Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 18 décembre 2013

  2   [Audience de Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  7   présentes dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  8   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

 10   de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je souhaiterais que les parties se

 12   présentent, en commençant par l'Accusation.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges. Nous avons pour l'Accusation moi-même, Douglas Stringer; ainsi

 15   que Mme Sarah Clanton; Starroula Papadopoulos; notre commis aux affaires,

 16   Thomas Laugel; et notre stagiaire, Ana Humljak.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Maître Zivanovic.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour. Me Zoran Zivanovic et Me

 20   Christopher Gosnell pour la Défense de M. Goran Hadzic.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Monsieur Stringer, je vous invite à prendre la parole.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Et bonjour au

 24   conseil de la Défense.

 25   Aujourd'hui, je vais dans un premier temps m'intéresser à des questions

 26   juridiques qui émanent de la présentation de la Défense lundi. Puis, je

 27   m'intéresserai aux aspects de l'entreprise criminelle commune et je

 28   m'intéresserai à la façon dont cela a trait avec ce qui a été indiqué par


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  1   la Défense lundi. Je parlerai également de quatre événements précis qui ont

  2   été soulignés par le conseil, présentant cette demande d'acquittement, et

  3   il s'agit de Velepromet, Ovcara, Lovas et Opatovac.

  4   Ensuite, ma collègue, Sarah Clanton, prendra la parole. Je vais, quant à

  5   moi, m'intéresser à Ovcara et Velepromet; Mme Sarah Clanton s'intéressera

  6   aux deux autres événements, Opatovac et Lovas. Elle va également faire

  7   référence à d'autres événements, d'autres aspects de l'affaire, et nous

  8   pensons que, Messieurs les Juges, vous estimerez qu'il y a suffisamment

  9   d'éléments de preuve présentés et afférents à tous les chefs d'accusation

 10   contestés par la Défense. Puis, Mme Clanton reviendra sur une ou deux

 11   questions soulevées par la Défense lundi.

 12   Alors, je vous dirais que lors de l'audience de lundi, la Défense a très

 13   clairement limité ses contestations en application de l'article 98 bis aux

 14   chefs d'accusation 2 à 9, dans la mesure où ils concernent quatre

 15   événements précis - il ne s'agit pas de chefs d'accusation, il s'agit

 16   d'accusations - et je pense notamment aux événements de Velepromet, Ovcara,

 17   Lovas et Opatovac. La Défense a également contesté les chefs d'accusation 5

 18   à 9 dans la mesure où ils s'appuient sur des crimes qui ont été commis dans

 19   les camps en Serbie. Pages du compte rendu d'audience 8 988 et 8 989.

 20   La Chambre devrait réfuter l'invitation de la Défense qui souhaiterait que

 21   l'on procède à un examen parcellaire pour ce qui est de l'article 98 bis

 22   qui se limite seulement à ces éléments des chefs d'accusation 2 à 9 qui

 23   correspondent à ces quatre événements. La Chambre devrait également refuser

 24   de prononcer un acquittement eu égard à ces éléments des chefs d'accusation

 25   5 à 9 qui ont trait aux centres de détention situés en Serbie.

 26   Ce que la Défense avance, non seulement va à l'encontre de la formule de

 27   l'article, mais va à l'encontre de son intention et va à l'encontre de la

 28   façon dont les Chambres de première instance ont interprété et appliqué


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  1   l'article 98 bis depuis qu'il fut amendé en 2004.

  2   Car cet article a été modifié et amendé en 2004, et l'article dispose que

  3   la Chambre prononcera un jugement d'acquittement pour tout chef

  4   d'accusation s'il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier

  5   une condamnation. L'utilisation bien précise du terme "chef" a son

  6   importance, elle n'est pas fortuite. Le terme "chef" a été justement

  7   introduit en 2004 pour remplacer le terme "accusation", "charge" en

  8   anglais, que l'on trouvait dans l'ancienne formule de l'article.

  9   Lundi, après avoir cité l'article 98 bis tel qu'il avait été reformulé pour

 10   se concentrer sur les chefs d'accusation, mon estimé confrère a toutefois

 11   fait référence à des accusations. Et ce qui a été absolument manifeste

 12   d'après ce que a avancé la Défense, c'est que la Défense ne souhaite pas

 13   appliquer l'article 98 bis comme il devrait être justement appliqué et

 14   comme il existe dans sa formule actuelle. Le conseil a indiqué ou a avancé

 15   que les chefs d'accusation et les accusations devraient être équivalents ou

 16   qu'ils sont équivalents aux fins de l'article 98 bis. Page 8 986.

 17   Pour étayer ce point de vue, le conseil a avancé que M. le Juge Robinson,

 18   dans l'affaire Milosevic, avait également estimé que les accusations et les

 19   chefs d'accusation étaient équivalents; page 

 20   8 984. Toutefois, cela peut induire en erreur, car le point de vue exprimé

 21   par M. le Juge Robinson a été exprimé, bien entendu, avant les

 22   modifications de l'article 98 bis. Et ce que mon estimé confrère a omis de

 23   mentionner est justement le point de vue exprimé par M. le Juge Robinson à

 24   propos de l'article 98 bis après qu'il fût modifié, par exemple, dans Lukic

 25   et Lukic. Nous avons un transparent que nous pouvons vous montrer. Voilà ce

 26   qui a été dit dans l'affaire Lukic et Lukic par M. le Juge Robinson, page 3

 27   582, et M. le Juge Robinson a déclaré :

 28   "L'article, tel que modifié en décembre 2004, se concentre sur des chefs


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  1   d'accusation plutôt que sur des accusations. Si un chef d'accusation est

  2   composé de plusieurs éléments et qu'il n'y a pas d'élément susceptible de

  3   justifier une partie du chef d'accusation mais qu'il y a des éléments de

  4   preuve susceptibles de justifier une condamnation pour les autres éléments,

  5   il ne sera pas fait droit à la requête."

  6   Donc, il s'agit en fait d'une décision unanime. Il ne s'agit pas

  7   d'une décision dissidente ou d'une décision séparée. Et ce, après la

  8   modification à l'article 98 bis en 2004.

  9   Alors, j'indiquerais à l'intention des Juges de la Chambre que nous

 10   avons cité la décision dans l'affaire Mrksic, décision du 28 juin 2006; la

 11   décision dans l'affaire Martic, 3 juillet 2006; dans l'affaire Milutinovic,

 12   18 mai 2007; dans l'affaire Prlic, 20 février 2008; dans l'affaire Popovic,

 13   3 mars 2008; dans l'affaire Lukic et Lukic, 13 novembre 2008; dans

 14   l'affaire Gotovina et consorts, 3 avril 2009; dans l'affaire Seselj, 4 mai

 15   2011; et dans l'affaire Karadzic, 11 juin 2012. Il s'agit d'autant

 16   d'affaires où l'article 98 bis a été utilisé comme il doit être utilisé, à

 17   savoir l'approche qui a été retenue est l'approche visant les chefs

 18   d'accusation plutôt que l'approche se concentrant sur des événements

 19   précis, le but étant de prononcer un acquittement par rapport à l'événement

 20   précis qui est un élément du chef d'accusation.

 21   La Défense a fait référence à l'opinion dissidente de M. le Juge Antonetti

 22   dans l'affaire Seselj. Mais ils n'ont pas mentionné la déclaration de M.

 23   Antonetti dans l'affaire Prlic que nous avons citée et qui était unanime.

 24   Voilà ce que M. le Juge Antonetti a dit :

 25   "Depuis le 8 décembre 2004, date du dernier amendement à l'article 98 bis,

 26   une Chambre de première instance est uniquement amenée à examiner si

 27   l'Accusation a présenté des éléments de preuve pour chaque chef

 28   d'accusation dans son ensemble et non pour les différente accusations


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  1   constituant ce chef. En conséquence, la Chambre ne peut prononcer

  2   l'acquittement que d'un chef d'accusation dans son ensemble."

  3   Et lorsqu'ils font référence à l'acte d'accusation dans l'affaire Lukic et

  4   Lukic, ainsi qu'à l'acte d'accusation d'Haradinaj, références qui ont été

  5   entendues lundi dernier, le conseil a essentiellement fait valoir que

  6   l'article 98 bis devrait être retenu pour les chefs d'accusation seulement

  7   lorsque les chefs d'accusation portent sur un seul événement, ce qui est le

  8   cas dans ces actes d'accusation. Mais à notre avis, Monsieur le Président

  9   et Messieurs les Juges, cette approche rend l'amendement de l'an 2004,

 10   l'amendement de l'article 98 bis, nul et non avenu. Il le dénue de tout

 11   sens. La distinction qui est faite entre les accusations et les chefs

 12   d'accusation eu égard à l'article a été soulignée par la Chambre dans

 13   l'affaire Karadzic, après qu'elle ait conseillé aux parties ce qui suit :

 14   les présentations en application de l'article 98 bis devraient viser les

 15   chefs d'accusation et non pas des accusations précises. Vous l'avez

 16   maintenant à l'écran. Il s'agit de la décision dans l'affaire Karadzic,

 17   décision relative à la requête présentée par l'accusé aux fins de retirer

 18   des allégations prouvées, paragraphe 3, du 23 mai 2012.

 19   Ce que je dis, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est que par

 20   cette décision, la Chambre a suggéré à l'Accusation de se pencher à nouveau

 21   sur des événements bien précis. Alors, bien entendu qu'il y a de nombreux

 22   événements dans l'affaire Karadzic, et l'Accusation a été invité à prendre

 23   un certain recule et à voir si, pour ce qui était des événement bien

 24   précis, il faudrait les retirer de l'affaire à cette phase de l'affaire. Et

 25   l'Accusation a accepté de mener à bien cette analyse. Dans ce cas, ce que

 26   nous avançons, c'est qu'il n'y a aucun événement pour lequel il n'y a pas

 27   de preuve présentée. Donc, pour ce qui est d'une approche qui vise les

 28   chefs d'accusation, ce qui est requis par notre Règlement, et si l'on


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  1   procède sur la base que cela, en fait, ne va pas donner comme résultat une

  2   certain inefficacité parce qu'il y a la possibilité qu'un événement

  3   individuel ici et là pourrait ne pas être prouvé.

  4   En préconisant un retour vers cette approche qui vise les accusations pour

  5   l'article 98 bis, la Défense a également fait référence à la façon dont

  6   l'acte d'accusation dans l'affaire Hadzic a été structuré. Toutefois, notre

  7   acte d'accusation est tout à fait compatible avec l'approche retenue dans

  8   d'autres affaires. Les actes d'accusation dans l'affaire Martic, Karadzic

  9   et Seselj sont tous constitués de chefs d'accusation qui portent sur des

 10   événements séparés et différents. Lors des procédures 98 bis dans ces

 11   affaires, les Chambres ont déterminé pour chaque chef d'accusation s'il y

 12   avait suffisamment d'éléments de preuve susceptibles de justifier une

 13   condamnation pour au moins l'un des événements qui étaient reprochés et par

 14   rapport à la responsabilité de l'accusé pour chacun de ces événements.

 15   Donc, nous avançons qu'il s'agit de l'approche exacte, la bonne approche,

 16   et que c'est l'approche qui doit être retenue. La Défense demande à la

 17   Chambre ici de se concentrer sur des événements précis par opposition à des

 18   chefs d'accusation, et ce n'est pas une bonne façon d'appliquer l'article

 19   en question.

 20   Mon estimé confrère a également indiqué qu'il serait beaucoup plus

 21   efficace, voire plus équitable et juste, de considérer des lieux précis ou

 22   des événements précis. A notre avis, Monsieur le Président, l'amendement à

 23   l'article 98 bis avait pour intention de rendre la procédure beaucoup plus

 24   efficace en éliminant ce critère suivant lequel chaque accusation devait

 25   être considérée de façon individuelle. Le fait qu'un chef d'accusation est

 26   constitué de plusieurs événements a été reconnu par M. le Juge Robinson

 27   lui-même dans la décision 98 bis dans l'affaire Dragomir Milosevic. Voilà

 28   ce qu'il dit, 3 mai 2007, Dragomir Milosevic, au compte rendu d'audience 5


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  1   641 et 5 642

  2   "Par conséquent, un chef d'accusation pourrait être constitué d'une

  3   centaine, voire plus, d'allégations séparées. Il peut couvrir 40

  4   municipalités, et il peut être allégué que 15 moyens différents ont été

  5   utilisés dans le cadre de ce chef d'accusation et que les détails

  6   pourraient constituer 50 éléments différents, voire plus…"

  7   Et puis, il poursuit :

  8   "Tel que cela est présenté et formulé, si l'on demande l'acquittement des

  9   accusés ou d'un accusé à la fin de la présentation des moyens à charge,

 10   cela pourrait se faire dans des cas extrêmement rares si tout a été

 11   subdivisé et s'il n'y a pas d'élément de preuve indiquant soit qu'il y a eu

 12   actus reus, soit qu'il y a eu mens rea par rapport à un crime donné."

 13   Donc, nous, nous indiquons qu'il n'y a pas de niveau de preuve en l'espèce

 14   qui déclencherait ce type de réaction.

 15   Et ce que nous avançons, c'est que la Chambre ne peut pas refuser

 16   d'appliquer l'article 98 bis sur cette base. La Défense n'a même pas essayé

 17   de démontrer que les preuves n'avaient pas été faites ou n'avaient pas été

 18   données pour les différents chefs d'accusation de l'acte d'accusation. Ils

 19   se sont seulement concentrés sur quatre événements bien précis parmi tous

 20   les événements que l'on trouve dans cette affaire.

 21   La Défense a également indiqué qu'il n'y avait que des preuves indirectes,

 22   qu'on ne pouvait dégager que des déductions, des conclusions, et que la

 23   seule conclusion raisonnable qui pouvait être tirée était cela; pages du

 24   compte rendu d'audience 8 975, 8 991. Du point de vue factuel et du point

 25   de vue juridique, cela est tout à fait inexact. Parce que nous n'acceptons

 26   pas qu'il s'agisse d'une affaire indiciaire en l'espèce. Il s'agit d'une

 27   affaire où il y a eu moult événements de preuve directs qui ont été

 28   présentés à propos de l'intention criminelle de Goran Hadzic, il y a eu des


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  1   éléments de preuve directs qui portaient sur sa contribution importante à

  2   l'entreprise criminelle commune, des éléments de preuve directs quant à la

  3   participation aux événements et même quant à certains crimes eux-mêmes qui

  4   se sont déroulés. Il n'y a absolument rien d'indiciaire là-dedans ou

  5   d'indirect.

  6   Du point de vue juridique, il est également inexact de dire qu'il s'agit

  7   d'une affaire indiciaire et que, de ce fait, la Chambre devrait aboutir à

  8   ces déductions ou devrait exclure toutes ces déductions.

  9   Parce que le droit est très clair en la matière. Lorsque nous nous trouvons

 10   dans la phase 98 bis, les déductions ne doivent pas être les seules

 11   déductions raisonnables par rapport aux éléments de preuve. Dans l'affaire

 12   Popovic, la Chambre a examiné cette question et a déclaré :

 13   "Dans la… phase 98 bis, la déduction d'un accord visant à commettre un

 14   génocide n'a pas besoin d'être la seule déduction raisonnable qui pourrait

 15   être tirée des éléments de preuve présentés."

 16   Il s'agit de l'affaire Popovic, 3 mars 2008, page 21 464 du compte rendu

 17   d'audience.

 18   En fait, pour que la Chambre accepte ce qu'a indiqué la Défense qui demande

 19   que soit appliquée cette norme très stricte indiciaire à cette phase du

 20   procès, si la Chambre le faisait, cela irait à l'encontre de la pratique et

 21   de l'article acceptés par la Chambre, suivant lesquels les éléments à

 22   charges doivent être appréciés à leur valeur maximale.

 23   Et si l'on applique l'article 98 bis aux éléments de preuve, aux chefs

 24   d'accusation, et si l'on accepte les éléments de preuve à leur valeur

 25   maximale, nous avançons que la Défense n'a pas su prouver qu'il y avait des

 26   chefs d'accusation pour lesquels un acquittement devrait être prononcé.

 27   Eu égard aux centres de détention situés en Serbie, la Défense

 28   soulève une question juridique, à savoir : est-ce que le droit humanitaire


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  1   international s'appliquait en Serbie ? L'argument commence à la page 9 023

  2   du compte rendu d'audience de lundi. La Défense s'interroge : est-ce qu'il

  3   y a eu conflit armé ou est-ce qu'il s'agit tout simplement des retombées

  4   d'un conflit armé en Serbie ? Et, par conséquent, est-ce que le droit

  5   international humanitaire doit être utilisé ?

  6   Notre première réponse à cela est que, comme cela est le cas pour les

  7   quatre autres événements soulevés par la Défense, la Défense a établi un

  8   lien avec le Groupe opérationnel sud, et c'est une affirmation qui est

  9   valable, qui est indiquée par rapport aux centres de détention en Serbie. A

 10   nouveau, il s'agit d'une approche très parcellaire et d'un argument

 11   extrêmement parcellaire que l'on ne peut pas retenir pour les critères et

 12   les normes de l'article 98 bis. Il n'y a pas eu manquement ou échec de

 13   prouver les crimes par rapport aux centres de détention, crimes qui

 14   correspondent aux chefs 5 à 9, et il y a eu contestation à propos des

 15   crimes commis pendant les détentions, crimes allégués qui se sont produits

 16   sur place, à Erdut ou à Dalj.

 17   Donc, là encore, il s'agit d'une approche parcellaire que l'on ne

 18   peut pas retenir en 98 bis.

 19   Deuxièmement, il y a une nouvelle question juridique qui a été

 20   soulevée pour la première fois en espèce lundi sous la forme d'une

 21   argumentation orale. Le conseil a fait référence au fait qu'aucune autorité

 22   juridique ou qu'il n'existait aucun précédent étayant le point de vue selon

 23   lequel les prisonniers en Serbie ne méritaient pas d'être sous la

 24   protection du droit international humanitaire simplement parce qu'ils

 25   avaient été transportés en Serbie. Cependant, la Défense demande aux Juges

 26   de la Chambre de retirer des parties des chefs d'accusation 5 à 9 de l'acte

 27   d'accusation portant sur les centres de détention en Serbie et les crimes

 28   pour mauvais traitement et violence sexuelle, et les Juges de la Chambre


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  1   ont entendu des éléments de preuve à cet égard.

  2   Même si des Chambres de première instance peuvent examiner des

  3   questions juridiques au stade de l'article 98 bis du Règlement, la

  4   jurisprudence du Tribunal, après 2004 et ces amendements, indique qu'il

  5   faudrait éviter de le faire. La Chambre de première instance devrait donc

  6   éviter de se conformer à cela. Il y a quelques exemples de cela et de cas

  7   où cela n'a pas été considéré comme étant judicieux au stade du 98 bis.

