Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 29 août 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire et dans les pièces adjacentes.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges.

 10   Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Les parties peuvent-elles se présenter, l'Accusation pour commencer.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges.

 15   Douglas Stringer, Matthew Gillett, Thomas Laugel et notre commis à

 16   l'affaire, Malick Djiba, pour le bureau du Procureur.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Maître Zivanovic.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 20   les Juges.

 21   Pour la Défense de M. Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher

 22   Gosnell. Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 24   Nous pouvons faire entrer le témoin, s'il vous plaît.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner vos nom et

 


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  1   date de naissance -- et votre nationalité.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Fred Noseworthy. Ma date de naissance

  3   est celle du 13 juin 1948. Je suis Canadien.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Je suppose que vous

  5   allez déposer en anglais ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur, vous allez prononcer la

  8   déclaration solennelle par laquelle les témoins s'engagent à dire la

  9   vérité. Je tiens à préciser que vous vous exposeriez aux sanctions pour

 10   faux témoignage si votre déposition ne devait pas être véridique. Je vous

 11   invite maintenant à prononcer la déclaration solennelle.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'engage à dire la vérité, toute la vérité

 13   et rien que la vérité. Que Dieu m'y aide.

 14   LE TÉMOIN : FRED NOSEWORTHY [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Gillett.

 17   M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges.

 19   Interrogatoire principal par M. Gillett :

 20   Q.  [interprétation] Monsieur, m'entendez-vous de manière claire et nette ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez un document sous les yeux. De quoi s'agit-il ?

 23   R.  C'est ma déclaration, la déclaration que j'ai donnée sous serment.

 24   Ainsi que la confirmation de ma déclaration, pour que je puisse me

 25   rafraîchir la mémoire. Je pense que les Juges de la Chambre ont reçu ce

 26   document.

 27   M. GILLETT : [interprétation] On pourrait peut-être montrer ce document à

 28   la Défense.


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  1   Je vous remercie.

  2   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire à quel moment vous êtes venu pour la

  3   première fois en ex-Yougoslavie dans le cadre de la Mission d'observation

  4   de la Communauté européenne ?

  5   R.  Je suis arrivé dans la matinée du 7 septembre 1992.

  6   Q.  Et quel a été le rôle que vous avez joué au sein de cette mission

  7   d'observation - la MOCE, je vais l'appeler ?

  8   R.  J'étais commandant du contingent canadien au sein de la MOCE et j'ai

  9   été l'officier en charge des opérations pour la mission.

 10   Q.  Alors, par rapport à la déclaration qui est sous vos yeux, avez-vous

 11   fourni une déclaration au Procureur de ce Tribunal en 

 12   2012 ?

 13   R.  Oui.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Je vais demander l'affichage du document de

 15   la liste 65 ter --

 16   L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent qu'une pause devrait être ménagée

 17   entre la question et la réponse.

 18   M. GILLETT : [interprétation]

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   M. GILLETT : [interprétation] Le document 06379, s'il vous plaît, de la

 21   liste 65 ter, peut-on l'afficher.

 22   Q.  Monsieur, un document s'affiche à l'écran. Le reconnaissez-vous comme

 23   étant la déclaration que vous avez donnée ? Reconnaissez-vous votre

 24   signature en bas de ce document ?

 25   R.  Je ne vois pas ma signature ici. Cependant, je reconnais le document.

 26   Q.  Est-ce qu'on pourrait agrandir, s'il vous plaît, la version anglaise.

 27   Et montrez-nous la page suivante.

 28   R.  Oui, c'est ma signature.


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  1   Q.  Cette semaine, vous êtes arrivé à La Haye avant votre déposition. Est-

  2   ce que vous avez relu à ce moment-là votre déclaration et avez-vous apporté

  3   des corrections ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Confirmez-vous l'exactitude et le caractère véridique de votre

  6   déclaration ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Si l'on vous posait aujourd'hui les mêmes questions, vos réponses

  9   seraient-elles les mêmes, sur les mêmes sujets ?

 10   R.  Oui, je pense bien. Oui.

 11   M. GILLETT : [interprétation] L'Accusation demande que le document 6379 de

 12   la liste 65 ter soit versé au dossier de même que les pièces connexes.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais faire juste un

 14   commentaire ? Je dois dire que mes réponses se fondent sur ma mémoire. Il

 15   s'agit d'événements qui se sont produits il y a 21 ou 22 ans de cela, donc

 16   il est très difficile de retrouver tous les détails. Mais après avoir relu

 17   ma déclaration, la déclaration que j'avais donnée dans un premier temps, je

 18   pense bien que mes réponses sont aussi exactes que possible.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela est tout à fait réconfortant,

 20   Monsieur, de voir que vous êtes conscient du fait que vous ne vous rappelez

 21   peut-être pas parfaitement tout ce qui s'est passé il y a 20 ans.

 22   Le document est admis au dossier et reçoit une cote.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote P2891. Les pièces

 24   connexes recevront des cotes qui seront communiquées aux parties au moment

 25   voulu. Je vous remercie.

 26   M. GILLETT : [interprétation]

 27   Q.  Alors, Monsieur, je vais vous poser quelques questions au sujet de

 28   quelques documents supplémentaires qui sont relatifs aux sujets dont il est


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  1   traité dans votre déclaration.

  2   M. GILLETT : [interprétation] Premièrement, le document 1269 de la liste 65

  3   ter, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran.

  4   Q.  Monsieur, c'est une télécopie, et en pièce jointe elle comporte un

  5   résumé qui concerne la réunion de la commission conjointe du 20 septembre

  6   1992. Pouvez-vous préciser de quelque commission il s'agit ?

  7   R.  La commission conjointe -- eh bien, c'était une instance qui avait été

  8   créée par les Nations Unies et qui réunissait et englobait également la

  9   Mission d'observation de la Communauté européenne de l'époque et les

 10   représentants des parties au conflit. L'objectif a été de résoudre la

 11   question de ce qui a été appelé à l'époque les zones roses, donc les zones

 12   de tension, zones intermédiaires entre les zones où le cessez-le-feu était

 13   établi et les zones protégées par les forces des Nations Unies, qui

 14   étaient, elles, appelées zones de Protection des Nations Unies, les UNPA.

 15   Q.  La dernière page de ce document, s'il vous plaît. Sous la MOCE, nous

 16   voyons votre nom, vous figurez en regard du numéro 3. Est-ce que cela veut

 17   dire que vous êtes venu assister à cette réunion ?

 18   R.  Oui. Et je voudrais aussi préciser que c'est l'ambassadeur John

 19   MacDonald du Royaume-Uni qui était le porte-parole de la MOCE. Moi, j'étais

 20   là en tant qu'officier en charge des opérations pour lui apporter mon

 21   conseil sur des questions opérationnelles. Donc mon rôle se limitait

 22   strictement au mode opératoire de la MOCE, mais je ne m'exprimais pas au

 23   nom de la mission. Mon rôle était celui de conseiller.

 24   Q.  Je vous remercie. Je voudrais que l'on passe au page 2 de ce document.

 25   Prenons le premier paragraphe, où il est dit que la commission conjointe a

 26   été établie pour superviser le rétablissement de l'autorité croate dans les

 27   zones roses et ce, de manière graduelle.

 28   Vous nous avez dit ce qu'étaient les zones roses. Nous allons maintenant


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  1   laisser de côté la question de la Résolution 762, mais qui avait le

  2   contrôle sur ces zones ?

