Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 16 décembre 2013

  2   [Audience de Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  7   présentes dans ce prétoire et à l'extérieur de ce prétoire.

  8   Madame la Greffière d'audience, est-ce que vous pouvez citer l'affaire, je

  9   vous prie.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

 11   de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Est-ce que nous pourrions, je vous prie, avoir la présentation des parties.

 14   Pour l'Accusation.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Douglas Stringer pour l'Accusation,

 16   accompagné de Sarah Clanton et de notre commis aux affaires, Thomas Laugel.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me

 19   Christopher Gosnell, Me Zivanovic et notre assistante juridique.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Nous sommes ici

 21   pour entendre la présentation en application de l'article 98 bis,

 22   présentation de la Défense. Qui va intervenir ?

 23   Maître Gosnell, ce sera vous ?

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président, ce

 25   sera moi. Et bonjour.

 26   Bonjour à vous, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes

 27   présentes dans le prétoire. Et bonjour à toutes les personnes qui ont

 28   assisté à ce procès, qui a commencé lors de l'automne de l'an dernier. Et


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  1   nous sommes absolument et fermement convaincus, Messieurs les Juges, que si

  2   vous prenez en considération l'intégralité des éléments de preuve de façon

  3   intelligente, raisonnable et exacte, aucun des 14 chefs d'accusation

  4   reprochés à M. Goran Hadzic n'ont été prouvés eu égard aux événements qui

  5   sont allégués à son encontre et qui portent sur une période de deux ans et

  6   demi entre 1991 et 1993.

  7   Mais, Messieurs les Juges, puisqu'il s'agit d'une audience en application

  8   de l'article 98 bis, notre tâche est d'essayer de vous faire comprendre

  9   s'il y des éléments de preuve qui pourraient permettre de condamner M.

 10   Hadzic. Nous n'allons pas présenter des arguments à propos de la façon

 11   exacte, intelligente ou raisonnable de prendre en considération la

 12   globalité des éléments de preuve. Et nous proposons aujourd'hui justement

 13   de concentrer nos interventions en deux parties, en deux volets, Monsieur

 14   le Président. Dans un premier temps, je vous propose d'énoncer le droit en

 15   application de l'article 98 bis comme je le comprends, et, bien entendu, ce

 16   que je suggère, c'est que vous n'êtes pas tributaires et tenus de respecter

 17   par le menu les chefs d'accusation tels qu'ils sont énoncés dans l'acte

 18   d'accusation pour déterminer comment il faudra trancher. Et, en fait, je

 19   vais vous expliquer qu'il y a une jurisprudence qui montre effectivement

 20   que des Chambres de première instance ont examiné des chefs d'accusation

 21   pour voir s'il y avait une partie d'un chef d'accusation qui pouvait être

 22   retenue. Et lorsque j'utilise le terme de "chef d'accusation", en fait, je

 23   n'interprète pas forcément ce terme de "chef d'accusation" en application

 24   de l'article 98 bis, tel que cela est défini par l'Accusation dans l'acte

 25   d'accusation. Et je me propose de vous énoncer le droit ainsi que la

 26   logique qui sous-tend cette interprétation bien précise.

 27   Et, Messieurs les Juges, après avoir énoncé ce droit, nous suggérons qu'il

 28   y a deux éléments pour lesquels les chefs d'accusation ne devraient pas


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  1   être retenus en l'espèce.

  2   Le premier de ces éléments porte sur les crimes qui se seraient produits

  3   dans la zone du Groupe opérationnel sud. Et les crimes pour lesquels il a

  4   été allégué qu'ils se sont déroulés dans cette zone opérationnelle portent

  5   sur quatre zones, tel que cela est indiqué dans l'acte d'accusation, Lovas

  6   et trois autres zones.

  7   La deuxième zone pour laquelle nous suggérons qu'il ne faudrait pas retenir

  8   les chefs d'accusation -- parce que l'Accusation n'a justement pas su

  9   déterminer et établir qu'il y avait eu violation du droit humanitaire

 10   international ou qu'il y avait eu des crimes contre l'humanité commis sur

 11   ce territoire.

 12   Donc, Monsieur le Président, intéressons-nous au texte de l'article 98 bis

 13   : 

 14   "A la fin de la présentation des moyens à charge," c'est ce qui est indiqué

 15   dans cet article, "la Chambre de première instance doit, par décision

 16   orale, et après avoir entendu les arguments oraux des parties, prononcer

 17   l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément

 18   de preuve susceptible de justifier une condamnation."

 19   Alors, Monsieur le Président, il a très souvent été dit que nous avons la

 20   jurisprudence, bien entendu, mais je pense que cela est évident pour toutes

 21   les personnes qui ont des dispositions semblables dans leurs systèmes

 22   juridiques nationaux, mais il y a un mécanisme d'efficacité qui a été

 23   retenu dont le but est de vous permettre de supprimer certains chefs

 24   d'accusation lorsqu'il n'y a aucune perspective de succès en quelque sorte

 25   pour ces chefs d'accusation, et lorsque l'aspect de l'efficacité est tel

 26   que la Défense ne doit pas être appelée à présenter des moyens à décharge

 27   si elle est absolument convaincue qu'il n'y a aucun élément de preuve qui

 28   permettrait de faire en sorte que la personne soit condamnée pour ce type


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  1   de chef d'accusation; toutefois, la Défense va souvent, bien entendu,

  2   présenter ce type d'élément de preuve par excès de précaution. Et la

  3   procédure en application de l'article 98 bis vous permettra d'examiner ces

  4   éléments de preuve et déterminer si ce besoin existe, oui ou non.

  5   Et deuxièmement, Monsieur le Président, même si la Défense présentera des

  6   éléments à décharge eu égard à ce chef d'accusation bien précis, il s'agira

  7   de l'éliminer lors de cette phase tout simplement de façon sommaire parce

  8   que ce sont des chefs d'accusation qui ne reposent sur aucun fond. Et le

  9   premier aspect de l'article 98 bis est que le critère de l'article 98 bis

 10   est tel qu'il n'y a aucun élément de preuve présenté capable de soutenir

 11   une condamnation, et cela, pour chaque élément du crime allégué. Donc, il

 12   s'agit d'éléments de preuve qui peuvent aboutir à une condamnation, ce qui

 13   signifie qu'il faut qu'il y ait des éléments de preuve que la Chambre de

 14   première instance pourrait, au-delà de tout doute raisonnable, considérer

 15   comme existant pour chaque élément du crime allégué.

 16   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Gosnell d'avoir l'amabilité

 17   de ralentir.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi. J'aimerais m'excuser à l'égard

 19   de Me Gosnell, mais le sténotypiste n'a pas su consigner le lieu du

 20   quatrième endroit. Il avait été dit que les éléments de preuve portaient

 21   sur quatre endroits : Lovas, Velepromet, Orahovac, et quel était le

 22   quatrième ?

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Ovcara, Monsieur le Président.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, conformément à l'arrêt dans l'affaire

 26   Jelesic, il s'agit d'une décision qui remonte à l'année 2001, le critère

 27   pour l'article 98 bis consiste à voir s'il y a des éléments de preuve,

 28   s'ils étaient acceptés, qui permettraient à un tribunal raisonnable de


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  1   condamner la personne; à savoir, il s'agit d'éléments de preuve qui peuvent

  2   être acceptés par un juge du fait raisonnable. Il s'agit donc de déterminer

  3   la culpabilité de l'accusé, c'est de cela dont il est question.

  4   Alors, il s'agit d'une formule qui a été mise au point avant la formule que

  5   nous avons maintenant dans l'article 98 bis, qui a été amendé, modifié en

  6   2004. Et je vous le dis parce que l'élément essentiel est de savoir si vous

  7   pourriez condamner au-delà de tout doute raisonnable et non pas si vous

  8   condamneriez au-delà de tout doute raisonnable.

  9   Et si nous passons au cliché suivant, nous voyons que parfois ce n'est pas

 10   la peine de présenter un élément de preuve pour chacun des éléments de

 11   crime pour pouvoir satisfaire la norme 98 bis. Mais cela n'est pas exact,

 12   Monsieur le Président, parce qu'il n'y a pas d'élément de preuve qui était

 13   un chef d'accusation bien précis. Il y une option, une possibilité, et nous

 14   avons l'affaire Mrksic où il a été déterminé que même si le seul élément de

 15   preuve pertinent ne permet pas de croire ou de penser que l'on n'aurait pas

 16   pu étayer une condamnation, il faut en fait prendre l'élément de preuve par

 17   rapport à son critère le plus élevé. Et nous voyons qu'il y a une légère

 18   modification qui a été apportée par la Chambre dans l'affaire Prlic :

 19   lorsqu'il n'y a pas d'élément de preuve permettant de justifier une

 20   condamnation, cela représente une possibilité; ou même lorsque les éléments

 21   de preuve sont pris par rapport à leur possibilité la plus importante, cela

 22   ne peut pas justifier une condamnation de la part de la Chambre de première

 23   instance; ou lorsque le seul élément de preuve disponible n'est pas digne

 24   de foi ou n'est considéré comme fiable.

 25   Alors, nous avons la dernière déclaration qui est l'énonciation la plus

 26   exhaustive de la norme 98 bis, et vous ne devriez pas, Messieurs les Juges,

 27   vous sentir obliger de vous en tenir à une analyse par rapport à un

 28   élément. En fait, si vous m'y autorisez, même si vous n'irez pas jusqu'à


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  1   examiner de façon exacte la globalité des éléments de preuve, je dirais que

  2   vous avez ce pouvoir discrétionnaire, et ce que j'avance, c'est que vous

  3   êtes tout à fait en mesure et en droit d'exercer ce pouvoir discrétionnaire

  4   si vous considérez que les éléments de preuve ne sont pas des éléments de

  5   preuve sur lesquels vous pourriez vous fonder à la fin de la présentation

  6   des moyens à charge et à décharge. Si vous pensez cela, alors vous serez

  7   tout à fait en droit de rejeter ces éléments de preuve et vous pourrez

  8   ainsi dire qu'il n'y a pas de base suffisante permettant de poursuivre

  9   l'examen des chefs d'accusation.

 10   Et cela va se passer, Monsieur le Président. Il y a des où nous allons vous

 11   présenter ce type d'exemple. Il y aura des cas où les éléments de preuve

 12   qui ont été entendus par cette Chambre de première instance sortiront du

 13   cadre de ce qui peut être considéré comme la valeur probante de l'un des

 14   chef d'accusation, et ce que nous avançons, c'est que vous ne devriez pas

 15   vous sentir obligés d'accepter tous les éléments de preuve, quel que soit

 16   leur niveau, quel que soit leur degré, tous les éléments de preuve qui ont

 17   été présenté ici. Vous pourrez prendre en considération les éléments de

 18   preuve et décider s'il y a une base qui vous permettra de prononcer une

 19   condamnation. Et nous disons que cela est tout à fait conforme à l'esprit

 20   de l'article 98 bis. En fait, il irait à l'encontre de l'esprit de

 21   l'article 98 bis d'autoriser ou accepter ces chefs d'accusation lorsqu'il y

 22   a des éléments de preuve, quel que soit d'ailleurs leur fiabilité, des

 23   éléments de preuve qui sont parfois ténus et qui auront été établis; mais

 24   je pense que vous pourrez ainsi indiquer que la base de ces éléments de

 25   preuve n'est pas suffisante, et vous ne pouvez pas dire que vous n'aurez

 26   pas le pouvoir discrétionnaire. Parce que ce dont nous parlons ici, c'est

 27   de ce pouvoir discrétionnaire qui vous permet de considérer si l'on peut

 28   continuer à examiner ces chefs et à considérer ces chefs d'accusation.


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  1   Alors, est-ce que ce seuil doit être valable pour les éléments de preuve

  2   indirects ? Parce qu'en fait, ce n'est pas une question qui a été analysée

  3   de façon considérable par la jurisprudence. Une chose consiste à dire, eu

  4   égard à un critère en matière d'acquittement, que vous avez des éléments de

  5   preuve directs à partir du moment où vous avez ne serait-ce qu'un élément

  6   de preuve direct et cela est considéré comme valeur probante du fait qu'il

  7   doit être prouvé et que l'on peut aller de l'avant. Ça, c'est une chose.

  8   Mais il y a une autre chose en matière d'éléments de preuve indirects,

  9   parce que, après tout, il faut en fait prendre en considération la valeur

 10   probante de ces éléments indirects. Le simple fait que M. Hadzic ait été

 11   présent en Croatie orientale peut être invoqué par l'Accusation pour

 12   présenter des aspects d'élément indirect ayant une valeur probante, mais ce

 13   que nous avançons, c'est que cela n'est pas une base suffisante permettant

 14   de poursuivre en la matière, de poursuivre ce procès.

 15   Mais voyons, en fait, ce qui est demandé en matière d'éléments de preuve

 16   indirects. La norme est comme suit :

 17   "Une Chambre de première instance peut conclure à l'existence d'un fait

 18   particulier à partir duquel la culpabilité de l'accusé sera dégagée, mais

 19   cela dépend des éléments de preuve indirects seulement si la seule

 20   conclusion raisonnable qui peut être dégagée est celle qui est dégagée par

 21   les éléments de preuve indirects présentés. S'il existe une autre

 22   conclusion qui peut également être dégagée des éléments de preuve

 23   présentés, la conclusion de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable

 24   ne pourra pas être déduite ou dégagée."

 25   Donc, Monsieur le Président, à mon humble avis, en matière d'éléments de

 26   preuve indirects, la norme est comme suit : il s'agit de savoir s'il y a

 27   des éléments de preuve qui pourront exclure des déductions ou des

 28   conclusions raisonnables qui ne sont pas compatibles avec le fait précis


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  1   qui devra être déterminé. Et vous avez maintenant la citation qui vient de

  2   disparaître de vos écrans, en fait, il s'agissait du dernier alinéa. Et

  3   pour qu'il n'y ait pas de confusion à ce sujet, cela est la façon dont je

  4   résume en quelque sorte le droit. Pour ce qui est des éléments de preuve

  5   directs, certes, si vous avez un seul élément de preuve, cela suffit pour

  6   poursuivre le procès, si vous pensez que cet élément de preuve est

  7   suffisant et si vous pensez que cet élément de preuve permettra de prouver

  8   l'élément requis. Mais en matière d'éléments de preuve indirects, cela

  9   n'est pas le cas. Cela n'est pas le cas parce que ce serait absolument

 10   absurde. Cela signifierait que n'importe quel élément, aussi ténu fut-il,

 11   qui aurait un vague lien avec les éléments de preuve qui doivent être

 12   prouvés, suffirait pour que le procès aille de l'avant. Et cela ne fait pas

 13   de sens.