  8   Nous avons le transparent à l'écran. L'affaire Popovic, 3 mars 2008, pages

  9   du compte rendu 21 462 et -463, 2 165 et -66 à -68; la décision Milutinovic

 10   du 14 juin 2007, paragraphe 18; l'affaire Kvocka, décision sur les requêtes

 11   aux fins d'acquittement du 15 décembre 2000, paragraphe 41. Les questions

 12   juridiques soulevées et pour lesquelles les Juges de la Chambre dans ces

 13   affaires-là n'ont pas voulu considérer ces éléments au stade 98 bis : entre

 14   autres, se prononcer sur un crime contre l'humanité pour des victimes

 15   d'expulsion, victimes qui étaient des civils, de conspiration pour le même

 16   comportement, la définition de transfert forcé, et cetera.

 17   Donc, pour nous, Monsieur le Président, il s'agit d'une autre

 18   décision, et c'est une autre raison pour laquelle les Juges de la Chambre

 19   ne devraient pas revenir sur cette question des centres de détention

 20   serbes, telle que soulevée lundi. Lundi, il a été dit qu'il s'agissait

 21   d'une question purement juridique et qu'il fallait savoir si le droit

 22   international s'appliquait aux victimes, aux prisonniers qui étaient

 23   retenus là-bas.

 24   Si les Juges de la Chambre estiment qu'il convient d'étudier le fond

 25   de l'argumentation présentée par la Défense sur l'applicabilité du droit

 26   humanitaire international, l'Accusation voudrait présenter brièvement ces

 27   arguments même si nous pensons que cette question devrait être reportée à

 28   la fin de la procédure, et seulement lorsque les argumentations écrites des


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  1   deux parties auront été étudiées minutieusement et auront fait l'objet de

  2   recherches. Nous avons besoin de davantage de temps pour nous pencher sur

  3   cette question purement juridique.

  4   Cela étant, nous proposons, lors de ces argumentations peut-être

  5   incomplètes, ce que nous avons pu étudier en réponse dans le temps qui nous

  6   a été imparti.

  7   Avant d'arriver aux centres de détention serbes, beaucoup de ces

  8   prisonniers qui ont déposé en l'espèce ont d'abord dû passer par le siège

  9   et la destruction de Vukovar. Lorsque la ville est tombée le 18 novembre,

 10   ils sont ressortis de leurs foyers détruits, de leurs caves, de leurs

 11   abris. Ils ont été rassemblés par la JNA, ils ont été transportés en

 12   Serbie. (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19   En conséquence, le rassemblement et la détention de ces prisonniers a

 20   sans aucun doute eu lieu dans le contexte d'un conflit armé à Vukovar et

 21   dans les environs. Les crimes infligés à ces prisonniers dans les camps

 22   serbes ont eu lieu dans le contexte d'un conflit armé et sont clairement

 23   liés au conflit, même si les crimes ont eu lieu en Serbie. Comment est-il

 24   possible qu'après avoir été bombardées et avoir dû fuir leurs foyers, avoir

 25   été rassemblées et transportées dans des camps de détention par la JNA, ces

 26   victimes aient perdu la protection du droit humanitaire international

 27   simplement parce qu'on les a expulsées de Serbie ?

 28   Dans l'affaire Seselj, la Chambre d'appel a estimé qu'aux fins de la


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  1   création d'une compétence au titre de l'article 5 :

  2   "L'Accusation n'a besoin que d'établir qu'un conflit armé est

  3   suffisamment lié aux crimes pour lesquels l'accusation est incriminée."

  4   Les Juges de la Chambre peuvent le voir à l'écran, la décision Seselj sur

  5   l'appel interlocutoire portant sur la compétence, du 31 août 2004,

  6   paragraphes 12 à 14.

  7   A cet effet :

  8   "Il est donc insuffisant, il ne suffit pas de montrer qu'il existe un

  9   lien entre le crime visé à l'article 5 et le conflit armé."

 10   Pour les crimes visés à l'article 3, l'Accusation doit montrer qu'il existe

 11   un lien par rapport au conflit armé. Dans l'affaire Stakic, la Chambre

 12   d'appel a déclaré, et je cite le paragraphe 342 :

 13   "Pour que l'article 3 s'applique, le crime reproché doit avoir été commis

 14   pendant la période d'un conflit armé et les actes d'un accusé doivent être

 15   intimement liés à ce conflit. Cette dernière exigence s'appelle l'exigence

 16   de 'lien'. Ce lien doit être un lien causal, 'mais l'existence d'un conflit

 17   armé doit au minimum avoir joué un rôle substantiel dans la capacité de

 18   l'auteur à avoir commis ce crime, sa décision de le commettre, la façon

 19   dont le crime a été commis ou l'objectif pour lequel le crime a été

 20   commis.'" J'ai cité ici l'arrêt Kunarac, paragraphe 58.

 21   Messieurs les Juges, nous faisons valoir que le lien qui existe entre les

 22   crimes dans les camps serbes et le conflit armé est patent. Les faits et

 23   les circonstances de la détention et des mauvais traitements montrent qu'il

 24   existe un lien clair entre les victimes des camps serbes, les crimes commis

 25   contre ces victimes et le conflit armé d'où ces victimes provenaient avant

 26   de s'être retrouvées dans les camps serbes. Plus particulièrement, même si

 27   les détenus n'avaient le droit qu'à jouir des protections offertes en cas

 28   de conflits armés non internationaux, c'est-à-dire l'article 3 commun des


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  1   conventions de Genève, ils auraient dû être protégés du traitement inhumain

  2   qu'ils ont subi. Il serait tout à fait insensé de contourner ces

  3   protections en déplaçant des détenus à une distance certaine ou même au-

  4   delà de la frontière.

  5   Les conventions de Genève et leur article 3 commun font partie du droit

  6   international coutumier qui s'applique dans le cas de conflits armés non

  7   internationaux et internationaux. Quelle que soit la définition que l'on

  8   donne au conflit ou le fait que les victimes aient été transportées de

  9   Vukovar à des camps en Serbie, ces personnes ne peuvent pas être privées

 10   des protections auxquelles elles ont droit conformément à l'article 3

 11   commun aux conventions. Et ce, parce que ce lien très, très proche qui

 12   existe entre ces prisonniers, les crimes qu'ils ont subis dans les camps

 13   serbes, et le conflit armé existe et découle de Vukovar.

 14   Nous estimons que la remise en question de la part de la Défense des crimes

 15   qui ont eu lieu en Serbie dans les centres de détention est une remise en

 16   question totalement juridique. Il n'y a aucune allégation selon laquelle le

 17   crime n'a pas eu lieu, non plus que Hadzic n'était pas responsable de ces

 18   crimes au titre de l'un des modes de responsabilité allégués si le droit

 19   international humanitaire devait s'appliquer. Cette allégation ne

 20   s'applique tout simplement pas. Ayant abordé ce point-là, nous n'allons pas

 21   présenter d'autres argumentations factuelles liées aux centres de détention

 22   de Serbie.

 23   Enfin, je voudrais vous faire quelques commentaires sur la partie juridique

 24   et la définition du conseil de certains aspects du droit relatif à

 25   l'entreprise criminelle commune. Lundi, le conseil de la Défense a affirmé

 26   à plusieurs reprises que l'accusé devait avoir eu l'intention ou avoir

 27   connu les détails d'un événement bien particulier qui entre dans le champ

 28   d'application de l'entreprise criminelle commune afin d'être rendu


Page 9045

  1   responsable de cela. Par exemple, s'agissant des meurtres au champ de mines

  2   de Lovas, le conseil a argué qu'un "prérequis" pour la responsabilité

  3   d'Hadzic serait qu'il ait su que les événements allaient avoir lieu ou

  4   étaient en train d'avoir lieu. Je cite là la page 9 014 du compte rendu.

  5   Cet argument est fondé sur une incompréhension fondamentale du droit et de

  6   la loi qui s'appliquent dans ce Tribunal.

  7   La Défense a avancé cet argument et l'a étayé en faisant référence à

  8   l'arrêt Brdjanin, paragraphe 430. Ce paragraphe porte sur la responsabilité

  9   en cas d'entreprise criminelle commune, et, effectivement, l'entreprise

 10   criminelle commune est un mode de responsabilité que l'Accusation avance en

 11   l'espèce. Cependant, dans l'affaire Brdjanin, la proposition que le conseil

 12   de la Défense en l'espèce a avancée ne tient pas la route et n'est pas

 13   soutenue. L'arrêt Brdjanin nous dit que pour qu'il y ait responsabilité au

 14   titre de l'entreprise criminelle commune, il faut pouvoir démontrer et

 15   prouver que le membre de l'entreprise criminelle commune partage

 16   l'intention de commettre les crimes dans le cadre de cette entreprise

 17   criminelle commune. Et par "crimes", on entend les crimes repris dans le

 18   Statut du Tribunal, tels que l'assassinat en tant que crime de guerre ou

 19   crime contre l'humanité, transfert forcé, torture, et cetera. Cela ne veut

 20   pas dire que l'accusé devait avoir eu l'intention ou être au courant de

 21   tous les détails des événements criminels particuliers qui avaient lieu sur

 22   le terrain.

 23   La Chambre d'appel a confirmé cela dans de nombreuses affaires; par

 24   exemple, dans l'arrêt Krajisnik, paragraphe 200 : 

 25   "La Chambre d'appel fait remarquer que la Chambre de première

 26   instance avait à juste titre identifié l'élément moral nécessaire pour la

 27   première catégorie d'entreprise criminelle commune, en expliquant qu'il

 28   faut pouvoir prouver que 'les participants à l'entreprise criminelle


Page 9046

  1   commune, notamment l'accusé, avaient un objectif commun à l'esprit et

  2   étaient dans un état d'esprit montrant que ces crimes faisaient partie d'un

  3   objectif à atteindre…'"

  4   Et ici, la Chambre d'appel a fait référence aux crimes statutaires.

  5   Elle n'a pas demandé à la Chambre de regarder ou d'envisager l'état

  6   d'esprit particulier de l'accusé ou son comportement par rapport aux

  7   événements sous-jacents.

  8   Monsieur le Président, je pense qu'il faudrait une expurgation à la

  9   page 11, ligne 4. J'ai mentionné un nom que je n'aurais pas dû mentionner.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons vérifier cela, Monsieur

 11   Stringer.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Merci.

 13   La Chambre d'appel -- non, pardon, je me reprends. Le conseil de la Défense

 14   allègue également, et il se fourvoie lorsqu'il allègue cela, que l'accusé

 15   doit avoir contribué particulièrement ou directement à chaque événement

 16   sous-jacent, tel que les meurtres qui ont eu lieu au champ de mines de

 17   Lovas. Par exemple, je cite là la page 9 014 du compte rendu. Le conseil de

 18   la Défense a déclaré, et je reprends ses mots exacts de lundi :

 19   "Même si l'on suppose qu'il existe une association entre M. Hadzic et M.

 20   Bogic, il n'y a aucune indication montrant que M. Bogic avait partagé des

 21   informations sur l'événement, encore moins que Bogic ait été le moyen de

 22   transmission des instructions qui auraient contribué à ce crime."

 23   Nous avançons qu'il n'est pas nécessaire de contribuer pour qu'il y ait

 24   responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune. La Chambre

 25   d'appel, dans sa jurisprudence, a déterminé que la contribution

 26   significative d'un accusé pouvait être englobée dans l'objectif criminel

 27   commun. Par exemple, au paragraphe 263 de l'arrêt Kvocka, on nous dit :

 28   "Contrairement à l'allégation de Kvocka, afin de déclarer coupable un


Page 9047

  1   accusé du crime de meurtre, il ne faut pas nécessairement déterminer sa

  2   participation à chaque meurtre. Pour les crimes commis dans le cadre d'une

  3   entreprise criminelle commune, il suffit de prouver, non pas la

  4   participation de l'accusé à la commission d'un crime spécifique, mais la

  5   responsabilité de l'accusé dans l'action ou dans la mise en œuvre de cette

  6   entreprise criminelle commune. La Chambre d'appel a conclu que la Chambre

  7   de première instance ne s'était pas fourvoyée lorsqu'elle a conclu que

  8   Kvocka était coupable du crime de meurtre sans avoir déterminé sa

  9   responsabilité bien particulière pour chaque meurtre qui a été commis."

 10   En contribuant à l'objectif à l'entreprise criminelle commune, l'accusé

 11   contribue aux crimes qui tombent sous le coup de l'entreprise criminelle

 12   commune. Voilà pourquoi la jurisprudence de la Chambre d'appel n'exige pas

 13   une participation directe pour chaque crime spécifique pour lequel l'accusé

 14   est incriminé.

 15   Monsieur le Président, ceci termine nos argumentations légales. Et nous

 16   voudrions conclure en vous disant qu'en appliquant correctement le droit et

 17   la pratique au titre de l'article 98 bis, les arguments de la Défense

 18   concernant l'état de la jurisprudence sur la responsabilité personnelle de

 19   ce Tribunal ne tiennent pas la route et qu'il faut appliquer ces critères

 20   correctement. Si la Chambre ne fait pas droit aux requêtes d'acquittement,

 21   c'est parce que les événements repris ne forment qu'un petit nombre du

 22   nombre total des événements pour lesquels les chefs d'accusation sont

 23   repris.

 24   Si la Chambre applique correctement l'article 98 bis, il n'y a pas de chefs

 25   d'accusation à rejeter parce que la Défense n'a pas identifié de chef

 26   d'accusation pour lequel il y a eu manquement d'apport de la preuve. Je

 27   pense que cela suffit pour que les Juges de la Chambre, à ce stade-ci,

 28   rejettent la requête de la Défense sans plus attendre et sans attendre de


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  1   réponse de la part de l'Accusation. La Chambre de première instance ne

  2   devrait pas tenir compte des allégations avancées par la Défense.

  3   Je vais continuer mes argumentations. Apparemment, il nous reste du temps.

  4   L'Accusation, Monsieur le Président, est prête à continuer ses

  5   argumentations supplémentaires afin de prouver que même le petit nombre

  6   d'événements que la Défense veut remettre en question à présent entrent

  7   tout de même dans le champ d'application de l'entreprise criminelle commune

  8   reprise dans l'acte d'accusation et constituent des événements pour

  9   lesquels Goran Hadzic a une responsabilité pénale individuelle. Dans ce qui

 10   reste du temps pour présenter mes argumentations, je vais faire référence à

 11   des éléments de preuve montrant que Hadzic a eu l'intention de commettre

 12   ces crimes, ces crimes statutaires, et qu'il a contribué à l'entreprise

 13   criminelle commune lorsqu'ils ont été commis. Je vais aussi revenir sur

 14   l'argumentation de la Défense s'agissant des événements à Velepromet et à

 15   Ovcara. Et Mme Clanton va prendre la parole ensuite pour se pencher sur des

 16   éléments de preuve bien plus particuliers liés à deux autres événements,

 17   Opatovac et Lovas, et à deux autres événements repris dans les chefs 2 à 9

 18   de l'acte d'accusation qui montreront clairement qu'il existe des éléments

 19   de preuve nombreux pour étayer chacun de ces chefs d'accusation en

 20   l'espèce.

 21   Goran Hadzic est responsable pénalement individuellement pour ce que nous

 22   appelons les quatre événements, parce qu'il a partagé l'intention de

 23   commettre les crimes repris aux chefs 2 à 9 contre des non-Serbes dans le

 24   cadre d'un objectif commun d'une entreprise criminelle commune. Il savait

 25   et a eu l'intention de commettre des meurtres, des rouages de coups, des

 26   emprisonnements illégaux, des actes de torture, et il savait que cela

 27   allait se commettre dans la poursuite de cette entreprise criminelle

 28   commune, même s'il n'était pas personnellement présent lorsque les


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  1   événements ont eu lieu. Les auteurs physiques des crimes repris dans les

  2   quatre événements étaient des membres de cette entreprise criminelle

  3   commune avec Hadzic ou, autrement, étaient des instruments utilisés par les

  4   membres de l'entreprise criminelle commune. Hadzic était le représentant le

  5   plus haut placé et le plus puissant d'un point de vue politique en Serbie

  6   au sein de la SBSO et il a contribué de façon significative à cette

  7   entreprise.

  8   Donc, si nous devions entrer dans une analyse fondée sur les événements des

  9   éléments de preuve pour ce procès-ci, les Juges de la Chambre devront

 10   revenir, lorsqu'ils entendront nous argumentations, à certains éléments de

 11   preuve qui leur ont été présentés sur l'intention criminelle de Hadzic et

 12   sa contribution à l'entreprise criminelle commune plus largement. Mais

 13   avant cela, j'ai quelques questions liminaires.

 14   Tout d'abord, la Défense n'a pas remis en question les chefs d'accusation

 15   ou les crimes qui ont été commis en SAO de Krajina, dans la région de

 16   Krajina, et n'a pas remis en question les crimes qui ont lieu entre 1992 et

 17   1993. En conséquence, nous n'allons pas aborder ces crimes. Cependant, nous

 18   allons faire référence à certains éléments de preuve repris pendant cette

 19   période de temps pour éclairer et apporter une certaine perspective sur

 20   cette intention de M. Hadzic pendant l'année 1991.

 21   Deuxièmement, tel que nous l'avons dit déjà, le fait que Hadzic

 22   n'était pas personnellement présent lorsque les crimes ont été commis ne

 23   fait pas qu'il s'agisse là de questions indiciaires. Quelques fois, lundi,

 24   mon confrère a affirmé, et là je cite la page 8 975 et la page 8 976 du

 25   compte rendu, que c'était le cas. Mais nous, nous avons des éléments de

 26   preuve directs de sa contribution à cet objectif criminel commun.

 27   En tant que président de SBSO, Goran Hadzic -- désolé, en tant que

 28   président du gouvernement de SBSO, Goran Hadzic a clairement établi sa


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  1   politique gouvernementale et son propre point de vue selon lequel il n'y

  2   avait plus de place pour les non-Serbes sur les territoires contrôlés par

  3   les Serbes en Croatie. Hadzic, à plusieurs reprises et publiquement, a

  4   défendu une séparation ethnique des Serbes et des non-Serbes, et sa

  5   tactique de diaboliser les Croates dans ses déclarations publiques a montré

  6   clairement qu'il s'agissait là d'une cible de crimes, tels que ceux visés

  7   aux chefs 2 à 9, que ce soit à Erdut, Beli Manastir, Lovas ou Ilok.

