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1 Le mercredi 31 mars 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 11.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appelez le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
8 les Juges, il s'agit de l'affaire numéro IT-01-47-T, le Procureur contre
9 Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je me tourne vers les
11 représentants de l'Accusation.
12 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
13 Monsieur les Juges, nous avons pour l'Accusation Daryl Mundis, Ekkehard
14 Withopf, et Ruth Karper, qui est le commis aux audiences.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les avocats de la Défense.
16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
17 les Juges, au nom du général Enver Hadzihasanovic, je me présente, Edina
18 Residovic, conseil; et Stéphane Bourgon, co-conseil; ainsi que Muriel
19 Cauvin, assistante juridique.
20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Au nom de M. Kubura, nous avons M. Rodney
21 Dixon; moi-même, Fahrudin Ibrisimovic; et Nermin Mulalic, assistant
22 juridique.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
24 Après l'interruption d'hier, je salue toutes les personnes présentes, au
25 nom de la Chambre, les représentants de l'Accusation, les avocats des
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1 accusés, ainsi que tout le personnel de la salle d'audience.
2 Nous avons aujourd'hui deux témoins prévus. Il semblerait qu'il y a un
3 problème pour un des deux témoins. Avant d'aborder la question des témoins,
4 il y a deux points à régler.
5 D'abord, la Chambre constate avec satisfaction la présence de la fameuse
6 maquette qui est devant nous, ce qui permettra pour les témoins à venir le
7 cas échéant, de préciser les endroits dans la mesure où on a visualisé par
8 des petits cartons les localités. On s'y retrouvera plus facilement.
9 De la position où est la Chambre, nous voyons du blanc et du vert. Nous
10 pensons que le vert, c'est les forêts boisées, les espaces vertes.
11 Certainement, on aura d'autres précisions.
12 En tout cas, cette maquette nous servira aux uns et aux autres.
13 Le deuxième point que je tiens à aborder, c'est la question des pièces que
14 l'Accusation souhaite verser. L'Accusation, je rappelle, avait dressé un
15 tableau. Nous avons reçu à la Chambre hier, les observations de la Défense
16 sur les pièces. J'ai passé une partie de l'après-midi à regarder ce tableau
17 et à faire les calculs sur les pièces admises et contestées. D'après mes
18 calculs, il y aurait 212 documents qui ne sont pas contestés et 655
19 documents qui sont contestés. Nous avons un noyau dur de plus de 200
20 documents qui, de la part de la Défense n'a pas soulevé d'objections.
21 Ces documents sont référenciés dans le tableau que la Défense a joint à ses
22 observations écrites.
23 La Défense a fait valoir dans son mémoire qu'elle contestait des documents
24 pour deux principales raisons : La question de la pertinence, évidemment;
25 par ailleurs, la contestation de l'authenticité des documents soit en
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1 raison de la qualité des signataires ou pour toute autre raison. Ce sont
2 les deux motivations qui ont fait qu'un certain nombre de documents sont
3 contestés. Un certain nombre, mais là 655. Ce qui veut dire que ces
4 documents seront évidemment produits par l'Accusation lors des témoignages
5 à venir, et feront, bien entendu, l'objet de la part des Défenseurs, des
6 contestations quant à la pertinence ou à l'authenticité. Il reste à régler
7 le sort de 212 documents.
8 Vous avez tenu une réunion administrative hier à cet égard. Une des
9 solutions préconisées, serait que la Chambre rende une décision écrite sur
10 ces 212 documents non contestés. Ceci peut être fait. Nous allons reparler
11 entre nous tout à l'heure, lors de la pause.
12 Le problème qui peut apparaître est le suivant : C'est que ces documents
13 nous ne les avons pas, nous ne les avons pas vus, nous ne les connaissons
14 pas, nous ne connaissons pas la teneur. L'Accusation les a adressés à la
15 Défense qui les a, bien entendu, étudiés. Nous, nous ne les avons pas. Il
16 semblerait que l'Accusation est en train d'effectuer des copies de ces
17 documents. Aurons-nous ces documents avant la date prévue du mois d'avril,
18 c'est-à-dire, la semaine prochaine. Nous ne demandons pas, évidemment,
19 l'ensemble des documents, mais nous pourrions avoir au moins les 212
20 documents non contestés. Parce que la Chambre aura deux possibilités. Nous
21 allons délibérer soit si nous n'avons pas les documents d'ici l'audience
22 prévue, à ce moment-là, on donnera un numéro aux fins d'identification qui
23 se transformera en un numéro définitif quand on aura les documents.
24 Deuxième solution, nous faisons confiance aux uns et aux autres sur la
25 pertinence, à ce moment-là, notre décision entraînera un numéro définitif.
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1 Avant que nous puissions en délibérer entre nous, j'aimerais connaître de
2 la part de l'Accusation sa position quant à la copie de ces documents, et à
3 quel moment la Chambre pourrait être en possession dans la mesure où nous
4 avions recommandé de mettre ces documents dans des classeurs.
5 Monsieur Withopf.
6 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
7 Juges, pour ce qui est de la date à laquelle l'Accusation transmettra les
8 documents qui ne font l'objet d'aucune contestation, l'Accusation avait cru
9 comprendre que nous présenterons ces documents le 8 avril.
10 Sur la base d'une décision de la Chambre de première instance, il y a eu la
11 suggestion des parties présentées lors de la réunion de hier soir, à la
12 suite de la proposition du Greffe, nous aurons les cotes P qui seront
13 attribuées aux documents. Ensuite, à savoir, le
14 8 avril, l'Accusation présentera neuf des dix classeurs contenant les
15 documents qui ne sont pas contestés.
16 Cela représente un effort herculéen de la part de l'Accusation pour classer
17 tout cela dans ces classeurs. Il est très vraisemblable que l'Accusation
18 confiera cette tâche à autrui. Par conséquent, l'Accusation ainsi que la
19 Défense seraient extrêmement reconnaissantes à la Chambre si elle pouvait
20 prendre sa décision pendant le courant de cette semaine.
21 L'Accusation est également d'avis, et je pense que cela correspond
22 également au point de vue de la Défense, qu'étant donné qu'il ne s'agit pas
23 de documents qui font l'objet de contestation, ces documents sont
24 importants pour les audiences. Par conséquent, l'Accusation suggère que,
25 lorsque la Chambre aura pris sa décision à propos des cotes P, l'Accusation
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1 se chargera de mettre ces documents dans les classeurs respectifs, et
2 transmettra ces documents et ces classeurs, et ces documents qui seront
3 versés le 8 avril.
4 Si vous me permettez, Monsieur le Président, d'aborder un autre thème que
5 vous avez vous-même évoqué. Hier, vous avez parlé rapidement, et la Défense
6 hier, avait indiqué que pour toute une série de raisons, notamment, la
7 pertinence ou l'authenticité, la Défense, disais-je contestait la majorité
8 des documents. L'Accusation souhaiterait aborder la question des
9 préoccupations de la Défense. Je pense qu'il serait extrêmement utile que
10 la Défense puisse éclairer la lanterne de l'Accusation et de la Chambre à
11 propos de l'objet des contestations, puisque ce n'est qu'à partir de ce
12 moment-là que l'Accusation pourra véritablement prendre une position à
13 propos des préoccupations exprimées par la Défense, car cela pourrait avoir
14 une incidence sur les témoins qui seront appelés à comparaître. Si la
15 pertinence des documents fait l'objet de contestations, il s'agit d'une
16 question qui est d'ordre juridique.
17 Toutefois, s'il s'agit de l'authenticité des documents qui fera l'objet de
18 contestations, l'Accusation devra appeler à la barre certains témoins. Par
19 conséquent, l'Accusation serait extrêmement reconnaissante à la Défense si
20 elle avait l'amabilité d'informer à la fois la Chambre de première instance
21 et l'Accusation des contestations relatives aux différents documents. Je
22 vous remercie.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à la Défense, juste une
24 petite précision afin qu'il n'y ait pas de malentendus.
25 A l'origine, la Chambre avait indiqué que la date du 8 avril serait la date
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1 où seraient officiellement versés les documents. A l'époque, et vous pouvez
2 vous référer au transcript, il avait été indiqué que nous passerions cette
3 journée du 8 avril, d'une part à donner un numéro au témoignage du 92 bis
4 et à donner un numéro aux documents. Etant précisé à ce moment-là, que ces
5 documents, nous les aurions en main. A ce moment-là, comme je l'avais
6 indiqué et c'est dans le transcript, M. le Greffier, sur l'invitation de la
7 Chambre, donnerait un numéro, document par document. Postérieurement à ce
8 qui avait été dit, la Défense et l'Accusation qui ont réfléchi au problème
9 ont proposé de se réunir avec le Juriste de la Chambre, afin d'envisager
10 une autre modalité permettant de gagner du temps. C'est dans le contexte de
11 cette nouvelle modalité qu'est proposé que la Chambre prenne une décision
12 écrite ordonnant les versements. Voilà la problématique telle que je viens
13 de la rappeler.
14 Autant préciser que si nous prenons cette décision ordonnant le versement,
15 nous risquons de prendre une décision avant le 8 avril, alors même que nous
16 n'avons pas les documents. L'Accusation nous fait savoir qu'il y aura neuf
17 classeurs de prêts le 8 avril et pas dix. Je ne sais pas pourquoi il y en a
18 un qui reste en "stand-by", il y a certainement une raison. L'Accusation
19 nous a indiqué que ces documents seront classés dans le classeur.
20 Concernant le classement, il n'y a que deux méthodes, où la méthode par le
21 chiffre, c'est-à-dire, on le met classeur numéro un en fonction des numéros
22 des pièces qui figurent dans les annexes. A ce moment-là, on s'y retrouve.
