Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 7 octobre 2014

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans ce

  6   prétoire et à l'extérieur.

  7   Je vais demander à Mme la Greffière de citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

  9   s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 11   Je vais demander au Procureur de se présenter.

 12   M. OLMSTED : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Matthew

 13   Olmsted et Thomas Laugel pour le bureau du Procureur.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 15   La Défense.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour Goran

 17   Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell, avec notre commis à

 18   l'affaire, Negosava Smiljanic.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   Je voudrais demander que l'on consigne au compte rendu d'audience le fait

 21   que nous siégeons en vertu de l'article 15 bis, le Juge Mindua étant

 22   absent.

 23   Maître Zivanovic, on nous a dit que vous aviez un point à soulever.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   Monsieur le Président, la Défense demande la prolongation de délai ainsi

 26   qu'une explication de votre décision du mois de septembre 2014 de sorte que

 27   nous puissions échanger les documents avec tous les témoins de la Défense

 28   qui se trouvent actuellement en détention dans le quartier pénitentiaire.


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  1   Dans votre décision, au paragraphe 6(iii), vous avez demandé au "Greffier

  2   de permettre l'échange de documents entre la Défense Hadzic et avec le

  3   Témoin DGH, et ceci, pour préparer sa comparution en tant que témoin en

  4   l'espèce." Ceci s'applique à tous les témoins placés en détention.

  5   Hier, un certain nombre de problèmes se sont présentés pendant la

  6   préparation du Témoin DGH-046, à savoir que la Défense n'a pas pu agir

  7   conformément à l'ordonnance. La Défense a communiqué au conseil de la

  8   défense toute une série de documents, et ceci, conformément au règlement en

  9   vigueur dans le quartier pénitentiaire, des documents qu'il s'agissait de

 10   communiquer au témoin pour qu'il se prépare à la session de récolement. A

 11   partir du moment où la session de récolement a commencé, on a empêché le

 12   témoin d'apporter le classeur avec les documents de sa cellule, en dépit du

 13   fait que son conseil était présent pour recevoir ces documents pendant la

 14   réunion. La conséquence de cela est que nous n'avons pas pu passer en revue

 15   ces documents.

 16   Hier matin, j'ai apporté un autre classeur avec de nouveaux documents

 17   que j'ai voulu communiquer au témoin, mais cette fois-ci c'est son conseil

 18   qui n'a pas pu communiquer ces documents à son client. Comme vous le savez,

 19   la Défense a l'intention de citer au moins cinq témoins qu'il s'agit de

 20   préparer dans le quartier pénitentiaire. C'est pour cela que je vais

 21   demander aux Juges de la Chambre de faire en sorte que la Défense puisse

 22   communiquer aux témoins qui se trouvent au quartier pénitentiaire des

 23   documents, et je vais vous demander donc de modifier votre ordonnance pour

 24   permettre aux témoins d'apporter ces documents pour la prochaine session de

 25   récolement.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Zivanovic.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que votre témoin est prêt,


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  1   Maître Zivanovic ?

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, oui, oui. Mais avant qu'il n'entre

  3   dans ce prétoire, je voudrais informer les Juges de la Chambre que sur

  4   notre liste nous avons cinq documents qui viennent de la quatrième demande

  5   à modifier la liste en vertu de l'article 65 ter, et je voudrais vous

  6   demander la permission d'ajouter ces documents sur notre liste. Il s'agit

  7   des documents 1D3766, 1D3767, 1D3768, 1D3769 et 1D3770.

  8   Je voudrais aussi demander à ajouter quatre documents sur notre liste en

  9   vertu de l'article 65 ter que nous avons placés sur notre liste des pièces

 10   à conviction accompagnant ce témoin. Il s'agit des documents 1D3761,

 11   1D3777, 1D3778 et 1D3779.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous aussi nous fournir les

 13   intercalaires qui correspondent à la liste des pièces à conviction --

 14   M. ZIVANOVIC : [hors micro]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suppose qu'on les trouve sur le

 16   tableau ?

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] 1D3766 correspond à l'intercalaire 669.

 18   1D3767 correspond à l'intercalaire 670. 1D…

 19   [Le conseil de la Défense se concerte]

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] 1D3761 correspond à l'intercalaire 671.

 21   1D3769 correspond à l'intercalaire 672. Une erreur s'est glissée. Il ne

 22   s'agit pas du numéro 1D3761, mais 1D3768, qui se trouve à l'intercalaire

 23   671. 1D3769 correspond à l'intercalaire 672. Et 1D3770 correspond à

 24   l'intercalaire 673. 1D3761 correspond à l'intercalaire 638. 1D3777

 25   correspond à l'intercalaire 714. Et le document 1D3778 correspond à

 26   l'intercalaire 715. 1D3779 correspond à l'intercalaire 716.

 27   Merci.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.


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  1   Je vais demander que l'on fasse entrer le témoin, s'il vous plaît.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, j'ai oublié un document,

  3   1D3646, qui correspond à l'intercalaire 713.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que le Procureur a un point de

  5   vue par rapport à tous ces documents proposés ?

  6   M. OLMSTED : [interprétation] En regardant rapidement ces pièces à

  7   conviction, le Procureur, d'emblée, peut dire qu'il n'a pas d'objection

  8   quant aux documents 1D3766, 3767, 3768, 3769, 3770, 3777, 3778 et 3779. En

  9   ce qui concerne tous ces documents, ce sont les documents que le Procureur

 10   a mis sur sa propre liste de documents à présenter par le biais de ce

 11   témoin et nous n'avons pas d'objection par rapport à ces documents.

 12   En ce qui concerne les documents 1D3761 et 1D3646, le Procureur soulève une

 13   objection car nous pensons qu'on nous a avertis trop tardivement de

 14   l'existence de ces documents et de la volonté de les présenter par le biais

 15   de ce témoin.

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suppose que vous m'entendez dans

 20   une langue que vous comprenez.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends parfaitement bien.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu à La Haye pour

 23   aider le Tribunal. Je vais vous demander de nous communiquer votre nom,

 24   votre prénom et votre date de naissance.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vojin Susa. Je suis né le 14 août

 26   1957.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Monsieur Susa, vous allez

 28   prononcer la déclaration solennelle qui vous engage à dire la vérité. Et je

 


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  1   dois vous rappeler qu'en faisant cela, vous vous exposez au risque

  2   d'encourir une peine pour le faux témoignage dans le cas où vous ne donnez

  3   pas des informations véridiques à ce Tribunal au moment de votre

  4   déposition.

  5   Je vais vous demander, donc, à présent de lire le texte de la déclaration

  6   solennelle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : VOJIN SUSA [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   Maître Zivanovic, peut-être qu'il faudrait tout d'abord en finir avec les

 13   documents, parce que le Procureur a soulevé une objection par rapport à

 14   deux documents. Est-ce que vous avez une réponse pour le Procureur ?

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, effectivement. Que je sache, le

 16   document 1D3646 était une pièce connexe par rapport à la déclaration

 17   présentée en vertu de l'article 92, donc ce n'est pas un document nouveau,

 18   que je sache.

 19   En ce qui concerne le document 1D3761 -- 1D3646 -- ou, plutôt, 3761, c'est

 20   une modification de la constitution de la RSK, et c'est un document que le

 21   Procureur connaît depuis bien longtemps.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Tous ces documents vont être ajoutés

 24   à la liste en vertu de l'article 65 ter, y compris les deux documents au

 25   sujet desquels le bureau du Procureur a soulevé des objections.

 26   Maître Zivanovic, c'est à vous.

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Interrogatoire principal par M. Zivanovic : 


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  1   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Susa.

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Je vais me présenter pour le compte rendu d'audience, même si nous nous

  4   connaissons déjà. Je m'appelle Zoran Zivanovic et, en l'espèce, je défends

  5   les intérêts de M. Hadzic.

  6   Je voudrais tout d'abord vous demander de nous dire où vous êtes né, où

  7   vous avez vécu jusqu'en 1991.

  8   R.  Comme je l'ai déjà dit, je suis né le 14 août 1957 à Vinkovci, qui

  9   faisait partie de la République de Croatie et qui, quant à elle, faisait

 10   partie de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Peu de temps

 11   après ma naissance, mes parents ont été mutés et ils ont commencé à

 12   travailler dans un village voisin, Stari Jankovci. C'est là que j'ai grandi

 13   et que j'ai fréquenté l'école élémentaire. Ensuite, j'ai fréquenté l'école

 14   secondaire de Vinkovci et j'ai étudié le droit à Osijek. Après avoir

 15   terminé mes études, donc, en tant que diplômé de droit, j'ai commencé à

 16   travailler en tant que stagiaire dans le bureau du procureur de Vinkovci.

 17   Après avoir passé mon examen de carrière judiciaire, j'ai été nommé au

 18   poste du procureur municipal de Vinkovci. Je suis resté à ce poste jusqu'en

 19   septembre 1991.

 20   Q.  Est-ce que vous avez déjà déposé dans une affaire devant ce Tribunal ?

 21   R.  Oui, en effet, j'ai déposé en 1998 dans l'affaire concernant feu M.

 22   Slavko Dokmanovic.

 23   Q.  Est-ce que vous avez aussi fourni une déclaration au préalable aux

 24   parties dans cette affaire-là ?

 25   R.  J'ai été entendu en tant que témoin de Défense, donc par l'équipe de la

 26   Défense à la tête de laquelle se trouvait M. Toma Fila. J'ai aussi fourni

 27   une déclaration préalable à l'équipe du bureau du Procureur. Donc, mon

 28   entretien avec le bureau du Procureur a fait l'objet d'une déclaration


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  1   assez longue en langue anglaise. Autrement dit, cet entretien s'est fait en

  2   anglais avec l'aide de l'interprète. Moi, je parlais en serbe, ensuite il y

  3   avait une interprète. Le bureau du Procureur parlait en anglais et tout

  4   cela était interprété, donc. Et tout cela s'est déroulé de façon très

  5   correcte, et moi j'ai signé cette déclaration en anglais. Je l'ai signée

  6   dans le bureau de l'avocat, Toma Fila. C'est M. Vasic, son assistant, qui a

  7   apporté cette déclaration en langue anglaise.

  8   Cette déclaration n'était pas traduite en serbe. Il l'avait lue à l'époque,

  9   il l'avait examinée en m'affirmant que tout allait bien, et donc moi j'ai

 10   apposé ma signature sur cette déclaration.

 11   Q.  Est-ce que vous avez aussi donné une déclaration préalable à la Défense

 12   de M. Dokmanovic ?

 13   R.  Je pense bien que oui.

 14   Q.  Pourriez-vous nous décrire les rapports interethniques qui prévalaient

 15   en Croatie dans les années 1990 ?

 16   R.  D'après mon évaluation, ces rapports étaient bons. Dans le village où

 17   mes parents ont travaillé comme instituteurs, eh bien, j'ai grandi dans une

 18   partie du village habitée exclusivement par des Croates et des Hongrois.

 19   Tous mes amis d'enfance, et j'en ai gardé quelques-uns, sont soit Croates,

 20   soit Hongrois. On ne parlait pratiquement pas d'appartenance ethnique. On

 21   était dans une situation qui était prospère. On se développait de façon

 22   continue sur le plan individuel et collectif, l'éducation était gratuite,

 23   la plupart des gens avaient un travail. Nous bénéficiions tous d'une bonne

 24   sécurité sociale et la situation était agréable.

 25   Q.  Est-ce que la situation a changé dans les années 1990 ?

 26   R.  Malheureusement, oui. Moi, comme je vous l'ai déjà dit, j'ai été

 27   procureur municipal. Mis à part les tâches habituelles du procureur où il

 28   s'agit donc de combattre la criminalité, le procureur procède à des


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  1   évaluations sur le terrain où il s'agit de suivre la situation sur le

  2   terrain pour empêcher et se prémunir contre des crimes futurs ou éventuels.

  3   Vers la fin des années 1980, et ensuite de plus en plus dans les années

  4   1990, et surtout en 1990 et 1991, nous avons remarqué qu'à partir du moment

  5   où les gens qui travaillent à l'étranger de façon temporaire et qui

  6   retournent chez eux lors des fêtes de Noël et autres, eh bien, nous avons

  7   remarqué qu'ils avaient de plus en plus tendance à parler des thèmes qui

  8   étaient de plus en plus politisés. Ils n'étaient pas contents avec la RSFY,

  9   ils n'étaient pas contents avec les rapports sociaux qui prévalaient, ils

 10   disaient que les rapports n'étaient pas bien équilibrés et que les

 11   républiques plus développées étaient exploitées par les autres républiques

 12   et que, de toute façon, il fallait mettre un terme à tout cela ou changer

 13   tout cela.

 14   Et on disait aussi qu'en Croatie, il y avait beaucoup trop de Serbes

 15   qui avaient des postes à responsabilité, qu'il s'agisse du domaine de la

 16   politique ou bien de l'économie. Et vers la fin de l'année 1990 et au début

 17   de l'année 1991, en Croatie, on a vu apparaître des dissidents politiques

 18   qui avaient émigré dans le passé et qui avaient eu des problèmes avec la

 19   loi à cause, justement, de leur position nationaliste et chauviniste.

 20   Et puis, je voudrais ajouter, avec votre permission. Ces histoires

 21   n'étaient pas vraies. Tout cela n'était pas vrai parce que -- je vais vous

 22   en citer un exemple. Moi, j'ai pu être embauché dans le bureau du procureur

 23   municipal en respectant ce que l'on appelait la clé ethnique. Que cela

 24   veut-il dire ? Eh bien, quand il s'agit de nommer des gens à des postes à

 25   responsabilité, on respecte l'équilibre national ou ethnique de la région,

 26   de sorte que dans le bureau du procureur municipal de Vinkovci il y avait

 27   quatre substituts du procureur et j'étais le seul Serbe. Il ne pouvait pas

 28   y avoir plus de Serbes. Il est vrai que je remplaçais M. Branko Mijovic,


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  1   qui était lui aussi Serbe et qui jusqu'alors travaillait dans le bureau du

  2   procureur municipal, et ensuite il a pris d'autres fonctions à Osijek.

  3   Donc, si vous voulez, cet équilibre qui reflétait la structure de la

  4   population existait dans toutes les autres structures de la société.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement, nous exposer brièvement,

  6   les rapports qui prévalaient entre la population serbe ? De quel œil

  7   regardait la population serbe ces changements en cours en Croatie ?

  8   R.  Eh bien, je peux vous citer l'exemple de ma famille. On était inquiets.

  9   On n'avait pas vraiment peur au départ, mais il est vrai qu'on a été

 10   inquiets, car mes parents, surtout, avaient un vif souvenir de la Deuxième

 11   Guerre mondiale. Nous, les plus jeunes, nous regardions cela d'un autre

 12   œil, mais eux, ils sont passés par là. C'est du vécu pour mes parents.

 13   Dans ma famille, qui n'est pas une famille bien grande - en 1941, on était

 14   une vingtaine dans notre hameau qui portions le même nom de famille - eh

 15   bien, quatre membres de cette famille âgés entre 16 et 25 ans ont fini leur

 16   vie dans un camp de concentration. Il s'agit du frère et de la sœur de mon

 17   père, et il se souvient de tout cela. Pour lui, il s'agit d'une tragédie

 18   familiale. Bien entendu, il s'agit là de quelque chose qui a beaucoup

 19   troublé les gens et ça les a perturbés. Il y en avait même certains qui

 20   étaient animés par la crainte.

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire comment les autorités à l'époque ont

 22   réagi à ces événements en Croatie ? Est-ce qu'on a essayé de calmer les

 23   choses ?

 24   R.  Les autorités à l'époque essayaient, en effet, de calmer les choses. Au

 25   cours de cette période de 1989 et 1990, les organes de l'Etat voyaient les

 26   choses de façon négative. Mais il n'y a pas eu de mesures précises qui ont

 27   été prises pour ouvrir des enquêtes ou des choses de ce genre. Tout cela

 28   s'est fait plus tard. En fait, en paroles, on voulait prendre des mesures,


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  1   mais dans les faits on ne faisait pas grand-chose.

  2   Q.  Est-ce que vous pouvez nous indiquer ce qui s'est produit après 1989,

  3   1990, que s'est-il déroulé ensuite ?

  4   R.  Eh bien, ensuite -- oui, excusez-moi. Donc, je voulais dire que nous

  5   étions en train de nous préparer, nous attendions des élections

  6   multipartites. Et au cours de ces préparatifs en vue de ces élections, des

  7   réunions politiques ont été organisées, des nouveaux partis ont vu le jour.

  8   Outre l'ancienne Ligue des Communistes, qui s'est transformée en Croatie en

  9   introduisant toute une série de positions plus libérales en faveur de la

 10   liberté, tous les autres partis qui avaient été formés étaient des partis,

 11   malheureusement, beaucoup plus nationalistes qui se battaient entre eux

 12   pour souligner davantage que la Croatie devait appartenir aux Croates et

 13   qu'il devait y avoir une indépendance politique et économique de la

 14   Croatie.

 15   Dans certaines zones de Croatie, qui étaient habitées par une

 16   majorité de population serbe, des partis ont été fondés qui étaient

 17   ethniquement serbes. Et je crois que le pire pour nous, c'est que des gens

 18   des zones urbaines, des gens qui à une époque ne s'identifiaient pas à tel

 19   ou tel groupe --

 20   Q.  Est-ce que vous savez s'il y a eu des événements particuliers qui

 21   auraient perturbé singulièrement la population serbe habitant là où vous

 22   étiez ?

 23   R.  Bien, vous savez, des incidents qui, en fait, se réduisent à des

 24   altercations verbales ou quelque peu physiques ont commencé à voir le jour

 25   depuis 1989 jusqu'en 1990, 1991. Moi-même à l'époque, à cette période de ma

 26   vie, je n'ai pas observé de changements particuliers en ce qui me concerne

 27   personnellement. Alors, je ne sais pas si c'était parce que je ne suis pas

 28   ce type d'homme ou peut-être parce que je me trouvais dans un poste qui


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  1   inspirait le respect, mais en tout cas personne n'a manifesté de sentiment

  2   hostile à mon endroit. Les choses se sont compliquées de façon singulière

  3   après que le HDZ ait remporté les élections. Et tout ce qui se produisait,

  4   bon, ces discussions, ces menaces, ont commencé à se concrétiser. Il était

  5   obligatoire pour les organisations de travailleurs de signer des

  6   déclarations d'allégeance à l'Etat croate. Même si on ne mettait pas en

  7   cause l'intégrité de l'Etat croate, il fallait l'affirmer par écrit et s'y

  8   engager. Un processus s'est mis en route qui a abouti à la perte d'emploi

  9   de la part de nombreux Serbes qui occupaient des postes de haute

 10   responsabilité. Par exemple, dans ma famille, mon épouse a perdu son

 11   emploi, mais elle est restée à Stari Jankovci. Elle était enseignante de

 12   musique dans une école primaire. Elle a perdu son emploi au faux prétexte

 13   de qualifications professionnelles, ce qui n'était pas le cas, et ensuite

 14   ce poste a été donné à quelqu'un qui était moins qualifié qu'elle.

 15   Donc, lors de conversations avec d'autres personnes, j'ai appris que dans

 16   la zone où ils habitaient, et même au sein de leurs familles, le même type

 17   d'événements se produisaient.

 18   Q.  Vous disiez que lorsque le HDZ a pris le pouvoir, ils ont commencé à

 19   mettre en place des mesures juridiques qui ont eu un impact sur les

 20   relations interethniques. Est-ce vrai ?

 21   R.  Oui, la constitution a été amendée de sorte que l'organe principal de

 22   la constitution, qui est le document constitutif d'un Etat, les Serbes ont

 23   été biffés, ils n'étaient plus un des éléments constitutifs. C'était une

 24   menace sérieuse et un danger pour les Serbes. Je rappelle que -- en tout

 25   cas, je vous rappelle que la Croatie dans laquelle je suis né a été créée

 26   après la Seconde Guerre mondiale, après les combats pour la libération et

 27   après que les autorités profascistes se soient effacées et que la

 28   République de Croatie prétendument indépendante ait été créée de 1941 à


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  1   1944. La Croatie, ensuite, a été créée sur la base des lois postérieures à

  2   la Seconde Guerre mondiale, et les Serbes ont eu beaucoup de victimes.

