Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 16 février 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. L'affaire IT-01-47-T, le

8 Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais me tourner vers les représentants de

10 l'Accusation pour qu'ils se présentent.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

12 Monsieur le Juge. Bonjour, le conseil de la Défense, Tecla Benjamin,

13 Ekkehard Withopf, avec notre assistance, Kimberly Fleming.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.

15 Je me retourne vers la Défense qui est amputée d'un membre.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

17 Messieurs les Juges. Le général Hadzihasanovic est représenté aujourd'hui

18 par Edina Residovic et Alexis Demirdjian, notre assistant.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

20 Je me tourne vers les autres défenseurs.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Rodney

22 Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et M. Mulalic, notre assistant.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

24 La Chambre salue toutes les personnes présentes, les représentants de

25 l'Accusation, les défenseurs, les accusés, ainsi que tout le personnel de

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1 cette salle d'audience et, notamment les interprètes qui, comme on le sait,

2 font un travail considérable afin de bien nous restituer aux uns et aux

3 autres, la teneur des propos échangés.

4 Je me tourne vers le représentant de l'Accusation afin qu'il nous indique

5 le planning prévu pour ce jour.

6 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on passer à

7 huis clos partiel, s'il vous plaît ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons à huis clos

9 partiel.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

12 (Expurgé)

13 (Expurgé)

14 (Expurgé)

15 (Expurgé)

16 (Expurgé)

17 (Expurgé)

18 (Expurgé)

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20 (Expurgé)

21 (Expurgé)

22 (Expurgé)

23 (Expurgé)

24 (Expurgé)

25 (Expurgé)

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1 [Audience publique]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur le Greffier. Je vais

3 demander à Mme l'Huissière, d'aller chercher et d'introduire le témoin.

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier si vous

6 entendez bien la traduction de mes propos dans votre langue. Si c'est le

7 cas dites, j'entends bien.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends bien.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité à comparaître pour être entendu

10 en qualité de témoin par l'Accusation. Pour ce faire vous devez décliner

11 votre nom et prénom.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Tomislav Rajic.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Quelle est votre date de naissance ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] 25 mai 1959.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : A quel endroit?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] A Travnik.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Quelle est votre profession actuelle ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Actuellement, je travaille dans un cabinet

19 d'avocats à Novi Travnik.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes juriste, vous n'êtes pas avocat ou vous

21 êtes avocat ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis un apprenti avocat.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes un avocat stagiaire.

24 Il y a dix ans, en 1993, quelle était votre activité à l'époque ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un diplôme en droit. A l'époque, j'étais

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1 le secrétaire de la Défense nationale à la municipalité de Travnik.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Avant de vous faire prêter serment, est-

3 ce que vous avez déjà témoigné en justice, soit devant une juridiction

4 internationale ou devant une juridiction nationale ? Est-ce que vous avez

5 apporté votre témoignage devant les Juges.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous préciser devant quelle juridiction ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déposé devant ce Tribunal dans l'affaire

9 Aleksovski, ainsi que dans l'affaire Blaskic.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

11 Vous allez me lire le serment de prestation de témoignage. Lisez le serment

12 que l'on vous remet.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.

16 LE TÉMOIN: TOMISLAV RAJIC [Assermenté]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme vous avez l'habitude des témoignages

19 devant des juridictions internationales, vous n'avez pas besoin de grandes

20 explications sur la façon dont cela va se dérouler. Par ailleurs, votre

21 actuelle fonction d'avocat stagiaire vous permet de bien saisir le

22 déroulement de ces procédures.

23 Néanmoins, je vais simplement vous donner quelques fils conducteurs. Vous

24 allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par le

25 représentant de l'Accusation, car vous êtes un témoin de l'Accusation.

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1 L'Accusation est située à votre droite.

2 Une fois que l'Accusation aura conclu son interrogatoire principal, les

3 défenseurs des accusés, il y a deux accusés, et cinq avocats présents,

4 mais il n'y a que deux qui vous poseront le cas échéant des questions, dans

5 le cas du contre-interrogatoire, vous poseront des questions dans ce qu'on

6 appelle le contre-interrogatoire.

7 Les trois Juges qui sont devant vous, pourront à tout moment, lorsqu'ils

8 estimeront nécessaire, vous poser également des questions.

9 Comme vous avez prêté serment de dire toute la vérité, cette prestation de

10 serment exclut des témoignages mensongers. S'il se révélait par la suite

11 que vous avez fait un faux témoignage, vous risquez de vous exposer à des

12 poursuites qui pourraient être intentées contre vous, dont les peines sont

13 soit une peine d'amende, soit une peine de prison ferme qui peut aller

14 jusqu'à sept ans, voire même, les deux peines cumulées. Je me dois de vous

15 rappeler ces dispositions concernant le faux témoignage.

16 Par ailleurs, comme vous allez avoir à répondre à des questions posées par

17 les parties et par les Juges, le règlement de procédure permet dans

18 l'hypothèse où vous répondrez à des questions en donnant des éléments, qui

19 un jour, pourraient être retenus à charge contre vous, à ce moment-là, le

20 règlement de procédure précise comme d'ailleurs, dans des pays de "common-

21 law" que ce que vous dites ne pourra retenir à charge contre vous. S'il y a

22 une difficulté au moment où une question est posée, vous pouvez demander à

23 la Chambre toute précision utile.

24 Parfois, les questions sont complexes, sont longues. Prenez votre temps

25 pour répondre. Le but des questions et des réponses, c'est d'éclairer le

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1 Tribunal sur certains faits, et sur ce qui s'est passé dans le courant de

2 l'année 1993. Si la question vous paraît trop compliquée, demandez à celui

3 qui vous la pose de vous la reposer. Prenez votre temps avant de répondre,

4 car ce que vous dites, comme vous le savez, est très important et mérite de

5 votre part une recherche de la précision et de la réflexion également dans

6 les réponses que vous apportez. Si vous ne savez pas répondre à une

7 question, vous dites que "vous ne savez pas," ou si votre mémoire ne vous

8 permet pas d'y répondre vous dites que "vous en souvenez pas."

9 Tout cela afin d'éclairer les Juges qui sont devant vous, et de permettre

10 que cette audience se déroule dans les meilleures conditions possibles,

11 notamment sous l'empire du débat contradictoire. Je vous ai apporté un

12 ensemble des précisions, et nous allons commencer l'interrogatoire

13 principal. Pour ce faire, je donne la parole aux représentants de

14 l'Accusation. Alors je ne sais pas si c'est Mme Benjamin ou M. Withopf,

15 mais je pense que c'est Mme Benjamin, puisqu'elle va se lever.

16 Madame Benjamin, vous avez la parole.

17 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame, Monsieur le Juge.

19 Interrogatoire principal par Mme Henry-Benjamin :

20 Q. [interprétation] Monsieur Rajic, veuillez avoir l'amabilité de dire à

21 la Chambre de première instance, dans quelle municipalité se trouve votre

22 village.

23 R. Il s'agit de la municipalité de Travnik.

24 Q. Quelle est votre appartenance ethnique et l'appartenance ethnique des

25 habitants du village ?

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1 R. Ils sont Croates.

2 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est l'appartenance ethnique du village ?

3 R. 100 % Croate.

4 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez fait votre service militaire au

5 sein de la JNA ?

6 R. Oui.

7 Q. Veuillez nous dire quand vous avez fait votre service militaire ?

8 R. J'ai fait mon service militaire dans la JNA du 8 août 1984 au 1er

9 juillet 1985 dans l'école des officiers de réserve, qui se trouve à Bileca.

10 Q. Ensuite, avez-vous été membre d'une autre formation militaire quelle

11 qu'elle soit ?

12 R. Ensuite, je suis devenu membre du HVO.

13 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel était votre grade et

14 quelles étaient vos responsabilités ?

15 R. Actuellement, je suis commandant. J'ai été promu à ce grade en mai 1994

16 après les premières élections multipartites en Bosnie-Herzégovine. Lorsque

17 le gouvernement municipal a été mis en place à Travnik, j'ai été nommé au

18 poste de secrétaire chargé de la Défense nationale à Travnik. C'était là,

19 le nom de cet organisme. C'était le 22 février 1991.

20 Q. Merci. Vers le début de l'année 1993, il y avait au village des soldats

21 qui n'étaient pas des soldats du cru. Pouvez-vous nous en parlez un petit

22 peu, s'il vous plaît ? Ce sont des soldats ou d'autres individus.

23 R. On a vu arrivé d'autres personnes. Ce n'était pas en 1993, c'était

24 avant. Cela a commencé au cours de l'été 1992. Au cours de l'année 1993,

25 ils sont venus en plus grand nombre. Ils circulaient avec leurs armes. Il y

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1 avait là plusieurs unités. En plus des gens de la région, il y avait des

2 gens d'autres endroits, qui étaient de race différente qui étaient habillés

3 différemment et qui se comportaient aussi différemment.

4 Q. Pouvez-vous donner à la Chambre de première instance la dénomination

5 qui était utilisée pour désigner ces personnes ?

6 R. Je ne vois pas très bien à quelles personnes vous faites référence.

7 Est-ce que vous faites référence aux personnes de la région ou à ceux qui

8 venaient d'ailleurs ?

9 Q. Je fais référence aux étrangers qui sont arrivés au village. Comment

10 les désignait-on ?

11 R. On les désignait en les appelant les Moudjahiddines.

12 Q. Où se situaient les postes de commandement, les bureaux de ces

13 Moudjahiddines ?

14 R. Pour ce qui est de leurs positions, il faudrait que vous me disiez à

15 quelle période vous pensez, parce qu'ils n'étaient pas statiques. Ils ne

16 sont pas restés à un seul endroit. Ces gens qui sont arrivés, ils sont

17 arrivés dans le cadre de l'intervention de diverses organisations

18 humanitaires arabes.

19 Q. Au cours de la période de 1993 jusqu'à mars 1994, pouvez-vous nous dire

20 quels étaient les postes à partir desquels ils se déployaient, à partir

21 desquels ils opéraient ?

22 R. On les voyait dans la ville de Travnik même, ainsi que dans les

23 villages musulmans environnants. Dans notre coin, dans notre région, les

24 villages sont très proches les uns des autres. Par exemple, Guca Gora est

25 une zone de transit, c'est un village de transit. Si bien, qu'ils

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1 traversaient Guca Gora, qu'ils traversaient Travnik. Ils empruntaient les

2 routes publiques pour se déplacer.

3 Quand ils sont arrivés au début, ils étaient à Mehurici, ou pour être plus

4 précis à Jezerce qui est une partie de Mehurici. A cet endroit, ils avaient

5 une sorte de camp. Ils avaient de l'argent. Ceux qui avaient des armes,

6 pouvaient les leur vendre et en obtenir un bon prix.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'ai quelque chose à dire au sujet de la

10 traduction, page 8, ligne 18. Le témoin dit qu'ils étaient à Mehurici et à

11 Jezerce. Ensuite, il a dit que c'était une sorte de camp. Le témoin, ce

12 qu'il a dit, c'est que d'après la rumeur, ils avaient une sorte de camp,

13 une espèce de camp. D'autre part, le témoin a dit que selon la rumeur, ils

14 avaient de l'argent. Ceci n'a pas été traduit, si bien que je souhaiterais

15 qu'une correction soit apportée à la traduction.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci à la Défense pour le soin vigilant qu'elle

17 apporte à la traduction du B/C/S en anglais.

18 Monsieur le Témoin, vous avez répondu à une question qui a été posée par

19 l'Accusation sur l'arrivée de ces étrangers, et l'Accusation vous a demandé

20 de préciser. D'après le texte qui est en anglais, peut-être connaissez-vous

21 l'anglais et vous avez le texte devant vous. Il est indiqué que ces

22 étrangers, pour être plus précis, vous dites, ont été à Jezerce. La Défense

23 dit que vous auriez dit, selon la rumeur, ils auraient été dans ce camp.

24 Est-ce que pour vous, ils étaient à cet endroit ou vous l'avez appris par

25 d'autres personnes. Pouvez-vous préciser ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas osé dire y aller, parce qu'à

2 l'époque, aucun d'entre nous ne pouvait aller là-bas. Aucun des habitants

3 non-musulmans ne pouvaient aller au camp pour vérifier ce qu'était

4 véritablement ce camp. Je sais, parce que je les ai vus, je les ai vus

5 circuler, je les ai vus traverser Mehurici. Je sais sur la base de

6 conversations que j'ai eues avec d'autres personnes, des Croates et des

7 Musulmans de la zone. Je sais tout cela à cause de cela. On m'a dit qu'il y

8 avait effectivement un camp à cet endroit. C'était un secret de

9 polichinelle. Tout le monde le savait à Travnik, et tout le monde savait

10 également qu'ils achetaient des armes. On savait très bien que si quelqu'un

11 avait des armes à vendre, eux, ils étaient prêts à les acheter. Ils étaient

12 toujours acheteurs.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous précisez que c'est d'après les

14 conversations que vous avez eues soit avec des Croates, soit avec des

15 Musulmans, que vous aviez su que ce camp était dans cet endroit, c'est-à-

16 dire, à Jezerce. Vous, vous n'y avez jamais été.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'y ai été plus tard.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit, je vous pose tout de suite la

19 question et je redonnerai, comme on a du temps aujourd'hui, je redonnerai

20 la parole à l'Accusation.

21 Vous aviez dit tout à l'heure que ces étrangers sont arrivés par des

22 organisations humanitaires, puis vous avez dit qu'ils avaient des armes.

23 Est-ce que c'est bien compatible d'arriver dans le cas d'une mission

24 humanitaire tout en étant armé ? Est-ce que votre réponse sur les

25 organisations humanitaires, c'est-à-dire, tous ceux qui sont arrivés de

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1 l'étranger sont venus par les organisations humanitaires, donc, cela veut

2 dire qu'ils étaient armés - ce qui peut paraître aussi étonnant - ou bien

3 certains étaient arrivés par des organisations humanitaires et puis

4 d'autres par d'autres voies ? Est-ce que vous pouvez précisez votre réponse

5 dans la mesure où vous pouvez répondre. Si vous ne pouvez pas, dites, je ne

6 peux pas.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas s'ils sont tous venus dans le

8 cadre d'une organisation humanitaire mais il est indéniable que certains

9 d'entre eux l'ont fait.

10 D'autre part, je n'ai pas dit qu'ils avaient les mêmes armes, tous, et

11 qu'ils se déplaçaient dans Travnik. Ils portaient ces armes. Ils avaient

12 des armes. Je les ai vus et tout le monde les a vus. Je ne pense pas que

13 quand ils sont venus, ils venaient tous des mêmes pays et quand ils se sont

14 déplacés, quand ils sont arrivés, ils étaient armés ou qu'ils avaient

15 l'apparence qu'ils avaient. Je pense qu'ils les ont obtenues quand ils sont

16 arrivés mais comment, je ne sais pas.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci de votre précision.

18 Madame Benjamin, poursuivez.

19 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur Rajic, d'après ce que vous savez personnellement, pouvez-vous

21 nous décrire un poste où vous auriez vu ces Moudjahiddines, n'importe

22 lequel ? Pouvez-vous nous le décrire ?

23 R. Bien, pour parler concrètement de la ville de Travnik puisque c'est ce

24 dont on parle, on les appelait comme cela, les organisations humanitaires.

25 Il y avait une organisation des Emirats arabes unis, une d'Egypte, une du

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1 Koweït. Je ne me rappelle pas quel était le nom exact de ces organisations

2 humanitaires mais ils avaient différents locaux à Travnik. Je sais qu'ils

3 étaient à Plava Voda aussi. Il s'agit d'un grand restaurant qui se trouve

4 dans le cartier le plus beau de la ville. Là, il y a une fontaine

5 magnifique et très grande. Il était également au bureau des impôts, dans

6 les locaux des impôts. Auparavant, il était dans ce bâtiment qui est un

7 bâtiment municipal. Il était au cinéma aussi. Je les ai également vus au

8 Dom, ce qu'on appelait le Dom, Nash [phon] Dom. C'était un supermarché en

9 ville. On les voyait à l'étage dans ce bâtiment. C'est à l'étage supérieur

10 et cela se trouve dans le même -- le bâtiment se trouve également le poste

11 de police de Travnik. Ce n'était peut-être pas tout à fait dans le même

12 bâtiment, peut-être qu'il y avait un bâtiment entre les deux. Puis, ils

13 étaient également -- il y avait deux écoles, deux jardins d'enfants à

14 Travnik où ils étaient installés.

15 Q. Monsieur Rajic, pouvez-vous, à l'intention des Juges de la Chambre,

16 décrire l'apparence de ces Moudjahiddines, puisque c'est ainsi que vous les

17 avez appelés ?

18 R. Voyez-vous, ils ne portaient pas vraiment d'uniformes, si bien que je

19 pourrais vous dire : "Voilà comment l'un d'eux était habillé, comment ils

20 étaient tous habillés." Certains avaient des uniformes de camouflage ou

21 bien des parties d'uniforme de camouflage. Parfois, quelqu'un portait

22 seulement un pantalon de camouflage ou un T-shirt de camouflage, et cetera.

23 Parfois, ils avaient des pantalons trop courts. Puis, certains d'entre eux

24 avaient des espèces de longues robes ou de longs vêtements qui descendaient

25 même parfois en dessous du genou, le genre de vêtements que l'on voit les

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1 gens portés en Afghanistan à la télé. Ils portaient également ces foulards

2 caractéristiques, ces foulards arabes. Oui, on voit des gens actuellement

3 aujourd'hui porter ce genre de foulard. Mais voilà, c'est à peu près à cela

4 qu'ils ressemblaient.

5 Q. Vous venez de nous décrire leur tenue vestimentaire mais pouvez-vous

6 maintenant nous décrire leur apparence physique concrètement, leur teint,

7 la couleur de leur peau, et cetera ?