23 Il y a un autre classement beaucoup plus élaboré qui serait de classer les
24 pièces en fonction des infractions ou des localités. Cela peut poser un
25 autre problème. C'est à l'Accusation de voir comment elle veut classer ces
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1 pièces, mais il y a plusieurs méthodes de classement. Nous allons prendre
2 une décision sur la suite à donner.
3 L'Accusation a soulevé un problème important qui est le fait qu'il y a 655
4 documents qui sont contestés. Est-ce qu'à ce stade, la Défense peut nous
5 dire pourquoi ils sont contestés ? Grosso modo, j'ai cru comprendre par vos
6 écritures que c'est en raison soit de la pertinence, soit de
7 l'authenticité. Comme l'a fait valoir l'Accusation, s'il y a des
8 contestations au niveau de la pertinence, cela peut poser des problèmes
9 plus compliqués que des problèmes d'authenticité.
10 Je me tourne vers la Défense pour leur demander leur point de vue éclairé
11 par rapport au document qui a été dressé le 29 mars, qui est assez
12 succinct, puisqu'il fait une page et demie sur la raison de contestation.
13 Maître Bourgon, comme je sais que c'est vous qui y avez travaillé, je vous
14 donne la parole.
15 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,
16 Monsieur le Président. La position de la Défense, Monsieur le Président, a
17 été exprimée dans le document que nous avons déposé hier, c'est-à-dire,
18 document déposé au nom de la Défense des deux accusés. Notre objectif en
19 déposant ce document était de donner suite à la décision de la Chambre. La
20 difficulté à laquelle nous avons fait face, c'est que les documents pour
21 lesquels la Défense était en mesure de donner un accord, sans même que le
22 document ne soit produit devant la Chambre, nous en arrivons aux documents
23 pour lesquels nous avons exprimé un accord concernant l'admissibilité.
24 Monsieur le Président, vous avez mentionné le chiffre 212. Le chiffre, que
25 j'avais, était un peu plus élevé, mais je crois que ce n'est pas une
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1 différence qui soit importante ce matin. Je crois que ce qui est important
2 de noter, c'est que, pour les autres documents pour lesquels nous
3 contestons, soit l'authenticité, soit la pertinence, nous sommes d'avis
4 que, pour que ces documents puissent être admis, ils doivent faire l'objet
5 de représentations de certains débats devant la Chambre, document par
6 document, comme la Chambre avait anticipé ou du moins la Chambre avait
7 indiqué son intention de procéder. Les documents, qui sont indiqués dans
8 notre réponse déposée hier, sont des documents qui peuvent être admis sans
9 même faire l'objet d'un débat. Pour ces documents, Monsieur le Président,
10 nous suggérons, pour faciliter la procédure, si la Chambre pouvait
11 l'ordonner peut-être au moins un numéro d'identification, cela permettrait
12 à l'Accusation de produire les classeurs, comme nous avons discuté hier et,
13 ensuite, il ne s'agirait que d'enlever la question d'identification pour
14 que les documents soient tous admis en bloque, ce qui déjà ferait une base
15 solide pour le procès qui nous occupe. La question du numéro
16 d'identification n'a pas été discutée entre nous hier, mais, devant ce que
17 la Chambre soulève ce matin, je crois que ce serait une façon d'éviter tout
18 problème. Une décision de la Chambre avec des numéros d'identification,
19 l'Accusation produit les documents et, en bloc, toutes les cotes
20 d'identification sont retirées au moment où les classeurs seront déposés.
21 Pour les autres documents, Monsieur le Président, nous, la Défense, nous
22 sommes prêts à procéder de deux façons, soit au cas par cas, témoin par
23 témoin, en cours de procès et, à la fin du procès, les documents, qui
24 resteront et qui n'auront pas été admis, pourront faire l'objet d'un débat.
25 Ou, si l'Accusation ou encore la Chambre le préfère, nous pourrons -- nous
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1 serions tout à fait d'accord pour procéder à un débat, document par
2 document, avant ce fait. Nous avons simplement cru, Monsieur le Président,
3 que de faire état, par écrit, de nos observations, document par document,
4 ne serait pas productif, du moins à ce moment. Merci, Monsieur le
5 Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon pour ces observations.
7 Maître Dixon.
8 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans un premier
9 temps, Monsieur le Président, je vous dirais que nous comprenons tout à
10 fait que vous devez avoir les documents avant qu'ils ne soient considérés
11 comme recevables. Ils doivent pouvoir être étudiés par vous avant que vous
12 ne puissiez prendre une décision officielle. Comme l'a dit, à juste titre,
13 Me Bourgon, je suis sûr que l'Accusation sera en mesure de le faire. Des
14 copies pourront être fournis avec des numéros aux fins d'identification
15 avant de statuer sur la recevabilité des documents.
16 Deuxièmement, Monsieur le Président, ce qui serait extrêmement utile pour
17 la Défense serait que l'Accusation puisse indiquer -- ce qui d'ailleurs
18 correspond à une procédure normale dans de nombreuses juridictions --
19 pourrait indiquer, disais-je, quels témoins sont afférents à quel document,
20 quels témoins envisage-t-il pour présenter le document. Parce qu'ainsi nous
21 serons en mesure d'apprécier la pertinence parce que, sinon, nous ne savons
22 pas quels sont les témoins qui sont visés. Pour ce qui est de
23 l'authenticité, si la source du document n'est pas certaine, nous devons
24 contester cela parce que nous ne savons pas quels témoins seront en mesure
25 d'indiquer que le document existe et que le document a été préparé en bonne
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1 et due forme. Dans un premier temps, il serait extrêmement que l'Accusation
2 nous indique quels témoins seraient à même de présenter des observations à
3 propos de quels documents, et ainsi nous pourrons voir si cela pourra
4 diminuer le nombre de documents. Je pense que nous pourrons continuer à
5 maintenir le contact avec l'Accusation pour pouvoir parvenir à une solution
6 avant de représenter tout cela aux Juges de la Chambre de première
7 instance. Merci.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vous remercie, Maître Dixon. Effectivement,
9 le problème résiduel est le suivant : c'est que nous avons des centaines de
10 documents qui seront introduits et, au fur et à mesure des témoins qui
11 viendront déposer dans les semaines et les mois à venir. Il serait vraiment
12 utile qu'à partir du tableau qui a été fait par l'Accusation et le tableau
13 de la Défense, on ait un nouveau tableau qui émanerait, à ce moment-là, de
14 l'Accusation, qui indiquerait, pièce par pièce; ces pièces à quels témoins
15 vont-elles se référer ? Ce qui serait déjà une bonne indication et
16 permettrez tant à l'Accusation qu'à la Défense et à la Chambre d'y voir
17 beaucoup plus clair. Par ailleurs, il y aurait peut-être lieu -- mais
18 c'est à l'Accusation d'y réfléchir, mais c'est ma pratique professionnelle
19 antérieure qui me permet de vous l'indiquer, dans la mesure où j'exerçais
20 les fonctions que vous occupiez les uns et les autres actuellement à
21 diverses occasions. Vu que je suis à même, ayant occupé les différentes
22 fonctions, de vous indiquer qu'il serait très utile que ces pièces aient
23 aussi une référence par rapport à l'acte d'accusation et par rapport au
24 mémoire préalable, ce permettrait, à ce moment-là, une lecture beaucoup
25 plus simple pour tous. Bien entendu, mes observations valent également, le
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1 moment venu, pour la Défense qui introduira également ses témoins. Ce que
2 je dis vaut également pour tout le monde. Cela permettrait, à ce moment-là,
3 de s'y retrouver beaucoup plus facilement.
4 Actuellement, de par la position de la Défense qu'il y a plus de 600
5 documents qui doivent être introduits par les témoins, et la Défense
6 souhaite, comme elle l'a indiqué par Me Dixon, avoir au moins des
7 indications sur la référence de ces documents par rapport aux témoins.
8 Monsieur Withopf, au vu de ces observations -- mais la Chambre n'a pris
9 aucune décision, on va en délibérer entre nous. Est-ce que vous pouvez nous
10 apporter parce qu'on voit que les débats contradictoires permettent
11 d'avancer et de mieux appréhender les problèmes pratiques, parce que là
12 nous sommes dans les problèmes pratiques.
13 Monsieur Withopf.
14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation
15 souhaiterais évoquer un certain nombre de questions. L'Accusation
16 préférerait -- et cela d'ailleurs avait été indiqué par la Chambre de
17 première instance -- préférerait que nous ayons une discussion qui
18 porterait sur les documents contestés, et cela pourrait être suivie par une
19 décision prise par la Chambre. Cette procédure nous permettrait d'accélérer
20 l'affaire compte tenu du fait que l'Accusation envisage d'avoir environ 25
21 témoins supplémentaires qui seront présentés et qui comparaîtront ici dans
22 le prétoire. Nous avons quelques 655 documents, et l'Accusation devrait
23 verser quelques 20 à 25 documents par le truchement des témoins, et je
24 pense que cela aurait un impact sérieux sur le rythme de la procédure. Ne
25 serait-ce que, pour cette raison, il nous semble beaucoup plus efficace
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1 d'avoir une discussion document par document, même si cela nous prend toute
2 une journée et, ensuite, nous pourrions avoir la décision de la Chambre de
3 première instance pour ce qui est de la recevabilité desdits documents ?
4 Pour ce qui est du contexte, Monsieur le Président, la Défense a toujours
5 eu un avis très général à propos du contexte politique, militaire,
6 historique et économique. Quel doit être ce contexte et dans quelle mesure
7 est-ce que ce contexte doit faire l'objet de discussion pendant les
8 audiences ? Par conséquent, pour le moment, l'Accusation, qui n'a pas eu
9 d'information supplémentaire de la part de la Défense, ne comprends pas,
10 dans une certaine mesure, pourquoi la Défense conteste un nombre si
11 important de documents.
