu avant l'attaque, mais également de ceux qui ont

 21   lieu après.

 22   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais est-ce que les attaques ne sont

 23   pas illégales lorsqu'il n'y a pas violence par la suite ?

 24   M. STRINGER : [interprétation] Nous avons un argument à ce sujet. Mes

 25   confrères vont traiter de cette question plus tard. Je crois que c'est une

 26   réponse à la question 4 de la Chambre.

 27   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que j'affirme, c'est que les

 28   éléments de preuve démontrent le caractère illégal de l'attaque.


Page 69

  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais les deux questions posées par la

  2   Chambre sont très importantes en l'espèce. Si la Chambre d'appel - et je ne

  3   dis pas que ce sera ou que ce ne sera pas le cas - mais si la Chambre

  4   d'appel devait annuler les conclusions de la Chambre de première instance

  5   au sujet de cette limite de 200 mètres, en quoi est-ce que les éléments de

  6   preuve relatifs aux lieux d'impact qui ont été pris en compte par la

  7   Chambre de première instance pourraient être utiles, étant donné que la

  8   Chambre de première instance elle-même a estimé que ces quatre villes

  9   abritaient des cibles militaires qui étaient si limitées d'un point de vue

 10   territorial et que les obus qui n'ont pas touché ces cibles ne pouvaient

 11   pas être simplement la conséquence d'une erreur militaire ?

 12   Est-ce que ceci peut avoir une importance par rapport à l'argument présenté

 13   plus tôt par la Défense au sujet de l'absence pratiquement totale de

 14   victimes civiles ?

 15   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer de

 16   répondre le plus brièvement possible à votre question.

 17   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 18   M. STRINGER : [interprétation] Cette limite de 200 mètres, et j'espérais

 19   aborder ce sujet un peu plus tard dans mon exposé, cette marge d'erreur de

 20   200 mètres a été estimée de façon correcte par rapport aux éléments de

 21   preuve présentés pendant le procès. S'il y avait erreur de ce point de vue,

 22   c'est toutefois ce que nous savons, nous connaissons l'existence de cette

 23   marge d'erreur de 200 mètres.

 24   Pendant le procès, la Chambre n'a pu déterminer que les lieux précis

 25   où les obus sont tombés dans 10 % des cas seulement, donc par rapport à

 26   10 % des obus qui ont effectivement été tirés. Nous savons qu'au moins

 27   1 200 obus ont été tirés sur les quatre villes pendant l'opération

 28   concernée et que, sur ce total, 900 au moins ont été tirés sur Knin.


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  1   Quand la Chambre de première instance parle de lieux d'impact précis, elle

  2   parle uniquement des lieux qui ont pu être déterminés, à savoir 10 % du

  3   total. Si vous vous penchez sur l'annexe à notre mémoire, lorsque vous

  4   trouverez le passage relatif aux lieux d'impact, vous verrez que pour 50 %

  5   des lieux d'impact connus, les obus sont tombés en dehors du périmètre de

  6   200 mètres, en gros. A peu près 50 %.

  7   Alors cela nous laisse 95 %, et mes confrères vont revenir sur ce

  8   pourcentage. Mais qu'est-ce qui se passe pour le reste, pour les lieux

  9   d'impact inconnus, pour les lieux d'impact inconnus et dont certains ont pu

 10   se situer à l'intérieur du périmètre de 200 mètres ? Il n'existe aucun

 11   fondement permettant d'étayer cette affirmation. Donc nous savons que 5 %

 12   des obus dont le lieu d'impact est connu sont tombés à l'intérieur de la

 13   limite des 200 mètres, et si on les ajoute aux 90 %, on a le total des

 14   inconnus s'agissant des lieux d'impact. Le nombre est très vaste, et la

 15   proportion également. En gros, si l'on prend l'ensemble des villes

 16   concernées, comme la Chambre de première instance l'a constaté, et comme

 17   les témoins l'ont dit dans leur déposition, il n'existe aucun fondement

 18   permettant de partir du principe que les 90 % d'impacts inconnus sur le

 19   plan du lieu où ils sont tombés se situent à l'intérieur de la marge de 200

 20   mètres. Et c'est en particulier le cas si l'on étend la marge d'erreur de

 21   200 mètres à 400 mètres, si l'on part du principe que les armes étaient

 22   deux fois plus imprécises que qu'est-ce que la Chambre de première instance

 23   a estimé.

 24   Alors, ce qu'il nous manque au sujet des impacts, des impacts connus,

 25   ce qu'il nous manque si on applique la règle des 200 mètres, c'est la

 26   détermination des lieux où ils sont tombés. Ce qui signifie que

 27   pratiquement 50 % de ces obus sont, dans l'état actuel de ce que l'on

 28   connaît, tombés dans un rayon de 200 mètres. Pas 95 %, comme l'a dit le


Page 71

  1   conseil de la Défense.

  2   J'aimerais maintenant répondre à votre autre question, Monsieur le

  3   Président, sur la présence de cibles militaires à l'intérieur des villes.

  4   Nous avons déjà vu un certain nombre de procès [comme interprété] centrés

  5   sur des attaques d'artillerie illégales devant ce Tribunal, Monsieur le

  6   Président, comme vous le savez et comme le savent les Juges qui vous

  7   accompagnent. Le fait que des cibles légales existent dans le cadre de ces

  8   affaires ne change rien à la détermination que nous avons faite du

  9   caractère illégal de l'attaque dont nous parlons. Oui, il y avait des

 10   cibles militaires légales. Mais lorsque l'on définit l'intention qui

 11   préside à une opération de pilonnage, on ne doit pas se limiter uniquement

 12   à un nombre de lieux très restreint dont on sait que des obus sont tombés

 13   dans ces lieux. Il faut que l'on tienne compte de l'ensemble des éléments

 14   de preuve.

 15   Et avec votre permission, Monsieur le Président, j'aimerais revenir à

 16   mon exposé en présentant l'essence d'un certain nombre d'éléments de

 17   preuve.

 18   En dehors de la discussion de Brioni, nous savons que Gotovina a émis

 19   son ordre d'attaque le 2 août, c'est-à-dire deux jours après cette réunion.

 20   Pièce P1125. Et j'aimerais appeler l'attention de la Chambre de première

 21   instance sur le libellé utilisé par la Chambre de première instance à ce

 22   sujet. Vous l'avez sous les yeux.

 23   Ce que le général a fait ici, c'est traiter dans son ordre des cibles

 24   légales, donc des cibles militaires qu'il convenait de frapper, grâce à des

 25   frappes dues à la Brigade d'infanterie légère, et ce, dans le but de placer

 26   les villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac sous des tirs

 27   d'artillerie. Ceci s'est ajouté aux autres cibles précisées par le général

 28   dans son ordre. Je fais remarquer, Monsieur le Président, Messieurs les


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  1   Juges, que Drvar se situe en dehors des lieux pris en compte dans l'acte

  2   d'accusation en l'espèce. C'est un lieu qui se trouve en Bosnie-Herzégovine

  3   mais qui n'a pas été pris en compte par la Chambre de première instance.

  4   Nous trouvons ici un libellé qui, comme la Chambre de première

  5   instance l'a fait remarquer à juste titre, reposait sur une lecture simple

  6   de l'ordre d'attaque. La Chambre de première instance a estimé que cet

  7   ordre indiquait que l'armée croate devait traiter l'ensemble de ces villes,

  8   et Knin en particulier, comme des cibles. Paragraphe 

  9   1 893 du jugement.

 10   Monsieur le Président, cet ordre, cette remarque particulière est

 11   descendue le long de la filière hiérarchique. Nous voyons encore une fois

 12   dans cet ordre qui vient du chef de l'artillerie, du général, donc un ordre

 13   résultant du premier, un ordre également émanant du chef de l'état-major de

 14   l'artillerie, Marko Rajcic, qui - vous avez le libellé de cet ordre sous

 15   les yeux - met l'accent sur la nécessité de neutraliser les centres de

 16   transmission, les postes de commandement, et cetera, et qui ordonne que les

 17   villes soient placées sous des tirs d'artillerie. Donc, même formulation

 18   que dans l'ordre de Gotovina. Pièce D97.

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la même chose se produit

 20   tout au long de la chaîne de commandement jusqu'au niveau hiérarchique le

 21   plus bas, où il est question de l'utilisation d'obus. La pièce P1263, c'est

 22   l'ordre donné au Groupe opérationnel de Zadar de -- ah, j'ai oublié de

 23   parler de Mladen Fuzul, excusez-moi. Donc les ordres sont donnés aux

 24   groupes d'artillerie subordonnés pour qu'ils "entament les tirs contre les

 25   villes de Benkovac et d'Obrovac." Placer ces villes sous des tirs

 26   d'artillerie. Même chose dans l'ordre émanant du chef d'artillerie et même

 27   chose dans tous les ordres émanant des nouveaux hiérarchiques subordonnés

 28   concernant Benkovac, Obrovac et Gracac.


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  1   La Défense a présenté toute une série d'affirmations quant au fait

  2   que l'on aurait pris pour cible des zones habitées par les civils. Eh bien,

  3   ces villes sont des zones habitées par des civils. Nous savons que les

  4   ordres en tant que tels, ordres donnés par le général Gotovina et donnés

  5   par tous les commandements subordonnés par la suite, comme on peut le lire

  6   dans les rapports publiés à l'époque des faits, étaient destinés à des

  7   responsables d'artillerie, ce qui, à notre avis, étaye la thèse selon

  8   laquelle les villes étaient prises pour cible.

  9   La pièce 1268, c'est un rapport du groupe d'artillerie TS-4 qui

 10   tirait sur Knin. Dans ce rapport, il est indiqué qu'à 15 heures, à

 11   intervalles réguliers, les responsables de l'artillerie ont tiré au total

 12   18 projectiles à partir d'un T-130 - qui est l'un des canons d'artillerie

 13   utilisés le plus généralement - et qui a donc tiré sur Knin. Ceci

 14   correspond au libellé que nous avions trouvé dans les ordres donnés par les

 15   supérieurs.

 16   Au procès, Monsieur le Président, j'appelle votre attention sur la

 17   déposition du témoin expert en artillerie cité à la barre par l'Accusation,

 18   à savoir le colonel Konings. Konings était présent à Sarajevo pendant le

 19   conflit. Il a été à la tête des enquêtes relatives aux incidents

 20   d'artillerie constatés à Sarajevo. Et pendant le procès, il a passé en

 21   revue le rapport d'artillerie que nous venons d'examiner au sujet des obus

 22   tirés sur Knin.

 23   Il a dit aux Juges de la Chambre de première instance en l'espèce :

 24   "Je vous renvoie à ce qui s'est passé dans la ville de Sarajevo

 25   pendant plus de six mois. Pas d'objectif militaire. Le seul objectif

 26   consistait à utiliser l'artillerie de façon à harceler une population

 27   civile dans le but de la contraindre à fuir."

 28   Et il poursuit :


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  1   "Je dois dire que ceci était tout à fait clair, en particulier si

  2   l'on voit l'utilisation des mots 'à intervalles réguliers', 18 projectiles

  3   ont été tirés sur le secteur général de Knin, et le rapport qui est établi

  4   entre ceci et l'ordre opérationnel dont nous avons déjà parlé."

  5   L'ordre opérationnel auquel il fait référence est l'ordre d'attaque

  6   émanant du général Gotovina.

  7   D'autres rapports ont été émis par d'autres groupes, d'autres soldats

  8   dans d'autres lieux, qui rendent compte de la même chose. La pièce P2385

  9   vient d'un détachement de la police spéciale. A 8 heures 55 du matin, puis

 10   à 11 heures 30 du matin, les hommes qui ont rédigé ces rapports disent, Des

 11   tirs ont eu lieu sur les cibles précitées. Et il est question de tirs

 12   d'artillerie qui ont pris pour cible Gracac et Medak. "Tirs d'artillerie

 13   visant Gracac," ce sont les mots que l'on trouve dans ces rapports.

 14   Donc, toujours des villes prises pour cible. Les villes sont bien les

 15   objets assignés à l'attaque.

 16   Autre pièce à prendre en compte, la pièce P1200. Dans tous ces

 17   rapports, la Chambre de première instance a eu raison de conclure, ce sont

 18   donc des conclusions tout à fait justifiées à notre avis, que les unités

 19   d'artillerie rendent compte de ce qui s'est réellement passé, à savoir que

 20   l'armée croate a traité les villes en tant que cibles. Paragraphes 1 911, 1

 21   923, 1 935 et 1 943 du jugement. Cette interprétation de la Chambre de

 22   première instance a été tout à fait raisonnable étant donné le libellé très

 23   simple que l'on trouve dans l'ordre d'attaque de Gotovina ainsi que dans

 24   les ordres de ses subordonnés et étant donné ce que Gotovina a dit à

 25   Brioni, à savoir continuer à exercer une pression sur la police civile pour

 26   la forcer à partir. Quelle autre explication aurait-il pu y avoir pour le

 27   fait de tirer un nombre si important de projectiles sur des villes ? C'est

 28   la seule conclusion raisonnable.


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  1   Outre les ordres d'attaque et les rapports d'artillerie de la HV, la

  2   Chambre de première instance, à juste titre, s'est reposée sur le

  3   témoignage de personnel militaire expérimenté à Knin les 4 et 5 août et qui

  4   faisait partie des forces du maintien de la paix aux Nations Unies. Un

  5   autre témoin oculaire, qui était le commandant du secteur sud, Alain

  6   Forand, qui a observé des tirs d'artillerie et l'attaque initiale depuis le

  7   toit de la base à Knin, et qui était présent à Knin pendant toute la durée

  8   de l'attaque. Il a dit à la Chambre de première instance que le pilonnage à

  9   Knin était "indiscriminé et dirigé contre la population civile afin de

 10   créer une panique massive." Jugement, au paragraphe 1 336.

 11   Les éléments de preuve ont étayés les conclusions à la Chambre de

 12   première instance, à savoir que les obus de la HV ont, en réalité, touché

 13   ou sont tombés très proches de biens civils et de maisons civils, tels que

 14   des hôpitaux et un centre médical, confer le jugement aux paragraphes 1

 15   903, 1 905, 1 920, 1 932 et 1 940. Il n'est donc pas surprenant de

 16   constater que le libellé des ordres d'attaque et de pilonnage général des

 17   villes se trouve illustré dans les registres d'artillerie de la HV.

 18   Et pour finir, la Chambre de première instance dispose d'éléments de

 19   preuve qui sont à juste titre considérés comme des éléments de preuve sur

 20   les attaques disproportionnées de Martic visant à toucher à un bâtiment, et

 21   ceci était révélateur de son attitude à l'égard de la population civile

 22   vivant à Knin. Ils ont tiré des obus sur les endroits présumés à trois

 23   reprises. La première de ces attaques s'est produite entre 7 heures 30 et 8

 24   heures du matin le 4. Le HV a tiré des obus de 120 millimètres sur

 25   l'appartement qui se trouvait dans ce bâtiment. La Chambre de première

 26   instance a constaté qu'il s'agissait d'une participation –- qu'il y avait

 27   des civils qui habitaient dans cette région, puisqu'elle était

 28   majoritairement civile. Et le commandant d'artillerie, Rajcic, a témoigné


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  1   pour dire qu'ils savaient que le fait de blesser ou de toucher était

  2   minime. Paragraphe 1 910 du jugement.

  3   A juste titre, elle a tenu compte de ceci dans ses conclusions

  4   générales sur l'attaque en se fondant sur tous les éléments de preuve. Mon

  5   collègue, M. Cross, va y revenir.

  6   Revenons maintenant un petit peu en arrière et résumons. Pendant la

  7   matinée de 4 août 1995, alors que la HV a tiré ses obus de 130 millimètres

  8   sur l'appartement résidentiel de Martic en sachant qu'il était peu probable

  9   qu'ils ne le touchent, le commandant des Nations Unies, Forand, ainsi que

 10   d'autres témoins ont vécu cela et en ont conclu qu'il s'agissait d'une

 11   attaque indiscriminée. La même attaque était dirigée contre Benkovac,

 12   Gracac et Obrovac en même temps. Les artilleurs qui lançaient ces

 13   projectiles d'artillerie sur les quatre villes tiraient sur les villes,

 14   dans la zone générale où se trouvaient ces villes, tel que cela a été

 15   rapporté. C'est ce qu'on leur avait donné l'ordre de faire. Ces ordres

 16   mènent directement au général Gotovina qui avait donné l'ordre que ces

 17   villes soient pilonnées. Il a ordonné dans son ordre d'appliquer ce qui

 18   était considéré comme l'amorce nécessaire, ou d'exercer une pression, comme

 19   il l'a dit à Brioni, pour que la population s'en aille. Il l'a fait parce

 20   que le commandement Suprême était à Brioni. Il est important que les civils

 21   se mettent en route, c'est-à-dire que la population civile parte; il est

 22   important parce qu'il devait laisser des civils serbes. La population elle-

 23   même était considérée comme une menace stratégique aux yeux de la Croatie.

 24   Alors, compte tenu des éléments de preuve soumis à la Chambre de première

 25   instance, elle a pu raisonnablement conclure que l'attaque d'artillerie sur

 26   les quatre villes était une attaque indiscriminée. Lorsque vous tenez

 27   compte des événements qui ont suivi, tels que des crimes commis par l'armée

 28   croate, sans retenue, dirigés contre les Serbes qui restaient et qui


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  1   auraient pu fuir le pilonnage, les mesures et politiques mises en œuvre

  2   pour empêcher que les Serbes ne reviennent ainsi que des déclarations

  3   publiques faites par le président Tudjman après l'opération qui célébrait

  4   le départ des Serbes, il est clair quelle était l'intention derrière cette

  5   opération. L'intention consistait à déplacer cette population de façon

  6   permanente.

  7   Je réponds maintenant aux arguments de Gotovina.

  8   Ce qui nous amène à contester ce que dit Gotovina, en nous fondant

  9   sur la marge d'erreur du système d'armes qui tiraient sur les quatre

 10   villes. Il conteste l'emploi par la Chambre de première instance de cette

 11   marge d'erreur dans son évaluation lorsqu'elle évalue les éléments de

 12   preuve. Même, comme je vais le dire dans mes remarques, il se méprend sur

 13   le rôle sur la marge d'erreur des 200 mètres appliquée par la Chambre de

 14   première instance dans son analyse. A la première question, Messieurs les

 15   Juges, de savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur en

 16   appliquant cette marge d'erreur de 200 mètres qui porte sur l'attaque, en

 17   se fondant sur le dossier en l'espèce et sur des éléments de preuve

 18   présentés par les parties, la réponse est non. En se fondant sur les

 19   éléments de preuve et le dossier, l'emploi de cette marge d'erreur de 200

 20   mètres n'était pas déraisonnable.

 21   Comme cela est précisé dans le jugement aux paragraphes 1 893 et 1

 22   911, l'objectif essentiel de la Chambre de première instance lorsqu'elle a

 23   appliqué cette analyse de la marge d'erreur ne consistait pas à déterminer

 24   de façon concluante si oui ou non l'attaque était illégale ou pas. Ou

 25   plutôt, la marge d'erreur et cette analyse faisaient partie de l'évaluation

 26   de la Chambre qui s'est fondée sur ce que prétendait Rajcic, à savoir que

 27   les ordres d'attaque, malgré le langage clair dans lequel ces ordres ont

 28   été libellés, ont été interprétés comme portant essentiellement sur des


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  1   cibles légitimes. Confer le jugement aux paragraphes 1 188 et 1 893.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, si les attaques voulaient

  3   laisser entendre qu'elle est délibérée ou s'il s'agissait d'attaques

  4   simplement indiscriminées, par opposition à Sarajevo que vous avez évoquée

  5   il y a quelques instants, où il y avait énormément de pertes en hommes,

  6   pouvez-vous nous fournir une explication et me dire ou m'expliquer si la

  7   Défense n'a pas été tout à fait exacte lorsqu'elle laissait entendre qu'il

  8   n'y avait absolument pas de pertes en hommes ? Comment expliquez-vous cela

  9   s'il y en avait que très peu ?

 10   Il y avait des centaines et des centaines d'obus qui ont été tirés.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Eh bien, mon collègue, M. Cross, va aborder

 12   cette question.

 13   Ce que je vais vous dire, c'est ceci : l'attaque illégale qui est reprochée

 14   en l'espèce a été reprochée parce qu'il s'agit d'un acte de persécution et

 15   non pas d'une attaque illégale en elle-même. Donc il n'y avait pas de

 16   conditions requises, il ne fallait donc pas prouvé la mort de civils. Nous

 17   n'avons pas d'annexe en pièce jointe à cet acte d'accusation qui énumère

 18   une liste de victimes particulières qui ont été identifiées ou dont les

 19   décès ont pu être constatés au procès. Ceci n'était pas une condition

 20   requise par rapport à une attaque illégale qui est reprochée en l'espèce et

 21   faisait partie du crime de persécution.

 22   Bien, Monsieur le Président, je crois que je vous l'ai indiqué, vous

 23   semblez être conscient du fait que des éléments de preuve existent et

 24   figurent au dossier grâce à un certain nombre de témoins qui ont vu des

 25   personnes blessées, des pertes en hommes, des personnes gisant dans les

 26   rues de Knin au moment de l'attaque les 4 et 5. Il est important de noter

 27   que les hommes d'infanterie de la HV, les forces au sol, ne sont pas entrés

 28   dans ces villes jusqu'à avant midi. Ils ne sont pas entrés à Knin avant


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  1   midi à la date du 5. Donc, si les témoins, bon nombre d'entre eux, ont

  2   témoigné à propos des pertes en hommes, les corps qui ont été vu le 4, eh

  3   bien, il ne peut y avoir qu'une seule explication à cela.

  4   Donc, si nous traitons de la question des pertes en hommes, c'est une

  5   question un petit peu épineuse, Monsieur le Président. Ce n'est pas quelque

  6   chose que l'on nous a demandé de prouver, et certainement ne tient pas

  7   compte du fait que les témoins ont fourni énormément d'éléments de preuve

  8   sur l'existence de ces pertes en hommes et, ce qui est encore plus grave,

  9   sur les attaques et le pilonnage et comment ceci s'est déroulé.

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Stringer.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Je vais vous demander combien de temps il me

 12   reste.

 13   Mes collègues, en fait, ont commencé à parler. Nous avons 40 minutes, je

 14   vais conclure donc. J'espère avoir répondu à vos questions.

 15   La question numéro 1 : est-ce que ceci a été raisonnablement fondé

 16   sur les éléments de preuve. Nous attirons votre attention sur la déposition

 17   du chef de l'armée de Gotovina, Rajcic, qui a tiré sur Knin. La Chambre a

 18   indiqué -- c'est leur proposition, a indiqué par l'intermédiaire de Knin,

 19   qu'il utilisait une arme de 120 [comme interprété] millimètres. Les Juges

 20   de la Chambre en ont tenu compte lorsqu'elle a tenu compte de la marge

 21   d'erreur.

 22   Pour ce qui est la marge d'erreur de 400 mètres, Monsieur le

 23   Président, je souhaite simplement ajouter ceci, parce que la Défense

 24   souhaite maintenant endosser la déposition de M. Leslie qui a témoigné à

 25   propos d'une marge d'erreur de 400 mètres en un seul tir. Il n'a témoigné

 26   en tant que témoin expert, et les Juges de la Chambre se sont opposés à sa

 27   déposition pour cette raison-là au moment du procès. Le fait que la

 28   Défense, maintenant, endosse cette marge d'erreur de 400 mètres est digne


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  1   d'attention parce que ceci laisse entendre de façon générale que les armes

  2   utilisées étaient moins précises que ce que les Juges de la Chambre de

  3   première instance ont estimé. Car, comme Leslie l'a dit dans sa déposition,

  4   il a conclu que l'attaque était indiscriminée. Et je confère [phon],

  5   Messieurs les Juges, aux pages 1 990 et 1 991 du jugement, où Leslie a dit

  6   dans sa déposition qu'il y avait des tirs absolument partout. Si, comme le

  7   général Leslie l'a remarqué, les hommes de Gotovina tiraient partout, donc

  8   la marge d'erreur porte peu à conséquence. S'ils prenaient pour cible les

  9   villes elles-mêmes en se fondant sur les ordres d'attaque que nous

 10   retrouvons dans les rapports d'artillerie qui étaient rédigés à l'époque,

 11   dans ce cas la marge d'erreur n'a pas d'importance. Elle n'a aucune

 12   incidence sur les constatations eu égard au caractère délibéré de

 13   l'attaque.

 14   Messieurs les Juges, je vais maintenant résumer, et donc je vais

 15   répondre à la troisième question.

 16   Dans son rapport, le colonel Konings a indiqué comment est calculée

 17   la marge d'erreur. Il s'agit de question mathématique. Il a cité les

 18   tableaux de tirs. Il a tenu compte des conditions météorologiques. Il a

 19   tenu compte d'une portée, la probabilité pour que l'on puisse tirer la

 20   cible. Il n'a jamais indiqué que la marge d'erreur constitue le début ou la

 21   fin de l'analyse.

 22   On ne peut pas déterminer les éléments de cette affaire en se fondant

 23   simplement sur les lieux d'impact et sur la marge d'erreur, quelle que ce

 24   soit la marge. Messieurs les Juges, pour déterminer l'intention du

 25   commandant, et son intention a été confirmée par tous les éléments de

 26   preuve, on ne peut pas simplement calculer la marge d'erreur des armes

 27   utilisées par le commandant. L'intention doit être déterminée en tenant

 28   compte du comportement du commandant. Il ne s'agit pas simplement de la


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  1   manière dont ces armes ont été utilisées, tel que cela est illustré par la

  2   marge d'erreur. Dans tous ses actes, dans tous ses ordres, dans toutes ses

  3   déclarations, ses omissions doivent être analysées à la lumière de cela.

  4   Dans cette affaire, Monsieur le Président, la Chambre a fait exactement

  5   cela lorsqu'elle a indiqué que l'artillerie utilisée par Gotovina et le

  6   calcul de la marge d'erreur sur 200, 400 ou 1 200 mètres, à savoir si un

  7   projectile donné pouvait avoir un impact sur la cible à 200 mètres, 450 ou

  8   700 mètres, eh bien, nous pouvons tenir compte de tous ces éléments-là.

  9   Cela ne change rien par rapport à ce que Gotovina a dit à Brioni. Cela ne

 10   change rien par rapport à l'ordre d'attaque. Cela ne change rien aux ordres

 11   d'attaque donnés à ses subordonnés. Cela ne change rien au fait que, comme

 12   cela a été illustré dans les rapports fournis par la HV, il y avait eu des

 13   tirs contre les villes elles-mêmes. Et c'est pour ces raisons-là que nous

 14   répondons à la question numéro 3 : toute erreur ou faille dans l'analyse

 15   des Juges de la Chambre de première instance portant sur cette règle des

 16   200 mètres ou sur des lieux d'impact particuliers, à savoir si 10 % de ces

 17   tirs étaient connus ou pas, ne peut pas être utilisée comme élément qui

 18   peut être utilisé pour nous fonder en l'espèce.

 19   A moins que vous, Messieurs les Juges, n'ayez d'autres questions, je vais

 20   maintenant passer la parole à mon collègue, M. Cross.

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Juge Pocar.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Alors j'ai peut-être une question à

 23   vous poser, une précision sur votre point de vue pour simplement être sûr

 24   que nous nous comprenions bien. Est-ce que vous utilisez votre argument

 25   jusqu'au point de dire que même si techniquement les cibles des attaques

 26   étaient simplement des cibles militaires, alors dans ce cas l'attaque elle-

 27   même aurait-elle été illégale parce qu'elle faisait partie des moyens

 28   utilisés au moment de la commission des crimes et forcer le transfert de la


Page 83

  1   population ?

  2   Est-ce là votre thèse ?

  3   M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous allez

  4   entendre davantage d'éléments de la bouche de mon collègue, M. [comme

  5   interprété] Baig et M. Cross.

  6   Alors, si l'attaque a été menée avec l'intention de déplacer par la

  7   force la population civile, dans ce cas même si -- et dans le cas où ils

  8   comptaient sur des dégâts collatéraux, pour faire en sorte que cela se

  9   produise, et s'ils ne pilonnaient que des cibles légales, s'ils avaient

 10   cette intention-là, dans ce cas cela constituerait l'élément qui aurait

 11   provoqué les événements et qui aurait chassé la population.

 12   Et à cet égard, la légalité de l'attaque ne pourrait pas avoir

 13   d'incidence sur la constatation générale de la Chambre dans le cadre de

 14   l'entreprise criminelle commune ou du fait de chasser la population. Encore

 15   une fois, nous faisons valoir que les attaques illégales en elles-mêmes

 16   n'avaient pas pour intention de prendre pour cible directement les villes,

 17   mais c'est ce qui en a résulté.

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc vous dites en somme que si

 19   l'attaque, même si elle ne prenait pas pour cible des cibles militaires,

 20   avait pour objectif, non pas de présenter un avantage sur le plan militaire

 21   simplement par le biais de l'attaque en détruisant les cibles militaires,

 22   mais il s'agissait de commettre un crime, le crime de transfert forcé. Et

 23   donc, ce qui rendrait cette attaque illégale. En fait, au plan technique,

 24   est-ce que c'est quelque chose que vous pouvez justifier ?

 25   M. STRINGER : [interprétation] Alors, effectivement, le crime de transfert

 26   forcé et le fait de chasser la population peut être commis soit par des

 27   moyens légaux ou illégaux.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, j'entends bien ce que vous dites.


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  1   Merci.

  2   [La Chambre d'appel se concerte]

  3   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que je peux maintenant passer la

  4   parole à M. Cross ?

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie. 

  6   M. CROSS : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour.

  7   Pour répondre à la deuxième question de l'addendum, je vais maintenant

  8   m'intéresser aux éléments de preuve et constatations relatifs aux lieux

  9   d'impact particuliers. Mon propos sera ventilé en trois volets.

 10   Premièrement, suite aux ordres donnés par MM. Gotovina et Markac, la HV et

 11   la police spéciale ont tiré de façon absolument indiscriminée sur les

 12   villes de Knin, Benkovac, Gracac et Obrovac. Ils ont ciblé et tiré des

 13   objectifs légitimes, tout comme des objets à caractère civil.

 14   Deuxièmement, la conclusion tirée par la Chambre de première instance

 15   suivant laquelle les villes ont été ciblées reste tout à fait raisonnable.

 16   Si tous les lieux d'impact dans les villes peuvent être expliqués par une

 17   marge d'erreur supérieure à 200 mètres, alors vous pouvez, et vous devriez,

 18   tirer une conclusion à partir de cette constatation, conclusion qui

 19   porterait sur l'imprécision des armes. Au vu des autres éléments de preuve

 20   qui figurent dans le jugement, l'utilisation de telles armes continue à

 21   étayer le texte fort simple de l'ordre d'attaque de Gotovina qui demandait

 22   que les villes soient traitées comme cible, au paragraphe 1 125.

 23   Et troisièmement --

 24   Excusez-moi, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Misetic.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi pour cette interruption.

 27   Mais c'est une question, en fait, qui se trouvait dans les mémoires des

 28   parties. Je voudrais juste indiquer pour le compte rendu d'audience que


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  1   c'est une question que nous avons déjà soulevée, et nous avons indiqué

  2   notre objection par rapport à cela.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Cross.

  4   M. CROSS : [interprétation] Si je puis me permettre de répondre très

  5   rapidement à Me Misetic.

  6   Je dirais que l'Accusation a déposé une écriture à la fin de la

  7   semaine dernière pour expliquer sa position et son point de vue. Etant

  8   donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne me propose pas de vous

  9   présenter de façon détaillée ces éléments à moins que vous ne le

 10   souhaitiez.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que nous pourrions laisser le

 12   représentant de l'Accusation poursuivre.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 14   M. CROSS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et ces

 15   éléments se trouvent dans le rapport auquel je viens de faire référence.

 16   Je vous disais donc que, troisièmement, on ne peut pas dire qu'il s'agit

 17   d'un crime qui ne s'est soldé par aucune victime. L'attaque illégale sur

 18   Knin, et sur Knin seule, a fait en sorte que 14 000 Serbes de la Krajina

 19   ont quitté leurs foyers. Des cadavres de civils gisaient dans les rues, et

 20   cela a provoqué de nombreux dégâts aux objets à caractère civil.

 21   Alors je prendrais, dans un premier temps, le premier point. Je vais

 22   utiliser à titre d'exemple Knin. L'Accusation a évoqué et expliqué la

 23   situation des autres villes dans son mémoire.

 24   Lors de l'attaque d'artillerie menée contre Knin, la HV n'a pas fait de

 25   distinction entre les cibles légales - paragraphes 1 899 à 

 26   1 922 du jugement - et la grande quantité d'objets à caractère civil qui

 27   les entouraient. Certes, l'accent est mis dans le jugement sur les lieux

 28   d'impact précis, mais cela ne signifie pas pour autant que la Chambre de


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  1   première instance a conclu que c'étaient les seuls lieux d'impact qui

  2   avaient été touchés. Il y a une répartition quasiment homogène de

  3   l'artillerie dans tout Knin. Cela se retrouve dans l'analyse de la Chambre

  4   et sous-tend cette conclusion.

  5   Et je vais évoquer trois aspects importants. Premièrement, les éléments de

  6   preuve du dossier en première instance sont très clairs et montrent en fait

  7   qu'il n'y a aucun quartier de Knin qui n'a pas été ciblé par les roquettes

  8   et les canons de la HV. La Chambre de première instance a mené à bien une

  9   analyse à ce sujet. Vous avez, par exemple, ces différents quartiers qui

 10   ont été frappés par les tirs d'artillerie de la HV. Le périmètre nord de la

 11   ville, près d'un cimetière, paragraphe 1 905 du jugement; le périmètre sud

 12   de la ville, dans un champ proche de la base des Nations Unies, paragraphe

 13   1 904; à l'est de la ville, tout près du QG de la MOCE, l'hôpital et une

 14   maison connue comme "repère J", paragraphes 1 388 à 1 389, 1 391, 1 903 et

 15   1 905; et dans la ville à proprement parler, au centre de la ville et dans

 16   la partie ouest de la ville, il y avait des cibles militaires, des objets à

 17   caractère civil et des zones résidentielles.

 18   La Chambre a considéré de façon tout à fait raisonnable que ces impacts

 19   n'étaient absolument pas fortuits. Par exemple, le cimetière se trouvait à

 20   au moins 700 mètres d'une cible légale, et l'hôpital à au moins 450 mètres.

 21   Paragraphe 1 905 du jugement.

 22   Il en va de même pour le QG de la MOCE qui se trouvait à au moins 300

 23   mètres d'une cible légale.

 24   Dans cet appel, il faut savoir que rien n'a une incidence ou ne devrait

 25   avoir d'incidence quant aux conclusions tirées par la Chambre de première

 26   instance à propos des lieux d'impact précis. Ils restent importants, quelle

 27   que soit la méthode qui est utilisée pour les évaluer. Au vu de la

 28   globalité des éléments de preuve considérés par la Chambre, ni les éléments


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  1   de preuve apportés par Rajcic ni aucun autre élément de référence ne

  2   permettent de soulever un doute raisonnable à propos du sens de l'ordre

  3   d'attaque de M. Gotovina.