  3   Enfin, je ne veux pas reparler de ça parce que je ne veux pas que l'on

  4   m'accuse de marchandage ou de tirer profit de ces pertes humaines, mais je

  5   peux vous dire que les pertes humaines étaient très nombreuses. Il ne

  6   s'agissait pas uniquement de résultats des combats avec les forces

  7   d'occupation nazies et fascistes. Ce qui est extrêmement regrettable, c'est

  8   qu'il y avait également eu des camps de concentration en grand nombre,

  9   Jasenovac et d'autres. Le pire encore, celui qui enfermait des enfants à

 10   Jastrebarsko.

 11   Donc, ensuite, après cette situation regrettable, les Croates et les Serbes

 12   se sont retrouvés ensemble dans ces organes de pouvoir et ils ont créé la

 13   République fédérale socialiste de Croatie, et puis ensuite ça a été

 14   rebaptisé République fédérale socialiste de Yougoslavie. Mais en ayant été

 15   supprimés de la constitution, les Serbes ont entendu ce message horrible,

 16   et dans la presse on lisait des articles horribles sur le fait que les

 17   Serbes avaient concentré tout le pouvoir, qu'ils avaient eu plus que ce

 18   qu'ils ne représentaient et que tout ceci devait se terminer.

 19   Q.  Alors, non seulement ont-ils été biffés de la constitution, puis il y

 20   avait ces articles horribles dans les journaux, est-ce que vous pouvez nous

 21   dire si d'autres choses se sont produites qui ont instillé ce sentiment de

 22   menace au sein des Serbes ? Est-ce qu'il y a eu des événements qui

 23   indiqueraient qu'il pouvait y avoir un conflit armé ?

 24   R.  Ce n'étaient pas vraiment des événements. Si vous voulez, c'était

 25   quelque chose de continu. Déjà au début de 1990, et puis ça a accéléré à

 26   partir du milieu des années 1990, par exemple, à Vinkovci, on observait

 27   qu'il y avait des personnes en armes dans des uniformes militaires

 28   classiques, et je me demandais à l'époque quelles étaient ces unités, qui


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  1   était-ce. Sachant que j'avais tout de même beaucoup de connaissances au

  2   sein de la police, et cetera, j'ai pu ensuite interroger des gens de la

  3   police si ces unités relevaient de la police, et la réponse qu'on me

  4   donnait était, "Non. Ce sont d'autres unités. On ne sait pas trop de qui

  5   elles relèvent et qui les a créées." Manifestement, au vu des insignes

  6   qu'ils arboraient, ils ne relevaient pas de l'armée populaire yougoslave

  7   non plus, alors, qui était la seule armée régulière qui existait à l'époque

  8   sur le territoire de la RFSY, y compris la Croatie.

  9   Mais plus tard, nous avons appris que ces unités s'appelaient la Garde

 10   nationale croate, ZNG. Et ce qui est important à savoir, c'est que les

 11   membres de ces unités ne pouvaient être que Croates, ce qui indique qu'on

 12   créait là une formation particulière. Relevait-elle de la police, était-

 13   elle plutôt militaire, on n'en savait rien à l'époque parce qu'il y avait

 14   manifestement une nouvelle approche, une nouvelle tendance, ce qui posait

 15   une menace pour les Serbes. Au début, ces unités se trouvaient dans des

 16   zones qui n'étaient pas des zones où étaient censées se trouver des

 17   formations militaires ou de police, telles que des centres d'entraînement

 18   ou des camps militaires. Mais dès la fin 1990 ou mi-1990, ces unités

 19   étaient présentes publiquement. Ils patrouillaient. Ils vérifiaient,

 20   s'occupaient de la circulation routière, et cetera, surtout dans des zones

 21   où il y avait des villages serbes. Donc, des gens étaient sortis de leurs

 22   voitures, on les emmenait pour des interrogatoires, des événements

 23   désagréables se sont produits, saisie de véhicules et même usage de la

 24   force, qui à cette époque se limitait à quelques coups. Mais en fait, au

 25   tout début, les personnes pouvaient ensuite rentrer chez elles et les

 26   événements les plus extrêmes ne se produisaient pas encore, ce qui

 27   adviendrait plus tard, tels que des disparitions, et cetera.

 28   Q.  Alors, l'apparition de ces formations armées et puis le fait qu'on les


Page 11899

  1   ait armées, quel effet est-ce que cela a eu sur la population serbe en

  2   Slavonie, Baranja et Srem occidental ?

  3   R.  Eh bien, je crois que l'on peut imaginer facilement au vu de ce que je

  4   viens de dire que les Serbes étaient mal à l'aise, et ils ont commencé à

  5   s'organiser aussi. Ils ont dû s'organiser eux-mêmes. Les gens ont commencé

  6   à constituer des tours de garde de village qui contrôlaient la nuit qui

  7   rentrait dans le village pour empêcher toute incursion. On a tenu des

  8   listes de personnes qui avaient été interrogées tel ou tel jour. Je pense

  9   que pour les personnes qui vivaient là où j'habitais, ceci a créé encore

 10   davantage un climat de peur.

 11   Q.  Bien, puisque nous parlons de la peur, est-ce que vous pouvez nous dire

 12   de quoi les Serbes avaient peur ? L'armée existait, la police existait.

 13   Quelle était cette peur qu'ils ressentaient ?

 14   R.  Je dois vous dire qu'au départ, l'armée, en quelque sorte, ne pouvait

 15   intervenir. Elle était mise sur le banc de touche. Puisque l'armée telle

 16   qu'on l'a connue n'était pas là pour s'occuper des conflits internes au

 17   sein de la Yougoslavie. Ça, c'était plutôt la tâche de la police. Donc, les

 18   gens savaient que ce n'est qu'en s'organisant soi-même que l'on pourrait

 19   obtenir quelque chose. Les gens venaient, d'ailleurs, au bureau du

 20   procureur quand j'y travaillais ou ils venaient à la police déclarer des

 21   situations de mauvais traitement, de voie de fait ou quand leurs véhicules

 22   ou d'autres biens étaient saisis sans justification. La police disait, Mais

 23   écoutez, désolé, mais ce n'est pas de notre ressort. Ce ne sont pas des

 24   unités que la police avait envoyées sur le terrain. Et au bureau du

 25   procureur, nous n'avons pas pu avoir de procès-verbaux qui nous

 26   permettaient d'ouvrir une enquête. Et à l'examen de ce que les gens nous

 27   ont dit à Mirkovci, un village voisin où habitait mon cousin, pour eux,

 28   tout cela constituait un signe qu'il fallait assurer sa propre protection


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  1   et la protection de leurs familles également.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à la pièce 1D1201, il

  3   s'agit de l'intercalaire 257.

  4   Q.  Vous avez eu l'occasion déjà de voir cette pétition qui a été signée --

  5   ou, plutôt, envoyée, d'ailleurs, par les habitants serbes du village dont

  6   vous avez parlé, Stari Jankovci. Dans cette pétition, on fait état d'un

  7   certain nombre d'événements concrets qui se sont produits et qui

  8   manifestaient l'aggravation du climat interethnique. Ce que je voudrais

  9   savoir, si vous disposiez d'informations concernant cet aggravement des

 10   relations interethniques à Stari Jankovci ?

 11   R.  Je connais toutes les personnes concernées par ces regrettables

 12   incidents, qu'ils soient Serbes ou Croates. J'habitais à Stari Jankovci

 13   jusqu'à l'âge de 27 ans et j'habitais avec ces gens. J'ai grandi avec ces

 14   gens. Et oui, malheureusement, tout ce qui est dit dans cette pétition est

 15   vrai. J'en ai été informé directement. Lorsque cette pétition a été

 16   rédigée, les gens m'avaient informé de ce qu'ils allaient faire. Ils m'ont

 17   demandé si ça avait la moindre utilité ou non. J'ai dit oui, que je pensais

 18   qu'il y avait une certaine utilité à saisir les organes de l'Etat et

 19   demander leur protection.

 20   Q.  Pouvez-vous nous dire si les organes de l'Etat ont réagi à cette

 21   pétition ?

 22   R.  Eh bien, malheureusement, non. Rien n'est arrivé, il ne s'est rien

 23   produit. Cela a juste été consigné comme étant un incident qui allait peut-

 24   être être instruit et que les éléments allaient peut-être établis, mais en

 25   fait, rien ne s'est fait.

 26   Q.  A la deuxième page de ce document, toujours le même, nous voyons un

 27   renvoi aux événements qui se sont déroulés le 5 mai 1991. Je vois que ceci

 28   a suivi l'incident à Borovo Selo.


Page 11901

  1   Etes-vous au courant de cet incident à Borovo Selo, que s'est-il produit ?

  2   R.  C'était le 2 mai 1991. J'étais près de Zagreb. Je m'y suis rendu avec

  3   mon fils pour assister à un tournoi de tennis. Quelque chose s'est produit

  4   le 2 mai et j'en ai entendu parler aux nouvelles du soir, je regardais la

  5   télévision de Zagreb. Donc, le lendemain, je suis rentré chez moi. J'avais

  6   déjà, donc, été informé de ces événements. J'avais déjà examiné certains

  7   documents officiels, et il était évident que le premier incident, événement

  8   mineur, s'était produit le 1er mai. Il s'agissait de drapeaux qui avaient

  9   été hissés. Le 1er mai, c'est le jour du travail, et ce jour-là, à Borovo

 10   Selo, on hisse le drapeau yougoslave. Deux officiers de police croates sont

 11   venus et ils ont remplacé ce drapeau par un drapeau croate. Alors, il y a

 12   eu échange de propos assez agressifs, et je pense que certains habitants de

 13   Borovo Selo ont porté des coups à ces policiers. Le policier est parti, il

 14   a porté plainte, et puis le lendemain, donc le 2 mai, un groupe de polices

 15   est arrivé à Borovo Selo dans deux bus. Il y avait une bonne centaine

 16   d'hommes armés dans ces bus et ceci a déclenché le conflit tristement

 17   célèbre.

 18   Dès qu'ils ont débarqué, ils ont commencé à tirer des coups de feu. Il y

 19   avait un homme qui était en face du bâtiment de la commune qui a été

 20   abattu. Ils disposaient d'informateurs dans Borovo Selo et ils savaient que

 21   des policiers en armes allaient arriver. Les villageois de Borovo Selo

 22   savaient que ces policiers armés allaient arriver, donc ils ont riposté

 23   avec des armes, et certains policiers croates ont également été tués et un

 24   grand nombre de villageois ont été blessés.

 25   Nous voyons que cet incident à Stari Jankovci s'est produit le 5 mai,

 26   donc c'est après l'enterrement d'un des officiers de police qui avaient

 27   trouvé la mort. A titre de représailles ou de revanche, cet incident s'est

 28   produit tel qu'on l'a décrit dans la pétition.


Page 11902

  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

  2   verser ce document au dossier.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. La pièce est admise et

  4   marquée aux fins d'identification.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 1D1201, pièce

  6   D214.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire de façon assez générale quel fut l'effet de

  9   l'incident à Borovo Selo en Slavonie, Baranja et Srem occidental ?

 10   R.  Des membres de cette formation dont nous venons de parler, la ZNG, ont

 11   commencé à participer davantage à ces événements. Ils étaient très bien

 12   armés, des armes à long canon. Ils ont commencé à faire des patrouilles

 13   dans des villages serbes, à organiser des blocus. Il ne s'agissait pas

 14   vraiment de blocus complets, on pouvait rentrer ou sortir, mais les

 15   contrôles étaient extrêmement serrés. Les personnes subissaient des sévices

 16   tous les jours. Je dois dire, d'ailleurs, malheureusement, que des gens ont

 17   été battus. Tout cela était considéré parfaitement normal. Les Serbes ont

 18   commencé à se retirer dans leurs propres villages, et lorsqu'ils devaient

 19   les quitter pour aller travailler ou acheter des provisions, cela

 20   aboutissait souvent à des incidents. Ils étaient emmenés aux postes de

 21   police, ils y étaient mis en garde à vue, interrogés. Certains événements

 22   plus extrêmes ont également été consignés. Des gens ont été portés disparus

 23   et ne sont jamais rentrés chez eux. On avait de plus en plus recours aux

 24   armes contre des personnes qui travaillaient dans leurs champs autour des

 25   villages serbes. Des personnes ont trouvé la mort, ont été blessés, et

 26   cetera.

 27   Q.  Après ces incidents, est-ce que les gens ont commencé à quitter la

 28   Slavonie, Baranja et Srem occidental, ou plutôt, à arriver dans la province


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  1   ?

  2   R.  Malheureusement, il y a très peu qui venaient en SBSO. Les gens

  3   quittaient plutôt que d'arriver, même si c'était une évolution assez lente,

  4   d'abord à partir des zones qui étaient proches de la Croatie. Et les deux

  5   groupes ethniques ont commencé à partir; c'est-à-dire, les gens qui étaient

  6   Croates partaient vers la Croatie, et les gens qui étaient dans les

  7   villages serbes se rendaient en Serbie. Les premiers, c'étaient les femmes,

  8   les enfants, les infirmes. Et ceux qui restaient étaient plutôt les jeunes

  9   qui étaient prêts à se défendre et à défendre leurs foyers, leurs maisons.

 10   Q.  Qu'en est-il de votre expérience personnelle ? Qu'aviez-vous vécu au

 11   cours de cette période à partir de 1991, au moment où les relations

 12   interethniques se sont aggravées ?

 13   R.  En 1991, au tout début, c'était je crois au mois de février, j'ai été

 14   emmené à l'hôpital pour une ablation de la vésicule biliaire, opération qui

 15   s'est bien produite. Je me sentais bien, mais j'étais ambitieux et il me

 16   semblait que je me sentais peut-être mieux que je ne l'étais. J'aurais dû

 17   sans doute rester en congé de maladie plus longtemps, mais je me remettais

 18   assez bien. J'étais chez moi à Vinkovci. Je me suis déplacé en ville et je

 19   suis passé devant une barricade. Tous les jours, je devais passer devant

 20   une barricade qui était à une centaine de mètres de ma maison dans la

 21   direction du centre de la ville, juste en face du village de Mirkovci.

 22   Cette barricade était occupée par une trentaine ou une quarantaine de

 23   personnes, en uniforme pour certains, d'autres en tenue civile; enfin, quoi

 24   qu'il en soit, toutes ces personnes étaient armées. Ces gens me

 25   connaissaient. Certains étaient mes voisins et ne me posaient pas de

 26   problème. Je pouvais me déplacer librement autour de cette barricade. Et

 27   ces barricades, tant côté serbe que côté croate, c'est l'endroit où des

 28   coups de feu ont été échangés en fin de journée avec des armes


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  1   d'infanterie. Mirkovci et Vinkovci ne constituent pas deux villages tout à

  2   fait différents. Il n'y a qu'une ligne de chemin de fer qui les sépare et

  3   on ne sait pas très bien où l'un commence et où l'autre s'achève. A

  4   Mirkovci, à 500 mètres à peine de ce barrage routier dont je viens de

  5   parler, se trouvait un barrage serbe. Toutes les nuits, il y avait toutes

  6   sortes d'objets qui passaient au-dessus de nos têtes chez nous à la maison,

  7   car les uns tiraient sur les autres et vice-versa, mais nous n'avions pas

  8   d'autre possibilité que de rester à notre domicile, dans cette maison.

  9   Le 9 juillet 1991, suite aux tirs qui ont sans doute - pour nous en tout

 10   cas - été les plus durs, puisque nous avons été contraints de passer toute

 11   la nuit dans la cave, donc suite à cette nuit difficile, nous nous sommes

 12   rendus compte que plusieurs balles avaient pénétré la surface du toit de

 13   notre maison. Moi, j'étais assis avec ma mère et mon épouse sur la terrasse

 14   de la maison. Mon père était allé acheter du pain au village, à la ville.

 15   Et d'après mon évaluation, je crois pouvoir dire qu'ils se trouvaient là

 16   entre 20, 30 ou 40 membres de la ZNG qui ont fait irruption dans notre

 17   jardin. Sans aucun mandat de perquisition, bien entendu. Je leur ai demandé

 18   ce qui était en train de se passer, et ils nous ont dit, "Contentez-vous de

 19   rester assis. Ne bougez pas." Leurs armes étaient pointées sur nous,

 20   c'étaient des armes prêtes à tirer. Et ces hommes ont pénétré dans la

 21   maison.

 22   Mon épouse avait peur pour notre fils aîné qui était dans la pièce et

 23   dormait dans cette pièce. Il avait 12 ans à ce moment-là. Elle a dit à ces

 24   hommes, il y a un enfant qui dort dans l'une des pièces, et un de ces

 25   hommes a répondu, "Nous ne tirons pas sur les enfants." Ils ont fait sortir

 26   notre fils de la maison et ont commencé à perquisitionner. L'un des gardes

 27   se tenait à côté de moi, son fusil pointé sur moi. Je lui ai demandé ce qui

 28   se passait, et il m'a dit qu'un rapport avait été déposé qui faisait état


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  1   de tirs provenant de notre maison et visant le barrage routier qui se

  2   trouvait tout près. C'était totalement insensé. Il n'était absolument pas

  3   possible de penser que des tirs auraient pu provenir de notre maison, mais

  4   notre maison était la plus proche du barrage, et il y avait aussi la maison

  5   de mes parents qui se trouvait non loin. Moi, j'y habitais avec mes enfants

  6   et mon épouse. Je me suis contenté se saisir un fusil de chasse qui se

  7   trouvait là. C'étaient des fusils dont la présence était très courante dans

  8   les maisons du village car il y avait pas mal de chasseurs. Je possédais

  9   également un pistolet qui m'avait été délivré en tant que membre du bureau

 10   du procureur de la municipalité. C'était, si je ne m'abuse, un pistolet

 11   7,65. Toutes ces armes étaient enfermées à clé dans une armoire destinée à

 12   éviter que les enfants puissent y accéder. Donc, je gardais ces armes en

 13   sécurité dans l'armoire dans la maison.

 14   Et lorsque la perquisition de la maison a été achevée, ils ont fini de

 15   retourner tout ce qu'il y avait à retourner dans la maison et de renverser

 16   toutes les pièces de mobilier, il s'en est suivi, donc, chez nous pas mal

 17   de dégâts. Je leur ai demandé qui était leur supérieur. Un homme s'est

 18   alors présenté à moi, il m'a dit : "C'est moi. Que voulez-vous ?" Et il

 19   s'est présenté sous le nom de Cigo. Il a dit : "Qui êtes-vous ?" Je lui ai

 20   répondu que j'étais le substitut du procureur de Vinkovci. J'ai montré ma

 21   carte d'identité. Il a pris mes papiers d'identité et les a déchirés devant

 22   moi. Je lui ai demandé : "Que pouvez-vous faire avec ça ?" Il m'a dit :

 23   "C'est vous qui allez tout nous dire et vous aurez à nous le dire dans les

 24   deux heures qui viennent."