12 L'Accusation aimerait également attirer l'attention des Juges de la Chambre
13 sur un fait. Pour un grand nombre de documents contestés, il s'agit, dans
14 une grande mesure, de documents officiels. La Chambre de première instance,
15 à maintes reprises, a indiqué son avis sur la question, à savoir, les
16 documents officiels, estampillés, qui émanent de quelque autorité que ce
17 soit, doivent être considérés comme recevables et comme moyens de preuve.
18 Il y a un certain nombre d'ordres, fournis par l'accusé Kubura, qui sont
19 contestés et il s'agit d'exemples qui illustrent pourquoi l'Accusation,
20 pour le moment, sans avoir de plus amples renseignements de la part de la
21 Défense, n'est pas en mesure, véritablement, de régler la question des
22 contestations de la Défense. Je fais, notamment, allusion aux numéros 227 à
23 229, qui figurent sur la liste de la Défense, mais il y en a certainement
24 d'autres. Je vous ai donné cet exemple à titre d'illustration seulement.
25 Pour ce qui est du souhait exprimé par la Chambre de première instance, qui
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1 souhaite avoir une copie de tous les documents qui ne sont pas contestés
2 et, ce, afin de leur permettre de prendre une décision éclairée puisque
3 l'Accusation souhaite verser ces documents comme moyens de preuve, il est
4 évident que l'Accusation sera en mesure de fournir ce classeur et, ce,
5 avant le 8 avril. Cela ne devrait pas représenter un trop gros problème.
6 Sinon, l'Accusation est tout à fait d'accord avec la Défense pour ce qui
7 est du versement des documents non contestés. La décision de la Chambre
8 pourrait nous permettre d'avoir -- d'identifier les numéros, les cotes
9 indiquées au titre d'identification avec les numéros. Ensuite, le 8 avril,
10 ces documents pourraient se voir attribuer une cote définitive. Merci,
11 Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Withopf.
13 Pour résumer la position des uns et des autres afin que tout le monde soit
14 bien au clair, la Défense nous a dit, tout à l'heure : nous allons, pour
15 nos raisons propres à la Défense, contester un certain nombre de documents.
16 Nous souhaitons, nous, la Défense, que ces documents soient introduits
17 lorsque les témoins viendront.
18 Le reste des documents, qui n'ont même pas été introduits par les témoins,
19 la Défense suggère, à ce moment-là, qu'il y ait une audience spéciale pour
20 ces documents. Voilà le positionnement de la Défense.
21 L'Accusation nous dit -- elle inverse, en quelque sorte, la position de la
22 Défense en disant : faisons une audience sur les documents contestés et,
23 ensuite, nous faisons venir nos témoins et, à ce moment-là, on gagnera du
24 temps.
25 Sur cette proposition d'une audience sur les documents, compte tenu des
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1 contestations, on imagine qu'il faudra plusieurs jours d'audience, parce
2 que tous les documents vont faire l'objet -- enfin, un certain nombre, sont
3 susceptibles de faire l'objet, de la part de la Défense, de contestations
4 de fond. Il y aura un débat entre la Défense et l'Accusation. Les Juges
5 trancheront. A mon avis, cela ne prendra pas un seul jour, mais plusieurs
6 jours. Voilà le problème dans lequel nous sommes.
7 A titre d'exemple, j'ai remarqué, dans la liste des documents que nous
8 avons, par exemple, émanant de la source Serif Patkovic, la liste des
9 officiers de la 7e Brigade. Cette liste, qui apparemment est un document
10 officiel, est contestée. Je pense qu'elle est contestée, non pas par le nom
11 des officiers peut-être, mais peut-être en raison de la pertinence. S'il y
12 a un débat sur cette liste d'officiers, cela risque de prendre du temps.
13 Que cette liste aurait pu être introduite par un témoin, voilà un exemple
14 de problème qui peut se dérouler.
15 Compte tenu de la proposition formulée par l'Accusation, à savoir une
16 audience préalable sur tous les documents, que dit la Défense ? Maître
17 Bourgon.
18 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.
19 Tout d'abord, Monsieur le Président, la Défense aimerait apporter quelques
20 précisions concernant les documents qui ont fait l'objet, c'est-à-dire, les
21 documents qui ne sont pas contestés. Tous les documents, qui sont de nature
22 officielle, c'est-à-dire, tous les documents qui émanent du gouvernement ou
23 qui sont des actes du parlement, ont été -- ont fait l'objet d'une
24 acceptation de la part de la Défense. De même, tous les documents qui
25 émanent d'organes internationaux, telles la Mission de monitoring de
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1 l'Union européenne, ainsi que la force de Protection des Nations Unies,
2 tous ces documents ont fait l'objet d'une acceptation de la part de la
3 Défense.
4 Là où nous avons encouru des problèmes, c'est surtout pour les autres
5 documents. Je crois qu'il est utile, à ce stade-ci, Monsieur le Président,
6 de donner un exemple concernant l'admissibilité d'un document eu égard à la
7 signature. Dans le cas de la Défense du général Hadzihasanovic, un document
8 émanant du 3e Corps est signé par le général Hadzihasanovic.
9 Lorsque nous avons reconnu la signature du général Hadzihasanovic, ce
10 document a fait l'objet d'une admission. Lorsqu'il s'agissait d'un document
11 du 3e Corps, et là où la signature n'était reconnue, mais, dans le cas
12 d'espèce où nous connaissions le processus qui a mené à ce document et le
13 processus qui a mené à la signature, non pas par l'accusé, mais par une
14 autre personne, nous avons également admis ces documents.
15 Pour les documents pour lesquels nous avons exprimé une opposition
16 concernant leur admissibilité, il s'agit de documents où nous ne pouvons
17 pas établir le processus d'élaboration du document. Il s'agit surtout de
18 documents, non pas ceux du 3e Corps, mais bien ceux qui ont pu être
19 échangés, à titre d'exemple, entre la 306e Brigade et une autre brigade du
20 3e Corps. Lorsqu'un document n'impliquait pas du tout le 3e Corps, mais
21 plutôt impliquait deux brigades au sein du 3e Corps, sans que le 3e Corps ne
22 soit impliqué, il est très difficile pour la Défense de faire une
23 déclaration concernant l'admissibilité d'un tel document sans avoir
24 davantage de renseignements.
25 De là, la pertinence, Monsieur le Président, des propos exprimés par mon
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1 confrère, Me Dixon, si la Défense connaissait le lien entre le document et
2 l'acte d'accusation, il nous aurait été beaucoup plus facile, à ce moment-
3 là, d'examiner le document à la lumière de ce que l'utilisation que
4 comptait en faire l'Accusation.
5 Pour en revenir à la suggestion exprimée par l'Accusation, nous croyons que
6 le processus, c'est-à-dire, de passer maintenant à la discussion sur chacun
7 de ces documents, nous sommes d'accord avec la Chambre qu'il s'agit d'un
8 processus qui risque d'être très long. Nous allons passé plusieurs jours à
9 simplement regarder les documents et essayé de nous faire une idée, sans
10 même faire l'objection d'une contestation. Si nous essayons de discuter de
11 ces documents devant la Chambre, cela risque de prendre, effectivement,
12 plusieurs jours.
13 A tout le moins, si la Chambre devait décider pour un tel processus, il
14 nous faudrait, au minimum, Monsieur le Président, avoir le lien avec l'acte
15 de l'accusation et le lien avec le témoin qui pourrait aider à comprendre
16 le document et en comprendre l'utilisation, à comprendre sa pertinence eu
17 égard aux accusations auxquelles l'accusé fait face. Nous croyons,
18 cependant, qu'il serait préférable de procéder avec les témoins, de faire
19 introduire les documents par les témoins qui sont présents devant la
20 Chambre. A la fin, à ce moment-là, nous serons exactement toute la preuve
21 orale qui aura été entendue. Il sera beaucoup plus facile, à ce moment-là,
22 de déterminer la pertinence d'un document.
23 Enfin, Monsieur le Président, concernant le contexte, il est tout à fait
24 exact que la Défense, depuis le début du procès, a fait état de
25 l'importance du contexte. Nous avons exprimé cet avis dans plusieurs
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1 écritures, dont la dernière concernant notre demande pour prendre
2 connaissance judiciaire de certains faits admis dans d'autres procès. Nous
3 avons exprimé l'avis que cela était important, que le contexte était
4 important, puisqu'il jouait un rôle direct sur la capacité de l'accusé à
5 exercer ses fonctions de commandant, puisque c'est là l'objet du procès.
6 Cependant, Monsieur le Président, lorsque l'Accusation parle du contexte,
7 le contexte est tout aussi important pour l'Accusation, sauf qu'il n'a pas
8 la même pertinence eu égard à la fonction. C'est-à-dire que le contexte
9 pour l'Accusation doit avoir un lien avec une accusation directement levée
10 contre l'accusé, contrairement à la Défense qui, lorsque nous soulevons le
11 contexte, nous soulevons les conditions dans lesquelles l'accusé exerçait
12 ses fonctions. Il s'agit toujours du même contexte, mais l'exposition, la
13 présentation du contexte devant la Chambre n'a pas la même objectif si on
14 se place du côté de la Défense, que si ont se place du côté de la
15 poursuite.
16 Juste une précision à apporter en terminant, concernant la chaîne de
17 possession des documents. Je crois qu'il est important de mentionner,
18 Monsieur le Président, plusieurs des documents que nous contestons, dont
19 nous contestons l'admissibilité, ces documents proviennent d'une collection
20 qui s'appelle la collection de Sarajevo, qui a été prise à même les
21 archives du gouvernement à Sarajevo. Toutefois, le processus mérite d'être
22 expliqué devant cette Chambre, c'est-à-dire, que les documents ont d'abord
23 été pris à Sarajevo au complet, et transportés ici même au Tribunal par
24 l'Accusation. Lorsque la Défense, lorsque nous nous sommes présentés à
25 Sarajevo pour obtenir des documents, il n'y restait plus rien. C'est alors
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1 qu'un processus de négociation s'est engagé entre l'Accusation et la
2 Défense, pour savoir d'abord, où étaient les documents, de quelle façon ces
3 documents pourraient être retournés à Sarajevo pour que nous puissions y
4 avoir accès.