 14   Ce que nous suggérons, Monsieur le Président, et, bien entendu, nous nous

 15   en remettons à votre pouvoir discrétionnaire, mais vous avez le pouvoir

 16   discrétionnaire qui vous permet d'examiner s'il y eu un ensemble des

 17   éléments de preuve, lorsque vous procéderez à un examen global, qui vous

 18   permettra de vous dire : Tous ces faits pris en combinaison nous permettent

 19   de conclure que l'élément en question existe. Et je pense que cela doit

 20   être fait en cette phase 98 bis.

 21   A mon sens, quelques éléments de preuve pourraient et devraient êtres

 22   rejetés par vous, Messieurs les Juges, à ce stade, au stade 98 bis, en tant

 23   qu'éléments de preuve sur lesquels vous ne pourrez pas vous appuyer au

 24   moment de prendre la décision. Et la première catégorie de ces éléments de

 25   preuve qui est bien établie dans la jurisprudence au titre de l'article 98

 26   bis, ce sont des éléments de preuve "invraisemblables". Il s'agit d'une

 27   catégorie assez large, et votre pouvoir discrétionnaire est assez large

 28   dans l'appréciation de ces éléments de preuve. Et je me permettrais


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  1   d'ajouter deux catégories supplémentaires qui, je pense, font partie de

  2   cette large catégorie d'éléments invraisemblables, même si je dois dire que

  3   je ne suis pas certain s'ils englobent la totalité de votre analyse. Et là,

  4   je reviens à la description de la Chambre de première instance dans

  5   l'affaire Prlic. Il s'agit donc d'éléments de preuve qui sont clairement

  6   invraisemblables ou clairement pas fiables.

  7   Et les éléments de preuve de cet ordre-là comprennent, à mon sens, les

  8   éléments de preuve qui sont fondés sur des sources anonymes. Cela a été

  9   bien établi au niveau du droit international humanitaire des droits de

 10   l'homme, ainsi que dans de nombreux systèmes nationaux, qu'une déclaration

 11   de culpabilité ne peut pas se fonder sur une source anonyme. En fait,

 12   j'irais même plus loin et je dirais qu'une source anonyme, à moins qu'il

 13   n'y ait des garanties très, très solides au niveau de la procédure ou au

 14   niveau de la substance, qu'aucun point ne devrait être accordé à ce type

 15   d'élément de preuve. Et vous avez entendu quelques éléments de preuve dans

 16   ce prétoire qui étaient fondés justement sur des sources anonymes. Et

 17   j'ajoute qu'il a été bien établi que vous ne pourrez pas vous appuyer sur

 18   ces éléments au moment de la prise de décision, donc vous ne pourrez pas

 19   vous appuyer sur des sources anonymes. Et j'affirme que même à mi-chemin,

 20   où nous nous trouvons aujourd'hui, vous avez le pouvoir discrétionnaire de

 21   considérer que ces moyens de preuve ne sont manifestement pas fiables et

 22   qu'ils ne sont pas capables d'étayer la preuve de l'existence d'un élément

 23   de crime.

 24   Et puis, un troisième domaine qui, à mon sens, est bien établi, ce sont des

 25   éléments de preuve où nous avons des ouï-dire non corroborés. Ce sont des

 26   éléments qui ne peuvent pas être utilisés pour étayer un élément de crime.

 27   Et de la manière dont cela est généralement formulé dans la jurisprudence,

 28   dans les jugements, eh bien, c'est qu'aucun poids décisif ne peut être


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  1   accordé à l'ouï-dire. Donc, permettez-moi d'ajouter que si vous voyez qu'il

  2   y a des éléments de preuve qui constituent l'ouï-dire, vous comprendrez

  3   parfaitement que cet ouï-dire peut constituer un élément d'un jeu de moyens

  4   de preuve plus large. Il est parfaitement approprié de le prendre en

  5   considération dans un contexte plus large d'éléments de preuve indirects,

  6   tout cela est tout à fait permissible, mais vous ne pouvez pas vous appuyer

  7   sur cet élément seul.

  8   Donc, si vous êtes en situation où vous voyez que vous avez un fait

  9   qui dépend uniquement sur un élément de preuve par ouï-dire, alors, à ce

 10   moment-là, Messieurs les Juges, vous avez ce pouvoir discrétionnaire

 11   d'estimer que ce ne sont pas les moyens de preuve sur lesquels vous pouvez

 12   fonder une conclusion de l'existence d'un élément de crime.

 13   Maintenant, tous ces arguments portent sur la question qui est de

 14   savoir si nous avons des éléments de preuve capables d'étayer une

 15   déclaration de culpabilité. Donc, ce sont les derniers mots de l'article 98

 16   bis. Maintenant, je voudrais me polariser avant tout sur les paramètres de

 17   votre analyse consistant à examiner si, oui ou non, vous avez l'exigence de

 18   considérer cette question uniquement sous l'angle des chefs de l'accusation

 19   tels que définis à l'acte d'accusation qui vous a été soumis par le bureau

 20   du Procureur.

 21    Et voyons maintenant ce qui est en jeu ici pratiquement.

 22   L'Accusation a l'autorisation de dresser un acte d'accusation et de le

 23   présenter à un Juge seul ex parte. Cet acte d'accusation est à ce moment-

 24   là, soit confirmé, soit rejeté par un Juge agissant seul. Je ne souhaite

 25   absolument pas critiquer ici, mais de la manière dont je comprends les

 26   choses, les Juges qui participent à ce processus de confirmation d'acte

 27   d'accusation n'exigent pas de la part de l'Accusation de formuler cet acte

 28   d'accusation sous une forme particulière. Au fond, il revient à la


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  1   discrétion de l'Accusation de décider de la forme qui lui agrée. Et cela

  2   diffère dans certains autres systèmes judiciaires, où l'acte d'accusation

  3   est préparé par un responsable sur la base de l'information fournie par le

  4   Procureur, ou où nous avons un magistrat qui joue un rôle important en

  5   fournissant des garanties que cet acte d'accusation est structuré de la

  6   manière appropriée. Lorsque je dis de manière appropriée, je veux dire de

  7   manière qui concorde avec les lignes directrices, le règlement prévu par le

  8   code de procédure pénale du système en question. Bien entendu, ici, au

  9   TPIY, nous n'avons pas ce système-là, nous n'avons pas cette pratique - et

 10   je ne critique pas du tout - il s'agit d'un système qu'il convient de

 11   prendre en considération dans son ensemble, et il y a là une relation dans

 12   la mesure où une certaine discrétion est accordée à l'Accusation pour

 13   structurer ses actes d'accusation et, d'autre part, le pouvoir

 14   discrétionnaire de vous à ce stade, au stade du 98 bis, pour examiner les

 15   paramètres sur la base desquels vous allez juger si les éléments de preuve

 16   existent vous permettant de poursuivre ce procès.

 17   Et je commencerais par quelques exemples pour montrer comment le

 18   Procureur exerce son pouvoir discrétionnaire et dans quelle mesure cela est

 19   important pour voir comment fonctionne l'article 98 bis au cas par cas.

 20   Alors, prenons un extrait de l'acte d'accusation Lukic. Et tous les chefs

 21   de l'acte d'accusation Lukic sont structurés à l'identique, donc exactement

 22   comme celui-ci que je suis en train de vous montrer à l'écran. Et nous

 23   voyons ici, par exemple, aux chefs 6 et 7, nous avons meurtre comme crime

 24   qui a été défini. Donc, dans l'ensemble de ces chefs, il s'agit de crimes.

 25   Et je peux vous dire que nous avons d'autres chefs d'accusation dans cet

 26   acte d'accusation, donc, qui eux aussi reprochent le crime de meurtre.

 27   Mais voyons comment ces chefs d'accusation sont définis par rapport

 28   aux allégations. Alors, ils se limitent à un événement particulier. Ce qui


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  1   veut dire qu'au stade de la procédure qui est celui du 98 bis, les Juges de

  2   la Chambre de première instance analysent si, oui ou non, il existe des

  3   moyens de preuve suffisants sur la base desquels ils pourraient arriver à

  4   la conclusion que les accusés ou l'accusé sont coupables de cet événement

  5   de manière égale par rapport à d'autres événements. Et l'Accusation

  6   pourrait également, si elle appliquait ce format de l'acte d'accusation,

  7   avoir toute une longue liste de paragraphes où elle dirait, par exemple, Il

  8   s'agit ici de l'événement un, deux, trois, quatre, cinq, six, et puis

  9   ensuite, à la fin, reprocher le crime de meurtre sous forme d'un chef. Du

 10   moins, c'est ce qu'elle prétend faire.

 11   Et cela nous ramène à ce que je disais avant, à savoir que les Juges

 12   qui examinent ces questions ne donnent pas de consignes sur la manière de

 13   procéder au moment de la rédaction de l'acte d'accusation et ne demandent

 14   pas que les actes d'accusation soient restructurés. Et j'affirmerais que

 15   c'est un acte d'accusation relativement plus équitable que celui qui a été

 16   dressé contre M. Hadzic. Je ne dis pas que l'acte d'accusation contre M.

 17   Hadzic ne répond pas aux normes qui ont été établies par ce Tribunal. Vous

 18   avez déjà jugé là-dessus et je n'avance pas autre chose et je ne rejette

 19   pas cela. Mais ce que je dis, toutefois, c'est qu'il y a une relation entre

 20   le pouvoir discrétionnaire qui vous revient et que vous devriez exercer à

 21   ce stade, donc, du 98 bis, et la manière de laquelle l'acte d'accusation a

 22   été structuré et dressé.

 23   Alors, venons-nous-en maintenant à l'acte d'accusation dans l'affaire

 24   Haradinaj. Là encore, c'est un acte d'accusation qui a été structuré sur

 25   toute la longueur de la même manière au titre des différents chefs, comme

 26   de celui que vous voyiez à l'écran. Et nous voyons qu'il s'agit donc de

 27   crimes qui sont reprochés au titre des différents chefs par rapport aux

 28   événements particuliers, et dans l'ensemble de l'acte d'accusation c'est la


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  1   même approche.

  2   Alors, voyons maintenant ce que nous dit le dictionnaire Black.

  3   Comment il définit un chef d'accusation ? Et justement, si j'en parle,

  4   c'est pour voir comment nous allons interpréter, si nous allons interpréter

  5   de manière appropriée ce terme au titre de l'article 98 bis. Donc, que nous

  6   dit "Black's Law Dictionary" ? Il nous dit que :

  7   "Un chef constitue une partie différente d'une déclaration dans

  8   laquelle, s'il a été pris isolément, il constituerait un fondement pour

  9   agir. Donc, il est utilisé également pour signifier que différentes parties

 10   de l'acte d'accusation reprochent des crimes distincts."

 11   Maintenant, c'est une chose de reprocher le génocide et d'englober

 12   toute une série d'événements différents, parce que le schéma, comme la loi

 13   l'affirme, pourrait être pertinent pour démontrer les éléments de génocide.

 14   Mais la même chose ne vaut pas, Monsieur le Président, lorsqu'il s'agit de

 15   crimes tels que meurtre, par exemple, un seul meurtre, puisque nous avons

 16   besoin de voir si les différents éléments sont démontrés, sont prouvés. Et

 17   de même manière par rapport à l'extermination, nous avons la jurisprudence

 18   nous montrant dans quelle mesure les éléments disparates peuvent être liés

 19   ensemble afin d'étayer cette allégation ou ce chef d'extermination. Et, au

 20   fond, de la manière dont j'interprète cette jurisprudence, c'est qu'il y a

 21   une limite, une limite à cet exercice de lier ensemble les événements

 22   disparates afin de démontrer que cela nous montre l'existence du seuil

 23   pertinent pour extermination. Et j'affirme que ces éléments disparates --

 24   les meurtres disparates que vous voyez dans l'acte d'accusation contre

 25   Hadzic vont bien au-delà de la mesure du permissible pour déterminer qu'il

 26   est responsable de ces crimes de meurtre collectif au titre

 27   d'extermination.

 28   Donc, ce que j'affirme tout simplement, c'est qu'il n'y a pas de


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  1   raison, pas de justification, de ne pas avoir reproché des événements de

  2   meurtre séparés en tant que chefs distincts, comme cela a été fait dans

  3   l'affaire Haradinaj et dans l'affaire Lukic, dans les chefs d'accusation

  4   qui ont été dressés dans ces affaires-là. Et j'affirme que cela aurait été

  5   une manière appropriée de traiter le terme de "chef", donc de suivre la

  6   définition appropriée du terme "chef". Bien entendu, l'acte d'accusation

  7   contre M. Hadzic dit autre chose. Il n'est pas défini ni structuré de cette

  8   manière-là, parce que l'Accusation ne va pas nécessairement structurer ses

  9   actes d'accusation de la manière qui agrée le plus à la Défense ou qui aide

 10   le plus la Défense, et le Juge qui confirme un acte d'accusation ne va pas

 11   nécessairement avoir tendance à intervenir sur un point tel que la

 12   structure de l'acte d'accusation à ce stade-là, sans avoir entendu les

 13   arguments de l'autre partie. Bien que ce soit tout à fait raisonnable.

 14   Et à ce stade, au stade du 98 bis, nous affirmons que c'est la

 15   première occasion que vous avez, Messieurs les Juges, de vous pencher sur

 16   la manière dont vous allez interpréter l'acte d'accusation par rapport et

 17   au regard des éléments de preuve que vous avez entendus, et là encore,

 18   j'affirme que cette structure, ce contexte constitue des raisons pour

 19   lesquelles il vous faudrait vous pencher, non pas sur les chefs

 20   d'accusation tels qu'ils se présentent dans leur forme, mais par rapport à

 21   ce qu'ils comportent de substance. Et c'est cela, à mon sens, que signifie

 22   l'article 98 bis, c'est à cela qu'il vous invite. Et voyons précisément

 23   comment il est formulé.

 24   Malheureusement, je dois dire que ce changement de formulation ne

 25   nous informe pas véritablement sur ce qui nous intéresse ici. Donc,

 26   l'ancienne formulation de l'article 98 bis était la suivante :

 27   "La Chambre de première instance décidera d'un acquittement si elle

 28   constate que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour étayer une


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  1   déclaration de culpabilité de tel ou tel chef."

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle n'a pas le texte de

  3   l'ancien article 98 bis sous les yeux.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Mais le problème n'était pas tellement

  5   l'ancienne formulation de l'article 98 bis, c'était plutôt que cette

  6   pratique était de savoir comment cet article était appliqué avant 2004.

  7   Parce que dans certaines décisions de 98 bis, les Chambres ont évalué sur

  8   la base d'un examen paragraphe par paragraphe si, oui ou non, telle ou

  9   telle allégation a été démontrée, même si tous ces paragraphes étaient

 10   liés, même là je dirais qu'il s'agit d'un simple chef compris au sens de la

 11   substance. Donc, ils se penchaient sur des faits matériels, Monsieur le

 12   Président, ou substantiels. Et vous pouvez imaginer à quel point c'était un

 13   exercice laborieux, en particulier parce que les parties avaient

 14   l'autorisation à ce moment-là de présenter leurs arguments par écrit. Et

 15   c'est la raison pour laquelle dans certaines affaires, telle l'affaire

 16   Milosevic, le jugement 98 bis a constitué à lui seul un mini jugement. Et

 17   ce n'était pas dans l'intérêt de l'efficacité. Et le Juge Robinson a

 18   critiqué la manière de laquelle cet article 98 bis a été kidnappé et

 19   détourné, en fait, pour être engagé vers l'examen des faits matériels.

