Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 7 février 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire et hors du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je souhaiterais que les parties se

 11   présentent, en commençant par l'Accusation.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 13   les Juges. Douglas Stringer, accompagné de Sarah Clanton, de Thomas Laugel

 14   et de notre stagiaire, Vros Zigic, pour l'Accusation.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Qu'en est-il de la Défense.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la

 18   Défense de Goran Hadzic, Me Zoran Zivanovic ainsi que Me Christopher

 19   Gosnell. Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 21   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous avions

 22   l'intention, et nous avons oublié de le mentionner auparavant, qu'il y a

 23   deux questions préliminaires que nous souhaiterions soulever eu égard à ce

 24   témoin, ou, enfin, que Mme Clanton souhaiterait soulever, avant que le

 25   témoin ne soit escorté dans le prétoire.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce qu'il faut que nous passions à

 27   huis clos partiel pour ce faire ?

 28   M. STRINGER : [interprétation] Pour la deuxième question, oui.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Nous allons commencer par la

  2   première question préliminaire.

  3   Mme CLANTON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  4   J'ai fourni la note de récolement hier, et je souhaiterais indiquer que

  5   lorsque j'ai examiné les comptes rendus d'audience dans l'affaire Mrksic

  6   pour ce témoin, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait une erreur

  7   dans l'interprétation vers l'anglais. Il s'agit d'une réponse, en fait,

  8   qu'il fait lors de sa déposition dans l'affaire Mrksic. Nous avons été à

  9   même d'écouter la cassette B/C/S avec le témoin ainsi qu'avec nos

 10   assistants linguistiques et nous avons effectivement confirmé qu'il y avait

 11   une erreur dans l'interprétation anglaise.

 12   Cela fait partie de sa déclaration en application de l'article 92 ter, sa

 13   déclaration dans l'affaire Mrksic j'entends. Et, par conséquent, nous avons

 14   fourni aux parties l'information en question avec ce qu'il a dit

 15   effectivement en B/C/S ainsi qu'une traduction anglaise corrigée.

 16   Et si vous le souhaitez, je peux vous fournir la référence exacte de la

 17   page et de la ligne en question.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Est-ce que cela a

 19   maintenant été corrigé, et je pense à la déclaration 92 ter que nous avons,

 20   nous ?

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Il s'agit de sa déposition. Et je pense

 22   qu'il faudrait que nous prenions contact avec le Greffe pour voir comment

 23   corriger la traduction ou le compte rendu d'audience officiel en anglais.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] D'où ma question. Vous dites que vous

 25   avez fourni cela aux parties, mais qu'en est-il des Juges ?

 26   Mme CLANTON : [interprétation] Nous avons fourni cette information dans la

 27   note de récolement et nous voulions vous en informer parce qu'il y a ce

 28   problème avec l'anglais. Le témoin ne peut pas véritablement faire

 


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  1   d'observations à ce sujet parce qu'il ne parle pas anglais, lui. Nous nous

  2   en sommes rendus compte pendant la séance de récolement et nous avons été

  3   en mesure de confirmer qu'il s'agit d'une erreur d'interprétation commise à

  4   l'époque.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien. Qu'en pense la Défense ?

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, nous n'avons rien à dire.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien.

  8   Nous allons maintenant passer à huis clos partiel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 10   partiel, Messieurs les Juges. Merci.

 11   [Audience à huis clos partiel]

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 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Monsieur, pourriez-vous nous dire votre nom, votre date de naissance ainsi

 23   que votre appartenance ethnique.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Dragutin Berghofer.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle est votre date de naissance

 26   ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 29 octobre 1940. Je suis né à Osijek.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle est votre appartenance

 


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  1   ethnique ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Croate.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous êtes sur le

  4   point de prononcer la déclaration solennelle. En prononçant cette

  5   déclaration solennelle, les témoins s'engagent à dire la vérité. Et je dois

  6   vous indiquer que vous vous exposez à une sanction pour parjure si vous

  7   venez à induire en erreur le Tribunal dans le cadre de votre déposition.

  8   Est-ce que je peux vous inviter maintenant à prononcer la déclaration

  9   solennelle.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : DRAGUTIN BERGHOFER [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Veuillez prendre place.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, je vous en prie.

 18   Interrogatoire principal par Mme Clanton : 

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Berghofer.

 20   R.  Bonjour.

 21   Q.  Est-ce que vous avez déjà témoigné ici à La Haye en mars 2006 dans

 22   l'affaire contre Mile Mrksic, Veselin Sljivancanin et Miroslav Radic ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et depuis votre arrivée ici à La Haye, avez-vous écouté

 25   l'enregistrement audio de votre déposition dans cette affaire ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et avez-vous reconnu cet enregistrement comme votre déposition ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et si les mêmes questions venaient à vous être posées, les questions,

  2   donc, qui vous ont été posées à l'époque, est-ce que vous fourniriez les

  3   mêmes réponses ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous avez maintenant prononcé la déclaration solennelle, est-ce que

  6   vous confirmez l'exactitude et la véracité de votre déposition dans

  7   l'affaire Mrksic ?

  8   R.  Oui.

  9   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation

 10   souhaiterait demander le versement au dossier du document 04458, du

 11   document 04459 et 04460 en application de la liste 65 ter, versés sous pli

 12   scellé. Il s'agit des onglets 1 à 3. Et nous aimerions également demander

 13   le versement au dossier des documents connexes, qui se trouvent aux onglets

 14   4 à 9.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il se peut que quelque chose m'ait

 16   échappé. Mais pourquoi est-ce que cela devrait être versé sous pli scellé ?

 17   Mme CLANTON : [interprétation] Parce que, Monsieur le Président, lors de sa

 18   déposition précédente, une partie de sa déposition avait été donnée à huis

 19   clos partiel du fait de ce que le témoin disait.

 20   Et nous allons fournir aux Juges une version publique expurgée de sa

 21   déposition très prochainement.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.

 23    [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 4460 deviendra le document

 25   P106 [comme interprété], versé sous pli scellé.

 26   Le document 4459 deviendra le document P1066.1065, sous pli scellé

 27   toujours.

 28   Le document 4458 deviendra le document P1067.1065, versé sous pli scellé.


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  1   Le document 2828 deviendra le document 1068.1065.

  2   Le document 2643 deviendra le document P1069.1065.

  3   Le document de la liste 65 ter 2640 deviendra le document P1070.1065.

  4   Le document de la liste 65 ter 2644 deviendra le document P1071.1065.

  5   Le document de la liste 65 ter 3038 deviendra le document P1072.1065.

  6   Et le document de la liste 65 ter 2645 deviendra le document

  7   P1073.1065.

  8   Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Mme CLANTON : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Berghofer, je souhaiterais vous dire qu'aujourd'hui lorsque je

 12   fais référence à votre déposition dans l'affaire Mrksic en 2006, j'y ferai

 13   référence comme votre déposition à l'affaire Mrksic. Et je ne préciserai

 14   pas à chaque fois les noms de deux autres personnes, à savoir MM.

 15   Sljivancanin et Radic, tout simplement parce qu'il est beaucoup plus facile

 16   de faire référence à votre déposition dans l'affaire Mrksic.

 17   Je fournirai en outre les numéros de page de la traduction anglaise de

 18   votre déposition. Bon, point n'est besoin que vous suiviez ce qui est

 19   indiqué à propos des documents. Contentez-vous d'écouter les questions.

 20   Et comme la Chambre a versé au dossier votre déposition dans l'affaire

 21   Mrksic, je vous poserai quelques questions aujourd'hui à propos de certains

 22   thèmes.

 23   Premièrement, j'aimerais vous poser une question à propos de votre

 24   déposition dans l'affaire Mrksic. Vous aviez fait référence aux autobus qui

 25   vous avaient conduits à la caserne de la JNA le 20 novembre 1991.

 26   Dans l'affaire Mrksic, lorsque vous avez fait votre déposition - page 5 208

 27   [comme interprété] du compte rendu d'audience - vous aviez indiqué que le

 28   20 novembre 1991, vous avez quitté l'hôpital de Vukovar et que vous vous


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  1   trouviez dans un convoi composé de six autobus.

  2   Mme CLANTON : [interprétation] Je souhaiterais demander à M. Laugel de nous

  3   diffuser un extrait vidéo du document de la liste 65 ter 4986. La cote ERN

  4   est la cote V000-6801. Donc, nous avons un extrait d'une vidéo beaucoup

  5   plus longue qui correspond au numéro 65 ter 04986.1. Alors, pour ce qui est

  6   du code horaire, il s'agit de 1 heure, 38 minutes et 50 secondes, jusqu'à 1

  7   heure, 39 minutes et 39 secondes. Donc, nous ne demandons pas que le son

  8   soit diffusé ou que cela soit versé au dossier pour le moment. Nous ne

  9   voulons voir que les images.

 10   Et je voudrais que M. Laugel montre la vidéo et fasse un arrêt sur image

 11   deux secondes après le début.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Et l'arrêt sur image se fait environ à 1

 14   heure, 38 minutes, 54 secondes.

 15   Q.  Monsieur Berghofer, est-ce que vous reconnaissez le bus que l'on voit

 16   dans cet arrêt sur image ?

 17   R.  Oui, oui. Voilà, il s'agissait de ces autocars plutôt.

 18   Q.  Et lorsque vous parlez de "ces autocars", est-ce que vous pourriez nous

 19   dire où vous les aviez vus précédemment ?

 20   R.  Ils se trouvaient devant l'hôpital.

 21   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le pont que traverse en fait cet autocar ?

 22   R.  Oui. C'est ce qu'on appelle le pont en bois, bien qu'il n'ait pas été

 23   construit en bois, mais c'est comme cela que les gens l'appelaient depuis

 24   une cinquante d'années environ. Donc, le pont en bois, "drveni most".

 25   Q.  Et quel est le nom du fleuve qui coule sous ce pont ?

 26   R.  Vuka.

 27   Q.  Et qui se trouvait à bord de ce bus ?

 28   R.  Moi, je me trouvais dans le bus. Et toutes les personnes qui se


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  1   trouvaient à l'hôpital, enfin, qui étaient prisonniers à l'hôpital.

  2   Q.  Donc, d'où venait cet autocar ?

  3   R.  Il venait de l'hôpital et il se dirigeait vers Belgrade.

  4   Q.  Est-ce qu'il y avait essentiellement des hommes et des femmes, ou est-

  5   ce qu'il s'agissait d'hommes ou de femmes qui se trouvaient dans cet

  6   autocar ?

  7   R.  A ma connaissance, il n'y avait qu'une femme dans cet autocar avec son

  8   fils. Il s'agissait de Dragica Tuskan.

  9   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais maintenant demander à M. Laugel

 10   de poursuivre la diffusion. Donc, c'est à la gauche de l'écran.

 11   J'aimerais maintenant demander à M. Laugel de faire un arrêt sur image à 1

 12   heure, 39 minutes et 2 secondes.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme CLANTON : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Berghofer, que voyez-vous sur cet arrêt sur 

 16   image ?

 17   R.  Alors, sur la partie droite, je vois le Dr Bosanac; je pense que c'est

 18   elle.

 19   Q.  Monsieur Berghofer, mais est-ce que vous pourriez vous concentrer sur

 20   la photo qui se trouve sur la gauche de votre écran. Que voyez-vous sur la

 21   partie gauche ?

 22   R.  Près du bus, sur la gauche - dans la photo de gauche j'entends - on a

 23   l'impression que l'autocar suivant arrive, et c'est donc l'avant de

 24   l'autocar qui est photographié sur la droite.

 25   Q.  Est-ce que vous saviez d'où venait ce deuxième autocar ?

 26   R.  Il y en avait un qui suivait l'autre. Moi, je me trouvais dans le

 27   quatrième autocar, donc ces trois premiers autocars se trouvaient devant

 28   l'autocar où je me trouvais, puis il y en avait deux autres derrière nous.


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  1   Q.  Monsieur Berghofer, où sont allés les autocars ?

  2   R.  Ecoutez, voyez-vous, là c'est le centre de la ville. Puis ensuite, nous

  3   nous sommes déplacés sur 400 mètres, 500 mètres tout droit, puis ensuite

  4   ils ont tourné vers la droite. C'est la route qui va vers la caserne et

  5   Negoslavci.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Je voudrais vous montrer la fin de cet

  7   extrait, donc 1 heure, 39 minutes et 39 secondes.

  8   Q.  Une fois de plus, Monsieur Berghofer, l'écran va se diviser en deux,

  9   mais j'aimerais attirer votre attention sur la gauche de l'écran.

 10    R.  Bien.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Les autocars se déplacent, là.

 13   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 14   Mme CLANTON : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Berghofer, j'ai demandé à notre commis aux audiences de

 16   remontrer cet extrait. Un petit moment, je vous prie.

 17   Monsieur Berghofer, qui est l'homme, le grand homme, qui se trouve sur la

 18   gauche de l'écran ?

 19   R.  Il s'agit du commandant Veselin Sljivancanin. Et bien sûr que je l'ai

 20   reconnu lorsque j'ai été libéré, lorsque je me trouvais à Zagreb, lorsque

 21   je regardais la télévision. C'est lui l'homme qui était au commandement à

 22   l'hôpital de Vukovar.

 23   Q.  Monsieur Berghofer, où se trouve M. Sljivancanin sur la photographie ?

 24   R.  Ecoutez, les gens de Vukovar l'appellent le nouveau pont, mais en fait,

 25   le pont en bois est beaucoup plus nouveau que celui-ci. Enfin, ce pont qui

 26   se trouve au centre de la ville, il a été construit avant le pont en bois.

 27   Donc, je dirais, il y a quelque 300 mètres. Ils ont 300 mètres qui séparent

 28   ces deux ponts dans le centre de la ville.


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  1   Q.  Et, Monsieur Berghofer, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire

  2   quel est le nom du pont que l'on voit sur la gauche de l'arrêt sur image ?

  3   Juste derrière M. Sljivancanin.

  4   R.  Ecoutez, nous, les gens de Vukovar, puisque c'était un pont en bois,

  5   c'était le seul pont que nous avions franchi après la Deuxième Guerre

  6   mondiale.

  7   Q.  Monsieur Berghofer, lorsque vous vous trouviez sur ce nouveau pont, le

  8   pont que vous avez décrit où se trouve M. Sljivancanin, est-ce qu'à partir

  9   de ce nouveau pont on peut voir le pont en bois lorsqu'on se trouve sur le

 10   nouveau pont ?

 11   R.  Oui, oui. Oui, oui, bien sûr, on peut le voir. Je vous ai déjà dit, il

 12   y a environ 300 mètres entre les deux ponts. Peut-être même pas 300 mètres.

 13   Oui, bien sûr, vous pouvez voir une personne. Si c'est quelqu'un que vous

 14   connaissez bien, vous pouvez le reconnaître. Vous ne reconnaîtrez pas

 15   forcément n'importe qui, mais si c'est quelqu'un que vous connaissez bien,

 16   vous le reconnaîtrez. Puis vous pouvez également communiquer avec la

 17   personne et l'appeler d'un pont à l'autre.

 18   Q.  Et sur cet extrait vidéo, à qui parle le commandant Sljivancanin ?

 19   R.  Moi, personnellement, je l'ai toujours appelé "Mirovnjak", le médiateur

 20   pour la paix. Parce que la télévision croate a diffusé également ceci. Et

 21   Sljivancanin, il l'a pratiquement attrapé par le collet et jeté dans l'eau,

 22   mais cet homme, il a véritablement fait de gros efforts. Alors, moi, bien

 23   sûr, je ne parle pas anglais, mais il y avait une traduction, et on pouvait

 24   voir de toute façon toute la gestuelle, et vous savez fort bien quelle fut

 25   la réaction de Sljivancanin.

 26   Q.  Monsieur Berghofer, est-ce que vous savez pour quelle organisation

 27   travaillait cette personne à qui le commandant Sljivancanin parlait ?

 28   R.  Je pense que c'était un Anglais. En fait, c'est ce que j'ai appris par


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  1   la suite. Mais vous savez, la Croix-Rouge, elle se trouvait à Mitrovica. Et

  2   puis, à Vukovar, il y a eu plusieurs organisations internationales telles

  3   que l'UNTAES. Lui, c'était celui qui devait s'occuper ou protéger les

  4   blessés et les civils. C'est ce que je pense.

  5   Q.  Monsieur Berghofer, vous nous avez dit il y a quelques moments que vous

  6   aviez vu cela à la télévision lorsque vous avez été libéré de prison, et

  7   que vous avez été ainsi en mesure de reconnaître la personne que vous avez

  8   vue à l'hôpital comme étant Veselin Sljivancanin.

  9   Est-ce que vous pensez que c'est cela que vous avez vu à la télévision

 10   lorsque vous avez été libéré ?

 11   R.  Oui. Je l'ai vu deux ans, deux ans et demi après avoir été libéré,

 12   lorsque j'ai eu un poste de télévision.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] L'Accusation souhaiterait demander le

 14   versement au dossier de cet extrait, à savoir la pièce 04986.1 de la liste

 15   65 ter.

 16   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document recevra une cote.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1074. Merci.

 19   Mme CLANTON : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Berghofer, j'aimerais vous poser une question maintenant sur

 21   la situation à Vukovar en novembre 1991. Vers la mi-novembre 1991.

 22   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais demander à M. Laugel de nous

 23   projeter un extrait de la liste 65 ter 04799. Ce sera le 04799.2. L'ERN est

 24   V000-1131. Ceci, à l'onglet 10. Un extrait qui est d'environ une minute et

 25   demie. Et le code d'arrêt pour cet extrait est à 1 heure, 24 minutes et 5

 26   secondes, et va jusqu'à 1 heure, 25 minutes et 30 secondes. Et les comptes

 27   rendus de la vidéo ont été téléchargés et sont disponibles sous le même

 28   numéro de la liste 65 ter.


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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "… de tous les bâtiments et de tous les appartements. Je ne suis pas

  4   désolé pour moi-même ni pour mon appartement, mais je suis désolé pour tous

  5   les autres.

  6   … et de tous les toits…

  7   … sur les armes que l'on a enterrées derrière l'abri, vous savez…

  8   … derrière l'abri… ils ont également enterré les uniformes…

  9   … ils ont été incendiés, ils ont brûlé dans l'hôpital, tous ceux qui s'y

 10   trouvaient…

 11   … dites-nous où c'est.

 12   Derrière l'abri, il y a une porte…

 13   Attendez un instant qu'on se calme pour qu'on dise à ces gens…

 14   Ils ont probablement posé des mines ?

 15   Oui. Non, non.

 16   Nous ne savons pas s'ils ont posé des mines ou pas.

 17   Pap Domislovic [phon], vous pouvez le vérifier, est le plus grand criminel…

 18   je ne sais pas s'il a été touché… dans l'hôpital.

 19   Il n'est pas venu hier… mais maintenant, nous avons entendu dire qu'hier…

 20   Pap Tomislav ?

 21   Pap Tomislav, le plus grand criminel; Dosan, Molnar, Dane, Korac,

 22   Ivan, qui m'a insultée parce que je suis une femme serbe…

 23   Et qui d'autre ?

 24   Pedja.

 25   Allez-y. Dites tous les noms de ceux que vous connaissez.

 26   Encore une fois, Korac, Ivica… tous les Molnars… et ensuite, un homme de

 27   Zagorje qui a endossé des vêtements civils et est allé à l'hôpital.

 28   Très bien.


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  1   Il y avait davantage de civils qui nous ont tiré dessus.

