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1 Le jeudi 26 février 2015
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est absent]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 30.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire et
6 hors du prétoire.
7 Madame la Greffière, pouvez-vous citer le numéro de l'affaire, je vous
8 prie.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
10 Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le
11 Procureur contre Goran Hadzic.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
13 Les présentations, je vous prie, à commencer par l'Accusation.
14 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
15 les Juges. Je suis Douglas Stringer, accompagné de Sarah Clanton et
16 d'Elizabeth Spelman, ainsi que de Thomas Laugel du côté de l'Accusation.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
18 Maître Zivanovic, pour la Défense.
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
20 les Juges. Du côté de la Défense de Goran Hadzic, vous avez devant vous
21 Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell, accompagnés des stagiaires Sara
22 Butkovic et Raila Abas.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous faisons
24 remarquer dans l'intérêt du compte rendu d'audience que M. Hadzic n'est pas
25 présent et que nous avons reçu la dérogation déposée par lui.
26 Avant de faire entrer le témoin, le Dr Seute, la Chambre aimerait évoquer
27 une nouvelle fois la question de savoir si nous devrions travailler à huis
28 clos partiel. La Chambre est d'avis qu'hier, rien n'a été révélé qui
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1 n'était pas déjà dans le domaine public étant donné la décision de la
2 Défense de rendre public les éléments relatifs à l'état de santé de M.
3 Hadzic. Rien n'indique que l'audience d'aujourd'hui devrait être très
4 différente de celle d'hier.
5 Par conséquent, il semble n'y avoir que peu de raisons, voire aucune
6 raison pour que l'audience d'aujourd'hui, pas plus d'ailleurs que celle
7 d'hier, ne se déroule à huis clos partiel.
8 Maître Zivanovic, êtes-vous d'accord ?
9 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, oui. Hier, j'ai
10 communiqué l'information, après consultation de M. Hadzic, l'information
11 que j'ai communiquée, et il n'a pas changé d'avis, mais c'est à la Chambre
12 qu'il appartient d'en décider.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Du côté de l'Accusation, quelque
14 chose à ajouter ?
15 M. STRINGER : [interprétation] Nous n'avons pas de position particulière
16 sur ce sujet, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos
20 pendant quelques instants -- ou plutôt, huis clos partiel. Huis clos
21 partiel, simplement.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
24 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
21 Et je demande que l'on fasse entrer dans la salle le témoin, le Dr Seute.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Docteur.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Puis-je vous demander, dans l'intérêt
26 du compte rendu d'audience, de bien vouloir décliner vos noms et prénoms,
27 je vous prie.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Tatjana Seute, 15 novembre 1971.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Quelle est votre
2 profession ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis neuro-oncologue.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Docteur Seute, vous êtes sur le point de prononcer la déclaration
6 solennelle qui est prononcée par tous les témoins avant le début des
7 audiences devant ce Tribunal et dans laquelle les témoins s'engagent à dire
8 la vérité. Je dois souligner qu'en prononçant cette déclaration solennelle,
9 vous vous engagez, en d'autres termes vous vous exposez - je vous prie, de
10 m'excuser - aux pénalités associées à un faux témoignage si vous
11 fournissiez des renseignements contraires à la vérité ou erronés au
12 Tribunal.
13 Cela étant dit, je vous demanderais de bien vouloir prononcer la
14 déclaration solennelle dont le texte vous est tendu par M. l'Huissier en
15 cet instant.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Je déclare solennellement que je
17 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 LE TÉMOIN : TATJANA SEUTE [Assermentée]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous
21 rasseoir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer.
24 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Interrogatoire principal par M. Stringer :
26 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Seute.
27 Je m'appelle Douglas Stringer, je suis substitut du Procureur en cette
28 institution, devant ce Tribunal, et j'ai quelques questions à vous poser au
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1 sujet du rapport que vous avez élaboré à la demande de la Chambre. Vous
2 avez bien ce rapport sous les yeux ?
3 R. Oui.
4 Q. Si pendant les questions que je vous pose, il y a quoi que ce soit que
5 vous ne compreniez pas parfaitement ou au sujet de quoi vous souhaitiez des
6 éclaircissements, n'hésitez pas, je vous prie, à me le faire savoir.
7 R. D'accord.
8 Q. Docteur Seute, parlons un peu de votre formation. Si je suis bien
9 informé, vous pratiquez la neuro-oncologie, n'est-ce pas ?
10 R. Hm-hm.
11 Q. Ce qui signifie, je suppose - car je ne suis pas spécialiste - que
12 votre travail implique largement le traitement de personnes, de patients
13 qui sont dans des états de santé comparables à celui qui vient récemment
14 d'être diagnostiqué au sujet de M. Goran Hadzic, n'est-ce pas ?
15 R. C'est exact. Je réalise des diagnostics, j'applique des traitements et
16 je guide les patients atteints de glioblastome. C'est mon travail
17 principal.
18 Q. Et vous avez examiné M. Hadzic le 11 février ?
19 R. Exact.
20 Q. Cet examen s'est déroulé tout près de l'endroit où vous travaillez, de
21 l'hôpital d'Utrecht ?
22 R. Exact.
23 Q. L'examen, selon votre rapport, a duré environ une heure, une heure et
24 quart.
25 R. Hm-hm.
26 Q. Et vous avez indiqué dans votre rapport, en fait, qu'au sujet de l'une
27 des questions, vous n'aviez jamais rendu visite au Centre de détention au
28 quartier pénitentiaire --
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1 R. Hm-hm.
2 Q. -- ici au Tribunal.
3 R. Hm-hm.
4 Q. Donc, vous ne savez pas quelles son les conditions de vie dans ce
5 quartier pénitentiaire où M. Hadzic est actuellement en détention, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Exact.
8 Q. Je vois certains des documents que vous avez sur vous, et je sais à
9 partir de l'ordonnance portant calendrier que la Chambre a demandé que vous
10 soient remis des documents qui ont été soumis préalablement aux parties, à
11 savoir l'Accusation et la Défense, au sujet de certaines questions
12 juridiques qui occupent l'esprit des Juges actuellement, à savoir la
13 libération de M. Hadzic hors de l'unité pénitentiaire de façon à ce qu'il
14 puisse retourner en Serbie pour les quelques mois à venir jusqu'à son
15 retour au mois de mai pour son évaluation IRM.
