Affaire no : IT-01-47-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Wolfgang Schomburg, Président
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Carmel Agius

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
25 juillet 2003

LE PROCUREUR

c/

ENVER HADZIHASANOVIC
AMIR KUBURA

______________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA « DEMANDE DE CERTIFICATION DÉPOSÉE CONJOINTEMENT PAR LES CONSEILS DE LA DÉFENSE CONCERNANT LA “DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE D’AUTORISATION DE MODIFIER L’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ” DATÉE DU 18 JUIN 2003 »

______________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Ekkehard Withopf

Les conseils de la Défense :

Mme Edina Residovic et M. Stéphane Bourgon pour Enver Hadzihasanovic
MM. Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon pour Amir Kubura

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la demande de certification (Joint Defence Request for Certification of the ‘Decision on Motion for Leave to Amend the Amended Indictment’ Dated 18 June 2003, ci-après la « Demande conjointe »), déposée conjointement le 26 juin 2003 par les conseils de la Défense d’Enver Hadzihasanovic et d’Amir Kubura, lesquels demandent à la Chambre de première instance de certifier sa « Décision relative à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié » datée du 18 juin 2003 (la « Décision contestée ») en vue de l’introduction d’un appel interlocutoire devant la Chambre d’appel en application de l’article 73 B) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »),

VU la Demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié (la « Demande de l’Accusation ») déposée le 25 mars 2003 par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») et les corrigenda (Prosecution’s Corrigenda to Motion for Leave to Amend the Amended Indictment), déposés le 31 mars 2003 par l’Accusation,

ATTENDU que la demande de l’Accusation vise à modifier l’acte d’accusation modifié à différents égards, notamment i) en alléguant « outre l’existence d’un conflit armé non défini actuellement invoquée, celle d’un conflit armé international, à titre subsidiaire », et ii) en mettant en cause « la responsabilité de l’accusé Amir Kubura en vertu de l’article 7 3) du Statut du Tribunal pour les crimes qui auraient été commis à Miletici et qui sont déjà reprochés à l’accusé Enver Hadzihasanovic »,

VU la réponse de la Défense à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié introduite par l’Accusation et la requête aux fins de suspension des débats (Defence Response to Prosecution Motion for Leave to Amend the Amended Indictment and Request for Stay of Proceedings), déposée le 25 avril 2003, par laquelle la Défense d’Enver Hadzihasanovic demande, entre autres, une suspension immédiate des débats en invoquant un abus de procédure,

VU la réponse et la réplique de l’Accusation à la réponse de la Défense à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié introduite par l’Accusation et à sa requête aux fins de suspension des débats, et la réplique de l’Accusation à la réponse d’Amir Kubura à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié introduite par l’Accusation (Prosecution Response and Reply to ‘Defence Response to Amend the Amended Indictment and Requested Stay of Proceedings’ and Reply to ‘Response of Amir Kubura to Prosecution Motion for Leave to Amend the Amended Indictment’), déposées le 12 mai 2003, par laquelle l’Accusation a affirmé, entre autres, que les allégations de faute dont elle fait l’objet sont infondées, que la Défense de Hadzihasanovic n’a pas démontré pourquoi la Chambre de premičre instance devrait décliner sa compétence en l’espèce, et que la demande de suspension des débats est dénuée de fondement et abusive,

VU la requête de la Défense aux fins d’autorisation de déposer une duplique et la duplique de la Défense à la réponse et à la réplique de l’Accusation à la réponse de la Défense à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié introduite par l’Accusation et à sa requête aux fins de suspension des débats (Defence ‘Motion Seeking Leave to Reply’ and ‘Reply’ to ‘Prosecution Response and Reply to Defence Response to Amend the Amended Indictment and Requested Stay of Proceedings’), déposée le 14 mai 2003, par laquelle la Défense de Hadzihasanovic soutient, entre autres, que les manquements de l’Accusation constituent clairement un abus de la procédure du Tribunal et justifient une suspension des débats, dans la mesure ou elles en compromettent l’intégrité,