  8   Ses points de vue se sont manifestés sur le terrain sous la forme de

  9   crimes qui, pour nous, sont justifiés en l'espèce. Par exemple, lors d'une

 10   conférence de presse en septembre 1991, après avoir déclaré que Vukovar

 11   serait la capitale de la SAO SBSO, Hadzic s'est différencié des Croates

 12   indigènes, et il faisait là un distinguo entre "Croates indigènes" et

 13   Croates qui étaient arrivés après la Deuxième Guerre mondiale. Il a affirmé

 14   que certaines parties de la population croate haïssaient les Serbes dans

 15   leurs gènes. Les Croates non indigènes dont les générations antérieures

 16   s'étaient établies dans ces régions d'Herzégovine occidentale recevraient

 17   leurs billets de retour. Hadzic a déclaré en outre que "nous" n'avions pas

 18   de problèmes avec les Serbes qui sont extrémistes. Je cite là la pièce P39,

 19   page [comme interprété] 2955.2913.

 20   Les Juges de la Chambre se rappelleront des éléments de preuve du

 21   Témoin Veljko Dzakula, homme politique serbe proéminent en Croatie. Il a

 22   passé en revue son rapport que je viens de décrire et a confirmé que ces

 23   déclarations avaient provoqué la haine et la crainte des Serbes. Il a

 24   confirmé que Hadzic avait défendu les mouvements de population : les Serbes

 25   devaient rentrer, les Croates devaient sortir, et empêcher les Croates de

 26   revenir. Pages 394 et 395 du compte rendu.

 27   En mars 1992, Hadzic, avec l'aide des forces serbes, comme la Garde

 28   des Volontaires d'Arkan et les unités de la JNA déployées sur l'ensemble du


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  1   SBSO, avaient sensiblement réalisé leur objectif qui était de nettoyer les

  2   non-Serbes du territoire. Lorsque la mise en œuvre du Plan Vance-Owen

  3   devenait éminente, Hadzic prônait des mouvements de population dans la

  4   direction inverse. Lors d'une réunion de la présidence de la RSFY à

  5   Belgrade le 2 mars 1992, Hadzic et le dirigeant serbe de Bosnie, Radovan

  6   Karadzic, ont eu un échange sur la question des mouvements de population et

  7   les échanges. Karadzic a remarqué que l'idée d'un échange de population

  8   organisé était une idée nébuleuse et devrait être considérée comme

  9   épouvantable par le reste du monde. Hadzic n'était pas d'accord, car il a

 10   dit :

 11   "Il n'y a rien de nébuleux à cela. Les Serbes de Zagreb devraient

 12   s'installer ailleurs, ainsi que ceux que de Belgrade, et cela est hors de

 13   question maintenant."

 14   Page [comme interprété] 37, page 68, pages du compte rendu d'audience

 15   384 et 385.

 16   Hadzic et Arkan ont intimidé et menacé même des non-serbes qui

 17   n'étaient pas d'accord avec cette vision d'une SBSO ethniquement pure. La

 18   Chambre se souviendra de la déposition de Veljko Dzakula, qui, fin mai ou

 19   début avril 1992, a rencontré Goran Hadzic dans le bureau de Goran Hadzic à

 20   Erdut. Arkan était là également. Hadzic a demandé à Veljko Dzakula :

 21   "Est-il vrai que vous prônez une coexistence avec les 

 22   Croates ?"

 23   Dzakula a nié avoir prôné cette coexistence parce qu'il craignait les

 24   conséquences s'il admettait cela en présence d'Arkan. Comme l'a dit

 25   Dzakula, Arkan était "brutal envers les gens qui n'étaient pas en faveur de

 26   la serbité comme il jugeait bon." Pagea du compte rendu d'audience 379,

 27   380, 413, 570 et 572.

 28   Effectivement, la Chambre se souviendra qu'après, au printemps de


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  1   l'année 1993, M. Dzakula a dû renoncer à sa carte de membre de l'assemblée

  2   de la RSK et a été jeté en prison pour avoir signé l'accord de Daruvar, un

  3   accord avec les autorités croates qui avait pour objectif de créer les

  4   conditions préalables permettant un retour des réfugiés dans la région de

  5   Slavonie occidentale. Hadzic a signé un décret qui démantelait le conseil

  6   régional de Slavonie occidentale, qui avait été créé suite à la signature

  7   par Dzakula de l'accord de Daruvar. Pièces P0044, P0045, P0046, 403 à 405,

  8   413 à 417.

  9   Le 9 juillet 1992, lors d'une réunion avec le commandant de la

 10   FORPRONU, Nambiar, Hadzic a affirmé qu'il était prêt à accepter le retour

 11   des non-Serbes, mais que "même dans le cas où tous les Serbes

 12   reviendraient, les Serbes resteraient majoritaires." P41, paragraphe 10.

 13   Hadzic était clairement en faveur de ce nettoyage ethnique, et d'en

 14   profiter, commis sous son régime aux fins d'établir et de maintenir une

 15   majorité serbe, alors qu'il n'en n'était pas avant le début du conflit. Le

 16   4 septembre 1992, lorsqu'il a été confronté à la situation par le sous-

 17   secrétaire général des Nations Unies, Marek Goulding, à propos du nettoyage

 18   ethnique des non-Serbes qui se poursuivait dans le secteur est de la région

 19   de SBSO, Hadzic a défendu la pratique en disant "c'est œil pour œil, dent

 20   pour dent," en raison de l'expulsion des Serbes des régions de Slavonie

 21   occidentale. P02432.2398.

 22   Dans nos arguments concernant l'entreprise criminelle commune, je vais

 23   demander aux Juges de la Chambre de se reporter à la déposition concernant

 24   Hadzic et les pouvoirs importants dont il disposait en sa qualité de

 25   Premier ministre de SBSO et des relations qu'il exerçait avec différentes

 26   forces serbes qui étaient sur le terrain en SBSO et qui ont contribué à

 27   l'objectif criminel commun. Je vais tout d'abord parler de la JNA. La

 28   Chambre devrait tenir compte de tous les éléments de preuve qui ont été


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  1   présentés ainsi que l'opinion personnelle de Goran Hadzic pendant toute la

  2   période couverte part l'acte d'accusation dans cette affaire, son opinion

  3   sur la séparation ethnique, la manipulation ethnique, la manipulation

  4   démographique, si vous voulez, et considérer les éléments de preuve

  5   maintenant sous un jour nouveau et comment il a agi avec les autres membres

  6   de l'entreprise criminelle commune, les forces serbes, pendant l'année

  7   1991.

  8   Mais nous savons, d'après Theunens, que la mission de la JNA avait été

  9   changée. A l'origine, il s'agissait de servir de tampon entre les parties

 10   au conflit en Croatie. Et la JNA, pour finir, est devenue une force armée

 11   serbe pour les Serbes en Croatie. Cela est clair d'après les premières

 12   opérations au mois de juillet et au mois d'août 1991 pendant les prises de

 13   contrôle d'Erdut et de Dalj. La déposition de Theunens, pages du compte

 14   rendu d'audience 4 150 à 

 15   4 153; P01753, pages 141 à 142; et P02930.

 16   Nous savons également que la JNA a accepté les volontaires serbes liés à

 17   des partis politiques ou alors connus pour leur comportement indiscipliné

 18   ou violent à des fins opérationnelles, telles que Leva Supoderica, liée au

 19   parti radical serbe de M. Seselj; Dusan Silni, qui était actif à Lovas; et,

 20   bien évidemment, la Garde des Volontaires serbe, Arkan et ses hommes. Pièce

 21   2937, pages du compte rendu d'audience 4 128, 4649; pièce 1753, pages 124 à

 22   125; pièce D17; et la pièce P1865.

 23   Le fait que la JNA ait intégré des volontaires à des fins opérationnelles

 24   est un élément important parce que cela montre qu'il y a des interactions

 25   entre les différentes forces serbes et la SBSO : la JNA, Arkan, les

 26   volontaires, ainsi que les TO locales, les Défenses territoriales de SBSO.

 27   Ce qu'a tenté de faire la Défense lundi lorsqu'elle a voulu décrire le

 28   secteur de Groupe opérationnel sud, indiquant qu'il y avait une structure


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  1   organisationnelle distincte qui n'avait rien à voir avec Hadzic ou d'autres

  2   membres de l'entreprise criminelle commune, n'est pas le reflet des

  3   éléments de preuve. Confer la page du compte rendu d'audience de lundi 8

  4   991. Cette question du Groupe opérationnel nord ou sud est un faux

  5   problème. A savoir si, oui ou non, il existe une structure

  6   organisationnelle qui établit un lien entre Hadzic et les crimes commis

  7   dans le secteur sud n'est pas pertinent. Ce qui est important, c'est de

  8   savoir si les crimes qui ont été commis sont liés à Hadzic ou à un des

  9   membres de l'entreprise criminelle commune dont il faisait partie.

 10   Dans ses arguments lundi, la Défense a essayé d'établir une distinction

 11   entre le groupe nord et secteur sud et est même allée jusqu'à suggérer

 12   qu'il pourrait y avoir dans ce cas deux entreprises criminelles communes,

 13   une dans le nord et une dans le sud. Page du compte rendu d'audience 9 012.

 14   La contestation en vertu de l'article 98 bis porte sur les quatre

 15   événements qui, d'après la Défense, se sont déroulés dans le secteur du

 16   Groupe opérationnel sud.

 17   Et, Messieurs les Juges, il n'y a pas deux entreprises criminelles communes

 18   dans cette affaire. Il y a une seule entreprise criminelle commune, une

 19   seule entreprise criminelle commune qui, aux fins de cette audience,

 20   englobe l'ensemble du territoire de la SBSO, à savoir l'ensemble du

 21   territoire pour lequel Hadzic agissait en qualité de Premier ministre en

 22   1991. Les membres de l'entreprise criminelle commune qui intervenaient sur

 23   le territoire de SBSO comprenaient : Hadzic, en tant que Premier ministre

 24   de SBSO; Arkan et sa Garde de Volontaires serbe; la TO de SBSO; les

 25   volontaires serbes, tels que Leva Supoderica; Stevo Bogic et l'unité de la

 26   Sécurité nationale serbe, qui était basée à quelques mètres du bureau de M.

 27   Hadzic à Erdut; et, bien évidemment, la JNA.

 28   Les forces de la JNA en SBSO étaient toutes placées sous le commandement de


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  1   la JNA, de la 1ère Région militaire de celle-ci et de son commandant,

  2   Zivota Panic. P02931, P02933, P02940, P01986.1981.

  3   Messieurs les Juges, voici une diapositive qui est extraite du rapport

  4   d'expert de M. Theunens. P1753, page 197. Lorsqu'il a décrit les

  5   différentes zones de responsabilité sur le territoire de SBSO, il parle du

  6   nord :

  7   "Le Groupe du secteur opérationnel est basé dans le 12e Corps de Novi

  8   Sad, commandé par le général Andrija Biorcevic…"

  9   Le prédécesseur de Biorcevic, je dois ajouter, était le général Bratic.

 10   La Chambre de première instance se souviendra des images de cette

 11   célébration lors d'un dîner où Biorcevic a décrit comment ses unités, les

 12   unités de la JNA, du Groupe opérationnel nord ont travaillé étroitement,

 13   collaboré étroitement avec Hadzic. La vidéo correspond au numéro P211.140.

 14   Il a fêté Arkan et l'a rejoint avec ses opérations dans le Groupe

 15   opérationnel nord. Et nous faisons valoir que Biorcevic, la JNA et Arkan

 16   ont tous agi de concert dans le nord pour accomplir la réalisation de

 17   l'objectif criminel commun.

 18   La diapositive suivante porte sur la zone de Vukovar. Au milieu de la

 19   SBSO, ce qui correspond à la Slavonie orientale et la région de Vukovar, le

 20   colonel Mrksic était au commandement. Sa zone de responsabilité était

 21   Vukovar, qui s'étendait vers le sud en direction d'Ovcara et de Grabovo.

 22   Encore une fois, je cite Theunens et son rapport, 1753, pages 197 et 198.

 23   Nous faisons valoir que la destruction complète et totale par la JNA de

 24   Vukovar avait pour intention de favoriser l'objectif criminel commun en

 25   faisant de Vukovar la capitale de SBSO avec Hadzic à sa tête en tant que

 26   président dans un processus qui consistait à chasser la population civile

 27   non serbe. Vukovar a été mieux défendue et, donc, a pris plus de temps que

 28   les autres endroits en SBSO. Cependant, le but de l'attaque contre Vukovar,


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  1   l'intention qui visait à faire asseoir la domination sur la ville, est sur

  2   un plan qualitatif non différent des attaques qui ont été menées dans le

  3   nord ou dans le sud dans le Srem occidental. Cela faisait également partie

  4   du plan criminel commun. Après la chute de la ville, la JNA a déplacé les

  5   habitants de Vukovar et, dans de nombreux cas, les a transportés dans des

  6   camps de la JNA en Serbie, où il est affirmé aujourd'hui qu'ils ne

  7   jouissaient plus d'aucune protection en vertu du droit international

  8   humanitaire.

  9   Dans le sud - encore une fois, ceci est un extrait du rapport

 10   Theunens, de la page 198, la pièce P1753 - le secteur du Srem occidental, y

 11   compris Lovas, Tovarnik, Bapska, Sarengrad et Ilok, ces villes comprenaient

 12   la zone de responsabilité du général de division Arandjelovic. Encore une

 13   fois, je cite Theunens. Je vais parler dans quelques instants de la manière

 14   dont la JNA et le Srem occidental ont mené leurs actions qui étaient

 15   conformes à ce que faisaient les forces de la JNA dans le nord.

 16   Lundi, la Défense a fait valoir que Hadzic n'était pas responsable

 17   des événements qui se sont déroulés à Lovas et Opatovac, car ceux-ci

 18   relèvent du Groupe opérationnel sud de la JNA. Ceci n'est pas exact. La

 19   Chambre de première instance s'est rendue à ces endroits lorsqu'il y a eu

 20   une visite sur les lieux, et vous vous souviendrez que tous ces endroits

 21   sont dans le Srem occidental. Et comme nous pouvons le constater ici sur

 22   cette diapositive, Lovas est plus particulièrement dans la zone de

 23   responsabilité d'Arandjelovic, et non pas le Groupe sud, qui était placé

 24   sous le commandement de Mrksic et qui était plus au nord et plus limité par

 25   rapport à la ville de Vukovar. Opatovac se trouve ici en bas. Vous vous

 26   souviendrez que Lovas, Tovarnik et Bapska se trouvent sur la route à

 27   différents endroits dans le Srem occidental, tous à l'extérieur du secteur

 28   sud, dans la zone de responsabilité d'Arandjelovic.


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  1   Quelle que soit la théorie ou la thèse de la Défense sur la question

  2   de savoir pourquoi Hadzic n'est pas responsable des crimes commis dans le

  3   secteur sud, cette théorie ne s'applique pas à Lovas et Opatovac.

  4   S'agissant du Srem occidental, étant donné qu'Arkan et Biorcevic

  5   travaillaient ensemble dans la partie nord de la SBSO, où était basé

  6   Hadzic, et eux faisaient ce qu'ils devaient pour réaliser l'objectif

  7   criminel commun en attaquant et chassant les non-Serbes qui se trouvaient

  8   là, Arandjelovic et ses forces de la JNA se débarrassaient au territoire de

  9   la SBSO des non-Serbes qui vivaient dans le Srem occidental, à des endroits

 10   dont nous pouvons voir les noms : Lovas, Tovarnik, Bapska, Sarengrad, Ilok,

 11   par exemple.

 12   Arandjelovic et ses forces de la JNA dans le sud ont contribué au

 13   même objectif commun comme le pillage et la destruction de Vukovar, qui

 14   avait le même objectif ou résultat que celui recherché par Biorcevic et

 15   Arkan. Et dans la cour de Hadzic dans le nord, c'est la même chose, du nord

 16   au sud. Et cette distinction entre les Groupes opérationnels nord et sud

 17   n'a aucune incidence et ne devrait pas être prise en considération par les

 18   Juges de la Chambre lorsqu'elle analysera les éléments de preuve au dossier

 19   s'agissant de l'entreprise criminelle commune.

 20   Le 27 septembre 1991, Bora Tomic a lancé un ultimatum aux habitants de

 21   Bapska. Cela a été signé par le commandant de la JNA, Slobodan

 22   Barjaktarevic, qui était placé sous le commandement du général de division

 23   Arandjelovic. La Chambre dispose de l'ultimatum. Je ne vais pas vous le

 24   lire, mais cela est clair, que si les personnes ne se rendaient pas, que le

 25   village serait rasé de la carte. L'ultimatum a été lu à la télévision

 26   croate. Il s'agit de la pièce P00324, paragraphes 13 à 16; et P00316, page

 27   1.

 28   Arandjelovic a été impliqué dans l'expulsion des habitants non serbes


Page 9058

  1   d'Ilok. Pendant les négociations qui ont mené à l'expulsion - ceci se passe

  2   au mois d'octobre 1991 - Arandjelovic a menacé les représentants Croates

  3   d'Ilok s'ils ne rendaient pas leurs armes :

  4   "Je vais utiliser des chars et des obusiers et des aéronefs et je vais les

  5   raser jusqu'au sol."

  6   Ceci est la déclaration faite par Brletic à propos d'Arandjelovic. Ce sont

  7   les termes qui lui sont attribués. P01418, page du compte rendu d'audience

  8   1 338.

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   Donc, ce que nous avançons, Monsieur le Président, c'est que le distinguo

 19   qui est fait entre le Groupe opérationnel nord et le Groupe opérationnel

 20   sud est non seulement inexact, mais tout à fait artificiel. Les forces de

 21   la JNA se sont déployées sur l'ensemble du territoire de la SBSO et s'y

 22   trouvaient pour apporter leur contribution à l'entreprise criminelle

 23   commune dans chacune de leurs zones respectives de responsabilité.

 24   Hadzic, en tant que président du gouvernement de la SBSO, était absolument

 25   informé de cela et a apporté son soutien de façon enthousiaste aux

 26   activités de nettoyage ethnique de la JNA, et ce, sur l'ensemble du

 27   territoire de la SBSO.

 28   Et je souhaiterais vous montrer un extrait vidéo, Monsieur le Président,


Page 9059

  1   avec votre aval. Il s'agit de la pièce P322.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "Présentateur : Alors, passons à la zone de Slavonie et du Srem

  5   occidental.

  6   Journaliste : Après la conférence de presse qui a eu lieu à Erdut un peu

  7   plus tôt aujourd'hui, nous avons demandé à M. Hadzic, le Premier ministre

  8   de la Slavonie, Baranja et du Srem occidental, de répondre à plusieurs

  9   questions, et ce, pour les téléspectateurs de chaîne de télévision Télé

 10   Belgrade. Monsieur Hadzic, dans quelle mesure est-ce qu'il y a des

 11   batailles ou des combats extrêmement durs qui ont lieu en ce moment ? Je ne

 12   sais pas quel autre terme utiliser, d'ailleurs. Quelles sont les

 13   perspectives de cette guerre ?