16 R. Hm-hm.
17 Q. Vous comprenez, n'est-ce pas, que c'est la question principale qui
18 occupe les Juges de la Chambre aujourd'hui ?
19 R. Hm-hm, je comprends.
20 Q. Lorsque vous avez parlé à M. Hadzic, est-ce que vous avez discuté avec
21 lui des conditions d'existence qui étaient les siennes, de l'endroit où il
22 se proposait de vivre en Serbie s'il était libéré, en particulier ?
23 R. Non.
24 Q. D'accord.
25 R. Nous n'avons pas parlé de cela.
26 Q. Donc, vous ne savez rien de l'endroit où il --
27 R. Non.
28 Q. -- se rendrait s'il était libéré ?
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1 R. Non.
2 Q. Avant d'examiner M. Hadzic, vous indiquez dans votre rapport que vous
3 avez également passé en revue tous les rapports médicaux, toutes les
4 informations, toutes les images qui ont été mises à votre disposition,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Exact.
7 Q. Je pense que vous avez eu au moins une conversation avec le Dr Falke,
8 qui est le responsable médical principal ici --
9 R. Exact.
10 Q. -- c'est-à-dire dans ce que nous appelons le quartier pénitentiaire.
11 Savez-vous que la Chambre a nommé une autre personne pour remplir la même
12 fonction que vous, à savoir celle d'expert indépendant ?
13 R. Je le savais et j'en étais informée lorsque je lui ai parlé.
14 Q. Et cet expert était le Dr Cras, vous le saviez.
15 R. Oui.
16 Q. Si je comprends bien, vous avez communiqué avec le Dr Cras, peut-être
17 brièvement seulement, mais en tout cas à peu près au même moment que celui
18 où vous avez soumis vos rapports, n'est-ce pas ?
19 R. Exact, exact.
20 Q. Avez-vous lu le rapport du Dr Cras ?
21 R. Oui.
22 Q. D'accord. Et vous savez, je suppose, également, que le médecin traitant
23 de M. Hadzic est le Dr Martin Taphoorn.
24 R. Hm-hm.
25 Q. Et qu'il travaille principalement au MCH, c'est-à-dire un grand hôpital
26 de La Haye, ici.
27 R. Oui.
28 Q. Et qu'il est comme vous neuro-oncologue ?
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1 R. Exact.
2 Q. Connaissez-vous le Dr Taphoorn ?
3 R. Oui.
4 Q. Sur la base de ce que vous savez du Dr Taphoorn et de la lecture que
5 vous avez faite du dossier médical de M. Hadzic, pouvez-vous commenter la
6 qualité des soins médicaux qui ont été dispensés à M. Hadzic jusqu'à
7 présent en l'espèce ?
8 R. Oui, je peux le faire. La qualité des soins que M. Hadzic a reçus
9 jusqu'à présent est de grande qualité. Il repose sur des décisions de
10 traitement standard comme nous les connaissons en cet instant, au stade
11 actuel des recherches en Europe et aux Etats-Unis ainsi que dans le monde
12 entier. Ce sont de soins d'excellente qualité. Les rapports pathologiques
13 sont d'excellente qualité et le Pr Taphoorn est un oncologue hautement
14 respecté dans le domaine de la neurologie.
15 Q. Si je comprends bien le Dr Taphoorn est l'une des personnes qui a
16 élaboré le modèle Stupp, qui préside au programme thérapeutique subi
17 actuellement par M. Hadzic ?
18 R. Hm-hm. C'est une étude de très grande importance qui a été réalisée au
19 début des années 1990 à 2000, 2005, avec de nombreux neuro-oncologues qui
20 ont pratiqué cette étude avec l'aide de leurs patients et dont nous avons
21 la liste des auteurs. En effet.
22 Q. J'ai vu votre nom sur un certain nombre de publications également qui
23 sont liées au traitement du glioblastome.
24 R. Hm-hm.
25 Q. Avant que nous ne parlions plus précisément de vos conclusions et de
26 vos avis sur le fond, je souhaiterais vous soumettre une partie d'un
27 rapport et vous demander un éclaircissement.
28 R. Hm-hm.
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1 Q. Si nous passons à la page 4 de ce rapport, la dernière page de votre
2 rapport, dernier paragraphe, nous y voyons une réponse à la question où
3 l'on voit un chiffre "V" en caractère romain et un nom qui l'accompagne.
4 "Multiformes variables de 12 a 14 mois, même si les résultats médians
5 indiquent 50 %."
6 Et puis la phrase suivante qui se lit comme suit :
7 "Les deux ans de survie vont de 25 à 30 %."
8 Donc, je souhaitais vous demander si vous pourriez préciser cette question
9 des 12 à 14 mois et est-ce que c'est une indication exacte ?
10 R. Hm-hm. C'est une indication exacte. Voyez-vous, les nombres que vous
11 voyez dans ce rapport proviennent de l'étude Stupp, à savoir de ce mode de
12 traitement, du régime, qui est dispensé à M. Hadzic en ce moment et qui
13 repose donc sur les résultats de cet essai Stupp. Il y a eu de nombreux
14 patients qui ont pris part à cet essai, et si vous examinez les taux de
15 survie pour ces patients, vous obtenez une survie médiane qui approche les
16 14 mois. Mais -- et c'est la raison pour laquelle j'ai également pris cela
17 en compte, j'ai dit que ces chiffres reposent sur des essais ainsi que sur
18 l'expérience personnelle de notre propre hôpital, car je dirige une
19 clinique très importante aux Pays-Bas. Nous avons dans cette clinique le
20 plus grand nombre de patients souffrant de cette pathologie. Et donc, en
21 tenant compte des deux facteurs pour toute la Hollande, nous obtenons un
22 taux de survie médian. Mais pour être tout à fait clair, pour le patient
23 qui se trouve face à vous, en particulier dans la phase précoce de sa
24 maladie, rien ne peut être déterminé au sujet de cette durée de 12 à 14
25 mois de façon plus précise.
26 Q. D'accord. J'appelle votre attention, parce que je pense encore une fois
27 que pour ceux qui ne sont pas médecins ou experts dans votre domaine, le Dr
28 Cras --
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1 R. Hm-hm.
