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1 Le mardi 9 septembre 2014
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire et
6 autour de celui-ci.
7 Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, citer le numéro de
8 l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
10 de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
12 Les présentations, à commencer par l'Accusation, s'il vous plaît.
13 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
14 les Juges. Pour l'Accusation, Douglas Stringer; Lisa Biersay; notre commis
15 à l'affaire, Thomas Laugel, et un stagiaire, Moritz von Normann.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
17 La Défense.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour la
19 Défense de Goran Hadzic, Zoran Zivanovic, Christopher Gosnell, notre
20 stagiaire --
21 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
23 Monsieur Stringer, vous vouliez dire quelque chose.
24 M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est une
25 question d'intendance. Hier, en page 11 105 du compte rendu d'audience, la
26 Chambre a accordé une cote MFI à un document dans l'attente de la
27 traduction de note de bas de page. Ce document était le 65 ter 1939.13, et
28 le MFI était le 3252. Nous sommes maintenant en mesure d'informer la
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1 Chambre que la traduction a été terminée, il y a une révision de la
2 traduction et téléchargement au prétoire électronique, ce qui fait que nous
3 demanderions maintenant un versement au dossier.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera admis et annoté.
6 Maître Zivanovic, est-ce que votre témoin suivant est prêt ?
7 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je l'espère, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] Je me suis levée parce qu'il y a une partie
10 complémentaire dans ce prétoire. Il s'agit de M. Terzic. Et je crois que sa
11 présence devrait également être consignée au compte rendu d'audience.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, je voulais le faire une fois
13 que je me serais adressé à M. Seselj, mais ce n'est pas une mauvaise
14 suggestion que de le faire tout de suite, Madame Biersay.
15 Alors pour les besoins du compte rendu d'audience, je précise que nous
16 avons ici M. Terzic.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Terzic, est-ce que vous
19 voulez bien vous présenter. Vous êtes Milan Terzic, n'est-ce pas, vous êtes
20 conseiller juridique de M. Seselj, n'est-ce pas ?
21 M. TERZIC : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Seselj. Est-ce que
23 vous m'entendez dans une langue que vous êtes à même de comprendre ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvez-vous nous donner votre nom et
26 votre date de naissance pour les besoins du compte rendu d'audience, s'il
27 vous plaît.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vojislav Seselj. Je suis docteur
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1 ès sciences. Je suis né le 11 octobre 1954.
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Monsieur Seselj, vous allez
3 maintenant donner lecture de la déclaration solennelle par laquelle un
4 témoin s'engage de dire la vérité. Et je tiens à vous préciser que la
5 déclaration solennelle que vous allez faire vous expose à des poursuites
6 pour parjures dans le cas où vous induiriez qui que ce soit dans l'erreur
7 en témoignant de façon non conforme à la vérité devant ce Tribunal.
8 Est-ce que je peux vous demander maintenant de donner lecture de cette
9 déclaration solennelle.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : VOJISLAV SESELJ [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Seselj, avant que de
15 commencer à témoigner, bien que je crois bien que vous êtes tout à fait
16 conscient de la chose, je me dois tout de même d'attirer votre attention
17 sur l'article 90(E) du Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal.
18 En vertu de cet article, vous pouvez faire objection pour ce qui est de
19 répondre à une question posée par la Défense, l'Accusation, et même par les
20 Juges, si vous estimez que cette réponse est susceptible de vous
21 incriminer.
22 Dans ce contexte, "incriminer" signifie dire quelque chose qui
23 correspondrait à une reconnaissance de responsabilité ou de culpabilité
24 pour un délit au pénal ou dire encore quelque chose qui pourrait fournir un
25 élément de preuve pour abonder dans le sens d'une allégation au terme de
26 laquelle vous auriez commis un délit au pénal. Mais si vous estimez que
27 votre réponse est susceptible de vous incriminer et, qu'en conséquence,
28 vous refuseriez de répondre à la question, ce Tribunal a quand même
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1 l'autorité de vous y contraindre, de contraindre à répondre à la question,
2 mais dans ce type de situation, le Tribunal s'assurera du fait que ce
3 témoignage fourni par vous sous la contrainte ne puisse pas être utilisé à
4 votre encontre, et ce, même dans une autre affaire qui pourrait être
5 diligentée contre vous pour tout délit, si ce n'est, exception faite, du
6 délit de faux témoignage.
7 Est-ce que vous -- enfin, si répondre à une question aurait des risques
8 d'auto-incrimination, la Chambre vous a assuré les services d'un conseil
9 juridique, M. Milan Terzic, ici présent, à qui je tiens de dire bienvenue
10 dans ce prétoire.
11 Maître Zivanovic, le témoin est à vous.
12 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges, Monsieur le
13 Président.
14 Interrogatoire principal par M. Zivanovic :
15 Q. [interprétation] Monsieur Seselj, nous avons déjà fait connaissance. Je
16 vais me présenter pour les besoins du compte rendu d'audience. Je m'appelle
17 Zoran Zivanovic. Je suis le conseil de la Défense de Goran Hadzic dans ce
18 procès.
19 Je vais d'abord vous demander de nous dire quelles sont les écoles que vous
20 avez faites.
21 R. J'ai fait une école primaire et un lycée, une faculté, enfin des études
22 à la faculté de droit, des études de troisième cycle, et j'ai d'abord été
23 maître ès conférence, et ensuite docteur ès science.
24 Q. Veuillez nous indiquer où est-ce que vous avez travaillé jusqu'à
25 présent ?
26 R. J'ai d'abord travaillé à la faculté des sciences politiques à Sarajevo.
27 J'ai été chargé de conférence dans la matière des relations
28 internationales, mais comme j'ai été exclu de la Ligue des Communistes, et
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1 déclaré non approprié comme enseignant avec les étudiants, j'ai été éloigné
2 de la chaire, et j'ai été transféré vers un institut chargé des recherches
3 sociales, et j'avais pour titre, assistant scientifique, ce qui correspond
4 au titre de maître conférence.
5 En 1981, j'ai été à Pristina comme enseignant à la faculté de droit,
6 et en 1999, j'ai été nommé professeur à titre permanent à la faculté de
7 droit de Belgrade, suite à quoi le régime mafieux de Zoran Djindjic, de ce
8 traître de Zoran Djindjic, m'a éloigné après un putsch de mafieux le 5
9 octobre 2000.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Zivanovic, un petit instant.
11 Monsieur Seselj, puis-je vous demander de faire une petite pause entre la
12 question qui vous a été posée et votre réponse parce que c'est le laps de
13 temps nécessaire aux interprètes pour ce qui est de terminer d'interpréter
14 la question qui vous a été posée. Merci.
15 Maître Zivanovic, à vous.
16 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
17 Q. J'ai remarqué une petite erreur au compte rendu d'audience. Au tout
18 début, vous avez dit que vous étiez à la faculté de droit de Sarajevo.
19 R. Non, j'ai été à la faculté des sciences politiques. J'ai fait des
20 études à la faculté de droit de Sarajevo, mais j'ai d'abord été assistant,
21 puis ensuite j'ai été chargé de conférence à la faculté des sciences
22 politiques.
23 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire votre carrière politique, je vous
24 prie.
25 R. Après avoir été expulsé du parti qui était le seul parti au pouvoir à
26 l'époque, c'était en 1981, je me suis édifié comme étant -- enfin, j'ai
27 édifié ma personnalité comme étant un dissident anticommuniste. Ça a duré
28 jusqu'à l'an 1984, date à laquelle on m'a mis aux arrêts, et ce, pour un
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1 texte que je n'avais même pas fait publié, une étude qui était intitulée
2 "Que faire", j'ai été condamné à huit années de prison dans un procès qui
3 est devenu fameux à Sarajevo. La cour suprême a réduit la peine à quatre
4 années d'emprisonnement, et la cour fédérale à un an et huit mois, ce que
5 j'ai fait comme prison. J'ai d'abord été condamné pour mise en péril de
6 l'ordre sociopolitique et, par la suite, le jugement a été requalifié pour
7 être qualifié de propagande hostile au pays.
8 Q. Je vais vous demander de répéter une fois de plus. A quelle peine vous
9 avez été condamné par cette cour fédérale ?
10 R. La cour fédérale en 1986 a réduit ma peine à un an et dix mois, et
11 c'est la peine que j'ai purgée en prison.
12 Q. Vous nous avez dit que vous étiez devenu un dissident anticommuniste.
13 Est-ce que vous pouvez nous décrire les circonstances dans lesquelles ça
14 s'est passé et comment se présentait la situation à l'époque dans le pays,
15 et qu'est-ce qui vous a dirigé dans ce sens-là ?
16 R. C'était encore un régime de dictature titoiste et communiste non
17 dissimulé, où l'on poursuivait les libres-penseurs, où il n'y avait pas de
18 liberté de la presse et il n'y avait pas de système politique
19 parlementaire. Il n'y avait pas de possibilité de créer des partis
20 politiques. Et, qui plus est, il n'y a même pas pu y avoir de libres
21 associations de citoyens. On a poursuivi, par conséquent, toute personne
22 qui s'opposait à ce régime, qui était idéologiquement sur des positions
23 différentes, toute personne qui dirait, ne serait-ce qu'une parole ou un
24 mot contre un régime de ce genre.
25 Q. Est-ce que vous pouvez brièvement nous dire si avant votre arrivée ici
26 au Tribunal, vous avez été condamné et, si oui, pourquoi ?
27 R. On m'a condamné plusieurs fois mais je n'ai jamais été condamné pour
28 des délits déshonorables. Quand je dis cela, j'entends par là que j'ai été
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1 condamné pour des raisons politiques. La première fois, c'était à Sarajevo
2 en raison d'un manuscrit non publié que la police se prête à confisquer
3 dans un train; ensuite, du temps du régime de Milosevic en Serbie, on m'a
4 condamné quatre fois au total avant que Milosevic ne vienne au pouvoir. En
5 1984, j'ai été arrêté dans le cadre d'un groupe qui avait assisté à une
6 conférence Milan Djilas à la libre Université de Belgrade, illégalement
7 organisée à Belgrade. Et la police a fait irruption et nous a tous arrêtés.
8 Trois jours après, on nous a relâchés, et là, je n'ai pas été condamné. Le
9 régime à Milosevic --
10 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Je vous demande de parler un peu plus
11 lentement pour que les choses soient bien consignées de façon exacte au
12 compte rendu d'audience.
13 R. Je vais m'efforcer, bien que je me sois déjà efforcé.
14 Le régime de Milosevic m'a mis aux arrêts et condamné quatre ou cinq fois.
15 Les deux premières fois -- la première fois, ça été en septembre 1990 pour
16 avoir organisé la signature d'une pétition afin que le mausolée de Josip
17 Broz Tito soit déménagé hors de Belgrade et en raison de l'inscription de
18 volontaires pour un départ de Knin aux fins de défendre la Krajina de
19 Serbie. Là, j'ai été condamné à 15 jours. Ensuite, en raison de
20 l'organisation de certains meetings politiques que la police a mis en
21 débandade, d'abord on m'a condamné à 20 jours, puis à 25 jours, et j'ai
22 purgé ces deux peines d'un coup. Mon parti a été déclaré hors-la-loi. Je ne
23 dirais pas proclamé illégal, mais le régime a refusé de l'enregistrer, ce
24 qui fait qu'un groupe de citoyens, mes collaborateurs les plus proches, a
25 déposé ma candidature pour les fonctions de président de la république, et
26 c'est la raison pour laquelle, une fois que je suis devenu candidat
27 officiel, le régime m'a libéré de prison.
28 Et on a transformé les peines purgées comme peine de simples polices. Donc,
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1 j'ai été jugé pour des simples délits de police, cela relève des autorités
2 exécutives. En 1984, j'ai été mis aux arrêts du fait d'un incident au
3 parlement fédéral dont je n'avais pas assumé la responsabilité, mais le
4 président du parlement. Et partant de faux témoignages, en simple police
5 une fois de plus, j'ai été condamné à un mois de prison.
6 J'ai été député fédéral et vous savez, dans un monde civilisé, le pouvoir
7 exécutif n'a pas le droit de sanctionner les membres qui font partie de
8 l'autorité législative. Donc, un tribunal de simple police ne peut en
9 aucune façon juger un député, un membre du parlement. Il n'y a que les
10 tribunaux réguliers qui peuvent le faire. Mais à l'époque, on a enfreint,
11 on a piétiné cette règle.
12 Et, par la suite, j'ai été condamné alors que je purgeais déjà ma peine de
13 prison, j'ai été condamné à trois mois de prison, qui avaient auparavant
14 fait l'objet d'un sursis, qui a été supprimé, et ce, en raison d'un
15 incident à l'intérieur du parlement fédéral, où les effectifs de sécurité
16 du parlement avaient essayé d'expulser de la salle un membre du Parti
17 radical serbe et, nous autres, nous nous sommes tous opposés à ce fait. Et
18 comme je faisais partie du reste et comme j'étais l'homme numéro un parmi
19 les autres, j'ai été le seul avoir été condamné. Et, en tout et pour tout,
20 j'ai fait quatre mois de prison.
21 La fois passée, la dernière fois, on m'a arrêté début juin 1994 à Gnjline,
22 où la police a interdit un rassemblement politique organisé par le Parti
23 radical serbe, sans qu'il y ait de fondement juridique à cela. Puis, on a
24 fait une mise en scène d'un incident. Un policier s'était habillé en civil,
25 il a occasionné un incident, et c'est la raison pour laquelle une unité
26 spéciale de la police a arrêté toutes les personnes présentes. Et là, j'ai
27 été condamné en simple police à deux mois de prison. J'ai purgé cette peine
28 à Gnjline, ça se trouve sur le territoire du Kosovo serbe.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, un instant, s'il
2 vous plaît. En page 7, ligne 2, on fait état d'une année, en début de la
3 ligne 12. Et dans la phrase suivante, on parle de délits mineurs, et ce, de
4 simple police, qui étaient jugés par une branche appartenant à l'exécutif,
5 au gouvernement. Et : "J'ai été ensuite arrêté suite à un incident au
6 parlement fédéral."
7 Quelle était cette année, Monsieur Seselj ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] 1994.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, c'est ce que je pense avoir
10 entendu. Or, le compte rendu a consigné 1984, et cela devait être corrigé.
11 Veuillez continuer, Maître Zivanovic.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1984, c'est à Sarajevo que j'ai été
13 condamné à huit ans de prison.
14 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
15 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire au sujet du procès qui est diligenté
16 contre vous devant ce Tribunal, pouvez-vous nous dire pourquoi est-ce que
17 vous êtes poursuivi par ce Tribunal-ci ?
18 R. Eh bien, ce Tribunal-ci a diligenté un procès dû à de fausses
19 accusations. Ça dure 12 ans. De toutes les façons possibles et imaginables,
20 on s'est efforcés de me condamner, mais ils ne sont pas à même de le faire.
21 Et je m'attends prochainement à un jugement d'acquittement et à une
22 compensation à titre de dommages non- matériels, à concurrence de 12
23 millions d'euros. J'ai été mis en accusation pour crimes de guerre et je
24 n'avais rien eu à voir avec. On m'a condamné en raison de choses inventées
25 de toutes pièces par de faux témoins qui ont été instruits pour que je sois
26 mis en accusation.
27 Et les Juges de la Chambre n'ont pas de fondement pour ce qui est d'une
28 condamnation. Ça fait 12 ans que j'attends. On ne peut pas me laisser
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1 partir à Belgrade parce que je suis un homme dangereux pour ces autorités
2 traîtres à Belgrade et ils ne peuvent pas me condamner parce qu'ils n'ont
3 pas pourquoi me condamner. Donc, je suis là en attente. Et c'est la
4 première fois que je me retrouve dans un prétoire du Tribunal de La Haye au
5 bout de deux ans. Dans un monde civilisé, ça ne se produit nulle part, ce
6 genre de choses.
7 Et ensuite, ici, au Tribunal de La Haye, j'ai été condamné à trois reprises
8 pour un délit au pénal inventé de toutes pièces, qui est outrage au
9 tribunal. Dans un monde civilisé, une fois de plus, ce type de peine fait
10 l'objet de peines pécuniaires ou de peines disciplinaires au cours du
11 procès. Mais dans un monde civilisé, jamais il ne s'est passé ou il n'est
12 jamais arrivé qu'un accusé mis en accusation pour les pires des délits au
13 pénal, au cours du procès, se voient à trois reprises mis en accusation
14 pour outrage au tribunal. Ça n'a pu arriver qu'au Tribunal de La Haye, ce
15 genre de choses.
16 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, je vous prie, comment se fait-il que
17 vous vous soyez trouvé dans l'Unité de détention du Tribunal de La Haye ?
18 R. Le 24 février 2003, j'ai pris l'avion de la ligne aérienne normale
19 entre Belgrade et les Pays-Bas. Je suis arrivé à La Haye, j'ai payé mon
20 billet d'avion moi-même, et j'avais envisagé d'accomplir une tâche avec la
21 reine néerlandaise. Lorsque l'avion a atterri, la police hollandaise a
22 insisté pour que je sois le premier à quitter l'avion.
23 Je suis sorti en m'attendant à un accueil avec des honneurs, et la police
24 m'a amené de l'avion jusqu'à la piste de l'aéroport. Je m'étais dit qu'à
25 [inaudible], on allait organiser une haie d'hommes à titre de cérémonie
26 officielle, mais ils m'ont mis dans une voiture de la police et ils m'ont
27 conduit jusqu'à Scheveningen, et depuis qu'on m'a amené dans cette prison à
28 Scheveningen, on ne m'a plus relâché. Ils avaient voulu me relâcher, mais
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1 ils voulaient que j'aille à Belgrade pour être à domicile en garde à vue.
2 Et j'étais censé, donc, passer 12 ans ici puis encore quelques années là-
3 bas, à la maison, en garde à vue et ne jamais être condamné. C'était cela
4 l'intention, on m'envoie d'ici là-bas, je ne suis plus à La Haye, le régime
5 là-bas doit me garder assigné à résidence, et on s'attendrait à ce que je
6 sois assigné à résidence jusqu'à ma mort. J'ai deviné ce qu'ils voulaient
7 et j'ai refusé, j'ai refusé d'y aller sous quelle que limitation que ce
8 soit.
9 Q. Lorsque cette fois-là, le 24 février 2003, vous êtes arrivé ici à La
10 Haye, est-ce que vous saviez qu'il y avait eu un acte d'accusation à votre
11 encontre ?
12 R. Oui, j'ai appris qu'il y avait un eu un acte d'accusation avant
13 que cela n'ait été divulgué au public. Je l'ai appris le 25 janvier, et
14 cela m'a été dit par un homme à moi qui travaillait au bureau du Procureur
15 de La Haye et me fournissait des informations à cet effet, ce qui fait que
16 j'ai tout de suite tenu une conférence de presse et j'ai rendu la chose
17 publique. Et l'acte d'accusation a été déballé rien que 20 jours plus tard.
18 Et lorsque les journalistes, après ma conférence de presse, ont
19 officiellement posé la question aux représentants du Tribunal de La Haye
20 pour demander si c'était vrai, à savoir qu'il y avait un acte d'accusation
21 de dressé à mon encontre, ils ont obtenu des réponses indéfinies : "On ne
22 sait pas, on ne sait encore rien", et cetera, et ainsi de suite. Donc, j'ai
23 été, moi, informé presque 20 jours avant que le bureau du Procureur ne
24 l'ait rendu public à titre officiel.
25 Q. Est-ce que vous avez déposé dans d'autres affaires auprès du TPIY
26 jusqu'à ce jour ?
27 R. J'ai déposé dans l'affaire contre Slobodan Milosevic pendant 14 jours
28 et puis j'ai déposé dans l'affaire Karadzic. Je crois que cela a duré deux
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1 jours, si ma mémoire est bonne.
2 Q. Aujourd'hui, vous avez déclaré notamment que vous étiez membre d'un
3 parti qui n'était pas illégal mais que le régime avait refusé de
4 reconnaître. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était le nom de ce
5 parti ?
6 R. Le nom de ce parti était le Mouvement chetnik serbe. Notre premier nom,
7 en janvier 1990, était Mouvement de libération ou de liberté serbe.
8 Ensuite, lorsque Vuk Draskovic a été exclu du Renouveau serbe, nous nous
9 sommes unis en un parti qui s'est appelé le Mouvement de Renouveau serbe.
10 Draskovic a été limogé de son poste en qualité de président, mais il n'a
11 pas reconnu ce fait. Il a rassemblé ses partisans et il a agi comme s'il
12 s'agissait du Mouvement de Renouveau serbe, mais cela a duré environ un
13 mois, presque un mois.
14 Il y a donc eu deux partis qui portaient le même nom, mais
15 l'inscription des partis politiques n'avait pas encore commencé à l'époque,
16 et nous nous étions dits qu'il était inutile de concentrer tous nos efforts
17 et notre énergie sur cette compétition avec Draskovic, pour savoir quel
18 parti était le vrai, celui d'origine. Le régime avait refusé d'enregistrer
19 le mouvement, particulièrement parce que Draskovic était soutenu par le
20 régime à l'époque et par les médias qui étaient gérés par le régime.