  4   Deuxièmement, si vous prenez en considération ce qui a été évoqué par mon

  5   confrère, à savoir le ratio ou le rapport des impacts sur les cibles

  6   légales comparé à l'impact sur les objets à caractère civil, donc à

  7   l'extérieur de cette zone de 200 mètres, le ratio est tel que l'on ne peut

  8   tirer qu'une seule conclusion, à savoir la HV a tiré de façon

  9   indiscriminée. Aucune Chambre ne pourrait essayer d'identifier tous les

 10   lieux d'impact lors d'une attaque d'artillerie, mais le fait est que

 11   quasiment 50 % des lieux d'impact se trouvent à plus de 200 mètres d'une

 12   cible légale. Cela a son importance. Et cela est tout à fait conforme aux

 13   autres éléments de preuve apportés, d'autant plus si l'on prend en

 14   considération le caractère incomplet des registres d'artillerie.

 15   Paragraphes 1 267, 1 367 et 1 368 du jugement.

 16   Qui plus est, Messieurs les Juges, les conclusions du jugement étayent

 17   cette analyse de 50 %, tel que cela est exposé dans l'annexe à notre

 18   mémoire en réplique.

 19   Gotovina a expliqué que la Chambre avait supposé qu'environ 

 20   95 % des tirs d'artillerie avaient touché des cibles tout à fait légitimes,

 21   mais il n'y a aucune justification qui permet d'étayer ce point de vue dans

 22   le jugement. Et au vu du poids des autres éléments de preuve qui étayent le

 23   caractère indiscriminé de l'attaque, la présomption d'innocence était

 24   qu'elle n'exige pas de la Chambre de se baser sur cette présomption, sur

 25   cette supposition.

 26   Troisièmement, parler des lieux d'impact particuliers ne représente qu'un

 27   aspect de l'affaire. La réalité de la situation à Knin était beaucoup plus

 28   grave que ce qui est impliqué par ces épisodes individuels. Cela était


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  1   beaucoup plus général. Beaucoup plus dangereux également pour la population

  2   civile. Le sergent Dreyer, qui a apposé des annotations aux pièces P78 et

  3   P79 pour montrer où il avait vu les impacts d'artillerie, a dit, et je cite

  4   :

  5   "Ce que j'aurais dû faire, c'est prendre un grand marqueur et faire un

  6   cercle autour de Knin, ne rien préciser et dire : Voilà, la zone d'impact.

  7   Parce que cela était la zone d'impact. C'était Knin, et Knin dans toutes

  8   les directions…"

  9   Compte rendu d'audience page 1 741.

 10   Comme l'a indiqué M. Stringer, les témoins oculaires à Knin ont convenu que

 11   les tirs d'artillerie étaient présents de façon quasiment homogène dans

 12   toute la ville et ne s'étaient pas concentrés sur certaines cibles, et la

 13   Chambre a considéré de façon raisonnable cet élément de preuve. Les témoins

 14   oculaires incluent au moins six soldats de métier d'active ou à la

 15   retraite. Paragraphes 1 278, 

 16   1 287, 1 295 à 1 297, 1 311 et 1 336. Il est évident que leurs éléments de

 17   preuve à propos de l'attaque méritent qu'on leur accord un poids.

 18   Le colonel Leslie a décrit le matin du 4 août, à partir de la page 1 979 du

 19   compte rendu d'audience, et il remarque qu'il n'y a pas de concentration

 20   évidente des tirs, et il déclare, et je cite :

 21   "Pour parler en termes de très simples, les tirs pouvaient être vus

 22   partout."

 23   Il faut savoir en fait que ces tirs d'artillerie ont suscité une réaction

 24   immédiate de la part du général Forand, qui a envoyé de suite une aide de

 25   protestation à M. Gotovina et aux commandants de la HV.

 26   Vous nous avez demandé si la conclusion de la Chambre à propos du lieu

 27   d'impact doit être maintenue à propos de la marge d'erreur de 200 mètres.

 28   Et nous répondons tout simplement : Oui.


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  1   Car cette marge de 200 mètres qui a été prise en compte lors de l'analyse

  2   menée à bien par la Chambre et a été décrite par M. Stringer, il faut

  3   savoir que bien que cette marge d'erreur ait été pertinente pour la

  4   conclusion de la Chambre en matière d'attaque illégale, elle n'est pas

  5   absolument nécessaire. Par conséquent, même si l'on fait complètement

  6   abstraction des 200 mètres de marge d'erreur lors de l'analyse de la

  7   Chambre, vous pouvez quand même retenir la conclusion d'attaque illégale.

  8   Premièrement, seulement en vous appuyant sur l'ensemble exhaustif

  9   d'éléments de preuve décrit par M. Stringer. Deuxièmement, sur la base

 10   suivante : si M. Gotovina peut montrer que tous les lieux d'impact peuvent

 11   être expliqués par la marge d'erreur, il s'ensuit que les armes qui ont été

 12   utilisées n'étaient absolument pas appropriées à une utilisation dans un

 13   contexte urbain. Et troisièmement, sur la base du caractère disproportionné

 14   des tirs d'artillerie de la HV.

 15   Je vais m'en tenir maintenant au deuxième et au troisième éléments.

 16   Car vous avez entendu M. Gotovina affirmer aujourd'hui qu'une marge

 17   d'erreur de 400 mètres aurait pu être une conclusion raisonnable pour la

 18   Chambre de première instance par opposition à 200 mètres. Mais même cette

 19   marge d'erreur ne met pas en brèche les conclusions tirées par la Chambre.

 20   Par exemple, vous avez les impacts près du cimetière, à 700 mètres d'une

 21   cible légale, et à l'hôpital, à 450 mètres, qui ne peuvent pas être

 22   expliqués comme étant des dégâts collatéraux accidentels. En fait, pour

 23   miner les conclusions de la Chambre de première instance suivant lesquelles

 24   les lieux d'impact n'auraient pas pu être accidentels, vous devriez vous

 25   satisfaire d'une marge d'erreur de 700 mètres. Et dans le dossier, M.

 26   Gotovina n'indique absolument aucun élément permettant d'accepter cette

 27   marge comme étant une marge raisonnable.

 28   Il faut également savoir que même si les éléments de preuve devaient


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  1   prouver en fait que l'artillerie de la HV avait bel et bien une marge

  2   d'erreur de 700 mètres, voire supérieure, alors ce facteur devrait être

  3   pris en considération lors de l'évaluation de l'intention qui sous-tend

  4   l'attaque. Les artilleurs extrêmement bien formés, ayant beaucoup

  5   d'expérience de la HV, ainsi que leur commandement devaient, bien entendu,

  6   connaître l'erreur de leurs armes. L'utilisation de ces armes dans ce

  7   contexte indique de façon assez importante l'intention de traiter la ville

  8   entière comme une cible. La Chambre d'appel a d'ailleurs reconnu cette

  9   approche dans l'arrêt Martic, aux paragraphes 260 à 261; l'arrêt dans

 10   l'affaire Strugar, paragraphe 275; et l'arrêt dans l'affaire Galic,

 11   paragraphe 132.

 12   Et la Chambre a également reconnu que cette approche pouvait être utilisée.

 13   Donc, dans la note en bas de page 932 de son jugement, volume numéro 2, la

 14   Chambre dit ce qui suit à propos de ses constatations en matière de lieux

 15   d'impact particuliers, et je cite :

 16   "Si ces impacts qui se trouvaient à une distance allant jusqu'à 700 mètres

 17   des cibles d'artillerie avaient été le résultat de l'imprécision des armes

 18   utilisées… il faudrait alors dans ce cas envisager si de telles armes

 19   imprécises pouvaient être utilisées dans le contexte d'une attaque

 20   d'artillerie sur des cibles précises à l'intérieur d'une ville."

 21   Ainsi, l'approche ou le point de vue de la Chambre vis-à-vis de la

 22   proportionnalité devrait également étayer ces conclusions générales même si

 23   la marge de 200 mètres peut être considérée comme non raisonnable.

 24   La Chambre a, expressis verbis, considéré les trois attaques contre Martic

 25   comme un exemple particulièrement révélateur, attaques contre Martic

 26   qu'elle a considérées comme étant "tout à fait disproportionnées". Cela

 27   fait l'objet de la note 935 du volume 2 du jugement. La Chambre a également

 28   présenté toutes les conclusions nécessaires pour montrer que les autres


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  1   attaques à l'intérieur de Knin étaient également disproportionnées. Etant

  2   donné que toutes les cibles étaient entourées de civils et d'objets à

  3   caractère civil, la Chambre en a conclu à, et je cite, "un risque important

  4   d'avoir un nombre élevé de victimes civiles," paragraphe 1 910 du jugement.

  5   Pour ce qui est de l'avantage militaire limité, il faut savoir que toutes

  6   les cibles étaient des bâtiments. Le nombre de soldats présents dans la

  7   ville de Knin s'élevait à 150. Paragraphes 1 225 et 1 397 du jugement.

  8   Ainsi qu'au paragraphe 1 908, paragraphe relatif aux cibles

  9   opportunistes, ce nombre avait déjà diminué lors du deuxième jour de

 10   l'attaque.

 11   Donc, pour ces cibles, on n'avait pas besoin de 900 salves de tirs

 12   d'artillerie tirées pendant 26 heures. Donc ces attaques étaient tout à

 13   fait disproportionnées puisque, je répète, il y a eu ces tirs pendant 26

 14   heures sur 31 heures, tirs qui ont été faits avec des canons et des

 15   roquettes. Et pour ce qui est des facteurs pertinents de cette analyse, je

 16   vous renvoie au paragraphe 1 184 du jugement ainsi qu'au rapport d'expert

 17   du colonel Konings, qui fait l'objet de la pièce P1260.

 18   Messieurs les Juges, puisque je n'ai plus beaucoup de temps à ma

 19   disposition, je vais maintenant vous parler des victimes, et ensuite je

 20   donnerai la parole à mon estimée consoeur, Mme Baig.

 21   Comme je vous l'ai déjà dit, dans la ville de Knin se trouvaient environ 15

 22   000 civils le matin du 4 août. Cela figure aux paragraphes suivants du

 23   jugement : paragraphes 1 233, 1 577 et 1 747. Mais au moment où les troupes

 24   de la HV sont arrivées à Knin le 5 août, un jour et demi après, et à ce

 25   moment-là le bombardement avait déjà commencé, environ 14 000 de ces 15 000

 26   personnes avaient fui leurs foyers, en proie à la terreur à la suite de

 27   l'attaque. Je vous renvoie aux paragraphes 1 743 et 1 747 du jugement. Et

 28   toutes ces personnes sont des victimes puisqu'elles ont été touchées par le


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  1   bombardement.

  2   Pour ce qui est des morts de civils ou des blessures ou des dégâts aux

  3   objets à caractère civil, M. Gotovina a été accusé de persécutions par le

  4   biais d'attaque illégale. Mais le fait que la Chambre n'ait pas tiré de

  5   conclusions à ce sujet, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle n'a

  6   pas entendu des éléments de preuve. Nous avons au moins sept témoins

  7   oculaires qui sont venus témoigner et dire qu'ils avaient vu à Knin les

  8   corps des civils qui avaient été apparemment tués par des tirs

  9   d'artillerie. Leurs corps gisaient dans les rues, ils ont été emmenés à

 10   l'hôpital. Paragraphes 1 287, 1 291, 1 292, 1 302, 1307, 1 333, 1 336 et 1

 11   390 du jugement.

 12   Neuf témoins oculaires ont également témoigné à propos des nombreux dégâts

 13   pour les objets à caractère civil dans la ville en indiquant que ces

 14   bâtiments se trouvaient dans toute la ville.

 15   Il y a de nombreux témoins qui ont fait remarquer que les dégâts pour les

 16   bâtiments étaient moins importants que ce qu'ils s'attendaient à voir au vu

 17   de la violence du bombardement, mais cela est tout à fait conforme à la

 18   déposition et aux éléments de preuve du Témoin expert M. Konings, pièces

 19   P1259 et P1260.

 20   Le lieutenant Liborius, qui était également témoin oculaire, a fait

 21   remarquer que l'utilisation de roquettes contre Knin aurait eu des effets

 22   et des conséquences extrêmement limités contre des cibles telles que des

 23   bâtiments. Il a dit, et je cite :

 24   "L'utilisation de systèmes de lancement de roquettes multiples de petit

 25   calibre a, d'après moi, terrifié la population étant donné que cette arme

 26   n'a pas véritablement d'effet véritable contre les cibles dures."

 27   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'orateur de bien vouloir

 28   ralentir son rythme.


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  1   M. CROSS : [interprétation] Les roquettes, donc, ont représenté quasiment

  2   45 % des tirs lors de cette attaque illégale. Les paragraphes 1 263 et 1

  3   265 du jugement.

  4   Et pour ce qui est de mes dernières observations, qui vont porter sur les

  5   évaluations des dégâts exécutées par la suite et menées par des

  6   représentants de la communauté internationale à Knin, qui correspondent

  7   largement aux éléments de preuve présentés par les témoins oculaires. Il y

  8   a certaines études préliminaires, les rapports des Nations Unies auxquels

  9   fait référence M. Gotovina, qui sous-estiment de façon importante la portée

 10   des dégâts, et cela est tout à fait pris en considération dans le jugement.

 11   J'en ai terminé pour ce qui est de mon intervention.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Oui, je vous en prie.

 14   Mme BAIG : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Je vais répondre à la question numéro 4, et ce faisant, je

 16   m'intéresserai très brièvement aux points qui sont soulevés par l'appelant

 17   aux moyens 2, 3 et 4, qui portent sur l'expulsion et l'entreprise

 18   criminelle commune.

 19   A moins que vous ayez des questions spécifiques sur ces questions,

 20   l'Accusation se repose sur les arguments qui figurent dans son mémoire.

 21   Dans la question numéro 4, la Chambre d'arrêt a demandé si la conclusion de

 22   la Chambre de première instance de l'existence de l'entreprise criminelle

 23   commune doit être retenue si sa conclusion que l'attaque est illégale est

 24   considérée comme erronée.

 25   Très brièvement, pour répondre à cette question, l'Accusation dit : Oui.

 26   Nous répondons par l'affirmative parce que les membres de l'entreprise

 27   criminelle commune avaient l'intention que ces attaques d'artillerie

 28   provoquent l'expulsion de la population civile serbe de Krajina.


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  1   Alors, avant d'expliquer cette position de manière plus détaillée, je

  2   voudrais d'abord préciser que l'Accusation n'affirme pas qu'il convient de

  3   criminaliser les actes de guerre légitimes. Nous ne cherchons pas non plus

  4   à demander que l'équilibre, comme cela a été demandé ce matin, entre la

  5   nécessité militaire et la protection de la population civile soit redéfini.

  6   Donc, dans une situation hypothétique où un commandant militaire, afin

  7   d'atteindre un objectif militaire, lance une attaque d'artillerie contre

  8   des cibles militaires et cause de manière collatérale que la population

  9   civile prenne la fuite, il n'y aurait pas de fondement pour une déclaration

 10   de culpabilité pour expulsion en tant que crime contre l'humanité. Un tel

 11   commandant n'aurait pas eu nécessairement l'intention de commettre

 12   l'expulsion, et son action ne constituerait pas non plus une partie

 13   intégrante d'une attaque systématique et généralisée menée contre la

 14   population civile.

 15   Cependant, je dois souligner, bien que la Défense cherche maintenant à

 16   tirer l'argument vers ce cas de figure hypothétique, que Gotovina n'était

 17   pas dans une position hypothétique. Ce n'était pas un commandant innocent.

 18   Gotovina et ses confrères, membres de l'entreprise criminelle commune, ont

 19   partagé l'intention directe d'expulser en se servant d'attaque

 20   d'artillerie, et c'était un moyen pour arriver à leur objectif, paragraphe

 21   2 314 du jugement de première instance. En résultat, 20 000 civils serbes

 22   ont pris la fuite de Krajina dans un exode qui a été massif et soudain. Les

 23   forces croates n'ont pas simplement cherché à l'emporter militairement sur

 24   les Serbes pour s'emparer du contrôle de la région. Leur objectif était

 25   aussi de vider ce territoire de population civile. Donc, porter atteinte à

 26   la population civile constitue un objectif de l'opération militaire.

 27   La déclaration de culpabilité de Gotovina, y compris la conclusion que

 28   l'entreprise criminelle commune a existé, doit être retenue même si les


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  1   conclusions sur l'attaque d'artillerie sont infirmées. De manière générale,

  2   l'opération était encore une opération illégale puisqu'il s'agissait

  3   d'arriver à expulser la population civile par le biais de cette opération,

  4   ce qui est contraire aux principes de base de droit international

  5   humanitaire. Et très brièvement, je vais parler des principes de

  6   distinction et de traitement humain, ainsi que des dispositions sur

  7   l'expulsion prévues dans le droit international humanitaire.

  8   Donc, au niveau fondamental, le principe de distinction exige que les

  9   parties dirigent leurs actions militaires sur des cibles militaires et non

 10   pas civiles. Des exemples peuvent être trouvés dans les articles 48, 51(2),

 11   52(2), protocole additionnel I, 13(2) d'AP2 et dans bien d'autres articles.

 12   En tant que préambule de la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868 [comme

 13   interprété], nous trouvons la déclaration que :

 14   "Le seul objectif légitime que les Etats devraient chercher à poursuivre

 15   pendant une guerre est d'affaiblir les forces militaires de l'ennemi."

 16   Ce principe trouve sa place dans l'article 48 du protocole additionnel

 17   numéro I, donc la règle de base concerne la protection de la population

 18   civile. Les parties au conflit doivent "diriger les opérations uniquement

 19   contre des cibles militaires." A l'opposé, l'opération Tempête était

 20   dirigée contre un objectif civil afin d'arriver à déplacer la population

 21   civile.

 22   Le droit international humanitaire, bien entendu, comporte le principe

 23   d'humanité, à savoir que les parties, dans toute la mesure du possible,

 24   doivent limiter tout dégât apporté à la population civile. L'article commun

 25   numéro 3, par exemple, dans la convention de Genève interdit l'expulsion et

 26   transfert en tant qu'atteinte à la vie et à la personne et en tant

 27   qu'outrage à la dignité personnelle. Et là encore, opération Tempête a

 28   violé ce principe de traitement humain parce que c'est de manière


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  1   intentionnelle que la population a été exposée à ces violences.

  2   Et qui plus est, le déplacement forcé de la population civile est régulé de

  3   manière très stricte dans le droit international humanitaire, article 49 de

  4   la convention de Genève numéro 4 et l'article 17 du protocole additionnel

  5   II, donc aucun de ces principes n'a été satisfaits en l'espèce. De manière

  6   générale, la population ne peut être déplacée que pour être mise à l'abri,

  7   et que de manière temporaire. Les dispositions doivent être prises pour

  8   qu'elle soit en sécurité, pour qu'on prenne en charge les civils. Donc tout

  9   moyen violent ou arbitraire en soi rend ce transfert illégal au titre du

 10   droit international humanitaire.

 11   Donc, lorsque l'opération Tempête a eu lieu, au titre du droit

 12   international humanitaire, le bombardement a été illégal non seulement

 13   parce que des villes entières ont été prises pour cible, mais aussi parce

 14   que l'objectif était de provoquer l'expulsion de la population civile

 15   serbe, ce qui viole les principes de distinction et d'humanité. Donc, non

 16   seulement le moyen en soi est illégal, mais le résultat que l'on cherche à

 17   atteindre l'est aussi. Donc ce qui est encore plus important en l'espèce,

 18   c'est qu'on ne peut pas remettre en question le fait que cela revenait à

 19   expulser la population et que c'était un crime contre l'humanité.

 20   Dans beaucoup d'affaires, si l'on voit que des objectifs militaires

 21   étaient légitimes, on peut effectivement avoir quelque difficulté à déduire

 22   qu'il y a eu intention délictueuse. Mais ici, nous avons l'objectif illégal

 23   de l'opération militaire qui est tout à fait clair. Nous avons les membres

 24   de l'entreprise criminelle commune qui prévoient, qui planifient leur

 25   opération. Ils commettent le crime en expulsant, en attaquant les villes et

 26   en causant l'exode de 20 000 Serbes de Krajina. Et tout de suite après, le

 27   président Tudjman, qui est le commandant suprême, eh bien, il se vante

 28   publiquement de l'efficacité de l'expulsion criminelle. Gotovina et


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  1   d'autres également encouragent une vague de crimes contre les Serbes qui

  2   restent, contre leurs biens, et causent de nouvelles expulsions. Et enfin,

  3   afin de faire en sorte que les ne puissent pas revenir en Krajina, les

  4   membres de l'entreprise criminelle commune mettent en place des lois

  5   discriminatoires, des politiques discriminatoires, qui vont empêcher le

  6   retour de ces Serbes en Croatie et qui vont causer le transfert de la

  7   propriété sur leurs biens aux Croates conformément à cette politique de

  8   recolonisation mise sur pied par la direction croate.

  9   Donc, si on prend en compte ces constatations factuelles, il est clair que

 10   les membres de l'entreprise commune, y compris Gotovina, ont partagé cette

 11   intention d'expulser la population civile et qu'ils ont mené à bien cet

 12   objectif criminel. Et ce n'était pas simplement une attaque militaire qui a

 13   eu des conséquences non souhaitées, comme Gotovina souhaiterait vous faire

 14   croire. C'était un crime qui a été commis intentionnellement, de concert

 15   avec l'opération militaire.

 16   Alors je voudrais maintenant parler un petit peu de Brioni.

 17   La Chambre de première instance a constaté que dans ce contexte de lutte

 18   prolongée ethnique entre les Serbes et les Croates dans la région de la

 19   Krajina, les membres de l'entreprise criminelle commune ont planifié une

 20   attaque à Brioni qui avait pour objectif d'expulser la population serbe et

 21   de la maintenir à l'extérieur. On trouve amples preuves à l'appui dans la

 22   transcription de la réunion. Comme l'a dit déjà M. Stringer, Gotovina lui-

 23   même dit que si la HV continue à exercer ces pressions, eh bien, "pendant

 24   le temps à venir, il ne va plus y avoir beaucoup de civils qui vont rester;

 25   il ne va y avoir que ceux qui ne peuvent pas partir."

 26   Je vous renvoie à la pièce 461, page 15, compte rendu d'audience page 2

 27   304.

 28   Les commentaires de Gotovina confirment qu'il savait que cette attaque


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  1   d'artillerie provoquerait ce départ massif de la population civile. Donc,

  2   lorsqu'il essaie de dire que c'était simplement une prévision innocente,

  3   cet argument n'est pas défendable, tout comme lorsqu'il dit qu'il ne parle

  4   pas spécifiquement de Serbes. Nous affirmons que son commentaire doit être

  5   rejeté à la lumière du contexte.

  6   Qui plus est, la Chambre a eu raison de rejeter l'argument de la Défense

  7   lorsqu'il dit que cet échange concerne le fait de mettre les civils à

  8   l'abri du danger, parce que la Chambre estime, effectivement, à juste titre

  9   que cette interprétation n'est pas raisonnable. Elle constate qu'il n'y a

 10   absolument aucune référence à la manière de conduire cette opération

 11   militaire, manière qui permettrait de minimiser toute atteinte à la vie des

 12   civils. Donc, en revanche, la concentration de la discussion est sur la

 13   création d'un prétexte pour se servir d'artillerie. Et Gotovina a confirmé

 14   que Knin devait été détruite dans sa totalité en quelques heures.

 15   Alors, des déclarations d'autres participants. Par exemple, nous avons

 16   Tudjman qui propose de se servir de la propagande pour encourager les

 17   départs des civils. Puis, des tracts qui sont diffusés et qui prétendraient

 18   encourager les Serbes à rester. La Chambre s'est penchée de manière très

 19   détaillée aux arguments qui ont été présentés par les parties sur la

 20   citation consistant à dire que, "en apparence", on garantirait leurs droits

 21   civils. Page 29. La Chambre a examiné la traduction de cet échange et a

 22   constaté qu'elle constitue une "expression de l'intention véritable

 23   d'expulser les Serbes, et en même temps on donne l'impression qu'ils

 24   pourraient rester."

 25   Je vous renvoie au paragraphe 1 994.

 26   La Chambre a constaté qu'à quelques jours de cette conversation, le

 27   commentaire de Gotovina qu'il ne resterait plus que quelques Serbes est

 28   devenu une réalité. Il a planifié, il a ordonné et il a mené à bien une


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  1   attaque d'artillerie pour nettoyer cette zone de la population serbe. Donc

  2   il y a eu dans le cadre de l'opération Tempête le bombardement "des

  3   populations de Knin, Benkovac, Obrovac, Gracac, que 20 000 personnes ont

  4   été déplacées de force de leurs foyers et ont pris la fuite en traversant

  5   la frontière vers la Bosnie-Herzégovine et la Serbie."

  6   Paragraphe 2 305.

  7   Donc c'est exactement le résultat qui a été planifié pendant la

  8   réunion.

  9   Ce sont les contributions de Gotovina à l'objectif criminel commun,

 10   et je souligne que la contribution à l'entreprise criminelle commune ne

 11   doit pas être criminelle en soi. Et je vous renvoie au paragraphe 215 de

 12   l'arrêt dans l'affaire Krajisnik.

 13   Je voudrais également revenir à la question de la prise pour cible

 14   légale ou illégale. Cela n'a pas d'impact sur la relation de causalité, sur

 15   ce qui a conçu la cause de l'exode en masse. L'expulsion en tant que crime

 16   contre l'humanité n'exige pas que les moyens sous-jacents aient été

 17   illégaux. Par exemple, nous avons toute une série de témoins qui sont tous

 18   venus confirmer que les civils sont partis à cause du pilonnage. Et ici,

 19   les éléments de preuve démontrent que le bombardement a été la cause de

 20   l'exode en masse. Donc, de manière explicite, les gens ont dit qu'ils sont

 21   partis à cause du bombardement.

 22   Et ce n'est pas à cause de l'ordre d'évacuation qu'ils sont partis.

 23   Pas du tout. Ma collègue, Ingrid Elliott, parlera de cela de manière plus

 24   détaillée au sujet de l'appel Markac. Mais l'ordre d'évacuation se situe

 25   bien trop tard dans l'après-midi, au moment où les civils sont déjà en

 26   train de prendre la fuite, même si on peut remettre en doute la question de

 27   sa distribution. Et nous avons pas mal de preuves montrant qu'il est arrivé

 28   très tard, et donc Mme Elliott parlera des questions de sa distribution.


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  1   Donc, indépendamment de la caractérisation juridique de ce bombardement, il

  2   constitue toujours l'élément matériel de l'expulsion.

  3   Et après, qu'en est-il de ces quelques Serbes qui restent, qui sont

  4   mentionnés par Gotovina à Brioni, et donc qui ne peuvent pas partir ? Eh

  5   bien, ils font l'objet de toutes sortes de mesures de persécutions, de

  6   meurtres, d'actes inhumains, traitement cruel, et cetera, qui causent de

  7   nouvelles expulsions. La Chambre a constaté qu'en plus d'avoir ordonné et

  8   commandé l'opération Tempête, Gotovina a contribué à l'entreprise

  9   criminelle commune parce qu'il n'a pas déployé d'efforts --

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que vous avancez un peu trop

 11   rapidement pour nos interprètes.

 12   Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, je ne me rendais pas compte

 13   de cela.

 14   Donc la Chambre a constaté que Gotovina a contribué à l'entreprise

 15   criminelle commune parce qu'il a manqué à déployer des efforts qui auraient

 16   empêché que des crimes ne soient commis par la suite, commis par ses

 17   subordonnés, contre la population civile serbe et contre les biens serbes

 18   après l'opération Tempête.

 19   Cela confirme les intentions de Gotovina. Il n'a pas pris des mesures qui

 20   étaient à sa disposition pour empêcher ou sanctionner. Gotovina, en

 21   revanche, a pardonné les crimes commis par ses subordonnés en affirmant

 22   qu'on pouvait comprendre qu'il y ait la vengeance. Ces actes ne

 23   correspondent pas à l'affirmation de Gotovina disant qu'il s'est comporté

 24   de manière innocente ou que ses intentions étaient innocentes.

 25   Enfin, je dois souligner que même si la Chambre a constaté qu'on ne pouvait

 26   pas défendre la déclaration de culpabilité sur la base de l'entreprise

 27   criminelle commune, il faudrait que la Chambre conclue sur d'autres modes

 28   de responsabilité, comme dans l'affaire Milosevic. Par exemple, comme je


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  1   viens de le dire, pour des raisons que je viens d'énoncer, il est clair que

  2   Gotovina devrait être déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé aux crimes

  3   de l'entreprise criminelle commune. Donc la Chambre devrait se pencher sur

  4   la responsabilité criminelle pénale de Gotovina en tant que quelqu'un qui a

  5   aidé, encouragé et incité à commettre --

  6   Donc, pour résumer, même si la Chambre d'appel devait constater que la

  7   Chambre de première instance a commis une erreur en appliquant la marge

  8   d'erreur, que cela a un impact sur les conclusions de la Chambre sur les

  9   lieux d'impact et que cela entraîne l'annulation de la conclusion de la

 10   Chambre sur l'illégalité des attaques d'artillerie en tant que telles, la

 11   conclusion de la Chambre que Gotovina est coupable d'avoir pris part à

 12   l'entreprise criminelle commune consistant à vouloir déplacer de manière

 13   permanente les civils serbes de Krajina devrait être retenue. Gotovina et

 14   les autres membres de l'entreprise criminelle commune ont partagé

 15   l'objectif criminel commun d'expulser la population civile serbe et ont

 16   réalisé cet objectif par le biais de l'attaque qui avait pour objectif de

 17   porter atteinte à la population civile.

 18   Et qui plus est, lorsqu'on se penche sur l'ordre illégal de Gotovina de

 19   prendre pour cible des villes entières, ses subordonnés reprennent son

 20   ordre, et il descend la hiérarchie militaire. Donc nous avons les rapports

 21   de la HV qui montrent qu'on a effectivement pilonné les villes. Nous avons

 22   les déclarations des témoins qui nous disent qu'il y a eu des

 23   bombardements. Donc ce sont des éléments supplémentaires qui étayent la

 24   déclaration de culpabilité prononcée par la Chambre de première instance.

 25   Et très rapidement, je voudrais résumer juste un dernier paragraphe.

 26   Gotovina a partagé l'objectif de l'entreprise criminelle commune de

 27   déplacer de manière permanente la population civile serbe de Krajina. Et

 28   pour parvenir à la réalisation de cet objectif, il a donné l'ordre aux


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  1   forces qui étaient placées sous son commandement de prendre des villes

  2   entières en tant qu'objectifs militaires et il a mené une attaque illégale

  3   contre des civils et les biens appartenant aux civils. Il a par la suite

  4   manqué de prévenir et sanctionner ses subordonnés pour avoir commis des

  5   crimes contre les Serbes qui restaient et contre leurs biens. Le résultat

  6   en a été que 20 000 Serbes de Krajina ont été déplacés de force. De

  7   nombreux Serbes ont été tués, blessés, et leurs biens ont été endommagés

  8   après l'opération Tempête.

  9   Gotovina a été déclaré coupable à juste titre par la Chambre de première

 10   instance. Il n'a pas démontré d'erreur juridique qui exigeait qu'on

 11   invalide le verdict qui lui a été prononcé ni d'erreur factuelle qui

 12   démontrerait qu'il y a eu déni de justice --

 13   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 14   M. JONES : [interprétation] Monsieur le Président --

 15   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 16   M. JONES : [interprétation] Excusez-moi, mais j'avais une objection. J'ai

 17   attendu que Mme Baig ait terminé son exposé. J'ai une remarque à faire au

 18   sujet de l'ordonnance portant calendrier qui évoque le traitement de la

 19   question de l'ordre d'évacuation en après-midi. Nous ne prévoyons pas de

 20   parler de ces ordres d'évacuation. Donc il ne serait pas acceptable de

 21   réserver le droit à des observations complémentaires dans le cadre de

 22   l'appel Gotovina à un moment particulier dans l'après-midi. J'aurais une

 23   objection à élever si l'Accusation essaie de se réserver une partie de

 24   l'après-midi pour nous répondre ou, plus précisément, pour répondre à M.

 25   Gotovina sur ce point. Ce ne serait pas juste.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je prends note de votre observation.

 27   N'oubliez pas que j'ai moi-même posé quelques questions au sujet des ordres

 28   d'évacuation auxquelles l'Accusation était censée répondre. Mais votre


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  1   observation est prise en compte.

  2   M. JONES : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Mme BAIG : [interprétation] L'ordre d'évacuation sera évoqué oralement.

  4   Nous avons la possibilité d'en parler oralement.

  5   M. JONES : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que nous allons suspendre pour

  7   le moment. La Chambre a entendu les arguments et les évaluera en toute

  8   équité, je peux le garantir.

  9   Nous reprendrons nos débats à 12 heures 45.

 10   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 11   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] La réponse du conseil de M. Gotovina à

 13   présent. Trente minutes, Maître.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   Pour répondre, je commencerai mes remarques, Monsieur le Président, en

 16   faisant remarquer un point qui doit être également remarqué par les membres

 17   de la Chambre d'appel, à savoir la modification spectaculaire de la thèse

 18   de l'Accusation entre le moment où a été rédigé son mémoire préalable au

 19   procès et le jour d'aujourd'hui.

 20   Je dois dire qu'en tant que conseils de la Défense, nous sommes absolument

 21   ébahis en voyant à quel point l'Accusation, dans ses efforts pour déployer

 22   sa théorie de l'attaque d'artillerie, semble agir comme un chasseur de

 23   papillons poursuivant sa proie. Tout ceci a commencé au moment du mémoire

 24   préalable au procès, où nous avions des arguments relatifs pratiquement

 25   uniquement au caractère illégal de l'attaque d'artillerie contre des

 26   villes, où il n'existait aucun objectif militaire; et aujourd'hui, suite à

 27   toutes ces années de changement de théorie, l'Accusation ne parle plus que

 28   d'attaques sans discrimination, et aujourd'hui nous discutons finalement du


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  1   fait de savoir si les tirs contre des objectifs militaires légitimes

  2   étaient une partie intégrante des actes d'expulsion qui ont provoqué la

  3   fuite des civils.

  4   Ceci devrait révéler quelque chose à la Chambre d'appel, et je sais

  5   que c'est la première fois que l'Accusation a évoqué cet argument devant

  6   une Chambre.

  7   Ceci devrait nous en dire plus au sujet des éléments de preuve en l'espèce

  8   et de la force de la thèse de l'Accusation.

  9   Le deuxième point, les Juges de la Chambre d'appel ne devraient pas omettre

 10   de remarquer que les arguments présentés aujourd'hui ne sont qu'une

 11   répétition pro forma pratiquement de ce que l'Accusation a dit pendant tout

 12   le temps s'agissant du raisonnement des Juges de la Chambre de première

 13   instance et de la nécessité d'adopter une nouvelle forme de raisonnement.

 14   Par exemple, la Chambre de première instance se serait écartée de ce

 15   qu'elle aurait dû faire, c'est ce qu'affirme l'Accusation, et aujourd'hui,

 16   nous entendons de nouveaux arguments de l'Accusation. Et si l'élément moral

 17   et l'élément matériel ne sont pas prouvés, il n'y aurait pas crime

 18   d'expulsion.

 19   Nous-mêmes, nous avons déduit l'intention criminelle d'après la

 20   lecture des rapports d'artillerie de l'armée croate, et nous avons vu ce

 21   que Marko Rajcic a fait et comment il a tout fait pour éviter qu'une

 22   attaque illégale soit commise.

 23   L'Accusation n'a traité aucun des divers arguments que nous avons

 24   évoqués ce matin.