  3   R.  Le gouvernement croate souhaitait rétablir sa souveraineté pleine et

  4   entière sur les zones roses, tandis que la population serbe, la partie

  5   serbe, à l'époque, d'après ce que j'ai compris, souhaitait garder ce

  6   contrôle pour elle. C'était ça le fond du conflit. Et l'objectif de la

  7   commission conjointe était de réunir les deux parties en présence pour

  8   qu'elles puissent résoudre ce problème et pour que l'on puisse mettre fin à

  9   l'existence des zones roses.

 10   Q.  En page 3 de ce document, deuxième paragraphe, il est dit que Cedric

 11   Thornberry a rencontré Martic, Spanovic et Zivkovic, et qu'ils se sont mis

 12   d'accord sur le désarmement de la police spéciale, et ce, au plus tard à la

 13   date du 15 octobre 1992. Est-ce que ce désarmement s'est produit comme

 14   l'accord le prévoyait ?

 15   R.  Pas pour autant que je le sache.

 16   Q.  Et quelle a été l'incidence de la présence de cette police spéciale

 17   lourdement armée sur la population non serbe ?

 18   R.  C'étaient des paramilitaires, en fait. Et le fait qu'ils soient

 19   lourdement armés dans cette zone était quelque chose qui intimidait la

 20   population. Ça, c'est mon point de vue.

 21   M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons demander

 22   que ce document soit versé au dossier.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il est admis au dossier et reçoit une

 24   cote.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P2892.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Est-ce que je peux réagir avant que vous

 28   ne poursuiviez.


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  1   Monsieur Noseworthy, je me réfère à votre réponse en ligne 13, où il est

  2   dit que : "la commission conjointe avait pour finalité de réunir les deux

  3   parties opposées afin qu'elles puissent engager des pourparlers et que l'on

  4   puisse mettre fin à des zones roses."

  5   En fait, cela répond en partie à quelque chose qui m'intéresse, à savoir la

  6   question des lignes de démarcation et les zones protégées par les Nations

  7   Unies. Comment est-ce qu'on a créé ces zones roses ?

  8   Mais, en fait, maintenant je vais vous demander autre chose. Ces zones

  9   roses étaient-elles à géométrie variable ou bien définie ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, elles étaient plutôt bien définies,

 11   parce qu'il y a eu une ligne du cessez-le-feu, et c'est là que normalement

 12   le conflit officiel était terminé. Mais il y a eu des zones où les Nations

 13   Unies avaient déployé la Force de protection des Nations Unies. Ces zones

 14   étaient appelées les UNPA, zones protégées par les Nations Unies, et ces

 15   zones ne correspondaient pas parfaitement à la ligne du cessez-le-feu. Donc

 16   vous aviez en fait une zone intermédiaire qui était contestée.

 17   Est-ce que cela vous permet de comprendre ?

 18   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Oui. Je vous remercie.

 19   Vous pouvez continuer, Monsieur Gillett.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du

 21   document 1361 de la liste 65 ter. Excusez-moi, il s'agit du document 1351.

 22   Là encore, cela porte sur les travaux de la commission conjointe.

 23   Q.  Nous avons ici une télécopie avec le résumé en pièce jointe qui porte

 24   sur la réunion de la commission du 9 novembre 1992. Dernière page, page 7,

 25   nous voyons qu'il est question de Patrick Curley, sous la MOCE. Qui était-

 26   ce ?

 27   R.  C'est un officier irlandais. Il était lieutenant-colonel de l'armée

 28   irlandaise et il était le commandant du contingent irlandais au sein de la


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  1   MOCE. Il a travaillé pour moi en tant qu'un des officiers de mon état-

  2   major. Et comme j'ai eu un empêchement, que je n'ai pas pu assister à la

  3   réunion de la commission conjointe ce jour-là, j'ai demandé à Patrick

  4   Curley de m'y remplacer.

  5   Q.  Je vous remercie. Et vous a-t-il informé du contenu, du déroulement de

  6   la réunion ?

  7   R.  Oui, il l'a fait. Absolument.

  8   Q.  Je voudrais que l'on nous affiche la première page de ce document. Nous

  9   voyons que les réunions de la commission conjointe étaient reportées sine

 10   die. Et l'auteur de ces télécopies, Cedric Thornberry, affirme dans la

 11   dernière ligne de cette première page que la partie serbe est, au fond,

 12   responsable des zones protégées des Nations Unies.

 13   Alors, comment est-ce que la partie serbe allait profiter de cette

 14   entrave aux négociations ?

 15   R.  Ecoutez, il n'y avait pas que la partie serbe. Les deux parties

 16   cherchaient à gagner du temps et à empêcher l'avancement. Et en faisant

 17   cela, ils achetaient du temps -- ils essayaient de gagner du temps pour, je

 18   pense, pouvoir accroître leur présence. Je sais que Cedric Thornberry était

 19   extrêmement frustré à ce moment-là du fait que les deux parties n'étaient

 20   pas préparées à se parler au sein de la commission.

 21   Q.  Vous dites qu'"ils essayaient de gagner du temps pour accroître leur

 22   présence." Qu'est-ce vous voulez dire par là ?

 23   R.  Ecoutez, s'ils acceptaient de se réunir au sein de la commission

 24   conjointe, cela reviendrait à démontrer qu'ils étaient prêts à coopérer

 25   dans un effort qui visait à résoudre la question des zones roses. Mais, en

 26   fait, vous aviez des paramilitaires qui sévissaient sur le terrain, et, en

 27   fait, ce qu'ils faisaient, c'était d'agir de manière organisée et

 28   d'intimider les populations. Et maintenant, en essayant de gagner du temps,


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  1   je suppose qu'ils cherchaient probablement à s'installer en tant que force

  2   dominante dans la zone donnée, et c'est quelque chose qui contrariait

  3   considérablement le gouvernement croate. Parce que, aux yeux du

  4   gouvernement croate, les zones roses, compte tenu de la situation, eh bien,

  5   étaient reconnues comme étant croates. 

  6   Q.  Vous parlez de ces paramilitaires organisés. Quels sont les termes qui

  7   étaient utilisés pour les désigner ?

  8   R.  En anglais, police spéciale, "special police". Mais en pratique,

  9   c'étaient des paramilitaires, des groupes armés irréguliers. Et ils étaient

 10   organisés. Ils opéraient en tant que paramilitaires organisés - là encore,

 11   je les appelle "militia", donc paramilitaires - mais ils étaient organisés.

 12   Cependant, on les appelait police spéciale.

 13   Q.  Quel est l'équipement que ces hommes avaient ?

 14   R.  Personnellement, la seule chose que j'ai vue, c'était des armes

 15   personnelles et des armes d'assaut.

 16   Q.  Vous avez lu des rapports comme quoi ils auraient eu d'autres pièces

 17   d'équipement ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Lesquelles ?

 20   R.  Ecoutez, je ne me rappelle pas le détail.

 21   Q.  Et de manière générale, vous pourriez nous en parler ?

 22   R.  Oui. C'était plutôt quelque chose qu'on considérait comme étant des

 23   armes d'infanterie.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  Un éventail large d'armes d'infanterie. Des systèmes d'armes.

 26   Q.  Pouvez-vous nous expliquer --

 27   R.  Des armes qui nécessitent plus d'une personne pour les opérer.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner un exemple ?


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  1   R.  Oui. Une mitrailleuse.

  2   Q.  Très bien.

  3   M. GILLETT : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au

  4   dossier, document 1351 de la liste 65 ter.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis au dossier et

  6   reçoit une cote.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cote P2893.

  8   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Et ma dernière question. Au paragraphe 63 de votre déclaration, vous

 10   dites que Goran Hadzic était le président de la RSK et que vous l'avez

 11   croisé à Knin à un moment donné.

 12   Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est produit pendant cette

 13   rencontre ?