 14   Goran Hadzic : Il y a des combats intenses, certes. La première opération,

 15   qui est la première partie de la libération du Srem occidental, est la

 16   dernière phase des batailles de Vukovar. On peut dire que nos unités

 17   contrôlent quasiment 50 % de la ville. Nous avons investi des positions et

 18   nous avançons de façon lente, maison par maison. Au cours des deux derniers

 19   jours, l'opération qui consiste à nettoyer les villages d'Oustachi a été

 20   terminée. Après le nettoyage de l'axe routier Sid-Vinkovci, il y a encore

 21   quelques villages d'Oustachi qui ont été nettoyés sur cet axe qui

 22   correspond à la partie centrale de notre zone, et cela s'est fait il y a

 23   trois jours, à savoir Bogdanovci et ces villages qui se trouvent là-bas. Il

 24   y a certains villages qui se sont rendus. Notamment, à Ilok, nous avons une

 25   offre de reddition d'un groupe, alors que l'autre, un groupe d'extrémistes,

 26   ne l'a pas autorisé. D'ailleurs, entre parenthèses, je vous dirais que j'ai

 27   participé à des pourparlers aujourd'hui. Nous allons nous intéresser à

 28   cela, pour qu'ils rendent leurs armes et pour que les coupables soient


Page 9060

  1   traduits en justice. Et ceux qui ont fait cela n'ont rien fait d'erroné,

  2   ils veulent tout simplement rester là-bas et vivre avec nous" --

  3   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Alors, je vous ai montré cet extrait vidéo parce que nous pensons que cela

  5   a son importance pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé) Nous savons en fait que cette vidéo a été filmée avant la

 13   chute de Vukovar. Et là, il dit qu'ils contrôlent quasiment 50 % de la

 14   ville. La vidéo a probablement été filmée en novembre ou en octobre 1991.

 15   Et puis, il parle de façon tout à fait informée des opérations de la

 16   JNA qui ont lieu. Il apporte son soutien. Je dirais que ce que nous

 17   avançons, c'est que la Chambre a entendu de nombreuses déclarations à

 18   propos de ces crimes qui ont été commis contre les non-Serbes dans toutes

 19   ces zones. Et puis, nous entendons qu'il fait référence à plusieurs

 20   reprises aux villages d'Oustachi, cela étant une justification pour le

 21   nettoyage de tous ces villages, et nous pensons que la Chambre a entendu de

 22   nombreux éléments de preuve à ce sujet.

 23   Est-ce que nous pouvons reprendre l'extrait vidéo, je vous prie.

 24   Et avant -- avant, Monsieur le Président, je souhaiterais demander

 25   une expurgation, page 26, lignes 10 à 16.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, oui, Monsieur Stringer. Ce sera

 27   fait.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


Page 9061

  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Journaliste : Les hommes de la Défense territoriale, les hommes qui

  3   défendent les villages, et l'armée populaire yougoslave, est-ce qu'ils vont

  4   tous lancer une offensive, parce que, comme vous le savez, il y a un

  5   certain nombre d'objectifs qui ont été soulevés par rapport à la férocité

  6   de ces opérations, notamment lorsqu'il s'agit de la JNA ? 

  7   Goran Hadzic : Oui, certes, il y a eu des objections. Bon, je dirais que

  8   ces objections sont relativement justifiées au vu de la position et des

  9   possibilités. Notre objectif principal n'est pas de tuer la population

 10   croate en grand nombre, mais punir les criminels qui se trouvent parmi eux.

 11   Cela signifie que nous avons tout essayé, notamment les approches

 12   démocratiques et d'autres approches non militaires, pour empêcher cela.

 13   Toutefois, après avoir signé des trêves et des accords et des négociations,

 14   les Oustachi continuent à faire fi de ces signatures. Cela ne signifie pas

 15   que tout le monde le fait, mais je ne leur fais absolument pas confiance.

 16   Il y a quelque chose qui est très clair, on ne peut plus négocier avec eux.

 17   L'approche doit être une approche militaire. Et il y a ce communiqué de

 18   presse du commandement Suprême qui parle dans la même veine. Nous devons

 19   être informés du fait que l'armée ne peut pas agir sans sa population. En

 20   d'autres termes, il faut qu'il y ait une action de coordination, une

 21   véritable action de coordination de la population avec l'armée."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. STRINGER : [interprétation] Alors, quelques observations, Monsieur le

 24   Président, et je commencerai par peut-être la plus importance. A la fin, M.

 25   Hadzic fait référence à l'importance de la coordination entre la population

 26   et l'armée. Hadzic représente, lui, la population, et la JNA représente

 27   l'armée. Et il indique qu'ils doivent coordonner leurs efforts et

 28   travailler dans leurs domaines respectifs pour viser l'entreprise


Page 9062

  1   criminelle commune.

  2   Alors, il faut savoir que M. Hadzic fait également plusieurs

  3   références, il indique que les coupables doivent être traduits en justice.

  4   Ces coupables, donc, seront traduits en justice et ceux qui n'auront rien

  5   fait d'erroné pourront continuer à vivre ici avec nous. C'est important

  6   parce que, à notre avis, cela établit un lien avec la question des

  7   combattants croates se trouvant dans l'hôpital de Vukovar qui,

  8   théoriquement, devaient également être traduits en justice. Et c'est une

  9   menace commune, qui est le fil d'Ariane de toutes les déclarations de M.

 10   Hadzic. A notre avis, cela est faux. Cela constitue un mensonge. Car il n'a

 11   absolument pas l'intention de traduire ces personnes en justice dans le

 12   sens véritable de cette notion. Ce que nous avançons, et ce sera le même

 13   cas pour Ovcara, c'est que son intention était de les traduire en justice,

 14   mais que cela passait par la violence et le châtiment. Voilà, ça, c'était

 15   juste pour son public qu'il le disait. C'est ce que nous avançons.

 16   Et puis, M. Hadzic a demandé à être acquitté du massacre d'Ovcara

 17   commis le 20 novembre 1991. Messieurs les Juges, nous savons que ce jour-

 18   là, 260 prisonniers sont exécutés à Ovcara lors de la nuit du 20 novembre.

 19   Ils avaient commencé la journée en tant que prisonniers de la JNA. Ils ont

 20   été encerclés et rassemblés dans l'hôpital de Vukovar et conduits à la

 21   caserne de la JNA, et il s'agit de la même période temporelle. Pages du

 22   compte rendu d'audience -- la déclaration du Témoin GH-063, pages 8 658 à 8

 23   660.

 24   Nous savons également qu'un groupe de prisonniers, des combattants

 25   croates de l'unité de Mitnica, avaient déjà été déplacés par la JNA et

 26   avaient été conduits à la prison de la JNA à Sremska Mitrovica. Page du

 27   compte rendu d'audience 8 686.

 28   La raison pour laquelle le deuxième groupe de prisonniers n'a jamais


Page 9063

  1   été conduit à Sremska Mitrovica est que M. Goran Hadzic a joué un rôle

  2   décisif, car il a exercé des pressions sur la JNA pour qu'elle lui donne

  3   les prisonniers, qu'elle les remette à ses autorités locales, notamment au

  4   commandant de la Défense territoriale, M. Vujovic, qui dirigeant les

  5   massacres. Et je fais référence à cette réunion essentielle, s'il en fut,

  6   entre M. Hadzic, d'autres membres de son gouvernement et des représentants

  7   de la JNA, réunion qui eut lieu dans le contexte de Velepromet un peu plus

  8   tôt ce même jour.

  9   Le 20 novembre 1991, une séance du gouvernement de la SAO de la SBSO

 10   a eu lieu au complexe de Velepromet, et M. Hadzic a présidé cette réunion.

 11   Le point important de l'ordre du jour, le point capital, était les

 12   prisonniers de guerre. J'en veux pour preuve les pages 6 303, 6 304, 6 307

 13   et 6 311 du compte rendu d'audience de la déposition du Témoin GH-028.

 14   Alors, M. Hadzic est arrivé au complexe de Velepromet accompagné de

 15   M. Arkan. Il s'agit d'un fait admis dans l'affaire, le fait 60. La Chambre

 16   de première instance se souviendra de la déclaration de M. Arkan suivant

 17   laquelle il n'avait pas pris de prisonniers. Pièce P102. Il les tue, en

 18   fait, les prisonniers. La réunion avec la JNA est assez tendue, et à un

 19   moment donné Arkan sort son pistolet et le pose sur le bureau.

 20   La Chambre se souviendra de la façon dont j'ai décrit un peu plus tôt

 21   l'événement au cours duquel M. Hadzic compte sur la présence de M. Arkan

 22   pour intimider Veljka Dzakula sur cette question, parce qu'il lui demande

 23   en fait s'il est d'accord pour cette coexistence avec les Croates. Et là,

 24   une fois de plus, nous voyons M. Hadzic en compagnie de M. Arkan lors de

 25   cette réunion si capitale, et il n'hésite pas en fait à amener avec lui son

 26   sbire, qui n'hésite pas d'ailleurs à menacer et à intimider même d'autres

 27   Serbes qui ne partagent pas le point de vue relatif à cette Serbie, à cette

 28   Grande-Serbie, point de vue qui est un point de vue extrêmement important


Page 9064

  1   dans le gouvernement de M. Hadzic. La Chambre va entendre parler d'un autre

  2   incident au cours duquel M. Arkan intimide et menace une personne qui a

  3   exprimé son désaccord avec la politique en question, amis Mme Clanton

  4   reviendra là-dessus.

  5  (expurgé)

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 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Goran Hadzic : Il s'agit de la première réunion du gouvernement qui

 23   a eu lieu dans notre future capitale de notre région serbe de la Slavonie,

 24   Baranja et du Srem occidental. Pour ce qui est des conclusions, hormis les

 25   conclusions visant à faire en sorte que la vie reprenne son cours normal,

 26   il y a une conclusion fondamentale, à savoir : les prisonniers oustachi qui

 27   ont les mains pleines de sang ne pourront pas quitter et ne doivent pas

 28   quitter le territoire de la région serbe de la Slavonie, de la Baranja et


Page 9065

  1   du Srem occidental, et ils ne peuvent pas être envoyés en Serbie puisque la

  2   Serbie n'est pas un Etat qui est en guerre. Les soldats qui ont aidé à leur

  3   capture, ils ne sont pas des soldats qui ont été capturés, il s'agit de

  4   ceux qui font partie des formations paramilitaires. Donc, ils seront

  5   traduits en justice par la population ici, à savoir la population de notre

  6   district serbe qui a été reconnu, qui est notre tribunal. Nous avons un

  7   tribunal de seconde instance. Pour ce qui est du troisième niveau, le

  8   niveau yougoslave, nous avons notre tribunal de district. Par conséquent,

  9   nous avons convenu avec les autorités que les Oustachi resteront dans

 10   certains de nos camps autour de Vukovar. Etant donné qu'il y a un groupe

 11   qui a déjà été conduit à Sremska Mitrovica, je m'assurerai que ces

 12   personnes, si nous pouvons les qualifier de personnes, reviendront ici et

 13   seront traduites en justice. Ce sont eux les coupables. Et ces personnes ne

 14   doivent évidemment pas être libérées" --

 15   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. STRINGER : [interprétation] Alors, voilà encore une autre façon de

 17   diaboliser les prisonniers croates. Il dit : Si nous pouvons les qualifier

 18   de personnes, si nous pouvons les appeler des personnes. Et là, en fait, M.

 19   Hadzic indique de façon très, très claire qu'il avait conclu un accord avec

 20   les autorités militaires, accord suivant lequel les prisonniers allaient

 21   rester en SBSO. Alors, voilà ce qu'il dit. Il le dit au monde, en fait. Il

 22   fait référence à ce premier groupe qui avait déjà été conduit à Sremska

 23   Mitrovica, il dit que ces personnes vont revenir, et nous savons à qui il

 24   fait référence. Et je fais référence, en fait, à la déposition de M.

 25   Pribudic.

 26   Fondamentalement, M. Hadzic est en train d'indiquer au monde entier que

 27   c'est lui maintenant qui doit assumer la responsabilité pour la vie de ces

 28   prisonniers. Il ne peut pas maintenant nous dire qu'il n'était pas


Page 9066

  1   responsable, étant donné sa participation directe, étant donné les

  2   pressions qu'il a exercées pour obtenir leur transfert des forces de la JNA

  3   vers les autorités locales. Au moment où M. Hadzic a accordé cette

  4   interview, il y a des autocars de prisonniers, puisqu'ils sont quelque 260,

  5   les autocars attendaient à la caserne et, selon toute vraisemblance, ils

  6   sont arrivés à Ovcara. Il y a de nombreux prisonniers qui sont roués de

  7   coups dans un hangar, un ou deux prisonniers qui sont exécutés. La Chambre

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12   coups, Vujovic lui répond :

 13   "Cela ne te concerne plus, c'est notre affaire maintenant."

 14   Page 4 927. Les prisonniers se trouvent entre les mains de Vujovic parce

 15   que Hadzic a bien voulu que cela se passe.

 16   Cette nuit-là, les prisonniers sont exécutés sommairement en groupes de 20

 17   à 30. Les sévices, les passages à tabac et les exécutions sont exécutés par

 18   des membres de la JNA, par des volontaires de l'unité de Leva Supoderica et

 19   par la Défense territoriale locale. Faits déjà admis et jugés 125 et 126;

 20   déposition du Témoin GH-129, pages du compte rendu d'audience 4 925, 4 931

 21   et 

 22   4 932.

 23   Ce que nous avançons, Monsieur le Président, c'est que M. Goran

 24   Hadzic mentait lorsqu'il a dit qu'il souhaitait que ces prisonniers restent

 25   pour pouvoir être traduits en justice. Ce que nous avançons, c'est qu'il a

 26   exercé des pressions, et non seulement nous nous appuyons sur les éléments

 27   de preuve que j'ai décrits, mais également sur tous les éléments de preuve

 28   présentés en l'affaire, et nous nous reposons sur son point de vue, ce


Page 9067

  1   qu'il a exprimé à maintes reprises, la façon qu'il avait de diaboliser les

  2   Croates, son association avec Arkan et le rôle joué par Arkan pour faire en

  3   sorte que ces prisonniers restent sur leur territoire - Arkan, c'est

  4   quelqu'un qui ne fait pas de prisonniers puisque c'est ce qu'il dit - et,

  5   en fait, ce que nous avançons, c'est qu'il a fait tout cela pour faire en

  6   sorte que les prisonniers restent sur son territoire pour qu'ils soient

  7   tués. Il a joué un rôle direct dans le sort et la mort qui étaient réservés

  8   à ces prisonniers. On a pu établir un lien entre les auteurs et Hadzic, qui

  9   est un membre de l'entreprise criminelle commune. Et le crime à proprement

 10   parler ne fait l'objet d'aucun contentieux. L'Accusation avance que sur la

 11   base de ces faits, une Chambre raisonnable ne pourrait, aux fins de cette

 12   audition à 98 bis, conclure que M. Hadzic est responsable de ces crimes,

 13   quelle que soit la forme de responsabilité indiquée dans l'acte

 14   d'accusation.

 15   Alors, je pense que nous pouvons poursuivre, mais nous pouvons faire

 16   une pause également et revenir. Et nous nous intéresserons à ce moment-là à

 17   Velepromet.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je pense que c'est une excellente

 19   idée, Monsieur Stringer. Nous allons faire la pause et nous reviendrons à

 20   11 heures. L'audience est levée.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, nous avons appris

 24   que vous vouliez vous adresser aux Juges de la Chambre.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, je voudrais juste informer les Juges

 26   de la Chambre que nous avons remarqué qu'il y avait quelques différences

 27   entre la pièce P322 -- une différence entre cette pièce-là et le contenu du

 28   compte rendu à la page 27, et ce, jusqu'à la page 33. Il y a plus d'une ou


Page 9068

  1   deux différences, et je ne veux pas entrer dans les détails. Mais je

  2   voulais juste attirer votre attention sur le fait qu'il y a des différences

  3   entre la pièce et le compte rendu, et nous allons consulter le service de

  4   traduction pour voir ce qu'il en est.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   Monsieur Stringer, allez-y.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Juste pour rebondir sur cette question de la retranscription, la

  9   retranscription de la séquence vidéo a été prise du prétoire électronique

 10   et nous avons fourni une copie de cette retranscription aux interprètes

 11   pour qu'ils puissent s'appuyer sur cette dernière. Alors, peut-être qu'il y

 12   a eu des différences entre ce qu'ils entendaient et ce qu'ils ont

 13   interprété.

 14   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : La qualité du

 15   son de la séquence vidéo était très mauvaise et l'interprétation a fait

 16   l'objet de quelques modifications à cause de cela.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, est-ce que vous parlez de la

 18   copie de l'interprétation ou de la qualité de la copie ?

 19   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de la cabine anglaise : C'est la

 20   qualité de la traduction écrite des séquences vidéo qui ont été jouées. La

 21   traduction en anglais nous a posé problème.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, c'est bien le contenu. Merci

 23   beaucoup.

 24   M. STRINGER : [interprétation] On vient de me dire que dans le prétoire

 25   électronique, le document porte un numéro d'identification de la Défense,

 26   donc ce sera aux Juges de la Chambre de décider de la qualité du contenu.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur

 28   Stringer.


Page 9069

  1   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

  2   poursuivre, je dois vous dire que j'ai oublié de mentionner une citation

  3   dans l'affaire Kvocka. Il s'agit des argumentations présentées et reprises

  4   dans l'arrêt. Je voudrais consigner au compte rendu que la date de cette

  5   citation est le 25 février 2005, paragraphe 263. Je n'ai pas donné la

  6   référence exacte de la citation à la page 15, lignes 14 et 15 du compte

  7   rendu d'aujourd'hui, et il aurait fallu le faire.

  8   J'aimerais également consigner au compte rendu, Monsieur le Président, que

  9   nous avons été rejoints par notre stagiaire, M. Kat Tai Tam, qui va rester

 10   avec nous pour le reste de l'audience.

 11   Et encore un dernier point, Monsieur le Président. Sur la question de

 12   Vukovar, nous aimerions attirer l'attention des Juges de la Chambre sur la

 13   déposition de M. Theunens, pages 4 296 et 4 297, et également sur la pièce

 14   P1694. Ces documents portent sur une cérémonie lors de laquelle la 1ère

 15   Région militaire de la JNA a été reconnue, et on a lors de cette cérémonie

 16   loué les efforts réalisés par les volontaires pour contribuer à l'opération

 17   de Vukovar. Cela a eu lieu au secrétariat de la Défense nationale populaire

 18   à Belgrade lors d'une réception qui s'est tenue le 21 novembre 1991. Et

 19   pour féliciter les officiers de la JNA qui étaient chargés de l'opération à

 20   Vukovar, Mile Mrksic, Andrija Biorcevic et Zivota Panic, qui était

 21   commandant de la 1ère Région militaire, étaient présents. Nous aimerions

 22   également faire remarquer qu'un membre de la Défense territoriale de

 23   Vukovar était présent, M. Vujovic, aux côtés de M. Kadijevic, qui était

 24   secrétaire de la Défense populaire généralisée, lors de la réception qui

 25   s'est tenue dans son bureau. Et nous voyons là qu'il s'agit donc d'un

 26   élément de preuve qui montre qu'il y a eu une participation beaucoup plus

 27   large de la JNA qui porte sur l'opération de Vukovar ainsi qu'Ovcara.