 25   Deuxième point, l'Accusation avance désormais l'argument de l'attaque

 26   disproportionnée pour coïncider avec les conclusions de la Chambre de

 27   première instance, en dépit du fait que la Chambre de première instance,

 28   dans la note 932 en bas de page ainsi que note de bas de page 935, ait dit


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  1   très clairement qu'elle ne considérerait pas cet argument pour l'ensemble

  2   de l'attaque mais uniquement pour l'attaque contre Martic.

  3   Donc l'utilisation déplacée d'arguments s'agissant de parler d'attaques

  4   illégales contre les villes, en dépit des conclusions expresses de la

  5   Chambre de première instance qui indiquent le contraire, paragraphe 1 897

  6   du jugement.

  7   Quatrièmement, et c'est sans doute le plus important, même si tous ces

  8   points sont importants, cet argument au sujet du fait de tirer sur des

  9   objectifs militaires avec un but qui n'est pas légal correspond aux

 10   conclusions de la Chambre de première instance. J'appelle l'attention de la

 11   Chambre d'appel sur le paragraphe 1 899, ainsi que sur le paragraphe 1 900,

 12   sur le paragraphe 1 901 et le paragraphe 1 902 du jugement, qui ne

 13   concernent que Knin.

 14   La dernière phrase de tous ces paragraphes est la suivante, je cite :

 15   "Au vu des présentes conclusions, la Chambre de première instance estime

 16   que les éléments de preuve montrent qu'une interprétation raisonnable

 17   consiste à penser que l'armée croate aurait pu déterminer en toute bonne

 18   foi que tirer," dans cette affaire, "sur la gare ferroviaire et sur le

 19   bureau de poste lui aurait donné un avantage militaire important."

 20   La Chambre de première instance déclare une fois de plus que

 21   l'identification des cibles à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac était une

 22   base suffisante en fonction des éléments de preuve pour conclure que ces

 23   éléments ont été acceptés de bonne foi.

 24   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]

 26   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 28   M. MISETIC : [interprétation] Non, non. Pas de nécessité de changer,


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  1   Monsieur le Juge.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce qu'on entend l'interprétation

  3   maintenant ?

  4   Est-ce que vous posez votre question en français ? 

  5   M. LE JUGE GUNEY : Comment était-il déraisonnable pour une Chambre de

  6   première instance d'insérer le caractère civil des zones dépourvues

  7   d'objectifs militaires, car l'utilité civile peut en soi découler d'une

  8   inférence sans preuve directe à l'appui ?

  9   Faut-il répéter la question ?

 10   M. MISETIC : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE GUNEY : Pour une Chambre de première instance, d'insérer le

 12   caractère civil des zones dépourvues d'objectifs militaires, l'utilité

 13   civile peut en soi découler d'une inférence sans preuve directe à l'appui ?

 14   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, c'était tout à fait

 15   déraisonnable pour plusieurs raisons.

 16   D'abord, comme nous le savons et l'avons entendu ce matin, l'arrêt Blaskic

 17   stipule que l'Accusation porte la charge de prouver qu'"un objet avait

 18   effectivement une utilité civile."

 19   Et la Chambre d'appel a rejeté ceci comme étant hypothétique à moins que la

 20   nature de la cible ait bel et bien été établie. Dans une affaire au pénal,

 21   l'Accusation est responsable d'apporter la preuve de ce qu'elle avance et

 22   de ce fait en particulier.

 23   Et autre raison, c'est qu'au paragraphe 1267 du jugement, nous lisons

 24   que l'armée croate a conclu qu'elle avait tiré sur un nombre plus important

 25   de cibles à Knin, que ceci n'a été présenté dans les éléments de preuve

 26   soumis à la Chambre.

 27   La Chambre de première instance est donc partie du principe soit

 28   qu'il ne pouvait pas y avoir d'autres objectifs militaires dans ces


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  1   "secteurs civils", soit que les cibles en question, si elle se situaient

  2   dans un rayon de 200 mètres, étaient des cibles illégales pour des tirs

  3   d'artillerie.

  4   Donc je tire simplement des déductions du fait que les secteurs

  5   civils ne sont définis que par le fait de savoir s'ils se situent à

  6   l'intérieur ou à l'extérieur du rayon de 200 mètres d'un objectif

  7   militaire, et ceci ne nous dit rien quant à la nature exacte du secteur en

  8   question. Nous nous sommes servis de l'exemple de la gare ferroviaire et du

  9   lieu de stockage de carburant à Knin. La Chambre de première instance a

 10   estimé que la gare ferroviaire a été un objectif militaire légitime, mais a

 11   estimé que la réserve de carburant utilisée pour cette gare était un lieu

 12   de caractère civil parce que la gare était à 200 mètres de ce lieu de

 13   stockage du carburant. On le voit dans les éléments de preuve présentés à

 14   la Chambre. Le fait de savoir si la réserve de carburant de la gare

 15   ferroviaire a été utilisée à des fins militaires ou pour appuyer un

 16   objectif militaire est une question à laquelle la Chambre de première

 17   instance n'a pas répondu parce que l'Accusation n'a présenté aucun élément

 18   de preuve quant au caractère civil d'un secteur particulier en raison de

 19   cette proposition à partir du début du procès. On a toujours parlé de la

 20   ville entière comme zone civile n'abritant aucun objectif militaire.

 21   M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président et

 23   Messieurs les Juges.

 24   S'agissant des conclusions de la Chambre de première instance selon

 25   lesquelles ces cibles ont été identifiées comme pouvant permettre d'obtenir

 26   un avantage militaire, ces objectifs ont été définis ainsi de mauvaise foi,

 27   et la population civile par définition ne peut pas être de mauvaise foi,

 28   elle ne peut pas être définie comme telle. Elle ne peut pas être définie


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  1   comme un objectif militaire. Donc l'Accusation est priée de revenir sur

  2   cette série de conclusions dans les 30 minutes qui viennent. L'armée

  3   croate, qui a déployé de nombreux efforts pour libérer son propre

  4   territoire et reprendre le contrôle de la capitale, l'a fait en se battant

  5   contre l'entité serbe dans son ensemble.

  6   Ensuite, j'aimerais revenir sur des commentaires qui ont été formulés

  7   par M. Galbraith et revenir également sur le procès-verbal de la réunion de

  8   Brioni. L'Accusation évoque la position adoptée par M. Galbraith et la

  9   position du président Tudjman, mais laisse de côté le plus important des

 10   conclusions formulées par l'ambassadeur Galbraith au sujet de l'opération

 11   Tempête.

 12   [La Chambre d'appel se concerte]

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous demande un instant, s'il vous

 14   plaît.

 15   [La Chambre d'appel se concerte]

 16   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Toutes nos excuses, mais les Juges de

 17   la Chambre avaient nécessité de se consulter. Vous pouvez maintenant

 18   poursuivre et parler de la procédure appliquée par rapport au point que

 19   vous avez évoqué il y a un instant, à savoir le caractère présumé nouveau

 20   des arguments avancés par l'Accusation et la façon dont on peut réagir à

 21   cela.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Le sujet suivant que je voudrais traiter c'est la tentative faite par

 24   l'Accusation d'injecter les positions de l'ambassadeur Galbraith dans sa

 25   théorie ainsi que les positions du président Tudjman par rapport à

 26   l'opération Tempête, et j'invite la Chambre d'appel à relire la

 27   transcription de la déposition de M. Galbraith aux pages 5 055 à 5 056

 28   lorsque le Président de la Chambre de première instance lui pose des


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  1   questions. On lui demande :

  2   "Monsieur Galbraith, est-ce que vous considérez que l'objectif principal

  3   assigné à l'opération Tempête était l'expulsion des Serbes ?"

  4   Il répond :

  5   "Non, non, pas du tout."

  6   Le Juge Orie lui demande ensuite :

  7   "Est-ce que vous considérez que le retour en Croatie était impossible ?"

  8   Réponse :

  9   "Je ne considère pas que l'expulsion des Serbes était un effet secondaire,

 10   mais je considère que le départ des Serbes aurait été un effet secondaire."

 11   Et c'est cette distinction qui a toujours été prise en compte par les Juges

 12   en première instance ainsi que dans notre mémoire de ce côté de la salle et

 13   qu'a laissée de côté parce que cela lui convenait l'Accusation.

 14   Les participants de la réunion de Brioni ont disposé de 60 jours avant le

 15   départ de tous les civils serbes. Le Secrétaire général des Nations Unies a

 16   estimé que ces départs étaient dus à des raisons qui n'avaient aucun

 17   rapport avec un quelconque comportement illégal de la part de l'armée

 18   croate.

 19   Les participants de la réunion de Brioni, si la possibilité avait existé,

 20   auraient su ce qu'il risquait de se passer s'ils libéraient le territoire

 21   du secteur nord et du secteur sud.

 22   Par ailleurs, la Chambre de première instance, comme nous l'avons

 23   fait remarquer à plusieurs reprises aujourd'hui, a estimé que les civils

 24   serbes étaient partis de partout sauf des quatre villes dont il est

 25   question ici pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec un quelconque

 26   comportement illégal. Donc, est-ce que les participants à la réunion de

 27   Brioni ont parlé de tous ces civils qui étaient en train de partir pour des

 28   raisons sans aucun rapport avec un quelconque comportement illégal, comme


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  1   l'a déclaré la Chambre de première instance ? Ou est-ce qu'ils ont discuté

  2   du fait qu'il leur fallait prendre pour cible des civils dans ces quatre

  3   villes pour les forcer à partir ?

  4   La question se pose de savoir à quel point il est raisonnable de penser que

  5   les civils serbes avaient évacué la Slavonie occidentale 60 jours

  6   auparavant ainsi que toute la Krajina sauf les quatre villes dont nous

  7   parlons pour des raisons sans aucun rapport avec un quelconque comportement

  8   illégal et qu'ils seraient restés dans ces quatre villes où, précisément,

  9   le comportement présumé illégal de l'armée croate se serait produit avec

 10   des attaques destinées à les faire fuir.

 11   Nous soutenons ici, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il n'y a

 12   aucun fondement pour tirer cette déduction de la lecture du procès-verbal

 13   de la réunion de Brioni.

 14   Ce commentaire formulé par le général Gotovina à Brioni, et je ne

 15   souhaiterais pas me répéter, mais ce commentaire était très précis, comme

 16   l'a déclaré la Chambre de première instance, par rapport aux quatre villes

 17   en question. Puisqu'il était question de tous les lieux sauf les quatre

 18   villes et il était question de commandants militaires qui avaient pour but

 19   d'aider la population et non de la pousser à fuir 60 jours plus tard. Quel

 20   a été le sujet du débat à Brioni ? La conclusion, en tout cas, a été :

 21   laissons partir les civils. Qu'est-ce qu'il était possible de faire d'autre

 22   ? Enfermer les civils dans une zone de guerre ? Contraindre l'armée à

 23   continuer à fuir pour aider les civils ? Bien.

 24   Mais penchons-nous maintenant sur un autre sujet. Je veux parler des 95 %

 25   de tirs. L'Accusation a évoqué un certain nombre de pourcentages. Mais nous

 26   disons que la Chambre de première instance a estimé que 95 % de l'ensemble

 27   des projectiles ont été tirés contre des objectifs militaires.

 28   Nous savons que cette théorie de l'homme de paille qui a été reprise


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  1   ce matin par l'Accusation a rapport avec les projectiles tirés et l'endroit

  2   où ils sont tombés. L'Accusation, qu'elle le reconnaisse ou pas, défend une

  3   théorie selon laquelle l'ensemble de ces projectiles ont tous été tirés

  4   contre des objectifs militaire et que, par conséquent, 850 ou 900

  5   projectiles ont dû atterrir dans un périmètre de 200 mètres d'une cible

  6   militaire. Pourquoi est-ce que nous disons cela ? Parce que l'Accusation

  7   dit, et elle l'a répété ce matin, qu'il ne peut pas y avoir d'autre

  8   explication lorsqu'un obus tombe en dehors du périmètre de 200 mètres sauf

  9   si l'armée croate aurait été particulièrement incompétente étant donné la

 10   nature des armes qu'elle utilisait. Par conséquent, si l'armée croate a eu

 11   l'intention de tirer 850 projectiles sur des objectifs militaires, la

 12   Chambre de première instance et la théorie qu'elle défend, ainsi que la

 13   théorie de l'Accusation, doivent signifier que chacun des projectiles est

 14   tombé dans un périmètre de 200 mètres d'une cible militaire.

 15   L'Accusation avance des arguments selon lesquels l'ordre du général

 16   Gotovina, ainsi que le fait que cet ordre ait été repris par ses

 17   subordonnés, aurait un intérêt particulier. Encore une fois, la démarche de

 18   la Chambre de première instance a consisté à rejeter la déposition de Marko

 19   Rajcic sur la base de ses conclusions au sujet des impacts, et nous n'avons

 20   pas besoin de reprendre nos positions déjà présentées ce matin à ce sujet.

 21   Mais si la déposition de Marko Rajcic était corroborée et exacte et ne

 22   pouvait pas être exclue étant donné les conclusions à tirer de l'étude des

 23   zones d'impact, alors l'ordre était légal et il était légal qu'il ait été

 24   repris par la chaîne de commandement dans ses niveaux hiérarchiques

 25   inférieurs.

 26   Nous avons remarqué, et M. Cross a également abordé ce sujet ce matin,

 27   qu'un obus est tombé à une distance de 700 mètres. Comme je l'ai fait

 28   remarquer ce matin, et M. Cross ne l'a pas contesté, cinq obus sur 890 sont


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  1   tombés au-delà de la marge d'erreur de ce système d'armes. Pourquoi est-ce

  2   qu'un obus est tombé à 700 mètres ? A un moment aussi prématuré, cela ne

  3   nous permet pas de dire que la marge d'erreur est la seule raison de ce

  4   fait car, étant donné le système d'armes utilisé, la marge d'erreur peut

  5   varier. Comme je l'ai fait remarquer au Juge Güney, il y avait d'autres

  6   cibles dans la ville que la Chambre de première instance a confirmées. Le

  7   cimetière, par exemple, qui était à 700 mètres d'un autre objectif

  8   militaire, était éventuellement une cible possible. La Chambre de première

  9   instance n'a pas répondu à la question concernant ce lieu.

 10   Donc il y a des cibles qui étaient des cibles opportunistes. Encore une

 11   fois, la Chambre de première instance n'en fait pas état dans ses

 12   conclusions, comme nous le faisons remarquer dans nos mémoires.

 13   L'Accusation affirme que la Chambre de première instance a pris en compte

 14   la déposition de Konings au sujet de la marge d'erreur pour fixer cette

 15   règle des 200 mètres. Nous avons souligné ce matin que M. Konings aurait

 16   établi la marge d'erreur à 295 mètres pour une arme  T-155 et à 1 kilomètre

 17   [comme interprété] pour l'arme 144 [comme interprété]. Ce qui pourrait

 18   corroborer la conclusion de la Chambre de première instance au sujet des

 19   200 mètres.

 20   En ce qui concerne les victimes, il y a une raison particulière pour

 21   laquelle la Chambre de première instance n'a formulé aucune conclusion

 22   quant au fait que des personnes auraient été tuées par les obus. Et cette

 23   raison est sans doute plus complexe que celle qui a été présentée par M.

 24   Stringer ce matin quant au fait que les victimes n'ont pas été évoquées. Il

 25   y a la question de la conviction nécessaire des déclarations de témoins,

 26   qui est un fait qui aurait dû être exploré par la Chambre de première

 27   instance.

 28   Deuxièmement, la Chambre de première instance fait remarquer aux


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  1   paragraphes 1 360 à 1 364 du jugement que des analyses de police technique

  2   et scientifique ont été faites seulement sur trois corps dont on peut

  3   penser qu'ils ont été tués à Knin le 4 août, et ces éléments d'analyse

  4   n'ont pas prouvé qu'ils ont été tués par des obus. Ensuite, et c'est

  5   important, cela fait 18 ans que l'opération Tempête a eu lieu. Nous n'avons

  6   pour certains domaines que des éléments d'ouï-dire ou des éléments assez

  7   anecdotiques comme témoignages au sujet des pilonnages de Knin, Benkovac,

  8   Obrovac et Gracac. Les cadavres présumés trouvés à Knin restent tout à fait

  9   anonymes, et il importe de le souligner.

 10   Enfin, nous remarquons que le Témoin de l'Accusation Mira Grubor évoque le

 11   fait que le seul hôpital qui possédait une salle d'opération se trouvait à

 12   Knin. Le fait de savoir si des cadavres ont été amenés là-bas à partir

 13   d'autres lieux est, bien entendu, une question à laquelle il est totalement

 14   impossible de répondre. Et de nombreux éléments de preuve ont indiqué

 15   quelle était l'importance de l'ARSK. D'autres explications, donc, que le

 16   fait que des victimes auraient été tuées par des obus n'auraient pas pu

 17   être prises en compte, et des dépositions à [imperceptible] ne peuvent être

 18   que de faux témoignages.

 19   Sur la question du caractère disproportionné de l'attaque, je sais,

 20   Monsieur le Président, que vous souhaitez que nous l'abordions, et je

 21   dirais que dans la thèse de l'Accusation le caractère proportionnel n'a

 22   jamais été évoqué. L'Accusation, à présent, voudrait ajouter de nouveaux

 23   éléments de preuve pour aller dans le sens du caractère illégal d'une

 24   attaque en avançant de nouveaux arguments relatifs à cette absence de

 25   proportionnalité, mais ceci ne devrait pas être autorisé. Et nous invitons

 26   la Chambre d'appel à revenir sur le mémoire préalable au procès de

 27   l'Accusation dans l'affaire Galic pour constater que l'Accusation s'est

 28   comportée exactement de la même manière dans cette affaire-là. L'Accusation


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  1   a fourni des éléments très peu convaincants dans l'affaire Galic, qui ont

  2   été récusés par la suite.

  3   Un commentaire a été formulé ce matin selon lequel le Témoin 6 et le

  4   Témoin 54 seraient partis en raison de pilonnage. Ceci est totalement

  5   inexact. Nous soulignons dans notre mémoire en réponse que les témoins ont

  6   dit, avant toute chose, qu'ils vivaient au voisinage immédiat de ce que la

  7   Chambre de première instance considérait comme des objectifs militaires

  8   légitimes. Donc le fait de savoir s'ils ont eu peur des obus contre un

  9   objectif militaire légitime, ce serait sans doute une éventualité beaucoup

 10   plus probable que le fait de dire qu'ils ont eu peur de trois obus qui

 11   seraient tombés dans un champ désert à plus d'un kilomètre de leurs maisons

 12   sans aucune explication apportée à ce sujet par la Chambre de première

 13   instance. Par ailleurs, ces individus ont déclaré très clairement, et nous

 14   les citons dans notre mémoire en réponse, qu'ils n'ont quitté que certains

 15   quartiers de Knin et d'autres villages dans l'intention d'y revenir par la

 16   suite, mais qu'ensuite ils ont décidé de franchir une frontière de jure ou

 17   de facto, en abandonnant Knin parce que les autres habitants de Knin

 18   avaient décidé d'abandonner la ville après l'ordre d'évacuation de Martic.

 19   Donc des déclarations très générales en disant "bien d'autres témoins

 20   ont déclaré dans leur déposition ceci ou cela," sont beaucoup trop

 21   générales. L'Accusation ne doit pas se contenter de ces commentaires

 22   aujourd'hui.

 23   Pour parler de Knin.

 24   Nous savons que nous n'avons entendu aucune déposition évoquant des

 25   cadavres ou des blessés dus aux obus qui sont tombés sur Knin, même pas des

 26   témoignages fondés sur des ouï-dire de tierces personnes qui auraient

 27   évoqué de tels événements ou qui auraient dit, J'ai décidé de quitter la

 28   Krajina parce que j'avais peur des obus.


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  1   Passons maintenant à deux autres points.

  2   L'Accusation soutient que le général Gotovina a fait partie d'une

  3   entreprise criminelle commune et qu'il a commis un certain nombre d'actes

  4   relevant de cette entreprise criminelle commune en omettant en particulier

  5   de prendre des mesures nécessaires pour mettre un terme aux crimes.

  6   Comme le sait la Chambre d'appel, cette conclusion de la Chambre de

  7   première instance est erronée à plusieurs titres. Tout d'abord, comme nous

  8   l'avons fait remarqué ce matin, la Chambre de première instance a conclu de

  9   façon très claire que l'objectif criminel commun n'était pas de commettre

 10   des meurtres, des incendies volontaires, des actes de pillage, des

 11   comportements inhumains, et cetera. Par conséquent, comme nous le faisons

 12   remarquer dans notre mémoire en appel, il n'existe pas de contribution

 13   substantielle ou importante à la commission de ces crimes. Par ailleurs, il

 14   ne peut pas y avoir exportation de personnes dans la poursuite de la

 15   réalisation d'un objectif criminel commun si la Chambre de première

 16   instance conclut que de tels moyens n'ont pas été mis au service de

 17   l'objectif criminel commun.

 18   Par conséquent, cet argument de l'Accusation doit être rejeté.

 19   Deuxièmement, l'Accusation s'appuie sur le fait que la Chambre de

 20   première instance aurait conclu que Gotovina aurait dû prendre un certain

 21   nombre de mesures. S'il est incontesté ou en tout cas admis par la Chambre

 22   de première instance que le général Gotovina, pendant le moment qui a

 23   immédiatement fait suite à l'opération Tempête, était engagé dans des

 24   actions de combat contre l'armée serbo-bosniaque en Bosnie au moment où ces

 25   crimes ont eu lieu. La Chambre de première instance a conclu que le général

 26   Gotovina, en effet, pouvait avoir présumé que ses subordonnés étaient

 27   partis en Croatie pour faire convenablement leur travail. Mais la Chambre

 28   de première instance a estimé que cette présomption était réfutée lorsque


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  1   le général Gotovina a prétendument prévenu ses subordonnés des missions

  2   qu'il allait leur confier par la suite.

  3   Pour commencer, il n'y a aucune conclusion de la Chambre de première

  4   instance indiquant que des subordonnés n'auraient pas accompli leurs

  5   missions ou que des subordonnés auraient refusé d'accomplir leurs missions.

  6   Donc, sur quelle base s'est appuyée la Chambre de première instance pour

  7   conclure que le général Gotovina devait revenir de Bosnie pour s'occuper

  8   des crimes commis en Croatie, ça reste inexpliqué étant donné que nous ne

  9   savons pas de quels subordonnés il s'agit lorsqu'il est question d'un

 10   accomplissement insuffisant de leurs missions.

 11   Par ailleurs, les mesures décrites par la Chambre de première

 12   instance --

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veillez à ne pas parler trop vite.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Je vais y veiller.

 15   Les mesures dont la Chambre de première instance déclare que le général

 16   Gotovina ne les a pas prises sont une totale invention dans le jugement. Je

 17   dis "invention" parce qu'elles n'ont jamais été évoquées par l'Accusation.

 18   Elles incluent, par exemple, le fait de prononcer des déclarations

 19   publiques. Cette question n'a jamais été traitée pendant le procès, et, en

 20   réalité, la thèse de l'Accusation consistait à dire que l'accusé Cermak

 21   était la personne qui était censée prononcer des déclarations publiques.

 22   Deuxième point, s'il n'a pas appliqué les mesures nécessaires. Eh bien, ces

 23   termes sont exprimés de façon vague, encore une fois, car on ne sait pas

 24   exactement quels moyens il aurait dû mettre au service des mesures à

 25   appliquer. Et troisièmement, il aurait omis de contacter les personnes

 26   importantes pendant une certaine période. Qui étaient ces personnes

 27   pertinentes, importantes, et pourquoi le général Gotovina aurait dû les

 28   contacter, ceci reste totalement inexpliqué.


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  1   L'Accusation a déployé une thèse relative aux mesures nécessaires et

  2   raisonnables que le général Gotovina aurait pu prendre et aurait dû

  3   prendre. La Chambre de première instance a rejeté cet argument. A ce

  4   moment-là, l'Accusation est revenue avec trois mesures qui n'ont jamais été

  5   débattues pendant le procès pour conclure que le général Gotovina aurait

  6   omis de prendre ces mesures et que ceci était synonyme de contribution

  7   importante à l'entreprise criminelle commune.

  8   Nous soutenons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que ceci est

  9   totalement déraisonnable. Il est déraisonnable qu'un accusé dans un procès

 10   ne soit pas informé de ce qu'on lui reproche.

 11   Enfin, s'agissant des autres modes de responsabilité, la Chambre de

 12   première instance a conclu de façon très claire qu'elle ne tenait pas

 13   compte d'autres modes éventuels de responsabilité. Il serait tout à fait

 14   inconvenant qu'aujourd'hui le général Gotovina soit déclaré coupable dans

 15   le cadre d'un dossier qui n'a pas été porté à sa connaissance avec un

 16   préavis nécessaire et qu'il n'ait pas la possibilité d'interjeter appel

 17   contre ces présomptions en contestant les conclusions qui le rendent

 18   responsable et conduiraient à une déclaration de culpabilité.

 19   Ce serait injuste puisque ces arguments n'ont pas été discutés pleinement

 20   devant la Chambre d'appel. Il serait injuste de considérer le général

 21   Gotovina comme responsable dans ces conditions.

 22   Monsieur le Président, j'aimerais maintenant que réponse soit

 23   apportée à la question du Juge Pocar.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Ceci mettra un terme à notre

 25   procédure ce matin.

 26   Maître Akhavan.

 27   M. AKHAVAN : [interprétation] Je voudrais revenir sur le caractère légal ou

 28   illégal de l'attaque. Je tiens à souligner que ce qui a été dit ici par


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  1   l'Accusation est en contradiction avec les dispositions de l'article 72 du

  2   Règlement qui ont été prises en compte par la Chambre de première instance.

  3   La réalité, ce n'est pas que des combats légitimes peuvent servir de

  4   fondement à des actes d'expulsion.

  5   Nous aimerions, à ce sujet, revenir sur ce qui figure dans le chapeau de

  6   l'article 5 et sur les conditions requises dans le texte de ce chapeau

  7   selon lequel la population civile doit être l'objectif principal. C'est ce

  8   qui est reconnu par la jurisprudence de ce Tribunal, il faut que des moyens

  9   illégaux soient utilisés dans la poursuite d'un objectif illégal également

 10   pour que l'attaque soit illégale.

 11   Quatrièmement, la référence à la convention de Genève consiste à dire que

 12   l'expulsion ne s'applique que dans des territoires placés dans une

 13   situation d'occupation ou qui, manifestement, risquent de tomber aux mains

 14   de l'adversaire. Et enfin, nous soulignons que l'article 51, dans son

 15   paragraphe 2, indique clairement, eu égard, par exemple, au paragraphe 1

 16   940 du commentaire du CICR, qu'il est à prévoir que les civils risquent

 17   d'être terrifiés par le déroulement des opérations de combat, mais qu'aussi

 18   longtemps qu'il peut exister un avantage militaire important, le fait que

 19   l'on peut prévoir que cette population civile sera terrorisée ou qu'elle

 20   pourra décider de fuir ne constituera pas une violation de l'article 51,

 21   paragraphe 23 [comme interprété].

 22   Donc nous soutenons que ce serait un résultat extraordinaire si la Chambre

 23   d'appel devait déclarer que des combats menés dans des conditions légitimes

 24   peuvent se transformer en crime d'expulsion illégale.

 25   Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Akhavan.

 27   Vous aurez tout l'après-midi pour poursuivre et répondre à la Défense de M.

 28   Markac. Il me semble que vous pourriez peut-être combiner vos réponses.


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  1   M. STRINGER : [interprétation] Oui, si cela convient à la Chambre --

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ou est-ce que vous aimeriez consacrer

  3   trois minutes actuellement à une réponse rapide peut-être.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Nous n'admettons pas la façon dont la thèse

  5   de l'Accusation a été présentée ici. Et nous reviendrons dans le cadre

  6   d'une réponse plus développée sur cet argument dans l'après-midi.

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui. Les Juges vont s'intéresser plus

  8   avant à l'argument relatif à la population et pourront peut-être poser des

  9   questions supplémentaires aux deux parties suite à l'exposé que vient de

 10   présenter le conseil de la Défense. Mais nous reviendrons sur ce point cet

 11   après-midi.

 12   Maître Kehoe.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Etant donné ce que

 14   l'Accusation vient de dire, nous élevons une objection car ce que nous

 15   faisions, c'était réfuter des arguments qui étaient présentés pour la

 16   première fois par l'Accusation. Alors, voir l'Accusation revenir en arrière

 17   pour se donner un avantage supplémentaire en disant que cette objection

 18   n'est pas admissible est un comportement tout à fait inadapté et qui

 19   constitue une violation de l'ordonnance portant calendrier.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous autoriserons sans doute les

 21   parties à soumettre un mémoire écrit pour préciser tous ces points. Je ne

 22   pensais pas que l'Accusation inclurait ces quelques phrases à un stade

 23   aussi tardif.

 24   Bien. Nous allons nous interrompre et reprendrons nos débats à 14 heures

 25   30.

 26   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 24.

 27   --- L'audience est reprise à 14 heures 30.

 28    M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous


Page 123

  1   plaît.

  2   Je souhaite commencer par la lecture d'une décision qui ordonne que des

  3   mémoires complémentaires soient déposés. Les Juges de cette Chambre ont

  4   noté les commentaires faits aujourd'hui par le conseil de Gotovina qui

  5   laissait entendre que l'Accusation a présenté des nouveaux arguments eu

  6   égard au fond de l'affaire.

  7   La Chambre d'appel demande donc que Gotovina énonce ses objections dans un

  8   mémoire supplémentaire comportant au maximum 3 000 mots, et déposé avant le

  9   17 mai.

 10   L'Accusation sera autorisée à répondre dans les trois jours suivant le

 11   dépôt du mémoire supplémentaire ou de l'argument présenté en 3 000 mots. Il

 12   n'y aura pas de réplique.

 13   Tout d'abord, je souhaite lire une décision maintenant en ma qualité de

 14   Juge en appel. Ceci porte sur l'article 15 [comme interprété].

 15   En ma qualité de Juge préalable à l'appel, j'ai noté la demande faite par

 16   Gotovina, à savoir que le délai pour remettre une réplique à la réponse de

 17   l'Accusation à la deuxième requête en vertu de l'article 115 soit prorogé

 18   jusqu'au 18 mai. Je remarque en outre que l'Accusation n'a pas pris

 19   position sur ce point, et compte tenu du calendrier fixé ces dernières

 20   semaines, je fais droit à la demande de Gotovina.

 21   Nous allons maintenant reprendre les débats et nous allons maintenant

 22   entendre des arguments présentés par Markac. Une heure et 30 minutes.

 23   Oui.

 24   Mme BRADY : [interprétation] Monsieur le Président, quelques instants, s'il

 25   vous plaît, pour ce qui est de la récente décision que vous venez de

 26   rendre, à savoir le dépôt de mémoires complémentaires. Je crois que pour

 27   lui, c'est le 17 mai --

 28   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]


Page 124

  1   Mme BRADY : [interprétation] -- je crois que vous avez dit. Et trois jours

  2   plus tard, nous allons déposer notre réponse.

  3   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

  4   Mme BRADY : [interprétation] Et puis-je confirmer et vous dire qu'il s'agit

  5   là d'un dimanche. Est-ce bien le jour où ces mémoires doivent être déposés,

  6   ou s'agit-il du lundi suivant ?

  7   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, le Règlement permet de calculer

  9   les dates. Nous allons appliquer ce qui est communément appliqué.

 10   Mme BRADY : [interprétation] Merci.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et par défaut, nous appliquons le

 12   Règlement.

 13   Le conseil de M. Markac.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire

 15   et à l'extérieur du prétoire.

 16   Je m'appelle Goran Mikulicic et j'agis ici pour le compte de M. Markac.

 17   Après une courte introduction, je vais donner la parole à mes éminents

 18   confrères, M. John Jones et, par la suite, M. Tom Kuzmanovic. Après la

 19   présentation de nos arguments, je demanderai à pouvoir passer à huis clos

 20   partiel pendant quelques instants pour pouvoir aborder certaines questions

 21   qui sont directement liées à la Chambre d'appel.

 22   Messieurs les Juges, au début de la présentation de nos arguments oraux,

 23   nous appliquions le principe du beneficium cohesionis, à savoir que nous

 24   sommes d'accord avec les arguments présentés par Ante Gotovina. Nos

 25   arguments porteront quasiment exclusivement sur la quatrième question posée

 26   par les Juges de la Chambre dans son ordonnance portant calendrier, la

 27   constatation de la Chambre de première instance qui indiquait qu'une

 28   entreprise criminelle commune existait doit être retenue car elle a


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  1   constaté qu'une attaque d'artillerie ait été légale, il s'agit là de

  2   quelque chose qui est réputé erroné.

  3   Et nous répondons très sincèrement à cette question par la négative.

  4   Il ne peut pas y avoir d'entreprise criminelle commune sans constatation

  5   d'attaque illégale. Et c'est après une lecture détaillée du jugement que

  6   nous faisons valoir cela. La Chambre a constaté qu'il y avait des

  7   pilonnages illégaux, et, effectivement, ceci a été déterminé sur la base de

  8   l'entreprise criminelle commune. Tout d'abord, ceci a conduit la Chambre à

  9   constater que les discussions qui se sont tenues à Brioni portaient sur une

 10   entreprise criminelle commune qui consistait à chasser la population serbe

 11   de Krajina. Au paragraphes 2 305, 2 306 [comme interprété] et 2 320 du

 12   jugement.

 13   Deuxième point, ceci a conduit la Chambre à constater que les frappes

 14   d'artillerie contre Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac ont été menées avec

 15   l'intention d'expulser la population serbe. Confer les paragraphes 1 745, 1

 16   746 et 1 757 du jugement.

 17   Les Juges de la Chambre ont constaté que le crime d'expulsion a été commis.

 18   Au quatrième point, ceci a conduit les Juges de la Chambre à constater que

 19   le crime de persécution faisait partie de l'entreprise criminelle commune

 20   et que la persécution a effectivement eu lieu. Aux paragraphes 1 862 et 1

 21   936, par rapport à Gracac; 2 310 et 2 314 du jugement rendu par la Chambre

 22   de  première instance.

 23    Au cinquième point, ceci a conduit la Chambre à constater que notre

 24   client, le général Markac, avait participé à un pilonnage illégal. Aux

 25   paragraphes 2 561, 2 558  et 2 258 [comme interprété] du jugement.

 26   Et donc, des constatations ont été énoncées eu égard à Markac, à savoir que

 27   cet homme était un membre de l'entreprise criminelle commune, qu'il

 28   partageait l'objectif de l'entreprise criminelle commune, qu'il avait


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  1   l'intention de contribuer à l'entreprise criminelle commune et qu'il a

  2   contribué de façon substantielle à l'entreprise criminelle commune.

  3   Le pilonnage illégal constitue la cheville ouvrière de toutes les

  4   constatations faites par la Chambre de première instance eu égard à

  5   l'entreprise criminelle commune.

  6   Si on retire cette cheville ouvrière et la notion d'entreprise criminelle

  7   commune, la responsabilité de Markac ne peut plus être retenue.

  8   Je me tourne maintenant vers mon confrère, Me Jones.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Jones.

 10   M. JONES : [interprétation] Messieurs les Juges, comme vous le savez tous,

 11   une image remplace mille mots. Nous avons donc une aide visuelle que nous

 12   vous présentons et qui devrait vous permettre, Messieurs les Juges, de

 13   répondre à la quatrième question, que je vais maintenant paraphraser.

 14   A supposer qu'aucune attaque d'artillerie légale ne peut être retenue, donc

 15   l'entreprise criminelle ne peut pas être retenue.

