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1 Le mardi 16 mars 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-01-47-
8 T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je demanderais aux représentants de l'Accusation de
10 bien vouloir se présenter.
11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,
12 Monsieur le Président. Nous sommes Ekkehard Withopf et Daryl Mundis pour
13 représenter l'Accusation, avec Mme Ruth Karper.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Monsieur Withopf.
15 Je me tourne vers les conseils de Défense, s'il vous plaît.
16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
17 Madame et Messieurs les Juges. Nous représentons les intérêts de M.
18 Hadzihasanovic, et nous nous appelons Edina Residovic et M. Bourgon.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
20 L'autre conseil de Défense.
21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour. Nous représentons M. Kubura, et
22 nous nous appelons Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon, ainsi que M.
23 Mulalic qui est notre assistant.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je salue l'Accusation, les avocats des accusés, les
25 accusés et tout le personnel de cette salle d'audience, ainsi que ceux qui
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1 sont à l'extérieur et qui contribuent par leur savoir technique à faciliter
2 la tenue de cette audience.
3 La Chambre tient aujourd'hui à exprimer au général Kubura ses condoléances
4 pour le décès qui est intervenu dans sa famille. C'est dans ces conditions
5 que le général Kubura a été autorisé à se rendre pour les obsèques de sa
6 mère, et c'est pour cela qu'aujourd'hui, il est de retour dans la salle
7 d'audience. Nous tenons à faire part de nos condoléances au général Kubura.
8 Nous avons aujourd'hui la suite des témoignages en vidéoconférence. Nous
9 avons deux témoins, et nous allons vérifier si nous sommes en liaison avec
10 le premier témoin.
11 M. Withopf, quel est le premier témoin qui va être appelé ? M. Mundis.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je
13 salue mes confrères. Nous avons tout d'abord Jozo Markovic.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : On l'a constaté.
15 Nous saluions Madame la Greffière, qui est présente sur place, et je vais
16 lui demander de bien vouloir introduire le témoin.
17 [Le témoin témoigne par vidéoconférence]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur, est-ce que vous entendez les
19 propos qui sont traduits dans votre langue ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce qui me concerne, je n'ai pas entendu la
22 traduction.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom et prénom ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Jozo Markovic.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre date de naissance ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 1er janvier 1930.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre situation professionnelle ou
4 activité actuelle ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis un fermier.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes fermier. C'est ce que j'avais entendu.
7 En 1993, quelle était votre activité à l'époque ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai toujours fait le même travail.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Est-ce que vous avez déjà témoigné devant
10 un tribunal, ou c'est la première fois de votre vie que vous témoignez ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis déjà venu ici, mais je n'ai pas encore
12 témoigné.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous allez prêter serment en lisant le texte
14 que la personne qui est tout près de vous va vous présenter. Je vous
15 demande de lire ce texte dans votre langue.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vous demande de bien vouloir vous asseoir.
19 LE TÉMOIN: JOZO MARKOVIC [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous vous voyons devant l'écran. Vous devez
22 également nous voir devant l'écran qui est devant vous.
23 Avant de commencer votre audition par des questions de l'Accusation, je
24 vais vous fournir quelques éléments d'information afin de vous permettre de
25 bien comprendre le déroulement de cette audience.
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1 Dans un premier temps, vous aurez à répondre aux questions qui vont vous
2 être posées par le représentant du Procureur. Essayez de répondre aux
3 questions de manière complète et précise, dans la mesure où vous êtes
4 capable de répondre. Si vous ne savez pas répondre, vous le dites.
5 Après ces questions, d'autres personnes vont vous interroger. Ce seront les
6 avocats des accusés. Ils vous poseront également des questions. Essayez d'y
7 répondre de la manière la plus complète possible.
8 Par ailleurs, les Juges que vous voyez devant votre écran, peuvent s'ils
9 l'estiment nécessaire vous poser également des questions. Comme vous venez
10 de prêter serment, cela entraîne des conséquences, et notamment la
11 conséquence de dire toute la vérité. Dans le cas où vous mentiriez, vous
12 ferez un faux témoignage, vous vous exposeriez à des poursuites du chef de
13 faux témoignage. Pour cette infraction, des peines d'amende et des peines
14 de prison pouvant aller jusqu'à sept ans sont prévues.
15 Par ailleurs, en répondant à des questions, le témoin peut être amené à
16 fournir des éléments qui un jour pourraient se retourner contre lui. Dans
17 cette hypothèse, vous pouvez refuser de répondre à une question susceptible
18 de vous incriminer. Si la Chambre vous oblige néanmoins à répondre, à ce
19 moment-là, il ne pourra pas y avoir sur la base de ces éléments fournis des
20 poursuites à votre encontre.
21 Voilà de manière générale la façon dont va se dérouler votre audition en
22 qualité de témoin de l'Accusation. Sans perdre de temps, je vais donner la
23 parole au représentant de l'Accusation, qui va vous poser des questions.
24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci Monsieur le Président.
25 Interrogatoire principal par M. Mundis :
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1 Q. Monsieur Markovic, je m'appelle Daryl Mundis. Je suis un des substituts
2 en cette affaire. Je vais vous poser quelques questions. Si vous ne
3 comprenez pas telle ou telle question, ou s'il vous est impossible de
4 l'entendre, dites-le nous et je la répèterai.
5 Monsieur en 1993, où habitiez-vous ?
6 R. J'habitais au village de Susanj, municipalité de Zenica.
7 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé à Susanj
8 au mois de juin 1993 ?
9 R. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une attaque le
10 8 juin, tôt le matin. A ce moment-là, je n'étais pas dans le village. Je
11 n'y étais pas, parce que la semaine précédente, je suis allé là où ils
12 détenaient les Musulmans. Quelqu'un de Zenica, quelqu'un que je connaissais
13 est venu, et là, il y a eu un changement dans la
14 7e Brigade musulmane. Ils m'ont mis en prison, et j'ai passé la nuit en
15 prison. Ils m'ont donné des coups. Le lendemain, vers 10 heures, 10 heures
16 du soir, ils m'ont relâché. Je suis allé à Zenica. Ils ne m'ont pas laissé
17 rentrer à la maison. Je suis allé chez ma sœur qui habite à Zenica. J'étais
18 à Zenica pendant cinq ou six jours. Je ne sais combien de temps exactement,
19 et je suis rentré chez moi.
20 Q. Vous venez de dire que vous avez passé une nuit en prison, pourriez-
21 vous dire aux Juges où exactement vous avez passé la nuit ?
22 R. Je fais partie de la communauté locale de Pojske, et j'ai été détenu
23 dans l'école de cette communauté locale de Pojske. La communauté locale a
24 été transformée en prison, et j'y ai passé une nuit. Cette nuit-là, on
25 était peut-être une centaine. Tous les autres ont été relâchés, mais ils
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1 n'ont gardé que moi. Il y avait des femmes, des enfants, tous les Croates
2 qui passaient par hasard par là, ils ont été mis en prison à Pojske.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle vous êtes rentré à
4 Susanj, après avoir passé cette période à Zenica ?
5 R. Je l'ai dit il y a un moment. J'ai dû passer cinq ou six jours, peut-
6 être sept. Je ne sais pas exactement. Personne n'était autorisé à partir,
7 moi non plus évidemment, jusqu'au moment où j'ai été relâché et autorisé à
8 partir et rentrer chez moi.
9 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre de première instance ce que
10 vous avez vu lorsque vous êtes rentré mi-juin 1993 au village de Susanj ?
11 R. Le village avait déjà été pillé, pas tout le village, mais quasi. Il y
12 avait beaucoup de pillage, des choses avaient été endommagées, un groupe de
13 jeunes, de 16 ans ou 17 ans peut-être, qu'ils avaient de long battants aux
14 mains et ils s'occupaient, ils s'afféraient à casser les vitres des
15 maisons, là où les vitres n'avaient pas déjà été brisées.
16 L'INTERPRÈTE : Il y a beaucoup d'interférence, le son est très mauvais.
17 M. MUNDIS : [interprétation]
18 Q. Mis à part ces jeunes gens de 16 ou 17 ans -- 15 ou 16 ans, est-ce que
19 vous avez vu d'autres personnes se livrer à ces actes de pillages dans le
20 village ?
21 R. Oui. Le village était rempli de gens qui pillaient, et j'ai même vu les
22 policiers qui les aidaient, qui les aidaient à sortir des objets, des biens
23 des maisons.
24 Q. Vous dites "des biens", Monsieur Markovic, pourriez-vous préciser ce
25 que vous voulez à l'intention des Juges ?
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1 R. Je parle d'objets ménagers, des frigidaires, des machines à laver, ce
2 genre de chose, ce qu'on peut sortir d'une maison.
3 Q. Est-ce que, vous-même, vous avez été témoin de situations ou des gens
4 qui sortaient ces produits, ces objets, des appareils électroménagers des
5 maisons ?
6 R. Oui.
7 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce dont vous avez été témoin, ce que vous,
8 vous avez vu de vos propres yeux, notamment, s'il s'agit de personnes qui
9 étaient en train de sortir des objets de maisons ?
10 R. C'étaient surtout des gens qui je ne connaissais pas, même si j'en
11 connaissais certains, mais je préférais ne pas donner de nom parce que ce
12 sont des voisins, cela ne sera pas une bonne chose. Mais, effectivement,
13 j'ai même vu des voisins que je connaissais, même si la plupart des autres
14 venaient d'autres villages et je ne les connaissais pas.