 28   S'agissant de Velepromet, Messieurs les Juges, l'Accusation avance que M.


Page 9070

  1   Hadzic est responsable des crimes commis à Velepromet, tels que visés aux

  2   chefs d'accusation 2 à 9, car les auteurs des crimes étaient liés à des

  3   membres de l'entreprise criminelle commune à laquelle Hadzic a participé.

  4   Cela s'applique aux auteurs qui étaient membres de la JNA, de la Défense

  5   territoriale, ou qui étaient des volontaires.

  6   Les éléments de preuve montrent que les auteurs de ces crimes commis à

  7   Velepromet étaient à la fois des membres de la JNA, de la Défense

  8   territoriale de Vukovar et des volontaires. Les auteurs de la JNA étaient

  9   subordonnés aux membres de l'entreprise criminelle commune. Et comme le

 10   conseil de la Défense l'a indiqué dans ses arguments lundi, la JNA a

 11   approuvé ces crimes et a permis à des volontaires d'entrer dans le complexe

 12   de Velepromet. Je cite là la page 9 016 du compte rendu. Et même si des

 13   membres de la Défense territoriale ou des Chetniks commettant des crimes

 14   avaient été subordonnés à la JNA à l'époque, ou avaient été subordonnés à

 15   la JNA pour des fins opérationnelles, comme l'a affirmé le conseil de la

 16   Défense à la page 9 016 du compte rendu, cela n'empêche pas qu'il existait

 17   un lien entre les crimes, les autres membres et Hadzic dans le cadre ce

 18   cette entreprise criminelle commune. Bien sûr, comme nous l'avons fait

 19   remarquer dans nos argumentations précédentes, les membres de la SBSO, de

 20   leur Défense territoriale, étaient subordonnés à Goran Hadzic. Et

 21   j'aimerais attirer l'attention des Juges de la Chambre sur des éléments de

 22   preuve supplémentaires à cet effet.

 23   Cela ne fait aucune différence si cette subordination à la JNA avait été

 24   temporaire. Les auteurs de Velepromet étaient clairement en train de mener

 25   des crimes qui font partie de l'entreprise criminelle commune, crimes que

 26   M. Hadzic avait l'intention de commettre et a acceptés.

 27   De plus, la JNA et les unités de la Défense territoriale coopéraient

 28   étroitement avec des membres du gouvernement de SBSO et d'autres forces


Page 9071

  1   serbes, telles que des volontaires chetniks qui avaient été utilisés par

  2   les membres de la JNA pendant la mise en œuvre de l'entreprise criminelle

  3   commune. Par exemple, le conseil de la Défense affirme que Velepromet était

  4   le QG de la JNA sous le contrôle de la JNA. Page du compte rendu de lundi 9

  5   016. Cependant, comme nous le savons, le bâtiment de Velepromet a été

  6   utilisé par Hadzic et son gouvernement comme le site d'une réunion

  7   gouvernementale importante qui a eu lieu le 20 pendant laquelle le sort des

  8   prisonniers d'Ovcara a été décidé. Et cela constitue un autre exemple de la

  9   collaboration qui existait entre les différents acteurs et participants à

 10   cette entreprise criminelle commune, les forces serbes et le gouvernement

 11   de Hadzic.

 12   Nous aimerions également faire remarquer qu'il existe une certaine

 13   ambiguïté dans le point de vue adopté par la Défense s'agissant de

 14   Velepromet, et j'aimerais attirer votre attention sur quelques erreurs dans

 15   la définition du conseil de la Défense, erreurs quant aux connaissances

 16   qu'aurait eues Hadzic et à l'intention qu'il aurait eue de commettre des

 17   crimes à Velepromet.

 18   Dans ses argumentations, le conseil de la Défense a commencé par

 19   faire référence aux crimes de Velepromet, il les a remis en question,

 20   crimes qui ont eu lieu le 19 novembre 1991. Je cite là la page 8 988 du

 21   compte rendu de lundi. Cependant, pendant les argumentations sur

 22   Velepromet, ce conseil de la Défense a fait référence à la déposition du

 23   Témoin GH-063. Mais ce témoin n'était présent à Velepromet que le 21

 24   novembre, après son retour d'Ovcara la nuit du 20. Il a passé la nuit à un

 25   endroit qui s'appelait Modateka, et il est retourné à Velepromet le 21, où

 26   il est resté dans la pièce de la mort avec d'autres détenus dans un atelier

 27   de menuiserie. Nous retrouvons cela au compte rendu dans la déposition du

 28   Témoin GH-63, page 8 670 et page 8 671. Donc, il y a une certaine


Page 9072

  1   déconnexion temporelle le 19, le 20 et le 21, quant à la participation des

  2   crimes à Velepromet. Et, précisément, c'est ce que la Défense est en train

  3   de remettre en cause.

  4   Le conseil de la Défense s'est également fourvoyé lorsqu'il a défini

  5   d'un point de vue juridique les exigences requises pour prouver que Hadzic

  6   avait connaissance et avait participé aux crimes de Velepromet. A la page 9

  7   016 et 9 017 de l'audience de lundi, mon confrère a déclaré, et je cite :

  8   "Il faut qu'il y ait des personnes montrant qu'il savait, qu'il avait

  9   connaissance que ces crimes étaient en train d'avoir lieu ou auraient lieu.

 10   Il," et il fait référence à Hadzic, "doit au moins avoir eu connaissance du

 11   fait que quelque chose était en train de se passer; s'il ne le savait pas,

 12   il ne peut pas être tenu responsable de ces crimes."

 13   Alors, nous allons simplement faire référence ici à nos argumentations

 14   précédentes sur l'exigence de connaissance s'agissant de la responsabilité

 15   de Hadzic, et ce, en tant que membre de l'entreprise criminelle commune.

 16   Nous aimerions particulièrement revenir sur un arrêt de la Chambre d'appel

 17   dans l'affaire Krajisnik, paragraphe 200, dans lequel la Chambre d'appel a

 18   déclaré que la Chambre de première instance s'était prononcée correctement

 19   et avait identifié correctement l'élément moral nécessaire pour la première

 20   catégorie d'entreprise criminelle commune, en expliquant qu'il faut prouver

 21   que les participants de l'entreprise criminelle commune, y compris

 22   l'accusé, avaient une intention particulière, à savoir un crime sanctionné

 23   dans le statut qui faisait partie de l'objectif plus large d'entreprise

 24   criminelle commune."

 25   Donc, nous ne devons pas prouver que M. Hadzic avait connaissance des

 26   événements bien particuliers, contrairement à ce qu'a affirmé mon confrère

 27   lundi, pour chaque rouage de coup, chaque meurtre, chaque événement qui a

 28   eu lieu à Velepromet le 19, le 20 et le 21.


Page 9073

  1   Nous avançons, et nous allons vous le montrer lors de nos argumentations,

  2   qu'il y a eu une composition des forces serbes qui se trouvaient au

  3   bâtiment de Velepromet pendant ces trois jours, du 19 au 21 novembre, et

  4   qui est la période qui correspond au paragraphe 31 de l'acte d'accusation,

  5   tel que repris dans l'annexe 1.

  6   Il ne fait aucun doute que M. Hadzic était présent à Velepromet le 20.

  7   Cependant, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation avance

  8   que, parce que ces crimes commis à Velepromet étaient tous liés aux

  9   coauteurs de l'entreprise criminelle commune à laquelle Hadzic a participé,

 10   sa présence ou son absence à Velepromet au moment de la commission de tout

 11   crime n'est pas essentielle pour sa responsabilité pénale.

 12   Messieurs les Juges, vous avez entendu des éléments de preuve disant que

 13   les non-Serbes avaient été détenus à Velepromet à partir du début du mois

 14   de novembre 1991 sous le contrôle de la JNA. Les pièces P2285 et -84 [comme

 15   interprété], qui sont des rapports rédigés par la Brigade Motorisée de la

 16   Garde, le prouvent.

 17   Et vous avez également entendu de la bouche de victimes et de survivants

 18   que les non-Serbes étaient détenus à Velepromet suite à la chute de Vukovar

 19   le 18 novembre 1991. Ils ont déposé devant les Juges de la Chambre et ont

 20   déclaré que les gardes de Velepromet étaient des membres de la Défense

 21   territoriale de Vukovar. Je fais ici référence aux pièce P2506 et pages du

 22   compte rendu 4 008 à 4 013, et 4 035 à 

 23   4 036. Que le 19 novembre, il y avait des forces paramilitaires qui

 24   portaient toutes sortes d'uniformes. Pièce P2067 [comme interprété], page

 25   du compte rendu 3441.3443, du Témoin Covic, qui a fait référence à un

 26   membre de la Défense territoriale et à des membres de la Défense

 27   territoriale à Velepromet qui étaient chargés des prisonniers.

 28   Le Témoin GH-54 a déclaré qu'il avait été emmené à Velepromet le 21


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  1   novembre et qu'il avait été fouillé par un soldat et un réserviste. Il a

  2   fait remarquer que trois prisonniers avaient été emmenés par des

  3   paramilitaires et n'étaient jamais revenus. Pièce 2032, paragraphes 44 à

  4   45.

  5   Dans les argumentations du conseil de la Défense de lundi, il a été fait

  6   référence aux éléments de preuve du Témoin GH-063, M. Karlovic. Il a été

  7   cité par la Défense, à la page 9 016 du compte rendu de lundi, comme ayant

  8   dit que "la police militaire de la JNA était chargée de notre garde." Cette

  9   déclaration a été attribuée à Karlovic. Et une référence a été donnée, page

 10   8 674 de la déposition en l'espèce du Témoin Karlovic. Cependant, la

 11   Défense n'a pas pu fournir aux Juges de la Chambre le reste des éléments de

 12   preuve apportés par le Témoin Karlovic sur ce point. Et il a dit à la même

 13   page, page 8 674 :

 14   "Il n'y a pas de procédure. La police militaire de la JNA était chargée de

 15   notre garde. Cependant, les Chetniks avaient toute liberté d'entrer dans

 16   les deux pièces où nous étions et d'y prendre des gens. Tout simplement, la

 17   police militaire de la JNA, en coopération avec les Chetniks, a organisé le

 18   transport et le meurtre de ces personnes."

 19   Donc, Monsieur le Président, nous avançons que les éléments de preuve

 20   contiennent les deux composantes, c'est-à-dire les volontaires et la JNA,

 21   qui ont collaboré pour faciliter - et cela ne fait aucun doute - les

 22   activités de l'une et l'autre parties à Velepromet.

 23   Les membres de la Brigade Motorisée de la Garde, par le truchement de son

 24   organe de sécurité, donc la police militaire de cette brigade, et les

 25   membres de la Défense territoriale étaient également présents à Velepromet

 26   le 19 novembre. Pièce P2284, paragraphes 51 à 56; compte rendu page 6 390

 27   également.

 28   Devant les hangars où les détenus étaient gardés, il y avait deux types de


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  1   gardes, la police militaire de la JNA et les Chetniks. Pièce 2284,

  2   paragraphes 58 et 59.

  3   Et pendant une visite faite par un diplomate international et un

  4   négociateur, Herbert Okun, qui faisait partie de la délégation de Cyrus

  5   Vance, une visite à Vukovar le 19 novembre 1991, plus particulièrement au

  6   centre d'accueil, il a été remarqué que le centre était plein de membres de

  7   la JNA et d'autres personnes armées de forces irrégulières. Et d'après

  8   Okun, une ambiance assez menaçante émanait de ces hommes qui ressemblaient

  9   à des Chetniks. La JNA et les forces irrégulières se mélangeaient et

 10   fumaient des cigarettes ensemble.

 11   Pièce P1332 [comme interprété], page 33; pièce P1325, pages du compte rendu

 12   16 917 et 16 919. Il s'agit de la déclaration de M. Okun au titre de

 13   l'article 92 quater.

 14   Le Témoin GH-54, quant à lui, a déposé et a dit qu'un capitaine de la JNA

 15   était arrivé le 21 novembre, l'avait emmené dans cette salle de la mort, et

 16   le capitaine a déclaré qu'ils étaient tous en danger et qu'ils étaient

 17   menacés de se faire tuer cette nuit-là. Page 2 032, paragraphe 46.

 18   La salle de la mort - et les Juges de la Chambre ont entendu énormément

 19   d'éléments de preuve à cet égard dans la pièce, notamment, P2056.1, pages

 20   du compte rendu 5 923 à 5 924 - est décrite.

 21   Le Témoin GH-54, et je vais faire référence à une page du compte rendu, la

 22   page 5 498, et à une autre pièce, la pièce 2038, qui porte sur les

 23   identités de plusieurs victimes qui se trouvaient dans cette salle de la

 24   mort. Parmi elles, Tihomir Perkovic, qui a été tué, est cité. Et je me

 25   réfère à la page 8 675 de la déposition du Témoin GH-63.

 26   Ce même témoin, GH-63, à la page 8 676, c'est M. Karlovic, nous raconte sa

 27   propre histoire de la période où les Chetniks étaient entrés dans cette

 28   salle et ont pris ce jeune garçon de 14 ans, lui ont fait se déshabiller


Page 9076

  1   avant de le faire sortir et de le tuer.

  2   Les dirigeants de la JNA à Vukovar, y compris M. Mrksic et M. Sljivancanin,

  3   étaient au courant des rouages de coups et des meurtres qui avaient lieu à

  4   Velepromet la nuit du 19 novembre 1991. Il s'agit d'un fait convenu, ou

  5   probablement un fait jugé plutôt, le fait jugé numéro 157. Pièce P2284,

  6   paragraphes 81 à 83.

  7   Cette nuit-là, Sljivancanin a dit à des membres de l'administration de la

  8   sécurité :

  9   "Ne soyez pas surpris si des Chetniks massacrent des Oustachi là-bas."

 10   Pièce 2284, paragraphes 49 et 50; compte rendu, 6 353.

 11   Donc, en nous fondant sur tout ceci, notre position consiste à dire que la

 12   JNA était responsable de Velepromet et que les éléments de preuve ont

 13   indiqué que le personnel de la JNA montait la garde pour les prisonniers,

 14   et en même temps, ils remettaient les prisonniers à des Chetniks pour

 15   qu'ils puissent être passés à tabac ou tués. Il s'agit donc de liens, de

 16   liens avec les membres de l'entreprise criminelle commune, les membres de

 17   l'entreprise criminelle commune d'une part et les volontaires chetniks qui

 18   remontaient jusqu'au Parti radical serbe de Seselj d'autre part, qui

 19   commettaient des crimes qui relèvent du champ d'application de l'entreprise

 20   criminelle commune dont Hadzic est membre.

 21   Je souhaite maintenant consacrer les dernières minutes de mes arguments sur

 22   des éléments de preuve qui portent sur l'autorité et les pouvoirs de

 23   Hadzic, ainsi que son rôle et sa contribution concernant d'autres acteurs

 24   au sein de l'entreprise criminelle commune qui ont commis des crimes sur

 25   l'ensemble de la SBSO.

 26   Comme nous l'avons dit dans nos arguments juridiques, il n'est pas

 27   nécessaire de dire que Hadzic a contribué de façon directe à chaque

 28   événement criminel. Ce qui est requis, c'est la preuve de sa contribution


Page 9077

  1   importante à l'objectif criminel commun. Hadzic a utilisé ses pouvoirs et

  2   son autorité en qualité de Premier ministre du gouvernement de SBSO ainsi

  3   que l'appui qu'il a reçu des dirigeants serbes à Belgrade pour contribuer à

  4   l'objectif criminel commun qui englobait les crimes en l'espèce, notamment

  5   les événements particuliers qui ont été contestés par le conseil de la

  6   Défense dans le cadre de cette audience consacrée à l'article 98 bis.

  7   En qualité de Premier ministre, Hadzic avait des pouvoirs et pouvait

  8   exercer tous les pouvons dont sont investis les Premiers ministres du monde

  9   entier, mais ces pouvoirs ont été augmentés en raison de l'état imminent de

 10   guerre en SBSO. Pages du compte rendu d'audience 1 106 à 1 108 et 1 236.

 11   Les témoins ont témoigné et ont dit dans leur ensemble que Hadzic

 12   commandait l'unité de la sécurité nationale serbe, dirigée par Stevo Bogic.

 13   Par exemple, P01040, paragraphes 37 à 38 et paragraphe 41; pages du compte

 14   rendu d'audience 2 025 à 2 026; P140, paragraphes 94 à 95; P111,

 15   paragraphes 79 à 80; P00246, qui est une déclaration 92 ter, la référence

 16   de la page du compte rendu d'audience c'est 15201 et P00201.40 [comme

 17   interprété].

 18   Hadzic a trié sur le volet des membres de son gouvernement du SBSO.

 19   Confer la pièce P00140, paragraphe 120. Il a proposé le nom de présidents

 20   des conseils municipaux qui ont été approuvés par leur gouvernement. Confer

 21   P00197 et 140 [comme interprété]. Ainsi que la nomination de M. Borislav

 22   Zivanovic qui devait être nommé président du conseil exécutif de Beli

 23   Manastir. Vous vous souviendrez peut-être, Messieurs les Juges, que

 24   Zivanovic et les autorités de Beli Manastir qui avaient adopté un certain

 25   nombre de textes législatifs tout à fait discriminatoires contre les non-

 26   Serbes qui vivaient à Beli Manastir et dans cette région pendant la

 27   deuxième moitié de l'année 1991. Confer P2157, 2158 et 2160.

 28   Les effets de ces textes législatifs et discriminatoires ont été


Page 9078

  1   décrits à la page du compte rendu d'audience 5 827 à -37.

  2   Nous savons qu'Hadzic a utilisé son poste et ses appuis pour obtenir

  3   de l'équipement, des effectifs et du matériel militaire destinés aux forces

  4   serbes qui commettaient les crimes sur le terrain en SBSO. Le Témoin

  5   Djordjevic qui a témoigné et qui a parlé du voyage qu'Hadzic et Arkan ont

  6   effectué à Belgrade au mois de novembre 1991, où ils se sont rencontrés au

  7   ministère de la Défense serbe en présence de Djordjevic, qui était

  8   représentant du groupe de coordination du ministère de la Défense. Hadzic a

  9   demandé à avoir 30- à 40 000 grenades, et on lui a remis une quantité moins

 10   importante de grenades pour une arme différente. P2300, paragraphe 71.