 25   Ils ne m'ont pas mis de menottes. Ils m'ont poussé à bord d'une camionnette

 26   et nous avons pris la route de la ville. Nous nous sommes arrêtés devant le

 27   terrain de football. C'était le terrain du club de foot local, qui a changé

 28   de nom depuis. Une des portes du terrain était ouverte. Il y avait une


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  1   clôture assez haute autour du terrain de football. J'ai reconnu l'endroit

  2   car j'avais assisté à pas mal de matchs quelque temps auparavant. J'ai vu à

  3   cet endroit plusieurs hommes de la ZNG en uniforme. On m'a emmené jusqu'à

  4   un banc. Il y avait plusieurs bancs dans cette cour. Ces bancs étaient

  5   faits en métal et fixés au sol. Les hommes en uniforme m'ont dit de sortir

  6   de la camionnette, ce que j'ai fait. A ce moment-là, ils m'ont menotté et

  7   ils ont attaché les menottes au banc où je suis resté assis. Personne ne

  8   m'avait encore rien dit à ce moment-là. Et puis, un moment est arrivé où

  9   une porte s'est ouverte et un groupe important de personnes, 40 à 50 à peu

 10   près, ont pénétré dans la cour. Il s'agissait pour tous ces hommes de

 11   membres de la ZNG. J'ai remarqué plusieurs blessés parmi eux car ils

 12   avaient des pansements tachés de sang autour de la tête ou du bras ou d'une

 13   jambe, et j'ai entendu dire que cette unité avait attaqué des gens qui

 14   faisaient les moissons non loin du village de Pacetin mais que les

 15   villageois s'étaient efforcés de se défendre en utilisant des armes et

 16   qu'ils avaient blessé quelques-uns des membres de la ZNG. Pendant que ces

 17   hommes passaient devant moi, il y en a eu plusieurs qui ont fait mine de

 18   s'intéresser à mon identité. Il y en a un qui a dit : "Voici un Chetnik. Il

 19   a ouvert le feu sur nous la nuit dernière." Certains de ces hommes ont

 20   commencé à ce moment-là à me frapper sauvagement comme si ces mots avaient

 21   été le signal du passage à tabac. Ils m'ont frappé sur la tête, sur le

 22   corps, sur les bras. J'ai perdu conscience et je suppose que j'ai dû tomber

 23   du banc.

 24   Lorsque je suis revenu à moi, j'étais assis sur le même banc et il y avait

 25   deux hommes de l'unité de la ZNG que j'ai reconnus comme étant des

 26   habitants du village de Stari Jankovci, dont l'un s'appelait Jurisic et

 27   l'autre Zecevic, qui étaient là, et ils m'ont donné de l'eau dans un

 28   jerricane contenant de l'eau. Et Jurisic m'a dit : "Ne t'inquiète pas, ils


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  1   ne vont pas te tuer." Manifestement, j'étais blessé puisque je saignais, et

  2   tout cela à cause des coups que j'avais reçus. J'étais encore assis. Je me

  3   suis rendu compte qu'il me manquait quelques dents. Deux ou trois dents, en

  4   fait. Et j'avais aussi très mal au côté droit dans la poitrine et à

  5   l'épaule droite. Et mon bras avait une position anormale. Il était de

  6   travers, si je puis dire. Alors, j'ai dit à Jurisic : "Il me semble que

  7   j'ai l'épaule fracturée." Et lui et l'autre homme m'ont répondu : "Non,

  8   c'est peut-être simplement une luxation." Et puis, ils sont partis.

  9   Je suis resté assis là pendant dix ou 15 minutes, la tête penchée. J'avais

 10   la bouche et le nez qui saignaient. Et à ce moment-là, un groupe de quatre

 11   ou cinq hommes sont arrivés. Ils m'ont enlevé les menottes et ils m'ont dit

 12   de me laver le visage. Or, cette toilette qu'il me proposait de faire

 13   était, en fait, le point de départ d'une nouvelle série de coups que j'ai

 14   reçus dans les toilettes. L'un des gardes a sorti un pistolet. Il m'a mis

 15   le canon du pistolet dans la bouche. Il l'a appuyé avec force et je me suis

 16   rendu compte à ce moment-là que quelque chose était en train de se briser.

 17   J'ai entendu un bruit de craquement dans ma mâchoire. Cet homme était

 18   surnommé Sokac, mais personne ne savait d'où il venait. Donc, j'ai perdu

 19   connaissance une nouvelle fois et ils m'ont laissé sur place. Mais grâce à

 20   l'eau qu'il y avait dans la cuvette des toilettes, j'ai réussi à revenir à

 21   moi en tirant la chasse aussi. Et j'ai entendu l'un de ces hommes qui

 22   disait : "Arrêtez, vous allez le tuer, ce type." Ils m'ont ensuite tiré de

 23   là ou fait glissé sur le sol, en tout cas ils m'ont tiré jusqu'à un banc et

 24   ils ont essayé de me rasseoir dans ce banc. Je crois que tout cela a duré

 25   quelques minutes, après quoi un jeune officier a fait son apparition à la

 26   fenêtre des toilettes. Il avait des emblèmes sur les épaules. Je ne sais

 27   pas quelle était la signification de ces emblèmes. Mais je sais qu'il

 28   portait des lunettes et qu'il a dit : "Vous allez tuer cet homme. Faites-le


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  1   monter à l'étage."

  2   Deux membres de la ZNG sont alors venus me chercher. Ils n'avaient pas

  3   participé au passage à tabac. Ils m'ont littéralement soutenu et porté sous

  4   les bras jusqu'au bureau en question, où j'ai trouvé mon père et un de nos

  5   amis qui répondait au nom de Bosko Racanovic. Ce même matin, il avait

  6   entendu une série de coups de feu très intense. Il savait où se trouvait

  7   notre maison, il est venu jusqu'à notre maison pour voir si nous étions

  8   tous en bon état. Cet homme avait le nez qui saignait. Mon père avait le

  9   visage très rouge, ce qui était sans doute dû à des gifles qu'il avait

 10   reçues. Mais ces deux hommes ne portaient pas d'autres blessures visibles.

 11   Sur le bureau de l'officier, il y avait un uniforme militaire, et lorsque

 12   j'ai vu ce "militaire", je veux dire il portait un uniforme de la JNA, et

 13   il y avait aussi sur le bureau un fusil qui ne m'appartenait pas, qui

 14   n'était pas à moi. Et puis, il y avait mon fusil et mon pistolet et deux

 15   grenades.

 16   A ce moment-là, une porte s'est ouverte derrière nous. Un homme muni d'un

 17   appareil photo est arrivé, il a pris des photos de toute cette situation

 18   avant de repartir, et puis plus rien d'autre ne s'est passé. Et c'est à ce

 19   moment-là que le commandant m'a demandé : "A qui appartiennent ces armes ?"

 20   J'étais incapable de parler. J'avais la bouche qui saignait et j'avais du

 21   sang qui coulait un peu partout de plusieurs endroits du corps. Mon père a

 22   constaté cela. Il a commencé à pleurer tellement il a été effrayé à la vue

 23   de tout ce qui se passait. Je lui ai simplement dit que ces armes n'étaient

 24   pas à moi. J'ai pointé le doigt sur l'ensemble des armes. Et il a dit : "Je

 25   sais bien, je sais bien que certaines t'appartiennent et que d'autres

 26   appartiennent à d'autres personnes." Il a pris une grenade dans sa main, il

 27   l'a accrochée à sa ceinture, j'ai vu qu'il n'y avait pas d'autres grenades

 28   à sa ceinture et qu'il y avait là un autre homme qui s'est saisi de l'autre


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  1   grenade, et je me suis rendu compte qu'en fait les deux grenades lui

  2   appartenaient. Il a ordonné à ses subordonnés à ce moment-là de nous

  3   emmener au poste de police, je parle du commandant. Il a dit : "Vous allez

  4   maintenant être emmenés au poste de police, ils vont recueillir votre

  5   déposition, et puis tout sera fini et tout ira bien."

  6   Nous sommes partis pour le poste de police. Mon père et son ami ont

  7   été emmenés dans une salle, et moi, ils m'ont gardé à l'endroit où nous

  8   étions arrivés, exposés à la vue de tous, dans un hall d'entrée derrière le

  9   comptoir destiné à recevoir les visiteurs. Le garde qui se trouvait là a

 10   assuré ma garde à l'aide d'un fusil pointé sur moi et m'a demandé de rester

 11   debout même si j'avais très envie de m'asseoir. Il y avait des gens qui

 12   venaient jusqu'au comptoir pour s'occuper de leurs affaires et ils étaient

 13   tous très choqués à la vue de ce qu'ils voyaient. Ils se demandaient qui

 14   j'étais. On leur répondait que j'étais un Chetnik qui avait ouvert le feu

 15   la nuit dernière et que les choses se passaient comme elles devaient se

 16   passer. J'ai eu envie de m'appuyer contre le mur. A ce moment-là, cet homme

 17   m'a poussé pour que je ne m'appuie pas contre le mur et il a dit : "Tu vas

 18   tacher le mur avec ton sang," ce qui était tout à fait vrai. Et puis, il y

 19   avait cet escalier qui menait à l'étage, et à un certain moment, un membre

 20   du ZNG, Ante, a commencé à descendre l'escalier. Et puis, il y avait Cigo,

 21   qui avait déjà croisé mon chemin avant mon arrivée à cet endroit. Donc, je

 22   suis resté debout. Aucun des citoyens, aucun des inspecteurs de la police

 23   ne s'est occupé de moi. A ce moment-là, mon oncle est arrivé en provenance

 24   de la ville. Il avait sans doute entendu parler de ce qui s'était passé, il

 25   était monté à bord de sa voiture et était venu jusqu'à notre maison.

 26   A la maison, mon épouse et ma mère essayaient de remettre de l'ordre

 27   dans la maison. J'ai vu qu'elles pleuraient. J'ai vu qu'elles avaient peur.

 28   Et un ami à moi, un Croate, est arrivé et a dit : "Vojo, je t'en supplie,


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  1   pars quelque part. Ne reste pas ici. N'attends pas la nuit dans ta maison.

  2   J'ai peur que quelque chose de très mauvais ne t'arrive et n'arrive à ta

  3   famille. Je ne peux pas t'aider, et je me sentirais très mal s'il vous

  4   arrivait quelque chose." Moi, j'avais déjà pris ma décision. Un ami à moi

  5   est arrivé à ce moment-là, un autre Croate de Vinkovci, qui était médecin

  6   de profession. Il s'est occupé de mes blessures autant qu'il a pu. La pire

  7   blessure que j'avais, c'était celle de la mâchoire. Il a donc essayé de

  8   faire cesser l'effusion de sang et de panser un peu mes plaies. Il m'a

  9   donné des antidouleurs, il m'a fait des piqûres, puis il s'est adressé à ma

 10   femme et lui a dit : "Jelena, la meilleure chose pour vous, c'est d'aller à

 11   Belgrade." Il savait que j'avais là-bas une tante, la sœur de mon père.

 12   Il est allé voir s'il y avait des trains pour Belgrade ce jour-là et si les

 13   trains circulaient toujours. Il y avait des trains qui circulaient en

 14   direction de Zagreb, de Ljubljana et de quelques autres villes. Il m'a dit

 15   : "Je pense qu'il n'y aura pas beaucoup de monde à bord du train." Il nous

 16   a donc amenés jusqu'à la gare. Il fallait acheter des billets. Nous sommes

 17   montés dans le train et nous avons commencé le voyage.

 18   Il y avait un autre moment dangereux, c'est celui où on traversait la

 19   frontière non loin de Jankovci. Les rails traversaient, mais il fallait que

 20   le train s'arrête parce qu'il y avait priorité aux trains internationaux.

 21   Les membres de la ZNG contrôlaient à ce moment-là les passagers qui étaient

 22   à bord des trains. Ils pénétraient dans les compartiments et inspectaient

 23   les papiers. J'avais entendu parler de ce qui pouvait se passer dans ces

 24   moments-là. Parfois, ils faisaient descendre les gens du train et on

 25   amenait les gens quelque part. Je ne savais pas ce qu'il advenait de ces

 26   personnes ensuite. Je ne sais pas qui étaient les responsables. Tout cela,

 27   c'étaient des rumeurs qui circulaient. Mais je savais avec certitude que

 28   les trains étaient arrêtés et que certaines choses s'y produisaient.


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  1   Alors, moi, j'étais assis à côté de la fenêtre dans le compartiment. Il y

  2   avait un homme qui était assez grand et fort qui a pénétré dans le

  3   compartiment, et à côté de lui, un jeune homme qui a reconnu mon épouse. Il

  4   lui a dit : "Institutrice, qu'est-ce que vous faites ici ?" Et puis, à ce

  5   moment-là, il m'a vu, moi, et il a très bien compris que nous étions sur le

  6   chemin du départ. Donc, il a occupé tout l'espace de la porte en se tenant

  7   à droite et à gauche de la porte de façon à bloquer la vue à toute personne

  8   se trouvant à l'extérieur. Ses copains ne pouvaient plus voir ce qui se

  9   passait. Il leur a dit de passer parce tout allait bien ici. Et puis, il

 10   nous a dit au revoir et a quitté le compartiment.

 11   A Sid, lorsque nous avons passé la frontière vers la Serbie, un homme s'est

 12   adressé à moi, il faisait partie de l'escorte officielle du train, et il a

 13   dit : "Je vous ai vu à bord du train. Qu'est-ce qui vous arrive ?" Comme je

 14   ne pouvais pas parler, c'est mon épouse qui lui a raconté que nous avions

 15   eu des problèmes, mais elle ne savait pas qui il était. Il lui a demandé si

 16   elle pouvait descendre du train au cas où le train s'arrêterait. Moi, j'ai

 17   fait un signe de la main pour lui montrer que nous voulions continuer le

 18   voyage.

 19   Et puis, il a utilisé une radio pour parler avec quelqu'un à Belgrade avant

 20   notre arrivée, et à l'arrivée à Belgrade, il y avait une ambulance et une

 21   patrouille de police qui nous attendaient. On m'a placé à bord de

 22   l'ambulance. Mon épouse, elle, s'est occupée de nos deux enfants et s'est

 23   rendue au domicile de ma tante.

 24   Moi, on m'a emmené aux urgences. J'ai été opéré, on a pansé mes plaies. Mon

 25   épaule a été remise en place. Ma mâchoire a été recousue. Je suis resté

 26   trois jours aux urgences. Et ensuite, je me suis rendu à l'appartement de

 27   ma tante, où j'ai continué à me soigner à la maison. Une infirmière venait

 28   tous les jours, et pendant cinq jours j'ai eu une perfusion car j'étais


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  1   incapable de manger. J'étais couvert de bleus sur tout le corps, j'ai reçu

  2   des vaccinations, des anticoagulants. Et après dix jours de soins, j'ai

  3   commencé à marcher un petit peu avec une canne, et mon état s'est ensuite

  4   amélioré.

  5   Q.  Monsieur Susa, depuis combien de temps connaissez-vous M. Hadzic ?

  6   R.  J'ai rencontré Goran Hadzic en 1973. J'étais alors en deuxième année

  7   d'école secondaire, alors que lui commençait ses études secondaires. On

  8   nous a présentés, c'est Mme Zivka qui nous a présentés.

  9   L'INTERPRÈTE : Une question que les interprètes n'ont pas entendu au sujet

 10   d'un homme dont le nom n'a pas été entendu.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils s'appréciaient. Nous avons donc commencé à

 12   nous voir en dehors du travail. Nous ne sommes pas devenus des amis

 13   intimes, mais je le connais depuis ce moment-là.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  Mais après vos études, est-ce que vous êtes restés en contact ?

 16   R.  Oui. Même si ce n'étaient pas des contacts très, très fréquents. Moi,

 17   j'étudiais le droit, lui étudiait l'économie, nous nous rencontrions à

 18   Osijek. Il me semble qu'il ne suivait pas tous les cours auxquels il était

 19   inscrit à l'université, mais en tout cas il faisait des études d'économie.

 20   Quoi qu'il en soit, nous faisions le voyage aller-retour ensemble de temps

 21   en temps parce que nous avions l'habitude de passer le week-end à Osijek.

 22   Lorsqu'il a commencé à travailler dans l'entreprise où son père avait

 23   travaillé jusqu'à sa retraite, nous nous sommes vus aussi. Moi, j'étais

 24   chasseur, Goran élevait des chiens, et nous avions donc des sujets

 25   d'intérêt commun. Je crois pouvoir dire que nos familles se rendaient

 26   visite, disons, à peu près une fois tous les six mois.

 27   Q.  Dans cette période, dans la période où les tensions interethniques se

 28   sont détériorées en Croatie, est-ce que vous avez continué à avoir des


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  1   contacts avec Goran Hadzic ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Veuillez vous expliquer sur ce point.

  4   R.  J'ai lu dans les journaux que suite à un incident survenu à Plitvice,

  5   Goran avait été arrêté. D'après ce que j'ai compris de la lecture de cet

  6   article, à leur retour de Knin, on les avait arrêtés au niveau du parc

  7   national de Plitvice, et c'est là qu'il a été arrêté. Il a été emmené à

  8   Zagreb et puis relâché après quelque temps, et il a donc pu retourner à son

  9   domicile à Pacetin. Il avait aussi subi des coups à cette occasion. Mon

 10   épouse et moi-même sommes montés dans notre voiture et sommes allés lui

 11   rendre visite à ce moment-là.

 12   Lorsque je suis parti pour Pacetin pour lui rendre visite, notre

 13   déplacement a été enregistré car, avant d'arriver à la route reliant

 14   Vinkovci à Vukovar, on doit prendre un virage en direction de Pacetin, et

 15   là il y avait un barrage routier tenu par les Croates. Donc, on a arrêté

 16   mon véhicule et l'un des hommes qui se trouvaient là m'a demandé où nous

 17   allions. Je lui ai montré mes papiers d'identité officiels, et il m'a

 18   demandé, "Monsieur le Procureur, qu'est-ce que vous avez à faire dans ce

 19   village chetnik ?" Parce qu'il fallait leur dire où on allait et on leur

 20   avait dit qu'on allait à Pacetin. Entre l'endroit où se trouvait le barrage

 21   routier et le village, il y avait à peu près 150 mètres, et si on

 22   n'annonçait pas son intention au départ, on risquait de se faire tirer

 23   dessus. J'ai répondu à cet homme que j'allais rendre visite à un ami. Je

 24   n'ai pas dit que cet ami était Goran Hadzic. J'ai simplement dit que

 25   j'avais un ami qui avait des problèmes de santé. Et il a dit, "Bon,

 26   passez."

 27   M. OLMSTED : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.


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  1   M. OLMSTED : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Peut-être est-ce le résultat de la nature très ouverte des questions de Me

  3   Zivanovic, mais ce sujet qui est en train d'être traité, je ne crois pas

  4   qu'on le retrouve à quelque endroit que ce soit dans les déclarations

  5   préalables du témoin ou dans les notes de récolement, donc le Procureur ne

  6   voit pas très bien quel peut être l'intérêt de ces questions.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je ne sais pas quelle partie de tout cela

  8   se trouve dans les déclarations et pourquoi cela peut ne pas être considéré

  9   comme pertinent puisque c'est un témoin qui s'exprime sur les faits de vive

 10   voix.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted.

 12   M. OLMSTED : [interprétation] Eh bien, le problème c'est le préavis. Nous

 13   n'avons pas été informés à l'avance du fait que ce témoin allait s'exprimer

 14   sur cet incident particulier. Il aurait fallu au moins que cela figure dans

 15   le résumé de la déposition du témoin ou dans des notes de récolement ou

 16   dans les 50 pages à peu près de déclaration préalable fournie par ce

 17   témoin. Or, on n'en trouve trace nulle part.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Si tout ceci a un rapport avec un incident

 19   particulier, je veux parler de la visite à Goran Hadzic à Pacetin, alors

 20   nous n'en avons pas parlé. C'est la première fois que j'en entends parler

 21   de la bouche du témoin.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Vous pouvez poursuivre, Maître

 24   Zivanovic.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 26   Q.  Veuillez poursuivre. Vous étiez en train de parler de votre voyage.

 27   R.  Oui. Donc, on nous a arrêtés à un certain moment. Je vous prie de

 28   m'excuser. J'ai tellement de choses qui me reviennent en mémoire, tellement


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  1   d'histoires en tête, que je n'ai pas parlé de tout. Je n'ai pas tout

  2   consigné dans les déclarations préalables, mais j'essaie de me limiter à ce

  3   qui figure dans ces déclarations.

  4   J'avais pour devoir de soumettre un rapport au bureau du procureur au sujet

  5   de ma visite à M. Hadzic et c'est ce que j'ai fait.

  6   Q.  J'aimerais maintenant vous parler d'autres choses dont vous avez parlé

  7   dans votre déclaration sous serment. Vous n'êtes pas limité dans votre

  8   déclaration orale uniquement à ce que vous avez dit dans vos déclarations

  9   écrites mais à ce que vous avez en mémoire. Si vous vous rappelez quoi que

 10   ce soit qui est véridique et exact et qui a de l'importance pour la

 11   procédure en cours, vous devez en parler indépendamment du fait que cela

 12   figure ou pas dans une déclaration écrite préalable.