15 Q. Monsieur Markovic, lorsque vous êtes rentré dans votre village, est-ce
16 que vous êtes resté dans votre maison ? Est-ce que vous avez vécu dans
17 votre maison à vous ?
18 R. Oui. Lorsque je suis revenu - j'avais oublié de vous le dire il y a un
19 instant - ma maison et celle de mon fils étaient remplies de gens. Tous
20 ceux qui n'avaient pas pris la fuite en direction de Vitez sont arrivés
21 dans notre village. Mon frère a dit : "Moi, je ne pars pas." D'autres sont
22 partis, et des gens sont partis vers Ovnak qui fait la séparation entre les
23 municipalités de Zenica et Travnik.
24 Q. Vous avez parlé de gens qui brisaient des vitres. Avez-vous constaté
25 d'autres dégâts qui auraient été occasionnés à des maisons, à des
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1 bâtiments ?
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr d'avoir entendu la réponse si le
3 frère disait : "Je ne vais pas fuir, ou je vais fuir."
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Les gens sortaient les objets et, s'il
5 n'était pas possible de les sortir, ils les démolissaient, ils les
6 détruisaient. Par exemple, ils prenaient les pièces de rechange des
7 machines à laver. J'avais laissé ma voiture, et ils ont sorti le moteur.
8 Ils détruisaient tout ce qu'il se trouvait dans les maisons. Ils ont
9 emporté les robinets, un exemple. Ce qu'ils ont pu prendre, ils l'ont pris,
10 et le reste, ils l'ont détruit.
11 M. MUNDIS [interprétation]
12 Q. A votre connaissance, est-ce que des objets ont été enlevés de chez
13 vous ?
14 R. Oui, oui, mais plus tard. J'ai fui, j'ai pris la fuite. Lorsque j'ai
15 été revenu deux jours, une fois, ils m'avaient frappé, l'autre fois, ils
16 avaient passé une espèce de chaussette sur leurs têtes et c'est à ce
17 moment-là que j'ai pris la fuite de ma maison. Mais ma femme et la femme de
18 mon frère sont restées dans la maison. J'ai été à Zenica et j'allais à la
19 maison pendant la journée. Il est arrivé un soir où ils sont arrivés, ils
20 ont fait irruption. Je parle là des soldats de l'armée, ils ont démoli la
21 porte, ils ont démoli les fenêtres, ma femme était blessée au visage, elle
22 a même dû subir une intervention par la suite à cause de verre brisé. Ils
23 ont pillé la totalité de ma maison. C'est un peu bizarre, mais il y a --
24 j'avais un petit fût d'eau de vie de prune, non pas que j'en ai jamais
25 beaucoup, mais ils ont pris mon eau de vie, ma radio, et j'avais aussi
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1 beaucoup de nourriture qu'ils ont tout emporté. Ils ont laissé la maison
2 pratiquement vide. Ils n'ont pas pris de meubles, ils ont pris juste les
3 vêtements, la radio, et les produits alimentaires que nous avions.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date à laquelle cela s'est passé
5 lorsque ces soldats sont venus démolir votre porte et vos fenêtres ?
6 R. Il est difficile de vous le dire. Ils se sont contentés de démolir la
7 porte cette fois-là, ils n'ont pas démoli les fenêtres. Ils ont simplement,
8 par la force, fait irruption dans la maison. Ma femme et la femme de mon
9 frère étaient là, elles les ont regardés, elles ont été enfermées -- elles
10 se sont enfermées dans une pièce et les autres, qui sont entrés, ils ont
11 emmené tout ce qu'ils pouvaient.
12 Q. Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions à poser.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis. Je me tourne vers les
14 avocats pour le contre-interrogatoire.
15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
16 Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge.
17 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Markovic. Vous m'entendez ?
19 R. Oui.
20 Q. Je m'appelle Edina Residovic. Je défends les intérêts de M.
21 Hadzihasanovic. Je vais vous demander d'avoir l'obligeance à quelques unes
22 de mes questions. Vous avez dit au représentant du Procureur que vous étiez
23 né et que vous viviez à Susanj, n'est-ce pas ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Ce village de Susanj fait partie de la municipalité de Zenica, n'est-ce
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1 pas ? Il est au nord de la rue principale qui va de Zenica à Travnik; c'est
2 bien cela, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Il y avait surtout des Croates qui habitaient dans ce village, n'est-ce
5 pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Non loin de votre village de Susanj, d'autres villages croates, Ovnak,
8 Novo Selo, Grahovcici et Cukle; c'est bien cela ?
9 R. Oui, oui, mais ils ne font pas partie de la municipalité de Zenica, ils
10 font partie de celle de Travnik.
11 Q. Oui, oui, mais ils sont tout près du vôtre, tout en faisant partie
12 d'une autre municipalité celle de Travnik, c'est cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous avez dit que, le 8 juin, un conflit avait éclaté dans votre
15 village aussi. Mais serait-il exact de dire qu'avant cette date du 8 juin
16 1993, il n'y avait pas eu de conflit, ni de heurts dans votre village, ni
17 dans les environs, des heurts opposant l'armée et le HVO ?
18 R. C'est vrai.
19 Q. Mais il y avait quand même des problèmes parce qu'on entendait dire que,
20 dans d'autres parties, non loin de votre village, il y avait eu des
21 affrontements entre l'ABiH et le HVO ce qui fait que votre village, quand
22 même, ressentait de la peur ?
23 R. Cela, c'était plutôt quand on allait vers Travnik.
24 Q. Vous saviez aussi que sur la route allant de Zenica à Travnik, il y
25 avait des postes de contrôle, des "checkpoints" qui ne permettaient pas le
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1 libre passage.
2 R. Mais c'est-à-dire qu'il était possible de passer librement pendant tout
3 un temps, mais, après l'attaque de Susanj et les autres villages, plus
4 personne n'a été autorisée à passer.
5 Q. Est-il exact de dire que le HVO avait un poste de contrôle à Ovnak et
6 que tous ceux qui allaient de Zenica à Travnik y étaient contrôlés ?
7 R. Il y avait bien un poste de contrôle. Je ne sais pas si les gens
8 étaient fouillés ou pas. Cela ne m'intéressait pas mais je sais
9 qu'effectivement, à cet endroit, il y avait un poste de contrôle.
10 Q. Dans votre village, les hommes en âge de combattre faisaient partie de
11 la brigade du HVO Frankopan, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Le QG de cette brigade ne se trouvait-il pas à Guca Gora et n'avait-il
14 pas eu une compagnie à Grahovcici ?
15 R. Je ne suis pas sûr de ces choses-là. Je suis au courant pour ce qui est
16 de Grahovcici. Là, il y avait une espèce d'unité, mais, quant à parler de
17 Guca Gora, là, je ne sais pas.
18 Q. Fabijan et Zoran, vos fils, faisaient partie du HVO ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous, personnellement, vous ne faisiez pas partie du HVO; cependant, on
21 vous a remis, n'est-ce pas, un fusil automatique de type Kalachnikov ?
22 R. Oui.
23 Q. Les tensions ont monté -- ou la tension a monté dans le village après
24 le désarmement de la Brigade Jure Francetic à Zenica et après que cette
25 région, qui comprend Ovnak, Grahovcici notamment, avait connu une situation
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1 où beaucoup de gens venant de Zenica avaient afflué, que ce soit des
2 habitants ou des membres de la Brigade Jure Francetic.
3 R. Je ne sais pas si c'étaient des soldats. Pour moi, c'étaient des
4 réfugiés. Ils avaient été chassés de là. Je n'étais pas au courant de ces
5 autres choses. Je ne suivais pas la situation.
6 Q. Après le mois d'avril, bon nombre des villageois de votre village ont
7 eu peur qu'il y ait des combats dans votre village aussi, ce qui fait que
8 beaucoup se sont repliés vers Grahovcici là où était cantonnée cette
9 compagnie du HVO. C'est bien cela ?
10 R. Oui. Certains se sont enfuis et d'autres sont restés. Je ne le sais
11 pas.
12 Q. Mais vous-même et vos proches, vous êtes restés dans le village de
13 Susanj, est-ce bien exact ?
14 R. Oui, moi-même et ma femme.
15 Q. Vous savez que les autorités locales de Zenica ainsi que les
16 observateurs européens et les prêtes de votre paroisse de Zenica ont parlé
17 aux réfugiés afin d'essayer de les convaincre de rentrer à Zenica, de
18 repartir vers Zenica où leur sécurité serait garantie. Le saviez-vous ?
19 R. Je ne le sais pas. Pour ce qui est du clergé ou de l'église, nous
20 appartenions à la paroisse de Brajkovici.
21 Q. Les villageois de Susanj, vos voisins par exemple, qui étaient partis à
22 Brajkovici sont revenus au village à la fin du mois d'avril, est-ce bien
23 exact ?
24 R. Je ne le sais pas. Je ne sais pas s'ils sont revenus.
25 Q. Le 8 avril, vous avez déclaré que vous avez entendu de bon matin des
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1 coups de feu tirés à l'horizon. Est-ce bien exact ?
2 R. Je ne le sais pas.
3 Q. En fait, je pense que j'ai fait une erreur. Je vais reformuler ma
4 phrase.