 11   Hadzic a ordonné que le centre d'entraînement d'Erdut soit financé

 12   par l'entreprise de Dalj DP, l'endroit où Arkan était basé. Et en vertu de

 13   l'ordre de Hadzic, le centre d'entraînement d'Arkan a été financé par la DP

 14   de Dalj. P215.140 et pièce P214.140.

 15   Hadzic avait autorité sur la police de SBSO. Il avait le pouvoir de

 16   nommer et de renvoyer les membres de la police. P111, paragraphes 29 à 34;

 17   pages du compte rendu d'audience 881, 884, 972 et 975.

 18   Ma collègue, Mme Clanton, va aborder d'autres questions concernant la

 19   police de SBSO, ainsi que les relations entre Hadzic et la police et

 20   l'autorité dont il disposait pour renvoyer des représentants officiels de

 21   la police. En qualité de Premier ministre, Hadzic était commandant en chef

 22   de SBSO. Pages du compte rendu d'audience 1 218, 8 223, 8 292 à 8 293, 8

 23   348, 8 380; P1327, pages du compte rendu d'audience 17 119 à 17 120; et

 24   P2913.1, paragraphes 98 et 99. Ceci indique que Hadzic était le commandant

 25   en chef de SBSO et qu'il exerçait cette autorité. Hadzic a nommé Radovan

 26   Stojicic, alias Badza, commandant de la TO de SBSO. Page [comme interprété]

 27   140, paragraphe 48; pages du compte rendu d'audience 2 645 à 2 649.

 28   Le Témoin Djordjevic, du ministère de la Défense serbe, a témoigné en


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  1   disant que comme la Croatie s'est retirée de la RSFY, les présidents des

  2   régions autonomes en Croatie ont rempli ce vide qui, par ailleurs, aurait

  3   été rempli par le président de la république s'agissant des TO. Et il dit à

  4   la pièce P2300, paragraphe 8 :

  5   "Les présidents des SAO ainsi que leurs assemblées et leurs

  6   structures sont devenus responsables en vertu de la loi de l'organisation

  7   et de l'équipement des TO sur leurs territoires."

  8   Ce qui signifie que, pour la SBSO et les régions autonomes, c'était

  9   Hadzic qui était responsable de l'organisation et de l'équipement des TO en

 10   SBSO.

 11   Nous savons que Badza, Stojicic, que Hadzic avait nommé, un haut

 12   responsable du MUP, le ministère de l'Intérieur, de la Serbie, que

 13   lorsqu'il est arrivé en SBSO, Stojicic a assisté à des réunions du

 14   gouvernement de SBSO de Hadzic. P2913, paragraphe 100; également L38, page

 15   3; et P197.140.

 16   Un témoin a dit que Hadzic et Stojicic assistait régulièrement à des

 17   réunions ensemble environ tous les deux ou trois jours à Erdut. P246, page

 18   du compte rendu d'audience 15 186.

 19   GH-27 a dit dans sa déposition que Hadzic s'est opposé à recruter des

 20   officiers de permanence d'active de la JNA pour qu'ils deviennent des

 21   commandants des TO de SBSO. En conséquence, aucun officier d'active haut

 22   gradé de la JNA n'a été nommé commandant des états-majors des TO dans la

 23   Région autonome de SBSO. En lieu et place de cela, il y a eu toute une

 24   série de chauffeurs de taxi et d'ouvriers qui ont été nommés officiers, et

 25   c'est ainsi que Hadzic a pu maintenir le contrôle sur ce qu'il appelait

 26   "leur" TO. P2913.1, paragraphes 98 et 99; pages du compte rendu d'audience

 27   8 161, 8 162; P02969.2913.

 28   Ces éléments de preuve coïncident avec la déposition de GH-168 --


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  1   pardonnez-moi, GH-168, un témoin avec lequel a passé un certain temps la

  2   Défense pour tenter de discréditer ses arguments lundi. Et sur ce point, je

  3   dois dire que GH-168 -- que sa déposition concorde parfaitement, non

  4   seulement avec la déposition que je viens de citer, mais également avec la

  5   déposition de Djordjevic, du ministère de la Défense serbe.

  6   Et 168 a témoigné en disant que les dirigeants de SBSO dirigés par

  7   Hadzic avaient mis en place des états-majors des TO pour apporter leur aide

  8   à la mise en œuvre d'un plan qui visait à créer une Grande-Serbie. Il a dit

  9   que le gouvernement de Hadzic avait choisi des membres du personnel et des

 10   unités subordonnées, et sur cette base-là il y avait un fondement de

 11   loyauté envers le SDS et de volonté de remplir ses tâches. Pages du compte

 12   rendu d'audience 8 282 à 8 284, 

 13   8 292 et 8 293, 8 375 et 8 378 à 8 380.

 14   Djordjevic, dont le groupe de coordination avait pour objectif

 15   d'apporter un appui aux TO serbes en Croatie, a fourni des éléments

 16   semblables. Il a dit que, par opposition à la TO dans la SAO de Krajina,

 17   les TO SBSO ont eu des échanges limités avec le ministère serbe de la

 18   Défense.

 19   Il a dit également qu'il pensait que les TO en SBSO étaient plus

 20   étroitement liées à la JNA, voire peut-être même avec le MUP serbe, parce

 21   que Radovan Stojicic, Badza, était également membre du MUP serbe. P2300,

 22   paragraphe 21.

 23   Quelques mots sur les unités de volontaires de Leva Supoderica et Arkan.

 24   P194.140. Hadzic, en qualité de Premier ministre de SBSO, a exercé son

 25   autorité en nommant Arkan commandant du centre d'entraînement d'Erdut.

 26   Pièce P140, paragraphes 98, 100 et 101; pages du compte rendu d'audience 1

 27   218, 2 650 et 2 651; et P194.140.

 28   De façon plus générale, le Témoin GH-10 a témoigné et a dit que les unités


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  1   de volontaires sont arrivées en SBSO et se sont placées sous le

  2   commandement ou l'autorité de TO de SBSO. Pages du compte rendu d'audience

  3   4 813, 4 814; P1739; P1740.

  4   Alors, la pièce P1727 précise -- l'unité de Leva Supoderica comme étant une

  5   de ces unités composées de volontaires du Parti radical serbe. Ils ont été

  6   envoyés depuis Belgrade. Leur commandant était Milan Lancuzanin, également

  7   connu sous le nom de Kameni. Remarquez, le document P1727 porte le cachet

  8   de l'état-major de la TO de Vukovar. Pièce 02776 [comme interprété], il

  9   s'agit d'une communication datée du 9 novembre 1991 à Kameni en qualité de

 10   commandant du Détachement de Leva Supoderica, qui émanait de l'état-major

 11   de la SRS de Belgrade. Elle précise que les volontaires supplémentaires

 12   sont envoyés et sont placés "sous la protection de la TO de Vukovar."

 13   P151, le 21 janvier 1992, Hadzic a rendu une décision portant sur le

 14   démantèlement de Leva Supoderica sur la proposition du commandant adjoint

 15   du Corps de Novi Sad. Hadzic a lancé cet appel qui visait à accueillir les

 16   volontaires de Serbie pour qu'ils les rejoignent en SBSO et rejoignent les

 17   forces serbes déjà engagées à cet endroit. Il les a remerciés de façon

 18   enthousiaste pour leur appui et leur contribution. P58, pages du compte

 19   rendu d'audience 610 à 612.

 20   Mes derniers commentaires portent sur l'unité de sécurité nationale serbe,

 21   la SNB, une unité d'élite qui avait été formée pour assurer la sécurité de

 22   Hadzic. Ils étaient basés dans le centre d'entraînement d'Erdut et les

 23   bureaux du gouvernement, dirigés par Stevo Bogic. P1040, paragraphes 54 à

 24   61, 71 [comme interprété]; et pages du compte rendu d'audience 2 895 et 2

 25   896.

 26   Bogic rendait compte directement à Hadzic. 1040, paragraphes 36 [comme

 27   interprété], 38.

 28   Il y a un rapport étroit entre Bogic et la SNB, leur personnel, et certains


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  1   membres des Tigres d'Arkan qui avaient la carte d'identité de la SNB qui

  2   leur permettait de se déplacer plus librement sur le territoire, même

  3   lorsqu'il y avait un couvre-feu. P1040, paragraphe 47 [comme interprété].

  4   Des membres du SNB qui agissaient de concert avec certains Tigres d'Arkan

  5   qui ont commis certains des meurtres les plus violents et de sang-froid en

  6   l'espèce, ils ont également participé à des interrogatoires brutaux et des

  7   tortures en présence d'Arkan et Milorad Stricevic dans le centre

  8   d'entraînement. Des membres du SNB de Hadzic ont arrêté et assassiné

  9   Juliana Pap, Franjo Pap et Natalia Rakin, dont les meurtres sont reprochés

 10   au paragraphe 28 de l'acte d'accusation et dont les corps ont été jetés

 11   dans un puits à l'extérieur de Borovo Selo, que les Juges de la Chambre ont

 12   visité il y a quelques mois.

 13   Est-ce que nous pourrions brièvement passer à huis clos, s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 16   Messieurs les Juges.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.


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  1   M. STRINGER : [interprétation] A moins que vous n'ayez des questions,

  2   Monsieur le Président, j'en ai terminé avec la présentation de mes

  3   arguments. Et, à ce stade, je propose de donner la parole à ma collègue,

  4   Mme Clanton, qui va poursuivre nos arguments en réponse.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stringer.

  6   Madame Clanton.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges.

  9   Comme M. Stringer vous l'a expliqué, puisque nous sommes à la phase de

 10   l'article 98 bis, la question est de savoir si l'Accusation a présenté

 11   suffisamment d'éléments de preuve pour chaque chef d'accusation pris dans

 12   leur ensemble, par opposition aux différentes accusations qui constituent

 13   chaque chef d'accusation. L'Accusation avance qu'elle a présenté des

 14   éléments de preuve qui établissent au-delà de tout doute raisonnable les

 15   différents événements qui figurent dans l'acte d'accusation. Toutefois,

 16   étant donné qu'il n'est pas nécessaire de déterminer le caractère suffisant

 17   des éléments de preuve pour chaque événement, l'Accusation va se concentrer

 18   sur des crimes et événements précis qui illustrent les éléments de preuve

 19   présentés par l'acte d'accusation et qui illustrent le fait que ces

 20   éléments de preuve sont susceptibles de justifier une condamnation pour

 21   chaque chef d'accusation de l'acte d'accusation.

 22   Je commencerais par la détention et les meurtres qui ont eu lieu dans les

 23   bâtiments de la police de Dalj. Cela correspond aux chefs d'accusation 1 à

 24   9.

 25   La Chambre a entendu des éléments de preuve à propos des meurtres d'au

 26   moins 39 personnes à Dalj, meurtres commis pendant deux semaines en

 27   septembre et octobre 1991. Ces crimes ont profondément choqué la communauté

 28   et intimidé la population non serbe de Dalj et des villages avoisinants.


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  1   Alors, ces meurtres étaient, certes, extrêmement choquants, mais ils ne

  2   correspondaient pas à des crimes commis au hasard ou à des événements

  3   isolés. Les éléments de preuve montrent que ces crimes s'inscrivaient dans

  4   le cadre des crimes commis contre les non-Serbes afin de les forcer à

  5   quitter le territoire et à s'assurer qu'ils ne reviendraient pas.

  6   Nous allons commencer avec le paragraphe 24, à savoir le meurtre de 11

  7   personnes à Dalj, meurtre commis le 21 septembre 1991. Au moment où ce

  8   crime a été commis, Dalj était déjà tombée aux mains des forces serbes et

  9   était devenue le siège du gouvernement de M. Hadzic. La prise par la force

 10   de Dalj le 1er août 1991 s'inscrit dans ce que M. Hadzic décrit à la radio

 11   comme étant "l'attaque décisive" sur le territoire de la République de

 12   Croatie, qui a été planifiée en juillet 1991. J'en veux pour preuve les

 13   pages du compte rendu d'audience 8 291, 8 292, pour le Témoin GH-168; ainsi

 14   que le document P2987; et les pages 1 284 et 1 285 du compte rendu

 15   d'audience, qui correspondent à la déposition du Témoin GH-015.

 16   En septembre 1991, des civils non serbes ont été arrêtés à Baranja et ont

 17   été transférés par la police serbe et la police de la SBSO vers Borovo Selo

 18   en les laissant passer par la Serbie. Ils ont rejoint d'autres civils non

 19   serbes qui avaient été arrêtés à Dalj, Erdut, Aljmas et sur les collines

 20   avoisinantes, ou "planina", qui se trouvaient près de tous les villages.

 21   Toutes ces arrestations étaient arbitraires, il n'y a pas eu de rapports

 22   d'enquête judiciaire, d'ordres de détention ou d'autres documents qui ont

 23   été fournis pour ces détenus. Comme la Chambre l'a entendu de la bouche du

 24   Témoin GH-03, ce transfert de détenus non serbes depuis la Baranja et

 25   d'autres régions de la SBSO vers Dalj a été accompli conformément aux

 26   ordres donnés par M. Hadzic. Et cela, d'ailleurs, inclut la propre

 27   affirmation de M. Hadzic qui, lorsqu'on lui a posé des questions à propos

 28   de la détention illicite de ces prisonniers, a déclaré qu'il était le


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  1   Premier ministre et qu'il pouvait donner des ordres pour que tout soit

  2   fait. Il s'agit de la pièce P111, paragraphes 49 à 54; pages 5 821 et 5 822

  3   du compte rendu d'audience.

  4   Certains des prisonniers de la Baranja ont été conduits à Dalj, où ils ont

  5   dans un premier temps été détenus au centre culturel, puis ensuite à la

  6   coopérative locale, le bâtiment Zadruga, qui faisait office de poste de

  7   police de Dalj. Alors qu'ils se trouvaient dans le bâtiment de la police de

  8   Dalj, les détenus ont été fréquemment interrogés et sauvagement roués de

  9   coups quasiment toutes les nuits. Notamment, ils ont été roués de coups et

 10   interrogés par Stricevic et ce qu'il a appelé sa police de l'espace, qui

 11   avait acquis une notoriété publique parce qu'ils prenaient les personnes,

 12   les interrogeaient, leur faisaient subir des sévices physiques, et ensuite

 13   les liquidaient et les éliminaient. Pièce P278, paragraphes 9 et 10; pièce

 14   P111, paragraphes 47 et 65. Quelques jours après le début de leur

 15   emprisonnement, Arkan est arrivé au centre de détention, a injurié les

 16   détenus, les a appelés des Oustachi. Il se trouvait en compagnie de Marko

 17   Loncarevic, un ancien policier qui coordonnait le travail des états-majors

 18   de la TO et de la SBSO, ainsi qu'en compagnie de plusieurs hommes qui

 19   portaient des uniformes de camouflage et qui étaient les hommes d'Arkan.

 20   Après s'être présentés aux détenus, les hommes d'Arkan les ont sauvagement

 21   roués de coups et battus et frappés avec des chaises en fer, en métal,

 22   jusqu'à ce que les chaises se désagrègent. Pièce P2132, page 7; pièce

 23   P2110, page 5.

 24   Lors de la nuit du 21 au 22 septembre 1991, Hadzic et Arkan sont arrivés au

 25   bâtiment de la police, accompagnés d'une vingtaine de soldats d'Arkan.

 26   Après s'être présenté aux détenus, Hadzic a donné l'ordre que deux hommes

 27   lui soient confiés, Luka Sutalo [phon] et Slavko Palinkas [phon], et a

 28   laissé les 11 autres prisonniers à la garde d'Arkan et de ses hommes.


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  1   La Chambre de première instance se rappellera que M. Hadzic avait assisté à

  2   une réunion un peu plus tôt en compagnie d'Arkan et du journaliste Aernout

  3   van Lynden. Au cours de cette réunion, Arkan avait indiqué qu'il ne prenait

  4   pas de prisonniers, une déclaration d'ailleurs qu'il a fréquemment répétée

  5   à l'intention de la presse internationale. Pièce P102 et page du compte

  6   rendu d'audience 7 029. Par conséquent, ni M. Hadzic ni personne d'autre

  7   n'aurait pu être surpris du fait que ces 11 prisonniers aient été exécutés

  8   par Arkan et ses hommes après avoir dû sortir du poste de police de Dalj.

  9   La responsabilité de M. Arkan [comme interprété] pour cet incident ne s'est

 10   pas arrêté à ce moment-là, ne s'est pas arrêté au moment où les non-Serbes

 11   qui avaient été amenés à Dalj ont été tués. Il est, qui plus est,

 12   responsable d'avoir essayé de dissimuler ce crime et d'avoir empêché une

 13   enquête.

 14   Est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Huis clos partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   Mme CLANTON : [interprétation] Quelque deux semaines après le meurtre de 11


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  1   personnes, au moins 28 prisonniers détenus dans le poste de police de Dalj

  2   ont été tués par Milorad Stricevic, Arkan et leurs hommes. Cet événement

  3   figure au paragraphe 25 de l'acte d'accusation. Comme dans le cas des 11

  4   victimes précédentes, parmi ces 28 victimes, nombreuses venaient de la

  5   Baranja. Document P111, paragraphe 62.

  6   Des éléments de preuve ont été présentés à la Chambre de première instance

  7   suivant lesquels lors de la première semaine du mois d'octobre 1991, Hadzic

  8   savait que les prisonniers non serbes étaient détenus dans les postes de

  9   police de Dalj. Et d'ailleurs, MM. Hadzic et Arkan ont été vus parlant

 10   devant le centre de détention quelques jours avant que les prisonniers ne

 11   soient tués. Pièce P278, paragraphe 11.

 12   Le soir du 4 octobre 1991, Arkan, Stricevic et 20 des hommes d'Arkan sont

 13   arrivés au poste de police. Pendant plusieurs heures à l'aube et en début

 14   de matinée, les prisonniers ont été roués de coups, et ensuite la plupart

 15   ont été tués. Quelques prisonniers ont été maintenus en vie afin de charger

 16   les corps dans un camion qui les a conduits vers les rives de la rivière.

 17   Là, les autres prisonniers ont été exécutés, et tous les corps ont été

 18   jetés dans la rivière. En apprenant ce crime le jour suivant, les

 19   dirigeants de la police de Dalj ont mené une enquête préliminaire et ont

 20   fait un rapport sur l'incident à la filière hiérarchique de la police de la

 21   SBSO. Document P112.111, paragraphes 65 à 72; document P1140, paragraphe

 22   [comme interprété] 4; document P1141.1, page du compte rendu d'audience 4

 23   166.

 24   Ces meurtres ont été connus dans tout Dalj en une journée après qu'ils

 25   aient eu lieu. Le personnel médical civil a dû retirer quatre à cinq corps

 26   de l'eau car ces corps étaient coincés dans les rochers étant donné que le

 27   niveau de l'eau avait baissé. L'on voyait du sang sur les rochers. Des

 28   corps ont été vus flottant dans la rivière. P104; P253, paragraphe 82.