 16   Donc vous avez ici un tableau qui vous a été remis dans un format papier,

 17   et vous avez également ce tableau à l'écran.

 18   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous n'êtes pas en train de

 19   trop simplifier cela, avec cette image que vous nous montrez ?

 20   M. JONES : [interprétation] Eh bien, je suppose que je ne voulais pas vous

 21   étourdir avec des notions trop scientifiques. J'espère que ceci vous

 22   permettra de mieux comprendre, et, en fait, je vais aborder chaque case

 23   l'une après l'autre.

 24   M. LE JUGE MERON : [hors micro]

 25   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 26   [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]

 27   M. JONES : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   J'espère que tout sera clair au fur et à mesure.


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  1   Donc, en fait, nous avons la dernière case qui est intitulée "Attaque

  2   illégale". Il s'agit là de la constatation essentielle qui nous permet de

  3   répondre à la question numéro 4, et nous répondons que ceci est inexact.

  4   Les références du paragraphe eu égard à cette constatation se trouvent

  5   énumérées ici ainsi que les noms des villes en question.

  6   Et vous avez ensuite un paragraphe qui est le 58.2(i) [comme

  7   interprété], et 58.2, puisqu'il s'agit de la constatation relative à

  8   l'attaque légale.

  9   Et ensuite, Knin, le paragraphe 1 906, les références aux paragraphes

 10   au jugement et rien d'autre.

 11   Benkovac, ensuite, 1 923.

 12   Gracac, 1 935.

 13   Et Obrovac, 1 943.

 14   Voilà où se trouvent les constatations.

 15   Donc ce tableau vous montre comment tout, et littéralement tout,

 16   repose sur cette constatation-là. Chaque constatation eu égard à

 17   l'entreprise criminelle commune et chaque constatation eu égard à la

 18   responsabilité contre Markac reposent sur ce tableau. Et donc, le jeu de

 19   cartes, comme on le sait, si c'est un château de cartes, cela s'effondre si

 20   on tire sur la dernière carte.

 21   Alors, regardons quelles constatations ont été faites par la Chambre de

 22   première instance en se basant sur l'attaque illégale.

 23   Alors toutes les cases qui se trouvent en fait à la colonne suivante, les

 24   crimes qui découlent directement de la constatation faite par la Chambre eu

 25   égard aux attaques illégales.

 26   En fait, je vais commencer par la troisième case à partir de la droite, la

 27   constatation qui consiste à dire que les discussions à Brioni portaient sur

 28   l'entreprise criminelle commune aux fins de déplacer de façon permanente et


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  1   par la force les Serbes.

  2   Vous trouverez ceci au paragraphe 6.2.7, aux paragraphes 2 305 et au

  3   paragraphe 2 315 du jugement. Alors la flèche qui est juste en dessous de

  4   la case indique comment cette constatation à propos de Brioni, à savoir la

  5   discussion au sujet de l'entreprise criminelle commune, découle directement

  6   des attaques illégales et de cette constatation-là. Et ceci est tout à fait

  7   clair, comme on peut le voir aux paragraphes 2 305, 2 316 et 2 320 du

  8   jugement.

  9   Au paragraphe 2 305 [comme interprété], on peut lire, et nous pouvons

 10   l'afficher à l'écran :

 11   "La Chambre de première instance s'est penchée longuement sur le procès-

 12   verbal de la réunion de Brioni qui s'est tenue ici, chapitre 2.2 [comme

 13   interprété]. Elle estime, de surcroît, qu'à la lumière des événements qui

 14   ont suivi," et j'insiste sur ces termes-là, "à la lumière des événements

 15   qui ont suivi, tel que constaté par la Chambre de première instance (ici,

 16   chapitres 4.4 et 5.8.2 (ii) [comme interprété]).

 17   "Et lors des discussions à Brioni, les propos tenus par Gotovina ont été

 18   traduits en réalité. L'opération Tempête a été lancée dans les premières

 19   heures du 4 août 1995 au moment des attaques d'artillerie. Aux chapitres

 20   4.4 et 5.8.2, certaines de ces attaques concernaient des villes entières

 21   qui ont été considérées comme des cibles pour l'artillerie. Ces attaques,

 22   par conséquent, ont constitué des attaques illégales contre les civils et

 23   des objets appartenant à des civils. En conséquence, des parties

 24   importantes de la population de Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac, ce qui

 25   représentait quelque 20 000 personnes, ont été déplacées par la force, ont

 26   dû être chassées de chez eux, ont fui et ont traversé la frontière en

 27   Bosnie-Herzégovine et en Serbie. Comme la Chambre de première instance l'a

 28   constaté aux chapitres 4.5 et 5.4.2, qui constitue le crime d'expulsion."


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  1   Et donc, l'entreprise criminelle commune consistait à déplacer par la force

  2   les Serbes.

  3   Ensuite, nous passons à 2 316, où le président Tudjman -- et je vais

  4   simplement lire le début :

  5   "Franjo Tudjman était un participant qui a dirigé à toutes les réunions

  6   importantes et lorsque les questions importantes ont été abordées. En bref,

  7   ce sont ses idées qui se sont vues -- et donc, ses idées ont été

  8   appliquées."

  9   C'est lui qui permettait à ces idées-là d'être traduites dans la

 10   réalité.

 11   Trois lignes plus bas :

 12   "Et compte tenu des discussions qui ont eu lieu à Brioni ainsi que des

 13   événements qui ont suivi," veuillez souligner ces termes-là, "et compte

 14   tenu des événements qui se sont déroulés par la suite, Tudjman avait

 15   l'intention de déplacer par la force la population civile --"

 16   Je me demandais à quel moment on allait me demander de ralentir. Voilà, ça

 17   y est, c'est fait. Je vais faire de mon mieux.

 18   "Alors, si nous tenons compte des discussions qui ont eu lieu à Brioni

 19   ainsi que des événements qui s'en sont suivis, la Chambre de première

 20   instance constate que lui, Tudjman, "à cette fin, avait l'intention de

 21   chasser la population civile serbe par la force, y compris par le

 22   truchement de crimes dans le cadre de l'objectif de l'entreprise criminelle

 23   commune."

 24   Et les intentions de Tudjman, et c'est au sens ici de l'attaque illégale,

 25   en fait, cette constatation est faite par ce prisme-là.

 26   Et ensuite, au paragraphe 2 320, trois lignes plus loin :

 27   "A la réunion de Brioni, Tudjman ainsi que de hauts représentants officiels

 28   ont abordé la question de savoir comment les forces militaires devaient


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  1   être employées pour garantir non seulement que le SVK mais que la

  2   population civile serbe quitteraient la Krajina. Un des moyens utilisés à

  3   terme était un moyen qui en lui-même constituait un crime, à savoir les

  4   attaques illégales contre des civils et des biens appartenant à des civils

  5   dans un certain nombre de villes en Krajina."

  6   Donc nous faisons valoir qu'il est très clair que la Chambre de première

  7   instance a automatiquement interprété le procès-verbal de Brioni comme

  8   quelque chose d'ambigu et, au mieux, a tenu compte de l'existence de

  9   l'entreprise criminelle commune, puisque la Chambre a tenu compte de cet

 10   élément-là "à la lumière des événements qui ont suivi," à savoir à la

 11   lumière de l'attaque illégale, qui était une des constatations de la

 12   Chambre, constatation erronée, puisqu'il s'agit là d'un des moyens qui

 13   permettaient à l'entreprise criminelle commune d'être commise, et il

 14   s'agissait à ce moment-là d'un crime sous la forme d'une attaque illégale.

 15   Donc je vais faire une petite digression. L'Accusation a tacitement admis

 16   dans sa réponse à nos mémoires en appel que Brioni ne permettait pas

 17   d'établir au-delà de tout doute raisonnable qu'il y avait présence d'une

 18   entreprise criminelle commune. Au paragraphe 846 [comme interprété],

 19   réponse à notre mémoire en appel, lorsque l'Accusation dit :

 20   "Troisième point, Markac ignore complètement le contexte pertinent dans

 21   lequel sa participation s'est déroulée à la réunion de Brioni. Ceci tient

 22   compte également du fait que les Serbes de Krajina ont été chassés et que

 23   Markac y a contribué. Et quelques jours après la réunion, il s'agissait

 24   d'une attaque d'artillerie illégale qui a été lancée contre des civils

 25   serbes de Krajina. Ce qui a eu pour résultat le fait qu'une partie

 26   importante de la population a été déplacée."

 27   Ensuite :

 28   "Etant donné que la réunion de Brioni permettait de fournir le prétexte à


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  1   l'attaque contre les civils serbes de Krajina, Markac a participé à cela, a

  2   participé à la réunion de Brioni, et les événements qui ont suivi doivent

  3   être rejetés."

  4   Donc on ne peut pas séparer l'évaluation qui est faite de la réunion de

  5   Brioni des attaques illégales ultérieures.

  6   Donc, Brioni en tant que tel, comme le dit l'Accusation, ne permet pas de

  7   dire qu'il y a eu entreprise criminelle commune, comme il a été constaté et

  8   admis par l'Accusation ce matin, aux paragraphes 234, 239, 268, 271 dans

  9   leur réponse au mémoire de Gotovina.

 10   [La Chambre d'appel se concerte]

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une question à la cabine française :

 12   est-ce que le rythme est trop rapide pour vous ?

 13   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 14   M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

 15   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 16   M. JONES : [interprétation] Excusez-moi.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors il va falloir que vous

 18   ralentissiez un peu ou sinon, nous ne pourrons plus avoir d'interprétation.

 19   M. JONES : [interprétation] Alors, si vous prenez la pièce correspondante

 20   au procès-verbal de la réunion de Brioni et si vous la lisez et que vous la

 21   replacez dans son contexte, vous ne conclurez pas qu'il y a eu entreprise

 22   criminelle commune. Ce n'est qu'en alliant le compte rendu de la réunion de

 23   Brioni et une attaque illégale alléguée que la Chambre a pu conclure à une

 24   entreprise criminelle commune. Et je fais référence à ce procès-verbal, au

 25   compte rendu d'audience, parce qu'il n'y a pas un seul témoin qui a

 26   confirmé l'interprétation rendue par la Chambre pour cette réunion. Et il

 27   est quand même assez extraordinaire de penser que deux hommes ont été

 28   emprisonnés pour des peines de 23 et 18 ans sur la base d'une entreprise


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  1   criminelle commune qui, apparemment, a vu le jour lors de la réunion de

  2   Brioni, alors qu'il n'y a pas eu un seul témoin pour venir dire que Brioni

  3   visait justement cette entreprise criminelle commune.

  4   Donc il serait, bien entendu, tout à fait différent de constater que le

  5   procès-verbal de la réunion de Brioni avait contenu des intentions

  6   criminelles, mais cela n'est pas le cas. Et lorsque l'on prend en

  7   considération le compte rendu de la réunion de Brioni dans ce contexte, on

  8   se rend compte que la conclusion relative à Brioni, et surtout relative à

  9   l'entreprise criminelle commune, s'écroule.

 10   En fait, les discussions qui ont eu lieu à Brioni sont tout à fait

 11   conformes à ce qui, d'après la Chambre de première instance, était

 12   considéré comme une interprétation tout à fait raisonnable de ce qui s'est

 13   passé dans toutes les villes et les villages hormis ces quatre villes. En

 14   d'autres termes, nous avons cette réunion, nous connaissons les

 15   participants qui étaient tout à fait connus, M. l'Ambassadeur Galbraith l'a

 16   reconnu lui-même, il a été dit que les Serbes quitteraient la Krajina en

 17   proie à un sentiment général de peur de la HV, peur générale des

 18   hostilités, peur des conditions de vie et d'autres facteurs qui n'ont

 19   absolument rien à voir avec l'entreprise criminelle commune.

 20   Regardez le paragraphe 1 762 du jugement, qui, me semble-t-il, devrait être

 21   affiché sur vos écrans dans un petit moment.

 22   Alors je vais vous en donner lecture. Je suppose que la plupart des

 23   parties ont le jugement devant eux. Donc cela commence cinq lignes à partir

 24   du bas :

 25   "La Chambre de première instance rappelle sa conclusion suivant laquelle…

 26   un conflit international armé a existé pendant toute la période visée par

 27   l'acte d'accusation. La Chambre de première instance considère que le début

 28   de ce conflit armé a pu avoir comme résultat des craintes de la violence


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  1   associée à tout conflit armé, ce qui fait que des civils ont commencé à

  2   prendre la fuite. Il faut également ne pas oublier le chapitre 4.35.3

  3   [comme interprété]… qui indique que des personnes sont parties de la RSK en

  4   juillet 1995," donc avant l'opération Tempête, "parce que ces personnes

  5   étaient d'avis qu'une opération militaire croate était imminente. Dans un

  6   certain nombre d'incidents mentionnés ci-dessus, les éléments de preuve

  7   présentés indiquent que les raisons qui expliquent le départ incluent

  8   notamment le départ d'autres personnes, la peur de la violence associée à

  9   cette arrivée imminente attendue des forces armées croates. Par exemple, un

 10   témoin, Petar --"

 11   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'ayant pas saisi le nom de famille.

 12   M. JONES : [interprétation] "-- a témoigné que sa famille était partie

 13   parce que beaucoup d'autres personnes partaient. La RSK, en fait, a indiqué

 14   que les forces 'oustachi' étaient sur le point d'arriver. Le 5 août 1995,

 15   une autre famille est partie pour des raisons de sécurité, parce qu'ils

 16   craignaient que la HV pénètre dans cette zone."

 17   Et puis, regardez :

 18   "Ces personnes ont quitté les lieux en question avant que les crimes ne

 19   soient commis ou avant que d'autres actes de menace ne soient commis par

 20   les forces militaires croates, qu'il s'agisse de la police spéciale ou qui

 21   se trouvait sur ces lieux, et la Chambre de première instance n'a pas pu

 22   déterminer de façon conclusive que des actes commis par des membres des

 23   forces militaires croates ou de la police spéciale ont créé une telle

 24   atmosphère que les personnes qui résidaient n'ont eu aucun autre choix si

 25   ce n'est de partir. Mais au lieu de cela, la Chambre de première instance a

 26   conclu que les éléments de preuve permettaient d'interpréter de façon

 27   raisonnable que ces personnes étaient parties du fait d'un sentiment de

 28   crainte générale associée généralement avec le conflit armé ou du fait de


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  1   peur générale des forces croates ou d'une certaine méfiance à l'égard des

  2   autorités croates. Par conséquent, la Chambre de première instance n'a pas

  3   conclu que ces personnes avaient été expulsées sous la contrainte."

  4   Mais en fait, sans l'attaque illégale, nous ne pouvons pas avoir cette

  5   interprétation qui a été reprise pour les quatre villes. Si vous lisez le

  6   compte rendu de la réunion de Brioni, il est tout à fait conforme à ce que

  7   les participants de la réunion ont reconnu, ce qui figure d'ailleurs au

  8   paragraphe 1 762 du jugement, à savoir les Serbes devraient tout simplement

  9   quitter la Krajina lorsque les hostilités commenceraient.

 10   Donc j'en reviens au deuxième encadré à partir de la gauche, "les Serbes

 11   sont expulsés par la force." Section 5.4.2, 1 743 à 1 745 pour les

 12   paragraphes, et 1 751. Il faut savoir que cela se fonde sur la conclusion

 13   en matière d'attaque illégale, donc elle est absolument tributaire.

 14   Et comme l'indique la flèche que vous avez en dessous de ces paragraphes,

 15   c'est un conclusion qui est claire à la lecture des paragraphes 1 745, 2

 16   305 et 2 311.

 17   Le paragraphe 1 745 étant un paragraphe très succinct, dont je vais vous

 18   donner lecture :

 19   "La Chambre de première instance considère que la peur de la violence et de

 20   la contrainte provoquée par les bombardements des villes de Benkovac,

 21   Gracac, Knin et Obrovac a créé un environnement qui a fait que les

 22   personnes présentes n'avaient pas le choix mais ont dû partir. Par

 23   conséquent, la Chambre de première instance conclut que les bombardements

 24   équivalent à un déplacement sous la contrainte de la personne…"

 25   Regardez le 2 305, que nous avons étudié dans un autre 

 26   contexte :

 27   "Ces attaques ont, par conséquent, constitué des attaques illégales

 28   pour les civils et les objets à caractère civil." A la suite de quoi une


Page 136

  1   grande partie de la population civile de Knin,  Benkovac, Obrovac et

  2   Gracac, à savoir 20 000 personnes, sont parties.

  3   Et puis, le 2 311, les deux dernières phrases :

  4   "L'expulsion de la population serbe de Krajina a été dans une grande mesure

  5   obtenue par le biais des attaques illégales contre les civils et les objets

  6   civils" à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac. "Ce qui fait que la Chambre de

  7   première instance a estimé que cela avait été exécuté pour des raisons

  8   discriminatoires. Au vu des raisons mentionnées, la Chambre de première

  9   instance conclut que des attaques illégales contre les civils et les objets

 10   à caractère civil constitutives d'un crime contre l'humanité ont été

 11   commises."

 12   Donc la Chambre de première instance conclut que l'expulsion a été obtenue

 13   par le biais d'attaques illégales. En d'autres termes, la Chambre de

 14   première instance a utilisé la conclusion relative aux attaques illégales

 15   pour ensuite déduire et conclure ce qui s'était passé, et à partir de cela,

 16   elle a établi qu'il y avait eu intention. Et, par conséquent, ensuite

 17   crimes contre l'humanité et persécution. Et tout cela, en fait, à partir

 18   d'une seule conclusion, la conclusion relative aux attaques illégales que

 19   nous considérons comme tout à fait erronées.

 20   Alors, sur la droite de l'encadré que je viens de lire, vous verrez qu'il y

 21   a une flèche qui va vers l'encadré de droite, et vous avez le paragraphe "1

 22   862", qui est le paragraphe, en fait, où la Chambre de première instance

 23   trouve sa conclusion suivant laquelle les Serbes ont fait l'objet de

 24   persécution. Et d'après cette conclusion, les Serbes ont été expulsés par

 25   la force sous la contrainte. Et cela se retrouve au paragraphe 1 862, dont

 26   je vais vous faire grâce de la lecture, parce qu'il n'est pas si important

 27   que cela.

 28   Mais le fait est que la conclusion suivant laquelle les Serbes


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  1   ont été persécutés émane directement de la conclusion relative à l'attaque

  2   illégale. Et cela est montré par les deux références avec les deux flèches

  3   faisant référence aux paragraphes 1 862 et 1 936. Le 1 936 qui est le

  4   paragraphe relatif à Gracac, qui est le paragraphe le plus pertinent pour

  5   mon client, donc je vais vous donner lecture de ce paragraphe :

  6   "Si nous considérons les éléments de preuve relatifs à la composition

  7   ethnique de Gracac… la Chambre de première instance conclut que l'attaque

  8   illégale contre les civils et les objets à caractère civil à Gracac ont été

  9   autant de discrimination contre les Serbes de Krajina. En déterminant

 10   l'intention avec laquelle cette attaque illégale a été commise, la Chambre

 11   de première instance a pris en considération le libellé des ordres

 12   d'artillerie de la HV, et le pilonnage délibéré des zones ne trouvait pas

 13   d'objectifs militaires.

 14   "La Chambre de première instance a également considéré ses conclusions dans

 15   les chapitres 5.2," et cetera, et cetera.

 16   "La Chambre de première instance considère que l'attaque illégale contre

 17   les civils et les objets à caractère civil a été commise dans le contexte

 18   d'une attaque plus large et discriminatoire contre les Serbes de la

 19   Krajina…," décrite au chapitre 5.2.2.

 20   "La Chambre de première instance conclut que l'attaque illégale contre les

 21   civils et les objets à caractère civil à Gracac a été menée avec intention

 22   de discriminer pour des raisons politiques, raciales ou politiques [comme

 23   interprété]."

 24   Donc, là, il y a deux choses que l'on peut déduire. Vous avez deux

 25   déductions : une attaque illégale égale discrimination étant donné, en

 26   fait, qu'il s'agissait essentiellement de Serbes dans ces zones, parce que

 27   les civils croates avaient fait l'objet d'un nettoyage ethnique en 1991. Ou

 28   si nous voulons prendre l'argument de façon contraire, si nous supposons


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  1   avoir trouvé une réponse à votre question 4, il faut savoir que s'il n'y a

  2   pas d'attaque illégale, il n'y a pas de discrimination; s'il n'a pas

  3   d'attaque illégale, il n'y a pas de persécution; s'il n'y a pas d'attaque

  4   illégale, il n'y a pas de crime contre l'humanité; s'il n'h a pas d'attaque

  5   discriminatoire, il n'y a pas de discrimination; et s'il n'y a pas

  6   d'intention de discriminer, il n'y a pas d'attaque illégale avec entreprise

  7   criminelle commune et il n'y a donc pas d'entreprise criminelle commune

  8   débouchant sur la persécution. Donc vous voyez que tout s'écroule. Tous les

  9   crimes sous-jacents disparaissent.

 10   Alors j'aimerais vous expliquer les autres encadrés. A droite de

 11   l'encadré Brioni, vous voyez qu'il est écrit : "Ceux qui ont donné l'ordre

 12   des frappes d'artillerie l'ont fait avec l'intention d'expulser," et vous

 13   voyez les références aux différents chapitres. Et cette conclusion,

 14   également, est entièrement tributaire, une fois de plus, de la conclusion

 15   relative à l'attaque illégale. Et cela est clair à la lecture des

 16   paragraphes 1 746 et 1 757.

 17   Le paragraphe 1 746, je cite :

 18   "La Chambre a pris en considération plusieurs paramètres pour déterminer si

 19   la HV et les forces de police spéciale qui ont bombardé ces quatre villes

 20   les 4 et 5 août 1995 l'ont fait avec l'intention de déplacer par la force

 21   les personnes de la ville. Premièrement, la Chambre de première instance

 22   rappelle ses conclusions au chapitre 5.8.2(i) suivant lesquelles la HV et

 23   la police spéciale ne se sont pas limitées à pilonner ou bombarder les

 24   zones avec présence d'objectifs militaires, mais ont également délibérément

 25   ciblé des zones civiles dans ces villes et ont traité ces villes elles-

 26   mêmes comme des cibles de leurs tirs d'artillerie.

 27   "Dans le même chapitre, la Chambre de première instance conclut que

 28   l'attaque illégale contre les civils et les objets à caractère civil dans


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  1   ces villes a été menée avec intention de discrimination contre les Serbes

  2   en Krajina pour des raisons politiques, raciales ou religieuses. La Chambre

  3   de première instance fait référence, qui plus est, aux éléments de preuve

  4   pris en considération dans le chapitre 6.2.7 eu égard à l'existence et à

  5   l'objectif d'une entreprise criminelle commune, et notamment aux éléments

  6   de preuve relatifs à la réunion du 31 juillet 1995 de Brioni."

  7   Donc la réunion de Brioni a également été prise en considération

  8   compte tenu à l'attaque illégale.

  9   "Au vu des éléments de preuve présentés ci-dessus et des conclusions,

 10   la Chambre de première instance conclut que la HV et les forces de la

 11   police spéciale qui ont bombardé Benkovac, Gracac, Knin et Obrovac l'ont

 12   fait avec l'intention de déplacer par la force les personnes de ces

 13   villes."

 14   Le paragraphe 1 757 indique que même s'il y a ce que j'appelle des crimes

 15   qui "ne sont pas des crimes provoqués par l'artillerie," on a encore repris

 16   la conclusion relative à l'attaque illégale.

 17   Je disais donc que même les crimes qui ne sont pas des crimes

 18   provoqués par les artilleurs ont été commis de façon intentionnelle.

 19   Vous allez avoir le 1 757 sur vos écrans, qui indique que :

 20   "La Chambre a considéré plusieurs facteurs pour déterminer si les

 21   membres des forces militaires croates et de la police spéciale qui ont

 22   commis les crimes qui ont pour conséquence le déplacement sous la

 23   contrainte des victimes et des témoins à ces crimes l'ont fait avec

 24   l'intention de déplacer par la force ces personnes."

 25   Et comme le veut la coutume :

 26   "La Chambre de première instance rappelle ses conclusions dans le

 27   chapitre 5.8.2, conclusions suivant lesquelles les auteurs ont commis ces

 28   crimes avec l'intention de discriminer contre les Serbes de la Krajina… la


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  1   Chambre de première instance a tenu compte, de surcroît, de ses conclusions

  2   dans les mêmes chapitres suivant lesquels ces crimes ont été commis et

  3   s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque contre une population civile.

  4   Cette attaque incluait l'expulsion des Serbes de la Krajina" des quatre

  5   villes en question "par le moyen d'une attaque illégale…"

  6   Et je vous dirai également, d'ailleurs, que nous avons un encadré séparé

  7   qui indique que "des crimes qui ne faisaient pas partie du bombardement ont

  8   également été commis avec intention d'expulser les gens."

  9   Et nous voyons en fait comment cela est écrit dans ce paragraphe 1

 10   757.

 11   Donc nous avons maintenant réglé, en quelque sorte, le sort de ces

 12   crimes. Et nous avons encore un tout dernier encadré en bas qui est

 13   intitulé : "Les personnes qui ont mené les frappes aériennes l'ont fait

 14   avec l'intention de persécuter." Paragraphe 1 936. En fait, là encore, nous

 15   concluons que -- nous constatons surtout que la conclusion en question

 16   émane directement de la conclusion relative à l'attaque illégale,

 17   paragraphe que nous avons d'ailleurs déjà pris en considération.

 18   Donc, pour résumer, vous voyez en fait que toutes les conclusions

 19   essentielles qui ont un lien avec les crimes de l'entreprise criminelle

 20   commune - expulsion, persécution, crimes contre l'humanité - tombent. Ainsi

 21   que les conclusions relatives aux crimes qui ne sont pas des crimes commis

 22   par l'artillerie.

 23   Donc, s'il n'y a pas de bombardement illégal, il n'y a pas de crime dans le

 24   cadre de l'entreprise criminelle commune. En fait, la conclusion relative

 25   au bombardement illégal est si pernicieuse, en quelque sorte. Elle se

 26   retrouve partout dans le jugement, à telle enseigne qu'elle a poussé la

 27   Chambre à ne pas croire à l'appel lancé par le président Tudjman aux Serbes

 28   qui leur demandait de rester dans leurs foyers, que vous trouverez au


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  1   paragraphe 2 051.

  2   En fait, la Chambre a indiqué qu'il fallait traiter avec beaucoup de

  3   circonspection cette déclaration destinée aux Serbes, déclaration de

  4   Tudjman, et qu'en fait, il fallait la considérer compte tenu de la

  5   conclusion relative à l'attaque illégale. Et il est indiqué :

  6   "Au vu de ces éléments présentés ci-dessus, il faut prendre avec beaucoup

  7   de prudence la déclaration de Tudjman à l'époque."

  8   Donc, sans la conclusion relative à l'attaque illégale, il n'y a pas de

  9   raison de supposer que l'appel de Tudjman n'était pas un appel honnête

 10   destiné aux Serbes, appel par lequel il les exhortait à rester chez eux. Et

 11   c'est une interprétation très raisonnable des éléments de preuve que de

 12   fournir cette interprétation.

 13   Si vous prenez maintenant les deux encadrés qui se trouvent au milieu du

 14   tableau, vous voyez que nous avons dans un premier temps Markac, indiqué

 15   par MM, dont il est indiqué qu'il a participé à l'attaque illégale et qu'il

 16   a participé également aux discussions de Brioni.

 17   Donc, regardez le premier encadré sur la gauche, où il est indiqué que

 18   Markac a participé à l'attaque illégale, les paragraphes 2 580 et 2 583.

 19   Et, en fait, vous ne pouvez pas participer à une attaque si elle n'existe

 20   pas. Donc, s'il n'y avait pas eu d'attaque illégale, Markac n'aurait pas

 21   participé à ladite attaque.

 22   Et puis, l'autre encadré indique que Markac a participé aux discussions de

 23   Brioni. Alors, bien entendu, il n'y a absolument rien de criminel à

 24   participer à une discussion. Brioni ne portait pas sur l'entreprise

 25   criminelle commune. Markac était, certes, présent à Brioni, mais il a

 26   participé aux débats, à la discussion de façon tout à fait innocente. Donc,

 27   utiliser la participation de Markac à Brioni tel que l'a fait la Chambre de

 28   première instance pour en conclure à la responsabilité dans le cadre de


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  1   l'entreprise criminelle commune me semble être un argument assez ténu.

  2   Donc vous avez une fois de plus ces deux encadrés qui dépendent de la

  3   conclusion relative à l'attaque illégale. Parce qu'il faut savoir que

  4   Brioni a toujours été interprétée par la Chambre de première instance

  5   "compte tenu des événements qui ont suivi" la réunion de Brioni. Je vous

  6   renvoie aux paragraphes 2 580 [comme interprété], 2 583 [comme interprété]

  7   et 1 971 [comme interprété].

  8   Et d'ailleurs, la Chambre n'a pas dégagé cette conclusion de façon

  9   fortuite. Parce que la Chambre a dû s'écarter de la réunion de Brioni pour

 10   faire référence ensuite aux événements consécutifs parce qu'il n'y a rien

 11   dans le compte rendu qui indique qu'il y avait bel et bien entreprise

 12   criminelle commune. Il n'est pas mentionné que l'on empêche les Serbes de

 13   revenir, par exemple. Ce qui semblerait être apparemment l'un des objectifs

 14   essentiels de l'entreprise criminelle commune.

 15   Il faut savoir qu'il y a eu une réunion -- par exemple, lors de la

 16   dictature argentine, il y a eu une réunion où il a été dit clairement, Nous

 17   allons exterminer les communistes. Là, il s'agissait d'une entreprise

 18   criminelle. Il en va de même d'une réunion à propos de l'extermination des

 19   Juifs européens avant la Deuxième Guerre mondiale. Mais rien de cela ne

 20   s'est passé à Brioni. Il s'agissait d'une réunion opérationnelle militaire

 21   destinée à préparer l'opération Tempête, une opération qui, comme la

 22   Chambre l'a conclu, tout comme l'Accusation l'a reconnu, était une

 23   opération militaire. Et l'Accusation a dit que l'opération Tempête ne

 24   posait pas véritablement de problème, la différence étant qu'ils ont

 25   indiqué que l'entreprise criminelle commune faisait partie de l'opération

 26   Tempête.

 27   Donc nous commençons maintenant à voir comment, à partir du bas de mon

 28   tableau, on construit petit à petit cette thèse, cette théorie de


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  1   l'entreprise criminelle commune qui débouche sur la responsabilité de

  2   Markac dans le cadre de l'entreprise criminelle commune. Donc, là, nous

  3   sommes au niveau des quatre encadrés en haut de la page. Markac a contribué

  4   de façon importante à l'entreprise criminelle commune. Notamment, il n'a

  5   pas prévenu et n'a pas su punir. Markac faisait partie de l'entreprise

  6   criminelle commune. Markac avait l'intention de contribuer à l'entreprise

  7   criminelle commune et Markac a partagé l'objectif de l'entreprise

  8   criminelle commune.

  9   Donc Markac, pour reprendre le premier encadré, a participé de façon

 10   importante à l'entreprise criminelle commune. Markac a participé à

 11   l'attaque illégale. Mais s'il n'y a pas eu d'attaque illégale, cela

 12   signifie que Markac n'avait pas participé à une attaque illégale. Et si

 13   Markac n'avait pas participé à une attaque illégale, alors il n'a pas

 14   contribué considérablement à l'entreprise criminelle commune.

 15   Ce qui nous laisse les trois derniers encadrés, que je vais continuer à

 16   examiner l'un après l'autre.Je cite :

 17   "La Chambre de première instance va maintenant déterminer si Markac a

 18   partagé l'objectif de l'entreprise criminelle commune et si, par ses actes

 19   et ses omissions, il avait l'intention d'y contribuer. Markac a participé à

 20   la réunion de Brioni et il a participé activement à la planification de

 21   l'opération Tempête."

 22   Je m'arrête là. Le fait de planifier l'opération Tempête n'a rien de

 23   répréhensible. Même l'Accusation l'admet. Et la participation à la réunion

 24   de Brioni n'a rien de répréhensible si l'on laisse de côté la conclusion

 25   relative au caractère illégal de l'attaque.

 26   Alors, lorsque la Chambre discute les ordres d'artillerie, elle

 27   poursuit huit lignes plus bas, je cite :

 28   "La Chambre de première instance a estimé au chapitre 5.8.2(i)," c'est le


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  1   chapitre que je vous ai demandé de regarder parce qu'il a un rôle tout à

  2   fait important au sujet du caractère illégal de l'attaque, "qu'il y avait

  3   des ordres qui avaient été émis pour viser des villes entières, y compris

  4   Gracac, au moment où les projectiles d'artillerie seraient lancés dans le

  5   cadre de l'opération Tempête."

  6   Ces ordres ont été estimés illégaux uniquement au vu de la conclusion

  7   relative au caractère illégal de l'attaque. C'est ce qu'on voit au

  8   paragraphe 1 911, relatif à Knin; au paragraphe 1 927, relatif à Gracac; et

  9   au paragraphe 1 945 du jugement, relatif à Obrovac.

 10   Je poursuis, je cite :

 11   "Considérant que l'objectif assigné à la réunion du 3 août 1995 à Zadar

 12   était de coordonner les tirs d'artillerie, la Chambre de première instance

 13   estime que la seule interprétation raisonnable des éléments de preuve

 14   consiste à dire que Markac, durant cette réunion, avait connaissance de la

 15   nature qui était celle des opérations d'artillerie planifiées."

 16   Je m'arrête là. Si la nature des opérations d'artillerie était légale, il

 17   n'y a rien de répréhensible à être au courant de la nature de ces

 18   opérations.

 19   La Chambre de première instance poursuit par les mots suivants, je cite :

 20   "Sur cette base, la Chambre de première instance estime que Markac avait

 21   connaissance de ce qui était en cause lorsqu'il a ordonné l'attaque

 22   d'artillerie contre Gracac, qui constituait une attaque illégale contre des

 23   civils et des objets civils."

 24   Je m'arrête là. Aucune attaque illégale ne signifie que l'on n'ait pas

 25   connaissance du caractère illégal de l'attaque.

 26   "Si l'intention de Markac est ainsi démontrée, intention de

 27   contribuer à l'objectif de l'entreprise criminelle commune," le fait

 28   d'avoir l'intention de faire quelque chose ne signifie pas qu'on y a


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  1   contribué.

  2   "Au vu de cette conclusion," au vu de cette conclusion qui signifie

  3   que toutes les autres conclusions sont erronées, on n'est toujours arrivé

  4   nulle part. Je poursuis la lecture du jugement, je cite :

  5   "Compte tenu de cette conclusion, la Chambre de première instance

  6   estime que les omissions dues à Markac par rapport aux crimes commis par la

  7   police spéciale à Gracac et à Donji Lapac, ainsi que le rôle actif qu'il a

  8   joué pour couvrir les crimes commis à Ramljane et ailleurs, ont également

  9   eu pour objectif de contribuer à l'objectif commun. Sur cette base," et

 10   j'ajouterais cette base erronée, "la Chambre de première instance a estimé

 11   que Markac avait un état d'esprit qui était favorable à la commission des

 12   crimes faisant partie de l'objectif criminel commun. Considérant tout ce

 13   qui précède," et également le fait que tout ce qui précède est erroné

 14   puisque les éléments se construisent les uns sur les autres, "la Chambre de

 15   première instance estime que Markac était membre de l'entreprise criminelle

 16   commune." Et cette conclusion doit tomber.

 17   "La Chambre de première instance estime que Markac avait l'intention

 18   de commettre les actes qui ont constitué une contribution à l'entreprise

 19   criminelle commune."