2 Q. -- dans son deuxième rapport, le Dr Cras déclare qu'en ce moment, le
3 taux de survie de M. Hadzic peut être estimé dans une fourchette de 12 à 24
4 mois --
5 R. Hm-hm.
6 Q. -- en fonction de la réussite de la radiothérapie et de la
7 chimiothérapie. Donc vous pouvez peut-être nous expliquer quelles sont les
8 fourchettes différentes --
9 R. Hm-hm.
10 Q. -- que nous voyons ici.
11 R. Oui. Je pense que si vous prenez cette période de 12 à 14 mois, c'est
12 le nombre qui est issu de l'essai. Toutes sortes de patients sont concernés
13 ici, comme par exemple des patients en mauvais état physique avant le début
14 de leur traitement, avant donc le diagnostic de glioblastome. Il y a
15 également des patients qui ont subi des interventions chirurgicales, comme
16 la résection de la tumeur. Il y a des patients qui n'ont pas subi une telle
17 résection. Il y a des patients avec des tumeurs de grande taille dans des
18 parties très importantes, très éloquentes du cerveau. Il y en a d'autres
19 avec des tumeurs de taille plus réduite. Et ils ont tous reçu le même
20 diagnostic. Donc l'échelle des patients est très variable. Si vous examinez
21 la situation de M. Hadzic, cela figure également dans le rapport de M.
22 Cras, il y a des éléments qui pourraient être jugés comme des éléments plus
23 favorables de pronostic, en raison notamment de son âge relativement jeune
24 et du fait que cette maladie est une maladie qui atteint des personnes
25 assez jeunes; en raison aussi de son état physique; et puis, par ailleurs,
26 il y a d'autres facteurs qui sont négatifs du point de vue du pronostic,
27 comme le fait que la tumeur se situe dans diverses parties du cerveau et
28 qu'une résection totale n'est donc pas possible. Si vous faites l'addition
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1 de tous ces facteurs -- j'aimerais préciser un point. Vous pouvez essayer
2 d'élargir un peu votre point de vue. Le Pr Taphoorn et le Pr Cras estiment
3 que la durée de survie pourrait être de 12 à 24 mois en tenant compte de
4 l'ensemble de ces facteurs.
5 Personnellement, à ce stade sa maladie, je pense qu'il est extrêmement
6 difficile de s'exprimer plus précisément au sujet de son avenir.
7 Q. D'accord. Lorsque vous avez examiné M. Hadzic le 11 février, vous avez
8 indiqué que bien que vous n'ayez réalisé aucun test neuropsychologique,
9 vous étiez d'avis qu'il semblait ne pas souffrir de disfonctionnement
10 cognitif ?
11 R. Exact.
12 Q. Le Dr Cras a indiqué dans son rapport qu'il avait conclu que M. Hadzic
13 était bien orienté, s'exprimait clairement --
14 R. Hm-hm.
15 Q. -- et qu'il avait des résultats normaux au test cognitif de Montréal.
16 R. Hm-hm.
17 Q. Ma question est la suivante : est-ce que les conclusions du Dr Cras et
18 ses observations correspondent de façon générale aux vôtres ?
19 R. Eh bien, oui, de façon générale, oui. J'ai estimé que l'esprit de M.
20 Hadzic était tout à fait clair. Il a répondu aux questions que j'ai posées
21 par l'intermédiaire de l'interprète très rapidement. Il n'a pas eu besoin
22 de temps particulièrement plus long pour réfléchir. Donc il était bien
23 orienté dans le temps, l'espace et du point de vue de son identité
24 personnelle. Cela dit, je n'ai pas pratiqué une grande série de tests
25 neuropsychologiques qui auraient pris davantage de temps.
26 Q. Pour quelle raison ?
27 R. Il aurait fallu des heures pour le faire, et je n'ai pas consenti cet
28 effort parce que je n'ai pas pensé que c'était nécessaire au moment des
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1 faits.
2 Q. Venons maintenant au point principal qu'il vous a été demandé de
3 traiter, et je vous réfère à la page 2 de votre rapport à cet égard. Nous
4 allons examiner plusieurs questions. La question numéro 2 en particulier.
5 On vous a demandé dans cette question si M. Hadzic aurait la possibilité
6 physique d'assister et de participer aux audiences de son procès pendant
7 une période de quatre mois pendant ou après le traitement. Dans votre
8 réponse, vous déclarez qu'à votre avis, il n'aurait pas la possibilité de
9 participer pendant quatre mois durant le traitement aux audiences ou
10 pendant des épisodes où il souffrirait d'effets secondaires négatifs.
11 R. Hm-hm.
12 Q. Et avant d'en arriver à la question en tant que telle, j'aimerais que
13 nous passions à la question numéro 4 dans votre document, qui concerne le
14 même problème, à savoir est-ce que M. Hadzic est incapable physiquement
15 d'assister aux audiences du Tribunal. Est-ce qu'il aurait tout de même, en
16 dépit de cela, la capacité de participer au procès par visioconférence à
17 partir du quartier pénitentiaire des Nations Unies ? En tant qu'une
18 personne qui a participé à l'élaboration des questions, je pense que nous
19 aurions peut-être pu vous faciliter le travail; au lieu du terme "assister
20 et participer", nous aurions peut-être mieux fait d'utiliser le terme "être
21 présent à". Donc j'aimerais distinguer entre les deux aspects de cette
22 question.
23 Avant que vous ne répondiez à ma question, celle dont je viens de
24 donner lecture, je rappelle que vous indiquez dans votre rapport, en tout
25 cas vous renvoyez à votre réponse précédente, et vous exprimez une certaine
26 préoccupation au sujet de la charge que pourrait représenter un
27 interrogatoire intense pour M. Hadzic ainsi qu'au sujet de la longueur des
28 audiences, qui pourraient s'étaler sur plusieurs mois.
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1 R. Hm-hm.
2 Q. Donc, Docteur Seute, si je vous demandais aujourd'hui - avant tout, si
3 vous pourriez peut-être décrire ou nous indiquer lorsque vous répondrez -
4 ce que vous avez à l'esprit lorsque vous entendez le mot "participation" ?
