Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 30 octobre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 13 heures 30.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon après-midi à tout un chacun dans

  6   le prétoire. Monsieur le Greffier, pourriez-vous citer l'affaire, je vous

  7   prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si vous voulez bien vous présenter,

 11   en commençant par le Procureur.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. M. Stringer, avec mes collègues, M.

 13   Demirdjian; notre stagiaire, Antonio Garza; et le commis d'affaire, Thomas

 14   Laugel. 

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour la Défense, je vous prie.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président. Pour

 17   la Défense de M. Goran Hadzic, M. Zivanovic et Christopher Gosnell.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. S'il n'y a rien d'autre. Oui,

 19   Monsieur Demirdjian.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Président. Il

 21   est bon de voir quelques visages que l'on connaît au prétoire.

 22   Avant que de faire venir le témoin suivant, M. Savic, une question

 23   préliminaire que j'aimerais soulever. Lorsque la décision a été prise par

 24   la Chambre en ce qui concerne la requête 92 ter en ce qui concerne M.

 25   Savic, si vous vous en souvenez, il y avait des pièces conjointes à cet

 26   effet et deux d'entre elles n'étaient pas à l'époque sur la liste 65 ter

 27   des pièces. Ces deux dernières, donc, étaient ajoutées -- enfin, nous nous

 28   proposons de le faire dans notre deuxième requête, et vous avez décidé le

 


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  1   19 octobre, que ces documents étaient admis relevant de la liste 65 ter.

  2   Pour le compte rendu, il s'agit de 5866 et 5867.

  3   Donc, tout simplement pour assurer l'exhaustivité, je souhaiterais

  4   que le compte rendu indique que lorsque nous allons verser ces pièces,

  5   elles le seront donc conformément à votre décision concernant la liste 65

  6   ter.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Ce sera tout.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Est-ce que l'on peut faire

 10   venir le témoin, je vous prie.

 11   [Le témoin introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon après-midi, Monsieur le Témoin.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon après-midi.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu à La Haye pour

 15   appuyer les travaux du Tribunal. Tout d'abord, est-ce que vous m'entendez

 16   dans une langue que vous comprenez ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous décliner votre nom,

 19   votre date de naissance et votre appartenance ethnique.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Borivoje Savic, 2 février 1949. Serbe.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous allez lire la déclaration

 22   solennelle par laquelle les témoins s'engagent à dire la vérité. Il faut

 23   que je souligne que cette dernière, que vous allez donc prononcer, vous

 24   expose aux pénalités de fausse déclaration au cas où vous présenteriez des

 25   éléments dont la véracité est douteuse devant ce Tribunal. Pourriez-vous

 26   maintenant lire cette déclaration solennelle.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité solennelle.

 


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  1   LE TÉMOIN : BORIVOJE SAVIC [Assermenté]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Si vous voulez bien vous

  4   asseoir.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, le témoin est

  7   vôtre.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : 

 10   Q.  [interprétation] Bon après-midi, Monsieur Savic.

 11   R.  Bon après-midi.

 12   Q.  Monsieur Savic, est-il exact de dire que vous avez présenté votre

 13   déclaration au bureau du Procureur en 2002 et en 2003 ?

 14   R.  Oui, c'est cela.

 15   Q.  Vous avez témoigné dans l'affaire contre Stanisic et Simatovic en 2009

 16   ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  A l'été, en juillet et août, vous avez rencontré les membres du bureau

 19   du Procureur ?

 20   R.  Oui, c'est cela.

 21   Q.  Et à la suite de ces rencontres, une nouvelle déclaration a été

 22   préparée aux fins de ce procès-ci ?

 23   R.  Oui.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Puis-je demander le document 65 ter 05868,

 25   qu'il soit affiché. Il s'agit de l'onglet 71.

 26   Q.  Monsieur Savic, reconnaissez-vous la page de garde de ce document ?

 27   R.  Oui.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pourrions-nous faire défiler le document


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  1   jusqu'en bas de la version en B/C/S du document, tout en bas.

  2   Q.  Et en bas à gauche, est-ce bien votre signature ?

  3   R.  Oui.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page 2, je vous

  5   prie, en version B/C/S.

  6   Q.  A cette deuxième page et aux pages suivantes, votre paraphe y apparaît

  7   également en bas, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pourrions-nous passer à la dernière page.

 10   Q.  En haut de la dernière page, Monsieur Savic, nous voyons également

 11   votre paraphe sous l'attestation du témoin ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Avant que de signer ce document, avez-vous eu la possibilité de revoir,

 14   de relire ce document ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Avant de signer cette déclaration, avez-vous eu la possibilité

 17   d'apporter des modifications à ce document ?

 18   R.  Oui, nous y avons apporté des modifications. Des modifications d'ordre

 19   mineur, des noms, des dates et d'autres détails.

 20   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à La Haye hier, on vous a remis une copie de

 21   cette déclaration afin que vous la lisiez ?

 22   R.  Oui, effectivement, on me l'a remise, et je l'ai relue.

 23   Q.  En ce qui concerne les réponses consignées dans votre déclaration,

 24   donneriez-vous les mêmes réponses aujourd'hui si l'on vous posait les mêmes

 25   questions ?

 26   R.  Oui.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite verser

 28   le document 65 ter 05868, qui est la déclaration 92 ter de M. Savic, ainsi


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  1   que les pièces connexes.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Admis et annoté.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote de la pièce P50. Merci.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et je présume que les documents connexes

  5   recevront une cote en temps et en heure.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Effectivement.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  9   Q.  En outre, Monsieur Savic, de votre déclaration, j'ai quelques questions

 10   supplémentaires sur des questions qui se trouvent dans votre déclaration.

 11   Alors, comme je vous l'ai expliqué, nous pouvons présumer que les parties

 12   ont lu votre déclaration. Si je vous pose des questions supplémentaires,

 13   vous n'avez pas besoin de nous donner le contexte. Il conviendra que vous

 14   vous restreigniez aux questions précises.

 15   Alors --

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin -- Monsieur Savic.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais entendre un peu mieux. Est-ce qu'on

 20   pourrait remonter le volume de mes écouteurs. Très bien.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Savic, dans la première partie de votre déclaration, vous

 23   parlez de la création du SDS et de vos rapports avec les membres du parti.

 24   J'aimerais vous présenter un document 65 ter 2887, à l'onglet 52. Est-ce

 25   que vous voyez le document à l'écran, à gauche ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 28   R.  Oui. Il s'agit d'une liste des conseils, des membres du conseil, et


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  1   c'est une liste que j'ai établie pour mes propres pièces. C'étaient les

  2   conseils que nous établissions au niveau local.

  3   Q.  Lorsque vous parlez de l'échelon local, de quelle région s'agit-il plus

  4   précisément ?

  5   R.  Les conseils locaux seraient la commune locale ou un village autour de

  6   Vukovar. Par exemple, nous avions Vera. C'est un village qui se trouve dans

  7   le secteur de Vukovar, et nous voyons le président, le secrétaire, le

  8   trésorier. Ensuite, nous avons la localité suivante, Sotin. Ce sont là des

  9   lieux autour de Vukovar, ou encore c'est peut-être une commune locale si on

 10   parle de la ville.

 11   Q.  Vous nous dites que ceci a été établi au niveau local. Quand est-ce que

 12   ce document a été préparé ?

 13   R.  Il s'agit de 1990-1991, alors que les comités étaient établis pour

 14   avoir, donc, des pièces et pour savoir où les membres des comités se

 15   trouvaient. J'ai consigné la chose après que les comités aient été établis

 16   pour avoir des pièces concernant l'appartenance et aux fins de

 17   documentation.

 18   Q.  A la page 1, du côté droit, de la version B/C/S et en anglais, nous

 19   voyons la commune Negoslavci.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En anglais, il va falloir faire défiler le

 21   document. Merci.

 22   Q.  Nous voyons le nom du président. Connaissez-vous cette personne ?

 23   R.  Boro Bogunovic était le président. Le premier, d'ailleurs, était

 24   Nebojsa Uvalic. Toutefois, après une intervention, Boro Bogunovic a été

 25   nommé à sa place, et c'était déjà un initié de la police. L'on a dit que

 26   l'on voulait que Boro soit à ce poste parce que ce serait mieux, et nous

 27   avons dit : Bien, vous pouvez nommer qui vous souhaitez. Faites ce que vous

 28   souhaitez.


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  1   Q.  Bien.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page

  3   suivante de la version en anglais et B/C/S. En anglais, ce sera la page 3.

  4   En B/C/S, page 2.

  5   Q.  Dans la version B/C/S, en haut à droite, l'on voit les membres de la

  6   commune du Vukovar ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et est-ce que c'est votre nom qui s'y trouve ?

  9   R.  Oui. Le septième de la liste c'est moi.

 10   Q.  En dessous de cela, on voit le village de Pacetin, et c'est le village

 11   de Goran Hadzic. Pourriez-vous nous dire -- si nous pouvons dérouler la

 12   version B/C/S. Et la version anglaise, il va nous falloir passer à sa

 13   droite. Très bien.

 14   Tout d'abord, connaissez-vous le deuxième nom, Miomir 

 15   Crnogorac ?

 16   R.  Oui. Ce dernier était de Pacetin. Il y vivait, et il était membre du

 17   comité de Pacetin.

 18   Q.  Et est-ce que M. Crnogorac, par la suite, a tenu des fonctions dans le

 19   gouvernement de la SBSO ?

 20   R.  Il était du Srem occidental. Et je crois qu'il a été ministre de

 21   l'énergie ou du commerce, plus ou moins. Je ne me souviens plus s'il s'agit

 22   du commerce ou de l'énergie. Je ne sais pas de quel ministère il était,

 23   mais il faisait partie du comité -- ou, plutôt, du gouvernement.

 24   Q.  Et sous Pacetin, nous voyons deux personnes nommées Hadzic. Des proches

 25   de la famille de M. Hadzic, Goran Hadzic ?

 26   R.  Il y a plusieurs familles Hadzic à Pacetin. Goranka Hadzic est sa sœur.

 27   Slobodan Hadzic a le même patronyme, mais il n'est pas de la même famille.

 28   Donc ce n'est que Goranka, et c'était la sœur de Goran.


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  1   Q.  Tout simplement pour élucider la chose, Goran Hadzic lui-même n'est

  2   porté sur cette liste ?

  3   R.  Goran Hadzic était le président du comité municipal, donc il n'était

  4   pas nécessaire qu'il soit membre du comité de Pacetin. C'est un différent

  5   cas. Dans Vukovar, les gens n'osaient pas tout simplement prendre part au

  6   parti, et donc, dans ma commune locale, afin de trouver le nombre requis,

  7   j'étais membre du comité. C'est la seule différence. Dans les villages, la

  8   situation était un peu différente. Les gens étaient plus libres, et il

  9   était plus simple d'établir ces comités.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite

 11   verser ce document.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Admis et avec une cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document 65 ter

 14   2887 reçoit la cote P51.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien. Merci.

 16   Q.  En ce qui concerne Goran Hadzic lui-même, dans votre déclaration au

 17   paragraphe 22, vous expliquez que vous le connaissiez par l'intermédiaire

 18   de son père et que votre épouse était enseignante dans le village de

 19   Pacetin. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre depuis combien de temps

 20   vous le connaissiez, Goran Hadzic ?

 21   R.  Depuis le lycée. Je crois qu'il était donc élève ou lycéen au lycée

 22   Vinkovci. Donc, depuis qu'il avait 17 ou 18 ans. C'est depuis lors que je

 23   le connaissais.

 24   Q.  Comment pourriez-vous décrire les rapports qu'il existait entre vos

 25   familles ?

 26   R.  De bonnes relations. Nous nous respections collectivement. Nous nous

 27   entendions bien. Nos relations étaient tout à fait normales.

 28   Q.  Avant que de rentrer dans la politique dans les années 1990, est-ce que


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  1   Goran Hadzic faisait partie d'une organisation quelle qu'elle soit ?

  2   R.  Il était membre de la Ligue des Communistes de Yougoslavie. Il a été

  3   élu aux élections de 1991 à titre d'adjoint de l'assemblée municipale de

  4   Vukovar.

  5   Q.  Et en 1990 lorsqu'il rentre au parti SDS, pourriez-vous dire aux Juges

  6   de la Chambre son niveau d'instruction ?

  7   R.  Il avait son diplôme de lycée à Vinkovci.

  8   Q.  Et, à votre connaissance, a-t-il reçu d'autres diplômes par la suite ?

  9   R.  Non, je l'ignore.

 10   Q.  Bien. Alors, au paragraphe 62 de votre déclaration, vous décrivez les

 11   événements qui se sont déroulés au lac Plitvice le 31 mars 1991 et que vous

 12   avez été détenu pendant quelque trois jours pendant cette arrestation, et

 13   c'est où M. Hadzic était également impliqué. Alors, au paragraphe 70 de

 14   votre déclaration, vous indiquez comment vos liens avec M. Hadzic ont été

 15   rompus après l'incident de Plitvice et qu'il est tombé sous l'influence de

 16   Milosevic pendant ces événements. J'aimerais maintenant vous projeter une

 17   vidéo de la liste 65 ter, la pièce 4809, qui se trouve à l'onglet 57.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et pour les interprètes, il s'agit de la

 19   vidéo ERN V000-1388. Maintenant, Monsieur le Président, cet extrait dure

 20   quelque sept ou huit minutes et nous allons voir quel est l'extrait dont

 21   nous avons besoin. C'est 65 ter 4809.3.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Que Dieu nous vienne en aide."

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 27   Q.  Tout d'abord, Monsieur Savic, reconnaissez-vous l'intervenant ?

 28   R.  Oui. Il s'agit de Goran Hadzic.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "En qualité de président du comité municipal auquel vous appartenez,

  4   il est de mon devoir de vous parler du comité municipal de Vukovar même

  5   s'il y a nombre de sujets dont nous allons parler par la suite. Notre parti

  6   a été établi le 10 juin l'an dernier à Vukovar et 19 comités ont été

  7   établis depuis lors. Aujourd'hui, le parti comporte 21 comités et je vous

  8   félicite d'avoir établi ces deux comités locaux. Nous avons été confrontés

  9   à nombre de problèmes dans notre parti. Vous les connaissez fort bien et

 10   vous savez qui en est la cause. Toutefois, nous avons réussi à les

 11   surmonter et nous aimerions remercier notre direction à l'heure actuelle

 12   pour nous avoir unis et nous avoir amenés à l'unité. Nous sommes plus forts

 13   et plus unis. En qualité de population, nous n'avons jamais regardé Dieu,

 14   ni à droite ni à gauche. Nous savions que nous sommes plus forts ensemble

 15   et c'est sur quoi nous nous reposons. C'est pour ça que nous avons toujours

 16   entonné 'Nous sommes plus forts ensemble.' J'aimerais maintenant vous

 17   parler du programme dont nous avons parlé au départ. Comme vous le savez,

 18   lors de nos rallyes, notre objectif principal a été une Yougoslavie unie,

 19   une armée populaire yougoslave unie. Ce sont là nos objectifs même

 20   aujourd'hui. Nous avons suivi la voie de Sainte Sava, et tous mes vœux vous

 21   accompagnent pour cette fête."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Arrêtons-nous ici pendant quelques

 24   instants.

 25   Q.  Monsieur Savic, tout d'abord, nous avons entendu M. Goran Hadzic dire

 26   que les comités locaux ont été créés, et ce, l'an dernier. A quelle date

 27   pourriez-vous nous dire s'est tenu l'enregistrement de cette vidéo, plus ou

 28   moins ?


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  1   R.  Janvier 1971. C'était le jour de la Sainte Sava, et si je regarde la

  2   chose de plus près, je crois que c'était à Borovo Naselje et la création du

  3   comité. Je vois qu'il parle de la création de deux comités le même jour.

  4   Nous établissions deux ou trois comités le même jour selon les préparatifs

  5   et nous les mettions en œuvre immédiatement. Je crois qu'il s'agit de

  6   Borovo Naselje.

  7   Q.  Je crois qu'il y a une erreur au compte rendu à la ligne 25, page 11.

  8   L'on y voit janvier 1971. Est-ce bien ce que vous avez déclaré, Monsieur

  9   Savic ?

 10   R.  Oui, janvier 1971. C'est bien ce que j'ai dit. Si l'on parle de

 11   l'année. Depuis l'établissement, c'était cela.

 12   Q.  Désolé, 1971, c'est là où le bât blesse. Est-ce bien la bonne année ?

 13   R.  Non, attendez, le trouble est semé. Si c'était la Sainte Sava, alors

 14   c'était janvier. Et, effectivement, ça doit être 1971. Ah, 1991, voulais-je

 15   dire.

 16   Q.  Merci d'avoir élucidé la chose.

 17   R.  Oui, effectivement.

 18   Q.  Très bien. Eh bien, continuons. Donc, janvier 1991, Borovo Naselje,

 19   dites-vous.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Comme notre célèbre Beckovic disait : 'La Sainte Sava a pris cette

 23   route et tout le monde l'a insultée, mais oublions-la. Nous allons suivre

 24   cette route.' Le moment n'est pas venu de parler de l'organisation du parti

 25   et de son travail à l'heure actuelle. Je préfèrerais prononcer quelques

 26   mots sur les problèmes qui sont les nôtres actuellement, car je crois que

 27   le moment n'est pas venu de faire de grands discours. Nous, Serbes de

 28   Croatie, nous sommes des démocrates libres-penseurs de conviction. Nous


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  1   avions même des radicaux avant la guerre, mais où nous trouvons-nous

  2   maintenant ? Nous nous trouvons dans une situation où il nous faut nous

  3   diviser en deux parties en raison de la politique d'un pays, de nous

  4   diviser en Serbes et Croates. Pour nous, en qualité de peuple, c'est un

  5   choc. Nous ne sommes pas des nationalistes. Nos opinions sont plus larges,

  6   et il nous faut l'accepter, c'est un fait, et nous organiser en la matière.

  7   Je pense, et j'en suis sûr, que tous ceux qui ont regardé la télévision il

  8   y a deux jours ont ressenti la même chose que moi. C'est ce que je pense.

  9   Quatre vingt mille Serbes ne pourraient pas non plus trouver dans le monde

 10   et les persuader de critiquer d'autres. Et d'autres auront 80 000

 11   mitraillettes en leur possession…"

 12   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous allons nous arrêter pendant quelques

 14   instants.

 15   Q.  Que voyons-nous maintenant sur l'écran ?

 16   R.  Nous voyons un tableau et, au-dessous, l'inscription de Sainte Sava.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Quatre vingt mille mitrailleuses et ils les gardent entre leurs

 21   mains pour les utiliser contre nous. Mais c'est de la folie, de la vraie

 22   folie. Nous avons vu ce qui s'est passé en 1941 -- en 1945. Puis en 1971,

 23   et alors nous nous sommes dit : Nous leur pardonnons. La même chose ne se

 24   reproduira plus. Mais maintenant, je vous dis en toute responsabilité…"

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, avez-vous reconnu les personnes qui se voient dans cet

 28   enregistrement vidéo qui sont assises au-dessous du drapeau, autour d'une


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  1   table ?

  2   R.  Je reconnais Mile Vukas, il venait de Borovo. Il était membre du comité

  3   local à Borovo. Et je reconnais d'ailleurs de nombreux visages mais je ne

  4   me souviens plus de noms, et la chose étrange, c'est que je me reconnais

  5   moi-même.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez vous voir dans cet arrêt sur image ?

  7   R.  Oui. Moi, je me trouve en plein milieu de cette photo. Mais je ne me

  8   souviens plus des détails. Je ne me souviens plus de rien de concret, à

  9   part ce que nous venons d'entendre, je ne peux rien ajouter de plus. Donc

 10   il s'agit d'une assemblée constituante. Or moi, je suis, à en juger par la

 11   façon dont je suis habillé, j'ai l'impression que soit je viens d'arriver

 12   d'un voyage ou alors je m'apprête à partir, à faire un déplacement. Parce

 13   que je ne porte pas mes vêtements de tous les jours. Mais je ne me souviens

 14   plus des détails. Je ne sais plus d'où j'étais venu, ou où j'avais

 15   l'intention de partir.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous pouvons poursuivre avec

 17   l'enregistrement vidéo.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Tant que le peuple serbe ne renonce publiquement aux Oustachi,

 21   publiquement le dis-je, pour la première fois après 1941, nous allons

 22   proposer par le biais de notre Conseil national serbe de couper toute

 23   relation entre les Serbes et les Croates tant qu'ils n'auront pas fait une

 24   déclaration publique dans ce sens. C'est une politique perfide qui mène,

 25   dès 1850 et quelque, et depuis l'époque d'Ante Starcevic, et ceci est son

 26   pinacle, mais toutefois, ils n'ont pas été suffisamment perfides. S'ils

 27   étaient restés perfides encore quelques années, le peuple serbe ne se

 28   serait pas réuni comme c'est le cas maintenant. Maintenant, ils ne peuvent


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  1   plus nous toucher. Ils peuvent nous toucher individuellement, mais ils ne

  2   peuvent pas toucher notre parti et notre travail commun au niveau régional,

  3   au niveau de la république, et au niveau fédéral, même s'il y a eu des

  4   problèmes. Et je vous dirai pourquoi : parce que nous sommes des gens de

  5   conviction démocratique. Nous n'avons pas cru ce que certains disaient,

  6   certains qui ne pensaient à rien. Mais je les remercie encore une fois pour

  7   tout ce qu'ils ont fait. Parce que maintenant nous sommes bien unis, il n'y

  8   aura plus de division au sein de notre parti. Nous avons compris qu'un

  9   dialogue s'entame entre les gens, et avec les gens qui ne sont pas de vrais

 10   hommes on ne peut pas avoir de dialogue. Et je pense que j'en ai dit

 11   suffisamment. Je vous invite à devenir membres du Parti démocratique serbe,

 12   ou de ne pas le faire, mais de suivre les orientations données par ce parti

 13   et de prendre une part active à nos travaux."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Savic, il y a quelques instants, nous avons entendu Goran

 17   Hadzic dire que :

 18   "Si le peuple serbe ne renonce pas à ses Oustachi," alors, et je cite,

 19   "nous allons proposer par le biais du Conseil national serbe de couper

 20   toute relation entre les Serbes et les Croates."

