Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 4 juillet 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Madame la Greffière, pourriez-vous citer le nom de l'affaire, s'il vous

  7   plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. IT-04-75-T, le Procureur

  9   contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 11   Les présentations, à commencer par l'Accusation.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Pour l'Accusation, Douglas

 13   Stringer, Alex Demirdjian, Thomas Laugel et Krshbu Shalapuri [phon].

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 15   Pour la Défense, Maître Zivanovic.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour. Pour la Défense de Hadzic,

 17   Zivanovic et Gosnell. Merci.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 19   [Le témoin vient à la barre]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Knezevic.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, vous pouvez

 23   poursuivre.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 25   LE TÉMOIN : JOZO KNEZEVIC [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Knezevic.

 


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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Hier, nous avions visionné la vidéo d'un entretien avec la personne que

  3   vous avez désignée comme étant Goran Hadzic. Est-ce que vous vous en

  4   souvenez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Lorsque nous avons levé la séance, nous parlions du problème des

  7   parents de M. Gudelj, dont vous dites que le père était détenu à Borovo

  8   Selo. Dans une des parties de l'extrait, il y a une phrase qui commence :

  9   "En ce qui concerne mon expérience avec le régime oustachi, elle est

 10   regrettable, et je ne le rappellerais pas, mais je me suis rendu compte

 11   qu'il n'y avait pas de démocratie dans cet Etat…," et cetera.

 12   Est-ce que vous vous souvenez de l'utilisation du terme d'Oustachi lors de

 13   votre séjour à Tenja ?

 14   R.  Je n'ai jamais entendu utiliser le terme Oustachi, ou je ne l'ai jamais

 15   vu. On nous appelait Oustachi, mais personne n'y faisait attention. Je ne

 16   savais même pas ce que c'était un Oustachi ou qui était Oustachi.

 17   Q.  Et lorsque vous avez dit "ils nous appelaient Oustachi", qui vous

 18   appelait Oustachi ?

 19   R.  Eh bien, les Serbes qui étaient là-bas, ils disaient que nous, on était

 20   des Oustachi et ainsi de suite. La plupart d'entre eux disaient qu'on était

 21   des Oustachi.

 22   Q.  S'agissant de la partie de la vidéo qui portait les parents Gudelj,

 23   est-ce que vous pourriez nous dire quel âge ils avaient à l'époque ?

 24   R.  Je crois qu'ils avaient au moins 60 ans, entre 60 et 70. Ils étaient

 25   malades.

 26   Q.  Très bien. Et est-ce qu'ils prenaient part au combat et dans quelle

 27   mesure, si c'était le cas, à l'époque ?

 28   R.  Mais non. Ils étaient chez eux et ne participaient à aucun combat. Ils


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  1   n'allaient pas du tout au combat. C'est juste leur fils qui était comme il

  2   était.

  3   Q.  Très bien.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] La vidéo que nous avons visionnée hier

  5   était le document 65 ter 04809.10, et j'en demande le versement.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Qu'il soit versé au dossier.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document deviendra une pièce à

  8   conviction et portera la cote P2305.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Monsieur Knezevic, hier, vous avez indiqué que Bozo Vidakovic était

 12   venu chez vous plusieurs fois, vous demandant de remettre vos objets,

 13   télévision, frigo, et cetera, votre téléphone. Est-ce que l'on vous a donné

 14   un reçu indiquant qu'il s'agissait d'objets qui avaient été pris chez vous

 15   ?

 16   R.  En fait, j'ai seulement dû signer un papier, quelque chose comme ça,

 17   comme quoi tout ça était emmené à la commune locale, mais il ne m'a donné

 18   aucun papier. Je n'ai rien reçu. Parce qu'il entrait dans mon salon avec

 19   son fusil et puis il disait : "Donne-moi ça, donne-moi ça."

 20   Q.  Et est-ce que ces objets vous ont été restitués ?

 21   R.  Non, on ne m'a jamais rien rendu, absolument rien. Tout a été emporté.

 22   Q.  Hier, vous nous avez dit que vous aviez quitté Tenja en compagnie de

 23   votre frère. Pourriez-vous nous dire pourquoi vos parents ne vous ont pas

 24   suivis ?

 25   R.  Moi, je disais à mon père qu'il fallait qu'il parte. Je lui disais

 26   d'aller en Allemagne, et lui, il m'a dit : "Non, non, je ne partirai pas

 27   parce que je pense à vous, à ce que vous allez devenir." Et puis, son

 28   voisin, Nikola Subotinovic, est venu et il a dit : "Tonton Marko, n'allez


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  1   nulle part, personne ne vous fera de mal. Restez chez vous, c'est mieux."

  2   Et il a suivi le conseil de ce Nikola qui lui avait promis que personne ne

  3   lui ferait de mal. Alors, moi, je voulais aller confirmer une réservation

  4   que j'avais faite pour lui, puis il m'a redit : "Non, non, je ne veux pas y

  5   aller." Et puis, il n'est pas parti, il est resté dans la maison, et voilà.

  6   Q.  Le jour où vous êtes parti en compagnie de votre frère, où se trouvait

  7   votre mère ?

  8   R.  Ma mère -- eh bien, je suis d'abord allé chez cet homme, c'était aussi

  9   un Orthodoxe, un Serbe, qui m'a donné ce tracteur pour que je puisse aller

 10   chercher les haricots. Donc je suis revenu après, j'étais devant la maison

 11   et j'ai vu que ma mère était dans la cour avec ma tante et qu'il n'y avait

 12   pas mon père. Alors, j'ai demandé à ma mère : "Où est mon père ?" Elle m'a

 13   répondu : "Il est parti. C'est Bozo qui l'a emmené." Alors, qu'est-ce que

 14   je pouvais faire ? Moi, j'ai dit : "Je dois partir. Je dois y aller.

 15   J'emmène mon frère." Parce qu'ils voulaient soi-disant l'emmener en Serbie,

 16   là-bas, pour qu'il aille à l'école. Moi, j'y croyais pas. Alors, j'ai dit à

 17   ma mère : "J'emporte mon frère. On y va." Et ma mère a dit : "Sauvez vos

 18   vies au moins vous deux. Allez-y." Même si j'avais voulu les emmener elles

 19   aussi, ma mère et ma tante, je n'aurais pas osé le faire parce qu'il y

 20   avait tous ces hommes armés à l'extérieur qui auraient remarqué tout de

 21   suite que j'essayais de m'enfuir. Donc j'ai mis mon frère à bord du

 22   tracteur. On s'est mis en route. Ils nous ont arrêtés à la première ligne.

 23   Ils ont demandé où est-ce qu'on va, et puis j'ai dit que j'allais cueillir

 24   des haricots. Je n'ai pas dit qu'on était en train de partir. C'étaient des

 25   voisins qui avaient été là-bas sur les barricades, sur les barrages.

 26   Q.  Oui, effectivement. Vous nous avez parlé de cette dernière partie de

 27   votre récit hier. Donc, hier, vous nous avez dit que lorsque vous avez

 28   cherché à fuir, vous êtes arrivé à Osijek; est-ce que c'est exact ?


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  1   R.  Oui, c'est exact, Osijek.

  2   Q.  Est-ce qu'il est exact d'affirmer qu'après un certain temps à Osijek,

  3   que vous avez rejoint les forces armées croates ?

  4   R.  Oui, oui, oui. D'abord, je me suis un peu reposé. Ils m'ont donné

  5   presque un an pour que je me repose, et après je me suis présenté, me suis

  6   enrôlé dans les rangs des "Domobrani", la Garde nationale.

  7   Q.  Après votre départ de Tenja, est-ce que vous avez revu vos parents ?

  8   R.  Non, jamais plus.

  9   Q.  Lorsque vous étiez à Osijek, avez-vous eu des informations sur la

 10   situation ou l'état de vos parents ?