 20   Donc, la distinction qui est précisée ici par le Juge Robinson ne

 21   porte pas sur la différence entre les charges et les chefs d'accusation, du

 22   moins dans la phrase qu'il donne à ce titre. Il estime qu'ils sont

 23   équivalents. La question est entre les chefs ou les charges et les faits

 24   matériels. Le Juge Robinson dit que les faits matériels ne constituent pas

 25   une référence appropriée pour considérer si, oui ou non, le seuil de

 26   l'article 98 bis a été atteint.

 27   Alors, à la fin de l'année 2004, il y a eu amendement de l'article 98

 28   bis. Et de la manière dont je l'interprète, les opinions formulées par le


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  1   Juge Robinson ont été très pertinentes dans la formulation de cet

  2   amendement. Et si nous nous penchons sur l'intention du législateur, si je

  3   puis le formuler ainsi, puisque je suggère que l'opinion séparée du Juge

  4   Robinson constitue ce reflet   d'intention du législateur par rapport à

  5   l'article 98 bis, et nous en avons une autre de la part du Juge Antonetti

  6   dans l'affaire Seselj. Et comment est-ce qu'il présente son opinion

  7   différente ? Il dit :

  8   "L'opinion de la majorité est qu'il n'est pas possible de prononcer

  9   un acquittement partiel sur la base de la formulation de cet article. Je

 10   suis entièrement en désaccord avec cette interprétation, d'autant plus que

 11   je suis co-auteur avec un autre Juge de la nouvelle formulation de

 12   l'article. L'objectif de cette réforme n'a jamais été de rendre impossible

 13   le prononcé d'une décision d'acquittement partiel. Cela aurait été

 14   paradoxal. L'objectif de cette réforme était d'économiser du temps, et un

 15   prononcé d'une décision d'acquittement partiel n'aurait pas atteint cet

 16   objectif. Il aurait été également paradoxal de forcer les accusés de

 17   présenter des éléments de preuve au titre de chefs particuliers ou parties

 18   de chefs au titre desquels l'Accusation n'avait pas présenté de moyens à

 19   charge ou parce que les moyens présentés n'avaient pas été suffisants."

 20   Cela étant le cas, il peut s'agir d'une question d'interprétation des

 21   deux textes qui font foi. D'après ce que j'ai compris, M. le Juge

 22   Antonetti, lorsqu'il parle de "acquittement partiel", et je crois que c'est

 23   clair lorsqu'on lit ceci dans le contexte, il parle d'acquittement partiel

 24   au sein d'un chef d'accusation, d'un seul chef d'accusation.

 25   Dans le cas où on n'adopte pas cette interprétation, et que vous

 26   rejetez cette interprétation, Messieurs les Juges, quelles sont les

 27   conséquences pratiques de cette approche ? Cela signifie -- et nous pouvons

 28   regarder notre acte d'accusation; par exemple, si nous nous penchons sur le


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  1   chef 3, meurtre, qui est précédé par toute une liste d'événements

  2   individuels correspondant à des meurtres. Cela signifie dans ce cas que

  3   même s'il y a 25, 30, voire 40 événements portant sur des meurtres plaidés

  4   dans l'acte d'accusation portant sur différentes années dans des lieux

  5   géographiques distincts commis par des auteurs complètement différents qui

  6   n'ont aucun lien entre les autres, il s'agit d'événements complètement

  7   disparates les uns par rapport aux autres, et si vous n'acceptez pas

  8   l'interprétation de M. le Juge Antonetti, cela signifie que s'agissant de

  9   ces événements au nombre de 50, à supposer - alors que dans ce cas-ci il ne

 10   s'agit que d'une douzaine - si un seul de ces événements permet d'être

 11   étayé par des éléments de preuve que vous pourriez retenir, cela signifie

 12   qu'il faut poursuivre sur tous les autres événements ? Vous ne disposez pas

 13   de pouvoir discrétionnaire vous permettant de dire si, oui ou non, ces

 14   événements ont un lien entre eux ? Vous ne disposez pas de pouvoir

 15   discrétionnaire pour décider si, oui ou non, certains événements relèvent

 16   d'une période de temps particulière ou de lieu géographique distinct ? Vous

 17   ne disposez pas de pouvoir discrétionnaire pour dire que cette partie qui

 18   peut être identifiée ne devrait pas faire l'objet de poursuite, même si les

 19   conséquences de cela consisteraient à dire qu'il faudrait dans ce cas

 20   présenter des éléments de preuve sur toutes les accusations, même s'il n'y

 21   a pas de preuve ? Et j'utilise à dessein le terme de "accusations", cela

 22   correspond aux chefs d'accusation, parce que d'après moi il y a une

 23   différence au niveau du fond et de la forme s'agissant des chefs

 24   d'accusation.

 25   Et lorsque vous avez une accusation qui est seule et qui constitue à

 26   elle seule un crime, il s'agit à ce moment-là d'un chef d'accusation, même

 27   si l'acte d'accusation présenté par l'Accusation n'est pas établi de cette

 28   manière-là. Et les conséquences de cela, si on n'accepte pas l'opinion de


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  1   M. le Juge Antonetti, ceci est tout à fait contraire à l'objectif de

  2   l'article 98 bis, qui est suggéré ici tout à fait clairement par M. le Juge

  3   Antonetti et de façon plus oblique par M. le Juge Robinson. D'après ce que

  4   je sais, M. le Juge Robinson n'a jamais eu l'occasion d'apporter un

  5   commentaire, sur un plan juridique j'entends, car dans l'affaire Lukic il y

  6   avait un acte d'accusation qui était établi et structuré en fonction des

  7   événements. Et chaque événement correspondait à un chef d'accusation.

  8   Existe-t-il une pratique qui me permette d'étayer ce que je viens de

  9   dire par opposition à des déclarations juridiques ou des opinions

 10   concomitantes ? Dans l'affaire Stanisic et Simatovic, il y a des chefs

 11   d'accusation qui sont très larges, des chefs d'accusation qui comprennent

 12   une très grande zone géographique et une période qui est très longue,

 13   encore plus longue que dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui. En

 14   conséquence, la Chambre de première instance, après avoir entendu les

 15   arguments d'une seule équipe de la Défense, l'équipe Simatovic, a permis à

 16   l'ensemble du procès d'aller de l'avant. Rien n'a été rejeté. Mais c'était

 17   après avoir examiné les éléments de preuve présentés.

 18   Et comment la Chambre a-t-elle examiné les éléments de preuve

 19   présentés ? Eh bien, Messieurs les Juges, elle a examiné les éléments de

 20   preuve présentés en fonction de sa propre analyse d'après ce qu'elle

 21   jugeait être sur un plan géographique et temporel associé. Cela étant dit,

 22   cela figurait dans l'acte d'accusation lui-même. Cela n'était pas défini en

 23   tant que chefs distincts. Donc, la Chambre de première instance a analysé

 24   les éléments de preuve pour constater si, oui ou non, ils étaient

 25   suffisants en vertu de l'article 98 bis et en vertu des trois zones

 26   géographiques distinctes par rapport aux chefs d'accusation. Donc, la

 27   Chambre a analysé les éléments de preuve dans la SAO de Krajina, voir si

 28   ces éléments étaient suffisants, dans le SBSO également et ainsi qu'en


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  1   Bosnie, séparément. La Chambre a examiné chaque chef d'accusation eu égard

  2   à ces trois régions géographiques distinctes.

  3   De même, dans Karadzic, la Chambre de première instance a examiné les

  4   soi-disant composantes de l'affaire, qui, encore une fois, n'avaient pas

  5   été formulées clairement dans l'acte d'accusation, et il s'agissait

  6   d'examiner donc l'acte d'accusation et il s'agissait d'identifier quelles

  7   zones géographiques et quels espaces-temps devaient être associés. Les

  8   éléments de preuve ont été présentés en fonction de ces composantes-là, et

  9   les Juges dans l'affaire Karadzic ont analysé séparément chacune de ces

 10   zones géographiques et périodes de temps. Alors, s'il s'agissait simplement

 11   d'une question de chefs d'accusation -- cela dit, il ne faut pas confondre

 12   le chef 1, le génocide dans certaines régions de Bosnie-Herzégovine, par

 13   opposition au chef 2, à Srebrenica. Bien sûr que les Juges de la Chambre

 14   ont analysé ces deux chefs d'accusation séparément. Je ne parle pas de

 15   cela. Moi, je parle d'une question distincte. Je demande si les autres

 16   chefs d'accusation qui n'ont pas été définis clairement géographiquement

 17   parlant, si ceci pouvait être défini plus clairement. Si la Chambre avait

 18   simplement dit, Eh bien, y a-t-il des éléments de preuve qui correspondent

 19   aux chefs d'accusation, qui correspondent à l'une quelconque de ces zones

 20   géographiques, dans ce cas la Chambre de première instance n'aurait pas eu

 21   à analyser la structure et à analyser ces zones géographiques et la

 22   définition temporelle.

 23   Alors, qu'est-ce que nous avons, en somme ? Que pouvons-nous tirer de

 24   cette pratique et de ces déclarations ? Alors, je suggère qu'il y a deux

 25   principes qui découlent de notre jurisprudence. Le premier principe, c'est

 26   que, Messieurs les Juges, vous disposez de pouvoir discrétionnaire et vous

 27   pouvez aller au-delà des chefs d'accusation tels qu'ils sont définis par

 28   l'Accusation. Cela est tout à fait clair d'après ces exemples que je viens


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  1   de vous citer, et cela est clairement étayé par les déclarations qui ont

  2   été faits par deux Juges au moins. Et je dois faire valoir que ceci est

  3   tout à fait approprié compte tenu des objectifs de l'article 98 bis.

  4   Ensuite, si cela est vrai, comment devriez-vous, Messieurs les Juges,

  5   exercer vos pouvoirs discrétionnaires ? Comment devriez-vous définir en

  6   tout cas le point central de votre analyse, le point de référence ? Et je

  7   dirais que cela relève de vos pouvoirs discrétionnaires qui sont sûrs. Et

  8   vous devriez savoir s'il y a un groupe d'événements que vous pourriez

  9   identifier qui, d'après vous, pourraient être considérés comme événements

 10   distincts, qui devraient être analysés en tant que tels. Et c'est ce que je

 11   vous demande de bien vouloir faire, s'il vous plaît, eu égard à nos

 12   arguments qui portent sur le fond et les différents éléments sur lesquels

 13   nous vous demandons de bien vouloir vous pencher.

 14   Donc, après avoir donner un aperçu de ce cadre en vertu de l'article

 15   98 bis, nous souhaitons maintenant vous présenter des arguments de fond

 16   concernant ces chefs d'accusation qui devraient être, d'après nous,

 17   abandonnés. Et nous faisons valoir que les chefs 2 à 9 -- nous faisons

 18   valoir que les chefs 2 à 9 ne devraient pas être retenus d'après les

 19   critères correspondant à l'article 98 bis eu  égard aux événements qui se

 20   sont déroulés dans la région du Groupe opérationnel sud. Il s'agit de

 21   quatre événements et des passages pertinents de l'acte d'accusation qui

 22   correspondent à : Lovas, le paragraphe 18 de l'acte d'accusation;

 23   Velepromet, le 19 novembre; les événements d'Ovcara, le 20 novembre; et

 24   Opatovac. Et nous faisons valoir qu'il n'y a pas suffisamment de fondement

 25   pour qu'il y ait des poursuites pour tous les crimes commis en Serbie. Il

 26   s'agit principalement des chefs 7 à 9.

 27   Donc, il serait peut-être utile, avant que d'examiner les éléments de

 28   preuve, de vous donner un croquis, un croquis qui n'a rien d'exhaustif, un


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  1   croquis grossier, vous donnant les éléments de preuve essentiels qui

  2   devraient être établis pour que M. Hadzic puisse être déclaré coupable.

  3   Encore une fois, à ce stade, il ne s'agit pas de savoir si les éléments de

  4   preuve sont exacts; il s'agit d'établir s'il existe des éléments de preuve,

  5   des éléments de preuve fiables, sur lesquels vous pourriez vous fonder pour

  6   parvenir à cette décision-là. Alors, ce que j'ai fait sur cette

  7   diapositive, j'ai tenté de représenter, comme je vous l'ai dit, de façon

  8   très grossière les différents modes de responsabilité sur la base desquels

  9   M. Hadzic pourrait être déclaré coupable.

 10   Au premier paragraphe, nous voyons l'entreprise criminelle commune,

 11   et donc la commission des crimes en tant que tels; au deuxième point,

 12   l'entreprise criminelle commune 3; le troisième point, c'est aider et

 13   encourager; et le quatrième point correspond à la responsabilité des

 14   supérieurs hiérarchiques.

 15   Il est important de se souvenir du fait que, et je suis sûr, Messieurs les

 16   Juges, que nul n'est besoin de le vous le rappeler, Messieurs les Juges,

 17   l'entreprise criminelle commune correspond à une forme de participation

 18   directe. Et l'intention requise, à savoir l'élément moral pour constater

 19   qu'une personne a participé ou participe à une entreprise criminelle

 20   commune, est précisément le même élément moral que celui qui est requis

 21   pour une personne qui commet un crime lui tout seul. Et c'est la même chose

 22   que si une personne utilise une machette et commet un acte de violence

 23   contre une victime. Cela constitue le critère ou le seuil de l'élément

 24   moral. Et, en tant que commission directe, l'élément distinct ne porte pas

 25   sur l'élément moral mais sur l'actus reus, l'élément matériel, qui est

 26   diffus et qui est réparti entre différents individus.

 27   Mais, nonobstant cela, ce même dolus directus qui s'applique à un

 28   individu qui commet un crime lui tout seul, cela s'applique à l'entreprise


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  1   criminelle commune, ce qui rend votre tâche difficile, Monsieur le

  2   Président. Parce que, s'agissant d'une personne qui utilise une machette

  3   contre quelqu'un, c'est assez aisé dans tous les cas de figure de tirer les

  4   déductions nécessaires à propos de l'élément moral. S'agissant d'un

  5   individu qui est censé avoir participé à un plan commun, à un plan criminel

  6   commun, la déduction qu'il faut faire est beaucoup plus difficile et

  7   compliquée concernant l'élément moral nécessaire. Mais ce critère de

  8   l'élément moral existe toujours. Il n'est pas amoindri parce que les

  9   allégations consistent à dire que les crimes ont été commis par d'autres.

