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1 Le mardi 8 janvier 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans le
6 prétoire et autour du prétoire. Je voudrais que le compte rendu d'audience
7 reflète le fait que nous sommes en train de siéger en application de
8 l'artillerie 15 bis pour le reste de la semaine, étant donné que le Juge
9 Hall restera absent.
10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous
12 citer l'affaire, je vous prie.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Il s'agit de
14 l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic. Merci.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Peut-on avoir les
16 présentations, en commençant par l'Accusation.
17 M. GILLETT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à tous
18 et à toutes. Je suis Matthew Gillett je suis en compagnie de Matthew
19 Olmsted, Sandra Ramirez Rodriguez, et Thomas Laugel. Merci.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
21 Pour la Défense, Maître Zivanovic.
22 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la
23 Défense de M. Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Merci.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
25 M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le témoin
26 entre dans le prétoire, une petite question à aborder. J'ai dit hier que
27 j'allais me pencher sur un document qui a été versé au dossier, sous la
28 référence P363, ça été versé sous pli scellé, mais je demande pour
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1 expliquer le problème, un passage brièvement à huis clos partiel.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
4 le Juge. Merci.
5 [Audience à huis clos partiel]
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
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18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
26 [Le témoin vient à la barre]
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Strinovic. Je
28 vous rappelle que vous êtes encore tenu par la déclaration solennelle que
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1 vous avez faite hier.
2 LE TÉMOIN : DAVOR STRINOVIC [Reprise]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett, allez-y.
5 M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais j'en ai
6 terminé avec mon interrogatoire principal.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, excusez-moi. Cela est
8 effectivement le cas. Maître Zivanovic, votre contre-interrogatoire.
9 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
11 Q. [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
13 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
14 Q. Je m'appelle Zoran Zivanovic et je suis ici le conseil de la Défense de
15 M. Goran Hadzic. Avant que de vous poser certaines questions, -- et de
16 parler plus lentement afin qu'ils puissent suivre et interpréter vos
17 propos.
18 Vous avez --
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, un instant, s'il
20 vous plaît. Il y a des problèmes me semble-t-il avec l'interprétation.
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais répéter ce que j'ai dit.
22 Q. Bonjour, Professeur Strinovic. Je m'appelle Zoran Zivanovic. Je suis le
23 conseil de la Défense de Goran Hadzic dans ce procès. Avant que de
24 commencer avec votre contre-interrogatoire, je voudrais vous transmettre
25 une requête de la part du service d'interprétation qui consiste à vous
26 demander de parler plus lentement afin que les gens puissent vous suivre de
27 façon plus aisée.
28 Hier, le Procureur vous a montré une biographie. Elle a été versée au
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1 dossier comme pièce P351. Vous avez indiqué, entre autres, que les
2 exhumations et les analyses des dépouilles mortelles avaient requis des
3 activités en premier lieu de médecins légistes et dans une moindre
4 envergure des pathologues [phon].
5 Alors, j'aimerais que vous nous expliquiez la différence entre ces deux
6 professions, ou entre ces deux domaines d'intervention ?
7 R. Certes. Comme je l'ai déjà dit hier, la médecine légiste ou un médecin
8 légiste s'occupe de morts violentes, les morts violentes ou suspectes, tout
9 ce qui pourrait faire l'objet d'une procédure au pénal. Mais le pathologue,
10 lui, se charge de déterminer les maladies qui ont existé chez l'homme qui
11 est décédé. Et lorsqu'il analyse les choses il se concentre sur les
12 diagnostics qui accompagnent les traitements de ces maladies, enfin tout ce
13 qui n'est pas en bonne santé, ça fait l'objet d'une maladie. Et c'est là
14 que le pathologue intervient, il s'occupe de morts naturelles, de morts
15 dues à des maladies, et c'est là que consiste la différence entre un
16 médecin légiste et un pathologue.