5 Le 8 juin, vous n'étiez pas le village de Susanj mais vous étiez à Zenica.
6 Est-ce bien exact ?
7 R. Oui, oui, c'est exact.
8 Q. Vous souhaitiez rentrer, mais dans les journées qui ont suivi le 8
9 juin, vous n'y avez pas été autorisé parce qu'il vous a été dit que cela
10 était extrêmement dangereux compte tenu des combats et qui seraient
11 dangereux pour vous de repartir seul à Susanj. Est-ce bien exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Lorsque vous êtes rentré à Susanj quelques jours après la fin des
14 combats, vous avez trouvé dans votre domicile votre femme ainsi que
15 quelques autres villageois. Est-ce bien exact ?
16 R. Non, il n'y avait que les femmes. Il y avait quelques hommes âgés.
17 Toutes les femmes avaient été accompagnées dans ma maison ainsi que dans la
18 maison de mon fils parce qu'en fait, je suis tout à la fin du village. Ma
19 maison est quasiment la première maison lorsque vous venez de Zenica. Elle
20 se trouve vraiment à la fin du village mais elle appartient au village de
21 Susanj.
22 Q. Est-il vrai M. Markovic que votre femme ainsi que les autres villageois
23 vous ont expliqué que les soldats les avaient mis dans votre maison et dans
24 la maison de votre fils parce que ces maisons étaient éloignées de la zone
25 de combat et protégées de ces combats ?
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1 R. Il n'y avait que quelques Croates qui restaient. Tout le monde avait
2 fui. Lorsque les combats ont cessé, ils les ont sortis des maisons et ils
3 les ont emmenés dans ces autres maisons. Mon frère est resté ainsi que
4 quelques autres hommes et ils ont tous été exécutés, tous, à savoir, tous
5 ceux qui sont restés dans le village. Personne n'osait rester. J'ai
6 véritablement pris mon courage à deux mains pour revenir.
7 Q. Vous aviez entendu dire que pendant les combats, plusieurs personnes de
8 votre village ont été tuées mais vous n'avez jamais été témoin oculaire de
9 ces tueries ?
10 R. Je n'ai pas été un témoin oculaire, mais j'ai vu les corps qui sont
11 arrivés à la morgue et qui ont été emmenés par la défense civile. Je m'y
12 suis rendu avec mes deux neveux et nous avons mis 19 hommes dans des
13 cercueils à la morgue et cela, j'en ai été témoin. Je le sais.
14 Q. En fait, vous avez été juste le témoin de l'identification des corps
15 qui se trouvaient dans la morgue à Zenica. Est-ce bien exact ?
16 R. Oui.
17 Q. En réponse à une question posée par mon estimé confrère, vous avez
18 indiqué que lorsque vous êtes rentré dans votre village, votre maison
19 n'avait pas été détruite. Est-ce bien exact ?
20 R. Oui, mais elle avait été pillée. Les soldats avaient brisé la porte,
21 avaient pénétré dans la maison. Ils ont frappé ma femme à la tête avec des
22 verres parce que ma femme, en fait, et la femme de mon frère ne voulaient
23 pas les laisser entrer. Il s'agit de soldats. Ils étaient ivres et ils ont
24 véritablement essayé de faire montre de leur force mais il s'agit de
25 soldats.
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1 Q. Oui. Mais ce que vous décrivez s'est produit beaucoup plus tard et non
2 pas lorsque vous êtes entré à Susanj après le conflit, est-ce bien exact ?
3 Cet événement s'est déroulé lorsque tous les autres villageois ont quitté
4 votre maison et la maison de votre fils, est-ce bien exact ?
5 R. Oui, oui.
6 Q. Vous ne connaissez pas la date exacte de cet événement mais cet
7 événement ne s'est pas déroulé juste après les activités de combat, est-ce
8 bien exact ?
9 R. C'est exact.
10 Q. Lorsque vous êtes rentré quelques jours après les combats, votre épouse
11 vous a dit que des obus étaient tombés sur le village, qu'il y avait eu
12 beaucoup de combats, que dans le village dont les maisons avaient été
13 détruites, incendiées à la suite de tirs d'obus. Est-ce que bien exact ?
14 R. Ce sont les soldats qui ont incendié les maisons. Ce n'est pas le
15 résultat des tirs d'obus. La maison de Tomo Markovic a été incendiée à la
16 suite des tirs d'obus. Les autres ont été incendiées par les soldats.
17 Q. Lorsque vous êtes arrivé chez vous, une délégation de Zenica est venue
18 vous rendre visite. Parmi cette délégation se trouvait le vice-président du
19 comité exécutif de l'assemblée municipale, ainsi que des représentants de
20 la police civile, et un juriste. Est-ce bien exact ?
21 R. Je ne me souviens pas de la présence d'un avocat. Plusieurs personnes
22 sont venues me voir, certes, mais je ne peux pas vous donner leur nom.
23 Q. Cette délégation est venue voir, est venue constater si vous étiez en
24 sécurité. Ensuite, ils ont suggéré au gens de se rendre à Zenica, parce
25 qu'ils ne pouvaient pas véritablement assurer la sécurité des personnes, du
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1 fait de la présence de plusieurs groupes, ou plusieurs gangs qui se
2 trouvaient là.
3 R. Vous me dites qu'on nous a conseillés de nous rendre à Zenica ?
4 Q. Les villageois qui se trouvaient dans votre maison vous ont conseillé
5 de vous rendre à Zenica, parce qu'il y avait plusieurs groupes, plusieurs
6 gangs qui se trouvaient dans le village la nuit, et qu'ils ne pouvaient pas
7 vous protéger. Est-ce que bien exact ?
8 R. Non. Ils ont dit à la police de prendre soin de moi. Ils étaient
9 obligés de se rendre à Zenica, parce qu'il y avait une certaine peur qui
10 régnait. Les gens s'enfuyaient. En fait, lorsque les morts ont été
11 enterrés, un bus nous a emmenés de Zenica au cimetière. Nous avons enterré
12 les morts. Ensuite, ils nous ont forcé à reprendre le bus. Ils nous ont
13 emmenés à Zenica, parce que Zenica était plus en sécurité.
14 Q. Les gens voulaient se rendre à Zenica. Ils se sont précipités en fait
15 pour rentrer dans le bus, parce qu'ils avaient peur.
16 R. Ils avaient peur, ils fuyaient.
17 Q. Les autorités civiles de la municipalité de Zenica avaient affecté un
18 peloton de police civile afin d'assurer la protection du village, et afin
19 d'assurer votre protection. La zone était une zone assez large. Une unité
20 de police n'a pas pu empêcher le pillage qui se déroulait. Est-ce que bien
21 exact ?
22 R. Comment aurait-ils pu empêcher ce pillage, alors qu'ils participaient
23 même au pillage ? C'est la police qui l'a fait. Je l'ai vu moi-même. Ils se
24 sont couverts ou protégés le visage grâce à des masques, et je me suis
25 enfui. Un policier a été affecté afin d'assurer ma protection. Ma femme lui
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1 a dit : "Mais est-ce que vous ne voyez pas ce qui se passe ?" Il a dit :
2 "N'ayez pas peur, ils ne vont pas vous faire du mal." Le fils d'Alija était
3 policier, il avait un masque qui lui couvrait le visage.
4 Q. Il s'agissait d'une unité ou d'un peloton de police civile, n'est-ce
5 pas ?
6 R. Ils étaient connus comme la police de réserve. Ils étaient attachés à
7 la police régulière.
8 Q. Très bien. Vous dites que les personnes qui ont pillé le village ne vous
9 étaient pas des personnes connues. Ils n'étaient pas connus du village non
10 plus, ils venaient pendant la nuit.
11 R. En plein jour, ils le faisaient au vu et au su de tout le monde. La
12 police leur a prêté main forte, afin de mettre toutes les choses qu'ils
13 prenaient. Il y avait un tracteur qui a été cassé, qui était cassé, par
14 exemple. J'ai demandé : "A qui appartient ce tracteur ?" Ils m'ont dit :
15 "C'est le tracteur du policier." Je sais exactement à qui il appartenait,
16 et c'est ainsi qu'ils assuraient notre protection.
17 Q. De réfugiés des familles musulmanes qui avaient fui d'autres régions de
18 la Bosnie, qui avaient été expulsés, se trouvaient dans certaines maisons.
19 Est-ce bien exact ?
20 R. Oui. Il avait été dit que les réfugiés devaient se rendre à Susanj.
21 C'était écrit sur une fenêtre à Zenica. Il y avait une affiche qui avait
22 été apposée à une fenêtre, qui indiquait que les réfugiés devaient se
23 rendre à Susanj, parce qu'il y avait des maisons vides, à Susanj.
24 Q. Monsieur Markovic, est-il vrai que pendant le conflit après les
25 combats, vous ne vous êtes pas trouvé à Susanj. Vous n'étiez pas à Susanj
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1 pendant plusieurs jours, et vous n'avez pas été le témoin des incendies de
2 ces maisons ou des pillages dans ces maisons ?
3 R. Lorsque je suis revenu, j'ai vu ce que j'ai vu. Lorsque je ne me
4 trouvais pas à Susanj, je n'ai pas pu le voir. Les gens se trouvaient sur
5 la route, et avaient du mal à se déplacer, parce qu'ils transportaient tant
6 de choses.
7 Q. Je comprends tout à fait cela. Pendant les combats, pendant les
8 attaques, quelques jours après les attaques, vous n'étiez pas un témoin
9 oculaire, et vous ne savez pas comment ces maisons ont été détruites,
10 incendiées ou pillées. Pendant la période où vous ne vous trouviez pas dans
11 le village, vous ne pouviez pas savoir ce qui se passait. Est-ce que bien
12 exact ?