5 De là, ces documents nous ont été donnés par l'Accusation sous forme
6 électronique, sur un CD-ROM. Tout l'aspect entourant, nous n'exprimons pas
7 de doutes concernant le processus, mais il reste qu'à plusieurs étapes du
8 processus, du moment où les documents ont été classés à Sarajevo jusqu'au
9 moment où ils ont été transportés dans les bureaux du Procureur,
10 photographiés et mis sur un CD-ROM et remis à la Défense, il y a plusieurs
11 de ces documents, Monsieur le Président, que nous avons des questions qui
12 nécessitent certaines informations additionnelles.
13 Merci, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, je vous donne la parole, mais Me
15 Dixon voulait aussi intervenir.
16 Maître Dixon.
17 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Notre position
18 sera la suivante. A ce stade, il est prématuré de rentrer dans les débats
19 dans ce prétoire sur les documents en cas par cas. Ce que je suggère
20 plutôt, c'est que maintenant que l'Accusation sait quels sont les documents
21 qui font l'objet de notre contestation, ou quels sont les documents au
22 sujet desquels nous avons des questions, il faut qu'ils se fondent là-
23 dessus, lorsqu'ils poursuivront avec la présentation des éléments de
24 preuve, qui leur appartiennent, qui est devant [imperceptible] 6,29. Il
25 faudra qu'ils demandent le versement des documents sur lesquels ils
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1 souhaitent se fonder par le truchement des témoins qui viendront déposer.
2 Il y aura peut-être d'autres témoins. Vers la fin de la présentation des
3 éléments de preuve de l'Accusation, la situation sera peut-être réévaluée.
4 Nous estimons qu'il serait très difficile de débattre de ces documents de
5 manière abstraite. Il faudra que l'on les analyse eu égard aux moyens de
6 preuve. Peut-être vers la fin de la présentation des moyens de preuve, nous
7 aurons une meilleure idée quels sont les documents qui sont encore
8 contestés ou qui sont en suspens. A ce moment-là, la Chambre pourra s'y
9 pencher.
10 Comme je l'ai déjà dit, il y a peut-être un problème entre l'Accusation et
11 la Défense. Les témoins viendront déposer. On continuera à présenter des
12 éléments par leur intermédiaire. Il faudra peut-être se polariser sur cela
13 en fonction des documents. Ce n'est que plus tard qu'il faudra peut-être
14 reposer la question devant la Chambre.
15 Pour ce qui est en particulier de M. Kubura, je tiens à souligner pourquoi
16 nous contestons encore certains documents. Il y a beaucoup de documents, y
17 compris quelques ordres qui ont été mentionnés par mon éminent collègue. Ce
18 ne sont pas des ordres qui ont été émis, semble-t-il, pendant la période
19 qui est couverte par l'acte d'accusation. Il s'agit soit de documents qui
20 sont antérieurs, soit qui sont bien postérieurs. Vous savez que
21 l'Accusation a souvent contesté des documents que la Défense souhaitait
22 verser au dossier, parce qu'ils sortaient du cadre de l'acte d'accusation.
23 Ici, nous avons aussi fait une objection comparable. Lorsque les témoins
24 sont cités, on peut leur présenter des documents qui sont pertinents d'une
25 manière ou d'une autre. Je pense que c'est la meilleure manière de
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1 procéder.
2 Nous suggérons que l'Accusation poursuive avec la réalisation [phon] des
3 éléments de preuve. Ils savent quels sont les documents qui font objet de
4 contestations, et ils peuvent s'adapter à cela. Je vous remercie.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Dixon.
6 Je vais redonner la parole à M. Withopf. Dans cinq minutes, il sera 10
7 heures, on fera venir le témoin prévu.
8 J'aimerais également que M. Withopf, qui a évoqué 25 témoins, est-ce que ce
9 sont les 25 témoins qui vont venir à partir d'aujourd'hui, ou c'est 25
10 témoins supplémentaires, par rapport au planning qui nous a été communiqué
11 pour les mois d'avril et de mai ? Est-ce que ce sont 25 en plus du
12 planning, ou les 25 selon le planning ? La Chambre aimerait avoir des
13 précisions. Vous avez la parole.
14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
15 Juges, les 25 témoins -- et je tiens à souligner qu'il s'agit d'à peu près
16 25 témoins, il y en aura peut-être quelques-uns de plus ou quelques-uns de
17 moins -- ce sont des témoins que l'Accusation a déjà présentés dans son
18 écriture motivée, en précisant qu'il s'agit des témoins que nous citerons
19 en avril et en mai. Il y a quelques témoins additionnels supplémentaires.
20 Le chiffre varie entre 25 et 30, voire même un petit peu moins.
21 A présent, je souhaite aborder un certain nombre de points qui ont été
22 soulevés par mes éminents collègues de la Défense. Quand bien même on
23 essayerait de procéder en suivant la suggestion de la Défense, à savoir, de
24 verser les documents par le truchement de la déposition des témoins, il
25 serait néanmoins très utile pour l'Accusation de savoir pour quelles
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1 raisons certains documents font l'objet de contestations. Ce n'est pas la
2 même chose si un document est contesté à cause de son manque de pertinence
3 allégué, ou parce que c'est la question de l'authenticité qui se pose. Même
4 si on souhaite respecter les lignes directrices suggérées par la Défense,
5 je pense qu'on accélèrerait les débats si la Défense pouvait nous informer
6 de manière un peu plus concrète, précise, quelles sont leurs
7 préoccupations.
8 Nous partageons tout à fait les préoccupations de la Défense, au sujet des
9 débats éventuels dans le prétoire portant sur les documents contestés, ceci
10 prendrait effectivement des jours. Puisque nous savons d'ores et déjà que
11 les questions qui se poseront au sujet de la pertinence des documents
12 peuvent être tranchées, nous l'avons déjà vu de par le passé, il s'agit là
13 de contestations qui peuvent se répartir selon les catégories de documents,
14 et la Chambre de première instance pourrait certainement trancher très
15 rapidement, si nécessaire.
16 Mon éminent collègue de la Défense du général Hadzihasanovic a abordé la
17 question de la collection de Sarajevo. Il s'agit de quelque chose que nous
18 avons parlé à de nombreuses reprises depuis deux ans et demi, lors des
19 conférences en application à l'Article 65 ter et des Conférences de mise en
20 état. Il y a toute une série de questions qui se pose au sujet de la
21 collection de Sarajevo. Nous avons un compte rendu de tout ce que nous
22 avons déjà dit à ce sujet, un compte rendu officiel.
23 L'Accusation, si nécessaire, serait prête à présenter des preuves, des
24 arguments pour ce qui est de la filière de conservation des documents, pour
25 ce qui est de l'ensemble des documents qui proviennent de la collection de
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1 Sarajevo. Nous avons l'impression que la plupart de ces documents qui font
2 l'objet de contestation par la Défense, proviennent en effet de cette
3 collection. Vous savez, il y a 15 000 pages de documents qui constituent
4 cette collection de Sarajevo. Je le précise à l'intention de la Chambre, il
5 s'agit de cette collection qui a été ou prise par l'Accusation dans les
6 archives de l'ABiH en octobre de l'an 2000, à Sarajevo. Il s'agit de
7 documents officiels. Ce sont tous des documents officiels.
8 Des ordres, des rapports, c'est quelque chose qu'a abordé également la
9 Défense de M. Hadzihasanovic; les ordres qui n'ont pas été donnés par l'un
10 ou l'autre des accusés, mais qui ont circulé entre les différentes unités,
11 comme c'est le cas des ordres et des rapports en manière générale. La
12 Défense est parfaitement parfaitement au courant de cela. Il s'agit de
13 documents qui sont généralement copiés, et qui étaient copiés au sein du
14 commandement du 3e Corps. Nous estimons que l'accusé Hadzihasanovic était
15 certainement au courant de l'existence de ces documents.
16 Dans notre mémoire préalable au procès, nous avons cité dans de nombreuses
17 notes en bas de page, quel est le lien entre les documents et les parties
18 de l'acte d'accusation, et nous avons attiré l'attention de la Défense et
19 de la Chambre là-dessus. Si on lit de manière attentive le mémoire
20 préalable et les références qui y sont faites, je pense que les documents
21 sont très clairement identifiés et mis en relation avec les chefs
22 d'accusation.
23 Pour ce qui est du dernier point soulevé par la Défense, je tiens à dire
24 que l'Accusation hésite un petit peu à appliquer la suggestion qui consiste
25 à demander aux parties de débattre toutes les questions au sujet de la
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1 recevabilité des documents contestés, qu'elles en discutent entre elles,
2 ce, pour la raison suivante. Vraiment, je souhaite rappeler à la fois à la
3 Chambre et à la Défense, le fait qu'il y a eu un débat très important au
4 début de ce procès, Monsieur le Président, au sujet des points d'accord. A
5 un moment donné, la Défense nous a dit : "Nous reviendrons à cela. Nous
6 nous adresserons à l'Accusation et nous aurons l'occasion d'en discuter". A
7 aucun moment la Défense ne l'a fait. Elle n'est pas revenue s'adresser à
8 l'Accusation sur ce point. C'est la raison, la seule raison pour laquelle
9 l'Accusation hésite vraiment, hésite à laisser cette question de la
10 recevabilité des documents contestés aux parties elles-mêmes pour qu'elles
11 résolvent cette question entre elles. Par conséquent, l'Accusation
12 maintient sa suggestion qui consiste à demander que ces points fassent
13 l'objet d'un débat pendant les audiences devant ce Tribunal très
14 prochainement.