 10   Et, Messieurs les Juges, vous avez que notre jurisprudence déclare qu'il

 11   existe d'autres personnes, que cette entreprise criminelle commune est

 12   assez large et que son champ n'est pas limité, comme c'est le cas ici,

 13   puisse que l'entreprise criminelle commune qui est reprochée est large.

 14   De surcroît, et je dis que c'est tout à fait essentiel, c'est

 15   crucial, c'est important non seulement pour comprendre l'élément moral de

 16   l'entreprise criminelle commune, mais c'est important pour comprendre si

 17   oui ou non et comment vous pouvez faire les déductions nécessaire

 18   s'agissant de l'élément moral, car le crime doit dans ce cas être commis

 19   par d'autres membres de ce plan commun, de cette entreprise criminelle

 20   commune, ou ce crime doit être commis par des individus qui sont contrôlés

 21   par d'autres membres de l'entreprise criminel commune. Et cela, confer

 22   l'arrêt Brdjanin.

 23   Il arrive très souvent, et, Messieurs les Juges, vous l'avez

 24   constatés dans bon nombre d'autres affaires et cela n'est pas contesté, que

 25   les structures organisationnelles sont parfois le moyen par lequel ces

 26   modes de responsabilité sont mis en œuvre et sur lesquels on peut tirer des

 27   déductions sur l'élément moral nécessaire et sur le fait de savoir si, oui

 28   ou non, quelqu'un a contribué au crime, s'il y a eu contribution. Mais si


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  1   une structure organisationnelle constitue un fondement permettant d'établir

  2   ces éléments-là, nous disons que cela relève véritablement du domaine des

  3   preuves indirectes, et dans ce cas cette structure organisationnelle ou cet

  4   organigramme doit exister, et il doit exister suffisamment d'éléments de

  5   preuve pour vous permettre à vous, Messieurs les Juges, de dire que cette

  6   structure organisationnelle englobe les crimes qui sont allégués contre M.

  7   Hadzic. Et dans le cas où les éléments de preuve ne sont pas suffisants et

  8   ne permettent pas d'établir cela, dans ce cas il n'y a pas de

  9   responsabilité, certainement pas au motif de l'entreprise criminelle

 10   commune. Et donc, je propose à ce stade, Messieurs les Juges, de poser la

 11   question suivante : existe-t-il des éléments de preuve qui vous

 12   permettraient de déterminer si, oui ou non, il existait une structure

 13   organisationnelle dans laquelle était impliqué M. Hadzic mais qui englobait

 14   également les crimes qui ont été commis dans la zone du Groupe opérationnel

 15   sud ? Car telle est la question que nous vous soumettons à ce stade.

 16   Et je devrais ajouter que ce que je suis sur le point de dire

 17   concernant la région du Groupe opérationnel sud peut être appliqué

 18   ailleurs, mais nous estimons que les éléments de preuve sont très clairs -

 19   ou, plutôt, le nombre de preuve est assez manifeste - sur la non-existence

 20   d'une structure organisationnelle qui lie M. Hadzic à l'un quelconque des

 21   crimes qui sont allégués et qui auraient été commis dans le secteur du

 22   Groupe opérationnel sud.

 23   De même, s'agissant de la complicité par aide et encouragement et la

 24   responsabilité du supérieur hiérarchique, on peut démontrer que ceci est

 25   mis en œuvre par une structure organisationnelle. Mais dans ce cas là, le

 26   niveau de l'organisation au sein de cette structure doit être encore plus

 27   distinct. Il doit y avoir un élément de la notion de viser précisément par

 28   rapport au crime. Et c'est toujours le lien, Messieurs les Juges. C'est ce


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  1   lien-là qui est important entre l'accusé et ses actes et le crime.

  2   Et pour ce qui est du fait d'avoir aidé et encouragé, encore faut-il savoir

  3   si ses actes ou actions visaient précisément à la commission d'un crime.

  4   Pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique,

  5   j'avance que l'élément primordial, s'il en fut, en fait, le seul élément

  6   que je doive invoquer maintenant, est l'élément du véritable contrôle, qui

  7   suppose qu'il y a un lien, une relation de subordination, d'obéissance, et

  8   des ordres qui sont donnés entre l'auteur du crime et l'accusé.

  9   Alors, qu'est-ce que le Groupe opérationnel sud ? Nous, nous avançons

 10   que le Groupe opérationnel sud a, certes, existé et il a existé à partir de

 11   la fin du mois de septembre jusqu'au 24 novembre. Il y a une chose qui est

 12   absolument claire et qui ne fait l'objet d'aucun contentieux, d'aucun

 13   litige. Certes, le Groupe opérationnel sud existait bel et bien au moment

 14   où chacun des quatre crimes pour lesquels nous avançons qu'il n'y a pas

 15   d'élément de preuve permettant de poursuivre ce procès se sont déroulés.

 16   J'aimerais maintenant que le transparent suivant soit affiché, ou la

 17   diapositive ou le cliché suivant. Vous vous souviendrez certainement,

 18   Messieurs les Juges, de cette carte qui a été montrée à plus d'une reprise

 19   et qui indique -+ et cela, nous le voyons sur la carte - qui indique le

 20   périmètre de la région qui correspondait au Groupe opérationnel sud. Alors,

 21   dans un premier temps, le Groupe opérationnel sud a été la création

 22   militaire en quelque sorte de la JNA. C'est la JNA qui a constitué le

 23   Groupe opérationnel sud, qui a créé la hiérarchie au sein du Groupe

 24   opérationnel sud. Et cette hiérarchie, cette organisation, était le fidèle

 25   reflet de ce qui se passait sur le terrain, de la réalité qui prévalait sur

 26   le terrain, à savoir qu'il y avait une séparation physique entre la zone se

 27   situant au sud de Vukovar et la zone de situant au nord de Vukovar, en ce

 28   sens où il y avait à ce niveau-là des forces croates jusqu'à une certaine


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  1   date. Mais même lorsqu'il y a eu suppression du couloir vers Vukovar, le

  2   Groupe opérationnel sud a continué à exister.

  3   Alors, quelle fut la portée de cette structure organisationnelle qui

  4   a été constituée par la JNA et quelle fut son étendue ? Alors, je dirais,

  5   et d'ailleurs je suis particulièrement reconnaissant, je loue les efforts

  6   de l'Accusation qui a bien voulu appeler à la barre ce témoin, car nous

  7   avons entendu les propos de la personne qui était le chef de ce qu'il a

  8   décrit comme "l'état-major de la Défense territoriale pour le Groupe

  9   opérationnel sud." Cet homme a été nommé en octobre 1991. Et il a témoigné

 10   comme suit : il a indiqué qu'il avait été "subordonné au commandant du

 11   Groupe opérationnel sud, M. Mrksic," pendant tout son mandat. Le deuxième

 12   commandant, M. Vujovic, a été nommé par Sljivancanin ou par Mrksic

 13   immédiatement avant la chute de Vukovar. Le QG de l'état-major de la

 14   Défense territoriale du Groupe opérationnel sud se trouvait à Velepromet.

 15   Et, en fait -- d'ailleurs, je ne vais pas insister là-dessus, je ne vais

 16   pas, en fait, avancer cela parce que je ne sais plus si c'est une question

 17   qui a été soulevée par l'Accusation ou par la Défense, mais une question

 18   lui avait été posée, on lui avait demandé s'il pouvait dire de façon

 19   approximative combien d'états-majors de la Défense territoriale lui étaient

 20   subordonnés.

 21   Il a dit qu'il y avait plus de 20 villages, et il a parlé de toutes

 22   les unités qui s'y trouvaient, y compris l'unité qui se trouvait à Petrova

 23   Gora.

 24   Alors, voilà un élément de preuve apporté par quelqu'un qui savait,

 25   et d'ailleurs on ne peut absolument pas suggérer que ce qu'il a indiqué

 26   était partial ou que ce qu'il allait dire allait militer en faveur de M.

 27   Hadzic.

 28   Alors, comment est-ce que l'on peut apprécier à leur valeur maximale


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  1   les éléments de preuve qui ont été présentés par ce témoin, le Témoin GH-

  2   012, qui avait des liens -- ou, plutôt, qui était le commandant, puisque

  3   c'est ce qu'il nous a dit, qui était le commandant de l'état-major de la

  4   Défense territoriale du Groupe opérationnel sud, qui englobait à l'époque

  5   au moins 20 villages du Groupe opérationnel sud, qui à ce moment-là était

  6   séparé physiquement du Groupe opérationnel nord, au moins en Croatie.

  7   Alors, comment est-ce que l'on peut apprécier à leur valeur maximale ces

  8   éléments de preuve apportés par quelqu'un à propos, donc, des liens qu'il

  9   avait avec le gouvernement du district ? Alors, il a expliqué en fait qu'il

 10   avait rencontré, et il me semble qu'il avait dit que c'était au mois de

 11   septembre, qu'il avait rencontré M. Hadzic, parce qu'il y a en fait une

 12   référence au fait que ses forces devaient opérer une jonction avec les

 13   forces de la JNA afin d'essayer de libérer la caserne de Vukovar. Donc, ça,

 14   c'est le contexte de la première citation. Et le Témoin GH-012 dit -- et

 15   vous vous souviendrez, en fait, que ce témoin nous a dit que cela s'était

 16   passé en septembre. Et le Témoin GH-012 nous dit qu'il a rencontré Ilija

 17   Kojic, et il pensait qu'Ilija Kojic était le chef de la Défense

 18   territoriale de Borovo Selo, et il le décrit comme étant "more organised".

 19   Il décrit cela, en fait, comme une tentative pour essayer "d'atteindre le

 20   commandement du corps par son truchement."

 21   Alors, ils vont ensemble trouver le général Bratic à Novi Sad. Et si

 22   je ne m'abuse, cela s'est passé avant que le Témoin GH-012 ne soit nommé à

 23   la tête du Groupe opérationnel sud, mais c'est la raison pour laquelle, en

 24   fait, ils vont trouver le général Bratic, qui, comme vous le savez --

 25   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, mais je pense qu'il va falloir

 26   envisager une expurgation.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Non, mais il ne s'agit pas d'un témoin

 28   protégé, Monsieur le Président.


Page 8996

  1   M. STRINGER : [interprétation] Fort bien. Excusez-moi donc.

  2   M. GOSNELL : [interprétation] Donc, comme je vous le disais, le général

  3   Bratic, en fait, il ne faisait pas partie de la formation du Groupe

  4   opérationnel sud, parce que cela se passe avant la constitution du Groupe

  5   opérationnel sud. Et à ce moment-là, au mois de septembre 1991, le Témoin

  6   GH-012 ne fait aucune référence, aucune mention, au gouvernement du

  7   district. Il ne semble pas suggérer, d'ailleurs, qu'il existe. Il ne

  8   mentionne aucune affiliation de M. Kojic au gouvernement du district. Il

  9   n'indique absolument pas que le gouvernement du district fournit une

 10   assistance. Cette rencontre ou cette réunion avec M. Kojic porte

 11   essentiellement sur son rôle en tant que chef de la Défense territoriale de

 12   Borovo Selo, et ce, afin de prendre contact avec le général Bratic, et le

 13   témoin a indiqué qu'il s'attendait à ce que le général Bratic prenne

 14   contact avec le commandant local de la JNA dans sa zone qui se trouvait

 15   autour de Vukovar.

 16   Donc, ça, c'est la première indication, et je suggère que même lorsque l'on

 17   apprécie cet élément de preuve à sa valeur maximale, c'est la première

 18   indication, dis-je, du fait qu'il n'existe aucun lien - qu'il s'agisse d'un

 19   lien organisationnel, d'un lien ad hoc ou de tout autre lien - entre le

 20   gouvernement du district et le Groupe opérationnel sud.

 21   Là, il s'agit du témoin qui, lui, parle de sa nomination, et je pense que

 22   le contexte de la citation est extrêmement important. Je m'attends de toute

 23   façon à ce que l'Accusation revienne à la charge là-dessus, et c'est pour

 24   cela que je veux vous présenter l'ensemble du contexte. Alors, voilà ce que

 25   nous dit le Témoin GH-012, et je cite :

 26   "J'ai été nommé commandant de l'état-major de la Défense territoriale, mais

 27   je ne pouvais pas m'acquitter de cette fonction seul. Mrksic ne l'a pas

 28   autorisé parce que sinon, l'unité de Petrova Gora aurait été sans chef."


Page 8997

  1   Alors, je m'interromps et je me permets d'analyser ce que d'après moi dit

  2   le témoin. Il est en train d'indiquer que le colonel Mrksic se plaint de la

  3   double capacité du témoin, qui est à la fois le commandant du groupe de la

  4   Défense territoriale du Groupe opérationnel sud ainsi que le commandant de

  5   la Défense territoriale de Petrova Gora. Et je poursuis ma citation :

  6   "Il a dit qu'il était important que nous libérions Vukovar et que le

  7   commandant de l'état-major de la Défense territoriale avait une fonction

  8   politique et que nous devions nous concentrer sur la libération de Vukovar.

  9   Par conséquent, je devais rester auprès de l'unité de Petrova Gora jusqu'à

 10   la libération.

 11   "Question : Et de quelle façon est-ce que le commandant de l'état-major de

 12   la Défense territoriale avait une fonction 

 13   politique ?"

 14   "Réponse : C'était une fonction politique parce que je dirais que la

 15   Défense territoriale finance, équipe et nomme les commandants de la Défense

 16   territoriale municipale. Donc, il ne s'agit pas d'une structure militaire;

 17   il s'agit d'une structure municipale et civile.

 18   "Question : Et est-ce que les états-majors de la Défense territoriale

 19   relèvent d'une institution du gouvernement, et le cas échéant, de quelles

 20   institutions ?

 21   "Réponse : Ils relèvent du ministère de la Défense."

 22   Donc, qu'entend exactement le Témoin GH-012 ? Qu'entend-il exactement

 23   lorsqu'on lui pose la question suivante : "Et est-ce les états-majors de la

 24   Défense territoriale relèvent d'une institution du gouvernement ?" Parce

 25   que c'est cela la question qui nous intéresse. La question n'était pas de

 26   savoir si à un moment donné ils relevaient d'une institution du

 27   gouvernement particulière. C'était une question générique qui a été posée à

 28   propos des états-majors de la Défense territoriale en général. Sur quoi


Page 8998

  1   est-ce que cela se fonde ? Nous ne le savons pas. Mais ce que j'avance,

  2   c'est qu'au vu de la totalité du contexte, le témoin nous dit que M.