 11   R.  On m'avait surtout dit qu'ils avaient été tués, qu'ils étaient morts.

 12   Moi, je n'arrivais pas à y croire. Je n'arrivais pas à croire que quelqu'un

 13   ait pu tuer mes parents, parce qu'il n'y avait pas la moindre raison pour

 14   ça. Mon père avait travaillé en Allemagne. Il n'appartenait à aucun parti,

 15   ni au HDZ, ni à aucun parti. Donc je ne comprenais pas. Je ne savais rien

 16   d'autre sur eux. Après, lorsque j'étais dans l'armée sur la ligne à

 17   Ivanovac, c'est entre Tenja et Osijek, et il y avait des soldats russes de

 18   la FORPRONU qui étaient là. Et j'ai vu un peu plus loin de nous, à 500

 19   mètres, nos voisins qui étaient de ce côté-là. J'ai remarqué ce voisin

 20   Nikica, je l'ai reconnu et je l'ai appelé. Il y avait la FORPRONU, les

 21   Russes, entre nous. Je lui ai demandé s'il ne voudrait pas appeler Milica

 22   [phon] pour voir ce que mes parents étaient devenus, puisque sa sœur Milica

 23   était chez nous à Cepin. Et donc, on s'est rencontré à mi-chemin et c'est

 24   comme ça qu'on a pu discuter. Je lui ai demandé pour mes parents, et il m'a

 25   dit que mon père avait été tué et ma mère aussi. J'ai demandé : "Qui

 26   l'avait tué ?" Et il m'a dit que c'était Bozo Vidakovic. Moi, je le savais.

 27   Donc j'ai discuté de tout cela avec lui, mais je le savais, puis après j'ai

 28   rejoint ma place. Et ensuite, en fait, il a demandé si je pouvais faire


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  1   venir sa fille de Cepin par quelque moyen que ce soit, et puis je l'ai

  2   fait. Elle a pu parler avec son père aussi.

  3   Q.  Est-ce qu'à un moment donné après la guerre vous êtes retourné à Tenja

  4   ?

  5   R.  Dès qu'il y a eu la réintégration pacifique, j'étais parmi les premiers

  6   à rentrer chez moi à Tenja. Donc j'ai été le dernier à avoir fui et j'ai

  7   été le premier à revenir. Et je suis revenu pour retrouver mes parents. Je

  8   les ai cherchés pendant près d'un mois, jusqu'au moment où je les ai

  9   retrouvés. Je les ai trouvés dans la forêt entre Betin Dvor, Silas et

 10   Tenja. C'est un homme qui m'a dit qu'il les avait enterrés là-bas, qu'ils

 11   étaient là-bas. J'ai trouvé mes parents et ma tante, aussi les parents d'un

 12   voisin, et puis un gars qui vivait seul sans ses parents. Lui aussi, il

 13   avait été enterré au même endroit. Ils étaient dans des sacs plastiques

 14   noirs. Alors, je les ai transportés à Dalj pour qu'un expert puisse

 15   examiner les corps. Donc j'ai dû moi aussi entrer à l'intérieur pour

 16   regarder, à l'intérieur d'une tente où il y avait les cadavres, les

 17   ossements. Et, en fait, cet expert m'a dit, ou plutôt, c'est moi qui lui ai

 18   demandé comment ils avaient été tués. Est-ce qu'il avait des traces

 19   montrant qu'ils avaient été tués ? Et il m'a répondu : "Non, il n'y a pas

 20   de traces de balles. Ils ont été battus." Moi, je me suis senti mal. J'ai

 21   dû sortir.

 22   C'est comme ça que j'ai pu faire en sorte qu'ils soient enterrés. Au moins

 23   c'était ça. Alors qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas encore retrouvé

 24   leurs proches. 

 25   Q.  Monsieur Knezevic, dans quel état se trouvait votre maison à votre

 26   retour à Tenja ?

 27   R.  Ma maison était complètement sens dessus dessous à l'intérieur. Tout

 28   avait été enlevé, emmené. C'était une grande maison. Mais j'ai entendu dire


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  1   que c'était d'abord l'armée, la JNA, qui était venue là. Et puis, après

  2   eux, il y a eu des volontaires de Serbie. Et c'est seulement quand ça s'est

  3   arrêté, quand il devait y avoir la réintégration pacifique, qu'un de mes

  4   voisins qui normalement vivait à un kilomètre de chez moi s'est installé

  5   dans cette maison. Il a apporté quelques affaires et puis il est venu vivre

  6   là, alors qu'il avait sa propre maison. Alors, moi, quand je suis revenu,

  7   je suis venu jusqu'à la maison pour voir. Lui, il est sorti, et puis j'ai

  8   demandé s'il me reconnaissait, s'il me connaissait. Et puis, bien sûr qu'il

  9   me connaissait. Et il m'a dit qu'il était dans ma maison. Moi, je lui ai

 10   dit : "Mais ça ne m'étonnerais pas trop si c'était un réfugié, mais toi ?"

 11   Et il m'a répondu : "Ah, non, je ne peux pas être avec ma mère, alors je

 12   suis venu chez toi dans ta maison." Alors, j'ai demandé : "Quand est-ce que

 13   je peux rentrer dans ma maison ?" Et il m'a répondu : "Dans un mois à peu

 14   près" Une fois qu'il aurait rangé ses affaires, sorti et repris ses

 15   affaires. Moi, j'ai accepté. Je me suis dit, Mieux vaut quelque chose que

 16   rien.

 17   Et puis, ma sœur est venue de Cepin. Elle lui a demandé si elle ne

 18   pouvait pas vérifier à l'intérieur s'il n'y avait pas des tableaux ou

 19   quelque chose, et puis il ne le lui a pas permis, alors elle était en

 20   colère ---

 21   Q.  Excusez-moi, Monsieur Knezevic, les interprètes de la cabine anglaise

 22   vous demandent de répéter la dernière phrase, qu'ils n'ont pas pu entendre.

 23   R.  Ma sœur, lorsqu'elle est arrivée, elle a voulu voir la maison. Elle

 24   voulait vérifier à l'intérieur s'il n'y avait pas des photos de nos

 25   parents, et ce Jovica, il ne l'a pas laissé entrer. Je lui ai demandé

 26   pourquoi. Et il m'a répondu : "Toi, je t'ai laissé entrer. Je ne peux pas

 27   la laisser entrer elle aussi maintenant." Alors, moi, je lui ai dit : "Moi,

 28   maintenant, j'ai décidé que je rentrerais chez moi dans dix jours. T'as pas


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  1   besoin d'un mois. Tu peux partir demain si tu veux. Mais maintenant, tu as

  2   dix jours." Et je suis reparti à Osijek. Cinq jours à peine s'étaient

  3   écoulés, et ma sœur m'a appelé pour me dire qu'il avait rendu les clés,

  4   qu'il les avait données à la police et que je pouvais rentrer. Et alors,

  5   j'ai ramassé mes affaires et, avec ma femme, nous sommes revenus dans cette

  6   maison et nous y avons vécu. J'avais quelques affaires que j'ai amenées à

  7   l'intérieur et c'est là que nous avons vécu.

  8   Q.  Pour que je sois clair, c'était après la réinstallation pacifique ?

  9   R.  Oui, oui, après la réintégration pacifique. Au début, je crois, dès

 10   qu'on a dit qu'on pouvait rentrer chez nous, moi j'étais parmi les

 11   premiers. Tous ces gens qui avaient tout volé, ils étaient tous partis,

 12   s'étaient enfuis. Moi, je n'avais peur de personne.

 13   Q.  Très bien. En ce qui concerne votre frère qui vous a accompagné dans

 14   votre fuite en septembre 1991, est-il toujours vivant?

 15   R.  Il est en vie, il est en bonne santé, il est marié, avec deux enfants,

 16   et il a une maison. Il vit à Laszlo actuellement.

 17   Q.  Et une dernière précision sur une question que je vous ai posée. La

 18   réintégration pacifique dont vous parliez, en quelle année était-ce ?

 19   R.  Quelle année ? Quelle année, je n'arrive pas à m'en souvenir

 20   exactement. 2005, 2006, je ne peux pas vous le dire exactement. Je ne m'en

 21   souviens pas. Je crois que c'est 2005 ou 2006.

 22   Q.  Cela vous aidera peut-être, mais après combien de temps après votre

 23   départ de Tenja y êtes-vous retourné ?