5 R. Dans mon esprit, en tant que médecin, je comprends le mot
6 "participation" dans cette salle d'audience comme le fait de savoir ce qui
7 se dit dans le prétoire et d'être capable de répondre aux questions comme
8 je suis en train de le faire en ce moment. C'est ma perception de ce que
9 signifie le terme participation à un procès.
10 Q. D'accord. Alors, laissons de côté ce mot de participation. Il y a trois
11 choses que nous avons évoquées à ce sujet, c'est-à-dire être présent,
12 écouter et répondre aux questions. Laissons cela de côté et concentrons-
13 nous strictement sur la capacité ou l'aptitude de M. Hadzic à être présent
14 pendant, disons, la première ou les deux premières audiences. Parce que
15 c'est de cette façon que nous définissons le terme d'être présent, assister
16 à une ou plusieurs procédures, à savoir être présent dans la salle
17 d'audience, être assis sur le banc qui lui est réservé à l'arrière de la
18 salle, ou même se trouver dans la pièce qui lui serait réservée au quartier
19 pénitentiaire et de suivre sur des écrans la procédure à l'aide d'un
20 dispositif vidéo, et même peut-être la possibilité de s'adresser à ses
21 avocats ici dans le prétoire en temps réel ou de prendre contact avec eux.
22 Donc, si c'est ainsi que nous définissons le fait d'être présent, et en
23 laissant cela de côté, je suppose que je ne vais pas vous écarter trop
24 longtemps de l'autre sujet, à savoir le régime thérapeutique qui lui est
25 dispensé. Mais si j'ai bien compris, il devrait vivre au moins deux autres
26 cycles de 28 jours de chimiothérapie, dont chacun implique cinq jours
27 d'administration de médicament --
28 R. Exact.
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1 Q. -- suivis par une période de 23 jours de récupération dans chacun de
2 ces cycles de chimiothérapie.
3 R. Oui.
4 Q. C'est donc de cette façon que se déroule un cycle.
5 R. Oui, exact.
6 Q. Dans votre rapport, vous avez dit que si la numération globulaire de M.
7 Hadzic s'améliorait, il pourrait devenir possible pour lui d'assister et de
8 participer à une audience pendant une partie limitée de la journée. En
9 laissant encore une fois de côté la question de la participation sous forme
10 de réponse aux questions, est-ce que vous êtes en train de dire que
11 pendant, disons, les 23 jours de récupération de la chimiothérapie, il
12 pourrait être possible pour M. Hadzic d'assister, comme nous l'avons
13 défini, à l'audience; c'est-à-dire, soit d'être présent dans le prétoire,
14 soit de suivre l'audience par visioconférence à partir du quartier
15 pénitentiaire ?
16 R. Hm-hm.
17 Q. Manifestement, cela dépendra de la façon dont il serait affecté par les
18 effets secondaires négatifs ?
19 R. Oui. C'est un point crucial dont vous êtes en train de parler. Je pense
20 qu'en fonction de la façon dont il vivra les effets secondaires --
21 j'aimerais d'ailleurs reformuler : si vous savez comment il réagira au
22 régime de chimiothérapie, vous vous faites un jugement relativement exact
23 de la façon dont il est possible de combiner chimiothérapie et
24 radiothérapie, surtout s'il présente une chute de la numération globulaire
25 importante. Ça, c'est un effet secondaire négatif important. Le nombre de
26 leucocytes et plaquettes peuvent être un élément menaçant sa survie s'ils
27 baissent exagérément. Donc c'est une menace importante pour sa vie.
28 Dans cette nouvelle phase ou deuxième phase de son traitement, il recevra
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1 la même chimiothérapie que dans la première, mais à des doses plus
2 importantes. Donc il faudra le suivre de très près, en particulier au début
3 du cycle, de façon à voir ce qui se passe par la suite. A ce moment-là, je
4 ne connais pas aujourd'hui exactement quelle est sa numération globulaire,
5 mais je ne suis même pas sûr de savoir s'il pourra supporter le début de
6 ces deux phases suivantes.
7 Mais partons du principe qu'il pourra le faire. Alors, je pense que vous
8 vous faites un jugement à peu près exact pendant les premiers 23 jours de
9 repos après la première administration de médicament. Vous voyez comment sa
10 numération globulaire est affectée et vous pouvez juger de sa capacité ou
11 non d'être présent. Si sa numération globulaire reste normale, s'il n'a pas
12 de nausées et de vomissements, s'il n'est pas extrêmement épuisé, il
13 pourrait être présent. Oui.
14 Q. D'accord.
15 R. Et si peut-être --
16 Q. Je vous en prie.
17 R. -- mais j'aimerais peut-être apporter une nuance. J'imagine que vous
18 pensez que les cinq premiers jours de la chimiothérapie sont les pires,
19 mais pendant la phase de récupération qui suit, les patients traversent
20 souvent des moments difficiles en raison des effets secondaires. Pas
21 pendant les cinq premiers jours de prise de médicaments. Mais c'est plus
22 tard que la numération globulaire descend le plus bas, disons aux alentours
23 du 21e jour, et je pense que c'est également ce que confirmera le Pr
24 Taphoorn. Et au 28e jour, je crois qu'il est possible de décider si le
25 deuxième cycle peut avoir lieu, à partir des résultats du premier.
26 Q. Donc, en réalité, du point de vue de la capacité de M. Hadzic d'être
27 présent, elle est liée à sa réaction à la chimiothérapie en une journée
28 déterminée ?
Page 12609
1 R. Oui.
2 Q. Liée également à la façon dont il réagit du point de vue numération
3 globulaire et à comment il se sent ?
4 R. Oui.
5 Q. D'accord. Je ne sais pas ce que vous savez exactement du déroulement
6 d'une journée de procès ici ou de la façon dont les choses se passent. J'ai
7 une question à ce sujet : serait-il possible que M. Hadzic puisse être
8 présent si la Chambre de première instance -- les Juges manifestaient une
9 certaine flexibilité dans le calendrier des audiences en réduisant le
10 nombre de jours, d'heures par jours, à quelques jours, par exemple, ou si
11 le procès se déroulait au moment de la journée où M. Hadzic se sent le
12 mieux ? J'ai vu dans l'un de vos rapports qu'il souffrait d'insomnie mais
13 qu'il dormait quelquefois pendant la journée. Donc, si une certaine
14 flexibilité était manifestée sur ce plan, est-ce que cela contribuerait à
15 sa capacité à être présent dans le prétoire ?