13 R. Oui.
14 Q. N'avez-vous jamais fait des déclarations auprès de certaines personnes,
15 afin d'indiquer quelle maison avait fait l'objet de destruction ou de
16 pillage dans votre village ? N'avez-vous jamais fait une déclaration à
17 quiconque qui vous aurait demandé ces informations ?
18 R. Non, je ne me souviens pas.
19 Q. Merci beaucoup, Monsieur Markovic. Vous êtes maintenant chez vous ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Vous avez de bonnes relations avec vos voisins ?
22 R. Dans une certaine mesure, parce que récemment, j'ai été attaqué par un
23 voisin. Le juge a dit qu'il pourrait purger une peine de prison allant de
24 six mois à un an. L'avocat avait dit que la peine de prison pourrait être
25 une peine de prison entre un mois et six mois. Non, je m'excuse. En fait,
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1 c'est l'avocat qui avait parlé d'une peine de prison comprise entre six
2 mois et deux ans. Il a été condamné à un mois. Voilà, dans quelle mesure je
3 suis libre maintenant.
4 Q. Je vous remercie, Monsieur Markovic. Je vous remercie d'avoir répondu à
5 mes questions.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres Défenseurs ?
7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 Nous avons une ou deux questions à poser, afin de préciser certains
9 éléments auprès de M. Markovic.
10 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :
11 Q. [interprétation] Monsieur Markovic, j'aimerais au nom de la Défense de
12 M. Kubura vous poser une ou deux questions.
13 R. Pourriez-vous parler un peu plus fort.
14 Q. Oui. J'aimerais vous poser deux questions au nom de la Défense de M.
15 Kubura.
16 R. Oui.
17 Q. Vous avez indiqué à maintes reprises aujourd'hui, que lors des combats à
18 Susanj et dans la région de Susanj, vous étiez, vous-même, absent, que vous
19 vous trouviez à Zenica. Il s'agit du
20 8 juin 1993. Est-ce bien exact ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Vous êtes revenu à Susanj sept jours après ?
23 R. Oui, approximativement. Je ne peux pas vous donner une date exacte,
24 six, sept, huit jours peut-être, je n'ai pas véritablement compté les
25 jours.
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1 Q. Pouvez-vous confirmer que vous êtes revenu à Susanj aux alentours du 15
2 juin 1993 ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres
5 questions à vous poser.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
7 Je me tourne vers M. Mundis pour lui demander s'il a des questions
8 supplémentaires ?
9 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
10 L'Accusation n'a pas de questions supplémentaires à poser au témoin.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
12 Monsieur Markovic votre témoignage est terminé. Vous avez répondu aux
13 questions de l'Accusation, ainsi qu'aux questions des avocats des accusés.
14 Nous vous remercions pour votre contribution à la manifestation de la
15 vérité. Je demande à la personne qui est dans la salle avec vous de bien
16 vouloir vous raccompagner. Nous vous remercions à nouveau pour votre
17 contribution.
18 [Le témoignage du témoin par vidéoconférence est terminé]
19 [Le témoin se retire]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais me tourner vers l'Accusation, pour lui
21 demander si elle a un nouveau témoin.
22 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, à Sarajevo, nous avons
23 un autre témoin qui attend, M. Ivo Vuleta.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Nous attendons le retour de Mme la Greffière
25 pour qu'elle puisse nous introduire le second témoin.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] [par vidéoconférence] J'ai le deuxième
2 témoin avec moi, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez, Madame la Greffière, puisque vous nous
4 avez indiqué que vous avez le second témoin, introduire le second témoin.
5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
6 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : En raison d'un problème lié à la venue du témoin sur
8 place, il nous est demandé 15 minutes. Le mieux, c'est de faire le break
9 traditionnel. Il est 10 heures moins quelques minutes. Nous reprendrons à
10 10 heures 30.
11 --- L'audience est suspendue à 9 heures 57.
12 --- L'audience est reprise à 10 heures 32.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vérifie sur l'écran que le témoin est bien
14 présent.
15 [Le témoin témoigne par vidéoconférence]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que, Monsieur, vous entendez mes propos
17 traduits dans votre langue ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous nous donner votre nom, et prénom ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ivo Vuleta.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre date de naissance ? Je vous répète.
22 Quelle est votre date de naissance ?
23 Nous n'entendons pas sa réponse. Est-ce que vous entendez ce que je vous
24 dis ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vous demande votre date de naissance et le
2 lieu de naissance ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] A Susanj, municipalité de Zenica, le 12 mai
4 1945.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Quelle est votre profession ou activité
6 actuelle ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis retraité.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelle était votre profession à l'époque ou
9 activité ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Retraité.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez déjà témoigné devant un
12 Tribunal où si la première fois que vous témoignez ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] A Zenica, j'ai témoigné trois fois.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
15 Vous allez prêter serment. Pour se faire, il faut lire le texte que la
16 dame, qui est à côté, vous présente. Je vous demande de lire ce texte.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, Ivo Vuleta, je déclare solennellement que
18 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN: IVO VULETA [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Vous pourrez vous asseoir.
22 Avant de donner la parole aux représentants de l'Accusation, je vais vous
23 donner quelques éléments d'informations sur les modalités de cette
24 audience. Vous devez répondre à des questions qui vont vous êtres posées
25 tout à l'heure par les représentants de l'Accusation. A la fin de
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1 l'interrogatoire qui va être mené par le représentant de l'Accusation, les
2 avocats des accusés vous poseront également des questions. Les Juges, que
3 vous devez voir sur l'écran, qui est devant vous, pourront, s'ils estiment
4 nécessaire, vous poser des questions à tout moment. Lorsque les questions
5 vous sont posées, prenez votre temps avant de répondre, et essayez
6 d'apporter des réponses complètes et précises à la question posée. Si vous
7 ne comprenez pas le sens de la question, demandez à celui qui vous pose la
8 question de la reformuler.
9 Par ailleurs, comme vous avez prêté serment de dire toute la vérité, et
10 comme vous nous l'avez indiqué, ce n'est pas la première fois que vous
11 témoignez. Vous savez que ce serment entraîne que vos déclarations doivent
12 être exemptes de tout élément qui pourrait constituer un faux témoignage.
13 Si jamais vous mentez, ce qui pourrait constituer infraction de faux
14 témoignage, il faut savoir que vous pouvez être, à ce moment-là, sanctionné
15 par une peine d'amende ou une peine de prison qui peut aller jusqu'à sept
16 ans.
17 Par ailleurs, dans le cadre de témoignage, si le témoin, par ses réponses,
18 donne des éléments susceptibles un jour d'être utilisé contre lui à charge
19 dans le cas de poursuites ultérieures, le témoin peut refuser de répondre.
20 Dans cette hypothèse, si le témoin refuse de répondre, la Chambre peut
21 l'obliger à répondre et dans cette hypothèse très précise, à ce moment-là,
22 les propos du témoin ne pourront être utilisés contre lui.
23 Je tenais à vous fournir ces éléments d'ensemble afin de permettre le bon
24 déroulement de cette audience qui se déroule dans le cadre d'une
25 vidéoconférence. Vous n'êtes pas devant les Juges, ni les accusés, ni les
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1 avocats et les représentants du Procureur. Nous vous voyons néanmoins par
2 le système de transmission par vidéoconférence. Dans ce cadre, nous pouvons
3 vous voir et écouter vos réponses.
4 Je vais, sans perdre de temps, donner la parole au représentant de
5 l'Accusation qui va vous poser des questions. Vous allez les voir
6 apparaître sur votre écran.
7 Monsieur Mundis, vous avez la parole.
8 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Interrogatoire principal par M. Mundis :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vuleta. Je m'appelle Daryl Mundis.
11 Je suis l'un des substituts du Procureur dans cette affaire et je vais vous
12 poser quelques questions. Je vous demande, si vous m'entendez mal ou si
13 vous ne comprenez pas l'objet de ma question, de me le faire savoir, de
14 façon à ce que je reformule la question à votre intention.
15 Pourriez-vous, je vous prie, dire à la Chambre où vous habitiez en juin
16 1993 ?
17 R. Jusqu'au 8 juin, j'étais chez moi dans mon logement. A partir du 9
18 juin, j'étais à Zenica, où j'ai passé dix jours chez mon frère, après quoi,
19 j'ai déménagé à Mala Broda où je suis resté jusqu'au 25 août, date à
20 laquelle, où j'ai été échangé contre, je ne sais pas qui, et emmené à
21 Vitez.
22 Q. Monsieur Vuleta, vous nous avez dit que vous étiez resté dans votre
23 logement jusqu'au 8 juin. Mais où se trouvait votre logement jusqu'au 8
24 juin 1993, autrement dit, dans quelle localité ?
25 R. A Susanj, dans la municipalité de Zenica.
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1 Q. Pouvez-vous, je vous prie, dire aux Juges en quelques mots ce qui s'est
2 passé le 8 juin 1993 à Susanj ?
3 R. Je dois remonter un peu plus haut. Le 6 juin dans la soirée, on nous a
4 dit de nous retirer vers le bout du village dans la direction d'Ovnak. On
5 nous a dit que dans un laps de deux jours, nous devions régler le problème
6 avec Ovnak. Nous sommes partis à bord de ma petite voiture. Je suis parti
7 avec mon épouse chez mon beau-père et j'ai passé la nuit dans la voiture.
8 Le 7 à l'aube, l'attaque a commencé en provenance de Preocica à Grahovcici
9 et dans la région de Strmac. Tout cela a duré jusqu'au environ de 9 heures.