8 R. Pour l'essentiel, on pouvait tout de suite dire que ce n'était pas des

9 gens du cru parce que nous, on a une apparence différente. Ils avaient la

10 peau beaucoup plus matte et puis beaucoup d'entre eux avaient la barbe,

11 portaient la barbe, mais pas une barbe bien taillée, disons. Puis, ils

12 avaient la peau beaucoup plus foncée. Ce n'était pas des Noirs, mais ils

13 ressemblaient à des Arabes, parce qu'en fait, c'étaient des Arabes.

14 Q. Quand ils déambulaient dans les rues de Travnik, est-ce qu'ils étaient

15 armés ? Est-ce que vous les avez vus porter des armes ?

16 R. Oui, effectivement. Ils portaient leurs armes ouvertement. Ils avaient

17 des armes du genre fusils automatiques, Kalashnikovs, pour l'essentiel.

18 Q. Pour ce qui est du village d'Orasnik ? Que pouvez-vous nous dire de la

19 présence de ces gens dans le village d'Orasnik ?

20 R. Vous parlez de Orasac ?

21 Q. Oui, effectivement. Merci.

22 R. Orasac se trouve un peu plus loin. C'est un petit village, plus petit

23 village croate que les Croates ont quitté avant le 8 juin parce qu'il y

24 avait eu des conflits à Miletici. Il y avait eu un crime à cet endroit.

25 Avant la déclaration du conflit, beaucoup de gens ont perdu leurs vies. Un

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1 certain nombre de gens ont perdu leurs vies au cours de certains incidents.

2 Les gens vivaient dans la crainte là où ils étaient en minorité. Ils ont

3 essayé de sauver leurs peaux et ils sont allés ailleurs. Parce que quand on

4 est dans un village plus grand, on est plus en sécurité. On se sent plus en

5 sécurité. On peut dire les Croates ont été chassés et non pas seulement du

6 village de Orasac mais de beaucoup d'autres villages se situant dans la

7 partie orientale de la municipalité de Travnik. Je sais qu'ils sont allés à

8 Orasac et qu'à Orasac, ils ont construit des locaux assez considérables. Si

9 on compare aux bâtiments construits dans la région, il s'agissait d'un

10 bâtiment de quatre étages fait en parpaings. Il y avait un rez-de-chaussée,

11 deux étages et puis ensuite un étage supérieur. Le bâtiment est toujours

12 là, même s'il a été en partie détruit, en tout cas, très endommagé. Puis,

13 ils s'étaient installés dans les maisons des gens qui avaient quitté Orasac

14 parce que les gens étaient partis mais leurs maisons étaient intactes. Ils

15 s'étaient installés non seulement dans ce bâtiment qu'ils avaient eux-mêmes

16 construit mais aussi dans certaines maisons du village.

17 Q. Merci. En avril 1993, et plus précisément le 9 avril, on fêtait pas la

18 Pâques à Travnik, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre pourquoi cette

19 période est importante pour vous ?

20 R. Il me semble que c'était un samedi, le 9 avril 1993. C'était la veille

21 de Pâques, le samedi saint. Afin de marquer Pâques, parce qu'ils y avaient

22 encore des Croates à Travnik - et heureusement il y en a encore - nous

23 avons décoré la ville. A certains endroits, nous avons hissé des drapeaux

24 croates à côté de l'hôtel, à côté de la ville, enfin dans toutes ces

25 parties de la ville où se trouvait rassembler la population croate. C'est

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1 sans doute ce qui était à l'origine de l'incident qui a suivi. Tous les

2 drapeaux ont été enlevés et on y a mis le feu. Il y a eu des tirs. Il me

3 semble - enfin c'est ce qui s'est effectivement passé - ce soir-là, il y a

4 eu une espèce de chasse lancée contre les Croates les plus éminents dans la

5 société : les avocats, les docteurs, et cetera, les médecins, des gens qui

6 jouaient un rôle important dans la vie non seulement des Croates de la

7 ville, mais de Travnik elle-même. Ces gens ont été ensuite enfermés dans

8 une forteresse médiévale qui datait de l'époque des rois bosniaques, et qui

9 avait été ensuite occupée par les Turcs après l'occupation par les Turcs,

10 l'occupation ottomane. Ces gens ont été enfermés à cet endroit, puis soumis

11 à des traitements de mauvais traitement, insultés, frappés, et cetera. Cela

12 s'est passé pendant la nuit et puis le lendemain matin, toutes ces

13 personnes ont été remises en liberté. Je connais certaines des personnes

14 qui ont été enfermées. Je ne les connais pas tous, mais je peux vous donner

15 quelques noms.

16 Q. Vous dites "ils ont arrêté, ils ont enfermé ces gens." A qui faites-

17 vous référence quand vous dites "ils," vous faites référence à ceux qui ont

18 enfermé ces 40 personnes ?

19 R. Je fais allusion aux membres des formations militaires bosniaques. Il y

20 avait plusieurs formations à cet endroit. Il y avait la compagnie des

21 sports qui relevait de la police. A Travnik il y avait également des

22 membres de la 7e Brigade musulmane, et puis il y avait aussi les membres

23 des forces régulières de l'ABiH, des forces bosniaques. Voilà ce à quoi je

24 fais référence.

25 Q. Pendant toute cette période, où habitiez-vous ?

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1 R. A l'époque, j'habitais à Guca Gora dans la maison familiale.

2 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première instance, à quel

3 moment a débuté le conflit à Guca Gora.

4 R. Gura Gora fut attaqué le 8 juin à l'aube au petit matin, à 4 heures 30

5 du matin. Je n'oublierais jamais cela.

6 Q. Avant le début du conflit, donc pendant les jours qui ont précédé ce

7 conflit, est-ce que vous pourriez indiquer à la Chambre de première

8 instance ce que vous avez fait en préparation du conflit.

9 R. Pour ce qui est du conflit, pendant un ou deux mois environ, la

10 situation avait été particulièrement difficile. De nombreux incidents ont

11 éclaté. Le conflit d'ailleurs aurait pu éclater à tout moment.

12 Fondamentalement, tous les villages ont commencé à organiser des

13 patrouilles de nuit avec des tours de garde autour de nos maisons, de nos

14 jardins. Nous avons essayé en quelque sorte d'organiser une protection pour

15 protéger nos villages. Mais cela se passait partout et non pas seulement à

16 Guca Gora, parce que tous ces villages étaient très proches, les uns des

17 autres. Malheureusement, nous avons dû nous protéger des autres. Il n'y

18 avait pas véritablement de ligne de front. Vous ne pouviez pas dire, voilà,

19 devant vous il y a un ennemi qui va vous attaquer, ou que vous attaquerez.

20 Cela venait de tout côté en quelque sorte. Nous sommes convenus tout

21 simplement que nous allions monter la garde, la garde de nos propriétés.

22 Q. Avez-vous dû quitter votre domicile à un moment ?

23 R. Oui, deux jours avant le 8, du fait justement de la situation qui

24 prévalait, et étant donné, d'ailleurs, que ma maison est un peu isolée.

25 Elle se trouve à quelques 200 à 300 mètres de l'autre maison qui est la

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1 maison de mon oncle. Hormis mon oncle, j'étais d'ailleurs moi-même le seul

2 homme de la famille, et mon oncle il a plus de 70 ans. Nous nous sommes

3 rapprochés du village en quelque sorte, là où vivaient des cousins, parce

4 qu'à Guca Gora, il y avait toute ma famille qui résidait. Nous appelions

5 tous, Rajic. Nous avons trouvé une maison relativement récente avec un bon

6 sous-sol, et des gens sont venus de dix autres maisonnées. Ils sont venus

7 également passées la nuit. Pendant la journée, ma mère avait l'habitude de

8 repartir vers notre maison parce que nous avions des animaux. Moi-même, je

9 ne l'ai pas fait.

10 Q. Vous avez indiqué que le conflit a éclaté à 4 heures 30 du matin le 8

11 juin 1993. Pourriez-vous relater à la Chambre de première instance le

12 déroulement des événements à partir de ce moment-là.

13 R. Cette nuit-là, je me suis couché très très tard. Nous étions environ une

14 trentaine dans la maison de ces gens. Vers 2 heures du matin je suis allé

15 me coucher pour me reposer, et puis peu de temps après, j'ai été réveillé

16 par des détonations, des coups de feu, des coups de feu provenant d'armes

17 légères. Je me suis précipité dans la cour de cette maison. Je pouvais voir

18 et observer des obus qui tombaient, et qui tombaient de l'autre côté du

19 monastère et qui atterrissaient, en fait, entre la maison où nous nous

20 trouvions et le monastère. Il y avait en quelque sorte une petite vallée

21 entre les deux et la plupart de ces obus atterrissaient là.

22 Mais il y avait des coups de feu tout autour du village. Guca Gora n'a pas

23 été le seul village attaqué. Car les gens qui connaissent la situation

24 sauront que je parle d'une partie de Cakovici, de Radonjici, qui est

25 également un village croate, et puis jusqu'à Maljine, Postinje. Vous

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1 pourriez entendre des coups de feu partout. Il y a eu un bombardement

2 pendant une demie heure. On a pu entendre des explosions et des détonations

3 assez importantes. On pouvait entendre également des coups de feu. Puis

4 vers 8 heures, 8 heures et demie du matin, les choses se sont un peu

5 calmées. Il y avait des coups de feu sporadiques, et cela était en fait

6 beaucoup plus intense en dessous de Guca Gora dans la direction de Nova

7 Bila.

8 Q. Pendant ce temps, Monsieur Rajic, pourriez-vous indiquer à la Chambre

9 de première instance quelles furent vos impressions et quelles furent les

10 impressions de votre famille.

11 R. Quelle aurait pu être mon impression ? Je me suis dit que ce que nous

12 avions le plus craint était en train de se dérouler. Puisque je portais un

13 uniforme militaire, il faut que je vous dise que nous avions envoyé l'un de

14 nous au centre du village pour qu'il puisse vérifier ce qui se passait. Il

15 est revenu assez rapidement, une demie heure plus tard d'ailleurs, et il

16 nous a dit que "Il n'y a plus personne dans le village. Il n'y a personne

17 pour assurer la défense de Guca Gora." Nous étions, en fait, les seuls qui

18 étaient encore là avec des armes. Nous étions environ une dizaine.

19 Q. Avez-vous quitté le village à ce moment-là ?

20 R. Non pas immédiatement, parce que nous n'avions aucune idée d'où nous

21 rendre. Nous savions pertinemment que nous étions attaqués, mais nous

22 savions qui nous attaquait. Nous ne pouvions pas, véritablement nous

23 retirer puisqu'il y avait encore des tirs de feux. En fait, j'ai dit au

24 revoir à ma sœur, à ma mère, à ma femme qui était enceinte de sept mois, à

25 l'époque. L'une de mes cousines avait eu un bébé une ou deux nuits

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1 auparavant. Mon cousin a dû quitter son fils et nous nous sommes rendu

2 juste en dessous du village, et nous nous sommes dit, "Nous allons entendre

3 jusqu'à ce que la nuit tombe et nous verrons ce que nous pourrons faire."

4 Au début de l'après-midi, vers 13 heures 00, j'ai pu voir un ou deux

5 véhicules de la FORPRONU. Il s'agissait de véhicules de transport. Nous

6 pouvions les voir très, très clairement sur la route qui descendait et qui

7 était en contre bas par rapport à la nôtre, où nous nous trouvions. Nous

8 avons vu qui que ce soit arrivé en face de l'église, en face du monastère,

9 là, où il y avait un espace. Nous avons vu qu'il y avait des gens du

10 village tout autour. Nous avons, tout simplement, couru le long de cette

11 route en direction du village. Nous sommes arrivés au monastère en face

12 duquel se trouvaient les véhicules. Nous avons dû rendre nos armes

13 immédiatement, et d'ailleurs pour vous dire la vérité, j'étais assez

14 content de le faire. Nous avons dû quitter nos uniformes. Dans les maisons

15 qui se trouvaient dans cette zone, il y avait encore quelques civils, la

16 moitié était partie vers 8 heures, les autres étaient restés chez eux parce

17 qu'il y avait encore des coups de feu. Ils ne savaient pas ce qui était

18 arrivé à l'autre groupe de personnes, ce que faisait les autres. Nous, nous

19 étions dans un sous-sol, dans une maison, nous entendions les coups de feu,

20 mais nous ne savions pas ce qui se passait dans d'autres maisons.

21 Comme je vous l'ai déjà dit, nous nous trouvions là. Nous avons demandé aux

22 représentants de la FORPRONU, nous leur avons posé des questions. Je dois

23 vous dire, d'ailleurs, qu'ils ont obtenu du renfort, des blindés de type

24 léger qu'ils ont positionnés autour du monastère. Puis nous, nous sommes

25 entrés dans le monastère. Le prêtre était parti avec une partie de la

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1 population. Ils étaient partis le 8 juin. Il restait juste deux religieuses

2 qui étaient restées dans le monastère.

3 Puis, quelqu'un de l'ABiH est venu nous trouver. Je sais qu'ils n'ont pas

4 sortis des véhicules de transport. En fait, il n'y avait pas de

5 communication entre nous-mêmes et eux. Moi, je connaissais tout le monde à

6 Travnik, les commandants des deux camps. Il n'y avait rien qui se passait

7 ce jour-là. On nous a demandé d'aller dans l'église où nous nous sommes

8 assis. En fait, ce n'était pas dans le monastère où nous nous trouvions,

9 mais c'était au moins dans l'église.

10 Q. Donc le 8, vous avez essayé de trouver refuge. Pourriez-vous nous dire

11 ce qui s'est passé le 9 juin ?

12 R. Le lendemain, le 9 juin en d'autres termes, nous ne savions pas,

13 véritablement, où se trouvaient les gens. Nous savions quand même qui était

14 censé se trouver à quel endroit, ce jour-là. Nous avons demandé au

15 personnel de la FORPRONU l'autorisation de parcourir le village, afin de

16 voir, s'il y avait des morts ou des blessés. Les personnes âgées ont pu

17 aller avec le représentant de la FORPRONU, les plus jeunes n'ont pas pu,

18 dont moi-même. Nous n'avons pas pu sortir du monastère. Il n'y avait plus

19 de Croates à Guca Gora, hormis ceux qui se trouvaient dans le monastère.

20 Puis, ils ont emmené sept personnes à l'intérieur du monastère. Il

21 s'agissait de personnes qui étaient mortes la veille.

22 Q. Le 9 juin 1993, alors que vous vous trouviez à l'église sept corps ont

23 été emmenés dans l'église. C'est ce que vous nous indiquez ?

24 R. Oui.

25 Q. Avez-vous été en mesure de reconnaître certains de ces corps ?

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1 R. Oui, je les ai tous reconnus, parce que je les connaissais tous.

2 Q. Pourriez-vous nous donner l'âge moyen de ces personnes ?

3 R. Je ne sais pas quel était leur âge moyen, mais je les connaissais tous.

4 Vlado Volic a le même âge que moi, il est né en 1959. Nous sommes allés à

5 la même école. Niko était né en 1960. Drago Volic avait pris sa retraite

6 déjà, donc je suppose qu'il avait plus de 60 ans. Il y avait, également,

7 Rudo Petrusic qui était retraité, je pense qu'il avait environ 65 à 66 ans.

8 Il en va de même pour Drago Petrusic. Stipo Kafadar est né pendant les

9 années 50, et lorsqu'il était jeune, il avait perdu un œil. La personne la

10 plus âgée, en fait, Ljubomir Petrusic avait 70 ans, à l'époque.

11 Q. Il s'agissait, en fait, de personnes jeunes et de personnes plus âgées.

12 Est-ce bien exact ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Avez-vous aidé à faire en sorte d'évacuer les corps ?

15 R. Oui. Avec les autres, nous avons creusé cette tombe, et c'est là que

16 nous les avons enterrés. L'enterrement a été organisé par un prêtre de la

17 FORPRONU. Il portait un uniforme. Il n'avait pas de tenue vestimentaire

18 permettant de le remarquer comme prêtre. C'était un prêtre, quelqu'un nous

19 l'a indiqué et il s'est occupé de la cérémonie.

20 Nous les avons placé au fond des tombes dans des couvertures. A ce moment-

21 là, une balle a touché le mur de l'église. Les gens se sont écartés et ils

22 se sont enfuis. Nous avons accéléré la cérémonie de l'enterrement.

23 Q. Monsieur Rajic, en sus des corps des personnes qui ont été emmenées à

24 Guca Gora, pourriez-vous nous dire ce que vous avez entendu dire sur les

25 événements qui se sont déroulés dans le village ou pouvez-vous nous dire ce

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1 que vous savez de ces événements ?

2 R. Je crains de ne pas comprendre votre question.

3 Q. Plus précisément, pour ce qui est des maisons du village, quel était

4 l'état de ce village après le conflit ?

5 R. Il n'y a qu'une étable qui a brûlé ce jour-là. Il n'y avait pas

6 d'autres dégâts. Les maisons étaient intactes. Rien n'avait été pillé. La

7 moitié des ressortissants du village travaillaient soit en Suisse, soit en

8 Allemagne. Tout était intact. Plus tard, il y a eu un incendie, mais cela

9 s'est passé plus tard, après le conflit et après que l'accord a été signé.

10 Q. Avez-vous été en mesure de rentrer chez vous ?

11 R. Non, pas à ce moment-là.

12 Q. Qu'est-il advenu à votre domicile pendant cette période ?

13 R. Ce n'était ni le 8 ni le 9 juin, que cela s'est passé. Mais toutefois,

14 ma maison a été incendiée. Les dépendances ont détruites. Il n'y avait que

15 des piliers en ciment qui ont résisté. Tout ce qui se trouvait à

16 l'intérieur de la maison a été pris. Alors d'aucun m'ont dit que, d'abord,

17 mes vêtements et puis tout mon matériel électrique ont été pris, et puis

18 ensuite, que la maison a été incendiée. C'est ce que m'ont dit mes voisins

19 musulmans. Il y avait deux maisons, deux maisons l'une à côté de l'autre,

20 l'une m'appartenant, l'autre appartenant à mon oncle. Les deux maisons ont

21 été incendiées.