  2   Ils ont tous changé de vêtements. Ce garçon de 17 ans… ils ont tiré

  3   de nos appartements.

  4   Soyez prêt, les Oustachi vont venir ici d'Allemagne… où est l'Europe

  5   aujourd'hui ?"

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   Mme CLANTON : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Berghofer, dans quelle ville cela est-il filmé ?

  9   R.  C'est au pont que nous appelons le nouveau pont, Novi Most, ou l'hôtel

 10   grand, qui est juste devant le pont.

 11   Q.  Et sans donner les noms, pourriez-vous me dire si vous reconnaissez les

 12   femmes qui apparaissent dans cet extrait vidéo ?

 13   R.  Eh bien, je les connaissais toutes deux, et je n'ai jamais eu de

 14   difficultés avec elles. En fait, je crois que nous conversions avec la dame

 15   blonde. Nous nous saluions et -- en qualité d'artisan, j'avais des contacts

 16   avec elle. Mais disons que je les connais toutes les deux.

 17   Q.  Et de quelle appartenance ethnique sont-elles ?

 18   R.  La dame blonde vient de dire qu'elle est Orthodoxe et d'appartenance

 19   serbe.

 20   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à qui elles s'adressent ?

 21   R.  Il s'agit de la Défense territoriale de Vukovar. Elles se relataient

 22   qui elles avaient vu, ce qui fait que, de ce côté, ces réservistes ont

 23   commencé à parler de Tomislav Pap comme étant le frère de cet autre homme.

 24   Cette autre personne mentionnée, Molnar, ensuite Ivica, qui a été mentionné

 25   également, et Dosen. Ce sont toutes des personnes locales, des réservistes

 26   de Vukovar, qui connaissaient ces autres hommes que les femmes ont cités et

 27   dont elles ont donné les noms.

 28   Q.  Monsieur Berghofer, les hommes mentionnés par ces femmes et les noms


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  1   que vous venez de mentionner, Tomislav Pap, Dosen, Molnar, de quelle

  2   appartenance ethnique étaient-ils ?

  3   R.  Pour autant que je le sache, les Dosen étaient des Croates. Molnar, je

  4   peux également affirmer qu'il est Croate. Et sans doute Tomislav Pap

  5   l'était également, étant donné son nom, même que ce ne peut être une

  6   garantie car il y a des noms qui sont tant orthodoxes que croates. Mais je

  7   présume, puisqu'il était l'aide du Dr Bosanac, qu'il était Croate.

  8   Q.  Monsieur Berghofer, qu'est-il arrivé à Tomislav Pap ?

  9   R.  J'ai rencontré Tomislav Pap dans le hangar à Ovcara.

 10   Q.  L'avez-vous jamais revu après le 20 novembre 1991 ?

 11   R.  Non, plus jamais.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] Nous souhaitons verser le document 04799.2

 13   de la liste 65 ter au dossier.

 14   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le greffier m'indique qu'il y a déjà

 16   une transcription anglaise pour cet extrait. Pas de B/C/S. Si ce n'est pas

 17   un problème pour la Défense --

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Versé et reçoit une cote.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1075. Merci.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Il y a une transcription B/C/S. Nous nous

 22   assurerons que ce soit téléchargé et peut-être joint à la transcription

 23   anglaise.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 25   Mme CLANTON : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Berghofer, j'aimerais passer à un sujet différent. Je voudrais

 27   vous poser une question sur la connaissance que vous avez des installations

 28   que vous avez identifiées comme étant Velepromet dans l'affaire Mrksic. On


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  1   vous a montré des vues aériennes, il s'agit de la page du compte rendu 5

  2   309 de Mrksic, et vous nous avez dit que vous avez été emmené brièvement à

  3   Velepromet le 20 novembre 1991, et le 21 novembre 1991 également.

  4   La question que je voudrais vous poser est : aviez-vous entendu parler de

  5   ce lieu nommé Velepromet avant ces dates ?

  6   R.  Mais bien sûr. J'étais voisin en quelque sorte. J'habitais à quelque

  7   500 mètres de Velepromet.

  8   Q.  Pourrait-on donc dire que quand vous êtes arrivé le 20 novembre et le

  9   21 novembre 1991, cet endroit vous était connu ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme CLANTON : [interprétation] Je demanderais à M. Laugel maintenant de

 12   nous projeter le clip de liste 65 ter 04798.3. L'ERN est V000-1130. Il

 13   s'agit de l'onglet 11.

 14   C'est un extrait de 40 secondes, et le code principal est de 36 minutes, 54

 15   secondes, à 37 minutes, 28 secondes. Nous ne demandons pas que le son soit

 16   également utilisé. Nous aimerions tout simplement le projeter, et ce, pour

 17   les images.

 18   Si M. Laugel pouvait nous le projeter et ensuite faire un arrêt sur image à

 19   37 minutes et 5 secondes.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   Q.  Monsieur Berghofer, voyez-vous la dame que l'on voit sur cette image?

 22   R.  Oui, c'est une habitante de Vukovar. La mère de Zvonko Ilis [phon] que

 23   j'ai rencontrée à Ovcara et qui a été par la suite tuée.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais demander à M. Laugel de nous

 25   projeter un peu plus de cette vidéo et de faire une pause.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   Q.  Monsieur Berghofer, voyez-vous qui que ce soit sur cette image que vous

 28   reconnaîtriez ?


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  1   R.  L'homme au milieu est Bratso, Wilhelm. A droite, l'homme à la

  2   moustache, Toje [phon] Plajner.

  3   Q.  Cet homme à 37:08 est la personne qui est la deuxième à droite ? C'est

  4   celui-ci ?

  5   R.  Le deuxième homme à droite. A droite, il s'agit d'Ostojic. A gauche,

  6   également un ancien habitant de Vukovar, mais je ne me souviens plus de son

  7   patronyme.

  8   Q.  Monsieur Berghofer, celui que vous avez identifié à la moustache,

  9   pourriez-vous nous dire son nom à nouveau pour le compte rendu ?

 10   R.  Plajner. Il était avec moi à Mitrovica. Il était chargé de la salle à

 11   Sremska Mitrovica. Il était de Mitnica.

 12   Q.  Quand vous dites qu'il était chargé de la pièce, est-ce que cela veut

 13   dire qu'il était l'un des gardes, l'un des soldats ou l'un des prisonniers

 14   ?

 15   R.  Il était l'un des prisonniers.

 16   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que M. Laugel nous passe cet

 17   extrait jusqu'au bout.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   Mme CLANTON : [interprétation] 

 20   Q.  Monsieur Berghofer, reconnaissez-vous l'endroit où cette vidéo a été

 21   filmée ?

 22   R.  A Velepromet, à droite quand on entre dans l'enceinte. C'était un

 23   entrepôt, et il y avait environ 15 de ces entrepôts. C'étaient des

 24   conteneurs, en quelque sorte.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Nous aimerions verser le document 04798.3 de

 26   la liste 65 ter au dossier.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera versé.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et recevra la cote P1076. Merci.


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  1   Mme CLANTON : [interprétation]

  2   Q.  J'aimerais quitter le sujet maintenant de Velepromet et passer à un

  3   autre thème.

  4   J'aimerais vous poser quelques petites questions sur les personnes que vous

  5   avez vues dans le hangar à Ovcara le 20 novembre 1991.

  6   Tout d'abord, j'aimerais vous poser des questions sur le document, et je

  7   demanderais au responsable d'afficher le document 02640.1. Et j'aimerais

  8   également qu'il vous remette une copie imprimée.

  9   Monsieur Berghofer, reconnaissez-vous la cursive sur ce document ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et de qui est cette écriture ?

 12   R.  Pour autant que je sache, mon écriture.

 13   Q.  Monsieur Berghofer, si vous voulez bien regarder en haut de la page et,

 14   encore une fois, vers le milieu à droite, et dites-moi si vous reconnaissez

 15   la signature sur cette page.

 16   R.  Oui. C'est ma signature.

 17   Q.  Monsieur Berghofer, dans l'affaire Mrksic, vous avez témoigné d'une

 18   liste analogue. Il s'agit du compte rendu à la page 

 19   5 301 à 5 303. Et j'aimerais vous demander si vous pouvez confirmer que les

 20   noms qui se trouvent à gauche, numérotés de 1 à 30, sont les noms que vous

 21   avez fournis lors de votre témoignage dans l'affaire Mrksic ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et à droite, il y a des noms supplémentaires de votre main. Pourriez-

 24   vous nous dire quand vous avez vu ces personnes qui sont donc énumérées à

 25   droite ?

 26   R.  Je les ai vues à Ovcara. Certains d'entre eux étaient mes voisins et

 27   d'autres étaient mes amis et également mes collègues. Il y en a sans doute

 28   50 de plus, mais je n'ai pas pu me souvenir de tous les patronymes.


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  1   Q.  Monsieur Berghofer, quand avez-vous ajouté ces noms sur cette liste ?

  2   R.  Ceux qui se trouvent à droite ?

  3   Q.  Oui, ceux qui se trouvent à droite.

  4   R.  Ce matin.

  5   Q.  Et quand vous avez ajouté ces noms énumérés, est-ce que vous l'avez

  6   fait de mémoire ?

  7   R.  Oui.

  8   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions verser

  9   le document 02640.1, nous aimerions le verser au dossier.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé et reçoit un cote.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote 1077.

 12   Mme CLANTON : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Berghofer, j'aimerais passer à un autre sujet et vous poser

 14   des questions sur votre détention. Vous avez déjà déposé dans l'affaire

 15   Mrksic, donc nous aimerions tout simplement vous poser quelques questions

 16   sur votre emprisonnement à Sremska Mitrovica.

 17   Quand y êtes-vous arrivé ?

 18   R.  Le 22 novembre 1991.

 19   Q.  Et ce jour-là, d'où étiez-vous venu ?

 20   R.  Des casernes de Vukovar.

 21   Q.  Et comment êtes-vous arrivé des casernes de Vukovar à Sremska Mitrovica

 22   ?

 23   R.  En autocar Cazmatrans. Si vous me posez la question de l'itinéraire des

 24   casernes à Sremska Mitrovica, il s'agissait des autocars rouges avec les

 25   immatriculations de Bjelovar. Et il s'agissait d'autocars Cazmatrans, des

 26   autocars longs.

 27   Q.  Et combien de personnes environ se trouvaient dans cet autocar avec

 28   vous ?


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  1   R.  Dix-sept ou 18 environ, pour autant que je m'en souvienne. Le Dr Sadika

  2   est monté dans l'autocar à Negoslavci. Il y avait une autre dame de quelque

  3   45 ans, et puis -- ces deux femmes. Je ne me souviens pas de la troisième,

  4   mais il y avait trois femmes.

  5   Q.  Monsieur Berghofer, vous avez dit que quelqu'un est monté à Negoslavci.

  6   Etait-ce là le seul arrêt de cet autocar ?

  7   R.  Oui. Cela a été le seul lieu où l'autocar s'est arrêté, à Negoslavci.

  8   Le Dr Sadika et Slobodan Nikolic sont montés à bord.

  9   Q.  Et tous les passagers qui se trouvaient à bord de l'autocar étaient des

 10   civils ?

 11   R.  Tous.

 12   Q.  Y avait-il d'autres personnes dans l'autocar qui n'étaient pas des

 13   civils ?

 14   R.  Non. La personne qui était chargée du voyage et Djuro, que je

 15   connaissais bien et qui était le chauffeur, et une autre personne qui

 16   portait un costume, pas forcément militaire, qui était de couleur olive

 17   clair. Je parle de ce dernier, c'est lui qui était chargé de ce voyage.

 18   Q.  Monsieur Berghofer, avez-vous eu l'impression de pouvoir descendre à

 19   quelque moment que ce soit de cet autocar avant d'arriver à Sremska

 20   Mitrovica ?

 21   R.  Il n'y avait pas de possibilité quelle qu'elle soit de sortir de

 22   l'autocar.

 23   Q.  Dans l'affaire Mrksic, vous avez décrit aux Juges de la Chambre la

 24   descente de l'autocar et de passer par une haie d'hommes. Il s'agit du

 25   compte rendu, page 5 379.

 26   Est-ce que vous avez vu qui que ce soit avant de sortir de l'autocar, si

 27   vous avez vu quelqu'un à Sremska Mitrovica qui venait de Vukovar ou des

 28   villages avoisinants de Vukovar ?


Page 3058

  1   R.  Pour autant que je m'en souvienne, à côté de Sremska Mitrovica il y

  2   avait une école ou un gymnase. J'ai vu bon nombre de nos femmes qui s'y

  3   trouvaient, et il y avait parmi elles Dusko Ostojic. Ils étaient à

  4   l'extérieur autour de ce gymnase.

  5   Q.  Monsieur Berghofer, pour préciser pour le compte rendu d'audience, est-

  6   ce que Dusko Ostojic est un homme ou une femme ?

  7   R.  Un homme. Dusko Ostojic. Le père de l'homme que j'ai reconnu dans le

  8   hangar à Vukovar qui était debout à droite et qui portait des lunettes.

  9   Q.  Et quel était l'âge environ de Dusko Ostojic à l'époque ?

 10   R.  Il avait sans doute 65 ans ou 66 ans.

 11   Q.  Et comme je l'ai dit tout à l'heure, vous avez donc déposé concernant

 12   la haie et les sévices et le passage à tabac. J'aimerais que vous décriviez

 13   les sévices et les blessures que vous avez subis le 22 novembre 1991.

 14   R.  Je ne crois pas qu'il sera possible de le décrire ainsi, mais je vous

 15   dirais la chose suivante : c'était horrible, horrible, horrible.

 16   Q.  Avez-vous été blessé lors de ce passage à tabac ?

 17   R.  Eh bien, il m'est difficile de marcher jusqu'aujourd'hui. Thrombose.

 18   Mais j'étais le seul. Il n'y avait pas juste un homme qui nous battait. Ils

 19   nous battaient tous. Mais il y en avait un, Dusko, il était extrêmement

 20   pugnace dans ces sévices. On ne pourrait même pas le comparer à un lion. Il

 21   nous rouait de coups encore plus fort.

 22   Q.  Et après ce passage à tabac, avez-vous été traité pour vos blessures ?

 23   R.  Eh bien, il y avait Gajic qui était en train de poser des bandages sur

 24   ma personne. Et j'étais complètement tuméfié, comme si j'avais été bronzé à

 25   Hawaii. J'ai été nu pied pendant quatre ou cinq jours. Mes genoux ne sont

 26   plus bons. Je ne sais lire un journal et je ne peux pas regarder des films

 27   sur la guerre. C'est tout. Désolé.

 28   Q.  Cette personne nommé Gajic, qui était-il ?


Page 3059

  1   R.  C'était un ami de Mitnica. Il était également l'un des défenseurs de

  2   Vukovar.

  3   Q.  Monsieur Berghofer, vous avez décrit dans l'affaire Mrksic le fait

  4   qu'un homme, Soljic, a été tué. Il s'agit du compte rendu 

  5   5 380 et 5 474. Puis-je vous demander comment Soljic a-t-il été tué ?

  6   R.  Lorsque nous sommes arrivés sur le terrain de handball, il nous a fallu

  7   enlever nos vêtements. Auparavant, nous avions été roués de coups alors que

  8   nous passions par la Dom et ils nous ont forcés à nous déshabiller

  9   complètement. Ils ont continué à nous battre, particulièrement Dusko qui

 10   nous battait de façon sauvage, et il frappait les hommes de façon très

 11   dure, sans doute, car ils ne pouvaient se relever. Par exemple, moi, je me

 12   suis évanoui à plusieurs reprises, mais je reprenais conscience.

 13   Mais cet homme, Niko Soljic, n'a pas été pris de panique du tout. Mais il y

 14   avait un homme qui se moquait de nous comme Dusko, et il y avait un autre

 15   homme qui a dit à Dusko : Comment peux-tu les traiter ainsi ? Et ensuite,

 16   ils m'ont enlevé mes chaussures. Ce qui fait que les quatre mois et demi

 17   que j'ai passés à Sremska Mitrovica, j'étais pieds nus.

 18   Q.  Alors, cette personne qui est décédée, vous étiez à quelle distance de

 19   lui, Niko Soljic ?

 20   R.  Il était juste à côté de moi.

 21   Q.  Et vous avez dit que vous ainsi que d'autres personnes, vous vous êtes

 22   évanouis suite aux passages à tabac. Comment avez-vous appris que Soljic

 23   était mort et non pas simplement qu'il avait perdu connaissance ?

 24   R.  Je me levais entre les passages à tabac. Et je souhaite signaler que

 25   les personnes qui se trouvaient à droite n'ont pas été frappées autant que

 26   nous qui étions de l'autre côté. Comme celui qui m'a attaqué. Et on m'a

 27   porté, mais il y avait cet autre homme qui ne s'est jamais levé. Donc, il a

 28   gelé sur place. C'est pour ça que Dusko a dit : Ecoutez, ce type a beaucoup


Page 3060

  1   de glace à manger.

  2   Q.  Monsieur Berghofer, est-ce que quelqu'un à la prison vous a-t-il jamais

  3   parlé du fait que M. Soljic avait été tué ?

  4   R.  Non, pas avec moi.

  5   Q.  Avez-vous jamais entendu dire qu'il y a des gens qui ont parlé du

  6   meurtre de M. Soljic ?

  7   R.  Je ne sais pas. Je sais qu'il y avait ce jeune homme, Ularik, un des

  8   mes voisins, qui a donné une déclaration. Ils avaient un lien de parenté

  9   quelconque, et lui a fait une déclaration.

 10   Q.  Et lorsque vous dites qu'il a fait une déclaration, qu'est-ce qu'on lui

 11   a demandé de faire ?

 12   R.  Eh bien, vous savez comment les choses se passent. Il est tombé, il est

 13   mort. Je ne sais pas exactement quel était le libellé de tout ceci que le

 14   jeune a signé là-bas. Je ne sais pas ce qu'ils lui ont demandé. Je sais

 15   qu'ils l'ont emmené une fois pour qu'il donne quelque chose comme une

 16   déclaration.

 17   Q.  Lorsque vous dites "le jeune type", vous voulez parler de qui ?

 18   R.  Eh bien, il y avait ce petit jeune dans la même pièce que celle où je

 19   me trouvais. C'était une pièce qui faisait 3 mètres sur 3. Il avait environ

 20   16 ans. C'est pour ça je parle de ce petit jeune. Il vivait à Slavija, dans

 21   ce bâtiment.

 22   Q.  Pour préciser, quel est le nom de famille de la personne que vous

 23   appelez le petit jeune ?

 24   R.  Ularik est son nom de famille.

 25   Q.  Et vous avez dit qu'Ularik a été emmené et qu'il y a un document qu'il

 26   a signé, qu'il y avait une déclaration. Pouvez-vous nous dire de quoi il

 27   s'agissait ?

 28   R.  Eh bien, rien de plus que cela. Ça n'est pas qu'il en ait parlé. Ça


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  1   n'est pas que j'aie écouté attentivement. Je n'ai pas vraiment eu

  2   l'occasion d'écouter attentivement parce que nous étions 152 ou 154 dans

  3   cette pièce.