VU la requête de la Défense aux fins d’autorisation de déposer une duplique et la duplique de la Défense à la réponse et à la réplique de l’Accusation à la réponse de la Défense à la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié introduite par l’Accusation et à sa requête aux fins de suspension des débats (Defence ‘Motion Seeking Leave to Reply’ and ‘Reply’ to ‘Prosecution Response and Reply to Defence Response to Amend the Amended Indictment and Requested Stay of Proceedings’), déposée le 14 mai 2003 par la Défense d’Amir Kubura, par laquelle celle-ci appuie la demande de suspension des débats introduite par la Défense de Hadzihasanovic,

ATTENDU qu’en vertu de l’article 73 B) du Règlement, la Décision contestée ne peut faire l’objet d’un appel interlocutoire que si la Chambre de première instance certifie l’appel, après avoir vérifié que la Décision contestée touche une question susceptible de compromettre sensiblement l’équité et la rapidité du procès ou son issue, et que son règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait concrètement faire progresser la procédure,

ATTENDU que la Demande conjointe était fondée sur i) la prétendue applicabilité de la théorie de l’abus de procédure aux instances devant le Tribunal, ii) la prétendue ingérence de l’Accusation dans l’administration de la justice et les incidences que celle-ci pourrait avoir sur l’intégrité des procédures engagées devant le Tribunal et sur l’indépendance de la justice, iii) le retard excessif qu’aurait provoqué l’Accusation par ses prétendus manquements, en retirant de sa propre initiative l’allégation principale de l’existence d’un conflit armé international pour tenter de la réintroduire quelque 14 mois plus tard, et iv) le prétendu préjudice qui en résulte pour Enver Hadzihasanovic et pour Amir Kubura,

ATTENDU que par sa Demande conjointe, la Défense soutient, entre autres, i) qu’il est primordial que la Chambre de première instance tranche ces questions en rejetant la demande de suspension des débats, ne fût-ce que pour confirmer que la demande de l’Accusation constituait bel et bien une atteinte à l’indépendance de la justice, et ii) que la bonne administration de la justice du Tribunal exige que la Chambre d’appel ait l’opportunité de décider si les préoccupations de la Défense concernant les questions exposées précédemment étaient légitimes,

ATTENDU, en outre, que par sa Demande conjointe, la Défense affirme que la Décision contestée touche des questions susceptibles de compromettre sensiblement l’issue du procès, et dont le règlement immédiat – avant l’ouverture de celui-ci – par la Chambre d’appel s’impose,

ATTENDU que dans la Décision contestée, la Chambre d’appel a estimé, entre autres, que « bien que la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation modifié avant que la Chambre d’appel n’ait rendu sa décision relativement à l’appel interlocutoire ne soit pas une demande opportune, rien dans cette dernière ne justifierait une suspension des audiences, comme l’a demandé la Défense de l’accusé Enver Hadzihasanovic », et rejeté la demande de suspension des débats,

attendu, en outre,

i) que l’objet de l’article 73 B) du Règlement n’est pas de donner à la Chambre d’appel l’opportunité de décider si les préoccupations de l’une ou l’autre des parties concernant une question soulevée par la Décision contestée sont « légitimes », et

ii) que le critère posé par l’article 73 B) du Règlement n’est pas de savoir si le règlement immédiat par la Chambre d’appel d’une question soulevée par la Décision contestée « s’impose »,

mais qu’il s’agit plutôt, selon la Chambre de première instance, de savoir si le règlement immédiat d’une question soulevée par la Décision contestée pourrait concrètement faire progresser la procédure,

ATTENDU que la Chambre de première instance est d’avis que le règlement immédiat par la Chambre d’appel d’une question soulevée par la Décision contestée ne saurait concrètement faire progresser la procédure, que la Chambre d’appel fasse droit à la requête aux fins de suspension des débats, la rejette, ou la renvoie pour examen devant la Chambre de première instance,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 54 et 73 B) du Règlement,

REJETTE la Demande conjointe.

 

Fait en français et en anglais, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance,
____________
Wolfgang Schomburg

Le 25 juillet 2003,
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]