 21   Aux paragraphes 132 et 133 de votre déclaration préalable, vous expliquez

 22   de quelle façon le terme "oustachi" était utilisé. M. Hadzic avait-il

 23   l'habitude de se servir de ce terme ?

 24   R.  Eh bien, oui, de temps en temps. Mais permettez-moi de vous expliquer.

 25   Ce type d'activités était le résultat de la politique actuelle qu'on menait

 26   à l'époque. Les gens répétaient tout simplement ce qu'ils avaient vu à la

 27   télé, ce qu'ils avaient lu dans les journaux, et cetera. Et puis on

 28   cherchait à tout prix à se faire applaudir. Vous voyez que les gens


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  1   applaudissaient à toutes sortes de choses. Donc, en fait, il s'agit là

  2   d'une rhétorique qui était tout à fait habituelle à l'époque et qu'on

  3   adaptait en fonction du public présent. Il était très difficile de

  4   convaincre les gens qu'en utilisant ce terme d'Oustachi, on ne faisait en

  5   fait que jouer et jouent le jeu des Croates. Les Croates avaient leur

  6   propre plateforme politique qu'ils suivaient, en disant ouvertement ce

  7   qu'ils comptaient faire. Et ce que nous aurions dû faire est de construire

  8   notre propre plateforme politique au lieu de réagir passivement à la

  9   plateforme des Croates.

 10   Et c'est pourquoi, en fait, je m'opposais à cette façon très pittoresque de

 11   s'exprimer, cette façon très grandiloquente, et j'étais contre

 12   l'utilisation de la terminologie de ce type.

 13   Q.  Et pourquoi quelqu'un aurait-il essayé d'influencer la population et de

 14   la persuader de ne pas se servir de ce terme ou plutôt pourquoi vous avez

 15   essayé de le faire ?

 16   R.  Eh bien, c'est moi qui a eu l'initiative de fonder le Parti

 17   démocratique serbe dans cette région. Et dans la ville de Vukovar, de pair

 18   avec d'autres gens, j'ai dû avoir des centaines de conversations avec

 19   toutes sortes de personnes. Et j'ai fait comprendre à tout le monde ce qui

 20   était notre programme, quel était notre objectif de faire vivre le parti

 21   dans notre communauté locale. Et j'insiste sur ce point, jamais je ne

 22   parlais d'une politique serbe. Or, tous les gens avec qui j'ai eu des

 23   conversations, ils me disaient : Mais tu sais que moi je suis Serbe. Et dès

 24   le moment que j'entendais cette phrase, je me rendais compte que je ne

 25   pouvais m'attendre à rien de bon de la part des gens de ce type. Et donc

 26   j'ai essayé de passer à une autre personne. C'est à peu près que de cette

 27   façon les choses se déroulaient à l'époque. Et puis nous avons essayé à

 28   nous déplacer, nous avons commencé à voyager à travers les villages où le


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  1   climat était tout différent, où l'ambiance était différente. Les gens se

  2   comportaient différemment, ils se sentaient plus libres, et c'est la raison

  3   pour laquelle nous étions plus libres nous aussi de faire notre travail.

  4   Q.  J'aimerais maintenant mettre de côté cet enregistrement vidéo, et vous

  5   montrez quelques arrêts sur image pour procéder à des identifications.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Peut-on afficher, s'il vous plaît, le

  7   document 4809.4 de la liste 65 ter.

  8   M. LE JUGE MINDUA : Excusez-moi, Monsieur le Procureur, avant de passer à

  9   un autre sujet.

 10   Monsieur le Témoin Savic, je voudrais revenir sur le terme "oustacha". Si

 11   je vous ai compris comme il faut, corrigez-moi si je me trompe, le terme

 12   "oustacha" dans la bouche de M. Goran Hadzic est plutôt péjoratif à

 13   l'endroit des Croates; c'est bien ça ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 15   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. C'est inutile que je pose la deuxième

 16   question parce que j'allais vous demander si en cette période-là les

 17   Croates eux-mêmes s'appelaient ou se disaient Oustacha. Est-ce qu'il y

 18   avait des cas de Croates qui se disaient Oustacha ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les Croates ne s'appelaient pas Oustachi

 20   eux-mêmes. Mais tout le monde pouvait entendre énormément d'histoires sur

 21   les Oustachi et les Chetniks. Il s'agit de deux anciens mouvements qui ont

 22   existé dans le peuple serbe et le peuple croate. A l'époque des Oustachi,

 23   la moitié de la Croatie était dominée par les Italiens. Quant au Mouvement

 24   chetnik, qui est un mouvement serbe, il a en fait apporté ou semé la

 25   division dans le peuple serbe. Les Serbes se sont divisés entre les

 26   Partisans et les Chetniks, et se sont engagés dans une guerre fratricide.

 27   Donc il s'agit de deux mouvements qui ne sont pas du tout progressifs, bien

 28   au contraire et, en fait, l'idéologie qui se trouvait derrière tout ceci


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  1   était l'idéologie communiste, parce qu'en fait les Communistes sont les

  2   premiers à avoir commencé à manipuler des Oustachi d'une part et des

  3   Chetniks d'autre part.

  4   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. C'est très clair. Merci.

  5   M. DEMIRDJIAN : Merci, votre Honneur.

  6   Q.  [interprétation] Et pour acheminer sur la question posée par M. le

  7   Juge, quel est le message porté par ce discours, ce discours que nous dit-

  8   il sur le point de vue défendu par Goran Hadzic à l'époque ?

  9   R.  Eh bien, qu'est-ce que je peux vous dire sur son point de vue ? Dès que

 10   nous avons mis sur pied notre comité local, nous avons compris que ce

 11   mouvement que nous avons initié avait suscité un immense intérêt de toutes

 12   sortes de services qui étaient actifs sur le terrain. En sa qualité de

 13   président, Goran Hadzic bénéficiait d'une certaine liberté, il pouvait

 14   entrer en contact avec des gens différents et il pouvait traiter les autres

 15   de différentes façons. A cette époque nous étions actifs surtout sur le

 16   territoire de la ville, et une unité assez grande régnait dans leur rang.

 17   Et puis, par ailleurs, moi-même j'étais très fortement influencé par toutes

 18   sortes de services et par toutes sortes d'agents, et c'est pourquoi j'ai

 19   refusé de faire un deal, de passer un accord, surtout avec les autres qui

 20   se trouvaient de l'autre côté du fleuve Danube.

 21   En fait, les choses sont plutôt simples. Le Parti démocratique serbe avait

 22   sa plateforme, qui concernait la République de Croatie sur le plan

 23   territorial. Donc nous étions censés être actifs sur le territoire de la

 24   République de Croatie, et entrés dans le parlement croate. Et moi je ne

 25   voyais pas d'intérêt pour que les Serbes de Serbie soient impliqués, et

 26   surtout pas le service serbe. On disait souvent que le problème des Serbes

 27   et des Croates se trouvait au centre de la crise yougoslave. Mais, en fait,

 28   c'était une question qui se posait surtout entre Belgrade et Zagreb. Ce


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  1   n'est pas une question qui était essentielle pour les Serbes en Croatie.

  2   Les Serbes en Croatie étaient une question interne, qui concernait la

  3   Croatie seule, d'après moi. Je pense que c'est la façon la plus simple

  4   d'expliquer la direction dans laquelle nous arrivions en tant que parti

  5   politique.

  6   Q.  Très bien. Voyez-vous cette photographie qui a été tirée de

  7   l'enregistrement vidéo que nous avons vu tout à l'heure ?

  8   R.  Oui, je la vois.

  9   Q.  La photo est peut-être un peu floue. Mais pouvez-vous identifier

 10   néanmoins les personnes qui sont représentées sur la photo.

 11   R.  Nous y voyons Mile Vukas, c'est la personne qui est assise à gauche en

 12   train d'écrire quelque chose, assise à la table. Donc l'homme aux cheveux

 13   bruns foncés et qui a une moustache qui se trouve assis au bout de la

 14   table.

 15   Quant aux autres, je ne les reconnais pas. Mais tout à l'heure, lorsque

 16   nous avons visionné l'enregistrement, à un moment donné j'ai vu le Pr

 17   Vukcevic. Et, en fait, je viens de me rendre compte que le Pr Vukcevic et

 18   moi étions censés assister à une réunion après cette séance de l'assemblée,

 19   et c'est pourquoi j'ai attendu la fin de cette séance d'assemblée avant de

 20   partir avec le professeur, et je parle du village de Borovo.

 21   Q.  Très bien. Peut-on afficher maintenant la page 6 dans cette série de

 22   photos. Est-ce la même personne que vous avez évoqué tout à l'heure ?

 23   R.  Oui, oui. C'est Mile Vukas, en effet.

 24   Q.  Très bien.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

 26   nous avons une série de sept à huit photos. Peut-être que l'huissier

 27   pourrait assister le témoin et lui montrer comment se servir du stylet pour

 28   apporter des indications sur les photos.


Page 593

  1   Q.  Peut-être, Monsieur le Témoin, pourriez-vous écrire le nom de cette

  2   personne en haut à droite.

  3   R.  Eh bien, nous avons dit qu'il s'agit de Mile Vukas.

  4   Ma main tremble un petit peu.

  5   M. DEMIRDJIAN : [aucune interprétation]

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous -- pouvez-vous déchiffrer ? Parce

  7   que j'écris de la main en l'air, donc c'est un peu difficile. Mais je pense

  8   qu'on peut déchiffrer ce qui est écrit. Mile Vukas. Ou alors, si vous

  9   voulez, je peux réécrire ?

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Nous l'avons aussi dans le compte rendu d'audience. Donc je pense que

 12   tout est clair quand on compare les deux.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaite demander le versement au

 14   dossier de ce document.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, le document 4809.4,

 17   page 3 recevra la cote P52.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante,

 19   s'il vous plaît. Désolé, il nous faut la page d'après. Non. Celle-ci nous

 20   l'avons déjà vue. La dernière alors, s'il vous plaît.

 21   Q.  La personne qui se trouve à droite, qui est-ce, vous en souvenez-vous ?

 22   R.  Je reconnais le visage, mais le nom m'échappe. Je ne me souviens plus

 23   comment il s'appelle. Mais nous nous connaissions, nous nous fréquentions.

 24   Et, par ailleurs, il est parti de Vukovar, il n'y habite plus. Par

 25   conséquent, ça fait un petit moment que nous nous ne sommes pas vus.

 26   Q.  Et vous avez vu le Pr Vukcevic que nous n'avions pas mentionné

 27   précédemment. Avez-vous pu le voir lorsque nous avons visionné

 28   l'enregistrement ?


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  1   R.  Je n'ai pu voir qu'un petit détail. Il était assis à gauche par rapport

  2   à moi, plus ou moins.

  3   Q.  Très bien. Vous avez évoqué les travaux engagés par votre parti. Je

  4   souhaite vous présenter un autre document qui se trouve à l'onglet 10, et

  5   qui porte la cote 00102 de la liste 65 ter.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

  7   on vient de me rappeler que je n'ai pas demandé le versement de

  8   l'enregistrement vidéo. Peut-être sera-t-il possible de présenter une

  9   argumentation au sujet de cet enregistrement vidéo, qui est long d'une

 10   heure à peu près, nous allons demander le versement de l'enregistrement

 11   dans sa totalité.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Dans sa totalité ?

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui.

 14   L'extrait que nous avons vu dure sept ou huit minutes.

 15   Mais l'enregistrement tout entier dure à peu près une heure. Et peut-être

 16   qu'il pourra être enregistré aux fins d'identification pour le moment, et

 17   après je présenterai mes arguments.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Enregistrons la vidéo aux

 19   fins d'identification.

 20   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle est la cote 65 ter de la

 22   vidéo dans sa totalité ?

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] 4809, c'est la cote 65 ter de

 24   l'enregistrement vidéo dans sa totalité.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] 4809.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le Greffier d'audience m'informe que

 28   ça n'a pas été téléchargé dans le prétoire.


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  1   M. DEMIRDJAN : [interprétation] Bon, très bien. Je vais demander maintenant

  2   le versement au dossier de l'extrait que nous avons vu et puis je me

  3   repencherai sur la vidéo dans sa totalité.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais vous souhaitez qu'il soit

  5   enregistré aux fins d'identification ou versé au dossier ?

  6   M. DEMIRDJAN : [interprétation] Versé au dossier.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] La vidéo qui porte la cote 4809.3 de la

  9   liste 65 ter recevra la cote P53. Merci.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Monsieur Savic, reconnaissez-vous ce document ?

 12   R.  Oui. C'est la plateforme du Parti démocratique serbe, comité régional

 13   pour la Slavonie et la Baranja.

 14   Q.  Quand vous dites la Slavonie et la Baranja, pensez-vous aux deux

 15   Slavonie ? La Slavonie occidentale [comme interprété] et la Slavonie

 16   occidentale ?

 17   R.  Oui. Je me suis exprimé comme je l'ai fait pour raccourcir, mais

 18   évidemment, je sous-entends les deux Slavonie en disant Slavonie tout

 19   court, la Slavonie occidentale et la Slavonie orientale. Parce que nous

 20   souhaitions nous distinguer des communistes en évitant des appellations

 21   trop longues.

 22   Q.  En haut de cette page, nous voyons que le document a été préparé -- a

 23   été rédigé le 3 février 1991 à Lipik. Pourriez-vous dire aux Juges de la

 24   Chambre où ce village se trouve ?

 25   R.  Ce village se trouve non loin de la ville de Pakrac. Même à l'époque de

 26   l'Empire autrichien, c'était un centre balnéaire. Et la raison pour

 27   laquelle la réunion s'est tenue là-bas, c'est parce qu'on avait une grande

 28   salle de conférences où tous les candidats pouvaient se réunir en même


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  1   temps, et c'est là que nous avons mis sur pied le comité régional le 3

  2   février.

  3   Q.  Sur cette page, nous lisons qu'il s'agit du programme de travail du

  4   SDS, et j'aimerais que vous vous penchiez sur le point numéro 2. Faites

  5   descendre un petit peu la version anglaise, s'il vous plaît. Merci.

  6   Donc, au point numéro 2, paragraphe 2, nous lisons :

  7   "Compte tenu de la situation actuelle et des rapports actuels, le contact

  8   avec le parti au pouvoir en Croatie est hors de question tant qu'on n'aura

  9   pas mis fin à toutes les normes et pratiques juridiques, institutionnelles

 10   et autres qui ont dépourvu le peuple serbe de ses droits."

 11   Alors, Monsieur Savic, quel est ce contexte général dont il est question

 12   ici ?

 13   R.  Eh bien, nous nous préparions pour les élections multipartites. Le

 14   Parti démocratique serbe a été mis sur pied de même que l'Union

 15   démocratique croate, qui était censée unir tous les Croates et défendre

 16   leurs intérêts. Et ce parti a été établi, en fait, pour réaliser tous les

 17   anciens objectifs des communistes. Leur attitude était très agressive. Ils

 18   parlaient du pourcentage des Serbes en Croatie, ce qui a toujours posé

 19   problème aux Serbes en Croatie. Ils disaient ouvertement que nous allons

 20   être spoliés de nos droits, que nous serons licenciés de nos emplois, que

 21   nos maisons seront confisquées et pillées. En fait, ils annonçaient très

 22   ouvertement ce qui s'est passé par la suite. Et sur le plan juridique, il y

 23   a eu des modifications aussi. La constitution a été changée. Les Serbes ont

 24   été dépourvus de leurs droits. Donc, les gens ont été très mécontents des

 25   deux côtés. C'est là la période qui nous concerne. C'est là le contexte

 26   général où il faut placer ce document.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Si nous nous penchons sur la page 3 en

 28   version B/C/S, qui correspond à la page 4 en version anglaise. Au point 7 -


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  1   - il va falloir faire défiler vers le bas la version en B/C/S. Merci.

  2   Q.  Donc, il s'agit du 3 février 1991, et nous voyons que le SDS s'engage

  3   activement à établir une autonomie serbe en Croatie. Cela faisait-il partie

  4   de votre agenda à l'époque en tant qu'une priorité ?

  5   R.  Il était très difficile de définir les priorités à l'époque. Notre

  6   programme dépendait de la situation politique actuelle. La question qui se

  7   posait était de savoir si la Croatie allait proclamer son indépendance, si

  8   la Yougoslavie allait devenir une confédération ou si on trouverait une

  9   autre solution au problème de la crise yougoslave. Donc, on n'avait pas de

 10   position politique définitive. Les solutions qui se proposaient étaient

 11   floues. On parlait d'une Yougoslavie fédérale, d'une Yougoslavie en tant

 12   que confédération. Personne ne pouvait prévoir ce qui allait se passer.

 13   Q.  Et à qui ce document a-t-il été envoyé ? Pour qui a-t-il été rédigé ?

 14   R.  Ce document, ou plutôt, ce programme du parti, a été rédigé par Milun

 15   Karadzic, secrétaire du comité local à Podravska Slatina. Il s'agissait

 16   d'un membre du parti très actif, mais c'était un homme âgé qui ne se

 17   déplaçait pas volontiers. Nous nous sommes mis d'accord pour que ce soit

 18   lui qui écrive le programme. Donc ce programme n'a pas été rédigé à l'issue

 19   des négociations ou d'une conception commune. Tout simplement, il fallait

 20   qu'un document soit rédigé. Il fallait que notre mouvement reçoive toutes

 21   les structures d'un parti. Et pour ce faire, il fallait rédiger des

 22   documents qui vous donnent de la légitimité aux yeux de la population et

 23   vous définissent en termes clairs en tant que parti politique.

 24   Q.  Et à qui ce document a-t-il été distribué ?

 25   R.  Nous avons eu des candidats qui venaient des comités locaux et qui ont

 26   participé à la séance de l'assemblée. M. Hadzic a été délégué par la ville

 27   de Vukovar, M. Bogunovic aussi. D'autres candidats sont arrivés aussi,

 28   d'autres délégués. Et tous les délégués ont pris connaissance de la


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  1   plateforme. La plateforme leur a été montrée et un exemplaire de la

  2   plateforme leur a été remis. Milun Karadzic dirigeait les travaux de la

  3   présidence, dont j'étais membre Et le comité tout entier a été au courant

  4   du document que nous avons rédigé.

  5   Et puis, un autre incident qu'il faut signaler. M. Hadzic et M. Bogunovic

  6   ont été délégués par leurs comités respectifs. Et suite à la séance de

  7   l'assemblée, Veljko Dzakula a exercé beaucoup de pression sur moi, ainsi

  8   qu'Ilija Sasic et d'autres - leurs noms m'échappent en ce moment - pour que

  9   je fasse partie du comité régional. Et moi, je leur ai dit : Mais c'est

 10   Goran qui est le président du comité local. Bogunovic a été délégué. Ce

 11   n'est pas la peine que je fasse partie du comité régional.

 12   Mais un certain nombre de personnes ont été très mécontentes du fait

 13   que je n'aie pas fait partie du comité régional. Voilà, c'est tout ce que

 14   j'ai à dire là-dessus.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 16   document.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il va être enregistré.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 102 de la liste 65 ter

 19   deviendra la pièce P54. Je vous remercie.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 21   Q.  Dans votre déclaration, Monsieur Savic, vous expliquez comment, après

 22   les événements aux lacs de Plitvice, vos liens avec M. Hadzic ont été

 23   rompus. Avez-vous eu d'autres contacts avec lui suite à cet incident ?