17 Q. Entre autres, dans votre témoignage d'hier, vous avez indiqué que vous
18 avez été présent lors des exhumations qui ont été effectuées en République
19 de Croatie à compter de 1995. Pouvez-vous nous expliquer, je vous prie,
20 quelle est l'importance ou la signification si tant est qu'il y en a une,
21 pour ce qui est d'avoir la présence d'experts en matière de médecine légale
22 lors des exhumations ?
23 R. Lorsque l'on entame une procédure d'exhumation de cadavres, ces corps,
24 selon le temps qui s'est écoulé, peuvent être préservés ou peuvent être
25 sous forme de squelette. Alors, étant donné qu'il s'agit de fosses communes
26 ou de tombes individuelle où l'on a des suspicions pour ce qui est de la
27 présence de mort violente, il y a un médecin légiste qui est forcément
28 présent. Il se chargera de la procédure au-delà, l'examen des dépouilles et
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1 des restes, pour savoir selon le type de dépouilles ou de restes qu'il
2 s'agit, et il se charge d'effectuer le travail qui consiste à rédiger un
3 protocole, et définition des éléments d'identification, et éventuellement
4 détermination des causes du décès. C'est la raison pour laquelle il a été
5 décidé qu'à chaque exhumation il fallait qu'il y ait un médecin, un médecin
6 légiste de préférence. Si cela n'était pas possible, parce que les médecins
7 légistes à l'époque avaient beaucoup de travail puisqu'il y a eu beaucoup
8 de victimes de la guerre, alors il y avait des pathologues qui se
9 déplaçaient, qui ont été formés sur le temps pour la procédure d'exhumation
10 en tant que telle.
11 L'essentiel pour ce qui est des exhumations, c'est de faire en sorte que
12 les cadavres soient sortis de la terre, exhumés un par un, de façon à
13 préserver ces restes pour procéder à des analyses sur le site même, ou
14 alors dans des établissements qui sont spécialisés en la matière, en
15 matière d'analyse des restes humains. Donc, il faut lors des exhumations
16 que l'on fasse les choses soigneusement, séparer les corps les uns des
17 autres, et que chaque corps avec ses objets, enfin les objets qui
18 appartiennent à ce corps-là, se trouvent dans la même housse, et se
19 retrouvent sur la table d'autopsie ou d'intervention qui sera l'endroit des
20 analyses ultérieures.
21 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire si pendant une exhumation, il est
22 possible de voir si dans cette fosse où il y a eu beaucoup de corps, il y a
23 eu création d'une fosse au même moment ou est-ce que l'on a rajouté des
24 corps a posteriori partant de la situation constatée sur le site même ?
25 R. Il est très difficile de répondre à cette question. Il y a beaucoup
26 d'éléments qui influent sur cette chose-là. Nous avons des fosses qui ont
27 été créées en l'espace de quelques jours consécutifs. Ce que nous avons
28 constaté au fil de ces exhumations, c'est qu'il y a eu des fosses vides
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1 avec des parties d'ossements humains ou d'objets qui ont indiqué que des
2 corps avaient été déposés là à un moment donné. Ça, on l'a vu. Ce que vous
3 avez demandé, à savoir si à plusieurs reprises dans une même fosse commune
4 on peut poser des corps ou est-ce qu'il y a eu plusieurs ensevelissements
5 successifs dans une même fosse, oui, cela est possible. Comment pouvons-
6 nous le constater ? S'il y a un petit intervalle dans le temps pour ce qui
7 est des ensevelissements, les constats seront identiques comme si cela
8 avait été enfoui en même temps, ce qui est somme toute logique parce que
9 les changements intervenus sont très similaires. Ce qui fait que les
10 constats post mortem seront très semblables. Lorsqu'il s'est passé pas mal
11 de temps, là oui, notamment lorsque des corps sont placés très près les uns
12 des autres, on pourrait tirer des conclusions pour ce qui est de savoir si
13 certains corps sont arrivés là plus tôt que d'autres.