16 R. Oui, cela serait utile, même s'il est très difficile de prédire ses
17 réactions et quels ajustements devraient être appliqués. A partir de mon
18 expérience, je dirais que j'ai vu plus de 900 patients qui ont reçu le même
19 traitement et que tous ces patients étaient en bon état physique même s'ils
20 passaient par des moments difficiles pendant la chimiothérapie. Par
21 ailleurs, il y a d'autres patients, jeunes et en forme physiquement, qui
22 ont besoin de plusieurs heures de sommeil supplémentaires pendant la
23 journée. Il est impossible de prédire exactement ce que sera sa situation à
24 lui, mais tout est possible.
25 Q. Encore une question. Vous avez parlé de pronostic --
26 R. Hm-hm.
27 Q. -- et vous avez dit qu'en raison de son état de santé et de son
28 programme thérapeutique, si j'ai bien compris, il y aurait réévaluation au
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1 début du mois de mai ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-il permis de dire que la capacité de M. Hadzic à être présent aux
4 audiences de son procès diminuera en fonction du temps, de façon générale ?
5 R. Il est très difficile de se prononcer sur ce point aujourd'hui. De
6 façon générale, effectivement, parce qu'il s'agit d'une maladie qui
7 progresse dans le temps et que le traitement a pour but d'en réduire
8 l'intensité, en parvenant peut-être à l'arrêter au mieux. Mais comme vous
9 pouvez le lire dans mon rapport, il arrive que les périodes de survie
10 soient longues, y compris chez des patients qui n'ont pas subi de résection
11 de la tumeur. Mais cela constitue un groupe de patients très limité
12 numériquement, très restreint. La plupart des gens profitent du traitement,
13 bien entendu, sinon nous cesserions de l'administrer, mais il n'est pas
14 possible à quelque moment que ce soit de dire à quel instant précis la
15 tumeur commence à diminuer. Il peut se développer des dysfonctionnements
16 neurologiques, des dysfonctionnements cognitifs au fil du temps, mais le
17 temps nécessaire pour cela ne peut pas être prédit.
18 Q. Je vous remercie.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gosnell.
20 M. GOSNELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
21 Président.
22 Interrogatoire principal par M. Gosnell :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Seute. Je m'appelle Christopher
24 Gosnell. En fait, dans votre rapport, à la question numéro 4(b)(ii) -- bon,
25 en tout cas, c'est à la page 3. Vous dites que :
26 "Les conséquences attendues de la radiothérapie et de la
27 chimiothérapie correspondent, en fait, à une numération globulaire basse,
28 de la fatigue, des nausées et des vomissements, rares en fait, et des
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1 dysfonctionnements cognitifs importants à moyens et des problèmes de
2 concentration et d'amnésie."
3 Et ce qui m'intéresse, en fait, c'est cela : y a-t-il une distinction
4 dans votre esprit entre un dysfonctionnement qui est à moyen terme ou un
5 dysfonctionnement à plus court terme ?
6 R. Oui, tout à fait. Il est difficile de l'expliquer comme ça sans
7 commencer par faire une conférence dessus. Mais quand je parle de
8 radiothérapie, je parle des effets secondaires qui peuvent exister dans le
9 cas d'une radiothérapie. Et la radiothérapie qu'a subie M. Hadzic est une
10 radiothérapie qui vise, bien sûr, les zones du cerveau où se trouve la
11 tumeur, parce qu'il s'agit là de foyers multiples. Et lorsque vous
12 pratiquez cette radiothérapie, que le radiothérapeute prépare son plan, en
13 fait, il vise évidemment l'emplacement de la tumeur ainsi que des neurones
14 et des cellules en bonne santé qui participent à ce régime de
15 radiothérapie. Ceci n'aura pas une incidence directe. Vous n'allez pas le
16 remarquer lorsque vous recevrez ce traitement de radiothérapie. Les
17 patients peuvent se plaindre quelquefois de fatigue mais ne souffriront pas
18 de problèmes de concentration directement liés à cela.
19 Et dans ce laps de temps, c'est là où c'est un petit peu faux, si je
20 puis dire, en fait, ce calcul de moyen terme au long terme, ça peut
21 correspondre à un ou deux ans, eh bien, les neurones sains, les cellules du
22 cerveau saines, vont diminuer et leur fonctionnement commence à diminuer.
23 C'est à ce moment-là qu'il peut y avoir une perte en concentration. Et dans
24 les cas graves, il peut y avoir de graves problèmes d'amnésie.
25 Q. Avez-vous souvent des patients souffrant de glioblastome
26 présentant des foyers multiples alors qu'ils subissent une chimiothérapie
27 et que ces patients-là ne montrent aucun signe de dysfonction cognitive,
28 qu'ils ne s'en plaignent pas, mais qui malheureusement souffrent de déficit
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1 s'agissant, en fait, de tâches intellectuelles durables ?
2 R. Voulez-vous parler du traitement ou après ?
3 Q. Je veux dire pendant le traitement.
4 R. D'après mon expérience, la plupart des patients se plaignent dans une
5 certaine mesure de dysfonctionnement cognitif. Même si je dois répéter
6 qu'il existe en fait une possibilité multiple de la manière dont ceci peut
7 affecter les patients. Il y a un pourcentage de patients qui continuent à
8 exercer leur travail, il s'agit de patients très instruits, qui poursuivent
9 leurs activités dans un cadre professionnel et social. Mais il est très
10 difficile de dire quelque chose et d'en parler en des termes très généraux
11 car, comme je vous l'ai dit précédemment, un patient qui a une tumeur au
12 cerveau a un cancer mais a également des maladies neurologiques. Tout
13 dépend de l'endroit où la tumeur est localisée dans le cerveau.
14 Q. Alors, je vais vous poser la question différemment : serait-il
15 inhabituel, à votre sens, ou est-ce que vous estimez qu'il est peu probable
16 qu'un patient qui vous dit qu'il a du mal à être concentré pendant une
17 période d'une ou de deux heures, et qu'il n'arrive pas à suivre ses
18 pensées, est-ce que vous pensez à ce moment-là qu'il s'agit de
19 dysfonctionnement cognitif apparent ?