 14   R.  Ça a été très bref.

 15   Très, très bref. En ma compagnie, il y avait un membre du centre de

 16   coordination de Knin pour la MOCE, et c'est lui qui m'a servi de guide. Et

 17   je me suis déplacé pour me rendre auprès des différentes équipes, centres

 18   de coordination et des centres régionaux dans la zone du déploiement. Ça

 19   faisait partie de mon travail. J'étais leur supérieur immédiat et, donc, on

 20   me faisait visiter. Nous étions dans le bâtiment du gouvernement, et, en

 21   fait, ce qui s'est passé, c'est que simplement j'ai croisé M. Hadzic, et ça

 22   a été très, très bref.

 23   Q.  Comment saviez-vous que c'était le président de la RSK ?

 24   R.  C'est mon guide qui me l'a dit.

 25   Q.  Vous a-t-il dit quoi que ce soit d'autre au sujet de 

 26   Hadzic ?

 27   R.  C'est une de ces choses que l'on n'oublie pas. Il m'a dit qu'il ne se

 28   passait quasiment rien dans cette zone sans qu'il le sache. Et donc, c'est

 


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  1   la meilleure façon de résumer ce qu'il m'a dit.

  2   Et je dois dire aux Juges de la Chambre que j'ai essayé de vérifier

  3   cela. L'officier, donc, qui m'a escorté à l'époque souffre de PTSD et je

  4   n'ai pas pu lui parler. Donc je vous ai relaté cela au mieux de mes

  5   souvenirs.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   M. GILLETT : [interprétation] J'en ai terminé avec mes questions dans le

  8   cadre de l'interrogatoire principal.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gillett.

 10   La Défense peut-elle amorcer son contre-interrogatoire ?

 11   [Le conseil de la Défense se concerte]

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, ne vous pressez

 13   pas…

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que je peux juste

 15   consulter mon client un instant ? Merci.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.

 17   [Le conseil de la Défense et l'Accusé se concertent]

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

 19   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Noseworthy. Je suis Me Zivanovic et

 21   je défends les intérêts de M. Goran Hadzic dans cette affaire.

 22   Je souhaite aborder deux points avec vous. Premièrement, la

 23   démilitarisation.

 24   Vous avez dit que vous avez commencé à travailler pour la MOCE le 7

 25   septembre 1992 ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et avant cela, vous avez eu deux semaines de réunions d'information à

 28   titre de préparation ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et pendant cette période-là, est-ce que vous vous êtes familiarisé avec

  3   l'histoire et l'évolution récente des événements en ex-Yougoslavie ?

  4   R.  Ecoutez, pour être tout à fait honnête, cela n'a pas été très détaillé,

  5   pas aussi détaillé que je l'aurais aimé. Nous avons eu beaucoup de réunions

  6   d'information et l'on a pu rencontrer les individus qui avaient vécu en ex-

  7   Yougoslavie, qui nous ont donné des aperçus historiques de la situation et

  8   de la zone.

  9   Et on a été formés aussi brièvement au moment où nous sommes arrivés

 10   au sein de la mission. Et c'était peut-être bien plus pertinent pour notre

 11   mission.

 12   Q.  Et vous étiez au courant de l'existence du plan Vance et ce, de manière

 13   détaillée ?

 14   R.  Ah oui.

 15   Q.  Alors, la première phase de ce plan consistait à procéder à une

 16   démilitarisation et un retrait de la JNA; est-ce exact ?

 17   R.  Oui, c'est comme ça que je l'ai compris.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1402 de

 19   la liste 65 ter.

 20   Q.  C'est un livre. C'est le livre du colonel Riley, si je ne me trompe pas

 21   sur le nom.

 22   R.  Oui, tout à fait. Je le connais bien.

 23   Q.  Oui.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Page 7, s'il vous plaît, dans le système du

 25   prétoire électronique.

 26   C'est l'avant-dernier paragraphe. Ce sera à gauche.

 27   Q.  La dernière phrase se lit comme suit :

 28   "Les équipes de la MOCE surveillent également le retrait de la JNA de


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  1   Krajina, ce qui a commencé en mai 1992, après avoir reçu l'autorisation

  2   d'entrer dans la Krajina en avril."

  3   Est-ce que vous êtes d'accord avec cette déclaration ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Page suivante de ce document. Je pense que ce sera le premier

  6   paragraphe de la page, la première phrase, qui se lit comme suit :

  7   "Le cessez-le-feu en Croatie a été violé en mai par des attaques lancées

  8   par l'armée croate au nord de Split."

  9   Vous en souvenez-vous ?

 10   R.  En fait, l'événement qui s'est produit, je ne m'en souviens pas. Mais

 11   cela fait partie de l'histoire du conflit. Oui, je suis au courant de cela,

 12   mais je n'étais pas sur place en mai.

 13   Q.  Et vous savez, pour la première semaine de juin 1992, que l'armée

 14   croate a investi la Bosnie-Herzégovine et a coupé le corridor qui

 15   rattachait la RSK à l'ex-Yougoslavie ?

 16   R.  Oui. Cela fait partie aussi de l'histoire.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer que ce corridor était décisif, était

 18   un élément-clé pour la survie de la RSK ? Ce lien entre la Yougoslavie et

 19   la RSK.

 20   R.  Oui. La réponse c'est oui, si on admet -- si on part du principe que la

 21   RSK allait se maintenir -- était une entité qui allait se maintenir. Mais

 22   je dois dire que je ne suis pas tout à fait certain au titre du droit

 23   international si c'est quelque chose qui était généralement accepté. Mais

 24   du point de vue de la population serbe en RSK, c'était là leur façon de

 25   voir la situation, leur perception.

 26   Q.  Merci. Et vous savez, n'est-ce pas, que ce corridor a de nouveau été

 27   mis en place uniquement après l'intervention armée des forces de la RSK

 28   dans la première moitié du mois de juin 1992 ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Pourriez-vous nous confirmer que le 21 juin 1992, l'armée croate a fait

  3   une incursion sur le plateau de Miljevacki, en infraction avec les

  4   dispositions du plan Vance ?

  5   R.  L'histoire peut nous répondre. Je n'étais pas sur place à ce moment-là,

  6   donc je n'ai rien pu observer de ce qui s'est passé. Cependant, cela relève

  7   du domaine des faits historiques.

  8   Q.  Pourriez-vous confirmer que les forces de la RSK ont contrecarré cette

  9   incursion armée des forces croates sur le plateau de Miljevacki ?

 10   R.  Encore une fois, ceci relève des faits historiques.

 11   Q.  Merci. Connaissez-vous la Résolution 762 du Conseil de sécurité des

 12   Nations Unies, condamnant ces agissements de l'armée croate ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je voudrais maintenant vous demander la chose suivante : conviendriez-

 15   vous que si la RSK avait poursuivi le désarmement de ses forces, elle

 16   n'aurai pas été en mesure d'opposer la moindre résistance à ces agissements

 17   particuliers tout comme à toute opération future des forces croates ?

 18   R.  Vous êtes en train de me demander mon opinion, je crois, et je ne me

 19   sens pas à l'aise à l'idée de vous donner mon opinion parce que la

 20   situation que vous décrivez n'était pas considérée de façon unanime comme

 21   présentant un caractère de légitimité. Cependant, du point de vue de la

 22   RSK, oui, je vous concède volontiers que c'était le cas.

 23   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez que le 22 janvier 1993, l'armée

 24   croate a lancé une attaque dans le secteur de 

 25   Maslenica ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et si la RSK n'avait pas disposé à ce moment-là de ses forces armées,

 28   elle n'aurait pas pu opposer de résistance à cette attaque; vous êtes


Page 7855

  1   d'accord avec cela ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous rappelez-vous que le Conseil de sécurité des Nations Unies a

  4   adopté la Résolution 802, portant condamnation de ces attaques et

  5   enjoignant la Croatie de retirer ses effectifs jusqu'à la ligne de

  6   confrontation précédente ?