 20   Tout ceci tombe. Vous pouvez tirer une ligne sur le paragraphe 2 583

 21   car il est erroné, et tout ce qui concerne la responsabilité de l'accusé

 22   dans ce paragraphe est erroné. Les dernières phrases doivent être

 23   supprimées, car tout ce qui s'est passé avant la rédaction de ces phrases

 24   est erroné puisque le caractère illégal est erroné.

 25   Donc vous avez ce passage, et je l'indique avec tout le respect que

 26   je dois à la Chambre, mais l'élément de responsabilité dans le cadre de

 27   l'entreprise criminelle commune, mais que la conclusion d'un certain nombre

 28   d'éléments qui se sont construits les uns sur les autres d'une façon tout à


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  1   fait circulaire, un argument étayant l'argument précédent et permettant à

  2   l'argument suivant de l'étayer. Donc la Chambre de première instance ne

  3   faisait que se convaincre elle-même par une suite d'éléments qui se

  4   prouvaient les uns les autres. Toutes ces conclusions doivent donc tomber.

  5   Si nous regardons les trois derniers encadrés sur le tableau relatif

  6   à Markac indiquant qu'il aurait été membre de l'entreprise criminelle

  7   commune, qu'il aurait eu l'intention de contribuer à cette entreprise

  8   criminelle commune, qu'il aurait partagé l'objectif de l'entreprise

  9   criminelle commune, eh bien, nous voyons que toutes les flèches qui

 10   figurent dans ce tableau montrent que la Chambre s'est servie de ces

 11   éléments de construction pour s'étayer les uns les autres. Toutes les

 12   conclusions reposent sur la précédente et permettent de conclure ce qui

 13   suit, mais finalement tout repose sur l'argument du caractère illégal de

 14   l'attaque.

 15   Une autre métaphore pourrait être utile pour évaluer le jugement qui

 16   se défait comme un tricot dès lors qu'une maille se défait. Nous avons

 17   cette menace qui a été créée par l'omniprésence de l'armée croate. Tous les

 18   éléments du jugement, où que ce soit vous les regardiez, reposent sur

 19   l'élément central qui est le caractère illégal de l'attaque. Tout se

 20   construit autour de cet élément. Et chaque fois que vous voulez évaluer un

 21   paragraphe du jugement, vous vous retrouvez face à cet argument du

 22   caractère illégal de l'attaque.

 23   La Chambre de première instance n'a pas hésité à se prononcer comme

 24   elle l'a fait, elle n'a pas hésité à constituer comme élément central de

 25   son jugement le caractère illégal de l'attaque. Sur la base de ce qui vient

 26   d'être dit, l'Accusation a décrit dans son mémoire en appel la situation

 27   comme elle l'a décrite. Et par rapport à Gotovina et à Markac, ce contexte

 28   est beaucoup trop étroit. Si la Chambre de première instance pouvait


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  1   aujourd'hui reprendre ces évaluations devant vous, je suis sûr qu'elle

  2   admettrait, comme l'Accusation ne le fait pas, que cette conclusion du

  3   caractère illégal de l'attaque donne comme conséquence la participation à

  4   l'entreprise criminelle commune. Et la réponse à la quatrième question

  5   posée par la Chambre doit être un non tout à fait ferme.

  6   Je tiens à dire -- j'ai encore pas mal de temps. J'ai donc expliqué

  7   le tableau. Il y a encore quelques questions qui ont été posées

  8   précédemment, et j'aimerais avoir le temps de les traiter.

  9   D'abord, ce matin, le Président de la Chambre a posé une question au

 10   sujet des accusations relatives à des crimes opportunistes. Des cibles

 11   opportunistes, en fait, pour être précis. J'aimerais apporter une réponse à

 12   cette question.

 13   Si l'on reprend les éléments de preuve, on constate qu'il n'y a pas

 14   de cibles opportunistes, et ceci permet de résoudre tous les doutes en

 15   faveur de l'accusé. Par conséquent, si l'on va dans le sens contraire, on

 16   enfreint la présomption d'innocence. C'est la réponse que je ferais à la

 17   question de la Chambre.

 18   S'agissant maintenant de cette règle de 200 mètres qui a été prise en

 19   compte par la Chambre de première instance, elle avait pour but de

 20   discréditer la déposition de Rajcic. C'était un témoin de l'Accusation, il

 21   convient de le souligner. C'était donc un témoin à charge. Et il a été

 22   indiqué que l'ordre consistant à traiter des villes entières comme des

 23   cibles a été interprété par lui et par chacun jusqu'au niveau inférieur de

 24   la hiérarchie comme signifiant qu'il fallait tirer des salves d'artillerie

 25   sur des cibles légitimes, prédéterminées, alors qu'en fait ces tirs étaient

 26   sans discrimination. Donc nous disons que la Chambre de première instance

 27   s'est appuyée sur sa déposition comme étant crédible. Et donc, Rajcic est

 28   considéré comme crédible quand cela convient à la Chambre de première


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  1   instance, mais dans le cas contraire il est considéré comme un faux témoin.

  2   Autrement dit, la déposition d'un témoin à charge consiste à dire que

  3   des ordres de tir d'artillerie ont été interprétés d'une façon déterminée,

  4   et cette interprétation corroborerait l'ordre de tirer sur des villes

  5   entières. Cet ordre qui descend jusqu'au niveau hiérarchique inférieur le

  6   long de la chaîne de commandement, par conséquent, ne mène nulle part si,

  7   en réalité, chacun interprétait l'ordre en question comme signifiant qu'il

  8   convenait de tirer sur des cibles légitimes prédéterminées.

  9   La Chambre de première instance a établi un lien entre cet élément et la

 10   limite de 200 mètres qui a été adoptée par elle. Nous posons là une

 11   question relative au logique du raisonnement. La règle des 200 mètres est

 12   une règle qui ne concerne que les cibles militaires. Il est dit ici qu'il

 13   s'agit d'une cible militaire et que, dans ce cas, il faut que l'obus tombe

 14   au maximum à une distance de 200 mètres de cette cible militaire. Mais ceci

 15   ne permet pas d'aboutir aux trois autres résultats qui ont déjà été cités,

 16   à savoir que ce qui était visé, c'était une cible civile. Simplement parce

 17   que la cible civile c'est le négatif d'une cible militaire. Un désert n'est

 18   pas un objet civil, n'est-ce pas ? Et pourtant, les obus sont tombés dans

 19   des champs déserts, ce qui ne semble par conforté par la logique.

 20   Il y a donc une erreur fondamentale dans tout cela parce que -- si l'on dit

 21   qu'un chat n'est pas un mammifère, on peut également dire qu'un mammifère

 22   n'est pas un chat parce qu'il n'est pas un chat, et c'est une forme de

 23   raisonnement erroné. On trouve ici, dans le cadre de la Chambre de première

 24   instance, la même erreur de raisonnement appliquée à cette limite de 200

 25   mètres pour déterminer le caractère légitime ou pas d'une cible. Si la

 26   cible visée n'est pas dans un rayon de 200 mètres, alors elle n'est pas

 27   légitime. Or, il y a toutes sortes d'explications qui permettraient de

 28   comprendre pourquoi cette cible se situait en dehors de la limite de 200


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  1   mètres. C'est l'argument qui est développé au paragraphe 18 du mémoire en

  2   appel de Gotovina, qui évoque ces autres explications possibles. Je cite :

  3   "La Chambre de première instance a omis de prendre en compte les

  4   explications raisonnables suivantes eu égard au fait que des projectiles

  5   ont atterri à une distance supérieure à 200 mètres de cibles d'artillerie

  6   connues : d'abord, la marge d'erreur du système d'armes utilisé était

  7   supérieure à 200 mètres; ensuite, l'armée croate a tiré sur des cibles qui

  8   avaient un caractère tactique inconnu par Rajcic et qui, donc, pouvaient

  9   constituer de nouveaux objectifs militaires; troisièmement, il y avait

 10   d'autres cibles militaires qui n'étaient pas identifiées dans les éléments

 11   de preuve; quatrième argument, le lieu où les obus ont atterri peut être

 12   explicable par d'autres arguments, et en particulier par un mauvais

 13   fonctionnement du système d'armes ou de munitions."

 14   Donc, voilà toute une série d'explications qui pourraient permettre

 15   d'annuler les conclusions de la Chambre de première instance sans renverser

 16   la charge de la preuve.

 17   Toutes mes excuses pour la rapidité de mon débit.

 18   M. le Juge Pocar a demandé à l'Accusation ce qui se passerait si l'attaque

 19   n'avait visé que des cibles militaires, si, dans ce cas, l'Accusation

 20   continuerait à parier de crime. Et l'Accusation a répondu par

 21   l'affirmative, en invoquant les dommages collatéraux. On ne peut pas parler

 22   de dommages collatéraux en dehors d'événements survenus accidentellement,

 23   mais pas en présence d'événements survenus délibérément. Par définition,

 24   d'où vient la règle qui est invoquée par l'Accusation ? D'où est-ce qu'elle

 25   tire cette règle applicable au droit humanitaire international ? Je n'ai

 26   jamais eu sous les yeux une règle quelconque qui irait dans ce sens et que

 27   j'aurais trouvée dans les commentaires aux conventions de Genève. Ceci

 28   montre que l'Accusation peut adopter telle ou telle position par rapport au


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  1   droit humanitaire international dans un cas et une position contraire dans

  2   un autre cas. Maintenant, l'Accusation soutient que l'entreprise criminelle

  3   commune s'est servie de moyens illégaux, et uniquement de moyens illégaux,

  4   mais tout dépend du fait de savoir si les civils sont partis ou pas. Si

  5   l'Accusation dit, Vous n'avez pas commis les crimes les plus graves, étant

  6   donné la réalité de la situation, mais j'espère que les civils vont partir.

  7   Pour donner un caractère légal à ce pilonnage, et que ce n'est pas le

  8   cas, le pilonnage se transforme en crime. Crime de guerre ou crime contre

  9   l'humanité. Mais que pense l'Accusation ? Qu'est-ce qu'elle a à l'esprit

 10   lorsqu'elle parle de crimes en se fondant uniquement sur l'intention et pas

 11   sur la réalité des faits ? L'Accusation monte sa thèse contre Gotovina et

 12   Markac le jour de l'audience en appel. Mais les cibles sont toujours prises

 13   en considération pour prononcer la culpabilité.

 14   Donc des indications fournies actuellement diffèrent complètement de

 15   celles qui ont été données précédemment. On déplace simplement les divers

 16   lieux de quelques mètres dans un sens ou dans l'autre, en profondeur

 17   également, de façon à étayer l'argument qui est donné au départ. Je propose

 18   aux Juges de la Chambre d'appel de ne pas se lancer sur ce chemin

 19   malheureux.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que souhaiter la mort d'un

 21   souverain est un crime en droit coutumier.

 22   M. JONES : [interprétation] Oui. Dans ce cas-là, c'est sans doute un acte

 23   punissable.

 24   Mais il a été dit également qu'il n'y aurait pas eu plan criminel si

 25   le départ des civils avait été imprévisible et aléatoire. Je ne vois pas en

 26   quoi le droit humanitaire international intervient dans ce raisonnement.

 27   Donc il faudrait que le côté prévisible ou imprévisible soit prouvé. Si

 28   vous ne pouvez pas le prévoir, vous n'êtes pas responsable, donc vous


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  1   fermez les yeux, mais vous pouvez néanmoins imaginer que les civils vont

  2   partir. Est-ce que cela signifie que vous ne pouvez pas lancer une attaque

  3   illégale parce que vous avez prévu la conséquence de cette attaque ? En

  4   fait, tout ceci sert à créer un élément moral à l'appui du caractère

  5   illégal que vous voulez imputer à l'attaque. Or, cela n'a rien de contraire

  6   au droit international humanitaire ou au principe en vigueur dans le droit

  7   pénal, sauf si des éléments de preuve supplémentaires sont apportés.

  8   J'en resterai là pour ma part, et je vais maintenant donner la parole à mon

  9   confrère, Me Kuzmanovic, à moins qu'il y ait des questions des Juges.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 11   les Juges.

 12   Aujourd'hui, je m'intéresserai avant tout aux questions 2 et 3, à savoir

 13   s'il convient de retenir la décision de la Chambre de première instance sur

 14   les lieux d'impact si le fait d'appliquer la marge d'erreur de 200 mètres

 15   est erroné; et puis, la question numéro 3, si la conclusion de la Chambre

 16   de première instance sur les attaques illégales d'artillerie, donc si elle

 17   doit être retenue à partir du moment où la conclusion qui concerne les

 18   lieux d'impact est considérée comme étant erronée.

 19   Alors, s'agissant de la première question, nous allons vous répondre par

 20   l'affirmative de manière très claire.

 21   Pour ce qui est des questions 2 et 3, s'agissant des lieux d'impact

 22   et la règle des 200 mètres, nous allons répondre par la négative de manière

 23   très claire.

 24   Alors le Juge Güney a posé une question très intéressante aujourd'hui, page

 25   89, lignes 3 à 7 : était-il non raisonnable de la part de la Chambre de

 26   première instance de déduire que les zones où il n'y avait pas d'objectifs

 27   militaires étaient des zones à caractère civil ?

 28   Et la réponse à cette question est : Oui, c'était tout à fait non


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  1   raisonnable. Je vous expliquerai pourquoi.

  2   La deuxième partie de la question était : est-ce que l'on peut

  3   déduire de la nature civile de la déclaration générale sans qu'il y ait

  4   d'éléments de preuve à l'appui ?

  5   La réponse à cela est : Non, le caractère civil ne peut pas et ne

  6   doit pas être déduit parce que cela inverse la charge de la preuve.

  7   Nous l'avons bien vu dans l'affaire Blaskic, c'est l'Accusation qui

  8   doit assumer la charge de la preuve, démontrer qu'un objet avait une

  9   fonction civile.

 10   Donc la réponse à la question du Juge Güney peut s'illustrer par

 11   l'analyse qu'apporte la Chambre de première instance des attaques

 12   d'artillerie sur les cibles de Gracac.

 13   Voyons les paragraphes 1 927 à 1 932 du jugement de la Chambre de

 14   première instance lorsqu'il est question de Gracac. Au début, la Chambre

 15   dit, et je cite :

 16   "Jusqu'à 150 obus sont tombés sur Gracac et à proximité immédiate le

 17   jour du 4 août 1995."

 18   Paragraphe 1 928 du jugement. La Chambre n'explique pas exactement

 19   comment elle a atteint ce chiffre, mais c'est ce chiffre que nous avons et

 20   nous allons partir à partir de là.

 21   La Chambre explique également qu'elle a pu conclure de manière tout à

 22   fait définitive un tout petit nombre de lieux d'impact sur les 150

 23   projectiles. Cela se trouve également au paragraphe 1 928. Nous avons 150

 24   projectiles, nous avons 150 lieux d'impact. Et je pense qu'effectivement,

 25   nous pouvons admettre que c'est la situation à Gracac. Alors, quelle est la

 26   conclusion de la Chambre de première instance au paragraphe 1 934 ? Il dit

 27   qu'une partie considérable de lieux d'impacts concernés étaient des

 28   objectifs civils ou des zones civiles de Gracac. Et ils arrivent à cette


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  1   conclusion en se fondant uniquement sur cinq zones où des objectifs ont été

  2   pris pour cible. Cinq. Donc nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'un

  3   cheminement raisonnable. Alors, voyons le paragraphe 1 934 :

  4   "… le nombre d'objets de caractère civil ou de zones de caractère

  5   civil de Gracac qui ont été pris délibérément pour cible par la HV," et on

  6   ne nous explique pas ces termes, donc on ne désignait pas la notion de

  7   "prendre délibérément pour cible," "peut sembler limité compte tenu du fait

  8   qu'au moins 150 projectiles ont été tirés sur la ville."

  9   La Chambre de première instance réitère aux paragraphes 1 928 et 1 934 du

 10   jugement qu'elle a pu conclure de manière définitive qu'il y a uniquement

 11   les circonstances d'un petit nombre de lieux d'impact par rapport donc à

 12   ces 150 projectiles. Donc, essayons de garder à l'esprit ces deux

 13   qualifications que fait la Chambre pour Gracac. A savoir que, premièrement,

 14   les zones sont limitées, les zones qui ont été couvertes; et ensuite, que

 15   les conclusions définitives finalement ne portent que sur un très petit

 16   nombre de lieux d'impact.

 17   Alors, voyons comment réfléchit la Chambre et qu'a-t-elle fait pour arriver

 18   à ces conclusions pour déterminer s'il s'agissait d'une attaque légale ou

 19   illégale lorsqu'on parle de l'attaque sur Gracac.

 20   Prenons d'abord le paragraphe 1 929, première zone d'impact, la Chambre de

 21   première instance dit :

 22   "… les projectiles d'artillerie ont touché un poste de police de

 23   Gracac…"

 24   Alors on ne dit pas combien de projectiles, mais la Chambre estime que les

 25   projectiles ont touché leur cible.

 26   La deuxième zone d'impact, dans le même paragraphe, alors c'est le poste de

 27   commandement de la Brigade de Gracac. Et on ne discute pas du nombre

 28   d'impacts. Donc, pour ces deux premières zones d'impact, nous n'avons


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  1   absolument pas mention faite de zones civiles ou de cibles civiles.

  2   Alors, prenons le jugement en son paragraphe 1 930, une maison près de

  3   l'usine qui était un dépôt militaire serbe. On nous dit un lieu d'impact ou

  4   plusieurs, cela n'est pas défini. Et la Chambre de première instance a

  5   déterminé que dans cette troisième zone d'impact, les tirs sur ce dépôt

  6   auraient permis d'acquérir un avantage militaire tout à fait clair.

  7   Alors la quatrième zone maintenant, paragraphe 1 931, dix à 20 impacts au

  8   niveau d'un carrefour, et la Chambre arrive à la conclusion que là encore

  9   cela aurait donné un avantage militaire tout à fait clair.

 10   Donc nous avons quatre zones d'impact avec soit des cibles militaires, soit

 11   des zones où le fait de tirer dessus aurait permis d'acquérir un avantage

 12   militaire.

 13   Prenons maintenant la zone numéro 5, paragraphe 1 932. Plusieurs

 14   projectiles. Alors plusieurs, cela veut dire plus qu'un, n'est-ce pas ?

 15   Généralement moins que cinq, dirais-je. Six, c'est une demi-douzaine, donc

 16   disons moins que six. Et nous avons un témoin, Gacesa, qui a déposé ici,

 17   une dame qui a dit qu'elle s'est trouvée à 300 mètres d'une cible de

 18   Jagoda, une liste.

 19   La sixième zone d'impact sont des projectiles d'artillerie. Alors, là

 20   encore, on ne sait pas combien il y en a, et c'est un témoin qui nous dit

 21   que cet endroit - c'est le Témoin Steenbergen - qui nous dit que c'était

 22   juste à 800 mètres d'une cible militaire qui était visée.

 23   Et donc, nous avons 150 lieux d'impact et projectiles. Une à quatre

 24   de ces zones d'impact qui ont été analysées ont constitué des objectifs

 25   légitimes, objectifs militaires légitimes ou permettant d'acquérir un

 26   avantage militaire tout à fait clair. La cinquième zone d'impact se trouve

 27   à une distance de 300 mètres, donc correspond à l'estimation de la marge

 28   d'erreur de Leslie. Et la sixième concerne Gracac et se situe à 450 à 800


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  1   mètres de la cible.

  2   Donc les conclusions qui ont été tirées par les Juges de la Chambre

  3   de première instance en se fondant sur l'analyse de ces six zones d'impact

  4   sur 150 projectiles consistent à dire qu'à Gracac on a délibérément pris

  5   pour cible des zones civiles, en se fondant donc sur les conclusions basées

  6   sur l'examen de ces six zones d'impact.

  7   Et cela n'est pas raisonnable.

  8   Le seul témoin qui a déposé là-dessus est Josip Turkalj, donc c'était

  9   un témoin de l'Accusation, au paragraphe 1 437. Il a déposé au sujet des

 10   cibles de la police spéciale dans Gracac et dans les environs, et il a dit

 11   que l'objectif était de neutraliser la cible et de minimiser les dégâts

 12   collatéraux. Paragraphe 1 435.

 13   En fait, Turkalj a déposé en disant qu'il a eu un entretien avec le

 14   général Markac la veille du début de l'opération, et il dit que le général

 15   Markac lui a dit, et je le cite :

 16   "Lorsqu'on sélectionne les cibles, faites le nécessaire pour que l'on

 17   ne porte pas atteinte aux civils."

 18   Et Turkalj a déposé non seulement au sujet des cibles dans Gracac

 19   même et dans les environs, mais au sujet de toute la zone ou le long de

 20   l'axe d'attaque de la police spéciale jusqu'à Donji Lapac, donc depuis le

 21   mont Velebit.

 22   Maintenant, la Chambre de première instance arrive à la conclusion

 23   suivante : une proportion significative des zones d'impact était des objets

 24   de caractère civil ou des zones de caractère civil, et lorsqu'elle arrive à

 25   cette conclusion en se fondant sur les six zones d'impact qu'elle a

 26   analysées, elle ne fait pas un raisonnement raisonnable. Celui-ci n'est pas

 27   étayé par ses propres exemples. Nous avons la déposition de Turkalj au

 28   sujet de la sélection des cibles et des cibles militaires qui étaient


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  1   choisies à Gracac et dans les environs. Et le fait qu'il n'y a pas eu de

  2   morts de civils dans la ville ou dans les environs de Gracac, pas de preuve

  3   de morts de civils en tant que résultat de tirs d'artillerie, pas de dégâts

  4   collatéraux non raisonnables à Gracac dus à l'artillerie, donc dans toute

  5   cette analyse de l'attaque menée sur Gracac, donc il n'est pas raisonnable

  6   d'arriver à la conclusion qu'il s'agit d'une attaque illégale menée contre

  7   des objets de caractère civil et que c'était une attaque systématique et

  8   généralisée. Cette conclusion doit être annulée.

  9   [La Chambre d'appel se concerte]

 10   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une question du Juge Robinson.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

 12   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur 150 projectiles qui ont été

 13   tirés sur Gracac, vous nous avez dit que la Chambre de première instance en

 14   a examiné six. En fait, elle a examiné six zones d'impact.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Exact.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que cela n'était pas

 17   raisonnable.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non. Je dis qu'il n'était pas raisonnable

 19   d'arriver à la conclusion que des zones civiles ont été prises pour cible

 20   délibérément sur la base de l'analyse des zones d'impact. Quatre sur les

 21   six étaient des cibles militaires légitimes.

 22   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais est-ce qu'ils auraient pu

 23   arriver à une conclusion raisonnable que ces six zones ont été prises pour

 24   cible délibérément ?

 25   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Sur la base du fait que tant la police

 26   spéciale que la liste de Jagoda avaient des objectifs militaires et que

 27   nous n'avions que d'autres cibles à 400 mètres, ou 450, ou 800 mètres, des

 28   cibles militaires, il n'y a pas de preuve de dégâts collatéraux.


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  1   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et cela ne constituerait pas une

  2   base suffisante --

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pour déterminer, effectivement, que

  4   c'était une attaque illégale. Non, ce n'est pas une base suffisante.

  5   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais justement, donc, ils sont

  6   arrivés à la conclusion que Gracac a été attaquée en tant que ville dans

  7   son ensemble ?

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, en tant que ville dans son ensemble,

  9   sans qu'il y ait de distinction entre zones militaires et civiles. Exact.

 10   Premièrement, sur la base de l'analyse que nous avons mentionnée; deux, le

 11   nombre d'impacts; le nombre de projectiles lancés sur Gracac; quatre, le

 12   fait que quatre sur les six zones qui ont été attaquées étaient des cibles

 13   militaires -- en fait, l'une d'entre elles, si l'on accepte la marge

 14   d'erreur de Leslie, donc les 400 mètres -- en fait, cinq sur six étaient

 15   des cibles militaires légitimes.

 16   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc quatre zones d'impact ont été

 17   sélectionnées par la Chambre, et si la Chambre n'a pas fait d'erreur en

 18   considérant qu'il s'agissait d'une attaque illégale, vous dites qu'il ne

 19   s'agit pas là de conclusion suffisante pour en déduire sur Gracac en tant

 20   que tout.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, cela n'est pas suffisant. Si vous

 22   avez 150 obus d'artillerie, six zones d'impact, tout simplement cela n'est

 23   pas suffisant pour dire que c'est de manière intentionnelle que la police

 24   spéciale et la HV ont attaqué les zones civiles à Gracac.

 25   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est moi.

 27   Un autre point que je souhaitais aborder sur l'entreprise criminelle

 28   commune de catégorie 3 dans la mesure où cela concerne le général Markac.


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  1   Et en particulier, un aspect troublant dans les conclusions qui

  2   concerne donc l'existence de l'entreprise criminelle commune de catégorie 3

  3   par rapport au général Markac, et je vais citer une conclusion en

  4   particulier. Cette conclusion se trouve au paragraphe 

  5   2 586 du jugement. Comme vous le savez, s'il n'y a pas d'entreprise

  6   criminelle commune de catégorie 1, il n'y en a pas non plus de catégorie 3,

  7   mais je voudrais simplement me polariser sur cette conclusion-ci par

  8   rapport à l'intention délictueuse dans la mesure où elle concerne le

  9   général Markac. La Chambre reconnaît que le général Markac a choisi des

 10   forces qui n'étaient pas originaires de la zone où les opérations étaient

 11   menées pour éviter des crimes de vengeance. En d'autres termes, si une

 12   unité était déployée à Gracac ou à Donji Lapac ou où que ce soit ailleurs

 13   où la police spéciale a été déployée pendant l'opération Tempête, le

 14   général Markac disait, Je ne veux pas que ce soit des gars du cru qui

 15   soient déployés, même s'ils connaissent certainement mieux le terrain. Il

 16   voulait que ce soit quelqu'un de l'unité de Vukovar ou d'Osijek, ou d'une

 17   autre unité, parce qu'il voulait éviter toute possibilité qu'il y ait un

 18   crime de vengeance.

 19   Mais ce que la Chambre en déduit, eh bien, c'est complètement

 20   contraire au sens commun. La Chambre constate au paragraphe 2 586 que

 21   Markac, lorsqu'il tente d'empêcher la commission de crimes par cette

 22   manière, démontre en fait que Markac est au courant de la possibilité que

 23   des membres des forces croates armées et de police commettent des crimes de

 24   vengeance.

 25   Mais cela est dénué de sens. Une phrase en amont, la Chambre dit :

 26   Markac a choisi ces hommes "pour éviter des sentiments de vengeance contre

 27   la population et pour éviter un conflit possible." Et donc, c'est là la

 28   base de son intention délictueuse pour l'entreprise criminelle commune de


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  1   catégorie 3. Je dois dire que cela est à mon sens tout à fait

  2   contradictoire. Et je pense que je dois ajouter qu'effectivement, c'est là

  3   l'élément crucial sur lequel se fonde la Chambre en déterminant la

  4   responsabilité du général Markac au titre de l'entreprise criminelle

  5   commune numéro 3.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il s'agit du témoignage du Témoin P82.

  7   Je voudrais vous poser une question là-dessus.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous souviendrez sa déposition.

 10   Vous savez que la Chambre s'est reposée sur cette déposition et que dans ce

 11   contexte elle a souligné le fait que les éléments indiciaires étaient

 12   corroborés.

 13   Puisque cela est tout à fait permis de se reposer sur la déposition

 14   d'un seul témoin, pourquoi est-ce que vous objectez à cela -- aux

 15   conclusions qui en découlent ?

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je ne sais pas si vous souhaitez que l'on

 17   passe à huis clos partiel, parce que c'est à huis clos partiel qu'on en a

 18   parlé.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, ne répondez pas maintenant. Nous

 20   verrons cela plus tard à huis clos partiel.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

 22   C'était le Témoin P82, effectivement. Nous n'avons pas prononcé de

 23   nom…

 24   [La Chambre d'appel se concerte]

 25   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le conseil de Me Markac souhaitait

 26   avoir quelques minutes à huis clos partiel.

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, effectivement, ce serait peut-être

 28   l'occasion de demander --


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  1   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Dans ce cas, nous allons passer à huis

  2   clos partiel et évoquer ces deux dernières questions.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.

  4   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, Monsieur le Greffier, huis clos

  5   partiel, s'il vous plaît. Veuillez nous dire lorsque nous serons à huis

  6   clos partiel.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis

  8   clos partiel.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous sommes en audience publique à

 20   nouveau. Oui.

 21   Donc nous allons faire une pause de 15 minutes.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 56.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Réponse de l'Accusation. Trente

 25   minutes.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Si vous le permettez, juste quelques mots.

 27   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce pertinent ?

 28   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]


Page 165

  1   [La Chambre d'appel se concerte]

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi. Une heure et 30 minutes,

  3   c'est ce que je voulais dire.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Juste quelques mots. Cela a trait au

  5   consentement de mon client.

  6   Puisque nous parlons du consentement de mon client que nous venons

  7   d'évoquer.

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce qu'il nous faut passer a huis

  9   clos partiel ?

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, pas maintenant. Nous n'avons pas

 11   besoin de passer à huis clos partiel. Il consent à ce que son dossier

 12   médical soit mis à la disposition des Juges de la Chambre d'appel.

 13   Malheureusement, il n'a été communiqué qu'au Greffe pour l'instant.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ceci sera modifié, et nous allons

 15   nous pencher dessus.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, vous avez donc 30

 18   minutes.

 19   Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, et bonjour à vous,

 20   Messieurs les Juges.

 21   Je m'appelle Helen Brady, et je suis accompagnée de François Boudreault, M.

 22   Todd Schneider et Mme Ingrid Elliott. Nous allons répondre maintenant à

 23   l'appel de M. Markac.

 24   Tout d'abord, Messieurs les Juges, pour vous donner l'ordre de notre

 25   présentation de cet après-midi, je vais tout d'abord aborder les

 26   conclusions de la Chambre de première instance, à savoir qu'une entreprise

 27   criminelle commune existait aux fins de déplacer de façon permanente les

 28   civils serbes de Krajina, ce qui correspond aux crimes d'expulsion, de


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  1   transfert forcé, de pilonnage illégal ainsi que de mesures restrictives ou

  2   discriminatoires. Ce qui répond directement au premier motif d'appel, le

  3   point A.

  4   Et au cours de la présentation de mes arguments à propos de l'entreprise

  5   criminelle commune, je vais évoquer les conclusions de la Chambre de

  6   première instance et je vais parler des attaques d'artillerie illégales qui

  7   ont eu lieu pendant l'opération Tempête, à savoir conformément aux

  8   constatations de la Chambre de première instance. Cependant, Messieurs les

  9   Juges, je vais brièvement aborder les constatations relatives à

 10   l'entreprise criminelle commune en me fondant sur votre question numéro 4,

 11   à savoir si la constatation de la Chambre de première instance à propos des

 12   attaques illégales, si ces attaques étaient considérées comme étant

 13   erronées.

 14   Et M. Boudreault va parler de la conclusion de la Chambre de première

 15   instance à savoir que M. Markac était membre de cette entreprise criminelle

 16   commune, qu'il y a contribué de façon significative et qu'il disposait de

 17   l'élément moral requis pour commettre ces crimes.

 18   Et donc, eu égard au pilonnage illégal, mes confrères, M. Stringer et M.

 19   Cross, ont abordé dans le détail cette question et ont répondu de façon

 20   exhaustive aux points 1, 2 et 3, et nous allons donc aborder ces questions-

 21   là assez brièvement et adopter le point de vue qui a été présenté ce matin.

 22   Cependant, M. Schneider va, en quelques mots, aborder cette question-là à

 23   la lumière des arguments présentés par la Défense de M. Markac.

 24   Et pour finir, Messieurs les Juges, Mme Elliott va répondre en quelques

 25   mots de certains éléments liés aux constatations portant sur l'expulsion, à

 26   savoir que le pilonnage était une des causes, en particulier, directes du

 27   départ de la population serbe de Krajina. Et pour le reste de son moyen,

 28   nous allons nous reposer sur nos mémoires.


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  1   Je vais d'abord aborder la question des constatations à propos de

  2   l'entreprise criminelle commune.

  3   Il y a une seule conclusion qui découle de tous les éléments présentés, à

  4   savoir que pas plus tard que le mois de juillet 1995, un plan criminel

  5   commun existait aux fins de déplacer la population civile serbe de Krajina,

  6   et ce, de façon permanente par le biais de la force et par le biais de

  7   mesures discriminatoires et restrictives. Et Markac était un membre de

  8   cette entreprise criminelle commune.

  9   Cet après-midi, Markac, à l'instar de ce qu'il avait fait dans son mémoire,

 10   démonte les constatations de la Chambre de première instance. Son tableau

 11   allait jusqu'à dire que les constatations factuelles sont inversées, et, de

 12   manière artificielle, il isole les constatations factuelles des éléments de

 13   preuve. Ce n'est pas ainsi que quelqu'un qui se penche sur les différents

 14   faits doit procéder, et vous non plus, lorsque vous examinez ces éléments.

 15   Les Juges de cette Chambre doivent adopter une approche holistique et

 16   prendre tous les éléments de preuve dans leur totalité, et non pas examiner

 17   les faits et les éléments de preuve qui ont été démontés de cette façon

 18   artificielle. Et donc, cet après-midi, ce que je souhaite faire, c'est vous

 19   présenter les éléments de preuve et les faits, les remettre ensemble tels

 20   qu'ils ont été compris par la Chambre de première instance.

 21   Le premier point que je souhaite aborder porte sur l'importance cruciale

 22   que revêt un examen des discussions à Brioni et de les placer dans leur

 23   contexte à la lumière à la fois des événements qui ont précédé et des

 24   événements qui ont suivi. Tel est le contexte dans lequel il faut analyser

 25   Brioni. Les discussions en tant que telles, telles que consignées au compte

 26   rendu d'audience à la page du compte rendu P461, constituent une partie

 27   importante des constatations de la Chambre de première instance. Et je

 28   souhaite demander aux Juges de se reporter à certains passages-clés de ces


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  1   discussions dans un instant.

  2   Mais il est également très important de souligner le fait que ces

  3   discussions constituent une composante de quelque chose de beaucoup plus

  4   complexe, d'éléments de preuve et de faits, et il faut aborder ces

  5   éléments-là à la lumière de ce contexte plus large. Ces événements

  6   confirment que la réunion avait effectivement un objectif criminel. Les

  7   participants ne parlaient simplement pas d'opération militaire et de la

  8   planification d'une opération militaire qui avait pour but de vaincre la

  9   SVK pour reprendre le territoire de la Krajina. Il s'agissait de discuter

 10   et de planifier une opération qui avait été conçue pour reprendre le

 11   territoire nettoyé de civils serbes. Et ce déplacement de civils serbes

 12   devait être réalisé par la force ou sous la menace de la force, y compris

 13   les déplacements forcés et le pilonnage.

 14   Messieurs les Juges, il est impossible de comprendre le procès-verbal de

 15   Brioni sans aborder cette discussion-là, et je vais revenir sur les détails

 16   de cette discussion. On ne peut pas comprendre le procès-verbal de Brioni

 17   et l'objectif derrière cette opération sans tenir compte des événements qui

 18   ont précédé cette réunion.

 19   Cette opération était, d'une certaine façon, le point culminant de la

 20   politique que le président croate et le commandant suprême des forces

 21   armées, Franjo Tudjman, avait mis en œuvre depuis des années afin de créer

 22   une Croatie ethniquement pure ou aussi ethniquement homogène que possible.