 24   R.  Nous étions pendant deux jours dans l'hôpital de la prison à Zagreb et

 25   nous étions séparés. La première journée, j'ai eu une réunion avec

 26   Degoricija et le ministre adjoint de la Justice, Hajdukovic. Le second

 27   jour, un entretien avec le ministre de l'Intérieur, M. Boljkovac, et son

 28   assistant qui sont venus, et nous nous sommes dits à ce moment-là que nous


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  1   devrions rentrer, qu'ils nous escorteraient. Ensuite, on m'a ramené chez

  2   moi et ils m'ont laissé. Donc, nous n'avons plus eu de contact direct

  3   pendant quelques jours au moins. Je ne bénéficiais pas d'une liberté de

  4   mouvement. Il fallait que je fasse attention à où j'allais, pourquoi,

  5   comment. L'objectif était de m'expulser de Vukovar. Il y avait beaucoup de

  6   bruit dans les médias. Il y avait énormément de pression qui s'exerçait. La

  7   maison faisait l'objet de toutes sortes d'attaques par téléphone et selon

  8   d'autres moyens également, mais je suis resté.

  9   Q.  Et après votre libération, que s'est-il passé -- ou qu'est-il arrivé au

 10   parti, au SDS ?

 11   R.  Beaucoup de choses ont commencé à changer rapidement, et les choses ont

 12   évolué très vite. Je ne pouvais plus vraiment faire beaucoup à ce moment-

 13   là. Toutes les activités ont alors été reprises par Vukasin Soskocanin, qui

 14   était président du comité de Borovo. C'était le plus gros comité que nous

 15   avions à l'époque. De temps en temps, on me contactait afin de coordonner

 16   certaines activités, mais en quelques jours, plusieurs personnes du conseil

 17   du HDZ de Vukovar m'ont dit qu'un ordre exigeant ma liquidation était

 18   tombé. Pourquoi parlais-je du HDZ ? Eh bien, parce que très souvent on

 19   parle du HDZ de manière négative, on dit que c'est sur ce parti qu'il faut

 20   rejeter toutes les fautes. Toutefois, je m'entendais très bien avec les

 21   membres du comité de Vukovar et j'étais en très bons termes avec eux. Je

 22   leur ai demandé ce qu'ils pensaient de la situation et ils m'ont dit qu'il

 23   fallait essayer quelque chose. Ils m'ont dit qu'ils ne me feraient rien de

 24   mal, bien sûr, mais que beaucoup de gens étaient arrivés de l'extérieur et

 25   qu'il fallait que je fasse attention où j'allais.

 26   Par la suite, j'ai été convoqué par Radio Zagreb. Mirjana Rakela, la

 27   rédactrice en chef, m'a téléphoné et elle m'a demandé si à 16 heures 30 le

 28   2 mai, si j'étais disposé à participer à une émission qui allait être


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  1   diffusée en direct sur Radio Zagreb. Je ne me souviens plus du nom de

  2   l'émission en question. Mais elle m'a dit : Monsieur Savic, vous passerez

  3   en direct. Tous vos propos seront diffusés en direct. Elle était tout à

  4   fait prête à me permettre de m'exprimer. Alors, je lui ai dit que pour

  5   l'instant je n'étais pas en mesure de m'engager, que nous devrions en

  6   reparler dans quelques jours, mais qu'à mes yeux il n'y avait aucun

  7   problème.

  8   Donc, c'était ce qui était prévu pour le 2 mai. J'ai fini par recevoir des

  9   informations selon lesquelles M. Hadzic se trouvait à Zagreb pour

 10   rencontrer le ministre adjoint de l'Intérieur, M. Degoricija. Or, je n'en

 11   avais pas été informé, j'ai donc été un peu surpris même si, en tout état

 12   de cause, il avait tout à fait le droit de participer à ce genre de

 13   rencontres. Et je crois de toute façon que c'est Degoricija qui l'avait

 14   invité. Simplement, j'hésitais un peu. Je ne voulais pas créer de

 15   difficultés à ce sujet, parce qu'un ordre était tombé me concernant et tout

 16   à fait différent. Alors, j'ai décidé de me contrôler.

 17   Q.  Et pour conclure à ce sujet, au cours de l'été 1991, le SDS a-t-il

 18   poursuivi ses activités, ses activités politiques ?

 19   R.  La pression était déjà très forte après la formation du Conseil

 20   national serbe. Un groupe parallèle s'est présenté comme organe

 21   constitutif. Ce groupe de personnes disait que le parti ne pourrait être un

 22   organe constitutif et que le Conseil national serbe allait assumer toutes

 23   les fonctions dans ce domaine.

 24   Q.  Très bien. J'aimerais que nous passions à un thème légèrement

 25   différent. Au paragraphe 123 de votre déclaration, vous expliquez qu'un

 26   général de la JNA à la retraite avait recommandé Goran Hadzic auprès de

 27   Slobodan Milosevic afin qu'il devienne celui qui représenterait le SBSO.

 28   Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quand ceci a eu lieu ?


Page 602

  1   R.  On m'avait proposé de me rendre à Belgrade pour participer à des

  2   négociations, mais je n'y suis pas allé; quoi qu'il en soit, j'avais le

  3   pouvoir de décider qui allait y aller afin que ces contacts aient

  4   effectivement lieu. Donc, nous nous sommes contactés. Nous avons parlé

  5   ouvertement. Nous étions ensemble. Nous avons passé beaucoup de temps en

  6   voiture ensemble, et je lui ai demandé : Qu'est-ce que cela veut dire, se

  7   rapprocher de Milosevic de cette manière ? Et pourquoi irais-tu à Belgrade

  8   ? Et il m'a répondu : Ecoute, Milosevic est un vrai Serbe. C'est un homme

  9   bien. Il n'a pas d'ambitions politiques majeures. Laissons les choses se

 10   résoudre, et ensuite il fera un pas en arrière. Bien sûr, cela n'avait

 11   aucun sens. Enfin, je n'ai pas vraiment abordé avec lui la question de

 12   savoir si, oui ou non, il allait mettre un terme à ses activités.

 13   Et puis, toute personne se rendant à Belgrade disait toujours : Je vais

 14   voir Milosevic. Mais parfois, en cours de route, ils se perdaient en

 15   quelque sorte et ils n'arrivaient pas jusqu'à Milosevic. Ils se perdaient

 16   dans les méandres du parti politique ou des services de Renseignements

 17   militaires, le KOS. Ce Nenezic était une personne du secteur. Il se

 18   comportait bien, il était assez populaire parmi la population. Donc, une

 19   fois, lorsque nous nous sommes rencontrés pendant l'été, nous nous sommes

 20   rencontrés à son initiative, il m'a dit qu'il avait regretté d'avoir

 21   recommandé Goran, et je peux vous dire qu'il est mort en ayant toujours sur

 22   le cœur ce fardeau. Il était très malheureux et très triste que les choses

 23   se soient déroulées de la sorte.

 24   Q.  Je vous remercie. Bien. Je vais avancer dans le temps, car j'aimerais

 25   vous montrer une vidéo afin que vous nous aidiez à reconnaître un certain

 26   nombre de personnes qui s'y trouvent.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais le document 04982 de la

 28   liste 65 ter, s'il vous plaît et je demanderais à ce que cette vidéo soit


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  1   diffusée à l'écran. Pardon, c'est la cote que je viens de mentionner avec

  2   .1. Et le numéro ERN, c'est le numéro V000-6733. Je demanderais à ce que

  3   cette vidéo soit diffusée dès son début.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  6   Q.  Voyez-vous cette vidéo sur votre écran, Monsieur Savic ?

  7   R.  Je la vois, oui.

  8   Q.  Alors nous vous avons montré cette vidéo hier. Vous l'aviez vue hier

  9   pour la première fois; c'est bien exact ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Bien. Et il est exact de dire que vous n'êtes pas en mesure de nous

 12   dire où cette vidéo a été tournée, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir nous aider à identifier un certain

 15   nombre des personnes que nous allons voir à l'écran. Reconnaissez-vous cet

 16   homme ici ?

 17   R.  Oui. C'est Milan Martic.

 18   Q.  Alors que voit-on derrière lui ? A quoi correspond cet emblème ?

 19   R.  Eh bien, c'est un emblème à tête d'aigles. C'est l'un des emblèmes

 20   serbe qu'ils portaient sur leur insigne. Je crois que ce symbole dit

 21   "Baranja", il me semble que c'est ce qui est écrit. On voit un nom sur cet

 22   emblème, sur ce symbole, mais je ne le distingue pas très bien.

 23   Q.  Bien.

 24   R.  "Krajina", je crois. Capitaine première classe Mladic. Je crois que

 25   derrière lui avec les lunettes c'est Frenki Simatovic au deuxième rang.

 26   Jugoslav Kostic se trouve au premier rang. Je ne connais pas l'homme âgé

 27   qui se trouve à côté de Mladic. Vojin Susa se trouve derrière à côté de

 28   Frenki au deuxième rang. Mile Paspalj, Goran Hadzic. Je ne reconnais pas


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  1   l'homme qui se trouve à côté de Goran. Je ne sais pas qui c'est. Et voici

  2   Jaja, chef des services de sécurité pour la Slavonie, la Baranja et le Srem

  3   occidental.

  4   Q.  Très bien. Peut-être pourrait-on extraire les différents clichés de

  5   cette vidéo afin que nous puissions les identifier en y apposant des

  6   lettres de façon à ce que nous puissions verser tout ceci au compte rendu

  7   d'audience. Il s'agira donc du document 4982.2.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous ne voulez verser que les arrêts

 10   sur image ou l'ensemble de la vidéo.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En l'occurrence, nous allons verser au

 12   dossier les clichés. Et nous utiliserons un autre témoin par le biais

 13   duquel nous identifierons la période ainsi que le lieu.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 16   Q.  Alors sur ce premier arrêt sur image, peut-être pourriez-vous indiquer

 17   de la lettre A la personne que l'on voit et nous préciser de qui il s'agit

 18   pour le compte rendu.   

 19   R.  Il s'agit de M. Hadzic.

 20   Q.  Bien. Avec l'aide de M. l'huissier peut-être pourrait-on inscrire à

 21   nouveau la lettre A sur cette saisie d'écran.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Je sais que ce n'est pas très facile d'annoter quelque chose sur

 25   l'écran, mais essayons une fois encore.

 26   R.  Je dois dire que ça ne marche pas très bien. Je n'arrive pas. Je n'y

 27   arrive pas. Ça ne fonctionne pas.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et si l'on entourait la personne d'un


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  1   cercle ?

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Mais nous aurons deux cercles sur cette

  3   image. Mais enfin on pourrait dire effectivement la personne de gauche, et

  4   la personne de droite.

  5   Q.  Alors qui est la personne qui se trouve tout à gauche au premier rang ?

  6   R.  M. Goran Hadzic est à gauche. La lettre A, ou en tout cas ce qui

  7   devrait ressembler à la lettre A l'indique. Et à droite c'est Stevo Bogic,

  8   qui est indiqué de la lettre B. Donc ce n'est pas la personne juste à côté

  9   de Goran mais la deuxième personne à partir de Goran.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on verse cette

 11   pièce au dossier.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 4982.2 de la liste 65 ter,

 14   page 1 du prétoire électronique, tel qu'annoté par le témoin, sera versé

 15   sous la cote P55.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on passe à la

 17   page suivante de cette série de photos, s'il vous plaît.

 18   Q.  Oui. Merci. Qui se trouve à côté de M. Hadzic sur cette photo, pouvez-

 19   vous nous le dire ?

 20   R.  C'est Mile Paspalj.

 21   Q.  Très bien. Peut-on passer à la toute dernière page, s'il vous plaît.

 22   Non, pardon. Comment faire ?

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien. Peut-être puis-je demander le

 24   versement au dossier de la photo que nous venons juste de voir, photo à

 25   propos de laquelle il a été dit que la personne qui était représentée était

 26   M. Paspalj. Bon. On me fait signe de traiter la photo suivante également.

 27   Je demanderais l'aide de l'huissier.

 28   Q.  Vous nous avez déjà dit qui se trouvait sur ce cliché pendant que nous


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  1   avons visionné la vidéo. J'aimerais que vous indiquiez quelles sont ces

  2   différentes personnes en utilisant les lettres A, B, C, et D, si possible.

  3   R.  C'est le capitaine première classe Mladic.

  4   Q.  Oui.

  5   R.  Je ne connais pas l'homme qui se trouve à côté de lui, mais le suivant

  6   c'est Jugoslav Kostic. Allons-nous réutiliser A et B ?

  7   Q.  Oui, absolument. Et pour les hommes qui se trouvent au deuxième rang

  8   dont vous avez également parlé vous pouvez utiliser les lettres C et D.

  9   R.  Frenki Simatovic se trouve ici derrière. C'est la lettre C. Et Vojin

 10   Susa c'est l'homme sous la lettre D.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on procède à une

 12   saisie d'écran.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et nous allons attribuer une cote à

 14   ce document.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 4982.2, page 9, tel qu'annoté

 16   par le témoin, est admise au dossier sous la cote P56.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Vous avez parlé de Stevo Bogic, tout à l'heure, Monsieur le Témoin.

 20   Vous nous avez déjà parlé de sa fonction. Il était responsable de la Sûreté

 21   de l'Etat, vous nous l'avez dit. Alors, pendant combien de temps a-t-il

 22   assumé ces fonctions, à votre connaissance ?

 23   R.  Je n'en sais rien, mais je sais que Goran s'est un peu vanté, en disant

 24   que la nomination de Stevo Bogic en tant que chef des services de sécurité

 25   permettrait de garantir la paix dans le secteur de la Slavonie, de la

 26   Baranja, et du Srem occidental. Bogic posait problème, c'était un

 27   provocateur, quelqu'un que l'on devait parfois faire sortir des réunions.

 28   Et une fois, lors d'une réunion avec des représentants de Belgrade, je lui


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  1   ai posé des questions et il a répondu : Sais-tu qu'il m'a demandé de sortir

  2   lors de certaines réunions ? Et j'ai répondu : Oui. Et j'ai dit : Mais

  3   entre toi et moi, rien n'a changé. Je ne sais pas pourquoi Goran l'a nommé.

  4   Je ne sais pas quelles étaient ses raisons, mais il a été nommé.

  5   Q.  Très bien. J'aimerais vous montrer un autre document qui se trouve à

  6   l'intercalaire 38. Il s'agit du document 05869 de la liste 65 ter. Vous

  7   constatez qu'il s'agit d'une liste, une liste relative au paiement d'un

  8   certain nombre de salaires. Je vous montrerai tout à l'heure la date à

  9   laquelle correspond ces documents. Vous voyez ici le nom d'un certain

 10   nombre de personnes. Président de la république, Goran Hadzic, et au point

 11   7, nous avons toujours M. Stevo Bogic.

 12   Passons maintenant à la deuxième page, si vous le voulez bien. C'est aussi

 13   la page 2 en anglais. Voyez-vous la date que porte ce document, Monsieur

 14   Savic ?

 15   R.  Oui. Le 15 juin 1992.

 16   Q.  Vous vous trouviez toujours dans la région à l'époque en 1992. Ce que

 17   vous voyez dans ce document correspond-il à vos souvenirs de la situation à

 18   l'époque, à savoir M. Bogic faisait-il encore partie du gouvernement à

 19   l'époque ?

 20   R.  Oui, je le crois. En 1992, j'étais à Vukovar, chez moi.

 21   Q.  Je demanderais à ce que l'on revienne à la première page de ce

 22   document, s'il vous plaît. Vous voyez ici une liste de ministres. A ce

 23   moment-là, je suppose qu'il s'agit du gouvernement de la République de la

 24   Krajina serbe, n'est-ce pas ?

 25   R.  Je crois avoir vu Knin au bas du document. Donc, je pense qu'il s'agit

 26   ici des représentants de Knin, Paspalj, Zdravko Zecevic, tous ces gens-là

 27   se trouvaient à Knin. Le premier ministre. Paspalj a été élu en toute hâte

 28   président de l'assemblée. Ils l'ont sorti de nulle part et ils l'ont nommé


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  1   au poste de président de l'assemblée car certains documents devaient être

  2   signés. C'était au moment où le plan Vance-Owen devait être signé

  3   également. Il avait un diplôme de génie forestier. C'est donc dans la forêt

  4   qu'ils ont été le chercher. Et puis, il y a Dzakula. Il était président de

  5   la municipalité. Je crois qu'il avait quelque chose à voir avec la Croix-

  6   Rouge. Donc, il s'agit de Knin, ici. Bogic, Stevo, il s'agit du

  7   gouvernement de la République serbe de Krajina à ce moment-là. Oui, parce

  8   que nous avons eu tellement d'assemblées de gouvernement qu'au jour

  9   d'aujourd'hui, il est extrêmement difficile de savoir à qui correspond

 10   quoi. Il s'agit ici de la République de la Krajina serbe après sa formation

 11   au village. Stevo était responsable des services de sécurité de la Krajina

 12   à ce moment-là. Koncarevic, Ilija; Veljko Vukelic. Je connais tous ces

 13   hommes, tous ceux qui figurent sur cette liste, mais je ne sais pas très

 14   bien ce qu'ils faisaient. Ici on voit le secrétaire du gouvernement, Dusan

 15   Starovic, Jelica Radmila, secrétaire de l'assemblée, mais il s'agit ici de

 16   personnes qui représentaient la Krajina.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 18   document.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Qu'on lui accorde une cote.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 5869 de la liste 65 ter sera

 21   versé au dossier sous la cote P57. Merci.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Juste avant la pause, Monsieur le

 23   Président, puis-je demander au témoin de bien vouloir tirer au clair l'une

 24   des réponses qu'il a apportées.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 27   Q.  Vous avez dit que Paspalj avait été élu à la hâte président de

 28   l'assemblée au moment où la plan Vance-Owen devait être signé. Est-ce bien


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  1   exact ? Est-ce bien ce que vous entendiez par là ?

  2   R.  Oui, oui. Oui. Babic y était opposé. Il ne voulait pas signer. Je ne

  3   sais pas très bien quel était le problème mais, en tout cas, c'est ainsi

  4   qu'ils ont essayé de résoudre le problème, de trouver quelqu'un, peu

  5   importe qui, du secteur, et s'ils se mettaient d'accord, eh bien, ils le

  6   nommaient, et si une signature était nécessaire, eh bien, ils nommaient la

  7   personne dont ils avaient besoin le plus rapidement possible.

  8   Q.  Et vous avez parlé du plan Vance-Owen. Est-ce bien ainsi que s'appelait

  9   le plan dont vous parliez ? Puisque nous parlons de l'année 1992. C'est en

 10   1992 que nous sommes à ce stade.

 11   R.  Alors, un accord de paix, bon, ne me prenez pas nécessairement au mot.

 12   J'ai dit Vance-Owen comme cela, mais c'était un de ces accords de paix qui,

 13   à l'époque, a été pris comme prétexte pour nommer Paspalj au poste de

 14   président de l'assemblée. Effectivement, en 1992, le plan Vance-Owen

 15   n'existait pas encore.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien. Le temps est venu de faire la pause,

 17   je crois, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous aurez besoin de combien de temps

 19   après la pause, Monsieur Demirdjan ?

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il me reste une vidéo et deux cartes à

 21   montrer au témoin, donc je dirais une quinzaine de minutes.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Monsieur le Témoin, Monsieur

 23   Savic, nous allons nous interrompre et nous reprendrons à 15 heures 30.

 24   Nous allons vous raccompagner hors du prétoire.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 27   --- L'audience est suspendue à 15 heures 00.

 28   --- L'audience est reprise à 15 heures 30.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-on faire venir le témoin. Merci.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, on vient de

  3   me dire qu'il me reste sept minutes, donc je vais essayer de faire aussi

  4   rapidement que faire se peut.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   [Le témoin vient à la barre]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si vous voulez bien procéder. 

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Monsieur Savic, dans votre déclaration, au paragraphe 140, vous

 10   expliquez l'organisation de volontaires qui ont été envoyés de Serbie vers

 11   la région de Vukovar. Vous en souvenez-vous ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce que je peux vous projeter l'extrait vidéo suivant, qui est, sur

 14   la liste 65 ter, le 4873.1, et le numéro ERN est V000-2233.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Comme annoncé précédemment, Goran Hadzic, président de la région serbe de

 18   Slavonie, Baranja et du Srem occidental, est dans notre studio. Bonsoir.

 19   Bonsoir.

 20   Quand êtes-vous arrivé à Belgrade ?

 21   Je suis arrivé hier soir.

 22   Pourrions-nous vous demander quelle est la situation à l'heure actuelle sur

 23   le théâtre de guerre ?

 24   La situation est bien plus claire au niveau militaire. Nous avons donc

 25   libéré la Baranja et le territoire d'Osijek. C'est-à-dire, entre Osijek et

 26   Vukovar. Vukovar, à l'heure actuelle, est bloquée. Nous escomptons un

 27   dénouement de cette situation à Vukovar incessamment sous peu. Nous pensons

 28   aux vies humaines et nous espérons que ceci sera fait avec aussi peu de


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  1   victimes que faire se peut. Nous ne voulons pas de victimes.

  2   Avez-vous des informations concernant les événements à 

  3   Vukovar ? Avez-vous des informations sur les Serbes à Zagreb ?"

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci. Je fais un arrêt ici.

  6   Q.  Car M. Hadzic dit que Vukovar est bloquée, qu'une partie du territoire

  7   est libérée. Pourriez-vous situer pour les Juges de la Chambre à quel

  8   moment cet entretien s'est-il tenu ?