  7   R.  Oui, je m'en souviens. Mais puis-je commenter ? Parce que beaucoup de

  8   choses se passaient. Il y a eu beaucoup d'activités dans un sens et dans un

  9   autre. Il y avait des résolutions du Conseil de sécurité, toutes sortes de

 10   démarches diplomatiques, des notes diplomatiques étaient échangées en

 11   permanence, et c'était une situation extrêmement mouvante.

 12   Je souhaitais simplement replacer les choses dans leur contexte.

 13   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que la Croatie a refusé de se

 14   conformer à la résolution ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et la Croatie a effectivement poursuivi ses opérations en bombardant

 17   les positions serbes dans la région, n'est-ce pas ?

 18   R.  Cela est effectivement arrivé.

 19   Q.  Vous rappelez-vous qu'au mois de septembre 1939 [comme interprété],

 20   l'armée croate a lancé une attaque visant la poche de Medak, où les forces

 21   croates ont commis des crimes envers la population civile ?

 22   R.  Encore une fois, vous me posez des questions au sujet d'événements

 23   postérieurs à la période de mon service sur place. Mais, bien entendu, je

 24   suis au courant de cela. Il y avait un bataillon canadien qui était sur

 25   place, et je suis au courant.

 26   Q.  Vous êtes peut-être au courant du fait que les dirigeants militaires

 27   responsables de cette attaque ont été mis en accusation devant ce Tribunal

 28   ?


Page 7856

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Conviendrez-vous que si la RSK n'avait pas disposé de ses propres

  3   formations et unités armées, elle n'aurait pas pu opposer de résistance à

  4   cette attaque ?

  5   R.  Si vous vous en souvenez bien, dans la poche de Medak, il y avait un

  6   conflit majeur entre le Bataillon canadien, qui faisait partie de la

  7   FORPRONU, et les forces croates. Je vous donne tout simplement le point de

  8   vue historique sur ces événements, qui ont été très nombreux. Beaucoup de

  9   choses se passaient à l'époque. Et je n'étais pas présent sur place.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez confirmer que la population serbe en

 11   RSK n'a pu constater aucune mesure efficace prise par la FORPRONU pour

 12   dissuader la Croatie de se lancer dans des attaques armées --

 13   R.  [aucune interprétation]

 14   Q.  -- des attaques armées dans les zones de protection ?

 15   R.  Excusez-moi. Mais si nous revenons à l'exemple de la poche de Medak, la

 16   FORPRONU a bien opposé une résistance déterminée aux forces croates afin de

 17   protéger la population serbe. C'est mon opinion, en tout cas.

 18   Q.  Merci. Et je vais répéter ma dernière question.

 19   Pourriez-vous nous confirmer qu'en RSK, la population serbe n'a pu

 20   constater aucune mesure efficace entreprise par la FORPRONU afin de

 21   dissuader la Croatie de lancer des attaques armées visant les zones de

 22   Protection des Nations Unies ?

 23   R.  Je ne peux pas m'aventurer sur le terrain de cette question, parce que

 24   je ne faisais pas partie de la population serbe. J'étais un observateur

 25   externe, une tierce partie.

 26   Q.  Dans ce même ouvrage, j'ai retrouvé et déjà relu ces propos, mais je

 27   n'arrive pas à les retrouver à cet instant précis… Peut-être que vous vous

 28   en souviendrez. La population serbe faisait preuve de méfiance envers la


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  1   FORPRONU, n'est-ce pas ?

  2   R.  En RSK ?

  3   Q.  Oui, en RSK.

  4   R.  Oui, c'est un fait. La population serbe se sentait menacée et elle

  5   exprimait son mécontentement envers la FORPRONU. Et, encore une fois, cela

  6   relève des faits historiques.

  7   Q.  Conviendriez-vous qu'au vu de ces attaques, la population serbe aurait

  8   très bien pu percevoir cette insistance à voir les Serbes procéder au

  9   désarmement comme une forme de politique visant à faciliter l'avènement

 10   d'une occupation militaire des zones de Protection des Nations Unies ?

 11   M. GILLETT : [interprétation] Encore une fois, Messieurs les Juges, on

 12   demande au témoin de se lancer dans des spéculations en essayant de se

 13   mettre à la place d'autres personnes pour voir ce qu'étaient leurs points

 14   de vue. Il a dit qu'il avait un point de vue différent.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'en tant qu'agent de la Mission de

 16   vérification de la Communauté européenne, de notre point de vue en tout

 17   cas, nous étions sur place afin de surveiller le déroulement des événements

 18   sur le terrain et le conflit et de nous assurer que les lois des conflits

 19   armés étaient observés. Je ne peux pas formuler de commentaire quant à ce

 20   que l'une ou l'autre des factions pouvaient percevoir ou ressentir. Tout ce

 21   que je peux vous proposer comme commentaire, c'est la question de savoir si

 22   leurs activités armées étaient ou non menées en conformité avec les lois

 23   des conflits armés. En tout, tel que je les comprenais.

 24   Si, donc, l'une ou l'autre des factions en présence menaient des opérations

 25   qui n'étaient pas conformes aux lois des conflits armés, il était de notre

 26   devoir d'en faire état, et nous avons en ce moment même dans cette salle

 27   d'audience le résultat de ces rapports.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation]


Page 7858

  1   Q.  Dans les échanges que vous aviez avec les gens, est-ce que vous avez

  2   constaté une forme de défiance envers la FORPRONU et ses intentions ?

  3   R.  Eh bien, oui. Je vous réponds oui sans réserve.

  4   Q.  J'aimerais passer à un autre sujet, il s'agit de la réinstallation des

  5   personnes déplacées et des réfugiés.

  6   Vous savez qu'un grand nombre de Croates avaient été déplacés hors des

  7   zones de Protection des Nations Unies est, sud et nord; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Etes-vous au courant de l'existence du grand nombre de Serbes déplacés

 10   hors de la Slavonie occidentale, la zone de Protection occidentale des

 11   Nations Unies ?

 12   R.  Oui. Eh bien, l'ensemble de la région était touché par ces mouvements

 13   de -- des déplacement des habitants d'un lieu à un autre en fonction de

 14   leur appartenance à tel ou tel groupe ethnique.

 15   Q.  Et la plus grande partie de la population serbe de la Slavonie

 16   occidentale a été temporairement réinstallée en Slavonie orientale, c'est-

 17   à-dire dans la zone de Protection des Nations Unies est; est-ce exact ?

 18   R.  Pour autant que je le sache, oui.

 19   Q.  Comme vous le savez, le plan Vance prévoyait un retour des personnes

 20   déplacées et des réfugiés dans leurs foyers; est-ce exact ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez aujourd'hui pu voir un document indiquant que la MOCE avait

 23   largement abordé la question du retour des réfugiés croates dans le secteur

 24   est et en avez discuté.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et ces réfugiés croates étaient censés se réinstaller dans des maisons

 27   temporairement occupées par des réfugiés de la Slavonie occidentale.

 28   R.  Cela est effectivement arrivé.


Page 7859

  1   Q.  Mais pour autant que vous puissiez le voir sur la base de ce document,

  2   le retour des réfugiés de Slavonie occidentale dans leurs foyers pour

  3   qu'ils puissent se rendre ailleurs n'a pas du tout été abordé, n'est-ce pas

  4   ?

  5   R.  Je ne suis pas sûr que cela n'ait jamais été abordé. Le problème des

  6   personnes déplacées était une préoccupation majeure à l'époque, et c'était

  7   toujours abordé dans le cadre des missions.