  4   Q.  Lorsqu'il a été emmené - je sais que vous ne connaissez pas tous les

  5   détails parce que la pièce était très encombrée - mais quand ce Ularik a

  6   été emmené, ce petit jeune, pour faire une déclaration, sa déclaration

  7   portait sur quel incident ?

  8   R.  D'abord, la première question était : qui le connaissait. Et ensuite,

  9   le petit jeune a dit qu'ils avaient un lien de parenté ou quelqu'un était

 10   le parrain de quelqu'un d'autre ou la marraine, et puis je suppose qu'il

 11   s'est rendu dans son bureau.

 12   Q.  Monsieur Berghofer, quand vous dites que la première question était qui

 13   le connaissait, de qui voulez-vous parler lorsque vous dites qui "le

 14   connaissait" ?

 15   R.  Le feu Soljic.

 16   Q.  Et pour préciser ce que vous venez de dire : confirmez-vous que vous

 17   nous avez dit que la question a été posée de savoir qui avait un lien de

 18   parenté avec le feu Niko Soljic, et c'est la raison pour laquelle cette

 19   personne dont vous avez donné le nom a fait une déclaration, cet Ularik ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Monsieur Berghofer, il y a quelques instants vous avez décrit la pièce

 22   dans laquelle vous vous êtes trouvé. Vous avez dit que c'était la pièce 3-

 23   3. Pourriez-vous nous donner la taille de la pièce et le nombre des

 24   personnes qui ont été détenues dans cette pièce ?

 25   R.  Je sais qu'il y avait 154 ou 152 personnes. Nous ne savions jamais

 26   exactement combien nous étions. Et tous les jours, ils venaient compter le

 27   nombre de personnes qu'il y avait. Ils nous demandaient de passer d'un côté

 28   et ensuite de l'autre, ensuite ils comptaient à nouveau. Et cette pièce


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  1   était, disons, 12, 13 mètres sur 5,5 ou sur 6 mètres. C'est difficile à

  2   dire. C'était une grande pièce. Nous y dormions, et, personnellement, je ne

  3   pouvais pas me reposer sur le dos, et les personnes à côté de moi non plus.

  4   Nous étions entassés comme des sardines.

  5   Q.  Monsieur Berghofer, combien de fois avez-vous pu prendre une douche à

  6   Sremska Mitrovica ?

  7   R.  Pardonnez-moi. De quoi voulez-vous parler, de "douche" ?

  8   Il y avait de l'eau, ça, je dois le dire. Il y avait le chauffage central.

  9   Je dois dire que Sremska Mitrovica était vide, pour ce qui est de ce camp

 10   de prisonniers, comme vous voulez l'appeler. Et ensuite, une fois seulement

 11   je suis allé prendre une douche, lorsque je suis allé dans cette pièce qui

 12   faisait 2 mètres sur 1. Mais ça, c'était 45 jours plus tard.

 13   Q.  Monsieur Berghofer, si vous vous en souvenez, pourriez-vous donner les

 14   noms de certaines personnes qui étaient avec vous aux Juges de la Chambre ?

 15   R.  Eh bien, je le peux. Il y avait ce Plajner. Il y avait beaucoup de

 16   personnes. Buljan, Zeljko, il était là.

 17   Q.  Monsieur Berghofer, y avait-il quelqu'un que vous avez vu à Ovcara et

 18   qui était à Sremska Mitrovica ?

 19   R.  Dans cette pièce, oui. Il y avait Cakalic, Guncevic, et il y avait moi-

 20   même.

 21   Q.  Y avait-il des femmes et des enfants dans cette pièce ?

 22   R.  Non, non, non. Pas dans notre pièce, non.

 23   Q.  Y avait-il des femmes et des enfants dans une autre pièce ?

 24   R.  Oui. Pardonnez-moi. Il y avait ce jeune homme dans la pièce 3 sur 3. Il

 25   avait environ 12 ans. Il était là avec son père. Mais ils souhaitaient le

 26   renvoyer à la maison, mais il ne voulait pas repartir sans son père. Il y

 27   avait des femmes qui étaient là, parce qu'il y avait cette femme qui ne

 28   cessait de crier : Papa, où es-tu ? Viens m'aider.


Page 3063

  1   Q.  Monsieur Berghofer, dans votre déclaration dans l'affaire Mrksic, vous

  2   avez dit que Goran Hadzic est venu une fois à la prison et il a dit que ça

  3   sentait très mauvais et qu'il y avait des odeurs pestilentielles, à la page

  4   du compte rendu d'audience 5 381. Je souhaite vous poser cette question :

  5   qu'est-ce qui provoquait ces odeurs dans la pièce ?

  6   R.  Il est vrai que M. Hadzic est venu dans cette pièce de 3 sur 3, mais il

  7   est vrai également que nous sentions mauvais. Nous puions, je dois le dire,

  8   parce que nous n'avions pas pris de douche depuis trois mois. C'est assez

  9   vulgaire, ce que je dis, mais… Et aussi un mois après non plus.

 10   Q.  Et dire "un mois et demi après," vous voulez parler de quelle période

 11   de temps exactement ?

 12   R.  Eh bien, je calcule maintenant. A partir du 22 novembre, disons,

 13   jusqu'au 15 janvier. Je parle de mémoire. C'est vrai. Ça, c'était le

 14   premier jour. Et ensuite, c'était le 20, la deuxième fois, ou le 15 février

 15   1992. Et puis, brusquement, nous avons été autorisés à prendre un bain

 16   lorsque nous étions dans la pièce 2 sur 1.

 17   Q.  D'accord, Monsieur Berghofer. Je souhaite maintenant vous poser une

 18   question à propos du moment où M. Hadzic s'est rendu à la prison. Quelles

 19   étaient les conditions de détention des prisonniers dans cette pièce ?

 20   R.  Eh bien, voyez-vous, on emmenait les gens pour les interroger sans

 21   cesse. Il y avait des hommes plus jeunes. C'est pour ça qu'ils devaient

 22   partir. Alors que nous, on nous a remis de vieux uniformes de l'ex-JNA, et

 23   nous devions les porter. Il s'agissait de pantalons et de vestes.

 24   Q.  Monsieur Berghofer, d'après vous, quel mois M. Hadzic, environ, est-il

 25   venu à Sremska Mitrovica ? Vous n'êtes pas obligé de nous donner une date

 26   exacte. Donnez-nous simplement le mois.

 27   R.  Décembre, le 20 ou le 21. En 1991.

 28   Q.  Et comment saviez-vous que la personne qui était là était Goran Hadzic


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  1   ? Comment l'avez-vous reconnu ?

  2   R.  Eh bien, M. Hadzic sait fort bien où on a pris une photographie de lui.

  3   A commencer par Plitvice, alors qu'il se trouvait à 500 kilomètres de sa

  4   ville natale, Vukovar. Nous appelons ça, les gens de Vukovar, Pâques

  5   sanglante. Il y avait des images de Goran Hadzic partout. Et je le

  6   connaissais de vue lorsque j'étais plus jeune. Nous ne nous sommes jamais

  7   salués. Mais j'étais un invité à Bobetko [phon] et je l'ai vu regarder un

  8   jeu ou quelque chose comme ça, mais c'était en passant.

  9   Q.  Et à l'époque où il se trouvait à la prison, savez-vous quel poste il

 10   occupait ?

 11   R.  A ce moment-là, je ne savais pas. Je ne peux pas vous le dire.

 12   Q.  Et lorsqu'il était à la prison, il se trouvait à quelle distance de

 13   vous ?

 14   R.  Juste à côté de moi. Juste à côté de moi. Donc, l'homme est venu, nous

 15   nous sommes tous rassemblés autour de lui, nous voulions savoir ce qu'il

 16   avait à dire. Est-ce que je peux vous dire ce qu'il a dit ?

 17   Q.  Oui.

 18   R.  Il est entré. Bien sûr, il était en uniforme militaire, qui était

 19   différent des autres uniformes du SNB. Il a regardé à droite et à gauche et

 20   il a dit : "Pourquoi vous ne laissez pas ces gens rentrer chez eux ?" Et

 21   après cela, il est parti.

 22   Q.  Monsieur Berghofer, y avait-il quelqu'un d'autre aux côtés de M. Hadzic

 23   à ce moment-là ?

 24   R.  Mon voisin, Rajak, si je me souviens bien. Il portait quelque chose qui

 25   ressemblait à un uniforme de capitaine. Il était jeune. Il avait 26 ou 27

 26   ans. Il portait un uniforme flambant neuf. Je crois qu'il avait le grade de

 27   capitaine. Mais cela remonte à un certain nombre d'années maintenant. Je ne

 28   peux pas m'en souvenir. Mais ce jeune homme, il habite dans la quatrième


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  1   maison à partir de la mienne. C'est comme ça que je le connais.

  2   Q.  Il y a quelques instants, vous nous avez dit que vous vous souvenez de

  3   ce qu'a dit Goran Hadzic lorsqu'il était debout à côté de vous dans la

  4   prison de Sremska Mitrovica. Je souhaite vous demander si c'est la seule

  5   fois où vous avez entendu Goran Hadzic parler des prisonniers, notamment

  6   ceux qui se trouvaient à Sremska Mitrovica.

  7   R.  Oui. C'est la seule chose que j'ai entendue de sa bouche. Lui et moi,

  8   deux êtres humains.

  9   Q.  Monsieur Berghofer, je ne souhaite pas vous limiter à ce qu'il a dit

 10   lorsqu'il était physiquement à côté de vous. Je souhaite vous demander si

 11   vous avez entendu parler Goran Hadzic à d'autres occasions, pas forcément

 12   lorsqu'il était à côté de vous comme un autre être humain.

 13   R.  Oui, bien sûr. J'avais déjà été remis en liberté, cela faisait un an

 14   déjà, et à cet endroit où il y avait ces six autocars, au moment où ils

 15   quittaient l'hôpital, c'est dans cette rue qui s'appelait Brodjidras [phon]

 16   ou Sapudl, et il y a ce journaliste, en général c'était la télévision de

 17   Novi Sad qui faisait l'effort de prendre des images de nous et de

 18   l'interviewer. C'est ce qu'il a dit, en tout cas c'est ce à quoi ça

 19   ressemblait à l'image : "Tous ces Oustachi doivent rentrer pour que le

 20   peuple serbe puisse les poursuivre en justice ici à Vukovar."

 21   Q.  Monsieur Berghofer, quand avez-vous vu ces images où ce journaliste que

 22   vous avez décrit s'adresse à Hadzic ? Quand avez-vous vu cette interview ?

 23   R.  Eh bien, disons en 1993. Fin de l'année 1992. Je dois dire qu'il n'y a

 24   pas que moi qui ai acheté un poste de télévision. Je suppose que mes amis

 25   avaient fait de même. Donc, nous avons vu cela, mais je ne peux pas vous

 26   dire quelle était la date de cela. De toute façon, il passait à la

 27   télévision plusieurs fois, donc la télévision croate rediffusait cela en

 28   boucle.


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  1   Q.  Monsieur Berghofer, vous venez de dire, et je dois citer la page du

  2   compte rendu d'audience, page 29, ligne 23, que :

  3    "Tous les Oustachi doivent rentrer de façon à ce que le peuple serbe

  4   puisse les poursuivre en justice ici à Vukovar."

  5   Lorsque vous avez entendu cela, cela vous a fait penser à quoi par rapport

  6   à ce que vous aviez entendu à Sremska Mitrovica ?

  7   R.  Eh bien, à Sremska Metrovica, eh bien, de façon assez amicale quand il

  8   a vu l'état misérable dans lequel nous étions, que nous sentions si

  9   mauvais. Il était parmi nous et il savait que nous n'étions pas des

 10   criminels de guerre. Tout le monde n'était pas un criminel de guerre. Et

 11   ensuite, il a fait cette déclaration lorsqu'il était avec son peuple, et il

 12   n'eut pas été approprié pour lui de défendre des Croates parce qu'il était

 13   sous pression de la part de son peuple. Il s'agit donc d'avis et de propos

 14   tout à fait différents.

 15   Mme CLANTON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation]

 18   Contre-interrogatoire.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.

 20   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Zoran

 22   Zivanovic et je suis le conseil de la Défense pour M. Hadzic dans le cadre

 23   de cette procédure.

 24   R.  Bonjour à vous. Je suis ravi de vous rencontrer.

 25   Q.  Je vais vous poser quelques questions concernant votre déposition

 26   d'aujourd'hui.

 27   Tout d'abord, je souhaite attirer votre attention sur ces images vidéo que

 28   l'on vous a montrées ce matin. C'est l'Accusation qui vous l'a montré à la

 


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  1   page 14 du compte rendu d'audience. Et vous avez au l'occasion de voir --

  2   vous avez pu voir deux femmes et un jeune homme en habit civil s'adresser à

  3   des soldats en uniforme de la JNA. Ils citaient le nom de différentes

  4   personnes qui prétendument leur avaient infligé des sévices.

  5   Alors, moi, ce qui m'intéresse, c'est ceci : parmi ces personnes qui

  6   étaient en uniforme, avez-vous reconnu quelqu'un ?

  7   R.  Je ne peux pas rien dire avec certitude, car vous savez quoi ? Dès que

  8   quelqu'un porte un uniforme, on ne peut plus le reconnaître. Et il

  9   s'agissait de jeunes hommes et ces hommes auraient pu être mon fils. Ils

 10   avaient 25 ou 27 ans à l'époque.

 11   Q.  De toute façon, dois-je en conclure que vous ne pouviez reconnaître

 12   personne qui portait un uniforme de la JNA sur ces images et qui parlait à

 13   ces deux femmes et à ce jeune homme ?

 14   R.  Non. Que ces femmes. Si j'avais pu regarder les images pendant plus

 15   longtemps, j'aurais peut-être pu déceler autre chose. Mais il s'agit de

 16   jeunes personnes. Je connais leurs pères et leurs mères; mais en ce qui les

 17   concerne eux, je ne peux rien dire.

 18   Q.  Il y a autre chose que je souhaitais regarder avec vous. En réalité,

 19   cela m'intéresserait de savoir si vous avez eu l'occasion de voir la liste

 20   des personnes portées disparues de l'hôpital de Vukovar après votre

 21   libération, une fois que tout ceci a été terminé et jusqu'au moment de

 22   votre déposition plus tard ?

 23   R.  Jamais, avant ce moment-là, sauf lorsque je me suis trouvé à Belgrade

 24   avec M. Vesko Krstajic. J'ai dû entourer d'un cercle les noms de personnes

 25   que je reconnaissais.

 26   Q.  Et je vous pose cette question précisément parce que lorsque vous avez

 27   communiqué avec l'Accusation, il y avait cette liste que vous aviez établie

 28   un peu plus tôt et vous y avez ajouté quelques noms, je crois au nombre de


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  1   cinq ou six, et ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment ceci s'est

  2   passé. Comment avez-vous pu vous souvenir de tous ces noms après plus de 20

  3   ans ?

  4   R.  Monsieur Zivanovic, si vous saviez comment j'ai encore présente dans

  5   mon esprit l'image de ces hommes. Pinter, c'est le premier que j'ai ajouté

  6   sur la liste. C'était un de mes amis pendant 40 ans. Et ensuite, ce Misel.

  7   Et je ne cessais de parler de Misel -- pardonnez-moi, je ne cessais de

  8   parler du Français. Je pensais que c'était un surnom "Francuz", le Français

  9   - je sais que votre question ne portait pas là-dessus - mais lorsque Kemo

 10   est venu le chercher. Et je crois qu'il était sur cette première liste il y

 11   a longtemps. Et ensuite, il y a Jarabak, je me souviens de ce nom-là.

 12   Stanko Duvnjak était un policier. Et ensuite, Vukojevic, Slaven. Et

 13   ensuite, le jeune Zivkovic. Alors, ce Kacic, il avait 15 ou 16 ans.

 14   Simplement, ils l'ont arraché à sa mère à l'hôpital, parce que c'est un

 15   homme bien bâti, et ils l'ont mis à bord de l'autocar.

 16   Croyez-moi, Monsieur Zivanovic, ils sont plus nombreux que cela. Je suis

 17   toujours surpris lorsque je viens ici. Croyez-moi, je suis toujours mal

 18   préparé. Cette liste que je tiens dans les mains, c'est M. Moore qui m'a

 19   contraint à le faire. En deux minutes et demie, j'ai dû griffonner tout

 20   ceci sur un papier, quels sont les noms. Et, en réalité, il y a cette liste

 21   que j'ai à la maison, lorsque je suis rentré à la maison en 1991, en 1992,

 22   lorsque je suis revenu de prison.

 23   Q.  Une autre chose. A la page 21 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui,

 24   vous avez dit que toutes les personnes qui se trouvaient à bord de cet

 25   autocar qui est allé à Sremska Mitrovica, que toutes ces personnes étaient

 26   des civils. A la manière dont je comprends votre déposition dans l'affaire

 27   Mrksic, je sais que vous avez dit dans cette affaire-là, entre autres, que

 28   vous faisiez partie de la 204e Brigade, et vous avez également dit à quels


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  1   bataillon et compagnie vous apparteniez. Et maintenant, je souhaite savoir

  2   s'il y avait d'autres personnes qui occupaient un poste analogue au vôtre

  3   parmi les personnes que vous avez indiqué comme étant des civils ?

  4   R.  Monsieur Zivanovic, vous savez quelle était notre situation à Vukovar.

  5   Toute personne qui s'était trouvée dans une cave devait s'assurer le statut

  6   d'un défenseur de Vukovar. Ljubo avait ce statut-là et Zeljko Buljan, qui

  7   prétendument avait été blessé. Sinisa Veber, également, qui a réussi à

  8   avoir ce statut-là. Mais croyez-moi, lorsque je vois ces noms ici,

  9   certaines de ces personnes n'ont même pas apporté un verre d'eau ni à l'un

 10   ni à l'autre. En tout cas, au début, j'ai participé à cela, il y avait la

 11   station de radio, et ensuite je me suis occupé de logistique. Et ensuite,

 12   il y a Vili Karlovic qui venait de Zagreb et qui est venu donner un coup de

 13   main. Il venait de Zagreb. Il a participé aussi à tout cela.

 14   Et Stjepan Guncevic. J'essaie de me souvenir maintenant. Et il faut un

 15   fusil automatique pour le faire témoigner, mais il a le statut d'un

 16   défenseur croate. Toute personne qui a survécu à Vukovar a obtenu le statut

 17   de défenseur de la Croatie.

 18   Q.  Veuillez préciser ceci pour nous : est-ce que cela signifie que les

 19   gens qui étaient des civils, qui n'ont pas participé ou n'ont pas été

 20   membre de quelconque unité militaire, étaient-ils -- ou, étaient-ils

 21   incorporés à la 204e Brigade et aux différents bataillons, ou s'agissait-il

 22   de personnes qui avaient été déployées dans ces unités mais qui n'ont pas

 23   participé directement aux combats, ou plutôt, ne se sont pas trouvées sur

 24   la ligne de front où se déroulaient les combats ?

 25   R.  Eh bien, d'après ce que je sais, même ce jeune homme, Ularik, qui avait

 26   16 ans, même lui était un défenseur de Vukovar.

 27   Mais je dois vous dire encore une fois, Monsieur Zivanovic, peut-être que

 28   ces gens, peut-être que je les ai sous-estimés, peut-être que je les


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  1   offensés d'une manière ou d'une autre. Je n'avais pas l'intention de le

  2   faire. Mais peut-être que gens-là ont participé aussi, peut-être qu'ils ont

  3   été engagés par leurs commandants. Peut-être qu'ils étaient censés au moins

  4   apporter de l'eau ou de la nourriture.