 13   R.  Tout ce que j'ai dit est véridique, même si je ne suis peut-être pas la

 14   personne la plus habilitée à en apprécier la valeur et le poids.

 15   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à Belgrade, est-ce que vous avez eu l'occasion

 16   de rencontrer Goran Hadzic à ce moment-là ou dans la période ultérieure ?

 17   R.  Oui, je l'ai rencontré une fois à son domicile à Belgrade dans la rue

 18   Nusica [phon]. Il m'a demandé si j'étais prêt à assumer certaines positions

 19   au sein d'une instance particulière, même si je ne savais pas à l'époque

 20   quel était le nom de cette instance. Il a simplement dit que ce qu'il me

 21   serait demandé serait de représenter une espèce de centre chargé des

 22   affaires civiles dans la région. Je lui ai répondu que j'en avais déjà

 23   discuté avec Koncarevic et que j'étais prêt à accepter cette fonction.

 24   Je l'ai donc rencontré dans cette fondation. Il a parlé avec moi pendant

 25   quelques minutes, il a salué ma femme qui était présente. Il était

 26   accompagné de M. Vitomir Devetak, et je me suis rendu compte que j'avais

 27   déjà vu dans cette même fondation par le passé. Quoi qu'il en soit, ils

 28   allaient à une réunion, et donc nous nous sommes contentés d'un échange de


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  1   quelques mots.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'horloge.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Zivanovic.

  4   Monsieur Susa, nous allons faire une pause de 30 minutes. Nous reviendrons

  5   dans cette salle à 11 heures.

  6   LE TÉMOIN : [aucune interprétation] 

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître

 12   Zivanovic.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur Susa, est-ce que vous auriez entendu parler de l'existence du

 15   Conseil national serbe ?

 16   R.  Oui, quand j'étais encore à Vinkovci. J'ai lu dans la presse que le

 17   Conseil national serbe avait été créé et on citait dans l'article le nom de

 18   certains membres de ce conseil. Pour ma part, j'en connaissais quelques-uns

 19   seulement qui étaient des personnalités connues, ayant une expertise dans

 20   le domaine de la culture, de l'éducation et autres, et qui étaient Serbes.

 21   Q.  Est-ce que vous avez, à quelque moment que ce soit, été membre du

 22   Conseil national serbe ?

 23   R.  Non, je n'en ai jamais été membre.

 24   Q.  Auriez-vous entendu parler de la décision prise par l'assemblée de

 25   Slavonie, Baranja et Srem occidental, décision datant de 1991 et qui

 26   portait décision de créer le gouvernement de Slavonie, Baranja et Srem

 27   occidental ? A la date du 25 juin, précisément.

 28   R.  J'ai entendu parler de cela lorsque je me trouvais à Belgrade. Mais je


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  1   n'avais aucun renseignement complémentaire au sujet de cette réunion en

  2   tant que telle, et les décisions n'ont été rendues publiques que plus tard.

  3   Q.  Lorsque vous êtes parti pour Belgrade ou, plus précisément, lorsque

  4   vous êtes arrivé à Belgrade, après votre arrivée à Belgrade, à quel moment

  5   est-ce que vous êtes retourné sur le territoire de la République de Croatie

  6   ?

  7   R.  Je suis retourné pour la première fois en Croatie en août 1991, après

  8   la fin des discussions préliminaires qui avaient été entamées avec moi au

  9   sujet d'un poste que j'aurais pu occuper dans cet organisme qui était censé

 10   être créé en Slavonie, Baranja et Srem occidental. C'est à ce moment-là que

 11   je me suis rendu à Dalj avec un groupe d'amis et de collaborateurs.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles étaient les autres personnes qui

 13   faisaient partie de ce groupe d'amis et de collaborateurs avec lesquels

 14   vous avez procédé à ces discussions préalables avant de vous rendre à Dalj

 15   ?

 16   R.  Eh bien, j'ai eu une conversation avec Brane Crncevic. Et M. Ilija

 17   Koncarevic a participé à cette conversation comme M. Dusan Pekic, qui était

 18   un général à la retraite. C'est ce jour-là que j'ai connu ces trois hommes.

 19   Il y avait aussi Bogdan Simonovic qui était secrétaire à l'assemblée

 20   fédérale. Toutes ces discussions ont eu lieu avant que je ne rencontre

 21   Hadzic à peu près trois jours plus tard au même endroit. Moi, au cours de

 22   ces discussions préalables, j'ai dit que je n'avais pas de moyens

 23   financiers et que j'étais à la recherche d'un moyen de faire vivre ma

 24   famille. J'avais même pris en considération sérieusement un projet de

 25   départ de la Serbie; c'est-à-dire, j'avais envisagé de partir avec mon ami

 26   Tomo Ilic à Sidney, en Australie. M. Simonovic m'a dit que ce problème

 27   technique pouvait se résoudre sans grande difficulté et qu'il pourrait

 28   m'aider à trouver un travail, après quoi j'aurais pu accepter un poste à


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  1   responsabilité publique d'une sorte ou d'une autre. Et après la

  2   conversation avec lui, j'ai accepté cette proposition.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire comment vous êtes arrivés jusqu'à Dalj ?

  4   R.  Nous sommes arrivés à Dalj en empruntant la route qui mène à Novi Sad,

  5   après quoi il y avait un certain nombre de villages dont je ne connais pas

  6   les noms, mais je sais qu'il y avait le Miletic serbe qui se trouvait là.

  7   Après quoi, on arrive à un pont, on franchit ce pont sur le Danube et on

  8   arrive à Erdut, Erdut étant le premier village croate. Après Erdut, le

  9   bourg suivant sur cette route est Dalj. Et nous y sommes allés en voiture.

 10   Q.  Est-ce qu'il y avait des postes de contrôle, des barrages, sur cette

 11   route qui vous amenait jusqu'à Dalj ?

 12   R.  Sur le territoire de Serbie - je crois que c'est Bogojevo qui est le

 13   dernier village serbe avant de franchir le pont - donc, à Bogojevo, il y

 14   avait un poste de contrôle qui était tenu par la police serbe. On nous a

 15   demandé nos papiers, on a montré nos papiers, on nous a laissé passer. On a

 16   franchi le pont et on est arrivé de l'autre côté du pont où il y avait un

 17   autre poste de contrôle mixte. C'est-à-dire que c'était un poste qui était

 18   tenu par des policiers mais aussi, pour partie, par des membres de la JNA.

 19   Avant le village d'Erdut.

 20   Q.  Est-ce que vous aviez déjà mis les pieds à Dalj par le passé ?

 21   R.  Jamais de ma vie jusque-là.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire où à Dalj vous vous êtes rendus ?

 23   R.  Nous sommes allés au centre de Dalj, où il y avait pas mal d'immeubles.

 24   Et l'immeuble dans lequel nous nous sommes rencontrés pour ces discussions

 25   était l'immeuble qui abritait la bibliothèque du village.

 26   Q.  Qui avez-vous vu à Dalj, si vous vous en souvenez ?

 27   R.  J'y ai rencontré Goran Hadzic. En fait, c'était le seul que je

 28   connaissais à cet endroit, en dehors de quelques collègues, juges et


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  1   procureurs, qui étaient de Vukovar en principe, mais qui se trouvaient là

  2   ce jour-là après y être arrivés en provenance d'un certain nombre d'autres

  3   endroits. Et parmi ces collègues qui travaillaient à Vukovar, il y en avait

  4   un qui avant avait travaillé à Osijek et que je connaissais

  5   professionnellement avant la guerre. Il y avait Ilija Koncarevic aussi que

  6   je connaissais, je l'avais rencontré chez M. Crncevic, et puis il y avait

  7   M. Bogdan Vojnovic qui avait fait le voyage avec moi en provenance de Novi

  8   Sad.

  9   Q.  Ce jour-là, à Dalj, est-ce que vous avez eu l'occasion de faire la

 10   connaissance de membres à venir du futur gouvernement ?

 11   R.  Eh bien, j'y ai fait la connaissance, comme je l'ai déjà dit -- ou,

 12   plutôt, j'allais rencontrer ce jour-là M. Vitomir Devetak. J'ai fait la

 13   connaissance de M. Boro Vinkovic [phon], du Dr Jovic, du Dr Mladen Hadzic.

 14   Et je ne me rappelle pas si j'ai rencontré d'autre personne ce jour-là.

 15   Sans doute que oui, mais je ne me rappelle pas leurs noms.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire - et si oui, quand - vous avez rencontré pour

 17   la première fois M. Radovan Stojicic, surnommé Badza ?

 18   R.  Eh bien, le jour où je l'ai rencontré, c'était ce jour-là à Dalj. Je ne

 19   savais pas exactement qui il était.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted.

 21   M. OLMSTED : [interprétation] C'était vraiment une question directrice,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, vous avez obtenu la

 24   réponse à votre question. Donc, vous pouvez procéder, mais faites

 25   attention.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je ne savais vraiment pas comment poser la

 27   question au témoin autrement pour lui demander s'il avait rencontré une

 28   personne en particulier. Je ne voyais pas comment éviter de prononcer le


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  1   nom de cette personne.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, je vous en prie.

  5   R.  Moi, j'ai compris votre question comme signifiant qu'il m'était demandé

  6   si j'avais rencontré d'autres personnes qui, par la suite, ont fait partie

  7   du gouvernement, et j'ai répondu simplement à cette question. Mais en

  8   dehors de ces personnes-là, j'en ai rencontré d'autres dans cette salle de

  9   la bibliothèque de Dalj ce jour-là. Des hommes en uniforme militaire, des

 10   hommes qui, de toute évidence, faisaient partie d'une formation militaire

 11   ou d'une autre. Lorsque vous m'avez interrogé précisément au sujet de

 12   Radovan Stojicic, surnommé Badza, lorsque je l'ai vu à Dalj - et je l'ai vu

 13   à Dalj - je ne savais pas quelles étaient ses fonctions. Jusqu'à ce qu'un

 14   certain nombre d'hommes en uniforme fasse son apparition. Ces hommes

 15   portaient des uniformes de couleur marron. Je ne saurais pas comment les

 16   décrire autrement. C'étaient des uniformes modernes, de couleur marron, des

 17   tenues de combat militaires. Et ce groupe d'hommes, j'ai appris par la

 18   suite qu'ils venaient de Vukovar. Il se trouvait parmi eux deux frères qui,

 19   je crois, étaient jumeaux et qui portaient le patronyme de Lazic. Il était

 20   évident qu'il y avait un homme qui les dirigeait, et c'est à ce moment-là

 21   que j'ai vu pour la première fois Radovan Stojicic, surnommé Badza, que

 22   j'ai rencontré également par la suite. Mais c'est la première fois que je

 23   l'ai vu ce jour-là et je n'ai pas eu de communication avec lui à ce moment-

 24   là.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous rappelez-vous si à ce moment-là ou peut-être plus tard vous avez

 27   eu l'occasion, peut-être, de croiser le chemin de l'un de ses associés ?

 28   R.  Tous les hommes qui sont apparus à Dalj à ce moment-là ont été vus


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  1   également à plusieurs reprises dans d'autres lieux où il s'est trouvé que

  2   j'étais également.

  3   Je pense que durant les dix premiers jours, j'ai eu le plus souvent des

  4   contacts avec Badza et les hommes qui l'accompagnaient, qui faisaient

  5   partie du groupe qui l'accompagnait. La deuxième fois que je l'ai rencontré

  6   avec ce groupe, c'était à Erdut, si je ne me trompe. Il était en compagnie

  7   d'un autre homme qui, d'après ce que je savais, était un responsable serbe

  8   de haut rang que j'avais déjà rencontré à Novi Sad, et je crois que c'est

  9   également la première fois que j'ai rencontré Zeljko Raznjatovic, surnommé

 10   Arkan.

 11   Q.  Est-ce que vous saviez qui était Radovan Stojicic, surnommé Badza; et

 12   si oui, pouvez-vous nous dire ce que vous saviez de lui à ce moment-là ?

 13   R.  Lorsqu'on rencontre quelqu'un pour la première fois, on ne sait

 14   pratiquement rien à son sujet. Et quand on rencontre des gens dans des

 15   réunions, on peut demander qui est cette personne, qui est cette autre

 16   personne, et les autres posent également des questions à votre sujet.

 17   Lorsque j'étais en route pour Belgrade déjà, les gens qui m'accompagnaient,

 18   Milorad [phon] Vojnovic, Bogdan Vojnovic également, m'ont dit qu'il y avait

 19   un responsable de très haut rang du MUP serbe dans ce groupe. Je savais qui

 20   était Zavisic, puisque nous l'avions laissé derrière nous. Lorsque je suis

 21   allé à Dalj, il avait déjà commencé à travailler dans les rangs du MUP

 22   serbe en tant qu'inspecteur indépendant chargé des crimes économiques.

 23   C'était son secteur de responsabilité. Je recevais à ce moment-là un

 24   salaire relativement élevé pour les conditions de l'époque. J'avais une

 25   bonne assurance sociale. Mon épouse pouvait tirer de l'argent sur mon

 26   compte bancaire sans difficulté, et j'étais très heureux de savoir que ma

 27   famille s'en sortait pas mal et que je pouvais m'occuper d'autres choses.

 28   Au secrétariat de la ville de Novi Sad, lorsque je suis allé recevoir le


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  1   papier sur lequel figurait la décision de recrutement me concernant dans

  2   mon nouveau poste, j'ai rencontré M. Zavisic. Mais jusqu'à ce moment-là, je

  3   ne le connaissais pas.

  4   Q.  Vous avez dit que vous avez aussi vu Zeljko Raznjatovic, surnommé

  5   Arkan. Pouvez-vous nous dire si à ce moment-là vous disposiez du moindre

  6   renseignement à son sujet, si vous saviez qui il était ?

  7   R.  J'avais des renseignements à son sujet depuis l'époque où j'avais

  8   travaillé à Vinkovci, des renseignements très directs provenant de la

  9   lecture des journaux, de la presse, provenant de la télévision et des

 10   médias, où il était question de la façon dont il s'était emparé de

 11   certaines armes en Croatie dont il faisait le trafic, et puis il y a eu

 12   également des procédures judiciaires engagées contre lui à Zagreb. Je pense

 13   que c'est un peu de temps avant que j'avais entendu parler de Zeljko

 14   Raznjatovic, Arkan. Bien entendu, plus tard, je me suis intéressé davantage

 15   à tout ce que j'ai vu à son sujet et à tout ce à quoi il avait été mêlé.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire comment la population de Slavonie, Baranja et

 17   Srem occidental le percevait, quelle a été leur réaction à l'arrivée de

 18   Radovan Stojicic, surnommé Badza, et du groupe de policiers qui

 19   l'accompagnait dans la région ?

 20   R.  Eh bien, qu'est-ce que je peux vous dire ? Quand vous êtes encerclés,

 21   quand vous avez peur pour votre vie et quand vous voyez des gens qui

 22   arrivent pour vous aider, et que parmi ces gens il y a des représentants de

 23   la Serbie ou des instances officielles, il est tout à fait certain que

 24   l'arrivée de ces personnes représente une forme d'encouragement.

 25   Q.  Et sauriez-vous nous dire quelle était l'opinion générale de la

 26   population locale au sujet de Zeljko Raznjatovic, surnommé Arkan ?

 27   R.  Eh bien, les gens, pour la plupart, avaient peu de renseignements sur

 28   Arkan, comme c'était mon cas également. Lorsque Arkan est arrivé, il a


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  1   amené avec lui un certain nombre de soldats qui avaient une apparence

  2   sérieuse. Ce n'était pas une bande d'hommes qui avaient été ramassés dans

  3   la rue, à gauche ou à droite. C'étaient des hommes qui, lorsqu'ils

  4   prenaient la parole et lorsqu'on observait leur comportement, permettaient

  5   de penser qu'ils faisaient partie de formations militaires sérieuses. C'est

  6   par la suite, lorsque j'ai commencé à être plus au courant et à mieux

  7   savoir à quoi ces hommes avaient participé, que j'ai reçu confirmation de

  8   cette hypothèse. Tous les hommes qui l'accompagnaient étaient des hommes

  9   sortant d'écoles militaires en bonne et due forme dans des pays étrangers.

 10   Certains d'entre eux peut-être même d'écoles de Serbie. C'étaient des

 11   soldats jouissant d'une très bonne éducation et qui étaient capables

 12   d'utiliser les équipements de denier cri sur le plan technique.

 13   Q.  Arkan et son groupe, les hommes qui l'accompagnaient, ont-ils participé

 14   à des combats, si vous le savez ?

 15   R.  Oui, ils ont participé à des combats. Ils n'avaient aucun travail

 16   politique sur le terrain. Ils effectuaient des opérations militaires sur le

 17   terrain.

 18   Q.  Pourriez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, à quelle date vous

 19   avez été choisi pour faire partie du gouvernement de Slavonie, Baranja et

 20   Srem occidental, et à quelle fonction vous avez été nommé exactement ?

 21   R.  L'assemblée nationale supérieure a tenu une réunion au mois de

 22   septembre sur proposition du premier ministre désigné, Goran Hadzic, pour

 23   procéder au choix d'un gouvernement dans lequel j'ai obtenu le poste de

 24   ministre de la Justice.

 25   Q.  Vous rappelez-vous si à ces séances du gouvernement participait

 26   quelquefois Radovan Stojicic, surnommé Badza ?

 27   R.  Oui. Il n'y participait pas quelques fois, mais toutes les fois.

 28   C'était un homme de peu de mots, mais il restait assis à sa place et


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  1   prenait la parole de temps en temps pour s'exprimer sur les pertes subies

  2   sur le terrain, indiquant la gravité relative de ces pertes. Et il ne

  3   faisait pas de propositions précises, mais il demandait à connaître

  4   l'opinion des personnes présentes.

  5   Q.  Est-ce qu'il lui arrivait de vous informer des opérations militaires en

  6   cours ou des projets militaires pour l'avenir ?

  7   R.  Non, jamais. Nous n'avons jamais eu à parler de quelque projet

  8   opérationnel que ce soit, et après que des actions aient été menées, il ne

  9   nous informait jamais du déroulement de ces actions. Il s'en tenait à la

 10   transmission de renseignements statistiques qui concernaient en particulier

 11   et le plus souvent le niveau des pertes humaines.

 12   Q.  Est-ce que Radovan Stojicic, surnommé Badza, demandait au gouvernement

 13   quelquefois de prendre des décisions concrètes sur des problèmes tout à

 14   fait particuliers ? Est-ce qu'il donnait à ce sujet des directives ou des

 15   instructions ?

 16   R.  Non, jamais.

 17   Q.  Savez-vous si Radovan Stojicic, surnommé Badza, avait des fonctions

 18   particulières en Slavonie, Baranja et Srem occidental ?

 19   R.  Radovan Stojicic, surnommé Badza, avait les fonctions de commandant de

 20   la Défense territoriale de Slavonie, Baranja et Srem occidental.

 21   Q.  Sauriez-vous peut-être qui avait affecté Radovan Stojicic, surnommé

 22   Badza, à ces fonctions ?

 23   R.  Je sais qui l'a nommé à ce poste. Il a été nommé à ce poste par la

 24   Serbie, mais de façon indirecte.

 25   Q.  Lorsque vous dites "Serbie", vous pensez à quoi exactement, plus

 26   précisément peut-être ?

 27   R.  Eh bien, vous savez, dans cette période, les ingérences de la Serbie et

 28   des pouvoirs fédéraux de la RSFY se chevauchaient de temps en temps sur


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  1   certaines questions. Donc, il a été envoyé dans notre région pour diriger

  2   la Défense territoriale. Je croyais à ce moment-là, et je le crois toujours

  3   aujourd'hui, qu'un représentant des instances fédérales ou de la Serbie

  4   était derrière cette décision.

  5   Q.  Savez-vous si le gouvernement de Slavonie, Baranja et Srem occidental a

  6   adopté une décision officielle nommant Radovan Stojicic, surnommé Badza, à

  7   ce poste ?