  8   Q.  La conclusion que je viens de tirer découle des documents qui vous ont

  9   été présentés et qui ont été versés au dossier.

 10   R.  Oui, j'entends bien. Je comprends pourquoi vous pouvez retenir ce point

 11   de vue particulier. Je ne peux pas vous dire que je suis en désaccord avec

 12   cela.

 13   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que la partie croate n'était pas disposée

 14   à accueillir des réfugiés de la Slavonie occidentale ?

 15   R.  C'est un problème qui s'est présenté, oui.

 16   Q.  Oui ou non ?

 17   R.  Comme je l'ai dit, cela a effectivement constitué un problème. Je ne

 18   sais pas ce que la partie croate était ou non disposée à faire, mais je

 19   sais que cela a constitué un problème. Je ne peux pas parler au nom des

 20   Croates, tout comme je ne peux pas parler au nom de la RSK. Je ne peux vous

 21   parler que de ce qui a été la position d'un observateur indépendant. Mais,

 22   en tout cas, cela a constitué un problème, oui.

 23   Q.  Est-ce que cela a été un sujet de discussion pour vous avec la partie

 24   croate ?

 25   R.  Oui, toujours. Nous avons abordé ceci à de très nombreuses occasions.

 26   Il y avait une réticence de part et d'autre, si l'on parle des parties au

 27   conflit. L'une comme l'autre étaient réticentes à accueillir des personnes

 28   déplacées en provenance de l'autre partie. Et la situation telle que nous


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  1   la comprenions à l'époque était telle que des personnes étaient déplacées

  2   sans le moindre préavis et ce, sur la base de leur appartenance ethnique.

  3   Ce, de part et d'autre, des deux côtés.

  4   Q.  Je m'intéresse aux réfugiés de Slavonie occidentale très précisément à

  5   ce stade. Nous avons de nombreux documents qui nous indiquent que la

  6   question des réfugiés de Slavonie orientale a bien été abordée.

  7   R.  Oui. Cela appartient aux faits historiques. Je ne peux pas vous donner

  8   plus de détails à ce sujet. Je suis d'accord.

  9   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, si la Mission de vérification de la

 10   Communauté européenne ou la FORPRONU avaient le moindre plan relatif aux

 11   personnes qui se trouvaient en Slavonie orientale et qui occupaient

 12   temporairement des maisons après avoir été expulsées de Slavonie

 13   occidentale ?

 14   R.  Oui. Eh bien, en tout cas, si l'on parle de plans, ceci était de la

 15   responsabilité des Nations Unies, qui jouaient un rôle moteur en la

 16   matière. Le rôle moteur n'était pas joué par la MOCE. Nous étions chargés

 17   de mission d'observation.

 18   Q.  Et êtes-vous au courant de l'existence d'un plan de cette nature ?

 19   R.  J'aurais besoin de revenir aux documents et de les réexaminer afin de

 20   raviver mes souvenirs. Je ne peux vraiment pas vous donner le moindre

 21   détail à ce stade. J'aimerais être en mesure de le faire, mais je ne peux

 22   pas.

 23   Q.  N'était-il pas un peu incohérent d'insister sur le retour des réfugiés

 24   croates en Slavonie orientale sans procéder simultanément à des

 25   arrangements similaires pour les réfugiés de Slavonie occidentale ?

 26   R.  Si vous revenez à 1992 et 1993 et que vous essayez de comprendre ce qui

 27   se passait à l'époque : il y avait beaucoup de confusion, il y avait

 28   énormément de réticence au sein de chacune des factions et, au-delà de

 


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  1   cela, il y avait également une très forte réticence à faire avancer les

  2   choses. Les deux parties atermoyaient pour gagner du temps.

  3   C'était une source de frustration. Et nous étions tout aussi frustrés du

  4   fait de la partie croate que du fait de la RSK ou de toute autre faction

  5   présente à l'époque.

  6   Q.  Est-ce que la partie croate ou la FORPRONU s'attendaient à ce que les

  7   autorités de la RSK ré-expulsent les réfugiées de la Slavonie occidentale

  8   en direction de la Serbie, ou bien pour les abandonner en plein champ ?

  9   R.  Je ne suis pas au courant de l'existence du moindre plan à cet effet.

 10   Vraiment pas. J'aurais besoin de revenir à la documentation historique

 11   pertinente pour raviver mes souvenirs.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je souhaite demander l'affichage du

 13   document numéro 5324 de la liste 65 ter. Paragraphe numéro 52.

 14   Je vais en donner lecture pour le compte rendu d'audience.

 15   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Peut-être conviendrait-il de passer à huis

 17   clos partiel. Parce que je ne sais pas si l'un ou l'autre des paragraphes

 18   figurant sur cette page sont confidentiels…

 19   M. GILLETT : [interprétation] Si je puis me permettre. La source de ce

 20   document nous a demandé de veiller à son statut confidentiel. Donc le huis

 21   clos partiel est indiqué, effectivement.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 25   Messieurs les Juges.

 26   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher la pièce

 16   P2847, s'il vous plaît. Il s'agit de la Résolution numéro 762. Paragraphe

 17   numéro 17. Je vais en donner lecture pour le compte rendu d'audience.

 18   Q.  "La FORPRONU considère qu'il y a un lien direct entre cette situation

 19   et la présence d'un grand nombre de réfugiés dans ces secteurs. L'afflux de

 20   réfugiés serbes originaires d'autres parties de la Croatie dans les zones

 21   de Protection des Nations Unies, et originaires plus récemment de Bosnie-

 22   Herzégovine, se poursuit sans décroître. Les réfugiés de Croatie, dont

 23   certains semblent n'entrevoir aucune possibilité de retour dans leurs

 24   foyers, notamment en provenance de la Slavonie occidentale et centrale, ont

 25   apparemment occupé des maisons laissées vides par le départ de leurs

 26   occupants non serbes. Alors qu'ils affirment avoir un droit à ces logements

 27   à partir du moment où les autorités croates leur refusent l'accès à leurs

 28   propres foyers, le commandant de la force est préoccupé par de tels

 


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  1   agissements et redoute que cela ne fasse partie d'un effort concerté visant

  2   à modifier la composition ethnique de ces secteurs."

  3   Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire comment la MOCE interprétait ce

  4   paragraphe ?

  5   R.  C'était le cœur du problème. C'était absolument au centre d'un grand

  6   nombre de nos tentatives de vérification et d'observation.

  7   Donc, du point de vue de la MOCE, nous avions tendance à déployer des

  8   équipes d'observateurs des deux côtés dans chacune des régions concernées

  9   et sur le territoire des deux parties au conflit. Et vous avez sans doute

 10   eu la possibilité de lire nombre de nos rapports. Nous avons essayé de

 11   fournir des informations d'un point de vue aussi objectif que possible

 12   quant à ce qui se déroulait sur le terrain à partir de ce que nous pouvions

 13   obtenir, et je crois que ceci se passe de commentaire.

 14   En tout cas, nous sommes là au cœur du problème de ce qui est

 15   maintenant qualifié de nettoyage ethnique et au cœur du problème des

 16   personnes déplacées et des réfugiés.

 17   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire comment la composition

 18   ethnique sur place pourrait être modifiée par un déplacement d'une partie

 19   du territoire de la Croatie vers une autre ?

 20   R.  Je ne peux pas vous répondre parce que, du point de vue d'une mission

 21   d'observation internationale, nous souhaitions voir les droits des groupes

 22   minoritaires observés et respectés par chacune des factions en présence,

 23   quel que soit le groupe ethnique considéré. Et la situation réelle était

 24   très difficile.

 25   Q.  Mais la réinstallation des Serbes de la Slavonie occidentale vers l'ex-

 26   Yougoslavie, c'est-à-dire la Serbie, a-t-elle ou aurait-elle modifié la

 27   composition ethnique de la Croatie ?