  3   Mrksic, d'après ce qu'il comprend de la façon dont fonctionnent normalement

  4   et habituellement les états-majors de la Défense territoriale, à savoir en

  5   temps de paix et avant le conflit, nous indique que les états-majors de la

  6   Défense territoriale locale ont un lien organisationnel avec les autorités

  7   politiques. Et non pas opérationnel, Monsieur le Président. Il ne s'agit

  8   pas d'un lien opérationnel, il ne s'agit pas d'un lien de commandement et

  9   de contrôle. Et cela a été indiqué de façon très claire par le Témoin

 10   Theunens. Il s'agit en fait d'une discussion tout à fait théorique à propos

 11   de la situation générale des états-majors de la Défense territoriale. Il ne

 12   s'agit pas d'une discussion ou d'un débat qui porte sur la situation telle

 13   qu'il l'a perçue, telle qu'il l'a vécue.

 14   Et d'ailleurs, d'après sa déclaration, Monsieur le Président, il

 15   n'est pas clair à quel ministère de la Défense il faisait référence. Es-ce

 16   qu'il faisait référence à la RSFY ? Est-ce qu'il faisait référence au

 17   gouvernement de la Serbie ? Cela n'a pas été précisé dans cette série de

 18   questions et de réponses. Il s'agit d'une question qui a été posée lors de

 19   l'interrogatoire principal du témoin. Pendant le contre-interrogatoire, le

 20   témoin a déclaré de façon très, très claire - et je vous l'ai indiqué

 21   lorsque je vous ai présenté le cliché précédent - qu'il a été subordonné

 22   pendant tout son mandat à M. Mrksic. Il n'y a pas eu de questions de suivi

 23   posées par l'Accusation. Ils n'ont pas demandé de précision. Ils n'ont pas

 24   dit : Mais, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit lors de l'interrogatoire

 25   principal que vous aviez des responsabilités vis-à-vis du ministère de la

 26   Défense. Ces questions n'ont pas été posées. Et c'est justement cette

 27   question qui, pendant un contre-interrogatoire, aurait pu fournir la

 28   précision suffisante et le contexte de la déclaration.


Page 8999

  1   C'est pour cela que nous avançons que ces éléments de preuve

  2   appréciés à leur valeur maximale, éléments de preuve qui viennent de la

  3   bouche d'un témoin essentiel, montrent qu'il n'y a pas de lien

  4   organisationnel entre le gouvernement du district et les Défenses

  5   territoriales dans le Groupe opérationnel sud.

  6   Et nous allons maintenant nous intéresser à un autre aspect, une

  7   autre facette des éléments de preuve qui nous permettra de mieux comprendre

  8   cela. Parce que, Monsieur le Président, je me rends compte que je reviens à

  9   la charge pour décrire à votre intention les éléments de preuve, alors que

 10   cela peut vous paraître paradoxal que pour prouver qu'il n'y a pas

 11   d'élément de preuve, je revienne justement sur ces éléments de preuve et de

 12   façon si importante. Et c'est une question que vous seriez tout à fait en

 13   droit de me poser. Mais je le fais parce qu'il y a beaucoup d'éléments de

 14   preuve en l'espèce qui ont été présentés hors contexte, et je vous exhorte

 15   à prendre en considération la valeur probante de chaque élément des crimes

 16   qui sont reprochés ou d'établir les formes de responsabilité, parce qu'il

 17   n'y a pas de formes de responsabilité. Et c'est ce que j'essaie d'indiquer

 18   à votre intention, Messieurs les Juges, car il s'agit en fait de voir quels

 19   sont les différents éléments de preuve et d'établir les liens entre ces

 20   éléments de preuve et les crimes qui ont été commis. Mais ce que j'avance

 21   en fait, c'est que si cela est fait, cela ne justifie absolument pas une

 22   condamnation pour ce qui est de ces événements particuliers.

 23   Il y a un document, un document qui a été versé au dossier, qui est

 24   devenu une pièce, et qui va nous permettre de parler du contexte. C'est,

 25   certes, un document qui pourrait être cité pour déterminer le lien qui

 26   existe entre le Groupe opérationnel sud et le gouvernement du district. Il

 27   s'agit du commandant de la ville d'Ilok qui écrit cela en décembre 1991.

 28   Alors, certes, je vous l'accorde, cela correspond à une phase tardive de la


Page 9000

  1   période par rapport aux événements et aux crimes que nous avons décrits,

  2   mais cela n'est pas atypique, en fait, du type d'éléments que nous trouvons

  3   dans les documents. Et nous avançons qu'il y a quand même une très, très

  4   grande part d'ambiguïté. Voilà ce que le colonel Belic dit dans une lettre

  5   qu'il adresse à M. Hadzic, et c'est un document important, je le souligne :

  6   "Etant donné que vous ne contestez pas la présence de l'armée dans

  7   cette zone," il s'agit de la zone autour d'Ilok, et d'ailleurs j'avancerais

  8   qu'il y a des éléments de preuve qui indiquent que le colonel Belic était

  9   le commandant non seulement d'Ilok mais qu'il était responsable de

 10   plusieurs villages dans la zone, "cela nous permet d'aboutir à la

 11   conclusion que l'armée est présente non pas parce qu'il s'agit d'une zone

 12   d'activité de combat et parce qu'elle doit exécuter des tâches de combat,

 13   mais parce que vous nous avez fort aimablement autorisés à ce que l'armée

 14   se trouve là."

 15   Alors, il y a un des témoins experts de l'Accusation, le Dr Nielsen,

 16   à qui l'on a posé une question à ce sujet lors du contre-interrogatoire. On

 17   lui a posé une question à propos de ce passage, et voilà de qu'il a dit, et

 18   cela a son importance. Il a dit :

 19   "Ecoutez, c'est une déclaration qui me rend fort perplexe," et puis

 20   il poursuit en disant, "non seulement parce que tout le monde sait

 21   pertinemment que l'armée était arrivée avant les autorités du district

 22   serbe. Je ne sais pas s'il essaie tout simplement d'être facétieux ou non,

 23   mais le fait est que l'armée est arrivée dans de nombreux cas avant les

 24   autorités du district. Et ce terme qu'il a utilisé, 'vous nous avez fort

 25   aimablement autorisés à être là,' c'est une formule qui me semble tout

 26   simplement facétieuse."

 27   Alors, ce que j'avance, c'est que même si l'on analyse de façon très

 28   diagonale ce à quoi il est fait référence dans ce document de la liste 65


Page 9001

  1   ter 6059, et je sais d'ailleurs qu'il s'agit maintenant d'une pièce de

  2   l'Accusation ou de la Défense qui a été versée au dossier, mais même si on

  3   analyse cela de la façon la plus diagonale possible, il est absolument

  4   évident qu'il ne s'agit pas d'un élément de preuve qui permettrait de

  5   justifier le point de vue suivant lequel le gouvernement du district avait

  6   une position d'autorité, premièrement vis-à-vis de la JNA, et deuxièmement,

  7   vis-à-vis de l'état-major de la Défense territoriale locale, de tous les

  8   états-majors des Défenses territoriales, et également de l'état-major de la

  9   Défense territoriale du Groupe opérationnel sud dans cette zone. Cela ne le

 10   prouve pas. Et d'ailleurs, le Dr Nielsen, qui à mon avis a tout à fait

 11   raison en la matière, nous a donné quelque chose de fiable, car non

 12   seulement cela indique que ce n'est pas vrai, mais cela prouve tout à fait

 13   le contraire. Il s'agit tout simplement d'un colonel de la JNA qui se

 14   moque, en quelque sorte, du président du gouvernement du district et qui

 15   l'accuse d'avoir été facétieux à ce sujet. Mais nous affirmons que l'on ne

 16   respecte pas le contexte dans lequel cela a été dit, du moins pour ce qui y

 17   est de cet élément d'élément de preuve documentaire. Ce n'est pas ce qui

 18   apparaît, même si on l'examinait de manière la plus diagonale qui soit,

 19   Monsieur le Président --

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, nous avons peut-être

 21   une difficulté ici, si le document et les références du compte rendu

 22   d'audience qui figurent dans vos présentations PowerPoint, si cela n'a pas

 23   été lu pour faire partie du compte rendu d'audience. Est-ce que vous

 24   pourriez vous occuper de cela ?

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais retrouver

 26   la référence et j'en donnerai lecture pour le compte rendu d'audience.

 27   Et puis, un deuxième exemple, Monsieur le Président, de ce que je suis en

 28   train d'avancer, ce même phénomène, donc c'est une vidéo, la vidéo -- non,


Page 9002

  1   je fournirais la transcription en temps voulu.

  2   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, je ne suis pas

  4   certain que vous ayez bien compris notre difficulté. Il s'agit d'une

  5   question d'ordre général. Cela porte sur l'ensemble des références que nous

  6   voyons dans vos clichés de votre présentation PowerPoint. Nous allons les

  7   perdre si on n'en donne pas lecture pour le compte rendu d'audience.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, je vois entends, Monsieur le Président,

  9   et je vais m'y pencher pendant la pause. Je vais voir de quelle manière on

 10   pourrait résoudre cela de manière appropriée. Je vous remercie d'avoir

 11   attiré mon attention là-dessus.

 12   Alors, un autre exemple de ce qui constitue, à mon sens, ce même

 13   phénomène, et je pense que cet exemple est important parce que l'Accusation

 14   a essayé de s'appuyer sur ce moyen de preuve, et je m'attends aussi à ce

 15   qu'ils reviennent là-dessus ce mercredi, eh bien, c'est la vidéo de M.

 16   Hadzic qui parle à Sid à la date du 20 novembre en fin d'après-midi, au

 17   début de la soirée, donc, de la journée du 20 novembre. Je vais peut-être

 18   devoir me corriger sur le moment exact dans la journée, mais quoi qu'il en

 19   soit c'est bien la date du 20 novembre. Donc, il arrive à Sid et il dit

 20   dans cet enregistrement vidéo que les prisonniers devraient être ramenés à

 21   Vukovar pour être jugés. Et pour diverses raisons, peut-être, l'Accusation

 22   s'y est référée souvent. Mais je me permets d'avancer une chose, c'est

 23   qu'il y a un élément que cela ne nous montre pas, ne prouve pas. Cela ne

 24   prouve certainement pas qu'à ce stade - ou à tout autre moment - le

 25   gouvernement du district avait pris en charge les prisonniers qu'il

 26   souhaitait faire amener pour être jugés à Vukovar.

 27   Et pourquoi est-ce que j'affirme cela, Monsieur le Président ?

 28   Qu'est-ce qui me permet de dire cela ? Parce qu'aucun des ces individus n'a


Page 9003

  1   été ramené. Et c'est de cela que parlait M. Hadzic. Il parlait du retour

  2   des prisonniers qui avaient été emmenés en Serbie. Donc, aucun d'entre eux

  3   n'est revenu. Aucun n'a été jugé. Donc, il n'y a aucun élément de preuve

  4   nous permettant de voir que cela ait eu lieu. Donc, cela étant dit, et

  5   compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'élément de preuve montrant que cela

  6   se soit produit, cette déclaration ne nous montre pas qu'il ait été en

  7   position d'autorité. Cela ne nous montre pas un contrôle organisationnel

  8   sur les événements dans le Groupe opérationnel sud à quelque degré que ce

  9   soit. Ces prisonniers étaient entre les mains de la JNA tout au long de

 10   cette période où ils ont été arrêtés, placés en détention, où ils ont été

 11   emmenés en Serbie ou, pour certains des plus malheureux, emmenés à Ovcara.

 12   Et tout cela s'est passé alors qu'ils étaient entre les mains de la JNA, et

 13   je vais en parler plus en détail.

 14   La question, donc, de cette vidéo est qu'elle ne nous montre pas

 15   qu'il y a eu un lien organisationnel entre ce qui était en train de se

 16   produire dans le Groupe opérationnel sud et le gouvernement du district, et

 17   encore moins qu'il y a eu un lien entre M. Hadzic lui-même -- et là on

 18   reparle des formes de responsabilité, donc, soit qu'il ait contrôlé les

 19   éléments jusqu'à un degré suffisant pour que vous puissiez en conclure que

 20   des crimes qui ont été commis dans le Groupe opérationnel sud étaient

 21   commis alors qu'il en avait connaissance, qu'il avait l'intention que ces

 22   crimes soient commis ou qu'il ait contribué de manière importante à leur

 23   commission. Donc, le lien organisationnel sur lequel on s'est souvent

 24   appuyé en tant que base pour ces formes de responsabilité est absent ici.

 25   Cela ne constitue pas une base justifiant une déclaration de culpabilité à

 26   ce titre.

 27   Est-ce que nous pourrions faire une pause ?

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.


Page 9004

  1   Nous reviendrons à 11 heures.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez, Maître

  5   Gosnell.

  6   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

  7   vais justement revenir un petit peu en arrière et je vais faire en sorte

  8   d'avoir toutes les références relatives à la jurisprudence pour le compte

  9   rendu d'audience que j'ai omis de préciser expressément précédemment.

 10   Donc, la première préférence porte sur les éléments de preuve portant sur

 11   chaque élément des crimes allégués, et la référence porte sur l'affaire

 12   Stanisic et Simatovic, page 11 465 du compte rendu d'audience; Gotovina,

 13   page 17 599 du compte rendu d'audience; et Mrksic, 11 312 du compte rendu

 14   d'audience.

 15   Le paragraphe de l'arrêt dans l'affaire Jelesic que j'ai mentionné est le

 16   paragraphe 36.

 17   La norme par rapport à l'absence d'élément de preuve susceptible de

 18   justifier une condamnation, eh bien, ces références-là portaient sur

 19   l'affaire Mrksic, page 11 312 du compte rendu d'audience; Prlic, page 27

 20   206 du compte rendu d'audience.

 21   Ensuite, la référence portant sur le critère de preuve pour preuve

 22   indirecte ou indiciaire, Bagosora, arrêt en appel, paragraphe 515.

 23   La référence portant sur l'ouï-dire, elle se réfère à l'affaire Prlic en

 24   date du 23 novembre 2011, paragraphe 53.

 25   Les parties de l'acte d'accusation dans l'affaire Lukic, c'étaient les

 26   chefs 6 et 7 que j'ai mentionnés; et l'acte d'accusation dans l'affaire

 27   Haradinaj, les chefs d'accusation 3 et 4. La décision d'acquittement dans

 28   l'affaire Milosevic le 16 juin 2004, l'opinion séparée du Juge Robinson,


Page 9005

  1   paragraphe 17. L'opinion séparée du Juge Antonetti se retrouve au compte

  2   rendu d'audience de l'affaire Seselj, pages 16 901 et 16 902.

  3   L'examen des différentes zones géographiques et différentes périodes de

  4   temps par rapport aux chefs d'accusation dans l'affaire Stanisic et

  5   Simatovic; à titre d'exemple, pages 11 472 à 11 473 du compte rendu

  6   d'audience, 11 474 et 11 476. Dans l'affaire Karadzic, pages 28 734 et

  7   suivantes du compte rendu d'audience.

  8   La définition du Groupe opérationnel sud qui figure dans le rapport

  9   Theunens, à savoir la pièce P1753, se trouve dans la première partie, page

 10   8.