  5   Et il y avait toujours des travaux à accomplir au moment où il

  6   s'agissait de défendre Vukovar.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je vois qu'il est l'heure

  8   de faire la pause, Messieurs les Juges.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Effectivement.

 10   Merci, Maître Zivanovic.

 11   Monsieur Berghofer, nous allons avoir notre première pause maintenant, et

 12   nous reviendrons à 11 heures. L'huissier va vous raccompagner. Je vous

 13   remercie.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.

 15   [Le témoin quitte la barre]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, il y a une requête

 17   de l'Accusation afin d'ajouter M. Bedzik [comme interprété] à la liste de

 18   la pièce 987 à 992. Et il y a des pages manquantes. Pourriez-vous nous

 19   donner votre opinion sur la question ou veuillez nous dire quand vous

 20   seriez en mesure de le faire ?

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pas d'objection.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Dans ce cas, il est

 23   fait droit à la requête de l'Accusation.

 24   L'audience est levée.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 26   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, poursuivez, je vous


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  1   prie.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.Q.  Monsieur,

  3   vous avez parlé de cette haie que vous avez dû former. Donc, lorsque vous

  4   êtes sortis de l'autocar, vous avez dû passer entre cette rangée d'hommes,

  5   lorsque vous êtes arrivés à Mitrovica; est-ce bien exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Si vous ne connaissiez pas les gens qui se trouvaient là, êtes-vous

  8   toutefois en mesure de nous dire à quelle formation ils appartenaient ?

  9   Est-ce qu'ils portaient des uniformes ? Est-ce vous pouviez les

 10   reconnaître, les identifier ?

 11   R.  Ecoutez, ils portaient l'uniforme des gardiens de prison. En fait, ils

 12   portaient l'uniforme du personnel de la prison de Sremska Mitrovica.

 13   Q.  Vous avez également parlé de ces sévices, de la façon dont les détenus

 14   de Sremska Mitrovica ont été battus. Et vous avez mentionné Dusko. Je

 15   suppose qu'il était de Vukovar. C'est pour cela que vous le connaissez.

 16   R.  Maître Zivanovic, je ne connaissais pas une seule des personnes

 17   présentes là-bas. Je n'aurais pas pu vous dire qu'il s'agissait de Dusko si

 18   ce n'était que son ami, lorsqu'il a vu que quelqu'un le battait jusqu'à ce

 19   qu'il perde connaissance et que moi j'aie perdu connaissance également, son

 20   ami a dit : "Dusko, comment est-ce que tu peux te comporter de la sorte ?"

 21   Et ce n'est que lorsque j'ai entendu cela que j'ai appris que cet homme

 22   s'appelait Dusko.

 23   Q.  Dites-moi, est-ce qu'il y avait également des gardiens de prison ou

 24   est-ce qu'il y avait d'autres personnes ?

 25   R.  Non, non. C'étaient des gardiens de prison.

 26   Q.  J'aimerais vous poser quelques questions à propos de cet extrait vidéo

 27   que vous avez visionné. Après votre libération de prison, vous avez acheté

 28   un téléviseur, et vous avez dit que cela s'était passé soit entre 1992 ou


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  1   en 1993.

  2   Et vous nous dites que vous avez vu que Goran Hadzic se faisait

  3   interviewer. Vous avez également indiqué que cela s'est passé près de

  4   l'endroit où ces six autocars se trouvaient, et je crois comprendre que

  5   cela a dû se passer à Vukovar ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Nous n'avons pas cet extrait vidéo, mais nous avons néanmoins un

  8   extrait qui montre plus ou moins ce dont vous parlez. Mais c'est un extrait

  9   vidéo qui a été pris à Sid. Donc, c'est pour cela que je vous pose ma

 10   question : est-ce que vous êtes sûr que cela a été filmé à Vukovar et non

 11   pas à Sid, je parle de cet extrait dont vous parliez ?

 12   R.  Voyez-vous, Maître Zivanovic, nous avons parlé de la rue où se

 13   trouvaient les autocars, la rue qui se trouve près de l'hôpital, et nous,

 14   en fait, nous disions que cela se trouvait près du "Crvani Magazin", qui se

 15   trouve environ à 200 mètres de l'hôpital. Donc, c'est dans cette rue où, à

 16   l'époque, se trouvaient les autocars.

 17   Q.  En d'autres termes, ce que vous nous dites, c'est que cela a été filmé

 18   dans le même lieu où les autobus avaient l'habitude d'attendre, mais cela a

 19   été filmé après cet événement avec les autocars, n'est-ce pas ?

 20   R.  Tout à fait.

 21   Q.  Alors, au vu des propos que vous avez entendus de la part de M. Hadzic,

 22   dites-nous, je vous prie, si dans ce film M. Hadzic avait dit que ces gens

 23   qui avaient commis des crimes devraient être traduits en justice à Vukovar

 24   en première instance, et qu'après ils devraient être traduits en justice en

 25   Yougoslavie en appel et en cassation ?

 26   R.  Non, il n'a pas dit cela précisément. Il a juste dit que ces Oustachi

 27   devraient être ramenés à Vukovar pour que les Serbes puissent les juger.

 28   C'est grosso modo ce qu'il a dit. Mais cela s'est passé il y a quelques


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  1   années, quand même.

  2   Q.  Avez-vous dit que cela s'est passé il y a plusieurs années ou il y a de

  3   nombreuses années ?

  4   R.  Mais écoutez, il y a beaucoup de temps qui s'est écoulé. Ce que je

  5   voulais dire, c'est que ce n'est pas le seul film de M. Goran Hadzic se

  6   faisant interviewer par une équipe, une équipe télévisée de Serbie ou

  7   d'ailleurs. D'ailleurs, ce type d'extrait a été diffusé à la télé croate.

  8   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez si dans le même film, le même

  9   extrait, M. Hadzic avait dit, outre ce que vous avez déjà relaté, qu'il

 10   vaut mieux libérer 100 personnes coupables plutôt que de condamner un seul

 11   innocent ?

 12   R.  Non, non, je n'ai pas entendu cela.

 13   Q.  Mais c'est la cinquième fois que vous venez témoigner devant le

 14   Tribunal. Il y a deux jours, vous avez été en mesure de consulter votre

 15   déposition dans l'affaire Mrksic.

 16   Et il y a une partie de votre déposition dans l'affaire Mrksic  qui

 17   m'intéresse. Une question vous a été posée, vous y avez répondu. Il s'agit

 18   de la pièce 4460, pages 67 et 69. Et cela correspond à votre déposition du

 19   3 mars.

 20   Voilà ce que vous avez dit. Vous avez dit que personne du ministère de la

 21   Défense de la République de Croatie ne vous avait préparé pour cette

 22   déposition. Vous vous en souvenez de cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire, à propos de votre déposition à La Haye - je ne

 25   parle pas de la déposition d'aujourd'hui, je parle de la déposition

 26   précédente - dites-nous si vous avez eu des contacts avec le ministère de

 27   la Défense de Croatie ?

 28   R.  Dans la mesure où je m'en souviens, et mes souvenirs sont exacts, non


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  1   jamais. Je peux vous dire que non, jamais. Cela ne s'est jamais passé.

  2   Q.  Mais d'après les renseignements dont nous disposons, votre premier

  3   contact avec le bureau du Procureur et ses enquêteurs a eu lieu en 1994-

  4   1995. Puis-je avancer sur la réponse ?

  5   R.  Oui, oui. Oui, cela s'est passé dans le bâtiment de la police de

  6   Vinkovci, ou poste de police. Vous savez, les gens n'osaient pas en parler,

  7   mais moi je leur ai parlé.

  8   Q.  Lorsque vous avez dit que les gens n'avaient pas le droit d'en parler,

  9   qu'entendiez-vous par cela ? Est-ce que vous voulez dire que quelqu'un

 10   interdisait cela ?

 11   R.  Ecoutez, je ne sais pas s'il s'agit de M. Williams ou de M. Niemann. Je

 12   ne m'en souviens plus. Mais je dirais que mon Etat, en quelque sorte,

 13   n'avait absolument pas à m'interviewer. De toute façon, c'était un secret

 14   de polichinelle. Moi, je n'étais pas autorisé à dire que j'avais dit à ces

 15   messieurs quoi que ce soit, parce que de toute façon ma nation, mon Etat,

 16   n'avait pas le droit d'exercer des pressions sur moi à propos de ma

 17   déposition au Tribunal à La Haye.

 18   Q.  Alors, est-ce que je vous ai bien compris : est-ce que cela signifie

 19   que ces deux personnes du Tribunal vous ont dit que vous ne devriez parler

 20   de cela avec personne ou, en tout cas, avec personne représentant les

 21   autorités de l'Etat croate ?

 22   R.  Oui, oui. Oui, c'est plus ou moins cela. Combien est-ce que je pourrais

 23   vous expliquer la chose ? Il n'y avait pas d'interdiction. De toute façon,

 24   il n'appartenait à personne de me fournir des conseils à ce sujet, et pour

 25   autant que je m'en souvienne, ils sont revenus quatre fois. Ils sont même

 26   venus me voir chez moi, puis ils ont eu un accident en chemin avec un

 27   tramway.

 28   Q.  Et en 1996, vous avez fait une déclaration pour la première fois devant


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  1   ce Tribunal de La Haye ?

  2   R.  Oui. C'est plus ou moins cela.

  3   Q.  Oui, voyez-vous, nous disposons de votre déclaration. Pièce 4455. C'est

  4   une déclaration que vous avez faite le 27 mars 1996. Et je suppose que vous

  5   vous en souvenez de cela ?

  6   R.   Oui.

  7   Q.  Voyez-vous, à la page 17 dans le système e-court, nous avons votre

  8   déclaration, et vous dites à un moment donné qu'un officier supérieur est

  9   venu dans le hangar où vous vous trouviez et qu'il a fait subir des sévices

 10   à plusieurs prisonniers. Et vous décrivez ce qui s'est passé. Ce qui n'est

 11   pas très important. Mais vous avez dit qu'il s'agissait d'un officier

 12   supérieur. Mais vous n'avez pas donné son nom, toutefois. Vous vous

 13   souvenez de cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et puis, dans les dépositions que vous avez faites par la suite, vous

 16   avez indiqué que cet officier supérieur était Slavko Dokmanovic. Vous vous

 17   souvenez de cela ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous me dire pourquoi vous n'avez pas dit qu'il s'agissait de

 20   Slavko Dokmanovic si vous saviez qu'il s'agissait de lui lorsque -- vous ne

 21   l'aviez pas dit dès le 27 mars 1996 ?

 22   R.  En fait, j'aurais besoin de l'assistance des Juges.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Berghofer.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je m'exprimer ?

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, oui, vous avez tout à fait le

 26   droit de vous exprimer.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Maître Zivanovic, au moment où j'ai fait ma

 28   déclaration, on m'avait dit qu'il ne fallait pas que je donne le nom de


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  1   l'officier supérieur à ce moment là, l'officier supérieur qui a été vu à

  2   Ovcara. Et lorsque les caméras ont été éteintes et lorsque le journaliste

  3   est sorti, ils sont revenus dans la pièce puis ils m'ont dit : Monsieur

  4   Berghofer, qui était l'officier supérieur haut gradé dont vous n'avez pas

  5   donné le nom il y a un petit moment ?

  6   Et j'ai répondu : Slavko Dokmanovic. Et tout cela s'est passé le même jour

  7   à un l'intervalle de 30 minutes.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  9   Q.  Mais est-ce que vous pourriez nous dire, alors, qui vous a dit qu'il ne

 10   fallait pas que vous donniez le nom de la personne au Tribunal ?

 11   R.  Je pense que c'était le Juge. C'était une audience publique, les

 12   journalistes étaient présents, et je suppose que cela a été fait de la

 13   sorte pour que cela ne se passe pas dans le domaine public, pour que tout

 14   reste à huis clos, entre ces quatre murs.

 15   Q.  Et pourriez-vous me dire quand le Juge qui présidait les débats vous a

 16   dit qu'il fallait que vous procédiez de la sorte ?

 17   R.  Les personnes qui m'ont interrogé le savaient. Et avant que je n'entre

 18   dans le prétoire, ces personnes m'ont dit qu'il ne fallait pas que je donne

 19   le nom de cet officier. C'est pour ça que j'ai dit qu'il s'agissait d'un

 20   officier haut gradé de la municipalité de Vukovar. Et nous nous en sommes

 21   tenus à cela.

 22   Et puis, une demi-heure plus tard, lorsque le prétoire ou cette salle

 23   d'audience se vidait des journalistes et des équipes de télévision, je leur

 24   ai dit ce que vous avez maintenant sur votre écran.

 25   Q.  Vous savez, je dois vous dire que je suis un tant soit peu perplexe à

 26   la suite de vos explications. Parce que normalement les informations

 27   confidentielles sont fournies à huis clos, et lorsqu'il y a huis clos, il

 28   n'y a pas de journalistes présents et il n'y a pas de présence du public.


Page 3078

  1   Mais c'est l'explication que vous nous donnez.

  2   R.  Oui, c'est cela. C'est cela. C'est justement cela.

  3   Q.  Voyez-vous, c'est cela qui me semble étrange. Et peut-être que vous

  4   pourriez nous fournir une explication.

  5   Le 27 mars 1996, nous avons le compte rendu de votre déclaration, et

  6   notamment la page 17, et je dirais qu'avant de faire cette déclaration,

  7   vous avez prononcé une déclaration solennelle en vertu de laquelle vous

  8   aviez dit que vous alliez dire la vérité, que vous n'alliez pas dissimuler

  9   quelque information que ce fut en réponse à des questions. Alors,

 10   maintenant vous avez prononcé la déclaration solennelle, et je m'interroge

 11   : vous avez donc écouté ce conseil - je ne sais pas qui vous l'a donné -

 12   mais ce conseil suivant lequel vous ne deviez pas fournir d'informations au

 13   public et que ça devait rester à huis clos ?

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, qu'est-ce que vous

 15   voyez ? Qu'est-ce que vous lisez lorsque vous prenez la déclaration

 16   solennelle ?

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vois qu'il a prêté serment. Il prêté

 18   serment.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, c'est la première page.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous lire

 22   cela ? Je ne le vois pas.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, non, non, je ne peux pas.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais il s'agit du compte rendu

 25   d'audience dans un tribunal, n'est-ce pas ?

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui. D'après ce que je sais, oui.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais alors --

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il s'agit du document 4455.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais lorsque la personne prête

  2   serment, est-ce qu'il est indiqué qu'elle ne doit pas garder des

  3   informations ? C'est ce que vous avez dit au témoin.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Vous savez, d'après ce que je sais -- bon,

  5   c'est assez habituel, c'est classique que lorsqu'une déclaration solennelle

  6   est prononcée -- ou peut-être que j'ai mal compris cela.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais la question qu'il convient

  8   de se poser est comme suit : qu'est-ce que le témoin comprend lorsqu'il lit

  9   cette déclaration solennelle ?

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Ecoutez, je vais lui demander des

 11   précisions justement.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Faites donc.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous pourriez nous dire si vous vous souvenez

 15   avoir prononcé une déclaration solennelle à cette occasion, l'occasion dont

 16   nous parlions donc. Est-ce que vous avez déclaré que vous alliez dire la

 17   vérité ? Vous vous en souvenez de cela ?

 18   R.  Oui, je m'en souviens, mais ce n'était ici. C'était dans une autre

 19   salle d'audience. Il y avait une galerie vitrée. Et puis, il y avait des

 20   journalistes derrière moi.

 21   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez de cette déclaration ? Est-ce que

 22   vous vous souvenez de la formule que vous avez prononcée ?

 23   R.  Mais de quelle déclaration vous parlez ?

 24   Q.  La déclaration en vertu de laquelle vous avez dit que vous alliez dire

 25   la vérité. Vous vous souvenez avoir prononcé cette déclaration ?

 26   R.  Oui, oui, comme je l'ai fait maintenant. Mais cela n'a duré qu'une

 27   demi-heure. Et là, bon, ils ont dû débrancher la caméra. Il n'y avait plus

 28   de journalistes. Moi, je suis juste ici pour écouter et non pas pour faire


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  1   des déclarations.

  2   Q.  Comment est-ce que vous avez compris la déclaration solennelle que vous

  3   avez prononcée en vertu de laquelle vous deviez dire la vérité ? Est-ce que

  4   cela signifie que si vous étiez informé de certaines informations

  5   importantes, à savoir que vous aviez reconnu un homme qui avait torturé des

  6   prisonniers à cet endroit, est-ce que vous, vous aviez compris que vous

  7   n'étiez pas censé en parler ? Est-ce que vous avez pensé que cela était

  8   conforme à la déclaration solennelle que vous avez prononcée ?

  9   R.  Oui, cela est conforme. Moi, je ne vois pas la différence entre 25

 10   minutes, 30 minutes. Je l'ai indiqué. C'est ce qu'ils m'ont dit. Jusqu'au

 11   moment où les caméras ont été éteintes et où les journalistes n'étaient

 12   plus présents. Comment est-ce que je pourrais vous expliquer cela ?

 13   Je n'étais pas un témoin secret. Tout était normal, tout était public.

 14   Toutefois, pour que le grand public ne puisse pas avoir accès, eh bien, je

 15   vous ai déjà dit ce qui s'est passé. Il y a ce représentant de la

 16   municipalité de Vukovar qui est venu. Et avant cela, ils m'ont dit que je

 17   ne devrais pas le dire. Donc, moi, en ce qui me concerne, la déclaration

 18   solennelle que j'ai prononcée, elle était valable pour cette première

 19   partie et pour ce qui s'est passé une demi-heure après. Maître Zivanovic,

 20   je vous dis qu'il y avait un décalage d'une demi-heure. Et non pas un

 21   décalage de six mois.

 22   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Document 2298. C'est le troisième document

 23   sur la liste des documents de la Défense.

 24   Q.  Vous voyez, il s'agit d'un document du ministère de la Défense, donc le

 25   bureau de l'assistant du ministre. Et vous voyez votre nom et votre prénom,

 26   il s'agit de l'objet du document. Donc, il s'agit justement d'informations

 27   relatives à votre déposition.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que la page 2 pourrait être affichée


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  1   maintenant. Page 2 de ce document.

  2   Q.  Voyez ce qu'il est écrit. Il est indiqué qu'en 1994 et 1995, vous avez

  3   les noms des deux personnes qui vous ont parlé, et il est indiqué ce dont

  4   vous avez parlé à cette occasion. Il est également indiqué -- en fait, nous

  5   voyons ce nom, Dokmanovic. Et là, il est indiqué ce qui s'est passé en

  6   1996, que vous avez eu une communication téléphonique avec La Haye. Il est

  7   question de la teneur. Des détails de votre départ, et cetera.

  8   Donc, j'aimerais avoir si c'est vous qui avez donné ces renseignements au

  9   ministère de la Défense.

 10   R.  Non, non. Ecoutez, moi, je dois dire que j'ai été surpris lorsque j'ai

 11   vu ceci. Ou quelque chose de semblable. Et je me suis dit que jusqu'à ce

 12   jour, mon pays, mon Etat, ne savait pas que je me trouvais à La Haye parce

 13   que moi je n'avais contacté personne. J'ai seulement eu des contacts avec

 14   vos collègues de Belgrade, ceux qui m'ont dit que je devais aller à Zagreb.