21 Donc, nous avons décidé de changer le nom du parti en Mouvement
22 chetnik serbe. Le régime communiste de l'époque avait beaucoup de préjugé
23 contre le Mouvement chetnik, et cela découlait de la Deuxième Guerre
24 mondiale, mais c'était un mouvement de libération tout de même. Draza
25 Mihajlovic était à sa tête. Donc c'était le premier mouvement antifasciste.
26 Ensuite, lorsque Hitler a commencé ses activités, ce parti-là a agi depuis
27 Londres.
28 Et, à cause de cela, le régime communiste de l'époque a refusé
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1 d'enregistrer ce Mouvement chetnik serbe. Mais nous avons continué à être
2 actif en tant que parti non officiel, nous avions plusieurs membres et
3 partisans. Et, puis en février 1991, nous avons rejoint la plupart des
4 conseils municipaux du Parti radical national pour former le Parti radical
5 serbe.
6 Ce Parti radical serbe est devenu l'un des plus grands partis
7 politiques en Serbie. Malheureusement, nous avons été vicieusement attaqués
8 par les services de renseignements occidentaux, et au sein du Parti radical
9 serbe, il y a eu une nouvelle aile de formée, un parti progressiste a été
10 créé, qui a été financièrement et politiquement soutenu par le régime qui
11 avait été affaibli par le Parti radical serbe, dans une certaine mesure.
12 Et aujourd'hui, nous ne sommes plus représentés au parlement. Mai
13 j'espère que lorsque je retournerai à Belgrade, une fois que j'aurai été
14 acquitté devant ce Tribunal, j'espère que le parti renaîtra de ses cendres
15 et sera l'un des plus importants du parti du pays.
16 Q. Je pense qu'il y a eu une omission dans le compte rendu. Vous avez
17 parlé de Drazan Mihaljlovic, et puis vous avez parlé de Londres, mais je
18 pense que tout n'a pas été consigné. Dans quel contexte avez-vous parlé de
19 Londres ?
20 R. Le colonel Draza Mihajlovic a commencé un soulèvement contre les
21 occupants allemands en Serbie en mai 1941 en formant le Mouvement chetnik
22 serbe et en lançant les premières attaques contre les Allemands. L'un de
23 mes proches, Veselin Misita, était l'un des commandants de Draza, et il a
24 libéré le 31 août 1941 la ville de Loznica. Il a libéré des Allemands. Ça a
25 été la première grande victoire alliée sur les Allemands sur la totalité du
26 territoire occupé en Europe.
27 Bien sûr, les Communistes, le même jour ont tué le lieutenant-colonel
28 Misita. Et, pour ce qui est de Draza Mihajlovic, dès qu'il a commencé à
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1 lutter contre les Allemands, il a été reconnu par le gouvernement
2 yougoslave exilé qui avait son siège à Londres à l'époque. On l'a promu au
3 rang de général de l'armée, on l'a nommé ministre de la Défense et, en
4 fait, ça été l'un des commandants principaux de la coalition anti-Hitler.
5 Mais à cause des différents tours que Churchill a joué et à cause des
6 accords qu'il avait passés avec Stalin, les alliés occidentaux ont retiré
7 leur soutien à Draza Mihajlovic en 1943 et ont commencé à aider les
8 Communistes ouvertement. Donc la trahison de Churchill vis-à-vis de Draza
9 Mihajlovic nous a mis dans une situation où nous avons dû passer 50 ans
10 sous une dictature communiste sanglante et nous n'en sommes toujours pas
11 sortis aujourd'hui.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, alors si je
13 regarde cette question d'éclaircissement que vous avez posée à M. Seselj et
14 sa réponse, j'aimerais lui donner un "avertissement" sur les mots qu'il
15 utilise. Quelles que soient les leçons à tirer de l'histoire et de
16 l'histoire serbe, n'oubliez pas que tous ses propos et ses réponses seront
17 retirés du temps qui vous avait été imparti. Vous en faites ce que vous
18 voulez.
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Je vais encore vous poser une chose s'agissant de votre dernière
21 réponse. Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement si le général
22 Mihajlovic était le dirigeant de ce mouvement, et c'est en qualité de
23 dirigeant les alliés occidentaux l'ont remercié de sa contribution à la
24 victoire dans la Deuxième Guerre mondiale ?
25 R. Le général Mihajlovic a reçu la plus haute distinction américaine, la
26 médaille d'honneur de la part du Congrès américain. Et ce n'est qu'après
27 environ 40 ans que l'ambassadeur américain à Belgrade lui a décerné cette
28 médaille, et c'est à la fille du général Mihajlovic qu'il l'a décernée.
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1 Après la guerre, les Communistes ont réussi à capturer Draza Mihajlovic. Il
2 y a eu un faux procès, il a été tué. Et à ce jour, sa tombe est inconnue,
3 sa sépulture est inconnue.
4 Q. Autre question, est-ce que vous savez si après la guerre, un grand
5 nombre de membres de ce mouvement, c'est-à-dire un grand nombre de
6 Chetniks, se sont réfugiés dans des pays occidentaux ?
7 R. Beaucoup de Chetniks ont trouvé refuge en France, en Angleterre, aux
8 Etats-Unis d'Amérique, au Canada, en Australie, et dans d'autres pays, mais
9 dans une moindre mesure. Cependant, plus de Chetniks ont été abattus par
10 les Communistes à la fin de la guerre, juste après la fin de la guerre. Il
11 y a eu des fosses communes de Chetniks qui avaient été abattus en Serbie
12 dans presque toutes les villes.
13 Même si le régime de Tadic était un régime de traîtres, ces fosses
14 communes ont été excavées, et lorsque Tomislav Nikolic et Aleksandar Vucic
15 sont arrivés au pouvoir, cette excavation a été immédiatement arrêtée et le
16 processus de la réhabilitation juridique de Draza Mihajlovic a été ralenti.
17 Tout cela conformément à l'annonce de Tomislav Nikolic selon laquelle il
18 fallait continuer la politique de Tito.
19 Q. Encore une question s'agissant de cela, et puis nous passerons à
20 un autre sujet. Est-ce que vous savez si l'un des peuples du Mouvement
21 chetnik qui ont obtenu asile dans des pays occidentaux ont été poursuivis
22 pour crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale ?
23 R. Non, jamais. Ils étaient respectés dans ces pays. Ils ont été honorés.
24 Ils ont eu le droit de former leurs propres organisations de vétérans et
25 ces organisations ont été actives jusqu'à l'extinction des mouvements
26 chetniks. Je ne sais pas s'il y en reste encore aujourd'hui. Peut-être
27 qu'ils sont tous morts depuis.
28 Q. Vous avez dit que le Parti radical serbe a été formé au bout du compte.
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1 Est-ce que vous l'avez présidé pendant toute sa vie ?
2 R. Oui, et je continue à être le président du Parti radical serbe encore
3 aujourd'hui.
4 Q. Pourriez-vous nous dire quel était le programme politique du Parti
5 radical serbe ?
6 R. Eh bien, nous prônions l'unification. Nous voulions que la Yougoslavie
7 survive, bien sûr, mais lorsque nous nous sommes rendu compte que cela
8 n'allait pas fonctionner, lorsque les Slovènes et les Croates ont commencé
9 leur soulèvement séparatiste, nous défendions la formation de la Grande
10 Serbie, qui inclurait toutes les terres serbes, ce qui veut dire la Serbie
11 d'aujourd'hui, incluant le Kosovo-Metohija, dont l'indépendance ne sera
12 jamais reconnue par nous. Et puis la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, le
13 Monténégro, Dubrovnik, la Dalmatie, Lika, Banja, Kordun, la Slavonie et la
14 Baranja.
15 Q. Et ce concept de la Grande Serbie incluait-il l'idée de nettoyage
16 ethnique, c'est-à-dire nettoyer les territoires des membres d'autres
17 groupes ethniques ou de groupes religieux ?
18 R. Absolument pas. Nous n'avons pas pensé à une nouvelle Grande Serbie.
19 L'idée de concept existait déjà depuis des centaines d'années auprès du
20 peuple serbe. Le premier qui a défini ce projet d'unification de toutes les
21 terres serbes était le despote serbe, le comte Brankovic, au moment du
22 siège de Viennes lorsque les Turcs tenaient Vienne. Il s'est adressé au
23 tzar austro-hongrois et lui a proposé que toutes les terres serbes soient
24 libérées des Turcs et qu'une Serbie soit créée, qui ferait partie de
25 l'Empire autrichien.
26 Le tzar austro-hongrois a accepté. Il a confirmé ce titre de despote à
27 Brankovic. Et il l'a adoubé comte autrichien, et il l'a aidé à mener à bien
28 ce plan. Donc, tout allait dans le bon sens au début. Il était aidé par les
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1 Serbes qui avaient commencé le soulèvement et les Serbes qui vivaient sur
2 le territoire de l'Empire autrichien.
3 Le dirigeant de l'armée autrichienne a mené les combats contre les Turcs.
4 Il a été tué au combat. Un nouveau général l'a remplacé, mais il a été
5 incapable de les battre.
6 Voilà, je vous ai dit tout cela pour vous raconter le contexte et
7 l'historique de tout cela.
8 Q. Un instant. Je vais vous demander de ralentir car nous ne pouvons pas
9 consigner vos propos totalement, vous parlez trop rapidement.
10 Alors, vous nous avez déjà parlé de l'historique de ce projet. Mais ce qui
11 m'intéresse, c'est autre chose. L'idée de la Grande Serbie, est-ce qu'elle
12 a été promue par un autre parti politique en Serbie dans les années 1990 ou
13 au cours du siècle dernier ?
14 R. Non, absolument pas. Seul le Parti radical serbe défendait ce projet,
15 qui comprenait tous les territoires que j'ai déjà mentionnés. Tous les
16 documents, que ce soit au sein du Mouvement de liberté serbe ou au sein du
17 Parti radical serbe, défendaient directement et clairement l'unité et la
18 fraternité entre les Serbes de foi orthodoxe, les Serbes de foi catholique,
19 et les Serbes de confession musulmane, ainsi que les Serbes protestants.
20 Et vous savez que sur le territoire que je vous ai mentionné, seul le serbe
21 était parlé pendant des décennies. Les Croates ont essayé de corrompre
22 cette langue en inventant de nouveaux mots, mais ils ne peuvent pas
23 modifier cette langue totalement. Les Musulmans de Bosnie parlent serbe
24 aussi. Je sais que le Tribunal de La Haye a créé ce terme "B/C/S", mais en
25 fait, c'est du serbe. Et la linguistique reconnaît la langue serbe comme
26 étant la seule.
27 Mais les Croates disent qu'ils ont leur langue. En fait, cette langue est
28 le croate de 1850, à la demande de Vuk Karadzic, il a été décidé que le
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1 serbe deviendrait également une langue officielle. C'était le fondement de
2 tout cela, où tous les catholiques serbes devaient devenir partie
3 intégrante de l'organe croate. Et cette guerre qui a eu lieu dans les
4 Balkans a été la guerre entre Serbes, les Serbes orthodoxes, les
5 catholiques, les Musulmans. Nous n'étions qu'un seul et même peuple. Et
6 beaucoup de vies ont été perdues, beaucoup de sang a coulé pour soutenir
7 l'Amérique, l'Europe occidentale, nous sommes devenus des ennemis, des
8 frères ennemis.
9 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la position du Parti
10 social serbe, le SPS, dans les années '90 ?
11 R. Le Parti socialiste serbe a hérité ses pouvoirs de la Ligue des
12 Communistes. Du jour au lendemain, le nom a changé. Ils sont devenus ce
13 nouveau parti. La Ligue des Communistes a fait une alliance avec les
14 socialistes, Parti travailliste, et est devenu le Parti socialiste. Seul le
15 nom a changé. Tout le reste a perduré. Milosevic était toujours dirigeant
16 du parti. Ils avaient toujours le pouvoir entre les mains. Et, en décembre,
17 les élections présidentielles et parlementaires ont eu lieu et ils les ont
18 gagnées. Il y a aussi eu des élections locales et ils ont fait carton plein
19 presque partout.
20 Q. En décembre de quelle année ?
21 R. 1990. Le Parti radical serbe n'a pas reçu la permission de se présenter
22 à ces élections. J'étais le candidat à la présidence au nom d'un groupe de
23 citoyens. Je n'ai pas obtenu des résultats très extraordinaires, mais je
24 suis devenu très populaire grâce à mes apparitions à la télévision. C'est
25 le seul moment où j'ai pu passer à la télévision avant les élections. Il y
26 avait eu une censure auprès des médias auparavant, mon nom ne pouvait pas
27 être mentionné, et je ne pouvais rien dire à la télévision.
28 Q. Quel était le lien entre le Parti radical serbe, d'une part, et le
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1 Parti socialiste de Serbie, d'autre part ?
2 R. Nous étions extrêmement opposés les uns aux autres. Nous étions en
3 conflit constant, en conflit constant avec le régime de Milosevic. Lorsque
4 je regardais d'autres partis d'opposition, à l'exception de Vuk Draskovic,
5 Milosevic ne faisait confiance à personne. Draskovic a été arrêté à deux
6 reprises lorsqu'il a tué ou il a fait tuer, il a fait couler le sang dans
7 les rues de Belgrade. Il n'y avait jamais eu de sang qui coulait dans nos
8 rassemblements. Moi, j'étais toujours ciblé par ce régime. On disait que
9 j'étais l'ennemi le plus sérieux, l'opposant le plus redoutable.
10 Q. Vous avez dit, entre autres, que vous aviez été arrêté à une reprise
11 parce que vous étiez chargé d'une action visant à l'inscription de
12 volontaires qui allaient être envoyés en Croatie et en Krajina.
13 R. Non, non, je n'avais pas compris votre question alors. Nous ne voulions
14 pas envoyer de volontaires en Croatie, jamais. Même si cela fait partie de
15 ma propagande, je disais souvent je vais envoyer des Chetniks pour capturer
16 Tudjman, et cetera, et cetera, mais en fait nous n'avons jamais envoyé
17 personne en Croatie. Nous avons envoyé nos volontaires exclusivement sur le
18 territoire de la Krajina serbe pour défendre le peuple serbe et pas pour
19 attaquer le peuple croate. Ces volontaires se sont simplement rendus pour
20 défendre ce qui était la Serbie. C'est tout.
21 Q. Pourriez-vous nous dire si à l'époque où vous avez réuni ces
22 volontaires, si le système étatique yougoslave fonctionnait encore en tant
23 qu'institution qui était chargée de la défense de tous les citoyens, du
24 respect de leur religion, de leur culte, et cetera. Pourriez-vous nous
25 expliquer pourquoi vous avez fait ce que vous avez fait, étant donné que la
26 police, l'armée, et d'autres institutions étaient chargées déjà de cela ?
27 R. Tudjman a repris pouvoir en Croatie et, à ce moment-là, il a expulsé
28 immédiatement ou il a retiré le peuple serbe de la constitution, même si le
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1 peuple serbe était un peuple sur un pied d'égalité avec le peuple croate en
2 Croatie, mais il a voulu les transformer en minorité nationale, donc il y a
3 eu beaucoup de confrontation. Les Croates ont commencé à poursuivre les
4 Serbes déjà en 1990. Déjà en 1990, des réfugiés serbes ont commencé à
5 arriver en Serbie. Il y a eu des heurts sur le terrain, parce que des
6 Croates voulaient désarmer de force les postes de police serbe. Plusieurs
7 Serbes ont été arrêtés, roués de coups, et beaucoup ont été tués également.
8 L'armée populaire yougoslave, qui avait l'obligation de protéger
9 l'intégrité territoriale de la souveraineté, et l'intégrité de l'Etat, tel
10 que repris dans la constitution, n'a pas pu le faire. Au début, la JNA
11 était neutre, était passive. Et les Serbes de la Krajina serbe ne pouvaient
12 rien faire.
13 Et puis, nous avons commencé nos activités depuis la Serbie de façon
14 illégale, à partir du mois d'avril 1991 jusqu'à la fin du mois d'août 1991.
15 Et ce n'est qu'au tout début du mois de septembre 1991, lorsque la JNA a
16 commencé à participer à des activités armées, que nous avons passé un
17 accord avec l'état-major général de la JNA selon lequel nos volontaires
18 seraient incorporés à des unités de la JNA.
19 Avant le 1er septembre, nous avions des formations parlementaires, nous
20 avions nos propres forces armées qui combattaient pour défendre les
21 villages serbes en Slavonie orientale et en Srem occidental. Nos
22 volontaires ont remporté une énorme victoire à Boro Selo le 2 mai 1991, à
23 ce moment-là ils ont combattu la police spéciale croate. Par exemple, nous
24 avons envoyé ces volontaires, mais nous l'avons fait à l'insu du régime de
25 Belgrade.
26 La JNA et la police serbe ont essayé de nous empêcher de le faire. Le
27 bureau du Procureur de La Haye avait à sa disposition beaucoup de
28 documents, et il les a encore, qui prouvent comment la police a réagi à nos
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1 tentatives. Cependant, étant donné que les volontaires étaient de très bons
2 combattants et étant donné que la JNA s'est rendu compte finalement qu'elle
3 était dans une situation assez délicate, elle a dû accepter de se rendre en
4 Croatie. Les Croates avaient déjà bloqué les casernes de la JNA à plusieurs
5 endroits et avaient mis en mal les vies d'officiers et leurs familles. Nous
6 sommes tout de même arrivés à un accord avec la JNA selon lequel il n'y
7 aurait plus de formations paramilitaires; en lieu de cela, nos volontaires
8 seraient envoyés sous le commandement de la JNA. En d'autres mots, avant le
9 1er septembre, j'étais le numéro un, le commandant, mais je n'étais pas le
10 commandant de facto sur le terrain. J'étais le dirigeant de ces formations
11 militaires.
12 Après cela, nous avons envoyé tous les volontaires dans ces unités de la
13 JNA, et nous n'avions plus d'unités dans la Krajina serbe. Plus en
14 Republika Srpska non plus. Nulle part.
15 Q. Veuillez me dire quand vous avez rencontré Milan Babic pour la première
16 fois ?
17 R. J'ai rencontré Milan Babic pour la première fois en 1990.
18 Q. Et quand avez-vous rencontré Milan Martic ?
19 R. En même temps que Milan Babic. Milan Babic était président de la
20 municipalité de Knin. Il était également le président de l'association des
21 municipalités de la Dalmatie du sud et de Lika, si je me souviens bien,
22 mais bon, ça n'a pas d'importance, alors que Milan Martic était chef du
23 poste de police de Knin. C'était avant la création de la Krajina serbe, qui
24 est devenue par la suite la République de la Krajina serbe.
25 Q. Savez-vous quand le Parti démocratique serbe a été créé ?
26 R. Cela a été créé au début de l'année 1990 je crois, ou peut-être avant,
27 je n'en suis pas certain. Cependant, une majorité de la population serbe
28 dans la République fédérale de Croatie d'alors n'a pas voté en faveur du
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1 Parti démocratique serbe. Ils ont voté pour un Croate, Ivica Racan, et son
2 parti, le Parti des changements démocratiques. C'était l'ancien parti de la
3 Ligue des Communistes, et ils pensaient que si Racan gagnait les élections,
4 la Croatie allait rester au sein de la Yougoslavie et que le peuple serbe
5 et le peuple croate resteraient égaux. Ils étaient contre Tudjman, et ils
6 ne souhaitaient pas soutenir le Parti national serbe.
7 Ce n'est qu'au moment où ils se sont rendu compte que tout avait été mis en
8 scène en Croatie, l'Eglise catholique s'en est mêlée, et Ivica Racan et
9 d'autres éléments pour asseoir Tudjman, ils se sont rendu compte de ce que
10 représentait le régime de Tudjman. Le peuple serbe a continué, à ce moment-
11 là s'est tourné vers le Parti démocratique serbe, et c'est à ce moment-là
12 que cela a été créé sur toutes les terres serbes, sur l'ensemble des
13 territoires habités par les Serbes.
14 Par exemple, le maire de Vukovar, Slavko Dokmanovic, a été élu en 1990 en
15 tant que candidat du Parti démocratique serbe parce qu'il pensait que
16 c'était ce parti-là qui allait garantir l'égalité, mais tout ceci n'était
17 qu'un gros mensonge.
18 Q. Savez-vous quand le Conseil national serbe a été créé ?
19 R. Le Conseil national serbe de SBSO, c'est cela que vous voulez dire ?
20 Q. Non, le Conseil national serbe de Krajina.
21 R. Cela, je ne pourrais pas vous le dire, pas de façon précise. Je sais
22 quand le Conseil national serbe en SBSO a été créé. Alors croyez-moi ou
23 non, je ne connais pas, je ne sais même pas si le Conseil national serbe en
24 SBSO a jamais existé.
25 La personne à la tête du Conseil national serbe était Koncarevic, et
26 ensuite Petrovic. Il y en avait un qui était président de l'assemblée, et
27 l'autre était président du conseil exécutif. Et cela a pu se passer début
28 de l'année 1991, le premier semestre de 1991. Ilija Koncarevic, Ilija
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1 Petrovic, je les connaissais tous deux fort bien.