22 Q. Qu'est-il advenu aux maisons des autres villageois?

23 R. Les maisons ont, également, été incendiées. A partir de l'endroit, où

24 nous nous étions retirés, à partir du quartier de Nova Bila où nous nous

25 étions retirés, nous pouvions voir les maisons brûlées. On pouvait le voir

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1 ainsi à l'œil nu ou à l'aide de jumelles. Nous savions, exactement, quelles

2 maisons étaient incendiées.

3 Q. Monsieur Rajic, pourriez-vous indiquer à la Chambre de première

4 instance qui, d'après vous, est responsable de ces meurtres, de ces

5 incendies et de tous ces pillages qui se sont produits ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je vous donne la parole.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin est en

8 train de témoigner sur des faits dont il a connaissance. Il n'est pas

9 judicieux de lui poser des questions qui transcendent son rôle en tant que

10 témoin. Je pense que c'est une question qui l'amènera à spéculer.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'Accusation, vous avez pris note de

12 l'observation de la Défense qui estime que votre question l'entraîne dans

13 la spéculation. Dans la mesure où il aurait vu des maisons brûlées, des

14 maisons qui se situeraient dans le village de Nova Bila et d'après lui, il

15 pouvait voir, d'où il était, notamment, avec des jumelles. Est-ce qu'il

16 avait des jumelles ou pas ? Je ne sais pas.

17 Monsieur le Témoin, vous avez suivi le débat. L'Accusation vous a posé une

18 question et la Défense fait une objection en disant que votre réponse se

19 révélerait plutôt être au stade de la spéculation. La question est très

20 nette. De l'endroit où vous étiez, Nova Bila est à quelle distance, à vol

21 d'oiseau ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] A deux kilomètres. Il ne s'agit pas de Nova

23 Bila, mais de l'endroit, à partir duquel, nous pouvions observer la

24 situation.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon et à deux kilomètres, qu'est-ce que vous avez

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1 vu ? De l'endroit où vous étiez, à deux kilomètres, qu'est-ce que vous avez

2 vu, précisément ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pouvais voir les maisons qui étaient en

4 train de brûler.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Les maisons brûlées. Est-ce que vous voyiez de

6 l'endroit où vous étiez à deux kilomètres ? Est-ce que vous voyiez des

7 personnes qui mettaient le feu ? Est-ce que vous avez vu des gens mettre le

8 feu ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne pouvais voir personne. Je ne

10 pouvais pas voir les gens.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous ne savez pas. Vous n'avez pas vu qui a

12 mis le feu. Comment pouvez-vous en déduire que le feu avait été mis par des

13 personnes dont vous avez indiqué dans une réponse que cela pouvait être si

14 on vous suit des éléments n'appartenant pas à votre communauté ? Vous ne

15 savez pas qui a mis le feu ? Vous l'avez su, après.

16 Parce que quand on témoigne, on témoigne sur des faits qu'on a vus, qu'on a

17 vus soi-même ou qu'on a identifié les auteurs. Mais si on a vu personne, et

18 bien, il faut dire qu'on sait pas qui a mis le feu ou on le sait parce

19 qu'après la rumeur ou d'autres personnes on dit que. Vous voyez la

20 différence. C'est pour cela que la Défense a dit, attention on n'est sur le

21 terrain de la spéculation. Que pouvez-vous dire en réponse à la question

22 qui vous a été posée sur ceux qui ont mis le feu ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous voulez que je vous donne les noms des

24 gens qui ont incendié ces maisons, je ne suis pas en mesure de le faire.

25 Voilà ce que je peux vous dire. Personne n'aurait pu incendier ces maisons

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1 hormis les gens qui nous avaient expulsés de ces propres maisons.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous dites ceux qui ont mis le feu, ce sont

3 ceux qui nous ont expulsés. C'est ce que vous en déduisez, mais c'est une

4 déduction ou une intuition.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la vérité. Je ne sais pas comment vous

6 souhaiterez appeler cette vérité, mais, c'est la vérité.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.

8 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur Rajic, êtes-vous en mesure de nous dire qui vous a expulsé de

10 votre village ?

11 R. L'ABiH.

12 Q. Seriez-vous en mesure d'identifier l'unité de ces personnes ?

13 R. Il s'agissait de la zone de la 306e Brigade de montagnes de l'ABiH.

14 Q. Avec ces membres de l'ABiH, y avait-il d'autres personnes qui ont

15 participé à l'expulsion, à votre expulsion et à l'expulsion des autres

16 villageois ?

17 R. Je n'ai vu personne d'autres. Je n'ai vu personne d'autres, mais j'ai

18 entendu dire que dans d'autres zones, il y avait d'autres personnes,

19 également.

20 Q. Monsieur Rajic, et qu'en est-il des Moudjahiddines ? Pourriez-vous nous

21 prêter assistance ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien la Défense s'est subitement levée toutes les

23 deux parce que bien entendu elles vont indiquer à la Chambre que la

24 question était téléguidée, c'est bien cela ?

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Vous avez, tout à fait, raison, Monsieur

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1 le Président. De toute évidence, le témoin a répondu très clairement aux

2 questions qui lui ont été posées par l'Accusation. Il dit qu'il a été

3 expulsé par l'ABiH, que sa zone était la zone qui tombait sous la

4 responsabilité de la 306e Brigade et qu'il n'a vu aucun autre soldat dans

5 la zone. Il s'agit d'une question directive. J'aimerais que cela soit

6 expurgé. Le témoin n'a pas à répondre à ce genre de question.

7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes objections

8 sont, exactement, les mêmes, donc je n'ai pas besoin de les répéter.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je ne pense pas qu'il était dans l'intention

10 de l'Accusation de poser une question téléguidée. Je pense que la question

11 a été trop rapide. Il fallait petit à petit par un jeu de questions lui

12 faire préciser, exactement, ce qu'il a vu. Parce que dès le départ, je vous

13 renvoie à la ligne 10 de la page 24, il dit c'est la zone de la 306e

14 Brigade de montagnes. On ne sait pas si c'est la zone ou si ce sont des

15 membres de la 306e Brigade. Il ne répond pas exactement. Là, il fallait lui

16 poser la question.

17 Je vais le faire. Monsieur le Témoin, vous témoignez, comme vous le savez,

18 on est dans une procédure totalement orale. Nous n'avons aucun document

19 écrit. Pour la manifestation de la vérité, ce qui compte, c'est ce que vous

20 dites. Ce que vous dites, vous-même, sans qu'on vous suggère des réponses.

21 Vos réponses doivent être précises et nettes. Quand il y a une ambiguïté,

22 votre réponse ne sert, strictement, à rien. Il ne répond pas à la question.

23 L'Accusation vous a demandé, à un moment donné, qui vous a expulsé ? Vous

24 n'avez pas dit ce sont des membres de la 306e, dans la traduction anglaise,

25 il est indiqué, c'est la zone de la 306e.

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1 Je vous repose la question : qui vous a expulsé ? Mais quand on dit "qui",

2 c'est avez-vous vu quelqu'un appartenant à une unité militaire ? Qu'est-ce

3 que vous répondez à cette question ? Qui vous a expulsé ? Quelles sont les

4 personnes qui vous ont expulsées ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Je ne peux pas répondre à

6 cette question. D'ailleurs, personne ne peut répondre à cette question

7 parce que lorsque l'on vous tire dessus, en général, vous fuyez pour sauver

8 votre vie. Je n'ai pas, véritablement, regardé leurs insignes.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi avez-vous dit que c'était dans la zone de

10 le 306e Brigade ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que je sais que cette zone était la zone

12 de la 306e Brigade de montagnes.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous dites, on nous a tiré dessus pour nous

14 expulser. Je ne sais pas qui nous a tiré dessus. Comme c'était une zone où

15 il y avait la 306e Brigade, j'en déduis que cela devait être eux. C'est

16 bien cela ? Puisque vous êtes un juriste, vous voyez bien l'importance

17 d'une réponse. C'est bien cela ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- [hors micro] pour lui redonner la parole.

20 L'intéressé ne sait pas qui l'a expulsé parce qu'on lui tirait dessus. Il

21 nous dit, sous contrôle de la Défense, que pour lui, comme c'était une zone

22 qui était couverte par la 306e Brigade, il en déduit que cela devrait être

23 des éléments de la 306e Brigade.

24 Madame Benjamin, poursuivez.

25 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 Q. Monsieur Rajic, avant le début du conflit et au moment où le conflit a

2 commencé, pouvez-vous dire à la Chambre qui vous avez vu dans votre

3 village ?

4 R. Vous parlez des membres de l'ABiH.

5 Q. Avez-vous vu d'autres militaires ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela revient au même. L'Accusation vous demande qui

7 avez-vous vu. Vous dites : "J'ai vu personne. J'ai vu quelqu'un. J'ai vu un

8 militaire de la 306e Brigade." C'est à vous de répondre. On vous demande

9 qui avez-vous vu ? Ou vous savez ou vous ne savez pas. Si vous ne savez

10 pas, dites, je ne sais pas. Je n'ai vu personne ou j'ai vu quelqu'un. Si

11 j'ai vu quelqu'un, vous dites qui vous avez vu. Sinon, la Défense va dire

12 que l'Accusation pose une question qui induit votre réponse. La question ne

13 doit pas induire votre réponse. C'est vous qui êtes maître de votre

14 réponse.

15 Vous écoutez bien la question et vous répondez sur ce que vous avez vu et

16 pas sur ce que vous pouvez déduire ou ce que d'autres personnes vous ont

17 dit. Si ce sont d'autres personnes qui vous l'ont dit, vous le dites ou si

18 c'est vous qui en déduisez, j'en déduis que.

19 Madame Benjamin, avec toute la prudence nécessaire, je vous redonne la

20 parole pour poser la question de telle façon que l'intéressé nous réponde

21 de manière précise sans qu'on lui suggère une réponse. C'est tout un art.

22 Voilà, vous avez la parole.

23 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis

24 entièrement d'accord avec vous. Dans le même temps, si vous me le

25 permettez, j'avancerais que ma question n'était pas une question qui induit

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1 la réponse du témoin. Il s'agit, uniquement, d'une question qui découle de

2 ce que le témoin a, déjà, dit. Je ne vois pas comment j'aurais pu poser la

3 question autrement, à savoir que :

4 Q. Le 8 juin ou avant cette date avez-vous vu quiconque dans les rues de

5 Guca Gora ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, je vous demande de regarder la

7 ligne 1 de la page 27. La réponse, il y a, dans les lignes 24 et 25, de la

8 page 26. Vous lui demandez, le jour du conflit quelles étaient les parties,

9 les parties présentes et qui avez-vous vu ? Sa réponse tel qu'il dit, des

10 membres de l'ABiH ?

11 Ma traduction en français mais je pense qu'en anglais, c'était pareil, lui,

12 il posait plutôt une interrogation. Ce n'était pas une affirmation. C'est

13 ce que j'ai entendu en traduction.

14 Reposez-lui la question pour voir qu'est-ce qu'il nous répond. Dans la

15 réponse, c'était une réponse interrogative, ce n'était pas une réponse

16 affirmative. La Défense a fait une objection. Reposez-lui la question. On

17 reprend tout à zéro et on va y voir beaucoup plus clair. Nous avons,

18 largement, le temps aujourd'hui, heureusement. Madame Benjamin, reposez-lui

19 la question qui figurait dans la page que je vous ai indiquée.

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] C'est la ligne 26.

21 Est-ce que nous pourrions retrouver ce passage, je vous prie.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous aider, c'était à la page 26, lignes 24 et

23 25. Relisez la question que vous lui posez. Vous lui avez dit sur le

24 conflit et le jour du conflit : "Pouvez-vous dire à la Chambre ce que vous

25 avez vu ?" La réponse à la page 27, ligne 1, en anglais, il est marqué :

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1 "Les membres de l'ABiH." Mais moi, j'ai entendu et je l'ai écouté dans sa

2 langue, c'était une réponse plutôt interrogative. Il n'affirmait pas. Je

3 pense qu'en B/C/S, c'est ce que les défenseurs ont compris. Vous avez pris

4 pour un fait acquis, finalement, qu'il répondait, c'est les membres de

5 l'ABiH alors que lui, sa réponse était interrogative. Reprenez la question

6 qui figure aux lignes 24 et 25 de la page 26.

7 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur le Témoin, avant le début du conflit et le jour où le conflit

9 a commencé, c'est-à-dire, le 8 juin 1993, pouvez-vous dire à la Chambre de

10 première instance qui vous avez vu dans les rues de la ville, ce jour-là ?

11 R. Je vais vous expliquer. Le 8 juin, dans l'après-midi, devant le

12 monastère dans un transport de troupes de la FORPRONU, quelqu'un est

13 arrivé. Je ne sais pas ce qu'il portait comme -- quel était son grade. Je

14 pense qu'il était colonel Alagic qui se trouvait dans ce transport de

15 troupes. Avec lui se trouvait Salko Beba, avec qui je travaillais dans la

16 commission d'échange à Travnik. Je le connais bien. Salko, quant à lui,

17 portait un uniforme de camouflage, tout comme Alagic. Il est sorti du

18 transport de troupes du blindé, Alagic non. Je suis sorti. Je me suis

19 entretenu personnellement avec Alagic un certain temps. Salko Beba portait

20 un fusil automatique court qui était porté habituellement par la police

21 spéciale.

22 Le lendemain, le 9 août, avant que la FORPRONU ne nous fasse sortir de Guca

23 Gora, nous fasse sortir du monastère, quelqu'un est arrivé. Dzemo Merdan

24 est arrivé du monastère de Guca Gora. Je le connaissais bien parce que nous

25 nous sommes occupés des casernes de la JNA à Travnik. Il est officier haut

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1 gradé à l'heure actuelle. Je sais que ce qui nous est arrivé, nous est

2 arrivé du fait de l'ABiH et des personnes qui étaient subordonnées.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le

4 Président ?

5 Q. Monsieur Rajic, pourriez-vous dire à la Chambre de première instance

6 quel était le grade de Dzemo Merdan au sein de son unité ?

7 R. Je ne sais pas à quelle unité il appartenait. Je ne pense pas qu'il ait

8 appartenu à une brigade de Travnik. Je pense qu'à l'époque, il occupait une

9 certaine fonction, un certain rang au sein du 3e Corps de l'ABiH, mais je

10 ne saurais être plus précis. D'ailleurs, à l'époque, il ne portait pas

11 d'insigne sur son uniforme.

12 Q. Merci. Pour ce qui est des Mujahedins dont vous nous avez parlé dans

13 votre déposition, pourriez-vous, je vous prie, aider les Juges de la

14 Chambre --

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation

16 insiste pour revenir à une question à laquelle le témoin n'a pu répondre en

17 rapport avec les événements du 8 et du 9.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, vous revenez sur la question des

19 Mujahedins pour évoquer quelque chose d'autre ou bien pour demander au

20 témoin au moment où on découvre qu'il a rencontré

21 M. Alagic, M. Merdan, et M. Salko Beba ? Est-ce que votre question découle

22 du fait que le 9 juin il a vu ces gens-là, ou c'est une question autre

23 reliée à ce que vous aviez indiqué avant ? La Défense pense que vous

24 revenez à la charge pour que celui-ci reparle des Mujahedins, alors que on

25 ne voit pas du tout le fil conducteur de vos questions.

Page 2832

1 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, si mon

2 confrère de la Défense pouvait me permettre de terminer ma question, elle

3 verrait où je veux en venir. Le témoin a indiqué au début de sa déposition

4 qu'il était question de Mujahedins. Il nous en a parlé, je souhaitais

5 enchaîner avec ma question, mais on n'a pas laissé le temps de le faire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Reposez votre question pour qu'on la restitue

7 parfaitement.

8 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation]

9 Q. La question est très simple, Monsieur Rajic. Dans le cadre des réponses

10 que vous nous avez fournies précédemment sur les Mujahedins, pourriez-vous

11 dire aux Juges de la Chambre qui était responsable de ces Mujahedins, ou à

12 qui ils étaient subordonnés ?

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est moi qui

14 intervient cette fois-ci. Je me vois contraindre d'intervenir au lieu de ma

15 collègue, Mme Residovic. Il est évident qu'ici il s'agit d'une question

16 dont le but est de souffler la réponse au témoin. Par ailleurs, on demande

17 là au témoin son opinion.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette objection de la Défense, l'Accusation que

19 peut-elle nous dire ?

20 Oui, Monsieur Withopf, vous avez suivi --

21 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, la question est claire

22 et très directe, à savoir : Qui était responsable des Mujahedins ou alors à

23 qui étaient subordonnés les Mujahedins ? Il ne s'agit d'aucune manière

24 d'une question directive qui induit la réponse du témoin. C'est une

25 question importante et l'Accusation souhaite poser cette question au

Page 2833

1 témoin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Residovic.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis d'accord

4 avec la deuxième partie de la question qui a été posée par Me Ibrisimovic,

5 à savoir, qu'on demande là l'opinion du témoin. Car aucun fondement n'a été

6 établi par l'Accusation qui permettrait au témoin de s'exprimer sur une

7 question comme celle-ci.

8 Il s'agit d'un témoin de fait, et non pas d'un témoin à qui on demanderait

9 son opinion.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, oui.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

12 Juges, on ne demande pas l'avis de ce témoin. On ne lui demande pas son

13 opinion. Il a une formation militaire importante. On lui demande ce qu'il

14 savait, ce qu'il sait du lien de subordination de ces Mujahedins. On ne lui

15 demande pas son opinion. Il ne faut pas avoir de connaissance particulière,

16 de capacité particulière. On lui demande uniquement ce qu'il sait. Il ne

17 s'agit ni d'une question directive, ni d'une question qui demanderait au

18 témoin son opinion.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur le Témoin, dans le débat qui a opposé

20 la Défense à l'Accusation, l'Accusation vous a posé une question sur les

21 Mujahedins et vous a demandé qui les dirigeait, qui était leur chef, ou ils

22 étaient subordonnés à qui.