 15   Je crois que deux ou trois fois j'ai dit la même chose à propos de M.

 16   Slavko Dokmanovic. Moi, je n'ai pas compris. Je n'ai pas compris. Si vous

 17   me l'aviez dit, bon. En fait, moi je n'ai jamais eu rien à voir avec cela.

 18   Je me suis contenté de répéter ce qui s'était passé à Ovcara. Je leur ai

 19   dit qui se trouvait avec moi à Ovcara, je leur ai dit qui nous avait roué

 20   de coups, si je les avais reconnus ou non. En fait, j'ai toujours dit la

 21   même chose.

 22   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Page suivante, je vous prie.

 23   Q.  Voyez-vous, ici, il est dit que le 28 mars vous avez répondu aux

 24   questions et qu'avant que vous n'entriez dans le prétoire, il y a des noms

 25   qui sont mentionnés, il y a d'autres noms qui ont été biffés, et on vous a

 26   dit que vous ne devriez pas mentionner le nom de Slavko Dokmanovic pendant

 27   la première partie de votre interrogatoire parce que des journalistes

 28   étaient présents. C'est exactement ce que vous nous avez dit maintenant.


Page 3083

  1   Dites-nous si vous avez relayé ces informations au ministère de la

  2   Défense de Croatie ?

  3   R.  Non, parce qu'il y a des informations dans ce document qui ne

  4   sont pas exactes.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire, alors, ce qui est inexact ?

  6   R.  Lorsqu'il est dit : Cakalic, jusqu'au moment où il a perdu

  7   connaissance. Après une heure, Berghofer avec huit autres hommes ont été

  8   sortis d'Ovcara, alors que d'autres se trouvaient dans une situation où ils

  9   pouvaient en fait se suicider. Donc, il a mentionné Emcelic [phon] et

 10   Zarkan [phon] qui se trouvait à "Plava Laguna".

 11   Nous, nous avons toujours su qui avait survécu à Ovcara. Je ne sais

 12   pas où vous, vous avez obtenu cela et je ne sais pas d'où le monsieur de La

 13   Haye tenait ceci. Je ne le sais pas véritablement. Mais regardez-moi, j'ai

 14   coopéré avec M. Williamson [phon], puisque son nom est indiqué ici. Oui,

 15   c'est vrai que j'ai fait des déclarations à son intention, et j'ai indiqué

 16   que ce monsieur est venu à Vinkovci trois fois alors que j'étais une

 17   personne déplacée, puis après ils sont venus à Osijek, mais venaient du

 18   Tribunal de La Haye. Donc, bon, ils sont venus depuis La Haye. Bon, je ne

 19   sais pas très bien comment m'exprimer, mais il y a beaucoup de choses qui

 20   se trouvent dans ce document qui ne font l'objet d'aucun litige ou

 21   contentieux.

 22   Q.  Très bien.

 23   R.  Merci.

 24   Q.  Nous allons voir un autre document.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est le document suivant -- ou plutôt, il

 26   s'agit du document 2232, le document suivant sur notre liste. Ce n'est pas

 27   le document, c'est certain. 2322; désolé.

 28   Q.  Il s'agit également d'une lettre que le ministre de la Défense a


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  1   envoyée au président Tudjman en 1998. Et l'on y parle des activités qui ont

  2   été prises pour protéger les intérêts de la République de Croatie devant le

  3   Tribunal.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Pourriez-vous m'indiquer où cela se trouve

  6   sur la liste de la Défense ?

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est le document numéro 2.

  8   Mme CLANTON : [interprétation] Sur la liste que je vois, il s'agit du

  9   document 1535 de la liste 65 ter. Je pense que c'est un document différent.

 10   Le greffier pourra me dire si je m'abuse.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Peut-être que je n'ai pas la liste mise à

 12   jour, mais cela doit être sur notre liste. Encore une fois, 2322.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Je ne vois pas ce document sur la liste de

 14   la Défense qui nous a été envoyée au début du contre-interrogatoire --

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'essaie tout simplement de trouver

 16   la liste de la Défense et je n'arrive pas à la trouver.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro]

 19   L'INTERPRÈTE : Le Président hors micro. Le Président hors micro.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pas sur la dernière liste, n'est-ce pas ?

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Désolé. Sur la dernière, sur l'avant-

 22   dernière ?

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Désolé. C'est une erreur de notre part.

 24   Très bien.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton.

 26   Mme CLANTON : [interprétation] C'est un document de 35 pages que nous

 27   n'avons vu sur une liste, et je souhaiterais avoir la possibilité de le

 28   consulter avant de laisser la Défense poser des questions car on aurait dû


Page 3085

  1   être avertis au début de sa déposition ce matin.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Après la pause, ça ira ?

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'aimerais dire, c'est une seule phrase que

  4   j'aimerais citer dans ce document, pas le document dans son intégralité.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Il serait plus approprié que nous puissions

  6   voir ce document et le contexte de la phrase. Puisque nous n'avons pas vu

  7   le document du tout.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que cela suffira après la

  9   pause ?

 10   Mme CLANTON : [interprétation] Oui, bien sûr.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez attendre de

 12   poser votre question jusqu'après la pause ?

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Mais, en fait, c'est la dernière question

 16   sur ce sujet dans mon contre-interrogatoire.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera la dernière question à poser

 18   dans votre contre-interrogatoire. Qui prendra combien de temps ? Quelques

 19   instants ?

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Cinq minutes.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 22   Que pouvons-nous escompter pour les questions supplémentaires ?

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Je ne crois pas que nous n'ayons grand-chose

 24   pour des questions supplémentaires. Mais j'aimerais avoir la possibilité de

 25   voir ce document --

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, pourquoi ne pas prendre une

 27   pause d'une demi-heure maintenant, et nous reviendrons pour la dernière

 28   question -- non, non. Je devrais tout d'abord -- est-ce que nous avons un


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  1   autre témoin ?

  2   M. STRINGER : [interprétation] Oui.

  3   On m'informe que le témoin suivant est là, qu'elle est prête, et si

  4   nous faisons une pause d'une demi-heure maintenant, nous pourrions revenir

  5   et donner quelques instants pour parachever le contre-interrogatoire et

  6   passer au témoin suivant.

  7   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro]

  9   L'INTERPRÈTE : Le Président hors micro.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Nous faisons une pause.

 11   Monsieur le Témoin, nous allons faire une pause légèrement plus tôt,

 12   anticipée. Donc, si vous voulez bien revenir à midi 10. L'huissier va vous

 13   accompagner. Merci.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 16   --- L'audience est suspendue à 11 heures 39.

 17   --- L'audience est reprise à 12 heures 11.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, pendant que nous

 19   attendons le témoin, le problème de traduction dont vous nous avez parlé

 20   dans votre note de récolement, nous ne l'avons pas encore dans le dossier,

 21   n'est-ce pas ? Je veux dire, la traduction correcte. Comment pouvons-nous

 22   faire ? En fait, en versant la note de récolement, mais je ne sais pas si

 23   la Défense en conviendrait.

 24   Mme CLANTON : [interprétation] M. Stringer va aborder la question.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 26   M. STRINGER : [interprétation] Ce que nous nous proposons de faire,

 27   Monsieur le Président, si la Défense en convient, en ce qui concerne la

 28   rectification qui doit être apportée, parce que nous avons indiqué


Page 3087

  1   spécifiquement de quoi il s'agit, la Défense pourrait écouter la bande

  2   sonore, si elle le souhaite.

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   M. STRINGER : [interprétation] Et si la Défense, encore une fois, en

  5   convient, peut-être que nous pourrions maintenant lire au dossier ce que

  6   les parties estiment, maintenant ou demain, quelles devraient être les

  7   rectifications en fin de compte. Parce qu'il s'agit d'un compte rendu

  8   officiel d'un autre procès, donc le compte rendu de l'autre affaire devrait

  9   être rectifié par le service de traduction. Donc, une fois que la

 10   rectification [comme interprété] est officielle, nous pourrons à ce moment-

 11   là peut-être permuter la version rectifiée et celle qui se trouve à l'heure

 12   actuelle dans le dossier. Entre-temps, avant que cela ne se passe, si les

 13   parties en conviennent quant au libellé dont il s'agit, que ceci -- donc,

 14   si vous voulez, qu'il y ait un marque-page.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je comprends que ce que vous avez

 16   dit, Monsieur Stringer, c'est qu'en fait, la question n'est pas encore

 17   complètement versée au dossier officiellement. Donc, il vous faut encore --

 18   ou la Défense doit disposer de quelque temps pour vérifier votre

 19   traduction.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Oui. La Défense n'a pas abordé la question.

 21   Nous pourrions leur remettre la bande sonore maintenant, mais je ne sais

 22   pas si la Défense a eu la possibilité d'écouter le segment sur la bande

 23   sonore ou d'écouter l'extrait en question.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pardon.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Nous pourrions vérifier la chose

 26   aujourd'hui, demain, et revenir sur la question.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 28   Maître Zivanovic, si vous voulez bien poursuivre.


Page 3088

  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'ai oublié de présenter Mme Léa

  2   Bataillard, qui est de notre équipe, qui s'est jointe à nous.

  3   Et j'aimerais également verser le document dont nous nous sommes servi avec

  4   le témoin. Donc, de notre liste, 2298.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé et reçoit une cote.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote D31.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur le Témoin, maintenant je vais vous montrer un autre document

  9   du ministère de la Défense, 2322, en date du 4 juin 1998.

 10   Il s'agit d'un rapport du ministère de la Défense adressé au

 11   président, M. Tudjman, comme vous allez le voir, sur les activités

 12   entreprises par le ministère afin de protéger les intérêts de la République

 13   de Croatie par rapport au Tribunal pour l'ex-Yougoslavie à La Haye.

 14   Nous allons nous pencher sur un segment de ce rapport. Au paragraphe

 15   5, page 14 en B/C/S, qui se trouve à la page 22 en version anglaise.

 16   Tout en haut de la page, vous avez le paragraphe 5 en version B/C/S,

 17   et on y lit que :

 18   "Le service a participé à la préparation des témoins de l'Accusation

 19   au cas où l'acte d'accusation serait confirmé dans l'affaire Mrksic et dans

 20   le procès contre Dokmanovic (Vilim Karlovic, D. Berghofer, Marin Vidic,

 21   alias Bili)."

 22   J'aimerais vous proposer la question dont je vous ai déjà posée.

 23   Avant le 4 juin 1998, est-ce que vous avez eu des contacts avec le

 24   ministère de la Défense et est-ce qu'il vous a préparé pour votre

 25   déposition dans ces deux affaires ?

 26   R.  Pour autant que je m'en souvienne, Monsieur Zivanovic, non,

 27   jamais. Je n'ai jamais rencontré M. Karlovic, ni Marin Vidic, Bili.

 28   Q.  Pourriez-vous répéter les derniers noms que vous avez mentionnés.


Page 3089

  1   Maintenant ils sont corrects.

  2   Voyez-vous, ce n'était pas ce que j'avais compris à partir de ce

  3   document, que vous vous trouviez tous au ministère de la Défense en même

  4   temps. Mais plutôt, ce qu'on y voit ici, c'est qu'ils ont pris part aux

  5   préparatifs des témoins de l'Accusation avec vos trois noms qui sont

  6   mentionnés, ce qui ne veut pas dire que vous trois, vous vous trouviez

  7   présents en même temps. On a pu travailler avec chacun d'enter vous, et ce,

  8   séparément.

  9   R.  Dois-je répondre ?

 10   Q.  Oui, je vous prie.

 11   R.  Merci. Vous voyez, même mon patronyme n'est pas bien épelé ici. Je

 12   présume quant à moi que certains d'entre eux citaient mon nom également. De

 13   ce que je me souviens, le ministère de la Défense ne sait même pas que je

 14   suis en vie. Pourquoi serais-je important pour Zagreb ? En quoi le serais-

 15   je ? Donc, je ne sais absolument pas de quoi il s'agit.

 16   Q.  Très bien. Dans ce cas, je vous remercie de vos réponses. Je n'ai pas

 17   d'autres questions à vous poser.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] A la première page de ce document, au

 19   paragraphe 5 -- 5, je répète, de ce même document. Non pas tout le

 20   document.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, très bien.

 23   Mme CLANTON : [interprétation] Je crois que le conseil de la Défense s'est

 24   servi de ce document et cela indique qu'il a posé une question et que cette

 25   ligne sur laquelle il a posé la question, et la question était -- on y a

 26   répondu. Je ne pense pas que c'est un fondement suffisant pour verser de

 27   document au dossier.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Zivanovic.


Page 3090

  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est un document de récusation. C'est tout

  2   à fait pertinent pour l'évaluation d'un témoin -- de sa déposition et ses

  3   éléments de preuve.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Le témoin a déclaré qu'il n'avait jamais vu

  5   ce document et qu'il n'en est pas averti. On lui a posé la question et il a

  6   répondu à la question.

  7   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, plutôt que de vous

 10   demander de verser un nouveau document, nous pensons que tout ce que vous

 11   souhaitez verser est d'ores et déjà versé, donc nous n'avons pas besoin du

 12   document d'ores et déjà. Donc, nous n'allons pas --

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Dans ce cas, je retire ma demande.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci. Et vous venez de

 15   terminer de votre contre-interrogatoire, Maître Zivanovic ?

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton, des questions

 18   supplémentaires ?

 19   Mme CLANTON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 20   Nouvel interrogatoire par Mme Clanton :

 21   Q.  [interprétation] Monsieur Berghofer, tout à l'heure le conseil de la

 22   Défense vous a posé des questions sur une audience à laquelle vous avez

 23   participé en 1996 qui s'est tenue à La Haye, et vous avez décrit pour les

 24   Juges de la Chambre que lorsque vous êtes arrivé pour cet événement, vous

 25   avez déposé, et c'était en public, il y avait des journalistes; est-ce bien

 26   exact ?

 27   R.  Vous voulez dire pour ce Tribunal ici ? En 1996 ?

 28   Q.  Oui. Ce Tribunal ici à La Haye.

 


Page 3091

  1   R.  En ce qui concerne Slavko Dokmanovic ?

  2   Q.  En mars 1996, quand vous êtes venu pour l'audience, et le conseil de la

  3   Défense vous a posé la question, vous avez dit qu'il y avait un

  4   fonctionnaire serbe de haut rang qui était présent dans le hangar à Ovcara.

  5   Vous souvenez-vous qu'il s'agissait donc d'une audience publique et qu'il y

  6   avait des journalistes ?

  7   R.  Oui, c'était bien public. La salle était une grande salle. Mais le

  8   conseil de la Défense m'a posé une question, mais je ne me souviens pas. Je

  9   me souviens uniquement que j'ai, de la part de la personne qui était

 10   chargée de la chose -- qu'il m'a fait savoir que devais procéder de la

 11   sorte. Comment se fait-il que l'on ait saisi M. Dokmanovic ?

 12   Q.  Et, Monsieur Berghofer, lorsque cette audience a pris fin, est-ce que

 13   les journalistes sont partis ?

 14   R.  Oui. Et les caméras ont été éteintes. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit.

 15   Q.  Monsieur Berghofer, vous souvenez-vous que ce jour-là - cela aurait été

 16   le 27 mars 1996 - que vous avez reçu des nouvelles de votre famille en

 17   Croatie ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Quelles étaient les nouvelles que vous avez reçues concernant votre

 20   famille en Croatie ?

 21   R.  Le père de mon épouse était mort.

 22   Q.  Avez-vous reçu ces informations alors que vous étiez ici à La Haye ?

 23   R.  Oui, ici. Le Président m'a dit : Désolé cette situation, et il m'a

 24   exprimé ses condoléances.

 25   Q.  Monsieur Berghofer, ce Juge qui présidait vous a exprimé ses

 26   condoléances, c'était quand vous êtes revenu à huis clos ?

 27   R.  Oui, je crois que c'est ainsi que ça s'est passé.

 28   Q.  Vous souvenez-vous que le Président de cette affaire vous a dit qu'en


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  1   raison de cette situation très difficile, que le Tribunal souhaiterait

  2   savoir de votre part immédiatement et que vous pourriez donc prendre un

  3   avion et retourner chez vous et retrouver votre famille en Croatie

  4   immédiatement ?

  5   R.  Si c'est bien cela, lorsque je suis revenu pour cette autre déclaration

  6   30 minutes plus tard, il n'y avait pas grand-chose de plus que je pouvais

  7   ajouter. J'en avais terminé en une minute ou deux.

  8   Q.  Monsieur Berghofer, quand vous êtes revenu pour cette conversation avec

  9   le Procureur et le Président dans les 30 minutes qui ont suivies, est-ce

 10   que ceci répondait à la question sur M. Dokmanovic, de donner, donc, son

 11   nom aux Juges de la Chambre ?

 12   R.  Oui. Mais, Messieurs les Juges, à l'époque je ne savais pas encore. Je

 13   crois que c'est juste à ce moment-là que j'ai appris que la personne est

 14   décédée. Donc, tout ceci s'est passé en l'espace d'une ou deux minutes.

 15   Q.  Monsieur Berghofer, lorsque vous êtes revenu au Tribunal en 1998, vous

 16   souvenez-vous d'avoir comparu dans l'affaire le Procureur contre Slavko

 17   Dokmanovic en février 1998 et d'avoir déposé dans cette affaire ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  Et à ce moment-là, avez-vous répondu à toutes les questions qui vous

 20   ont été posées de façon exacte et conforme à la vérité ?

 21   R.  Oui. Et je l'ai même vu.

 22   Q.  Vous l'avez vu dans le prétoire; c'est exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Monsieur Berghofer, je vais maintenant changer de sujet. Pendant le

 25   contre-interrogatoire, le conseil de la Défense vous a posé des questions

 26   sur des réunions ou des discussions ou le fait de partager les informations

 27   avec les services de Renseignements croates, notamment le ministère de la

 28   Défense. On vous a permis de regarder deux documents sur lesquels figure


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  1   votre nom.

  2   La question que je souhaite vous poser, c'est celle-ci : à chaque fois que

  3   vous avez déposé devant ce Tribunal, avez-vous déposé en vous fondant sur

  4   vos souvenirs, à savoir de façon exacte et conformément à la vérité ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Vous a-t-on jamais demandé, les autorités de Croatie, y compris le

  7   ministère de la Défense, vous ont-ils jamais demandé de vous fournir des

  8   renseignements sur ce que vous saviez à propos d'Ovcara de façon à ce qu'on

  9   puisse faire un lien avec votre déposition à La Haye ?

 10   R.  A Zagreb uniquement, devant un tribunal, il y avait un monsieur qui est

 11   venu de Belgrade et j'ai dû faire une déclaration semblable à celle que

 12   j'ai donnée ici. Et lorsque j'ai assisté à différentes audiences concernant

 13   des crimes de guerre précis, qui se sont déroulés à Vukovar, mais ceci

 14   n'avait rien à avoir avec Ovcara.

 15   Pour ce qui est d'Ovcara, je sais que personne ne m'a jamais posé des

 16   questions dessus parce qu'ils ne connaissent pas le chiffre exact des

 17   personnes qui étaient là.