2 Q. Vous souvenez-vous de votre première visite en Slavonie orientale
3 ?
4 R. Cela, c'était le 9 mars 1991. Je me souviens de la date, parce
5 que ce jour-là, Vuk Draskovic a créé le chaos, il était à la tête de partis
6 politiques et il était à l'origine d'une effusion de sang. J'étais au Srem
7 occidental et je me suis rendu dans sept villages, où j'ai tenu des
8 rassemblements politiques, Bobota, Boro Selo, Mirkovci, Sodolov [phon],
9 également. Je ne me souviens pas de tous les noms de ces villages parce par
10 la suite je me suis rendu dans un nombre important d'autres villages. Donc,
11 je ne me souviens pas des noms lors de cette visite-là.
12 Q. Vous souvenez-vous des personnes que vous avez rencontrées en 1991 ? Je
13 veux parler des dirigeants politiques en Slavonie orientale.
14 R. J'ai rencontré Ilija Koncarevic, Ilija Petkovic, et un peu plus tard,
15 Suskocanin, qui commandait la Défense territoriale de Borovo Selo. Vous
16 savez, j'ai rencontré beaucoup de gens. Je ne me souviens pas de tous ces
17 gens. Je suis un homme politique, et je rencontre des milliers des gens et
18 si je ne rencontre par certaines personnes plusieurs fois à des occasions
19 particulières, eh bien, je les perds de vue et je les oublie.
20 Q. Vous avez au cours de votre déposition parlé du fait que vos
21 volontaires étaient à Borovo Selo. Veuillez nous dire, s'il vous plaît, qui
22 souhaitait que les volontaires soient à cet endroit-là ?
23 R. C'était au mois d'avril, où, dans la première moitié du mois d'avril de
24 l'année 1991, je me suis rendu à Borovo Selo et j'ai rencontré Vuska
25 Suskocanin. C'était lui qui commandait la Défense territoriale dans ce
26 village. Et c'est lui qui m'a demandé d'envoyer des volontaires du Parti
27 radical serbe. J'ai nommé un de mes gardes du corps - il y en avait un qui
28 était déjà là, Denis Baret, qui était là de son plein gré --
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1 L'INTERPRÈTE : Le nom du garde du corps est inaudible.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] -- pour être les commandant et commandant
3 adjoint pour ces volontaires pour que les conditions soient réunies et pour
4 que leur hébergement soit organisé. Ensuite, j'ai envoyé un groupe
5 important de volontaires de Belgrade.
6 Il y avait beaucoup de tensions entre le régime de Tudjman et les habitants
7 des villages serbes. Il y avait des barrages sur les routes. Il y avait des
8 fusillades. Et à un moment donné avant le 2 mai, un accord a été conclu
9 entre les Serbes locaux et les Croates aux fins de réduire les tensions,
10 aux fins de normaliser la situation, de retirer les barrages, de façon à
11 créer un climat pacifique qui permettrait de négocier un plan politique.
12 Les Serbes pensaient que les barrages routiers allaient être enlevés. De
13 nombreux volontaires sont repartis en Serbie, il n'y a que 16 ou 17
14 volontaires qui sont restés. Il y en a un ou deux qui appartenaient au
15 Parti du Renouveau serbe et les autres appartenaient au Parti radical
16 serbe.
17 Et en sachant fort bien que les Serbes se sont détendus, sont allés
18 travailler dans les champs, c'était au début du mois de mai, et c'était
19 l'époque de l'ensemencement, c'est des choses qui se faisaient
20 manuellement, les volontaires rentraient en Serbie. Un petit groupe est
21 resté.
22 Et les Croates se sont organisés. Et ils sont montés à bord d'un autocar et
23 de voitures. Et le 2 mai, c'était vers midi, ils ont fait irruption dans
24 Borovo Selo et ont commencé à tirer avec des armes automatiques. A cette
25 occasion-là, ils ont tué une personne qui n'était pas armée, Vojislav
26 Milic, qui était un volontaire du Parti du Renouveau serbe, qui venait de
27 Valjevo. Et il était assis devant le centre culturel. Il lisait son
28 journal. Il ne portait aucune arme. Les Croates ont simplement tiré sur lui
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1 et ils l'ont tué.
2 Les autres volontaires ont été pris de court; cependant, ils se sont
3 emparés de leurs armes, ils ont riposté. Les Croates étaient pris de
4 panique. En conséquence, il y a eu de nombreuses victimes. Et 12 de leurs
5 policiers ont été tués; d'après nos informations, le nombre de morts était
6 beaucoup plus élevé. Ils n'ont jamais dénombré parmi les victimes les corps
7 des policiers qui gisaient dans les champs et ainsi que ceux des
8 mercenaires étrangers. Il s'agissait de membres de formations
9 paramilitaires. Ils jonchaient les champs de blé.
10 Q. Alors, question encore concernant votre visite. Vous souvenez-vous de
11 vous êtes rendu en Baranja ?
12 R. J'ai visité la Baranja pour la première fois en avril 1991, un ou deux
13 jours après m'être rendu à Borovo Selo. Je suis allé à Belgrade après
14 Borovo Selo, j'y ai passé quelques jours, et ensuite je suis allé dans la
15 Baranja. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais le bureau du
16 Procureur dispose de toutes ces informations. Le bureau du Procureur
17 dispose de l'ensemble du texte de mon allocution à Jagodnjak près de Bali
18 Manastir. En raison de cette allocution, le régime croate, dirigé par
19 Tudjman, m'a condamné à quatre ans d'emprisonnement par contumace et
20 lorsqu'une amnistie a été accordée, j'ai été amnistié également. Donc, la
21 peine était de quatre ans et demi.
22 Q. Y avait-il un endroit particulier où, dans les jours qui ont précédé
23 cet accord que vous avez conclu avec la JNA, y a-t-il eu un moment où les
24 volontaires ont été entraînés ?
25 R. Oui, à Prigrevica, près du Danube et de la rive du Danube, dans une
26 ferme abandonnée, nous nous sommes installés dans un endroit où les
27 volontaires ont été hébergés. Nous avons mis sur place un camp
28 d'entraînement, qui était dirigé par Jovo Ostojic. Par la suite, je l'ai
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1 proclamé voïvode, duc.
2 Ensuite, donc, nous avons créé ce centre avec l'association des Serbes de
3 Croatie. Il s'agissait de personnes qui vivaient dans différentes régions
4 de la République fédérale d'alors de Croatie, qui faisait encore partie de
5 la Yougoslavie à ce moment-là. Il s'agissait essentiellement d'officiers
6 dirigés par Dusan Pekic.
7 Et dans le courant de l'été de l'année 1991, nous nous sommes mis d'accord
8 pour dire que les volontaires de différents partis politiques n'allaient
9 pas se rendre de façon séparée sur le front. Au lieu et place de cela, nous
10 avons décidé qu'il fallait nous unir et envoyer nos volontaires en même
11 temps et de façon conjointe, de façon à ce que ces volontaires portent les
12 mêmes insignes. Nous avons donc, à ce moment-là, introduit l'insigne qui
13 porte le drapeau serbe parce que nous savions que nous devions enlever
14 l'étoile à cinq branches, qui était l'insigne d'avant, parce qu'ils
15 n'allaient pas se battre sous l'emblème ou avec l'emblème de la
16 Yougoslavie. Certains partis politiques l'ont accepté mais n'ont rien fait,
17 d'autres ont refusé, mais nous, le Parti radical, nous avons commencé à
18 envoyer des volontaires de façon importante et nous les avons, à l'origine,
19 entraînés de façon illégale à Prigrevica.
20 Pendant les premiers mois, la police n'a pas pu découvrir cela. Nos
21 volontaires ont traversé le Danube de façon illégale en habits civils et,
22 de l'autre côté, ils recevaient des uniformes ou des parties d'uniformes,
23 et ils avaient une très bonne réputation en tant que combattants au front.
24 Le peuple serbe avait beaucoup d'estime et de respect pour ces hommes-là.
25 L'armée populaire yougoslave s'est rendu compte de cela, et lorsque
26 ladite armée n'avait plus le choix, l'armée s'est tournée vers le Parti
27 radical serbe et, en août 1991, de nombreux officiers de haut rang de la
28 JNA de l'état-major général sont venus me voir dans mon bureau et nous nous
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1 sommes mis d'accord sur tout. Et à partir du 1er septembre de cette année-
2 là, nous avons commencé à envoyer des volontaires exclusivement par le
3 truchement de la JNA.
4 Nous avons même décidé de renvoyer les volontaires qui avaient déjà été
5 renvoyés en Serbie, et l'ordre a été donné que les volontaires devaient
6 rentrer en Serbie et être ensuite redéployés par le truchement de la JNA.
7 Cet accord a été parfaitement respecté, et à partir de ce moment-là il n'y
8 avait plus aucune unité que l'on pouvait appeler paramilitaire. Ils étaient
9 placés sous le commandement de l'armée de l'Etat.
10 Q. Est-ce que nous pourrions préciser un point, s'il vous plaît, parce que
11 le compte rendu d'audience ne reflète pas tout de façon précise. Vous avez
12 cité le nom de quelqu'un qui était à ce moment-là le commandant de l'état-
13 major général, me semble-t-il.
14 R. Le chef d'état-major.
15 Q. Veuillez répéter son nom, s'il vous plaît. Qu'a-t-il demandé aux
16 volontaires qui étaient déjà sur le terrain ?
17 R. C'était Ljubisa Petkovic. Et il a exigé dans une lettre dont dispose le
18 bureau du Procureur, que tous les volontaires retournent immédiatement à
19 Belgrade. Il y avait peut-être même un délai pour leur retour qui avait été
20 fixé. Il y a des volontaires qui ont refusé de repartir, un groupe de
21 Trpinje, par exemple a refusé, et cela a donné lieu à des problèmes.
22 L'adjoint de Ljubisa Petkovic s'y est rendu, c'était Zoran Rankic, ou
23 quelqu'un d'autre, je ne sais plus. Et, en tout cas, il a remis un rapport
24 sur le manque de discipline, et cetera. Nous les avons tous rassemblés,
25 nous avons imposé des mesures disciplinaires lorsque c'était nécessaire, et
26 nous les avons intégrés aux unités de la JNA. Il fallait convaincre, il
27 fallait déployer des efforts sur le plan diplomatique, et moi je les ai
28 convaincus personnellement qu'il ne s'agissait plus de l'armée communiste,
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1 c'était la seule armée que nous avions.
2 Q. Les gens qui n'avaient pas fait leur service militaire, ont-ils été
3 acceptés en tant que volontaires ?
4 R. Non. Nous n'avons admis que les hommes qui avaient plus de 18 ans, qui
5 avaient fait leur service militaire, qui avaient un casier judicaire
6 vierge, et qui ne buvaient pas ou qui ne prenaient pas de drogue. La seule
7 exception au service militaire était des femmes. Les femmes ont été
8 intégrées parce que c'étaient des infirmières, et très souvent des
9 combattants fort capables.
10 Q. Vos volontaires ont-ils jamais été envoyés dans un centre
11 d'entraînement à Tara ?
12 R. Cela devait être en 1992 ou 1993; certainement pas avant cette date. A
13 l'époque des combats pour la République de la Krajina serbe, je pense que
14 ce centre n'existait encore pas. Je crois que Laki y est allé avec un
15 groupe, mais lorsqu'il a vu que la police serbe, elle tentait d'intégrer
16 nos volontaires dans leur service d'active en tant qu'unité complémentaire,
17 ils ont abandonné.
18 Q. Alors, avez-vous pu ou saviez-vous pour quelle raison ces officiers de
19 haut rang de la JNA souhaitaient avoir parmi eux vos volontaires ?
20 R. Ils n'avaient pas de choix, en fait. La mobilisation n'avait pas
21 fonctionné. Au Monténégro, la réponse à la mobilisation était de 100 %,
22 mais en Serbie, beaucoup moins. Pourquoi ? Parce que Slobodan Milosevic et
23 son régime a essayé d'empêcher cette mobilisation, a essayé de l'entraver,
24 car il y avait encore le risque suivant, les généraux communistes pouvaient
25 encore organiser un putsch, ce qui aurait balayé Milosevic et Tudjman, et
26 donc ils ont créé leur gouvernement avec l'aide de l'Occident pour
27 préserver l'intégrité de la Yougoslavie et, en tout cas, c'est ce qu'ils
28 avaient à l'esprit.
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1 Drako Mamula le démontre très bien dans son livre qui a été publié à
2 nouveau. Et Mamula a ajouté des éléments juste avant sa mort, et moi j'ai
3 lu des extraits dans les journaux, de son livre, et il avoue qu'il avait
4 pour idée de renverser Tudjman et Milosevic en même temps. Et Milosevic
5 était au courant, et donc il ne leur a pas permis de mener à bien la
6 mobilisation générale. Mais d'un autre côté, Milosevic soutenait l'envoi
7 des volontaires, bien sûr, après notre accord avec la JNA, pas avant. Et,
8 avant cela, sa police nous a persécutés. Ils savaient que la JNA ne
9 pourrait jamais utiliser nos volontaires pour renverser le gouvernement,
10 pour organiser un putsch, un coup d'Etat, étant donné que Branko Mamula
11 dirigeait ce mouvement en faveur de la Yougoslavie, cela comprenait
12 Kadijevic, Blagoje Adzic, Aleksandar Kadijevic, Petar Simic, et de
13 nombreuses autres personnes.
14 Et les échelons supérieurs de l'armée, après la Ligue des Communistes, eh
15 bien, ces hommes-là avaient moins d'importance mais ils étaient tellement
16 convaincus de leur idéologie, qu'ils ont créé leur propre parti qui
17 comprenait des généraux, et ont demandé des officiers, des sous-officiers
18 de la JNA d'en devenir des membres. Cela s'appelait la Ligue des
19 Communistes - Mouvement pour la Yougoslavie. Et lorsque nous sommes
20 parvenus à cet accord avec la JNA, mon animosité envers ces généraux n'a
21 pas cessé. Nous avons donc envoyé nos volontaires pour défendre le peuple
22 serbe. Mais, en même temps, au sein du parlement fédéral, je parlais
23 ouvertement et de façon très véhémente contre Veljko Kadijevic et les
24 autres généraux. Et j'ai même demandé à ce qu'il soit exécuté lors de mes
25 allocutions, le cas échéant, bon vous avez toutes ces allocutions entre les
26 mains du bureau du Procureur qui en dispose.
27 Q. Lorsque vous avez parlé de ce parti de généraux, la Ligue des
28 Communistes - Mouvement pour la Yougoslavie, vous avez cité certains noms,
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1 et je crois que l'un de ces noms a été omis. Donc je vais le répéter.
2 R. Aleksandar Vasiljevic n'est pas consigné au compte rendu d'audience.
3 Q. Vous avez dit que cet accord a été conclu avec la JNA au sujet de la
4 participation de vos volontaires, les volontaires du Parti radical serbe au
5 sein de la JNA. Cet accord a-t-il vraiment été appliqué ?
6 R. Il a été mis en œuvre de façon très stricte. Mais quelle que soit la
7 haine des généraux de la JNA à notre égard, les hauts dirigeants de ce
8 parti, les généraux, ont néanmoins respecté notre accord au pied de la
9 lettre. Et nos volontaires ont reçu tout de suite l'équipement, les
10 uniformes dernier cri, et ils ont été entraînés à Bubanj Potok, la caserne
11 de la JNA, quelquefois dans d'autres casernes de la JNA. Et là, on leur a
12 remis des armes, des uniformes, et ils ont quitté Belgrade pour aller sur
13 le front. Ils recevaient également des soldes de soldats. Ces soldes
14 n'étaient pas très élevées, néanmoins ils recevaient des soldes, et leur
15 service militaire était inscrit dans leurs livrets militaires.
16 Et lorsqu'un volontaire était tué, l'armée versait une petite
17 retraite à la famille du soldat en question. L'armée s'occupait sur un plan
18 financier de l'enterrement du soldat. Et lors de l'enterrement, l'armée
19 nommait une garde d'honneur et des officiers qui portaient des baïonnettes
20 qui accompagnaient, qui portaient le cercueil. L'armée envoyait une unité
21 pour tirer depuis les canons, parce que c'était pour honorer le combattant
22 qui était tombé. Et, ensuite l'armée a également chargé des coûts médicaux
23 de l'académie médicale militaire de Belgrade.
24 Et l'armée a respecté cet accord de Milosevic également. Alors, le régime
25 de Milosevic appuyait l'envoi de volontaires. Et mêmes quelques policiers
26 professionnels du régime de Milosevic sont allés au front, y compris Badza,
27 par exemple.
28 En parlant de volontaires, je peux vous dire, en fait, pour sûr que nos
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1 volontaires, je ne vais pas aborder la question des autres volontaires, nos
2 volontaires pouvaient partir en permission et être payés, quitter leur
3 emploi et avaient même un salaire plus élevé, quelquefois, sur le front.
4 Quelques fois, ils nous remettaient des éléments et des approvisionnements
5 pour la famille et remettaient des choses pour la famille pour l'hiver.
6 Quelques fois, nous soutenions ces familles et nous leur donnions des
7 allocations. Lorsque les volontaires étaient envoyés au front, nous devions
8 soutenir à la fois les dirigeants d'armée et le régime de Milosevic.
9 Q. Alors, juste une chose. Ces volontaires qui ont été envoyés et qui
10 faisaient partie des unités de la JNA devaient répondre à qui dans le cas
11 où ils commettaient des crimes ?
12 R. Alors, ils étaient responsables devant des tribunaux militaires. Et
13 lorsqu'il y avait un danger imminent de guerre, les tribunaux militaires
14 étaient les seuls tribunaux compétents. Et même en temps de paix, les
15 tribunaux militaires étaient les seuls tribunaux compétents pouvant juger
16 des militaires de carrière ou des hommes qui faisaient leur service
17 militaire régulier. Et ces tribunaux militaires ont été abolis après l'an
18 2000.
19 Cependant, nous n'avons jamais reçu un quelconque rapport de la JNA. Un tel
20 document n'existe pas, disant que nos volontaires avaient commis des crimes
21 à quelque endroit que ce soit. Les officiers de l'armée ne tarissaient
22 d'éloges envers eux, il s'agissait de gens très courageux et de très
23 disciplinés. A chaque étape, à chaque moment, je n'ai entendu que de telles
24 éloges.
25 En 20 ans, même le bureau du Procureur n'a pas réussi à trouver un seul
26 volontaire ou n'a pu identifier un seul volontaire envoyé par moi au front
27 qui aurait commis un crime, un délit. Cela n'existe tout simplement pas.
28 Q. Encore une chose. Alors, vos volontaires combattaient en arborant quel
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1 insigne ? Parce que la JNA arborait pendant un certain temps l'étoile à
2 cinq branches.
3 R. Alors, à un moment donné - je ne me souviens pas exactement quand - la
4 JNA a renoncé à l'étoile à cinq branches et a introduit un nouvel insigne
5 avec le drapeau yougoslave. Mais après notre accord avec la JNA, nous nous
6 sommes mis d'accord également pour dire que nous n'allions pas insister sur
7 l'étoile à cinq branches. Et n'avons pas dit que nos volontaires
8 préféreraient mourir plutôt que d'arborer l'étoile à cinq branches rouge
9 des Communistes. Et on s'est mis d'accord. Et la JNA s'est mise d'accord
10 pour dire que nos volontaires allaient arborer la cocarde chetnik sur leurs
11 couvre-chefs. Et lorsqu'ils le recevaient, en fait, cet insigne avec une
12 étoile à cinq branches, ils allaient l'enlever et la remplacer par notre
13 blason. Et de la même manière, nos volontaires ont cessé d'accuser et de
14 critiquer les officiers qui arboraient l'étoile à cinq branches et parce
15 qu'ils les appelaient des cocos, et cetera et des traîtres. Donc, nous
16 avons mis tous nos désaccords de côté et nous nous sommes unis pour
17 défendre le peuple serbe.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois qu'il
19 convient de faire la pause.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zivanovic.
21 Nous allons avoir notre première pause, pause de 30 minutes, et nous
22 reviendrons à 11 heures. L'audience est levée.
23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
24 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, veuillez continuer.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur Seselj, avant la pause, nous étions en train de parler du
28 remplacement de l'étoile à cinq branches par un drapeau tricolore sur les
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1 uniformes de la JNA. Je vais vous montrer un document ou plutôt un article
2 des journaux de l'époque. Le 1D579, s'il vous plaît.
3 R. Je ne l'ai toujours pas sur mon écran.
4 Q. Ça ne va pas tarder.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Zivanovic, comme vous le
6 savez, il serait utile de nous donner l'intercalaire.
7 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, l'intercalaire est le numéro
8 4.
9 Alors, j'aimerais qu'on zoome un petit peu éventuellement, si possible,
10 l'original.
11 Q. Ici, il est question, justement, de ce nouveau symbole, ce nouvel
12 insigne, qui est censé remplacer l'étoile à cinq -- rouge. Et c'est
13 clairement indiqué dans la dernière phrase. On voit que la décision a été
14 prise par la présidence de la RSFY le 16 octobre. Etant donné que nous
15 n'avons pas mentionné jusqu'à présent cette institution, est-ce que vous
16 savez nous dire quelle était la relation qui existait entre la présidence
17 de la RSFY et la JNA ?