15 Je vous remercie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons en délibérer entre les Juges, et nous
17 vous dirons notre position finale sur cette question le plus rapidement
18 possible afin que vous soyez éclairés. Tout le monde a bien compris que
19 l'objectif recherché par tout le monde est évidemment d'éviter des pertes
20 de temps inutile et d'avoir une procédure qui permette d'éclairer la
21 manifestation de la vérité, par ailleurs, permet le débat contradictoire.
22 Car c'est le principe également du débat contradictoire. Nous allons
23 délibérer entre nous, et nous vous dirons quelle est la position finale que
24 nous prenons. Il était bon que chacun puisse s'exprimer et fasse valoir son
25 point de vue, ce qui va nous permettre de rendre une décision éclairée à la
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1 lumière de vos observations.
2 Monsieur Withopf, j'ai cru comprendre que sur les deux témoins, il y en a
3 un qui est retiré. Pouvez-vous là aussi nous éclairer.
4 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
5 Juges, s'il vous plaît, peut-on passer en audience privée ?
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons en audience à
7 huis clos.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
9 le Président.
10 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Avant que le témoin n'arrive,
25 Monsieur le Président, la Défense aimerait simplement indiquer que nous
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1 aimerions nous adresser à la Chambre concernant les témoins qui sont prévus
2 pour la semaine prochaine, puisqu'il semble avoir une situation concernant
3 les témoins qui sont prévus à la lumière des communications entre les
4 parties au sujet des documents de la Mission de monitoring de l'Union
5 européenne. Monsieur le Président, nous aimerions nous adresser à la
6 Chambre après le témoin ou avant le témoin, comme la Chambre le désire.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vaut mieux que vous adressiez tout de suite, cela
8 serait beaucoup plus simple.
9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Rapidement, la situation
10 concerne l'obtention des documents qui proviennent de la Mission de
11 monitoring. Nous avons eu des échanges avec l'Accusation à ce sujet. Nous
12 sommes conscients de tous les efforts qui ont été faits par l'Accusation
13 afin de nous donner accès à ces documents. Selon les dernières informations
14 disponibles, tel que discuté hier soir, l'Accusation devrait être en mesure
15 -- ou pourrait être en mesure, de nous fournir, aujourd'hui, la liste des
16 documents qu'elle a en sa possession, de façon à ce que nous puissions lui
17 communiquer les documents qui nous sont manquants. Selon les chiffres qui
18 nous ont été communiqués, l'Accusation aurait en sa possession quelques
19 3 500 documents qui proviennent, sous différentes catégories -- il y a
20 quatre catégories différentes -- un total de 3 500. Ces documents, Monsieur
21 le Président, lorsque nous aurons la liste, nous allons nous employer,
22 immédiatement, de la façon la plus rapide que possible, pour identifier
23 ceux que nous n'avons pas obtenus, soit qu'ils ne nous ont pas été
24 divulgués par l'Accusation depuis le début des procédures ou soit que nous
25 ne les avons pas obtenus dans les archives à Sarajevo. Nous croyons,
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1 Monsieur le Président, que, dans les meilleurs des cas, la réponse à cette
2 question sera quelque part entre 500 et 1 000 documents que nous n'avons
3 pas reçus. Nous allons, le plus rapidement possible, communiquer ce
4 résultat à l'Accusation, dans le meilleur des cas, vendredi matin. A ce
5 moment-là, l'Accusation doit communiquer, de nouveau, avec la Mission à
6 Sarajevo, de même qu'avec un des gouvernements qui a remis ces documents à
7 l'Accusation, et lorsque l'Accusation aura obtenu une réponse, elle pourra
8 nous remettre ces documents. Encore une fois, dans le meilleur des cas,
9 nous ne pourrons obtenir ces documents pas avant lundi, en fin de journée,
10 voir mardi. Or, le témoin qui est prévu pour mardi de la semaine prochaine
11 est un témoin qui fait appel, justement, à la Mission de monitoring de
12 l'Union européenne en Bosnie centrale. Pour cette raison, Monsieur le
13 Président, nous avons fait valoir à l'Accusation que nous souhaitons
14 pouvoir avoir un délai minimum de deux jours entre le temps où nous allons
15 recevoir les documents et le moment où le premier témoin de la Mission de
16 monitoring sera entendu devant cette Chambre. Si nous recevons les
17 documents lundi, c'est-à-dire que l'Accusation ne pourrait procéder avec ce
18 témoin avant mercredi ou, à toutes fins pratiques, jeudi, le 8 avril, ce
19 qui risque de poser certains problèmes. Nous avons également discuté avec
20 l'Accusation -- ou l'Accusation plutôt nous a proposé de faire
21 l'interrogatoire principal la semaine prochaine et que nous puissions faire
22 le contre-interrogatoire plus tard, lorsque nous aurons pris connaissance
23 de ces documents. Nous croyons, Monsieur le Président, qu'il est important
24 de souligner cette situation devant la Chambre. Encore une fois, nous
25 sommes en discussion avec l'Accusation. Nous leur avons proposé ou suggéré
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1 de changer l'ordre des témoins. Il semble qu'ils aient des difficultés,
2 mais je laisse mon confrère vous expliquer davantage la situation à ce
3 sujet. Pour nous, c'est une question d'obtenir les documents au moins deux
4 jours avant que nous puissions entendre le premier témoin de cette mission.
5 Merci, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de continuer, on va repasser en audience à
7 huis clos, Monsieur le Greffier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
9 clos partiel.
10 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier si vous
18 entendez la traduction de mes propos dans votre langue. Est-ce que vous
19 entendez traduit ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous avez été cité par l'Accusation pour
22 témoigner dans le cadre d'un procès en cours. Dans le cadre de ce
23 témoignage, je dois vous faire prêter serment. Pour vous faire prêter
24 serment, il m'incombe de vous identifier. Pour cela, je vous demande de me
25 donner votre nom et prénom.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Hakan Birger.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre date de naissance et le
3 lieu de naissance ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis originaire de la Suède. Je suis né à
5 Tomelilla le 26 août 1955.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuellement ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis lieutenant-colonel de l'armée
8 suédoise.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelles étaient vos fonctions en Bosnie
10 centrale ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais commandant d'une compagnie. Il
12 s'agissait du 1er Bataillon nordique en Bosnie.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal, soit un
14 tribunal international ou un tribunal national ? Est-ce que vous déjà
15 témoigné ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la première fois que vous témoignez.
18 Comme vous témoignez, il faut prêter serment. Je vous demande de lire le
19 texte qu'on va vous présenter.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
23 LE TÉMOIN: HAKAN BIRGER [Assermenté]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à l'Accusation pour que
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1 celle-ci commence l'interrogatoire principal, je vais vous fournir quelques
2 éléments d'information sur les modalités de votre témoignage. Vous êtes un
3 témoin de l'Accusation. Vous témoignez sur des faits dont vous avez été,
4 dans le cadre de vos fonctions en 1993, témoin. Vous allez devoir répondre
5 à des questions qui vont vous être posées par l'Accusation. Essayez, dans
6 la mesure du possible, d'y répondre de la façon la plus complète possible,
7 car nous n'avons, nous, aucun document écrit. Ce qui compte, c'est ce que
8 vous allez nous dire, car nous sommes dans le cadre d'une procédure orale.
9 Pour ce faire, l'Accusation va vous poser des questions.
10 Une fois que l'Accusation aura terminé de vous poser des questions, les
11 avocats des accusés, qui sont situés à votre gauche, vous poseront des
12 questions dans le cadre de la procédure dite du contre-interrogatoire,
13 c'est-à-dire, qu'ils vont vous poser des questions visant à vérifier votre
14 crédibilité, et visant également à éclairer le contexte dans lequel se sont
15 déroulés des faits dont vous avez été témoin et, par ailleurs, des
16 questions pour les besoins de la cause de la Défense.
17 Les Défenseurs posent des questions assez précises. Répondez-y de manière
18 précise. Quelles que soient les parties qui vous posent les questions, si
19 vous estimez que la question est trop compliquée, nébuleuse, ou vous ne la
20 saisissez pas, demandez, à ce moment-là, à celui qui vous pose la question,
21 de la reformuler.
22 Si les questions vous paraissent complexes, prenez votre temps avant d'y
23 répondre. Il se peut que, comme les questions ont trait à des événements
24 qui se sont déroulés il y a plus de dix ans, vous ne vous rappelez pas très
25 bien. A ce moment-là, vous indiquez à celui qui vous pose la question, que
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1 vous ne vous souvenez pas ou vous vous en souvenez plus ou moins, afin
2 d'être assez précis dans vos réponses.
3 Par ailleurs, les trois Juges qui sont devant vous peuvent, s'ils
4 l'estiment utile, également vous poser des questions. D'autant plus que
5 vous êtes un militaire de carrière, les Juges peuvent être amenés à vous
6 poser des questions d'ordre technique. Les Juges peuvent intervenir à tout
7 moment pendant la phase des questions. Règle générale, on préfère
8 intervenir à la fin de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire. Il se
9 peut que, parfois, des questions posées appellent des réponses de nature
10 technique ou précise. A ce moment-là, si les Juges estiment qu'il y a un
11 vide, les Juges vous posent une question aux fins d'éclaircissement.
12 Je me dois également de vous indiquer deux autres éléments. Vous avez prêté
13 serment de dire toute la vérité, ce qui exclut tout faux témoignage.