23 La Défense estime que dans cette question, il y a un risque potentiel que

24 la question est téléguidée dans la mesure où vous n'aviez pas vous vu

25 personnellement un des chefs de ces Mujahedins, et que le risque c'est que

Page 2834

1 votre réponse se relie à d'autres éléments que vous avez donnés afin que

2 des Juges entiers voient la confusion que ces Mujahedins dépendaient de

3 quelqu'un dont vous ne le dites pas précisément qui.

4 Dans cette procédure orale, vous témoignez sur des faits que vous avez vus.

5 Si on vous demande quel est le chef des Mujahedins ou vous avez vu un chef,

6 ou vous n'en avez pas vu. Mais si vous dites que c'est M. X ou M. Y que

7 vous n'avez jamais vu, à ce moment-là c'est une opinion personnelle que

8 vous donnée, ou c'est quelqu'un qui vous l'a dit. La Défense, elle ne peut

9 que s'incliner lorsqu'une question appelle de votre part une réponse, parce

10 que vous avez été témoin visuel. Si vous n'êtes pas témoin visuel d'un lien

11 hiérarchique ou d'un commandement sur ces Moudjahiddines, vous le dites.

12 Je reprends la question telle qu'elle vous est posée. Vous nous avez dit

13 qu'il y avait des étrangers qui sont arrivés à Travnik et dans d'autres

14 villages. Vous les avez décrits abondamment. Ces étrangers que vous avez

15 vus, avez-vous vu un chef ? Avez-vous un chef ? Est-ce qu'ils avaient un

16 chef ou bien c'étaient des éléments qui allaient, qui venaient.

17 Comme l'Accusation le fait valoir à juste titre, vous-même vous êtes dans

18 une structure militaire. Vous, vous savez ce que c'est qu'un chef. La

19 question, elle peut être précise. Parmi ces gens qui avaient des barbes,

20 des tenues spécifiques, des bandeaux, est-ce que vous avez vu qu'ils

21 étaient dirigés par quelqu'un ? Qu'est-ce que vous pouvez dire à cela, à

22 cette question ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais vous

24 exposer les choses telles que je les connais.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez vu que vous connaissez, parce que vous

Page 2835

1 avez un témoignage personnel, ou c'est quelque chose que vous avez vu à la

2 télévision ou vous avez lu ou on vous a dit ? Ce qui importe pour nous,

3 c'est ce que vous avez vu vous-même. C'est pour cela que vous êtes cité en

4 qualité de témoin, parce que vous êtes un témoin d'événements. Vous nous

5 dites ou j'ai vu cela à la télévision, ou on me l'a dit, ou j'ai lu cela

6 quelque part. Ce qui compte, c'est ce que vous aviez vu en 1993 dans cette

7 période avril, juin, personnellement. Est-ce que vous avez vu que ces

8 personnes qualifiées de Moudjahiddines, est-ce qu'ils avaient un chef ?

9 C'est cela la question que l'Accusation vous pose.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris votre question. Je

11 travaillais aux enquêtes sur les crimes de guerre commis à Travnik, crimes

12 impliquant des Croates. J'ai travaillé avec des centaines de témoins. J'ai

13 recueilli des déclarations. A plusieurs reprises, je me suis rendu au camp

14 d'Orasac. C'était en 1996. Les Moudjahiddines s'y trouvaient encore. Je me

15 suis entretenu avec quelqu'un qui se présentait comme cela, enfin, avant

16 qu'il n'arrive, personne ne souhaitait parler avec nous. Nous étions une

17 délégation mixte, ABiH et HVO. J'y ai été envoyé comme personne connaissant

18 le lieu. C'est la raison pour laquelle on m'a fait venir. Celui-là s'est

19 présenté comme étant Abu Aiman. Il parlait croate. Qui était leur chef, je

20 ne sais pas.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- en 1996. La question qu'on vous pose, c'est en

22 1993. Là, vous nous dites qu'en 1993 [comme interprété]. On découvre, parce

23 que comme je vous l'ai expliqué, nous, on n'a aucun document écrit. Là, on

24 découvre. Peut-être qu'il aurait fallu vous poser la question sur ce que

25 vous avez fait après. On découvre que vous avez fait partie d'une

Page 2836

1 commission d'investigation sur des crimes de guerre. Cette commission

2 regroupait, vous nous dites, des Croates et d'autres personnes. En 1996,

3 vous découvrez à ce moment-là, où

4 vous nous dites qu'il y avait un chef.

5 La question qu'on vous a posée, c'est 1993, pas 1996. Vous voyez la

6 différence ? La question qui vous est posée, c'est en 1993, au moment où il

7 y a ces expulsions de votre village, la question, elle est reliée à cet

8 événement, elle n'est pas reliée en 1996. La question, c'est qu'en 1993, au

9 moment où vous êtes expulsé des villages, l'Accusation vous pose une

10 question sur les Moudjahiddines en vous demandant, "Ces Moudjahiddines,

11 est-ce qu'ils avaient un chef ?" En 1993, pas en 1996. La question, si vous

12 ne savez pas en 1993, vous dites, "Je ne sais pas, donc, je ne sais pas.

13 C'est ce que vous dites.

14 Madame Benjamin.

15 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

16 permettez, j'aimerais peut-être aider les Juges de la façon suivante. La

17 question qu'on a posé au témoin était liée à sa réponse en page 8, lignes 1

18 à 12, au moment où il nous a décrit les différents endroits qui, au mois

19 d'avril 1993, étaient utilisés par les Moudjahiddines, les endroits où ils

20 étaient positionnés. C'est suite à cela que la question a été posée. Etant

21 donné que les Moudjahiddines étaient présents, pourriez-vous dire aux Juges

22 de la Chambre, et cetera.

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, notre collègue de

24 l'Accusation a mal interprété le compte rendu d'audience. Le témoin n'a

25 jamais dit qu'ils faisaient partie d'unités particulières, en tout cas,

Page 2837

1 dans cette partie-là du compte rendu d'audience. Il a dit où ils se

2 trouvaient, où ils étaient cantonnés mais il n'a parlé d'aucune unité.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, on pourrait peut-être tous

4 regarder la page 8 et les lignes 1 à 12. C'est ce qu'on va faire pendant la

5 pause, et on reprendra après la pause. Comme cela, tout le monde aura le

6 temps de se repencher sur cette question. Je pense qu'on va très vite

7 surmonter cette petite difficulté qui va être très simple à surmonter.

8 De toute façon, on est obligé de faire la pause. Il est quatre moins cinq.

9 Cela fait plus d'une heure et demie qu'on continue, à moins qu'en quelques

10 secondes, vous vouliez pour la réflexion des Juges, pendant le break, aider

11 les Juges qui vont se reposer, mais tout en réfléchissant. Posez votre

12 question.

13 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, très brièvement, le

14 témoin, au début de sa déposition d'aujourd'hui, a évoqué l'arrivée de

15 Moudjahiddines dans la région de Travnik. Par la suite, une question très

16 simple lui a été posée sur cette base, à savoir, à qui étaient subordonnés

17 les Moudjahiddines. Cette question n'induit pas la réponse du témoin et ne

18 demande pas au témoin de donner son avis. A cette question, la Défense a

19 émis une objection.

20 Ce que je suggère, compte tenu de la situation, serait que les Juges

21 rendent une décision en la matière, pour que les choses soient très

22 claires, soit l'Accusation est habilitée à poser cette question, soit elle

23 ne l'est pas, sinon nous risquons de perdre du temps. J'aimerais que les

24 Juges se prononcent et rendent une décision. L'Accusation, a-t-elle le

25 droit de poser cette question au témoin, à savoir, à qui étaient

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1 subordonnés les Moudjahiddines.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons en délibéré. Il est 4 heures

3 moins cinq. Nous reprendrons le cours de l'audience à 4 heures 25.

4 --- L'audience est suspendue à 15 heures 56.

5 --- L'audience est reprise à 16 heures 28.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

7 La Chambre a délibéré plus longtemps que prévu puisqu'on a dépassé le temps

8 que j'avais indiqué.

9 La Chambre rend la décision orale suivante : Compte tenu de la question qui

10 avait été posée de l'objection formulée par les Défenseurs.

11 La Chambre, après avoir délibéré, a constaté que le témoin avait fait tort,

12 au début de l'interrogatoire principal de la présence des Moudjahiddines à

13 Travnik en 1992 et 1993. La Chambre a par ailleurs constaté, qu'après des

14 questions ont porté sur des événements s'étant déroulés à Guca Gora, les 8

15 et 9 juin 1993.

16 Dans ce contexte, l'Accusation a posé alors au témoin, une question sur les

17 Moudjahiddines. Cette question, d'après le transcript, n'avait pour la

18 Chambre aucun lien avec les événements de Guca Gora. Cette question ainsi

19 posée était susceptible de donner l'impression qu'elle était liée aux

20 événements de Gura Gora.

21 La Chambre estime que l'Accusation peut poser au témoin une question sur le

22 lien de subordination des Moudjahiddines, mais seulement sur la base de ce

23 qu'il avait antérieurement déclaré sur la situation à Travnik, et sur la

24 base de sa propre expérience à Travnik, et non sur des résultats auxquels

25 il serait parvenu lui-même en 1996, en faisant partie d'une commission

Page 2839

1 d'enquête sur les crimes de guerre.

2 Tout cela pour dire que la question sur les Moudjahiddines, succédant à la

3 question sur des événements à Guca Gora, donne l'impression que

4 l'Accusation voulait faire un lien, et qui n'est pas possible de faire ce

5 lien.

6 Voilà, je redonne la parole à l'Accusation, qui peut bien entendu, poser

7 toutes questions au témoin sur le lien de subordination, mais uniquement

8 sur ce qu'en 1993, l'intéressé a vu et constaté lui-même, étant présent sur

9 les lieux, et non pas sur des résultats ou des extrapolations sur des

10 propos qu'il aurait entendus ou sur des résultats d'une enquête postérieure

11 en 1996.

12 Voilà. Par ailleurs, la Chambre estime qu'il serait aussi utile pour que

13 nous ayons bien l'environnement de l'intéressé, que l'Accusation mais si

14 l'Accusation ne le fait pas, ou la Défense dans le cas du contre-

15 interrogatoire, la Chambre aimerait également que l'intéressé donne des

16 éléments sur sa participation en 1996 à cette commission d'enquête, dans

17 quel cadre il a participé, à quelles fins, quelle était cette commission,

18 quelle était sa compétence, sa nature, son champ d'investigation. Mais ceci

19 étant découplé de la question des Moudjahiddines en 1993. Et s'il est cité

20 aujourd'hui, ce n'est pas pour répondre sur la commission d'enquête de

21 1996, mais uniquement sur des faits dont il a lui-même témoin en 1993.

22 Voilà, Monsieur Withopf, je vous redonne la parole.

23 La Chambre a quand même indiqué que la question donnait l'impression. Nous

24 ne disons pas que vous aviez l'intention de. C'était plutôt une impression

25 subjective que la Défense a relevée.

Page 2840

1 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur le

2 Juge, au début de votre explication relative à votre décision que vous

3 venez de nous donner, vous faites référence au fait allégué selon lequel le

4 témoin avait déposé au sujet de l'arrivée de Moudjahiddines en 1992, dans

5 la région de Travnik et plus tard en 1995. Si bien que les événements de

6 Guca Gora en 1993 ne se trouvaient pas dans ce contexte. Cependant je

7 souhaiterais attirer l'attention de la Chambre sur les réponses du témoin.

8 On lui a posé la question suivante, je cite : "Merci. Au début de l'année

9 1993, des soldats ou des individus ou autres que les soldats et les

10 individus de la région ont été observés. Pouvez-vous nous informer à ce

11 sujet."

12 Réponse : "On a vu d'autres personnes arriver, pas en 1993 mais avant, déjà

13 au cours de l'été 1992. Et au cours de 1993, on les a vus arriver, en plus

14 grand nombre. Ils se déplaçaient armés."

15 Plus loin, on demande au témoin si ces gens étaient désignés par un nom

16 particulier. Quand il parlait de ces étrangers le témoin a

17 dit : "On parlait d'eux en disant que c'étaient les Moudjahiddines." Si

18 bien que le témoin a déposé en nous disant que les Moudjahiddines étaient

19 arrivés à Travnik en 1992 et en 1993. Ce qui signifie que la question de la

20 subordination de ces Moudjahiddines, à qui étaient-ils subordonnés, découle

21 d'une réponse qu'il avait fait à une question précédente.

22 Comme vous le savez, certainement d'après l'acte d'accusation, Guca Gora

23 est un village qui se trouve dans la municipalité de Travnik. Ce qui

24 signifie que le témoin nous a dit qu'en 1993, il y avait des Moudjahiddines

25 à Travnik. La question qui se posait à ce moment-là était de savoir : "Qui

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1 était le commandant des Moudjahiddines à Travnik ?" Qui était le chef de

2 ces Moudjahiddines et ceci était une question qui était en rapport avec une

3 attaque lancée dans la région élargie de Travnik. Si bien, avec tout le

4 respect que nous devons à la Chambre, nous estimons que nous pouvons encore

5 poser cette question. Il ne s'agit pas d'une question directrice. Elle

6 n'exige pas de la part du témoin un degré de connaissance particulière. Si

7 bien qu'avec tout le respect qu'elle doit à la Chambre, l'Accusation lui

8 demande de revoir sa décision.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je me tourne vers les Défenseurs. Vous avez

10 entendu l'Accusation qui nous dit que l'intéressé, témoin, nous a expliqué

11 que les étrangers qualifiés de Moudjahiddines étaient arrivés à Travnik en

12 1992 et 1993. L'Accusation fait valoir que les événements du Guca Gora, qui

13 sont eux arrivés en 1993, ont la particularité que Guca Gora est dans la

14 zone administrative de la municipalité de Travnik. Et que l'Accusation peut

15 poser la question sur le lien de subordination des Moudjahiddines à

16 Travnik. Mais incluant évidemment que s'il y a une réponse qui est donnée à

17 cette question, cela inclut évidemment le fait que les événements de Guca

18 Gora, qui se sont passés en juin 1993, pouvaient avoir été commis par les

19 Moudjahiddines.

20 Voilà, c'est la thèse de l'Accusation alors et la Chambre nous demande de

21 revoir notre décision mais notre décision allait dans le sens de

22 l'Accusation. Mais on ne comprend pas très bien.

23 Je me tourne vers les défenseurs.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que vous

25 devez maintenir votre décision telle que vous l'avez rendue. Car suite à un

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1 certain nombre de questions, posées au témoin aussi bien par l'Accusation

2 que par les Juges, le témoin nous a relaté de manière exhaustive ce qu'il

3 avait vu à Guca Gora, au cours du mois de juin et il nous a également parlé

4 longuement des Moudjahiddines. S'agissant du lien de ce qu'il a vu, entre

5 ce qu'il a vu et ce qu'il a décrit à la Chambre et le conflit du 8 et du 9

6 juin, cela n'a absolument rien à voir avec ce que faisaient les

7 Moudjahiddines là-bas avant. Je ne comprends pas la thèse de l'Accusation,

8 la position de l'Accusation, mais je pense que même après les précisions

9 qui viennent de nous être données, par notre éminent confrère, je ne vois

10 pas très bien pourquoi, quand on parle des événements du 8 et du 9, je ne

11 vois pas très bien pourquoi on devrait poser des questions supplémentaires

12 au témoin au sujet du commandement des Moudjahiddines. De qui commandaient

13 les Moudjahiddines ?

14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'observation à faire.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, nous allons nous retirer quelques minutes. Ne

16 bougez pas, nous revenons dans quelques minutes.

17 --- L'audience est suspendue à 16 heures 41.

18 --- L'audience est reprise à 16 heures 43.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, après avoir délibéré à nouveau, estime

20 que l'Accusation n'a pas dû comprendre exactement ce qu'on a dit au départ.

21 Nous avons indiqué que l'Accusation pouvait poser au témoin toutes

22 questions sur la présence des Moudjahiddines à Travnik en 1992 et 1993, et

23 sur le lien de subordination de ces Moudjahiddines.

24 L'Accusation peut poser la question.

25 Nous avons même dit que l'intéressé pouvait aussi se voir poser des

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1 questions concernant les conclusions auxquelles il serait lui-même arrivé

2 en 1996, dans le cadre de cette commission, mais à ce moment-là ce n'est

3 plus un témoin direct, c'est un témoin par ouï-dire. En anglais c'est un

4 témoin ?hearsay?. Je pense que c'est une erreur d'appréciation sur la

5 portée de notre décision. Nous n'avons pas à revenir sur notre décision qui

6 vous donne la possibilité d'interroger le témoin sur les Moudjahiddines et

7 sur le lien de subordination de ces Moudjahiddines avec une personne, une

8 unité, une entité militaire.

9 Vous pouvez poser la question. Il ne vous est pas interdit de poser une

10 question.

11 Voilà. Je me tourne vers vous. Je pense que c'est une mauvaise

12 compréhension.

13 Madame Benjamin, poursuivez votre interrogatoire.

14 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

15 crois qu'on aurait préféré que je pose les questions dans l'ordre

16 chronologique du côté de la Défense mais j'ai choisi une autre façon de

17 procéder, voilà.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense que le problème vient de là, c'est-à-dire

19 que si les questions avaient été posées dans l'ordre chronologique, on ne

20 serait pas arrivé à cette situation. C'est le basculement d'une question

21 sur une autre qui a donné cette impression. Voilà. Je pense que c'est pour

22 cela que la Chambre a dit, que nous avons estimé qu'il n'y avait

23 inattention de votre part de téléguider une réponse, mais c'est

24 l'impression qu'on pouvait avoir. C'était une impression mais cela vient du

25 fait que vous n'avez pas suivi un ordre chronologique. Voilà. Essayez de

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1 suivre l'ordre chronologique et je pense qu'on évitera ce type de

2 difficulté.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.

4 Q. Monsieur Radic, pourriez-vous dire aux Juges à qui étaient subordonnés

5 les Moudjahiddines à votre avis ?