 24   R.  Cinq ans ont passé à peu près, cinq ans au maximum.

 25   Q.  Très bien. Enfin, pourriez-vous dire à la Chambre de première instance

 26   quel a été l'impact de ces événements sur vous et votre famille ?

 27   R.  Ça a été très dur. Comment vous le dire ? Je ne pouvais pas comprendre

 28   que j'avais perdu mes parents. C'était vraiment très dur. Je n'avais rien

 


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  1   et je vivotais. Je recevais un peu d'argent, je travaillais un peu. C'était

  2   très dur, très difficile.

  3   Q.  Merci d'avoir répondu aux questions, Monsieur Knezevic.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, cela met un terme à

  5   mon interrogatoire principal.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Demirdjian.

  7   Maître Zivanovic, le contre-interrogatoire.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Knezevic. Je me nomme Zoran

 11   Zivanovic. Je suis le conseil de la Défense de M. Hadzic dans ce procès.

 12   Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, me dire la chose suivante : j'ai

 13   compris en entendant votre déposition que vous avez travaillé à Osijek

 14   pendant une période ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire jusqu'à quand vous y avez travaillé ?

 17   R.  Jusqu'à quand ? Jusqu'à quand ? J'ai toujours travaillé à Osijek. Je

 18   n'y vivais pas, mais je travaillais dans le bâtiment et j'y ai travaillé

 19   jusqu'à la fermeture, jusqu'à la faillite de cette entreprise.

 20   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de l'époque à laquelle vous y travailliez

 21   ?

 22   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

 23   Q.  Est-ce que c'était avant votre départ de Tenja ?

 24   R.  Non, non, non, bien avant. C'était avant la guerre.

 25   Q.  Après cela, lorsque vous avez arrêté de travailler à Osijek, est-ce que

 26   vous pourriez me dire si vous avez travaillé ailleurs ?

 27   R.  J'ai travaillé pour un propriétaire le plus -- celui qui m'avait prêté

 28   le tracteur pour m'enfuir. C'était un directeur d'une entreprise de


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  1   transport transit, et c'est pour lui que j'ai travaillé, chez lui, à

  2   conduire un tracteur.

  3   Q.  C'était une entreprise ?

  4   R.  Non. En fait, c'était un propriétaire qui avait beaucoup de terres et

  5   il ne pouvait pas labourer cette terre tout seul. Il ne pouvait pas s'en

  6   occuper seul. Il travaillait dans l'entreprise transit à Osijek.

  7   Q.  En fait, vous conduisiez ce tracteur chez lui, n'est-ce pas, pour lui ?

  8   R.  Oui, oui.

  9   Q.  Et comment s'appelle cet homme ?

 10   R.  Rajko Dukic.

 11   Q.  Jusqu'à quand avez-vous travaillé chez Rajko Dukic ?

 12   R.  J'y ai travaillé longtemps. Lorsque la guerre a commencé, je

 13   travaillais toujours pour lui. C'était le seul qui m'ait aidé là-bas;

 14   personne d'autre.

 15   Q.  Vous viviez dans l'ancienne localité de Tenja. Est-ce que vous pourriez

 16   me dire où se trouvait ce noyau ancien de Tenja par rapport à Nova Tenja ?

 17   R.  Eh bien, si on prend comme point de départ l'école, jusqu'à Nova Tenja,

 18   il y a, je ne sais pas, 2 kilomètres.

 19   Q.  Si, à partir de Stara Tenja, vous vouliez aller à Osijek, est-ce que

 20   vous deviez passer par Nova Tenja, la nouvelle Tenja ?

 21   R.  Oui, oui, je peux passer par Nova Tenja dans ce cas-là, mais je n'y

 22   étais pas obligé.

 23   Q.  Et si vous alliez de Nova Tenja à Stara Tenja, alors vous ne passiez

 24   pas par Osijek ?

 25   R.  Je ne comprends pas ce que vous me demandez.

 26   Q.  Et si en partant de Nova Tenja vous alliez à Stara Tenja, vous n'alliez

 27   pas dans le sens d'Osijek, mais dans le sens opposé, n'est-ce pas ?

 28   R.  Eh bien, je pouvais aller à Osijek dans l'autre sens, oui.


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  1   Q.  Mais est-ce qu'il était plus rapide d'aller de Stara Tenja à Osijek en

  2   passant par Nova Tenja, ou est-ce que c'était dans l'autre sens ?

  3   R.  C'est plus proche en allant de Nova Tenja à Osijek parce que c'est

  4   quelques kilomètres à peine.

  5   Q.  C'est justement ce que je vous demandais.

  6   Est-ce que vous pourriez me dire combien il y a de distance entre Tenja et

  7   Osijek ?

  8   R.  Six kilomètres.

  9   Q.  Nous parlons maintenant de Stara Tenja ou de Nova Tenja ?

 10   R.  De Nova Tenja à Osijek. Tenja, c'est aussi bien Nova Tenja que Stara

 11   Tenja. Les deux sont Tenja.

 12   Q.  Vous avez dit qu'à un moment on vous a forcé à creuser une tranchée ou

 13   un canal entre les lignes de séparation. Est-ce que vous pourriez me dire

 14   où ce canal se trouve par rapport à Nova et à Stara Tenja ?

 15   R.  Ce canal se trouvait à Dru Ontonovacka [phon]. C'était la dernière

 16   ligne de défense de la défense serbe, et à l'entrée de Nova Tenja il y

 17   avait la police croate qui était déployée et l'armée croate.

 18   Q.  En d'autres termes, Nova Tenja était contrôlée par les forces croates,

 19   alors que les forces serbes contrôlaient Stara Tenja?

 20   R.  Oui, ils contrôlaient la moitié de Nova Tenja. Parce qu'entre les deux,

 21   ce n'était pas tout à fait sûr. Donc, eux, ils contrôlaient la moitié de

 22   Nova Tenja, et les autres, ils contrôlaient la totalité de Stara Tenja.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Knezevic, vous et Me

 24   Zivanovic parlez la même langue, mais vos propos doivent, malgré tout, être

 25   interprétés. Et c'est très difficile pour les interprètes de traduire

 26   lorsque vos voix se chevauchent ou si vous répondez trop rapidement après

 27   la fin de la question posée par Me Zivanovic. Donc, un très bon réflexe que

 28   vous pourriez essayer d'avoir, ce serait de compter dans votre tête jusqu'à


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  1   trois ou quatre après la fin de la réponse de Me Zivanovic avant que vous

  2   ne commenciez à répondre. Ceci laisserait aux interprètes le temps de

  3   terminer leur interprétation.

  4   Si vous me comprenez, est-ce que vous pourriez essayer de procéder ainsi ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Oui, oui, je comprends très bien.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  7   Q.  Hier, vous avez dit qu'on racontait à Nova Tenja, en fait, qu'on a dit

  8   lors d'un rassemblement -- excusez-moi, non pas à Nova Tenja, mais plutôt à

  9   Stara Tenja. Donc, lors d'un rassemblement, on avait dit que la police

 10   croate allait attaquer, mais cette attaque n'a pas eu lieu. Et c'est dans

 11   ce contexte - page 6 686 - c'est dans ce contexte que vous avez dit qu'on

 12   aurait allumé des bougies et qu'on les aurait placées dans les fenêtres.

 13   Alors, je ne comprends pas très bien de quoi il s'agit. Est-ce que vous

 14   pourriez nous expliquer un petit peu pourquoi est-ce qu'on a allumé des

 15   bougies ? Pourquoi est-ce qu'il a fallu faire ça ?

 16   R.  Alors, ça, c'était quand des policiers ont été tués à Borovo Naselje. A

 17   la radio, on a dit qu'il fallait allumer les bougies pour ces gens qui

 18   étaient morts et, donc, de les placer dans les fenêtres; mais moi, j'étais

 19   là où j'étais. Peut-être que je l'aurais fait si j'avais été ailleurs. Et

 20   j'ai dit que je ne voulais pas le faire parce que j'avais des voisins qui

 21   ont dit qu'on voulait reconnaître par là les maisons croates, si jamais il

 22   y avait une attaque, pour qu'on sache quelle est la maison qui appartient

 23   aux Croates. Cependant, ce n'est pas vrai. Il fallait allumer les bougies

 24   pour ceux qui avaient été tués à Borovo Naselje. Donc, moi, je n'ai pas

 25   fait cela parce que je ne voulais pas qu'ils s'imaginent que je l'ai

 26   allumée pour montrer que j'étais Croate. Je suis sorti et j'ai dit, Je ne

 27   vais rien allumer du tout, pas de bougie, et je ne l'ai pas fait. Je suis

 28   sorti dans la rue.