  8   R.  Non. C'est peut-être un peu étonnant, mais s'agissant des structures

  9   policières et militaires, nous n'utilisions jamais ce genre de décisions

 10   stratégiques sur papier.

 11   Q.  Savez-vous si l'assemblée de la SBSO a pris de telles décisions ?

 12   R.  Que je sache, non.

 13   Q.  Est-ce que vous savez si Goran Hadzic, de son propre chef, a pris de

 14   telles décisions ?

 15   R.  Non, non. Pourquoi voulez-vous que Goran Hadzic prenne tout seul une

 16   telle décision ? Si c'est le gouvernement qui devait prendre une telle

 17   décision, c'est le gouvernement qui l'aurait prise. Mais moi, je ne me

 18   souviens pas avoir entendu une discussion de ce genre portant sur ce sujet,

 19   ni à l'assemblée, ni avoir entendu Goran Hadzic prendre part à une telle

 20   discussion.

 21   Q.  Est-ce que vous savez si Zeljko Raznjatovic, Arkan, se rendait aux

 22   sessions de travail de l'assemblée ?

 23   R.  Oui, mais pas souvent. Il venait. Parfois il était dans le hall à

 24   l'entrée, et parfois il entrait même dans la pièce où se tenait la session

 25   du gouvernement, et il y a pris part parfois. A la différence de Badza, il

 26   était connu. Il parlait très fort. Il se livrait à des discussions toujours

 27   avec des gens. Ecoutez, moi, je n'avais pas beaucoup de contacts avec lui.

 28   A vrai dire, je n'avais pas du tout de contacts avec lui.


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  1   Q.  Lors de ces sessions de gouvernement, est-ce qu'il est arrivé qu'il

  2   donne des instructions, qu'il fasse des propositions quant aux activités du

  3   gouvernement ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Pourriez-vous nous dire, dans la mesure où vous êtes au courant, quels

  6   étaient les rapports qui prévalaient entre Radovan Stojicic, Badza, d'un

  7   côté et Zeljko Raznjatovic, Arkan, de l'autre ?

  8   R.  Comme je viens de vous le dire, Arkan était une personnalité

  9   spécifique. Vous ne pouviez pas l'impressionner s'il ne vous respectait

 10   pas. Et je pense que Badza était la seule personne qu'il admirait. Il est

 11   entré en conflit avec deux personnes, et ceci, de façon très fréquente :

 12   Slavko Dokmanovic et Boro Bogunovic. Ce qui l'irritait avec Dokmanovic,

 13   c'est qu'il avait un penchant pour l'alcool, et donc il était dans un état

 14   d'ébriété permanent, ce qui irritait incroyablement Arkan. Il lui a

 15   reproché cela à plusieurs reprises, même devant moi. Et pour lui, Boro

 16   Bogunovic, ce n'était pas un homme sérieux. Il lui disait de temps en temps

 17   : "Mais où te caches-tu, Ministre ? Quel est ton ministère ? On ne te voit

 18   jamais." Et malheureusement, c'était vrai, Bogunovic n'était pas souvent

 19   présent à son poste. Il trouvait toujours des prétextes pour ne pas s'y

 20   trouver. Peut-être, justement, parce qu'il savait qu'il n'était pas

 21   compétent et que ses rôles le dépassaient, dépassaient ses compétences. Et

 22   une fois quand Arkan est arrivé en conflit avec Dokmanovic, quand

 23   Dokmanovic lui a demandé de lui donner quelques explications, Arkan a

 24   commencé à hurler en lui disant : "Personne ne peut me demander de comptes

 25   ici, personne ici." Et Badza était dans la pièce, il était en train

 26   d'écrire quelque chose, et il a ajouté : "Je ne ferai mon rapport que

 27   devant Radovan Stojicic, Badza, et devant personne d'autre. N'oubliez

 28   jamais cela." Bon, moi, je ne lui ai jamais demandé à me soumettre des

 


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  1   rapports de toute façon, mais c'était une remarque générale, je dirais.

  2   Q.  Vous venez de mentionner Boro Bogunovic, vous avez dit qu'il se rendait

  3   rarement aux sessions du gouvernement. Est-ce que vous savez où se trouvait

  4   son bureau pendant qu'il était le ministre des Affaires intérieures ?

  5   R.  Eh bien, il était très souvent à un mauvais endroit à un mauvais

  6   moment. Et vous ne pouviez jamais le trouver quand vous aviez besoin de

  7   lui. Mais officiellement parlant, sa base se trouvait à Sid. Il fallait

  8   emprunter une déviation pour s'y rendre à l'époque, et vous aviez besoin

  9   d'une demi-journée pour vous y rendre. Et pour lui, c'était un bon prétexte

 10   pour ne pas se rendre à Erdut aussi souvent qu'il aurait dû le faire.

 11   Q.  Je vais vous montrer un document, c'est un document que nous avons

 12   reçu. Il concerne Radovan Stojicic, Badza, et puis Zavisic que vous avez

 13   mentionnés.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est le document 1D2206, à l'intercalaire

 15   687. Et il ne faudrait pas montrer cela sur les écrans.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos

 17   partiel.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à

 19   huis clos partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire où se trouvait Zeljko Raznjatovic, Arkan, et

 28   ceci, depuis son arrivée sur le territoire de la SBSO ?

 


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  1   R.  A ce que je sache, le premier village où il est venu, c'était le

  2   village de Tenja, à proximité d'Osijek. Après ce séjour à Tenja -- mais

  3   nous ne disposons pas d'informations fiables quant aux raisons de son

  4   départ, mais on prétend qu'il est parti à cause d'un conflit avec un

  5   dirigeant du cru, Jovko [phon] Rebraca. Donc, après son départ de Tenja, il

  6   est arrivé à Erdut.

  7   Q.  Comment avez-vous appris l'arrivée de Zeljko Raznjatovic à Erdut ?

  8   R.  De façon indirecte, plus qu'indirecte. Autrement dit, j'ai voyagé

  9   souvent entre Erdut et Belgrade, ce n'était pas commode ni pratique parce

 10   qu'il fallait que je continue à travailler lors de ces déplacements et à

 11   Erdut. Et je n'avais pas où travailler. Donc, moi, je me suis adressé à

 12   Goran Hadzic, je lui ai fait part de mon problème. Et qu'est-ce qu'il a

 13   fait ? Il m'a dit à moi, à M. Vojnovic et à deux autres ministres, il nous

 14   a dit d'aller prendre un bureau dans le bâtiment administratif de

 15   l'exploitation viticole. Juste de l'autre côté du bâtiment où siégeait

 16   notre assemblée. Nous sommes allés voir ces bureaux, et apparemment

 17   c'étaient des bureaux tout à fait convenables. Moi, je me suis pris deux

 18   bureaux, M. Vojnovic en a pris un, et puis les autres personnes ont choisi

 19   d'autres bureaux.

 20   Vu qu'il n'y avait pas autre chose que des sièges et des bureaux, et

 21   nous avions besoin tout de même des machines à écrire, d'un télécopieur, et

 22   cetera, nous nous sommes mis d'accord qu'au retour de Belgrade, nous

 23   allions prendre tout cela. Ce que nous avons fait. Nous sommes arrivés à

 24   Erdut deux jours plus tard. Mon chauffeur est allé prendre tous ces

 25   appareils dans une camionnette, parce qu'on avait transporté tout cela par

 26   camionnette, et il nous a dit que nos bureaux n'étaient pas là. Moi, je ne

 27   comprenais pas de quoi il s'agissait. Mais j'ai compris que tous les

 28   bâtiments administratifs de l'exploitation viticole avaient été occupés


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  1   dorénavant par des unités que je ne connaissais absolument pas. Je n'étais

  2   pas au courant de cela. J'ai compris que l'ambiance qui y prévalait était

  3   une ambiance de caserne. Moi, je lui ai demandé, "Mais que s'est-il passé ?

  4   Qu'est-ce qu'ils t'ont dit ?" Et il m'a répondu que c'était Arkan qui a

  5   pris le contrôle de tout cela. Alors, je suis allé le voir pour lui

  6   demander ce qui se passe, et il m'a dit : "Ecoute, on ne peut pas résoudre

  7   cela en deux secondes. Laisses tes affaires ici, et d'ici quelques jours on

  8   va te trouver un autre bureau." Et avec ceci se sont terminés nos échanges.

  9   Donc, effectivement, j'ai appris que Zeljko Raznjatovic, Arkan, était

 10   arrivé là avec son unité et avait pris la possession de ce bâtiment.

 11   Q.  Est-ce que vous savez s'il s'était adressé au gouvernement pour

 12   leur demander de lui trouver un hébergement ?

 13   R.  Moi, je dois vous dire la chose suivante : quand Arkan avait

 14   besoin de quelque chose, en parlant de besoins de défense liés à ses

 15   opérations, il ne demandait rien à qui que ce soit. Il prenant ce dont il

 16   avait besoin. Il utilisait les locaux dont il avait besoin. Et cela allait

 17   de soi, il n'avait pas besoin de demander quoi que ce soit à qui que ce

 18   soit.

 19   Q.  Dites-moi, vu que Radovan Stojicic, Badza, avec ses hommes aussi, est

 20   arrivé là-bas et a pris possession des lieux, est-ce que vous savez si

 21   Badza avait demandé une autorisation préalable au gouvernement pour s'y

 22   héberger avec son unité ?

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Olmsted.

 24   M. OLMSTED : [interprétation] Ecoutez, la première partie de la question

 25   comporte des informations dont le témoin n'a pas déposé, à savoir concerne

 26   le fait que Badza se soit rendu aussi dans cette localité.

 27   La deuxième partie est un peu moins directrice mais aussi directrice.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation] La traduction de la première partie n'est


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  1   pas bonne. Moi, j'ai demandé si Radovan Stojicic, Badza, quand il est venu

  2   dans la SBSO -- donc, la question portait sur cela et pas sur son arrivée

  3   sur les lieux.

  4   Q.  Donc, voilà, je vais vous reposer la question.

  5   Quand Radovan Stojicic, Badza, est arrivé dans la SBSO, est-ce qu'il s'est

  6   adressé au gouvernement pour leur demander de lui trouver un hébergement ?

  7   R.  Mais j'ai très bien compris la question que vous m'avez posée dès la

  8   première fois. Radovan Stojicic, Badza, tout comme Arkan, n'a pas demandé

  9   d'autorisation ou de permission. Et puis, je voudrais ajouter que Badza et

 10   Arkan et leurs unités ne se trouvaient pas au même endroit. Donc, ils

 11   n'étaient pas tous les deux hébergés au même endroit.

 12   Q.  Vous avez dit que quand vous êtes arrivé en Croatie pour la première

 13   fois après avoir fui Vinkovci, que vous avez trouvé là-bas les unités de la

 14   JNA qui contrôlaient les points de contrôle. Je voudrais savoir si ces

 15   unités de la JNA se sont jamais adressées au gouvernement de la SBSO pour

 16   demander un hébergement dans la zone ?

 17   R.  Non, ils ne l'ont jamais fait. Mais la JNA, en vertu des règlements en

 18   vigueur, n'avait pas besoin de le faire. Car en situation de menace de

 19   guerre immédiate, l'armée a tout à fait le droit de réquisitionner ce dont

 20   elle a besoin. Ils peuvent prendre tout ce dont ils pensent avoir besoin et

 21   ils accompagnent cette réquisition par un certificat de réquisition

 22   temporaire, vous ne pouvez pas les empêcher de le faire. Mais ils ne nous

 23   ont jamais, de toute façon, demandé de leur accorder une autorisation dans

 24   ce sens.

 25   Q.  Vous avez évoqué des règles en vigueur. Est-ce que ces règles et ces

 26   lois concernent uniquement l'armée ou bien concernent toutes les formations

 27   ?

 28   R.  Ecoutez, pas seulement l'armée. Ceci concerne aussi la police qui peut


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  1   agir pour la prévention de la criminalité ou bien pour empêcher que l'on

  2   détruise des pièces à conviction, des traces, indices, et cetera. C'est une

  3   chose connue dans la profession judiciaire.

  4   Q.  Est-ce que vous savez si Goran Hadzic avait donné à Arkan ce bâtiment

  5   administratif, est-ce qu'il lui a donné ce lieu pour l'entraînement de son

  6   unité ?

  7   R.  Ecoutez, non, je ne suis pas au courant de cela. Mais je ne vois pas

  8   pourquoi il aurait fait cela. Personne ne pouvait donner quoi que ce soit à

  9   Arkan, y compris Goran Hadzic.

 10   Goran Hadzic était chargé des activités civiles. Mais en ce qui concerne la

 11   stratégie militaire, il ne pouvait pas donner d'ordres ou interdire quoi

 12   que ce soit à ces gens venus sur notre territoire pour nous défendre et

 13   pour se livrer à des activités militaires.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais demander à voir le document qui se

 15   trouve à l'intercalaire 628, il s'agit du document P194.140.

 16   Q.  Vous avez eu l'occasion déjà de voir ce document. Et ma première

 17   question sur ce document est la suivante. Veuillez regarder le coin

 18   supérieur gauche. Et ce que l'on voit ici, c'est le secrétariat du

 19   président. Est-ce qu'il existait un secrétariat de ce type au sein du

 20   gouvernement de la SBSO ? Est-ce qu'il y avait, donc, un secrétariat du

 21   premier ministre ou du président ?

 22   R.  Il s'agissait du secrétariat du gouvernement sous la direction de M.

 23   Jovan Pejakovic. Je n'avais jamais entendu que le président disposait de

 24   son propre secrétariat, et donc cet ordre pose pas mal de questions. On ne

 25   comprend pas très bien comment Arkan, Zeljko Raznjatovic, ait été nommé

 26   commandant de la TO en Slavonie, Baranja et Srem occidental. C'est peut-

 27   être correct, mais ça n'aurait pas été signé à ce moment-là par le

 28   président Hadzic mais plutôt par le commandant de la TO, M. Badza, Radovan


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  1   Stojicic.

  2   Q.  Nous voyons également qu'on parle de commandants de l'état-major. Est-

  3   ce que vous pourriez nous dire si de tels postes existaient à l'époque ?

  4   Est-ce qu'il existait des états-majors à l'époque; et dans l'affirmative,

  5   pouvez-vous nous dire de quel genre d'états-majors il s'agissait ?

  6   R.  Ce serait assez prétentieux de parler véritablement d'états-majors pour

  7   la Défense territoriale, en tout cas pas dans le sens que l'on attache

  8   habituellement à ce genre de structure.

  9   Nous en avons déjà parlé précédemment. Dans des villages où il y avait une

 10   majorité serbe, les gens se sont organisés et ont mis sur pied des gardes

 11   du village. Mais ils n'ont pas adopté le genre d'organisation avec des

 12   commandements, des états-majors. En fait, il n'y avait pas beaucoup de

 13   structures d'organisation, c'était plutôt désorganisé. Je ne pense pas que

 14   le 1er septembre 1991, il existait à l'époque des états-majors de la TO.

 15   Enfin, je n'ai jamais vu cela sur le terrain.

 16   Q.  Toujours en haut à gauche, vous voyez qu'il y a un chiffre, 1/91, et

 17   ensuite, à la ligne suivante, vous avez Dalj et une date. Selon vous, est-

 18   ce qu'il était habituel que des documents portent la même cote ?

 19   R.  Non, ça ne se produisait pas. Je dois dire que M. Pejakovic était un

 20   homme très méticuleux, très précis, et aimait archiver correctement les

 21   documents du gouvernement. Il n'aurait pas fait ce genre d'erreur, et même

 22   si des erreurs se produisaient, dès la première session de travail du

 23   gouvernement il veillait à corriger ces erreurs et ceci était consigné au

 24   procès-verbal.

 25   Q.  Dans la mesure où vous le savez, quand est-ce que M. Pejakovic a pris

 26   ses fonctions, réellement ?

 27   R.  Je suis arrivé à Dalj en août 1991 pour la première fois, suite au fait

 28   que M. Dukovic était censé être nommé secrétaire du gouvernement. Mais M.


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  1   Dukovic n'avait pas vraiment le soutien de son propre village, Borovo Selo.

  2   Il est parti de Borovo Selo vers Belgrade, et les gens lui en ont voulu.

  3   Goran a accepté que M. Dukovic soit le secrétaire du gouvernement local,

  4   mais il a dit ensuite que la population locale ne le souhaitait pas. Il a

  5   suggéré ensuite que M. Pejakovic soit nommé. Donc, nous sommes convenus que

  6   M. Pejakovic deviendrait le secrétaire du gouvernement. Il a été nommé à ce

  7   poste lors de la session suivante du gouvernement.

  8   Q.  Est-ce qu'il a commencé à travailler avant sa nomination ?

  9   R.  Oui, oui, mais il n'a été nommé officiellement qu'au cours de la

 10   session de l'assemblée. Donc, concrètement, il a commencé à créer des

 11   dossiers déjà auparavant. Il avait mis tout le système en place pour suivre

 12   toutes les communications du gouvernement.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous demande d'afficher à l'écran la

 14   pièce P3217, onglet 710.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois rien. Voilà, je vois maintenant.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 17   Q.  Il s'agit d'une proclamation de mobilisation générale. Je ne vais pas

 18   rentrer dans le contenu du document. Je vous prie simplement de vous

 19   rapporter à ce qui figure à l'en-tête à gauche en haut. On voit le même

 20   numéro, 1/91. C'est un document qui porte la date du 23 août 1991, à Dalj.

 21   C'est là-dessus que je voudrais vous interroger. Alors, selon vous, ce

 22   document et celui que je vous ai montré juste avant à l'écran auraient-ils

 23   pu porter la même cote ?

 24   R.  Non, ce ne devrait pas être possible. En ce qui concerne cette

 25   proclamation, je suis bien au courant de son contenu, j'ai aidé à la

 26   rédaction de ce document. Et quant à la période de temps, oui, ça semble

 27   correspondre, bien que je ne sois pas sûr à 100 %. Mais en ce qui concerne

 28   la cote du document, 1/91, ça ne peut pas être exact. A l'époque, nous


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  1   étions occupés à mobiliser les gens, et je vois aussi que c'est signé par

  2   le premier ministre. Enfin, nous étions tous au courant de toute façon à

  3   l'époque.

  4   Q.  Revenons-en, si vous voulez bien, au document --

  5   R.  Je voudrais souligner quelque chose d'important. A l'époque, donc le 23

  6   août 1991, Goran Hadzic n'était pas encore le premier ministre, en tout cas

  7   officiellement. On sait fort bien qu'il allait prendre ce poste, mais vu

  8   l'urgence de la question, le document a dû être signé [comme interprété]

  9   ainsi pour être signé.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Revenons donc au document précédent, à

 11   l'intercalaire 628. C'est la pièce P194.140.

 12   Q.  Savez-vous si Goran Hadzic a jamais signé des documents sous forme

 13   d'ordres ?

 14   R.  Non. En vertu de la loi et dans le cadre de son pouvoir, il ne pouvait

 15   donner des ordres. Il fallait être commandant pour donner des ordres, et il

 16   n'était pas commandant. Il avait recours plutôt à des décisions

 17   conformément aux fonctions du premier ministre et du gouvernement.

 18   Q.  Lorsque vous êtes revenu en août et ensuite en 1991, comment se

 19   présentait la situation en SBSO ? Quelles étaient les conditions de vie ?

 20   R.  Difficiles. Dès juin 1991, après que les tensions se soient exacerbées

 21   et que les communications aient cessé entre les villages serbes et croates,

 22   les Croates ont coupé l'électricité. C'était un énorme problème car le

 23   réseau électrique alimentait les pompes de l'alimentation en eau. Donc, il

 24   y avait également pénurie d'eau, pénurie de pétrole et d'essence, et des

 25   marchandises de base telles que le sucre et le sel manquaient, et tout ça

 26   était dû et expliquait les conditions de vie difficiles pour les gens du

 27   peuple.

 28   Q.  Et qu'en était-il de la situation des membres de la JNA dans ce


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  1   district à l'époque ? Il y en avait combien, d'ailleurs ?