 23   L'ambassadeur Peter Galbraith, qui a eu de fréquents contacts avec Tudjman

 24   et ses collaborateurs au cours des années pertinentes, a déclaré, et je

 25   cite :

 26   "Tudjman pensait que les Serbes de Croatie étaient trop nombreux et

 27   constituaient une menace stratégique pour la Croatie."

 28   Cela se trouve dans sa déclaration 92 ter, au paragraphe 31, et au


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  1   paragraphe 1 999 du jugement.

  2   Un mois avant l'opération Tempête, Tudjman avait, en réalité, rencontré son

  3   Conseil de sécurité nationale pour aborder la question des émigrés croates

  4   qui revenaient de l'étranger et qui devaient s'installer dans des dizaines

  5   de milliers de maisons serbes qui avaient été abandonnées en Slavonie

  6   occidentale au cours de l'opération Eclair en mai 1995. Constatation de la

  7   Chambre 2610 [comme interprété].

  8   Il est tout aussi important de considérer l'élément suivant : on ne peut

  9   pas aborder les discussions de Brioni sans tenir compte des événements qui

 10   ont suivi cette réunion. En quelques mots, quelques jours seulement après

 11   la réunion de Brioni, les forces croates ont soumis les villes de Knin,

 12   Benkovac, Obrovac et Gracac à une attaque d'artillerie indiscriminée et

 13   illégale provoquant l'exode en masse de 20 000 civils serbes. Cette

 14   constatation n'est pas -- l'attaque illégale, la constatation de la

 15   Chambre, fait partie intégrante de l'analyse de la Chambre de première

 16   instance, mais ne constitue pas la cheville ouvrière, comme cela a été

 17   présenté par la Défense de Markac. Tous les différents éléments de preuve

 18   doivent être considérés sous l'angle de différents fils qui font partie

 19   d'un câble et qui nous dirige vers la culpabilité de l'accusé plutôt que

 20   des maillions d'une chaîne. Et puisqu'il s'agit d'un château de cartes, eh

 21   bien, le château de cartes s'effondre. Mais cela n'est pas le cas.

 22   Messieurs les Juges, un autre facteur, outre les attaques

 23   indiscriminées après cette opération qui sont importantes, l'opération

 24   Tempête, des dirigeants militaires et lui-même ont exprimé leur point de

 25   vue sur la politique visant à encourager les Croates d'appartenance

 26   ethnique de revenir en Croatie pour venir peupler la région, tout en

 27   militant contre un retour des Serbes. Et en adéquation parfaite avec cette

 28   vision, des mesures ont été prises au plan politique et juridique pour


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  1   empêcher leur retour. Je veux parler des décrets et des lois qui ont été

  2   adoptés aux mois d'août et septembre, qui ont été imposés des délais de 30

  3   à 90 jours, extrêmement stricts, date butoir pour les Serbes s'ils

  4   souhaitaient reprendre leurs biens, sinon ils risquaient de les perdre car

  5   ces biens seraient remis à l'Etat ou remis aux Croates.

  6   Et pour finir, Messieurs les Juges, il faut se souvenir du fait que

  7   pendant ces deux mois après cette opération, au mois d'août et au mois de

  8   septembre, les forces armées croates, la HV et la police spéciale, ont

  9   continué à commettre d'autres crimes contre les Serbes et leurs biens à

 10   très grande échelle, en incendiant les maisons, en pillant leurs biens, en

 11   commettant des meurtres et d'autres actes inhumains contre les Serbes qui

 12   sont restés là, et ceci a provoqué d'autres départs de la part de civils

 13   serbes de la région.

 14   Je souhaite maintenant aborder la question plus en détail des

 15   discussions qui ont eu lieu à Brioni, parce que nous faisons valoir que la

 16   Chambre de première instance est parvenue à la seule conclusion raisonnable

 17   à propos de ces discussions. Et je souhaite préciser que les constatations

 18   faites eu égard à ces discussions se trouvent au paragraphe 1 995 du

 19   jugement. La Chambre de première instance a constaté que cette série de

 20   discussions constituait en elle-même quelque chose à partir duquel les

 21   Juges pouvaient déduire qu'il s'agissait d'une conversation qui portait sur

 22   le fait de chasser les civils plutôt que de protéger les civils. Et donc,

 23   cette constatation a été faite à propos de Brioni, indépendamment des

 24   autres constatations. Mais bien évidemment, parce que cette constatation a

 25   été faite à la lumière de constatations antérieures, il serait très

 26   artificiel de jeter par la fenêtre les attaques illégales pour se

 27   concentrer uniquement sur Brioni. Ce ne serait pas une manière convenable

 28   d'aborder la question. Il est important de noter que la Chambre de première


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  1   instance était disposée à parvenir à ces constatations-là eu égard aux

  2   discussions qui se sont tenues à Brioni.

  3   Donc je vais maintenant aborder la question des discussions en tant

  4   que telles.

  5   Alors que Tudjman et les autres se penchaient longuement sur les

  6   cartes, et ce, en la présence de Gotovina et de Markac, ils se sont surtout

  7   concentrés sur le fait de savoir comment ils pouvaient et à quel moment ils

  8   pouvaient lancer une attaque d'artillerie contre la SVK. C'est quelque

  9   chose que les Juges de la Chambre ont constaté au paragraphe 1 990. Mais

 10   ces discussions portant sur les opérations faisaient partie d'autres

 11   discussions qui avaient pour but non seulement de reprendre du territoire,

 12   mais de reprendre du territoire vidé de Serbes, en les déplaçant par la

 13   force de la région.

 14   Messieurs les Juges, il vous faudra regarder l'intégralité du compte

 15   rendu d'audience, bien sûr, ou du procès-verbal. Et je vais maintenant

 16   mettre en exergue quatre échanges qui permettent de jeter la lumière sur le

 17   thème des discussions en question.

 18   Je crois que M. Jones a dit quelque chose de l'ordre de, Il n'y a

 19   rien dans tout ceci pour montrer qu'il y avait cette intention d'expulser.

 20   Et notre point de vue est tout à fait différent. Nous pensons qu'il y a une

 21   intention claire qui découle de ces discussions ou de certains passages de

 22   ce procès-verbal.

 23   Je vais vous demander de vous reporter à ce premier passage

 24   maintenant, qui doit être affiché sur vos écrans. Le P461, procès-verbal de

 25   Brioni, à la page 10. C'était au début de la réunion. Tudjman fait

 26   remarquer que lorsqu'il lance une offensive générale, "une panique encore

 27   plus grande éclatera à Knin, plus grande que jusqu'à ce jour."

 28   Et ensuite, le président Tudjman leur rappelle qu'il faut se souvenir


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  1   "combien de villages croates et de villes croates ont été détruits."

  2   Et il remarque que "ce n'est toujours pas le cas à Knin aujourd'hui."

  3   Après les avoir enjoints à résoudre la question de la mission des Nations

  4   Unies en Croatie, à savoir comment éviter d'atteindre cette mission, cela

  5   fait partie de la discussion. Et Tudjman dit ce qui suit :

  6   "Mais leur contre-attaque de Knin, et cetera, fournirait une très bonne

  7   justification pour cette action, et en conséquence nous avons un prétexte

  8   pour frapper, et si nous le pouvons avec notre artillerie, si vous le

  9   pouvez, pour les démoraliser complètement… et pas simplement ceci…"

 10   Et Gotovina répond :

 11   "… s'il existe un ordre aux fins de frapper Knin, nous allons détruire la

 12   dans sa totalité en quelques heures."

 13   Messieurs les Juges, je vais maintenant passer à un deuxième échange, cela

 14   se trouve à la page 15, c'est Tudjman qui a pris la parole, qui parle…

 15   [La Chambre d'appel se concerte]

 16   Mme BRADY : [interprétation] Tudjman parle ici, il vient de faire un

 17   commentaire sur le fait de permettre aux civils de partir et il explique le

 18   raisonnement qui le sous-tend. Parce qu'il est important que ces civils se

 19   mettent en route, et ensuite l'armée les suivra -- et ensuite, l'armée les

 20   suivra. Lorsque les colonnes se mettront en route, l'un aura un impact

 21   psychologique sur l'autre, et vice versa."

 22   Et Gotovina répond :

 23   "Un nombre de civils sont en train d'évacuer Knin et se dirigent vers Banja

 24   Luka et Belgrade. Autrement dit, si nous maintenons notre pression pendant

 25   un certain temps encore, il n'y aura sans doute pas beaucoup de civils;

 26   juste ceux qui doivent rester parce qu'ils n'ont pas la possibilité de

 27   partir."

 28   La dernière série d'échanges ou commentaires au cours de cette réunion sur


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  1   laquelle je souhaite attirer votre attention, Messieurs les Juges, se

  2   trouve à la page 23 et 29 du procès-verbal.

  3   A ce stade, la discussion porte sur l'emploi de la propagande, et Miroslav

  4   Tudjman a suggéré que l'information soit divulguée à la radio et à la

  5   télévision quant aux routes qui seront ouvertes. Tudjman est d'accord avec

  6   cette idée, et il ajoute, cela figure sur vos écrans :

  7   "Oui, cela doit être dit, non pas que les routes soient ouvertes, mais

  8   qu'on a pu remarquer que les civils ont pu sortir en empruntant telle et

  9   telle routes."

 10   Et ensuite, à la page 29, Tudjman est d'accord avec l'idée de Susak

 11   s'agissant de lancer des brochures comme étant un autre moyen de

 12   propagande, laissant entendre qu'ils fassent état du chaos généralisé et de

 13   la victoire croate avec l'appui du monde entier. Et Tudjman suggère ce que

 14   ces brochures devraient préciser :

 15   "Vous les Serbes, vous vous retirez par le biais de… et nous vous demandons

 16   de ne pas vous retirer. Nous allons vous garantir …," et il explique au

 17   cours de la réunion. Il s'agit d'une réunion à laquelle Gotovina et Markac

 18   assistent, et ils font des suggestions sur la manière dont une partie de

 19   l'opération devrait être menée. Et il explique, "… et de cette manière-là,

 20   pour leur donner une route, alors que nous leur garantissons ostensiblement

 21   leurs droits civiques, et cetera…"

 22   Et ensuite, on l'entend ricaner.

 23   Messieurs les Juges, il y a plusieurs choses qui ressortent de ces

 24   discussions. Dans le premier échange, Tudjman remarque qu'il y a un nombre

 25   important de villages et de villes croates qui ont été détruits et fait

 26   remarquer que ce n'est toujours pas le cas de Knin. Lui et Gotovina parlent

 27   ensuite du fait de frapper Knin. Mais contrairement à d'autres passages de

 28   cette discussion, où ils parlent de sa stratégie militaire, voire même de


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  1   certaines cibles, et ce, de façon assez approfondie, pour ce qui est

  2   d'autres aspects de l'opération, lorsqu'il s'agit en fait de Knin, les

  3   participants à cette conversation ne disent rien à propos du fait de

  4   frapper seulement les cibles militaires à cet endroit. Ils ne disent rien

  5   au sujet de la manière dont on peut protéger les habitants civils de Knin.

  6   Au contraire, le commentaire porte surtout sur le fait d'utiliser des

  7   frappes d'artillerie pour en terminer avec la démoralisation.

  8   La pression continue dans le commentaire fait par Gotovina dont nous avons

  9   beaucoup entendu parler aujourd'hui est extrêmement révélatrice aussi. Ce

 10   commentaire reconnaît que la -- je vois que mon confrère est debout.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, il a été remarqué ce

 12   matin peut-être, et je regrette sincèrement d'interrompre l'Accusation dans

 13   sa présentation, mais si nous allons nous concentrer sur Gotovina à Brioni

 14   avec des extraits qui n'ont pas été présentés par la réponse de

 15   l'Accusation ce matin à notre appel, et pour l'instant l'Accusation se

 16   concentre sur Gotovina et Tudjman, donc si l'Accusation souhaite continuer

 17   dans ce sens, nous souhaitons avoir cinq minutes pour pouvoir répondre à la

 18   fin.

 19   Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois que Mme Brady n'a pas cité

 21   d'éléments qui ne nous ont pas encore été présentés. Mais je vais poser la

 22   question pour savoir ceci. Vous parlez effectivement de conversations

 23   auxquelles a participé M. Gotovina. Est-ce que M. Markac a participé de

 24   façon active à ces discussions ?

 25   Mme BRADY : [interprétation] Monsieur le Président --

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous parlons maintenant de Markac.

 27   Mme BRADY : [interprétation] Oui, je m'en rends compte. Monsieur le

 28   Président, Messieurs les Juges, je parle de conversation -- le fil de la


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  1   conversation qui s'est déroulée lors de cette réunion, lorsque deux membres

  2   majeurs évoquent des conversations de ce type. Il est vrai que Markac,

  3   lorsque ses propos sont enregistrés au cours de cette discussion, ses

  4   commentaires portent sur des questions très militaires. Ce n'est pas lui

  5   qui participe directement à la conversation. Et M. Boudreault abordera

  6   cette question plus en détail, il assiste à une réunion où le seul sens

  7   clair que l'on peut donner est une chose bien précise. C'est la raison pour

  8   laquelle il nous faut planter le décor sur ce qu'a dit Gotovina.

  9   Et pour reprendre un autre point que M. Misetic a évoqué ce matin, dans les

 10   arguments présentés par M. [comme interprété] Baig et M. Stringer, mes deux

 11   confrère et consoeur ont parlé de cette pression exercée et du commentaire

 12   fait par Gotovina. Mais s'il souhaite répondre, je n'ai pas d'objection à

 13   cela.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Alors nous allons vous permettre

 15   de répondre si vous le souhaitez.

 16   Mme BRADY : [interprétation] Ce commentaire portant sur la pression

 17   continue de Gotovina est très révélateur. Parce que cela indique que la

 18   pression qu'ils continuent d'exercer - à savoir le pilonnage - serait la

 19   cause ou l'élément déclencheur qui a fait que les Serbes auraient quitté la

 20   région. Et nous faisons valoir que ce commentaire montre que le départ des

 21   Serbes était effectivement le but de tout ceci et qu'il ne s'agissait pas

 22   d'une conséquence qui n'était pas intentionnelle et prévisible.

 23   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Permettez à Mme Brady de poursuivre.

 25   Mme BRADY : [interprétation] En d'autres termes, lors de ces discussions,

 26   ils ont l'intention d'exploiter le fait que les Serbes sont complètement

 27   démoralisés et que leur bombardement va déclencher leur départ.

 28   Les discussions à propos de la propagande sont très révélatrices. Car, en


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  1   fait, il ne s'agit pas de discuter de cette propagande. Cela ne fait pas

  2   grand sens de parler de cette propagande car les personnes qui ont

  3   participé à la discussion, s'ils voulaient véritablement considérer le

  4   départ des Serbes comme simple mesure temporaire ou comme une conséquence

  5   inévitable de leur attaque, cela aurait été une chose. Mais en fait, le

  6   départ des Serbes est considéré comme le résultat. Qui plus est, Tudjman

  7   indique, Donnez-leur une route tout en leur garantissant ostensiblement

  8   leurs droits civiques. C'est une observation, en fait, qui montre quelle

  9   est la véritable intention de l'opération, qui montre que l'on veut chasser

 10   les Serbes, tout en leur donnant l'impression qu'ils peuvent rester. Et

 11   cette observation cynique n'aurait pas été de mise à moins que l'objectif

 12   véritable est en fait véritablement de déplacer par la force les Serbes de

 13   la région.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ecoutez, Madame Brady, je ne sais pas

 15   si vous devez véritablement insister pour l'essentiel de votre thèse de

 16   telle façon sur des éléments liés à M. Gotovina. Je ne souhaite pas vous

 17   interrompre, mais je pense qu'il serait peut-être plus judicieux que vous

 18   vous concentriez sur M. Markac.

 19   Mme BRADY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais comme je vous

 20   l'ai expliqué, c'est une réunion qui a lieu en présence de M. Markac, et il

 21   y a plusieurs personnes qui participent à la discussion. M. Markac parle en

 22   partie pendant cette réunion.

 23   Il faut savoir que les interprétations de la Défense de M. Markac

 24   pour ce qui est des discussions de Brioni ne sont pas véritablement

 25   plausibles. Car il est question de discussions à propos de civils qui vont

 26   quitter la région en empruntant une route, cela tient compte du fait tout

 27   simplement qu'ils reconnaissent le fait que les Serbes étaient démoralisés,

 28   qu'ils ne resteraient pas dans la zone si la zone redevenait à nouveau


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  1   croate et qu'ils quitteraient la zone dès que les bombardements

  2   recommencent. Par conséquent, la Défense de M. Markac indique que leurs

  3   commentaires avaient pour but des objectifs militaires légitimes, à savoir

  4   la démoralisation de l'armée ennemie et le fait d'obtenir une victoire

  5   militaire rapide tout en minimisant le nombre de victimes croates.

  6   Il faut savoir que, dans un premier temps, il s'appuie sur une supposition,

  7   à savoir que les personnes qui ont participé à la discussion planifiaient

  8   une attaque, un bombardement, dirigée contre des cibles militaires. Mais

  9   dans ce cas, pourquoi est-ce que les personnes qui participent à la

 10   discussion supposent que les Serbes allaient tout simplement partir en

 11   masse, qu'ils allaient quitter leurs foyers, leurs villes et leurs villages

 12   où même leurs familles avaient vécu pendant des centaines d'années. Mais

 13   même si on accepte que les personnes qui ont participé à la discussion

 14   auraient pu supposer qu'un certain nombre de civils allait fuir du fait de

 15   l'attaque, du fait du bombardement, nous nous serions attendus à avoir une

 16   discussion qui aurait porté sur la protection civile. Mais comme l'a

 17   indiqué la Chambre de première instance, il faut savoir que ces discussions

 18   n'ont pas eu lieu. Au lieu de cela, les discussions à propos des civils se

 19   sont véritablement concentrées sur la façon de leur assurer une issue de

 20   secours.

 21   Et il faut savoir qu'une victoire militaire rapide et une diminution

 22   du nombre de victimes théoriquement en présence d'une opération militaire

 23   avec des objectifs militaires a un sens, mais ils ne fournissent aucune

 24   justification, alors qu'il faut savoir que là, l'opération a pour but de

 25   déplacer par la force une population civile d'un territoire pour que ce

 26   même territoire puisse être investi sans que ses habitants ne s'y trouvent.

 27   Et cela est manifestement un objectif illégal.

 28   Ma consoeur, Mme Baig, a déjà répondu à la question numéro 4, et je ne vais


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  1   pas réitérer ses propos. Mais en un mot comme un cent, une armée ne peut

  2   absolument pas planifier une opération d'artillerie en ayant comme objectif

  3   l'expulsion d'une population civile. Cela est vrai même s'il y a un autre

  4   objectif militaire. Alors, bien entendu, c'est une proposition qui semble

  5   tout à fait manifeste lorsque vous avez une opération d'artillerie avec un

  6   objectif criminel, à savoir l'expulsion, qui est exécuté grâce à des moyens

  7   criminels, à savoir des attaques directes contre les civils et contre les

  8   objets à caractère civil, et ce, dans le cadre d'une attaque ou d'un

  9   bombardement indiscriminé comme l'a conclu la Chambre de première instance.

 10    Mais il n'empêche que nous continuons à penser que même si les attaques

 11   d'artillerie ne sont pas considérées comme illégales au sens strict de

 12   l'article 51, paragraphes 2 et 4, et article 52 --

 13   M. LE JUGE MERON : [interprétation] A quel protocole faites-vous référence

 14   ?

 15   Mme BRADY : [interprétation] Oui, oui, au protocole additionnel numéro I.

 16   Excusez-moi.

 17   Je disais donc que le droit humanitaire international permet ou autorise

 18   une armée à traiter comme objets de l'attaque seulement les soldats ennemis

 19   et les objets militaires, alors que les civils peuvent être évacués d'une

 20   zone de conflit si les raisons militaires sont telles qu'elles l'exigent et

 21   pour leur propre protection. Mais c'est un départ qui doit être temporaire

 22   et qui doit se faire en fonction de conditions très, très strictes. Si

 23   l'objectif véritable d'une attaque d'artillerie est d'expulser une

 24   population civile et de pratiquer, donc, un nettoyage ethnique, ce qui peut

 25   apparemment ressembler à une attaque d'artillerie légale est en fait

 26   absolument illégal. Car cela peut constituer des expulsions, des

 27   persécutions constitutives de crimes contre l'humanité, à supposer que les

 28   autres éléments sont respectés. Donc il n'y a absolument aucune


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  1   contradiction entre ces condamnations au titre des crimes contre l'humanité

  2   et l'application des droits de la guerre.

  3   Ce que montrent les discussions de Brioni, et nous les avons placées dans

  4   leurs contextes antérieur et postérieur, c'est que les participants, en

  5   fait, étaient parfaitement conscients de la situation difficile dans

  6   laquelle se trouvaient les Serbes dans la Krajina et savaient que c'était

  7   un élément qui pouvait être exploité pour les chasser. Forts de cette

  8   connaissance, ils ont planifié une attaque d'artillerie militaire dont le

  9   but était de réinvestir un territoire tout en forçant les Serbes à en

 10   partir par la force.

 11   Donc les événements qui ont suivi l'opération Tempête confirment que

 12   le véritable objectif était bien de chasser la population civile serbe de

 13   la Krajina par la contrainte. Je ne vais pas réitérer ce qui a déjà été dit

 14   à propos de l'attaque à proprement parler qui a abouti à la fuite de 20 000

 15   civils serbes qui se sont enfuis en proie à la terreur. Je ne vais pas non

 16   plus parler des douzaines de crimes contre les personnes et des centaines

 17   de crimes contre les biens commis par les forces croates contre les Serbes,

 18   ce qui a en fait déclenché d'autres départs. Cependant, j'aimerais mettre

 19   en exergue les nombreux discours et déclarations faits par M.

 20   Tudjman et d'autres à propos du repeuplement de la zone avec des Croates.

 21   Vous avez, par exemple, un mois après l'opération un entretien qui a

 22   eu lieu, et on a demandé à Tudjman si les Serbes de la Krajina pourraient

 23   revenir chez eux, et Tudjman a répondu :

 24   "Le retour de toutes ces personnes est quasiment inconcevable."

 25   Par ailleurs, les autorités croates étaient en train d'adopter des lois qui

 26   rendaient la tâche difficile, pour ne pas dire impossible, aux Serbes

 27   expulsés qui auraient voulu revendiquer leurs biens, leurs foyers, d'où les

 28   difficultés auxquelles ils se sont confrontés.


Page 182

  1   La Chambre de première instance a rejeté le fait que ces lois étaient tout

  2   simplement des lois destinées à protéger les biens fonciers et à trouver

  3   une solution à un problème de logement temporaire. Il faut savoir que ces

  4   lois ont été adoptées pour donner les propriétés et les maisons des Serbes

  5   aux Croates qui arrivaient. Et il faut savoir que le président Tudjman,

  6   pendant des semaines et des mois après l'opération Tempête, a fait des

  7   discours. Je vous en donne un exemple : un rassemblement à Knin le 26 août,

  8   quelques semaines après l'opération Tempête, et là il fait référence à Knin

  9   et aux Serbes qui en sont partis. A propos de Knin justement, il dit :

 10   "Aujourd'hui, Knin est croate et elle ne redeviendra jamais ce qu'elle

 11   était auparavant lorsqu'ils ont, en fait, propagé ce cancer qui a détruit

 12   l'être national croate et qui n'a pas permis à des personnes de faire

 13   valoir leurs droits."

 14   Plus tard, toujours à propos des Serbes qui se sont enfuis, il dit :

 15   "Ils sont partis en quelques jours comme s'ils n'avaient jamais été

 16   présents ici. Ils n'ont même pas eu le temps de récupérer leur argent sali

 17   et leurs sous-vêtements souillés."

 18   Et le 6 [comme interprété] août 1996, à savoir un an après, il dit que :

 19   "Knin est revenue dans le giron de la mère patrie et redevenue aussi

 20   pure qu'elle l'était du temps de Zvonimir."

 21   Messieurs les Juges, la conclusion de la Chambre de première instance à

 22   propos de l'entreprise criminelle commune s'appuie sur tous ces éléments de

 23   preuve : les idées de Tudjman, les politiques pour la Croatie, les

 24   discussions de Brioni, les attaques indiscriminées qui se sont produites

 25   après, les départs en masse, la vague de criminalité pendant les mois

 26   d'octobre et de septembre. Tout cela nous permet de comprendre qu'une seule

 27   conclusion peut être tirée, à savoir il existait un plan criminel commun

 28   dont l'objectif était de faire partir la population civile serbe de la


Page 183

  1   Krajina, et ce, de façon permanente, et cela passait par les crimes de

  2   déplacement forcé, d'attaque illégale et de mesures restrictives et

  3   discriminatoires.

  4   J'en conclus donc que ce moyen d'appel de M. Markac ne doit pas être

  5   retenu. Nous allons maintenant entendre M. François Boudreault qui va nous

  6   expliquer que les moyens 1B et 1C ne doivent pas être tenus --

  7   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, j'ai déjà indiqué, me

  8   semble-t-il, aujourd'hui que la Chambre de première instance avait conclu

  9   que les ordres d'évacuation n'étaient pas une cause principale expliquant

 10   leur départ. Mais est-ce que cela a joué un rôle quel qu'il soit ? Comment

 11   est-ce que vous évaluez le rôle joué par ces ordres d'évacuation émanant

 12   des autorités serbes ?

 13   Mme BRADY : [interprétation] Oui. Ma collègue, Mme Elliott, abordera

 14   brièvement cette question.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

 16   Mme BRADY : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc cela n'a pas eu d'impact ?

 18   Mme BRADY : [interprétation] Non, non, non. Non, non. Je pense qu'il faut

 19   lier cela avec l'intention par rapport à l'entreprise criminelle commune.

 20   Mais nous ne pensons pas que cela a une incidence sur le mens rea pour

 21   l'entreprise criminelle commune, si vous entendez le fait qu'il y avait des

 22   discussions à propos de l'évacuation. Si c'est ce que vous entendez, et

 23   c'est un fait que les participants étaient au courant de cela, cela aurait

 24   pu avoir une incidence sur la conclusion en matière d'entreprise criminelle

 25   commune --

 26   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Non, non, non, ma question était très

 27   simple : est-ce que l'ordre d'évacuation a provoqué le départ de certaines

 28   personnes qui ont tout simplement entendu cet ordre d'évacuation ?


Page 184

  1   Mme BRADY : [interprétation] Ce n'était pas vrai pour la majorité des

  2   personnes. Le départ massif de ces villes serbes, cela s'est passé beaucoup

  3   plus tôt. En fait, cela s'est passé aux premières heures du matin jusqu'au

  4   milieu de la journée. Et l'ordre de l'évacuation est arrivé bien plus tard,

  5   à notre avis.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc la réponse est : en partie, oui.

  7   Certaines personnes ont réagi et sont parties de ce fait. Est-ce qu'il y en

  8   a eu aucun ou quelques-uns ? Plusieurs ? Quelques milliers ? Quelques

  9   centaines ?

 10   Mme BRADY : [interprétation] Je pense que Mme Elliott est véritablement

 11   l'expert en la matière.

 12   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

 13   Mme BRADY : [interprétation] Merci.

 14   Mme ELLIOTT : [interprétation] Ce n'est pas ce qui est prévu comme ordre,

 15   mais pour répondre à votre question, je vais très rapidement vous donner

 16   mon avis à ce sujet.

 17   Je pense qu'il est utile de ne pas oublier la chronologie des événements de

 18   la journée pour illustrer le caractère raisonnable des conclusions de la

 19   Chambre de première instance sur la cause et sur les liens entre les

 20   bombardements et la fuite soudaine des civils.

 21   Les bombardements sont arrivés à Knin, Benkovac et à Gracac et ont commencé

 22   à 5 heures. Les civils se sont réfugiés dans les sous-sols en proie à la

 23   peur et à la panique. A 7 heures, l'attaque à Obrovac a commencé. Les

 24   civils en sont partis immédiatement. Plus tard pendant la même matinée,

 25   d'abord à Gracac, puis à Knin, vers midi, il y a eu quelques accalmies

 26   pendant ces bombardements intenses pour permettre aux gens de s'échapper,

 27   de sortir de leurs sous-sols et de fuir. Ces fuites ont continué pendant

 28   l'après-midi, notamment à partir de Benkovac. A 17 heures, la population


Page 185

  1   civile quittait déjà Knin. Et j'aimerais vous renvoyer au paragraphe numéro

  2   1 531 du jugement. Le seul moyen de quitter Knin, c'était par la route qui

  3   était complètement embouteillée. Nous avons la description des villes qui

  4   étaient désertes le soir.

  5   Donc, parlant maintenant de l'ordre d'évacuation, l'existence de cet ordre

  6   n'est pas contestée. Toutefois, la chronologie nous montre qu'en fait, cet

  7   ordre d'évacuation a été communiqué à la protection civile pour la première

  8   fois à 18 heures, donc il ne peut pas être utilisé pour expliquer la fuite

  9   des civils qui commence 11 heures avant cela.

 10   Vous savez qu'à 17 heures la fuite de la population est déjà massive. Et la

 11   Chambre a eu raison de s'appuyer sur cet ordre et de dire qu'il montrait

 12   aussi que les autorités de la RSK étaient prises de panique, désorganisées,

 13   n'étaient pas préparées à mettre en œuvre un plan d'évacuation quel qu'il

 14   soit. Et la demande d'assistance auprès des Nations Unies n'a pas été

 15   suivie de fait. Je voudrais aussi dire que la propagande croate participe

 16   ici comme cela a été planifié à Brioni. Et je vous prie de consulter à cet

 17   effet les paragraphes 1 526, 1 527 et 1 538.

 18   Donc l'ordre simplement n'a eu absolument aucun effet. La Chambre a été

 19   raisonnable lorsqu'elle a rejeté cet ordre d'évacuation comme constituant

 20   un déclencheur.

 21   Telle serait notre réponse sur l'ordre d'évacuation. Est-ce que vous

 22   souhaitez que j'ajoute quelque chose ?

 23   M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Comme ma

 24   collègue, Mme Brady, vous l'a annoncé, je vais répondre ou réagir aux

 25   moyens d'appel 1B et 1C de l'appel de M. Markac et prouver qu'il a été

 26   condamné à juste titre d'avoir participé à une entreprise criminelle

 27   commune.

 28   Markac a contribué à ce plan criminel dont le but était d'expulser les


Page 186

  1   Serbes de la Krajina de la façon suivante :

  2   Dans un premier temps, il a participé à la planification de l'opération

  3   dont le but était l'expulsion de la population. Il faut savoir que, bon, à

  4   défaut, nous pouvons dire que le but était de faire partir la population

  5   civile, et ce, en violation de tous les principes.

  6   Alors, premièrement, il faut savoir qu'il a, comme je le disais, participé

  7   à la planification de l'opération qui a abouti au départ par la force de

  8   milliers de Serbes de la Krajina.

  9   Il a ensuite donné l'ordre du bombardement illégal de Gracac, ce qui a

 10   déclenché la fuite des habitants de la ville.

 11   Troisièmement, il n'a pas prévenu, puni ou présenté de rapport à propos des

 12   crimes commis par ses subordonnés contre les civils serbes et contre leurs

 13   biens. Dans ce climat d'impunité totale, ses subordonnés ont continué à

 14   commettre des crimes, ce qui a provoqué d'autres départs sous la

 15   contrainte.

 16   La participation de Markac à ce plan criminel était intentionnelle et

 17   déterminée. Dès le début, il a participé à la planification et a donné des

 18   ordres pour que ces attaques illégales aient lieu contre les civils. Il a

 19   vu la fuite de nombreuses personnes provoquées par cette attaque et savait

 20   pertinemment que seul un nombre très limité de civils serbes vulnérables

 21   allaient rester en Krajina, il s'agissait de personnes qui n'avaient

 22   absolument aucune possibilité d'en partir.

 23   En tant que commandant de la police spéciale, il aurait dû justement

 24   protéger ces Serbes qui restaient, mais c'est en toute impunité que ses

 25   subordonnés ont continué à persécuter les civils serbes. Il a même

 26   d'ailleurs participé activement à des manœuvres pour étouffer certains de

 27   ces crimes. Au vu de tout ce que je viens de dire, la Chambre a tiré la

 28   seule conclusion raisonnable, à savoir il y avait bien intention


Page 187

  1   d'entreprise criminelle commune de la part de Markac.

  2   Markac savait également quelles étaient les possibilités et le risque, et

  3   il a pris le risque en toute connaissance de cause que des crimes au titre

  4   de l'entreprise criminelle commune numéro 3 allaient être commis. Il savait

  5   que le plan criminel consistait à expulser autant de Serbes que faire se

  6   peut de la Krajina en utilisant la force ou la menace de la force. Il

  7   savait que l'opération s'inscrivait dans un climat de tensions ethniques

  8   particulièrement exacerbées, qu'il y avait des motifs de revanche nourris

  9   par les forces croates, et il était parfaitement conscient de la position

 10   très vulnérable des Serbes qui étaient restés dans la zone.

 11   La Chambre, donc, en a conclu et a condamné Markac à juste titre pour ces

 12   crimes au titre de l'entreprise criminelle commune 1 et 3.

 13   Par ces moyens d'appel 1B et 1C, Markac n'a pas d'ailleurs prouvé qu'il y

 14   avait des erreurs de fait ou de droit commises par la Chambre, et encore

 15   moins des erreurs qui auraient pu avoir une incidence sur le verdict. Donc

 16   il faut réfuter tous ces moyens d'appel.

 17   Je vais parler maintenant de la participation de Markac à la planification

 18   de l'opération Tempête, de l'ordre qu'il a donné pour bombarder Gracac de

 19   façon indiscriminée et du fait qu'il n'a pas agi contre les crimes de ses

 20   subordonnés.

 21   Et je vais, dans un premier temps, parler de la planification de

 22   l'opération Tempête.

 23   Comme Mme Brady vient de vous l'expliquer, à Brioni, les dirigeants

 24   croates se sont mis d'accord, non pas seulement à propos d'une opération

 25   dont le but était de réinvestir la Krajina, mais également afin d'expulser

 26   la population serbe. Markac a participé activement à cette réunion. Lui-

 27   même ainsi que le président Tudjman ont discuté des opérations à mener

 28   contre Gracac, et Tudjman a donné des consignes à Markac pour qu'il entre


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  1   dans Gracac et qu'il lui présente un rapport dès qu'il l'aurait fait, étant

  2   donné que cela allait déclencher une panique encore plus intense que le

  3   bombardement de la ville pendant deux jours. Page 18, pièce P461.

  4   Markac a proposé d'accuser les Serbes d'avoir lancé une attaque de

  5   sabotage qui aurait pu être utilisée comme prétexte pour le lancement de

  6   l'opération Tempête. Pages 19 et 20 de la pièce P461.

  7   Markac parle de façon détaillée de tactique avec le général Gotovina

  8   et avec le président Tudjman. Il s'agit également de détruire le système de

  9   transmission et de communication de l'ennemi pour faire en sorte que le

 10   chaos le plus total règne. Pages 24 et 25 de la pièce P461.

 11   Ensuite, il rencontre Gotovina et Rajcic pour coordonner l'attaque

 12   d'artillerie sur les villes. Paragraphe 2 583 du jugement.

 13   Au vu de ces circonstances, la Chambre a conclu de façon tout à fait

 14   raisonnable que de par sa participation à Brioni ainsi qu'à la réunion du 3

 15   août, Markac a contribué au plan criminel dont le but était d'expulser les

 16   Serbes de la Krajina. La Chambre s'est également appuyée à juste titre sur

 17   ce fait ainsi que sur d'autres faits pour conclure à l'intention criminelle

 18   dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de Markac.