  9   R.  Cet entretien s'est peut-être tenu juste avant que les combats à

 10   Vukovar ne cessent, c'est-à-dire le 18 ou le 19. Donc je dirais qu'il

 11   s'agit du début novembre 1991.

 12   Q.  Merci.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous allons passer maintenant le restant

 14   de cet extrait.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Avez-vous des informations sur les Serbes qui se trouvent à Zagreb ?

 18   Toutes les lignes de communication ont cessé. Il n'y a pas de lignes

 19   téléphoniques et l'on ne peut s'informer sur les familles.

 20   Ainsi que je l'ai dit, je ne me préoccupe pas de la question militaire. Je

 21   sais qu'une solution finale s'ensuivra. Ce qui me préoccupe, c'est les

 22   informations que j'ai reçues de nos services. Personnellement, ils me

 23   disent quelle est la situation à Zagreb telle qu'elle est, et nous savons

 24   ce qui s'est passé à Vukovar, des crimes de masse contre les populations

 25   civiles. Nous allons interroger les auteurs et nous allons les déférer

 26   devant la justice, la justice nationale. Je suis sûr qu'ils seront punis de

 27   façon conséquente pour ces actes. Pas besoin de se plaindre. Ce n'est pas

 28   ce qu'on attend de nous. Les Serbes ne se sont jamais plaints. Les Serbes


Page 613

  1   combattent, et nous allons combattre pour protéger notre peuple.

  2   Nous avons déjà demandé aux hommes en âge de porter les armes de rentrer

  3   chez eux et de se joindre à leurs camarades au front. Est-ce que cet appel

  4   a été couronné de succès ?

  5   Oui, il l'a été. Plusieurs de nos combattants qui se sont enfuis sont

  6   revenus. Aujourd'hui, ils combattent au front. Nous avons également demandé

  7   des volontaires de Serbie, quelle que ce soit leur affiliation de parti,

  8   des Serbes, pour qu'ils rentrent dans les rangs et combattent sous

  9   l'écusson serbe pour les Serbes qui sont en péril. Ils sont venus. Je

 10   saisirai cette possibilité de les remercier. Donc le groupe de Belgrade me

 11   vient à l'esprit. Ils sont toujours en première ligne. Ils combattent et

 12   ils sont tués tout comme nous, et ne peuvent hésiter d'aller jusqu'au bout

 13   et de remporter la partie."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 16   Q.  Dans cet extrait, en dernière partie, M. Hadzic parle des volontaires

 17   qui sont venus de Serbie pour se joindre à ses rangs. Pour en revenir à ce

 18   que vous avez dit dans votre déclaration, selon vous, du côté de la SBSO,

 19   qui coordonnait ou qui était responsable de la réception des volontaires ?

 20   R.  Le Conseil de Défense territoriale de Vukovar a été mis en place à Sid.

 21   Ce conseil enregistrait ceux qui venaient de Vukovar et qui s'inscrivaient

 22   auprès d'eux. On leur remettait des armes. L'on remettait également des

 23   vêtements, et on les emmenait à Vukovar. Donc, la Défense territoriale à

 24   Sid, c'est-à-dire les collaborateurs, en étaient chargés pour tous ceux qui

 25   étaient dans notre région. C'est-à-dire, la région de Vukovar.

 26   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qui était chargé de cet

 27   état-major à Sid ?

 28   R.  Dusko Filipovic était le commandant; Slobodan Grahovac était le chef.


Page 614

  1   Q.  Au paragraphe 142 de votre déclaration, vous avez mentionné que

  2   Borislav Bogunovic était également au QG à Sid. Quel y était son rôle ?

  3   R.  L'état-major était logé sur les lieux du Parti socialiste de Serbie au

  4   centre-ville de Sid. Les activités de jour procédaient comme de coutume.

  5   Parfois, Boro Bogunovic, Kertes et d'autres venaient sur place pendant la

  6   période où je me suis trouvé sur place. C'est-à-dire, c'était ceux qui

  7   venaient rendre visite. Boro Bogunovic était ministre de l'Intérieur de la

  8   Slavonie, de la Baranja et du Srem occidental. Je crois que c'était sa

  9   fonction officielle.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'aimerais verser cette vidéo.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et en lui accordant une cote.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 4873.1 recevra la cote

 13   P58. Merci.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 15   Q.  Le dernier sujet que j'aimerais aborder, Monsieur Savic, est la

 16   question de Lovas, où vous expliquez dans votre déclaration que vous y êtes

 17   resté pendant plusieurs semaines en octobre et novembre 1991. Peut-on dire

 18   que vous y êtes resté jusqu'à la fin des opérations à Vukovar; est-ce bien

 19   cela ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et vous avez évoqué que vous connaissiez plusieurs personnes sur place,

 22   également des lieux au paragraphe 150 et par la suite de votre déclaration.

 23   Ce que j'aimerais que vous fassiez, c'est que vous annotiez ces lieux sur

 24   la carte que vous aurez à l'écran. Document 65 ter 6276, à l'onglet 64.

 25   Avec l'aide de l'huissier, j'espère que vous pourrez annoter donc ces

 26   lieux-dits.

 27   Etes-vous en mesure de reconnaître la carte, de savoir où vous vous

 28   trouvez ?


Page 615

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous indiquer donc d'une ligne la route principale menant à

  3   Lovas sur cette carte ?

  4   R.  La route principale allant à Lovas se trouve à gauche de l'écran. Donc

  5   voici la voie principale allant jusqu'au centre-ville de Lovas ou du

  6   village.

  7   Q.  Dans votre déclaration, vous évoquez un commissariat de police. Etes-

  8   vous en mesure de situer le commissariat de police ou le poste de police

  9   sur cette carte ?

 10   R.  Le commissariat de police se trouvait ici, au milieu du village. Vous

 11   allez jusqu'au village, et le commissariat de police est le troisième

 12   bâtiment à gauche. Ce bâtiment appartenait à quelqu'un, quelqu'un qui

 13   travaillait en Allemagne. C'était une nouvelle maison, assez bien équipée.

 14   Mais la police, bien sûr, souhaitait bénéficier de tout le confort moderne.

 15   Q.  Je sais que c'est un petit peu difficile. Mais seriez-vous en mesure

 16   d'indiquer -- plutôt d'une lettre, de l'indiquer d'un chiffre, ce serait

 17   peut-être plus facile cette fois-ci.

 18   R.  Ce sera ici le numéro 1, ici. Voilà, il y a, comme vous voyez, une

 19   tache.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Peut-être que l'huissier pourrait nous

 21   aider à épurer ou à effacer la chose.

 22   Q.  Indiquez simplement un numéro 1, pas besoin de mettre une ligne.

 23   R.  Voilà, numéro 1.

 24   Q.  Vous avez également dit que lorsque le gouvernement se réunissait à

 25   Lovas, cela se tenait dans un bâtiment à côté du commissariat de police.

 26   Pourriez-vous l'indiquer d'un 2, du numéro 2.

 27   R.  C'était en face du bâtiment en question. Il s'agit d'un bâtiment

 28   d'habitations et il y avait également des bureaux. C'est un bâtiment qui


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  1   appartenait à la coopérative de Lovas. C'était juste en face. Il y avait

  2   des salles distinctes au rez-de-chaussée, une épicerie, alors que les deux

  3   étages supérieurs étaient réservés à des appartements résidentiels.

  4   Q.  Vous avez également indiqué qu'après la reprise de Lovas, le QG a été

  5   établi par Ljuban Devetak. Où cela se trouvait-il ?

  6   R.  Ce bâtiment et ces lieux servaient à l'état-major. Il y avait

  7   suffisamment de place, et ce bâtiment, en fait, servait à tout ce qui se

  8   déroulait.

  9   Q.  Quand vous dites ce bâtiment, c'est le bâtiment que vous avez du numéro

 10   2 ?

 11   R.  Oui, c'est cela.

 12   Q.  Etes-vous en mesure de situer le bâtiment de Zadruga sur la carte ?

 13   R.  L'atelier et l'usine d'équipement ainsi que la cuisine se trouvaient au

 14   bout de la rue dans la direction opposée vers le coin opposé de cette

 15   photographie. Ici, vous voyez en fait qu'il y a des entrepôts, des hangars.

 16   Q.  Est-ce que la JNA avait un QG à Lovas ?

 17   R.  La JNA se servait d'une maison qui est plus loin que le commissariat de

 18   police. Ici, quelque part, également vers la gauche et un peu plus loin sur

 19   la rue où se trouve la maison.

 20   Q.  Donc pour le compte rendu, vous avez indiqué le site de la JNA du

 21   chiffre 4, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et encore une fois pour le compte rendu, Zadruga c'est au numéro 3.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez également mentionné que la JNA avait un poste de contrôle à

 26   l'entrée du village. Cela se trouve-t-il sur cette carte ?

 27   R.  Cela se trouverait à gauche de l'image en question. Donc ça c'est le

 28   début de la route d'accès, et vous voyez donc les installations de la


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  1   coopérative. C'est donc un champ avec des hangars, un silo. C'est là où se

  2   trouvait le poste de contrôle, à droite du portail par lequel on rentrait

  3   dans ces installations.

  4   Q.  Pourriez-vous indiquer la chose avec le chiffre 5.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci. Très bien. Est-ce que cela est

  7   suffisamment lisible, Monsieur le Président ? Est-ce que nous pouvons

  8   verser ce document également tel que noté.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Certes.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 6276 annoté par le

 11   témoin reçoit la cote P59. Merci.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 13   Q.  Une dernière question sur le sujet, au paragraphe 193, vous déclarez

 14   que Goran Hadzic -- que vous l'avez vu à Lovas. Pouvez-vous nous dire

 15   combien de fois vous l'avez vu ?

 16   R.  Goran s'y trouvait parfois. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois,

 17   et même le long de la route d'accès. Nous nous saluions, et cetera, mais

 18   nous n'avons jamais pris part à des réunions. Je ne sais pas avec qui il

 19   était. Je présume avec Ljuban, mais il venait parfois, certes, je l'y ai

 20   vu.

 21   Q.  Tout simplement pour plus de clarté, vous vous y trouviez aux mois

 22   d'octobre et de novembre ? Simplement, pourriez-vous nous préciser combien

 23   de temps vous vous êtes trouvé à Lovas ?

 24   R.  Je m'y trouvais jusqu'à la cessation des hostilités à Vukovar. Dès que

 25   l'on a pu se rendre à Vukovar, je m'y suis rendu immédiatement.

 26   Q.  Et vous nous avez déclaré que vous ne saviez pas avec qui il était

 27   quand il venait à Lovas. Mais savez-vous ce qu'il y faisait ?

 28   R.  Lorsque je l'ai vu, il était seul. Nous nous sommes rencontrés deux


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  1   fois au portail. Nous nous sommes salués. Il allait de son côté, et moi

  2   j'allais du mien. Voilà, c'est ainsi que ça s'est passé. Je n'ai jamais

  3   posé de questions quant à ses motifs de présence sur place.

  4   Q.  Et vous déclarez que vous n'avez jamais pris part à des rencontres sur

  5   place. Pour autant que vous sachiez, y avait-il des réunions à Lovas ?

  6   R.  Je sais qu'il y a eu des dîners, des déjeuners que Ljuban organisait

  7   pour le gouvernement de la Slavonie, de Baranja, et du Srem occidental ou

  8   pour des ministres individuels. Il aimait particulièrement organiser des

  9   réceptions pour Jaja. Je ne suis pas averti d'autres réunions sauf pour une

 10   réunion qui s'est tenue le 2 octobre. Je crois que c'était une réunion du

 11   gouvernement. J'ai été chargé de l'organiser. L'objectif de cette

 12   rencontre-là était que le gouvernement vienne dans cette région, le

 13   gouvernement d'Erdut. Tous les villageois du secteur étaient rassemblés. Il

 14   s'agissait de l'époque de la moisson. Ils n'avaient rien, ils n'avaient pas

 15   d'équipement ou de matériel dont ils pouvaient se servir. Donc, nous avons

 16   parlé de la moisson. C'était la question du débat, et des gens sont venus

 17   d'Erdut, sept ou huit personnes. Et si vous voulez leurs noms, je pourrais

 18   les coucher sur papier. Je crois qu'il y a d'ailleurs un procès-verbal de

 19   cette réunion quelque part.

 20   Q.  Oui, effectivement, ce procès-verbal est mentionné dans votre

 21   déclaration. Quand vous parlez de Ljuban, pourriez-vous nous donner son nom

 22   de famille ?

 23   R.  Ljuban Devetak. Lorsque je dis Ljuban, c'est de lui dont il s'agit.

 24   Q.  Merci.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera tout. On me

 26   dit qu'il me faut citer quelque chose pour le compte rendu en ce qui

 27   concerne les extraits vidéo. Si vous voulez bien me donner un instant.

 28   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je traiterai de la

  2   chose lors de la prochaine pause tout simplement pour élucider la chose. Il

  3   s'agit des extraits vidéo et des pièces connexes. Mais j'y reviendrai tout

  4   à l'heure.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Contre-interrogatoire.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 10   Q.  [interprétation] Monsieur Savic, je me présente, Zoran Zivanovic, et je

 11   représente M. Hadzic.

 12   R.  Bon après-midi.

 13   Q.  Vous avez répondu aux questions de mon collègue le Procureur, et vous

 14   avez déclaré que vous avez proposé deux déclarations au bureau du

 15   Procureur, l'une en 2002, l'autre en 2003; est-ce bien le cas ?

 16   R.  Oui, c'est cela.

 17   Q.  Vous avez également témoigné dans l'affaire Stanisic, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Auparavant, vous avez rencontré le Procureur deux fois pour vous

 20   préparer à votre déposition en 2008 et 2009, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et enfin, nous voyons donc cette déclaration consolidée que le

 23   Procureur vous a présentée et que vous avez signée. Je vais vous poser un

 24   ensemble de questions ayant trait à cette déclaration consolidée. Je vous

 25   dirai d'ores et déjà qu'il m'a été très difficile de faire le distinguo de

 26   certains éléments dans cette déclaration, par exemple ce que vous avez

 27   déclaré que vous connaissez directement, ou expérience directe, c'est-à-

 28   dire que c'est ce que vous avez vu et entendu vous-même d'un côté, et de


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  1   l'autre côté, vos propres opinions, vos propres positions et vos propres

  2   théories que vous avez donc acquises à l'époque. Il est très difficile,

  3   alors que je lisais votre déclaration, de faire le distinguo entre les

  4   deux.

  5   Maintenant, cette déclaration a été versée au dossier. Vous citez 74

  6   références à Slobodan Milosevic dans cette déclaration dans 39 paragraphes

  7   de cette déclaration. Ce que j'aimerais savoir, c'est est-ce que vous avez

  8   jamais rencontré Slobodan Milosevic ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Les deux premières déclarations datent de 2002 et de 2003, à l'époque

 11   lorsque le procès Milosevic était en cours devant cette Chambre. Est-ce que

 12   le Procureur vous a appelé à titre de témoin dans cette affaire ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  J'ai également relevé que vous citez plusieurs fois Vojislav Seselj

 15   dans votre déclaration, Vojislav Seselj et ses collègues ou membres de son

 16   parti, et au total, 53 citations dans 25 paragraphes différents. Est-ce que

 17   le Procureur vous a demandé de comparaître à titre de témoin dans cette

 18   affaire ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Dans votre déposition dans l'affaire Stanisic et Simatovic, je vois

 21   qu'on vous a posé une question directe, je crois par la Défense, et vous

 22   avez déclaré que vous n'avez jamais été en contact direct ni avec Stanisic,

 23   ni Simatovic. Est-ce bien cela ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Lorsque vous déclarez : C'est vrai ce que j'ai dit; ou C'est vrai, je

 26   n'ai jamais été en contact avec l'un quelconque des deux ?

 27   R.  Je n'ai jamais été en contact avec l'une quelconque de ces deux

 28   personnes.


Page 622

  1   Q.  J'aimerais vous poser une question tout d'abord tout simplement pour

  2   jeter quelque lumière sur vos déplacements à la suite du 2 mai 1991. Je lis

  3   votre déclaration et il en ressort, selon moi, que jusqu'à ce moment-là,

  4   c'est-à-dire au 2 mai, vous habitiez Vukovar. Ai-je raison ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  C'est le jour où vous êtes parti pour la Serbie ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire exactement où vous vous êtes installé quand

  9   vous êtes arrivé en Serbie le 2 mai ? Où avez-vous vécu ?

 10   R.  A Sabac, dans la maison de mes parents, et également à Odzaci, dans un

 11   studio que j'ai reçu des mains de M. Knezevic, directeur général. Il m'en a

 12   donné la permission.

 13   Q.  Combien de temps êtes-vous resté à Sabac, environ ?

 14   R.  Ma mère s'y trouvait, et donc, je faisais la navette. Il est très

 15   difficile de le dire exactement. Je m'y rendais tous les quelques jours

 16   lorsqu'il me fallait me reposer. Lorsqu'il me fallait me calmer, c'est là

 17   où je me rendais. Donc, ce n'était pas fixe. C'était lorsque j'en avais

 18   besoin. C'est à ce moment-là que je m'y rendais.

 19   Q.  Donc, vous n'étiez pas à Sabac constamment ?

 20   R.  Non. Non. La plupart du temps, j'allais de Vojvodina à Backa Palanka à

 21   Apatin Sombor. C'est donc le secteur dans lequel je me déplaçais.

 22   Q.  Mais moi, je vous ai demandé où vous habitiez. Cela veut-il dire que

 23   vous avez vécu dans toutes ces villes, à Backa Palanka, à Apatin, à Odzaci,

 24   et à Sombor ?

 25   R.  Il n'y a qu'une demi-heure de voiture d'Odzaci à Sombor, par exemple.

 26   Donc, j'habitais dans le village d'Odzaci, dans mon petit studio, et puis

 27   je faisais les déplacements d'un jour dans les environs.

 28   Q.  Autrement dit, vous habitiez à Odzaci et, de temps en temps, vous


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  1   rendiez visite à votre mère à Sabac et, par ailleurs, vous vous déplaciez à

  2   travers cette région.

  3   R.  Exact.

  4   Q.  Et jusqu'à quand êtes-vous resté à Odzaci ?

  5   R.  Jusqu'à la fin du mois de mai 1991, je crois. Je suis parti avant le 20

  6   mai, sans doute. Et alors, je suis monté à Belgrade.

  7   Q.  Avez-vous loué un appartement à Belgrade --

  8   R.  A Belgrade, soit je m'installais dans un hôtel, soit je revenais à

  9   Sabac pour y passer la nuit, ou alors, il y avait des centres de réfugiés à

 10   Zvezdara. C'est une municipalité de Belgrade où on nous a donné une école

 11   maternelle pour servir de centre pour réfugiés, et parfois j'y passais la

 12   nuit. Donc on avait installé des lits pour que les réfugiés puissent y être

 13   hébergés. Il y avait une cuisine qui était ouverte. Donc, parfois j'y

 14   passais la nuit. Ou alors, si je restais tard dans le centre-ville, alors

 15   je passais la nuit dans un hôtel.

 16   Q.  Donc, de temps en temps, vous passiez la nuit à l'hôtel Union. Et de

 17   temps en temps, vous passiez la nuit dans ce centre pour réfugiés.

 18   R.  Ou parfois, je dormais dans l'hôtel Moskva, l'hôtel Moscou, à Belgrade.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   Q.  Et vous veniez tout seul à Belgrade ou votre épouse vous accompagnait-

 22   elle ?

 23   R.  A cette époque-là, j'étais seul à Belgrade. Mon épouse était venue à un

 24   moment donné au cours du mois de mars pendant que je me trouvais à

 25   l'hôpital militaire. Donc, pour la tirer des embrouilles qui étaient en

 26   cours, je l'ai faite venir à Belgrade et nous avons séjourné ensemble

 27   pendant une brève période à l'hôtel Moscou.

 28   Q.  Quand vous parlez du mois de mars, vous parlez du mois de mars 1991 ou


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  1   1992 ?

  2   R.  1991. Je ne parle que de l'année 1991.

  3   Q.  Et quelles étaient ces embrouilles que vous venez d'évoquer et qui ont

  4   eu lieu au cours de l'année 1991 ?

  5   R.  Eh bien, quand j'étais sorti de l'hôpital à la prison, parce que je

  6   suis revenu chez moi, on nous adressait des menaces par téléphone. Donc, il

  7   y avait toute une série d'embrouilles, et, par ailleurs, mon état de santé

  8   n'était pas formidable. Or, je ne pouvais pas me soigner à l'hôpital de la

  9   ville. Et c'est par conséquent que j'ai dû aller pour me faire soigner à

 10   Belgrade, et j'ai passé une semaine à l'hôpital militaire, la MVA.

 11   Q.  Mais j'ai cru comprendre que vous avez été mis en liberté, relâché de

 12   la prison à Zagreb au mois d'avril.