  2   R.  Leurs nombres augmentaient de façon constante, étant donné l'intensité

  3   croissante du conflit. Dans cette situation, les formations paramilitaires

  4   croates se sont attaquées à des casernes les entourant, coupant l'eau et

  5   l'électricité, coupant également le ravitaillement en aliments, en

  6   nourriture, des forces armées. En même temps, ils augmentaient le nombre

  7   d'attaques, augmentant ainsi le nombre de victimes blessées ou tuées. Et à

  8   l'époque, donc, dans la SBSO, le nombre de soldats de la JNA augmentait.

  9   C'étaient essentiellement des gens qui avaient été mobilisés, car des

 10   années auparavant il y avait déjà eu une tendance au sein de la JNA pour

 11   des jeunes qui sortaient du lycée fassent leur service militaire avant de

 12   se lancer dans des études universitaires. En d'autres termes, il y avait,

 13   en fait, fort peu de soldats entraînés, des soldats d'active. Et donc,

 14   c'étaient des unités qui étaient composées de gens mobilisés.

 15   Q.  Je voulais vous interroger sur les pouvoirs de gouvernement, mais pour

 16   l'heure je vais plutôt m'intéresser à Stojicic, Badza, et les gens dont il

 17   s'était entouré, ainsi que Zeljko Raznjatovic, dit Arkan, et son groupe.

 18   Est-ce que le gouvernement avait un pouvoir d'ordre juridique ou factuel

 19   pour donner des ordres à Stojicic, Badza, ou Raznjatovic, Arkan ? Est-ce

 20   qu'on pouvait leur donner l'ordre de faire quelque chose ou de ne pas faire

 21   quelque chose ?

 22   R.  Je crois que j'ai déjà répondu à cette question. Permettez-moi alors de

 23   répéter. Il n'y avait aucune possibilité pour le gouvernement dans son

 24   ensemble, ni pour Goran Hadzic de façon individuelle, de donner le moindre

 25   ordre à ces deux personnes ou de leur interdire de faire quoi que ce soit.

 26   Toute personne qui passerait un jour seulement là-bas aurait pu voir cela

 27   de leurs propres yeux. En tant que membre du gouvernement, je n'ai jamais

 28   participé à la prise d'une décision qui avait pour but de donner le moindre


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  1   ordre à ces personnes ni de leur demander quoi que ce soit.

  2   Q.  Est-ce que le gouvernement avait la capacité factuelle d'avoir recours

  3   à la force pour faire en sorte qu'Arkan ou Badza et leurs groupes

  4   s'éloignent, quittent la SBSO ?

  5   R.  Même si quelqu'un avait souhaité faire quelque chose de ce type, il

  6   aurait fallu une force bien plus puissante que celle dont ces deux

  7   personnes disposaient. Je devrais vous dire, d'ailleurs, que nous ne

  8   disposions d'aucune force. Peut-être qu'un membre du gouvernement disposait

  9   d'une arme, mais franchement, personne de nous n'était compétent dans le

 10   maniement des armes. Certains d'entre nous avaient un chauffeur ou une

 11   escorte de sécurité. Nous avions aussi une équipe de gardes qui montaient

 12   la garde autour du siège du gouvernement, peut-être une douzaine de

 13   personnes, mais franchement, je crois qu'il n'y avait personne

 14   véritablement compétent en matière de maniement des armes. Donc, en

 15   d'autres termes, nous n'étions pas du tout en mesure d'interdire quoi que

 16   ce soit à ces deux personnes ou de les faire éloigner du territoire sauf

 17   s'ils voulaient le faire de leur propre gré.

 18   Q.  Quelles étaient les relations entre Stojicic, Badza, et la JNA et ses

 19   officiers ?

 20   R.  La relation était excellente. Ils coordonnaient fort bien leurs

 21   activités, c'est ce que j'ai pu observer. Ils tenaient des réunions au

 22   quotidien où ils faisaient rapport et il y avait Stojicic et Arkan qui

 23   étaient présents, ou l'un de ses hommes en tout cas, et des représentants

 24   de la JNA. Leur commandement se trouvait à Erdut. Il est de notoriété

 25   publique qu'Arkan était en excellents termes avec le général -- je ne me

 26   souviens plus de son patronyme à brûle-pourpoint. Ça commence par un B. Qui

 27   a été tué ensuite. Bratic, voilà, c'est ça, Bratic, le général Bratic. Et

 28   donc, plus tard, il a aussi entretenu les mêmes excellentes relations avec


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  1   un autre général qui lui a succédé.

  2   En ce qui concerne Badza, eh bien, il y avait justement une pièce où on

  3   devait passer à Erdut et on le voyait souvent dans le jardin. Ils

  4   discutaient ensemble, on les saluait, avant d'aller dans nos bureaux.

  5   Q.  Alors, dites-nous ce que vous pouvez nous dire sur le travail du

  6   gouvernement. Qui présidait les sessions du gouvernement ?

  7   R.  Si Goran Hadzic était présent, c'était lui qui présidait. En son

  8   absence, c'était le Dr Mladen Hadzic. Ces deux personnes n'ont pas de lien

  9   de sang, même s'ils partagent le même patronyme.

 10   Nous préférions que ce soit Goran qui préside parce que les choses allaient

 11   plus vite, c'était plus bref. Quand c'était le Dr Mladen Hadzic qui

 12   présidait, ces réunions se résumaient à un long monologue de sa part, il

 13   parlait beaucoup de lui, et cetera, et ça durait pendant des heures.

 14   Q.  Fallait-il remplir certaines conditions pour qu'une session du

 15   gouvernement soit considérée comme une session valable ?

 16   R.  Oui, bien sûr. Il fallait qu'il y ait un nombre suffisant de ministres

 17   présents pour pouvoir discuter valablement. Nous avions le quota s'il y

 18   avait 50 % plus 1. S'il n'y avait que trois personnes, ils pouvaient

 19   discuter, mais ce qu'ils décidaient ne liait personne. Et puis, les

 20   décisions faisaient l'objet d'un vote. C'est pourquoi il était important

 21   qu'il y ait un nombre suffisant de participants.

 22   Q.  Comment préparait-on ces réunions, ces séances du gouvernement ?

 23   Pouvez-vous nous dire ?

 24   R.  Oui, je m'en souviens. Au tout début, peut-être pendant 15 ou 20 jours

 25   du début, le démarrage, si vous voulez, bon, les choses se sont un petit

 26   peu improvisées. A la réunion, quelqu'un ajoutait des points à l'ordre du

 27   jour, mais assez rapidement une règle a été édictée indiquant que chaque

 28   ministre qui voulait inscrire un point à l'ordre du jour devait le faire en


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  1   notifiant les autres personnes des sujets qu'il souhaitait inscrire à

  2   l'ordre du jour. Et ensuite, le secrétariat fournissait le document

  3   afférant en nombre utile pour chaque point de l'ordre du jour de sorte que

  4   les ministres puissent se préparer. Ce n'est qu'à titre exceptionnel,

  5   lorsque l'on discutait de questions plus délicates concernant les

  6   difficultés de la vie, qu'on pouvait ajouter en dernière minute des points

  7   à l'ordre du jour. Sans ça, ce n'était pas possible.

  8   Q.  Est-ce que des notes étaient prises au cours de ces séances du

  9   gouvernement ?

 10   R.  Oui, oui, bien sûr. Un procès-verbal était dressé. Dès que la réunion

 11   se terminait, tout avait été consigné. Il y avait un résumé des positions

 12   et des décisions. On consignait également les résultats des votes, et les

 13   conclusions étaient fournies à tout un chacun dès le début de la séance

 14   suivante.

 15   Q.  A partir du moment où le gouvernement était constitué et tout au long

 16   de l'existence de ce gouvernement de la SBSO, dites-nous quelle était la

 17   situation concernant les déplacements dans cette zone, compte tenu de

 18   l'autorité dont vous disposiez en tant que membre du gouvernement ?

 19   R.  Eh bien, après la première quinzaine de jours de travail, nous avons

 20   reçu des pièces d'identité officielles qui indiquaient notre nom.

 21   C'étaient, en fait, des laissez-passer officiels signés par Goran Hadzic

 22   avec le sceau du gouvernement. Mais bien souvent, ces laissez-passer

 23   officiels ne suffisaient pas pour nous permettre d'aller dans diverses

 24   zones de la SBSO. Enfin, pour être plus précis, tout dépendait de quel côté

 25   on voulait entrer. Si on entrait de Bogojevo vers Erdut, c'était le point

 26   d'entrée qu'on utilisait le plus souvent, on était connu et on passait

 27   facilement. Mais si on voulait entrer par Negoslavci de la direction de

 28   Sid, nous ne pouvions pas entrer avec ce laissez-passer. Il fallait, à ce


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  1   moment-là, avoir un permis précis émis par les autorités militaires. C'est

  2   un document qui reprenait toutes vos coordonnées, le véhicule que vous

  3   empruntiez, la direction que vous suiviez dans vos déplacements, et c'est

  4   des permis qui n'étaient valables qu'un seul jour.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous voyez l'heure.

  6   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Susa, nous allons prendre

  8   une pause d'une trentaine de minutes et nous reprendrons l'audience à 12

  9   heures 45.

 10   La séance est levée.

 11   --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, veuillez

 16   poursuivre.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   Q.  Monsieur Susa, pourriez-vous brièvement nous parler des communications

 19   du gouvernement en Slavonie, Baranja et le Srem occidental ? Commençons par

 20   Vukovar. Est-ce que le gouvernement communiquait avec Vukovar au cours de

 21   cette période de septembre, octobre, novembre, lorsque les opérations

 22   militaires étaient en cours ?

 23   R.  Comme vous venez de le dire vous-même, il y avait des opérations

 24   militaires intensives, compliquées, graves, à Vukovar. Nous ne sommes pas

 25   allés à Vukovar. Nous n'avions quasiment aucun contact à l'exception près

 26   de quelques informations indirectes de la part de personnes qui s'y étaient

 27   trouvées.

 28   Q.  Et est-ce que vous pourriez nous parler des communications du


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  1   gouvernement avec le Srem occidental, avec cette zone ?

  2   R.  Jusqu'à ce que l'armée n'ait fait de percée jusque dans cette zone,

  3   Sid, Tovarnik, Mirkovci, côté droit, et puis Lovas, Negoslavci, les

  4   communications ont été fort difficiles. Enfin, je vais dire les choses

  5   autrement. Nous avions de bonnes communications avec la Baranja et dans la

  6   direction de Bogojevo, y compris Erdut et Dalj. Il s'agissait là d'une zone

  7   assez circonscrite de nos propres déplacements.

  8   Q.  Vous parlez de gardes organisées par les villages dans certains

  9   villages serbes. Est-ce que vous pouvez nous parler de si le gouvernement

 10   avait des communications avec ces gardes organisées dans les villages ?

 11   R.  Il y avait des communications de temps en temps. Nous n'y allions pas

 12   nous-mêmes. Certaines personnes qui étaient dans des villages encerclés

 13   réussissaient à s'en échapper dans des circonstances particulièrement

 14   périlleuses en prenant des chemins qu'ils connaissaient et se rendaient de

 15   temps en temps à Erdut. Ils venaient là étant donné qu'ils connaissaient

 16   des problèmes particulièrement graves dans leurs villages. Je répète,

 17   n'est-ce pas, il y avait des coupes d'électricité, pas d'eau, et des

 18   aliments de base manquaient, il y avait pénurie. Il n'y avait pas de

 19   médicaments. Ils devaient lutter contre des épidémies, des maladies, et

 20   cetera. Ils venaient demander de l'aide, justement, sur ces questions.

 21   Q.  Ces gardes des villages, est-ce qu'il y avait une espèce de

 22   commandement unique ou unifié les couvrant ?

 23   R.  Non, non, pas à notre connaissance, il n'y avait rien de ce type. Ce

 24   n'est que plus tard que Radovan Stojicic, Badza, a réussi à les unifier.

 25   Mais avant qu'il n'arrive dans la zone, il n'y avait pas de commandement

 26   pour ces gardes. Ils ne se présentaient pas de la sorte en tout cas.

 27   Q.  Vous disiez "nous"; alors, "nous", qu'entendez-vous ?

 28   R.  Je pense au gouvernement qui était basé à Erdut.


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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez nous parler de changement des relations entre

  2   les gardes des villages et l'armée populaire yougoslave ?

  3   R.  Au début, les personnes qui vivaient dans cette région ont été fort

  4   soulagées lorsque l'armée populaire yougoslave est arrivée. Et si on parle

  5   des gens du peuple, ils ont gardé ce même sentiment plus tard. Toutefois,

  6   certaines personnes dans ces gardes de villages qui se sont imposées comme

  7   chefs dans ces villages sont entrées en conflit progressivement avec les

  8   membres de la JNA qui leur donnaient certaines missions dont ils n'avaient

  9   pas envie de s'acquitter. Et en même temps, ils étaient tout de même soumis

 10   à certaines obligations par les personnes de ces villages qui les avaient

 11   nommés par acclamation à assurer la défense de leurs villages. Et

 12   lorsqu'ils se trouvaient devant ces chefs locaux avec des demandes

 13   d'assistance concernant les problèmes au quotidien, ils n'obtenaient aucune

 14   réponse à leurs problèmes.

 15   Q.  L'assemblée et le gouvernement de la SBSO ont-ils pris quelque décision

 16   que ce soit en ce qui concerne ces gardes des villages ?

 17   R.  Non. Pour autant que je sache, ce ne fut pas le cas.

 18   Q.  Est-ce que le gouvernement ou le premier ministre n'a jamais donné

 19   d'ordres à ces gardes de villages quant à leurs missions ?

 20   R.  C'était impossible en pratique et aussi en vertu de la loi. Ces gens

 21   étaient des villageois. C'étaient des gens que l'on connaissait déjà

 22   auparavant. Et dans la première période, que je limiterais à la première

 23   année, il n'y avait personne à qui ils devaient rendre compte, ni personne

 24   qui était censé leur donner des ordres. C'étaient des gens qui étaient sur

 25   pied d'égalité, et nous avions déjà le privilège de ne pas nous trouver sur

 26   la ligne de front et nos vies n'étaient pas en danger au quotidien. Et

 27   donc, le pouvoir que nous pouvions exercer par rapport à ces gardes n'a

 28   jamais été mis en place au début, et c'est quelque chose qui n'a jamais été


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  1   discuté sérieusement non plus. Nous avons constamment tenté, par nos

  2   paroles ou par un engagement personnel, de les assister, pour fournir les

  3   médicaments essentiels, également assurer les services d'un médecin. Il y

  4   avait des gens qui avaient la grippe, des maladies infantiles aussi, des

  5   maladies infectieuses qui, si on ne les contrôlait pas, on risquait de se

  6   trouver dans des situations fort graves. Et d'ailleurs, ça s'est produit

  7   dans certains villages.

  8   Q.  Et savez-vous si l'assemblée de la SBSO a jamais pris de décision

  9   concernant la Défense territoriale de la zone et du fait qu'ils

 10   rejoindraient les rangs des forces armées de la RFSY ?

 11   R.  C'est une bonne question. Est-ce que quelqu'un a pris des décisions

 12   concernant la TO ? Si ça avait été le cas, ça n'aurait pu être que

 13   l'assemblée. Et pour autant que je sache, l'assemblée n'a pas pris de

 14   décision en ce qui concerne la Défense territoriale.

 15   Q.  Nous avons un document que je voudrais que vous regardiez.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] L19, intercalaire 601.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je reconnais ceci et je connais le

 18   contenu de cette décision. Mais je n'ai pas très bien saisi votre question.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 20   Q.  Eh bien, ma question, effectivement, n'était sans doute pas claire.

 21   Cette décision que vous voyez dans la partie inférieure du texte et qui se

 22   poursuit à la page suivante, est-ce que vous vous souvenez de cette

 23   décision du 10 octobre 1991 ?

 24   R.  Oui. Si vous m'interrogez sur les gardes de villages et la Défense

 25   territoriale, je vous ai dit que nous n'avions pris aucune décision au sein

 26   du gouvernement ou de l'assemblée en ce qui concerne leur formation ou leur

 27   mission. C'est ce que Radovan Stojicic, Badza, a dit, mais nous n'avions

 28   pas participé à cela. Une fois que ces gardes avaient été mises sur pied,


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  1   il est clair que la Défense territoriale, pour être plus efficace sur le

  2   terrain, a dû être subordonnée à des unités de la JNA. Et la première fois

  3   que j'ai vu cette idée émise au sein du gouvernement, ça a été d'ailleurs

  4   inscrit à l'ordre du jour par Ilija Koncarevic, moi-même et d'autres

  5   personnes étions en faveur de l'adoption de cette décision.

  6   Mais je voudrais signaler quelque chose d'important ici. En ce qui concerne

  7   les dispositions existantes au niveau du droit fédéral ou des décisions

  8   prises par des organes fédéraux, et essentiellement, d'ailleurs, décision

  9   prise par le président aux fins de déclarer une menace imminente de guerre,

 10   cette décision semble superflue. Toutefois, dans le cadre de cette

 11   décision, nous voulions faire savoir que nous étions parfaitement au

 12   courant de la situation qui se déroulait sur le terrain et que la Défense

 13   territoriale devait être fusionnée avec les forces armées de la RFSY

 14   rapidement.

 15   Q.  Pouvez-vous nous dire quelles furent les relations entre le

 16   gouvernement de la SBSO et l'armée populaire yougoslave ?

 17   R.  Je ne peux pas vraiment qualifier ces relations de bonnes. Et pourquoi

 18   ? Parce qu'il y avait, je crois, pas mal de malentendus et de mauvaises

 19   compréhensions des droits et des obligations de chacun. Ce n'est que plus

 20   tard que nous avons réussi à nous affirmer comme étant ceux qui prenions

 21   des décisions et les mettions en œuvre. Et l'armée ne voulait pas

 22   l'accepter, manifestement, au vu de leurs décisions. Car quand

 23   s'adressaient-ils à nous ? Eh bien, lorsque dans certaines régions se

 24   déroulaient des activités qui n'étaient pas des activités de combat au sens

 25   classique du terme, les problèmes dépassaient donc ce qui était de leur

 26   ressort. Et à ce moment-là, ils se tournaient vers nous et nous demandaient

 27   de réparer les dommages. Et quand on leur proposait de planifier ensemble

 28   et de mettre en œuvre ces actions ensemble plus tard, ils sont restés


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  1   passifs, et donc, au final, aucune de ces décisions n'ont été exécutées.

  2   Q.  Savez-vous si la JNA a informé le gouvernement de la SBSO de ses

  3   activités ?

  4   R.  Non, pas officiellement. Aucun rapport n'était envoyé. Peut-être que ça

  5   s'est produit lors de contacts personnels ou privés ou si quelqu'un avait

  6   appris quelque chose et a communiqué cette connaissance à quelqu'un

  7   d'autre. Mais de façon directe, non, ça ne se produisait pas.

  8   Q.  Vous disiez qu'il fallait un permis spécial pour se rendre de Sid à

  9   Negoslavci et que vous aviez reçu ce permis spécial. Qui émettait de tels

 10   permis ? Et où les obteniez-vous ?

 11   R.  A Negoslavci, il y avait un bâtiment où se trouvait un bureau où il y

 12   avait deux hommes, ou il y en avait peut-être plus que deux, mais je me

 13   souviens de ces deux-là parce que j'ai eu affaire essentiellement à eux.

 14   Ils s'appelaient Grahovac et Filipovic. Et c'est eux qui donnaient ces

 15   permis qui permettaient d'entrer dans la zone, de se déplacer dans la zone

 16   et de revenir dans la zone.

 17   Q.  Est-ce que la JNA reconnaissait ces permis ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Savez-vous si Grahovac, vous venez de le citer, occupait un poste au

 20   gouvernement de la SBSO ?

 21   R.  Non. Il n'était jamais présent au gouvernement à Erdut. Je n'ai jamais

 22   entendu qu'il ait été engagé par nous à quelque titre que ce soit.