 19   J'en viens maintenant à l'ordre de Markac pour bombarder Gracac. La Chambre

 20   a conclu raisonnablement que Markac avait ordonné une attaque d'artillerie

 21   illégale sur Gracac et que cela avait été une contribution importante au

 22   plan commun. Il faut savoir que la Chambre a utilisé l'ordre de Markac pour

 23   conclure son intention dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

 24   Alors j'aimerais maintenant mettre en exergue quatre éléments-clés qui

 25   confirment le caractère raisonnable de cette conclusion.

 26   Utiliser une attaque pour déplacer par la force les Serbes de la

 27   Krajina. Il était présent à Brioni. Il a ensuite participé aux discussions

 28   avec le général Gotovina et Rajcic pour coordonner l'utilisation de


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  1   l'artillerie contre les villes de la Krajina.

  2   Deuxièmement, un rapport de la police spéciale indique qu'à 17 heures le 4

  3   août, "sur les ordres du commandant des opérations, le colonel Mladen

  4   Markac," le chef de l'artillerie a lancé des tirs d'artillerie dans la zone

  5   de responsabilité de la police spéciale. Page 6 de la pièce 614, et cela

  6   fait également l'objet du paragraphe 2 555.

  7   C'est également à la même heure, à 17 heures 15, le 4 août que les obus ont

  8   commencé à tomber sur Gracac. Paragraphe 1 451 du jugement.

  9   Troisièmement, l'attaque illégale contre Gracac a été commise par la police

 10   spéciale et les membres de la HV qui avaient d'ailleurs été resubordonnés à

 11   la police spéciale. Paragraphes 1 452 et 2 561.

 12   Markac pouvait commander et contrôler ces deux groupes. Paragraphes 194 et

 13   196 du jugement.

 14   Le quatrième point que je voulais évoquer, c'est le fait que l'attaque sur

 15   Gracac, une opération majeure a été menée à bien de façon organisée et a

 16   fait l'objet de rapports qui ont remonté la chaîne de commandement. Rien ne

 17   permet de penser que le pilonnage de Gracac a été réalisé par des

 18   subordonnés de Markac sur leur propre initiative et sans le consentement de

 19   Markac.

 20   Donc la Chambre a eu à faire face à une attaque illégale conformément à un

 21   plan criminel connu de Markac qui concorde tout à fait avec l'ordre donné

 22   par Markac, un plan qui a été perpétré par des unités contrôlées par Markac

 23   et qui a été mené à bien de façon organisée en ayant fait l'objet de

 24   rapports remontant la chaîne de commandement. Dans ces conditions, la

 25   Chambre de première instance a rendu la conclusion raisonnable, la seule

 26   condition raisonnable qui s'imposait, en déclarant que le pilonnage de

 27   Gracac était illégal.

 28   J'aimerais maintenant parler du comportement de Markac par rapport aux


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  1   crimes commis par ses subordonnés. C'est un point qui a été totalement

  2   laissé de côté par la Défense Markac aujourd'hui. Markac n'a pris aucune

  3   mesure pour empêcher, rendre compte ou punir les crimes commis par ses

  4   subordonnés à Gracac les 5 et 6 août, ainsi qu'à Donji Lapac les 7 et 8

  5   août. Ensuite, il a omis de s'occuper des crimes commis par la police

  6   spéciale à Grubori et à Ramljane et a même participé à couvrir ces crimes.

  7   Le comportement de Markac a contribué à créer un climat d'impunité, qui

  8   ensuite a conduit à de nouveaux départs de la part de la population civile

  9   serbe.

 10   La Chambre a donc conclu à juste titre que ces omissions et ces refus

 11   d'agir délibérés et répétés eu égard aux crimes qui ont été commis ont

 12   contribué au plan criminel destiné à déplacer par la force et à persécuter

 13   les Serbes de Krajina, et que Markac avait l'intention d'aboutir à ce

 14   résultat.

 15   Markac déclare dans ses écritures qu'il n'avait pas connaissance de

 16   destruction sans motif de Gracac et de Donji Lapac. J'aimerais revenir

 17   quelque peu sur les arguments développés dans mon mémoire en réponse, en

 18   disant d'abord que la police spéciale a incendié et détruit Gracac dans

 19   l'après-midi du 5 août et que le matin du 6 août, alors que Markac était

 20   présent en ville avec cette police spéciale, les choses se sont

 21   poursuivies. La Chambre a conclu qu'il s'agissait d'incendies qui avaient

 22   été provoqués par ses subordonnés. Paragraphe 2 571 du jugement. C'est la

 23   seule conclusion raisonnable qui peut être formulée, à savoir que toutes

 24   les maisons de Gracac ont été partiellement ou totalement incendiées

 25   pendant cette période. Paragraphe 697 du jugement.

 26   Markac a également été informé de destructions survenues à Donji Lapac

 27   pendant que ses subordonnés s'y trouvaient les 7 et 8 août. La Chambre a

 28   conclu de façon raisonnable ce fait parce que Markac était régulièrement


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  1   informé de l'évolution de la situation sur le terrain par des sources

  2   diverses. La destruction de Donji Lapac par la police spéciale a constitué

  3   un événement majeur survenu le 7 août. Sacic, adjoint de Markac, lui a

  4   rendu rapport indiquant que Donji Lapac était en feu. Paragraphe 772 [comme

  5   interprété]. Le paragraphe indique également qu'un rapport a été fait à

  6   Markac. En fait, l'incendie de Donji Lapac par la police spéciale a été

  7   connu d'un nombre si important de personnes qu'il a même été discuté

  8   pendant une réunion entre Tudjman, Cervenko, Gotovina, et d'autres

  9   responsables de haut rang. Pages 53 et 54 du jugement en première instance.

 10   Markac affirme également qu'il n'a pas couvert les crimes commis par

 11   ses subordonnés à Grubori et à Ramljane, mais il ne parvient pas à

 12   démontrer que les conclusions de la Chambre de première instance ont été

 13   déraisonnables. S'agissant de Grubori, la Chambre a estimé que l'unité

 14   responsable du meurtre de cinq civils serbes pendant l'opération menée le

 15   25 août avait commis ce crime. Cette unité a également mis le feu à des

 16   maisons et tiré sur des animaux ou incendier des animaux sans aucune

 17   justification militaire. Les victimes de meurtre étaient des personnes

 18   âgées et vulnérables, correspondant exactement aux personnes dont Gotovina

 19   avaient pressenti qu'elles ne quitteraient pas la Krajina. Au nombre de ces

 20   victimes se trouvent deux hommes âgés et deux femmes âgées, dont l'une

 21   avait 89 ou 90 ans. Paragraphes 389 et 390 du jugement en première

 22   instance.

 23   Josip Celic, commandant adjoint de l'unité responsable, a d'abord

 24   rendu compte selon la voie hiérarchique que rien de particulier ne s'était

 25   passé pendant l'opération. Toutefois, Markac et son adjoint, Sacic, ont

 26   rapidement été informés du fait que quelque chose s'était mal passé et que

 27   des personnes avaient été tuées. C'est un fait qui a également été

 28   largement connu par les observateurs internationaux. Au lieu d'enquêter et


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  1   de prendre des mesures pour rendre compte ou pour punir les responsables,

  2   Markac et Sacic ont demandé à Celic de modifier son rapport afin de

  3   déclarer que les meurtres et les incendies s'étaient produits suite à un

  4   accrochage avec des "Chetniks armés" ou avec des terroristes armés.

  5   Paragraphes 2 297 et 2 300 du jugement.

  6   Markac a ensuite transmis ce rapport par voie hiérarchique. Il a

  7   cherché à renforcer le récit fallacieux qui y figurait en ordonnant de

  8   nouveaux comptes rendus montrant que l'unité avait eu à affronter des

  9   terroristes. Il a également participé aux efforts destinés à empêcher une

 10   enquête sur les lieux de crimes. Paragraphe 2 300 du jugement.

 11   Dans ces conditions, la Chambre a conclu raisonnablement que Markac

 12   avait participé à couvrir les crimes commis à Grubori. Markac ne parvient

 13   tout simplement pas à démontrer la moindre erreur dans ces conclusions de

 14   la Chambre.

 15   S'agissant de Ramljane, Markac savait le 25 août que des membres de

 16   l'Unité Lucko y étaient présents. Paragraphe 2 302 du jugement. Il l'a

 17   appris de plusieurs sources. Il était présent à l'extérieur du village le

 18   même jour et il a vu la fumée qui montait des bâtiments. Paragraphes 1 077

 19   et 2 297 du jugement.

 20   L'un des chefs du groupe de l'Unité Lucko a admis à Markac qu'il

 21   avait délibérément mis le feu aux propriétés serbes. Paragraphe 1 077 du

 22   jugement.

 23   Markac aurait déclaré qu'il y aurait une enquête et que des sanctions

 24   disciplinaires seraient appliquées, mais au lieu de respecter sa parole, il

 25   a diffusé un récit fallacieux selon lequel l'incident était une réaction à

 26   une action terroriste. Paragraphes 

 27   2 238 et 2 302 du jugement, ainsi que pièce P579, page 3. C'est dans cette

 28   pièce que l'on trouve le faux récit fait par Markac à Cervenko.


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  1   Markac affirme également que le fait qu'il n'ait pas agi contre les crimes

  2   et qu'il ait couvert ces crimes n'a pas contribué à la réalisation du plan.

  3   La Chambre de première instance a réfléchi de façon très précise à cette

  4   question. Elle donne l'exemple du comportement de Markac vis-à-vis de ses

  5   subordonnés qui ont continué à commettre des crimes et continué à expulser

  6   des personnes par la suite. Paragraphe 2 581 du jugement. Markac ne montre

  7   pas que la conclusion de la Chambre est déraisonnable.

  8   Il ne parvient pas non plus à démontrer que la Chambre se serait trompée en

  9   concluant que son manque d'action et sa rapidité à couvrir le crime

 10   démontrent son intention dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

 11   Markac savait que de nouveaux crimes contre les civils serbes feraient

 12   suite au premier départ des Serbes; pourtant, il a encouragé la commission

 13   de ces nouveaux crimes. C'est une conclusion raisonnable qui indique

 14   l'intention de Markac de participer à l'entreprise criminelle commune.

 15   Donc, conclure sur la base de tous ces éléments que la Chambre aurait

 16   commis une erreur va à l'encontre de la réalité, à savoir qu'il a contribué

 17   de façon significative à la réalisation du plan criminel et qu'il l'a fait

 18   en partageant l'intention qui était au cœur de l'entreprise criminelle

 19   commune. Je vais maintenant très rapidement revenir sur le moyen 1C par

 20   rapport à la déclaration de culpabilité liée à la participation à la

 21   troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune.

 22   Nous soutenons que la Chambre a conclu raisonnablement que les crimes ont

 23   été commis en tant que conséquences prévisibles et naturelles de

 24   l'entreprise criminelle commune et que Markac était au courant de cette

 25   éventualité. Je renvoie les Juges de la Chambre aux paragraphes 139 à 156

 26   de notre mémoire en réponse. Mais j'ajouterais ceci : Markac a dit

 27   aujourd'hui qu'il a choisi des troupes qui venaient de l'extérieur de la

 28   région afin de réduire le risque de voir des crimes tels que meurtre,


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  1   pillage et destruction sans motif être commis. La Chambre de première

  2   instance a fait remarquer qu'il s'agit d'une affirmation faite par Markac

  3   lors d'un entretien avec le représentant du bureau du Procureur. Mais elle

  4   a estimé que ces prétendues mesures ont manifestement été insuffisantes

  5   pour annuler les risques de voir des crimes de cette nature commis contre

  6   les civils serbes. Ces mesures n'ont pas pris en compte le très vaste

  7   sentiment de revanche qui était nourri par les membres des forces croates,

  8   sentiment qui reposait non seulement sur leur origine éventuellement

  9   locale, mais sur des éléments beaucoup plus généraux à l'égard des prises

 10   de territoire croate par les Serbes. Par le passé, cette tension ethnique

 11   avait eu pour résultat des escarmouches entre les deux parties.

 12   Particulièrement au cours des opérations militaires croates antérieures

 13   telles que les opérations Medak et Flash, un certain nombre d'incidents

 14   d'expulsion de civils serbes ainsi que d'attaques contre les Serbes et

 15   leurs propriétés avaient eu lieu. Markac était au courant des accusations

 16   portées par les observateurs internationaux qui affirmaient que les forces

 17   croates avaient détruit des propriétés serbes au moment où elles se

 18   retiraient de la poche de Medak après l'opération qui avait été menée en

 19   1993.

 20   Alors vous trouverez tous ces éléments aux paragraphes 149 et 150 de notre

 21   mémoire en réponse, et je vous renvoie au jugement en première instance,

 22   paragraphes 1 683, 2 003 et 2 585.

 23   Donc, voilà quelles sont les raisons qui poussent à rejeter les moyens 1B

 24   et 1C en appel.

 25   Nous n'avons pas l'intention de parler ici des moyens 2, 3, 5 et 6 de

 26   l'appel Markac. Mais je voudrais renvoyer les Juges à un argument qui a été

 27   évoqué pour la première fois dans la réponse de Markac par rapport au moyen

 28   6. Et je voudrais traiter de cette question soulevée par les Juges il y a


Page 196

  1   quelques instants qui concerne la pièce P82.

  2   Donc, parlons du moyen 6. Au paragraphe 153 de sa réponse, Markac affirme

  3   qu'il n'était pas au courant que des meurtres avaient été commis par la

  4   police spéciale. Mais le mémoire préalable au procès de l'Accusation, dans

  5   son paragraphe 124, prétend précisément que la police spéciale était

  6   responsable de ces meurtres. Par ailleurs, les deux parties ont traité de

  7   la question de savoir qui avait assassiné les civils serbes et de la

  8   question de savoir quel uniforme ces hommes portaient. C'est une question

  9   qui a été abordée dans le témoignage du Témoin Ilic au cours du contre-

 10   interrogatoire de Markac. Je renvoie les Juges aux pages 7 574 à 7 578 du

 11   compte rendu d'audience en première instance.

 12   La pièce P82 à présent. Je ne pense pas que nous ayons besoin de passer à

 13   huis clos partiel. Je ne parlerai que du jugement.

 14   La Chambre de première instance était au courant du fait que des trous de

 15   mémoire et un certain nombre de problèmes s'étaient produits au cours de la

 16   déposition du Témoin 82. Ceci est mentionné au paragraphe 625 du jugement

 17   en première instance. Elle a estimé qu'elle pouvait s'appuyer sur cette

 18   déposition uniquement dans certains de ses aspects dès lors qu'ils étaient

 19   corroborés par d'autres éléments de preuve.

 20   Il importe de comprendre que corroboration ne signifie pas que chacun

 21   des éléments les plus détaillés est confirmé. Je renvoie les Juges de la

 22   Chambre d'appel à cet égard au paragraphe 428 du jugement. Donc la Chambre

 23   de première instance a estimé qu'il y avait eu corroboration du récit du

 24   témoin et de la pièce P82 dans les principaux éléments de sa déposition. La

 25   Défense, aujourd'hui, n'est tout simplement pas parvenue à démontrer la

 26   moindre erreur dans cette conclusion de la Chambre de première instance

 27   lorsqu'elle a fait référence à de vagues problèmes liés à cette pièce P82.

 28   Donc, à moins que les Juges de la Chambre d'appel aient d'autres questions,


Page 197

  1   M. Schneider va maintenant démontrer que le pilonnage de Gracac était

  2   effectivement un pilonnage illégal.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Schneider, à vous.

  4   M. SCHNEIDER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  5   les Juges.

  6   Sur l'ordre du général Markac, la police spéciale et des unités

  7   d'artillerie de l'armée croate ont traité l'ensemble de la ville de Gracac

  8   comme une cible lorsqu'ils ont tiré au moins 150 projectiles sur la ville

  9   les 4 et 5 août 1995. C'était une attaque illégale. Les conclusions de la

 10   Chambre de première instance étaient raisonnables et les contestations de

 11   Markac devraient être rejetées.

 12   Outre le fait de répondre à ses arguments, je m'apprête à répondre aux

 13   questions 1, 2 et 3. Pour être tout à fait clair, les réponses apportées

 14   par l'Accusation ce matin aux questions 1, 2 et 3 concernent les quatre

 15   villes, et en particulier la ville de Gracac. Pour ma part, je vais me

 16   contenter de mettre en exergue un certain nombre de points particuliers

 17   concernant Gracac en tant que tel qui ont été laissés de côté par Markac

 18   dans ses réponses aux questions posées par les Juges de la Chambre.

 19   S'agissant du caractère illégal du pilonnage de Gracac, je ne reviendrai

 20   pas sur ce que nous avons dit ce matin quant aux raisons de l'attaque des

 21   quatre villes, y compris Gracac, et au fait que cette attaque était

 22   illégale. Je me concentrerai sur la ville de Gracac en tant que telle. Bien

 23   entendu, le pilonnage de Gracac ne peut pas être examiné isolément, mais

 24   doit être pris en considération dans le contexte dessiné par l'attaque

 25   globale et par la globalité du plan criminel commun.

 26   La Chambre s'est appuyée sur toute une série d'éléments de preuve pour

 27   conclure qu'il y avait eu attaque illégale contre Gracac. D'abord, nous

 28   avons le texte de trois ordres donnés aux unités d'artillerie qui


Page 198

  1   impliquaient de tirer des tirs d'artillerie sur Gracac. Nous avons l'ordre

  2   de Gotovina, pièce à conviction P1125. Nous avons l'ordre de son subordonné

  3   Rajcic, chef de l'artillerie, pièce D970. Et en troisième lieu, j'aimerais

  4   revenir sur la pièce D97, qui apporte des précisions à ce qu'a dit le

  5   représentant de l'Accusation ce matin. Il ne s'agit pas de la pièce D97,

  6   mais D970.

  7   Enfin, le troisième ordre, c'est l'ordre de Marijan First; pièce P1201. Et

  8   conformément à ces trois ordres, des tirs d'artillerie devaient être

  9   dirigés sur la ville, et nous avons également les rapports indiquant que

 10   les unités d'artillerie ont agi exactement conformément à ce qui figurait

 11   dans ces ordres. Donc nous avons des unités de la police spéciale, des

 12   unités d'artillerie, qui rendent compte à plusieurs reprises du fait

 13   qu'elles ont simplement tiré sur Gracac. Pièce P2436.

 14   Ces unités indiquent qu'à d'autres moments, des tirs d'artillerie ont

 15   également visés Gracac. Pièce P2385. En dehors de ces ordres destinés aux

 16   unités et des rapports qui ont été fournis en réponse à ces ordres, nous

 17   avons également la coordination de cette attaque illégale contre Gracac

 18   avec d'autres attaques illégales visant les trois autres villes. Sur ce

 19   point, je ferais remarquer que le 3 août 1995, une réunion a eu lieu entre

 20   Markac et Gotovina, avec les membres de l'entreprise criminelle commune et

 21   d'autres, dans le but de planifier l'attaque illégale sur Gracac. Nous

 22   savons également le fait que les unités d'artillerie qui ont ouvert le feu

 23   sur Gracac l'ont fait en même temps que d'autres unités qui tiraient sur

 24   les villes de Knin, Benkovac et Obrovac. Cette coordination a résulté du

 25   fait que l'attaque de Gracac faisait partie d'une attaque plus vaste visant

 26   les quatre villes dans leur ensemble et qu'en soi, ces attaques faisaient

 27   partie du plan criminel commun destiné à obtenir le déplacement permanent

 28   de la population civile serbe.


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  1   Tous les éléments de preuve que je viens de mentionner démontrent le

  2   caractère raisonnable des conclusions de la Chambre de première instance

  3   qui a affirmé que cette attaque sur Gracac était illégale.

  4   J'aimerais maintenant traiter de la question numéro 1.

  5   La Chambre de première instance ne s'est pas trompée lorsqu'elle a appliqué

  6   une marge d'erreur de 200 mètres dans son analyse de la légalité du

  7   pilonnage d'artillerie sur Gracac. La police spéciale et les unités

  8   d'artillerie de l'armée croate ont tiré sur Gracac à l'aide de canons de

  9   130 millimètres. Ils n'ont pas utilisé les roquettes de 122 millimètres,

 10   comme on peut le voir dans le paragraphe 1 452 du jugement. Rajcic a cité

 11   la marge d'erreur pour des canons de 130 millimètres dans sa déposition.

 12   Son calcul reposait sur des canons qui se trouvaient à 26 kilomètres de

 13   Knin. Paragraphe 1 237 du jugement. Pour Gracac, les mêmes canons ont été

 14   utilisés, mais à une distance moindre puisqu'elle était de 23 kilomètres.

 15   Paragraphe 1 452 du jugement.

 16   L'expert en artillerie de l'Accusation, Harry Konings, a expliqué que la

 17   marge d'erreur décroît au fur et à mesure qu'un canon se rapproche de sa

 18   cible. Paragraphe 1 165 du jugement. Etant donné ce que Konings a dit dans

 19   sa déposition, le fait que des canons de 130 millimètres aient tiré sur

 20   Gracac alors qu'ils se trouvaient 3 kilomètres plus près que ceux que

 21   Rajcic a évoqués dans sa déposition, et rappelons que Rajcic dans sa

 22   déposition a cité une marge d'erreur de 70 à 75 mètres vers l'avant ou vers

 23   l'arrière, et de 15 mètres vers la droite ou la gauche. Paragraphe 1 237 du

 24   jugement.

 25   Donc ce fait doit permettre un ajustement de la marge d'erreur vers le bas

 26   pour le pilonnage de Gracac. Donc la marge d'erreur de 200 mètres était une

 27   marge raisonnable, et la Chambre de première instance a pris en compte une

 28   marge raisonnable. Maintenant, j'aimerais répondre aux arguments évoqués


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  1   aujourd'hui au sujet d'un prétendu défaut de cohérence dans le fait que

  2   l'Accusation se soit appuyée sur certains éléments de preuve fournis par

  3   Rajcic, alors que d'autres éléments de preuve n'ont pas été pris en compte,

  4   comme par exemple l'ordre de traiter toutes les villes comme des cibles. Il

  5   n'y a aucun défaut de cohérence dans ce cadre. La déposition de Rajcic

  6   quant à son interprétation de l'ordre de Gotovina n'était pas seulement une

  7   déposition personnelle de Rajcic en tant que telle, mais il a lui-même

  8   donné un ordre qui répétait les mêmes instructions pour les unités

  9   d'artillerie, à savoir qu'il ordonnait à ses unités de tirer. Si l'ordre de

 10   Gotovina était illégal, l'ordre de Rajcic l'était également.

 11   Dans le jugement, la Chambre de première instance a fait observer à juste

 12   titre que le biais personnel ou la tendance à ne pas s'incriminer soi-même

 13   peut être un motif de modification de déposition. Au paragraphe 31 du

 14   jugement. Cette considération s'est pleinement appliquée à l'appréciation

 15   faite par la Chambre de l'interprétation restreinte de Rajcic quant à

 16   l'ordre d'attaque émanant de Gotovina, qu'il a donné lui-même. J'aimerais à

 17   cet égard indiquer que cet argument s'applique avec force à la déposition

 18   de Turkalj, qui a été prise en compte par la Défense Markac aujourd'hui.

 19   Tout comme dans le cas de Rajcic, Turkalj entre dans la classe des témoins

 20   qui souhaitaient éviter de s'incriminer eux-mêmes parce qu'il était

 21   commandant de l'unité d'artillerie de la police spéciale qui avait tiré sur

 22   Gracac et qu'il avait traité l'ensemble de la ville comme une cible. La

 23   Chambre de première instance a donc eu raison de rejeter cet élément auto-

 24   appréciatif au vu des autres éléments de preuve dont j'ai parlé

 25   aujourd'hui.

 26   J'aimerais également ajouter que -- nous faisons remarquer que la Défense a

 27   soumis une déclaration de ce même témoin Rajcic, qui constitue la pièce

 28   D1425. Et ce qui est encore plus important, c'est qu'aucune partie ne


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  1   contrôle un témoin. C'est à la Chambre de première instance d'évaluer la

  2   déposition d'un témoin, en dehors de la prise en compte de la partie qui a

  3   cité ce témoin à la barre. C'est à la Chambre de première instance qu'il

  4   revient de déterminer la crédibilité de telle ou telle déposition.

  5   Question numéro 2 de la Chambre à présent. La Chambre de première instance

  6   a tiré un certain nombre de conclusions au sujet des sites d'impact à

  7   Gracac en estimant que ces sites devaient être pris en compte même en

  8   partant du principe qu'éventuellement la marge d'erreur utilisée par la

  9   Chambre de première instance aurait été erronée. Ce qui importe ici, c'est

 10   que la Chambre de première instance a estimé que des obus étaient tombés

 11   dans un certain nombre de lieux qui se répartissent dans toute la ville de

 12   Gracac, dans tous les coins de la ville et y compris au centre de la ville.

 13   Je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux paragraphes 1 456 à 1 459 du

 14   jugement ainsi qu'aux cartes qui ont été citées en tant qu'éléments de

 15   preuve. Cette diffusion des tirs sur toute la ville montre que la ville en

 16   tant que telle était prise pour cible.

 17   Deuxièmement, la Chambre a estimé que certains obus sont tombés assez près

 18   de maisons et d'objets civils. Parmi ces obus, certains sont tombés à 800

 19   mètres à peine de la première cible militaire. Et j'aimerais revenir sur

 20   quelque chose qui a été dit à ce sujet aujourd'hui, l'Accusation a établi

 21   la nature civile de ces maisons qui ont été touchées. Il n'y a pas eu

 22   renversement de la charge de la preuve. Ce qui importe, en revanche, c'est

 23   cette distance importante de 800 mètres qui sépare les cibles militaires en

 24   question et les lieux d'impact des obus qui montrent l'intention de prendre

 25   la ville en tant que telle comme cible et pas simplement les cibles

 26   militaires qu'elle contenait.

 27   Aujourd'hui, vous avez entendu un certain nombre de chiffres indicatifs de

 28   distance entre la maison de l'observateur des Nations Unies, Hermann


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  1   Steenbergen, et la première cible militaire proche de cette maison. La

  2   Défense Markac a affirmé que cette distance n'était que de 450 mètres sur

  3   la base de la liste de Jagoda; pièce D1447. Toutefois, cette liste était

  4   une liste non signée qui énumérait un certain nombre de cibles éventuelles

  5   qui auraient permis de faire un choix parmi ces cibles. Je vous renvoie au

  6   paragraphe 1 403 du jugement.

  7   Et ce qui est plus important encore, c'est que la Chambre de première

  8   instance n'a pas admis que les éléments figurant sur cette liste étaient

  9   effectivement visés pendant le pilonnage de Gracac. Il importe de le

 10   remarquer aux paragraphes 1 423 et 1 454 du jugement.

 11   Ayant dit cela, les obus qui ont frappé la maison de Steenbergen se

 12   trouvaient à 800 mètres de la première cible militaire, et on n'a pas

 13   nécessité de s'appuyer sur la liste de Jagoda pour le savoir.

 14   Sur la question incidente de l'éventualité d'une cible, l'argument

 15   développé aujourd'hui consistait à dire que certains objets pris pour cible

 16   étaient des cibles opportunistes à Gracac et que le fait que telles ou

 17   telles maisons aient été touchées n'a pas d'importance sur le fond. La

 18   Chambre a rejeté cet argument sur les bases suivantes :

 19   D'abord, les obus -- excusez-moi, Monsieur le Président.

 20   Les obus qui sont tombés près de la maison Steenbergen y sont tombés

 21   le 4 août, à 5 heures du matin. La Chambre de première instance a estimé

 22   qu'il n'y avait pas de mouvement de troupes ennemies de la SVK à ce moment-

 23   là, surtout pendant la matinée, et qu'il ne pouvait donc pas y avoir des

 24   cibles opportunistes et qu'il n'y avait pas non plus d'observateurs

 25   présents sur les lieux, à des postes avancés à ce moment-là pour identifier

 26   de telles cibles opportunistes. Par ailleurs, on peut compléter cet

 27   argument en disant que la présence de la SVK sur la ville à ce moment-là

 28   était faible, sinon minime. Etant donné l'ensemble de ces arguments, il n'y


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  1   a pas eu renversement de la charge de la preuve eu égard à ces cibles

  2   opportunistes ou à leur absence, mais une appréciation tout à fait

  3   raisonnable de la part de la Chambre de première instance par rapport aux

  4   éléments de preuve qui lui ont été soumis dans leur ensemble, qui a conduit

  5   la Chambre a rejeté l'éventualité de l'existence de telles cibles dans ce

  6   cas particulier.

  7   J'aimerais maintenant parler de la question numéro 3, posée par la

  8   Chambre d'appel. La Chambre de première instance a conclu au caractère

  9   illégal de l'attaque d'artillerie qui a visé Gracac, et cette conclusion

 10   doit être retenue, même si éventuellement il y aurait eu erreur quant aux

 11   conclusions relatives aux sites d'impact figurant dans le jugement. Je

 12   parle bien de Gracac en tant que telle. Nous avons trois éléments, les

 13   trois frontières de la ville qui ont été soumises à des tirs d'artillerie.

 14   Nous avons les rapports correspondants des unités d'artillerie qui

 15   démontrent que la ville en tant que telle devait être prise pour cible.

 16   Nous avons Markac et Gotovina, membres de l'entreprise criminelle commune,

 17   qui planifient cette attaque illégale. Et au-delà de la ville de Gracac en

 18   tant que telle, nous avons l'attaque illégale sur les trois autres villes

 19   qui se produit exactement au même moment. En particulier, s'agissant de ces

 20   trois autres villes, je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux

 21   éléments de preuve cités ce matin par M. Stringer et M. Cross, mais je fais

 22   remarquer en particulier que nous avons aussi les récits des témoins

 23   oculaires montrant que le pilonnage a été réalisé sans discrimination et a

 24   été disproportionné, et donc les conclusions relatives aux quatre villes

 25   sont raisonnables.

 26   L'ensemble des éléments de preuve que je viens d'évoquer ne change pas par

 27   rapport à la marge d'erreur ou aux conclusions relatives aux sites

 28   d'impact. Lorsque l'ensemble des éléments de preuve est pris globalement,


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  1   il conduit, ces éléments de preuve, à la seule conclusion raisonnable qui

  2   s'impose, à savoir que Gracac a été attaquée illégalement en vertu d'un

  3   ordre émanant de Markac.

  4   Ceci est particulier vrai, étant donné le nombre limité de sites d'impact

  5   connus, que nous avions dans la ville de Gracac en tant que telle. Et cet

  6   argument ne peut pas être renversé par d'autres éléments, étant donné ce

  7   que je viens de démontrer.

  8   A ce stade, je voudrais faire remarquer que dans la journée d'aujourd'hui,

  9   la Défense Markac a admis le fait que des obus avaient été tombés très près

 10   des deux maisons citées à Gracac, que ceci était le résultat d'une erreur,

 11   et qu'il aurait pu s'agir de 20 salves d'artillerie au total, dans ce cas

 12   précis. Le point à prendre en compte ici, c'est le fait de savoir s'il y a

 13   eu, de la part de l'armée croate, mépris du risque que couraient

 14   d'éventuelles victimes civiles pendant le pilonnage de Gracac. Ce fait est

 15   bien connu : les unités d'artillerie ont ensuite tiré au moins 150 salves

 16   d'artillerie dans le cadre d'un tir tout à fait imprécis, qui ne visait la

 17   cible qu'à 300 ou 800 mètres de précision. L'armée croate a agi ainsi en

 18   visant un nombre très limité de cibles militaires, pour en fait se donner

 19   un avantage militaire important. Elle l'a fait dans une ville où la

 20   présence de troupes ennemies était minimale. Tous ces éléments démontrent

 21   qu'il y a eu mépris pour les victimes civiles, ce qui démontre encore un

 22   peu plus, s'il le fallait, que l'attaque en tant que telle était illégale.

 23   Les conclusions de la Chambre de première instance, selon lesquelles

 24   la police spéciale et l'artillerie de l'armée croate, sur ordres de Markac,

 25   ont traité toute la ville de Gracac comme une cible et se sont engagées

 26   dans une attaque illégale, doivent donc être retenues.

 27   La réponse de l'Accusation à Markac consiste donc à dire que la

 28   Chambre a conclu à juste titre que Gotovina, Markac et d'autres ont agi


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  1   ensemble dans le cadre d'une entreprise criminelle commune visant à obtenir

  2   le déplacement permanent du plus grand nombre possible de civils serbes de

  3   la région de la Krajina. Pour obtenir ces résultats, ces éléments ont lancé

  4   une attaque illégale, concertée et intensive sur Knin, Benkovac, Obrovac et

  5   Gracac, qui a entraîné la fuite terrifiée de moins 20 000 civils de la

  6   région. D'autres expulsions ont été déclenchées par cette vague de crimes

  7   sans contrôle commis par des membres de la HV et de la police spéciale dans

  8   le secteur ouest et un peu partout sur le territoire après le début de

  9   l'attaque, crimes tels que meurtre, pillage et incendie volontaire.

 10   Ceci a entraîné la fuite des civils serbes et donc les arguments en

 11   appel de Markac doivent être rejetés dans leur globalité. Markac n'a pas

 12   réussi à démontrer que la Chambre de première instance avait commis une

 13   erreur ou qu'il y avait la moindre raison d'invalider le jugement en

 14   première instance ou que des conclusions factuelles déraisonnables auraient

 15   été faites par la Chambre de première instance, qui seraient synonymes

 16   d'erreurs judiciaires.

 17   Voilà la fin de mon exposé, à moins que les Juges n'aient des

 18   questions.

 19   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Pas de

 20   questions. Pause de 15 minutes.

 21   --- L'audience est suspendue à 17 heures 40.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous entendrons la réponse de Markac,

 24   30 minutes, et ensuite le conseil de M. Gotovina, il aura cinq minutes pour

 25   répondre, comme c'était convenu. Ensuite, nous donnerons la parole à M.

 26   Gotovina dix minutes, s'il souhaite les prendre, et également à M. Markac.

 27   M. JONES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Messieurs les Juges, l'Accusation semble mal comprendre sur deux


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  1   points. D'un côté, elle semble imaginer que nous défendons M. Tudjman, ce

  2   qui n'est pas le cas. Nous défendons M. Markac. Nous savons tout des

  3   discours incendiaires du président Tudjman le 26 août 1995, trois semaines

  4   après les attaques d'artillerie, mais nous avons entendu très peu sur le

  5   général Markac. Et donc, je voudrais en parler maintenant.

  6   Alors le deuxième point où l'Accusation semble se méprendre, c'est la

  7   réponse qu'ils ont donnée aujourd'hui. Ils ont pensé qu'en fait, ils

  8   devaient réitérer leur mémoire en réplique à nos écritures.

  9   Mais en fait, ils n'ont rien dit aujourd'hui de mes arguments exposés

 10   oralement, rien des conclusions erronées de la Chambre sur le caractère

 11   illégal des attaques d'artillerie. Et s'ils n'ont pas apporté de réponse à

 12   ce que j'ai affirmé, c'est parce qu'il n'y a pas de réponse. Et nous sommes

 13   certains que la Chambre d'arrêt tirera les conclusions qui s'imposent de

 14   cette absence de réponse de la part de l'Accusation.