 13   R.  Oui, oui, c'est le mois d'avril. Excusez-moi.

 14   Q.  Et pour en terminer avec cette série de questions --

 15   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent aux orateurs de ne pas parler à la

 16   fois.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 18   Q.  Donc, pour en terminer avec cette série de questions. A partir du 20

 19   mai, vous étiez à Belgrade. Vous y étiez seul ou avec votre épouse ?

 20   R.  J'y étais seul.

 21   Q.  Et votre épouse, elle est restée en Croatie ?

 22   R.  Elle est restée dans la maison de son père à Borovo Selo.

 23   Q.  Vous avez dit dans la maison de votre père ou dans la maison de son

 24   père à elle ?

 25   R.  Elle est restée dans la maison de son père à elle à Borovo Selo.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Savic, vous et le conseil de

 27   la Défense, vous vous exprimez dans une seule et même langue et les

 28   interprètes doivent assurer l'interprétation de vos propos. Vos voix se


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  1   chevauchent très souvent. Regardez l'écran, suivez le compte rendu

  2   d'audience et ne commencez pas votre réponse avant que la question de Me

  3   Zivanovic ne soit consignée. Merci.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Et pendant combien de temps êtes-vous resté à Belgrade ?

  7   R.  J'y suis resté jusqu'au mois d'octobre, à peu près. Jusqu'au mois

  8   d'octobre ou jusqu'au mois de novembre. A cette époque, l'état-major de la

  9   Défense territoriale a été mis sur pied dans la ville de Sid, et c'est

 10   alors que je suis parti. Cela s'est passé à la fin du mois d'octobre, début

 11   du mois de novembre. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais c'est à

 12   peu près pendant cette période-là.

 13   Q.  Lorsque l'état-major de la Défense territoriale a été créé dans la

 14   ville de Sid, vous y êtes allé, et c'est là que vous passiez vos nuits

 15   désormais, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. J'avais un ami dans le village d'Adasevci, non loin de Sid et non

 17   loin de l'autoroute qui menait à Sid, et c'est là que je passais mes nuits.

 18   Q.  En répondant à une question du Procureur, vous avez expliqué que vous

 19   avez passé une certaine période de temps à Lovas. Alors, dites-nous, s'il

 20   vous plaît, à quel moment vous êtes parti de Sid pour aller à Lovas ?

 21   R.  N'insistez pas sur les dates, s'il vous plaît, mais voilà ce que je

 22   peux vous dire : une fois que les activités ont cessé sur les théâtres de

 23   guerre à Tovarnik et à Lovas - Tovarnik est le premier village sur la route

 24   qui mène à Lovas - et donc, une fois que tous les combats ont cessé, moi je

 25   suis parti pour Lovas.

 26   Q.  Mais si vous avez défini exactement la période générale où ces

 27   événements se passaient, donc si tout ceci s'est effectivement passé au

 28   mois d'octobre et au mois de novembre, cela veut dire que vous êtes parti à


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  1   Lovas après avoir fait un séjour à Sid ?

  2   R.  Oui. J'y suis allé après.

  3   Q.  Et vous avez dit, me semble-t-il, que vous êtes resté à Lovas jusqu'à

  4   la libération de Vukovar, et alors vous êtes rentré chez vous.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, Monsieur Savic, avant de devenir membre du

  7   Parti démocratique serbe, du SDS, vous avez été membre de la Ligue des

  8   Communistes de Croatie ?

  9   R.  Oui, comme la plupart des gens.

 10   Q.  Pour quelle raison avez-vous décidé de quitter les rangs de la Ligue de

 11   Communistes de Croatie pour intégrer les rangs du Parti démocratique serbe

 12   ?

 13   R.  Eh bien, vous savez, lorsque le système politique est unipartite, tout

 14   le monde est membre d'un seul et même parti. Et, en fait, la raison

 15   principale pour laquelle les choses fonctionnaient ainsi, c'était pour

 16   toucher les cotisations des membres. Quant à moi, personnellement, mon

 17   point de vue et mon orientation idéologique ne sont pas communistes. Même

 18   que j'avais exercé pendant un moment les fonctions du secrétaire de la

 19   communauté locale. Quand j'ai été nommé secrétaire et quand j'étais censé

 20   faire mon discours d'inauguration, j'ai dit à peu près ceci : Il est clair

 21   que puisque c'est moi qui ai été nommé à ce poste, que la vie du parti

 22   communiste touche à sa fin et que si je dois être le fossoyeur du parti

 23   communiste, ce ne sera pas contre mon gré. Et alors, les autres membres du

 24   comité ont demandé qu'on me fasse faire une procédure disciplinaire.

 25   Alors, qu'est-ce que j'essaie de vous dire en vous racontant cette anecdote

 26   ? Une crise générale avait frappé le pays dix ans auparavant, c'était en

 27   fait une crise du système communiste. Le parti communiste était

 28   complètement discrédité et il a dû abandonner le pouvoir. Or, c'était très


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  1   difficile pour les membres du parti communiste de le faire. Il était clair

  2   qu'une période de changements intense et turbulente devait suivre, et

  3   surtout en Croatie où la Ligue des Communistes avait changé d'appellation.

  4   Ils s'appelaient désormais le SDP, le Parti des changements civils. Et ce

  5   parti avait recueilli tous les votes des Serbes pour après les laisser

  6   tomber. Une fois les élections terminées, les premières élections

  7   multipartites, ils n'avaient plus besoin de Serbes. Et c'est alors que le

  8   Parti démocratique serbe a été créé à Knin. Ce parti s'est fait élire. Il a

  9   eu ses députés au parlement. Il était censé agir sur le territoire de la

 10   République de Croatie, et, d'après moi, il me semblait logique que je

 11   prenne part à ces activités. Donc, voilà comment les choses se sont

 12   passées. Et je ne peux pas dire que j'ai vraiment énormément regretté et

 13   pleuré le parti communiste.

 14   Q.  Il n'y a qu'une seule déclaration qui me paraît étrange dans la réponse

 15   que vous venez de fournir. Si votre orientation idéologique n'était pas

 16   communiste, pourquoi avez-vous été membre du parti communiste ?

 17   R.  Eh bien, le parti exerçait la pression sur la population. Il fallait

 18   devenir membre parce que cela permettait au parti de toucher les

 19   cotisations. Et, par ailleurs, il n'était pas du tout compliqué de devenir

 20   membre du parti communiste. On réglait toute cette question en une seule

 21   journée…

 22   Q.  Et devenir membre du parti communiste, cela ne vous permettait pas de

 23   bénéficier de certains privilèges ?

 24   R.  Cela pouvait bénéficier à certains membres. Mais moi, je n'avais pas

 25   d'ambitions politiques, et je ne m'attendais pas à ce que des privilèges me

 26   soient accordés par le parti communiste.

 27   Q.  Et qu'en est-il de votre décision d'accepter la nomination au poste du

 28   secrétaire de la communauté locale ? Pourquoi accepteriez-vous une fonction


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  1   d'importance au sein du parti si vos convictions ne sont pas communistes ?

  2   Etait-ce peut-être pour pouvoir bénéficier de certains privilèges ? Le

  3   secrétaire du parti ne bénéficiait-il pas de certains privilèges ?

  4   R.  Mais le parti n'existait plus. Après les élections, le parti n'était

  5   plus actif dans la région.

  6   Q.  Je vous pose ces questions parce que j'ai cru comprendre de votre

  7   réponse que le parti avait tout simplement changé d'appellation et qu'au

  8   lieu de se faire appeler parti communiste ou Ligue de Communistes, il se

  9   faisait désormais appeler le SDP. Donc, le programme a été modifié quelque

 10   peu et l'appellation a été changée, mais c'était, au fond, du pareil au

 11   même, si j'ai bien compris votre réponse ?

 12   R.  Après les élections multipartites, Slavko Dokmanovic a été nommé

 13   président de la municipalité. Il s'agissait d'un collègue à moi qui

 14   travaillait au sein d'une même entreprise, l'entreprise Vupik. J'ai essayé

 15   de faire comprendre à Slavko Dokmanovic qu'il devait orienter ses activités

 16   politiques vers la capitale de Croatie, vers Zagreb, parce que beaucoup de

 17   gens déjà essayaient de le contacter à Belgrade, qu'il s'agisse de

 18   militaires ou de policiers ou des gens de la Sûreté, et cetera, et puis il

 19   m'a dit : Mais personne ne veut me recevoir à Zagreb. Alors, en passant par

 20   le biais d'un ami qui était député à l'assemblée croate, j'ai essayé de

 21   manœuvrer pour que Slavko Dokmanovic soit reçu à Zagreb, et ce contact que

 22   j'avais m'a dit littéralement : Je suis allé voir Racan. Il est en train de

 23   passer un accord qui concerne 4 millions de marks allemands pour acheter

 24   des mortiers et refuse de me parler.

 25   En fait, les communistes avaient cédé le pouvoir en catimini au parti HDZ.

 26   Cette passation de pouvoir s'est passée avec une rapidité extrême et en

 27   silence.

 28   Q.  En 1989 ou en 1990, je pense que c'était plutôt en 1989, le système


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  1   multipartite a été établi et un grand nombre de partis ont été créés.

  2   Pourquoi avez-vous choisi de devenir membre du Parti démocratique serbe ?

  3   R.  Eh bien, j'ai essayé de vous expliquer tout à l'heure dans quelle

  4   position les Serbes se sont trouvées en Croatie, surtout après les

  5   élections multipartites et après la création du HDZ. Ce parti a fait régner

  6   une ambiance très négative. Les gens ont été effrayés. Ce parti s'attaquait

  7   ouvertement aux Serbes. En fait, c'était la seule raison d'être de ce parti

  8   au moment des élections multipartites. Et la peur a commencé à sévir parmi

  9   les Serbes, il était donc tout à fait normal d'essayer d'encourager la

 10   population qui devait sortir de ce bloc mental et essayer de réfléchir

 11   différemment. Donc moi, je ne pouvais pas rejoindre les rangs d'un parti

 12   croate puisque de toute façon ils ne voulaient pas de moi. Si la situation

 13   était normale, cela aurait été envisageable. Mais si vous avez un parti qui

 14   est en train de vous dire qu'il n'a pas besoin de toi, qu'en fait, tu le

 15   déranges dans sa vie, mais pourquoi irais-tu rejoindre les rangs de ce

 16   parti ? Et donc, le Parti démocratique serbe a été un choix logique.

 17   Q.  Vous avez déclaré, pages 16 et 17 du compte rendu d'audience

 18   d'aujourd'hui, vous avez déclaré, donc, que vous avez eu des entretiens

 19   avec 300, voire 400 personnes différentes qui avaient peur de s'engager

 20   activement dans la vie politique, et notamment dans les rangs du Parti

 21   démocratique serbe.

 22   De qui avaient-ils peur, ces gens ? C'est la question que je souhaite vous

 23   poser. Ou de quoi avaient-ils peur ?

 24   R.  Mais je crois vous l'avoir déjà expliqué. On avait orchestré une

 25   attaque féroce contre les Serbes. Cette attaque a été orchestrée par les

 26   dirigeants politiques du pays. Les gens se disaient que s'ils restent

 27   passifs, sans rien faire, ils vont pouvoir se sauver. Il était très

 28   difficile de les convaincre que ce n'était pas du tout l'attitude qu'il


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  1   fallait adopter, que s'ils ne faisaient rien, les choses dont on les

  2   menaçait allaient se produire en effet. Mais je voyais très clairement

  3   quelle était la stratégie politique du HDZ. Pendant qu'en Serbie il y a eu

  4   ce qu'on désignait par le terme de l'événement populaire, pendant ce temps-

  5   là la Croatie gardait le silence.

  6   En fait, elle a profité de cette période de turbulence en Serbie pour

  7   définir sa propre orientation politique, et ceci a après été dit

  8   ouvertement. Ils ont en fait réussi à obtenir le soutien populaire pour le

  9   programme qu'ils avaient défini et qui l'annonçaient ouvertement, ils

 10   disaient ouvertement ce qu'ils comptaient faire.

 11   Et pour nous qui cohabitions avec les Croates, nous comprenions

 12   clairement que les Croates souhaitaient proclamer leur indépendance. Et

 13   pour moi, ce souhait des Croates était normal et naturel, et je le

 14   respectais, et c'était finalement, au bout du compte, l'attitude que

 15   j'affichais. Moi, je respectais les Croates pour annoncer ouvertement leurs

 16   intentions politiques. Mais il y a eu un malentendu, je ne m'attendais pas

 17   à ce qu'ils me défendent. Pourquoi me défendraient-ils si je ne leur

 18   demande pas ?

 19   Et je vous expliquerais pourquoi je n'ai pas compris la voie

 20   politique empruntée par Belgrade. Les Serbes n'ont pas senti que les

 21   changements sociaux profonds allaient se produire. Or, quand on vit dans

 22   une société démocratique, le nombre d'habitants est quelque chose qui

 23   compte. Et puisque les Serbes étaient les plus nombreux dans l'Etat

 24   yougoslave, il aurait été normal qu'ils se trouvent à la tête de tous les

 25   changements qui s'annonçaient, et ils ne l'ont pas fait.

 26   Q.  Je pense que là, nous sortons du cadre des sujets qui nous intéressent.

 27   R.  Oui. Mais l'explication était nécessaire.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]


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  1   L'INTERPRÈTE : Le Président est inaudible.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  3   Q.  Dans la déclaration préalable que vous avez fournie à l'Accusation en

  4   2003, vous avez évoqué en détail les incidents au cours desquels des

  5   attaques ont été montées contre les Serbes. Vous avez expliqué que ces

  6   attaques se sont intensifiées après le 2 mai, donc après l'incident qui

  7   s'est produit, notamment, à Borovo Selo. Dans le cadre de ce procès, nous

  8   avons déjà pu apprendre qu'à cette époque-là, les Serbes étaient licenciés

  9   en masse, qu'ils étaient menacés, qu'il y a eu plusieurs meurtres même.

 10   Est-ce peut-être là la raison pour laquelle ces 3 ou 400 personnes avec qui

 11   vous avez eu des entretiens avaient peur de s'engager dans la vie politique

 12   ?

 13   R.  Absolument. La peur qui sévissait était intense.

 14   Q.  Aujourd'hui, le Procureur vous a fait voir un extrait vidéo et puis des

 15   questions vous ont été posées au sujet du terme Oustachi. Votre famille n'a

 16   pas vécu en Croatie pendant la Deuxième Guerre mondiale, et vous n'êtes pas

 17   originaire de Croatie, je l'ai compris. Mais nous avons pu entendre les

 18   témoignages des locaux, des gens de souche, qui disaient que les souvenirs

 19   de cette époque étaient extrêmement mauvais, que des familles entières ont

 20   été massacrées justement par les Oustachi. J'imagine que vous avez entendu

 21   parler des cas de ce type ?

 22   R.  Oui, oui. C'est un fait indiscutable, mais permettez-moi de fournir une

 23   autre explication. L'histoire de cette période n'a jamais été élucidée.

 24   Q.  Oui, il serait peut-être préférable de ne pas l'élucider maintenant.

 25   R.  Très bien, d'accord, mais c'est un fait dont on abuse. Ce sont des

 26   faits historiques qu'on manipule et dont on abuse.

 27   Q.  Nous avons entendu des dépositions des gens qui ont survécu à cette

 28   période et qui avaient des souvenirs extrêmement pénibles, eux et leurs


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  1   familles, et ils nous ont expliqué que la population avait peur qu'une

  2   telle situation ne se reproduise. Les gens vous ont-ils fait part des peurs

  3   de ce type ?

  4   R.  Je vous ai déjà expliqué que oui.

  5   Q.  Vous n'êtes pas sans savoir que pendant la période d'entre deux

  6   guerres, des organisations oustachi ont existé bel et bien, même si elles

  7   n'étaient pas actives sur le territoire yougoslave, mais surtout dans les

  8   migrations. Et savez-vous qu'un membre de cette organisation est arrivé en

  9   Croatie à un moment donné et est devenu actif sur le plan politique ?

 10   R.  Oui, et c'était à l'époque communiste.

 11   Q.  Oui. Je vous pose la question de façon générale.

 12   R.  Oui. Les frontières ont été ouvertes et qui voulait venir pouvait

 13   venir. Et c'est vrai qu'il y avait de la propagande oustachi, en effet.

 14   Q.  Peut-on donc en déduire qu'il y a eu des groupes oustachi en Croatie ?

 15   R.  Oui, et, par ailleurs, personne ne s'en cachait. On le savait

 16   pertinemment. On savait que ces gens étaient actifs sur le territoire

 17   croate.

 18   Q.  Vous parlez des groupes oustachi ?

 19   R.  Laissez-moi vous dire ceci : tous les immigrants qui revenaient dans le

 20   pays étaient proclamés Oustachi.

 21   Q.  Non, non, permettez-moi de vous poser une question, parce que je ne

 22   dispose que du temps limité --

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] S'il vous plaît, est-ce que vous

 24   essayez d'orienter les réponses du témoin ?

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, je vous demande pardon. Allez-

 27   y.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation]


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  1   Q.  Permettez-moi de vous demander ceci. Je comprends parfaitement que tous

  2   les immigrés ne sont pas forcément des Oustachi. Ceux qui affirment de

  3   telles choses ont tort, bien évidemment. Mais permettez-moi de vous

  4   demander ceci : en 1989, en 1990, est-ce qu'il y a eu des groupes oustachi

  5   en Croatie ? Je ne parle pas, bien évidemment, de la population croate dans

  6   sa totalité. Je pense à certains groupes oustachi. Y en avait-il sur le

  7   territoire croate ?

  8   R.  Les gens qui avaient passé beaucoup de temps à l'étranger revenaient,

  9   ceux qui souhaitaient rentrer et ceux qui avaient des bonnes raisons de le

 10   faire. Etaient-ils membres d'une organisation oustachi ou non, je ne

 11   saurais le dire. Mais lorsque l'on parle des immigrants, eh bien, il faut

 12   parler de tous. Et certains sont rentrés de leur plein gré, d'autres ont

 13   été poussés à le faire. Mais je crois qu'il est important de parler de tout

 14   le monde, y compris de ceux qui souhaitaient revenir de leur plein gré et

 15   qui étaient enfin libres de le faire. 

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian.

 17    M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'ai hésité à me lever, mais c'est la

 18   deuxième fois que cela se produit. Je crois qu'il faut faire bien attention

 19   aux questions posées au témoin et éviter de déposer à sa place. Alors, on a

 20   entendu les gens se tromper très certainement lorsqu'ils ont exprimé telle

 21   ou telle position. Je conseillerais à mon éminent confrère de la partie

 22   adverse de bien faire attention à ne pas témoigner lorsqu'il pose des

 23   questions à ce témoin.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il me semble que j'ai le loisir d'orienter

 25   le témoin lorsque je lui pose des questions dans le cadre de son contre-

 26   interrogatoire.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître

 28   Zivanovic.


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Alors, je ne parlais pas ici des émigrés. Vous viviez en Croatie à

  3   l'époque, vous êtes donc à même de nous dire quelle était la situation.

  4   Est-ce que c'est quelque chose que l'on entendait publiquement à l'époque ?

  5   Y a-t-il eu des rassemblements de cette nature ? C'est la question que je

  6   souhaitais vous poser. Je ne vous parle pas de personnes en particulier qui

  7   auraient participé à des rassemblements. Je ne vous demande pas si ces

  8   personnes venaient ou non de l'étranger.

  9   R.  Oui, oui, c'est bien ainsi que j'avais compris votre question, et c'est

 10   avec la question à l'esprit, que j'ai donné la réponse que j'ai donnée,

 11   mais toute organisation était maintenant libre de fonctionner comme elle le

 12   souhaitait. La voie était libre désormais. C'est certain.

 13   Q.  Vous venez de nous expliquer que le Parti démocratique serbe opérait en

 14   Croatie et que c'était bien ainsi et qu'il fallait qu'il se tourne

 15   davantage vers Zagreb, donc. En mai 1990, vous vous êtes rendu à Belgrade -

 16   c'est ce que vous dites dans votre déclaration - afin de participer a la

 17   réunion constitutive, fondatrice du Parti démocratique serbe à Belgrade.

 18   L'opinion que vous avez exprimée remonte-t-elle à cette période ou l'avez-

 19   vous formée plus tard ?

 20   R.  Je vous parle du Parti démocratique serbe à Knin qui relevait du

 21   contrôle du service de la Sûreté de l'Etat de Serbie. La création du comité

 22   à Belgrade a été interprétée comme étant une activité réalisée par des gens

 23   du secteur de Knin, Dalmacija, Lika, et cetera, et cetera, mais qui

 24   vivaient à Belgrade.

 25   Q.  J'aimerais que vous me disiez autre chose. A l'époque, la Yougoslavie

 26   était unifiée et il ne me semble pas que des restrictions aient été

 27   imposées aux partis politiques quant au secteur dans lequel ils

 28   souhaitaient opérer. Je suppose donc que la réunion de Belgrade était


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  1   parfaitement légale et que le Parti pour l'Action démocratique était tout à

  2   fait libre de se constituer, de former des comités là où il le souhaitait

  3   et quand il le souhaitait, et que ceci s'appliquait aux autres partis

  4   politiques également. N'est-ce pas, Monsieur ?