6 R. Je ne sais pas exactement de qui ils relevaient, mais je ne pense pas

7 qu'ils relevaient des chefs de brigade et commandants de brigade, parce

8 qu'une fois quand on a mis en place une commission conjointe pour aller à

9 Orasac, dans cette commission il y avait, Adnan Solakovic dont j'ignore le

10 grade, le Colonel Zimic, ils représentaient l'état major général de l'ABiH,

11 du côté du HVO, il y avait le Colonel Slavicek --

12 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je crois que le témoin est un petit

13 perdu là.

14 Q. Nous sommes en train, Monsieur, de parler de la période de 1993.

15 Initialement, je vous avais posé cette question au sujet d'événements qui

16 avaient eu lieu le 9 avril 1993. Mais sur la base de la réponse que vous

17 m'avez donnée à cette question : Je vous demande de qui, à votre avis,

18 relevaient les Moudjahiddines à ce moment-là.

19 R. Je pense qu'ils étaient subordonnés au commandement du 3e Corps de

20 l'ABiH.

21 Q. Est-ce que votre réponse serait la même pour le 9 juin 1993, afin que

22 les choses soient plus claires possible pour les Juges de la Chambre ?

23 R. Oui. Oui. Si vous me posez la question au sujet du 9 juin, je vous

24 répondrais la même chose.

25 Q. Merci bien. Monsieur le Témoin, pouvez-vous dire à la Chambre où vous

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1 résidez actuellement ?

2 R. Actuellement, j'habite à Vitez, qui se trouve à proximité de la

3 municipalité de Travnik.

4 Q. Merci beaucoup.

5 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai

6 terminé de l'interrogatoire principal.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'ai juste une précision à voir.

8 Questions de la Cour :

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a quelques minutes, vous avez indiqué à

10 l'Accusation que vous pensiez que le 9 avril et le 9 juin, les

11 Moudjahiddines relevaient d'un lien de subordination au commandement du 3e

12 Corps. Mais qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Comment vous arrivez à ce

13 constat ? Qu'est-ce qui vous le fait dire ? Parce que, ?quand on pense,? on

14 peut spéculer, on peut émettre une hypothèse, qu'est-ce qui vous le fait

15 dire de manière aussi sûre de vous ? Ou bien c'est une hypothèse. Je pense,

16 vous émettez cela à titre d'hypothèse ou à titre de certitude. Et

17 d'ailleurs, pourquoi le 9 avril et pourquoi le 9 juin ?

18 R. C'est la logique d'une réflexion, c'est une logique militaire. Parce

19 que la région où se trouvaient les Moudjahiddines à Travnik, c'était la

20 zone de responsabilité du 3e Corps de l'ABiH, cette zone.

21 Ensuite, j'ai été en mesure de confirmer cette opinion que je m'étais faite

22 quand on est allé à Orasac dans la municipalité de Travnik là où se

23 trouvait le camp des Moudjahiddines. Ce camp, il devait faire l'objet d'une

24 visite une commission conjointe composée de représentants de l'ABiH et du

25 HVO. J'ai déjà mentionné les noms des gens qui représentaient l'ABiH et de

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1 ceux qui représentaient le HVO.

2 Quand nous avons demandé --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

4 R. Je n'ai pas eu l'autorisation de m'y rendre, mais Adnan Zolakovic y

5 allait et le colonel Zimic aussi, Ivan Slavicek, qui représentait le HVO.

6 Ils sont allés sur place. Moi-même, je n'ai pas eu l'autorisation d'y

7 aller, mais je suis allé avec eux à Travnik.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro].

9 R. C'était vers la fin de l'hiver au début du printemps 1996, mais je ne

10 peux pas dire avec certitude, quand.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais donner la parole au Défenseur pour le

12 contre-interrogatoire. J'indique au témoin que le contre-interrogatoire a,

13 selon le Règlement de procédure plusieurs objectifs, notamment vérifier que

14 ce que avez dit est vrai, que vous êtes un témoin crédible et que ce que

15 vous avez relaté est directement lié aux faits de la cause.

16 La Défense peut également vous poser des questions sur le contexte

17 politique, militaire, historique de l'époque. D'habitude c'est l'expérience

18 qui le prouve, les questions portent sur un contexte général avant

19 d'arriver à des points très précis.

20 Voilà, mais je laisse à la Défense le soin de poser ses questions.

21 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :

22 Q. [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Bonjour

23 Monsieur Rajic. Je m'appelle Edina Residovic, je défends les intérêts du

24 Général Hadzihasanovic. Comme vient de vous l'expliquer le Président de la

25 Chambre de première instance, je vais vous poser un certain nombre de

Page 2847

1 questions, d'abord sur le contexte général, puisqu'il me semble que vous

2 pouvez répondre à un grand nombre de ces questions et que vous pouvez

3 informer la Chambre.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais dire au Président que ces

5 questions d'ordre général, au sujet de la situation à Travnik et dans la

6 région, ces questions ont un grand intérêt pour la Défense de mon client,

7 pour sa cause et c'est pourquoi je souhaiterais que vous me donniez la

8 possibilité de poser ces questions au témoin.

9 Q. Monsieur Rajic, autre chose que je souhaiterais vous demander : c'est

10 d'observer une pause avant de répondre à mes questions. Car comme vous le

11 savez, nous parlons la même langue et aussi bien mes questions que mes

12 réponses doivent être traduites dans deux langues. I faut permettre aux

13 interprètes de faire leur travail correctement afin que les Juges de la

14 Chambre puissent nous suivre.

15 Bien. En réponse aux questions de mes éminents confrères et en réponse aux

16 questions des Juges de la Chambre, vous nous avez dit que vous aviez déjà

17 déposé dans deux affaires ici, dans l'affaire Blaskic et dans l'affaire

18 Aleksovski , est-ce bien exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Lors de ces deux témoignages, vous avez déposé à décharge, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Dans l'affaire Aleksovski, vous avez déposé en août 1998, et dans

24 l'affaire Blaskic, vous avez déposé en décembre de la même année, n'est-ce

25 pas ?

Page 2848

1 R. Oui. Je crois que c'est cela.

2 Q. De surcroît, vous avez fait une déclaration au bureau du Procureur en

3 février 2000. Est-ce bien exact ?

4 R. Oui. Enfin, je ne sais pas exactement quand j'ai fait cette

5 déclaration, parce que j'ai rencontré des représentants du bureau du

6 Procureur à plusieurs reprises. Vous avez peut-être raison, effectivement,

7 s'agissant de la date.

8 Q. Merci beaucoup. Maintenant, j'aimerais avoir une précision au sujet

9 d'un point mineur qui, pour moi, n'est pas toujours précisé après les

10 questions qui vous ont été posées. Est-ce que c'est vrai que vous êtes né

11 dans la ville de Travnik ?

12 R. Oui.

13 Q. Travnik est une petite ville, mais une ville qui a une longue histoire,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous habitiez à Guca Gora, un endroit qui est très connu, qui est bien

17 connu et qui est situé non loin de Travnik, n'est-ce pas?

18 R. Oui.

19 Q. Etant donné que nous sommes confrères, que nous avons la même

20 profession, je vais vous poser la question suivante. Vous avez été diplômé

21 de l'Université de Sarajevo en 1992, mais vous avez obtenu votre diplôme

22 dans la branche de l'université qui se trouve à Zenica, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'anglais marque "1982," et j'ai eu en français

25 "1982" ou "1992".

Page 2849

1 LE TÉMOIN : [interprétation] 1982.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

3 Q. Jusqu'en 1990, vous avez travaillé comme avocat dans une entreprise, ou

4 comme juriste dans une entreprise. Vous étiez chargé de la rédaction, de

5 l'application, et cetera des textes juridiques, contrats, et cetera qui

6 étaient en vigueur dans cette entreprise.

7 R. Ce n'est pas tout à fait exact. Je la représentais également dans les

8 tribunaux.

9 Q. Vous avez rédigé des textes juridiques. Vous avez veillé à leur

10 application, et cetera. Vous avez défendu les intérêts juridiques de votre

11 entreprise. C'est là, la nature de votre expérience jusqu'à ce moment-là,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. En 1990, les premières élections multipartites ont été organisées en

15 Bosnie-Herzégovine. Ensuite, en février 1991 -- 1990 après les élections,

16 vous avez été nommé secrétaire du secrétariat pour la Défense nationale de

17 la municipalité de Travnik. Est-ce bien exact ? Il s'agissait du mois de

18 février 1991.

19 R. Oui, c'est exact. Toutefois, j'ai été dans un premier temps muté à la

20 municipalité, comme responsable du département militaire qui faisait partie

21 du secrétariat. Cela s'est passé le 4 octobre 1990 avant la tenue des

22 élections multipartites.

23 Q. Vous étiez un employé du secrétariat de la Défense nationale de la

24 municipalité, qui en fait, était le ministère municipal pour la Défense, et

25 ce, à partir de l'année 1990. Vous fûtes nommé secrétaire. En d'autres

Page 2850

1 termes, en février 1991, vous êtes devenu secrétaire par la Défense. Est-ce

2 bien exact ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Cet organe de la Défense était un organe qui fonctionnait au niveau de

5 la municipalité de Travnik. Votre secrétariat était un organe d'état qui

6 faisait partie inhérente du ministère de la Défense de la République de

7 Bosnie-Herzégovine. Est-ce bien exact ?

8 R. Oui, plus ou moins. C'est plus ou moins exact.

9 Q. Vous avez en fait détenu deux fonctions. L'une de votre fonction était

10 subordonné au ministère de la Bosnie-Herzégovine, et vous aviez une

11 deuxième fonction au niveau du comité exécutif de la municipalité, ou

12 plutôt au niveau de l'administration de la municipalité de Travnik. Est-ce

13 bien exact ?

14 R. C'est exact, par la suite.

15 Q. Conformément à la législation, vous étiez également membre du comité

16 exécutif de la municipalité du fait de votre fonction. Est-ce bien exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Une fonction juridique semblable était également détenue par le

19 secrétariat des Affaires intérieures. Est-ce bien exact ?

20 R. Je n'en suis pas si sûr. Je ne sais pas si ce secrétariat avait le même

21 rôle et les mêmes fonctions que mon secrétariat.

22 Q. Votre secrétariat, votre secrétariat pour la Défense nationale, avait

23 une structure ou appartenait à la structure civile plutôt qu'à la structure

24 militaire. Est-ce bien exact ?

25 R. C'est tout à fait exact. Il s'agissait d'un lien entre les autorités

Page 2851

1 civiles et les autorités militaires.

2 Q. A cette époque, à partir de 1991, et pendant toute la période où vous

3 avez été membre de ce secrétariat, il y avait trois départements dans ce

4 secrétariat. Il y avait la branche militaire qui s'occupait de la défense;

5 la branche civile qui s'acquittait des tâches du ressort de la défense

6 civile, et il y avait la branche de surveillance et de contrôle. Est-ce

7 bien exact ?

8 R. C'est tout à fait exact.

9 Q. Pour ce qui est de la branche ou du département militaire auquel vous

10 apparteniez, ils s'occupaient de la mobilisation des hommes en état de

11 combattre et de la mobilisation également de tous les hommes qui avaient

12 plus de 18 ans.

13 R. Oui. Tous les hommes en état de combattre jusqu'à l'âge de 60 ans.

14 Q. Lorsque quelqu'un a 18 ans, cette personne est appelée. Le service

15 militaire ou le département militaire, plutôt, lui envoie des papiers de

16 mobilisation dans le cadre du service militaire obligatoire.

17 R. C'est tout à fait exact.

18 Q. Après ce service militaire obligatoire, ces personnes étaient affectées

19 à des devoirs militaires de réserve. Ils étaient considérés comme des

20 membres de réserve de l'armée populaire yougoslave, des membres de réserve

21 de la Défense territoriale, des membres de réserve des forces de police ou

22 tous ceux qui avaient des obligations de travail au sein de leurs

23 entreprises respectives. C'est ainsi que la protection civile était

24 organisée. Est-ce bien ainsi que les choses se passaient, et est-ce bien

25 ainsi que vous consignez cela dans votre secrétariat ?

Page 2852

1 R. Oui, plus ou moins.

2 Q. En sus, la branche militaire de votre secrétariat avait également un

3 devoir et une obligation qui consistait à s'occuper des aspects logistiques

4 en cas de guerre et en cas de catastrophes naturelles. Est-ce bien exact ?

5 R. C'est tout à fait exact.

6 Q. Dans l'ex-RSFY et en Bosnie-Herzégovine, jusqu'à la guerre, nous avions

7 la JNA qui était la seule structure militaire. Il y avait la Défense

8 territoriale qui avait, une structure de commandement. Est-ce bien exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Avant la guerre, le commandant de la Défense territoriale en Bosnie-

11 Herzégovine était élu par l'assemblée de la république et la Défense

12 territoriale de la municipalité, à savoir, le commandant de la Défense

13 territoriale de la municipalité est élu par l'assemblée municipale.

14 R. Oui, mais je ne sais pas à quelle période vous faites allusion.

15 Q. Il y a deux périodes avant la guerre. Je pense que vous êtes beaucoup

16 plus expert que moi sur la question. Je pense que le commandant de la

17 Défense territoriale devait être confirmé par l'assemblée municipale.

18 R. Vous avez tout à fait raison. Puisque nous avons fait état de périodes,

19 je parlais de la période pendant laquelle la RSFY existait toujours. Il y a

20 la deuxième période, période qui correspond à la période où la Bosnie-

21 Herzégovine a proclamé son indépendance.

22 Q. Très bien. Merci.

23 Vous m'avez rappelé que dans l'ex-RSFY, en cas de guerre, il appartenait à

24 la Défense territoriale de se subordonner à l'armée populaire yougoslave et

25 à son commandement. Est-ce bien exact ?

Page 2853

1 R. Je le pense.

2 Q. Est-il exact de dire qu'au début de 1990, avant la tenue des élections

3 multipartites, l'ex-RSFY a entériné une décision conformément à laquelle

4 toutes les armes en possession de la Défense territoriale devraient être

5 placées sous le contrôle de l'armée populaire de la Yougoslavie ? Ce qui

6 fit ensuite l'objet d'abus, et ces armes ont ensuite été utilisées contre

7 la Bosnie-Herzégovine. Est-ce bien exact ?

8 R. Je n'en sais rien. Je n'en suis pas sûr. Toutefois, je sais que les

9 armes qui appartenaient à la Défense territoriale étaient conservées dans

10 des entrepôts spéciaux qui étaient gardés par la JNA.

11 Q. En cas de guerre, la police de réserve et la protection civile, le

12 département où le service de contrôle et de surveillance étaient placés

13 sous le contrôle de structures civiles, alors que la Défense territoriale

14 était une structure militaire. Est-ce bien exact ?

15 R. C'est tout à fait exact.

16 Q. Est-il exact que pendant toute la période où vous vous trouviez à

17 Travnik et après le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, les autorités

18 militaires de la municipalité ne se sont jamais organisées. Les autorités

19 civiles ont continué à s'acquitter de leurs tâches et les structures

20 militaires ont fait la même chose.

21 R. Je ne suis pas entièrement d'accord avec vous, car je pense qu'il y a

22 eu quand même une certaine interférence et un certain chevauchement. Si

23 nous parlons de ces deux structures. Je ne parlais pas de la JNA qui ne

24 participait pas, mais pour ce qui est de la Défense territoriale et

25 d'autres unités, d'autres formations qui existaient d'ores et déjà et qui

Page 2854

1 ne correspondaient pas, ou n'étaient pas placées sous le commandement d'une

2 structure militaire dans l'ex-Bosnie-Herzégovine.

3 Q. Ce que vous nous dites en d'autres termes, c'est qu'après le début de

4 la guerre et aux vues du rôle joué par les structures municipales et

5 politiques au sein des municipalités, elles ont continué à avoir une

6 influence assez considérable sur ou par rapport aux structures militaires.

7 Puis-je dire que leur influence prévalait ?

8 R. En cas de guerre ou en cas de danger de guerre, les structures

9 militaires à l'époque, et l'assemblée municipale, par exemple, ne

10 s'acquittaient plus de ses fonctions conformément à la loi en matière de

11 défense nationale de l'ex-Yougoslavie, qui était en vigueur en Bosnie-

12 Herzégovine, la présidence de guerre de la municipalité a été créée au vu

13 de ces conditions, la présidence de la guerre a assumé ce rôle, le rôle de

14 l'assemblée municipale, le rôle des structures politiques et d'autres. Cela

15 était stipulé par la loi. La présidence de Guerre était dirigée par le

16 président de l'assemblée municipale, et ce toujours conformément à la loi.

17 Q. Poursuivons. J'aimerais évoquer certaines choses qui se sont passées

18 avant la guerre. Est-il vrai de dire que le 6 avril 1992, la Bosnie-

19 Herzégovine a été reconnue comme état au niveau international ?

20 R. Je le crois.

21 Q. Est-il vrai que le même jour, la JNA et les forces serbes ont attaqué

22 Sarajevo, que cela a marqué le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Sarajevo a été attaqué. Sarajevo avait déjà fait l'objet d'un blocus,

24 mais je ne pense pas que cela correspond au début de la guerre en Bosnie-

25 Herzégovine. Le début de la guerre a commencé beaucoup plus tôt.

Page 2855

1 Q. La guerre a commencé avec l'attaque sur le village de Ravno avec

2 certains événements à Bijeljina, et cetera. Toutefois, l'attaque officielle

3 sur la capitale signifie que la guerre se poursuivait.

4 R. Je ne peux pas accepter cela. Pour moi, la guerre a commencé avant.

5 Cette guerre avait lieu, et elle a eu lieu en 1993 également.

6 Q. Monsieur Rajic, seriez-vous d'accord avec moi si je dis que la Bosnie-

7 Herzégovine a été le seul état connu qui, lors de la proclamation de son

8 indépendance a fait l'objet d'attaques, et pendant sa lutte pour obtenir

9 son indépendance, cet état a commencé à créer ses forces armées ? Etes-vous

10 d'accord avec cette idée ?

11 R. Je ne peux pas marquer mon accord avec cette idée, parce que lorsque

12 nous parlons de Bosnie-Herzégovine, j'ai voté lors du référendum, et j'ai

13 voté pour l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine qui était mon pays natal.