 18   Q.  Je vais vous demander de marquer une pause à cet endroit. Ces

 19   poursuites judiciaires que vous avez citées à Zagreb et à Belgrade, il

 20   s'agit de procédures locales; il n'y a pas d'interaction entre cela et

 21   quelqu'un au Tribunal pénal international, les Procureurs ou les Juges,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 25   Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Monsieur Berghofer, ceci conclut votre déposition, celle que vous avez

 


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  1   faite devant le Tribunal en tant que témoin. Vous pouvez repartir. Nous

  2   vous remercions d'être venu à La Haye apporter votre concours au Tribunal.

  3   Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

  4   L'huissier va vous raccompagner. Merci.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

  6   [Le témoin se retire]

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous

  8   pouvez, s'il vous plait, nous accorder quelques instants, le temps de

  9   changer de place, s'il vous plait.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

 13   Est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Veuillez nous donner vos prénom, nom de famille, date de naissance et

 17   appartenance ethnique, s'il vous plait.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Samira Baranjek, 21 février 1966, à Vukovar,

 19   Musulmane.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous êtes sur le

 21   point de prononcer la déclaration solennelle en vertu de laquelle les

 22   témoins s'engagent à dire la vérité. Je souhaite vous signaler qu'en

 23   faisant cela, vous vous exposez à la sanction de parjure dans le cas où

 24   vous fourniriez des éléments d'information non véridiques au Tribunal.

 25   Je vais maintenant vous demander de prononcer la déclaration

 26   solennelle que vous remettra l'huissier.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 28   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 


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  1   LE TÉMOIN : SAMIRA BARANJEK [Assermentée]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Veuillez

  4   vous asseoir.

  5   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Rachel

  6   Friedman pour l'Accusation.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est votre témoin, je vous en prie,

  8   Madame Friedman.

  9   Interrogatoire principal par Mme Friedman : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Où viviez-vous en novembre 1991 ?

 13   R.  A Vukovar.

 14   Q.  Etiez-vous mariée à l'époque ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Comment s'appelait votre mari ?

 17   R.  Ivan Baranjek.

 18   Q.  Vous et votre mari, avez-vous eu des enfants ?

 19   R.  Oui, deux filles.

 20   Q.  Comment s'appellent-elles ?

 21   R.  Tamara et Ivana Fransiska.

 22   Q.  Quel âge avaient vos filles en novembre 1991 ?

 23   R.  Tamara avait sept ans et Ivana Fransiska avait six mois.

 24   Q.  Aviez-vous un travail ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Votre mari avait-il un travail ?

 27   R.  Oui. Mon mari travaillait à l'hôpital de Vukovar.

 28   Q.  Quel était son poste à cet endroit ?


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  1   R.  C'était un infirmier.

  2   Q.  Et outre le fait d'avoir travaillé comme infirmier, comment votre mari

  3   passait-il le reste de son temps ?

  4   R.  Eh bien, il peignait. C'était un poète. Il sculptait également. Il a

  5   publié deux livres.

  6   Q.  Et quelle était son appartenance ethnique ?

  7   R.  Croate. Catholique.

  8   Q.  Vous ou votre mari, connaissiez-vous Goran Hadzic avant la guerre ?

  9   R.  Je le connaissais de vue simplement, mais mon mari le connaissait un

 10   petit peu mieux.

 11   Q.  Et comment votre mari l'a-t-il rencontré ?

 12   R.  Eh bien, il est venu à l'hôpital, Hadzic, et mon mari travaillait dans

 13   le service TVC, et il demandait de l'aide à quelqu'un qui était proche de

 14   lui. Je ne sais pas qui c'était. C'était un patient de l'hôpital.

 15   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande à ce que le témoin se rapproche du

 16   microphone, s'il vous plaît.

 17   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

 18   Q.  Madame, avez-vous entendu ce commentaire ? Les interprètes souhaitent

 19   que vous vous rapprochiez un petit peu du microphone de façon à mieux vous

 20   entendre. 

 21   R.  Hm-hm.

 22   Q.  Après cette première rencontre entre votre mari et Goran Hadzic, tout

 23   d'abord, vous souvenez-vous environ à quel moment ceci s'est produit ?

 24   R.  Veuillez répéter cette question-là, s'il vous plaît.

 25   Q.  Oui. Lorsque votre mari et Goran Hadzic se sont rencontrés à l'hôpital

 26   de Vukovar, vous souvenez-vous de quelle année il s'agissait environ ?

 27   R.  1988 ou 1989, je n'en suis pas certaine.

 28   Q.  Après cette première réunion ou entrevue, sont-ils restés en contact ?


Page 3098

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Veuillez nous parler de la façon dont ils sont restés en contact.

  3   R.  Mon mari lisait de la poésie sur ce qui était alors Radio Vukovar.

  4   Goran Hadzic écrivait de la poésie aussi et il souhaitait que ses poèmes

  5   soient lus également.

  6   Q.  Et votre mari l'a-t-il aidé de quelque manière que ce soit à faire en

  7   sorte que ses poèmes soient lus ?

  8   R.  Oui. Cela s'est fait par l'intermédiaire du directeur de Radio Vukovar;

  9   mon mari était en bons termes avec lui. Donc, certains de ses poèmes ont

 10   été lus également.

 11   Q.  Et avez-vous jamais eu l'occasion de voir Goran Hadzic au moment où il

 12   était en contact avec votre mari ?

 13   R.  Eh bien, je l'ai vu à une ou deux reprises, car dans la maison où nous

 14   habitions, mon mari avait un studio, et M. Hadzic est venu de temps en

 15   temps dans son studio. C'est là qu'ils regardaient les tableaux, qu'ils

 16   lisaient des poèmes.

 17   Q.  Est-ce que vous pourriez dire que vous l'avez vu plusieurs fois ou

 18   quelques fois ?

 19   R.  Oui, trois ou quatre fois.

 20   Q.  Votre mari vous a-t-il dit quelque chose à propos de Hadzic, d'où il

 21   était originaire ou quel métier il exerçait ?

 22   R.  Oui. Il m'a dit qu'il travaillait quelque part dans un entrepôt à

 23   Pacetin.

 24   Q.  L'escalade du conflit vous a-t-elle contrainte à un quelconque moment à

 25   quitter votre maison ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Quand cela est-il arrivé ?

 28   R.  En octobre de l'année 1991, lorsque Vukovar a été bombardée.


Page 3099

  1   Q.  Où êtes-vous allée ?

  2   R.  A ce moment-là, je me suis rendue à l'hôpital de Vukovar, accompagnée

  3   de mon mari et de mes enfants. En réalité, mon mari travaillait à

  4   l'hôpital, et moi je me suis rendue dans l'abri qui se trouvait là.

  5   Q.  Combien de temps avez-vous passé à l'hôpital ?

  6   R.  Quinze jours environ. Quinze jours dans l'abri de l'hôpital.

  7   Q.  Et où êtes-vous allée après cela ?

  8   R.  Ensuite, mon mari avait la charge des blessés. Ils les ont emmenés à

  9   Komerc, Borovo. Je m'y suis rendue avec mes enfants parce qu'il y avait

 10   également un abri à cet endroit-là.

 11   Q.  Et que faisiez-vous lorsque vous étiez dans l'abri ?

 12   R.  Eh bien, je m'occupais de mes enfants. Je rendais visite aux blessés,

 13   et autant que faire se peut, j'essayais d'aider. Et mon mari exerçait son

 14   métier.

 15   Q.  Combien de personnes s'étaient réfugiés dans cet abri ?

 16   R.  A Borovo Komerc, il y avait beaucoup de gens. Je ne pourrais pas vous

 17   donner de chiffres exacts, mais ils étaient très nombreux.

 18   Q.  Et outre Borovo Komerc, y avait-il d'autres endroits à proximité où les

 19   gens se mettaient à l'abri ?

 20   R.  Oui, dans l'usine elle-même. C'est là que des gens se sont également

 21   mis à l'abri.

 22   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je vais maintenant demander à M. Laugel de

 23   nous permettre de visionner le numéro 65 ter 4789.2. Cela se trouve à

 24   l'intercalaire numéro 4, au compteur 23:18 à 25:55. Je vais demander à M.

 25   Laugel de bien vouloir visionner ces images à 25:20 et de faire une pause à

 26   25:55 [comme interprété].

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]


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  1   "Pendant la nuit, l'armée avait fermé la partie nord de Vukovar où se

  2   trouvait l'hôpital, ce qui a retardé l'évacuation. Le convoi de la Croix-

  3   Rouge a dû rebrousser chemin, et cela n'a pas plu au délégué.

  4   On s'était habitués à une meilleure collaboration de la part de la JNA

  5   avant-hier, mieux que ce que j'ai aujourd'hui.

  6   Il a trouvé que le commandant de l'armée n'était pas sympathique.

  7   Vous n'êtes pas le bienvenu si vous ne… et ces soldats ont été tués

  8   cette nuit également. C'est la guerre ici.

  9   La guerre qui avait détruit la ville et qui avait complètement démoli

 10   l'hôpital, et pour ce qui est de l'opération d'aujourd'hui, c'était l'armée

 11   qui en était responsable. Le commandant a fait déplacer 300 civils,

 12   essentiellement des Croates, qui avaient trouvé refuge sur les terrains de

 13   l'hôpital. Ils ont été les premiers à partir. Mais, la première partie de

 14   cette opération consistait à transférer 420 patients de l'hôpital, la

 15   plupart sur des brancards, qui avaient trouvé refuge dans le sous-sol qui

 16   faisait l'objet de tirs et qui était assiégé depuis deux mois. Egalement,

 17   il y a dix mères et leurs bébés qui venaient de naître et qui sont nés dans

 18   des conditions absolument épouvantables. L'évacuation a été entravée par le

 19   fait qu'il y avait des soupçons non seulement entre les Serbes et les

 20   Croates, mais entre l'armée fédérale et la Croix-Rouge internationale. Et

 21   la Croix-Rouge a protesté à nouveau.

 22   Comme vous avez dû remarquer, le comité international de la Croix-

 23   Rouge n'est absolument pas en mesure de remplir la tâche qui lui a été

 24   confiée par les parties.

 25   Le commandant a rejeté la protestation d'emblée : La Croix-Rouge

 26   internationale, a-t-il dit, tournait autour de la ville en essayant de

 27   contrôler les unités de l'armée yougoslave.

 28   Il y a eu un autre problème pour le personnel de l'hôpital, les


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  1   véritables héros et héroïnes de Vukovar, lorsque leurs patients ont dû

  2   attendre pendant des heures avant de connaître la destination où on les

  3   emmenait. La route principale en direction de la Croatie était bloquée par

  4   des combats intenses. En lieu et place de cela, le convoi s'est dirigé vers

  5   l'est en direction d'un hôpital en Serbie, où les blessés ont passé la

  6   nuit."

  7   Mme FRIEDMAN : [aucune interprétation]

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Et dans une usine près de Vukovar où les Croates ont été retenus

 11   jusqu'au dernier moment, l'armée a encerclé l'hôpital et a rassemblé des

 12   milliers de civils et 500 anciens soldats. Il y a eu une migration massive

 13   et forcée de personnes en ce moment. Encore une fois, chaque partie…"

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Nous allons maintenant demander à M. Laugel

 16   de nous montrer un arrêt sur image au compteur 25:20, et si nous pourrions

 17   avoir le commentaire du témoin là-dessus. A 25:36, pardonnez-moi.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 20   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Veuillez m'excuser pour cette difficulté

 21   technique.

 22   Q.  Madame Baranjek, à l'endroit que nous avons vu dans la deuxième partie

 23   de la vidéo, reconnaissez-vous l'endroit et avez-vous reconnu certaines

 24   personnes sur ces images ?

 25   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je crois que c'était au compteur 24:25.

 26   R.  Oui, Mme Katica, qui était avec nous à Komerc, et ensuite elle s'est

 27   rendue à l'usine de Borovo.

 28   Q.  Donc, l'endroit que nous avons vu, le bâtiment que nous avons vu, est-


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  1   ce que vous l'avez reconnu ?

  2   R.  Oui. Ça, c'est Borovo Naselje, oui.

  3   Q.  Et savez-vous à quel moment les gens ont commencé à sortir de l'abri

  4   que nous avons pu voir sur ces images ?

  5   R.  Le 19 novembre 1991. C'était aux heures du matin, jusqu'à midi. Depuis

  6   l'usine de Borovo.

  7   Q.  Et savez-vous où on les a emmenés ensuite ?

  8   R.  Je ne sais rien à leur sujet. Je ne sais pas où les autocars sont

  9   allés. Je sais, d'après ce que savait cette personne, je sais qu'ils sont

 10   allés à Vukovar, à Velepromet, mais je ne l'ai pas vu moi-même.

 11   Q.  Vous avez parlé d'une femme. De qui voulez-vous parler ?

 12   R.  Mme Katica, celle que j'ai évoqué il y a quelques instants, celle qui

 13   porte un manteau rouge que l'on voit sur ces images.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   Mme FRIEDMAN : [interprétation] L'Accusation demande le versement au

 16   dossier du numéro 65 ter 4789.2, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera versé au dossier et recevra

 18   une cote.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci recevra la cote P1078.

 20   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

 21   Q.  Madame Baranjek, vous qui étiez dans l'abri de Borovo Komerc, est-ce

 22   que vous vous êtes également rendus ?

 23   R.  Oui. Mais nous n'avons quitté Komerc que dans l'après-midi, vers 16

 24   heures 30.

 25   Q.  Et pourquoi êtes-vous sortis de Kormerc ?

 26   R.  Vers 16 heures 30. Ça n'est pas 14 heures 30; 16 heures 30. Komerc

 27   avait été bombardée. Ils lançaient des bombes lacrymogènes, c'était en

 28   flammes, et nous avons dû sortir. Et avant cela, l'armée nous avait lancé


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  1   des appels pour que nous sortions. Et ceci avait commencé dès les premières

  2   heures du matin. Ils utilisaient des haut-parleurs.

  3   Q.  Et lorsque vous êtes sortie, quelles forces armées avez-vous pu

  4   distinguer ou reconnaître à ce moment-là ?

  5   R.  Oui. C'était l'armée régulière, la JNA, essentiellement des jeunes

  6   soldats. Et derrière la clôture de Komerc, un peu plus bas, il y avait des

  7   forces paramilitaires en habit civil, en uniforme, en uniforme de

  8   camouflage, armées.

  9   Q.  Et qu'ont-ils fait au moment où vous êtes sortis ?

 10   R.  Vous voulez parler de l'armée ou… ?

 11   Q.  Oui, l'armée.

 12   R.  Rien. Les gens de l'armée nous ont dit de nous tenir dans une colonne.

 13   Les femmes et les enfants sont sortis en premier, et ensuite ils ont fait

 14   sortir les blessés. Donc, nous étions tous debout dans une colonne.

 15   Et la JNA ne nous a rien fait de mal.

 16   Q.  Et vous êtes restée dans cette colonne pendant combien de temps ?

 17   R.  Eh bien, pendant une heure, voire plus longtemps. Jusqu'au moment de

 18   l'arrivée des autocars.

 19   Q.  Vous a-t-on emmenée quelque part depuis cet endroit en autocar ?

 20   R.  Non. De là, nous avons dû partir à pied car les forces paramilitaires

 21   qui se trouvaient là, ces hommes armés, devant ne permettaient pas de

 22   passer, donc nous avons dû marcher le long de la route 3 kilomètres, voire

 23   peut-être même davantage, jusqu'à Trpinska Cesta, en colonne.

 24   Q.  A Trpinska Cesta, est-ce vous êtes montés à bord des autocars ?

 25   R.  Oui. C'est à cet endroit que nous sommes montés à bord des autocars.

 26   Q.  Combien d'autocars y avait-il ?

 27   R.  Eh bien, il y en avait un certain nombre, des colonnes d'autocars, de

 28   camions. Je suis montée à bord du troisième autocar, si vous regardez


Page 3104

  1   depuis le début.

  2   Q.  Et où cet autocar vous a-t-il emmenés ?

  3   R.  Ils nous ont conduits le long de Trpinska Cesta. A ce stade, nous avons

  4   traversé le village de Vare, nous avons traversé des champs et nous sommes

  5   arrivés à Borovo Selo.

  6   Q.  Et y avait-il d'autres véhicules qui escortaient les autocars ?

  7   R.  Oui. A l'avant de la colonne, il y avait un véhicule militaire qui

  8   s'appelait un Pinzgauer.

  9   Q.  Où est-ce que les autocars ont fini par arriver ?

 10   R.  Ils sont arrivés devant l'école élémentaire de Borovo Selo.

 11   Q.  Avez-vous pu observer quoi que ce soit dans la zone autour de l'école ?

 12   R.  Oui. En face de l'école, maintenant il y a un terrain de sport -- ou

 13   plutôt, lorsque nous sommes arrivés là-bas, il y avait un bulldozer qui se

 14   trouvait là-bas. Bon, je ne sais pas, il devait travailler, faire quelque

 15   chose. Je n'en sais rien.

 16   Q.  Et est-ce que vous vous trouviez dans l'autocar avec votre famille ?

 17   R.  Oui. Il s'agissait de moi-même, de mon époux et de nos enfants.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui s'est passé lorsque vous

 19   êtes descendus de l'autocar ?

 20   R.  Ecoutez, lorsque nous sommes sortis de l'autocar, un policier de

 21   l'époque, qui connaissait mon mari d'ailleurs, a commencé à le rouer de

 22   coups. Il m'a donné l'ordre d'aller dans l'école.

 23   Q.  Lorsque vous êtes arrivés à l'école élémentaire, est-ce que cela s'est

 24   passé pendant la soirée du 19 novembre ?

 25   R.  Oui. La nuit était déjà tombée lorsque nous sommes arrivés.

 26   Q.  Et avant que nous n'abordions d'autres détails, est-ce que vous

 27   pourriez nous dire combien de temps vous avez passé dans 

 28   l'école ? Quand avez-vous fini par quitter l'école ?


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  1   R.  J'y ai passé toute la nuit. Ce n'est que le lendemain soir que je suis

  2   partie de l'école.

  3   Q.  Lorsque vous êtes arrivée dans cette école, est-ce que quoi que ce soit

  4   vous a été confisqué ?

  5   R.  Oui. Devant l'école, il y avait des hommes, des femmes; il s'agissait

  6   de la population locale. Ils nous crachaient dessus. Ils nous ont enlevé

  7   nos sacs. Bon, ils cherchaient apparemment des armes. Ils ont pris les

  8   bijoux que nous portions. Ils les ont pris. Et puis, ils nous ont pris

  9   également d'autres objets précieux.

 10   Q.  Lorsque vous êtes entrée dans le bâtiment, est-ce que vous avez pu vous

 11   déplacer librement ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Quelles étaient les forces qui se trouvaient dans le bâtiment ? Quelles

 14   étaient les personnes qui contrôlaient ce que vous faisiez ?

 15   R.  Il y avait un certain nombre de personnes locales qui vivaient dans le

 16   village, et puis il y avait des gens venus d'ailleurs, des gens que je ne

 17   connaissais pas, mais ils portaient tous un uniforme. Il y avait des

 18   couvre-chefs avec des cocardes. Mais bon, il y avait différents uniformes.

 19   Ils avaient des armes…

 20   Q.  Et est-ce que vous avez vu M. Hadzic dans l'école élémentaire ?

 21   R.  Oui, oui. Il est venu par la suite, lorsque j'étais encore debout dans

 22   le couloir, que j'attendais d'être inscrite.