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  1   La population de Dalj n'a cessé de présenter des rapports à ce sujet à la

  2   police de Dalj. Vers le 10 octobre 1991, Arkan a fait un discours sur la

  3   place du marché de Dalj devant plusieurs centaines de personnes; et

  4   notamment, se trouvaient également dans la foule des représentants de la

  5   JNA, du gouvernement de la SBSO et des représentants de la police et de la

  6   Défense territoriale de la SBSO. Il a reconnu qu'il avait tué les

  7   prisonniers et a déclaré que personne ne pourrait rien lui faire. Il a

  8   annoncé que sa philosophie était "œil pour œil, dent pour dent." Ce qui

  9   était largement connu dans la communauté. Pages du compte rendu d'audience

 10   1 543, 1 546 à 

 11   1 549; document P111, paragraphes 68, 75 et 76.

 12   Tout cela s'est passé alors que M. Hadzic avait son bureau à moins d'un

 13   kilomètre des lieux du crime et à 200 mètres environ de la place du marché

 14   de Dalj. En dépit des réactions à Dalj et des actions menées par la police,

 15   aucune mesure n'a été prise pour punir les auteurs de ce crime.

 16   Les mêmes forces serbes qui avaient tué les détenus à la fin du mois de

 17   septembre et au début du mois d'octobre 1991 ont participé à l'expulsion

 18   des non-Serbes qui étaient restés à Dalj, expulsion de leurs foyers, et

 19   ont6pillé leurs propriétés. Chefs d'accusation 10 à 14 de l'acte

 20   d'accusation. Je vous donnerai juste un exemple à titre d'illustration. En

 21   octobre 1991, des Croates à Dalj ont été rassemblés dans des autocars et

 22   expulsés. Le Témoin GH-169 a expliqué que les expulsions de Croates depuis

 23   Dalj avaient été organisées et ressemblaient aux expulsions à partir

 24   d'autres villes, telles que Vukovar. Il a également témoigné que cela

 25   s'était produit à plusieurs reprises. Pages du compte rendu d'audience 8

 26   793 à 8 797.

 27   Les bâtiments ayant une importance religieuse pour la population croate,

 28   tels que l'église catholique de Dalj, ont été truffés de mines et détruits


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  1   par les hommes d'Arkan. Pages du compte rendu d'audience 8 735 à 8 736.

  2   Les sévices infligés aux habitants civils non serbes de Dalj par les forces

  3   serbes correspondent aux expulsions sur une large échelle, aux autres

  4   expulsions, aux emprisonnements, à la torture, à la destruction gratuite,

  5   au pillage et aux persécutions infligés aux non-Serbes de nombreuses villes

  6   de la SBSO, qui allait devenir par la suite la RSK, pendant les années 1991

  7   à 1993. Dans la ville d'Erdut, par exemple, ces sévices se sont fréquemment

  8   répétés parce que c'est là où Arkan avait établi son centre de formation.

  9   M. Stringer vous a déjà parlé aujourd'hui des contributions de

 10   l'accusé à l'entreprise criminelle commune, et notamment de son rôle

 11   lorsqu'il a attribué ce centre de formation d'Erdut à Arkan, qui en était

 12   devenu son commandant. Je vous parlerai des crimes violents et de

 13   l'environnement de terreur et de crainte qui a caractérisé Arkan et son

 14   centre de formation et la concordance que l'on peut établir entre les

 15   fonctions du centre de formation et les chefs d'accusation de l'acte

 16   d'accusation, et je ne me limiterai pas aux chefs d'accusation 3 à 9.

 17   Le centre de formation d'Erdut se trouvait au cœur des activités

 18   d'Arkan et de ses hommes et était l'épicentre de ses activités. C'est là

 19   qu'ils logeaient, c'est là qu'ils mangeaient et c'est là qu'ils étaient

 20   formés. Ce centre était également près du centre utilisé par Hadzic pour

 21   son gouvernement et pour son service de protection personnelle, le SNB.

 22   Lorsqu'il ne voyageait pas en Serbie, M. Hadzic passait la nuit au centre

 23   de formation. Pages 2 705 et 2 706 du compte rendu d'audience.

 24   Hadzic a installé Arkan et ses hommes au centre de formation, et

 25   cela, en fait, desservait plusieurs objectifs. Premièrement, et cela était

 26   l'objectif le plus important, ce centre était utilisé pour renforcer la

 27   campagne d'expulsion des non-Serbes de la Slavonie et des zones

 28   avoisinantes. Les hommes qui avaient été formés au centre, tels qu'Arkan


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  1   lui-même, étaient des criminels notoires, et d'ailleurs ils ont été à la

  2   hauteur de leur triste réputation. Document P2916. Au centre de formation,

  3   ils ont emprisonné, fait subir des sévices, torturé et tué les non-Serbes

  4   qui étaient emmenés. Les non-Serbes étaient détenus dans des conditions

  5   absolument déplorables, notamment dans ce qui avait été les toilettes

  6   publiques. Ils disposaient d'un espace de 4 mètres sur 4. L'endroit était

  7   humide, dans la pénombre et froid. Les prisonniers n'avaient aucun lit,

  8   n'étaient pas en mesure de dormir. Stricevic Milorad les faisait sortir

  9   très fréquemment pour les interroger, et plusieurs sont revenus en très

 10   mauvais état. On les faisait sortir en plein milieu de la nuit, on les

 11   alignait contre un mur et leur faisait subir des parodies d'exécution ou

 12   des pseudo-exécutions. Pendant les nuits, les membres de l'unité de Zeljko

 13   Raznjatovic prenaient des prisonniers dans leurs chambres. Peu de temps

 14   après, l'on entendait des tirs, et les prisonniers n'étaient plus jamais

 15   revus. Et cela se poursuivait jusqu'à ce qu'une pièce où il y avait 28

 16   hommes détenus n'en ait plus que deux. Pages 2 686 du compte rendu

 17   d'audience, 2 701 à 2 703;  2207 à 2 214 et 2 227.

 18   Les hommes d'Arkan ont ciblé la population d'hommes croates qui

 19   restait à Erdut et dans les villages avoisinants. Plusieurs de ces hommes

 20   ont été soumis au travail forcé dans les mois qui ont précédé le moment où

 21   ils ont été emmenés de leurs maisons au centre d'instruction et tués. Mais

 22   ils n'ont pas uniquement ciblé ces hommes. La Chambre a entendu des

 23   éléments de preuve disant que des femmes non serbes ont également été

 24   détenues et ont fait l'objet de mauvais traitement au centre. Les

 25   prisonniers incluaient une femme de 65 ans qui n'avait que des pantoufles

 26   et une chemise de nuit sur elle. Je me réfère à la pièce P2039 et à la page

 27   2 702 du compte rendu.

 28   Les hommes d'Arkan, de concert avec Stricevic et la police locale,


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  1   notamment Bozo Bolic, ont décimé la population hongroise de la région de

  2   Dalj, d'Erdut et d'Aljmas. Tous les hommes ont été pris et tués, et ils

  3   appartenaient à plusieurs familles. Les femmes des victimes ont reçu comme

  4   explication de la part de Bolic que leurs maris et que leurs pères étaient

  5   entre les mains d'Arkan et qu'elles ne devraient pas essayer de les revoir.

  6   A l'évidence, on leur a dit que leurs maris et que leurs pères n'auraient

  7   pas besoin de médicaments ni de vêtements chauds, et ce, plus jamais. Le

  8   centre d'instruction -- les employés qui ont travaillé dans ce centre ont

  9   déposé et ont dit que des Hongrois avaient été gardés en détention à ce

 10   centre et qu'on les avait forcés à chanter l'hymne national serbe. Les

 11   Hongrois ont été emmenés. Je me réfère à la page du compte rendu 2 174 à 2

 12   176 et à la page 2 701.

 13   Au mois de novembre 1991, il était de notoriété publique en Slavonie

 14   orientale que les prisonniers qui avaient été emmenés au centre

 15   d'instruction d'Erdut n'étaient jamais revenus.

 16   Le centre d'instruction d'Erdut a servi à soutenir la commission à

 17   grande échelle de crimes contre des civils dans le but de créer un Etat

 18   sans non-Serbes. Il est important de souligner que le centre d'instruction

 19   lui-même et les forces qui se trouvaient dans ce centre ont facilité le

 20   retrait de la population non serbe d'une autre façon, à savoir

 21   l'intimidation. Même ceux qui n'étaient pas détenus au centre avaient peur

 22   pour leurs vies et savaient que tout le monde pouvait être emmené à

 23   n'importe quel moment. Le comportement et la réputation des hommes d'Arkan

 24   étaient tels que leurs activités quotidiennes semaient la crainte. Les

 25   Juges de la Chambre ont vu une séquence vidéo de ces hommes qui chantaient

 26   des chansons dont les paroles, notamment, disaient : Nous allons écraser

 27   les Oustachi, nous allons tous les tuer. Les Juges de la Chambre ont

 28   entendu des éléments de preuve disant qu'Arkan était lié à d'autres membres


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  1   de l'entreprise criminelle commune pour, et je cite, "opérer sur le

  2   terrain, et semer l'intimidation," qui avait pour objectif de nettoyer la

  3   région des non-Serbes. Je me réfère là à la pièce P129; P331, paragraphes

  4   11 à 12; pages du compte rendu 8 282, 8283, 8 295 à 8 297.

  5   Messieurs les Juges, les crimes que je viens de vous décrire ont été

  6   commis à Dalj et Erdut, des régions de Slavonie orientale, mais ils n'ont

  7   pas eu lieu de façon isolée. Les crimes en Slavonie en 1991 ont fait partie

  8   du plan qui englobait tout le territoire de SBSO. L'Accusation a montré que

  9   les crimes qui avaient été commis et qui sont repris à l'acte d'accusation

 10   ont tous eu lieu dans le contexte de l'exécution d'un plan commun visant à

 11   expulser les non-Serbes. Et prendre compte ces événements isolés ne serait

 12   pas approprié dans le cadre de cette procédure relevant de l'article 98 bis

 13   du Règlement de procédure et de preuve. Cela étant, pour pouvoir aider les

 14   Juges de la Chambre, je vais d'abord aborder les erreurs commises lors des

 15   arguments du conseil de la Défense sur la déposition de Jaksic, les

 16   éléments de preuve prouvant l'entreprise criminelle commune unique et les

 17   liens qui existaient entre les organes en Srem occidental et entre le

 18   gouvernement; et enfin, je passerai aux crimes restants et aux fondements

 19   de ces crimes identifiés par la Défense, c'est-à-dire ceux d'Opatovac et de

 20   Lovas.

 21   Lundi, le conseil de la Défense a suggéré, et je cite la page 

 22   8 971 du compte rendu, que "l'accusé n'était pas responsable de certains

 23   crimes qui avaient été commis dans la région du Groupe opérationnel sud."

 24   Plus particulièrement, le conseil de la Défense a suggéré que déposition de

 25   Jaksic montrait et prouvait qu'il n'existait pas de lien entre le

 26   gouvernement de SBSO, les unités de la Défense territoriale et les états-

 27   majors de la Défense territoriale qui se trouvaient à Vukovar et en Srem

 28   occidental. La déposition de Jaksic n'étaye pas cette allégation. De plus,


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  1   la reprise des termes de la déposition de Jaksic a été très partielle et

  2   n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve montrant les liens

  3   entre l'accusé et les événements qui ont eu lieu au sud du fleuve Vuka.

  4   L'interprétation de la déposition de Jaksic suggérée par le conseil

  5   de la Défense est assez biaisée et n'a pas de sens lorsque l'on analyse les

  6   choses plus particulièrement. Le conseil de la Défense a confondu le

  7   concept des unités de la Défense territoriale avec celui de l'état-major de

  8   la Défense territoriale. Alors que les unités de la Défense territoriale

  9   auraient pu être subordonnées et étaient, en fait, subordonnées au Groupe

 10   opérationnel sud et au colonel Mrksic pendant les combats, les états-majors

 11   de la Défense territoriale, quant à eux, ne l'étaient pas. Je me réfère à

 12   la page 

 13   7 063 et 7 064 du compte rendu et aux pages 7 109 à -10 de la déposition de

 14   M. Jaksic, en particulier sa description de la fonction politique et des

 15   postes de commandants des états-majors de la Défense territoriale.

 16   Messieurs les Juges, dans ce contexte, la déposition de Jaksic disant que

 17   les états-majors de la Défense territoriale étaient en fait des

 18   institutions politiques civiles qui faisaient rapport au ministère de la

 19   Défense est totalement cohérente avec les éléments de preuve montrant que

 20   l'unité de la Défense territoriale de Petrova Gora était resubordonnée au

 21   Groupe opérationnel sud. En fait, Jaksic a déposé qu'il avait été nommé

 22   commandant de l'état-major de la Défense territoriale pour la région du

 23   Groupe opérationnel sud, mais pas par la JNA, mais plutôt lors d'une

 24   réunion du village des commandants de l'état-major de la Défense

 25   territoriale qui a eu lieu à Oriolik. Pages 7 063 à 7 064 du compte rendu,

 26   ainsi que la page 

 27   7 109.

 28   D'autres éléments de preuve présentés lors du procès étayent la thèse


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  1   selon laquelle les différents états-majors locaux de la Défense

  2   territoriale au sein de la SAO SBSO sont restés sous le contrôle civil,

  3   même lorsque leurs unités de la Défense territoriale ont été temporairement

  4   resubordonnées à la JNA pour des opérations de combat. Pages 8 283 à 8 293

  5   du compte rendu, paragraphes 40 et 41.

  6   Les Juges de la Chambre ont également admis au dossier des documents

  7   qui prouvent que les états-majors de la Défense territoriale à Vukovar et

  8   en Srem occidental agissaient sous le contrôle du gouvernement de SBSO,

  9   mais en coopération avec la JNA. Et nous voyons ces liens dans les pièces

 10   suivantes. Pièce 1727, datée du 18 octobre 1991, c'est un document de la

 11   Défense territoriale de SBSO délivré par la Dusan Filipovic à Sid qui a

 12   légalisé le Détachement de Leva Supoderica comme faisant partie de la

 13   Défense territoriale de Vukovar.

 14   La pièce D6, qui est le PV d'une réunion du 30 octobre 1991 qui a eu

 15   lieu à Lovas à laquelle ont participé des représentants de l'état-major de

 16   la Défense territoriale du village, et notamment d'autres villages

 17   également, Lovas, Opatovac, Sotin et Tovarnik. Le PV montre que la réunion

 18   a également compté sur la participation de plusieurs membres du

 19   gouvernement de SBSO, y compris Mladen Hadzic, Ilija Petrovic, Stevo Bogic,

 20   Borislav Bogunovic et Vojin Susa. Radovan Stojicic est repris dans la liste

 21   des présents en qualité de commandant de la Défense territoriale de SBSO.

 22   Mladen Hadzic a présidé la réunion et a expliqué comment le gouvernement de

 23   SBSO "travaille d'arrache-pied sur le terrain et a lancé plusieurs actions

 24   et missions." Stevo Bogic a insisté sur le fait que les représentants du

 25   village étaient tenus d'informer le gouvernement des événements. Ljuban

 26   Devetak de Lovas a demandé au gouvernement de SBSO de recommander

 27   "l'organisation de pouvoir dans les communes locales… le gouvernement doit

 28   délivrer des décrets quant à la façon dont tout cela devrait être


Page 9096

  1   organisé." Les PV de ces réunions montrent comment le gouvernement était

  2   capable d'opérer en Srem occidental avant la chute de Vukovar.

  3   Ensuite, la pièce P2979, qui reprend le PV d'une réunion du 3 novembre 1991

  4   à Lovas à laquelle ont participé des représentants de l'état-major de la

  5   Défense territoriale des villages d'Opatovac, Mahovo, Lovas, y compris

  6   Ljuban Devetak, des villages de Tovarnik, Sotin et Vukovar. A cette

  7   occasion, la réunion a été présidée par Slobodan Grahovac, qui est repris

  8   dans le PV de la réunion comme étant le ministre adjoint pour la région

  9   serbe de SBSO. Dusan Filipovic a également participé, il était membre de

 10   l'état-major de la Défense territoriale de SBSO. Et cet élément de preuve

 11   sur les postes tenus par Grahovac et Filipovic concorde avec la déposition

 12   du Témoin Goran Stoparic qui a déclaré que Grahovac était lié au

 13   gouvernement et qu'il était ministre, et ainsi que par la déposition de

 14   Borivoje Savic qui a déclaré que Filipovic était le commandant de l'état-

 15   major de la Défense territoriale. Je me réfère à la pièce P50, paragraphe

 16   205, et aux pages du compte rendu 4 714, 4 773 et 4 774. L'ordre du jour de

 17   la réunion portait sur les problèmes actuels des états-majors de la Défense

 18   territoriale dans les régions libérées. A la fin de la réunion, les

 19   participants sont arrivés unanimement aux conclusions suivantes.

 20   Premièrement, créer des unités et des états-majors de la Défense

 21   territoriale dans les régions libérées "conformément aux instructions et

 22   aux tableaux que les organes compétents du gouvernement ont dégagés et

 23   envoyés."

 24   Deuxièmement, sur la base de l'organisation prévue au point précédent,

 25   d'accélérer la coopération et la coordination avec la JNA.

 26   Et troisièmement, que "les problèmes existants et évidents devront

 27   être résolus de façon continue en collaboration avec le gouvernement de

 28   cette région et le commandement militaire pertinent, tels que le nettoyage


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  1   du village et des régions alentours, la liberté de circulation, et cetera."

  2   Le général Vasiljevic s'est exprimé sur ces PV. Il a déclaré que

  3   l'utilisation du terme "coopération" entre les états-majors de la Défense

  4   territoriale et la JNA montrait que :

  5   "Ce sont là des activités de part et d'autre qui sont plus ou moins sur un

  6   pied d'égalité. Donc, il ne s'agit pas là d'un lien entre un supérieur et

  7   son subordonné. C'est plutôt une coopération qui allait dans l'intérêt

  8   commun, deux structures qui coordonnaient leurs activités."

  9   Pages du compte rendu 8 179 à 8 184.

 10   Pour toutes ces raisons que je viens de vous citer, Messieurs les Juges, il

 11   existe de nombreux éléments de preuve au dossier montrant les liens qui

 12   existaient entre Hadzic, son gouvernement et les forces de la Défense

 13   territoriale dans les régions auxquelles on a fait référence pour le Groupe

 14   opérationnel sud lundi. Je regarde l'heure, peut-être qu'il est temps de

 15   faire une pause…

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   Nous allons reprendre à 12 heures 45.

 18   --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.

 19   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Clanton.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 22   Messieurs les Juges.