14 Lorsqu'un témoin fait un faux témoignage, il peut s'exposer à des
15 poursuites du chef de faux témoignage. Il y a des peines d'amendes ou des
16 peines de prison qui sont prévues. Le deuxième élément, cela ne doit pas
17 s'appliquer à vous, concerne la situation où un témoin peut, dans sa
18 réponse, fournir des éléments qui pourraient se retourner à charge contre
19 lui. Dans cette hypothèse assez précise, le témoin peut refuser de
20 répondre. C'est un droit qui est tiré de la "common law" comme quoi on ne
21 peut pas témoigner contre soi. En revanche, la procédure suivie dans ce
22 Tribunal peut permettre au Tribunal de vous obliger, néanmoins, à répondre.
23 A ce moment-là, sur injonction de la Chambre, le témoin répond, et les
24 propos qu'il tiendra sur injonction ne pourront être retenus contre lui.
25 Voilà de manière très générale, le fonctionnement et les modalités qui
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1 concernent l'audition d'un témoin. Comme c'est la première fois que vous
2 témoignez, vous pouvez être un peu désorienté, mais je me devais de vous
3 donner ces éléments d'explication.
4 Vous avez, devant vous, une carte des lieux. Peut-être qu'au travers les
5 questions qui seront posées, vous serez amené à préciser certains
6 emplacements.
7 Sans perdre de temps, je me tourne vers les représentants de l'Accusation
8 pour leur donner la parole. Monsieur Mundis.
9 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me fais
10 l'écho des salutations qui ont été transmises par tout le monde.
11 Interrogatoire principal par M. Mundis :
12 Q. [interprétation] Lieutenant-colonel Birger, pourriez-vous indiquer à la
13 Chambre de première instance, de façon brève, quelle fut votre carrière
14 militaire et, ce, depuis le début, depuis le moment où vous avez porté un
15 uniforme militaire ?
16 R. J'ai commencé par faire mon service militaire en 1972, 1973. Après
17 cela, j'ai étudié pour faire une carrière militaire. En 1981, je suis
18 devenu officier. J'appartenais à une Brigade mécanisée. Il s'agissait d'une
19 Brigade d'infanterie et de blindés. J'étais plutôt dans l'infanterie.
20 Jusqu'en 1992, 1993, j'étais commandant d'un bataillon au sein de cette
21 brigade.
22 Q. Vous avez dit à la Chambre de première instance qu'en 1993, vous vous
23 trouviez en Bosnie. Comment vous êtes vous rendu pour la première fois en
24 Bosnie ?
25 R. A la mi-septembre 1993, j'y suis allé pendant une semaine. Nous avons
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1 commencé par l'aéroport de Sarajevo. Ensuite, avec les APC, nous sommes
2 allés jusqu'à Kiseljak, Vares, Tuzla. Après cette semaine-là, nous sommes
3 repartis en Scandinavie, au Danemark pour suivre un entraînement avec les
4 Danois au sein du bataillon.
5 Q. Pourriez-vous indiquer aux Juges de la Chambre de première instance
6 comment vous avez été appelé dans le cadre de cette mission en Bosnie ?
7 R. Je dois dire que dans un premier temps, j'ai beaucoup regardé les
8 événements en Bosnie à la télévision. Je n'aimais pas du tout voir ce qui
9 s'y passait, notamment, pour ce qui est de la population civile et des
10 enfants. Je me suis dis : "Quelqu'un doit faire quelque chose." Pendant le
11 printemps de 1993, le gouvernement suédois a décidé non pas de participer,
12 mais de préparer ses bataillons. Le commandant du bataillon n'a pas pu le
13 faire. Il m'a demandé d'être l'un des commandants de la compagnie. C'est ce
14 que je vous ai dit auparavant. J'avais vu les événements à la télévision,
15 les nouvelles. Je lui connaissais très, très bien. J'aimais beaucoup
16 d'ailleurs, travailler sous ses ordres. Nous avions le même avis pour ce
17 qui est de l'utilisation des unités mécanisées, et cetera. Il m'a été très
18 facile de répondre par l'affirmative.
19 Q. A ce moment-là, en septembre 1993, quel était votre grade, et ce,
20 pendant toute l'année 1993 ?
21 R. J'étais commandant de l'armée suédoise.
22 Q. Quand est-ce que votre compagnie s'est déployée en Bosnie ?
23 R. C'était à la fin du mois de septembre, avec les chefs de section. Nous
24 sommes arrivés, nous étions quelque huit à dix soldats, au sein de ma
25 compagnie. Nous sommes arrivés ce jour-là à Tuzla. Le lendemain, le 1er
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1 octobre, nous avons utilisé nos véhicules pour nous rendre à Vares. Nous
2 étions cantonnés avec une compagnie d'ingénieurs canadiens, cela à
3 l'extérieur de Vares. Mes premiers soldats sont arrivés le 20 octobre.
4 Après cela, ils sont arrivés tous les jours. Il y a eu un certain retard
5 qui a été pris parce qu'ils se trouvaient à Pancevo en Serbie, qu'il
6 n'était pas très facile de faire en sorte que les unités puissent prendre
7 l'avion pour arriver en Bosnie.
8 Q. Vous parlez des événements, de quel année s'agissait il ?
9 R. L'année 1993.
10 Q. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi est-ce que les soldats ont pris
11 ce retard à Pancevo en Serbie, ce qu'ils y faisaient ?
12 R. Tout le bataillon n'est pas arrivé le même jour, parce qu'il fallait
13 planifier cela. Nous avons reçu un entraînement au Danemark. Il fallait
14 transférer les véhicules, le matériel, l'équipement. Nous avons du attendre
15 dû attendre parce qu'il y a eu un problème, un problème relatif au train
16 qui devait les amener de Pancevo à la frontière de la Bosnie. Je ne sais
17 pas si cela a été fait de façon délibérée. Je n'en sais rien, il ne me
18 revient pas d'en parler.
19 J'étais déjà en Bosnie. J'attendais mes soldats. Nous essayions de savoir
20 quand est-ce que le train allait arriver, comment est-ce que nous pourrions
21 utiliser l'unité une fois qu'elle arriverait.
22 Q. Pourriez-vous nous dire, lieutenant-colonel, quelles instructions et
23 quel entraînement vous avez reçu avant votre arrivée en Bosnie, avant
24 l'arrivée de votre compagnie ?
25 R. Vous voulez dire en Suède ou ailleurs ?
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1 Q. En Suède ou ailleurs. J'aimerais savoir quel type d'entraînement vous
2 avez reçu en tant que commandant de cette compagnie.
3 R. En Suède, nous avons une longue tradition des missions de maintien de
4 paix. Nous avons une longue expérience en la matière, en tant qu'officiers.
5 Dans un premier temps, pendant la première semaine, il n'y avait que des
6 officiers à Stockholm. Cela s'est passé vers la mi-Juin. Ensuite, chaque
7 compagnie et chaque garnison a fait bénéficier son bataillon de cet
8 entraînement. Il y avait également des officiers qui avaient une expérience
9 dans le domaine des missions de maintien de paix. On nous a donné le
10 contexte, les antécédents du conflit pour essayer de comprendre ce qui se
11 passait. J'avais moi-même une expérience en la matière puisque j'avais été
12 à Chypre auparavant, en 1987. Je savais pertinemment qu'il était primordial
13 de bien comprendre les antécédents et le long historique de plusieurs
14 centaines d'années. J'essayais de lire de nombreux ouvrages sur la question
15 pour essayer de comprendre ce qui se passait.
16 Nous avons également été formés par les Danois. Ils avaient l'expérience
17 du Bataillon danois en Croatie. Nous avons bénéficié de cet entraînement
18 avec eux. Ils nous ont fait part de l'expérience qu'ils avaient acquise.
19 Parfois, je ne comprenais pas véritablement à quel point cela pouvait être
20 dur, mais ils avaient cette expérience. Lorsque nous sommes arrivés en
21 Bosnie, j'ai été particulièrement heureux d'avoir pu bénéficié de cet
22 entraînement.
23 Q. Lieutenant-colonel Birger, pourriez-vous décrire aux Juges la structure
24 du Bataillon nordique ?
25 R. Au départ, il y avait une unité mécanisée, un Bataillon régulier
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1 suédois mécanisé. Cela signifie une Compagnie d'artillerie, une Compagnie
2 de ravitaillement, une Compagnie mécanisée et deux Compagnies de blindés.
3 Nous ne pouvions pas utiliser les blindés, nous ne les avons pas utilisés.
4 Nous avons mis ensemble la Compagnie du ravitaillement et une autre
5 compagnie. Il y avait également les trois compagnies mécanisées.
6 Un peu plus tard, en 1993, il y a eu un accord de coopération avec la Suède
7 et le Danemark, ce qui fait que le Danemark a également envoyé une
8 compagnie de blindés. Il y avait quelque 50 membres.
9 Q. Quel était environ le nombre des ressources humaines du NordBat à la
10 fin de 1993 ?
11 R. Je ne comprends pas véritablement votre question.
12 Q. Combien de soldats se trouvaient au sein du bataillon nordique à la fin
13 du 1993, grosso modo ?
14 R. Je pense qu'il y avait quelque 800 soldats. Il y en avait quelque 150
15 au sein de ma compagnie.
16 Q. Quel était le nom de la compagnie que vous commandiez ?
17 R. Il s'agissait de la 8e Compagnie mécanisée.
18 Q. Pendant combien de temps est-ce que la 8e Compagnie mécanisée est
19 restée en Bosnie ?
20 R. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes arrivés au début ou à la mi-octobre
21 1993. La relève a commencé à la fin du mois de mars 1994 et jusqu'à la mi-
22 avril. Ce qui fait que nous sommes restés plus ou moins six mois dans cette
23 région.
24 Q. Pourriez-vous indiquer à la Chambre quelle zone géographique était
25 couverte par le Bataillon nordique ?