14 C'est pour cela que je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous parlez

15 du début de la guerre. Parce qu'auparavant, il y avait eu des préparatifs

16 de guerre. Cela était évident. Cela commençait par la Slovénie. Cela s'est

17 déplacé vers la Croatie. Cela a commencé en Bosnie-Herzégovine. A Travnik,

18 avant cela les Serbes, les Croates et les Bosniens ont commencé à

19 s'organiser, parce qu'il était déjà évident, à ce moment-là, que l'unité

20 n'allait pas leur être utile. C'est la raison pour laquelle je vous dis que

21 les forces armées de la Bosnie-Herzégovine ont commencé à être créées bien

22 avant cette date.

23 Q. Très bien. En tant que juristes, pouvons-nous nous mettre d'accord sur

24 certains faits ? Est-il vrai que le 8 avril 1992, après l'attaque de la JNA

25 contre Sarajevo, la présidence de la Bosnie-Herzégovine qui était l'organe

Page 2856

1 légitime de cet état, a proclamé l'imminence de la guerre ? Est-ce bien

2 exact ?

3 R. Je pense que c'est à ce moment-là que la guerre a été proclamée, mais

4 je n'en suis pas absolument sûr.

5 Q. Est-il exact que le même jour, la présidence est parvenue à une

6 décision conformément à laquelle la Défense territoriale à Bosnie-

7 Herzégovine a été proclamée comme forces armées de la Bosnie-Herzégovine ?

8 R. Je ne suis pas conscient de cette déclaration.

9 Q. Est-il exact, Monsieur Rajic qu'en mai 1992, la présidence a approuvé

10 une disposition juridique afférente à la défense et afférente aux forces

11 armées de la Bosnie-Herzégovine, conformément à cette disposition

12 juridique, ils étaient considérés comme les forces armées de la Bosnie-

13 Herzégovine ?

14 R. Je ne suis pas conscient de cette déclaration.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin le

16 texte de la disposition susmentionnée. Nous avons suffisamment

17 d'exemplaires pour les distribuer. Ainsi nous pourrons rappeler au témoin.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je me tourne vers la Défense avant de poser la

19 question, pouvez-vous indiquer à la Chambre, l'objet de la question de

20 contexte, puisque là il y a des textes --

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin était

22 secrétaire de la Défense territoriale de la municipalité de Travnik. Il

23 s'agit de documents juridiques, certains ont été obtenus ou émanent plutôt

24 de l'Accusation. Il s'agit de récits d'experts, d'autres sont des documents

25 afférents à d'autres affaires. Il s'agit de documents de base qui portent

Page 2857

1 sur les forces de l'ABiH. Mon client, en tant que, et commandant des forces

2 de l'ABiH, et c'est en ce sens que j'aimerais poser quelques questions au

3 témoin à ce sujet.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.

5 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous dire

6 dans un premier temps, que nous n'avons pas reçu d'exemplaire de ce

7 document, qui va être montré au témoin. Pour ce qui est de la dernière

8 question de mon estimé confrère, j'aimerais attirer l'attention de la

9 Chambre et du Conseil de la Défense sur le paragraphe 4 de l'acte

10 d'accusation amendé où il est indiqué que : "La présidence de la Bosnie-

11 Herzégovine a adopté le décret des forces de l'ABiH, qui ont été

12 officiellement établies en tant que l'ABiH."

13 L'Accusation ne comprend pas la pertinence des questions, pour poser cette

14 question, étant donné que les réponses pourront être trouvées par la

15 Défense dans l'acte d'accusation.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, alors nous pouvons

17 contester cela ou l'approuver. Je pense que si cela est utile à

18 l'Accusation, je ne comprends pas véritablement la pertinence de

19 l'intervention du Procureur ou de l'Accusation.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre contre-interrogatoire à partir du document en

21 date du 20 mai 1992, qui est un document de ce qu'il y a de plus officiel.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Voilà quelle est ma question : En tant que

23 secrétaire de la Défense territoriale pour la municipalité de Travnik,

24 j'aimerais savoir s'il savait que l'état de la Bosnie-Herzégovine avait

25 approuvé une loi qui portait sur la défense de la Bosnie-Herzégovine ?

Page 2858

1 R. Je n'étais pas au courant. Je n'ai jamais vu ce document au moment où

2 ces dispositions ont été approuvées, je n'étais plus secrétaire pour la

3 Défense territoriale. Du point de vue légal, j'étais encore le secrétaire,

4 puisque j'ai été le seul à y être élu, mais je n'y travaillais plus et

5 n'assumais plus aucune fonction en tant que secrétaire de la Défense

6 territoriale. Je n'avais aucun pouvoir sur les membres et les représentants

7 de la Bosnie. Je vois que cela porte la date du 15 novembre 1992, et

8 véritablement je ne sais absolument pas si mes collègues bosniens ou de la

9 Bosnie ont reçu ce document. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais

10 j'aimerais toutefois vous expliquer pourquoi je n'étais plus au secrétariat

11 de la Défense territoriale.

12 Q. Avez-vous été démis de vos fonctions.

13 R. Je n'ai jamais été démis de mes fonctions.

14 Q. Il est indiqué que cela a été publié dans le journal officiel le numéro

15 4, 1992. A la fin de la disposition vous voyez qu'il y a la date de la

16 publication. Mais la date du 15 novembre est la date où, dans le journal

17 officiel de l'ABiH, cette disposition fut l'objet à nouveau de publication.

18 Elle a été approuvée en mai et publiée en mai 1992. Voilà juste en guise

19 d'explication.

20 Je vous pose la question puisque vous n'avez pas consulté ce texte vous-

21 même, donc j'accepte votre réponse. Du fait de l'importance et de la

22 pertinence de ce document j'aimerais demander à la Chambre d'accepter cela

23 comme pièce à conviction pour la Défense.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce texte indique qu'il a été fait le 14 mai

25 1992, signé par le président Izetbegovic. C'est bien indiqué et que

Page 2859

1 l'Article 139 indique que ce décret, qui a force de loi sur la défense,

2 sera donc publié à la Gazette officielle de la RBH. Bien. C'est un document

3 officiel. L'Accusation n'y a pas d'objection au versement d'un document

4 qui a été établi par une autorité légale. Vous versez le document en B/C/S

5 et traduction en anglais, c'est bien cela ?

6 Bien. Monsieur le Greffier, donnez-moi un numéro B/C/S et un numéro de

7 traduction anglaise.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] La version B/C/S aura la cote DH29; et

9 la traduction anglaise se verra octroyer la cote DH29/E.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.

11 J'aimerais maintenant que nous montrions au témoin un autre décret qui a

12 force de loi. Il s'agit du décret qui fait état des forces de l'ABiH. Une

13 fois de plus, nous avons suffisamment d'exemplaires pour tout le monde.

14 Q. Monsieur Rajic, savez-vous que la présidence de la Bosnie-Herzégovine,

15 le 20 mai 1992 a adopté un décret ayant force de loi, qui portait sur les

16 forces de l'ABiH.

17 R. Je n'étais pas au courant de cela. Pour que je sois au courant, il

18 aurait fallu que je reçoive un exemplaire de la Gazette officielle de la

19 République de Bosnie-Herzégovine, ce que je n'ai pas obtenu. Je n'étais pas

20 au courant de cela.

21 Une fois de plus, je dirais qu'il s'agit d'une copie d'un texte. J'aimerais

22 pouvoir consulté la Gazette officielle de la République de la Bosnie-

23 Herzégovine et non pas la Gazette officielle des forces de l'ABiH parce

24 que, comme vous le savez pertinemment, seules les dispositions publiées

25 dans la Gazette officielle ou dans le journal officiel, quelque soit son

Page 2860

1 appellation à l'époque, était publiées. Ceci étant dit, je n'ai, jamais,

2 consulté ce document.

3 Q. Une fois de plus, afin de préciser la question, étant donné que

4 l'Accusation a fait allusion à la Gazette officielle des forces de l'ABiH

5 et qu'il y a eu un certain nombre de décrets et de documents juridiques du

6 domaine militaire, dans ce document, vous pouvez voir que ce décret a,

7 également, fait l'objet de publication dans le journal officiel de la

8 République de la Bosnie-Herzégovine en 1992, en mai 1992. Cela a été

9 répété, une fois de plus, il s'agit d'une autre publication dans la Gazette

10 officielle des forces l'ABiH. Voilà, pour le compte rendu d'audience et

11 pour préciser la question. Vous nous dites que vous n'avez, jamais, vu le

12 texte de cette disposition.

13 Est-ce que vous en avez entendu parler à la radio, par les médias ? Quand

14 est-ce que vous vous êtes rendu compte qu'il y avait eu création des forces

15 de l'ABiH ?

16 R. Je pense que j'en ai entendu parler. Exactement quand, je n'en sais

17 rien.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, la Défense produit une traduction

19 anglaise d'un décret qui est paru à la Gazette officielle de la République

20 de la Bosnie-Herzégovine. On a un document en B/C/S qui, apparemment,

21 reprend intégralement des articles puisque, dans le texte anglais, il y a

22 43 articles, dans le texte en B/C/S, il y en a, également, 43. Apparemment,

23 c'est le même texte. Le témoin, qui est un juriste, fait valoir que le

24 texte en B/C/S est extrait d'un document de l'armée. Effectivement, ma

25 connaissance du B/C/S n'est pas suffisante mais je vois, tout en haut, les

Page 2861

1 mots "Sluzbeni List, Armije BiH." Je présume que c'est une référence à un

2 document militaire. Le témoin dit, cela, c'est un texte militaire. Lui,

3 pour se prononcer, encore aurait-il fallu qu'il ait la copie de la Gazette

4 officielle.

5 La traduction s'appuie sur le texte militaire ou sur la Gazette ? Puisque

6 dans la traduction anglaise, il a marqué Gazette officielle et non pas le

7 texte militaire.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour que les choses

9 soient bien claires, j'aimerais préciser la chose suivante. L'Accusation

10 nous a remis ce texte accompagné de sa traduction anglaise avec les

11 documents pour le général Reinhardt. La traduction étant celle faite à

12 partir du journal officiel de 1992. L'Accusation ne nous a pas fourni la

13 traduction en bosniaque de ce texte. C'est la raison pour laquelle, nous

14 avons utilisé ce texte qui a été publié dans le journal officiel de

15 l'armée, quelques mois plus tard. Voilà en quoi, réside la différence.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : On y voit beaucoup plus clair. Cela sera inscrit au

17 transcript.

18 Sur une question de la Défense, la réponse du témoin et l'interrogatoire de

19 la Chambre, il apparaît, maintenant, que le texte anglais qui a été fourni

20 par l'Accusation à la Défense, d'ailleurs, il y a un numéro qui établit

21 bien que ce texte vient bien de l'Accusation, est un texte qui a été

22 traduit du B/C/S. Il aurait mieux valu que l'Accusation donne, en même

23 temps, le texte de B/C/S à la Défense. La Défense, qui n'avait pas le texte

24 en B/C/S, est allée regarder dans les documents de l'armée et a retrouvé ce

25 décret en B/C/S. On a l'explication du mystère. C'est bien cela.

Page 2862

1 Le témoin qui est un juriste éminent a, tout de suite, remarqué qu'il y

2 avait une différence dans les deux documents dans la mesure où le texte en

3 B/C/S venait de l'armée, alors que le texte anglais vient de l'Accusation

4 et a été une traduction de la Gazette officielle.

5 Ce que je pense le plus important, c'est que les 43 articles sont présents.

6 Poursuivez.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Rajic, est-il exact que l'article 2 de ce décret stipule que

9 les forces armées de la république sont constituées de l'armée de la

10 république, ci-après dénommée l'armée et que les forces de police et les

11 unités armées relevant du commandement unifié des forces armées de la

12 république ? Est-ce que c'est bien ce qui est écrit ?

13 R. Oui. C'est ce qui est écrit ici, effectivement, mais sur le terrain,

14 c'était loin d'être le cas. Vous le savez sans doute. D'ailleurs, cela

15 n'aurait, même, pas pu être appliqué sur le terrain parce que la Bosnie-

16 Herzégovine était constituée de trois peuples sur un territoire, qui

17 formait un tout. Pour que l'on applique ce que vous venez de citer, il

18 aurait fallu l'appliquer sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

19 Q. Je vous prie de ne pas vous écarter du sujet mais c'est bien ce qui est

20 écrit.

21 R. Oui, c'est bien ce qui est écrit mais enfin, on peut écrire ce qu'on

22 veut. Je pourrais écrire ce que je veux mais cela n'a aucune force.

23 Q. Revenons à la question, est-il vrai que jusqu'à la guerre et même par

24 la suite, la constitution de la Bosnie-Herzégovine garantissait une égalité

25 parfaite entre tous les peuples de la Bosnie-Herzégovine, les Serbes, les

Page 2863

1 Croates, les Musulmans et les Bosniens ? Est-il vrai que, de par la

2 constitution, l'égalité des trois peuples était garantie ?

3 R. Oui, effectivement. C'était une disposition constitutionnelle.

4 Q. Est-il vrai, également, que tous les organes de la république et des

5 municipalités étaient constitués de membres de ces trois peuples ? Est-ce

6 c'est exact ?

7 R. Dans les zones qui étaient des zones mélangées, multiethniques, c'était

8 le cas.

9 Q. Des membres de tous les peuples représentés sur un territoire donné ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-il vrai qu'après les élections multipartites de 1990, les

12 municipalités sont restées multiethniques par rapport à leur population,

13 sauf que d'autres ont proposé d'autres options politiques ?

14 R. Oui, à Travnik, c'était le cas.

15 Q. Juste avant la guerre, les organes à Travnik ont changé d'orientation

16 politique mais la structure nationale de tous les peuples est restée la

17 même ?

18 R. C'était le cas peu de temps après les élections parce que les Serbes, à

19 Travnik, qui occupaient certaines fonctions politiques et exécutives ont

20 quitté leurs fonctions et se sont retirés.

21 Q. C'était précisément là, l'objet de ma question suivante. Est-il vrai

22 que par la suite, au début de l992, des représentants du SDS ont quitté

23 leurs fonctions au sein de la municipalité et créaient leur propre pouvoir,

24 ou en tout cas, qui sont partis ? Est-ce que c'est exact ?

25 R. Oui.

Page 2864

1 Q. Dans les organes du pouvoir, des membres du peuple serbe sont restés

2 qui n'appartenaient pas à ce parti-là mais ils étaient moins nombreux.

3 R. Je ne sais pas si des représentants de la communauté serbe sont restés

4 membres de ces autorités, occupaient des fonctions officielles. Il y en a

5 certains qui sont restés à la municipalité, à des postes administratifs,

6 mais ils n'occupaient pas des postes à responsabilité.

7 Q. Est-il vrai qu'après le retrait des représentants du SDS dans les

8 autorités communes à Travnik, les Croates et les Musulmans sont restés ?

9 R. Oui. Après le départ des Serbes.

10 Q. Il y a peu, vous nous avez dit qu'au sein de la municipalité,

11 conformément à la loi, une présidence de guerre a été constituée. C'est

12 exact ?

13 R. Oui. Avant le départ des Serbes.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes collègues

15 viennent de me signaler quelque chose. Peut-être que j'aurais dû demander,

16 également, le versement, comme pièce à conviction de la Défense, de l'autre

17 décret que j'ai mentionné, celui concernant les forces armées. Pourrais-je

18 profiter de ce moment pour le faire avant que nous fassions une pause.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait.

20 En revanche, comme nous faisons, nous sommes en plein dans des questions

21 juridiques, ce décret-loi qui est fondé sur, apparemment, à l'Article LI,

22 paragraphe 3 de la constitution. Nous n'avons pas la constitution et encore

23 moins l'amendement. Peut-être que par la suite, vous aurez l'occasion de le

24 verser. Comme vous le savez, la hiérarchie des normes juridiques fait que

25 lorsqu'un texte fait référence à un autre texte encore faut-il le comparer

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1 à l'autre texte. Et là, je ne l'ai pas.

2 Puisqu'il est indiqué que ce décret-loi, qui est pris par le président

3 Izetbegovic, a été pris sur la recommandation du gouvernement. Apparemment,

4 la présidence avait capacité à prendre ce décret-loi. Mais on aimerait bien

5 avoir le texte constitutionnel. --

6 Cela sera produit, certainement, une prochaine fois.

7 Monsieur le Greffier, la Défense nous demande le versement du texte anglais

8 qui est la traduction de la Gazette officielle de la république et d'un

9 document émanant de l'armée et qui fait référence au même texte. Donnez-

10 nous un numéro ?

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le texte B/C/S se verra attribuer la cote

12 DH30, quant à la traduction anglaise il s'agira de la pièce DH30/E.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Il 17 heures 40, il vaut mieux faire une pause, nous

14 reprendrons à 18 heures et 05.

15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.

16 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons reprendre le cours de l'audience

18 dès que tout le monde sera présent.

19 Voilà, alors il nous reste quasiment une heure.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

21 Q. Monsieur Rajic, j'aurais eu encore une question à vous poser en rapport

22 avec ces textes de loi. Est-il vrai qu'au moment où ces textes ont été

23 adoptés, en d'autres termes dans la première moitié de l'année 1992, le

24 ministère de la Défense de la Bosnie-Herzégovine, était dirigée par M.

25 Jerko Doko, c'était le ministre de la Défense ?

Page 2866

1 R. Je sais qu'il était ministre en 1991. Jusqu'à quelle date est-il resté

2 ministre, est-ce que c'était en 1992, ou un autre moment, je ne sais pas

3 exactement. Est-ce qu'il était ministre au moment que vous venez d'évoquer,

4 je ne sais pas, c'est possible.