 11   Les références à la déposition de GH-012, sa nomination a fait l'objet

 12   d'une présentation en pages 7 061 et 7 063 du compte rendu d'audience, sa

 13   subordination mentionnée en page 7 114. La nomination au poste de

 14   commandant en second de Vujovic, 7 072 et 7073, ainsi que page du compte

 15   rendu d'audience 4 563. Le fait que le QG se trouve à Velepromet, page du

 16   compte rendu d'audience 7 063. Et le nombre de villages qui lui ont été

 17   subordonnés est mentionné à la page 7 063 du compte rendu d'audience ainsi

 18   qu'à la page 7 068.

 19   Deux références pour la précession à la valeur maximale des éléments de

 20   preuve : premièrement, en page 7 049 du compte rendu d'audience, puis page

 21   7 063 du compte rendu d'audience. Par rapport au Groupe opérationnel sud.

 22   Le document du colonel Belic à M. Hadzic se retrouve à la pièce P1731,

 23   première page. Une correction, s'il vous plaît, il s'agit en fait de la

 24   pièce P1962, et la vidéo que j'ai mentionnée par rapport à M. Hadzic est la

 25   pièce P1731, première page.

 26   Monsieur le Président, ai-je dis avant la pause qu'il n'y avait pas de

 27   moyen de preuve démontrant que le Groupe opérationnel sud faisait partie

 28   des structures du gouvernement régional, était englobé dans ces structures


Page 9006

  1   ? J'ai peut-être dit cela, et cela n'était pas totalement exact si je l'ai

  2   dit. Vous vous rappellerez le Témoin GH-0168, le témoin, dans le témoignage

  3   -- qui nous rappellerait cette image du garçon néerlandais remplir tous les

  4   trous qui se créent dans la digue.

  5   Ce n'est pas une chose très agréable que j'ai à vous dire, mais, Messieurs

  6   les Juges, ce témoin a fait sa déclaration solennelle dans le prétoire et

  7   il vous a menti droit dans les yeux, malheureusement. J'affirme que c'est

  8   ce qu'il s'est passé. Et j'affirme que nous avons des indices clairs nous

  9   permettant d'affirmer cela, du moins pour ce qui est de tous les éléments

 10   de son témoignage qui ont porté sur sa perception de la responsabilité

 11   relative de la JNA pour les crimes qui font l'objet de l'acte d'accusation.

 12   Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît, par précaution.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 9007-9010 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, regardons maintenant les différents

 27   villages qui faisaient partie du secteur du Groupe opérationnel tels que

 28   définis par GH-012 et les allégations dans les chefs d'accusation à l'égard


Page 9012

  1   de chacun de ces villages.

  2   Au paragraphe 21 -- pardonnez-moi, paragraphe 26 de l'acte

  3   d'accusation, qui porte sur les chefs 2, 3 et 4; et ensuite le paragraphe

  4   41(m), qui porte sur les chefs 5 à 9. Passons à la diapositive suivante, je

  5   vous prie.

  6   Alors, quels étaient les éléments sur qui était responsable ? Ou,

  7   posé plus simplement : qui a commis de façon directe les crimes à Lovas ?

  8   Eh bien, d'après les éléments de preuve principaux, Ljuban et Milan

  9   Radojcic et le Détachement de Dusan Silni ont participé aux crimes qui ont

 10   été commis à Lovas. Cela comprenait l'événement du champ de mines, et je

 11   suis sûr, Messieurs les Juges, que vous vous souvenez de cette déposition.

 12   Mais ce qui a été dit au niveau de la déposition à propos de qui était à

 13   cet endroit et qui contrôlait ces événements-là, qui les organisait et qui

 14   dispose de l'autorité et quelle structure organisationnelle est en place.

 15   Eh bien, GH-102 a précisé à la pièce P50, au paragraphe 152 :

 16   "Il est difficile de savoir combien de soldats de la JNA étaient

 17   déployés à Lovas, mais j'ai remarqué qu'ils contrôlaient tout."

 18   P296, GH-134, paragraphe 6 :

 19   "Radojcic… d'après ce que je sais, son uniforme était celui d'un

 20   soldat de l'armée régulière de la JNA et non pas d'un réserviste. Il avait

 21   trois étoiles sur ses épaulettes."

 22   Et ensuite, la déposition d'un expert militaire, je vois que dans

 23   cette citation on fait référence à la pièce P378, et que M. Theunens a

 24   commenté à la page 4 572. Au début, il y a une citation qui est lue à M.

 25   Theunens et qui se lit comme suit :

 26   "'Les autorités civiles n'ont pas été établies à ce jour dans la

 27   ville d'Ilok, ni dans les villages de Sarengrad, Mohovo, Opatovac, Lovas et

 28   Bapska…'"


Page 9013

  1   Et ensuite, la question qui est posée :

  2   "Question : Arrêtons-nous là un instant. A supposer que ce qui vient

  3   d'être dit -- à savoir si cette déclaration est exacte ou non, les

  4   conséquences de sa déclaration," le colonel Milan Belic, à la date du 9

  5   décembre 1991, "qu'il n'y ait pas d'autorités locales en place, le

  6   commandement de la ville exerce donc un contrôle civil sur ces villes,

  7   n'est-ce pas ?

  8   "Réponse : Oui. En réalité, c'est le commandant militaire de la ville qui

  9   est toujours responsable des affaires civiles dans ces villes."

 10   Regardons maintenant la page suivante et essayons de regarder les

 11   éléments de preuve pris à leur valeur maximale concernant le lien entre M.

 12   Hadzic et ces événements. Et rappelons-nous, Messieurs les Juges, qu'il ne

 13   suffit pas de dire simplement : Eh bien, il s'agit des mêmes crimes que

 14   ceux qui ont été commis ailleurs en SBSO. Cela n'est pas suffisant. Car,

 15   comme le dit Brdjanin au paragraphe 430, ce qui est requis pour conclure

 16   qu'une personne participe à une entreprise criminelle commune est, et je

 17   cite, "que l'objectif criminel n'est pas simplement qu'il s'agit du même,

 18   mais qu'il est commun à toutes les personnes qui agissent de concert au

 19   sein d'une entreprise criminelle commune."

 20   Donc, il ne suffit pas de dire : Eh bien, peut-être qu'il y a des

 21   éléments de preuve qui indiquent que M. Hadzic a participé avec des

 22   personnes de mauvais aloi dans le secteur du Groupe opérationnel nord, et

 23   donc il s'agit de personnes de mauvais aloi qui interviennent également

 24   dans le secteur sud, qui commettent les mêmes crimes. Il ne s'agit pas dans

 25   ce cas de la même entreprise criminelle commune. Cela ne suffit pas,

 26   Monsieur le Président. Il doit s'agir de la même entreprise criminelle

 27   commune. Il ne s'agit pas simplement de dire que c'est identique, que

 28   l'objectif criminel est identique et que les plans sont identiques.


Page 9014

  1   L'objectif criminel commun doit s'agir de participants, ceux qui ont

  2   participé aux crimes, et ils ont dû dans ce cas faire partie du même plan

  3   criminel commun avec M. Hadzic. Ceci est un élément essentiel. C'est un

  4   élément qui doit être prouvé par l'Accusation, un élément moral et

  5   l'élément matériel. C'est ça qui est important.

  6   Alors, que montrent les éléments de preuve appréciés à la valeur

  7   maximale par rapport aux événements qui se sont déroulés à Lovas un mois

  8   avant la chute de Vukovar ? Les crimes allégués dans l'acte d'accusation,

  9   les meurtres ainsi que les événements portant sur les champs de mines, ont

 10   lieu un mois avant la chute de Vukovar. Le Témoin GH-102 n'était pas, sans

 11   doute, celui le plus favorable envers M. Hadzic. Il a dit que M. Hadzic a

 12   visité Lovas après que l'événement ait eu lieu, car le Témoin GH-102 a dit

 13   qu'il est arrivé après l'événement qui s'est déroulé sur les champs de

 14   mines de Lovas. Il n'a vu M. Lovas [comme interprété] à cet endroit

 15   qu'après cette date-là. Donc, rien n'indique dans ce cas que M. Hadzic

 16   était à Lovas, que ce soit au moment des faits ou avant les faits. Il n'y a

 17   aucune indication à cet effet. Aucune preuve à cet effet.

 18   Ljuban Devetak, alors, quel est son éventuel lien avec les structures

 19   du gouvernement local ? Il aurait assisté, d'après un témoin, à la réunion

 20   qui s'est tenue à Velepromet -- et je vais revenir en arrière pour dire que

 21   la référence à GH-102 se trouve au paragraphe 150 de sa déclaration 92 ter.

 22   Je vais vous fournir la référence exacte incessamment sous peu.

 23   Ljuban Devetak, d'après GH-028, à la page du compte rendu d'audience

 24   6 420, aurait assisté à la réunion à Velepromet le 12 [comme interprété]

 25   novembre. Mais aucun élément de preuve n'indique ce qu'il y faisait,

 26   pourquoi il y était et avec qui il a parlé, à savoir s'il a parlé avec M.

 27   Hadzic, s'il occupait un quelconque poste au sein de la hiérarchie. Et il

 28   n'y a pas d'élément de preuve qui indique, et ceci émane du Témoin Nielsen,


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  1   qui a dit : Oui, effectivement, il y a eu des cas où certains individus

  2   s'appropriaient des titres ou des postes et indiquaient qu'ils disposaient

  3   d'une autorité, mais il n'y avait aucun fondement à cela. Le témoin a

  4   indiqué que ce qu'indique Ljuban Devetak indique simplement qu'il était

  5   présent plus d'un mois après l'incident qui s'est déroulé sur les champs de

  6   mines, dans une pièce où M. Hadzic était également présent. Ceci n'a aucune

  7   valeur probante et n'indique pas que M. Hadzic avait la connaissance de

  8   cela et qu'il a contribué à ces crimes à Lovas.

  9   Il a dit que :

 10   "… lorsque les opérations étaient terminées à Vukovar, eux…," et il

 11   n'a pas été très précis, il a dit "eux", et ici, prenons les éléments à

 12   leur valeur maximale, "… ils sont établis des commandements de villes qui

 13   étaient les leurs," et ensuite il parle de Devetak. GH-027, à la page du

 14   compte rendu d'audience 7 956. Encore une fois, après la chute de Vukovar,

 15   plus d'un mois après les faits qui se sont déroulés sur les champs de mines

 16   et longtemps après les détentions illégales et les sévices qui sont décrits

 17   dans l'acte d'accusation.

 18   En page du compte rendu d'audience 2 831, GH-24 dit que Bogic a --

 19   Devetak à une date non précisée, et GH-24 dit également qu'il ne savait pas

 20   si M. Hadzic était au courant de l'événement portant sur les champs de

 21   mines à Lovas. A supposer qu'il existe un éventuel lien entre M. Hadzic et

 22   M. Bogic, rien n'indique que Bogic a partagé ses informations au sujet de

 23   ce fait, et encore moins que Bogic était le lien qui aurait permis de

 24   transmettre les éléments d'information permettant d'indiquer qui a

 25   contribué au crime. Et quand bien même si on ne devait pas fermer la porte

 26   dans ce cas et dire que nous ne sommes qu'au stade du 98 bis, quand bien

 27   même vous diriez cela, nous ne savons pas à quel moment cette réunion a eu

 28   lieu. Aucun élément de preuve n'indique quand ces événements se sont


Page 9016

  1   produits à l'époque ou au moment des crimes allégués dans l'acte

  2   d'accusation. Et il s'agit là d'une condition préalable pour constater que

  3   quelqu'un est responsable d'avoir commis ce crime.

  4   A la diapositive suivante, nous disons que GH-12 -- c'est peut-être

  5   GH-102, pardonnez-moi. Je dois vérifier cette référence. Je crois que

  6   c'était page [comme interprété] 50, paragraphe 149. Il n'a pas appris

  7   l'existence de cet événement au moment des faits, simplement longtemps

  8   avant [comme interprété]. Et en termes de connaissance des événements, il

  9   était dans une position analogue à celle de M. Hadzic dans le secteur du

 10   Groupe opérationnel nord, qui à l'époque était coupé physiquement parlant

 11   du secteur du Groupe opérationnel nord.

 12   Velepromet, Monsieur le Président. Les allégations sont énoncées aux

 13   paragraphes 31 et 41, alinéa (j), ainsi qu'au paragraphe 39 de l'acte

 14   d'accusation. Alors, essentiellement de quoi s'agit-il à propos de

 15   Velepromet ? Des interrogatoires ont eu lieu. Au cours de ces

 16   interrogatoires, des personnes ont été battues, insultées ou ont subi

 17   d'autres mauvais traitements. Dix-sept personnes au moins ont été tuées à

 18   Velepromet. Et cela s'est passé le 19 novembre ou aux environs du 19

 19   novembre. Les éléments de preuve entendus en l'affaire suggèrent que cela

 20   s'est passé au cours des jours précédents, précédant le 19, et le 19, mais

 21   que rien ne s'est passé après midi le 20 novembre 1991.

 22   Alors, quels sont les éléments de preuve qui ont été avancés à propos

 23   des personnes qui ses trouvaient à Velepromet lors de ces événements ? Eh

 24   bien, dans un premier temps, premier élément de preuve, la Défense

 25   territoriale de Vukovar était toujours subordonnée à la JNA jusqu'au moins

 26   au 21 novembre 1991. Nous, nous disons même après cette date. Mais il est

 27   absolument indubitable qu'au moins jusqu'au 21 novembre, ils étaient

 28   subordonnés à la JNA. Et nous avons, par exemple, le document P1995 où nous


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  1   voyons des ordres qui leur sont donnés, et M. Theunens a confirmé cela à la

  2   page 4 561 du compte rendu d'audience.

  3   Très peu de temps avant ces événements, le commandant de la Défense

  4   territoriale de Vukovar, c'est ainsi que M. Vujovic est décrit, est nommé

  5   par Mrksic ou par Sljivancanin. Apparemment, là, il y aurait peut-être

  6   discussion à propos de qui des deux l'a nommé, s'agissait-il de M. Mrksic

  7   ou de M. Sljivancanin. Les sources pour cela pouvant être trouvées dans la

  8   déposition de M. Jaksic, en pages 7 072 à 7 073 du compte rendu d'audience;

  9   ainsi que lors de la déposition de M. Theunens, à la page 4 561.

 10   Et d'ailleurs, à ce sujet, dans la mesure où cela est pertinent, il

 11   est également évident, d'après les pages 1 995 à 1 981 [comme interprété],

 12   que l'unité de Leva Supoderica était subordonnée à la JNA, et ce, au moins

 13   jusqu'au 21 novembre.

 14   Nous en avons pour preuve la page 8 960 du compte rendu d'audience,

 15   où il est indiqué que les soldats de la JNA amenaient des détenus à

 16   Velepromet au cours de ces jours-là.

 17   Le Témoin GH-63 indique à la page 8 674 du compte rendu d'audience,

 18   et je cite :

 19   "La police militaire de la JNA montait la garde auprès de nous."