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1 R. Notre zone de responsabilité, pour ce qui est de notre bataillon, était
2 ce qu'on appelle "la poche de Tuzla". Un peu plus, puisque nous avions
3 également le secteur serbe qui se trouvait à l'est, et un peu au nord, nous
4 avions la possibilité d'envoyer des patrouilles vers le nord. Ce que nous
5 faisions, d'ailleurs, seulement lorsque nous devions assurer la protection
6 de convois humanitaires et de convois de ravitaillements -- de nos convois
7 de ravitaillements, lorsqu'ils se déplaçaient à l'est vers Zvornik. Vers le
8 sud, il y avait les Bataillons canadiens et britanniques. Ils se trouvaient
9 un peu au sud de Vares.
10 Q. Quelle était la zone de responsabilité pour le 8e Compagnie mécanisée,
11 compagnie que vous commandiez ?
12 R. Nous avions notre camp qui se trouvait à l'extérieur de Vares. Il
13 s'agissait du sud de Dabravina. Nous avions également, vers l'ouest,
14 Ribnica; au nord-ouest, le secteur de Ribnica; au nord-est, Olovo.
15 Q. Vous nous avez dit, il y a quelques minutes de cela, qu'il y avait
16 quelque 150 hommes dans votre compagnie. Est-ce bien exact ?
17 R. Oui.
18 Q. Pourriez-vous nous dire quel type de véhicules possédait votre
19 compagnie et, plus ou moins, quel était le nombre de ces véhicules ?
20 R. Il y avait trois sections d'infanterie. Chaque section avait trois APC,
21 trois APC de fabrication suédoise. Nous avions des canons de 20
22 millimètres. Nous avions une section anti-blindée. Il y avait une quatrième
23 section qui était composée de trois sections. J'avais la section état-
24 major, ainsi que la section ravitaillement. Il y avait également des
25 véhicules tels que, par exemple, un APC médical. Il y avait une Unité
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1 médicale complète. J'avais plus ou moins six sections. Il y avait la
2 Section ravitaillement, trois Sections infanterie, une Section missiles
3 antichar et une Section médicale.
4 Q. Les APC de votre compagnie, est-ce qu'il s'agissait de véhicules à
5 chenilles, ou de véhicules tractés, ou d'une combinaison ?
6 R. La Section infanterie et la Section missiles anti-blindée avaient des
7 APC tractés de fabrication suédoise. Nous avions également des APC
8 médicaux. Il s'agissait d'APC finlandais qui avaient des chenilles. Il y en
9 avait un autre pour la Section du ravitaillement. Il s'agissait de
10 véhicules à chenilles et armés de mitrailleuses lourdes. L'APC médical ne
11 disposait pas d'armes.
12 Q. Colonel, quelle était la couleur de ces véhicules ?
13 R. Ils étaient blancs avec -- inscrits en noir les lettres UN.
14 Q. Pourriez-vous indiquer aux Juges quelle était la mission du Bataillon
15 nordique au moment de votre affectation en Bosnie ?
16 R. La poche de Tuzla était une des zones dont la sécurité était assurée
17 par les Nations Unies. Il s'agissait de l'aide humanitaire qui était
18 envoyée vers cette poche, ce qui fait que ma compagnie devait faire en
19 sorte que la route soit toujours ouverte à partir du sud de Vares jusqu'à
20 Tuzla. C'était le seul axe pour arriver vers cette poche. Il y avait
21 également un autre axe routier, à partir de l'est, par Zvornik. Je pense
22 que la plupart de l'aide humanitaire venait du sud en passant par Vares et
23 en allant vers la direction du nord.
24 Q. Vous nous avez dit que votre unité était cantonnée près de Vares.
25 Pourriez-vous nous dire de façon un peu plus précise, où se trouvait
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1 exactement votre compagnie ? Est-ce que vous pourriez nous décrire le camp
2 où vous vous trouviez ?
3 R. Vares est une ville qui se trouve dans une vallée. La route passe par
4 cette ville. En direction de Tuzla, il y a un tunnel. Après le tunnel, il y
5 a sur la gauche de la route, une scierie. C'est là que se trouvait mon
6 camp. Je pense que nous étions à quelque 700 ou 800 mètres de Vares.
7 Q. Est-ce que vous pourriez décrire votre camp de façon succincte ?
8 R. Lorsque je suis arrivé, il y avait une compagnie du génie canadien qui
9 s'y trouvait. Ils avaient des tentes à l'extérieur. J'ai compris que nous
10 allions passer l'hiver. Je n'ai pas voulu commencer à planter ma tente à
11 l'extérieur. Nous avons négocié avec les propriétaires de la scierie qui se
12 trouvait à Vares, pour avoir la possibilité de mettre nos tentes à
13 l'intérieur des bâtiments. C'est ainsi que nous avons monté notre camp.
14 Nous avons utilisé ce qui était la moitié de la scierie, là où se trouvait
15 l'usine où les meubles étaient fabriqués.
16 Q. Combien de sections se trouvaient cantonnées près de Vares dans cette
17 scierie ?
18 R. Je pense que la plupart des sections s'y trouvaient. Comme je vous l'ai
19 dit, elles n'étaient pas encore toutes arrivées. La première section est
20 arrivée le 20 octobre, et les derniers APC, les derniers soldats sont
21 arrivés au début de février.
22 Q. Pendant la période allant du 20 octobre 1993, au moment où la première
23 section est arrivée, jusqu'à la mi-novembre 1993, combien de sections se
24 trouvaient sur place ?
25 R. J'avais toutes les sections qui s'y trouvaient. En février, trois APC
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1 de la Section missiles anti-blindée sont arrivés dans le cours de février,
2 comme je le disais.
3 Q. Si je vous ai bien compris, Monsieur, toutes vos sections se trouvaient
4 cantonnées dans la scierie près de Vares.
5 R. Oui, ils se trouvaient dans notre camp, mais je les utilisais également
6 dans le cadre de patrouilles. Je les envoyais sur le terrain dans les
7 postes d'Observation, aux postes de Contrôle. Cela signifie que, parfois,
8 ils ne revenaient pas au camp avant la nuit.
9 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, décrire à la Chambre de première instance
10 quel est le genre de tâches que vous aviez, votre section ? Quelles étaient
11 les tâches dans le cadre de votre mission pendant les premiers jours après
12 votre déploiement en Bosnie ?
13 R. J'étais sur place depuis quelques semaines. J'ai été informé du fait
14 qu'il se passait quelque chose dans la zone de Vares. J'étais sur le
15 terrain, et j'ai compris qu'il y a eu quelques échanges de tirs, puisque
16 c'était une zone sensible d'après ce que j'avais compris. Dans l'ouest,
17 entre la Brigade de Bobovac et le
18 3e Corps, d'après ce que j'ai compris, ou des Unités du 3e Corps, il y a eu
19 quelques échanges de tirs. Je comprenais que c'était une zone délicate,
20 dans la zone sud-ouest de la Brigade de Bobovac. Il y avait deux villages
21 musulmans. Je pense que c'étaient les villages Mijakovici et Dragovici, si
22 je n'ai pas mal prononcé leur nom. J'avais un petit peu peur que la Brigade
23 de Bobovac fasse du tort à la population du village. Je me suis rendu en
24 visite dans ce village un jour, au début du mois d'octobre. D'après ce que
25 j'ai compris, la situation n'était pas idéale. Il n'y avait pas beaucoup de
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1 vivres. Mes premiers soldats étaient positionnés sur la colline, à
2 l'extérieur du village, le village croate du nom de Kopjari. La Brigade de
3 Bobovac, je pense qu'ils voulaient aussi que je sois sur place, parce que
4 j'avais peur qu'il y ait une attaque. Notre mission n'était pas de prendre
5 part à cette guerre. J'ai donné des instructions claires à mes soldats et à
6 mes officiers. Il ne fallait pas qu'ils se tiennent près des tranchées,
7 près des positions des soldats de la Brigade de Bobovac. Ma mission était
8 de surveiller ce qui se passait dans les deux villages musulmans, pour
9 qu'on puisse s'y rendre s'ils avaient subi un tort quel qu'il soit.
10 Q. Colonel, je vais vous interrompre un instant. Vous avez mentionné la
11 Brigade de Bobovac. Savez-vous quelle est l'armée ou la force militaire à
12 laquelle appartenait la Brigade de Bobovac ?
13 R. Au tout début, lorsque j'étais sur place, je me suis adressé au 2e
14 Corps de Tuzla, mais c'était au niveau des bataillons. Mon commandant, le
15 commandant de mon bataillon, m'a informé que le commandant du 2e Corps
16 avait dit que la Brigade de Bobovac faisait partie du 2e Corps et si
17 j'avais -- lorsque je demandais -- si j'avais demandé au commandant de la
18 brigade s'il faisait partie du 2e Corps il aurait -- il m'a répondu : non,
19 je constitue une unité indépendante dans cette zone.
20 Q. Très bien. Vous avez mentionnée le 2e Corps et le 3e Corps également.
21 Est-ce que c'était le 2e Corps ou le 3e Corps ? Quelle est l'armée à
22 laquelle ils appartenaient tous les deux ?
23 R. A l'ABiH.
24 Q. Après cette réunion dont vous nous avez parlé, est-ce que vous avez pu
25 finalement savoir quelle est la force militaire à laquelle appartenait la
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1 Brigade de Bobovac ?
2 R. D'après ce que j'ai compris et j'ai pu voir cela sur les véhicules
3 aussi, c'était le HVO.
4 Q. Pour autant que vous le sachiez, en octobre 1993, où était stationnée
5 la Brigade de Bobovac ? Où était leur QG ?