18 R. La présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie
19 était le commandement Suprême de l'armée populaire yougoslave. Elle
20 exerçait sa souveraineté pour la prise de ce type de décision suite à la
21 prise d'une proclamation de danger de guerre imminent. Et s'il n'y avait
22 pas eu ce danger de guerre imminent, il aurait été nécessaire d'adopter une
23 loi fédérale. Mais dans une situation de danger de guerre imminent, la
24 présidence de la RSFY avait l'autorité et les compétences nécessaires pour
25 promulguer une loi ayant force d'obligation.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demanderais un versement au dossier.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera admis au dossier et annoté.
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce D186, Messieurs les Juges.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur Seselj, vous avez parlé des volontaires envoyés par le Parti
4 radical serbe au théâtre de combat dans les rangs de la JNA, et que vous
5 nous indiquiez de façon précise sous le commandement de qui ces volontaires
6 se sont trouvés là-bas ?
7 R. Ils étaient placés sous le commandement des commandants de ces unités
8 dans les rangs desquels ils sont allés se battre. Par exemple, à Vukovar,
9 dans le Groupe opérationnel sud, ils faisaient partie de la Brigade
10 motorisée de la Garde; dans le Groupe opérationnel nord, ils faisaient
11 partie du Corps de Novi Sad, donc c'était selon les endroits où ils étaient
12 envoyés. En Slavonie occidentale, ils ont été placés sous le commandement
13 d'un colonel d'active. Il s'appelait Trbojevic, cet homme. Il était
14 commandant de la Défense territoriale de la Slavonie occidentale. Voilà.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Zivanovic, un instant, je
16 vous prie.
17 Monsieur Seselj, puis-je vous demander une fois de plus de faire une pause
18 entre la question posée par M. Zivanovic et le début de votre réponse. Ça
19 peut être utile de compter jusqu'à dix avant de commencer à répondre parce
20 que ça fournira aux interprètes la possibilité de terminer leur
21 interprétation. Si ce n'est pas le cas, une partie de votre réponse sera
22 perdue. Merci.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'efforce véritablement, je vous le dis de
24 façon sincère, je m'efforce de faire des pauses et de parler le plus
25 lentement possible, mais des fois j'oublie, et c'est peut-être un signe de
26 vieillesse que d'oublier.
27 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
28 Q. Est-ce que cela signifie que les volontaires envoyés par le Parti
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1 radical serbe étaient en fait sous le commandement d'officiers d'active de
2 l'armée populaire yougoslave ?
3 R. Oui. A compter du 1er septembre et au-delà, ils n'ont été que sous le
4 commandement des officiers d'active de la JNA.
5 Q. Est-ce que cela a duré pendant toute la durée de leur séjour au champ
6 de bataille, c'est-à-dire pour ce qui est des périodes qui ont été
7 inscrites dans leurs livrets militaires respectivement ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous savez nous dire si l'un quelconque des hauts gradés
10 dans l'armée avait précisé que les volontaires du Parti radical serbe se
11 trouvaient sous son commandement ?
12 R. C'est le bureau du Procureur de La Haye qui m'a fourni un document
13 officiel montrant que le commandant de la 1ère Région militaire, le général
14 Zivota Panic, a fait une déclaration disant que les volontaires du Parti
15 radical serbe faisaient partie des effectifs de la JNA; c'est-à-dire qu'ils
16 étaient placés sous leur commandement. Je l'ai reçu, ce document. Je ne
17 l'ai pas sous la main en ce moment.
18 Q. On va le voir, justement.
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il s'agit du P2715, intercalaire 2. Il
20 s'agit de la page 25 en version anglaise. L'original, c'est la page 26, et
21 ça déborde un peu sur la page 27. Si on peut nous montrer ou zoomer la
22 partie inférieure de l'original, je crois que c'est justement dans cette
23 partie de la page que ça se trouve.
24 Q. Est-ce que vous êtes à même de voir cette partie où on parle --
25 R. Je ne sais pas de quel document il s'agit ici. C'est peut-être la
26 déclaration de Panic. Je vois dans la version anglaise le nom de "Panic".
27 On le voit un peu dans la version serbe.
28 Q. Est-ce qu'on peut déplacer un peu l'original vers la droite de l'écran,
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1 et vous allez voir l'abréviation. Voilà.
2 R. Oui. Il s'agit probablement d'une interview effectuée par l'Accusation
3 avec le général Zivota Panic. Enfin, je le suppose, compte tenu de la forme
4 du texte ici.
5 Q. Il s'agit d'une interview accordée aux médias étrangers, mais nous
6 allons nous pencher sur la teneur de ce qui est dit.
7 Et je vous renvoie vers le bas de la page en langue serbe. Il est dit ici
8 que : "Ces volontaires étaient les Tigres d'Arkan et les Chetniks de
9 Seselj. Ce n'étaient pas de gros groupes." Et je vous prie de nous montrer
10 la page suivante, s'il vous plaît. Il est dit, donc : "Toutefois, tous ces
11 effectifs-là, je les ai placés sous mon commandement et ils ont accompli
12 les missions confiées à l'unité dans laquelle ils se trouvaient."
13 Est-ce que ce sont des propos tenus par le général Panic ici et est-ce que
14 c'est vrai ?
15 R. C'est tout à fait vrai. Et je préciserai, qui plus est, que nous avons
16 eu des volontaires qui ont été envoyés par formations de 100 ou 120 hommes,
17 donc ça correspondait aux effectifs d'une compagnie. Ces volontaires
18 avaient à leur tête l'un d'entre eux qui avait fait ses preuves au combat
19 déjà, qui avait montré qu'il était apte à combattre. Nous n'avions pas
20 constitué de formations plus grandes parce que pour des formations plus
21 grandes, il était indispensable d'avoir des officiers scolarisés à cette
22 fin. Donc, nos volontaires qui se trouvaient là-bas étaient à même de
23 commander des effectifs qui étaient de la taille d'une compagnie au plus.
24 Q. Est-ce que vous pouvez, je vous prie, nous dire si les volontaires du
25 Parti radical serbe avaient participé aux opérations de Vukovar en 1991 ?
26 R. Oui, de façon très active, ils ont de gros mérites pour la libération
27 de Vukovar. Ils ont participé aussi dans les effectifs du Groupe
28 opérationnel sud et du Groupe opérationnel nord.
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1 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire une chose encore au sujet de ces
2 volontaires du Parti radical serbe qui ont été dans le Groupe opérationnel
3 sud ? Dans quelle unité ont-ils été au final affectés ?
4 R. Suite à ordre du commandant de la Brigade motorisée de la Garde,
5 colonel Mile Mrksic, qui est devenu par la suite général, tous les
6 volontaires du Parti radical serbe ont été intégrés dans le détachement de
7 la Défense territoriale qui s'appelait Leva Supoderica, qui, lui, a fait
8 partie intégrante de la Brigade motorisée de la garde. Il n'y avait pas que
9 nos volontaires à nous; il y avait des volontaires d'autres partis, et des
10 volontaires qui étaient venus de leur plein gré pour se porter volontaire à
11 titre individuel. Donc, la plupart des membres de cette unité avaient été
12 envoyés par le Parti radical serbe.
13 Q. Pouvez-vous nous dire qui était le commandant de cette unité appelée
14 Leva Supoderica ?
15 R. C'était un capitaine de la réserve, un capitaine de réserve, Milan
16 Lancuzanin, surnommé Kameni.
17 Q. Est-ce qu'à l'époque c'était un membre du Parti radical serbe ?
18 R. Non. A cette époque-là, Milan Lancuzanin, Kameni, n'était pas membre du
19 Parti radical serbe. Par la suite, il en est devenu membre, oui. Il a
20 d'abord été un sympathisant puis quand il a vu nos volontaires à l'œuvre,
21 il s'est affilié au parti. Je crois que pendant les tous premiers mois de
22 l'année 1992, il est devenu membre de notre parti. Et de nos jours encore,
23 il en est membre.
24 Q. Est-ce qu'au fil des opérations de Vukovar, vous vous êtes déplacé dans
25 le secteur de Vukovar ou vers le secteur de Vukovar ?
26 R. Oui. Je suis allé des deux côtés, et je suis allé deux fois du côté
27 sud, une fois en octobre et la dernière fois, le 8 novembre. Mais j'ai fait
28 mon apparition à Borovo Selo et dans les autres parties du nord, à Trpinja.
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1 Je suis allé voir des positions avancées de Tenja, il y avait là des
2 volontaires du Parti radical serbe qui ont pris part aux combats là-bas.
3 Q. Je vais commencer par votre premier déplacement vers Vukovar. Est-ce
4 que vous pouvez nous dire combien de temps vous y êtes resté ?
5 R. Eh bien, la première fois, je suis arrivé le matin et je suis reparti
6 tard le soir. J'ai rendu visite à toutes les lignes du front, et le soir,
7 le commandant de la Brigade de la Garde, le colonel Mrksic, a organisé un
8 dîner dans son QG de Negoslavci. Je m'en souviens bien, on a mangé des
9 haricots avec des saucisses, comme le reste de l'armée. Le casque que je
10 portais était trop petit pour ma tête, je n'ai pas su bien le placer sur ma
11 tête et on a fait des blagues à mes dépens. Et le chef de l'état-major de
12 la Brigade de la Garde, le lieutenant-colonel de l'époque et général de nos
13 jours, Milorad Panic, m'a offert son casque.
14 Pourquoi je vous le dis ? Pour vous faire savoir et comprendre que ce sont
15 des choses qui me sont restées gravées dans la mémoire de façon très
16 profonde.
17 Q. Est-ce qu'à ce moment-là vous auriez rencontré des responsables
18 politiques ou des responsables des autorités civiles lorsque vous êtes allé
19 pour la première fois à Vukovar, à savoir lorsque vous avez rendu visite à
20 cette Brigade motorisée de la Garde ?
21 R. Je ne me souviens d'aucun responsable politique que j'aurais
22 éventuellement pu rencontrer. Je n'ai été en compagnie que de militaires -
23 officiers, soldats, volontaires, membres de la TO. Et lors de l'inspection
24 des premières lignes du front, il y avait un commandant à mes côtés,
25 Borivoje Trajkovic. Et il y a une photo de nous deux où on déambule dans
26 une grande rue de Vukovar, ça été repris par plusieurs journaux. Et
27 Trajkovic s'était plaint, il est devenu général au sein des effectifs de la
28 gendarmerie en Serbie, et il m'a dit que cette photo en ma compagnie lui a
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1 porté bien des torts dans la vie parce que quand nous nous sommes
2 confrontés au régime de Milosevic, ça a perturbé sa carrière militaire, qui
3 était une carrière militaire brillante, autrement dit.
4 Q. Autre chose. Est-ce qu'on peut --
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay.
6 Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Je voudrais
7 rectifier quelque chose au compte rendu. Je crois que c'est en page 36,
8 lignes 9 à 10, je crois que la réponse a été jointe à la question, ce qui
9 fait qu'on n'a pas fait la distinction. Et il faudrait séparer la réponse
10 du texte de la question au niveau de cette ligne. Je crois que la réponse
11 commence par : "Que le commandant de la Brigade motorisée de la garde a
12 donné l'ordre…" et cetera.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y a un ordre écrit du colonel Mrksic
14 qui dit que les volontaires du Parti radical serbe doivent être intégrés à
15 l'Unité de Leva Supoderica. Et le bureau du Procureur dispose du texte de
16 l'ordre en question.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Zivanovic, vous êtes
18 d'accord avec ce que Mme Biersay vient de dire ?
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec l'Accusation,
20 Monsieur le Président. La question et la réponse ont été collées l'une à
21 l'autre.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes aussi d'accord
23 avec la solution qui a été proposée ?
24 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, oui.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien, merci.
26 Continuons. On en a pris bonne note.
27 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
28 Q. Veuillez nous décrire votre deuxième déplacement vers Vukovar lors des
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1 opérations de Vukovar.
2 R. Lorsque je suis allé pour la deuxième fois à Vukovar, ça s'est passé le
3 8 novembre, j'imagine. Je n'aurais pas gardé en mémoire cette date, mais je
4 l'ai retrouvée dans les écrits de l'Accusation. Là, je suis resté deux
5 jours. J'ai passé à nuit à Vukovar. Et j'ai inspecté toutes les premières
6 lignes du front une fois de plus. Je me suis entretenu avec les
7 volontaires, avec leur comandant, M. Lancuzanin, certains officiers que
8 j'ai rencontrés sur la ligne de front.
9 Cette fois-là, je ne suis pas allé à Negoslavci, chez Mrksic, pour ne pas
10 qu'il s'imagine que je me suis invité moi-même à dîner. J'ai dormi dans la
11 maison de Mile Lancuzanin, Kameni. Et dans le courant de la nuit, un avion
12 de l'aviation agricole croate, à proximité immédiate de la maison, a jeté
13 ou a lancé un chauffe-eau plein d'explosifs. L'explosion a été très forte.
14 Ça m'avait réveillé, il y avait dans ma chambre Mico Bianic [phon], qui
15 était l'un des présidents d'une association serbe de Pristina. On s'est
16 réveillés tous les deux, il n'a pas pu se rendormir, lui et moi, je me suis
17 retourné de l'autre côté et je me suis rendormi tout de suite.
18 Le matin, je suis sorti vers 6 heures ou 7 heures du matin, assez tôt. Et
19 l'un de nos volontaires -- enfin, moi je m'étais mis torse nu et l'un des
20 volontaires m'avais versé de l'eau dans mes paumes de main pour que je me
21 lave la figure. Et il y avait Tomislav Peternek, un journaliste, un
22 photographe célèbre chez nous, qui m'a pris en photo pendant que je me
23 lavais la figure et il a publié cela dans le journal Nin, et ça a été
24 repris comme photo par d'autres journaux encore.
25 Q. Est-ce que pendant ou suite à la fin des opérations de Vukovar, à
26 savoir après le 18 novembre 1991, vous êtes allé à une fête qui aurait été
27 organisée sous une tente dans Vukovar, et où, à vos côtés, il y aurait eu
28 des officiers de la Brigade de la Garde ? Et il y aurait eu le général
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1 Adzic, le général Petar Gracanin, Mihajl Kertes, Franko Simatovic, Goran
2 Hadzic ?
3 R. Ça, c'est une invention pure et simple. A l'époque de la libération de
4 Vukovar, moi j'étais à Knin. Et le bureau du Procureur dispose aussi d'une
5 vidéo avec moi de l'époque, et le conflit que j'ai eu avec le capitaine
6 Dragan à la première ligne de Benkovac et les entretiens que j'ai eus avec
7 les volontaires à ce moment-là. Je me trouvais donc à 400 ou 500 kilomètres
8 de là.
9 Mais je suis allé à Vukovar au premier anniversaire de la libération --
10 non, au deuxième anniversaire de la libération. J'y suis allé avec mon
11 épouse, Jadranka. Et là, il y avait eu plusieurs officiers, mais il n'y
12 avait aucun des officiers que vous avez énumérés. Zivota Panic n'y était
13 pas. Je ne le connaissais d'ailleurs pas. Kadijevic, Adzic n'y étaient pas
14 non plus. Il n'y avait pas Kertes. Il n'y avait pas Franko Simatovic,
15 Frenki. Pour la première fois de ma vie, j'ai rencontré Franko Simatovic,
16 Frenki, ici dans l'Unité de détention du Tribunal de La Haye. Je ne l'ai
17 jamais rencontré auparavant, et je ne savais même pas de quoi il avait
18 l'air, cet homme.
19 Q. Est-ce que en 1991, à Vukovar, vous auriez à quelque moment que ce soit
20 rencontré Goran Hadzic ?
21 R. Non. Enfin, il a peut-être été là-bas. Moi je ne me souviens pas d'une
22 rencontre avec lui en 1991, aucune.
23 Q. Vous avez déjà répondu ou presque à la question que j'allais poser. Ma
24 question était celle -- enfin, j'avais voulu vous poser une question
25 relative aux contacts que vous auriez eus en 1991 avec lui.
26 R. Absolument aucun contact.
27 Q. Pouvez-vous nous dire si, et si oui quand, il y a eu création du Parti
28 radical serbe dans la République de la Krajina serbe ?
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1 R. Quelques mois après la guerre. Je ne saurais vous donner de date
2 exacte, mais ça a été enregistré en bonne et due forme dans la République
3 de la Krajina serbe, donc il est plutôt facile de vérifier la date. Le
4 premier président là-bas s'appelait Rade Leskovac.
5 Q. Quand vous dites "quelques mois après la guerre", de quoi parlez-vous
6 au fait ? Qu'entendez-vous ?
7 R. Après la libération de Vukovar, après la promulgation du plan Vance,
8 après la mise en œuvre de ce plan Vance. C'est là que pratiquement la
9 guerre était terminée, ensuite les Croates ont organisé plusieurs
10 agressions armées avec l'aide des Américains et se sont emparés du
11 territoire et ont occupé le territoire de la République de la Krajina
12 serbe. Mais nous, Serbes, en tant que peuple, nous ne renoncerons jamais à
13 la libération de la République de la Krajina serbe. Un jour, nos fils ou
14 nos petits-fils vont certainement libérer la République de la Krajina serbe
15 et toutes les autres terres serbes.
16 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelles avaient été les relations
17 entre le SDS dans la République de la Krajina serbe et le Parti radical
18 serbe ? Est-ce que c'étaient des partis qui étaient ensemble au pouvoir, ou
19 est-ce qu'il y avait un parti au pouvoir et un parti dans l'opposition ?
20 R. Ecoutez, en 1991, ça ne se ramenait pas les relations entre partis. Il
21 n'y a peut-être aucun contact. Mais en 1993 --
22 Q. Excusez-moi. Je n'ai peut-être pas été très précis. Je parle des
23 relations du Parti radical serbe dans la République de la Krajina serbe et
24 le SDS dans la République de la Krajina serbe. Donc, on parle de 1992 ici.
25 R. En 1992, si mes souvenirs sont bons, le Parti démocratique serbe avait
26 fait l'objet d'une scission. Il y a une aile qui s'est séparée sur le
27 territoire de la République de Croatie, a été créée par Jovan Raskovic en
28 1990. Ce parti, par la suite, s'est scindé en deux. Une aile a créé le
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1 Parti démocratique serbe de la Krajina, dont le siège se trouvait à Knin. A
2 la tête de ce Parti démocratique serbe, il y avait Ljubica Solaja. Elle est
3 passée ensuite au Parti radical serbe.
4 Comment les choses se sont passées à l'est, je ne sais pas vous le dire. Je
5 crois que le Parti démocratique de la Krajina s'est élargi sur le
6 territoire entier, et l'aile à l'est était restée avec Jovan Raskovic, mais
7 je n'en suis pas tout à fait certain.
8 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les souvenirs immédiats qui
9 vous reviennent pour ce qui est de Goran Hadzic et de la rencontre que vous
10 avez eue ?
11 R. En mai 1993, suite à une initiative du régime en Serbie, il y a eu un
12 rassemblement pan serbe qui a été organisé dans la grande salle du palais
13 des congrès Sava à Belgrade. Ce n'était peut-être pas la plus grande des
14 salles mais disons celle qui était juste après la plus grande salle. Il y
15 avait des députés fédéraux du Parlement de Serbie, du Parlement du
16 Monténégro, de la Krajina serbe et de la Republika Srpska.
17 Et étant donné que Slobodan Milosevic ne pouvait pas convaincre la
18 direction de la Republika Srpska de la nécessité d'accepter le plan Vance-
19 Owen de partage de Bosnie-Herzégovine, il a convoqué cette assemblée
20 conjointe pour mettre en minorité les autres et mettre en œuvre sa
21 politique à lui. Les partis pro-occidentaux de l'opposition en Serbie ont
22 boycotté ce rassemblement, et l'assemblée nationale de la Republika Srpska
23 ainsi que le parlement fédéral de la République fédérale de Yougoslavie,
24 sans les députés du Parti radical serbe, ne pouvaient pas assurer un
25 quorum.
26 Et lorsque lors du discours d'introduction on a proposé d'accepter le plan
27 Vance-Owen comme étant la meilleure des solutions ou la seule possible des
28 solutions à envisager, l'un des premiers intervenants à prendre la parole
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1 était Goran Hadzic qui, de façon véhémente, avait apporté son soutien à
2 l'acceptation du plan. Goran Hadzic était déjà le président de la
3 République de la Krajina serbe à ce moment-là.
4 Et comme j'ai estimé qu'il était encore trop tôt de me confronter de façon
5 décisive et déterminée avec Milosevic, j'ai pris la parole et je ne sais
6 plus quels ont été les arguments que j'ai utilisés, mais je ne me suis
7 attaqué à Goran Hadzic et, nous autres, députés du Parti radical serbe, on
8 s'est levés et nous avons quitté la session tous ensemble. Après notre
9 départ, ce rassemblement pan serbe ne pouvait plus décider de rien du tout.