  5   R.  Eh bien, nous connaissons bien la teneur du programme et c'est ce dont

  6   je vous parle. Tant que la Yougoslavie était un seul et même Etat --

  7   sachant que les interprétations diffèrent à ce sujet. Mais il eut été

  8   inutile de faire intervenir la Yougoslavie. Je vous parle de notre bord, du

  9   Parti démocratique serbe. Chaque nouveau parti politique couvrait son

 10   propre territoire et un domaine d'action particulier.

 11   Q.  Lors de la réunion du Parti démocratique serbe à Belgrade, avez-vous

 12   pris la parole ? Avez-vous dit à ce moment-là que le Parti démocratique

 13   serbe ne devrait opérer qu'en Croatie et que la constitution de son organe

 14   directeur n'aurait pas dû intervenir à Belgrade ?

 15   R.  Je n'étais présent qu'en qualité d'observateur. Je n'avais pas le droit

 16   d'intervenir. Il existait un ordre du jour, un programme prévoyant

 17   différents intervenants, prévoyant également une discussion sur les

 18   activités envisagées, mais je n'avais pas le droit de participer aux

 19   discussions de cette réunion, et ce n'est pas, d'ailleurs, la raison pour

 20   laquelle je m'y trouvais. Je voulais rencontrer Raskovic afin de lui parler

 21   et de voir si nous pourrions faire quelque chose pour améliorer le

 22   fonctionnement de notre parti en Slavonie.

 23   Q.  Etait-ce la première fois que vous avez rencontré Raskovic ?

 24   R.  Oui, c'était la première fois.

 25   Q.  Vous saviez que le 17 février de cette même année, le Parti

 26   démocratique serbe avait été créé à Knin et qu'il en était le président,

 27   n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, je le savais.


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  1   Q.  Vous connaissiez le programme de ce parti ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et vous lui avez dit à l'époque que vous souhaitiez qu'un comité soit

  4   établi en Slavonie, en Baranja, et au Srem occidental ?

  5   R.  Oui, en Slavonie et en Baranja. Le Srem occidental n'est venu dans la

  6   conversation que plus tard, mais lors de la première conversation, nous

  7   n'avons évoqué que la Slavonie et la Baranja.

  8   Q.  Savez-vous qu'entre autres choses, le programme du Parti démocratique

  9   serbe évoque la mise en place d'une autonomie territoriale si la population

 10   en décidait ainsi dans le cadre d'un référendum ?

 11   R.  La question de l'autonomie était fortement liée à ce qui se passait

 12   ailleurs en Yougoslavie. La Croatie allait-elle devenir un pays indépendant

 13   ? Y aurait-il confédération ou une autre forme d'organisation politique ?

 14   La question de l'autonomie et le droit à l'autonomie étaient donc fortement

 15   corrélés à cette évolution politique.

 16   Q.  Vous souvenez-vous d'un slogan politique qu'employait Raskovic à

 17   l'époque, ou d'une de ses déclarations ? Il disait notamment que le nombre

 18   de Serbes en Croatie devrait être le même que le nombre de Croates en

 19   Yougoslavie.

 20   R.  Je ne m'en souviens plus. Ce n'est pas un élément du programme du

 21   parti. C'est sans doute quelque chose qu'il a dit lors d'un rassemblement

 22   politique.

 23   Q.  Oui, mais je crois que ma question n'a pas été bien interprétée. Je

 24   vais donc la répéter. Le slogan de Raskovic à l'époque était celui-ci : les

 25   Serbes devaient se trouver en Croatie à la mesure de la place qu'occupait

 26   la Croatie en Yougoslavie.

 27   R.  Mais je crois que c'est quelque chose qu'il a dit lors d'un

 28   rassemblement public ou d'une manifestation de ce type. Cela ne faisait pas


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  1   partie d'un programme politique. Mais j'aimerais ajouter quelque chose, si

  2   vous me le permettez. Nous n'étions pas à même d'imposer un ultimatum à la

  3   Croatie. La Croatie était dotée de sa propre constitution, de son propre

  4   corpus législatif, et la Croatie devait aussi laisser la place à d'autres.

  5   Et si le pays privait les Serbes d'un certain nombre de droits politiques,

  6   eh bien, il devait inclure les Serbes dans une autre catégorie, et la

  7   catégorie minorité ethnique a été choisie. C'est la manière dont ce sujet a

  8   été traité à l'époque, et ce procédé a été perçu comme extrêmement

  9   humiliant. Cela étant, à l'époque, compte tenu des circonstances, eh bien,

 10   il n'y avait pas grand-chose à faire. Nous devions attendre que la

 11   situation s'apaise, et nous devions attendre une meilleure opportunité pour

 12   débattre à nouveau de ces différents aspects, attendre que la situation

 13   revienne à un certain degré de normalité. C'est la raison pour laquelle

 14   nous n'étions pas à même d'imposer un ultimatum à la Croatie en tant

 15   qu'Etat. Nous ne pouvions pas véritablement répliquer face à ce qui nous

 16   était fait. A l'époque, c'était impossible.

 17   Q.  Pouvez-vous me dire ceci : qu'entendez-vous lorsque vous dites attendre

 18   que la situation s'améliore, attendre de meilleures circonstances avant de

 19   faire quelque chose ? De quelles circonstances parlez-vous ? Parce que d'un

 20   côté, vous aviez la Croatie qui essayait d'obtenir son indépendance, de

 21   faire sécession du reste de la Yougoslavie. Et de l'autre vous aviez les

 22   Serbes en Croatie qu'ils ne souhaitaient. Alors quelle était cette

 23   meilleure situation que vous attendiez ? Ce temps meilleur qui était censé

 24   venir ?

 25   R.  Eh bien, il y avait véritablement un conflit entre deux notions et deux

 26   groupes de personnes, ceux qui entre-percevaient une solution juridique à

 27   cette situation chaotique et ceux qui estimaient que c'est par la voie des

 28   armes que la situation devrait se régler. Voilà où se situait le conflit.


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  1   Voilà ce autour de quoi tout gravitait. Mais la situation était tellement

  2   chaotique qu'il était impossible de définir ses objectifs politiques et

  3   d'énoncer clairement ses propres droits.

  4   Notre position consistait à travailler en faveur de la mise en place

  5   d'un cadre juridique. Bien entendu, les Serbes n'acceptaient pas la

  6   situation en l'état. Ils avaient des droits. Ils possédaient des biens dans

  7   cet Etat. Et ils ne pouvaient se satisfaire d'une situation dans laquelle

  8   leur présence n'était plus souhaitée.

  9   Q.  Etes-vous en train de dire ceci, à savoir que le problème aurait dû

 10   être réglé par la voie juridique mais que certaines personnes en faisaient

 11   mauvais usage; est-ce bien ce que vous dites ?

 12   R.  Oui, et la séparation au sein de l'Etat aurait dû également être

 13   résolue par la voie juridique. Lorsqu'il y a tentative de sécession, de

 14   scission d'un Etat, cela dit, il n'y a pas de solution juridique à un tel

 15   problème.

 16   Q.  Une dernière question avant la pause. Savez-vous que dans un référendum

 17   les Serbes ont fait connaître leur position sur la sécession de la Croatie

 18   vis-à-vis du reste de la Yougoslavie ?

 19   R.  Oui. Bien sûr, j'ai organisé ce référendum à Vukovar. Dans le bâtiment

 20   qui se trouvait au centre-ville, c'est là que ce référendum a eu lieu.

 21   Q.  Mais ce n'était pas ma question.

 22   R.  Mais je vais y répondre. Je n'ai pas confiance dans un référendum dont

 23   les résultats sont positifs à 98 ou 99 %, dont les résultats semblent

 24   exprimés une préférence pour la proposition faite à 98 ou à 99 %. Voilà la

 25   réponse que j'apporterais à votre question.

 26   Qui a lancé ce référendum, pourquoi a-t-il eu lieu ? En tout état de cause,

 27   nous avons fait des centaines et des centaines de choses qui nous ont été

 28   imposées.


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  1   Q.  Bien, pouvez-vous me dire ceci : vous nous avez déjà dit que vous aviez

  2   fait part de votre méfiance à l'égard d'un tel référendum.

  3   R.  Absolument.

  4   Q.  Celui qui a été organisé par le Parti démocratique serbe.

  5   R.  Pouvez-vous -- oui, oui. Je vais vous dire une dernière chose.

  6   Q.  Une dernière question et nous allons conclure cette séance avant la

  7   pause. A l'époque, vous n'aviez pas quitté le Parti démocratique serbe, et

  8   ce, alors même que vous saviez et que vous vous étiez exprimé sur la

  9   question, que vous saviez que le résultat de ce référendum était douteux,

 10   qu'il ne pouvait refléter la réalité ?

 11   R.  Je suis tenace. Et j'ai bien observé les manipulations qui ont eu lieu,

 12   et je suis conscient des tentatives de manipulation dont je suis victime,

 13   mais il fallait que je fasse quelque chose.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bien. L'heure se prête bien à la pause,

 15   Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Monsieur Savic, nous

 17   allons faire notre deuxième pause de l'après-midi, et nous reprendrons à 17

 18   heures 15. Vous allez être raccompagné hors de ce prétoire pour l'instant.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 21   --- L'audience est suspendue à 16 heures 47.

 22   --- L'audience est reprise à 17 heures 17.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En attendant l'entrée du témoin -- en

 24   entendant l'entrée du témoin, nous avons une brève décision à rendre afin

 25   qu'elle soit consignée au compte rendu d'audience. Elle concerne une

 26   requête conjointe visant au versement de documents ayant fait l'objet d'un

 27   accord entre les parties.

 28   Le 19 octobre 2012, l'Accusation et la Défense ont déposé conjointement une


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  1   requête concernant le versement au dossier de 56 documents. L'un de ces

  2   documents portant le numéro 00809 de la liste 65 ter a déjà été versé au

  3   dossier et il s'agit maintenant de la pièce L3. La Chambre statue comme

  4   suit : les documents restants sont pertinents et ont valeur probante, ils

  5   seront donc admis au dossier et une cote leur sera attribuée. Le Greffe est

  6   invité à attribuer des numéros à ces pièces commençant par la lettre P et L

  7   comme le propose la requête.

  8   La Chambre note qu'une coquille s'est glissée à l'annexe A de la requête.

  9   Le document présenté comme étant le numéro 12 devrait être le numéro 00358

 10   de la liste 65 ter.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur Savic, je souhaitais vous poser une question supplémentaire

 15   sur votre séjour en Serbie après le 2 mai 1991. Pouvez-vous nous dire ce

 16   que vous avez fait lorsque vous étiez à Odzaci ? Qu'y avez-vous fait ?

 17   R.  Bosko Perosevic était président de la municipalité d'Odzaci. Nous nous

 18   connaissions. Nous avons essayé de mettre en place une assistance pour les

 19   réfugiés, et en coopération avec lui-même et avec Brana Crncevic, c'est ce

 20   à quoi je me suis affairé.

 21   Q.  Et en quoi consistait précisément cette assistance, cette aide aux

 22   réfugiés ? En d'autres termes, que faisiez-vous exactement ?

 23   R.  Eh bien, j'essayais d'obtenir des médicaments. Ecoutez, tout le monde

 24   me connaissait. J'ai reçu un chargement entier de médicaments de la société

 25   pharmaceutique Sabac, par exemple. La municipalité de Zrenjanin et des

 26   municipalités environnantes ont également donné un coup de main. Nous avons

 27   ensuite acheminé le tout à Borovo, et puisque nous obtenions une aide

 28   médicale de Sabac, nous acheminions cette aide aux différents hôpitaux par


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  1   le Danube. Voilà plus ou moins quelle était la nature de mon travail à ce

  2   moment-là.

  3   Q.  Bien. Si je vous ai bien compris, vous vous attachiez à recueillir des

  4   médicaments, à mettre en place d'autres types d'assistance également en

  5   Serbie, et tout ce que vous receviez était envoyé à Borovo et vers d'autres

  6   régions de la Croatie.

  7   R.  Vers des centres qui se chargeaient d'accueillir des réfugiés

  8   également. Il y avait, par exemple, certaines écoles le long du Danube qui

  9   hébergeaient des réfugiés. A Vajska, par exemple, et nous y avons également

 10   apporté une assistance.

 11   Q.  Le 2 mai 1991, lorsque vous vous êtes rendu sur place, je ne crois pas

 12   qu'il y ait eu des réfugiés en Serbie. La guerre n'avait pas débuté.

 13   R.  Dès après le 2 mai, ils ont commencé à faire leur apparition. Nous

 14   avions un ferry à Borovo Selo, quelque chose que j'ai mis en place avec

 15   Novakovic parce qu'ils utilisaient des petites embarcations. Mais nous

 16   avons obtenu un ferry, et à ce moment-là une première vague de réfugiés

 17   commençait déjà à traverser le Danube.

 18   Q.  Il me semble que vous nous avez dit que vous vous étiez rendu à

 19   Belgrade en juin ou, en tout cas, après le 20 mai. Pourquoi ?

 20   R.  Parce que je ne me sentais plus en sécurité à Odzaci. Un matin, vers 7

 21   heures, quelqu'un est venu frapper à ma porte. Mon voisin a dit que j'avais

 22   mal garé ma voiture, qu'elle le gênait. Mais lorsque je rentrais, je

 23   faisais toujours attention de me garer correctement pour me gêner personne.

 24   J'ai ouvert le robinet dans la salle de bain en prétendant que je prenais

 25   une douche, et j'ai dit que je m'en occuperais une fois que j'aurai pris ma

 26   douche. J'ai fini par prendre mes affaires, et après un certain temps j'ai

 27   sauté dans ma voiture et je suis parti à Belgrade.

 28   Q.  Et vous n'êtes donc pas rentré pour dormir, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Non.

  2   Q.  Et ce que vous a dit votre voisin, vous l'avez considéré comme une

  3   sorte de menace, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, effectivement. Mon instinct était très aiguisé.

  5   Q.  A trois reprises dans votre déclaration -- bon, vous ne parlez pas de

  6   cela spécifiquement, mais à trois reprises dans votre déclaration, vous

  7   dites que vous étiez censé avoir été tué. Je peux vous relire les parties

  8   correspondantes. Il s'agit du paragraphe 171, dans lequel vous dites que

  9   quelque chose s'est passé le jour où le cadavre de Vukasin Soskocanin a été

 10   retiré du Danube, et vous avez dit que l'ordre avait été donné par

 11   Milosevic que Kertes devait se charger de votre assassinat et que Ljubo

 12   Novakovic était complice. Nous savons qui est Milosevic, mais pourriez-vous

 13   nous expliquer ce que faisait Kertes ? Qui il était à l'époque ?

 14   R.  Kertes, c'était Dieu. C'était un proche acolyte de Slobodan Milosevic.

 15   Il trempait dans tout ce qui avait à voir avec des questions de personnel

 16   dans le secteur de la Slavonie, de la Baranja et du Srem occidental. Il

 17   trempait dans toutes ces affaires, dans toute démarche d'assistance, et il

 18   contrôlait en fait le secteur.

 19   Q.  Je dispose d'informations selon lesquelles à l'époque il était

 20   assistant du ministre fédéral de l'Intérieur. Vous êtes d'accord ?

 21   R.  Oui. C'est tout à fait possible.

 22   Q.  Et Ljubo Novakovic, qui était-il ?

 23   R.  Ljubo Novakovic était président de la municipalité de Backa Palanka.

 24   C'est là que l'on s'y rencontrait. Goran y venait, Vukasin. Tous les gens

 25   du secteur se retrouvaient là. C'est là, d'ailleurs, que nous nous

 26   rencontrions tous.

 27   Q.  Et vous avez réussi à éviter le triste sort qui vous attendait puisque

 28   vous n'êtes pas allé sur la rive du Danube, c'est ce que vous dites dans


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  1   votre déclaration. Vous êtes allé à Odzaci à la place; c'est bien exact ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Alors, pourriez-vous m'expliquer ceci : comment vous expliquez-vous le

  4   fait que des personnes aussi influentes à l'époque, Milosevic qui était

  5   président de l'Etat à l'époque, Kertes qui était assistant du ministre de

  6   l'Intérieur et Dieu dans tout le secteur, comme vous le dites vous-même,

  7   comment vous expliquez-vous donc le fait qu'ils n'aient pas exécuté cette

  8   prétendue tentative d'assassinat dont vous deviez faire l'objet et que vous

  9   soyez parvenu à échapper au sort qui vous attendait, en vous éloignant de

 10   quelque 10 kilomètres à chaque fois ?

 11   R.  J'ai toujours eu davantage d'informations quant à la façon dont Vukasin

 12   Soskocanin avait été liquidé, et c'était quelque chose que je connaissais

 13   bien. Je sais que les plongeurs l'ont rattaché à un morceau de mois, à un

 14   rondin, et que son corps ne pouvait remonter à la surface. Donc, lors de

 15   cette réunion à laquelle Kertes se trouvait, il a demandé de l'appuyer

 16   parce qu'il y avait 50 personnes de ce secteur. L'on parlait de ventes

 17   d'armes et que ce soit réglé. Au début de la réunion, Trifun Ivkovic est

 18   arrivé de Sremska Mitrovica, et je n'ai pas besoin de réitérer ce qui se

 19   trouve dans ma déclaration. Trifun Ivkovic est un provocateur de premier

 20   rang, et il faut toujours analyser ce qu'il dit et ce qu'il fait, il faut

 21   lire entre les lignes. Le fait n'en reste pas moins que je ne voulais pas

 22   être président et que je ne voulais pas être impliqué dans quoi que ce

 23   soit. Il a posé la question à savoir : Pourquoi est-ce que Goran est

 24   président puisque nous sommes convenus que ce serait Boro ? Entre-temps, on

 25   m'a apporté un morceau de papier, Milan [comme interprété] Novakovic me l'a

 26   apporté, où il était dit qu'à côté du village de Novo Selo, sur le Danube,

 27   un corps était remonté à la surface et qu'il fallait aller voir s'il

 28   s'agissait de Vukasin Soskocanin. Que penseriez-vous si l'on vous disait


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  1   cela ? Et j'ai dit : Kertes, très bien. Et j'ai dit à Ljuba : Je n'ai pas

  2   de voiture. Et il m'a répondu : Très bien, mon chauffeur t'emmènera. Et

  3   donc, nous sommes partis. Je lui ai dit : Vous m'emmenez à Odzaci. La

  4   police se trouvait déjà sur la rive gauche du Danube, et les exécutants de

  5   cet acte se trouvaient avec la police.

  6   Je ne présume pas, mais c'est la façon dont on se débarrassait des

  7   autres. Pourquoi est-ce que je me rendrais pour aller voir quelque chose si

  8   je sais que c'est impossible ? Enfin, ça, c'était ma conclusion.

  9   Q.  C'est la première fois que vous mentionnez le fait que les

 10   auteurs se trouvaient sur la rive. Les auteurs de quoi ?

 11   R.  Les auteurs des condamnations à mort. Ça, c'était sûr qu'il ne

 12   s'agissait pas de natation.

 13   Q.  En d'autres termes, vous aviez reçu une condamnation à mort qui

 14   avait été délivrée par quelqu'un du groupe. Très bien. Ceux qui se

 15   trouvaient là étaient censés exécuter, donc, cette condamnation. C'est de

 16   cela dont vous parlez lorsque vous parlez des "auteurs" ?

 17   Monsieur Savic, vous avez été emmené à Odzaci par Ljubo Novakovic,

 18   c'est-à-dire son chauffeur, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Il a probablement déclaré où il vous avait emmené.

 21   R.  Oui. Je lui ai dit : Dites à Ljubo que vous m'avez déposé à Odzaci.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, vous semblez poser

 23   la question au témoin :

 24   "Vous avez été condamné à mort par quelqu'un de ce groupe. Très bien. Et

 25   toutes ces personnes se trouvent sur place et elles sont censées vous

 26   exécuter -- exécuter votre condamnation à mort. C'est bien de cela dont

 27   vous parlez quand vous dites 'auteurs' ?

 28   Et ensuite, sans attendre la réponse, vous passez directement 


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  1   à :

  2   "Vous avez été emmené à Odzaci par le chauffeur de Novakovic ?"

  3   Alors, est-ce qu'il nous manque une étape ?

  4   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quand vous avancez :

  6   "En d'autres termes, vous avez été condamné à mort," est-ce que cela veut

  7   dire le témoin ou en qualité de personne en général ?

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je parle du témoin. Le témoin a été

  9   condamné à mort. C'était son témoignage, si j'avais bien compris.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 12   Q.  Je vais répéter la question : est-ce que vous avez déclaré que vous

 13   étiez de fait condamné à mort ?

 14   R.  Oui. C'était mon évaluation, et je pense que c'est une évaluation qui

 15   est juste. C'est ce que j'ai déclaré.

 16   Q.  Et ces auteurs étaient là pour vous exécuter, vous, c'est-à-dire pour

 17   exécuter cette condamnation à mort ?