14 Ce que je dois vous dire c'est la chose suivante : nous avons, selon la
15 profondeur des enterrements, il y a différents processus de décomposition
16 des corps qui sont intervenus. Ce qui est tout à fait logique. Si on a
17 enseveli en surface, la décomposition sera très rapide, comme je vous l'ai
18 déjà dit hier. Il se peut que dans l'espace de quelques mois, il y ait
19 squelettisation d'un corps, il ne reste donc que les os. Et nous avons dans
20 certaines fosses des gens qui ont été ensevelis en même temps, mais des
21 personnes sont ensevelies plus profondément que d'autres, et comme là-bas
22 c'est plus humide, parce que si vous êtes à cinq ou six mètres de
23 profondeur, là, il y a d'autres processus de décomposition, il y a un
24 processus de saponification, et il y a création de masse qui préserve la
25 peau, les tissus, et même les organes, et même au bout de plusieurs années,
26 on peut constater quelles ont été les modifications survenues sur ces
27 structures osseuses ou autres.
28 Et dans une fosse qui est profonde, on peut avoir plusieurs processus
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1 qui dépendent de la profondeur d'ensevelissement. Ça ne veut pas forcément
2 signifier qu'on les a ensevelis à plusieurs reprises, ils ont pu être
3 ensevelis tous en même temps, mais les processus seront différents selon la
4 profondeur, et les changements intervenus vont être différents au niveau de
5 ces corps-là, comme je viens de vous l'expliquer.
6 Q. Vous n'ignorez certainement pas puisque vous êtes membre de la
7 commission, le fait que lors des exhumations il y a une documentation qui a
8 été constituée pour ce qui est du processus d'exhumation. Je me propose de
9 vous donner lecture d'un document que nous avons en notre possession, cela
10 se trouve sur notre liste, le 2748, c'est le 2748 de la liste de
11 l'Accusation. Je vous renvoie vers le paragraphe 24. Nous n'avons, quant à
12 nous, que la version en B/C/S, ça n'a pas été encore traduit en anglais. Je
13 vous prie de vous pencher sur le paragraphe numéro 24. Je vous en donnerai
14 lecture pour qu'au compte rendu nous ayons la version anglaise de ce texte.
15 Vous pourrez voir que cela se trouve en page 15 de la version en B/C/S. La
16 documentation relative à l'exécution des exhumations est composée par des
17 demandes écrites, des informations de l'administration chargée des détenus
18 et des disparus, envoyée aux instances et organisations compétentes pour ce
19 qui est de la mise en œuvre des exhumations.
20 L'INTERPRÈTE : Il semblerait que les interprètes ne sont pas à mêmes de
21 voir le document sur leurs écrans. La cabine française précise qu'elle le
22 voit.
23 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
24 Q. Je disais donc que cette documentation relative à la mise en œuvre des
25 exhumations est composée par : des demandes écrites ou informations écrites
26 de l'administration chargée des détenus et des personnes disparues, envoyée
27 aux instances ou organisations compétentes concernant la mise en œuvre des
28 exhumations, puis l'ordre ou l'ordonnance du tribunal d'instruction
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1 compétent pour ce qui est du processus d'exhumation, le PV du juge
2 d'instruction compétent au sujet de l'évolution de l'exhumation, la
3 documentation photographique pour ce qui est de certains cas où il y a même
4 des enregistrements vidéo, et un imprimé pour ce qui est du suivi du cours
5 de l'exhumation qui comporte les renseignements au sujet des participants
6 au processus d'exhumation des sites et des constatations de ces recherches
7 sur le terrain.
8 Est-ce que vous en avez connaissance ?
9 R. Oui, j'en ai connaissance. C'est la procédure à suivre à l'occasion de
10 toute exhumation.