 23   Q.  Est-ce qu'il déposait ou présentait des rapports au gouvernement sur

 24   ses activités ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Revenons à une petite correction. Ma question était de savoir si "il"

 27   présentait des rapports, et je crois qu'on n'a pas bien consigné mes

 28   propos. Est-ce qu'il, donc Grahovac, présentait des rapports au


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  1   gouvernement ?

  2   R.  J'ai dit non, qu'il n'avait jamais présenté le moindre rapport au

  3   gouvernement.

  4   Q.  Est-ce qu'il était l'assistant ou l'adjoint d'un ministre ?

  5   R.  Non, il n'avait pas de poste au gouvernement, pour autant que je sache.

  6   Et s'il avait eu un poste, je l'aurais su.

  7   Q.  Est-ce que le gouvernement envoyait des instructions ou des choses de

  8   ce genre à ce bureau de Sid qui émettait ces permis; plus précisément, à M.

  9   Grahovac ou Filipovic ?

 10   R.  Non, non. Non, pas que je sache.

 11   Q.  Lorsque le gouvernement est arrivé à Erdut, est-ce qu'il disposait

 12   d'une garde de sécurité, quelqu'un qui assurait la sécurité physique ?

 13   R.  Peut-être pas les premiers jours, et puis ensuite des personnes sont

 14   arrivées, toutes de Borovo Selo. Je crois en avoir parlé. Je ne sais pas

 15   qu'il y en avait plus qu'une douzaine, mais c'étaient des gens qui étaient

 16   de garde 24 heures sur 24, à deux ou à trois, et c'était très bien parce

 17   que nous avions déjà mis en place des équipements de dernier cri qu'on

 18   aurait pu voler. Donc, ils ont assuré la sécurité du bâtiment dans lequel

 19   nous nous trouvions.

 20   Q.  Mais qui était chargé d'organiser cette partie-là de la charge, de la

 21   garde du bâtiment ?

 22   R.  Personne n'est arrivé officiellement en fonction d'une décision prise,

 23   mais ils nous ont dit qu'ils étaient les amis de Stevo Bogic de Borovo

 24   Selo. Il était là tout le temps. Ils communiquaient avec lui.

 25   Q.  Est-ce que vous savez si Goran Hadzic disposait de ses gardes du corps

 26   ?

 27   R.  Oui, je le sais parce que je connaissais ces hommes personnellement.

 28   L'un d'entre eux était Milenko Japundzic et puis feu… enfin, je le


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  1   connaissais avant la guerre, M. Ljubo Milovic [phon]. Il a été mon

  2   entraîneur de karaté pendant un certain temps.

  3   Q.  Les hommes qui assuraient la sécurité du bâtiment du gouvernement

  4   étaient-ils également les gardes du corps personnels de Goran Hadzic en

  5   1991, 1992 ? C'était le même service ?

  6   R.  Que voulez-vous dire, le même service ? Non. Les gens qui gardaient la

  7   garde du bâtiment assuraient la garde du bâtiment. Et lorsque nous nous

  8   déplacions en voiture en Baranja en plusieurs voitures, est-ce qu'ils

  9   venaient avec nous ? Je crois les avoir vus à plusieurs occasions en

 10   Baranja, mais je ne pense pas qu'ils étaient gardes de corps d'une personne

 11   précise. Ça ne faisait pas partie de leur mission.

 12   Q.  Est-ce que vous savez si Zeljko Raznjatovic, dit Arkan, faisait partie

 13   de la garde de sécurité de Goran Hadzic ?

 14   R.  Sur le plan technique, c'est tout à fait impossible. Arkan n'aurait pas

 15   pu faire partie du garde de corps de Goran parce que Goran se déplaçait de

 16   Belgrade à Novi Sad ou d'autres lieux pour assister à des réunions

 17   politiques, alors que Zeljko Raznjatovic, Arkan, restait à Erdut avec son

 18   unité. De temps en temps, Arkan aurait dit qu'il s'occupait de la garde de

 19   Goran, mais il nous gardait tous à ce moment-là, parce qu'il était à 200

 20   mètres de nous.

 21   Q.  Est-ce que vous êtes au courant de la création d'une organisation

 22   appelée la Sécurité nationale serbe ?

 23   R.  Oui, je suis au courant de cela. J'attendais que la séance du

 24   gouvernement commence avec Ilija Koncarevic et Bogdan Vojnovic, et Stevo

 25   Bogic nous a approchés. Il a commencé à discuter notamment de la nécessité

 26   de mettre sur pied un service à l'avenir qui s'intéresserait à la sécurité

 27   nationale serbe et le contre-renseignement. Je me suis rendu compte que

 28   c'était son désir, et Ilija Koncarevic lui a demandé si ça l'intéresserait.


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  1   Il était vice-président sans portefeuille. En fait, il s'ennuyait. Il était

  2   là à se rouler les pouces à Erdut toute la journée. Il a dit : "Oui, oui,

  3   d'accord, mais je ne sais pas très bien comment le faire." Il me l'a

  4   demandé ensuite, et j'ai accepté de rédiger un projet concernant la mise

  5   sur pied d'un service de ce type. Et j'ai accepté de rédiger un projet de

  6   décision portant création de ce service et j'ai fait également un projet de

  7   document concernant la création de cette service. Je ne suis pas rentré

  8   dans les détails concernant le nombre de personnel.

  9   Et puis, Ilija Koncarevic, qui avait fait partie du renseignement

 10   militaire, nous a dit : "Quel que soit ce que vous planifiez, c'est à

 11   l'assemblée de décider. Mais je ne sais pas s'il allait faire ce qu'il

 12   avait promis." Il m'a fallu dix à 15 jours pour rédiger cette décision et

 13   pour rédiger la structure de cette formation, comment elle se composerait,

 14   et donc j'ai remis une vingtaine de pages à simple interligne de documents.

 15   Et puis, après une dizaine de jours, il m'a dit : "Bien, j'ai tout lu avec

 16   attention. Ça m'a l'air compliqué, et je ne pense pas que je serais en

 17   mesure de faire cela." Et tout cela, en fait, après que j'aie adapté le

 18   texte et que j'aie dit que le chef de ce service ne devait pas avoir de

 19   compétences ou de connaissances particulières et que ça pouvait être une

 20   figure politique.

 21   Cependant, ceux qui étaient chefs de secteurs ou de départements ou

 22   qui étaient les dirigeants, mais je pensais que ces gens devaient avoir

 23   justement des connaissances, des compétences particulières, munis de

 24   diplômes universitaires, et puis il m'a dit : "Non, moi, je ne peux pas

 25   m'assurer qu'on dispose de gens de ce niveau. Comment voulez-vous que moi,

 26   je les trouve ?" Donc, voilà, finalement, où les choses se sont arrêtées au

 27   niveau, dirais-je, d'une espèce de projet ou de proposition assez précis de

 28   remplacement, mais rien de plus n'a été discuté dans le détail dans une


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  1   quelconque réunion gouvernementale. Les choses en sont restées au stade

  2   d'un projet ou d'une activité qui avait été évoqué dont l'application était

  3   souhaitée mais qui n'est jamais allé plus loin, ne s'est jamais concrétisé.

  4   Q.  Encore un point, je vous prie. A partir du moment où Radovan Stojicic,

  5   surnommé Badza, est devenu commandant de la Défense territoriale du SBSO,

  6   est-ce que vous pourriez nous dire quel était le rapport liant la Défense

  7   territoriale à ses unités et au gouvernement ? Est-ce qu'il y avait une

  8   relation entre ces diverses instances ? Est-ce que vous étiez en

  9   communication les uns avec les autres ?

 10   R.  Vous parlez de l'ensemble des unités de la Défense territoriale ?

 11   Q.  De certaines unités.

 12   R.  Les contacts que nous avions avec certaines unités de la Défense

 13   territoriale ont fini par disparaître, et lorsqu'il y avait des

 14   représentants de la Défense territoriale qui assistaient à des séances du

 15   gouvernement, ces représentants étaient exclusivement Badza et personne

 16   d'autre.

 17   Q.  Vous avez été nommé ministre de la Justice et de l'Administration au

 18   sein du gouvernement de Slavonie, Baranja et Srem occidental. Est-ce que

 19   vous pourriez nous parler des fonctions, des tâches principales, des

 20   missions principales, incombant à votre ministère ? Quel était son niveau

 21   de responsabilité ?

 22   R.  Mon ministère, avant toute chose, avait à rédiger les documents

 23   fondamentaux qui devaient asseoir la création des instances judiciaires.

 24   C'était un travail très complexe que nous devions réaliser en un temps très

 25   limité. Je tiens à souligner que M. Vojnovic, M. Stankovic et d'autres ont

 26   apporté une contribution importante aux côtés d'un groupe de professionnels

 27   de haut niveau qui faisait partie du système judiciaire de Serbie et de

 28   l'assemblée fédérale yougoslave. Donc, ils ont beaucoup contribué à ce


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  1   travail. Ils nous ont aidés à mettre en œuvre ce qui était nécessaire à

  2   être mis en œuvre en un temps record. Ils nous ont apporté leurs

  3   connaissances spécialisées, professionnelles et la capacité technique.

  4   Q.  Vous rappelez-vous si le ministère de la Justice a élaboré la Loi

  5   constitutionnelle de la région serbe de Slavonie, Baranja et Srem

  6   occidental ?

  7   R.  Je m'exprime de façon générale en vous disant que nous avons adopté ce

  8   document comme venant de nous, comme étant le résultat d'une proposition du

  9   Conseil national supérieur. Mais personne ne peut s'arroger plus ou moins

 10   de crédit par rapport à la rédaction de cette loi constitutionnelle, et

 11   moi, je n'ai joué qu'un rôle d'assistant de ce travail.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document L1,

 13   intercalaire 589, page 2. La traduction anglaise ne correspond pas au texte

 14   original.

 15   Oh, pardon, c'est la page 3 dont je demande l'affichage, page 3 de la

 16   traduction anglaise à l'écran, je vous prie. Désolé, encore une fois. Page

 17   4 de la traduction anglaise à l'écran, je vous prie.

 18   Q.  Bon, cela n'a pas l'air d'aller. Je retire ma question puisque la page

 19   du document qui m'intéressait n'a pas l'air de pouvoir être affichée.

 20   Je passe donc à ma question suivante, qui est la suivante : votre ministère

 21   a-t-il élaboré la Loi sur l'application de la Loi constitutionnelle ?

 22   R.  Oui, c'est nous qui avons rédigé ce texte.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P1808, à

 24   savoir de l'intercalaire 560, à l'écran.

 25   Q.  Je vous prierais de vous pencher sur les dispositions de l'article 1,

 26   qui se lisent comme suit :

 27   "Les lois de la République de Croatie ne sont plus applicables."

 28   Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi est-ce que les lois et règlements de


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  1   la République de Croatie ne sont désormais plus valables en Slavonie,

  2   Baranja et Srem occidental ?

  3   R.  Eh bien, comme je l'ai déjà dit, une fois que le HDZ l'a emporté aux

  4   élections multipartites, des transformations tout à fait fondamentales ont

  5   affecté tous les domaines de la vie quotidienne. Et l'un de ces domaines,

  6   c'était le domaine juridique. Les Serbes ont été licenciés de leurs

  7   fonctions et ont été effacés dans la loi constitutionnelle en tant que

  8   peuple constitutif. Et il y a bien d'autre lois ou réglementations qui

  9   n'étaient plus acceptables à partir de ce moment, ne serait-ce que pour une

 10   raison, à savoir le fait que les Serbes étaient 23 409 qui n'étaient plus

 11   évoqués dans la constitution. Par conséquent, il fallait que la pratique

 12   soit adaptée à la théorie. Dans un grand nombre de domaines, on était

 13   incapable de savoir ce qui allait se passer à l'avenir, en particulier au

 14   niveau scolaire. Et compte tenu de cette situation et du fait que tout cela

 15   se passait en Croatie, un texte de ce genre était indispensable. Absolument

 16   nécessaire, malheureusement.

 17   Q.  Pouvez-vous maintenant vous pencher sur l'article 3 de cette même loi.

 18   R.  Oui, je le vois. Je l'ai déjà lu.

 19   Q.  Il se lit comme suit :

 20   "A partir du jour où la loi constitutionnelle entre en vigueur sur le

 21   territoire de la région serbe, tous les organes gouvernementaux, organes

 22   d'administration locale et autres organes et organisations de la République

 23   de Croatie voient leur travail arriver à son terme."

 24   A cette époque-là, y avait-il des organes de la République de Croatie sur

 25   le territoire au moment où cette loi a été adoptée ?

 26   R.  Quelques mois avant ce moment-là, ils s'étaient retirés de ce

 27   territoire. Donc, les organes représentatifs de la République de Croatie

 28   n'étaient plus présents à ce moment-là sur le territoire.


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  1   Q.  Est-ce que le ministère de la Justice est chargé d'élaborer et de

  2   rédiger les lois relatives aux ministères ?

  3   R.  Oui. La Loi relative au gouvernement, la Loi relative au secrétariat,

  4   tous ces documents sont élaborés par le ministère de la Justice.

  5   Q.  Selon la Loi relative au gouvernement, que vous venez d'évoquer, est-ce

  6   que vous pouvez nous dire qui élisait le premier ministre et les membres du

  7   gouvernement ou qui les choisissait ?

  8   R.  Je n'ai pas le texte sous les yeux, mais c'est l'assemblée nationale

  9   supérieure qui choisissait ses représentants, qui étaient choisis

 10   séparément, même si les ministres étaient en principe choisis suite à une

 11   proposition du premier ministre qui les désignait nommément.

 12   Q.  A qui les ministres devaient-ils rendre compte ?

 13   R.  A l'organe qui les avait choisis, qui était l'assemblée nationale.

 14   Donc, le champ d'action du premier ministre était beaucoup plus étroit, et

 15   je m'apprête à expliquer pourquoi.

 16   Aucun de ces organes n'avait été élu directement suite à des élections en

 17   bonne et due forme, ce qui était considéré comme un défaut. C'est la raison

 18   pour laquelle le premier ministre ne pouvait pas bénéficier du même pouvoir

 19   que d'autres qui ont été mis en place dans leurs fonctions suite à des

 20   élections dans d'autres systèmes où les choses se passent de façon

 21   différente.

 22   Q.  Qui est-ce qui était habilité à mettre un terme aux fonctions d'un

 23   membre du gouvernement, y compris le premier ministre ?

 24   R.  La grande assemblée nationale. Si Goran Hadzic, en tant que premier

 25   ministre, n'était pas content du travail d'un ministre, il n'avait pas la

 26   possibilité de mettre un terme à ses fonctions. Il ne pouvait que soumettre

 27   un rapport à la grande assemblée nationale en expliquant sa position, après

 28   quoi l'assemblée, en vertu d'une décision prise par elle, pouvait


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  1   éventuellement démettre le ministre en question de ses fonctions.

  2   Q.  Est-ce que la grande assemblée nationale pouvait rejeter une

  3   proposition de cette nature ?

  4   R.  Bien sûr, elle le pouvait.

  5   Q.  Penchons-nous sur le document L27, intercalaire 608, à savoir la Loi

  6   relative au gouvernement.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage de l'article 8 de

  8   cette loi à l'écran.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois toujours pas d'article 8.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est la page suivante dans l'original.

 11   Q.  Voilà, le texte apparaît à l'écran.

 12   R.  Oui, je le vois.

 13   Q.  Veuillez vous pencher sur le paragraphe 2 de l'article 8, je vous prie,

 14   où on explique pour commencer que : "Un membre du gouvernement est

 15   responsable devant le premier ministre dans sa mission de représentation et

 16   de mise en œuvre des points de vue gouvernementaux ainsi que dans

 17   l'accomplissement des missions qui lui sont affectées ou confiées par le

 18   premier ministre."

 19   R.  Je pense que le deuxième paragraphe de l'article 2 de cette loi est

 20   tout à fait clair. Chacun d'entre nous, dans le cadre de son travail, est

 21   responsable devant le premier ministre. Nous avions l'obligation de mettre

 22   en œuvre tout ce qui était décidé ou proposé par le gouvernement dans le

 23   cadre d'une position commune. Mais il y avait certaines missions qui ne

 24   rentraient pas dans les limites étroites ou dans le cadre étroit de tel ou

 25   tel ministère, et donc pour lesquelles le premier ministre ne pouvait pas

 26   affecter un ministre en particulier à l'accomplissement de la mission en

 27   question. Si un membre du gouvernement ne remplissait pas ses

 28   responsabilités et ses obligations, il ne pouvait pas être démis de ses


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  1   fonctions par le premier ministre, mais cela constituait un fondement

  2   suffisant pour initier une procédure de démission de fonctions devant la

  3   grande assemblée nationale.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] L'article 17 à l'écran, je vous prie.

  5   Q.  Nous voyons dans cet article que le gouvernement supervise le travail

  6   des ministres et d'autres instances. Est-ce que le gouvernement

  7   accomplissait cette supervision sur le travail des ministères également ?

  8   R.  C'était une position générale qui était envisagée pour des temps

  9   meilleurs ou plus heureux lorsqu'on s'attendait à ce que des responsables

 10   professionnels puissent trouver leur part dans le travail du gouvernement.

 11   Mais ce n'était pas le cas à ce moment-là. Qui est-ce qui aurait pu

 12   contrôler ou superviser le travail de mon ministère à cette époque-là ? Ce

 13   n'était tout simplement pas envisageable à ce moment-là. Cela ne pouvait

 14   pas s'appliquer. Et cela ne s'est pas fait. Les ministres soumettaient

 15   trimestriellement et semestriellement des rapports sur toutes les questions

 16   qui résumaient les responsabilités de leurs ministères et ces rapports

 17   étaient adoptés à des séances de l'assemblée.

 18   Q.  Quand vous dites rapports réguliers, trimestriels et semestriels,

 19   autant que je le sache, le gouvernement n'est resté en place que cinq mois.

 20   R.  Oui. Mais ce que je vous disais, c'était les principes. Je crois avoir

 21   soumis pour ma part un rapport conjoint. Un autre ministre a fait la même

 22   chose sur l'état des finances, c'était le ministre des Finances. Il l'a

 23   fait peut-être plus souvent que moi. Mais pour les autres, je ne me

 24   rappelle pas la fréquence. Quoi qu'il en soit, aucune procédure d'adoption

 25   ou d'approbation n'a été entreprise, qui aurait été suivie par une bonne

 26   note ou une mauvaise note pour chacun des ministères concernés. C'était

 27   simplement une question de nécessité qui avait pour but que l'ensemble de

 28   nos collègues s'informe mutuellement des problèmes rencontrés et des


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  1   solutions mises au point.

  2   Q.  Est-ce que les ministres, lors des séances de rapport relatives à leur

  3   travail, pouvaient s'exprimer ? Est-ce que cela se passait lors de séances

  4   du gouvernement ?

  5   R.  Eh bien, bien entendu. Qui d'autre aurait pu figurer sur l'ordre du

  6   jour ? C'est à cet endroit que nous discutions des problèmes et des

  7   questions. Certains critiquaient ce qui se passait en raison du fait que

  8   les rapports se faisaient principalement verbalement et que cela rendait

  9   les choses plus difficiles à suivre. A un certain moment, il a été décidé

 10   de présenter des rapports écrits. Donc, les gens venaient et commençaient à

 11   discuter d'un problème et de diverses manières de le résoudre, mais cela a

 12   créé un problème avec le secrétariat parce que la décision n'était pas

 13   décrite de façon suffisamment précise. Or, le secrétariat devait tout

 14   mettre par écrit. Et par la suite, nous avons continué à soumettre les

 15   choses par écrit.

 16   Q.  Est-ce que vous savez si le ministère de la Justice a rédigé une Loi

 17   relative aux mesures à appliquer en situation d'urgence, en état d'alerte ?

 18   R.  Non, je ne pense pas que nous ayons travaillé sur ce sujet.

 19   Q.  Est-ce que vous savez si un état d'urgence a été décrété sur le

 20   territoire de la SBSO ?