10 Donc, Goran Hadzic, je l'ai utilisé comme prétexte pour procéder à des
11 tirades d'orateur pour justifier notre départ de cette session. Je vous dis
12 une fois de plus qu'il était trop tôt pour moi de m'attaquer à Slobodan
13 Milosevic, mais nos relations avaient été déjà fort tendues.
14 Q. En fait, Milosevic était favorable à cette possibilité. Il voulait
15 adopter le plan Vance-Owen.
16 R. Oui. Milosevic était favorable à cela. Le président du Monténégro,
17 Momir Bulatovic, et tous les dirigeants de la République de Yougoslavie, du
18 gouvernement fédéral de la République de Yougoslavie étaient tous
19 favorables, Goran Hadzic également. Il n'y a pas eu de vote. Je ne sais pas
20 comment les députés de la RSK auraient voté. Mais Goran Hadzic était très
21 favorable à cela. Mais nous, les radicaux serbes et les dirigeants de la
22 Republika Srpska ont empêché ce vote, ont empêché que cela n'arrive.
23 Q. Encore une chose. Quelles étaient vos relations après Goran Hadzic,
24 après cela ?
25 R. Nous n'avions pas de relation du tout. Alors, si je dois vous dire
26 qu'il y avait une relation, je dirais qu'elle était très mauvaise. En fait,
27 je l'ai souvent attaqué. Slobodan Milosevic et le Parti socialiste avaient
28 signé une déclaration disant que nous étions des criminels, mais nous
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1 l'avons attaqué.
2 Donc, je dirais que nos relations étaient très hostiles jusqu'au
3 moment où nous nous sommes rencontrés à La Haye. Et vous savez, ici,
4 quelles qu'aient été mes dissensions précédentes avec Milosevic, une fois à
5 La Haye, nous avons noué une amitié très sincère. Et quelles qu'aient été
6 mes dissensions avec Goran Hadzic, je dirais que mes relations avec lui
7 aujourd'hui sont normales. Même chose pour les autres personnes avec qui
8 j'étais en conflit auparavant. Vous savez, nous sommes dans le même bateau
9 aujourd'hui. Et, notre ennemi conjoint, notre ennemi commun aujourd'hui,
10 c'est le Tribunal de La Haye. Cela ne fait aucun doute.
11 Q. Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du crime qui a été
12 commis, des crimes qui ont été commis à Ovcara ?
13 R. Bien plus tard que les crimes, ou soit peut-être un an plus tard, peut-
14 être quelques mois plus tard, peut-être plus d'un an. Je ne sais plus
15 vraiment.
16 Mais dès que j'en ai entendu parler, j'ai appelé Milan Lancuzanin,
17 Kameni. Il ne parlait pas beaucoup. Franchement, il ne m'a pas dit grand-
18 chose. Il m'a juré qu'il n'avait pas participé à cela et qu'aucun des
19 volontaires du Parti radical serbe ne l'avait fait.
20 Après l'exhumation qui a eu lieu en 1993, si ma mémoire est bonne, on
21 a beaucoup écrit à ce propos dans la presse serbe, et les médias ont donné
22 leur version, à savoir que la Brigade de la Garde avait remis les
23 prisonniers aux autorités civiles et que c'était elle qui avait exécuté ces
24 prisonniers. Par la suite, j'ai appris que ce n'était pas cela, au
25 contraire, et je m'en suis rendu compte lorsque je suis venu ici au
26 Tribunal à La Haye.
27 Q. Vous êtes en train de nous dire, entre autres, que dans l'affaire
28 Milosevic, dans laquelle vous avez déposé, vous avez abordé la question du
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1 crime commis à Ovcara. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez
2 déclaré à l'époque ?
3 R. Je me souviens plus ou moins bien de ce que j'ai dit. Mais à l'époque,
4 je pensais vraiment que les prisonniers avaient été remis aux autorités
5 civiles, et j'étais dans cet état d'esprit-là à l'époque. Je n'avais pas de
6 contacts privilégiés avec mes conseils juridiques, avec l'équipe qui m'a
7 aidé pour ma défense.
8 Et puis, plus tard, mes enquêteurs sur le terrain ont pu dénicher la
9 vérité, qui a été corroborée par les documents à disposition du bureau du
10 Procureur. Je sais que pendant cette période-là, le général Vasiljevic se
11 trouvait aussi à Vukovar. Mais, nous nous concentrions à ce moment-là sur
12 le vol de plusieurs millions de marks allemands de la banque de Vukovar, et
13 pas sur l'exécution d'Ovcara, même si j'avais quelques réticences à ce
14 sujet également. Mais je crois que vous pouvez retrouver mes propos de
15 l'époque dans le compte rendu d'audience. Je pense que c'est plus ou moins
16 ce que j'ai dit. Je ne me souviens pas mot pour mot de ce que j'ai déclaré,
17 c'était il y a neuf ans.
18 Q. Alors, j'aimerais vous rafraîchir la mémoire en vous redonnant le
19 paragraphe en question. Il s'agit de l'intercalaire 19 du document 120805,
20 pages 61 et 62.
21 Je vais vous donner lecture du compte rendu d'audience, et vous entendrez
22 l'interprétation --
23 Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Madame Biersay.
25 Mme BIERSAY : [interprétation] Je ne comprends pas vraiment où mon confrère
26 veut en venir. Je pense qu'il a demandé à M. Seselj ce qu'il se souvenait
27 de sa déposition, donc je ne vois pas quel est l'objectif de montrer cette
28 page à présent.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'aimerais rappeler au témoin ce qu'il a
3 déclaré lors de sa déposition dans l'affaire Milosevic. Je pense qu'il
4 s'agit là d'une pratique légitime.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends plus l'interprétation.
6 Je n'ai pas entendu l'intervention de Mme Biersay. Je suis sûr que son
7 commentaire était très à propos, elle est tombe toujours à point nommée,
8 mais je n'ai pas compris ce qu'elle a dit, et je crois que je suis en droit
9 de savoir.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur Seselj, vous
11 devriez recevoir l'interprétation de tout ce qui est dit dans le prétoire.
12 Est-ce que vous entendez l'interprétation de ce je suis en train de vous
13 dire ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'entends à présent.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, pourriez-vous répéter
16 votre objection ou votre intervention.
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Je disais qu'il n'y avait d'indication
18 montrant que M. Seselj ne se souvenait pas de ses propos. En conséquence,
19 il n'est pas nécessaire de lui montrer les pages du compte rendu y
20 afférentes.
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Si ma mémoire est bonne, M. Seselj a
22 déclaré qu'il ne se souvenait pas exactement de ce qu'il avait déclaré,
23 qu'il s'en souvenait dans les grandes lignes.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. Pour rependre ces mots, je crois
25 qu'il a dit qu'il ne se souvenait pas "mot à mot" de ce qu'il avait
26 déclaré.
27 Essayez de rafraîchir la mémoire de M. Seselj sans lui montrer le compte
28 rendu d'audience, et puis nous verrons ce qu'il en est.
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1 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Seselj, est-ce que vous vous souvenez si lors de votre
3 déposition à l'époque, vous avez déclaré que vos demandes s'agissant des
4 faits à Ovcara étaient suivies ?
5 R. J'ai parlé au conditionnel, j'ai dit que je crois que les enquêteurs
6 étaient toujours sur le terrain. Je pense que c'est ce que j'ai dit à
7 l'époque. Mais j'aimerais que vous me donniez lecture du passage. Je ne
8 peux pas revenir sur mes propos à l'occasion.
9 Mme BIERSAY : [interprétation] Je suis contente de constater que Me
10 Zivanovic et M. Seselj sont sur la même longueur d'onde, mais je maintiens
11 mon objection.
12 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Quelle était l'objection. D'après ce que
13 j'ai compris, l'objection a été acceptée par les Juges de la Chambre.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pas vraiment, Maître Zivanovic. Nous
15 vous avons demandé de poser davantage de questions à M. Seselj pour savoir
16 s'il se souvenait de sa déposition dans l'autre affaire. Vous lui avez posé
17 une question, et sa réponse, sur la même longue d'onde, comme pour
18 reprendre les termes de Mme Biersay, est qu'il avait du mal à s'en
19 souvenir. Donc la balle est dans votre camp.
20 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je vais rafraîchir la
21 mémoire de M. Seselj, et je vais lui donner lecture du passage de sa
22 déposition.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et Mme Biersay a soulevé une
24 objection à ce sujet.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'objection est accordée, Maître
27 Zivanovic. Nous pensons qu'il n'est pas important de revenir sur les propos
28 exacts de M. Seselj dans l'autre affaire. L'important, c'est qu'il se
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1 souvienne des faits sur lesquels vous voulez l'interroger.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
3 Q. Monsieur Seselj, vous vous souvenez également qu'il y a deux ans et
4 demi dans votre propre procès, vous avez procédé à des plaidoiries.
5 R. Ce n'étaient pas vraiment des plaidoiries. On ne m'a pas autorisés à
6 faire une plaidoirie dans mon procès.
7 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez déclaré lors de ces
8 plaidoiries s'agissant des événements à Ovcara ?
9 R. Bien, dans cette affaire-là, dès le début, j'ai procédé à une
10 déclaration, et puis à la fin du procès, j'ai eu dix heures pour apporter
11 mes commentaires. Et ces commentaires étaient très différents de ceux que
12 j'avais apportés au début, à l'ouverture du procès, et en effet, entre-
13 temps, grâce à mes enquêteurs sur le terrain, j'avais acquis davantage de
14 connaissances. Et ma plaidoirie à la fin du procès a tenu compte des
15 résultats de ces enquêtes.
16 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez déclaré à la fin de
17 votre procès sur l'exécution des prisonniers d'Ovcara ? Quels étaient les
18 éléments à votre connaissance à ce moment-là ?
19 R. Grâce à mon propre travail, grâce au travail de mes enquêteurs, et
20 grâce à l'étude d'énormément de documents, j'ai pu établir que l'exécution
21 d'Ovcara avait été organisée par Aleksandar Vasiljevic, le chef des
22 services de sécurité de la JNA, et que toute cette opération d'exécution
23 avait été menée par des officiers du service de sécurité avec la
24 participation de certains membres de la Brigade de la Garde et de la
25 Défense territoriale pour les exécutions elles-mêmes.
26 J'ai acquis des informations selon lesquelles le général Aleksandar
27 Vasiljevic avait repris trois colonels qui avaient pris leur retraite. Ce
28 n'étaient plus des officiers d'active. Il les a réintégrés. Ils étaient
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1 réservistes. Il les a réintégrés - Bojan Vujic, Slavko Tomic et un certain
2 Bogdan qu'il a envoyés à Ovcara pour mener à bien ces exécutions. Mais les
3 documents ne disent pas qu'ils ont été réincorporés. Rien n'a été inscrit
4 dans leur carnet militaire à ce sujet.
5 Ils sont arrivés à Vukovar en même temps que Vasiljevic, c'est-à-dire le 19
6 novembre, le soir du 19 novembre. Ils ont logé au commandement de la
7 Brigade motorisée de Negoslavci. Et à partir du 18 jusqu'au soir du 19, ils
8 sont restés là pendant deux journées. Aucun des soldats ou des officiers de
9 la JNA n'est entré dans l'hôpital de Vukovar. Il y avait des patients à
10 l'hôpital de Vukovar. C'étaient des hommes blessés. Mais il y avait
11 également un grand nombre de soldats croates qui avaient revêtu les pyjamas
12 des patients de l'hôpital pour éviter d'être fait prisonniers, et cela en
13 soi était étrange. Si Vukovar tombait, l'hôpital de Vukovar aurait été
14 repris immédiatement, d'après le règlement militaire.
15 Deux jours plus tard, lorsque Vasiljevic est arrivé avec son adjoint,
16 qui ensuite a été promu au rang de général, un émissaire spécial du
17 gouvernement croate, Marin Vidic, connu sous le nom de Bili, était là
18 également. Le Dr Vesna Bosanac était également présente. Et le Dr Bosanac,
19 ainsi que des officiers de la JNA, ont établi une liste des personnes qui
20 se trouvaient à l'hôpital de Vukovar et qui devaient être exécutées. Deux
21 cent personnes ont été exécutées. C'est le général Vasiljevic qui avait
22 organisé cela avec le gouvernement croate, 200 personnes. Je ne sais pas
23 quels étaient leurs intérêts. Je vous donne les faits uniquement.
24 Le lendemain, toutes les personnes qui se trouvaient sur la liste ont été
25 transportées en autocars à Sremska Mitrovica. Une grande prison civile se
26 trouve là-bas, et une partie de la prison a été transformée en camp de
27 prisonniers de guerre.
28 Tous ont été déplacés là-bas à l'exception de 207 personnes qui ont d'abord
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1 été emmenées par Sljivancanin à la caserne de Vukovar, et ensuite
2 transportées à Ovcara. Je ne peux pas affirmer que Sljivancanin a participé
3 aux exécutions mais en tout cas c'est lui qui les a emmenés là-bas. Il ne
4 les a pas remis. Il ne voulait les remettre à personne. Il n'y a pas de
5 documents qui prouvent qu'ils aient été remis aux autorités civiles ni à
6 quiconque. Il s'est contenté de les emmener là-bas et les a laissés aux
7 autres officiers qui se trouvaient sur le terrain.
8 Une fois que tout cela a été organisé, la JNA a organisé de creuser la
9 fosse commune, et une excavatrice de l'armée a été utilisée à cet effet. En
10 fait, c'était l'excavatrice d'une entreprise de Vukovar que l'armée avait
11 réquisitionnée. Un des officiers a supervisé personnellement cette
12 opération. Elle a eu lieu en pleine journée, c'est-à-dire dans l'après-midi
13 du 20. Et les exécutions par l'escadron ont commencé cette nuit-là.
14 D'après mes informations, on a également utilisé des camions. Je ne sais
15 pas quel véhicule exactement mais ce véhicule était couvert d'une bâche. Il
16 y avait des remorques, et ces remorques en général ne portaient pas de
17 bâches, mais dans ce cas-là, oui.
18 Avant le début de l'exécution, les listes ont fait l'objet d'une
19 comparaison, et il a été établi que 207 prisonniers s'y trouvaient. Sept
20 ont été séparés et libérés. Cinq autres, je ne me souviens pas des noms,
21 mais l'Accusation s'en souvient probablement, ont été libérés juste parce
22 qu'on dépassait le nombre de 200. On a fixé 200 personnes.
23 Et pendant toute cette période de temps, les officiers de la sécurité se
24 trouvaient sur le terrain, les officiers de la sécurité qui avaient été
25 amenés par Aleksandar Vasiljevic. Ce n'est que vers la fin de l'exécution
26 que les officiers sont rentrés à Belgrade.
27 Donc, 200 personnes ont été exécutées et, le lendemain, rien. Pas un mot.
28 Je ne peux pas accuser Sljivancanin d'avoir participé à l'exécution, mais
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1 qu'a-t-il fait le lendemain en qualité d'officier responsable de la Brigade
2 de la Garde motorisée et de l'officier en charge de la sécurité du Groupe
3 opérationnel sud ? Il aurait dû savoir ce qu'il était advenu de ces 200
4 prisonniers qui avaient été amenés à Ovcara, mais personne n'a rien dit.
5 Deux jours plus tard, la Brigade de la Garde est retournée à Belgrade. Le
6 colonel Vojnovic est nommé commandant de la défense à Vukovar. C'était le
7 commandant de la 19e Brigade motorisée. Pendant l'exécution à Ovcara, ce
8 colonel Vojnovic était le commandant local d'un endroit qui regroupait
9 trois villages à Ovcara. Qu'a-t-il, en qualité de commandant de Vukovar,
10 fait pour enquêter sur le sort de ces prisonniers ? Qu'ont fait les
11 services de la sécurité de l'armée ? Qu'a fait le général Vasiljevic ? Eh
12 bien, ils se sont contentés de dissimuler ce crime.
13 Après la libération de Vukovar, une grande équipe spéciale est arrivée,
14 composée de pathologistes, de médecins légistes de l'Académie militaire de
15 Belgrade. Le colonel Stankovic était l'un d'entre eux. Il est devenu
16 ensuite général. Il a même été ministre de la Défense de Yougoslavie
17 pendant une période. Et toutes ces personnes, ce groupe d'officiers,
18 d'experts en médecine, ont procédé à une autopsie des dépouilles. Des
19 exhumations ont eu lieu, on a trouvé des corps. Certaines personnes étaient
20 mortes de causes naturelles; d'autres à cause des bombardements. Vous
21 savez, en cas de conflit armé, on n'a pas le temps d'enterrer les gens au
22 cimetière. On les enterre là où on peut.
23 Donc, tous ces corps ont été exhumés, et après les autopsies, un rapport a
24 eu lieu, chaque dépouille a été enterrée convenablement au cimetière de
25 Vukovar. Il n'y a qu'Ovcara qui est restée intacte. Les exhumations à
26 Ovcara n'ont eu lieu qu'en 1993.
27 Un pathologiste croate, qui a déposé dans mon affaire, Davor Strinovic, a
28 confirmé, lorsque je lui ai posé la question, qu'exactement 200 corps ont
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1 été exhumés, en fait, des squelettes. Exactement 200. Les Croates ont
2 réussi à identifier 193 personnes. C'étaient en fait des prisonniers
3 croates. Sept sont encore, jusqu'à ce jour, non identifiés. Pourquoi ?
4 Parce que c'étaient des étrangers, que personne ne les a recherchés. Je
5 suppose que c'étaient des Kurdes parce que beaucoup de Kurdes avaient été
6 recrutés dans les formations paramilitaires et le faisaient pour l'argent.
7 Alors, comment les a-t-on payés, je ne sais pas, c'est une longue histoire.
8 Je peux vous en parler. Mais je pense que nous devrions nous concentrer sur
9 les faits portant sur l'exécution.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, Maître Zivanovic.
11 J'aimerais demander à M. Seselj de répéter, afin que cela soit consigné au
12 compte rendu, lentement les noms des trois colonels qui ont pris leur
13 retraite et qu'il a cités au début de sa réponse. J'espère que vous voyez
14 de quoi je parle, Monsieur Seselj.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Les trois noms, s'il vous plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le colonel Bogdan Vujic, le colonel Bogoljub
18 Kijanovic et le colonel Slavko Tomic. Slavko Tomic était tellement âgé
19 qu'il avait même été officier chez les partisans. Lorsqu'il est devenu
20 commandant de la Brigade de la Garde, il a déclaré qu'il avait déjà une
21 bonne expérience dans la gestion des Croates, et des documents écrits
22 l'attestent.
23 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Mes enquêteurs --
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj. Je voulais
26 juste consigner les noms au compte rendu.
27 Veuillez continuer, Maître Zivanovic.
28 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
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1 Q. Je vais vous demander d'éclaircir deux choses à propos de votre
2 réponse. Première demande d'éclaircissement, page 50 du compte rendu
3 d'aujourd'hui. Vous avez dit que les autorités croates et le général
4 Vasiljevic avaient organisé ces exécutions. J'aimerais savoir d'où vous
5 avez obtenu ces informations ?
6 R. Grâce aux travaux de mes enquêteurs. Mes enquêteurs ont contacté nombre
7 d'officiers chargés de la sécurité militaire, des officiers qui étaient à
8 la retraite, et bon nombre d'autres personnes qui avaient un lien avec cela
9 également. J'en ai parlé avec le général Mrksic à plusieurs reprises parce
10 qu'il a été poursuivi ici en raison d'Ovcara. Il a été intimidé à Belgrade
11 et on lui a dit qu'il ne devait pas dire un mot, sinon ils allaient
12 liquider l'ensemble de sa famille. C'est ce que m'a dit le général Mrksic.
13 Quelle en était la raison ? Je pense que le général Vasiljevic a fait
14 l'objet d'un chantage. Tous les indices semblent l'indiquer, et ensuite il
15 y a les éléments de preuve. Dès que Tudjman est arrivé au pouvoir, il avait
16 ses propres groupes opérationnels et il a organisé le placement d'une bombe
17 dans le quartier juif de la municipalité. Il a également organisé le minage
18 du cimetière juif à Zagreb, de façon à ce que la communauté internationale
19 attribue ceci au régime de Tudjman.
20 Cependant, les services de sûreté de Tudjman ont réussi à découvrir à la
21 fois l'arme et les groupes, et de nombreux officiers chargés de la sécurité
22 ont alors été arrêtés. Il y avait beaucoup de Croates parmi eux. Et Tudjman
23 les a gardés en prison. Et avec leur aide, il a fait subir un chantage à
24 Vasiljevic. Et Vasiljevic a fui avec un groupe de prisonniers croates à
25 Zagreb, il s'est rendu à l'aéroport pour qu'il y ait un échange avec les
26 officiers qui avaient été arrêtés.
27 Il s'agit d'informations fiables que j'ai recueillies en raison des travaux
28 de mes enquêteurs. Et donc, avec les Croates, il avait été décidé que 200
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1 prisonniers seraient exécutés par un peloton d'exécution, de sorte que la
2 Croatie ait des arguments forts à présenter à l'Union européenne contre la
3 RSFY, c'est-à-dire que les Croates étaient dépeints comme étant les
4 victimes de la guerre, d'autant que les paramilitaires croates, par le
5 passé, avaient tué un nombre très important de civils serbes, près de
6 Gospic, 150 Serbes environ. Telles étaient les informations dont on
7 disposait à l'époque.
