Composée comme suit :
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
Mme le Juge Vonimbolana Rasoazanany
M. le Juge Albertus Swart
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
11 février 2004
LE PROCUREUR
c/
ENVER HADZIHASANOVIC
AMIR KUBURA
__________________________________________
DÉCISION CONCERNANT LE RAPPORT DE L’EXPERT DE L’ACCUSATION KLAUS REINHARDT
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Le Bureau du Procureur :
M. Ekkehard Withopf
M. Daryl Mundis
M. Chester Stamp
Mme Tekla Henry-Benjamin
Les Conseils de la Défense :
Mme Edina Residovic et M. Stéphane Bourgon pour Enver Hadzihasanovic
MM. Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon pour Amir Kubura
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (« Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (« Tribunal »),
VU le rapport de l’expert militaire, le général Klaus Reinhardt («Rapport ») présenté par le Bureau du Procureur («Procureur») en application de l’article 94bis du Règlement de procédure et de preuve («Règlement») dans sa «Requête aux fins de modifier ses listes de témoins et de pièces à conviction» du 8 décembre 2003 »1;
VU la « Décision relative à la Requête de l’Accusation aux fins de modifier ses listes de témoins et de pièces à conviction » prise par la Chambre le 23 janvier 2004, dans laquelle la Chambre avait décidé de reporter sa décision concernant l’admissibilité du Rapport jusqu’à ce qu’elle reçoive la réponse de la Défense en application de l’article 94bis du Règlement;
VU l’«Ordonnance relative à l’exclusion des témoignages précédents des accusés » rendue confidentiellement par la Chambre le 21 janvier 2004, dans laquelle la Chambre prenait acte de l’intention du Procureur de déposer une nouvelle version du Rapport du Général Reinhardt dans laquelle toutes les références aux témoignages précédents des accusés seraient supprimées;
VU la « Notification conjointe de la Défense en application de l’article 94bis concernant le rapport d’expert du Général à la retraite Klaus Reinhardt » du 12 janvier 2004 («Notification»), dans laquelle la Défense déclare ne pas accepter le Rapport du Général Reinhardt, et vouloir le contre-interroger2;
VU les arguments de la Défense concernant la qualité d’expert du témoin et la pertinence de certaines parties de son Rapport, selon lesquels:
VU la Réponse du Procureur à la Notification, présentée le 26 janvier 2004, dans laquelle le Procureur déclare que:
VU la « liste complète de documents fournis au Général Reinhardt »11 pour remplir sa mission présentée confidentiellement par le Procureur le 6 février 2004, à la demande de la Chambre;
ATTENDU que le Général à la retraite Klaus Reinhardt a été commandant de forces allemandes au sein de l’IFOR et la SFOR, forces de l’OTAN postées en Bosnie -Herzégovine, exercé des fonctions de commandement dans le cadre de la FORPRONU, et qu’il a, à l’époque de ses fonctions, eu de nombreuses discussions avec des officiers en Bosnie-Herzégovine, et qu’ainsi, de par ses qualifications et expérience professionnelle, le Général Reinhardt peut être considéré comme un expert militaire;
ATTENDU que la Chambre prend acte de l’accord entre les parties d’éliminer toute référence dans le Rapport aux témoignages précédents des accusés dans l’affaire Blaskic, aussi bien dans le corps du Rapport que dans les notes de bas de page12;
ATTENDU qu’un témoin-expert ne peut être autorisé à se prononcer sur la responsabilité pénale des accusés, question qui relève uniquement de la compétence de la Chambre à l’issue du procès13, point sur lequel le Procureur et la Défense s’accordent;
ATTENDU par conséquent que toute conclusion relative à la responsabilité (pénale) des accusés dans le Rapport14, y compris dans son titre, doit être éliminée, ainsi que le reconnaît le Procureur en Réponse à la Notification de la Défense;
ATTENDU qu’un expert peut apporter tout élément d’appréciation aux juges, notamment pour un expert militaire, concernant les structures militaires, chaîne de commandement, et procédures disciplinaires d’une armée, ainsi que sur la responsabilité militaire découlant de telles dispositions15;
ATTENDU que comme le fait remarquer le Procureur dans sa Réponse, un tel expert est habilité à se prononcer sur le contexte juridique et militaire pertinents, et peut apporter des éléments d’appréciation sur les instruments mis à la disposition d’un commandant militaire en Bosnie-Herzégovine;
ATTENDU que les éléments apportés par le Général Reinhardt sur le point de savoir si Amir Kubura était au courant des crimes présumés commis à Dusina en janvier 1993 (pour lesquels il n’est pas mis en accusation) alors qu’il ne serait devenu commandant de la 7e brigade musulmane de montagne que postérieurement16, sont susceptibles d’éclairer la Chambre dans son appréciation des obligations incombant à un tel commandant militaire, dans le cadre de l’article 7 3) du Statut du Tribunal ;
ATTENDU que l’expert peut valablement fournir ses conclusions, en se fondant sur l’analyse des documents communiqués par le Procureur, sur la question de la subordination, qui fait naturellement partie du champ de compétence d’un expert militaire, et que dans ce contexte, un expert militaire peut s’exprimer sur des questions de droit;
ATTENDU que le Général Reinhardt peut fournir des éléments à la Chambre susceptibles de l’éclairer sur la question de savoir si des liens de subordination existaient entre les « mujahiddines » et l’ABiH, et qu’il n’y a pas lieu par conséquent, d’éliminer le point 4 du Rapport pour cette raison, ainsi que demandé par la Défense;
ATTENDU que la Chambre, en vertu de l’article 90 du Règlement, « exerce un contrôle sur les modalités de l’interrogatoire des témoins et de la présentation des éléments de preuve […] de manière à i) rendre l’interrogatoire et la présentation des moyens de preuve efficaces pour l’établissement de la vérité et ; ii) éviter toute perte de temps inutile »;
PAR CES MOTIFS
EN APPLICATION des articles 89, 90 et 94bis du Règlement,
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
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Jean-Claude Antonetti
Le 11 février 2004
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]