 21   R.  Je sais qu'une proposition a été rédigée et présentée par M. Slavko

 22   Dokmanovic. Cette proposition concernait les obligations à mettre en œuvre

 23   dans le travail agricole, qui était un problème important. Le projet de

 24   texte est arrivé jusqu'à l'assemblée mais n'a pas été discuté

 25   officiellement lors d'une séance de l'assemblée. Et aucun état d'urgence

 26   n'a été décrété.

 27   Q.  Est-ce que le ministère de la Justice a élaboré une décision relative

 28   au travail et à la manière de travailler des conseils exécutifs municipaux


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  1   ?

  2   R.  Oui, cela faisait partie de notre travail de base.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je demande l'affichage du document L53,

  4   intercalaire 624.

  5   Q.  Je vois à la lecture de l'en-tête que cette décision a été prise le 3

  6   décembre 1991. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si cette décision a

  7   effectivement été appliquée comme cela a été indiqué dans ce texte

  8   particulier ?

  9   R.  Oui, en partie, là où la mise en œuvre était possible. Il y avait

 10   encore des régions, des secteurs, où il était impossible de la mettre en

 11   œuvre, en tout cas de mettre en œuvre toutes les dispositions de ce texte.

 12   En tout état de cause, ma réponse c'est que le contenu de ce texte a été

 13   appliqué partiellement. Nous avons nommé des présidents de conseils

 14   exécutifs, et les conseils exécutifs, ensuite, choisissaient les membres

 15   des équipes travaillant en leur sein et nous informaient des noms de ces

 16   personnes. Nous ne pouvions pas nous opposer au choix des conseils

 17   exécutifs car c'était à eux de choisir les personnes avec lesquelles ils

 18   voulaient travailler. Les problèmes étaient importants et, par conséquent,

 19   nous ne pouvions pas opposer de refus sérieux.

 20   Est-ce qu'on pourrait agrandir le texte à l'écran, je vous prie, sinon il

 21   est difficile de le lire.

 22   Q.  Le 3 décembre 1991 ou à peu près à cette date, comment est-ce que les

 23   autorités civiles fonctionnaient au sein de la SBSO ?

 24   R.  Les autorités civiles ne fonctionnaient pas pour une raison très

 25   simple, en tout cas pas complètement, pour une raison très simple qui était

 26   qu'il y avait chevauchement permanent des compétences entre nous-mêmes et

 27   les conseils exécutifs et l'armée sur le terrain qui avait ses propres

 28   officiers responsables des affaires civiles. Par conséquent, les autorités


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  1   civiles ne cessaient de se heurter aux militaires du point de vue de la

  2   façon de faire les choses ou de régler les problèmes. En général, tout cela

  3   se terminait par le fait que l'armée proposait sa propre interprétation de

  4   la situation, exigeant que les affaires civiles lui donnent leur accord.

  5   Quelquefois il y avait un fondement juridique qui le permettait et la chose

  6   se faisait, dans d'autres cas il n'y avait pas de fondement juridique et la

  7   chose ne se faisait pas.

  8   Et puis, j'aimerais ajouter une précision. Au moment dont vous parlez, à

  9   savoir, aux environs du 3 décembre 1991, il y avait dans certains secteurs

 10   géographiques un règlement militaire qui fonctionnait et qui posait de

 11   graves problèmes eu égard à faciliter le fonctionnement des conseils

 12   exécutifs.

 13   Q.  Mais puisque c'était le règlement militaire qui s'appliquait, comme

 14   vous venez de le dire, pourquoi est-ce que la décision dont nous sommes en

 15   train de parler a été prise, pour commencer, cette décision qui s'efforçait

 16   de mettre en place un pouvoir civil ?

 17   R.  Si on se penche uniquement sur ce qui était réalisable à l'époque, si

 18   on en était restés là, on n'aurait jamais rédigé la moindre loi. Nous

 19   avions le devoir de rédiger certaines lois et des textes valables pendant

 20   une certaine période, et en particulier valables pour le moment où les

 21   choses allaient s'améliorer.

 22   Q.  Est-ce que le ministère de la Justice a élaboré une Loi relative à

 23   l'organisation de la Défense territoriale de la SBSO et à la gestion locale

 24   temporaire ? Est-ce que cela relevait de votre secteur de responsabilité ?

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et à cet égard, je demande l'affichage du

 27   document L1, pages 29 à 33, intercalaire 589.

 28   [Le conseil de la Défense se concerte]


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  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] En anglais, c'est la page 84. Avec toutes

  2   mes excuses.

  3   Q.  Donc, ce texte de loi, est-ce que vous pouvez voir sa date d'adoption ?

  4   R.  Cette loi est passée le 22 novembre 1991.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais demander à voir la page suivante.

  6   Q.  Ici, on voit les municipalités avec leurs hameaux. Est-ce que vous vous

  7   souvenez quel était le nombre de municipalités créées avec ce texte-là ?

  8   R.  Cinq ou six, je dirais. En tout cas, le nombre doit être exact. Il y en

  9   a, quoi, une quinzaine sur la liste.

 10   Q.  Pouvez-vous nous dire si cette organisation composée de cinq ou six

 11   municipalités - peu importe parce qu'on peut le voir - est-ce que cette

 12   organisation a été véritablement mise en œuvre sur le terrain ?

 13   R.  Pas de la façon dont c'est décrit ici. Parce que le siège temporaire

 14   pour Vinkovci se trouve à Mirkovci, et pour Osijek à Tenja. Nous avons

 15   modifié cela. Nous avons créé une municipalité propre de Tenja et une autre

 16   de Mirkovci. Car au moment où l'on a écrit cela, il y avait encore l'espoir

 17   que, à l'avenir, nous allions pouvoir éteindre nos prétentions sur deux

 18   villes, à savoir Vinkovci et Osijek. Mais au moment où nous avons adopté

 19   cette loi, nous savions déjà que c'était trop ambitieux que d'imaginer

 20   cela. Mais bon, il y avait des gens qui voulaient que l'on couche cela sur

 21   papier pour montrer bien quelles étaient nos prétentions. Mais très

 22   rapidement nous avons changé de noms et nous avons appelé ceux-là la

 23   municipalité de Mirkovci avec son siège et la municipalité de Tenja avec

 24   son siège, évidemment, à Tenja.

 25   Q.  Avant d'adopter cette loi, y a-t-il eu un autre texte, une autre

 26   réglementation, qui régissait la vie et l'administration territoriale ?

 27   R.  Que je sache, non.

 28   Q.  Le ministère des Affaires intérieures a-t-il préparé la Loi sur les


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  1   Affaires intérieures ?

  2   R.  Non. Ce texte a été élaboré à Belgrade. Il a été remis à M. Bogunovic.

  3   Et c'est mon collègue, M. Puskar, qui nous l'a présenté. Je suis au courant

  4   de cela parce que par la suite il a été transféré dans mon ministère.

  5   Q.  Et en ce qui concerne les forces de police de la SBSO, est-ce que vous

  6   savez qui commandait les forces de police ?

  7   R.  C'était le central de commandement de Serbie. Il y avait un grand

  8   nombre de policiers qui travaillaient pour eux et qui ont été transférés

  9   là-bas. Et c'est eux qui leur payaient les salaires, les assurances,

 10   assurance santé, et cetera, alors qu'ils étaient de façon temporaire

 11   envoyés en SBSO.

 12   Q.  Pouvez-vous être plus précis ? Parce que vous avez dit qu'ils ont été

 13   transférés de façon "temporaire", qu'est-ce que cela veut dire exactement ?

 14   Parce que vous avez dit que ces policiers ont été transférés de façon

 15   temporaire.

 16   R.  Au niveau de votre administration à laquelle vous appartenez, eh bien,

 17   cette administration continue à vous employer et continue à vous payer

 18   alors que vous êtes détaché de façon temporaire ailleurs. Cela ne met pas

 19   un terme à votre contrat d'origine, à votre contrat permanent. Vous êtes

 20   simplement détaché pour une durée temporaire ailleurs.

 21   Q.  Autrement dit, un policier qui travaille dans le MUP de Serbie est

 22   détaché pour travailler de façon temporaire dans le MUP de la SBSO ?

 23   R.  Oui, mais il n'est pas licencié. Parce qu'à tout moment, on peut le

 24   retourner à son poste d'origine, qu'il s'agisse de Sombor, Belgrade ou peu

 25   importe.

 26   Q.  Mais qui décide d'un détachement éventuel de la SBSO ou bien d'un

 27   retour de la personne détachée ? Est-ce le gouvernement de la SBSO qui

 28   décide de cela ?


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  1   R.  Non, non. C'est son poste de police qui décide de cela, le secrétariat

  2   aussi. Mais parfois il était important aussi d'obtenir l'accord de la

  3   personne concernée. Ce n'était pas vraiment obligatoire, car ils étaient

  4   nombreux à vouloir retourner dans leur lieu d'origine.

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, je voudrais poser

  7   une question au témoin pour mettre les choses au clair et cela concerne un

  8   sujet que vous avez déjà abordé.

  9   Vous avez demandé :

 10   "Qui commandait la police de la SBSO ?"

 11   Et le témoin a dit que :

 12   "Ils étaient placés sous le commandement d'un centre en Serbie. Il y

 13   avait un grand nombre de policiers qui travaillaient là-bas."

 14   Et ensuite, le témoin a ajouté :

 15   "Moi-même, je faisais partie de ces gens-là."

 16   Est-ce que nous avons un problème de traduction ou bien est-ce que le

 17   témoin a vraiment dit cela, est-ce qu'il voulait vraiment dire cela ?

 18   Monsieur le Témoin, est-ce que vous voulez répondre ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je comprends. Et je vous remercie de

 20   m'avoir mis en garde.

 21   J'ai dit à un moment donné qu'avant de venir dans la SBSO, j'ai

 22   commencé à travailler dans le secrétariat des Affaires intérieures de Novi

 23   Sad en tant qu'inspecteur indépendant chargé des crimes économiques.

 24   Ensuite, j'ai été détaché en SBSO, sans pour autant définir davantage ma

 25   fonction là-bas.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et pourriez-vous nous dire à quel

 27   moment cela s'est-il produit ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était vers la fin du mois d'août 1991.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  2   Vous pouvez poursuivre, Maître Zivanovic.

  3   M. ZIVANOVIC : [hors micro]

  4   L'INTERPRÈTE : Micro pour Me Zivanovic.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Le ministère de la Justice a-t-il préparé un décret concernant la

  7   protection temporaire des biens appartenant aux personnes et entités de la

  8   SBSO à l'extérieur du territoire ?

  9   R.  Oui, et ceci, de concert avec les autres ministères, le ministère des

 10   Finances et des Finances en temps de guerre. Et je dois dire que,

 11   d'ailleurs, c'est le ministère des Finances qui a fait le gros du travail,

 12   mais M. Bogdan Trifunovic [comme interprété] a ensuite -- Bogdan Vojnovic a

 13   pris une décision concernant la mise en œuvre de tout cela.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Maintenant, je vais demander à voir le

 15   document L18, qui se trouve à l'intercalaire 6 [comme interprété].

 16   Q.  Voilà donc le décret dont on a parlé. Et je vais vous demander

 17   d'examiner l'article 3, s'il vous plaît.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Cela se trouve à la page suivante en

 19   anglais.

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 22   Q.  Donc, vous pouvez voir que l'on a prévu une protection spéciale. Est-ce

 23   que vous pouvez nous expliquer pourquoi et comment l'on a prévu cela, et il

 24   s'agit donc de la "protection de la propriété" ?

 25   R.  Eh bien, je dois vous dire que la structure de la propriété partout en

 26   Yougoslavie, y compris en Croatie, représentait dans une toute petite

 27   portion les biens qui étaient la propriété des individus privés. En

 28   général, il s'agissait de la propriété sociale. Et si vous regardez de quoi


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  1   il s'agissait, c'étaient des biens d'une grande valeur, qu'il s'agisse des

  2   banques, des terres agricoles, et cetera, donc il était logique qu'il

  3   fallait prendre le contrôle de ces biens pour les protéger parce qu'il y

  4   avait le danger que l'on courait, qui était assez palpable, que l'on

  5   détourne ces biens de façon illicite et illégale. Donc, à partir du moment

  6   où vous attribuez un statut spécial à ces biens, ces biens appartiennent à

  7   la région, et il faut s'en occuper. Il faut en tout cas les protéger.

  8   Q.  Je pense que vous avez déjà anticipé la question suivante, mais je vais

  9   vous la poser tout de même.

 10   Est-ce que le ministère de la Justice a préparé une décision quant au

 11   transfert temporaire des biens de la République de Croatie qui

 12   appartenaient à la société à la SBSO ?

 13   R.  Je me suis trompé tout à l'heure. Parce que tout à l'heure, le premier

 14   décret concernait les biens qui se trouvent à l'extérieur du territoire.

 15   Que cela veut-il dire ? Eh bien, tous les biens qui appartenaient aux

 16   différentes entreprises du territoire de la SBSO ne se trouvaient pas

 17   seulement dans la région de la SBSO. Il y avait un grand nombre de biens

 18   qui se trouvaient en Vojvodine, en Serbie, au Monténégro. Avec le premier

 19   décret, c'est à cela que l'on fait référence, aux biens qui ne se trouvent

 20   pas sur le territoire de la SBSO. On prend la responsabilité de ces biens

 21   et on souhaite les protéger. Parce qu'on a eu un grand problème avec les

 22   boutiques Borovo. Il y en avait une cinquantaine qui se trouvaient en

 23   Serbie et il y a est arrivé que des employés de ces boutiques voulaient

 24   s'en emparer. Il y avait aussi des lieux de vacances au Monténégro. Là

 25   encore, on a englobé ces biens-là dans notre décret pour les placer sous

 26   notre protection.

 27   Q.  Maintenant, je voudrais vous poser une question sur la décision portant

 28   sur le transfert temporaire des biens, et c'est quelque chose qui se trouve


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  1   à l'intercalaire 623. Pourriez-vous nous dire pourquoi l'on dit ici qu'il

  2   s'agit là d'un transfert temporaire de biens ?

  3   R.  Eh bien, c'est bien clair. A l'époque, on ne pouvait pas établir les

  4   titres de propriété de façon définitive. Parce qu'on savait qu'à un moment

  5   donné la guerre allait finir et qu'il fallait rendre les comptes, et toutes

  6   les parties devaient rendre les comptes. On savait que les Croates vont

  7   réclamer qu'on leur doit des moyens financiers en guise de récompense par

  8   rapport aux biens que l'on a pris mais que l'on a pris de façon temporaire

  9   pour les protéger. Et on a prévu qu'à partir du moment où il allait y avoir

 10   une normalisation des rapports, on allait aussi établir clairement qui est

 11   le propriétaire de quoi.

 12   Q.  Et puis, encore une question concernant, donc, la propriété et les

 13   règles et les lois s'y afférant. Est-ce que votre ministère a préparé un

 14   décret sur la protection temporaire des biens abandonnés ?

 15   R.  Oui. Et là, vous avez deux cas de figure : vous avez d'un côté les

 16   biens qui appartiennent à la société et aussi les biens qui appartiennent

 17   aux personnes privées qui représentent une grande valeur. Des terres, des

 18   maisons, des maisons de week-end, des biens meubles et immeubles. Et on

 19   voulait éviter que l'on abuse de ces biens ou bien que quelqu'un d'autre

 20   s'en empare. On voulait les protéger aussi.

 21   Q.  Justement, par rapport à ces biens abandonnés, pourriez-vous nous dire

 22   si vous étiez vraiment en mesure de mettre en œuvre ce décret ? Est-ce que

 23   vous pouviez vraiment assurer sa mise en oeuvre ?

 24   R.  Eh bien, d'autres organes ont été impliqués, notamment les tribunaux.

 25   Nous avons essayé, donc, de toutes les façons de protéger ces biens, mais

 26   nous ne réussissions pas toujours à le faire pour différentes raisons. Tout

 27   d'abord, parce qu'il y avait de gros abus sur le terrain, des criminels,

 28   des individus qui agissaient de façon irresponsable. Et puis, aussi,


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  1   l'armée yougoslave considérait que tous les biens abandonnés constituaient

  2   un butin de guerre et, donc, les sortaient du territoire de notre région

  3   pour l'emmener sur le territoire de le la RSFY. Et, moi personnellement,

  4   j'ai eu des problèmes à cause de cela.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais demander à voir l'intercalaire

  6   [comme interprété] 37. Je voudrais voir l'intercalaire 615.

  7   Q.  Donc, là, nous voyons justement le décret dont nous avons parlé. Ce qui

  8   m'intéresse, c'est de savoir -- parce que, là, nous avons toute la

  9   procédure qui est prévue dans ces articles, qui commencent par le premier,

 10   donc toute la procédure visant à protéger les biens. Mais moi, ce qui

 11   m'intéresse, c'est de savoir si les autres organes impliqués - et là, vous

 12   avez vous-même mentionné la JNA - qui jouissaient d'une certaine autorité

 13   sur le terrain, est-ce qu'ils ont respecté ce décret, est-ce qu'ils ont

 14   respecté ces biens de la façon prévue ici ?

 15   R.  Je crains bien que non. Et j'en ai déjà parlé.

 16   Q.  Ces biens ont-ils été mis à la disposition de quelqu'un ? Est-ce qu'on

 17   a vendu ou donné ces biens ? Et là, je parle des agissements du

 18   gouvernement de la SBSO.

 19   R.  Mais je comprends très bien votre question. La structure de la

 20   propriété n'a jamais été modifiée. Evidemment que l'on a mis à la

 21   disposition temporaire certains biens. Les nouvelles entreprises ou même

 22   les citoyens pouvaient, dans des conditions bien précises, recevoir ce bien

 23   pour l'utiliser, pour s'en occuper, pour investir, éventuellement jouir des

 24   fruits de cette utilisation, mais ne pouvaient en aucun cas devenir

 25   propriétaires des biens dont ils n'avaient pas la propriété avant la

 26   guerre.

 27   Q.  Est-ce que l'on a mis à la disposition ces biens ? Et est-ce qu'il y a

 28   eu des documents qui témoignaient de cette mise à la disposition ?


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  1   R.  Oui, oui. Et cette documentation a toujours été en règle.

  2   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'ai demandé à voir le document 1D1212,

  5   intercalaire 258.

  6   Q.  Je pense que vous avez eu l'occasion de voir ce document pendant notre

  7   préparation. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si c'est bien un des

  8   exemples qui illustrent la documentation qui accompagnait de tels actes ?

  9   M. ZIVANOVIC : [interprétation] On peut aussi voir, donc, la page suivante.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai vu tout cela.

 11   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que c'est un de ces documents qui répertoriaient justement les

 13   biens donnés pour utilisation temporaire ?

 14   R.  Oui. Mais là, vous avez des documents de travail que l'on a ensuite

 15   retapés pour qu'ils soient bien lisibles. Mais c'est comme cela que l'on a

 16   procédé quand l'on attribuait, par exemple, des terres aux citoyens. Il

 17   fallait que l'on travaille cette terre, c'était important pour la terre

 18   elle-même, qui pouvait souffrir si jamais on ne labourait pas cette terre-

 19   là, mais aussi cela pouvait donner de la nourriture aux gens qui recevaient

 20   cette terre arable. Donc, l'intérêt était double.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vais demander le versement de ce

 22   document.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D1212 va devenir la pièce

 25   à conviction D217.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vois l'heure.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, effectivement, Maître Zivanovic.


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  1   Je vous remercie.

  2   Monsieur le Témoin, ceci met un terme à votre audience d'aujourd'hui. Je

  3   vais vous demander de revenir demain à 9 heures du matin. En attendant,

  4   vous êtes toujours un témoin sous serment, ce qui a deux conséquences. La

  5   première, vous ne pouvez discuter de votre déposition avec qui que ce soit.

  6   Ni quelqu'un que vous rencontrez à l'hôtel ou à la maison [comme

  7   interprété], ni avec les membres de votre famille. Et puis, la deuxième

  8   conséquence, vous ne pouvez pas avoir de contact du tout avec les parties

  9   au procès.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous ai compris. Je vous

 11   ai compris.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 13   La séance est levée.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est levée à 14 heures 02 et reprendra le mercredi 8 octobre

 16   2014, à 9 heures 00.

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