8 Le rôle de Vesna Bosanac consistait à choisir ou sélectionner les personnes
9 qui devaient être exécutés. Et qui a été exécuté ? Seulement les personnes
10 qui n'étaient pas utiles au régime de Tudjman. Donc, la pagre, les petits
11 criminels, le "lumpenprolétariat", les pauvres et ceux qui étaient des
12 opposants connus de l'Union démocratique de Tudjman. Ces personnes-là ont
13 été exécutées parce que c'était la façon la plus simple pour les Croates de
14 s'en débarrasser, de les sacrifier, et c'était le rôle qu'a endossé Vesna
15 Bosanac.
16 Moi-même, j'étais disposé à interroger Vesna Bosanac à ce sujet, et le
17 colonel Vojnovic également; cependant, ces personnes étaient des témoins 92
18 bis ou 92 ter dans mon procès et ces personnes ne sont pas venues témoigner
19 dans le prétoire. La déclaration qui a été compilée par le bureau du
20 Procureur en leur nom a été incluse au compte rendu d'audience comme
21 représentant leur déclaration. C'était une question de principe, je ne
22 souhaitais pas interroger les témoins alors qu'il n'y a pas eu
23 d'interrogatoire principal dans le prétoire, car de telles procédures sont
24 contraires à tout standard habituel de droit pénal et de procédure pénale.
25 Et c'est la raison pour laquelle je ne les ai pas déplumés de leurs plumes
26 lorsque les éléments de preuve sont si criants.
27 Vasiljevic a fait ce sale travail. Il est retourné à Belgrade, et il a
28 rapidement été remplacé à son poste et la présidence de la RSFY l'a mis à
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1 la retraite. Différents arguments ont été avancés et l'un d'entre eux
2 consistait à dire que de l'argent avait été volé dans l'hôpital de Vukovar.
3 Et je pense que là on pensait également aux exécutions.
4 Et Boskovic était à ce moment-là à la tête de service de Sûreté. Il a
5 ordonné l'arrestation de Vasiljevic ainsi que son exécution. Mais
6 l'influence de Vasiljevic sur les structures du gouvernement était
7 tellement importante que ceci n'a pas abouti, et que Nedjo Boskovic ensuite
8 a été remplacé, il a fui, il a quitté la Serbie pour se rendre en
9 Monténégro. Et jusqu'au jour d'aujourd'hui, Aleksandar Vasiljevic exerce
10 beaucoup d'influence sur les structures militaires chargées de la sécurité
11 en Serbie.
12 Très souvent, je montre du doigt le régime à cause d'Ovcara. Il y a
13 un procès qui s'est tenu à Belgrade, plusieurs procès du reste, où les
14 bourreaux ont été poursuivis mais ainsi que des personnes tout à fait
15 innocentes. Certaines de ces personnes innocentes ont été condamnées, comme
16 Dragan Milivojevic, Kinez. D'autres ont été acquittés, des membres du Parti
17 radical serbe ont également été jugés, mais Marko Ljuboja, Slobodan Katic,
18 one Ceca, et cetera, toutes ces personnes-là ont été acquittées, elles
19 étaient membres du Parti radical serbe. Vojislav Kostunica avait organisé
20 ou mis en scène un procès pour protéger Vasiljevic et les services de
21 sécurité militaire.
22 Et mon équipe avait demandé à ce que les services de Sûreté de l'Etat
23 serbe, ainsi que la sécurité militaire, lui remettent tout document qui
24 mentionnait mon nom, et les services de Sûreté de l'Etat ont remis certains
25 documents. Je ne sais pas s'il s'agissait de l'ensemble des documents
26 existants, peut-être qu'ils ont dissimulé quelque chose et détruit quelque
27 chose, mais il y avait tellement de documents que j'ai publié quatre
28 ouvrages, quatre livres qui représentaient 4 000 pages, en petits
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1 caractères d'imprimerie. Et les services de la sécurité militaire m'ont
2 précisé qu'il n'y avait pas un seul document qui mentionnait mon nom, et
3 donc c'était un mensonge éhonté puisque le bureau du Procureur dispose d'un
4 certain nombre de documents militaires, y compris ceux qui comportent mon
5 nom, bien sûr, qu'il s'agit de documents confidentiels qui ont été fournis
6 par les services de la sécurité militaire.
7 Quels étaient les autres mobiles derrière la commission de ces crimes
8 ? La Ligue des Communistes - Mouvement de la Yougoslavie avait un autre
9 mobile. Ils attendaient toujours une intervention étrangère, et l'appui
10 étranger pour renverser à la fois Milosevic et Tudjman, pour remettre en
11 place la Fédération yougoslave et de l'armée pour pouvoir -- ils
12 attendaient une aide de l'Occident, et qui a également tenté de préserver
13 la Yougoslavie jusqu'à la chute du mur de Berlin.
14 Et donc, ils avaient pour objectif de renverser Tudjman et Milosevic,
15 et ils souhaitaient accuser à la fois les Oustachi et les Chetniks, en
16 parallèle de tous les crimes de guerre commis. Et le crime d'Ovcara devait
17 faire partie de cela, et c'est les Chetniks qui devaient en porter la
18 responsabilité, que ce soit les volontaires ou les membres de la TO de
19 Vukovar, en tout cas c'était une idée perfide. Et ceci a été en partie
20 utilisé lors du procès à Belgrade, aucun représentant du régime à Belgrade
21 à l'époque ne s'intéressait à la vérité, et encore aujourd'hui, Aleksandar
22 Vasiljevic reste un homme protégé.
23 Lorsque j'ai parlé de ce que je sais au sujet du général Vasiljevic
24 au cours de mon propre procès, le ministre de la Justice à l'époque a dit à
25 des députés du Parti radical serbe que Seselj avait tout à fait raison,
26 mais que c'était impossible de poursuivre qui que ce soit ici, et c'est
27 encore le cas aujourd'hui. On ne peut toujours pas le poursuivre
28 aujourd'hui. Aleksandar Vasiljevic contrôle encore certaines personnes
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1 parmi les rangs de l'armée, des cercles politiques. Parfois il s'agit de
2 vrais documents; parfois il s'agit de documents falsifiés. Comme vous le
3 saviez, à l'époque communiste, les services de Sûreté étaient considérés
4 comme étant un organe beaucoup plus dangereux et beaucoup plus perfide que
5 les services de sécurité civile. Les services de la sécurité militaire
6 étaient capables de faire endosser à certaines personnes des choses qui
7 sont inimaginables. Tout ce que vous avez pu lire au sujet de régime
8 totalitaire est loin de ce qui pouvait être fait à l'époque.
9 Q. Comme vous l'avez dit et comme vous avez, à maintes reprises,
10 évoqué le nom du général Vasiljevic, puis-je vous demander depuis quand
11 vous le connaissiez, et quel rapport aviez-vous avec lui avant ces
12 événements ?
13 R. Je ne le connais que très peu. Je l'ai interrogé lors d'une
14 séance de l'assemblée fédérale lorsque je présidais le comité d'enquête qui
15 était chargé d'enquêter sur Pavle Bulatovic, qui était ministre de la
16 Défense, et j'ai publié toutes les informations dans un ouvrage qui porte
17 le même titre.
18 J'ai entendu beaucoup de choses négatives à son égard, et même avant,
19 et j'ai commencé à le critiquer déjà avant. Et lui, pour sa part, il a même
20 donné la monnaie de ma pièce. Par exemple, il y avait Srpska Rec, qui était
21 dans un magazine de Draskovic, il a diffusé l'information comme quoi
22 j'avais été violé dans la prison de Zenica, ainsi que d'autres détails tout
23 à fait ragoûtant. Et ensuite, j'ai compris que Draskovic entretenait des
24 liens très étroits avec Aleksandar Vasiljevic déjà depuis 1990, et que
25 Aleksander Vasiljevic l'a amené dans sa voiture pour se rendre à une
26 réunion avec le général Blagoje Adzic. Vuk Draskovic a publié ça dans son
27 livre, "Meta", je crois que c'est le titre de l'ouvrage en serbe, donc il a
28 avoué cela, "Target", "Meta".
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1 Et à ce moment-là déjà, Vuk Draskovic avait des liens avec les
2 services de la sécurité militaire. Et c'est la raison pour laquelle il
3 était tellement en colère contre Milosevic, parce que les services de la
4 sécurité militaire avaient tenté de renverser Milosevic, et ce, jusqu'au
5 mois de mai 1992. Et ce n'est que lorsque 40 généraux sont partis à la
6 retraite avec Adzic parmi eux, Blagoje Adzic, que Milosevic s'est senti
7 pour la première fois un petit peu soulagé. Il a commencé à penser qu'il
8 n'était plus en danger, en tout cas, pas de ce côté-là, pas du côté de
9 l'armée. Mais jusqu'à ce moment-là, c'était l'épée de Damocles qui était
10 au-dessus de sa tête, que cette armée.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, c'est
12 l'heure. Je souhaite vous rappeler encore une fois que le témoin, M.
13 Seselj, va au-delà du champ de votre question, surtout s'agissant de cette
14 dernière question que vous avez posée, la réponse qu'il a donnée. Il va
15 bien au-delà de la question lorsqu'il parle des relations qu'il entretenait
16 avec les généraux, avec le général. Encore une fois, c'est votre temps.
17 Monsieur Seselj, nous allons avoir une deuxième pause, 30 minutes, et
18 nous reviendrons à 12 heures 45.
19 L'audience est levée.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, c'est à vous. Je
23 crois qu'il vous reste 40 minutes.
24 M. ZIVANOVIC : [interprétation] D'après ce que j'avais compris, c'était 45
25 minutes.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous n'allons pas argumenter au sujet
27 de cinq minutes. Ce sera donc 45 minutes, Maître Zivanovic.
28 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
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1 Q. Monsieur Seselj, veuillez-nous dire ceci, quand avez-vous rencontré
2 Radovan Stojicic, Badza ?
3 R. J'ai rencontré Radovan Stojicic, Badza, en 1991 à Erdut. A l'époque,
4 c'était le commandant de la Défense territoriale du SBSO placé sous le
5 commandement du Corps de Novi Sad. Et il dirigeait un camp d'entraînement à
6 Erdut. A un moment donné, c'est là que nous avons envoyé nos volontaires
7 après avoir commencé à coopérer avec la JNA. Les volontaires avaient pour
8 habitude d'y rester quelques jours pour recevoir une formation de base et
9 ils ont ensuite été déployés vers différentes parties du front. Je me suis
10 un jour rendu dans cet endroit. Et j'étais là lorsqu'un groupe de nos
11 volontaires est arrivé à bord de différents autocars. Je suis resté dîner à
12 cet endroit et j'y ai passé la nuit. C'est la première fois de ma vie que
13 j'ai rencontré Radovan Stojicic, Badza.
14 Q. Savez-vous où il avait travaillé avant de commander la Défense
15 territoriale du SBSO ?
16 R. Il travaillait au sein de la police serbe. Je crois qu'il commandait
17 une unité spéciale ou quelque chose comme ça. Il s'est ensuite enrôlé en
18 tant que volontaire. Il est allé au front. Et il a conservé ses droits au
19 sein de la police, comme tout un chacun. Il est devenu une personne assez
20 en vue, et lorsqu'il est rentré en Serbie, il a d'ailleurs rapidement été
21 promu au poste de ministre adjoint. C'était un homme très capable, c'était
22 un homme courageux, et par la suite, il a fait preuve d'autres tendances et
23 c'est la raison pour laquelle je l'ai critiqué. Cela n'est pas important
24 aujourd'hui car nous parlons actuellement de l'année 1991.
25 Q. Savez-vous si au centre d'Erdut, Zeljko Raznjatovic, Arkan, était là
26 aussi ? Et avez-vous eu l'occasion de le voir à cet endroit aussi lorsque
27 vous y êtes rendu vous-même ?
28 R. Oui, il était là avec son unité, et nous nous sommes rencontrés à
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1 l'époque. J'étais surpris lorsque Badza m'a amené, moi, et ainsi que
2 d'autres personnes à dîner. Les hommes d'Arkan avaient déjà dîné et Arkan
3 les a interrompus. Il leur a ordonné de se mettre debout et de prier, ce
4 que j'ai trouvé surprenant parce que dans l'ex-JNA, dans l'ancienne JNA, on
5 n'avait pas pour habitude d'interrompre les soldats lorsqu'ils étaient en
6 train de dîner ou de déjeuner, à moins qu'il y ait une alerte. Il
7 souhaitait simplement montrer que son unité était religieuse et nous avons
8 tous trouvé cela étrange, je crois que quelqu'un en a même ri.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay.
10 Mme BIERSAY : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interrompt, mais
11 effectivement cela pourrait attendre le contre-interrogatoire, mais je ne
12 souhaitais pas perdre de vue le compte rendu d'audience. Il a dit, il leur
13 a ordonné de se lever, et ce n'était pas clair au niveau du compte rendu à
14 qui faisait référence "il". Je me demande si cela peut être précisé.
15 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, je vais préciser cela avec le témoin.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zivanovic.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
18 Q. Lorsque vous avez dit qu'il avait ordonné à ses hommes d'interrompre
19 leur dîner et prier, qui entendiez-vous ?
20 R. Vous voulez parler de son unité. Je ne sais pas s'il s'agissait de
21 l'ensemble de l'unité, mais il y avait beaucoup d'hommes dans cette pièce,
22 dans cette salle, c'était le mess des officiers. Je ne sais pas exactement
23 à quoi cela correspondait, mais je me souviens du fait que c'était une
24 grande pièce. Donc, il a ordonné à ses soldats -- il ne pouvait ordonner
25 quelque chose à personne d'autre. Et donc, nous étions tous en rangs et
26 nous voulions servir parce que c'était un système de self-service. On
27 portait des plateaux et on se servait comme tout autre soldat. C'était le
28 dîner, et nous n'avions pas de faveur particulière, nous n'étions pas
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1 traités de façon particulière. De toute façon, nous n'aurions pas accepté
2 cela, nous ne souhaitions pas être traités différemment des soldats.
3 Q. Alors, je souhaite préciser parce que vous avez parlé de Zeljko
4 Raznjatovic, Arkan, et Radovan Stojicic, Badza. Cela n'est pas clair au
5 compte rendu qui a ordonné aux soldats d'arrêter de dîner et de se mettre à
6 prier. Etait-ce Radovan Stojicic, Badza, ou Zeljko Raznjatovic, Arkan ?
7 R. Alors, j'ai dit que c'était Zeljko Raznjatovic, Arkan, qui commandait
8 son unité ou une partie de son unité ou partie de l'unité qui était là. Je
9 ne les ai pas dénombrés, mais ils étaient assez nombreux. Même Badza a
10 commenté et a dit que c'était inconvenant ou quelque chose comme ça. Et
11 vous savez qu'Arkan est un homme qui n'a aucune éducation, mais il était
12 assez intelligent et fort dangereux.
13 Q. Je vais vous poser des questions à son sujet également un peu plus
14 tard.
15 Veuillez maintenant nous dire ceci, s'il vous plaît : lorsque vous étiez à
16 Erdut cette fois-ci, avez-vous recueilli une impression quelconque des
17 relations entre Radovan Stojicic et Arkan ? Est-ce que l'un était
18 subordonné à l'autre ou est-ce qu'ils étaient subordonnés à quelqu'un
19 d'autre ?
20 R. Radovan Stojicic, Badza, était l'homme important et Arkan devait
21 l'écouter. Il y avait également un volet privé associé à leur relation. Ils
22 pouvaient faire des blagues entre eux. Mais la position de Badza en tant
23 que commandant n'était mise en doute par personne. Je crois qu'Arkan était
24 assez proche de son niveau - j'entends niveau hiérarchique.
25 Q. Alors, à quel moment environ êtes-vous allé à Erdut ?
26 R. Alors, c'était à l'automne de l'année 1991. Je ne me souviens pas de la
27 date exacte. Il se peut que cela ait été consigné quelque part, mais je ne
28 m'en souviens pas. Nous y avons passé la nuit, et le lendemain j'étais à
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1 Borovo Selo et à Trpinja. Je suis allé à Tenja, et j'ai dû être transporté
2 à bord d'un tracteur -- non, d'une remorque d'un tracteur. On m'a
3 transporté dans un champ de blé qui avait été moissonné jusqu'à Tenja parce
4 que les Croates prenaient pour cible la route principale et c'étaient des
5 tireurs d'élite qui avaient pris cela pour cible, et le blé avait été coupé
6 pendant l'été. Mais il m'est difficile de vous donner la date exacte.
7 Q. Et pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, même si cela est une suite
8 logique de votre réponse, s'il y avait toujours des combats à ce moment-là
9 ou si les combats avaient cessé ?
10 R. Non, non, il y avait toujours des combats. Cela a dû être avant ma
11 visite à Vukovar, donc les combats faisaient rage. Et moi j'étais sur le
12 front avant à Tenja, et j'ai même tiré à partir d'un mitrailleur Browning
13 sur les positions ennemies. Je ne peux pas vous dire avec certitude si j'ai
14 touché quelqu'un, mais j'ai fait de mon mieux.
15 Q. Alors, veuillez nous dire ceci maintenant, s'il vous plaît. Depuis
16 quand connaissiez-vous Zeljko Raznjatovic, alias Arkan ?
17 R. Alors, personnellement, je l'ai rencontré en 1992. Mais je l'ai
18 critiqué publiquement dès 1996. J'ai rédigé des rapports au pénal que j'ai
19 envoyés au procureur fédéral contre Stane Dolanc, qui était membre de la
20 présidence -- non, à l'époque, il dirigeait tous les services de la
21 sécurité de la police, services du renseignement et contre-renseignement,
22 en tant que membre de la présidence de la RSFY.
23 Et moi, j'ai accusé Stane Dolanc, je l'ai accusé de meurtre de l'émigré
24 Stjepan Djurekovic, et l'homme qui était à la tête des services de
25 sécurité, Zdravko Mustac. J'ai entendu dire qu'il a été extradé récemment en
26 Allemagne depuis la Croatie en raison du meurtre de Djurekovic. Je
27 disposais d'information qui précisait qu'Arkan était un des exécutants et
28 que Stane Dolanc lui avait remis un pistolet en guise de cadeau, "A Zeljko
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1 de la part de Stane". Ça, c'était l'inscription sur le pistolet qui avait
2 été remis à Arkan. Ça, c'était dans les années 1980. Et donc moi, j'avais
3 ma propre guerre à mener contre Stane Dolanc.
4 En 1990, tous ceux qui étaient les supporters du club de football Red Star,
5 l'Etoile rouge, ont rejoint le Mouvement chetnik serbe, et donc à un moment
6 donné au mois d'octobre 1990, par le truchement de médiateurs, Arkan a
7 demandé à me rencontrer. Et j'ai dit que nous pouvions effectivement
8 regarder à cela, à Ruski Tsar. C'était le nom du restaurant. Moi je ne
9 souhaitais pas aller dans un endroit secret quelque part ou quelqu'un
10 aurait pu me tuer trop facilement. Donc, Arkan est venu accompagné d'un
11 autre homme qui était aussi grand que moi mais beaucoup plus fort que moi.
12 Il y avait un tireur qui était un des nôtres mais qui a ensuite rejoint le
13 groupe d'Arkan. C'était un colonel dans la Garde des Volontaires serbe
14 d'Arkan.
15 Arkan était très courtois au début de la conversation. Il m'a dit que
16 : "Je vous respecte en tant qu'homme, en tant qu'homme politique. La
17 politique ne m'intéresse pas, mais je ne vais permettre à personne de
18 reprendre Zvezda et Delija", qui étaient les supporters du club de
19 football. "Et je vais vous demander de quitter Delija be." Mais je lui ai
20 dit qu'ils avaient rejoint le Mouvement chetnik serbe. "Vous ne pouvez pas
21 le changer. Ils sont là maintenant." Et ensuite, il a dit : "Bon, moi j'ai
22 tué beaucoup de gens. Vous n'avez encore tué personne. Donc, alors faites
23 attention à ce que vous faites." Donc, j'ai rétorqué en disant qu'il était
24 vrai que je n'avais encore tué personne, "mais en tout cas que vous, vous
25 seriez le premier."
26 Et le lendemain, donc, la presse quotidienne, "Novosti Plus", a publié un
27 article qui comprenait une page entière et qui rapportait l'événement.
28 Arkan était armé. Moi, j'avais un Browning de 75 millimètres. S'il
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1 s'agissait de régler nos comptes, je pense que je n'avais aucune chance.
2 Mais, en tout cas, je lui ai montré qu'il n'allait pas pouvoir me traiter
3 ainsi.
4 Moi je ne suis pas en train de fanfaronner, mais c'est réaliste. Je
5 souhaitais vous montrer simplement quel pouvoir avait Arkan. J'étais le
6 seul homme en Serbie qui était capable, ouvertement et publiquement, de
7 m'opposer à Arkan. Personne d'autre n'osait le faire, y compris Milosevic
8 lui-même. C'est à tel point qu'Arkan était dangereux.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, un instant.