20 R. Et la question que vous me posez, est-ce inhabituel ?
21 Q. Alors, est-ce que, par exemple, vous pouvez imaginer que cela n'est pas
22 vrai et qu'ils n'ont pas ces difficultés-là à suivre leurs pensées ou en
23 tout cas à rester concentrés pendant une ou deux heures ?
24 R. Je ne comprends pas votre question. Si vous pensez à ce que je
25 m'attende à ce qu'ils aient cela ou pas ?
26 Q. La question que je vous pose, c'est si vous trouvez cela inhabituel et
27 est-ce que cela sort du champ de vos attentes dans le cadre d'un patient
28 qui souffre de glioblastome et qui subit une chimiothérapie ?
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1 R. Encore une fois, tout dépend de l'endroit où se trouve la tumeur. Si
2 vous avez une tumeur au niveau des lobes frontaux, dans ce cas, je serais
3 très surprise de constater qu'un patient me dise qu'il n'a aucune
4 difficulté à rester concentré pendant plusieurs heures. Si la tumeur se
5 trouve dans la partie occipitale du cerveau, ce qui se trouve à l'arrière,
6 ce serait sans doute le cas.
7 Q. Mais dans les deux cas, c'est tout à fait possible, voire même probable
8 dans ces deux cas, il est probable que la personne se plaigne surtout de sa
9 difficulté à se concentrer pendant un long moment, à digérer les
10 informations et d'avoir une mémoire à court terme et d'avoir des fonctions
11 normales pendant une période assez longue. Cela n'est pas inhabituel ?
12 R. Alors, chez nous, lorsque des patients se plaignent de ce genre de
13 chose, eh bien, il y a différentes tâches neurologiques que nous pouvons
14 accomplir au niveau de ces patients-là et, dans ce cas, je demanderais à ce
15 qu'il y ait un examen neurologique complet pour constater pendant combien
16 de temps le patient est capable de se concentrer.
17 Q. Alors, pour répondre à la question (a)(ii), vous dites :
18 "A mon sens, M. Hadzic ne pourra pas participer au procès pendant
19 quatre mois lors de son traitement ou pendant des épisodes où il aura des
20 effets secondaires comme une numération globulaire très faible".
21 Et c'est mon confrère de l'autre côté du prétoire qui a lu cela, donc
22 je ne vais pas répéter cela. Alors, outre la phrase que vous prononcez :
23 "Mais l'avenir proche est incertain en raison de sa condition
24 neurologique, qui peut se modifier rapidement dans le temps".
25 Et lorsque vous dites "rapidement", est-ce que vous voulez dire par
26 là que sa condition pourrait changer d'un jour à l'autre, et ce, de façon
27 importante ?
28 R. Oui, c'est possible. Si je puis vous l'expliquer un tout petit peu, je
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1 vais vous dire un petit peu comment cela peut arriver. A ce moment, moi, je
2 n'ai pas de réponse. Je ne sais pas comment le traitement affecte M. Hadzic
3 dans le cas -- ou je ne sais pas si la tumeur réagit au traitement.
4 Q. Docteur Seute, je crois que vous pouvez répondre.
5 R. Donc, où en étions-nous ? Alors, le changement rapide de son
6 fonctionnement. A ce stade, nous ne savons pas si le traitement sera
7 efficace ou non, ou est efficace. Dans le pire des cas, le traitement n'est
8 pas efficace et la tumeur grandit dans son cerveau. Et vous me direz que
9 vous pourrez le constater de l'extérieur. Il y a un dysfonctionnement
10 cognitif, une crise, mais cela n'arrive pas forcément et, dans la plupart
11 des cas, cela n'arrive pas. Mais ce que nous remarquons, c'est le moment où
12 les cellules malignes, la tumeur grandit, croît dans le cerveau, et à ce
13 moment-là, il y a présence d'œdème, et cela peut se développer assez
14 rapidement et dans ce cas-là, la santé du patient peut se dégrader très
15 rapidement en quelques jours. Ce n'est pas la pousse de la tumeur en elle-
16 même qui est notable.
17 Q. Alors, vous parlez des conséquences ou des effets secondaires du
18 traitement à la Temozolomide, et ceci est particulièrement caractéristique
19 en période de repos. Autrement dit, des plaquettes sanguines en petit
20 nombre.
21 Je ne sais pas si vous avez vu le rapport médical daté du 18 février
22 2015, mais les indications dans ce rapport sont les suivantes, à savoir que
23 :
24 "La chimiothérapie a dû être reportée en raison des effets
25 secondaires négatifs sur la moelle osseuse, car dans ce cas-là, ses
26 plaquettes sanguines sont en très petit nombre, et il n'a pu récupérer que
27 de façon très lente et les plaquettes n'augmentent que très lentement."
28 D'après ce que j'ai compris, ses plaquettes étaient suffisamment
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1 basses pour que la chimiothérapie soit interrompue le 21 janvier, ce qui
2 signifie, si j'ai bien compris, que le niveau de plaquettes sanguines est
3 bas, le minimum qui a été constaté à la date du 21 janvier et la date du
4 rapport, le 18 février. Donc, il s'agit d'un indicateur de pronostic
5 négatif sur sa capacité à pouvoir se reposer de la chimiothérapie. Alors,
6 ceci a-t-il une incidence sur son espérance de vie ?
7 R. Ecoutez, il est difficile de répondre aujourd'hui. Si ses plaquettes
8 sanguines augmentent en l'espace d'une semaine, je suppose que le Pr
9 Taphoorn va continuer à prodiguer la chimiothérapie. Et, bien sûr, dans ce
10 cas-là, il faudra faire très attention avec le dosage de la chimiothérapie
11 parce que M. Hadzic a tendance à avoir des plaquettes sanguines en petit
12 nombre et d'avoir une dépression de la masse osseuse. Et ce n'est pas
13 nécessairement le cas, il y aura des cycles suivants qui pourront échouer.
14 Cela peut être un problème temporaire. Nous constatons cela auprès de
15 certains patients qui ont parfois différents cycles, six cycles de
16 chimiothérapie et qui ont des baisses des plaquettes sanguines au niveau de
17 la première période. Il s'agit ici d'un régime différent. C'est le premier
18 traitement qui est tout à fait différent par rapport à une chimiothérapie
19 quotidienne combinée avec une radiothérapie.