11 Q. Dans la suite de ceci il y a un alinéa qui dit :
12 "Conformément au décret du gouvernement de la République de Croatie,
13 l'administration chargée des détenus et des personnes disparues recueille
14 la documentation pour ce qui est des exhumations à effectuer et des restes
15 de dépouilles humaines. La documentation fait partie de l'archive de
16 l'administration chargée des détenus et des disparus, et c'est gardé dans
17 son siège. L'accès à ces archives n'est autorisé ou n'est accordé qu'aux
18 employés de l'administration chargée des détenus et des disparus
19 conformément aux instructions des responsables compétents ou des employés
20 tels que l'adjoint de la ministre et du chef du département."
21 Alors on voit que l'accès à la documentation se trouve être très limitée.
22 Par exemple, nous n'avons pas pu nous-mêmes nous procurer cette
23 documentation. Et pour autant que je le sache, l'Accusation, elle non plus,
24 n'a pas réussi à l'obtenir cette documentation. Est-ce que vous pouvez nous
25 dire si vous avez connaissance des raisons pour lesquelles ce type de
26 renseignements liés au cours des exhumations se trouvent être si
27 restrictives, pourquoi l'accès se trouve être si restrictif et limité aux
28 employés de ladite administration ?
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1 R. Je ne saurais vous répondre de façon précise à cela. Ce que je peux
2 vous dire c'est que nous en tant qu'équipe médical nous avons été présents
3 à chaque exhumation, et suite à cela nous savons ce qui s'est ensuivi,
4 c'est-à-dire que ces corps ont été envoyés pour analyse et ça été effectué
5 par des gens qui sont placés sous notre contrôle, ce sont des experts pour
6 ce qui est de l'analyse des dépouilles mortelles. Et ensuite quand on a
7 effectué ces analyses, on envoie les résultats aux instances. Mais pour ce
8 qui est de savoir pourquoi cela est secret à ce point-là, je ne saurais
9 vous le dire.
10 Q. Nous avons un PV d'une seule exhumation, celle qui a été effectuée au
11 village de Lovas. Pas à la ferme de Lovas à Dalj mais au village de Lovas.
12 Ça été effectué en 1996. Et c'est la pièce 1D179. Vous allez voir cela sur
13 votre écran.
14 Et partant du PV, on voit que vous n'avez pas été vous-même présent à
15 l'occasion de cette exhumation. Mais ce que je voudrais c'est ce que vous
16 vous penchiez sur le PV rédigé par le tribunal, et veuillez nous dire si
17 c'est ainsi que se présentait selon la règle les PV établis lors des
18 exhumations effectuées en République de Croatie à compter de 1995 et au-
19 delà.
20 R. Alors pour ce qui est de l'aspect des PV depuis le tout début, je ne
21 saurais pas vous en dire plus long parce que ce n'est pas moi qui les aie
22 établis. La procédure, toutefois, était tout à fait semblable sinon
23 identique. Quand je parle de la procédure, c'est pour ce qui est donc des
24 personnes présentes à l'occasion des exhumations, comment l'on procédait
25 aux préparatifs et aux restes, puis l'exhumation en tant que telle, puis la
26 mise sous housses, avec des indications précises à ce sujet, et envoie vers
27 les instituts. Donc cette façon de procéder n'a pas changé. Pour ce qui est
28 de l'apparence du procès-verbal, était-il conforme à ce modèle ou autre,
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1 vraiment je ne saurais pas vous le dire.
2 Q. Merci. Hier, le Procureur vous a aussi montré une constatation, un
3 constat établi par le Dr Clark. C'est consigné sous le numéro 362. Il est
4 question là d'exhumations effectuées par le présent Tribunal entre 1998 et
5 de l'an 2001. Et à ce sujet, je vous demanderais de vous pencher sur ce
6 constat.
7 Ici, ça c'est le pathologiste en chef le Dr Clark qui fait son rapport, et
8 il énumère les experts qui ont pris part à ces exhumations. Ce qui est
9 notamment remarqué, c'est qu'il ne parle pas d'experts en médecine légale.
10 Il parle de pathologistes et autres experts mais pas de médecins légistes.
11 Ça se trouve en page 2 du constat. Non, excusez-moi, c'est la page 3 en
12 B/C/S, en version anglaise c'est la page 2, mais en B/C/S c'est la page 3,
13 et c'est le dernier paragraphe qui nous intéresse.