10 Est-ce que nous avons bien consigné les choses ? En début de page 63,
11 ligne 1, M. Seselj a répondu : "Je l'ai rencontré en personne en 1990.
12 Toutefois, je m'étais attaqué à lui en public dès 1996."
13 Or, je crois qu'il fallait entendre 1986, n'est-ce pas, Monsieur
14 Seselj ? Est-ce que vous avez bien dit que vous l'aviez critiqué en public
15 dès 19…
16 LE TÉMOIN : [interprétation] 1986, donc quatre ans avant que nous ne nous
17 rencontrions pour la première fois.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. C'est clairement consigné au
19 compte rendu.
20 Maître Zivanovic, vous pouvez continuer.
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
22 Q. Pouvez-vous me dire encore ceci, vous avez dit qu'en 1996 vous avez
23 déposé une plainte au pénal en raison de l'assassinat de Stjepan Djurekovic
24 contre Stane Dolanc. Est-ce que dans la plainte au pénal il y avait le nom
25 de Zeljko Raznjatovic, Arkan ?
26 R. Non, mais il a été englobé par la teneur du dépôt de plainte parce que
27 du fait -- enfin, la participation d'Arkan et la relation qu'il avait avec
28 Stane Dolanc, pour moi, la cible, ce n'était pas Arkan, c'était Dolanc. Je
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1 voulais, en parlant d'Arkan, illustrer l'envergure du crime commis par
2 Dolanc. Toujours est-il qu'Arkan, même à l'époque, était très dangereux. La
3 police en Serbie ne pouvait rien faire à son égard. Il était capable de
4 tabasser des policiers, de tirer en public, de se faire arrêter et de se
5 faire relâcher suite à instruction du service fédéral de la Sûreté de
6 l'Etat.
7 Q. Dans ce dépôt de plainte au pénal, vous avez bien indiqué son nom pour
8 dire qu'il avait pris part à l'assassinat ?
9 R. Oui, il y avait son nom, prénom et son surnom, Zeljko Raznjatovic,
10 Arkan. Et j'ai rendu la chose publique dans un livre qui a eu plusieurs
11 tirages par la suite, et je crois que le bureau du Procureur dispose de
12 copies de ces plaintes au pénal déposées par moi.
13 Q. Vous avez mentionné une personne ici surnommée Suca. Je crois que ça
14 n'a pas été consigné au compte rendu. Mais j'aimerais que vous répétiez,
15 s'il vous plaît, dans quel contexte vous l'avez mentionné ?
16 R. Il s'appelait Nebojsa. Et pour être tout à fait sincère, j'ai oublié
17 son nom de famille. Son surnom était Suca, et c'était l'un des chefs des
18 supporters de l'équipe de l'Etoile rouge. Il a accédé au Mouvement chetnik
19 serbe en été 1990. Et quand j'ai eu mon conflit avec Arkan, il est passé
20 chez Arkan.
21 Je vais vous dire encore que j'ai été mis aux arrêts au mois
22 d'octobre 1990, j'ai passé 23 jours en prison, et c'est là qu'Arkan a
23 réussi à reprendre les Delije, les supporters de l'Etoile rouge, avec
24 l'assistance de quelqu'un du régime, parce qu'il a offert du travail à des
25 personnes à qui il fallait, dans l'Etoile rouge, pour qu'ils vendent des
26 souvenirs, et cetera. Il a repris, donc, ces gens-là, entre autres, Suca.
27 Ce Nebojsa, dit Suca, est par la suite devenu colonel de la Garde des
28 Volontaires serbes à Arkan. Ce grade lui a été accordé, décerné par Arkan.
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1 Il a par la suite été tué dans un règlement de comptes, et jamais l'on a
2 tiré au clair les circonstances de sa mort.
3 Q. Est-ce que vous savez nous dire quelque chose à ce sujet. Je
4 crois que dans votre affaire aussi et dans notre affaire également, on
5 mentionne souvent une formation répondant au nom de Bérets rouges. Savez-
6 vous ou que pouvez-vous nous dire au sujet de cette ou de ces formations-là
7 ?
8 R. Il y a eu pas mal de formations que la population avait appelé
9 les Bérets rouges. Il n'y en a pas eu une seule à avoir porté cela à titre
10 officiel, comme nom. Si mes souvenirs sont bons, une première fois, on
11 avait qualifié de Bérets rouges les gens qui passaient par le centre de
12 formation de Golubic, près de Knin, à la tête duquel se trouvait à titre
13 formel le capitaine Dragan.
14 Ensuite pendant la guerre sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,
15 en Republika Srpska, il y a eu des Bérets rouges qui avaient été la police
16 militaire de l'armée de la Republika Srpska, ou alors des détachements de
17 reconnaissance de la Republika Srpska. Par exemple, la Brigade de Bratunac
18 avait eu une unité de reconnaissance que tous les soldats et la population
19 de là-bas appelaient les Bérets rouges, parce qu'ils portaient des bérets
20 rouges sur la tête.
21 Ensuite, dans une brigade de montée légère, une brigade de Konjic,
22 avait également été qualifiée de membres de Bérets rouges du MUP de Serbie.
23 Or, il s'est avéré que c'étaient des gens du cru qui avaient mis ce genre
24 de couvre-chefs.
25 Ensuite en 1996, à titre officiel, il y a eu création d'une unité
26 d'opération spéciale de l'unité de la Sûreté de l'Etat, que la population a
27 appelé les Bérets rouges.
28 Donc, quand on dit les "Bérets rouges", ça ne veut rien dire en soi.
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1 Il faut clairement dire et préciser de quelle unité on est en train de
2 parler.
3 Q. Vous avez mentionné tout à l'heure le capitaine Dragan. Est-ce
4 que vous pouvez nous dire quelles avaient été vos relations avec lui ?
5 R. En 1991, je ne l'ai rencontré qu'une seule fois aux premières
6 lignes de front près de Benkovac. J'étais en train d'inspecter les
7 positions tenues par les Serbes. Il est venu de quelque part, il a entamé
8 une conversation avec moi, et on a eu un conflit devant les soldats même.
9 Alors, comment en suis-je arrivé là ? Eh bien, à la mi-novembre,
10 j'étais allé rendre visite aux volontaires et aux premières lignes de front
11 de la Slavonie occidentale. J'y suis allé en hélicoptère de la JNA qui m'a
12 été attribué ou confié en compagnie de deux officiers pilotes, et ce, par
13 les soins du commandant de l'aviation de guerre et de la défense
14 antiaérienne, le général Bozidar Stefanovic.
15 Je suis arrivé donc à Banja Luka, et de Banja Luka, en voiture, je
16 suis allé en Slavonie occidentale. Quand j'ai inspecté toutes les lignes de
17 front et nos volontaires là-bas, je suis revenu à Banja Luka. J'ai eu un
18 meeting, il y a eu une grande salle qui s'appelait Bonik [phon], qui était
19 pleine à craquer. Après le meeting, je suis allé à l'hôtel Bosna pour
20 passer la nuit, et le lendemain je devais prendre l'hélicoptère pour
21 rentrer à Belgrade.
22 Il est venu ensuite deux responsables du Parti démocratique serbe,
23 originaires de Banja Luka; l'un s'appelait Vukic, l'autre, je ne me
24 souviens plus de son nom. Ils m'ont dit qu'ils avaient parlé à Milan Babic,
25 et que Milan Babic avait supplié que je vienne le plus vite possible à
26 Knin, et il a dit que le capitaine Dragan était venu là-bas pour organiser
27 une rébellion des soldats aux lignes de front, et que son intention était
28 de réaliser un putsch.
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1 Alors, cette nuit-là, je suis monté à bord de la voiture qu'ils
2 avaient avec eux et je suis allé à Knin. Je portais un uniforme militaire
3 parce que j'étais en Slavonie occidentale à inspecter les lignes de front
4 en uniforme. Et lorsque j'ai rencontré Milan Babic pour la première fois,
5 je suis allé voir les combattants aux différentes lignes de front, et
6 j'avais une émission radio à Radio Knin et à la radio des jeunes. Ça avait
7 duré plusieurs heures, ces émissions. Et j'ai complètement mis en morceau
8 ce que faisait le capitaine Dragan. Il voulait faire démettre de ses
9 fonctions, Milan Babic. Il n'était pas aimé par le régime en Serbie, pas
10 plus que dans la Krajina.
11 Et j'ai accompli ma mission, et puis il y a eu des conflits verbaux,
12 et ça a été filmé. Et suite à l'agression de la Krajina serbe par les
13 Croates, il y a un enregistrement vidéo, et je l'ai vu pour la première
14 fois lorsque le bureau du Procureur de La Haye me l'a montrée ici dans le
15 prétoire. Ça s'est passé en même temps qu'il y a eu la libération, vers la
16 période de la libération de Vukovar.
17 Je suis rentré à Belgrade, en hélicoptère via Mostar, puis je suis
18 allé à Podgorica, et de Podgorica j'ai pris l'avion de la ligne régulière
19 jusqu'à Belgrade, parce que ce petit hélicoptère qui s'appelait Gazelle, ne
20 pouvait pas faire un vol direct de Knin à Belgrade. Donc j'ai dû prendre
21 deux hélicoptères. J'ai atterri à l'aéroport de Mostar, on a changé
22 d'hélicoptère et de pilote, et je suis allé ensuite à Podgorica.
23 Q. Vous avez mentionné dans votre réponse précédente la Slavonie
24 occidentale, est-ce que vous pouvez nous dire parce que je pense que vous
25 l'avez déjà dit cela, à savoir que vous aviez eu des volontaires là-bas
26 aussi. Est-ce que très brièvement vous pouvez nous dire ce qui se passait
27 là-bas en Slavonie occidentale avec vos volontaires ? Combien de temps ont-
28 ils passé là-bas ? Et comment tout ceci s'est-il terminé ?
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1 R. Nous avions eu plusieurs centaines de volontaires là-bas. Je ne me
2 souviens plus du chiffre exact, mais nos volontaires ont été les plus
3 nombreux parmi les volontaires venus de Serbie, ils se trouvaient aux
4 premières lignes du front. Ils ont été déployés là-bas. Ils ont été
5 commandés ou placés sous les ordres du colonel Trbojevic. Et lorsque je
6 suis allé les voir, j'ai rencontré Trbojevic à son QG de Zvecevo, et
7 il n'avait eu que des louanges pour ce qui est de la discipline et des
8 courages de nos volontaires.
9 La Slavonie occidentale était défendue par la Défense territoriale, mais
10 cette Défense territoriale avait été sous l'autorité du corps de la JNA à
11 Banja Luka. Je ne sais plus comment s'appelait le corps d'armée, mais
12 c'était le Corps de Banja Luka.
13 Alors, vers le mois de novembre, début décembre même, il y a eu la présence
14 d'Aleksandar Vasiljevic là-bas. Et à chaque fois qu'il fait son apparition,
15 c'est un bouleversement, il y a des problèmes --
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, est-ce que vous
17 pouvez voir, est-ce que vous pouvez voir le compte rendu d'audience.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, je ne l'ai pas remarqué à temps.
19 Q. Monsieur Seselj, la personne qui est chargée du compte rendu
20 d'audience, la sténotypiste, vous demande de parler plus lentement. On
21 n'arrive pas à consigner tout ce que vous dites.
22 R. Je vais m'efforcer de le faire. Par moment, il m'arrive de garder le
23 contrôle, et puis parfois je perds le contrôle de ma rapidité de début.
24 Alors, cet Aleksandar Vasiljevic est venu, il a été en Slavonie occidental.
25 Et là où il était présent, les unités ont commencé à se retirer. La
26 population a commencé à paniquer. La population a commencé à se retirer
27 avec l'armée, et il y a eu une débandade. Il n'y avait eu aucune raison
28 militaire pour cette débandade. Les Croates, bien sûr, ont foncé avec leurs
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1 effectifs militaires et policiers et le Corps de Banja Luka, a été les bras
2 croisés à regarder tout cela.
3 Les volontaires du Parti radical serbe ont défendu les colonnes des
4 réfugiés serbes au village de Masicka Sargovina. En un jour, il y a 11
5 volontaires du Parti radical serbe qui se sont fait tuer là-bas. Il y en a
6 eu qui ont été blessés et capturés par les Croates. Et indépendamment des
7 mauvais traitements subis à l'occasion de leur emprisonnement, ils ont fini
8 par être échangés au final, tous. Mais les Serbes ont eu beaucoup de mal
9 pour consolider leurs effectifs sur le territoire d'Okucani et de Pakrac.
10 Tout le reste était tombé.
11 Vasiljevic est venu là-bas dans l'intention de semer le trouble parmi les
12 soldats serbes et de faire en sorte que les Croates reprennent la Slavonie
13 occidentale.
14 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s'était passé avec les civils
15 serbes qui résidaient dans la Slavonie occidentale ?
16 R. Il y a eu beaucoup de civils serbes de tués. J'ignore quel est le
17 nombre, mais ils ont été nombreux. Les Croates ont frappé avec tout ce
18 qu'ils avaient en leur possession. Ils ont tiré sur les colonnes de
19 réfugiés dans l'intention de tuer les civils. Les routes par lesquelles se
20 retiraient les civils étaient jonchées de morts et pleines de sang.
21 Q. Pouvez-vous dire quelque chose au sujet de la police de la République
22 de la Krajina serbe, à savoir la police qu'on appelait la police à Martic ?
23 Que savez-vous nous dire à ce sujet ?
24 R. Ce qu'on a qualifié de police à Martic, c'était la police municipale de
25 Knin. Lorsqu'on a proclamé l'existence d'une Région autonome de la Krajina,
26 ça a couvert le territoire entier de la Krajina. Cette police à Martic n'a
27 jamais englobé la totalité du territoire de la République de la Krajina
28 serbe, jusqu'à ce qu'il y ait eu proclamation en 1992 de la République de
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1 la Krajina serbe. Ça a englobé la Dalmatie, la Lika, la Banja et le Kordun,
2 le reste de la Slavonie occidentale, la Slavonie orientale, la Baranja et
3 le Srem. Donc, pendant qu'il y a eu des activités de combat, ces effectifs
4 de la police étaient tout à fait autonomes et subdivisés par régions.
5 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts à l'époque où il y a eu des
6 activités de combat, est-ce que vous avez contacté Milan Martic, voire ses
7 unités à lui, ses unités de police ?
8 R. Lorsque j'ai inspecté les positions, j'ai rendu visite aux soldats, aux
9 policiers, aux volontaires. Je ne faisais aucune différence. J'étais en
10 très bons termes avec Milan Babic et avec Milan Martic aussi.
11 Par la suite, les relations avec Martic se sont détériorées parce que
12 Martic, avec Goran Hadzic, avait signé ce communiqué contre moi et le Parti
13 radical serbe en automne 1993. Mais, en 1994, suite à une initiative de la
14 part de Martic, nous avons eu une rencontre secrète à Beli Manastir, et
15 nous nous sommes réconciliés là-bas. Il s'est excusé de l'avoir fait, il a
16 dit qu'il le regrettait, et voilà.
17 Q. Est-ce que vous vous souvenez que vers la fin de l'année 1993, en
18 République de la Krajina serbe, des élections présidentielles ont eu lieu ?
19 R. Oui. Si je ne m'abuse, il y avait quatre candidats : le premier était
20 Milan Babic, il représentait le SDS de Krajina; ensuite, Goran Hadzic, il
21 représentait le Parti des Pays serbes; Milan Martic et Rade Leskovac pour
22 le Parti radical de la Krajina serbe.
23 Babic et Martic sont passés au second tour. Nous, les extrémistes, nous
24 supportions Milan Babic au deuxième tour, mais plusieurs autres partis
25 politiques serbes ont soutenu Martic. Je crois que c'était le cas de
26 Karadzic, de Milosevic, des groupes d'intellectuels de Belgrade et d'autres
27 intellectuels et universitaires qui avaient participé à sa campagne
28 électorale. Martic avait obtenu beaucoup plus de soutien que Babic et puis,
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1 au dernier tour, c'est Babic qui a gagné.
2 Q. Et au premier tour des élections, le Parti radical serbe soutenait qui
3 ?
4 R. Nous avions notre propre candidat au premier tour, Rade Leskovac.
5 Q. En qualité de député au parlement de la République de Serbie et au
6 parlement fédéral, est-ce que vous vous souvenez, est-ce que vous savez si
7 la Fédération ou la République de Serbie avait financé d'une façon ou d'une
8 autre la République de la Krajina serbe ?
9 R. La République de Serbie a soutenu la RSK et la Republika Srpska,
10 soutenu financièrement, en nature, de toutes les façons possibles. Ce n'est
11 pas un secret. La Serbie devait aider les Serbes là où ils se trouvaient.
12 Et l'Etat fédéral également, il a aidé, il a fourni un appui, des fonds.
13 Q. Est-ce que cela s'est fait au moyen du budget de financement officiel
14 ou est-ce que ce financement était illégal ?
15 R. C'est passé par les canaux officiels. Peut-être qu'il y a eu aussi un
16 financement illégal, mais je ne sais pas. Je n'ai pas participé directement
17 à cela. Mais tout le monde en Serbie savait qu'un appui était fourni à la
18 RSK et à la Republika Srpska, et personne ne s'est opposé à cela. Même
19 l'opposition pro-occidentale n'a pas osé attaquer le régime. Certains
20 partis de l'opposition ont même jeté la pierre à Milosevic parce qu'il
21 n'aidait pas suffisamment.
22 Q. Je vais vous poser encore une question. Non, désolé, ce ne sera pas une
23 seule question. J'en aurai deux.
24 Vous avez probablement entendu lors de votre procès et, en l'espèce, --
25 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection. Question directrice.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais reformuler.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie.
28 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
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1 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu dire lors de votre procès --
2 Mme BIERSAY : [interprétation] Même objection, Monsieur le Président. Me
3 Zivanovic est en droit de poser une question au témoin à laquelle il
4 répondra, mais lui demander s'il a entendu dire quelque chose est une
5 question directrice.
6 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pour moi, ce n'est pas une question
7 directrice. Je lui demande simplement de me dire s'il a entendu dire
8 quelque chose ou pas.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'objection est rejetée.
11 Veuillez continuer, Maître Zivanovic.
12 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
13 Q. Avez-vous entendu dire lors de votre procès que des Chetniks, les
14 hommes de Seselj, ou les volontaires du Parti radical serbe avaient commis
15 des crimes sur le territoire de la Krajina serbe ?
16 R. Le bureau du Procureur a essayé au début d'étiqueter tous les hommes de
17 Seselj comme étant des criminels, et après la présentation des moyens à
18 charge, le bureau du Procureur l'a abandonné. Les éléments de preuve
19 recueillis par l'Accusation montraient que les Chetniks étaient clairement
20 séparés des hommes de Seselj. Oui, tous les Chetniks étaient les hommes de
21 Seselj mais l'inverse n'était pas forcément vrai.
22 Et l'Accusation a fait référence aux forces serbes, notamment les hommes de
23 Seselj, et les hommes de Seselj n'étaient pas clairement identifiés où que
24 ce soit d'ailleurs comme étant des auteurs de crimes. Ils ont voulu nous
25 attribuer plusieurs groupes, plusieurs personnes comme étant les hommes de
26 Seselj, mais il n'y avait absolument aucune preuve à cet égard. Donc,
27 l'Accusation n'a pas un seul faisceau de preuve montrant qu'un volontaire
28 du Parti radical serbe ait été envoyé par nous sur la ligne de front et ait
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1 jamais commis un crime. Cela n'existe pas, tout simplement. Alors, bien
2 sûr, il y a la formulation de l'entreprise criminelle commune --
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvez-vous recadrer votre témoin,
4 s'il vous plaît, sur votre question.
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur Seselj, j'aimerais que vous vous contentiez de nous dire si
7 vous avez connaissance du fait que des volontaires du Parti radical serbe
8 ont commis des crimes dans la région de Slavonie, Baranja et Srem
9 occidental ou en République de Krajina serbe ?
10 R. Non, non, pas un seul rapport ne le montre. Si cela avait été le cas,
11 j'aurais été le premier à réagir. Je ne pouvais pas les traduire en
12 justice, mais j'aurais pu les mettre sur la place publique, et je n'ai
13 jamais rechigné à le faire lorsqu'il s'agissait d'un certain comportement,
14 quelle qu'aient été les responsables.
15 Et cela n'existait pas chez les volontaires du Parti radical serbe, mais il
16 faut aussi garder à l'esprit autre chose, à savoir qu'il y avait beaucoup
17 de renouvellement parmi les volontaires. Par exemple, un homme pouvait
18 aller sur la ligne de front et était volontaire de notre parti. Il
19 assurerait une garde, revenait, et ensuite, sa prochaine garde se ferait au
20 nom d'un autre groupe de volontaires. Par exemple, quelquefois Arkan et
21 moi-même nous rencontrions, lors des funérailles de quelqu'un qui, au
22 début, avait été notre volontaire et puis, qui plus tard, avait rejoint les
23 hommes d'Arkan et était mort dans le cadre de la garde d'Arkan. Mais comme
24 nous savions qu'à l'origine cet homme était notre volontaire, par décence,
25 je me sentais obligé de me rendre à ses funérailles.