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  1   Q.  Une question pour bien comprendre. Est-ce que cela a été fait après

  2   l'événement de Borovo Selo ou après qu'on y ait annoncé une attaque qui

  3   soi-disant serait lancée par la police croate, qui n'a pas eu lieu ?

  4   R.  Non, ils ont fait cela après que ces policiers croates aient été tués.

  5   Q.  Etait-ce avant ou après le rassemblement de Tenja où on a dit qu'il y

  6   aurait une attaque ?

  7   R.  C'était avant.

  8   Q.  Donc il y a d'abord eu l'événement de Borovo Selo, ensuite le

  9   rassemblement de Tenja dont vous avez parlé ?

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, si vous allez

 11   changer de sujet, je souhaiterais poser une question de suivi au témoin.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Knezevic -- un instant. Vous

 14   avez dit que :

 15   "A la radio, on avait annoncé qu'il fallait allumer des bougies et

 16   les mettre dans les fenêtres…"

 17   Et puis, vous avez dit :

 18   "… ils voulaient que l'on puisse identifier les maisons croates s'il y

 19   avait une attaque pour que les gens puissent savoir quelles sont les

 20   maisons croates…"

 21   Et l'attaque dont vous parlez, c'était l'attaque qui serait venue de quel

 22   côté, qui aurait été lancée par qui ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont dit que la police croate allait

 24   attaquer Tenja pour soi-disant libérer Tenja. Les Serbes qui étaient là,

 25   ils ont dit ça.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc les bougies, ça aurait été pour

 27   que les forces croates puissent identifier les maisons croates; c'est bien

 28   cela ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas ça. C'est eux, les Serbes,

  2   qui ont dit ça, soi-disant.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, justement, c'était ça

  4   l'histoire. C'est comme cela que ça a été présenté, n'est-ce pas ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est ça.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Maître Zivanovic, poursuivez.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Vous avez également parlé de Gudelj et de l'assassinat de Kir, qui

 10   était chef de la police d'Osijek. Est-ce que vous arrivez à vous rappeler à

 11   quel moment cela s'est produit ?

 12   R.  Je n'arrive pas à me souvenir de la date exacte. Ça s'est passé au

 13   début de la rébellion. Vingt années se sont passées depuis.

 14   Q.  Et est-ce que vous pourriez peut-être vous souvenir de ce rassemblement

 15   devant la commune locale où il a été question de cette attaque qui serait

 16   lancée par la police croate, est-ce que cela a eu lieu avant l'assassinat

 17   de Kir ou après ?

 18   R.  C'était après.

 19   Q.  Je vais vous montrer un texte pour vous rafraîchir la mémoire. C'est un

 20   article de journaux qui a été publié à l'époque, 1D71. En B/C/S, on verra

 21   cela s'afficher en première page. Ce texte a été publié le 25 septembre

 22   2010. Je pense qu'il a été publié dans "Nacional" -- ou, plutôt, par

 23   l'agence Hina. En page 3 de la version anglaise, page suivante en B/C/S, le

 24   texte se lit comme suit : Kir a été tué le 1er juillet 1991. Est-ce que

 25   cela vous permet de vous rappeler un peu ce jour-là ?

 26   R.  Oui, oui.

 27   Q.  Dans ce texte, il est écrit, entre autres, qu'à cette occasion-là,

 28   quand Kir a été tué, que trois autres, ou plutôt, deux autres personnes ont


Page 6721

  1   été tuées et qu'il y a une personne qui a été grièvement blessée. Il me

  2   semble que Tubic, vous l'avez mentionné vous aussi. Hier, vous avez déposé

  3   au sujet des circonstances de l'assassinat de ce policier croate, et vous

  4   avez dit qu'il cherchait des informations sur ses parents - page 6 701 - et

  5   vous avez décrit cet événement-là. Je ne voudrais pas trop m'attarder sur

  6   le récit de ces événements. Mais à l'époque, est-ce qu'on savait, est-ce

  7   qu'on disait pourquoi cet homme a tué trois personnes et pourquoi est-ce

  8   qu'il a tenté d'en tuer une quatrième, qui finalement a survécu ?

  9   R.  Mais il voulait les arrêter. Ils ne se sont pas arrêtés. Il faisait

 10   partie de la réserve croate. Et puis, il a décidé de tirer sur eux au

 11   hasard. Il y a ceux qu'il a tués et puis celui qu'il n'a pas tué. Ça lui

 12   est venu comme ça.

 13   Q.  Vous dites qu'il était un policier de réserve. Il était dans la partie

 14   serbe ou dans la partie croate de la police ?

 15   R.  Dans la partie croate de la police.

 16   Q.  Je suppose que vous connaissiez ces personnes, Zobundzija, Milan

 17   Knezevic, Tubic, je pense que vous avez même mentionné Tubic. Pourriez-vous

 18   me dire quel a été l'impact de cet assassinat du 1er juillet 1991 sur les

 19   Serbes de Stara Tenja ? Comment ont-ils réagi ?

 20   R.  Eh bien, ce n'était pas facile pour eux, ce n'était pas facile pour moi

 21   non plus. Avec la mort de tant de personnes. Si soi-disant Kir aurait pu

 22   calmer les choses pour que la guerre n'éclate même pas, qu'on retire les

 23   armes, il n'y aurait pas eu tous ces gens de tués, chez eux et chez nous.

 24   Q.  Vous viviez à Stara Tenja à l'époque et vous sentiez bien quel était le

 25   climat. Après cet assassinat, la famille de Gudelj, donc de l'auteur de cet

 26   assassinat, est-ce que vous pensez qu'ils risquaient de faire l'objet d'une

 27   vengeance des membres de la famille des victimes, des proches, ou des gens

 28   sur place ?


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  1   R.  Eh bien, je pense qu'ils ont eu un peu peur quand ça s'est produit

  2   comme ça, surtout Gudelj, la famille, des parents. Ecoutez, ils se sont

  3   enfermés chez eux, ils ne se montraient pas trop.

  4   Q.  Et ont-ils été emmenés à Borovo rapidement après cet événement ?

  5   R.  Je ne sais pas exactement quand ils ont été emmenés. Un mois plus tard,

  6   je pense. J'ai entendu dire que le père a été emmené à Borovo et qu'on l'a

  7   battu là-bas. Qu'en sais-je ?

  8   Q.  Et est-ce qu'on a dit à ce moment-là justement qu'on les aurait emmenés

  9   à Borovo pour éviter qu'on ne se venge sur eux à Tenja à cause de ce qui

 10   avait été fait par leur fils ?

 11   R.  J'ai entendu dire qu'on les a emmenés en prison, et non pas à cause de

 12   ce qui a été fait par leur fils. Maintenant, je n'ai pas vu où ils étaient,

 13   en prison ou à l'hôpital, comme on a dit aussi.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, que ce

 16   document soit versé au dossier.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, je ne vous ai pas

 18   entendu et je ne sais pas non plus si les sténotypistes vous ont entendu.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je demande que ce document

 20   soit versé au dossier.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Quelle est la finalité de cela, pour

 23   déterminer la date de l'assassinat ou pour d'autres raisons ?

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est un document qui est pertinent pour

 25   plusieurs raisons. Premièrement, il explique quand et il identifie le

 26   moment où le rassemblement a été tenu, parce que le témoin a parlé de la

 27   date et du moment de ce rassemblement par rapport à l'assassinat de M. Kir.

 28   Ici, dans ce document, nous avons la date de l'assassinat de M. Kir


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  1   précisée, et il parle aussi de cet événement. Et je pense que le document

  2   est pertinent en l'espèce.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Si cela peut être utile, nous ne

  5   contestons pas que l'assassinat de M. Kir ait eu lieu le 1er juillet 1991.