14 Je ne sais pas si vous êtes à même de lire ce qui est écrit dans la version
15 en B/C/S. Je précise qu'il s'agit du tout dernier paragraphe.
16 R. "Le rapport d'autopsie" ?
17 Q. Oui, oui, exactement. Il est dit que les conclusions et les opinions
18 ont été uniquement des conclusions et opinions de pathologistes. Il n'est
19 pas du tout question de médecins légistes. Alors je voudrais savoir, si
20 vous savez pourquoi en cette occasion-là on a contourné les experts médecin
21 légiste ?
22 R. Pour autant que je le sache, cette équipe d'experts qui a accompagné le
23 Dr Clark, c'étaient des experts de toute l'Europe ou même des Etats-Unis
24 d'Amérique, et dans leur terminologie là-bas, on parle rarement de
25 "médecine légale". Chez eux, le pathologiste, qui fait de la médecine
26 légale c'est un pathologiste, et c'est la raison pour laquelle ils parlent
27 de pathologistes. C'étaient des gens qui avaient de l'expérience en tant
28 que médecins légistes pour ce qui est des décès dus à des morts violentes,
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1 mais donc c'est des gens qui ont effectué les tâches dont nous sommes en
2 train de parler, mais la terminologie utilisée là-bas est différente. Et
3 c'est la raison pour laquelle c'est très rarement ou pas du tout qu'ils se
4 servent du terme de médecins légistes, ils parlent de pathologistes pour ce
5 qui est de ceux qui s'occupent de personnes décédées, mais c'étaient des
6 gens qui avaient de l'expérience en la matière. Et c'était de fait des
7 médecins légistes pour ce qui est de la correspondance terminologique qui
8 serait celle que nous utilisons.
9 Q. Mais vous n'avez pas, concrètement parlant, participé aux activités de
10 cette équipe d'experts ? Je parle de vous en personne.
11 R. Comme je vous l'ai déjà expliqué hier, lorsque des experts
12 internationaux faisaient le travail au niveau d'une fosse commune depuis
13 les exhumations jusqu'aux analyses, nous autres, comme les collègues de
14 Serbie, nous n'étions que des observateurs. Nous suivions, nous faisions
15 des objections ou des remarques, mais nous n'intervenions pas directement.
16 Q. Première page de ce rapport ou de ce constat, nous avons la liste de
17 l'ensemble des exhumations auxquelles a procédé ce Tribunal. Vous voyez,
18 c'est ce qui figure dans l'encadré. Et si j'ai bien compris votre réponse,
19 vous n'avez pas pris part personnellement à ces exhumations, à celles qui
20 figurent en première page.
21 R. Oui, comme je viens de l'indiquer, je n'y ai pas pris part. mais par la
22 suite, lorsqu'on a procédé à l'analyse des restes humains, j'étais présent,
23 et j'ai pris part à l'identification. Normalement, c'est ce qui se
24 déroulait à Zagreb, c'est là qu'on procédait à l'identification finale en
25 prenant contact avec les proches, et en leur indiquant pour quelles raisons
26 nous étions arrivés à la conclusion finale.
27 Q. Un autre site sur lequel je souhaite vous interroger qui ne figure pas
28 dans ce rapport. Il s'agit de Celije, du site de Celije. Une exhumation a
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1 été menée à cet endroit. J'ai la sensation que ce sont les autorités
2 croates qui se sont chargés de procéder à cette exhumation. Est-ce que vous
3 avez été présent à cette occasion-là ?
4 R. Non, je n'ai pas été présent lors de cette exhumation-là.
5 Q. Avez-vous connaissance des détails concernant cette exhumation ? Savez-
6 vous si c'était le Tribunal qui s'était chargé de mener cette exhumation ou
7 était-ce la charge d'une autre instance ?