 23   Je vais maintenant aborder la question de savoir pourquoi les arguments de

 24   la Défense concernant Opatovac et Lovas ne doivent pas être retenus. Ces

 25   villes se trouvent dans le Srem occidental, et, Messieurs les Juges, vous

 26   avez entendu des éléments de preuve indiquant que ces villes ont été prises

 27   par les forces serbes en octobre 1991. Concernant Opatovac, la Défense a

 28   contesté les accusations d'emprisonnement, de torture, d'actes inhumains et


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  1   de traitement cruel aux chefs 5 à 9. S'agissant de Lovas, la Défense a

  2   également contesté les accusations de meurtre et d'extermination aux chefs

  3   1 à 4.

  4   S'agissant du village d'Opatovac, la Défense a signalé la déposition

  5   de deux témoins aux pages du compte rendu d'audience 9 021 et 9 022 de

  6   lundi.

  7   En nous fondant sur les arguments présentés par le conseil de la

  8   Défense, l'Accusation a compris que l'accusé ne conteste pas les crimes en

  9   tant que tels, mais plutôt sa responsabilité s'agissant de ces crimes. Je

 10   vais maintenant mettre de côté la citation de l'expert Theunens qui a été

 11   utilisé par la Défense lorsqu'elle a présenté ses arguments au sujet de

 12   Lovas et Opatovac. Ceci sera repris dans mes arguments à propos de Lovas.

 13   Je vais revenir à Opatovac. En page du compte rendu d'audience 9 021,

 14   le conseil de la Défense a énuméré un certain nombre d'éléments de preuve

 15   au sujet des auteurs, de ce qu'ils ont fait et de qui ils étaient. Le

 16   conseil a ensuite déclaré qu'il n'y avait pas d'élément de preuve indiquant

 17   que l'accusé avait l'intention de commettre ces crimes ou que ces crimes

 18   étaient englobés dans l'entreprise criminelle commune dont il était membre.

 19   Page du compte rendu d'audience 9 022.

 20   Mon collègue, M. Stringer, a déjà abordé la question de l'existence

 21   de l'entreprise criminelle commune dont l'accusé était membre. M. Stringer

 22   a également précisé pour vous, Messieurs les Juges, le cadre juridique

 23   exact, notamment que l'accusé n'a pas besoin d'être au courant de tous les

 24   détails des événements criminels précis en tant que membre de l'entreprise

 25   criminelle commune pour être tenu responsable.

 26   Je vais maintenant aborder les faits présentés par le conseil de la

 27   Défense. Les éléments de preuve présentés par le témoin concernant les

 28   auteurs d'Opatovac -- effectivement, les éléments de preuve sur la


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  1   commission des crimes commis par les membres de l'entreprise criminelle

  2   commune et des forces qui y ont participé. Les éléments que vous avez

  3   entendus lundi montrent que les unités de la JNA et la Défense territoriale

  4   locale, avec l'aide des Serbes locaux, ont participé aux crimes commis à

  5   Opatovac. Outre cela, la Chambre a entendu des éléments de preuve au cours

  6   de ce procès indiquant que des soldats de Kragujevac étaient présents à

  7   Opatovac, à l'instar de groupes paramilitaires ou de groupes chetniks qui

  8   menaçaient la population. Pages du compte rendu d'audience 8 626 et 

  9   8 642.

 10   Les éléments de preuve présentés à vous, Messieurs les Juges, au

 11   sujet des crimes commis à Opatovac sont le reflet d'un schéma plus large de

 12   crimes commis au Srem occidental. Je souhaite vous rappeler, Messieurs les

 13   Juges -- je souhaite vous rappeler quel est ce schéma de crimes commis par

 14   les membres de l'entreprise criminelle commune ou des personnes utilisées

 15   par eux au Srem occidental. La déposition de quatre témoins que je vais

 16   citer en guise d'illustration.

 17   L'ex-commandant des forces de police d'Ilok, Mate Brletic, a témoigné

 18   à propos de cette conduite comme suit : que la JNA a lancé des ultimatums

 19   difficiles; ensuite qu'elle a pilonné de façon indiscriminée les villes; et

 20   ensuite que ses forces sont entrées dans les villes, suivies par les

 21   réservistes et les Serbes locaux. Cette méthode a provoqué la fuite des

 22   habitants de la ville. Lorsque les réservistes et les Serbes locaux sont

 23   entrés dans les villes, ils faisaient subir aux habitants du village des

 24   sévices, que ce soit sur un plan physique ou mental, et ensuite les

 25   tuaient. Pages du compte rendu d'audience 3 487 à 3 488, P01418 et page du

 26   compte rendu d'audience 1 313.

 27   Ensuite, la Chambre a également entendu des éléments de preuve indiquant

 28   que les crimes ne s'arrêtaient pas au simple meurtre et aux sévices mentaux


Page 9100

  1   et physiques. Le Témoin Tomislav Rukavina, un habitant de Bapska, a vérifié

  2   que les non-Serbes qui sont restés dans le Srem occidental au début de

  3   l'année 1992 ont été contraints à partir. Lorsqu'ils sont partis, ils ont

  4   confirmé ce qu'il s'était passé dans leur village. Après que l'armée serbe

  5   ait soumis le village, le village a été laissé aux mains des

  6   paramilitaires. Ces paramilitaires faisaient irruption dans leurs maisons,

  7   les menaçaient de mort, les contraignaient à signer des documents qui

  8   déclaraient qu'ils quittaient de leur plein gré le territoire pour se

  9   rendre en Croatie, les dépossédaient de tous leurs objets personnels et

 10   objets de valeur et les contraignaient à partir. Pages du compte rendu

 11   d'audience 2 130, pièces 328 et 327.

 12   Vous avez également entendu la déposition de James Lubin, qui était le

 13   coordinateur chargé des affaires civiles pour la FORPRONU dans le secteur

 14   est. Il a dit qu'avant son arrivée, les non-Serbes ont été maltraités à la

 15   manière que je viens de décrire. Confer pièce P328. Il a ajouté à cela que

 16   les mauvais traitements n'ont pas été décrits de façon complète parce que

 17   dans certains cas les expulsions se sont passées tous les jours, voire

 18   toutes les heures. Lubin a témoigné en disant que certaines personnes ont

 19   été frappées physiquement et étaient en très mauvais état lorsque ces

 20   personnes ont été chassées. Il a dit que ces personnes pleuraient,

 21   tremblaient de peur et craignaient visiblement pour leurs vies. Page de

 22   compte rendu d'audience 3 196.

 23   Et, pour finir, Messieurs les Juges, vous avez entendu des éléments de

 24   preuve indiquant que certains non-Serbes d'Opatovac et d'autres villages

 25   n'ont pas pu parvenir en lieu sûr lorsqu'ils ont été chassés de leurs

 26   villages. Ils ont été envoyés à la prison militaire de Sid, dans le camp de

 27   Begejci, à la ferme de Stajicevo et à la caserne de Zrenjanin. P02993, page

 28   6; et P02992, page 9. Le Dr Mladen Loncar a dit dans sa déposition que les


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  1   femmes plus âgées, celles qui ne pouvaient plus avoir d'enfants, dans le

  2   camp de détention de Begejci, étaient originaires des villes du Srem

  3   occidental, notamment Tovarnik, Ilok, Lovas, Berak, Sarengrad et Bapska.

  4   Page du compte rendu d'audience 8 231.

  5   Messieurs les Juges, ces témoins, notamment Tomislav Rukavina, Mate Brletic

  6   et James Lubin, ont tous confirmé que les personnes d'Opatovac ont été des

  7   victimes comme décrites ci-dessus. Pages du compte rendu d'audience 2 130,

  8   3 488 et 3 196, respectivement.

  9   Les événements criminels sous-jacents commis à Opatovac relèvent de

 10   l'entreprise criminelle commune.

 11   Je souhaite maintenant aborder la question de Lovas et aborder les

 12   manquements aux arguments présentés dans le cadre de l'article 98 bis

 13   concernant cette municipalité. L'argument présenté par le conseil à propos

 14   de Lovas et des champs de mines, paragraphe 26 de l'acte d'accusation,

 15   contient des erreurs semblables à celles d'Opatovac. En outre, la Défense a

 16   contesté les liens qui existaient entre des personnes citées nommément des

 17   autorités serbes à Lovas, telles que Ljuban Devetak et le gouvernement. La

 18   Défense a également contesté le fait que l'accusé puisse être responsable

 19   de crimes qui se sont déroulés à des endroits où il n'était pas

 20   physiquement présent. Pages du compte rendu d'audience 9 010 à 9 013,

 21   compte rendu de lundi dernier.

 22   Comme l'a indiqué M. Stringer, les erreurs contenues dans les arguments

 23   juridique, et il a insisté pour vous, Messieurs les Juges, qu'il n'y a pas

 24   de conditions prérequises pour qu'un accusé ait connaissance de chaque

 25   événement en particulier, simplement que le meurtre a été commis. Et je

 26   vais concentré mes arguments sur certains éléments-clés qui démontrent la

 27   responsabilité de l'accusé pour les crimes commis à Lovas, y compris des

 28   éléments qui ont été présentés à vous, Messieurs les Juges, sur les liens


Page 9102

  1   entre les autorités de Lovas et les membres de l'entreprise criminelle

  2   commune. Ceci représente les chefs 2 à 9.

  3   Les habitants de Lovas n'étaient pas les seules personnes qui ont assisté à

  4   l'attaque qui a commencé le 10 octobre. Certaines personnes de Lovas, ce

  5   jour-là, étaient venues à Lovas après avoir fui des villages voisins qui

  6   avaient déjà été attaqués, tels que Tovarnik, Ilaca et Berak. Pages du

  7   compte rendu d'audience 1 653 à 

  8   1 654. Les schémas des crimes que je viens de mentionner dans les arguments

  9   à propos d'Opatovac sont très présents lors de l'attaque de Lovas.

 10   Messieurs les Juges, vous avez entendu des éléments de preuve sur des

 11   négociations qui ont échouées, un ultimatum, ensuite le pilonnage,

 12   notamment de sites religieux, suivi d'une attaque, notamment des meurtres,

 13   avant la prise de contrôle définitive de la ville. La prise de contrôle a

 14   occasionné des travaux forcés, des détentions illégales et des crimes

 15   supplémentaires tels que des meurtres et des tortures contre des non-

 16   Serbes. Le Témoin Zeljko Cirba a témoigné et il a dit qu'après la prise de

 17   contrôle de son village, tous les habitants du village de nationalité

 18   croate et les non-Serbes devaient se présenter pour être interrogés, et

 19   parfois ils étaient détenus pendant plusieurs jours ou plusieurs heures.

 20   Les Croates et les non-Serbes étaient obligés de porter un ruban blanc sur

 21   leur manche indiquant ainsi quelle était leur origine ethnique et ont sans

 22   cesse été emmenés pour être interrogés et maltraités par les Serbes locaux.

 23   Et ils ont dû également accomplir des travaux. Paragraphe 27, P88 [comme

 24   interprété].

 25   Les meurtres dans les champs de mines ont été commis par des membres des

 26   détachements de Valjevo de la TO de Serbie et de Dusan Silni. Dusan Silni

 27   est une unité qui était dirigée par Devetak, un membre actif dans la région

 28   du Srem occidental, et était composée d'hommes du secteur de Stara Pazova


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  1   qui soutenaient le Parti du Renouveau serbe de Jovic. Ils sont intervenus à

  2   Lovas aux côtés des membres de la TO de la JNA et des autorités civiles

  3   dirigées par Devetak. Page du compte rendu d'audience [comme interprété]

  4   02913, paragraphe 80, 7 951; et T1822 à 1 824; et P1865.

  5   Les éléments de preuve montrent que les autorités civiles serbes ont pris

  6   le contrôle de Lovas très peu de temps après l'attaque. Différents témoins

  7   ont déposé au sujet des autorités de Lovas. Le Témoin Ivan Mujic a décrit

  8   ceci de façon très claire. Il a dit que Devetak était le numéro un dans le

  9   village et que Milan Radojcic était son bras droit. Pages du compte rendu

 10   d'audience 1 703 à 1 704. Radojcic était le commandant de la TO de Lovas.

 11   P2979, P300, paragraphe 46. Le général Vasiljevic a confirmé que la JNA n'a

 12   pas du tout participé à la nomination de Ljuban Devetak. Page du compte

 13   rendu d'audience 8 180.

 14   P2979, il s'agit du procès-verbal de la réunion du 3 novembre 1991

 15   que j'ai déjà cité à Lovas. Les participants étaient les dirigeant locaux,

 16   les commandants des TO, Dusan Filipovic de l'état-major de la TO de SBSO,

 17   ainsi que des représentants du gouvernement de la police et de la JNA. Au

 18   cours de cette réunion - à la page 6 de l'anglais et la page 6 du B/C/S du

 19   P2979 - Devetak a énuméré les problèmes à Lovas et a déclaré que :

 20   "Notre gouvernement doit de façon urgente entrer en contact avec la

 21   JNA pour résoudre tous ces problèmes."

 22   Les postes occupés par Devetak et Milan Radojcic sont de surcroît

 23   expliqués dans un rapport de la JNA envoyé à la 1ère Région militaire à la

 24   date du 28 février 1991 [comme interprété]. Pièce D51. Dans ce document, à

 25   la page 4 de l'anglais et à la page 4 du B/C/S, la JNA rapporte que les

 26   réfugiés serbes de la Slavonie occidentale s'installent dans les

 27   municipalités de Mirkovci et de Vukovar. Le colonel Novica Gusic, le

 28   commandant adjoint des affaires civiles, déclare ce qui suit, et c'est une


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  1   citation :

  2   "En raison de la méfiance et de ce qui arrive aux Serbes qui sont restés en

  3   Slavonie occidentale et leurs biens, et avec le consentement tacite du

  4   gouvernement de la SAO et avec l'aide de membres éminents du gouvernement,

  5   les soi-disant coordinateurs et ministres, ils exercent une certaines

  6   pression sur les habitants de la région pour qu'ils partent de leur plein

  7   gré. Ce faisant, ils ont recours à des moyens illégaux, des menaces, et ils

  8   ont même tué certains individus. Des exemples caractéristiques d'un tel

  9   comportement sont les villages de Bapska, Lovas, Sarengrad, Mahovo,

 10   organisés par Radojcic depuis le village de Lovas, le commandant de l'état-

 11   major de la Défense territoriale de Lovas et le coordinateur de la 5e Zone

 12   de la TO qui avait laissé Ljuban Devetak, qui était même très influent sur

 13   le gouvernement de la SAO de Slavonie."

 14   Messieurs les Juges, ces documents sont censés fournir des exemples des

 15   liens entre le gouvernement, les autres membres de l'entreprise criminelle

 16   commune et les crimes commis à Lovas. Il ne s'agit pas d'une liste

 17   exhaustive. Les preuves documentaires et les dépositions de témoins

 18   montrent que les crimes commis à Lovas, notamment le meurtre sur les champs

 19   de mines, faisaient partie du plan qui visait à chasser les non-Serbes.

 20   Après l'événement des champs de mines, ceux qui ont pu partir devaient

 21   signer un document qu'ils remettaient leurs biens au gouvernement. Pages du

 22   compte rendu d'audience 1 822, 1 826, 1828. Certaines de ces personnes qui

 23   étaient placées sur ces champs de mines ont été chassées en décembre 1991.

 24   P01083, paragraphes 58 et 59. Le Témoin Ivan Mujic a dit dans sa déposition

 25   qu'au moins une personne qui a été blessée sur le champ de mines a été

 26   torturée dans une cave à Lovas en décembre 1991 avant d'être chassée par la

 27   force. P296, pages du compte rendu d'audience 

 28   1 706 à 1 707; et P292 et 287 [comme interprété].


Page 9105

  1   Messieurs les Juges, je vais maintenant parler de l'argument avancé par le

  2   conseil à propos d'Opatovac et de Lovas à propos du rôle des commandements

  3   de ville et de la déposition du Témoin expert Reynaud Theunens à la page du

  4   compte rendu d'audience T-9011 et 9 022 du compte rendu d'audience de

  5   lundi.

  6   La déposition de M. Theunens sur les commandements de ville, ainsi que

  7   celui du commandant de ville, le colonel Milorad Vojnovic, et le général

  8   Aleksandar Vasiljevic, indique clairement que la JNA n'était pas

  9   responsable des affaires civiles dans les régions mentionnées par le

 10   conseil de la Défense. Au lieu de cela, les organes des affaires civiles de

 11   la JNA coopéraient avec les autorités civiles dans le secteur, à savoir le

 12   gouvernement et ses représentants. Confer, Messieurs les Juges, la pièce

 13   P02943, pages du compte rendu d'audience 5 106 à 5 109; et la pièce P1981,

 14   paragraphes 24 et 25; et pages du compte rendu d'audience 7 956 à 7 961, et

 15   8 169 à 8 172 [comme interprété].

 16   Au cours de cette audience, l'Accusation ne va pas aborder chaque

 17   inexactitude ou représentation erronée des faits présentés par la Défense

 18   lundi. Cependant, il y a un élément important qui est celui de la

 19   caractérisation erronée de la déposition de M. Theunens. La Défense a

 20   fourni des bribes d'un échange de plus de 20 pages entre le conseil et M.

 21   Theunens et a affirmé que M. Theunens a témoigné pour dire que les

 22   autorités civiles n'avaient aucune autorité sur les affaires civiles. Cet

 23   échange commence à la page du compte rendu d'audience 4 572. En réalité, M.

 24   Theunens a dit dans sa déposition qu'il y avait des consultations et une

 25   coordination entre le commandement de la ville et les autorités de la SAO

 26   SBSO.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Clanton.

 28   Mme CLANTON : [interprétation] En outre, Messieurs les Juges, j'ai utilisé


Page 9106

  1   des exemples précis qui ont été présentés par le conseil de la Défense lors

  2   de son contre-interrogatoire de M. Theunens, où M. Theunens a déclaré --

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'espère que ce sera la dernière

  4   annonce, Madame Clanton. Veuillez poursuivre.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

  6   Je vais repartir. Ce que je disais, c'est que pendant le contre-

  7   interrogatoire de M. Theunens, en utilisant des exemples précis que le

  8   conseil de la Défense a soumis à M. Theunens, Theunens a déclaré que les

  9   documents indiquent que les autorités civiles, à savoir le gouvernement,

 10   étaient responsables en matière de questions civiles et pour la plupart des

 11   questions civiles. Pages du compte rendu d'audience 4 583 à 4 585.

 12   Messieurs les Juges, ceci met un terme à notre réponse aux arguments

 13   présentés par le conseil de la Défense lundi. Pour toutes les raisons

 14   avancées par l'Accusation aujourd'hui, la Chambre de première instance ne

 15   doit pas retenir la requête en vertu de l'article 98 bis qui cherche à

 16   obtenir un acquittement.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Clanton.

 18   Ceci met un terme à l'audience consacrée à l'article 98 bis. L'audience est

 19   levée jusqu'à nouvel ordre.

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 09.

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