 20   Donc, il y avait présence de la police militaire lorsque les

 21   prisonniers sont arrivés; document P3000, il s'agit d'une déclaration en

 22   application de l'article 92 ter avec un compte rendu d'audience, la page

 23   idoine pour le compte rendu d'audience étant la page 6 359. Ces membres de

 24   la police militaire ou d'autres soldats de la JNA ou des réservistes

 25   étaient, certes, présents à Velepromet, et nous avançons que c'étaient eux

 26   qui contrôlaient absolument Velepromet pendant tous ces jours-là. Et dans

 27   la mesure où il s'agissait de membres de la TO, ils étaient également

 28   subordonnés à la JNA. C'était là où se trouvait leur QG. C'était le QG de


Page 9018

  1   l'homme qui avait été nommé par soit M. Mrksic, soit M. Sljivancanin.

  2   Alors, bien entendu qu'il y a eu des délinquants qui sont venus là,

  3   mais si une telle personne arrive et commet un crime dans un lieu tel que

  4   cela, ce que nous avançons en fait, c'est que les crimes ont été commis par

  5   ce type d'individus, au vu et au sus de la JNA qui avait autorité sur les

  6   lieux, et ils étaient, en plus, subordonnés à ces personnes.

  7   Il faut savoir que tous les crimes en question, d'après les éléments

  8   de preuve qui ont été présentés, se sont déroulés avant cette réunion qui a

  9   eu lieu à Velepromet à un moment donné le 20 novembre, et il n'y a pas

 10   d'élément de preuve ayant indiqué que M. Hadzic s'était trouvé à Velepromet

 11   avant ce moment-là ou qu'il était informé de ce qui s'y passait. Et non

 12   seulement cela, mais il n'y a aucune indication suivant laquelle il avait

 13   le contrôle effectif de la situation, et il ne jouissait pas du pouvoir sur

 14   les personnes qui se trouvaient à Velepromet et qui ont commis ces crimes.

 15   Et voilà où réside le cœur du problème, Monsieur le Président. Parce qu'il

 16   faut qu'il y ait élément de preuve. Il faut qu'il y ait des éléments des

 17   éléments de preuve suivant lesquels il était informé de ce qui ce passait -

 18   - ça, c'est la connaissance des crimes. Il faut qu'il y ait eu connaissance

 19   que ces crimes ont bel et bien eu lieu ou allaient être commis. Il devait

 20   au moins ne serait-ce qu'être informé de ce qui était sur le point de se

 21   passer. Et s'il n'était pas informé, il ne peut pas être considéré comme

 22   ayant une responsabilité par rapport à ces crimes. C'est tout aussi simple

 23   que cela.

 24   Alors, venons-en maintenant à Ovcara. La majorité des victimes d'Ovcara,

 25   comme cela a été montré par les éléments de preuve, venaient effectivement

 26   de l'hôpital de Vukovar. Et dans l'acte d'accusation, les allégations sont

 27   comme suit : les forces qui étaient présentes dans le hangar d'Ovcara le 20

 28   novembre ont roué de coups et ont torturé les victimes pendant des heures;


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  1   avant cela, ils les avaient transportées vers un lieu éloigné, à savoir la

  2   ferme de Grahovo, où 260 personnes ont été tuées dans la ferme de Grahovo;

  3   puis ensuite ces personnes qui ont été tuées ont été inhumées dans une

  4   fosse commune. Et il a été indiqué en fait que non seulement cela

  5   correspondait à un chef d'extermination et de meurtre, mais à d'autres

  6   crimes également, notamment l'emprisonnement, la torture, les actes

  7   inhumains et le traitement cruel.

  8   Alors, quels sont les éléments de preuve dont vous avez été saisis à propos

  9   de la façon dont ces victimes se sont retrouvées dans cette fosse commune ?

 10   Premièrement, le transport depuis l'hôpital de Vukovar a été ordonné et

 11   supervisé par M. Sljivancanin, qui a eu recours à la JNA et aux forces de

 12   la TO, ainsi qu'à des volontaires. Document P1040, paragraphe 100.

 13   Et vous vous souviendrez certainement, Messieurs les Juges, de la

 14   déposition du Dr Bosanac à cet égard; notamment à propos du type de

 15   personnes qui ont exécuté ces tâches sous la supervision de M.

 16   Sljivancanin.

 17   Dans le document P1981, paragraphe 38, et dans le compte rendu d'audience à

 18   la page 33 [comme interprété] du Témoin GH-80, ainsi qu'à la page 43 [comme

 19   interprété] du même compte rendu d'audience, nous apprenons que pour ce qui

 20   est du transport de l'hôpital vers la caserne de la JNA, c'est la police

 21   militaire de la JNA qui s'occupe de ce transport et qui a accompagné ces

 22   victimes considérées comme prisonniers -- qui les a accompagnées, disais-

 23   je, de la caserne de la JNA jusqu'à Ovcara.

 24   Au document P1981, qui correspond à la déclaration en application de

 25   l'article 92 ter du Témoin GH-110, au paragraphe 42, pour être plus précis,

 26   nous savons qu'il y avait plusieurs douzaines de soldats de la Défense

 27   territoriale qui étaient présents à Ovcara à ce moment-là, mais le nombre

 28   de soldats a été estimé à 35. La déposition de ce témoin est comme suit :


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  1   c'était Vujovic, à savoir Mile Vujovic, l'homme qui avait nommé par soit M.

  2   Mrksic, soit M. Sljivancanin, qui commandait ces unités de la Défense

  3   territoriale à Ovcara. Et puis ensuite, nous voyons les références qui

  4   indiquent cela. Nous avons, par exemple, le compte rendu d'audience de M.

  5   Jaksic, page 7 [comme interprété] du compte rendu d'audience; puis nous

  6   avons la déposition de M. Theunens, pages 4 563 et 4 561. Donc, il y avait

  7   plusieurs officiers de la JNA qui étaient présents à Ovcara lors des

  8   passages à tabac et des traitements inhumains qui ont été infligés lorsque

  9   ces personnes ont été rouées de coups, il y avait notamment le commandant

 10   Vukasinovic, ainsi qu'un autre colonel qui n'a pas été identifié et

 11   d'autres membres de la Brigade des Gardes Motorisée, ainsi que des civils

 12   et des volontaires. Et cela correspond à la pièce P1981, pour le Témoin GH-

 13   110, paragraphes 38, 42 et 46.

 14   Et comment est-ce que le Témoin GH-110 résume la situation au paragraphe 47

 15   du document 1981 :

 16   "La présence des soldats de la 1ère Brigade des Gardes Motorisée dans le

 17   hangar m'a amené à conclure que c'était cette 1ère Brigade des Gardes

 18   Motorisée qui se chargeait de l'opération et qui contrôlait l'opération."

 19   Et je vous rappellerais le contexte dans lequel ce transfert vers Ovcara a

 20   eu lieu. Il y a des milliers de prisonniers qui sont conduits sous la garde

 21   de la JNA, et cela ne peut être décrit que comme une vaste opération pour

 22   ce qui est de ce transport depuis Vukovar jusqu'à la Serbie. Les

 23   prisonniers leur ont été confiés. Donc, ils s'occupent des prisonniers.

 24   C'est la tâche qui leur a été donnée. Ils ne sont pas en train de remettre

 25   ces prisonniers à d'autres personnes, bien qu'il y ait d'autres personnes

 26   qui ont le contrôle et qui les aident lors de cette vaste opération. Et

 27   pour ce qui est d'Ovcara, si l'on prend le moindre détail, la moindre

 28   indication, on se rend compte que ce qui s'est passé est absolument


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  1   identique aux autres mouvements ou aux autres actes des autres personnes

  2   qui se trouvaient là pour ce qui est de la garde, pour ce qui est des

  3   véhicules dans lesquels ces prisonniers ont été transportés, de l'horaire,

  4   de savoir qui commandait. Il n'y a aucune différence entre cette opération

  5   à Ovcara et toutes les autres opérations menées à bien par la JNA pour ce

  6   qui est des prisonniers, pour ce qui est de les transporter et de les

  7   amener tragiquement vers leur fin.

  8   Alors, après ces passages à tabac pendant la journée du 20 novembre, quel

  9   est le sort terrible qui attend ces prisonniers ? Eh bien, d'après le

 10   Témoin GH-80, qui est un témoin fiable et extrêmement important, en tout

 11   cas pour ce qui est de la façon dont il relate son transport, et je cite :

 12   "L'évacuation à partir du hangar d'Ovcara, après que la nuit ait tombé le

 13   20 novembre, a été supervisé par un homme qui avait un sifflet," page 3

 14   364, "il s'agissait d'un homme corpulent qui avait une moustache, qui

 15   portait un coupe-vent de la JNA et qui avait des insignes et un sifflet, et

 16   c'est avec ce sifflet que d'une certaine façon il supervisait ces

 17   personnes."

 18   Et lorsqu'on lui a demandé -- lorsque l'Accusation, plutôt, lui a posé des

 19   questions à propos du véhicule, lorsqu'on lui a demandé dans quel type de

 20   véhicule il avait été transporté depuis le hangar d'Ovcara jusqu'à la fosse

 21   commune -- vers la fosse commune, il a insisté, il a persisté, et il dit

 22   qu'il s'agissait "absolument d'un véhicule militaire sans aucun doute." La

 23   question lui a été posée plus d'une fois. Et il a indiqué que c'était un

 24   véhicule militaire et que les personnes qui conduisaient ce véhicule

 25   étaient des soldats. Et autre chose encore, et je cite :

 26   "Question : … est-ce que vous avez vu des membres de la JNA qui portaient

 27   des ceinturons blancs ? 

 28   "Réponse : Je crois que ce sont ces personnes qui nous ont pris du hangar,


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  1   mais je n'en suis pas sûr maintenant."

  2   Alors, quels sont les éléments de preuve qui prouvent le lien entre M.

  3   Hadzic et cet événement ? Quels sont les éléments de preuve qui indiquent

  4   qu'il savait que cet événement allait se produire ? Sur quoi se base-t-on

  5   pour indiquer que M. Hadzic savait que ce groupe bien précis de prisonniers

  6   allait connaître un sort différent du sort des autres prisonniers qui

  7   étaient envoyés en Serbie ? Sur quelle base se repose-t-on pour indiquer

  8   qu'il savait que ce groupe allait être écarté, envoyé à Ovcara, roué de

  9   coups, victimes de mauvais traitements et tués ? Sur rien, Monsieur le

 10   Président. Car il n'y a absolument aucune base sur laquelle on peut

 11   s'appuyer pour suggérer qu'il savait que cela allait se passer.

 12   Alors, bien entendu, l'Accusation va certainement s'appuyer sur les

 13   déclarations qui ont été faites à Sid et lors de la réunion du gouvernement

 14   qui a eu lieu à Velepromet, et, certes, il y a un chevauchement temporel,

 15   en fait, à ce sujet. Et je ne vais pas m'appesantir ou vous présenter des

 16   détails à ce sujet, mais le simple fait qu'il y avait une réunion au cours

 17   de laquelle il y a une discussion sur la façon de traiter des criminels de

 18   guerre allégués, qui se trouvent parmi ces prisonniers, puisque lors de la

 19   réunion il y a eu des discussions à propos de la façon dont ces criminels

 20   de guerre devraient être traduits en justice, cela ne constitue pas un

 21   élément de preuve indiquant que M. Hadzic ait été informé de ce massacre ce

 22   jour-là.

 23   Et pour en revenir à ce que j'ai dit au début à propos des éléments

 24   de preuve indirects ou des preuves indiciaires. Alors, bien entendu,

 25   lorsque l'on s'en tient à l'essentiel, où se trouvent les éléments de

 26   preuve indirects ? Quels sont-ils ? Parce qu'il faut savoir que la

 27   définition des éléments de preuve indirects ou des preuves indiciaires est

 28   une définition assez souple. Bon, ce qui ne pose aucun problème,


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  1   d'ailleurs. Mais en cette phase du 98 bis, il ne s'agit pas de savoir si

  2   certains éléments de preuve peuvent être considérés comme des éléments de

  3   preuve indirects, ce qui vous permettrait très facilement de franchir

  4   l'obstacle du 98 bis. Je pense que, Messieurs les Juges, vous devez pouvoir

  5   vous sentir assez libres et vous devez avoir toute latitude pour analyser

  6   si, conjointement avec tous les éléments de preuve présentés, il y a une

  7   possibilité qui exclurait -- une possibilité raisonnable, bien entendu, qui

  8   exclurait le fait que M. Hadzic ne savait pas ce qui allait se passer.

  9   Et il n'y a pas d'élément de preuve sur lequel vous pouvez vous

 10   appuyer pour prévoir cette possibilité. Je pense que pour ce qui est

 11   d'Ovcara, vous devriez prononcer l'acquittement. Car non seulement cela

 12   nous permettrait d'être beaucoup plus efficaces, mais cela accélèrerait la

 13   procédure et ferait en sorte que la Défense n'aurait pas à présenter des

 14   éléments de preuve à propos d'un chef d'accusation qui manifestement n'a

 15   pas été prouvé et pour lequel il n'y a aucun fondement crédible qui a été

 16   présenté, et ce qui ferait qu'un homme qui a été accusé d'un crime pour

 17   lequel il n'y a pas eu de preuve ne devrait plus souffrir de cette

 18   possibilité de chef d'accusation. Et moi, ce que je suggère, c'est que vous

 19   avez tout à fait le pouvoir discrétionnaire pour examiner ces éléments de

 20   preuve et déterminer si vous allez vous en tenir à cette possibilité de

 21   déclaration de culpabilité pour les événements d'Ovcara ou non.

 22   Pour ce qui est d'Opatovac. Nous voyons le paragraphe 41(k), où il

 23   est question des crimes d'emprisonnement, de torture, d'actes inhumains, de

 24   traitements cruels, autant de crimes qui sont énoncés. Il s'agit de

 25   différentes forces qui apparemment auraient participé à ces crimes dans le

 26   poste de police d'Opatovac. Des moyens de preuve ont été présentés en bloc,

 27   en tant qu'un tout, des moyens de preuve sur l'identité des auteurs et sur

 28   ce qu'ils ont fait, présentés de la manière suivantes : l'attaque initiale


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  1   sur Opatovac aurait été menée par "des réservistes serbes, des réservistes

  2   qui sont entrés dans le village de concert avec la JNA," et ceux qui ont

  3   procédé à asséner des coups dans un premier temps et à la détention à la

  4   maison de Culture, ils avaient "un ceinturon blanc". Page du compte rendu

  5   d'audience 58 [comme interprété].