20 Q. Alors, ce serait un exemple que vous avez décrit un peu plus haut; par
21 exemple, l'administration du médicament ou la prise du médicament pendant
22 une période longue. Il semble ici qu'il prenne des médicaments pendant
23 toute la durée de la première période de récupération; c'est exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Alors, je souhaite maintenant vous poser une ou deux questions. Je ne
26 vais pas, bien sûr, évoquer tous les détails et la manière dont fonctionne
27 un procès. Mais je souhaite vous demander peut-être de nous parler d'un
28 exemple plus générique et de tenir compte, par exemple, d'une personne qui
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1 suit un séminaire à l'Université d'Utrecht, et ce séminaire exige la
2 participation des participants pendant deux heures environ, et il faut lire
3 200 pages par cours. Et quelqu'un vient vous voir qui souffre de
4 glioblastome et qui subit une chimiothérapie, qui vient vous voir :
5 "Docteur, écoutez, de façon générale, je me sens bien, mais je ne peux pas
6 me concentrer pendant suffisamment longtemps pour lire tous ces textes-là
7 et pour pouvoir suivre les cours et d'intervenir de temps en temps."
8 Alors, tout d'abord, puis-je vous poser cette première question :
9 serait-ce dans ce cas une description normale de la façon dont cette
10 personne est capable de fonctionner dans ce cadre-là, à supposer que cette
11 personne ait le même profil que M. Hadzic.
12 R. Non, ce ne serait pas inhabituel.
13 Q. Alors, supposer que le professeur dans la classe décide qu'il ne
14 souhaite pas prendre cette personne au mot et que cette personne vienne
15 vous voir en disant : "Docteur Seute, je ne crois pas que ce que dit cette
16 personne est juste, mais bon peut-être que c'est vrai mais, néanmoins, je
17 souhaite vérifier et voir comment cette personne est capable de travailler
18 dans le cadre de ce séminaire."
19 Tout d'abord, y a-t-il un examen, quelque chose que vous pourriez pratiquer
20 pour essayer de donner peut-être un système de mesure ou une note ou
21 quelque chose ? Est-ce possible, sur un plan purement médical ?
22 R. Oui, c'est possible sur un plan médical. Et on peut, dans ce cas,
23 pratiquer, comme je l'ai dit, un examen neurologique d'une ou deux heures.
24 D'une heure, en tout cas, à l'hôpital universitaire, et à ce moment-là,
25 vous pouvez aborder ces questions. Donc, c'est un examen
26 neuropsychologique.
27 Q. Et donc, si je comprends bien, ce que nous avons ici, l'évaluation
28 cognitive de Montréal serait tout à fait inadaptée ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous dites également dans votre rapport -- et par rapport aux questions
3 que je vous ai posées un peu plus tôt sur le caractère variable. Si, par
4 exemple, cet étudiant venait vous voir pour vous dire, Voilà, j'ai ce
5 problème, combien de temps -- bon, disons le professeur. Alors, cet examen
6 que vous deviez pratiquer prendrait combien de temps pour essayer d'obtenir
7 un résultat ou en tout cas un chiffre sur la capacité de cette personne à
8 pouvoir participer au cours ?
9 R. Vous voulez parler en fait de l'examen neuropsychologique ?
10 Q. Oui.
11 R. Trois à quatre heures.
12 Q. Et ensuite, se peut-il que les capacités ou les aptitudes de cette
13 personne varient d'un jour à l'autre ?
14 R. Oui, mais des neuropsychologues expérimentés tiennent compte de tout
15 cela avant de rédiger un rapport sur le fonctionnement cognitif. Ils
16 prennent compte de tout cela et sont expérimentés et ont l'habitude.
17 Q. Ce serait tout à fait possible pour quelqu'un, par exemple, d'avoir une
18 capacité à moyen terme ou à long terme susceptible de se modifier sur
19 plusieurs jours ?
20 R. Alors, ceci s'applique également à des patients sains, et la capacité à
21 concentrer peut diminuer. Et avec des personnes, évidemment, qui souffrent
22 de maladies neurologiques, cela fluctue. Au niveau d'hémorragies
23 cérébrales, cela fluctue au fil de la journée. Et il est difficile, en
24 fait, de prévoir comment sera la réaction à long terme.
25 Q. Il est très difficile de mesurer dans le temps, cela, parce que cela
26 peut changer, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, c'est exact. Et il est très difficile à ce stade de prévoir, voire
28 même de dire quelque chose à propos de M. Hadzic, parce que nous ne savons
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1 même pas quel est son état à l'heure actuelle.
2 Q. Alors, je souhaite maintenant vous poser quelques questions au sujet
3 des pronostics.
4 Vous avez confirmé dans votre report, et vous avez dit que la survie
5 médiane est de 12 à 14 mois. Est-ce que le calcul de la médiane est le
6 point de départ d'une radiothérapie ?
7 R. Non, le point de départ, en fait, est quelque chose qui émane des
8 essais qui ont été effectués, des chiffres, en fait. Et le point de départ
9 et le diagnostic sont les chiffres avancés ou les données avancées par le
10 pathologiste, à savoir le jour de la chirurgie, le jour de la biopsie. Ça,
11 c'est la date de départ.
12 Q. Vous avez parlé de la progression de la maladie lorsque vous avez
13 répondu à plusieurs questions de mon éminent confrère. Alors, savez-vous
14 quel est le temps médian de la progression de la maladie de patients qui
15 souffrent de gliobastome, multiforme ?
16 R. Alors, tout dépend. Si vous appliquez cela à la population générale,
17 toutes sortes de patients sont prises en compte. Donc, les patients plus
18 âgés, les patients plus jeunes, il y a donc des temps de progression
19 médians qui sont analysés sur six mois.
20 Q. Et je crois qu'en fait, cette étude Stupp que vous avez signée comme
21 étant une étude très importante, le temps de progression médian de cette
22 étude, en fait, à l'âge de 56 ans, par exemple, la progression de la
23 maladie est de six [comme interprété] mois, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. Et vous êtes d'accord pour dire que cette progression en général est en
26 général associée à un déclin assez important de la condition physique et
27 cognitive ?