10 Je suis retourné avec mon épouse et ma mère à mon domicile. Nous nous
11 sommes rendus compte que l'eau et l'électricité avaient été coupées. Nous
12 avons passé la journée à cet endroit et dans la soirée, le 7 juin, les tirs
13 se sont intensifiés en provenance de Grcevine [phon], qui est une colline
14 surplombant Susanj, de la direction de Grcevine, Racinak [phon] et Usce. Le
15 HVO a riposté et les choses, ensuite, ont retrouvé leur calme. Le matin,
16 nous sommes repartis. Je suis parti passé la nuit au même endroit que
17 précédemment.
18 Dans la matinée, j'ai été réveillé par les coups de feu et je suis arrivé à
19 un endroit qui s'appelle Balan^ et, ensuite, j'ai franchi 300 mètres à pied
20 pour atteindre Ovnak. Là, j'ai vu de mes yeux que les maisons de Maljine
21 étaient en feu parce qu'on pouvait très bien voir cette zone à Krlpeljici,
22 dans la direction de Guca Gora. Il y a eu des déflagrations et elles
23 étaient relativement fortes. Il y a en eu deux ou trois. Tout cela s'est
24 développé jusqu'à l'extrémité du village.
25 Ensuite, je suis reparti à mon domicile. Vers 10 heures ou peut-être un peu
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1 plus tôt, 9 heures 30, 10 heures, j'ai dû quitter la maison avec mon épouse
2 et ma mère. D'ailleurs, je n'étais pas le seul. Nous étions assez nombreux
3 à le faire. Nous avons atteint une maison qui a constitué pour nous une
4 espèce d'abris parce qu'elle avait une cave solide. A partir de là, nous
5 sommes allés dans la maison de Stipe Markovic, le fils de Kasimir. Ensuite,
6 nous avons pris la direction d'Ovnak sous les coups de feu, au milieu des
7 coups de feu. J'ai pris ma voiture et, accompagné de l'épouse du défunt
8 Zoran Markovic, accompagnés de deux enfants, nous sommes partis. Elle était
9 malade. Je suis arrivé dans la maison de Jozo Kafadar. J'ai réussi à me
10 tirer de là en voiture. Je suis descendu dans la cave de cette maison où
11 j'ai trouvé d'autres personnes, y compris d'ailleurs Kasimir Markovic, mort
12 depuis et son épouse. Je leur ai dit : "Poursuivez votre chemin. Moi, je ne
13 peux plus continuer. Je suis handicapé. J'ai deux jambes amputés." Franka a
14 dit qu'elle non plus ne pouvait pas poursuivre le chemin, et nous sommes
15 restés trois dans cette cave de Jozo Kafadar. Nous avons regardé par le
16 soupirail de la cave.
17 Q. Monsieur Vuleta, je suis désolé, je vous interromps pour vous poser
18 quelques questions plus détaillées, suite à ce que vous venez de nous dire.
19 Ensuite, vous pourrez continuer votre récit. Vous nous avez dit, il y a
20 quelques instants, que vous avez dit de partir. C'est ce que vous avez dit
21 au début de votre récit. Qui vous a demandé de quitter votre maison ?
22 R. Oui. Zoran Markovic a été informé par ses voisins musulmans, par les
23 Bosniens. Il a été informé ainsi que son frère, Fabijan.
24 Q. Vous nous avez dit que l'attaque avait commencé dans le secteur de
25 Preocica. Savez-vous quelles forces armées ou quelle armée était à
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1 l'origine de cette attaque et menait cette attaque ?
2 R. Cela, je ne le sais pas parce qu'évidemment, je n'étais par sur place.
3 Mais je sais que c'est dans la direction de Grahovcici, à partir de notre
4 village. On a constaté que des coups de feu étaient tirés. Est-ce que
5 c'était notre armée qui tirait ou une autre armée, cela, je n'en sais rien.
6 Q. Monsieur Vuleta, en juin 1993, étiez-vous civil ou soldat ?
7 R. Evidemment, j'étais civil puisque je suis amputé des deux jambes. C'est
8 le 14 février 1988 que j'ai perdu mes deux jambes.
9 Q. Monsieur Vuleta, pourriez-vous nous redire en quelle année, vous avez
10 perdu vos deux jambes ?
11 R. Le 14 février 1988 à la scierie à Zenica.
12 Q. Monsieur Vuleta, quand je vous ai interrompu, vous étiez en train de me
13 dire que vous-même et d'autres personnes étiez dans la cave de la maison de
14 Jozo Kafadar. Pourriez-vous poursuivre votre récit à partir de ce moment-
15 là, je vous prie ?
16 R. Nous avons regardé ce qui se passait par le soupirail de la cave, et
17 j'ai vu qu'un blessé était transporté par quelqu'un. J'ai pensé que ce
18 blessé était mon fils, voyez-vous. J'ai été pris de panique, les autres
19 m'ont expliqué que ce n'était pas le cas. C'était, en fait, Fabijan Laus de
20 Cukle. Mais, par la suite, une fois qu'ils sont partis, j'ai vu qu'un
21 soldat tirait dans la direction de ceux qui pouvaient marcher et qui
22 étaient partis, mais qui avant étaient avec nous dans le cave. Derrière ce
23 soldat, il y avait un autre soldat, et une trentaine de mètres derrière, un
24 troisième soldat qui portait une barbe noir, un couvre-chef sur la tête. Je
25 l'ai vu, il s'est retourné un certain moment et, avec son fusil, il a
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1 ouvert le feu sur les fenêtres de la maison de ma sœur qui se trouvait non
2 loin de là, mais pour quelle raison, je n'e sais rien.
3 Q. Monsieur Vuleta, savez-vous quelle était l'armée ou l'unité militaire
4 que vous avez vue ouvrir le feu à ce moment-là ?
5 R. Je n'ai vu aucun emblème, aucun insigne parce que ces hommes étaient à
6 une distance de 30 mètres de moi.
7 Q. Pouvez-vous, je vous prie, dire aux Juges de la Chambre combien du
8 temps vous avez -- vous êtes resté dans la cave de la maison de Jozo
9 Kafadar ?
10 R. Pas longtemps. Je ne sais même pas si j'y ai passé une demi-heure.
11 Mais, à ce moment-là, vers le bout de la maison, on a entendu des bruits de
12 pas, et j'ai dit, à ce moment-là, à Kazimir, et à Franka, "Voilà, quelqu'un
13 vient nous rendre visite à nous aussi." J'ai vu arriver à la porte Raif
14 Rizvic, que je connaissais, mais je ne savais pas que son vrai prénom était
15 Ragib. Une balle a frappé le mur au-dessus de sa tête, il a à ce moment-là
16 riposté en tirant, et il s'est mis à injurier nos mères Oustachi. Il nous a
17 chassé de la cave, je lui ai dit : "Mais, Raif, les choses n'étaient pas
18 comme cela lorsque nous étions ensemble toi et moi à l'école." Il nous a
19 chassé de la cave, néanmoins, et il s'est mis à marcher sur le trottoir.
20 J'ai des béquilles, je marchais sur l'herbe plutôt et on est arrivé jusqu'à
21 l'étable de Joso Kafadar où Franka s'est évanouie, et elle avait besoin
22 d'aide.
23 Kazimir Markovic mort depuis, qui connaissait Raif comme étant Raif, avec
24 son vrai prénom, a dit : "Apportez-moi de l'eau parce que, sinon, ma femme
25 va mourir." J'ai simplement dit : "Allez chercher -- vas chercher un peu
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1 d'eau, c'est toi qui est la cause de tout cela, c'est toi qui a fait tout
2 sauter. Pourquoi est-ce qu'on devrait mourir ?" Il a pris la direction de
3 la porte, il a apporté de l'eau, l'autre l'a suivi, en lui disant :
4 "Donnes-moi ton arme ?" Kazimir a dit : "Je n'en ai pas." L'autre lui a dit
5 : "Mais tu en as une." Kazimir a dit : "J'ai un revolver, mais il y a
6 longtemps qu'on me l'a pris." Il a sorti son portefeuille pour lui montrer
7 le permis de porte d'arme. Ensemble, ils sont arrivés jusqu'au fumoir de
8 Jozo Kafadar et je ne sais pas si c'était parce qu'il en avait peur ou pour
9 quelque autre raison, mais, en tout cas, il a tiré trois balles, et je n'ai
10 plus -- mais il ne m'a jamais dit combien de balles exactement ont été
11 retrouvées dans le corps de Kazimir. Il est tombé sur le sol, et Raif -- ou
12 plutôt Franka, en fait, a dit : "Mais, Rajif, pourquoi est-ce que tu as tué
13 Kazimir ?" L'autre lui a
14 répondu : "Restes tranquille ou je te tuerais aussi." Mais il m'a tout de
15 même demandé : "Est-ce que c'est ta voiture ?"
16 Avant cet instant-là, je lui avais déjà dit : "Ne me demande pas d'aller où
17 que ce soit sans voiture parce que je n'ai pas de jambes et j'ai besoin de
18 la voiture." Alors, il m'a demandé : "Est-ce que ceci est ta voiture ?" Je
19 lui ai dit : "Oui." Il m'a dit : "Je l'ai blessé, aide-moi à le transporter
20 dans la voiture, et le conduire à l'hôpital." Je lui ai dit : "Mais
21 pourquoi est-ce que tu l'as blessé ?" Je suis désolé d'avoir à le dire,
22 mais il a simplement agité la main en disant : "Qu'il aille se faire
23 foutre." Mais il m'a tout de même aidé à placer le corps dans la voiture.