8 R. Je ne souhaite pas vous donner d'information non fondée. Si j'avais des
9 documents, je pourrais m'appuyer dessus. Je ne doute pas une seconde qu'il
10 y a des documents nous permettant de comprendre comment était organisé le
11 processus même de l'exhumation. Mais je ne veux pas parler au hasard.
12 Q. Hélas, je n'ai aucun document que je pourrais vous présenter. Je
13 souhaite passer maintenant à la pièce 360. Il s'agit d'un procès-verbal
14 d'une réunion qui s'est tenue en juin 1992. Le Procureur vous a montré cela
15 hier. Cette réunion s'est tenue avec des représentants yougoslaves et avec
16 plusieurs représentants d'organisations internationales.
17 Vous avez dit, et cela figure d'ailleurs dans le procès-verbal, que le Dr
18 Stankovic était présent, un médecin légiste officier de la JNA à l'époque.
19 Dans ce procès-verbal, j'ai remarqué une chose, le Dr Stankovic y aurait
20 affirmé que les 23 et 24 novembre 1991, à Vukovar, trois équipes étaient
21 venues sur place, qu'ils ont trouvé le livre des décès de l'hôpital. Pages
22 6 et 7, page 7 de la version B/C/S, page 6 de la version anglaise. Il
23 affirme qu'un nombre considérable de cadavres a été trouvé à quatre
24 emplacements, le cimetière juif, le stade de Sloga, près de l'hôpital, et
25 la capitainerie.
26 Et quand j'ai fait le calcul, j'ai pu constater qu'il y avait en tout
27 environ 467 cadavres. Alors est-ce que vous savez si on a procédé à
28 l'identification de ces corps ?
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1 R. Oui, nous avons reçu ces informations. Nous savions qu'au moment des
2 combats pour Vukovar il y a eu beaucoup de victimes, et comme il n'a pas
3 été possible de procéder aux enterrements au cimetière vu le danger qui
4 régnait, on a procédé à des enterrements à différents endroits. Donc vous
5 venez d'en énumérer quelques-uns, quelques endroits connus où on a fait des
6 enterrements, donc simplement c'était à cause de la guerre, où on n'avait
7 pas accès au cimetière. Une fois les opérations terminées, on a procédé à
8 l'assainissement du terrain, et les équipes emmenées par le Dr Stankovic
9 ont procédé à l'analyse de l'ensemble des restes humains retrouvés à tous
10 ces endroits pour que tous soient in fine, apportés au cimetière de
11 Vukovar. Environ 1 000 corps ont été enterrés donc finalement au cimetière
12 de Vukovar.
13 Et comme je vous l'ai déjà expliqué, nous avons procédé à une nouvelle
14 analyse, à l'identification, et nous avons remis ces restes humains aux
15 proches. Donc les endroits que vous venez d'énumérer ainsi que d'autres ont
16 été traités. Il y a eu des identifications mais il y a eu déplacement donc,
17 tout d'abord à l'emplacement le plus proche dans la ville même, et ensuite
18 au cimetière à partir du moment où l'enterrement a été possible.
19 Q. Mais ce premier enterrement sur ces quatre sites, il date de quand, il
20 date de l'époque où les forces croates tenaient encore Vukovar ?
21 R. Le moment exact où on a enterré ces corps, je pourrais difficilement
22 vous en parler parce que je ne connais pas ces dates-là. Donc, en partie
23 des enterrements ont eu lieu au moment où Vukovar était entre les mains des
24 Croates, et en partie il y a eu des enterrements après le 20 novembre 1991.
25 Q. Je vois du PV de cette réunion que le colonel Starcevic était parmi les
26 présents, lui aussi, et qu'il aurait déclaré à cette occasion que la JNA
27 avait remis 174 membres. Il utilise l'abréviation CEE, et personne ne
28 savait exactement quelle était la signification de cette abréviation.
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1 Alors, j'aimerais savoir si votre commission a jamais demandé à quoi
2 correspondait cette abréviation, à qui exactement ces 174 individus ont été
3 remis ?