 18   R.  Je crois qu'on se perdrait en conjecture, n'est-ce pas ? Mais pourquoi

 19   voudraient-ils que je me rende sur la rive du fleuve ? Je ne suis pas

 20   paranoïaque. Mes activités contre la guerre n'étaient pas prisées. Même le

 21   gouvernement -- lorsque le gouvernement a été mis en place pour la

 22   Slavonie, Baranja et le Srem occidental, ils ont interdit à leurs membres

 23   de converser avec moi. Je sais de quoi il s'agissait, ce n'était pas la

 24   première fois que j'étais confronté à cette situation. Si l'on commence par

 25   Plitvice, et à partir de là, ça continue.

 26   Q.  C'est précisément la question que je voulais vous poser. Comment

 27   expliquez-vous le fait que ces auteurs étaient là pour vous exécuter sur la

 28   rive du Danube ? Comment se fait-il qu'ils ne soient pas allés à Odzaci par


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  1   la suite, parce qu'ils savaient que vous vous y trouviez ? C'était un fait

  2   tout à fait connu, patent. C'était une chose que Ljubo Novakovic savait, et

  3   vous dites que c'était l'un de ceux qui étaient impliqués, qui étaient

  4   complices.

  5   R.  Ce n'était pas encore à l'époque des exécutions à grande échelle, qui

  6   s'est produite par la suite alors que le conflit a connu une escalade. Il

  7   s'agit de tirer parti de la naïveté de quelqu'un, faire tuer quelqu'un

  8   aussi doucement et calmement que faire se peut. Je peux vous dire que c'est

  9   ainsi qu'il s'agissait de Soskocanin. C'est un sujet que je connais bien.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Désolé, une petite question sur le compte

 11   rendu. A la page 73, ligne 6, lorsque le témoin déclare que "le

 12   gouvernement a été mis en place pour la Slavonie, la Baranja et le Srem

 13   occidental, je crois qu'on a interdit," et donc le terme "interdit" en

 14   anglais a été mal orthographié.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Cher Collègue.

 16   Q.  Vous avez déclaré qu'on vous avait interdit de communiquer avec les

 17   membres du gouvernement. C'est une question d'interprétation. C'est pour

 18   cela que je vous pose la question.

 19   R.  Oui, on me l'a interdit.

 20   Q.  Maintenant que nous sommes arrivés à la chose, au paragraphe 191 de

 21   votre déclaration, et si c'est nécessaire, je peux toujours revenir au

 22   texte original, si on le souhaite. Vous le voyez sur votre écran. Il s'agit

 23   du document 5868.

 24   Vous avez déclaré que vous vous trouviez sur la liste de personnes à

 25   exécuter. Sur ordre du service, des membres du gouvernement avaient

 26   l'interdiction de prendre contact avec vous.

 27   R.  Une liste. Bien. Je n'ai pas vu de liste. L'interdiction de me

 28   contacter, c'est ce que les membres du gouvernement eux-mêmes m'ont


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  1   déclaré, voyez-vous. La façon dont les personnes étaient choisies pour être

  2   liquidées, je l'ignore. Peut-être que là également c'est une question

  3   d'interprétation. Donc, je ne dirais pas, moi, une liste. Mais il n'en

  4   reste pas moins que tous ceux qui étaient contre la façon dont le secteur

  5   était dirigé - je parle donc de la Slavonie, de la Baranja et du Srem

  6   occidental - dans ce secteur, tous ceux qui étaient indésirables quant à

  7   leur présence, on souhaitait qu'ils n'y restent point. Donc c'est là un

  8   fait.

  9   Q.  Mais à l'époque, vous vous trouviez dans le secteur, lorsque le

 10   gouvernement a été mis en place, si j'ai bien compris ?

 11   R.  Tous ceux qui sont dans ce secteur me connaissent. Que j'y sois

 12   physiquement ou pas à un moment donné ou pas, ça n'a pas d'importance. Le

 13   comprenez-vous ? J'avais nombre de contacts avec ceux qui se trouvaient de

 14   l'autre côté du fleuve, en commençant par les présidents municipaux, à

 15   Backa Palanka, à Sombor, les directeurs d'usines, des médecins, des

 16   juristes. Je pratiquais une fois par mois. Nous nous retrouvions à Banja

 17   Junakovic le plus souvent, et puis on s'y rencontrait et j'expliquais lors

 18   de ces réunions la façon dont -- qu'il serait utile -- il s'agissait de

 19   coordonner donc de coordonner différentes tâches.

 20   Donc pour revenir à ce sujet, c'est un secteur où l'on me connaît, si

 21   quelqu'un veut savoir quoi que ce soit, s'il y a une question qu'il faut

 22   soulever on prend contact avec moi. On me pose la question. En ce qui

 23   concerne moi, ma personne, dans ce secteur, c'est là où je me trouvais,

 24   mais après tout où pourrais-je aller ?

 25   Q.  Vous avez déclaré que les membres du gouvernement vous ont déclaré que

 26   tout contact avec d'autres personnes était interdit. Pourriez-vous préciser

 27   quels sont les membres du gouvernement qui vous l'ont déclaré ?

 28   R.  Bogdan Vorkapic était dans l'un d'entre eux. Je crois qu'il était un


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  1   économiste, ou plutôt, un ministre de l'économie, quelque chose de la

  2   sorte. Milos Vojnovic en était un autre, ministre de la justice. Il était

  3   un homme sympathique. Nos rapports étaient excellents. Et c'est tout ce

  4   dont je me souviens. Je ne crois pas qu'il faille davantage de personnes

  5   que cela. Il suffit qu'une seule personne le déclare. Je l'ignorais, mais

  6   j'ai rencontré Bogdan Vorkapic à Belgrade à Terazija. J'allais lui poser

  7   une question alors qu'il s'est détourné de moi, et je lui ai dit : Mais

  8   Bogdan, attend. J'ai une question à vous poser. Et il m'a dit littéralement

  9   : Je suis désolé, je n'ai pas la permission ou je ne suis pas autorisé à

 10   vous parler. Ce n'était pas forcément que j'étais extrêmement surpris. J'ai

 11   dit : Bon. D'accord. Très bien. Que ce soit ainsi, si c'est comme ça qu'il

 12   faut faire. Ce n'était pas que je l'obligeais à quoi que ce soit. Je

 13   n'allais pas réellement essayer d'être en contact avec lui par la suite à

 14   partir de là.

 15   Q.  Lui-même et ce Vojnovic, vous ont-ils dit que votre nom figurait sur

 16   une liste de liquidation, ou que le service avait ordonné votre exécution,

 17   en d'autres termes ?

 18   R.  Non. Pourquoi leur poserais-je cette question ? Ce n'était pas quelque

 19   chose qu'on leur avait dit de toute façon. Ils ne faisaient que leur

 20   travail, et c'est là quelque chose qui était étranger, extérieur à leur

 21   travail.

 22   Q.  Donc qui vous l'a dit le fait que le service avait donné l'ordre de

 23   vous faire tuer ?

 24   R.  Eh bien, comme je vous l'ai dit, mon instinct, mon intuition était tout

 25   à fait présente. Ce n'est pas que j'ai été fouillé, posé des questions,

 26   voyez-vous. Je n'allais pas faire des recherches. C'était l'impression

 27   générale que j'ai ressentie de mes contacts. Je sais jusqu'où je pouvais

 28   aller, mais il n'est pas nécessaire de s'appesantir, d'aller trop loin.


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  1   C'est tout simplement ce que mon intuition me disait, donc j'ai essayé de

  2   m'écarter. Il n'y avait rien de particulier qui s'était présenté.

  3   Q.  Au paragraphe 180 de votre déclaration, vous y déclarez également que

  4   vous avez été informé en juillet 1991 par Djordje Bozovic, également nommé

  5   Giska --

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, au cas où vous

  7   passiez à un autre thème, nous avons entendu à plusieurs reprises que les

  8   débats portaient sur le service, le service qui a ordonné ceci, ou cela, ou

  9   qui interdit. Est-ce que le témoin pourrait élucider pour nous de quel

 10   service il s'agit, tout simplement pour le compte rendu.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais m'y

 12   attacher.

 13   Q.  Monsieur Savic, vous avez évoqué dans le paragraphe que je viens de

 14   mentionner et par ailleurs dans votre déclaration à plusieurs reprises vous

 15   évoquez "le service". Pourriez-vous être plus précis quant à cela signifie.

 16   "Le service" qu'est-ce ? Quel est le contexte de ce terme ?

 17   R.  Eh bien, le seul service dont je pourrais parler dans ce contexte,

 18   c'est bien sûr la Sûreté de l'Etat.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La Sûreté de quel Etat ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] La Serbie. C'est bien de cela dont nous

 21   parlons, n'est-ce pas ?

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 24   Q.  Au paragraphe 180 de votre déclaration, vous y déclarez qu'en juillet

 25   1991, Djordje Bozovic, également surnommé Giska, vous a offert de vous

 26   aider si vous vous sentiez menacé à Belgrade, et un soir il vous avertit

 27   que vous devriez vous enfuir car des menaces venaient de Hadzic, a-t-il

 28   suggéré, mais vous avez, vous, estimé que les menaces venaient de Knin, de


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  1   ceux qui se trouvaient à Knin. Donc la première chose que j'aimerais

  2   élucider, si vous regardez ce paragraphe, vous verrez qu'on y parle de

  3   Borcevic. Est-ce bien la même personne ou est-ce là une coquille ?

  4   R.  Djordje Bozovic. C'est de lui dont on parle.

  5   Q.  Donc c'est bien la même personne, Djordje Bozovic ?

  6   R.  Oui, c'est bien cela.

  7   Q.  Et vous a-t-il expliqué ou pourquoi vous étiez confronté à tous ces

  8   problèmes, pourquoi on vous adressait des menaces ?

  9   R.  Giska se trouvait à la tête de la Garde des volontaires, donc une unité

 10   de volontaires qui était contrôlée par le Parti SPO. Il faisait partie des

 11   [inaudible] d'Etat avec Arkan, et les autres. Et alors je lui ai demandé :

 12   Mais puisqu'une garde nationale, une unité de volontaires existe déjà,

 13   pourquoi ils ne me rejoignent pas leur rang. Et lui m'a répondu : Tout ça,

 14   c'est des sales Communistes, et je ne voulais pas rejoindre leur rang.

 15   Après l'incident qui s'est produit à Plitvice, je suis arrivé à Belgrade.

 16   Je vous ai déjà parlé de mon intuition. Je savais que ma façon d'œuvrer

 17   pour la paix ne cadrait pas bien avec l'ambiance du moment. Et alors je lui

 18   ai demandé de me faire une faveur. Je lui ai demandé : Ecoute, je ne me

 19   sens pas en sécurité à Belgrade. Je préfère ne pas nommer de personne

 20   particulière, mais j'imagine que tu connais les gens qui possèdent des

 21   informations fiables. Moi, je te fais confiance, et tout ce que je te

 22   demande c'est de me faire savoir s'il y a quelque chose qui se passe. Et tu

 23   n'as pas besoin d'intervenir. Juste de me faire savoir. Et après je

 24   m'occupe du reste.

 25   Alors, moi, j'avais passé la nuit à l'hôtel Union, et vers 10 heures. Il

 26   m'a réveillé et il me dit : Ecoute, mec, prends tes affaires, il faut que

 27   tu te casses de Belgrade. Je pense que c'est ainsi que les choses se sont

 28   passées.


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  1   Et moi, je demande : Mais de qui arrivent ces menaces ? Il a dit de Goran.

  2   Et moi je lui réponds : Ça m'étonnerait que ce soit Goran. Mais restons-en

  3   là. Demain, je vais essayer de voir qui est derrière tout ça. Il m'a dit :

  4   Ecoute, je reste avec toi cette nuit, et en effet il est resté à mes côtés

  5   au cours de cette nuit.

  6   Et puis le lendemain, je suis allé voir Brana Crncevic dans les

  7   locaux de la Matica serbe. Je suis allé le voir dans son bureau. Et

  8   ensuite, Radmilo Bogdanovic est arrivé en vitesse. Très rapidement, il

  9   était venu des locaux du gouvernement et de l'assemblée nationale. Et

 10   Radmilo était quelqu'un que je connaissais et à qui je faisais confiance, à

 11   qui je pouvais faire part de tous les doutes qui me tracassaient.

 12   Et alors, on s'est dit bonjour, ça va, comment vu vas, et puis je lui

 13   ai dit : Dis donc, tu n'es pas surpris de me voir en vie ? Et puis, il me

 14   dit : Mais qu'est-ce que tu racontes ? Et je lui explique ce qui est

 15   arrivé, et lui me dit : Ecoute, je n'ai aucune information à cet effet, je

 16   ne saurais te confirmer que les choses vraiment se passent ainsi, mais si

 17   jamais j'entends quelque chose, je te ferai savoir.

 18   Et puis, après, je lui ai dit : Ecoute, j'ai des documents que j'ai

 19   déposés chez trois juristes, chez trois avocats de Belgrade. Alors, si

 20   quelqu'un m'exécute, mes avocats sont autorisés à présenter ces documents

 21   dans le public. Et voilà, c'était là la fin de l'histoire.

 22   Q.  Puisque vous venez d'évoquer des documents, s'agit-il des documents qui

 23   ont trait à ce danger dans lequel vous vous trouviez ? Ces documents

 24   concernaient-ils l'année 1990, 1991, et les événements qui se sont produits

 25   à l'époque ?

 26   R.  Je ne faisais que bluffer. Je n'avais rien, aucun document. Mais vous

 27   savez ce que c'est quand vous menacez les gens en disant que vous allez

 28   publier des documents confidentiels. Même si vous n'avez rien, eux ils


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  1   commencent à se demander si vous n'avez peut-être quand même pas quelque

  2   chose. Telles sont les règles du marché.

  3   Q.  Donc, si je vous ai bien compris, au cours de cette période qui va du 2

  4   mai jusqu'au mois de juin 1991, votre vie a été menacée à trois reprises

  5   par les agents de la Sûreté d'Etat serbe. Ai-je raison de l'affirmer ?

  6   R.  Oui, oui. C'était là ma supposition. Mais vous savez, le service avait

  7   prévu un grand nombre de personnes pour liquidation, et il n'était pas le

  8   seul à agir dans la région. Il y avait même des groupes qui n'avaient

  9   aucune capacité officielle et qui, néanmoins, exécutaient des gens.

 10   Q.  Et la raison pour laquelle vous vous sentiez menacé, c'était à cause de

 11   vos convictions politiques, parce que vous vous opposiez à la politique

 12   officielle de la Serbie ou de la Yougoslavie ?

 13   R.  Eh bien, moi, je propageais des idées antiguerre et je disais toujours

 14   que les Croates ont raison d'agir comme ils le font, et puis on me disait :

 15   Non, n'importe quoi, les Croates n'ont pas le droit de le faire. Mais si,

 16   ils ont le droit de faire ce qu'ils font. Ne me raconte pas des balivernes

 17   sur les Croates alors que ça n'a rien à voir. Le fait est que nous sommes

 18   en Serbie et non pas en Croatie, et vous, les Serbes, vous devriez d'abord

 19   régler les affaires dans votre propre maison, chez vous. Donc, je suis

 20   quelqu'un qui ne sait pas tenir sa langue et parfois, j'en dis plus que je

 21   ne devrais. Donc, il y a eu toutes sortes d'histoires, toutes sortes de

 22   débats qui avaient été menés.

 23   Q.  Monsieur Savic, vous n'êtes pas sans savoir qu'en 1991, les personnes

 24   qui s'opposaient à la politique menée par Slobodan Milosevic étaient fort

 25   nombreuses ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous n'êtes pas sans savoir, par exemple, que le 9 mars 1991, des

 28   manifestations de masse ont été organisées et plus de 100 000 personnes se


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  1   sont réunies ?

  2   R.  Oui, mais ses admirateurs étaient encore plus nombreux.

  3   Q.  Vous parlez des manifestations que ses admirateurs auraient organisées

  4   ou en général ?

  5   R.  Je parle de façon générale. Celui qui détenait le pouvoir pouvait

  6   orienter la population à sa guise.

  7   Q.  Je sais que de nombreux partis politiques existaient en Serbie à

  8   l'époque et avaient de nombreux adeptes, avaient participé à ces

  9   manifestations. Vous le savez, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Expliquez-moi la chose suivante, s'il vous plaît. Les chefs des partis

 12   politiques qui ont organisé les manifestations, qui ont participé à ces

 13   manifestations qui comptaient un grand nombre d'adeptes, personne d'entre

 14   eux n'a été liquidé, soit par Milosevic, soit par ses services secrets.

 15   Alors, pour quelle raison pensiez-vous que le régime avait quelque chose

 16   contre vous en particulier ? Vous n'aviez pas un parti politique derrière

 17   vous, vous n'aviez pas d'armée, vous n'aviez pas un grand nombre de

 18   partisans. Pourquoi étiez-vous choisi en particulier ?

 19   R.  Mais je ne pense pas que j'avais un très grand profil, mais de la

 20   région où j'étais actif, j'exerçais une certaine influence, et c'était

 21   quelque chose qui était reconnu. Il y avait un grand nombre de personnes

 22   qui me faisaient confiance tout simplement parce que je ne leur mentais pas

 23   et je ne les traitais pas en homme politique mais en être humain, et dans

 24   cette région, j'ai encore énormément d'amis, et par ailleurs, j'ai de

 25   nombreux amis qui ont payé leurs convictions de leur tête. C'est pourquoi

 26   j'ai dit ouvertement : Moi, je ne me mêle plus de tout ça, et vous, faites

 27   ce qui vous semble bon. Mais la scène politique à Belgrade et dans ma

 28   région ne peut être comparée. Tous les partis de l'opposition ont fait


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  1   partie de l'opposition à un moment donné et ont fait partie du pouvoir à un

  2   autre moment. Ils étaient tous, en fait, dirigés par un seul et même chef.

  3   C'est en fait tout simplement les communistes qui s'étaient divisés en

  4   plusieurs partis pour leurrer les gens. Vous n'allez pas me dire que Vuk

  5   Draskovic a connu un destin enviable. On aurait mieux fait de le tuer que

  6   de le passer à tabac comme on l'a fait à l'époque.

  7   Q.  Je laisse de côté ce que vous dites au sujet de Vuk Draskovic. C'est un

  8   autre point qui m'intéresse. Vous avez dit tout à l'heure que vous disiez à

  9   certaines personnes : Ne le touchez pas, ou ne vous mêlez pas de ça. A qui

 10   adressiez-vous ces propos ?

 11   R.  Eh bien, très concrètement, par exemple, je disais ça à Radmilo

 12   Bogdanovic le jour où nous nous sommes réunis dans le bureau de Brana

 13   [inaudible] : S'il vous plaît, ne touchez pas aux gens qui me font

 14   confiance, je ne me mêle plus de ces affaires. Quant à vous, avancez aussi

 15   loin que vous le voulez. Si vous voulez investir à Vienne, allez-y. Moi, je

 16   ne me mêle plus de ça. Parce que j'ai toujours eu des contacts avec qui je

 17   voulais. A Belgrade, on me disait toujours toutes les portes sont ouvertes.

 18   Mais moi, je ne suis jamais allé mendier, vous voyez. Donc, je le répète,

 19   je ne suis pas paranoïaque, mais compte tenu du contexte à l'époque, il

 20   était naturel de se poser des questions sur sa propre sûreté à un moment

 21   donné. Mais ça n'avait vraiment rien de spécial, compte tenu de l'ambiance

 22   qui régnait à l'époque. J'ai tiré ma tête sauve. C'est ce qui compte. Mais,

 23   en tout cas, je sentais que je devais partir de Belgrade parce que ma vie

 24   n'était pas en sécurité, et puis j'ai dû partir de Sid et aller à Lovas,

 25   parce que là encore, je ne me sentais pas en sécurité, mais c'était la vie

 26   que je menais à l'époque. C'est ainsi que les choses étaient.

 27   Q.  Vous dites avoir eu un entretien avec Radmilo Bogdanovic, et c'est à

 28   lui que vous auriez adressé ces propos : Ne touchez pas aux gens qui


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  1   partagent mes opinions, qui sont mes amis. Mais avait-il l'intention de

  2   toucher à qui que ce soit ? Si je vous ai bien compris, il était venu vous

  3   voir parce que la nuit précédente vous aviez cru que votre vie était en

  4   danger.

  5   R.  Quoi qu'il en soit, Radmilo Bogdanovic était un homme à qui je faisais

  6   confiance. Je vous l'ai déjà dit. Quand je lui disais quelque chose, compte

  7   tenu des activités dans lesquelles il était engagé, je me disais : c'est à

  8   moi de lui dire une chose, et puis c'est à lui de voir ce qu'il va en

  9   faire. Je ne dis pas qu'il était directement responsable de l'organisation

 10   des questions de ce type, mais ses contacts étaient nombreux. Il avait de

 11   nombreuses relations. Et c'était quelque chose que je lui avais dit comme

 12   ça, pour voir ce qu'il voulait en faire.