24 Kazimir était sur le siège avant, Franka derrière moi, et c'est moi qui ai
25 conduit jusqu'à Zenica.
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1 Q. Monsieur Vuleta, je suis désolé de vous interrompre, mais vous
2 rappelez-vous quels vêtements portaient Raif Rizvic au moment où cet
3 événement s'est produit ? Ce que vous venez de décrire ?
4 R. Il ne portait pas de couvre-chef, il pleuvait. Il avait les cheveux
5 ébouriffés, mais il portait un uniforme de camouflage ou plutôt les
6 pantalons d'un uniforme de camouflage. Pour le haut, c'était une veste
7 désassortie.
8 Q. Monsieur Vuleta, est-ce que vous avez emmené Kazimir jusqu'à l'hôpital
9 ce jour-là ?
10 R. Je lui ai dit : "Raif, maintenant tout le monde des deux côtés, on va
11 me tirer dessus." Il m'a répondu : "Que les tiens te tuent parce que les
12 miens ne le feront pas." Il a levé en l'air la main droite en prononçant
13 les mots : "Que personne ne tire sur cette voiture." Mais à qui il parlait,
14 je n'ai pas réussi à le voir. Je suis sorti de la voiture, et je me suis
15 enfoui rapidement loin de la voiture à une vitesse que je ne me savais pas
16 capable d'atteindre. A ce moment-là, il y a une balle qui a frappé
17 l'arrière de la voiture, et la maison de Stanko Markovic, et une autre
18 balle qui a frappé la portière de la voiture qui se trouvait dans la ligne
19 de mire de la maison de Tomo Vuleta. A ce moment-là, je suis arrivé jusqu'à
20 la forêt, à partir de là, je n'ai plus eu de problème jusqu'au pont qui ne
21 se trouve pas loin de l'épicerie, il y a là cette épicerie, et une école.
22 Quand j'ai atteint le pont, je suppose que c'est Dieu -- que c'est la
23 volonté de Dieu, j'ai constaté qu'il y avait des mines sur le pont, ces
24 mines étaient de tailles importantes, 30 ou 40 centimètres de diamètres. Je
25 n'ai pas pu continuer en voiture. J'ai klaxonné et un homme a fait son
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1 apparition derrière le comptoir de l'épicerie, je lui ai dit : "Enlèves ces
2 mines, j'ai un blessé dans la voiture." Ils sont sortis, ils ont enlevé les
3 mines et ils m'ont ordonné de me garer devant l'épicerie. Ils m'ont demandé
4 qui est blessé, et j'ai dit : "Cet homme-là est blessé." On m'a demandé :
5 "Est-ce que la femme est blessée ?" J'ai dit : "Non." On m'a
6 demandé : "Êtes-vous blessé ?" Puisque j'avais des béquilles. J'ai dit :
7 "Non." Ils m'ont demandé : "Mais pourquoi tu portes des béquilles ?" A ce
8 moment-là, j'ai dit que j'étais handicapé depuis telle et telle date, que
9 j'avais perdu les jambes dans un accident à la scierie.
10 Ils m'ont ordonné à moi et à Franka d'aller dans l'école de Pojske qui
11 était une prison. J'ai dit que je transportais Kazimir parce que c'était un
12 de mes voisins, et cet homme m'a, encore une fois, donné de l'ordre de
13 rester tranquille et de me diriger simplement vers la prison.
14 Q. Monsieur Vuleta --
15 R. Je ne voulais pas y aller.
16 Q. Monsieur Vuleta, quand êtes-vous retourné à Susanj, à partir de ce
17 moment-là ?
18 R. Franka et moi, nous avons été enfermés, nous avons trouvé à cet endroit
19 Ivo Krdic [phon], Zvonko Srtic [phon] et Jozo Markovic, tous du village de
20 Konjevici, ils ont été trois.
21 Ils ont apporté -- ils ont amené aussi Frano Krizanac, Karajica Pero, deux
22 religieuses, Ana Matosevic, la femme de Mijo également, et un curé de
23 Brajkovici.
24 Ensuite, nous étions neuf hommes enfermés à cet endroit-là. Les autres
25 c'étaient des femmes et des enfants. Ils nous ont laissés là, et nous y ont
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1 passé la nuit et, le lendemain matin à 9 heures, ils ont appelé cet homme,
2 qui était le chef. Il avait des cheveux noirs, une barbe soignée, il nous a
3 conseillés de ne pas aller dans le village parce que là, personne ne
4 pouvait assurer notre sécurité. Il nous a dit d'aller vers la ville parce
5 que nous y serions plus en sécurité. Mais nous ne l'avons pas écouté. Nous
6 sommes allés vers le village et j'ai dit à cet homme chef, puisqu'on vous
7 appelle comme cela, on m'a pris ma voiture dans laquelle il y avait un
8 blessé qu'on a emmené. J'aimerais qu'on me rende ma voiture parce que c'est
9 la seule chose parce que je ne peux pas fonctionner autrement. Alors, il a
10 donné l'ordre à un policier, qui portait les insignes de la police sur son
11 uniforme, de me rendre ma voiture. Quelqu'un a prononcé le nom de Isak,
12 c'était une espèce de commandant au poste de contrôle, qui a promis de me
13 rendre ma voiture.
14 J'ai commencé à attendre un soldat amenait la voiture, il lui a dit de me
15 la donner, il a dit que j'étais handicapé, que j'avais besoin de la
16 voiture, et que c'était le chef qui avait donné cet ordre. Mais le soldat a
17 refusé d'obtempérer il s'est saisi d'un téléphone, un Motorola, un
18 téléphone portable, je ne sais pas comment il l'appelle. Il a pris demande
19 cette Isak, et il a parlé au chef, en disant : "Tant que je n'aurais pas
20 fini mon service, il ne pourra pas emmener sa voiture." Il a emmené la
21 voiture plus loin.
22 Ma femme était avec moi. Je suis -- j'étais resté là quand tout le monde
23 avait quitté Susanj, ils étaient 80 à peu près à partir. J'étais resté là
24 avec ma femme et, quand j'ai vu que ce qui se passait il y avait cet Enver
25 Spahic, de Nebrovci [phon], qui a proposé de m'emmener chez moi en voiture.
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1 Il le savait que j'étais amputé, il faisait des réparations sur des
2 tracteurs et nous nous connaissions assez bien. Il m'a fait monter dans sa
3 voiture, il m'a conduit jusqu'au village, jusqu'au carrefour qui se trouve
4 au centre du village. Il n'y avait pas mal de gens qui l'insultaient parce
5 qu'on l'appelait Oustachi, parce qu'il conduisait un Oustachi à bord de sa
6 voiture. On lui disait aussi : "Tu devrais être abattu." Alors, je suis
7 sorti de la voiture, j'ai dit : "Enver, fais attention à toi, ne t'occupes
8 plus de moi," et j'ai couvert une centaine de mètres à pied entre le
9 carrefour et ma maison.
10 Lorsque je suis arrivé chez moi, ma mère y était déjà. La porte avait été
11 enfoncée sur les deux étages de la maison. On avait emporté ma radio et mon
12 magnétoscope, tout était sans dessus dessous, et je n'étais pas bougé dans
13 la maison. Je regardais tout ce désordre et j'ai vu un cultivateur que
14 j'avais chez moi une espèce de tracteur qui se trouvait devant la maison de
15 Mario et à bord duquel on chargeait des magnétoscopes, des postes de radio,
16 machine à laver, et autres appareils électroménagers. Devant la maison de
17 Mario Vuleta, j'ai vu la même chose. Je n'ai pas osé rester très longtemps,
18 je n'ai pas osé regarder ce qui se passait trop longtemps, mais cela je
19 l'ai vu.
20 Alors, ensuite, je suis arrivé chez moi, je n'ai plus osé ressortir. Mais,
21 une heure plus tard à peu près, Andja Markovic est arrivée, elle est morte
22 depuis. Branko Vuleta, Stipo Vuleta, Ana Vuleta, la femme de Pavo Markovic
23 - je ne me souviens pas de son prénom - et la femme d'Ivo Markovic Marinko
24 sont arrivés. Il y avait Dragutin, qu'on appelle Drago, qui a été tué
25 devant chez lui. Ilija Vidosevic, dont on n'a pas de nouvelle, Ante
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1 Vidosevic, Niko Vidosevic, Vlado Markovic, Dragun Vidosevic. Kazimir lui
2 était à l'hôpital. Nous ne savions pas ce qui lui était arrivé, mais, en
3 tout cas, tout le monde a dit qu'il fallait aller à Zenica, qu'on ne
4 pouvait plus rester ici, et nous étions 47 à prendre la direction de
5 Zenica. Nous sommes arrivés au carrefour de Pojske, où Isak m'a laissé
6 passer, sachant qu'il ne m'avait pas rendu ma voiture à moi et à ma femme.
7 Je l'ai supplié de laisser passer ma mère, et il a fini par la laisser
8 passer aussi.
9 Q. Monsieur Vuleta --
10 R. Mais j'ai attendu 34 heures --
11 Q. Je m'excuse, encore une fois, de vous interrompre, mais j'ai quelques
12 questions de détail à vous poser à présent. Vous souvenez-vous de l'heure
13 approximative et de la date de votre retour dans le village de Susanj,
14 lorsque vous avez vu ce que vous venez de décrire ?