 28   R.  Je suppose que d'un point de vue croate, à l'époque, cela aurait été le


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  1   cas, en effet.

  2   Q.  Et cela, d'une façon qui aurait été souhaitée par les Croates ?

  3   R.  Eh bien, d'un point de vue croate, probablement que non. Mais c'est

  4   juste un commentaire de ma part. Je ne sais pas. Je ne peux franchement pas

  5   vous donner d'opinion. Et ce n'était d'ailleurs pas mon rôle, ni le rôle de

  6   la mission, de fournir la moindre opinion à ce sujet. Le rôle de la mission

  7   était de jouer un rôle de facilitateur, d'observer et de rendre compte des

  8   événements -- de l'évolution de la situation dans la région, dans une

  9   tentative plus générale de trouver un règlement permanent du conflit, une

 10   résolution permanente.

 11   Q.  Je voudrais juste être sûr de bien comprendre. Les autorités croates

 12   n'étaient pas particulièrement contentes de voir des Serbes de Slavonie

 13   occidentale revenir en Slavonie occidentale ?

 14   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je dois me manifester à

 15   ce stade. Le témoin a déjà répondu en disant qu'il ne pouvait vraiment pas

 16   donner son opinion.

 17   La question a donc été posée et a reçu une réponse. Le témoin a dit qu'il

 18   ne pouvait pas spéculer sur les points de vue subjectifs d'une autre

 19   partie.

 20   Nous élevons donc une objection à cette question.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Mais je n'ai pas terminé ma question.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, voyons si la question peut

 23   être, peut-être, améliorée dans sa formulation.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 25   Q.  Pour autant que j'aie bien compris vos réponses, il n'y avait pas de

 26   plan manifeste destiné à faire revenir les Serbes de Slavonie orientale en

 27   Slavonie occidentale; est-ce exact ?

 28   R.  Très bien. Voici ce que je peux vous dire sur ce sujet.


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  1   Il y avait un plan, mais il n'était pas unanimement accepté en tant que

  2   solution qui pouvait être mise en œuvre, une solution viable. Ceci a causé

  3   les positions intransigeantes que nous avons observées à l'époque. Mais je

  4   ne peux vraiment pas me livrer à un exercice de divination de la pensée des

  5   stratèges et des artisans de la pensée de l'une ou l'autre des factions

  6   ennemies, mais je crois voir d'où vous pensez peut-être pouvoir tirer cette

  7   conclusion.

  8   Alors, je suis désolé si ceci ne répond pas à votre question.

  9   Q.  Dans la dernière réponse que vous avez donnée, vous avez dit que ce

 10   n'est pas un plan qui a été accepté de façon générale. Mais par qui ?

 11   R.  Par aucune des parties au conflit.

 12   Q.  Y compris les Croates ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Cela veut dire que les Croates ne voulaient pas que les Serbes

 15   de Slavonie occidentale retournent dans leurs foyers; ai-je raison de dire

 16   cela ?

 17   R.  Oui, vous avez raison de le penser. Mais je dois dire que d'un point de

 18   vue d'un agent international, nous voulions que les lois du conflit soient

 19   respectées, que les droits des minorités ethniques des deux côtés, ou de

 20   tous les côtés, soient respectés - parce qu'il y avait plus que deux côtés,

 21   d'ailleurs, au conflit - et que ces droits soient respectés. Et quelle que

 22   soit la façon dont on percevait les événements à l'époque, ceci n'était pas

 23   une excuse, un prétexte, pour commettre des crimes, quel que soit le côté

 24   qui devait les commettre. C'est un point de vue personnel.

 25   Q.  Moi, ce qui m'intéresse à présent, c'est la position des Croates.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si les Croates ne voulaient pas que les Serbes de Slavonie orientale

 28   retournent en Slavonie occidentale, et s'ils voulaient réinstaller les


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  1   Croates dans leurs maisons, donc dans les maisons des Serbes de la Slavonie

  2   orientale, la seule option qui leur restait était de réinstaller ces gens

  3   ailleurs en Yougoslavie ou bien tout simplement de les laisser quelque

  4   part, où que ce soit ? Est-ce 

  5   exact ?

  6   R.  Là, je me livre à nouveau à des spéculations. Mais la réponse que

  7   cherchait la communauté internationale à l'époque était que toutes les

  8   parties au conflit s'assoyent autour d'une table de négociations et que la

  9   question soit résolue par le biais des négociations justement. Mais ceci ne

 10   s'est pas produit.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je veux demander que l'on examine la pièce

 12   P2677. Il s'agit du paragraphe 19. Je ne sais pas si ce document est

 13   confidentiel ou non.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Non. C'est un rapport du secrétaire général

 15   de l'ONU.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Très bien.

 17   M. GILLETT : [interprétation] Il n'est pas confidentiel.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  C'est la deuxième phrase qui m'intéresse -- enfin, les deux premières

 20   pages [comme interprété] m'intéressent. Il s'agit du paragraphe 19.

 21   On peut lire comme ceci :

 22   "Des éléments extrémistes des deux côtés sont, cependant, toujours

 23   présents dans le secteur ouest. La police croate a souvent intimidé, et la

 24   FORPRONU a soulevé des protestations vigoureuses à leur égard."

 25   Pourriez-vous nous dire comment on peut commenter ou expliquer ces

 26   mots, "a intimidé" ?

 27   R.  Ecoutez, je ne saurais faire de commentaire au sujet d'un

 28   document qui vient de l'ONU. Quand on dit que la police croate a intimidé,


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  1   cela veut dire qu'elle a intimidé. Il s'agit d'une tactique, d'une

  2   stratégie d'intimidation, et aujourd'hui on pourrait même dire qu'il

  3   s'agissait là des activités terroristes. De l'intimidation.

  4   Q.  Est-ce que vous avez été informé de telles incidences ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Merci.

  7   R.  Mais je dois dire qu'il y en a eu de deux côtés.

  8   Q.  Oui, oui, bien sûr.

  9   R.  Bien.

 10   Q.  Il y a beaucoup de documents dans le dossier qui en témoignent.

 11   Pourriez-vous examiner le paragraphe 20 de ce rapport.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Un instant, s'il vous plaît. J'essaie de retrouver la phrase exacte.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] La page suivante, s'il vous plaît. Excusez-

 15   moi, il faudrait revenir sur la page précédente. C'est la dernière phrase

 16   de la page précédente, qui se poursuit sur la page d'après.

 17   Le paragraphe 20, s'il vous plaît.

 18   Je vais lire cela pour le compte rendu d'audience :

 19   "Certains dirigeants politiques ont cherché à créer les conditions pour le

 20   retour dans les zones protégées des Nations Unies dans le cadre des délais

 21   prévus, et ensuite d'organiser les retours en masse. La FORPRONU a mis

 22   l'accent sur le fait que les conditions de base de sécurité n'existent pas

 23   à tous les niveaux pour permettre de tels retours en masse et a insisté que

 24   de telles tentatives n'allaient pas seulement augmenter les tensions, mais

 25   qu'elles pourraient provoquer des tragédies nouvelles. A une occasion, dans

 26   la région d'Osijek, la situation s'est empirée par les déclarations

 27   publiques faites par un officier haut gradé de l'armée croate, qui a

 28   déclaré qu'il allait appuyer de tels retours et qu'il allait donc marcher


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  1   et suivre la population. Ces événements ont provoqué de grandes tensions

  2   dans le secteur est, qui était la destination de prédilection de ces

  3   personnes déplacées, et ont semé la peur parmi la population serbe dans le

  4   secteur…"

  5   Pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet ?

  6   R.  Eh bien, je peux vous dire qu'il s'agit là d'un fait historique. Et je

  7   pense que ce qui est dit ici correspond à la vérité.