 23   Q.  Et où l'avez-vous exactement observé ? Vous, vous vous trouviez dans le

 24   couloir. Mais où se trouvait-il, lui ?

 25   R.  Il est passé par le couloir et puis il est entré dans la salle de

 26   gymnastique de cette école.

 27   Q.  Et est-ce que vous l'avez vu ou entendu faire quelque chose dans la

 28   salle de gymnastique ?


Page 3106

  1   R.  Oui. Lorsqu'il est entré, il est entré accompagné de plusieurs de ses

  2   hommes. Il vociférait. Il leur a donné l'ordre de faire quelque chose. Il a

  3   demandé où se trouvaient différentes personnes. Puis il est entré dans la

  4   salle de gymnastique. Il y a certaines personnes qui se présentaient. En

  5   fait, ils étaient en train d'être interrogés.

  6   Q.  Mais est-ce que vous l'avez entendu dire quelque chose de précis dont

  7   vous vous souviendriez ?

  8   R.  Oui, oui. Lorsqu'il est entré dans la salle de gymnastique, il a dit

  9   que tout le monde allait être interrogé et que toute personne non coupable

 10   aurait le droit de rentrer chez elle.

 11   Q.  Et est-ce que lui-même a interrogé des gens ?

 12   R.  Mais écoutez, moi, je ne sais pas s'il a interrogé quelqu'un, parce que

 13   je ne l'ai pas entendu, mais le fait est qu'il était dans la salle de

 14   gymnastique et il recherchait des gens. Il a posé des questions. Il y avait

 15   deux personnes qui portaient une blouse blanche, et il a dit : Est-ce que

 16   Baranjek est là également ?

 17   Voilà. Voilà ce que moi j'ai entendu, moi-même.

 18   Q.  Est-ce que vous avez entendu une réponse à la question qu'il a posée, à

 19   savoir est-ce que Baranjek est là ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  A ce moment-là, est-ce que vous avez pu voir où se trouvait votre mari

 22   ou entendre où se trouvait votre mari ?

 23   R.  Oui, oui. J'ai entendu qu'il se trouvait dans la salle de gymnastique.

 24   Et puis, j'ai entendu sa voix également lorsqu'il s'est présenté, lorsqu'il

 25   a dit son nom, mais je ne pouvais pas le voir parce que moi j'étais sur le

 26   côté.

 27   Q.  Et avez-vous entendu Goran Hadzic dire quoi que ce soit aux hommes qui

 28   vous avaient emmenée jusqu'à l'école ?


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Objection. Voilà une question fort

  2   directrice.

  3   Il n'a pas été établi qu'il ait dit quoi que ce soit.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Friedman.

  5   Mme FRIEDMAN : [interprétation] J'ai posé la question. Elle a indiqué que

  6   ce qu'il avait dit aux personnes qui se trouvaient dans la salle de

  7   gymnastique, et moi j'ai tout simplement demandé s'il avait dit quoi que ce

  8   soit aux personnes qui les avaient emmenés à la salle de gym.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, mais il y a une suggestion qui se glisse

 10   dans la question, à savoir à propos de ce que Goran Hadzic a dit, ou s'il

 11   aurait dit quoi que ce soit à cette personne. Et là, il y a une suggestion

 12   qui est présentée.

 13   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je peux tout à fait reformuler la question.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

 15   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

 16   Q.  Alors, est-ce que Goran Hadzic a dit quelque chose, si tant est qu'il

 17   ait dit quoi que ce soit, aux personnes qui vous ont emmenée à l'école ?

 18   R.  La police - que l'on appelait à l'époque la milice, "milicija" - est

 19   entrée sur ces lieux. A un moment donné, M. Hadzic leur a dit en criant de

 20   ressortir et de ne pas s'immiscer dans ce qu'il faisait, dans son travail.

 21   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous avez été emmenée quelque part d'autre

 22   dans le bâtiment ?

 23   R.  Oui. Une femme est arrivée, et étant donné que moi j'étais sur le côté

 24   avec mes enfants, nous étions debout, elle nous a emmenés dans une pièce de

 25   taille plus petite. Les concierges, en fait, avaient une petite pièce,

 26   c'est là qu'ils sonnaient la cloche de l'école. Donc, il y avait une table,

 27   il y avait deux ou trois chaises, et il y avait également des émetteurs

 28   radio sur les pupitres de l'école.


Page 3108

  1   Q.  Et qu'est-il advenu dans cette pièce ?

  2   R.  La femme en question a pris note de mon nom, des noms de mes enfants,

  3   de mon appartenance ethnique. Elle a écrit toutes ces coordonnées.

  4   Q.  Est-ce que quelqu'un d'autre est entré dans cette pièce ?

  5   R.  M. Hadzic est entré dans la pièce plus tard. Il est arrivé, est entré

  6   rapidement, avec une certaine arrogance. Il m'a demandé : Où est ton mari ?

  7   Donc, il a pris l'émetteur radio - comment est-ce qu'on appelle cela ? - il

  8   l'a pris pour parler.

  9   Q.  Et est-ce qu'il a parlé dans l'émetteur radio ?

 10   R.  Oui. Oui, oui, d'ailleurs il criait, il riait. Il criait, il était

 11   euphorique : "Belgrade, envoyez des personnes, envoyez des réservistes. Et

 12   demain, moi je peux aller à Osijek."

 13   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je vais demander à M. Laugel de nous monter

 14   un extrait vidéo, le numéro étant 4896.1 de la liste 65 ter. Alors, l'heure

 15   est 23:29 à 24:03. Cela se trouve à l'onglet 13.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Objection, parce qu'il y a un nom qui a été

 17   mentionné par le témoin qui n'a pas été consigné au compte rendu

 18   d'audience. Un nom, en fait, qui a été donné lorsqu'il s'agissait de ce

 19   qu'il avait dit dans l'émetteur radio.

 20   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Q.  Avant que nous vous montrions l'extrait, Madame Baranjek, est-ce que

 22   vous avez entendu -- donc, je vous avais posé la question, je vous avais

 23   demandé si vous aviez entendu ce que M. Hadzic disait dans la radio, et

 24   vous avez mentionné le nom d'une personne à qui il parlait. Est-ce que vous

 25   pourriez répéter ce nom, je vous prie.

 26   R.  Mladjo.

 27   Q.  Merci.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Oui, ça s'est passé il y a quatre jours alors que nous libérions Borovo

  3   Naselje, mes unités."

  4   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

  5   Q.  Madame Baranjek, est-ce que vous reconnaissez la personne que nous

  6   voyons sur la vidéo ?

  7   R.  Oui, M. Arkan.

  8   Q.  Il mentionne le lieu de Borovo Naselje. Où se trouve cet endroit ?

  9   R.  Je n'en sais rien. On peut voir un peu le bâtiment. Il y a un bâtiment

 10   résidentiel derrière. Mais où cela se trouve exactement, je n'en sais rien.

 11   Q.  Merci. Donc, il parle de la libération de Borovo Naselje, et je voulais

 12   savoir si les bâtiments que vous avez mentionnés aujourd'hui se trouvent

 13   dans les environs de Borovo Naselje ?

 14   R.  Oui, oui. Oui, c'est Borovo Naselje. La colonne qui se trouvait devant

 15   l'usine, tout cela c'est Borovo Naselje.

 16   Q.  Est-ce que nous pourrions voir le reste de la vidéo.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "Le journaliste : Est-ce que c'est une blessure grave ?

 20   Arkan : Non, non, non, c'est une blessure légère. Je suis reparti

 21   immédiatement sur la ligne de front, donc je n'ai quasiment pas été absent

 22   de la ligne de front.

 23   Le journaliste : Mais il y a un trou dans le fusil également.

 24   Arkan : Oui, oui, c'est un trou. Oui, oui, voilà, c'est un petit trou.

 25   C'est un trou. C'est un fusil à lunette de petit calibre. Bon, bien, c'est

 26   fini, c'est oublié.

 27   Le journaliste : Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?

 28   Arkan : Eh bien, nous poursuivons. Nous allons jusqu'à Osijek."


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  1   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  2   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Et je souhaiterais demander le versement au

  3   dossier du document de la liste 65 ter 4896.1.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1079.

  6   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

  7   Q.  Madame Baranjek, nous allons revenir à la présence de Goran Hadzic dans

  8   la pièce où il y avait ces émetteurs radio. Est-ce que vous l'avez entendu

  9   dire quoi que ce soit lorsqu'il se trouvait là-bas ?

 10   R.  Oui, oui. Il a demandé à la femme qui avait pris note de mes

 11   coordonnées, qui procédait à mon inscription en quelque sorte, il lui a

 12   demandé combien de docteurs se trouvaient dans l'école.

 13   Q.  Et est-ce qu'elle a répondu à cette question ?

 14   R.  Oui. Elle a dit qu'il y avait le Dr Remedi et le Dr Matic-Kutuzovic qui

 15   devaient être transportés à Novi Sad.

 16   Q.  Et est-ce que la conversation s'est poursuivie entre eux ?

 17   R.  Non. Une fois de plus, il a appelé par la radio et il a 

 18   dit : "Braco, envoie des voitures. Il n'y a pas de voitures dans le

 19   village."

 20   Q.  Et que s'est-il passé par la suite, après ceci ? Est-ce que vous êtes

 21   restée dans la pièce en question ?

 22   R.  Non. La femme m'a fait sortir avec mes enfants. Nous avons emprunté le

 23   couloir, puis ensuite nous sommes entrés dans une salle de classe où il y

 24   avait déjà des femmes et des enfants. Nous étions une vingtaine.

 25   Q.  Et est-ce que quelqu'un montait la garde de cette pièce ?

 26   R.  Oui. Oui, oui, il y avait un garde devant la salle de classe. Nous,

 27   nous étions à l'intérieur de la salle de classe, et il fermait la porte à

 28   clé.


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  1   Q.  Cette nuit-là, est-ce qu'il y a des gens qui sont sortis de la pièce ou

  2   qui sont entrés de cette pièce-là, de cette salle de classe ?

  3   R.  Est-ce que vous pourriez répéter votre question.

  4   Q.  Cette nuit-là, est-ce qu'il y a des gens qui sont sortis ou entrés dans

  5   la salle de classe ?

  6   R.  Oui. Cette femme, la même femme, elle est entrée dans la salle de

  7   classe et elle a amené du lait pour les enfants. Et M. Hadzic aussi, lui

  8   est entré dans la salle de classe.

  9   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire ce qu'il a fait ou dit alors

 10   qu'il se trouvait dans cette pièce ?

 11   R.  Il a demandé qui est l'épouse de Baranjek. J'ai répondu. Il m'a

 12   regardée puis il est sorti. Non, en fait, avant il m'a demandé, il m'a dit

 13   : "Où est ton mari ?" Et je lui ai dit : "Vous l'avez vu dans la salle de

 14   gymnastique."

 15   Q.  Et est-ce qu'il y a des femmes que l'on a fait sortir de la salle de

 16   classe ?

 17   R.  Oui, oui. Il y a un certain nombre de femmes que l'on a fait sortir et

 18   qui ont été interrogées dans une autre salle de classe.

 19   Q.  Et lorsqu'elles sont revenues dans la pièce où vous vous trouviez, quel

 20   était leur aspect ?

 21   R.  Elles avaient été rouées de coups.

 22    Q.  Et comment est-ce qu'ils appelaient les femmes ? Ils les montraient du

 23   doigt ? Ils les appelaient en disant leurs noms ?

 24   R.  Non, ils disaient leurs noms. Ils les appelaient par leurs noms parce

 25   qu'ils avaient une liste.

 26   Q.  Est-ce que vous avez pu voir la liste ?

 27   R.  Oui, j'ai vu la liste. Je l'ai vue alors que je me trouvais près de la

 28   porte et que je parlais au garde. Mon prénom et mon de famille avaient été


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  1   biffés avec un marker rouge. Et ils ne m'ont pas fait sortir pour

  2   m'interroger.

  3   Q.  Est-ce que vous avez vu Goran Hadzic à un autre moment alors que vous

  4   vous trouviez à l'école élémentaire ?

  5   R.  Oui, oui, je l'ai vu deux ou trois fois encore alors qu'il passait dans

  6   le couloir et qu'il entrait dans la salle où les personnes étaient

  7   interrogées. Moi, j'ai demandé à pouvoir sortir, et le garde qui montait la

  8   garde auprès de notre salle de classe m'a laissé sortir ainsi qu'une autre

  9   femme pour que nous puissions fumer devant la porte, et c'est là que j'ai

 10   vu Goran Hadzic passer. Je l'ai entendu vociférer, hurler, il a dit à ses

 11   hommes de faire leur travail. Je ne sais pas quoi d'autre il disait.

 12   Mais quoi qu'il en soit, il leur criait dessus.

 13   Q.  Et qu'est-ce qui vous a fait conclure qu'il s'agissait en fait de ses

 14   hommes ?

 15   R.  Parce que tout le monde lui obéissait.

 16   Q.  Alors, outre ce que vous avez vu, est-ce que vous avez entendu d'autre

 17   chose de la part des femmes qui se trouvaient avec vous, et par là

 18   j'entends à propos des actions de Hadzic, de ses agissements ou de ce qu'il

 19   a dit cette nuit-là ?

 20   R.  Oui. Il y avait une grand-mère, une femme âgée, qui était assise dans

 21   le couloir. Et elle a dit -- d'ailleurs, nous avons toutes entendu des

 22   gémissements qui venaient de la pièce en question. Mais cette grand-mère a

 23   été témoin visuel de tout ce qui s'est passé dans la salle. Nous n'avons

 24   pas passé tellement de temps dans le couloir.

 25   Q.  Que vous a-t-elle dit ?

 26   R.  Elle m'a parlé de mon mari. Lors de son interrogatoire dans cette

 27   salle.

 28   Je l'ai vu passer, car j'étais encore dans le couloir à ce moment-là.


Page 3114

  1   Il est entré dans cette salle de classe. Après cela, la grand-mère a dit

  2   qu'il a dû être porté pour sortir de cette pièce, entouré d'une couverture

  3   ensanglantée.

  4   Q.  Vous avez déclaré que vous avez quitté l'école le lendemain du

  5   jour où vous étiez arrivés, le 20 novembre. Où vous êtes-vous rendus?

  6   R.  On nous a demandé si quelqu'un avait des proches en Serbie, en

  7   Vojvodina, et j'ai dit que j'avais la famille de ma mère en Vojvodina, à

  8   Odzaci. Plusieurs femmes, dont moi-même, ont déclaré que nous nous y

  9   rendrions. On nous a dit d'attendre. C'est le jeune homme qui était le

 10   gardien de notre salle qui nous l'a dit.

 11   Q.  Lorsque vous avez quitté l'école, avez-vous effectivement été emmenés à

 12   Odzaci en Vojvodine ?

 13   R.  Oui. Nous y avons été emmenés. Je suis descendue de l'autocar, mais je

 14   ne suis pas allée là où j'étais censée aller. C'était un centre de

 15   regroupement. Avec mes enfants et une amie, une de mes amis, nous sommes

 16   allés plus loin en prenant la route, nous sommes entrés dans une

 17   boulangerie, nous nous sommes assis pendant quelque temps, et nous avons

 18   continué notre chemin toutes seules.

 19   Q.  Qui était chargé des autocars qui vous ont emmenés en ce lieu ?

 20   R.  Un homme qui était en uniforme de camouflage nous a amenés et nous a

 21   accompagnés jusqu'à l'autocar. Il a déclaré au chauffeur -- et d'ailleurs,

 22   ils avaient mis un document de la Croix-Rouge sur l'autocar. Il était armé.

 23   Je ne le connaissais pas. Il est monté dans l'autocar avec nous et il a

 24   fait le voyage avec nous.

 25   Q.  Parmi les personnes qui étaient avec vous, y avait-il des hommes ?

 26   R.  Pourriez-vous répéter la question. Je n'ai pas compris.

 27   Q.  Vous avez pris l'autocar avec d'autres femmes qui se trouvaient dans la

 28   salle de classe. Y avait-il également des hommes dans l'autocar ?


Page 3115

  1   R.  Non. Il y avait uniquement le chauffeur et l'homme armé qui portait un

  2   uniforme de camouflage.

  3   Q.  Vous avez dit tout à l'heure, après que vous soyez descendus de

  4   l'autocar, vous avez continué le voyage, seuls. Jusqu'à où êtes-vous allés

  5   ?

  6   R.  Il faisait sombre. Mes amies et moi, nous sommes descendues de

  7   l'autocar avec les enfants. Nous avons pris la route, nous avons trouvé la

  8   pâtisserie et nous y sommes entrés. L'homme nous a demandé d'où nous

  9   venions. Nous lui avons dit. Il nous a donné une tasse de café. Il a donné

 10   du lait aux enfants. Nous attendions un autobus. Mais il était tard. Il n'y

 11   avait plus d'autobus. Donc, en fin de compte, un homme nous a emmenés --

 12   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le nom du lieu soit répété.

 13   Mme FRIEDMAN : [interprétation]

 14   Q.  Quel était l'endroit où vous vous rendiez ?

 15   R.  Odzak, en Vojvodine.

 16   Q.  Y a-t-il eu un moment où vous êtes revenue à Vukovar ?

 17   R.  Non. Uniquement après la guerre.

 18   Q.  Vous souvenez-vous de l'année ?

 19   R.  1998.

 20   Q.  Avez-vous jamais revu votre mari après avoir quitté l'école à Borovo

 21   Selo ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Avez-vous jamais rempli un formulaire de personne portée disparue

 24   auprès de la Croix-Rouge internationale concernant votre époux ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Voudriez-vous que nous nous arrêtions pendant quelques instants ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Bien.


Page 3116

  1   Je demanderais à l'huissier d'afficher le document 3390 de la liste

  2   65 ter, qui est à l'onglet 2.

  3   Madame Baranjek, puis-je vous demander de regarder l'écran. Et si vous

  4   voulez vous arrêter pendant quelques instants, dites-le-nous. Nous en avons

  5   presque terminé.

  6   Reconnaissez-vous ce formulaire que vous avez rempli ?

  7   R.  Oui. Désolée, je ne vois pas bien car je n'ai pas mes lunettes, mais

  8   c'est bien le formulaire.

  9   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Pourrions-nous voir la page 3. Et si on

 10   pouvait faire un gros plan au bas de la page.

 11   Q.  On y voit que les dernières informations c'est que votre époux a été

 12   tué par un homme dont le nom serait Braka Zivkovic [comme interprété]. Et

 13   j'aimerais vous demander si c'est une information exacte, pour autant que

 14   vous le sachiez ?

 15   R.  Non. C'était la déclaration que j'ai déposée après que je sois arrivée

 16   à Zagreb. Mais ce n'était pas cet homme-là.

 17   Q.  Qu'est-ce qui vous a fait apposer ce nom-là, le nom de cet homme-là, à

 18   l'époque ?

 19   R.  Il ressemblait à l'agent de police qui le rouait de coups. Et mon amie

 20   m'a dit à l'époque que c'était là son nom. Toutefois, par la suite, j'ai

 21   appris que ce n'était pas la même personne.

 22   Q.  Et connaissez-vous le nom de la personne qui l'a roué de coups ?

 23   R.  Non, et je ne le sais pas encore aujourd'hui.

 24   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Nous aimerions verser le document 3390 au

 25   dossier.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il sera versé et recevra une cote.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1080. Merci.