5 Q. Monsieur Jerko Doko est Croate, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Alors, maintenant, j'aurais aimé que nous revenions à un certain nombre

8 de questions dont vous nous avez parlées avec l'Accusation. Vous avez dit

9 que, vers la moitié de l'année 1992, au cours de l'été 1992, vous avez pu

10 constater à Travnik que des étrangers arrivaient. Là je paraphrase ce que

11 vous avez dit, mais vous avez dit que des personnes en provenance des pays

12 du Moyen-Orient et d'Afrique du nord ont commencé à arriver de Bizar [phon]

13 à Bangro [phon]. Est-ce que c'est exact ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez dit également --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : De mémoire, il n'a pas dit d'Afrique du Nord. Il ne

17 l'a pas dit. Sinon, voilà --

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il a parlé de l'Egypte, alors, j'ai pensé

19 qu'on pouvait parler d'Afrique du Nord. C'est la raison pour laquelle j'ai

20 dit que j'allais paraphraser ce qu'il a dit. Je n'ai pas cité ces termes

21 exacts.

22 Q. Mais peut-on dire que vous avez constaté des gens en provenance de pays

23 arabes arriver ?

24 R. Oui, plus ou moins.

25 Q. Vous avez dit également qu'ils venaient par l'intermédiaire

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1 d'organisations humanitaires, et que ces organisations humanitaires

2 disposées à différents endroits de Travnik, de leur siège.

3 R. Je pense qu'ils venaient dans le cadre d'organisations humanitaires

4 parce que j'ai vu qu'ils se trouvaient dans les locaux que les

5 organisations humanitaires avaient loués, organisations humanitaires basées

6 dans des pays arabes.

7 Q. Est-il exact qu'on les voyait le plus souvent avec des représentants de

8 ces organisations humanitaires et avec des membres de la communauté

9 religieuse de Travnik ?

10 R. Je ne sais pas s'il est coutume de rencontrer des représentants de ces

11 organisations humanitaires et je ne sais pas qui étaient les représentants

12 de ces organisations humanitaires, mais j'ai vu ces personnes à proximité

13 de ces locaux, à l'endroit où se trouvaient leurs bureaux. Quant aux

14 contacts qu'ils auraient pu avoir avec des représentants de la communauté

15 religieuse, enfin, si j'ai bien compris votre question, oui, j'ai vu qu'ils

16 fréquentaient différents représentants du peuple musulman à Travnik.

17 Q. En réponse à une question de l'Accusation, vous avez également dit

18 qu'ils se sont appropriés des armes de différentes manières, qu'ils ont

19 reçu des armes de différentes manières. Ma question est la suivante : est-

20 ce qu'à cette époque-là, au début de la guerre en 1992, à Travnik et

21 ailleurs, était-il visible qu'il y avait un marché noir d'armement ? Est-ce

22 que les gens essayaient d'acquérir des armes par ce biais ?

23 R. Oui. Je pense qu'il existait un tel marché noir des armes, mais, enfin,

24 je ne sais pas dans quelle mesure cela était illégal. Mais on peut dire

25 qu'en gros, toutes ces armes étaient achetées au noir en quelque sorte.

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1 Q. Ces Arabes, comment vous les appelez, venaient avec de l'argent et

2 pouvaient acheter des armes sur le marché noir, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, ils pouvaient le faire. Mais j'irais même plus loin, je dirais

4 qu'on disait qu'ils avaient de l'argent et qu'ils pouvaient acheter des

5 armes.

6 Q. Monsieur Rajic, peut-on dire qu'au cours de la même période de mai

7 1992, avril 1992 et pendant toute l'année 1992, surtout après la chute de

8 Jajce, des dizaines de milliers de personnes déplacées ont commencé à

9 affluer, personnes déplacées de la Krajina de Bosnie ?

10 R. Oui, effectivement. On dit que jusqu'à 120 000 personnes sont passées

11 par Travnik et certaines sont restées. Ces réfugiés étaient essentiellement

12 des Musulmans.

13 Q. Est-il exact que ces personnes passaient par Travnik et arrêtées pour

14 certaines, sans aucun bien, sans aucun effet personnel, car on les avait

15 chassés et expulsés de leur maisons ?

16 R. Oui, c'est exact. C'étaient des pauvres gens. D'ailleurs, moi aussi,

17 par la suite, j'en ai fait partie, et c'est exact.

18 Q. Est-il exact qu'après la chute de Jajce, dans le retrait des forces

19 militaires de ce territoire, des individus ou des groupes d'individus armés

20 sont arrivés à Travnik ?

21 R. Oui, effectivement.

22 Q. Est-il vrai qu'au cours de la même période, fin 1992, début 1993,

23 l'ABiH a essayé de faire en sorte que ces personnes soient mobilisées et

24 l'ABiH a essayé de les mettre sous son contrôle ?

25 R. Oui, mais pas uniquement ces gens qui venaient de Jajce, les réfugiés

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1 de la Krajina de Bosnie également, mais c'était avant la chute de Jajce.

2 Dans l'intervalle, à Travnik se trouvait déjà la 17e Brigade de Krajina et

3 elle a été constituée, en partie, des hommes en âge de combattre parmi ces

4 gens-là, qui avaient été chassés par l'Armée serbe de la région de la

5 Krajina de Bosnie. Je crois que tous les hommes avaient une sorte de

6 calendrier de guerre.

7 Q. Est-il vrai qu'en plus de ces réfugiés de nouvelles instances ont été

8 créées à Banja, Luka à Kotor Varos, la présidence de guerre de Kotor Varos,

9 notamment, et qu'ils ont essayé d'exercer une influence sur la population ?

10 R. A ce moment-là, je ne sais pas. Mais, par la suite, j'ai entendu parler

11 de ces organes après la fin de l'affrontement entre l'ABiH et le HVO.

12 Q. Précédemment, en réponse à des questions de ma part, vous avez dit que,

13 même avant le début de la guerre à Travnik, on se préparait progressivement

14 à la guerre. Est-il vrai qu'à ce moment-là, les préparatifs de guerre

15 étaient davantage le fait des organisations politiques et des partis

16 politiques et non pas des organes légitimes du pouvoir, à savoir, votre

17 secrétariat ?

18 R. Oui, je pense que c'était le cas parce que notre secrétariat n'a été

19 sollicité à aucune fin. J'ai pu obtenir certaines choses des entrepôts de

20 la Défense territoriale, une vingtaine de fusils à canons courts. Nous

21 avons également pu obtenir environ 400 armes à canons longs des forces de

22 réserve de la police.

23 Q. En parallèle aux organes légaux du pouvoir, certaines unités et

24 formations ont été créées d'un côté et de l'autre. Vous avez déjà répondu à

25 cette question. Alors, je passe à autre chose. Est-il vrai que la Bosnie-

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1 Herzégovine qui, le 22 mai, au moment où la République de Croatie est

2 devenue membre des Nations Unies, est-il vrai qu'il s'agissait du seul pays

3 internationalement reconnu dans la région ?

4 R. Il est clair que la Bosnie-Herzégovine était le seul état

5 internationalement reconnu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

6 Q. Jusqu'à la fin de la guerre, il n'y a eu aucune autre élection où le

7 pouvoir désigné en 1991 [comme interprété] aurait pu être changé ou on

8 aurait pu choisir de nouveaux dirigeants. Les premières élections n'ont eu

9 lieu qu'après la fin de la guerre.

10 R. Oui, effectivement, pour les élections c'est le cas. Mais à Travnik,

11 tout a changé même sans la tenue d'élections. Le président de l'assemblée

12 municipale, au lieu d'Izet Tamuric, qui est Bosnien,

13 quelqu'un d'autre a été désigné comme président de la municipalité, Muhamed

14 Curic. Enfin là, je vous parle uniquement des dirigeants qui étaient au

15 sommet. C'était la même chose pour les autres, donc tout ceux qui ont été

16 élus lors des premières élections, ne constituaient pas des autorités qui

17 étaient écoutées et respectées, par qui que ce soit.

18 Q. En réponse à une question précédente de ma part, vous avez dit qu'étant

19 donné que Sarajevo était complètement assiégé, de mai 1992, enfin c'est moi

20 qui rajoute la date du 2 mai, vous n'avez pas parlé de date. Vous avez dit

21 que les communications avec Sarajevo étaient extrêmement difficiles. Est-ce

22 que c'est vrai ?

23 R. Oui. Je pense que moi à l'époque je n'avais aucun contact avec

24 Sarajevo. Sauf le fait que parfois, je pouvais écouter les nouvelles qui

25 passaient à 10 heures. C'était la seule chose qu'on pouvait entendre.

Page 2871

1 Q. Monsieur Rajic, est-il vrai que Travnik, comme toute la Bosnie centrale,

2 dépendait de la liberté des communications et des passages des postes

3 frontières de la République de Croatie, donc Busovaca et Kiseljak d'un

4 coté, ou Gornji Vakuf et Prozor [phon], c'était la deuxième possibilité ou

5 encore vers l'ouest de l'Herzégovine vers la Croatie ?

6 R. Oui, c'est exact. Cette communication ne se faisait pas par des axes

7 routiers importants. L'essentiel de cette communication se faisait par des

8 routes de montagne en passant par Rostovo vers Gornji Vakuf, ou alors Vrana

9 pour aller plus loin. On ne pouvait pas emprunter les routes principales

10 qui existent d'ailleurs aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'à Gornji Vakuf,

11 Kupres et à d'autres endroits, les routes étaient coupées.

12 Q. Les routes étaient coupées parce que ces endroits se trouvaient sous

13 l'occupation, à ce moment-là, des forces serbes ?

14 R. Oui.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais à l'Huissière de montrer au

16 témoin deux cartes. Nous avons suffisamment d'exemplaires en notre

17 possession. J'aurais aimé que nous puissions faire en sorte que les choses

18 soient plus claires pour tous.

19 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, avec tout le

20 respect que je dois à la Chambre, je sais que la Défense a une certaine

21 marge de manœuvre dans son contre interrogatoire, mais j'aimerais voir,

22 j'aimerais savoir où elle souhaite en venir ? Dans quelle mesure cela est-

23 il lié à l'interrogatoire principal ? Je suis complètement perdu. Peut-être

24 que les Juges pourraient nous aider à y voir plus clair.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de poser

Page 2872

1 une question qui est directement liée à l'interrogatoire principal, elle

2 est liée à la situation à Travnik. Maintenant je vais poser une autre

3 question d'intérêt général parce que le témoin vient de me dire précisément

4 que les communications étaient cruciales pour comprendre la situation sur

5 le terrain.

6 J'aurais aimé que nous puissions montrer à la Chambre quelle était la

7 situation de Travnik et des régions environnantes.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : De toute façon la production d'une carte n'appelle

9 aucune observation. La carte permet de re situer la zone par rapport à la

10 région d'ensemble; et la deuxième carte est plus précise, puisque là on

11 voit Travnik. On a donc deux documents, vous abordez lequel, le premier ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais uniquement que le témoin

13 reconnaisse ces deux cartes parce que, par la suite, nous allons peut-être

14 revenir à des questions portant sur le même sujet, pour d'autres témoins.

15 Q. Ma question est la suivante : Monsieur le Témoin, est-ce que vous

16 reconnaissez les frontières d'une République sur l'une de ces deux cartes.

17 Si vous reconnaissez cela sur l'une des cartes, je vous demanderais de la

18 placer sur le rétroprojecteur pour que nous puissions tous le voir.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience,

20 pouvez-vous me dire que ces frontières sont les frontières de la Bosnie-

21 Herzégovine ?

22 R. Oui, je pense qu'il s'agit bien de ces frontières.

23 Q. Pouvez-vous me dire la chose suivante : au centre de la carte, peut-on

24 voir un encadré qui représente en gros ce qu'on appelle par Bosnie

25 centrale ?

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1 R. Oui, mais on ne peut pas vraiment dire que cela aille jusqu'à Sarajevo

2 complètement. Peut-être que cela continue également un peu plus bas vers

3 Konjic.

4 Q. Merci beaucoup nous avons entendu vos éclaircissements.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander

6 le versement au dossier de cette carte, pour que nous ayons également une

7 carte de la Bosnie-Herzégovine parmi des pièces à conviction.

8 Quant à l'autre carte --

9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro tout de suite. La première

10 carte sur la frontière de la Bosnie-Herzégovine. Monsieur le Greffier,

11 alors donnez un numéro pour la première carte, celle que l'on vient de voir

12 à l'écran.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] La première carte, montre toute la

14 Bosnie-Herzégovine, sera attribuée la cote DH31.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

17 Q. Monsieur Rajic j'aimerais que vous examiniez les axes routiers parce

18 que ma question précédente était liée a la question des communications.

19 Est-il vrai que la route principale vers la mer partait du nord de Bosanski

20 Brod en passant par Zenica, allant de Sarajevo puis Konjic, Mostar et

21 sortait enfin sur la mer en République de Croatie. Est-ce que c'était l'axe

22 routier principal en Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Pour moi les caractères sont trop petits, et je ne vois pas s'il

24 s'agit d'axes routiers, ou alors de cours d'eau parce qu'on voit ici des

25 axes qui se rapprochent beaucoup des fleuves Neretva Bosna, la Lasva et

Page 2874

1 Vrbas. Il est très difficile de s'y retrouver sur cette carte.

2 Effectivement, il est vrai que du nord au sud de la Bosnie, la route

3 principale passait plus ou moins par la vallée de la Bosna, de la Neretva,

4 et débouchait sur la mer.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois également

6 que l'Accusation, enfin je vais retirer cette pièce.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.

8 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation fait une

9 constatation. Nous avons constaté à plusieurs reprises que lorsque la

10 Défense souhaite demander le versement au dossier d'une carte, on ne voit

11 jamais l'échelle.

12 Si la Défense souhaite que ce témoin se prononce sur les axes routiers qui

13 se trouvent sur cette carte, alors la Défense devrait indiquer aux Juges de

14 première instance, et à l'Accusation si les axes routiers sur cette carte

15 correspondent à la période en question, à savoir 1993. Ni l'Accusation ni

16 les Juges de la Chambre ne sont en mesure de savoir si les routes, se

17 trouvant sur cette carte, sont bien les routes qui existaient en 1993.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser mais j'ai perdu

19 l'interprétation simultanée -- voilà, j'ai retrouvé le canal.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation fait valoir deux points. Premièrement,

21 on n'a pas l'échelle, ce qui est vrai. La carte, on ne sait pas à quelle

22 échelle elle est.

23 Et deuxièmement, concernant les axes routiers, comme on n'a pas d'échelle,

24 on ne peut pas évidemment connaître la longueur de ces axes routiers.

25 Par ailleurs, le témoin ne peut pas se prononcer sur votre question parce

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1 qu'il dit moi, je peux penser, également, qu'il s'agit de fleuve ou de

2 cours d'eau. On a un problème d'identification de votre carte.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Par ailleurs, troisième petit problème que le Juge

5 de la Chambre fait remarquer également, c'est que cette carte on ne sait

6 pas si c'est une carte de 1993 ou de 2004. On n'a pas la date, voilà.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin nous a

8 dit, en premier, qu'il ne voyait pas très clairement ce qui était

9 représenté sur cette carte. Suite à cette première remarque, j'ai dit,

10 immédiatement, que nous retirions cette carte. Nous pourrions éclaircir un

11 grand nombre de choses mais cela n'est pas nécessaire parce que pour cette

12 carte-là, pour cette pièce-là, et bien je ne demande plus le versement au

13 dossier. Je retire cette carte.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous retirez la deuxième alors.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] La deuxième.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Par contre, la première, vous ne la retirez pas.

17 Bien. Bon très bien.

18 Poursuivez.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

20 Q. Monsieur Rajic, revenons à un certain nombre de questions liées à vos

21 fonctions. Vous avez dit qu'il y a eu des changements sur le terrain.

22 Après la proclamation de la mobilisation générale au sein du secrétariat de

23 la Défense nationale de Travnik, vous vous êtes occupé de la mobilisation

24 de la population au sein des forces de l'ABiH, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, en partie. Votre affirmation n'est pas vraie en totalité parce

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1 qu'à l'époque, je n'étais plus secrétaire, enfin sur papier je l'étais,

2 mais je n'avais plus de moyens à ma disposition. Voilà, quelle était la

3 situation sur le terrain. J'étais chargé du recrutement pour les unités du

4 HVO. Quant aux Bosniens qui travaillaient avec moi, mes collègues bosniens,

5 ils s'occupaient de constituer les unités de la Défense territoriale à

6 l'époque, mais également, d'autres formations parce qu'il n'avait pas que

7 la Défense territoriale. Il y avait d'autres formations.

8 Voilà ce que je souhaitais dire pour préciser les choses. A l'époque, je ne

9 pouvais pas adresser un avis de mobilisation à un membre de la communauté

10 musulmane.

11 Q. Donc de par le fait, vous n'avez mobilisé que les Croates aptes

12 physiquement pour le conseil de la défense croate ?

13 R. En partie uniquement, parce que les unités étaient, aussi, chargées de

14 trouver des renforts. Ce n'était pas, uniquement, le secrétariat qui

15 s'occupait de cela.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais présenter au témoin un

17 document dont nous disposons aussi bien en français, en anglais qu'en

18 B/C/S. Ce document, c'est la Défense qui l'a trouvé dans le dossier Kordic.

19 Dans l'affaire Kordic, il s'agissait d'une pièce à charge, d'une pièce de

20 l'Accusation.

21 De plus, je souhaiterais qu'on présente au témoin un autre document qui est

22 le même document mais tel qu'il est publié dans le journal officiel de la

23 communauté croate de Herceg-Bosna. Pour ce qui est de cette version, nous

24 n'en disposons qu'en B/C/S et en anglais. Mais nous avons, suffisamment,

25 d'exemplaires pour tout le monde.

Page 2877

1 Q. Monsieur Rajic, est-ce qu'il s'agit d'une décision sur la mise en place

2 de la communauté croate d'Herceg-Bosna qui a été promulguée le 18 novembre

3 1991 avant d'être publiée, ultérieurement, dans le journal officiel de la

4 communauté croate d'Herceg-Bosna en septembre 1992.

5 R. Oui, il s'agit de la décision. C'est la première fois que je la vois.

6 A l'époque, les représentants des partis politiques avaient leur mot à dire

7 et ils sont intervenus. Je n'étais pas membre du HDZ à l'époque, parce que

8 je n'ai adhéré qu'en 1992 ou en 1993. Je ne me souviens plus bien. Si bien

9 que je n'ai assisté à aucune des réunions concernées. Je sais,

10 effectivement, que cette décision a été publiée dans le journal officiel.