  8   Q.  Aujourd'hui, vous avez déposé au sujet des zones roses.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Que je sache, ces zones étaient presque complètement désertées. Il n'y

 11   avait pas de population dans ces zones, qu'il s'agisse des Croates ou des

 12   Serbes; est-ce exact ?

 13   R.  C'est vrai qu'il y a eu un départ de la population de ces zones. C'est

 14   exact.

 15   Q.  La dernière question porte sur cette rencontre très brève que vous avez

 16   eue avec M. Hadzic au sujet de propos tenus au sujet de sa position, ce que

 17   votre escorte vous a dit.

 18   R.  On ne s'est pas rencontrés. Ce n'était pas une rencontre. On s'est

 19   rencontrés par hasard au moment où moi je partais ou lui partait. Donc on

 20   s'est entrevus. Ce n'était rien d'autre qu'une brève entrevue. Et moi, j'ai

 21   demandé qui était cette personne. Donc il ne s'agissait pas d'une réunion.

 22   Je n'ai pas demandé à le voir. On n'avait pas de réunion de prévue. C'est

 23   tout simplement qu'on s'est rencontrés dans le couloir et j'ai demandé qui

 24   il était. C'est tout.

 25   Q.  Et pourriez-vous nous dire qui était cet homme qui vous a fourni cette

 26   information ?

 27   R.  Ecoutez, je ne suis pas absolument sûr de son identité. Je pense que

 28   c'était le lieutenant-colonel Ray Wolosucjak [phon] qui était avec moi.

 


Page 7870

  1   Mais je n'en suis pas sûr à 100 % car cela s'est produit il y a très

  2   longtemps.

  3   Q.  Pourriez-vous répéter le nom ?

  4   R.  Wolosucjak.

  5   Q.  Il était originaire d'où ?

  6   R.  C'était un observateur qui était déployé dans le centre de coordination

  7   de Knin.

  8   Q.  Il était originaire de quel pays ?

  9   R.  Du Canada.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Mais je ne suis pas sûr que c'est lui, car j'étais là en visite.

 12   Q.  Merci. Et merci de vos réponses.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 14   j'en ai terminé de mes questions.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur Zivanovic.

 16   Monsieur Gillett, est-ce que vous avez des questions ?

 17   M. GILLETT : [interprétation] Cinq à dix minutes, Monsieur le Président,

 18   sans doute.

 19   Nouvel interrogatoire par M. Gillett :

 20   Q.  [interprétation] Monsieur, on vous a posé une question au sujet des

 21   incursions par les Croates, et on vous a posé cette question au cours du

 22   contre-interrogatoire.

 23   M. GILLETT : [interprétation] Et je vais demander que l'on présente sur

 24   l'écran la pièce 65 ter 3151.

 25   Q.  Il s'agit d'un résumé d'information militaire fait pour la FORPRONU.

 26   Est-ce que vous avez eu accès à de tels documents pendant que vous étiez

 27   dans la MOCE ?

 28   R.  Oui. Et d'ailleurs, j'en ai envoyés, j'en ai reçus.


Page 7871

  1   M. GILLETT : [interprétation] Et je vais vous demander d'examiner la page

  2   13 de ce document.

  3   Q.  A l'intitulé "18 septembre 1992", au milieu de la page, on peut lire

  4   qu'il y a toute une série d'incidents énumérés. A l'intérieur des UNPA, on

  5   peut voir les voitures de la milice essayer de passer par la force à

  6   travers la position Ken à Civljane. Et ensuite, on peut voir que l'on a

  7   tiré à partir de l'armée croate - CA  dans le texte. Et au numéro 2, on

  8   voit qu'il y a eu des tirs du côté de la Défense territoriale vers les

  9   positions de l'armée croate. Et on voit qu'il y a eu donc trois autres

 10   incidents de ce genre.

 11   D'après ce que vous avez pu voir et observer, est-ce qu'il y a eu des

 12   incidents ? Est-ce qu'il y a eu des rapports d'incident venant des deux

 13   côtés au cours du conflit ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que cela veut dire, cette

 16   abréviation HMG ?

 17   R.  Eh bien, c'est une mitrailleuse lourde.

 18   Q.  Est-ce un exemple de cette arme que l'on devait se servir avec des

 19   servants pour les systèmes d'armes ?

 20   R.  Oui, effectivement.

 21   M. GILLETT : [interprétation] Et je demanderais que ceci soit versé au

 22   dossier.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci a été [comme interprété] versé

 24   au dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2912.

 26   M. GILLETT : [interprétation] Merci beaucoup.

 27   Q.  On vous a posé une question au sujet de la démilitarisation.

 28   M. GILLETT : [interprétation] Et je vais vous demander le document 65 ter


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  1   3624 à cet effet.

  2   Il s'agit d'un rapport du secrétaire général des Nations Unies. C'est

  3   le paragraphe 7 de ce rapport qui nous intéresse.

  4   Q.  Ici, on voit ce qui suit :

  5   "La justification qui a été fournie par les autorités de Knin pour

  6   justifier de ces forces est qu'elles étaient nécessaires pour défendre les

  7   zones contrôlées par les Serbes des attaques et des infiltrations de

  8   l'armée croate. Le général Nambiar a accentué l'effet auprès des autorités

  9   de Belgrade et de Knin qu'il appartenait à la FORPRONU de protéger les

 10   zones protégées des Nations Unies, que la présence de ces unités

 11   paramilitaires était contraire au plan des Nations Unies et que c'est à

 12   cause de leur présence que l'armée croate a gardé ses forces dans la ligne

 13   de confrontation. Le résultat de ces conflits continue à se présenter le

 14   long de la ligne, provoquant des tensions dans les zones protégées des

 15   Nations Unies."

 16   Est-ce que la présence des forces paramilitaires serbes dans les

 17   zones protégées des Nations Unies et dans les zones roses était la preuve

 18   même de leur importance pour l'armée croate ?

 19   R.  Je ne suis pas sûr de cela. Si j'ai bien compris, la population serbe

 20   était sous le siège à l'époque, et c'est comme cela qu'elle se voyait. Et

 21   il s'agissait donc d'essayer de mettre en œuvre le plan Vance-Owen.

 22   Donc la réponse est oui, mais j'essaie de vous donner une réponse en

 23   me plaçant du côté des Serbes -- enfin, de leur point de vue.

 24   Q.  Et d'après les rapports que vous avez lus, comment ces forces armées,

 25   les paramilitaires serbes, se sont comportées avec la population non serbe

 26   dans les zones protégées des Nations Unies et dans les zone roses ?

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Ceci ne découle pas du contre-

 28   interrogatoire et ceci ne se trouve pas dans la déclaration du témoin.


Page 7873

  1   Cette question aurait pu être abordée au moment de l'interrogatoire

  2   principal.

  3   M. GILLETT : [interprétation] Je pose cette question car il s'agit de

  4   répondre à la question portant sur la provocation des forces croates.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cette objection est retenue.

  6   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

  7   Maintenant, je vais demander que l'on examine le paragraphe 34 de ce

  8   rapport. Merci. Pour le compte rendu d'audience, c'est un des paragraphes

  9   qui a été enlevé par mégarde du rapport D70. Et là, nous avons la version

 10   définitive.

 11   Q.  Ici, on peut lire :

 12   "La véritable cause de la détérioration de la situation dans les UNPA

 13   depuis le mois de juillet vient de la décision des autorités de Knin visant

 14   à créer de nouvelles forces paramilitaires. Cette action est inconsistante

 15   avec la démilitarisation des UNPA et constitue une violation flagrante du

 16   plan des Nations Unies."