15 R. Il s'agissait du 9 juin, il devait être 9 heures, 10 heures, 10 heures
16 et demie. C'est à ce moment-là que je suis rentré chez moi au moment où
17 j'étais relâché, nous avons été relâché de la prison ce matin-là.
18 Q. En quelle année ?
19 R. En 1993.
20 Q. Lorsque vous êtes revenu dans le village, ce matin-là, est-ce que vous
21 avez vu des gens qui circulaient dans le village ?
22 R. Il y avait des gens en uniforme, portant des insignes de la police à
23 manche aussi, des espèces de brassard blanc, il s'était indiqué dessus
24 "police armée de BiH."
25 Q. Ces personnes étaient en uniforme dites-vous, mais quel est le type
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1 d'uniforme ?
2 R. Tenue de camouflage.
3 Q. Que faisaient ces personnes que vous avez vues, qui étaient en tenue de
4 camouflage, abhorrant des insignes de la police ?
5 R. Au carrefour au milieu du village, ils étaient là debout. Comme je vous
6 l'ai dit, ils ont menacé Enver qui m'avait emmené, Enver Spahic, et ils
7 l'ont menacé de le tuer, pour m'avoir emmené en voiture. Je ne sais le sort
8 qui était réservé à Enver par la suite, parce que je suis retourné chez moi
9 dans ma maison. Ces hommes, qui étaient en uniforme de camouflage, et je
10 vous ai dit, ils embarquaient tous ces objets, que j'ai déjà décrits, dans
11 le tracteur.
12 Q. Avez-vous une idée approximative du nombre de maisons qu'il y avait à
13 Susanj en 1993 ?
14 R. En 1993, à mon avis, 118 maisons. Il y a qui ont dressé des listes et
15 ils ont dit qu'il y avait, en fait, 120 familles ou foyers qui habitaient
16 car il arrivait que, dans une seule et même habitation, vous ayez deux
17 familles ou deux foyers qui y habitent.
18 Q. Lorsque vous avez quitté le village, le 9 juin 1993, ce tracteur, dont
19 vous nous avez parlé, où se trouvait-il au moment où vous vous êtes parti ?
20 R. De chez moi, je suis allé vers le village de Pojske. Il y a un
21 tournant. Le tracteur se trouvait devant la maison de Marijan Vuleta. Il
22 est un peu en arrière. Je ne sais pas exactement si ce tracteur avait été
23 emporté, parce qu'à cause du virage, je n'avais pas une vue dégagée, et je
24 n'ai pas trop osé regarder aux alentours d'ailleurs.
25 Q. Vous êtes arrivé au village de Susanj, le matin du
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1 9 juin 1993. Dans quel état se trouvait le village, à ce moment-là ?
2 R. On avait incendié la maison de Tomo Markovic. En tout cas, il y avait
3 eu un obus qui était tombé et qui avait provoqué un incendie. C'était le 8,
4 juste au moment où l'attaque a eu lieu. Il n'y avait que la porte qui était
5 endommagée. Dans les autres maisons, toutes les portes étaient ouvertes, et
6 sinon, les autres étaient toujours debout. Elles n'ont pas été incendiées
7 ce jour-là. Les toits étaient toujours sur les maisons. Je pense qu'elles
8 n'ont pas non plus été incendiées ce jour-là ni le lendemain.
9 Q. Après le 9 juin 1993, vous êtes parti. Quand êtes-vous revenu dans le
10 village de Susanj ?
11 R. Je ne me souviens pas de la date. Je pense que c'était le dimanche
12 précédant Pâques. En effet, en 1995, lorsque je suis revenu pour la
13 première fois à Susanj après tout cela, à Ovnak, là où se trouve le
14 cimetière, nous sommes allés nous recueillir sur nos morts. C'était le
15 dimanche précédant Pâques. Je ne connais pas la date précise, mais je peux
16 vous dire que c'est en 1995.
17 Q. Je vous remercie, Monsieur Vuleta.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Nous n'avons plus d'autres questions à vous
19 poser. Merci, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis.
21 Je me tourne vers les avocats de la Défense. Je vous donne la parole.
22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vuleta. Je m'appelle Edina
25 Residovic. Je suis l'avocat représentant les intérêts du général
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1 Hadzihasanovic. J'ai simplement quelques questions à vous poser, et
2 j'aimerais bien que vous y répondiez.
3 Vous avez perdu vos jambes dans un accident survenu à la scierie lorsque
4 vous travailliez, c'était dans l'action du travail ?
5 R. Oui.
6 Q. A l'époque, vous viviez, vous travailliez avec des personnes
7 appartenant à tous les groupes ethniques qui vivaient à Zenica à l'époque,
8 avec des Serbes, des Musulmans, des Croates ?
9 R. Oui.
10 Q. Tous les ouvriers qui travaillaient avec vous, vous ont beaucoup aidé
11 pour ce qui est de sortir d'un tel incident et d'être à ce point handicapé.
12 Ils vous ont aidé à poursuivre votre vie, n'est-ce pas, et, notamment, ils
13 vous ont acheté ce véhicule qui vous a permis de vous déplacer ?
14 R. Oui.
15 Q. M. Mundis vous a posé une question, et vous avez dit en guise de
16 réponse que deux jours avant le début des combats, le 8 juin, Fabijan et
17 Zoran Markovic, vous avaient mis en garde, vous avaient dit de quitter le
18 village ou plutôt d'aller du côté de Ovnak. Est-ce exact ?
19 R. Oui.
20 Q. A votre connaissance, Fabijan et Zoran Markovic, à l'époque, étaient-
21 ils membres du HVO ?
22 R. Je suppose que oui, mais je ne suis pas trop sûr.
23 Q. Sinon, tous les hommes en âge de combattre de votre village, ils
24 appartenaient à la Brigade de Frankopan, et leur compagnie avait son QG à
25 Grahovcici ?
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1 R. Là, je ne sais pas. Je ne sais pas dans quelle unité ils étaient, mais
2 je sais que le HVO existait bel et bien. Je ne peux pas vous dire à quelle
3 brigade ils appartenaient.
4 Q. Merci. Voici ma seconde question : Kasimir Markovic, cet homme qui a
5 été blessé, à la demande Ragib Rizvic, vous l'avez emmené à l'hôpital de
6 Zenica ?
7 R. Oui.
8 Q. A Pojske, l'armée vous a arrêté. Ce sont des soldats qui vous ont dit
9 de vous arrêter, et vous avez été emmené vous-même dans le bâtiment de
10 l'école, alors que les soldats ont emmené Kasimir qui était le blessé, à
11 l'hôpital. Ils l'ont fait eux-mêmes, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Une question vous a été posée par les Juges de la Chambre. Vous avez
14 dit avoir déjà été plusieurs fois témoin. Vous aviez déposé devant le
15 tribunal de Zenica, à trois reprises, n'est-ce pas ?
16 R. Trois fois.
17 Q. Un procès avait été intenté à Ragib Rizvic, pour ce qu'il avait fait à
18 Kazimir Markovic, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Rizvic a été jugé coupable par le tribunal cantonal de Zenica pour
21 l'acte qu'il avait commis ?
22 R. Oui.
23 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser, Monsieur
24 le Témoin.
25 R. Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
2 Je me tourne vers les autres Défenseurs pour leur donner la parole.
3 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pas de questions
4 à poser à ce témoin au nom de M. Kubura. Je vous remercie infiniment.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous avez la parole pour des
6 questions supplémentaires.
7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai que
8 quelques questions supplémentaires à la suite du contre-interrogatoire qui
9 vient d'être mené.
10 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :
11 Q. [interprétation] Monsieur Vuleta, vous rappelez-vous de façon
12 approximative de la période au cours de laquelle vous avez été témoin
13 devant un tribunal de Zenica dans le cadre du procès intenté à M. Rizvic ?
14 R. Je ne me souviens pas de la date exacte, mais, grosso modo, c'est au
15 cours du printemps, de l'été. Il faisait beau. Auparavant, j'avais fait une
16 déclaration. Quoiqu'il en soit, non, je ne me souviens pas de la date.
17 Q. Vous souvenez-vous de l'année ?
18 R. L'année dernière, en 2003.
19 Q. Merci, Monsieur Vuleta. Nous n'avons plus de questions à vous poser.
20 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Vuleta, votre témoignage est terminé.
22 Conformément aux questions de l'Accusation, vous avez répondu et vous avez
23 également répondu aux questions de la Défense. Nous vous remercions d'avoir
24 contribué à la manifestation de la vérité par votre témoignage.
25 Je vais demander à Mme la Greffière qui vous assistait, de bien vouloir
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1 vous aider à repartir.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
3 [Le témoignage du témoin par vidéoconférence est terminé]
4 [Le témoin se retire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons terminé l'audition des deux témoins qui
6 étaient prévus ce jour. Comme nous disposons d'un peu de temps, est-ce que
7 les parties présentes ont, comme le dit excellemment M. Bourgon, des
8 représentations à faire ou des réquisitions à prendre ? S'il n'y a aucun
9 problème. Maître Bourgon.
10 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Rapidement, simplement pour
11 indiquer à la Chambre que, vendredi dernier, la Défense a déposé,
12 conformément à la décision de la Chambre, des précisions additionnelles
13 relatives à la requête de la Défense pour le constat judiciaire, de faits
14 admis dans d'autres affaires. Malheureusement, lors du dépôt de ces
15 précisions additionnelles, nous avons envoyé le mauvais dossier par voie
16 informatique. Au cours du "weekend", nous avons envoyé un deuxième dossier.