11 Mais je ne l'ai jamais vue, je n'ai, jamais, vu cette décision précédemment

12 sous la forme qui m'est montrée aujourd'hui.

13 Q. Vous l'avez vu au moment que cela a été publié dans le journal

14 officiel ?

15 R. Oui. C'est vrai mais je savais que cette décision existait avant.

16 Cependant je ne savais pas qui était ceux qui étaient informés, qui étaient

17 concernés par la proclamation de cette communauté.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Etant donné qu'on a remis au témoin une

19 copie de la décision publiée dans le journal officiel, je signale que

20 c'est, exactement, la même chose; c'est-à-dire la seule différence entre

21 ces deux documents, c'est que sur l'un, il y figure la liste des personnes

22 qui étaient présentes au moment où la décision a été adoptée. Je

23 demanderais le versement au dossier de ces deux documents.

24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.

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1 M. WITHOPF : [interprétation] Bien que, j'insiste sur ce fait, le fait de

2 la proclamation de la communauté croate d'Herceg-Bosna de son existence, le

3 18 novembre 1991, bien que cela donc soit repris au paragraphe 5 de

4 l'Annexe du troisième acte d'accusation modifié. Sur le principe, nous

5 avons une objection quant au versement au dossier de ce document.

6 Pourquoi ? Parce que le témoin a dit, très clairement, qu'à aucun moment,

7 il n'a participé à la prise de cette décision. Le témoin nous a dit,

8 certes, que cette décision a été publiée au journal officiel. C'est un

9 document officiel, bien entendu que cela a été publié dans le journal

10 officiel. Mais le témoin ne peut rien ajouter, le témoin ne peut rien nous

11 apprendre au sujet de ce document. Si bien que nous, du côté de

12 l'Accusation, nous nous opposons au versement au dossier de ce document sur

13 le principe.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Il me semble de mémoire que le témoin a dit que ce

15 document, il ne le connaissait pas parce qu'il ne l'avait pas vu ou lu. Il

16 nous a dit qu'il en avait eu connaissance. Il en connaissait l'existence.

17 Monsieur le Témoin, ce texte qui est une décision qui créé la communauté

18 croate, vous nous avez dit que vous ne le connaissiez pas, que vous ne

19 l'aviez pas vu. Il me semble que vous avez dit que vous en aviez entendu

20 parler. Vous saviez que cette décision avait été prise. Pouvez-vous

21 préciser ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] La première fois que j'ai reçu ce texte

23 c'était un an après la proclamation. Ensuite, j'ai pris connaissance du

24 contenu de ce texte. Je connais des gens de Travnik qui ont participé à

25 tout cela. Je sais que la communauté croate de Herceg-Bosna a été

Page 2879

1 proclamée, effectivement.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que ce texte, qui a été délibéré le

3 18 novembre 1991, vous l'avez eu un an après, c'est-à-dire, en novembre

4 1992 ou fin 1992.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à la fin de 1992. On peut voir que la

6 publication dans le journal officiel a été réalisée en septembre 1992.

7 C'est seulement après que j'ai pu lire le texte, en prendre connaissance,

8 parce que c'est seulement après cela que j'ai pu me procurer ce document,

9 mais jamais avant.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que ce texte, vous l'avez eu entre

11 vos mains, que vous l'avez lu à la fin de 1992.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette précision du témoin, est-ce que

14 l'Accusation maintient que le fait que l'intéressé n'a, jamais, eu

15 connaissance de ce document ? Alors qu'il nous dit qu'il en a eu

16 connaissance en fin de 1992, c'est-à-dire, avant la période des faits

17 mentionnés dans l'acte d'accusation. Monsieur Withopf, qu'est-ce que vous

18 nous dites ? Est-ce que l'Accusation peut nous dire quelque chose ?

19 Je rappelle que dans l'acte d'accusation, il y a une référence très précise

20 à la création de cette communauté, il est indiqué ceci : "Le 18 novembre

21 1991, en se présentant comme un ensemble politique, culturel, économique et

22 territorial distinct sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, la HZHB

23 visait", et cetera. Il y a une référence explicite dans l'acte

24 d'accusation. Lui, nous dit moi, j'ai eu connaissance de ce document fin

25 1992. Les faits qui sont dans l'acte d'accusation sont janvier, avril, juin

Page 2880

1 1993, donc postérieur. Alors est-ce que l'Accusation s'oppose, toujours

2 formellement, au versement de ces documents, Monsieur Withopf ? Est-ce que

3 vous vous opposez ?

4 Alors que l'intéressé nous dit qu'il en a eu connaissance en 1992, fin

5 1992.

6 M. WITHOPF : [interprétation] C'est justement là la question, Monsieur le

7 Président. Quel est l'intérêt pour nous, dans ce procès, d'un document qui

8 est, simplement, censé prouver de ce qui figure déjà dans l'acte

9 d'accusation. Je ne vois, absolument, pas la nécessité de verser au dossier

10 ce qui est, déjà, écrit dans l'acte d'accusation. D'autre part, le témoin

11 n'est pas en mesure de nous donner des informations supplémentaires. Il ne

12 peut ajouter rien de plus à ce qui figure, déjà, dans l'acte d'accusation.

13 Nous allons nous retirer quelques minutes pour en délibérer, que personne

14 ne bouge. Cela ne va pas durer très longtemps. Nous revenons dans quelques

15 minutes.

16 --- L'audience est suspendue à 18 heures 42.

17 --- L'audience est reprise à 18 heures 46.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

19 La Chambre admet le versement de ce document dans la mesure où la

20 constitution de cette communauté est, expressément, mentionnée dans l'acte

21 d'accusation et qu'il sert à illustrer le contexte politique, historique,

22 militaire de l'époque.

23 Bien. On va donner des numéros parce qu'il y a deux séries de documents.

24 Monsieur le Greffier, on a un document B/C/S anglais et français. Il nous

25 faut un numéro avec les trois mentions.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document sera la pièce DH32 pour la

2 version en B/C/S. DH32/E pour l'anglais et DH32/F pour la version en

3 français.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Le second document, puisqu'il y a un deuxième

5 document, qui lui est B/C/S et traduction anglais, qui a la référence

6 00311937, et cetera.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] La version en B/C/S sera DH33, et la

8 version en anglais sera DH33/E.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : J'invite la Défense à accélérer.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois vous dire

11 d'emblée que je ne pense pas être en mesure d'en terminer avec le contre-

12 interrogatoire du témoin ce soir. Je vous demande toute votre

13 compréhension, parce que ce témoin avait eu un poste important dans la

14 municipalité de Travnik, si bien, qu'il peut contribuer, de façon

15 importante, à établir la vérité.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites qu'il va falloir continuer demain.

17 Bien. Monsieur le Témoin, vous avez compris qu'il y a un problème. Il va

18 falloir revenir demain matin. Il n'y a pas de problème pour vous,

19 spécialement.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons continuer jusqu'à 19 heures, et nous

22 interromprons à 19 heures.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais que le témoin examine la

24 décision en question qu'il a due recevoir, vu ces fonctions à Travnik, la

25 décision qui était publiée dans le journal officiel. Parce que j'ai deux ou

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1 trois questions à lui poser au sujet de ce document, pas plus.

2 Q. Est-il exact qu'au point 2 de ces dispositions, à l'Article 2, on

3 indique les municipalités qui constituent la communauté croate d'Herceg-

4 Bosna ?

5 R. C'est ce qu'il y est dit, ici, effectivement.

6 Q. Est-il exact que les municipalités de Jajce, Travnik, Fojnica, Kakanj,

7 Bugojno, Gornji Vakuf, Konjic, Jablanica, Mostar et Stolac, figurent sur

8 cette liste, et qu'il s'agit de villes où d'après le recensement de 1991,

9 la population était à majorité bosnienne et musulmane, que l'on prenne en

10 compte la majorité absolue ou la majorité relative dans ces villes ?

11 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne suis pas sûr que ce que vous avancez

12 corresponde à la réalité. J'ai une liste, mais je ne l'ai pas là, sur moi.

13 J'ai une liste qui reprend les résultats du recensement en Bosnie-

14 Herzégovine. Je pourrais vous répondre si je pouvais la consulter, mais je

15 ne connais pas cœur la composition des municipalités que vous indiquez. Il

16 est vrai qu'à Travnik, les Musulmans et les Bosniens représentaient la

17 majorité relative.

18 Q. Merci. Est-il exact qu'à partir de cette décision, toutes les

19 communautés, sur la base de cette décision, on voit toutes les

20 municipalités de la vallée de la Lasva, Vitez, Busovaca, Travnik et Nova

21 Travnik, et cetera ?

22 R. C'est exact. On voit ces municipalités indiquées dans cet article. Il y

23 en a d'autres de Bosnie centrale qui ne sont pas indiquées ici, et qui

24 étaient concernées. D'autre part, elles étaient inclues dans cette

25 organisation pour la population croate.

Page 2883

1 Q. Monsieur, savez-vous que cette décision portant création de la

2 communauté croate d'Herceg-Bosna a été prise sans consultation des

3 autorités légales de Bosnie-Herzégovine et sur leur approbation ?

4 R. Voyez-vous, si vous m'interrogez sur les autorités légales qui ont été

5 mises en place après les premières élections démocratiques de Bosnie-

6 Herzégovine, effectivement, elles n'ont pas donné leur approbation. Si vous

7 me demandez s'il s'agissait de ce qui restait de ces autorités bien que je

8 n'ai pas participé moi-même. Je pense que ce n'était pas nécessaire. On

9 n'avait pas besoin d'une autorisation venant d'autorités qui, de fait,

10 avaient cessé d'exister.

11 Q. Oui, mais nous sommes en train de parler d'instances qui représentaient

12 la Bosnie-Herzégovine qui venait d'être reconnu comme un état indépendant

13 au sein de l'ONU, la Bosnie qui avait été reconnu par la communauté

14 internationale, soit des autorités qui représentaient la Bosnie-Herzégovine

15 avec ses relations avec le monde extérieur. Est-ce que vous estimez que ces

16 institutions n'étaient légales ?

17 R. Je ne sais pas de quoi vous parlez, de la présidence ou quoi ?

18 Q. La présidence, l'assemblée générale, le ministère, et cetera.

19 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il y avait la présidence, mais je ne connais

20 pas la manière dont tous ces autres organismes fonctionnaient.

21 Q. Cette décision, elle a été prise, sans consulter ces organismes, ou

22 sans consulter cet organisme qui existait jusqu'à un certain temps ?

23 R. [aucune interprétation]

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on présente au

25 témoin un autre document que nous avons en B/C/S et en anglais qui vient du

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1 journal officiel de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Ce document vient

2 du dossier Martinovic et Naletilic. C'est de là que nous avons trouvé ce

3 texte. C'était une pièce à conviction de l'Accusation.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.

5 M. WITHOPF : [interprétation] On voit qu'il est indiqué au compte rendu

6 d'audience qu'on est dans "l'impossibilité de faire la différence entre la

7 question et la réponse." Je voudrais demander à mon éminente consoeur de

8 bien faire attention, à faire des pauses afin qu'on puisse distinguer les

9 questions et les réponses.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

11 Q. La dernière question que j'ai posée, c'était de savoir si cette

12 décision, elle avait été prise sans consulter ces organes, ces instances.

13 Vous avez répondu : "Sans consulter l'instance qui existait à l'époque."

14 A mon avis, il n'y a pas d'autres questions, parce qu'ensuite, j'ai demandé

15 à ce qu'on présente au témoin un nouveau document. Est-ce bien exact,

16 Monsieur Rajic ? En réponse à ma question, vous avez dit qu'effectivement,

17 il y avait juste une instance qui était fonctionnelle et vous parliez de la

18 présidence.

19 Q. Oui, c'est ce que je pense. C'est ce que je crois. Je ne sais pas s'il

20 a donné son aval, mais ce que j'ai, c'est que cet organe, cet organisme

21 n'avait pas donné son aval. Enfin, c'est mon idée personnelle. Quant à

22 savoir s'il a donné son aval ou pas, cette présidence, je ne sais pas,

23 parce que je n'ai pas participé à tout cela.

24 Q. Devant vous, vous avez la décision de la communauté croate d'Herceg-

25 Bosna en date du 8 avril 1992 sur la mise en place du conseil de la Défense

Page 2885

1 croate. Est-ce bien exact ?

2 R. Oui, c'est ce que je vois ici.

3 Q. Cette décision, elle a été publiée elle aussi dans le journal officiel

4 de la communauté croate d'Herceg-Bosna en septembre 1992. Avez-vous pris

5 connaissance de cette décision ? L'avez-vous vue ? Est-ce que c'est suite à

6 cette décision qu'ont été formées les unités du HVO ?

7 R. Il est possible que j'aie vu cette décision ainsi que l'autre décision

8 à peu près au même moment, parce que je pense qu'ils ont été publiés dans

9 le même numéro du journal officiel. Vous dire si j'ai vu cette décision

10 avant, non, je n'aurais pas pu la voir. Je ne me souviens pas exactement

11 quand je l'ai vue. Si j'ai vu l'autre décision, j'aurais également dû voir

12 celle-la. Pour ce qui est de la mise en place du HVO en tant que formation

13 militaire du peuple croate en Bosnie-Herzégovine et à Travnik, c'est exact.

14 Q. Est-il exact, Monsieur Rajic, qu'au terme de cette décision, le conseil

15 de la Défense croate est institué comme étant l'organe suprême chargé de la

16 défense du peuple croate, et à l'Article 2, il est stipulé que "Le conseil

17 de la Défense croate est chargé de la défense de la souveraineté de la

18 communauté croate d'Herceg-Bosna" ? Est-ce que ce sont des dispositions que

19 vous connaissiez au moment où vous avez reçu le texte de cette décision ?

20 R. Je le sais. J'ai également déclaré qu'il y avait des régions où les

21 Croates s'étaient organisés. Elles ne sont pas mentionnées dans ces

22 dispositions portant fondation de cette communauté.

23 Q. Par exemple, Zenica ?

24 R. Non. Par exemple, Zepce.

25 Q. Bien. Au début de notre entretien, --

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Etant donné, que nous sommes arrivés

2 pratiquement à la fin de l'audience, peut-être vaudrait-il mieux que je

3 demande à ce que cette décision soit versée au dossier, peut-être pourrait-

4 on finir pour aujourd'hui. J'aurais besoin d'un petit peu plus d'une demi-

5 heure demain.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

7 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plait.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, nous découvrons des textes

9 importants qui sont produits par la Défense. J'aimerais connaître votre

10 sentiment sur le fait que le premier document qui est la décision du 18

11 novembre 1991, qui est traduit en anglais et en français, en son Article 8,

12 indique que l'organisation, son fonctionnement et des rapports avec les

13 autres communautés sont régis par un statut. Vous nous avez dit tout à

14 l'heure que ce document, vous en avez eu connaissance à la fin 1992.

15 La Défense produit un nouveau document qui se réfère toujours à cette

16 décision du 18 novembre 1991, mais la lecture montre que le premier

17 document du 18 novembre 1991 a été amendé le 3 juillet 1992. Je ne retrouve

18 plus dans les articles, l'Article 8 qui devient article 9. Dans l'Article

19 9, il est dit que "L'organisation interne de cette communauté et ses

20 relations avec les autres communautés, seront organisées par des

21 instruments séparés," et au pluriel; alors que dans le premier texte,

22 c'était au singulier par un statut.

23 Ce fameux document que vous avez découvert fin 1992, il apparaît par les

24 pièces produites qu'il a été amendé au mois de juillet 1992. Est-ce que

25 vous saviez que ce document avait été amendé, avait été transformé ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le savais pas. Lorsque j'ai vu ces

2 documents, et d'ailleurs je ne les ai consultés que lorsqu'ils ont été

3 publiés dans le journal officiel, je ne suis absolument pas au courant des

4 amendements que vous venez de mentionner.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que vous les avez découverts quand ils

6 ont été publiés au journal officiel. Cela a été publié à quelle époque,

7 d'après vous ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux voir ici que cela s'est fait en

9 septembre 1992. Normalement, la communication était assez mauvaise. Nous

10 n'obtenions pas les copies à temps. Nous ne les obtenions pas le jour même

11 ou le lendemain d'ailleurs non plus. Je suppose que j'ai dû recevoir ces

12 documents à la fin de l'année.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vouliez verser le document qui a été publié

14 dans la Gazette officielle. C'est bien cela ?

15 Mme RESIDOVIC : Oui. Tout à fait, à propos de la création du HVO.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous faut un numéro étant précisé qu'on a anglais

17 et B/C/S.

18 Monsieur le Greffier.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce à conviction en B/C/S se verra

20 attribuer la cote DH34, la traduction anglaise se verra attribuer la cote

21 DH34/E.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

23 Le mieux, c'est de continuer demain. On continuera les questions à partir

24 de demain à 9 heures.

25 Monsieur le Témoin, malheureusement pour vous, vous allez être obligé de

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1 passer une nuit supplémentaire à La Haye. Comme vous le savez, vous avez

2 prêté serment, vous n'avez plus le droit de voir quiconque d'ici demain.

3 Vous n'avez pu avoir de contact avec l'Accusation ni avec la Défense. Je

4 vous invite à revenir pour l'audience qui va démarrer demain à 9 heures. Je

5 vous remercie.

6 Je vais demander à Mme l'Huissière de vous raccompagner à la porte de la

7 salle d'audience.

8 [Le témoin se retire]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je me tourne vers l'Accusation. Dans le

10 planning, nous avons ce témoin demain, plus certainement un autre témoin.

11 Monsieur Withopf.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Est-ce que nous

13 pourrions passer à huis clos partiel.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos partiel.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

16 maintenant à huis clos partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

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14 --- L'audience est levée à 19 heures 08 et reprendra le mardi 17 février

15 2004, à 9 heures 00.

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