 17   Et ensuite, cela se poursuit. Est-ce que, d'après vous, il s'agissait

 18   pour les Croates ici d'une provocation ?

 19   R.  Oui, je le pense.

 20   Q.  On vous a posé une question au sujet du retour des réfugiés et on a

 21   fait référence, pour ce faire, au document P2667 [comme interprété].

 22   M. GILLETT : [interprétation] Je vais demander de le voir sur l'écran et

 23   d'examiner tout particulièrement le paragraphe 20, qui se trouve à la page

 24   7.

 25   La page suivante, s'il vous plaît.

 26   Q.  On vous a posé une question au sujet d'un incident concernant le retour

 27   des réfugiés dans le secteur d'Osijek, qui se trouve dans le secteur est.

 28   Et on peur lire ici --


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il ne s'agissait pas du retour des réfugiés

  3   d'Osijek. Il s'agissait là d'une déclaration d'un officier d'Osijek.

  4   M. GILLETT : [interprétation]

  5   Q.  Ici, on peut lire :

  6   "Ces événements ont provoqué des grandes tensions dans le secteur est, qui

  7   était la destination des personnes déplacées, et ont semé la peur parmi la

  8   population serbe dans le secteur (d'ailleurs, cette peur fait l'objet de

  9   préoccupation dans les UNPA des deux côtés). Ceci a donné une bonne raison

 10   et prétexte pour mobiliser davantage les forces spéciales des milices

 11   serbes et à nouveau victimiser la population non serbe."

 12   Est-ce que le retour potentiel, éventuel, des réfugiés dans leurs foyers

 13   justifierait davantage de victimisation de la population non serbe qui est

 14   restée dans les zones protégées par l'ONU ?

 15   R.  Pourriez-vous répéter ?

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] La citation n'est pas complète. Car, ici,

 18   il est dit clairement que l'armée croate supporterait de tels rapports et

 19   qu'elle marcherait derrière la population revenante. Donc il ne s'agit pas

 20   seulement d'un retour de réfugiés, mais aussi d'un retour de l'armée

 21   croate.

 22   M. GILLETT : [interprétation] Effectivement. Et c'est quelque chose qui a

 23   été lu au cours du contre-interrogatoire.

 24   Q.  Donc la question que j'ai posée est comme suit : est-ce que ce retour

 25   éventuel des réfugiés, supporté par l'armée croate, rajouterait à la

 26   victimisation de la population non serbe restée dans les zones protéges des

 27   Nations Unies ?

 28   R.  Je pense que non.

 


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  1   M. GILLETT : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   Questions de la Cour : 

  5   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Témoin. J'attendais la fin de

  6   l'interprétation en français avant de poser ma question.

  7   Je voudrais revenir un peu sur la pièce à conviction 65 ter 36 -- 3624.

  8   3624. C'est le rapport du secrétaire général.

  9   Je voudrais savoir : qui devait assurer la police, la protection des

 10   personnes et des biens, dans les zones protégées des Nations Unies dans

 11   votre secteur ?

 12   R.  Je ne suis pas sûr d'avoir compris. Vous parlez de la police des

 13   Nations Unies ou bien de la police du cru, la police locale ?

 14   M. LE JUGE MINDUA : D'abord, le principe même de la protection des

 15   personnes et des biens, qui devrait assurer cette police -- cette

 16   protection ? Est-ce la police des Nations Unies ou la police locale ?

 17   R.  La police de l'ONU, à l'époque, n'était pas là pour assurer la

 18   protection. D'après la façon dont je le comprenais, ils étaient là pour

 19   observer.

 20   La protection de la population civile relevait de la responsabilité

 21   de la police locale des différents secteurs -- selon les secteurs. Il y

 22   avait différentes forces de police, plusieurs donc, et vous aviez la police

 23   civile des Nations Unies qui était une force d'observation. C'est comme

 24   cela que je comprends les choses.

 25   M. LE JUGE MINDUA : Effectivement. Et c'est comme cela que je

 26   comprends les choses moi aussi. Mais dans le rapport du secrétaire général,

 27   nous venons de lire que des forces paramilitaires ont été créées par les

 28   autorités de Knin, et c'est ce qui a provoqué les difficultés.


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  1   Alors, ces forces qui sont considérées comme forces paramilitaires

  2   dans ce rapport, comment les autorités de Knin les qualifiaient-elles ?

  3   Etaient-elles des forces de police ou des forces militaires ? Sachant que

  4   ces autorités de Knin avaient la mission de protéger la population.

  5   R.  Je comprends votre question.

  6   Je ne saurais faire de commentaire au sujet de ce que pensaient les

  7   autorités de Knin. Mais je peux dire comment nous, comme une force

  8   internationale d'observation, comment nous avons interprété leurs actions.

  9   Eh bien, un policier, c'est un officier qui agit dans le cadre de la loi et

 10   qui protège le peuple, les citoyens, conformément à la loi.

 11   Les forces paramilitaires dont on parle, on les appelait souvent la

 12   "police spéciale", et pour moi il s'agissait là de milices de type

 13   militaire, et c'était en contravention avec le plan Vance-Owen. Car il

 14   s'agissait d'une force assez importante qui était lourdement armée, et

 15   donc, qui ressemblait à une armée, et qui clochait avec l'idée qu'on peut

 16   se faire d'un policier civil, quelle que soit la loi en vigueur.

 17   Est-ce que vous m'avez compris ?

 18   M. LE JUGE MINDUA : Oui. Merci beaucoup. Je vous ai très bien compris.

 19   Alors, cette force de police spéciale, considérée par -- dans le rapport

 20   comme force paramilitaire, était-elle la seule sur le terrain à assurer la

 21   protection des personnes et des biens, ou y avait-il encore d'autres

 22   polices locales ?

 23   R.  Il y avait aussi les forces de police locales. Ces forces de police,

 24   nous, dans le cadre de notre mission d'observation, on les voyait comme ce

 25   qu'ils étaient : une force de police. C'était une force de police, des

 26   policiers, pour nous.

 27   Les paramilitaires, pour nous, étaient des paramilitaires -- une force des

 28   paramilitaires, ou bien la police spéciale.

 


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  1   Ou bien, je peux vous illustrer ceci comme cela : un policier va avoir

  2   recours à une force militaire minimale, alors qu'un membre de force

  3   paramilitaire va utiliser la force au maximum, et donc il va être plus

  4   intimidant que l'autre.

  5   J'espère que vous m'avez compris.

  6   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Merci.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais poser une question, avec votre

  8   permission, suite à la question posée par le Juge Mindua concernant les

  9   forces de police.

 10   Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Gillett :

 11   Q.  [interprétation] Vous avez parlé de la police régulière en répondant à

 12   la question du Juge.

 13   Pourriez-vous nous dire comment était armée la police régulière, ou la

 14   police locale, à l'intérieur des zones roses ou des zones UNPA ?

 15   R.  La police civile, ou la police régulière, avait des pistolets. Et

 16   parfois, ils avaient aussi des fusils de type AK-47.

 17   Q.  Merci.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Noseworthy, avec ceci se

 19   termine votre déposition. A présent, vous pouvez disposer. Cela étant dit,

 20   nous vous remercions d'être venu à La Haye pour aider le Tribunal, et nous

 21   vous souhaitons un bon voyage de retour. L'huissier va vous accompagner

 22   pour quitter ce prétoire. Merci.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   [Le témoin se retire]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Y a-t-il autre chose pour l'instant ?

 26   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons lever la séance.

 28   La séance est levée.

 


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  1   --- L'audience est levée à 10 heures 31 et reprendra le lundi 2 septembre

  2   2013, à 9 heures 00.

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