17 La différence entre les deux, ce sont des fautes d'orthographes et le
18 polissage final entre les deux textes. Monsieur le Président, nous
19 espérions qu'il serait possible lundi matin de distribuer seulement le
20 deuxième texte. Je me suis aperçu hier, avec M. le Greffier, que les deux
21 textes ont été distribués. J'aimerais simplement attirer l'attention de la
22 Chambre qu'il faut prendre le deuxième texte, et surtout de faire en sorte
23 que seulement le deuxième soit traduit et non pas les deux, puisque le
24 texte sera traduit en anglais pour l'Accusation, de façon à limiter
25 l'utilisation des ressources du Greffe. Merci, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le second texte est daté de quel jour ? Parce
2 qu'effectivement, j'ai vu ces deux textes. Le deuxième est daté de quel
3 jour ?
4 M. BOURGON : Le deuxième, Monsieur le Président, nous avons laissé la même
5 date, mais il a été envoyé au Greffe le dimanche,
6 le 14.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je crois me souvenir qu'au-dessus du texte, il
8 doit y avoir la mention de l'heure. On vérifiera quel est le deuxième qui
9 est le bon. Il me semble qu'il y avait marqué l'heure de départ de votre
10 fax. Vous avez dû envoyer un fax.
11 M. BOURGON : Effectivement, Monsieur le Président. Les deux textes ont été
12 déposés, mais les deux ont été enregistrés avec des numéros différents. Le
13 texte à bel et bien était enregistré deux fois, alors que nous pensons
14 qu'il serait peut-être possible lundi matin de remplacer le premier texte
15 par le second. Cela n'a pas été fait.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
17 Je me tourne vers l'Accusation sur ces précisions additionnelles. Est-ce
18 que l'Accusation a l'intention d'y répondre dans la mesure où le texte
19 comprend plusieurs pages. Il y a dans les précisions additionnelles des
20 éléments de droit qui sont indiqués, notamment une jurisprudence d'un
21 tribunal militaire, suite à la mise en accusation du général Rendulic. Il y
22 avait toute une argumentation juridique développée dans ce document. Est-ce
23 que l'Accusation va y répondre, et ce, dans quel délai ?
24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation a
25 sans nul doute l'intention de répondre. Si je me souviens bien, la Chambre
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1 avait donné des instructions à l'Accusation. Elle lui avait donné pour
2 délai la date du vendredi,
3 19 mars, vendredi qui vient. A ce jour, ni M. Withopf, ni moi-même, n'avons
4 eu l'occasion de voir la mouture mise à jour. Je me corrige, aujourd'hui,
5 nous n'avons reçu qu'une mouture de la requête déposée par la Défense. Est-
6 ce la bonne ou pas, nous ne le savons pas. Etaient-ce les écritures qui
7 avaient été déposées au départ ? Je ne le sais pas, parce que le Greffe a
8 pour habitude de numéroter à la main ou de façon électronique les pages. Si
9 j'avais le chiffre ERN, à ce moment-là, je pourrais vérifier si nous avons
10 bien la bonne mouture de la requête. Je peux demander ces renseignements
11 sur le champ au Greffier de l'audience, pour voir s'il dispose déjà de ces
12 informations. Mon assistante m'a dit qu'elle vient de recevoir ce document.
13 Voilà, je pense que nous avons ce document. Nous avons sans nul doute
14 disais-je l'intention de répondre, mais à ce stade-ci, Monsieur le
15 Président, il est peut-être prématuré que je vous garantisse que nous
16 allons respecter ce délai pour le dépôt de nos écritures, ce délai de
17 vendredi. Il faudra peut-être un délai supplémentaire. Si c'est le cas, je
18 vous le demanderai par voie de requête.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela suffira amplement.
20 Bien. Par ailleurs, j'avais indiqué la dernière fois, que le
21 8 avril, nous ferions une audience d'admission de pièces non contestées par
22 la Défense, qui seront proposées par l'Accusation. Je voulais également
23 préciser à cet égard. Bien entendu, on attend la réponse de la Défense à la
24 fameuse liste consolidée. Pour les pièces qui ne feront pas l'objet de
25 contestation de la part de la Défense, il serait souhaitable à ce moment-
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1 là, une fois que vous ayez été informés de la position de la Défense, de
2 mettre ces pièces dans un classeur, de les mettre dans un classeur, et de
3 prévoir plusieurs classeurs qui seraient remis à tout le monde, bien
4 entendu, un classeur pour le Greffe. Ces pièces placées peut-être dans
5 l'ordre de votre liste consolidée, permettraient un accès très facile aux
6 uns et aux autres. Voilà une solution que je suggère pour permettre que
7 nous puissions travailler dans d'excellentes conditions.
8 Voilà pour ce qui concerne les pièces. Il en sera de même pour les fameux
9 858 documents qui ont été évoqués hier, si la Défense compte les verser à
10 un moment donné, je ne sais pas quand. Là aussi, peut-être que le biais du
11 classeur permet de faciliter les choses.
12 En revanche, les pièces qui font l'objet de contestation, et qui seront
13 introduites lors des témoignages, elles viendront l'une après l'autre,
14 comme il a été indiqué tout en ouvrant la possibilité, par exemple. Là, je
15 me tourne vers M. Withopf. C'est que les pièces qui seront contestées par
16 la Défense lors du témoignage du général Reinhardt, ces pièces aussi que
17 vous envisagez de verser, à ce moment-là, pourraient être aussi recueillies
18 dans un classeur, qui permettrait utilement le maniement lors du
19 témoignage. A ce moment-là, à partir du témoignage, vous indiquerez que
20 vous avez l'intention de verser telle pièce, tel numéro, la Défense
21 objectera certainement, et la Chambre appréciera.
22 Monsieur Withopf.
23 M. WITHOPF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons
24 nous conformer à ce que vous venez de suggérer. Cependant, il y a une
25 question que je voulais vous soumettre. Nous croyons comprendre que le 8
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1 avril, les documents recevront un numéro de cote. Il semblerait utile afin
2 de faciliter le travail du Greffe et le travail des deux parties,
3 d'ailleurs, de veiller à donner des cotes plus tôt pour ce qui est des
4 pièces qui ne sont pas constatées par la Défense, ce qui nous permettrait
5 du côté de l'Accusation de numéroter et de classer nos documents, en tenant
6 compte des cotes données par le Greffe. S'il était possible de recevoir des
7 cotes, plus tôt, cela serait, je pense plus utile pour toutes les parties.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait. Lorsque nous serons en possession de la
9 position de la Défense sur lesdites pièces, à ce moment-là, s'il y a
10 l'hypothèse de cote 30 ou 40 qui ne sont pas contestées, on saura qu'il
11 aura au moins 40 numéros qui devront s'enchaîner logiquement. A partir de
12 là, on pourra préempter avant le 8 avril des numéros, puisque ces pièces
13 seront officiellement versées dans la procédure que le 8 avril. Le Greffe
14 nous indiquera à ce moment-là des numéros préemptés qui permettront de
15 répondre à votre question.
16 En revanche, bien entendu, les pièces contestées, elles n'auront pas de
17 numéro. Bien entendu, nous verrons à donner un numéro, soit aux fins
18 d'identification, soit après l'audition en fonction des éléments que nous
19 retiendrons. Le Greffier, pour l'exécution de ses tâches, m'indique que les
20 pièces contestées pourraient, le cas échéant recevoir un numéro aux fins
21 d'identification. Nous réfléchirons à cette solution également qui pourrait
22 être suivie, mais nous verrons. Parce qu'il est évident que vu le nombre de
23 pièces, si on préempte des numéros aux fins d'identification, à ce moment-
24 là, cela veut dire que les pièces qui suivront après, devraient s'enchaîner
25 logiquement après. Si les pièces aux numéros aux fins d'identification ne
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1 sont pas retenues, on aura des trous dans la numérotation. La suggestion du
2 Greffier est aussi fort intéressante. On appréciera le moment venu.
3 Est-ce qu'il y a de la part des uns et des autres, d'autres questions ?
4 S'il n'y a pas d'autres questions, au planning de demain, il y a des
5 témoins prévus.
6 Je donne la parole à M. Withopf pour la présentation des deux témoins
7 prévus.
8 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
9 Juges, en l'état, ces deux témoins devraient être disponibles demain.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. J'ai noté également sur votre mémorandum
11 pour la semaine prochaine, il était prévu également trois personnes étalées
12 entre le lundi 22 mars et le mardi, le mercredi, jeudi et vendredi, il y a
13 trois personnes. Sur une semaine, nous n'aurons que trois personnes. Comme
14 il y a des témoignages qui risquent d'être longs, il est prévu au moins
15 pour deux, sur deux jours. Comme vous le savez, en raison d'une cérémonie
16 qui va se tenir demain matin, malheureusement, nous devons ne pas tenir
17 d'audience le matin. Ce qui va obliger tout le monde à venir demain à
18 l'audience de l'après-midi à 14 heures 15. Nous tiendrons l'audience demain
19 à
20 14 heures 15 en continuation de la journée d'aujourd'hui. Nous repasserons
21 aux audiences du matin, jeudi et vendredi, comme d'habitude.
22 Tout ayant été dit, je remercie tout le monde et je vous invite à revenir
23 demain pour 14 heures 15.
24 --- L'audience est levée à 11 heures 31 et reprendra le mercredi 17 mars
25 2004, à 14 heures 15.