  6   L'article comporte bien d'autres points de détail sur lesquels il n'y a pas

  7   eu d'interrogatoire. Donc nous n'avons pas nécessairement une objection,

  8   mais je ne suis pas certain quelle est l'utilité de ce document. Je ne

  9   pense pas que le témoin l'ait identifié ou qu'il y ait eu un lien d'établi

 10   quelconque entre le témoin, son témoignage, et cet article. Il parle de

 11   certains aspects, mais là encore, comme je dis, nous ne contestons pas que

 12   l'assassinat ait eu lieu le 1er juillet.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis, il reçoit une

 15   cote.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D71 devient la pièce D85.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 18   Q.  Hier, Monsieur le Témoin, vous avez dit, me semble-t-il, que Gudelj a

 19   été président du HDZ de Tenja. Ai-je raison de dire cela?

 20   R.  Oui, je pense qu'il a été président du HDZ.

 21   Q.  Savez-vous qui était le président du SDS de Tenja ?

 22   R.  Ça, je l'ai appris plus tard. Au départ, c'était celui qui s'est soi-

 23   disant noyé dans la Drava, mais il paraît qu'il a été tué et qu'en fait, il

 24   ne s'était pas noyé. Et après lui, c'était Hadzic. Je ne sais pas. Ecoutez,

 25   moi je n'ai pas fait de politique, je ne savais pas trop qui était quoi.

 26   Q.  Peut-être que je n'ai pas été assez précis. Je parlais du SDS de Tenja.

 27   Vous me dites que ces hommes étaient présidents du SDS de Tenja ou bien non

 28   ?


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  1   R.  Président du SDS de Tenja, oui, je pense que c'était à Tenja.

  2   Q.  Je souhaiterais vous montrer quelque chose. Nous avons une

  3   photographie, il s'agit de la pièce P89.50. Vous voyez trois personnes ici

  4   sur cette photographie. C'est la personne du milieu qui m'intéresse.

  5   Connaissez-vous cette personne ? Est-ce que vous avez eu l'occasion de la

  6   voir ?

  7   R.  Au milieu ? Non. Non, je ne l'ai pas vue.

  8   Q.  Nous allons voir une autre photographie. Peut-être que vous arriverez à

  9   identifier puisque c'est pris sous un angle différent. Il s'agit du

 10   document 1D524.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Ligne 19, le texte devrait se lire : le

 12   Président à Tenja…

 13   [Le conseil de la Défense se concerte]

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, connaissez-vous cette personne que l'on

 16   voit sur cette photographie ?

 17   R.  Je ne connais pas cette personne. Peut-être qu'il est différent

 18   maintenant, mais avant, non, je ne l'ai pas vu.

 19   Q.  Je parle du moment où cette photographie a été faite, peut-être

 20   quelques mois plus tard. Mais cette personne, de la manière dont on la voit

 21   ici, est-ce que vous avez souvenir de l'avoir vue -- de l'avoir vue à un

 22   moment quelconque à Tenja ?

 23   R.  Non, je n'arrive pas à me souvenir de cela.

 24   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, savez-vous si les forces croates ont lancé

 25   une attaque sur Stara Tenja pendant que vous y étiez ?

 26   R.  On a tenté une fois - ce n'était pas vraiment une attaque - on a essayé

 27   de libérer Stara Tenja et on a atteint à peu près le début de Tenja,

 28   l'école, et puis ils ont rebroussé chemin. Pourquoi ? Parce que la JNA,


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  1   l'armée, les réservistes venus de Serbie, étaient venus. Ils sont sortis

  2   les chars dans les rues, et puis les autres se sont repliés. Plus personne

  3   n'a osé tirer sur l'armée. Bien sûr, c'est "l'armée", et comme je disais,

  4   tout ça, c'étaient des réservistes serbes.

  5   Q.  Cela s'est produit après l'assassinat de Kir et --

  6   R.  Oui.

  7   Q.  -- et après les trois autres dont nous avons parlé ?

  8   R.  Oui, après cela.

  9   Q.  D'après les informations que j'ai - je sais que vous ne pourriez pas

 10   vous rappeler la date, mais je vais quand même essayer de vous rappeler la

 11   date - donc c'est le 7 juillet 1991 que cette attaque s'est produite,

 12   d'après les informations que j'ai. Est-ce que cela vous dit quelque chose ?

 13   R.  Non, je ne me souviens pas de cela.

 14   Q.  Je voudrais savoir, tout d'abord, si vous êtes au courant du fait qu'il

 15   y a eu quelques procès en Serbie et en Croatie après la guerre au sujet de

 16   ces événements de Tenja ?

 17   R.  J'ai entendu dire qu'il y a eu des procès en Serbie et en Croatie.

 18   Q.  Savez-vous qui étaient les accusés ?

 19   R.  En Serbie, d'après ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il y a eu un

 20   début de procès de Rebraca et de Bozo de Tenja. Ça a commencé, mais ça ne

 21   s'est pas terminé.

 22   Q.  Nous avons des informations --

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il s'agit du document 1D522. Il ne faudrait

 24   pas le diffuser au moment où on le montre au témoin. Et il ne doit pas être

 25   présenté au témoin. Excusez-moi, il s'agit du document 1D521. Page 3 en

 26   B/C/S. Normalement, ça devrait être pages 4 puis 5 en anglais. Il me semble

 27   que la page n'est toujours pas ici. Page suivante en anglais, s'il vous

 28   plaît.


Page 6727

  1   Q.  Vous voyez, pour être bref, j'ai des informations qui indiquent la

  2   chose suivante : vers le 30 juin 1991, Kir et les gens de Tenja s'étaient

  3   mis d'accord pour se réunir. Cette réunion a eu lieu --

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je crois que dans la version anglaise c'est

  5   à la page suivante.

  6   Q.  Donc je crois que cette réunion s'est bien tenue et que, entre autres,

  7   Mirko Tubic, le Dr Mladen Hadzic, Milan Knezevic, Mile Jajic et Djuro

  8   Podunavac étaient présents à cette réunion. Alors, parmi les noms des

  9   personnes que je viens d'énumérer -- je vais revenir à Djuro Podunavac, je

 10   répète le nom, Podunavac. Donc, parmi ces personnes dont je viens de donner

 11   les noms, est-ce qu'il y en a une ou plusieurs que vous connaissez ?

 12    R.  Eh bien, je connais ce Milan Knezevic, je connais Tubic. Tous ceux de

 13   Tenja, je les connais.

 14   Q.  D'après les informations dont je dispose, ils sont tous originaires de

 15   Tenja ?

 16   R.  Hadzic n'est pas de Tenja.

 17   Q.  D'après les informations dont je dispose, il vivait à Tenja, il avait

 18   une maison là-bas ?

 19   R.  Moi, je ne le connais pas.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître, je me demande si c'est le bon

 21   document que nous avons à l'écran, ou, en tout cas, la bonne page du

 22   document. Je parle de l'anglais. Je ne lis pas le B/C/S, donc je vous parle

 23   de l'anglais. Où trouve-t-on les noms que vous venez d'énumérer ?

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est une page avant celle-ci en anglais.

 25   Il faut revenir d'une page. Au deuxième paragraphe.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, c'est cela. Excusez-moi.

 28   Q.  Et nous avons ici une description précise de cette réunion et il est


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  1   question aussi de l'événement qui s'est produit plus tard avec Kir, ce qui

  2   est arrivé ensuite à Kir.

  3   Et c'est un paragraphe seulement avant celui qu'on voit à l'écran, vous

  4   pouvez voir -- en fait, vous ne pouvez peut-être pas le voir parce que cela

  5   n'est pas diffusé, mais nous avons des informations indiquant que les

  6   Serbes de Tenja se sont coordonnés et que le Dr Mladen Hadzic a participé à

  7   ce rapprochement.

  8   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous semblez suggérer que le témoin

 12   ne peut pas voir le document, mais il le voit pourtant. Ce n'est pas

 13   diffusé, mais le témoin le voit.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, j'ai dit que le témoin ne devrait pas

 15   voir le document en question à cause de la pratique qui est établie en

 16   l'espèce parce que c'est une déclaration.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document qui se trouve à l'écran ?