26 Q. Alors, je voudrais vous poser la question suivante. Est-ce que vous
27 savez si parmi les hauts représentants et les commandants de la JNA, tels
28 que Kadijevic, Adzic, ou des représentants politiques, tels que Martic,
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1 Milosevic, Milan Babic, Goran Hadzic, est-ce que vous savez si un plan ou
2 un accord a été conclu ou quelque sorte d'arrangement que ce soit ait été
3 conclu pour procéder à un nettoyage ethnique des non-Serbes de Slavonie,
4 Baranja et Srem occidental ?
5 R. Non, cela n'a pas eu lieu. Absolument pas. Je vous le garantis. Toutes
6 les instructions demandaient systématiquement de protéger la population
7 civile.
8 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur Seselj. Je n'ai plus de
9 questions.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, êtes-vous prête pour
11 votre contre-interrogatoire ?
12 Mme BIERSAY : [interprétation] J'aurais besoin de quelques minutes pour
13 m'organiser.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.
15 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Contre-interrogatoire par Mme Biersay :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Seselj.
18 R. Est-ce que je suis censé dire quelque chose ? Je suis là pour répondre
19 à vos questions. Vous n'avez pas posé de question. Vous venez juste de
20 remarquer que c'était une bonne après-midi. En tout cas, c'est
21 l'interprétation que j'ai reçue. Vous avez fait remarqué que l'après-midi
22 était belle. Est-ce que vous m'avez posé une question ? Je n'ai pas
23 compris. Je n'ai pas compris qu'il s'agissait d'une question.
24 Q. Non, ce n'était pas une question, vous avez tout à fait raison. Et
25 j'aimerais vous dire que lors de votre contre-interrogatoire, je vais vous
26 demander de répondre plus brièvement que lors de votre interrogatoire
27 principal par Me Zivanovic. Cela aiderait également les interprètes.
28 Est-ce que vous comprenez cela ?
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1 R. Oui. Je vais essayer d'être le plus bref possible, mais quelques fois
2 il faut être clair et précis. Sinon, les Juges de la Chambre ne
3 comprendront pas le tout, et c'est quelque chose qui me tient à cœur.
4 Q. C'est quelque chose qui nous tient à cœur à tous. Très bien.
5 Alors, je voudrais revenir sur quelque chose que vous avez dit à propos
6 d'Ovcara. Vous avez dit, je pense que c'était à la page 55 du compte rendu
7 d'audience, je ne suis pas sûre de la formulation exacte, mais ce que j'ai
8 noté reprend vos propos : "A plusieurs reprises, j'ai montré du doigt le
9 régime à cause d'Ovcara."
10 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?
11 R. Sur Ovcara ? Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. A mon avis, j'ai tout
12 éclairci sur Ovcara ici à La Haye, lorsque j'ai travaillé pendant mon
13 procès, lorsque j'ai envoyé mes propres enquêteurs sur le terrain, lorsque
14 j'ai analysé plusieurs documents.
15 Q. Nous allons y venir, Monsieur Seselj. Nous ne parlons pas de cela pour
16 le moment.
17 Il y a quelques instants, vous avez dit que vous n'aviez pas peur de mettre
18 les gens sur la place publique. Est-ce que vous avez bien dit cela ?
19 R. Je crois que j'ai dit précisément accuser publiquement. Je n'ai pas
20 utilisé le mot anglais que vous avez utilisé "stigmatise". J'ai dit
21 "accuser publiquement" parce que ce mot, "stigmatise" en anglais, a une
22 connotation légère plus négative que le terme accuser, du moins dans notre
23 langue.
24 Q. Monsieur Seselj, s'il vous plaît. J'ai compris votre réponse, et je
25 vais à présent vous poser une question.
26 Ma question est la suivante : en vous fondant sur ce que vous avez déclaré
27 aux Juges de la Chambre aujourd'hui, j'aimerais savoir si vous êtes revenu
28 sur Vesna Bosanac et si vous l'avez accusée pendant votre procès d'avoir
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1 préparé une liste de 200 personnes qui devaient être exécutées à Ovcara ?
2 R. Vous ne m'avez pas laissé le faire.
3 Q. Nous pourrons y venir, mais ma première question est : est-ce que vous
4 l'avez fait ?
5 R. Comment j'aurais pu le faire, si vous ne l'avez même pas interrogé
6 pendant l'interrogatoire principal. En fait, vous avez automatiquement
7 inclus sa déclaration et avez demandé un versement au dossier de cette
8 dernière, et vous saviez à l'époque que j'avais refusé de contre-interroger
9 des témoins qui étaient dans le prétoire, -- laissez-moi terminer, s'il
10 vous plaît, Madame, les interroger directement et pas sur la base de ce que
11 vous aviez rédigé.
12 Q. Un instant. Dois-je comprendre par ce que vous venez de dire, qu'étant
13 donné que c'était un témoin au titre de l'article 92 ter, vous aviez décidé
14 de ne pas lui poser de questions ?
15 R. Je n'ai pas décidé de ne pas lui poser de questions. J'ai décidé de ne
16 pas poser de questions à quiconque comparaissait dans le prétoire au terme
17 de l'article 92 ter du Règlement, parce que je continue à estimer que cet
18 article est illégal. Il a été adopté contre tous les principes juridiques.
19 Il est totalement arbitraire, et a été rédigé par les Juges du Tribunal de
20 La Haye. Il a été adopté dans une version ultérieure du Règlement. Il
21 n'existait pas au début, et ils se sont rendu compte qu'il était très utile
22 d'y avoir recours dans le procès Milosevic.
23 Vous ne semblez pas satisfaite de mes réponses, mais écoutez-moi jusqu'au
24 bout.
25 Q. Vos réponses sont vos réponses. Ce qui m'intéresse, c'est que vous
26 répondiez à la question de façon concise, et ensuite je vous poserai des
27 questions supplémentaires.
28 Donc, si je vous ai bien compris, ce que vous êtes en train de dire et
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1 confirmer-le-moi, c'est que vous avez demandé Vesna Bosanac, les 5 et 6
2 novembre 2008, si elle avait ou non ordonné d'exécuter 200 personnes à
3 Ovcara ?
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic,
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je pense que le témoin a répondu à cette
6 question. Il a dit que non.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Seselj, s'il vous plaît,
8 lorsque des objections sont soulevées et que nous essayons de nous
9 prononcer sur l'objection, je vous demanderais de bien vouloir de ne pas
10 intervenir à moins que les Juges de la Chambre ne vous le demandent.
11 Madame Biersay, veuillez continuer.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] M. Seselj a bien sûr expliqué son objection
13 quant à l'article 92 ter du Règlement qui est utilisé dans ce Tribunal, et
14 j'aimerais obtenir une réponse claire de sa part pour savoir si, oui ou
15 non, il a jamais avancé à Bosanac, les 5 et 6 novembre 2008, qu'elle a
16 participé à l'exécution de 200 personnes à Ovcara.
17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Seselj, est-ce que vous
19 m'avez entendu ?
20 Maître Zivanovic, c'est à vous.
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] D'après ce que je comprends, M. Seselj a
22 déclaré qu'il n'a pas contre-interrogé quelque témoin que ce soit qui avait
23 été convoqué au titre de l'article 92 ter du Règlement, car les
24 déclarations avaient été versées directement au dossier et, d'après ce que
25 j'ai compris, Mme Bosanac faisait partie de ces témoins.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose, Monsieur le
28 Président, je pense que cela vous aiderait.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La question a été posée, la réponse a
4 été recueillie.
5 Veuillez poursuivre, Madame Biersay.
6 Mme BIERSAY : [interprétation]
7 Q. Vous avez lancé ces accusations contre Vesna Bosanac lorsqu'au mois de
8 mars 2012, vous avez présenté votre plaidoirie; c'est exact ?
9 R. Vers la fin de la déposition de Vesna Bosanac, je me suis opposé de
10 façon véhémente contre la décision rendue par la Chambre de première
11 instance, et je précisais que la Chambre de première instance avait
12 autorisé le monstre de l'hôpital de Vukovar de sortir du prétoire libre, et
13 non sanctionné. Je ne peux pas vous répéter mot pour mot le compte rendu,
14 je vous renvois à la documentation. Et, lorsque j'ai interrogé d'autres
15 témoins comme Vukasinovic, par exemple, le colonel Ljubisa Vukasinovic et
16 d'autres témoins par exemple, il en va de même.
17 Q. Donc, la question que je vous pose est celle-ci : avez-vous lancé ces
18 accusations contre Vesna Bosanac lors de la présentation de votre
19 plaidoirie en mars 2012 ?
20 R. Si je me souviens bien, oui.
21 Q. Savez-vous que le Dr Bosanac a témoigné dans l'affaire contre Goran
22 Hadzic ?
23 R. Non.
24 Q. Donc, vous ne savez pas qu'elle a témoigné au mois d'avril 2013 ?
25 R. Si elle a témoigné, le bureau du Procureur aurait eu l'obligation de me
26 communiquer le compte rendu d'audience de sa déposition, parce que cela
27 porte sur mon procès. Je n'ai jamais reçu ce compte rendu, même si vous
28 prétendez que oui, vous devriez dans ce cas me montrer un récépissé. Et
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1 dans le cas où je l'ai reçu, je ne l'ai pas lu, mais vous devez m'envoyer
2 des preuves, car vous avez l'obligation de le faire.
3 Q. Savez-vous que la question n'a jamais été posée au Dr Bosanac ou, en
4 tout cas, qu'on ne lui a jamais présenté ces accusations, à savoir qu'elle
5 a sélectionné 200 personnes qui devaient être exécutées à Ovcara ?
6 R. Pourquoi ne lui avez-vous pas soumis cela ? Pourquoi m'avez-vous
7 empêché de lui poser la question ?
8 Q. Alors la Défense n'a pas posé ces questions au Pr Bosanac en l'espèce;
9 le saviez-vous ?
10 R. Non, je ne le savais pas. Mais comment puis-je être informé de ce que
11 fait l'équipe de Défense dans ce procès-ci ou de ce que l'équipe de Défense
12 avait ? J'ai eu une séance de récolement avec Me Zivanovic, et moi j'ai
13 parlé des choses à propos desquelles je pouvais témoigner. Je ne lui ai pas
14 parlé de ce qu'il a fait avant, ni de la manière dont il a interrogé tel ou
15 tel témoin. Il ne m'a pas parlé non plus des témoins qui ont comparu ici,
16 et surtout pas les témoins à charge. Je ne m'en souviens pas d'un seul. Il
17 a insisté pour que je lui donne un récit le plus complet possible des
18 connaissances que j'avais, plutôt que de partager avec la connaissance
19 qu'il a en se fondant sur l'interrogatoire de témoins précédents.
20 Q. Vous et M. Hadzic, vous êtes ensemble au quartier pénitentiaire depuis
21 2011, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, effectivement, mais nous ne nous voyons que très rarement, car
23 nous sommes dans des ailes différentes. Nous n'avons jamais été dans la
24 même aile du quartier pénitentiaire. Quelquefois, nous avions l'habitude de
25 nous rencontrer si quelqu'un venait nous rendre visite ou lorsque quelqu'un
26 venait me demander, par exemple, quelqu'un qui se trouve sur un autre
27 étage, venait me voir et me demander, s'agit-il de Hadzic, de Lukic, de
28 Tolimir. Et à ce moment-là, on m'invitait à une célébration dans une aile
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1 différente, et à ce moment-là, je rencontrais ceux qui habitaient ou qui
2 logent dans cette aile-là.
3 Mais nous n'avons pas l'occasion de nous rencontrer tous les jours.
4 Et si nos femmes viennent nous rendre visite, peut-être que dans ce cas
5 nous nous trouvons dans la même partie du quartier pénitentiaire. Et si je
6 change d'étage, nous échangeons quelques mots, mais nous ne sommes jamais
7 ensemble à proprement parler.
8 Q. Et, comme vous le dites, M. Hadzic et vous, vous êtes dans le même
9 bateau au quartier pénitentiaire, n'est-ce pas ?
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.
11 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pardonnez-moi, est-ce que l'on peut
12 préciser la question, qu'est-ce que cela signifie "être dans le même
13 bateau" ?
14 Mme BIERSAY : [interprétation] Bon, c'est une expression utilisée par M.
15 Seselj lui-même. C'est exactement ce que je souhaite savoir.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Biersay.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, si ma mémoire ne me fait pas défaut, je
18 n'ai jamais parlé de bateau. J'ai dit que nous étions maintenant dans le
19 même, et je n'ai pas prononcé le terme suivant parce qu'en serbe, c'est un
20 juron. C'est un mot à quatre lettres. Tout Serbe sait de quoi je parle et,
21 si vous insistez, je peux vous le dire, Monsieur le Juge.
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 Mme BIERSAY : [interprétation]
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1 Q. Aujourd'hui, vous avez longuement parlé de ce qui est arrivé à Ovcara
2 d'après vous.
3 R. Oui. Ce n'est pas ce que je pense. C'est ce que je maintiens. C'est ce
4 que je sais.
5 Q. Et vous le savez en dépit du fait que vous n'étiez pas vous-même à
6 Ovcara, n'est-ce pas ?
7 R. Je n'étais pas à Ovcara. Je ne peux pas pondre un œuf, mais si je mange
8 un œuf je peux vous dire si l'œuf est bon ou pas. J'ai pris connaissance
9 des crimes par la suite. Mais lorsque je me suis trouvé à La Haye, j'ai
10 commencé à enquêter de façon sérieuse sur la question, d'autant que cinq
11 ans plus tard, le Tribunal de La Haye a enregistré le nom de mes
12 conseillers juridiques de façon à ce que je puisse leur parler sans que
13 l'on me mette sur écoute. Pas avant que je ne fasse la grève de la faim
14 pour protéger mes droits et pour me débarrasser du conseil qui avait été
15 commis d'office et qui m'avait été imposé.
16 Q. Oui, j'entends bien. Donc, lorsque vous avez témoigné dans l'affaire
17 Milosevic, votre point de vue était différent de celui des éléments
18 présentés dans les éléments de preuve; c'est exact ?
19 R. Non, on ne peut pas dire que le point de vue était différent parce que
20 j'ai également parlé d'Aleksandar Vasiljevic et d'autres choses. Mais je me
21 souviens bien qu'à l'époque, j'ai dit que mes enquêteurs travaillaient
22 dessus et travaillaient toujours dessus, et je suis sûr que ceci a été
23 consigné quelque part.
24 Les informations dont je disposais à l'époque étaient que l'armée a
25 vraiment remis les prisonniers aux autorités civiles. Et la presse serbe en
26 a beaucoup parlé. Personne au niveau du grand public serbe n'a parlé d'une
27 autre version des choses. Je n'avais aucune idée en tout cas sur ce sujet.
28 Lorsque j'ai préparé ma défense, une fois que mes conseillers juridiques
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1 ont été enregistrés, j'ai pu faire la clarté dans mon esprit à ce sujet et
2 je peux vous parler de ce que j'ai appris depuis. Et donc, il s'agit
3 d'informations qui me venaient de différentes sources. Et mon état d'esprit
4 était d'une certaine façon à l'époque et est différent aujourd'hui.
5 Q. Alors, quelle était votre principale source, votre source
6 d'information, lorsque vous avez témoigné dans l'affaire Milosevic ?
7 R. Je n'avais pas de source à l'époque alors je parlais spontanément de ce
8 que je savais à l'époque et ce qui, à mon sens, était vrai. Je n'avais pas
9 de sources à l'époque. Et je n'ai appris de la presse serbe ce que je
10 savais sur cela.
11 Q. Dans la déclaration que vous avez remise à l'équipe de Défense Hadzic,
12 au paragraphe 78, et je vais vous lire l'extrait en anglais :
13 "Lors de ma déposition dans l'affaire Milosevic, je disposais d'autres
14 informations qui provenaient essentiellement des sources de la JNA qui, à
15 mon sens, étaient vraies. C'est la raison pour laquelle j'ai déclaré que le
16 gouvernement de la Région autonome du SBSO avait pris à leur charge les
17 prisonniers qui ont été exécutés à Ovcara."
18 R. Comment se fait-il que l'on voie Hadzic au niveau du compte rendu
19 d'audience ? Moi je ne vous ai pas entendu parler de Hadzic et ici on lit
20 Hadzic.
21 Q. Alors, je vais préciser. Dans la déclaration que vous avez remise à
22 l'équipe de Défense Hadzic, la déclaration que vous avez signée cette
23 année, moi je vous lis un paragraphe extrait de cette déclaration. Donc, ce
24 que je viens de vous lire correspond à quoi, c'est l'anglais, c'est le
25 paragraphe 78 de la version anglaise.
26 R. Oui. Madame Biersay, le premier nom que l'on voit ici est celui de
27 Hadzic, alors qu'on lit ici "la Région autonome du SBSO". Maintenant, cela
28 a été supprimé depuis mon intervention. Ici, à l'écran, au niveau du compte
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1 rendu d'audience. Pas dans ma déclaration.
2 Madame Biersay, l'ensemble de la presse serbe a publié des informations en
3 vertu desquelles --
4 Vous ne souhaitez pas entendre mes réponses.
5 Q. Si, si, bien sûr. Mais ce que je dis, c'est que vous avez dit que vous
6 n'aviez pas de sources, et au paragraphe 78, vous dites que cela provenait
7 des sources de la JNA. Donc, j'essaie de concilier ces deux déclarations.
8 R. Je trouve qu'il est étrange que vous ne m'ayez pas bien compris, Madame
9 Biersay, parce que d'après moi, vous êtes une femme intelligente. Mes
10 informations me provenaient des sources de la JNA. Alors, ce que la JNA a
11 relaté au grand public, c'est la seule chose qui était disponible et qu'a
12 entendue le grand public serbe.
13 Au niveau de l'enquête menée par un tribunal militaire de Belgrade, Veselin
14 Sljivancanin, Mrksic et d'autres, eh bien, ont été interrogés. A la fin de
15 l'enquête, ils n'ont pas été déclarés coupables mais les prisonniers leur
16 ont été remis et un peloton d'exécution les a abattus. Vous disposez de
17 documents importants pour mener votre enquête. Vous voyez que les services
18 de sûreté de la JNA, services de sécurité militaire de la JNA, ont inventé
19 de toutes pièces certaines informations pour décevoir le grand public et
20 n'étaient pas disposés à venir à La Haye pour venir en parler.
21 Q. Alors, j'en suis sûre. Maintenant, je vais vous lire un extrait de
22 votre déposition dans l'affaire Milosevic.
23 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, mais
24 la dernière phrase de M. Seselj n'a pas été consignée ou n'a pas été
25 traduite. Il a parlé du général Mrksic.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Après que l'on mentionne "les
27 services de sécurité de la JNA qui ont inventé de toutes pièces les
28 informations et s'en sont servies pour tromper le grand public".
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1 M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est à la ligne 8, après la dernière
2 phrase, à la ligne 8. C'est une phrase entière qui n'a pas été consignée au
3 compte rendu d'audience.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] "…a inventé de toutes pièces des
5 informations pour tromper le public. C'est à contrecoeur que je suis venu à
6 La Haye. Je n'avais aucune idée au sujet de cela", et ensuite il manque
7 quelque chose, Maître Zivanovic.
8 Monsieur Seselj, est-ce qu'il manque quelque chose ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais sur le point de dire que j'ai eu
10 plusieurs réunions avec le général Mrksic, et de parler de la manière dont
11 le général Mrksic m'a parlé en détail sur ce qui s'était passé, et ce qui
12 est encore plus important, le général Mrksic m'a non seulement parlé de
13 menaces proférées contre sa famille, mais m'a dit également que pendant
14 quasiment un mois on l'avait emmené à Dobanovci. C'était un terrain
15 militaire, il pouvait aller à la chasse, mais pendant quatre heures des
16 officiers chargés de la sécurité travaillaient avec lui, et leur objectif
17 c'était qu'il ne mentionne rien d'important ici.
18 Tout d'abord, ils souhaitaient lui servir une version qui leur était
19 davantage favorable. Et ensuite, ils ont décrété qu'il était préférable
20 qu'il ne témoigne jamais, donc il n'a jamais témoigné dans son propre
21 procès.
22 Mme BIERSAY : [interprétation] Je ne sais pas s'il a répondu à la question,
23 en tout cas la réponse était longue. Je regarde l'heure, et je pense que je
24 peux conclure pour aujourd'hui.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Fort bien.
26 Monsieur Seselj, nous en avons terminé pour aujourd'hui. Nous allons tous
27 revenir demain à 9 heures. Vous êtes toujours un témoin, et puisque vous
28 êtes encore à la barre, vous êtes encore un témoin, vous ne pouvez aborder
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1 la question de votre déposition avec quiconque, et vous ne pouvez
2 communiquer ni avec l'une ni avec l'autre partie, que ce soit la Défense ou
3 le bureau du Procureur; est-ce bien clair ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'aimerais contacter Mme Biersay, si
7 c'est possible, parce que je la trouve vraiment agréable. C'est une petite
8 plaisanterie, j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.
10 [Le témoin quitte la barre]
11 --- L'audience est levée à 14 heures 00 et reprendra le mercredi, 10
12 septembre 2014, à 9 heures 00.
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