 28   Mme FRIEDMAN : [interprétation]


Page 3117

  1   Q.  Avez-vous par la suite entendu quoi que ce soit, d'autres informations

  2   sur ce qu'il était advenu de votre mari ?

  3   R.  Non, je n'ai pas d'informations. Il y a eu nombre de rumeurs,

  4   d'histoires, nombre de choses qui se seraient passées, mais je n'ai rien

  5   appris et je n'ai rien découvert, quoi que ce soit, jusqu'aujourd'hui. Et

  6   pas un seul ossement n'a été retrouvé.

  7   Q.  Pourriez-vous décrire l'incidence de sa disparition sur vous et vos

  8   filles.

  9   R.  C'est très dur. Ivana Fransiska était très petite. Elle ne se souvient

 10   de rien. Tamara se souvient de quelques détails, par exemple, avoir vu des

 11   morts sur le chemin alors que nous passions, la façon dont son père a été

 12   roué de coups et d'autres détails.

 13   Quant à moi, je me souviens de davantage que cela.

 14   Q.  Merci de votre déposition.

 15   Mme FRIEDMAN : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Baranjek, j'aimerais vous

 18   poser une question de suivi.

 19   Vous nous avez dit que M. Hadzic, à trois reprises - dans la salle de

 20   classe, dans le gymnase, dans la salle où se trouvaient des émetteurs radio

 21   - a demandé où se trouvait votre mari.

 22   Savez-vous pourquoi il cherchait précisément votre mari ? Est-ce qu'il vous

 23   a dit la raison ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne sais pas pourquoi il le cherchait

 25   lui.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 27   Maître Gosnell.

 28   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

 


Page 3118

  1   Q.  [interprétation] Bon après-midi. Je me présente, Christopher Gosnell.

  2   Je représente M. Hadzic dans cette procédure. Et j'ai quelques questions à

  3   vous poser, non seulement aujourd'hui, mais sans doute demain matin. Si

  4   quelque question que je vous pose ne serait pas claire, si vous ne la

  5   comprenez pas, n'hésitez pas à me demander des éclaircissements. Le

  6   comprenez-vous ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-il exact, si j'ai bien compris, que vous avez donné deux

  9   déclarations différentes quant aux événements que vous venez de décrire :

 10   l'une étant, si j'ai bien compris, en mai 2000, remise à des enquêteurs de

 11   la police croate; et ensuite, à nouveau en 2012, le 26 et 27 juillet, une

 12   déclaration de suivi devant un enquêteur du bureau du Procureur ? Est-ce

 13   exact ?

 14   R.  Oui.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document de la

 16   liste 65 ter 03389.

 17   Q.  Reconnaissez-vous qu'il s'agit là de votre déclaration donnée à la

 18   police croate ?

 19   R.  Oui.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Et si l'on pouvait passer à la dernière page,

 21   à la fin du document, je vous prie.

 22   Q.  Est-il exact que c'est votre signature au-dessus de "rapport soumis

 23   par", et on y voit votre nom ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Avant de la signer, avez-vous eu la possibilité de lire cette

 26   déclaration dans son intégralité ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Pourriez-vous m'expliquer comment cela s'est fait que vous avez signé


Page 3119

  1   ce document mais que vous n'avez pas eu la possibilité de le relire ?

  2   R.  Parce que nous étions plusieurs à remettre ces déclarations. La police

  3   était avec nous. Des erreurs se sont glissées. Un compte rendu a été fait

  4   de ce qui m'était arrivé, mais pas à moi. C'était quelque chose que j'avais

  5   entendu.

  6   Q.  Je ne suis pas sûr d'avoir compris. Des choses dont vous avez entendu

  7   parler mais que -- donc, vous avez rendu compte avec exactitude de ce que

  8   vous aviez entendu, donc, au cours de votre entretien avec la police; c'est

  9   bien cela ?

 10   R.  Oui. Cela a été rédigé de façon à ce que cela apparaisse que c'étaient

 11   mes propos expliquant ce qui m'était arrivé à moi, alors que c'était

 12   quelque chose que j'avais entendu dire qui était arrivé à d'autres. Ainsi,

 13   ce n'était pas valide devant une cour.

 14   Q.  Eh bien, peut-être que -- pour aller au plus court, nous pourrions

 15   peut-être voir un document, le document 05961 de la liste 65 ter. Je

 16   répète, 05961.

 17   Et vous allez voir à l'écran votre déclaration faite au bureau du Procureur

 18   en juillet 2012.

 19   Au cours de cet échange avec l'enquêteur du bureau du Procureur, avez-vous

 20   eu à ce moment-là la possibilité de parcourir la déclaration que vous avez

 21   remise à la police en 2000 ?

 22   R.  Oui. Et ces choses-là ont été mentionnées. En réalité, la traduction

 23   n'était pas bonne non plus.

 24   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire par là, "la traduction n'était pas bonne

 25   non plus" ?

 26   R.  Eh bien, lorsqu'ils me l'ont relue, ce n'était pas bon. Parce que la

 27   salle de sport et le gymnase, ça n'est pas une seule et même chose,

 28   "sportska dvorana" et "teretana", et c'est ce qui a été marqué dans la


Page 3120

  1   déclaration. Je l'ai dit, et donc il a fallu le corriger. Et ensuite, il

  2   fallait le corriger, je veux dire ce qui a été dit à propos du policier, de

  3   la "milicija", je ne sais pas exactement son nom, et cela, je l'ai dit

  4   aussi.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la page 5, s'il

  6   vous plaît, en anglais.

  7   Ça pourrait être la dernière page, page 5 -- la dernière page ou l'avant-

  8   dernière page dans la version croate.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Madame, vous dites avoir signé le document. Il s'agit bien de votre

 11   signature, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous dites que :

 14   "Cette déclaration m'a été relue en langue croate, et cela correspond

 15   à la vérité, en tout cas d'après mes connaissances et mes souvenirs."

 16   Est-ce exact ?

 17   R.  Oui. Une fois que les choses qui n'avaient pas été couchées sur le

 18   papier correctement ont été corrigées.

 19   Q.  Donc, vous avez eu l'occasion d'examiner votre déclaration de l'an 2000

 20   et d'apporter les corrections nécessaires en juillet 2012, et vous avez

 21   donc préparé cette déclaration-ci en 2012, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons revenir en arrière et

 24   revoir le 003389.

 25   Q.  Madame, ce que je souhaite faire avec vous, c'est analyser l'ordre

 26   chronologique des événements et aborder certains détails qui n'ont pas été

 27   abordés par l'Accusation. Si nous passons au paragraphe 5 de cette

 28   déclaration-ci qui date de l'an 2000. D'après la manière dont je comprends


Page 3121

  1   l'ordre chronologique des événements, vous dites que le 19 novembre, vers

  2   16 heures 30, comme vous l'avez dit aujourd'hui, vous avez quitté le

  3   bâtiment de Borovo Komerc, et ensuite c'est vers 19 heures 30 que vous vous

  4   êtes mis en route à pied en direction de ce qui s'appelle Mali Raj; c'est

  5   exact ?

  6   R.  Je ne sais pas quelle heure il était. Il faisait nuit déjà, mais j'ai

  7   pensé qu'il devait s'agir de deux heures environ, que nous avions marché

  8   pendant deux heures.

  9   Q.  Et, en fait, il y a une phrase importante. Vous parlez de cet endroit

 10   qui s'appelle Mali Raj, et vous dites que :

 11   "A cette occasion-là" --

 12   Je vais revenir en arrière. Deux phrases avant cela :

 13   "J'étais devant le troisième autocar," vous avez effectivement parlé

 14   du troisième autocar aujourd'hui, "et c'est à ce moment-là que mon mari

 15   Ivan est arrivé. L'enquêteur qui avait fouillé la maison d'Ivan --"

 16   R.  Oui.

 17   Q.  "-- en 1971 frappait l'autocar avec une batte ou une matraque."

 18   C'est exact ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et vous dites que :

 21   "A cette occasion-là, à savoir le 19 novembre 1991, le même homme,

 22   qui avait environ 45 ans, portait un uniforme de la police militaire de

 23   couleur vert olive avec un ceinturon blanc et une épaulette et un couvre-

 24   chef gris de la police avec une étoile."

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Et cet individu que vous décrivez ici, vous dites que c'était le même

 27   homme. Est-il exact de dire que cet homme était venu harceler votre mari

 28   quelque 20 ans plus tôt ?


Page 3122

  1   R.  Oui. C'était un enquêteur au sein de ce qui s'appelait alors la

  2   "milicija".

  3   Q.  Alors, pour avancer dans le temps et sortir de cet ordre chronologique,

  4   vous dites vous être rendue à l'école primaire de Borovo Selo. Vous êtes

  5   descendue des autocars et vous dites avoir vu un policier à cet endroit.

  6   Est-il exact que ce policier est le même homme que celui que vous décrivez

  7   ici, celui qui portait le ceinturon blanc ?

  8   R.  Oui. C'était celui qui était à la tête de la colonne dans ce Pinzgauer

  9   et c'est lui qui est venu à notre rencontre à l'endroit où il y avait la

 10   porte de l'autocar, et il a commencé à frapper mon mari tout de suite. Et à

 11   l'époque, mon mari portait dans ses bras un enfant âgé de six mois.

 12   Q.  Est-ce que nous pouvons tourner la page en anglais, s'il vous plaît,

 13   pour nous diriger vers le bas du paragraphe 5. Et vous dites :

 14   "A 20 heures 30, notre autocar s'est arrêté devant l'école primaire,

 15   de sorte que l'entrée se trouvait sur notre droite."

 16   Et ensuite, au paragraphe 6, vous dites :

 17   "Après avoir emmené l'enfant, l'enquêteur a commencé à frapper Ivan

 18   au niveau de ses reins avec sa matraque en criant : 'J'attends depuis 1971,

 19   j'ai attendu pour faire cela, enfant de salope.'"

 20   Est-ce l'incident que vous avez décrit où l'enquêteur a frappé votre

 21   mari ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et après cet événement, si nous regardons le paragraphe 7 - et je suis

 24   vraiment désolée, Madame, devoir parler de cet événement avec vous - vous

 25   dites être entrée dans le foyer de l'école, et aujourd'hui vous avez

 26   utilisé, je crois, le terme de "entrée", et le l'entrée se trouvait au même

 27   endroit que le foyer ou l'entrée ?

 28   R.  L'entrée d'une école, appelez ça comme vous voulez. Je ne sais pas.


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  1   C'est un endroit assez grand. Ça se trouve dans une école.

  2   Q.  Et ce que vous dites ici dans cette déclaration, c'est qu'il y avait

  3   des tables qui avaient été dressées, et on vous a dit qu'ils cherchaient

  4   des armes. Arrêtons-nous là un instant.

  5   Est-ce que c'est bien ce qui s'est passé lorsque vous êtes entrée

  6   dans l'entrée de ce bâtiment, qu'ils cherchaient des armes ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Et au lieu de prendre des armes, ils ont pris vos bijoux.

  9   R.  Oui. Tout objet de valeur.

 10   Q.  Ensuite, vous dites au paragraphe 7 de votre déclaration : vers 21

 11   heures, 21 heures 15, on vous a fait sortir du foyer, et c'est une femme

 12   avec des cheveux de couleur rouge bouclés qui vous a emmenée dans la cave.

 13   Vous souvenez-vous de cela, d'avoir été emmenée de l'entrée jusque dans le

 14   cave ?

 15   R.  Oui, oui. Il y avait juste cette femme. Elle s'appelle Senija.

 16   Q.  Et aujourd'hui vous avez parlé d'une pièce où il y avait des postes

 17   radio. Est-il exact que…

 18   Pardonnez-moi, Madame. Pourriez-vous répéter le nom que vous venez de

 19   citer.

 20   R.  Senija. Senija. Le nom de son mari est Braco, et ils avaient un

 21   restaurant appelé Carda. Ils connaissaient ma mère, elle et son mari, et je

 22   l'ai reconnue lorsque je suis arrivée dans le village, mais elle ne m'a pas

 23   reconnue car j'étais très petite lorsqu'elle rendait visite à ma mère.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons tourner la page, s'il

 25   vous plaît, de la version anglaise.

 26   Q.  Puis-je d'abord vous demander ceci : avez-vous trouvé curieux le fait

 27   que des postes radio aient été installés au sous-sol; je suppose que

 28   c'était à un endroit où la transmission ou la réception n'était pas


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  1   excellente ?

  2   R.  Ce n'était pas dans le sous-sol. C'était trois ou quatre marches par

  3   rapport à l'entrée. Ce n'était pas une cave.

  4   Q.  Alors, il s'agit peut-être d'un problème de traduction. Votre

  5   déclaration de l'an 2000 parle d'une cave. Mais vous, vous dites que ce

  6   n'était pas une cave.

  7   R.  Oui. Ce n'était pas une cave. Car cette pièce se trouve trois à quatre

  8   marches en contrebas par rapport à l'entrée, quel que soit le nom que vous

  9   donnez à cet endroit.

 10   Q.  Est-ce que je peux vous poser cette question : lorsque vous avez donné

 11   votre déclaration à la police croate en 2000, y avait-il quelqu'un en

 12   particulier qui les intéressait ? Y avait-il une personne qu'ils avaient à

 13   l'esprit car ils pensaient que cette personne était suspecte ?

 14   R.  Oui. Ils m'ont montré des photographies de personnes que j'ai vues à

 15   l'école de Borovo Selo, mais en réalité, je ne les connaissais pas

 16   personnellement. Mais c'est là que j'ai entendu prononcés leurs noms.

 17   Q.  Goran Hadzic était-il un des individus qui les intéressaient ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et ont-ils cité son nom lors de cet entretien ou est-ce vous qui avez

 20   cité son nom pour la première fois ?

 21   R.  Non. Après ma déclaration, ils m'ont montré les photographies. Ce n'est

 22   pas lui qu'ils recherchaient en premier. Après avoir recueilli ma

 23   déclaration, ils m'ont montré des images et ils m'ont demandé qui

 24   connaissait qui, qui était à l'école.

 25   Q.  Et est-ce qu'ils vous ont montré une photographie, en disant : Ça,

 26   c'est Goran Hadzic. Le reconnaissez-vous ? Est-ce ainsi que cela s'est

 27   passé ?

 28   R.  Non, non. Ils nous ont montré des photographies et ils ont dit : "Qui


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  1   est cet homme ? Qui est cet homme-là ? Qui est celui-là ?" Et moi, j'ai dit

  2   qui c'était, qui étaient les personnes que je reconnaissais. Je donnais à

  3   ce moment-là le prénom et le nom. Et si je ne savais pas, eh bien, je

  4   disais que j'ai entendu dire à l'école que c'était son nom.

  5   Q.  Et si vous aviez quelque chose à dire à propos de ces personnes

  6   suspectes, notamment Goran Hadzic, c'étaient des informations qui les

  7   intéressaient énormément, n'est-ce pas ?

  8   R.  Veuillez répéter cela. Je n'ai pas tout à fait compris.

  9   Q.  Et ils étaient très intéressés par les informations dont vous auriez pu

 10   disposer à propos de M. Hadzic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. Tout les intéressait.

 12   Q.  Et une fois que vous avez indiqué avoir des informations concernant des

 13   personnes en particulier, notamment M. Hadzic, à ce moment-là ils

 14   insistaient pour obtenir toutes les informations dont vous disposiez à

 15   propos de cette personne, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je souhaite faire remarquer qu'avant de regarder les photographies,

 17   avant qu'ils ne me posent une question à propos de quelqu'un, j'ai donné

 18   une déclaration et j'ai dit ce qui m'était arrivé à l'école.

 19   Q.  La seule question que je vous pose est celle-ci : une fois que vous

 20   aviez prononcé le nom de M. Hadzic et que vous aviez parlé de ses

 21   activités, si cela n'était pas clair à leurs yeux, est-ce qu'ils

 22   cherchaient dans ce cas à avoir davantage de précisions à propos de ce que

 23   vous saviez concernant les activités de M. Hadzic ?

 24   R.  Encore une fois, je vous dis que personne ne m'a posé des questions à

 25   propos des détails. Ils ont d'abord recueilli ma déclaration sur ce qui

 26   m'était arrivé à l'école. Ensuite, ils m'ont montré des photographies de

 27   personnes, et ensuite nous étions censés donner les noms.

 28   Q.  Alors, ce que vous dites dans cette déclaration-ci, qui est celle de


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  1   l'an 2000, à la police, et je cite au paragraphe 7, vous dites :

  2   "A l'époque où nous étions enregistrés, Goran Hadzic est entré de façon

  3   désinvolte dans la pièce en portant un uniforme de camouflage. Il portait

  4   une chemise défaite sans couvre-chef et sans grade et s'est approché d'un

  5   poste radio et a contacté Novi Sad, d'après ce que j'ai pu comprendre. Mais

  6   la seule chose que j'ai bien pu entendre, c'étaient ses propos : 'Nous

  7   parlerons plus tard. Tout va bien.'"

  8   R.  Oui. Ça, c'était au tout début lorsqu'il est entré. Et ensuite, il a

  9   appelé une nouvelle fois et il riait et disait : "Belgrade, Belgrade,

 10   Mladjo, envoie des réservistes. Vukovar est tombée. Je peux continuer

 11   jusqu'à Osijek demain." Ce sont ses propres termes que j'ai entendus parce

 12   qu'il s'agissait d'une petite pièce.

 13   Q.  Et vous auriez entendu ces mots distinctement parce qu'il criait,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   Q.  Et pourtant, vous dites dans votre déclaration de l'an 2000 que la

 17   seule chose que j'ai entendue distinctement, c'étaient ses propos, "Nous

 18   parlerons plus tard. Tout va bien." Pourquoi n'avez-vous pas inclus les

 19   autres termes que vous dites aujourd'hui avoir entendus ?

 20   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi ceci n'a pas été consigné à ce

 21   moment-là. Je ne sais pas. Parce que j'ai passé une demi-heure dans cette

 22   pièce, et il était dans cette pièce pendant dix minutes environ.

 23   Q.  Il était dans cette pièce pendant dix minutes. Vous l'avez, semble-t-il

 24   -- alors, maintenant vous dites qu'il a eu deux conversations, une avec

 25   Belgrade et une avec Novi Sad, et vous dites aujourd'hui que les forces

 26   devaient avancer en direction d'Osijek, et ceci, dans le cadre d'une

 27   enquête menée par la police croate sur Goran Hadzic. Et vous dites qu'ils

 28   ont simplement omis de consigner ces détails dans votre déclaration en l'an


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  1   2000 ?

  2   R.  Je ne sais pas contre qui une enquête était ouverte. Cela ne

  3   m'intéressait pas du tout. Je me suis rendue à la Croix-Rouge pour aller à

  4   la recherche de mon mari. Je ne m'intéressais pas à qui avait été condamné,

  5   qui ils recherchaient…

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Je vois l'heure, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.

  8   Madame le Témoin, nous terminons à 14 heures aujourd'hui. Votre déposition

  9   n'est pas terminée encore. Vous reviendrez demain à 9 heures. Vous êtes

 10   toujours sous serment, ce qui signifie que vous ne pouvez aborder votre

 11   déposition avec quiconque et vous ne pouvez absolument pas parler avec une

 12   ou l'autre des parties.

 13   Avez-vous compris ?

 14   L'huissier va maintenant vous accompagner.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 18   --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le vendredi 8 février

 19   2013, à 9 heures 00.

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