 18   Donc il y a eu un malentendu --

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui --

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais personne n'a compris que

 21   vous ne souhaitiez pas le présenter au témoin. Nous avons compris que vous

 22   ne souhaitiez pas que ce soit diffusé à l'extérieur. Ah, le Juge Hall se

 23   rappelle que vous avez dit "ni présenté, ni montré au témoin". Donc,

 24   excusez-moi.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] En effet, c'était le cas.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, a-t-on pris les

 27   dispositions nécessaires ? Donc cela ne s'affiche plus à l'écran du témoin.

 28   Très bien. Veuillez poursuivre, Maître.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pardonnez-moi pour l'interruption.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pendant que nous avons encore ceci à

  4   l'écran, page 21, ligne 6 --

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document n'est plus à l'écran.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Non, non, c'est le compte rendu qui

  7   m'intéresse.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] On a dit que "Haric n'était pas de Tenja",

 10   c'est ce qui est consigné. Or, il n'y a pas de Haric dans le document. Me

 11   Zivanovic disait :

 12   "D'après les informations dont je dispose, ils sont tous originaires de

 13   Tenja."

 14   Et la réponse consistait à dire que Hadzic, et non pas Haric, n'était pas

 15   de Tenja.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, en effet. Je parlais du Dr Mladen

 17   Hadzic. C'est une erreur au compte rendu.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre,

 19   Maître.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 21   Q.  Savez-vous quand cet état-major de la Défense territoriale a été

 22   organisé à Tenja ?

 23   R.  Non, je ne sais pas.

 24   Q.  Savez-vous qui était à la tête de cet état-major de la TO, qui en était

 25   le commandant ?

 26   R.  J'ai entendu dire que c'était Jovo Rebraca.

 27   Q.  Je vais vous présenter, ou plutôt, je ne vais pas vous présenter, mais

 28   je vais plutôt vous donner l'information dont je dispose.


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Le document correspondant est le 1D520. Il

  2   ne faut pas le diffuser à l'extérieur, Messieurs les Juges, ni le présenter

  3   au témoin. Il s'agit de la première page tant en anglais qu'en serbe.

  4   Q.  Je dispose d'informations selon lesquelles il s'agissait bien de

  5   Rebraca, à savoir que c'est lui qui a organisé cette Défense territoriale

  6   et son état-major, que c'est lui qui en a été nommé le commandant. Je

  7   dispose également d'informations indiquant que c'est Mladen Hadzic qui l'a

  8   nommé à cette fonction, et Mladen Hadzic était à l'époque le président du

  9   SDS. Est-ce que vous savez cela ?

 10   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela. Et d'ailleurs, ça ne

 11   m'intéressait pas du tout de savoir qui était le président, et cetera.

 12   Q.  Vous avez dit avoir eu des contacts avec vos voisins, et je crois que

 13   vous avez dit qu'il y avait Vukas, Mile parmi vos voisins. Vous avez dit

 14   qu'il venait souvent boire de l'eau-de-vie chez vous.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous avez dit que c'est lui qui vous a dit qu'il y avait eu une attaque

 17   en préparation depuis Stara Tenja pour libérer Osijek ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous avez cru ce qu'il vous a dit ?

 20   R.  Je ne croyais rien de ce qu'il disait parce que c'était un ivrogne.

 21   Q.  Merci.

 22   Et lorsque ce rassemblement a eu lieu, ce rassemblement que vous avez

 23   observé, ou plutôt, il y avait 100 à 150 mètres entre les personnes qui ont

 24   pris la parole à ce rassemblement et vous, vous avez dit qu'un certain Mile

 25   était debout à côté de vous. Est-ce que c'était ce Mile-là ou un autre ?

 26   R.  C'était Miladinovic, Mile. Donc Mile Miladinovic était son nom.

 27   Q.  Parmi les personnes dont vous avez cité les noms ici, est-ce que vous

 28   pourriez me dire si l'un ou plusieurs d'entre eux se trouvent toujours à


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  1   Tenja; par exemple, Miladinovic, Vukas, Rebraca, Vidakovic ?

  2   R.  Non, aucun d'entre eux. Ils ont tous pris la fuite parce qu'ils ont

  3   commis des actes incroyables.

  4   Miladinovic, Mile, il a vécu encore quelques années après. Il est mort

  5   l'année dernière, il y a un an, et sa femme aussi. Et les autres, ils se

  6   sont tous enfuis après avoir pillé ces maisons, après les avoir vidées.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez répéter le nom de la personne qui est décédée

  8   et celui de sa femme parce que les interprètes ne vous ont pas bien

  9   entendu.

 10   R.  Mile Miladinovic et sa femme Vasilija. Lui, il est mort il y a un an,

 11   et elle, quelques mois après.

 12   Q.  A cette époque-là, lorsque ce rassemblement avait lieu, vous étiez

 13   occupé à quelque chose, si je vous ai bien compris. Vous travailliez

 14   quelque part à proximité. C'est depuis cet endroit que vous avez observé le

 15   rassemblement pendant un certain temps. Est-ce que vous pourriez me dire

 16   quel type de pièce était celle où vous vous trouviez et où vous travailliez

 17   ?

 18   R.  C'était une coopérative agricole, juste à côté de la commune locale.

 19   D'un côté du bâtiment de la communauté, il y avait cette pièce, ces locaux

 20   dans lesquels nous nous réunissions, nous qui étions dans ce peloton de

 21   travail.

 22   Q.  En d'autres termes, vous tombiez déjà à ce moment-là sous le coup de

 23   cette obligation de travail ?

 24   R.  Oui, c'était un travail forcé. J'étais obligé de travailler.

 25   Q.  Pourriez-vous me dire quand on a introduit cette obligation de travail

 26   ? A partir de quand avez-vous été obligé de faire ce travail forcé ?

 27   R.  Dès qu'ils ont bloqué Tenja, dès qu'il n'était plus possible de sortir

 28   ni d'entrer. Bozo, tout de suite, s'est mis à nous emmener là où il fallait


Page 6732

  1   qu'on travaille. Il m'emmenait au travail et puis il me laissait sur place.

  2   Q.  Vous avez dit qu'à une époque il était possible d'entrer dans Tenja et

  3   d'en sortir. Lorsque vous avez peut-être voulu réserver un billet pour le

  4   départ de votre père, si je ne me trompe pas - alors, vous ne vous

  5   rappellerez peut-être pas la date exacte - mais est-ce que vous pourriez me

  6   donner une idée du moment auquel cela s'est produit par rapport aux

  7   événements que vous décrivez ? Quand est-il devenu impossible de quitter

  8   librement Stara Tenja ou d'y entrer ? Quand est-ce que vous n'avez plus pu

  9   le faire ?

 10   R.  C'est devenu impossible lorsqu'il y a eu le début des tirs et lorsqu'il

 11   y a eu des morts. Avant qu'il y ait des morts, c'était encore possible. Les

 12   voisins qui étaient sur les barrages routiers m'ont laissé passer. Parce

 13   que moi j'étais à moto, ils m'ont laissé passer pour que j'aille faire

 14   cette réservation. Il y avait ce Mico qui m'a dit : "Allez, vas-y, fais

 15   cette réservation pour ton père, mais fais attention qu'untel et untel ne

 16   te voient pas." Et je suis passé, mais il y avait des gens en voiture

 17   devant moi qui freinaient brutalement pour me faire peur. Mais bon, moi,

 18   j'y suis allé puis j'ai fait cette réservation, mais mon père n'a pas voulu

 19   partir.

 20   Q.  Vous dites "lorsque les tirs… ont commencé". C'était après cette

 21   tentative d'attaque des forces croates visant Stara Tenja ou c'était avant

 22   ?

 23   R.  C'était avant.

 24   Q.  Est-ce que c'était après le meurtre de Kir ou avant ?

 25   R.  Je pense que c'était après.

 26   Q.  J'ai également des informations au sujet de la première attaque des

 27   forces croates. Je crois savoir qu'elle a eu lieu le 29 juin 1991 et que

 28   cette attaque a visé la maison d'un certain Zeljko Radosavljevic. Savez-


Page 6733

  1   vous qui est Zeljko Radosavljevic ?