 13   Q.  Et je crois me souvenir que vous êtes parti dans la ville de Sid vers

 14   la fin du mois d'octobre, c'est ce que vous avez dit, et vous avez en fait

 15   cherché à trouver un abri dans la ville de Sid parce que vous ne vous

 16   sentiez pas en sécurité à Belgrade. Après être venu a Sid, avez-vous encore

 17   une fois reçu des menaces de la part de qui que ce soit ?

 18   R.  La Matica Srpska avait un entrepôt sur les rives de Sava. C'est là

 19   qu'on recevait l'assistance et la distribuait. Moi, j'y travaillais, ainsi

 20   qu'un grand nombre de personnes qui venaient de Slavonie. Et puisque

 21   c'était un entrepôt où se trouvaient des armes, ça, je ne m'en mêlais pas.

 22   Mais les gens qui s'en occupaient étaient en contact avec le service et ils

 23   me tenaient au courant de ce qui s'y passait, des gens qui y venaient, sans

 24   que j'essaie de soutirer ces informations, sans que j'insiste qu'on m'en

 25   parle. Un jour, je me trouvais à l'entrepôt et il y a un ami à moi qui

 26   arrive et qui me 

 27   dit : J'ai un ami qui souhaite te voir. Bon. Nous prenons la voiture et

 28   nous allons au centre-ville de Belgrade, rue Knez Mihajlova. Je ne me


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  1   souviens plus du bâtiment, mais c'était un bâtiment -- enfin, non, c'est

  2   plutôt la rue de Knez Milos, et c'était un bâtiment qui était non loin des

  3   locaux du SUP, du Secrétariat à l'Intérieur. Donc j'entre dans une pièce et

  4   il y a un colonel qui se présente, le colonel Djokovic. A l'époque, je

  5   pense qu'il était assistant au sein du contre-renseignement militaire. Je

  6   ne sais plus. Nous nous disons bonjour, et puis il me dit : Ne me raconte

  7   rien. Je suis au courant de tout. Nous n'avons pas le temps d'élaborer.

  8   Mais dis-moi plutôt quelles sont tes intentions. Moi, je lui ai dit : Je

  9   n'en sais rien. J'attends que les combats soient terminés pour rentrer chez

 10   moi. Question qu'il me pose : Mais ne sais-tu pas que tu ne dois pas y

 11   aller ? Et moi, je lui réponds : Mais si toi tu sais qu'il vaudrait mieux

 12   que je n'y aille pas, alors tu sais sans doute aussi que moi j'ai la ferme

 13   intention d'y aller. A quoi il me dit : Ecoute, voilà ce que je peux faire

 14   pour t'aider. Tu as des armes ? Je lui ai dit non. Question : La seule aide

 15   que je peux t'apporter, c'est de te donner des armes. Quel type d'arme est-

 16   ce que tu préfères ? Moi, je lui ai dit : Ecoute, moi, je n'ai pas d'arme.

 17   Je ne m'en occupe pas, et de toute façon, si tu veux me donner une arme,

 18   alors il faut me donner aussi un permis à porter des armes. Il me dit :

 19   Très bien, dis-moi qu'est-ce que tu préfères. Et puis, il m'a offert toute

 20   une série de différents types d'armes. Alors, moi, j'ai demandé un

 21   Skorpion, parce qu'un Skorpion, c'était très prestigieux d'en avoir un,

 22   c'était très classe. Et alors, lui, il me dit : Ecoute, moi, je n'ai pas de

 23   munitions à te donner, mais vas-y là-bas à l'entrepôt qui se trouve sur les

 24   rives de la Sava et tu peux prendre une boite toute entière. Et qu'est-ce

 25   que j'étais censé faire, moi ? Le contre-renseignement militaire contrôlait

 26   tout. Est-ce que j'étais censé lui poser des questions pour savoir où il

 27   avait récupéré ces armes ? Vous comprenez ma position ? Le général Nenezic,

 28   qui m'invitait chez lui dans son cercle familial que je fréquentais


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  1   régulièrement, me disait toujours : Fais gaffe, on te suit. C'était un

  2   ancien agent du contre-renseignement militaire, donc il connaissait leur

  3   façon de faire. Et devant le café Sumatovac, ma voiture a été cambriolée.

  4   On avait emporté les documents, tout ce qui se trouvait dans la voiture. Et

  5   qu'est-ce que j'étais censé faire ? Je n'avais pas le temps de m'en

  6   occuper. La chose la plus sage que je pouvais faire, c'était de suivre ma

  7   propre voie et de croire mes instincts.

  8   Q.  Et lorsqu'il vous a remis ce Skorpion, vous êtes alors parti pour Sid ?

  9   R.  Oui, quelques jours plus tard. Quelques jours plus tard, voilà de quoi

 10   il était question à l'époque : il était question d'établir un état-major à

 11   Sid. En fait, ce qu'ils voulaient faire, c'était de pousser les gens au

 12   massacre pour qu'ils se fassent tuer. C'était au moins là l'évaluation

 13   avancée par le général Nenezic. Et moi, je lui ai dit : Ecoute, je vais y

 14   aller, moi, à Sid. Et j'y suis allé avec un seul objectif : essayer de

 15   prévenir un grand nombre de victimes et essayer de prévenir des conflits

 16   orchestrés.

 17   Q.  A l'époque, quel était le grade du général Nenezic ? Quelle fonction

 18   occupait-il ?

 19   R.  Il était à la retraite. Toutefois, tous les vendredis, il allait voir

 20   Milosevic. Enfin, Milosevic avait dans son entourage quelques généraux qui

 21   le conseillaient, qui le consultaient, et cetera. Et il m'a dit tout à fait

 22   ouvertement que tout ceci n'avait rien de mystérieux. Il m'en parlait. Et

 23   lorsque j'étais là et qu'il revenait de son entretien avec Milosevic, eh

 24   bien, il m'appelait et il me disait ce dont il avait été question lors de

 25   sa conversation. Et une fois, il est revenu et il m'a dit que le Vozd, le

 26   dirigeant, le chef, était très insatisfait, que la situation laissait à

 27   désirer. Il a évoqué tous les problèmes, et je lui ai dit que j'ai

 28   quelqu'un qui pourrait résoudre les problèmes. Et je vous livre la


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  1   conversation telle qu'elle a eu lieu entre nous.

  2   Et lorsqu'il a demandé qui c'était, et là je continue à rapporter les

  3   propos échangés entre les deux. Lorsqu'il a demandé qui c'était, je lui ai

  4   répondu que : C'était toi, et il a ri sans ajouter quoi que ce soit. Et il

  5   me disait toujours : Tu es mon protégé. Mais il n'essayait jamais à me

  6   forcer à faire quoi que ce soit. Voilà un exemple des rapports que

  7   j'entretenais avec les gens.

  8   Q.  Et quand avez-vous eue cette conversation avec le général Nenezic ?

  9   Avant de vous rendre à Sid ?

 10   R.  Oui, avant d'aller à Sid. Je n'ai plus la date précise en tête. Je ne

 11   peux pas me souvenir de tout, des dates en particulier. Mais c'était juste

 12   avant. Par la suite, je suis allé voir le général Simovic. Voulez-vous en

 13   entendre davantage à ce sujet --

 14   Q.  Vous en avez parlé dans votre déclaration.

 15   R.  Mais je ne veux pas abuser de votre temps, mais je pourrais vous en

 16   dire davantage.

 17   Q.  Au moment où vous vous êtes entretenu avec le général Nenezic, quel âge

 18   avait-il ? Etait-il en bonne forme ?

 19   R.  C'était un homme âgé. Et sa santé n'était pas parfaite, non. Mais il

 20   était très déprimé, il était très affecté par la situation. Il était très

 21   insatisfait par la situation qui régnait dans la région. Et il disait

 22   toujours : Oui, tous les membres avec lesquels j'étais en contact,

 23   effectivement, ils étaient membres du parti, mais ce n'était pas des

 24   communistes. Pourquoi continuer à préconiser ces préceptes politiques ?

 25   C'est un anathème pour le reste du monde. C'est ce genre de chose qu'il

 26   disait.

 27   Q.  Lorsque le général Nenezic, dans cette prétendue conversation avec

 28   Milosevic, a dit qu'il connaissait quelqu'un qui pourrait résoudre la


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  1   situation et vous a proposé pour ce rôle, savez-vous à quoi il pensait

  2   exactement ? Savez-vous comment il envisageait que vous puissiez intervenir

  3   pour résoudre les problèmes ? Le général Nenezic connaissait-il vos

  4   positions et votre avis en général ?

  5   R.  Absolument.

  6   Q.  Bien. Vous serez donc en mesure de nous dire pourquoi il considérait

  7   que vous pourriez résoudre la situation en octobre 1991 ?

  8   R.  Eh bien, il faut que je revienne au général Simovic et cela répondra à

  9   votre question. Il m'a demandé : Veux-tu aller voir le général Simovic ?

 10   L'accord prévoyait qu'il soit chargé de la politique pour ce secteur. Et je

 11   lui ai répondu : Oui, j'irai. Il a été surpris, d'ailleurs. Mais je ne

 12   pouvais pas refuser chacune de ses propositions. Il a été très surpris

 13   lorsque j'ai dit oui. Et il a dit : Tu veux vraiment y aller ? J'ai répondu

 14   : Oui, dans une heure, j'y serai.

 15   Q.  Je suis désolé de vous interrompre. Etait-il véritablement surpris ?

 16   R.  Oui, parce que je ne voulais jamais voir personne ni n'écouter

 17   personne, il a donc été agréablement surpris. Et je vous l'ai déjà dit,

 18   finalement j'ai accepté de le faire pour lui.

 19   Q.  Bien. Un instant, s'il vous plaît. Puisque nous en sommes là, il ne

 20   s'attendait pas à ce que vous acceptiez sa proposition, si j'ai bien

 21   compris ?

 22   R.  C'est tout à fait ça. Et j'ai donc pris une heure pour préparer la

 23   conversation avec le général Simovic. En une heure, je me suis trouvé

 24   devant le bâtiment du gouvernement, et je suis allé directement dans le

 25   bureau du général Simovic sans devoir me présenter ailleurs. Sa porte était

 26   grande ouverte.

 27   Q.  Bien. Afin de préciser le compte rendu, pourriez-vous nous dire quel

 28   poste occupait le général Simovic à ce moment-là ?


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  1   R.  C'était le ministre de la Défense.

  2   Q.  De la Serbie ou de la Yougoslavie ?

  3   R.  De la République fédérale de Yougoslavie. Mais en fait, il voulait

  4   créer une armée serbe alors même qu'il occupait ce poste au sein du

  5   ministère de la Défense en Yougoslavie, mais c'est autre chose. Quoi qu'il

  6   en soit, à ce moment-là, le général Simovic est assis à son bureau, un

  7   bureau couvert de papiers. Il y a une table de réunion qui se trouve là

  8   avec dix à 12 chaises et une personne s'y trouve déjà. Il me dit : Dans 15

  9   minutes, je dois envoyer un rapport au président, peux-tu parler à cet

 10   homme qui se trouve ici. Je lui ai dit : Mon Général, je suis venu pour

 11   m'entretenir avec vous, et si vous n'avez pas le temps, eh bien, je suis

 12   désolé, mais moi non plus. L'homme qui se trouvait là, assis derrière lui,

 13   m'a dit : Comment pouvez-vous parler de la sorte au général ?

 14   Et j'ai répondu : Je suis désolé, j'ai fait preuve de courtoisie, je ne

 15   sais pas qui vous êtes. Et cet homme m'a répondu : Je suis son aide. Et

 16   j'ai répondu. Désolé, mais vous-même et moi-même ne sommes pas au même

 17   niveau. Et ensuite, il a dit : Vous pensez que nous ne savons pas ce que

 18   vous voulez. Or, la chose est tout à fait claire pour nous. Et je lui ai

 19   répondu : Ecoutez --

 20   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, mais lorsqu'il a dit qu'il savait ce

 21   que vous vouliez, il parlait de vous personnellement ou du groupe de

 22   personnes que vous représentiez ?

 23   R.  Non, il parlait de moi personnellement. Je vous explique. Cette

 24   personne était Zvonko, le conseiller de Milosevic. Milosevic avait deux

 25   conseillers. Oui, enfin bon. Mais c'était quelqu'un du Kosovo. Et je lui ai

 26   dit : Vous savez, je suis très surpris car vous dites savoir ce que les

 27   autres veulent, mais vous ne savez même pas ce que vous voulez vous-même.

 28   Je me suis levé et je suis parti tout simplement. Avec une conversation


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  1   pareille, pouvez-vous véritablement penser que vous êtes en sécurité ? En

  2   une heure, Milosevic avait envoyé Zvonko, son conseiller, afin qu'il soit

  3   présent lors de cet entretien. Il n'y avait pas grand-chose que je puisse

  4   proposer à ce moment-là. Je tâchais toujours de proposer des solutions, des

  5   solutions simples. Il y a certaines choses qui auraient pu être résolues

  6   après 15 minutes de conversation.

  7   Q.  Mais qu'avez-vous dit très précisément au général Nenezic qui l'ait

  8   motivé à proposer votre nom à Milosevic en vous décrivant comme la personne

  9   susceptible de résoudre le problème ?

 10   R.  Je ne lui ai rien dit. Il connaissait bien la situation. Il connaissait

 11   tout le monde, ce qu'ils faisaient, là où ils le faisaient. Il n'avait pas

 12   besoin de moi pour le savoir ni pour le conseiller. Il le savait. Le KOS a

 13   des milliers de services  différents. Difficile de les distinguer. On ne

 14   sait pas très bien qui fait quoi. Mais chaque jour, chaque matin, le

 15   contre-renseignement militaire recevait un rapport des gens qui se

 16   trouvaient sur le terrain. Le colonel Djokovic recevait des rapports

 17   quotidiens venant du terrain, venant de certaines localités en particulier,

 18   et il les lisait. Et je suis capable de deviner les localités dont il est

 19   question à la simple lecture des rapports. Et il disait : Tu es

 20   complètement fou. Comment peux-tu savoir tout cela ? Et je disais : Mais je

 21   connais la situation. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils

 22   avaient tous les informations. Ils savaient très précisément ce qui se

 23   passait.

 24   Q.  Ce n'est pas aux informations que je pensais. Je pensais davantage aux

 25   solutions.

 26   R.  Mais vous me demandez pourquoi il a fait ceci ou cela et comment. Eh

 27   bien, en se fondant sur les informations dont il disposait. C'est sur la

 28   base de ces informations qu'il a formulé ses recommandations.


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  1   Q.  Bien. Nous avons déjà connaissance des événements de Plitvice. Nous

  2   savons que vous y avez été arrêté, que Goran Hadzic a été arrêté le 1er

  3   mars 1991. Nous savons que la police croate vous a traités à la dure, vous

  4   comme Goran Hadzic, et que vous avez en fait subi des blessures à cette

  5   occasion.

  6   Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous avez bénéficié d'un traitement

  7   médical suite à ces blessures ?

  8   R.  Nous n'avons pas été arrêtés à Plitvice. Ce que vous qualifiez

  9   d'arrestation n'en était pas une. Nous avons été identifiés. Je leur ai dit

 10   qui nous étions et ce que nous faisions, et la police nous a dit que nous

 11   étions en fait la cible de leur opération. Je savais qu'il y avait

 12   coordination entre les officiers de police d'une part et le centre de

 13   police d'autre part. Et à un moment donné, j'ai entendu la conversation, le

 14   centre a demandé si nous devrions être renvoyés. La décision a été prise

 15   par quelqu'un quelque part, et nous avons dit : Très bien, partons un plus

 16   tôt que prévu. Donc, effectivement, nous avons subi des mauvais

 17   traitements, des mauvais traitements dont j'ai été moi ainsi la cible. Et

 18   Goran Hadzic le savait. Ils ont dit : Ne le touchez pas. Ne touchez pas le

 19   gros. Et j'ai réussi en quelque sorte à neutraliser toutes les conséquences

 20   de cette attaque car j'étais mentalement prêt face à cette situation.

 21   Tout ce harcèlement dont j'ai été victime, tous ces coups que j'aie

 22   reçus, eh bien, en dépit de tout cela, j'ai fait tout mon possible pour

 23   rester conscient, pour rester debout. C'était le matin, il faisait froid,

 24   et j'essayais de respirer le plus profondément possible, la bouche grande

 25   ouverte. J'ai fait tout ceci à titre préventif en quelque sorte pour

 26   essayer de résister. J'ai survécu aux mauvais traitements. Lorsque les

 27   médecins sont arrivés à l'hôpital de Vukovar, je suis allé voir un ORL.

 28   J'avais quelques documents de l'hôpital militaire de Belgrade, mais je


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  1   voulais obtenir un certificat, quelque chose, noir sur blanc, émanant de

  2   l'hôpital de Vukovar. J'y ai rencontré un jeune médecin, un ORL, qui a

  3   examiné mon nez et qui m'a demandé ce qui m'était arrivé. Il m'a dit que

  4   tout mon nez était brisé, que tout l'intérieur de mon nez était brisé,

  5   déplacé au mauvais endroit. Et je lui ai expliqué brièvement la situation

  6   pour éviter de m'appesantir sur ce qui m'était arrivé. Il a ensuite rédigé

  7   un rapport de deux pages, un rapport médical expliquant l'examen que

  8   j'avais subi et indiquant ses conclusions. Par la suite, lorsque j'y suis

  9   retourné, le médecin avait été muté ailleurs, transféré. Je n'y suis donc

 10   plus retourné. Peut-être a-t-il été transféré du fait de ce rapport qu'il a

 11   rédigé, même si je ne l'ai absolument pas forcé à le faire. Il s'agissait

 12   simplement de quelque chose qu'il a fait dans le respect de ses principes

 13   professionnels.

 14   Et en ce qui concerne mon état de santé, eh bien, j'essaie de me

 15   maintenir en forme et j'essaie de prendre soin de moi.

 16   Q.  Vous pensez que le médecin a été muté parce qu'il a rédigé ce rapport

 17   sur les lésions dont vous souffriez ?

 18   R.  Quelle autre raison envisager ?

 19   Q.  Vous avez dit que vous n'aviez pas été arrêté à Plitvice et que vous

 20   aviez été la cible de cette attaque, vous Boro Savic, et non Goran Hadzic.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la réponse du témoin.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Savic, les interprètes vous

 24   demandent de bien vouloir répéter votre réponse. Je vous y invite

 25   également.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Que dois-je interpréter ? Que me demandent les

 27   interprètes ?

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On ne vous demande pas d'interpréter


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  1   quoi que ce soit, Monsieur Savic. Bon, c'est la réponse à la dernière

  2   question qui vous a été posée que l'on vous demande de répéter. Alors,

  3   Maître Zivanovic, pouvez-vous nous aider ?

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  5   Q.  Je vais répéter ma question : pourquoi pensez-vous que vous étiez la

  6   cible de cette attaque et non pas M. Hadzic ?

  7   R.  Oui. Comme je vous l'ai dit, du fait de mes activités visant au retour

  8   de la paix et du fait de mes opinions. Les personnes agressives étaient

  9   plus populaires à l'époque, des personnes qui préconisaient des solutions

 10   qui aboutiraient au conflit. Et ces personnes, il y en avait tout autour de

 11   moi. En ce qui concerne ce qui s'est passé à Plitvice, Ilija Sasic et

 12   Veljko Dzakula étaient au courant. Ils étaient là à la réunion d'Obrovac,

 13   car nous sommes arrivés directement d'Obrovac à Plitvice. Et ils sont

 14   partis ensuite par la Bosnie. Moi, j'empruntais toujours les axes

 15   principaux. Nous sommes donc repartis par Plitvice, et nous savons ensuite

 16   ce qui est arrivé.

 17   Q.  Vous dites que Sasic et Dzakula étaient informés de l'opération. De

 18   quelle opération parlez-vous ? Une opération qui avait été orchestrée par

 19   la partie croate ou par la partie serbe ?

 20   R.  Les activités de Plitvice. C'est de ces activités-là dont ils étaient

 21   informés.

 22   Q.  C'est-à-dire l'opération menée par la police croate ?

 23   R.  Oui. Oui, effectivement, c'est ce dont je parle, et c'est la seule

 24   chose dont je puisse parler puisqu'il ne s'est rien passé d'autre que cette

 25   opération à Plitvice.

 26   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, le moment est venu, Monsieur

 28   Zivanovic.

 


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si cela vous convient, nous allons

  3   demander au témoin de sortir. Comme vous le savez, Monsieur Savic, votre

  4   déposition ne se termine pas là, donc vous reviendrez au Tribunal, dans une

  5   autre salle d'audience, demain matin à 9 heures. Je dois vous rappeler,

  6   toutefois, qu'entre-temps vous ne pouvez converser avec qui que ce soit

  7   quant à votre déposition, et vous ne pouvez non plus converser en général

  8   avec l'une des deux parties -- les deux parties, en fait, tant que votre

  9   déposition n'est pas terminée. Me comprenez-vous ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. L'huissier va vous faire

 12   sortir du prétoire.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous reprendrons demain matin à 9

 15   heures dans la salle d'audience numéro II. Merci.

 16   --- L'audience est levée à 18 heures 30 et reprendra le mercredi 31 octobre

 17   2012, à 9 heures 00.

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