  6   Des individus qui faisaient partie de la Défense territoriale,

  7   d'après le Témoin GH-61, en page 8 623 du compte rendu d'audience, étaient

  8   venus de Belgrade, à en juger d'après leur accent. Ce n'étaient pas des

  9   hommes du cru. Ils étaient de Belgrade. Ce sont des individus qui sont sur

 10   place, qui occupent donc les bureaux ou les locaux de la communauté locale.

 11   GH-61, qui a demandé un laissez-passer pour pouvoir quitter Opatovac à un

 12   moment donné, ce qui figure aux pages 8 633 et 8 634 du compte rendu

 13   d'audience, a vu que c'était la police militaire de la JNA qui, à cette

 14   occasion, a donné pour consigne à ce personnel de la Défense territoriale

 15   locale de délivrer ce laissez-passer.

 16   Et enfin, reprenons la citation de M. Theunens au sujet d'un document

 17   du mois de décembre par M. Belic, colonel Belic, disant qu'il n'y a pas

 18   d'autorités civiles en place à Opatovac au début du mois de décembre.

 19   Autrement dit, c'est le commandement de la ville, qui est un commandement

 20   de la JNA, qui contrôle les affaires civiles d'Opatovac. C'est le témoin

 21   qui a été cité par l'Accusation, Monsieur le Président.

 22   Maintenant, pour revenir sur ce qui a été dit précédemment sur les

 23   éléments-clés des formes de responsabilité qui ont été reprochées par

 24   rapport aux événements spécifiques de sévices ou de mauvais traitements ou

 25   de détention à Opatovac, où est l'élément de preuve démontrant que M.

 26   Hadzic avait l'intention que ces crimes soient commis ? Où sont les moyens

 27   de preuve démontrant que ces crimes étaient englobés au sein de

 28   l'entreprise criminelle commune dont il était membre ? Cela ne provient pas


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  1   de la structure organisationnelle et n'a pas été démontré par le truchement

  2   de la structure organisationnelle, Monsieur le Président, puisque ces

  3   éléments de preuve n'existent pas. Il n'y a pas de lien entre le bureau du

  4   président, donc de M. Hadzic, chef du gouvernement de district, et les

  5   hommes qui ont commis ces crimes et les hommes qui sont responsables au

  6   pénal pour ces crimes.

  7   Ces éléments de preuve, non seulement n'existent pas, mais nous

  8   montrent que la structure organisationnelle n'était pas liée à M. Hadzic.

  9   Et tout cela provient des éléments de preuve fournis par l'Accusation,

 10   Monsieur le Président, sur les structures qui étaient en place, sur les

 11   fonctions des uns et des autres. Et je fais valoir qu'il ne suffit pas de

 12   s'appuyer sur des abstractions et sur des conjectures, par exemple, sur le

 13   rôle qu'aurait été emmenée à jouer la JNA -- la JNA. Et j'affirme que cela

 14   n'a absolument pas été justifié, que cette entreprise criminelle commune

 15   émanait de M. Milosevic. Puisque, en fin de compte, est-ce qu'il n'est pas

 16   trop simple de s'appuyer sur cette entreprise criminelle commune et dire

 17   que l'ensemble de ces éléments provient de cette large entreprise

 18   criminelle commune dont l'objectif était de créer une Grande-Serbie ?

 19   Eh bien, Monsieur le Président, reprenons le critère d'élément de

 20   preuve indirect ou indiciaire au titre de l'article 98 bis. Il n'est

 21   simplement pas suffisant à mon sens de donner quelques éléments de moyens

 22   de preuve sur la Grande-Serbie ou quelques petits fragments d'élément sur

 23   le rôle du président ou sur comment M. le Président Milosevic aurait pu

 24   être au sommet d'une structure globale ou un schéma qui d'une certaine

 25   manière aurait incité M. Karadzic à commettre ces crimes individuels dans

 26   Opatovac. S'il y a des éléments de preuve, il faudrait qu'il y ait

 27   suffisamment d'éléments de preuve pour exclure une possibilité raisonnable

 28   que M. Hadzic n'était pas au courant de cela, eh bien, vous pouvez


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  1   justement procéder à cela. Mais j'affirme aussi que vous avez un pouvoir

  2   discrétionnaire vous permettant d'affirmer que ces éléments de preuve, même

  3   s'ils étaient appréciés à leur valeur maximale, ne peuvent pas exclure

  4   cette possibilité, donc que M. Hadzic n'était pas au courant de cela.

  5   Alors, voyons maintenant les crimes en Serbie. Les chefs d'accusation 5 à 9

  6   de l'acte d'accusation, il convient de les mettre en regard des paragraphes

  7   41 (a) à (d), ils allèguent un certain nombre de crimes qui se seraient

  8   produits en Serbie. Et la question qui se pose sur cette base est la

  9   suivante : sur quelle base est le droit international humanitaire, donc le

 10   droit des conflits armés, élargi au territoire de la Serbie, et également,

 11   sur quelle base -- sur la base de quelle théorie est-ce qu'on allègue des

 12   crimes au titre de l'article 5, qui doivent se produire au sein d'un

 13   conflit armé -- donc, sur quelle base est-ce qu'on les élargit sur le

 14   territoire de la Serbie ?

 15   La question se pose sur la base d'une vision conventionnelle, donc le

 16   principe est que la responsabilité et la portée du droit international

 17   humanitaire englobent les crimes qui ont été commis sur le territoire d'un

 18   pays où le conflit armé était en cours. Mais qu'en est-il si ce conflit est

 19   caractérisé comme étant un conflit interne ? Et ici, nous avons une

 20   citation de la décision sur la compétence dans l'affaire Tadic du 2 octobre

 21   1995, qui, effectivement, porte au fond sur une question différente. La

 22   question est de savoir si, oui ou non, les crimes doivent être commis sur

 23   le champs de bataille pour pouvoir relever du droit international

 24   humanitaire, ou bien est-ce qu'ils peuvent être commis loin, donc ailleurs

 25   qu'au champs de bataille, et tomber sous la coupe du droit international

 26   humanitaire néanmoins ? Mais en répondant à cette question, la Chambre

 27   d'arrêt a dit la chose suivante :

 28   "… nous estimons que le conflit armé existe à tout moment lorsque l'on


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  1   recourt à la force armée entre les Etats où lorsqu'il y a état de violence

  2   armée prolongé entre les autorités gouvernementales et les groupes armés

  3   organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat. Le droit humanitaire

  4   international s'applique en plus à ces conflits armés et s'étend au-delà de

  5   la cessation des hostilités, jusqu'à ce que la paix ne soit conclue, donc

  6   qu'un accord de paix global ne soit conclu; ou jusqu'à, lorsqu'il s'agit de

  7   conflit interne, il y ait un règlement de paix. Jusqu'à ce moment-là, le

  8   droit humanitaire international continu de s'appliquer sur l'ensemble du

  9   territoire des pays belligérants ou, lorsqu'il s'agit de conflit interne,

 10   l'ensemble du territoire sous le contrôle d'une partie, que des combats

 11   effectifs s'y déroulent ou non."

 12   Je ne voudrais pas que vous pensiez que nous estimons que le droit

 13   international humanitaire ne peut pas s'étendre -- ne peut pas

 14   nécessairement s'étendre au-delà du territoire de l'Etat où se déroule un

 15   conflit armé interne. Il est possible que cette compétence déborde et que

 16   le conflit déborde, et cela a été reconnu dans la doctrine. Mais s'il y a

 17   ce débordement, alors il faut démontrer que le conflit armé s'est

 18   effectivement étendu au-delà de ce territoire. On doit prouver que cela a

 19   eu lieu. S'il n'y a pas de débordement de conflit armé, s'il n'y a pas de

 20   preuve de ce débordement, alors, à ce moment-là, nous faisons valoir que

 21   lorsqu'il s'agit d'un conflit armé interne, eh bien, le droit international

 22   humanitaire s'applique uniquement au territoire de l'Etat où le conflit a

 23   lieu.

 24   Alors, si on laisse cela de côté un instant, Monsieur le Président, il

 25   convient de noter qu'il n'y a pas de caractérisation de conflit armé dans

 26   l'acte d'accusation en l'espèce, et je n'en ai pas entendu parler dans les

 27   propos liminaires, et je ne l'ai pas entendu de la part de l'Accusation

 28   pendant toute la phase de présentation de leurs moyens de preuve. Et nous


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  1   avons une déclaration de l'affaire Hadzihasanovic du 21 février 2003, de la

  2   Chambre d'arrêt, paragraphe 12, une décision en appel, et une des

  3   affirmations intéressantes au sein de cette décision suit le retrait des

  4   chefs d'accusation au titre de l'article 2. Donc, l'article 2, bien sûr,

  5   qui porte sur les violations des conventions de Genève et il s'applique

  6   uniquement aux conflits armés internationaux. Et pour que ce soit tout à

  7   fait clair, cela n'a pas été reproché dans notre affaire. Donc, il n'y a

  8   pas d'article 2 en l'espèce.

  9   Mais suite au retrait des chefs d'accusation au titre de l'article 2 et de

 10   l'allégation expresse figurant à l'acte d'accusation initial, à savoir

 11   qu'il s'agissait d'un conflit armé international, l'Accusation ne devrait

 12   pas se faire autoriser de s'appuyer sur cette imprécision dans sa cause

 13   telle qu'elle est formulée, à savoir de présenter des moyens sur un conflit

 14   armé international sans qu'il y ait d'amendement, de modification de l'acte

 15   d'accusation de manière expresse.

 16   Donc, la position qui semble être présentée dans cette décision, qui peut

 17   découler ou non du fait que l'on a abandonné les allégations au titre de

 18   l'article 2 de l'acte d'accusation, et si on laisse de côté cette

 19   explication potentielle, le principe qui semble découlé de cette

 20   affirmation est qu'à partir du moment où le conflit armé n'est pas

 21   caractérisé dans l'acte d'accusation, on part de l'hypothèse qu'il s'agit

 22   d'un conflit armé interne. C'est ce que semble nous dire cette décision.

 23   Donc, sur quelle base est-ce que l'Accusation affirme que le droit

 24   international humanitaire s'étend à la Serbie ? Il y a ici beaucoup

 25   d'éléments incertains. C'est à géométrie variable, Monsieur le Président.

 26   Premièrement, on ne peut pas simplement, d'après nous, se contenter

 27   d'affirmer qu'il y a des moyens de preuve de conflit armé. Cela ne suffit

 28   pas. Il convient de présenter des moyens de preuve qui expliquent comment,


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  1   soit, ce conflit armé interne s'est élargi, a débordé pour englober des

  2   territoires d'un Etat voisin, ou bien de démontrer comment des éléments

  3   d'un conflit armé international sont réunis et affirmer qu'il s'agit

  4   effectivement de cette caractérisation-là du conflit qui est avancée.

  5   Alors, je ne sais pas si tel est le cas. Peut-être qu'il y a des éléments

  6   de preuve pour l'étayer, mais l'Accusation a l'obligation, même au stade du

  7   98 bis, de faire comprendre si les éléments sur lesquels ils s'appuient

  8   sont là pour démontrer qu'il y a débordement du conflit armé interne ou

  9   bien que les conditions sont réunies pour constater qu'il y a eu conflit

 10   armé international. Et parmi ces éléments, eh bien, il faudrait démontrer,

 11   au moins sur la base des éléments pertinents en l'espèce, que la Croatie a

 12   été un Etat à des périodes couvertes par l'acte d'accusation. Et

 13   l'Accusation aurait à démontrer cet élément, à savoir que la Croatie était

 14   constituée en tant qu'Etat pour pouvoir déterminer l'applicabilité et la

 15   caractérisation du conflit.

 16   Pour représenter cette question sur un plan graphique, s'il s'agit d'un

 17   conflit interne, dans ce cas le champ d'application serait à titre de

 18   présomption la Croatie. S'il s'agit d'un conflit international entre la

 19   Serbie et la Croatie, dans ce cas le champ d'application serait tel qu'il

 20   est représenté à l'écran, c'est-à-dire s'appliquant à l'ensemble du

 21   territoire de la Serbie. Ceci est particulièrement pertinent, Monsieur le

 22   Président, parce qu'un des centres de détention est très éloigné de la

 23   frontière, à des centaines de kilomètres. Donc, il ne s'agit pas simplement

 24   d'une question théorique que de demander comment le conflit armé étend-il

 25   le champ du droit international humanitaire aux sévices, parce que c'est ce

 26   qui est reproché dans l'acte d'accusation, mais à des sévices qui se

 27   déroulent dans des prisons qui se trouvent à des centaines de kilomètres de

 28   l'Etat dans lequel le conflit se déroule. Quel est l'élément qui peut être


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  1   retenu dans ce cas pour étayer une caractérisation du conflit qui étend le

  2   droit international humanitaire pour s'appliquer à une telle prison ?

  3   La troisième possibilité, bien sûr : à supposer que la Croatie ne soit pas

  4   un Etat au moment couvert par l'acte d'accusation, dans ce cas peut-être

  5   que l'Accusation estime qu'il y a un conflit interne au sein de la RSFY,

  6   dans lequel cas le droit international humanitaire s'appliquerait sur

  7   l'ensemble du territoire, d'après les leçons tirées de l'arrêt Tadic, car

  8   cela représenterait l'ex-RSFY. C'est ainsi que nous l'appelons.

  9   Nous sommes sur le point d'avoir une pause. J'ai terminé la présentation de

 10   mes arguments.

 11   Encore une fois, un récapitulatif. Il s'agit d'une affaire très vaste, dont

 12   le champ est très vaste. Il y a 14 chefs d'accusation qui ont été retenus,

 13   deux ans et demi, sur un territoire qui à tout moment était autonome par

 14   rapport à la Croatie entre 1991 et 1993. Et il s'agit d'une affaire qui

 15   repose sur les éléments de preuve indirects, circonstanciés. Nous n'avons

 16   pas contesté à ce stade de 98 bis chaque crime. Nous n'avons pas contesté

 17   chaque événement que l'on peut caractériser comme un chef d'accusation.

 18   Nous avons contesté ce qui d'après nous n'a pas permis de démontrer quelque

 19   chose au vu des éléments de preuve présentés en l'espèce. Et, Monsieur le

 20   Président, une des raisons à cela, c'est qu'il s'agit d'une affaire qui

 21   repose sur des éléments de preuve indirects, sur une conjonction de

 22   facteurs. Et si vous examinez cette conjonction de facteurs que nous avons

 23   exposés par rapport à chaque crime et chaque crime précis que nous avons

 24   identifié, et si cela ne permet pas de condamner l'accusé, dans ce cas vous

 25   pouvez rendre un acquittement. Vous pourrez dans ce cas l'acquitter sur des

 26   accusations précises, et non pas sur ces chefs d'accusation. C'est ce que

 27   nous vous demandons de faire.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée jusqu'à


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  1   mercredi, 9 heures.

  2   --- L'audience est levée à 12 heures 15 et reprendra le mercredi 18

  3   décembre 2013, à 9 heures 00.

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