  2   R.  Je n'arrive pas à me souvenir de qui il s'agit. Le nom me rappelle

  3   quelque chose, mais je ne m'en souviens pas exactement.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] 1D521 est le bon document, page 2 en B/C/S,

  5   pages 4 à 5 en anglais. Cela ne doit pas être diffusé ni montré au témoin.

  6   Q.  Connaissez-vous une certaine famille Radakovic qui vivait à Stara Tenja

  7   à l'époque ?

  8   R.  Radakovic, oui, ça me dit quelque chose, mais je n'arrive pas à m'en

  9   souvenir. Vingt années se sont écoulées.

 10   Q.  D'après les informations dont je dispose, le soir du 29 juin a eu lieu

 11   la première attaque des forces croates, et c'est justement cette maison, la

 12   maison de la famille Radakovic, qui a été prise -- la maison de la famille

 13   Radosavljevic, pardon, qui a été prise pour cible. Et à l'intérieur de

 14   cette maison se trouvait la famille Radakovic. Est-ce que vous vous

 15   souvenez que c'est justement le lendemain de ce jour, le 30 juin - qui est,

 16   par ailleurs, la fête nationale croate - un jour férié donc, est-ce que

 17   vous vous en souvenez ?

 18   R.  Je ne me rappelle pas que cette maison ait été attaquée. C'était peut-

 19   être un jour férié, mais je ne me rappelle pas l'attaque.

 20   Q.  Vous avez dit qu'un jour, vous avez vu dans la rue Goran Hadzic et

 21   Arkan. Mais ils ont emprunté votre rue à pied ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Savez-vous d'où ils venaient, de quelle direction ?

 24   R.  Ils venaient du centre de Tenja, de la commune locale.

 25   Q.  Et dans quelle direction allaient-ils ?

 26   R.  Vers la caserne de la JNA.

 27   Q.  Et pourriez-vous nous dire à quelle distance la caserne se trouvait par

 28   rapport au centre de Tenja, la caserne de la JNA ?


Page 6734

  1   R.  Eh bien, 2, 3 kilomètres, je dirais.

  2   Q.  Merci. J'aimerais vous demander encore quelques précisions au sujet de

  3   ce que vous avez déclaré aujourd'hui en page numéro 4 du compte rendu,

  4   ligne 21. Au sujet de votre frère, vous avez dit qu'ils voulaient l'emmener

  5   en Serbie pour qu'il aille à l'école là-bas. Alors, ce qui m'intéresse,

  6   c'est de savoir qui voulait l'emmener là-bas à l'école ?

  7   R.  Il y avait une liste qu'on avait dressée chez les gens, dans leurs

  8   maisons, la liste de ceux qui devaient aller à l'école en Serbie, mais il y

  9   avait des problèmes à l'école, des élèves qui se battaient. Il y en avait

 10   qui écrivait "HDZ" au tableau et d'autres qui écrivaient "SDS". Il y avait

 11   des problèmes avec le fils du prêtre orthodoxe, et donc ils se sont battus.

 12   Et Podunavac, alors, a lancé des accusations et mon frère a pris peur, il

 13   l'a accusé d'être insolent et c'est pourquoi il a eu peur. C'était la

 14   raison pour laquelle ils voulaient l'emmener en Serbie, pour qu'il aille à

 15   l'école là-bas et pour qu'il ne reste pas dans cette situation.

 16   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a dit qu'on voulait l'emmener à l'école en

 17   Serbie ?

 18   R.  Un homme est venu chez moi, dans ma maison, pour me dire qu'il allait

 19   l'emmener en Serbie.

 20   Q.  Et vous, ce que vous avez compris, c'est que vous ne le reverriez plus

 21   s'il allait à l'école en Serbie ?

 22   R.  Mais comment est-ce que j'aurais pu comprendre autrement ? Puisque le

 23   directeur de l'école l'avait déjà pris pour cible à Tenja. Mon frère

 24   pleurait déjà à la maison à cause de tout ça. C'est pour ça que je l'ai

 25   emmené avec moi. Il n'aurait pas pris la fuite s'il n'y avait pas eu toute

 26   cette histoire, et si Bozo ne nous avait pas eu aussi dans le collimateur.

 27   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Le témoin a répondu trop

 28   rapidement. Peut-on lui demander de répéter sa réponse.


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez répéter ce que vous venez de dire. Les

  3   interprètes n'ont pas pu saisir l'ensemble de votre réponse parce que vous

  4   avez parlé vite. Est-ce que vous pourriez parler un peu plus lentement et

  5   répéter, s'il vous plaît.

  6   R.  Un homme est venu chez nous et il faisait une liste des élèves qui

  7   devaient aller à l'école en Serbie, qui seraient emmenés. Il a demandé à

  8   mon frère s'il allait y aller. Mon frère a dit : "Je dois y aller alors ?"

  9   Et il a dit : "Oui, tous les enfants doivent y aller, donc toi aussi." Et

 10   nous, on est sortis à l'extérieur. Je suis allé apporter du foin chez le

 11   directeur de l'école, Podunavac, et puis je suis arrivé là-bas et il m'a

 12   dit : "Ton frère a attaqué le fils du prêtre à l'école. Il s'est battu avec

 13   lui. Il écrivait 'HDZ' au tableau. Il s'est battu avec lui." Et,

 14   évidemment, après tout ça, mon frère a eu peur. Alors, pendant une période,

 15   il avait sur sa tête une casquette tricolore, rouge, blanc, bleu. Moi, je

 16   n'avais même pas vu qu'il portait ça. Notre voisin est venu nous voir pour

 17   dire : "Bien, t'as vu ce que ton frère porte sur sa tête ?" Je l'ai appelé,

 18   j'ai vu que c'était vrai et j'ai jeté cette casquette. Et donc, moi, j'ai

 19   compris qu'ils voulaient l'emmener à l'école en Serbie et que moi je ne le

 20   verrais plus. J'ai compris qu'ils voulaient le faire parce qu'il y avait eu

 21   cette histoire avec le fils du prêtre orthodoxe.

 22   Q.  Est-ce que vous avez considéré que c'était peut-être juste un prétexte

 23   pour eux pour qu'ils puissent l'emmener quelque part et le tuer et que

 24   c'était peut-être pour cette raison que vous ne le verriez plus ou pour une

 25   autre raison ?

 26   R.  Oui, pour cette raison-là.

 27   Q.  Est-ce que vous n'avez pas pensé qu'ils auraient aussi bien pu le tuer

 28   à Tenja s'ils avaient voulu le tuer ?


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  1   R.  Je ne réfléchissais pas à ça. Peut-être qu'ils auraient pu le tuer à

  2   Tenja, mais ils auraient pu le faire en Serbie aussi, et moi je voulais

  3   juste essayer de le sauver.

  4   Q.  Quand vous êtes parti de Tenja, vous avez dit qu'après un an vous avez

  5   rejoint les rangs de l'armée croate. Est-ce que vous pourriez dire ce que

  6   vous avez fait entre-temps, dans l'intervalle, pendant cette année après

  7   que vous êtes arrivé à Osijek ? J'ai cru comprendre que vous étiez à Osijek

  8   ou dans un endroit proche d'Osijek.

  9   R.  Non, j'ai vécu à Makarska pour me remettre de tout ce qui nous était

 10   arrivé, à moi et mon frère. Et puis, j'avais beaucoup de papier à régler

 11   pour pouvoir récupérer cette retraite de mon père en Allemagne. J'y suis

 12   allé plusieurs fois.

 13   Q.  Avez-vous été mobilisé par l'armée croate ?

 14   R.  Non, je n'ai pas été mobilisé. Personne ne m'a forcé à quoi que ce

 15   soit. Lorsque je me suis un peu remis, un peu rétabli, c'est de mon propre

 16   gré que je me suis enrôlé.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vois l'heure, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En effet, Maître. Nous avons deux ou

 19   trois minutes d'avance, mais cela ne fait rien.