28 R. Alors, je crois qu'il est trop difficile de dire "habituellement", et
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1 ce, parce que d'après mon expérience, et je sais que c'est également la
2 façon dont travaille le Pr Taphoorn, nous pratiquons un certain nombre de
3 scintigraphie IRM tous les trois mois. Et, très souvent, nous constatons
4 qu'il y a progression au niveau de la scintigraphie, avant même que les
5 patients se plaignent de cette progression. Et nous avons évidemment suivi
6 la voie de cette étude Stupp en 2005, et nous avons pu réaliser de nombreux
7 progrès. Nous avons pu donc mettre en place des traitements expérimentaux.
8 Et très souvent, nous constatons que les patients déclinent après
9 progression de la maladie.
10 Q. Et sur un plan cognitif ?
11 R. Cela dépend de l'emplacement de la tumeur.
12 Q. Il n'est donc pas inhabituel qu'il y ait déclin des conditions
13 physiques et cognitives au moment de la progression de la maladie ?
14 R. C'est exact.
15 M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
16 d'autres questions.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Gosnell.
18 Questions de la Cour :
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Moi, j'ai quelques questions à poser
20 également, Docteur Seute, questions qui vous semblent peut-être
21 répétitives, mais sans doute parce que nous avons besoin un peu plus de
22 temps pour mieux comprendre tous ces éléments qui ne sont pas très
23 familiers pour nous.
24 Dans votre rapport, vous avez précisé que M. Hadzic ne serait pas en mesure
25 d'assister au procès pendant son traitement ni pendant des épisodes où il
26 souffre d'effets secondaires importants comme une numération globulaire
27 basse.
28 Il y a deux éléments ici à prendre en compte. Alors, il a d'abord la
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1 période pendant le traitement; et, d'autre part, les épisodes au cours
2 desquels il souffre d'effets secondaires importants, comme une numération
3 globulaire faible. Ai-je raison de voir en ceci ou de comprendre qu'il
4 s'agit là d'effets secondaires importants, la numération globulaire basse
5 peut avoir lieu pendant le traitement, les jours pendant lesquels il a le
6 traitement, mais peut également se poursuivre au moment où il n'a plus de
7 traitement ?
8 R. C'est exact. Et je vous renvoie particulièrement à la question de la
9 numération globulaire. Cette numération globulaire diminue après la
10 chimiothérapie ou après la thérapie.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le Dr Cras nous a dit hier que de
12 façon générale les effets secondaires, outre la numération globulaire, sont
13 liés au moment où le médicament est donné, donc surgissent très peu de
14 temps après la prise du médicament, mais leur effet se fait sentir pendant
15 toute la journée. Etes-vous d'accord avec cette évaluation ?
16 R. Oui, si vous voulez parler de nausées et de vomissements. Les
17 vomissements sont assez rares dans le cas de ce type de chimiothérapie,
18 mais la fatigue s'explique par la suppression de la moelle osseuse, et il
19 faut que la numération des globules sanguins soit maintenue à un certain
20 niveau, et ça, c'est fatiguant. Mais cela peut se produire avant le
21 traitement, mais surtout après le traitement. En tout cas, c'est d'après
22 notre expérience. Cela ne se trouve pas dans la littérature.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vais revenir à la question de la
24 numération globulaire et ce problème-là en particulier, le Dr Cras nous a
25 expliqué hier que cet effet secondaire-là n'a pas d'incidence sur l'état
26 physique du patient. La diminution des plaquettes et la diminution des
27 leucocytes, comme il nous l'a dit, provoquent une tendance accrue de
28 saignement et à contracter des infections.
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1 R. C'est exact.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
3 R. C'est exact. Alors, je vais vous l'expliquer. On ne voit rien de
4 l'extérieur. Si, par exemple, je tombe et que je saigne à mort, il ne se
5 passera rien. Mais il y a un autre mécanisme qui entre en jeu ici. La
6 production de la moelle osseuse, la production des cellules, cela
7 fonctionne pendant un certain nombre d'heures. Ce n'est pas une hypothèse,
8 mais c'est ce qui se passe dans votre corps. Et avec la chimiothérapie, la
9 chimiothérapie cible les cellules qui se divisent. Et lorsqu'une tumeur se
10 développe, il s'agit simplement de cellules qui se divisent. Ce n'est rien
11 d'autre. Donc, la chimiothérapie va simplement cibler toutes les cellules
12 qui sont en train de se diviser dans votre corps. Comme la plupart des
13 organes ne disposent plus, en fait, des cellules capables de combattre la
14 maladie, c'est la raison pour laquelle les cellules continuent à se diviser
15 et la chimiothérapie tente de diminuer cet effet-là. Donc, la production,
16 de toute façon, des cellules augmente, et c'est ce qui provoque la fatigue.
17 Ce n'est pas le fait que les plaquettes sont en petit nombre, c'est
18 simplement parce que le niveau de la moelle osseuse doit augmenter et c'est
19 ce qui permet d'expliquer la fatigue. J'ai lu quelque chose à ce sujet.
20 J'aimerais ajouter quelques mots au sujet de cet épuisement, qui dépend
21 beaucoup de la situation individuelle de chacun. Il y a des gens qui ne
22 vivent pas un épuisement particulier, en tout cas, ils ne sont que
23 légèrement épuisés, et d'autres qui doivent se reposer pendant plusieurs
24 heures chaque jour.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
26 Au cas où il n'y aurait pas d'autres questions de la part des parties, je
27 tiens, Docteur Seute, à vous remercier de tout cœur d'être venue à La Haye
28 pour apporter votre aide au Tribunal. Vous pouvez maintenant vous retirer.
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1 Votre rôle de témoin est arrivé à son terme. M. l'Huissier est prêt à vous
2 escorter hors du prétoire. Merci encore.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
4 [Le témoin se retire]
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Avant de suspendre l'audience, la
6 Chambre aimerait poser quelques questions à la Défense, questions qui
7 portent sur la demande de mise en liberté provisoire déposée par la
8 Défense.
9 La première question est la suivante : qui agira en tant que médecin de M.
10 Hadzic à Novi Sad, finalement ? Un instant, je vous prie.
11 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-être serait-il bon,
13 effectivement, que nous passions à huis clos -- ou plutôt, huis clos
14 partiel. Cela suffira. Huis clos partiel.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
16 Monsieur le Président.
17 [Audience à huis clos partiel]
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26 --- L'audience est levée à 15 heures 40.
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