 15   Donc, qu'en est-il de Donji Lapac et de Grubori ? Nous avons démontré

 16   très clairement qu'il n'y a eu aucune omission à sanctionner, à empêcher;

 17   que, tout au contraire, Markac a essayé d'empêcher la commission des

 18   crimes.

 19   N'empêche que la Chambre de première instance, malgré tout, au

 20   paragraphe 602, dit :

 21   "Il était au courant des crimes qui étaient commis, et la Chambre de

 22   première instance s'est appuyée sur des ordres que l'appelant a donnés à

 23   son personnel lorsqu'il leur a demandé de traiter les détenus conformément

 24   aux dispositions du droit international humanitaire. Donc c'est la

 25   conclusion que nous trouvons dans le jugement. Nous ne pouvons pas,

 26   aujourd'hui, utiliser cet ordre-là pour démontrer la connaissance préalable

 27   qu'avait l'appelant du fait que les violations allaient se produire."

 28   Premièrement, je dois dire que l'Accusation, non seulement choisit


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  1   les éléments, mais en fait, elle choisit des sous-éléments lorsqu'elle

  2   présente ses arguments. Donc ce sont des toutes petites bribes d'éléments

  3   desquelles sont déduits tous les éléments à décharge, donc tout élément qui

  4   pourrait aller dans le sens de la Défense.

  5   Et deuxièmement, à votre question numéro 4, Messieurs les Juges, si,

  6   effectivement, les attaques n'ont pas été illégales, si cette conclusion

  7   est erronée, alors l'Accusation n'aboutira absolument pas.

  8   Alors, je voudrais maintenant dire quelques mots sur la réunion de

  9   Brioni et sur la présence du général Markac. Je ne sais pas si vous avez la

 10   pièce P461, pour pouvoir la consulter. Nous avons juste six pages de ce

 11   procès-verbal où le général Markac s'exprime, où il dit quoi que ce soit.

 12   Donc, est-ce que l'on peut défendre l'affirmation que tous ceux qui

 13   sont présents à la réunion de Brioni sont des membres de l'entreprise

 14   criminelle commune ? Bien sûr que non. Donc, si cette affirmation est

 15   erronée, alors il faut voir ce qu'il a dit, Markac. Qu'est-ce qu'il a dit à

 16   Brioni ? Qu'est-ce qu'il a dit qui pourrait l'incriminer ? Nous avons

 17   Tudjman qui s'exprime, Tudjman et encore Tudjman. Il nous faut maintenant

 18   aller à la page 17 de la pièce à conviction pour voir le président qui

 19   s'exprime encore, qui nous dit, Quelle sera la tâche de Markac ? Et puis,

 20   lorsqu'il parle de la prise de Ljubovo.

 21   Et puis, au paragraphe 18, M. Markac qui s'exprime et qui dit :

 22   "Je voudrais m'exprimer au sujet de ma tâche et par rapport à ce qu'a

 23   à faire M. Norac."

 24   Et le président dit :

 25   "Lorsque vous dites que vous allez bloquer les voies, tenez compte du

 26   fait qu'il se peut que la panique s'installe à Gracac. Et il vous faudra

 27   rentrer aussi rapidement que possible. Il va y avoir un effet

 28   psychologique. Ne pilonnez pas. Ne pilonnez pas. Il vaut mieux ne pas le


Page 209

  1   faire."

  2   C'est ce que Tudjman lui dit.

  3   Et puis, page 19, là encore. Donc c'est tout le contraire de

  4   l'entreprise criminelle commune que nous venons de voir. Et puis, là, dans

  5   la page suivante, il s'exprime en disant, Il nous faut un prétexte pour

  6   l'action militaire. Et ils demandent à Markac si on peut les accuser

  7   d'avoir lancé une attaque sabotage. Donc, de toute façon, on n'y trouve

  8   rien qui aurait un lien avec une entreprise criminelle commune.

  9   Paragraphe 24, la prise de parole suivante. Il dit qu'il lui faudra

 10   quatre jours pour atteindre Gracac parce qu'il y a 18 kilomètres de

 11   distance.

 12   Puis, 25, Markac qui dit, En fait, il faudrait détruire le système de

 13   communication. Et tout ça, ce sont des tactiques tout à fait fondées

 14   militairement. Il n'y a pas là d'entreprise criminelle commune.

 15   Là encore, comme nous n'avons pas eu de témoin oculaire, il est très

 16   difficile d'interpréter, évidemment, a posteriori ce qui a fait l'objet de

 17   la conversation. Mais donc, toujours est-il que nous ne trouvons rien qui

 18   pourrait incriminer ici -- rien qui pourrait être relié à l'existence d'une

 19   entreprise criminelle commune. Donc, qu'est-ce qui est dit ? Qu'est-ce qui

 20   est dit ? Utilisons les lois pour les empêcher de revenir -- et ça, c'est

 21   l'autre moitié de l'entreprise criminelle commune. Donc je ne vois pas en

 22   quoi nous avons constitué une image d'ensemble. Nous n'avons absolument pas

 23   ces éléments-là à Brioni.

 24   Qui plus est, prenons les paragraphes 2 562 et 2 563 du jugement de

 25   la Chambre, lorsqu'elle constate que ni Gotovina ni Markac n'ont pris part

 26   à l'adoption de mesures discriminatoires.

 27   Donc, si je puis, je voudrais explorer encore quelques points puis

 28   donner la parole à mon confrère, Me Kuzmanovic, pour répondre sur la


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  1   question de Gracac et, éventuellement, un petit peu de temps en plus à

  2   l'équipe Gotovina sur les ordres d'évacuation.

  3   Alors il aurait manqué de prévenir ou de sanctionner les crimes.

  4   L'Accusation dit que nous ne nous sommes absolument pas intéressés à cela.

  5   Non, pas de manière détaillée. Nous avons répondu à vos questions, aux

  6   questions de la Chambre. Donc cela montre tout simplement que l'Accusation

  7   ne devrait pas en parler non plus dans sa réponse, précisément parce que

  8   nous n'avons pas abordé cela dans un premier temps.

  9   Mais prenons la case en haut à gauche, donc la police militaire

 10   aurait apporté une contribution importante à l'entreprise criminelle

 11   commune, y compris le manquement à prévenir et à sanctionner. Nous avons

 12   parlé de cela. La Chambre n'a pas pu identifier cela comme constituant un

 13   moyen, donc le fait de manquer de prévenir et d'empêcher, comme un moyen

 14   pris séparément comme démontrant contribution importante. Et si je puis

 15   citer le paragraphe 2 582, en prenant en compte ce qui précède, donc le

 16   paragraphe 2 580, dont les premières phrases portent sur l'attaque

 17   illégale, donc considérant l'existence de l'attaque illégale pour essayer

 18   de déterminer s'il a apporté une contribution substantielle.

 19   Et là encore, il s'agit de cette expulsion prétendue de tous les

 20   Serbes de Krajina par le biais des crimes qui auraient été commis dans le

 21   cadre, non pas des attaques d'artillerie, mais également par d'autres

 22   moyens. Et on nous dit que c'est une contribution substantielle. Donc les

 23   paragraphes 2 580 et 2 582.

 24   Mais nous souhaitons attirer votre attention là-dessus. Comme nous

 25   l'avons dit dans notre paragraphe 167 du mémoire en appel, la Chambre de

 26   première instance a acquitté M. Cermak, a déclaré que, en fait, le fait de

 27   dissimuler les crimes ne pouvait pas constituer une contribution à

 28   l'entreprise criminelle commune parce que l'entreprise criminelle commune


Page 211

  1   portait sur l'expulsion de force des Serbes.

  2   C'est ce que la Chambre affirme dans son paragraphe 2 358 [comme

  3   interprété] :

  4   "Considérant cette constatation que l'entreprise criminelle commune

  5   portait sur le fait de déplacer de manière permanente la population serbe

  6   de la Krajina par la force ou par la menace les Serbes, donc son rôle n'a

  7   pas contribué à l'entreprise criminelle commune. Cermak nie avoir dissimulé

  8   les crimes de Grubori, et la Chambre de première instance constate

  9   qu'effectivement, il n'a pas contribué à l'entreprise criminelle commune."

 10   Donc la Chambre sait parfaitement, lorsqu'elle se penche sur le cas

 11   Cermak, lorsqu'elle acquitte Cermak, sait que l'entreprise criminelle

 12   commune portait sur le déplacement permanent des Serbes. Et ce pourquoi il

 13   a été incriminé, c'était de l'avoir dissimulé.

 14   Il me reste, je pense, cinq minutes.

 15   L'Accusation défend donc cette approche globale de la Chambre lorsqu'elle

 16   cherche à démontrer qu'il convient de retenir ces conclusions sur Brioni et

 17   l'entreprise criminelle commune, et cetera. Mais en fait, il ne s'agit pas

 18   d'une approche globale sans ambiguïté. Je souhaite citer Ntagerura et

 19   d'autres jugements rendus déjà par la même Chambre. Donc, est-ce

 20   qu'effectivement la Chambre s'appuie sur l'ensemble des éléments ? Mais

 21   prenons les paragraphes 174 et 175 :

 22   "Les éléments de preuve sur lesquels s'appuient l'Accusation doivent

 23   être admis en tant qu'établissant l'existence des faits allégués

 24   indépendamment des éléments de preuve sur lesquels s'appuie la Défense."

 25   Le paragraphe 175, je vais paraphraser peut-être :

 26   "L'exigence de démontrer les éléments au-delà de tout doute

 27   raisonnable, la Chambre d'appel reconnaît et accepte que les arguments de

 28   l'Accusation ne sont pas encore démontrés au-delà de tout doute


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  1   raisonnable. Donc, si un des éléments ne l'a pas été, s'il n'a pas été

  2   démontré au-delà de tout doute raisonnable, la Chambre ne devrait pas, en

  3   principe, étayer une déclaration de culpabilité."

  4   Donc, si nous avons des éléments de preuve qui sont à moitié

  5   acceptables, et si nous en avons un autre qui est dans le même cas, nous ne

  6   pouvons pas prendre uniquement les parties qui nous conviennent. Donc, à ce

  7   rythme-là, nous n'arrivons pas à obtenir des preuves entières.

  8   Certes, on peut s'appuyer sur le procès-verbal de Brioni parce qu'il

  9   y a là un certain nombre d'éléments qui conviennent à l'Accusation. Nous

 10   avons des déclarations, par exemple, de Tudjman ou de Gotovina, mais nous

 11   ne pouvons pas faire abstraction du contexte. Nous ne pouvons pas extraire

 12   cela et le traiter séparément de tous les autres éléments. Le fait d'avoir

 13   laissé un corridor aux civils et aux forces militaires afin de pouvoir

 14   partir ne peut pas être utilisé pour démontrer une mauvaise intention,

 15   parce que, comme nous avons déjà entendu de la bouche du conseil de

 16   Gotovina, on ne peut pas laisser les civils piégés dans une zone de guerre.

 17   Nous avons plusieurs documents des Nations Unies, nous avons la pièce D28,

 18   les Nations Unies qui affirment que :

 19   "La Croatie donnera toutes les garanties pour un départ en toute

 20   sécurité de ces zones à tous ceux qui souhaitent le faire."

 21   Puis, nous avons la pièce D1530, la résolution du Conseil de sécurité

 22   par laquelle on demande aux autorités de la République de Croatie de

 23   "respecter les droits de ceux qui souhaitent rester, mais également de ceux

 24   qui souhaitent partir ou revenir." Comme nous l'avons déjà dit dans notre

 25   mémoire en appel, l'on ne peut pas utiliser cette dichotomie contre notre

 26   client parce que c'est une dichotomie erronée.

 27   Donc nous avons aussi toute une série de choses qui n'ont pas été

 28   enregistrées pendant la réunion de Brioni. Les propos qui ont été


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  1   enregistrés peuvent être interprétés de manières différentes. Nous avons,

  2   par exemple, une interprétation possible où Tudjman laisse les Serbes

  3   partir. Et il dit, Eh bien, laissons-les partir, ils peuvent bénéficier de

  4   leurs droits civiques.

  5   Puis, vous savez, ces jours-ci, dans les hôtels, on nous dit, Faites

  6   attention à l'environnement. Il ne faut pas qu'on lave nos serviettes trop

  7   souvent. En fait, ce qu'ils veulent, c'est faire des économies d'argent.

  8   Mais ce qu'ils nous disent, l'argument qu'ils nous avancent, c'est on veut

  9   protéger l'environnement. Donc le fait qu'ils nous avancent un autre

 10   argument ne veut pas dire qu'ils ne se soucient pas de l'environnement,

 11   mais ce qui va se passer, c'est que l'environnement, effectivement, sera

 12   mieux protégé parce qu'il va y avoir moins de serviette qui auront été

 13   lavées inutilement. Donc nous sommes ici en l'espèce dans un procès au

 14   pénal d'une très grande envergure, et je pense qu'il nous faut faire

 15   attention aux arguments que nous avançons.

 16   Donc je ne voudrais pas m'étendre davantage. Je voudrais juste citer

 17   quelques références à Brioni, je vais vous demander de voir cela. Au sujet

 18   des pilonnages des objectifs non militaires lorsque, effectivement, il

 19   s'agit de prendre pour cible certains objectifs et lorsque la réponse est

 20   qu'il n'y a pas justement de cibles légitimes à proximité, qu'on ne peut

 21   pas ouvrir le feu. Là, je vous renvoie à la page 2 021 [comme interprété].

 22   "Il s'agit simplement d'attaquer leurs batteries au plan militaire."

 23   La déclaration de Gotovina indique que Knin peut être détruite en

 24   quelques heures, et il ne peut s'agir que de cibles militaires et non pas

 25   civiles. C'est ainsi qu'il faut le comprendre de façon raisonnable.

 26   Donc, aucun des éléments de preuve susmentionnés ne peuvent être

 27   considérés comme concluants, et donc cette approche globale n'est pas

 28   vraiment utile.


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  1   Je vais laisser mon confrère prendre la parole.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Kuzmanovic.

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous me

  4   le permettez, je vais rester ici plutôt que de me déplacer.

  5   Tout d'abord, une observation que je souhaite faire, trois ou quatre points

  6   que je souhaite aborder à propos des éléments en réponse.

  7   La première observation est celle-ci : eu égard à une contribution

  8   substantielle, le seul argument qui a été présenté était en réalité une

  9   récitation du jugement de la Chambre de première instance. Rien qui

 10   n'évoquait notre mémoire en appel. Rien qui n'évoquait nos arguments oraux.

 11   Et donc, le jugement, aux paragraphes tel et tel, dit ceci, et donc

 12   c'est juste. Ceci ne constitue pas un argument.

 13   La deuxième chose que je souhaite dire eu égard au compte rendu est l'un

 14   des arguments qui a été présenté concernant l'artillerie. A la page 169 de

 15   la réponse, ligne 12, citant l'expert de l'Accusation Konings et la marge

 16   d'erreur, et en citant le Témoin Rajcic également et la marge d'erreur,

 17   l'Accusation sait que Rajcic a témoigné à propos d'une portée de 60 à 75

 18   mètres seulement. Il s'agissait de marge d'erreur interne. Il n'a pas parlé

 19   de facteurs externes qu'a abordés Konings : la vitesse du vent, la

 20   température de l'air, la densité, la perte de vitesse, tous ces éléments-là

 21   qui contribuent à la marge d'erreur. Et 200 [comme interprété] mètres

 22   supplémentaires attribués aux erreurs. Donc la marge d'erreur de Rajcic ne

 23   correspond pas à 60 à 75 mètres car il s'agit là d'une marge d'erreur

 24   interne. Il faut ajouter tous les facteurs externes comme l'a fait Konings

 25   et ajouter 240 mètres, voire jusqu'à 315 mètres si vous admettez la marge

 26   d'erreur interne entre 60 à 75 mètres de Rajcic. Vous ne pouvez pas vous

 27   reposer là-dessus simplement. Et donc, cela induit en erreur que de dire

 28   que la marge d'erreur correspond de 60 à 75 mètres.


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  1   Deuxièmement, une déclaration a été faite qui a indiqué que le pilonnage a

  2   fait preuve d'un mépris pour les pertes civiles. Je note ceci à la page

  3   173, ligne 24, par rapport à Gracac. Et voici ma question : quelles

  4   victimes civiles ? Il n'y a pas eu de victimes civiles. Il n'y a pas eu de

  5   morts, il n'y a pas eu de blessés.

  6   Troisième point, Konings était un expert de l'Accusation. Il n'a rien

  7   trouvé à redire à l'emploi par la police spéciale de l'artillerie à Gracac.

  8   Pages du compte rendu d'audience 1 475 et 

  9   1 476 [comme interprété]. L'Accusation ne lui a pas posé la question eu

 10   égard à l'emploi par les forces de police spéciale de l'artillerie. Il

 11   n'avait pas d'opinions critiques eu égard à l'emploi par la police de leur

 12   artillerie dans le cadre de l'opération Tempête.

 13   Et je souhaite ajouter quelque chose. A la page 171, je crois qu'il

 14   s'agit des lignes 10 à 11, à quel endroit du compte rendu a-t-il été établi

 15   que les cibles avaient un caractère civil à Gracac, ou que les maisons

 16   avaient un caractère civil ? L'Accusation n'a certainement pas établi cela.

 17   Rien n'est précisé dans ce sens dans le compte rendu d'audience. J'ai

 18   parcouru les six éléments qui évoquent les lieux d'impact. Ils n'ont

 19   répondu à aucun de ces éléments-là, ces lieux d'impact. Et aucun expert n'a

 20   évoqué les impacts d'obus à aucun moment à Gracac.

 21   Pour finir, je souhaitais attirer l'attention des Juges de la Chambre

 22   encore une fois sur Josip Turkalj. Le commentaire de l'Accusation est un

 23   commentaire que nous avons entendu pour la première fois. Turkalj a déposé

 24   de la façon dont il a déposé parce qu'il ne souhaitait pas s'auto-

 25   incriminer. Il s'agissait d'un témoin à charge. Il a témoigné au cours du

 26   procès. Turkalj a parlé de l'artillerie à plusieurs reprises, et on lui a

 27   posé la question : Que vous est-il arrivé, Monsieur Turkalj, lorsque la RSK

 28   a tiré sur la République de Croatie ? Quelles ont été les réactions de la


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  1   population civile sur le territoire détenu par les Croates ? Est-ce qu'ils

  2   se sont enfuis, est-ce qu'ils sont allés se cacher ? Qu'ont-ils fait ?

  3   Et il a répondu :

  4   "Lorsque l'ARSK a tiré ses pièces d'artillerie sur des villes ou sur

  5   des cibles militaires, tout un chacun est allé se mettre à l'abri dans les

  6   abris. Là où les gens le pouvaient, les gens n'ont pas abandonné les

  7   endroits où ils habitaient, si telle est la question qui vous me posez. Ils

  8   ont passé le plus clair de leur temps dans les abris, et cette situation-

  9   là… a prévalu pendant des années."

 10   Ensuite, l'attention s'est tournée vers Gracac.

 11   Parlons de l'attaque de Gracac. Lorsque vous êtes arrivé à Gracac, il

 12   n'y avait pas de population civile à cet endroit. Elle avait été évacuée.

 13   Oui, c'est exact. Il n'y avait pas de population civile.

 14   "… Monsieur Turkalj, compte tenu de votre expérience puisque vous

 15   étiez de l'autre côté -- dans un territoire détenu par les Croates, vous

 16   étiez l'objet de cette attaque d'artillerie. Est-ce que vous avez été

 17   surpris par le fait que l'ensemble de la population civile avait été

 18   évacuée avec l'ARSK ?"

 19   Le Juge Orie a reformulé la question : Lorsque la RSK a tiré sur la

 20   République de Croatie, comment la population a-t-elle réagi ?

 21   Telle est la question qui a été posée au témoin.

 22   Maintenant, nous comparons la réaction de la population civile telle

 23   que vécue par le témoin, puisqu'il en a été l'objet, et maintenant, à

 24   l'arrivée -- puisque, ensuite, il est passé du côté de ceux qui faisaient

 25   l'objet de ces tirs d'artillerie par les forces, et le témoin en a fait

 26   partie. Et M. Kehoe [sic] en a parlé : 

 27   "Et je vais répondre de la manière suivante : j'ai été surpris par le

 28   fait qu'il n'y avait pas de population civile à cet endroit. Il a déjà été


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  1   dit que les cibles ou ce qui avait été pris pour cible correspondait à un

  2   nombre très petit de projectiles par rapport au petit nombre de cibles."

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous devriez conclure maintenant.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. C'est le dernier point

  5   que je dois aborder.

  6   "Alors, pour établir des comparaisons, j'étais présent à l'époque… à

  7   Karlovac, où il y avait des milliers de tirs qui ont atterri sur Karlovac,

  8   et la population n'a jamais abandonné les lieux. La population est toujours

  9   restée à cet endroit.

 10   "On ne peut jamais établir une corrélation avec les mouvements de la

 11   population et les pilonnages, en tout cas moi je n'ai pas pu le faire

 12   lorsqu'il s'est agi du pilonnage des villes qui venaient de notre côté."

 13   Pages du compte rendu d'audience 1 372 et 1 373 [comme interprété],

 14   Messieurs les Juges. Et je conclus par-là mes arguments.

 15   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kuzmanovic.

 16   Monsieur Gotovina. Pardonnez-moi, j'ai oublié la promesse que je vous ai

 17   faite, que vous auriez cinq minutes pour répondre.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

 19   Président. J'apprécie beaucoup le temps supplémentaire que vous m'accordez.

 20   Dans les cinq minutes que j'ai, je souhaite aborder un autre point. Il

 21   s'agit de la question d'évacuation, qui n'a jamais véritablement été

 22   abordée avec Mme Elliott.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie. Le premier point que je

 25   souhaite aborder porte sur l'argument de Mme Brady sur le commentaire de M.

 26   Gotovina à Brioni. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec ce qui

 27   semblait être une citation et ensuite une intégration de différents

 28   éléments linguistiques. Elle s'est corrigée en disant que Gotovina a dit


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  1   que :

  2   "Si nous continuons de la sorte avec cette pression," entendant par

  3   là "le pilonnage". De tels termes n'ont pas été retrouvés dans le procès-

  4   verbal de Brioni. Ceci a été réfuté au moment du procès.

  5   Nous souhaitons attirer votre attention sur ce qu'a admis

  6   l'Accusation dans son mémoire préalable, à savoir ce que les participants

  7   entendaient par ces termes de continuer avec cette pression. Alors,

  8   continuer avec cette pression n'aurait pas pu faire référence au pilonnage

  9   parce qu'il n'y avait pas de pilonnage à ce moment-là en Krajina à la date

 10   de la réunion de Brioni. Par conséquent, continuer quelque chose qui ne

 11   s'était pas encore produit n'aurait aucun sens. Au lieu de cela,

 12   l'Accusation, à juste titre, dans son mémoire préalable, a expliqué ce que

 13   les participants avaient évoqué. Et ceci se trouve sur le système Sanction

 14   que nous utilisons, où on peut lire au paragraphe 28 :

 15   "Suite aux discussions concernant le plan opérationnel de l'attaque,

 16   Tudjman a observé que l'offensive générale engendrerait une très grande

 17   panique à Knin…"

 18   Et c'est ce que nous faisons valoir également, Messieurs les Juges. Nous

 19   parlons du fait que l'offensive va provoquer une panique générale, sans

 20   pour autant employer particulièrement l'artillerie. Nous savons qu'à

 21   l'exception de ces quatre villes, une fois que l'offensive était lancée,

 22   effectivement, pour les raisons que la Chambre de première instance a

 23   constatées, ce n'était pas la conséquence d'une conduite illégale de la

 24   part des forces armées croates.

 25   Deuxième point, pour ce qui est des commentaires de M. Gotovina à propos du

 26   fait de pouvoir détruire Knin si l'ordre était donné. Nous remarquons la

 27   déclaration liminaire de l'Accusation qui a confirmé que l'Accusation elle-

 28   même n'a pas fait valoir qu'il existait l'élément moral correspondant à


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  1   l'intention de détruire Knin. Mais tout à fait l'inverse, d'après

  2   l'Accusation. Ceci se retrouve sur vos écrans. Voici le commentaire de

  3   l'Accusation :

  4   "Malgré les bombardements --" il s'agit du compte rendu d'audience 444.

  5   "Malgré les bombardements, Monsieur le Président, la Chambre ne doit pas

  6   avoir la mauvaise impression. Il ne s'agissait ni de Stalingrad ni de

  7   Vukovar, où des semaines de pilonnage avaient réduit la ville à des

  8   gravats. Il ne s'agissait pas du pilonnage le plus destructif qui soit.

  9   Mais ce n'est pas exactement là où je veux en venir. L'intention n'était

 10   pas de détruire Knin, la ville de Zvonimir, dans laquelle le président

 11   Tudjman avait l'intention de réinstaller des Croates, mais de chasser les

 12   Serbes."

 13   Donc ceci n'est pas contesté en l'espèce. Il n'y avait pas l'intention de

 14   détruire Knin.

 15   Donc je vais maintenant me tourner vers les ordres portant sur

 16   l'évacuation. L'idée que des civils en masse avaient été évacués au cours

 17   de la journée relève du fantasme. Il n'existe pas d'éléments de preuve à

 18   l'appui, éléments de l'époque. Vous ne trouverez aucun élément de preuve

 19   relatif aux dates du 4 août, 5 août, 6 août, qui rapporte de près ou de

 20   loin quelque chose qui évoquerait un exode massif des civils avant l'ordre

 21   de Martic. Les allégations faites sont faites par des individus --

 22   M. STRINGER : [interprétation] Dois-je comprendre qu'on a accordé cinq

 23   minutes à M. Misetic parce qu'il devait parler des commentaires faits par

 24   Mme Brady à Brioni et des commentaires faits par M. Gotovina au cours de

 25   cette réunion ? A la manière dont nous l'avions compris, ces cinq minutes

 26   n'avaient pas été accordées pour permettre à M. Misetic d'aborder d'autres

 27   domaines.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je suis debout. Vous avez fait droit à ma


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  1   demande, et donc c'est la raison pour laquelle je suis debout.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre. Vous avez presque

  3   terminé.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Je vais maintenant aborder deux documents qui

  5   permettent de confirmer ce que disent les archives d'époque. Il s'agit de

  6   la pièce P398, à commencer par la première page. Il s'agit là d'un rapport

  7   qui émane du commandant du secteur sud, le général Forand. Il s'agit d'un

  8   compte rendu d'audience. Nous allons le montrer sur nos écrans. Vers le

  9   bas, on peut lire -- vers le haut, pardonnez-moi, à la fin du premier

 10   paragraphe.

 11   Il dit :

 12   "A propos de la raison pour laquelle la Krajina est tombée," au début de la

 13   ligne 7, "et c'est un petit peu surprenant si vous l'abordez du point de

 14   vue militaire. Un autre aspect qui était crucial, me semble-t-il, et la

 15   raison pour laquelle ceci est allé si rapidement, ils ont décidé très tôt

 16   dans l'après-midi du 4 d'évacuer les civils de Knin et des villes voisines,

 17   et dès que ceci a été fait, tout le monde a commencé à s'enfuir, y compris

 18   les militaires."

 19   Le général Forand, encore une fois, à la page du compte rendu d'audience

 20   [comme interprété] 399. A la page 1 -- à la page 2. Je vais aller

 21   rapidement. Le général Forand a dit qu'on l'a convoqué à une réunion à 18

 22   heures où les autorités de la SVK lui ont demandé de l'aider dans

 23   l'évacuation de la population civile.

 24   A la page 2, de la ligne 2 à 8 :

 25   "Et je leur ai dit que lorsqu'ils avaient un plan, vous savez, eh bien,

 26   j'allais revenir. Et donc, ils ont dit, Nous allons revenir dans une heure

 27   et nous aurons un plan. Je ne pouvais pas revenir en l'espace d'une heure.

 28   Il fallait une ou deux heures avant de pouvoir revenir à cet endroit-là, et


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  1   lorsque nous y sommes arrivés, nous avons découvert qu'ils avaient évacué

  2   cet endroit. Il n'y avait personne à cet endroit. Et c'est à ce moment-là

  3   que nous avons pu observer tout un flot de véhicules qui quittaient Knin et

  4   qui se dirigeaient vers le nord."

  5   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois vraiment que vous devriez

  6   conclure.

  7   M. MISETIC : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Il y a

 10   une chose avec laquelle je souhaite établir un lien avec ce que j'ai dit ce

 11   matin.

 12   J'ai parlé, en fait, des cartes et des photographies et de savoir si

 13   les cercles de marge d'erreur correspondaient aux légendes qui se

 14   trouvaient en bas de cette diapositive. Je l'ai abordé avec Me Misetic

 15   aujourd'hui. Il nous assure que les cercles ont la taille appropriée, et je

 16   lui fais confiance. Ceci ne correspond pas aux légendes. Il s'agit

 17   simplement de démontrer ceci à l'aide d'aides visuelles. Ils n'ont pas été

 18   présentés au dossier et portent sur les 400 mètres qui n'ont pas été admis

 19   par les Juges de la Chambre. Messieurs les Juges, vous êtes au courant de

 20   cela, et donc je pense que vous pouvez admettre cela --

 21   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons regardé avant sans préjuger

 22   de leur teneur.

 23   Merci beaucoup.

 24   L'APPELANT GOTOVINA : Votre Honneur, j'aimerais m'adresser à vous en

 25   français. Merci.

 26   Votre Honneur, tout au long de ma carrière de militaire, j'ai essayé de me

 27   conduire avec dignité et honneur. Et j'ai toujours fait de mon mieux en

 28   tant que soldat puis en tant qu'officier pour protéger les civils. En tant


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  1   qu'officier, je suis fier de la façon dont s'est déroulée l'opération

  2   "Storm". J'en suis fier non seulement parce que nous avons remporté la

  3   bataille, mais parce que le préjudice causé par l'opération militaire aux

  4   civils et à leurs biens était minime.

  5   En tant que personne, je suis, de toute évidence, profondément désolé de

  6   voir que des civils ont perdu la vie ou leur maison après l'opération. Je

  7   ne peux cependant répondre de ce que d'autres ont pu faire ou essayé à

  8   faire alors que je me battais et menais des opérations en Bosnie.

  9   Tout au long de la guerre, de lourdes tâches et d'importantes

 10   responsabilités m'ont été assignées. Aujourd'hui encore, je reste convaincu

 11   que j'ai rempli mes devoirs au mieux de mes possibilités. En tant qu'homme,

 12   je sais qu'il est toujours possible de regarder dans le passé et de penser

 13   que les choses auraient pu se passer de façon différente. Mais en tant que

 14   commandant, j'étais loin de pouvoir bénéficier d'un tel recours au moment

 15   des faits.

 16   Durant l'opération "Storm", nous étions engagés dans une lutte dont nos

 17   vies dépendaient contre -- avec une autre force militaire, et ce, afin de

 18   libérer notre pays, tout en essayant de protéger la vie de mes soldats et

 19   celles des civils. Je ne prétends pas avoir été sans faille, mais j'espère

 20   que je ne serai pas jugé pour ne pas avoir été parfait.

 21   Si j'ai effectivement commis des erreurs au cours de ma vie, dont celle de

 22   ne me pas rendre au Tribunal, soyez sûrs que je suis le premier à le

 23   regretter. Même s'il se peut que vous trouviez que j'ai commis des erreurs

 24   de jugement, vous ne trouverez pas chez moi quelconque volonté ni même un

 25   consentement aux fins de blesser, abuser et bafouiller les droits d'un

 26   homme, qu'il soit civil ou soldat, simplement parce qu'il est Serbe ou

 27   parce qu'il appartient à un autre groupe que le mien.

 28   Je sais et je vis avec la satisfaction de savoir que mes actes durant


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  1   l'opération "Storm" étaient appropriés et que mes ordres en attestent.

  2   Votre Honneur, je ne sollicite donc aucune faveur de votre part et je ne

  3   vous demande rien d'autre que ce que mes avocats vous ont déjà demandé. Je

  4   vis avec la certitude que mes actes sont cohérents avec ceux d'un officier

  5   honnête et diligent qui a essayé de faire de son mieux dans des

  6   circonstances extrêmement difficiles. Si cette Chambre était disposée à

  7   juger mes actes à la lumière de ce contexte, j'en serais pleinement

  8   satisfait et ne demanderais rien de plus.

  9   Votre Honneur, merci pour votre attention.

 10   M. LE JUGE MERON : Merci, Monsieur Gotovina.

 11   [interprétation] Monsieur Markac, vous avez dix minutes.

 12   L'APPELANT MARKAC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 13   Juges, je suis convaincu de l'équité de ce Tribunal, et je suis également

 14   convaincu de mon innocence. C'est ce qui m'a incité à me placer entre les

 15   mains de ce Tribunal il y a maintenant de cela neuf ans. Je suis étonné de

 16   ce que j'ai pu entendre ici au cours de ce procès au sujet de l'opération

 17   menée par l'armée et la police, l'opération Tempête, des affirmations qui

 18   ne sont pas fondées sur les faits véridiques et qui interprètent souvent de

 19   manière erronée ce qui s'est produit réellement sur le terrain.

 20   Je suis provoqué par ces tentatives de présenter de manière différente les

 21   faits de la guerre d'indépendance, et je tiens à vous dire sincèrement : je

 22   ne suis membre d'aucune entreprise criminelle commune. Je ne suis pas un

 23   criminel de guerre. Egalement, s'agissant de l'existence d'une entreprise

 24   criminelle commune, eh bien, pour la première fois où j'en ai entendu

 25   parler, c'était ici pendant ce procès. Les représentants de la communauté

 26   internationale qui se trouvaient à l'époque en Croatie, personne, aucun

 27   membre de l'opinion croate n'a jamais attiré mon attention sur l'existence

 28   de cette entreprise.


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  1   De même, jamais personne avant, pendant ni après l'opération de

  2   libération, l'opération Tempête, de la part des institutions nationales ou

  3   de la part de la communauté internationale, personne n'a attiré mon

  4   attention sur un éventuel comportement illégal des membres de la police

  5   spéciale du ministère de l'Intérieur. Et je me félicite tout

  6   particulièrement d'avoir eu un comportement très professionnel.

  7   Donc, pendant ces événements, je n'ai planifié, je n'ai commis, je

  8   n'ai dissimulé aucun crime, car cela ne correspond pas à ma vision du

  9   monde. Je suis officier; c'est de manière responsable et de manière

 10   professionnelle, de concert avec mes subordonnés, que j'ai mené à bien les

 11   missions qui m'étaient confiées par le chef de l'état-major principal des

 12   forces armées et par le ministre des Affaires intérieures de la République

 13   de Croatie. Ma tâche consistait à mener un combat contre le terrorisme, à

 14   défendre et à libérer le territoire occupé de manière illégitime et d'y

 15   faire rétablir l'ordre et d'y faire régner la loi. En tant qu'homme, en

 16   tant qu'humaniste, je compatis profondément avec tous ceux qui ont souffert

 17   pendant ces événements difficiles et terribles.

 18   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suis pas coupable.

 19   Je m'attends à ce que vous vous penchiez de manière très attentive sur les

 20   documents qui vous ont été présentés et sur les arguments qui vous ont été

 21   présentés. Je m'attends à ce que votre jugement soit juste.

 22   Merci de m'avoir donné la parole.

 23   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Markac.

 24   La présente audience est terminée. Notre arrêt sera rendu en temps voulu.

 25   Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué au bon déroulement, aux

 26   interprètes, aux sténotypistes et l'ensemble du personnel.

 27   La Chambre d'appel termine la présente audience. L'audience est levée.

 28   --- L'audience d'appel est levée à 18 heures 40, sine die.