 20   Monsieur Knezevic, nous allons faire notre première pause dès maintenant,

 21   une pause d'une demi-heure. Et nous reprendrons nos débats à 11 heures.

 22   Veuillez suivre M. l'Huissier, s'il vous plaît. Je vous remercie.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 26   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître


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  1   Zivanovic.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Monsieur Knezevic, vous avez beaucoup parlé de Bozo Vidakovic. Je ne

  4   vais pas reprendre maintenant le contenu de votre déclaration, mais je

  5   voudrais vous demander la chose suivante. Avait-il un surnom, d'après vous

  6   ?

  7   R.  Oui, il était surnommé Oustacha.

  8   Q.  Et ce surnom, il datait d'avant la guerre ?

  9   R.  Oui, oui, d'avant-guerre.

 10   Q.  Et que ce soit les Serbes ou les Croates, tout le monde employait ce

 11   surnom, sans différence ?

 12   R.  Les Serbes, pas les Croates. Les Croates ne l'appelaient pas Oustacha.

 13   Q.  Et puis, la dernière partie de mon interrogatoire concerne ce que vous

 14   avez dit dans votre déclaration au sujet du rassemblement devant la commune

 15   locale. Hier, vous avez dit que Hadzic a pris la parole, que Rebraca, lui

 16   aussi, a parlé, et qu'Arkan et Hadzic sont passés par votre rue, la rue où

 17   vous habitiez, d'après votre déclaration. Alors, ces deux événements se

 18   sont-ils produits le même jour ou est-ce que cela s'est passé à des dates

 19   différentes ?

 20   R.  Ce n'était pas le même jour.

 21   Q.  Vous avez dit que vous avez vu le premier événement d'une certaine

 22   distance, de 100 ou 150 mètres. Et puis, l'autre événement ? J'aimerais

 23   savoir si vous avez été mis au courant grâce à Vukas de cet événement ?

 24   R.  Il a dit qu'ils allaient essayer de voir comment on allait pouvoir

 25   atteindre Osijek.

 26   Q.  Autrement dit, vous les avez vus vous-même ou est-ce qu'on vous a dit

 27   qu'ils étaient passés ?

 28   R.  J'ai vu deux hommes en uniforme et je les ai vus marcher dans la rue.

 


Page 6738

  1   Q.  Juste une petite chose que je voudrais éclaircir. Si j'ai bien compris

  2   votre dernière réponse, vous avez vu deux hommes en uniforme, vous les avez

  3   vus passer, et c'est lui qui vous a dit qui étaient ces deux hommes ?

  4   R.  Oui, Hadzic et l'autre.

  5   Q.  Pour que ce soit parfaitement clair, donc ce que je vous ai demandé et

  6   dans quel contexte j'ai mentionné le Dr Mladen Hadzic et tous ces

  7   événements, je voudrais vous dire que la position adoptée par la Défense

  8   est que Goran Hadzic ne s'est pas trouvé à Tenja à ce moment-là, au moment

  9   du rassemblement, j'entends, ni au moment où ces deux hommes sont passés

 10   par votre rue. Donc je voulais vous le dire pour que vous le sachiez.

 11   R.  Moi, je sais qu'il y a été.

 12   Q.  D'après ce que vous avez dit jusqu'à présent.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.

 16   R.  D'accord.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'en ai terminé avec mon contre-

 18   interrogatoire. Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zivanovic.

 20   Monsieur Demirdjian, des questions supplémentaires ?

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui.

 22   Nouvel interrogatoire par M. Demirdjian :

 23   Q.  [interprétation] Re-bonjour, Monsieur le Témoin.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  On vous a posé des questions au sujet de votre frère. Pourriez-vous

 26   nous dire, à l'époque des événements, en 1991, quel âge il avait ?

 27   R.  A peu près 15 ans.

 28   Q.  Très bien. Un autre sujet. On vous a interrogé sur la tentative des


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  1   forces croates de libérer, comme vous l'avez dit, la partie ancienne de

  2   Tenja. Vous vous souvenez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Lors de cette tentative, à l'époque, comment étaient les conditions à

  5   Tenja ?

  6   R.  Vous voulez dire au moment de l'attaque, où l'attaque a été lancée sur

  7   Tenja ? Moi, j'étais à la maison. Je n'ai pas osé sortir jusqu'à ce que

  8   l'armée ne sorte avec les chars, et puis les autres se sont retirés. Mais

  9   je ne les ai pas vus arriver, ni rien du tout. Moi, j'ai simplement entendu

 10   dire de la part des voisins que soi-disant une attaque était lancée

 11   d'Osijek. Moi, j'ai juste vu les chars de l'armée passer par notre rue,

 12   passer là où il y avait les combats. Et puis, moi, j'étais chez moi, puis

 13   Bozo est arrivé avec un porte-voix et il a dit qu'il fallait ouvrir le

 14   portail d'entrée pour que les civils puissent entrer. J'ai vu les civils

 15   entrer. En fait, j'ai ouvert mon portail, et puis personne n'est entré dans

 16   ma cour parce qu'ils savaient que j'étais Croate.

 17   Q.  Moi, je voulais savoir la chose suivante. Lorsque cette tentative des

 18   forces croates de libérer Tenja a eu lieu -- quand cette intervention a-t-

 19   elle eu lieu par rapport à la mort de Kir ? Est-ce que c'était avant ou

 20   après, plus ou moins, et quel laps de temps ?

 21   R.  C'était après. De mémoire, c'était après. Mais pour ce qui est du temps

 22   qui s'est passé, je ne pourrais pas vous dire combien de temps s'est passé.

 23   Et d'ailleurs, moi j'ai entendu parler de cette action, mais je ne l'ai pas

 24   vue. Je l'ai entendu dire, et puis j'ai vu des civils courir, mais je n'ai

 25   pas osé sortir. J'étais à la maison avec mes parents. L'armée est passée.

 26   Moi, je ne suis pas sorti.

 27   Q.  Très bien. Dans mon interrogatoire principal hier, je vous ai posé la

 28   chose suivante, et je vous ai demandé : après avoir vu la première fois


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  1   Goran Hadzic au rassemblement, combien de fois vous l'aviez vu après --

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je ne pense pas que la citation soit

  4   exacte.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vais reformuler la question.

  6   Q.  Vous nous avez dit hier que vous aviez vu un homme, dont vous avez dit

  7   qu'il s'agissait de Goran Hadzic, lors d'un rassemblement. Ensuite, je vous

  8   ai demandé si vous l'aviez revu par la suite. Est-ce que vous vous en

  9   souvenez ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens.

 11   Q.  Aujourd'hui, en répondant à une question de mon confrère, vous avez dit

 12   :

 13   "J'ai vu deux hommes en uniforme qui passaient dans la rue."

 14   Lorsque vous les avez vus, saviez-vous de qui il s'agissait ?

 15   R.  Je l'ai su parce que Mile m'a dit que c'était Hadzic et Arkan.

 16   Q.  Mile vous a dit qui ils étaient. Mais combien de temps était-ce après

 17   que vous les aviez vus ?

 18   R.  Tout de suite quand je les ai vus. Dès qu'ils sont passés, il me l'a

 19   dit. C'était juste à côté de ma maison. Ils étaient à côté de ma maison.

 20   Q.  Merci d'avoir répondu à mes questions.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Cela met un terme à mes questions

 22   principales [comme interprété], Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Demirdjian.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Knezevic, ceci met un terme

 26   à votre déposition. Nous vous remercions, une fois de plus, d'avoir aidé le

 27   Tribunal. Vous êtes à présent libéré de vos obligations de témoin. Nous

 28   vous souhaitons un bon retour chez vous. L'huissier va vous accompagner en

 


Page 6741

  1   dehors du prétoire. Merci beaucoup.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie. Au revoir.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, nous n'avons pas

  5   d'autres témoins aujourd'hui ?

  6   M. STRINGER : [interprétation] Non. C'était le dernier témoin prévu cette

  7   semaine.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. S'il n'y a rien d'autre,

  9   la séance est levée.

 10   --- L'audience est levée à 11 heures 12 et reprendra le lundi 8

 11   juillet 2013, à 9 heures 00.

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