4 R. C'étaient des personnes en vie ?
5 Q. Mais nous pouvons voir cela dans le dernier paragraphe de cette même
6 page. Vous allez pouvoir le voir vous-même.
7 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire un zoom, s'il
8 vous plaît, sur la version en B/C/S.
9 Q. Oui, je vous en prie.
10 R. Je ne sais pas de quelle abréviation il s'agit, et je ne sais pas de
11 quel 174 personnes de l'hôpital il s'agit. Ce que je sais c'est que tout de
12 suite après la chute de Vukovar, on a dressé des listes de personnes
13 présentes à l'hôpital et portées disparues par la suite et que l'on a
14 recherchées. Pour ces 174 individus, 174 blessés de l'hôpital, associés à
15 l'abréviation CEE, je ne saurais pas vous dire ce qui en est.
16 Q. Après cette réunion, la commission aurait-elle demandé des
17 éclaircissements quant à la signification de cette abréviation CEE ? Le
18 savez-vous ?
19 R. Hélas, cela fait longtemps, c'était en 1992. Je suppose qu'on a dû
20 demander quelque chose, mais en réalité, je dois vous dire que je ne sais
21 pas.
22 Q. Juste pour préciser un point. Dans la suite de cet alinéa, le texte se
23 lit : A en juger d'après les déclarations du commandant Sljivancanin, parmi
24 ces 174 personnes figuraient tous les blessés et malades de l'hôpital donc.
25 Mais il ressort du PV que le commandant Sljivancanin n'était pas présent à
26 cette réunion. Par conséquent, ces propos, est-ce qu'ils sont relayés par
27 le colonel Starcevic à cette occasion ?
28 R. Oui, si mes souvenirs sont bons, M. Sljivancanin n'a été présent à
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1 aucune de ces réunions. Et je suppose que c'est M. Starcevic qui a dû
2 transmettre. Je ne me souviens pas de détails mais Sljivancanin n'était pas
3 à ces réunions. C'est ce que je peux vous dire.
4 Q. Est-ce qu'on vous a expliqué, je ne sais pas si vous vous en souvenez
5 parce que cela ne figure pas dans le procès-verbal de la réunion ? Savez-
6 vous pourquoi l'explication relative à ces individus a été demandée
7 précisément au commandant Sljivancanin ?
8 R. Non, véritablement je ne sais pas.
9 Q. Je n'ai pas d'autre question. Je vous remercie.
10 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett, est-ce que vous
12 avez des questions supplémentaires ?
13 M. GILLETT : [interprétation] Non, je n'ai pas de question supplémentaire.
14 Je vous remercie.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Strinovic, votre déposition
16 est terminée. Nous tenons à vous remercier d'être venu à La Haye pour
17 apporter votre assistance au Tribunal. Vous allez être raccompagné par Mme
18 l'Huissière, bon retour chez vous. Merci.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
20 [Le témoin se retire]
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted.
22 M. OLMSTED : [interprétation] Oui. J'anticipe sur votre question à venir,
23 avons-nous un témoin à présenter. Malheureusement, notre témoin expert
24 prévu dans la suite n'arrivera qu'aujourd'hui. Je suis désolé. Ce n'est
25 qu'hier que nous avons compris que la Défense n'aurait pas besoin de plus
26 d'un volet d'audience pour son contre-interrogatoire, nous n'avons pas pu
27 avancer l'arrivée de ce témoin dû à des obligations qu'il avait déjà en
28 cours.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
2 Monsieur Gillett, la version expurgée du document relativement à ce témoin,
3 est-ce que c'est toujours en suspens ? Est-ce que vous pourriez vous en
4 occuper, disons, avant la fin de la journée aujourd'hui ?
5 M. GILLETT : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Je
6 ne pense pas que cela puisse poser problème.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.
8 S'il n'y a rien d'autre, l'audience est levée jusqu'à jeudi.
9 --- L'audience est levée à 9 heures 44 et reprendra le jeudi, 10 janvier
10 2013, à 9 heures 00.
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