6 R. C'était dans -- peut-être à 200 mètres après mon campement en direction
7 de Tuzla. Sur la gauche, il y avait un hôtel et c'est là qu'ils avaient le
8 QG de leur brigade.
9 Q. Ce n'était pas loin de Vares ?
10 R. Pardon.
11 Q. C'était près de la région de Vares ?
12 R. Oui. C'était dans la zone de Vares.
13 Q. Compte tenu de l'endroit où vous étiez stationné, vous auprès de Vares,
14 pourriez-vous nous dire où était situé le 2e Corps de l'ABiH ?
15 R. Il faut savoir que la zone de ma compagnie se situe aussi à l'extérieur
16 de la zone de la Brigade de Bobovac. Autrement dit, j'ai commencé
17 immédiatement à négocier avec les unités appartenant au 2e Corps. J'ai eu
18 des contacts avec le commandant de la Brigade à Olovo et j'ai eu quelques
19 entretiens aussi à Kladanj. J'ai eu quelques entretiens avec ce qu'on
20 pourrait appeler commandement du 3e Groupe opérationnel.
21 Q. Quelle est l'armée à laquelle appartenait le 3e Groupe opérationnel de
22 Kladanj ?
23 R. C'était le 3e Groupe opérationnel d'Olovo qui appartenait au 2e Corps de
24 l'ABiH.
25 Q. Encore une fois, le compte rendu ne reflète pas la réponse à la
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1 question que je viens de vous poser. Le 2e Corps de l'ABiH, où était-il
2 située par rapport à l'endroit où était la garnison de votre compagnie à
3 Vares ?
4 R. Le 2e Corps était plus ou moins dans la zone du 2e Corps, c'est-à-dire,
5 la poche de Tuzla, et leur QG était à Tuzla. Les unités, avec lesquelles
6 j'étais en contact, les Unités du 2e Corps c'étaient la brigade qui était
7 stationnée à Olovo et le 3e Groupe opérationnel à Kladanj.
8 Q. Colonel, par rapport à l'endroit où vous étiez stationné à Vares, où se
9 situait le 3e Corps de l'ABiH ?
10 R. Je ne le savais pas tout de suite, mais je l'ai compris plus tard --
11 quelques mois plus tard, qu'ils avaient leur QG à Zenica. Il y avait la
12 Brigade de Bobovac, qui appartenait au HVO à l'ouest, et c'était au nord et
13 au sud par rapport au village de Borovica et jusqu'au village de Kopjari à
14 l'ouest de ces deux villages, plus ou moins, il avait des Unités du 3e
15 Corps de l'ABiH.
16 Q. Serait-il exact de dire, d'après ce que vous nous venez de nous
17 relater, que, dans le cadre de la zone de responsabilité de votre
18 compagnie, il y avait le 2e Corps et le 3e Corps de l'ABiH, les deux ?
19 R. Oui. Mais c'était surtout le 2e Corps. Je ne me rappelle pas exactement
20 quelle était la limite de la zone pour ma compagnie, mais je pense que
21 c'était plus ou moins la même frontière entre -- qui séparait la Brigade de
22 Bobovac et le 3e Corps. Je ne me rappelle pas exactement quel était le
23 tracé de cette ligne de délimitation.
24 Q. Maintenant, colonel Birger, pouvez-nous décrire quelle était la
25 situation qui prévalait sur le terrain vers la fin du mois d'octobre 1993,
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1 pour ce qui est de la présence des différentes unités militaires sur
2 place ?
3 R. Quand je suis arrivé, au départ, la première chose que j'ai remarquée à
4 Vares, c'est qu'il y avait beaucoup de réfugiés dans la ville. D'après ce
5 que j'ai compris, d'après ce que l'on m'a dit, c'est que c'était des
6 Croates qui s'étaient échappés de la zone de Kakanj et des zones alentour.
7 Dans le cadre de cette zone de Vares, il y avait la Brigade de Bobovac
8 l'appelant ainsi, mais, à mon sens, ce n'était pas vraiment une brigade
9 parce que c'était une unité plus petite; cependant, il l'appelait brigade.
10 Il y avait là-dedans des policiers, des soldats et des civils armés.
11 Q. La situation, d'un point de vue militaire, est-ce que c'était une
12 situation qu'on pourrait qualifier de tendue ? Est-ce qu'il y avait
13 effectivement des combats entrain de se dérouler fin octobre 1993 à
14 proximité de Vares ?
15 R. Lorsque j'y suis arrivé et avant que nos sections n'y soient déployées
16 le 20 octobre, il y avait quelques échanges de tirs, d'armes de petits
17 calibres entre les Unités du 3e Corps à l'ouest et la Brigade de Bobovac,
18 en particulier, pour ce qui est du village de Kopjari voir même dans le sud
19 et je pense que ce village s'appelait Planica ou quelque chose de ce genre.
20 En d'autres termes, c'était au sud-ouest ou au sud de Vares. Il nous a
21 également dit qu'il y avait des soldats morts ou blessés. Un jour, l'un de
22 mes officiers est -- mes officiers, qui faisaient partie de l'équipe
23 sanitaire, se sont rendus dans l'hôpital de campagne où ils ont transporté
24 un soldat blessé de la Brigade de Bobovac et cet hôpital était situé dans
25 la zone du 2e Corps à l'ouest de Kladanj dans l'hôtel Sport, et nous étions
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1 un petit peu surpris parce que la Brigade de Bobovac appartenait au HVO et
2 il y avait quelques échanges de tirs à l'ouest et au sud avec des membres
3 de l'ABiH, mais au nord et à l'est il y avait une coopération. Ils se sont
4 occupés des soldats blessés.
5 Je sais que le commandant de la Brigade d'Olovo lorsque je lui ai posé la
6 question au sujet de la Brigade de Bobovac, il m'a dit qu'ils étaient en
7 train de se parler et que jamais il n'y a eu de combats entre eux. Je lui
8 ai posé la question et il m'a dit : "Nous sommes des amis, nous ne sommes
9 pas opposés dans des combats." "Mais ils sont en train de se battre à
10 l'ouest," j'ai dit. Il a répondu : "A l'est, il y a le 2e Corps, ce n'est
11 pas le 3e Corps. Le 3e Corps est plus ou moins dur pour ce qui -- au sujet
12 de cette brigade."
13 Q. Plus tard, en octobre 1993, est-ce qu'il y a eu une escalade de tension
14 et ce de manière dramatique à proximité de Vares ?
15 R. Oui. Le 21 octobre dans la matinée, le village de Kopjari a été
16 attaqué. Avant cela j'en avais été informé, cela n'a pas été une surprise
17 pour moi. Tout simplement j'attendais de voir à quels moments ils allaient
18 attaqué et l'attaque a été très réussie du point de vue de l'ABiH. Ils se
19 sont servis d'Unités d'infanterie dans cette attaque et dans la direction
20 de Borovica, me semble-t-il. Il y a une attaque de petite envergure, mais
21 le gros de l'attaque est venue du petit village de Mijakovici et Dragovici
22 en haut de la colline. Cela n'a pris que quelques heures.
23 Ils se sont également servis du brouillard. Ils ont profité du brouillard
24 pendant l'attaque et à mon sens ils l'ont fait d'une manière très
25 professionnelle, d'un point de vue militaire.
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1 J'avais une unité là-bas et ils m'ont fait un rapport complet sur ce qui
2 s'est passé et j'y suis arrivé moi-même juste avant le déjeuner. J'ai été
3 arrêté au poste de Contrôle, à un point de contrôle provisoire qui a été
4 dressé par l'ABiH. On ne m'a pas autorisé l'accès dans la zone et c'était
5 peut-être un ou deux kilomètres du village de Kopjari.
6 J'ai essayé de négocier afin de pouvoir rentrer dans le village et lorsque
7 je suis descendu devant le véhicule j'ai entendu des combats lourds dans
8 les bois sur la droite dans la vallée. Je pouvais entendre aussi beaucoup
9 de tirs d'armes de petit calibre et des grenades à main.
10 Q. Très brièvement, pouvez-vous nous dire qu'elle est l'unité -- qu'elles
11 sont les unités qui ont pris part à ces combats ? D'où provenaient ces tirs
12 d'armes de petit calibre que vous avez entendus ?
13 R. Oui. C'est la Brigade de Bobovac -- se défendait la Brigade du HVO.
14 D'après ce que j'ai compris, c'est l'ABiH qui l'a attaquée. C'était les
15 Unités du 3e Corps de l'ABiH.
16 Q. S'il vous plaît, je tiens à attirer votre attention sur les derniers
17 jours du mois d'octobre 1993. Pouvez-vous nous décrire la situation dans la
18 zone de Vares, à ce moment-là, la fin du mois d'octobre 1993 ?
19 R. Oui, après la prise de Kopjari ou à partir du moment où c'est l'ABiH
20 qui a pris le contrôle, il y a eu une escalade dans Vares. Nous avons vu
21 que de nouvelles personnes ou de nouveaux soldats sont arrivés et nous
22 l'avons remarqué parce qu'ils étaient davantage armés que les soldats du
23 HVO que nous avions l'habitude de voir à Vares. Ils avaient une attitude
24 très provocatrice à notre égard. D'après ce que nous avons compris, c'est
25 qu'il se passait quelque chose à Vares et ils portaient des croix. Ce
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1 n'étaient pas des soldats du HVO de la zone et ils sont arrivés de quelque
2 part en Bosnie centrale.
3 Q. Vous venez de nous dire que leur attitude était provocatrice. Est-ce
4 que vous savez de quel côté ils se situaient dans ce conflit ?
5 R. Ils appartenaient au HVO. C'étaient ce qu'on pourrait appeler des
6 soldats du HVO.
7 Q. Plus tard, avez-vous vu ce que faisaient ces soldats ?
8 R. Oui, le 23 octobre dans la matinée j'ai envoyé une de mes unités dans
9 le village de Kopjari afin de procéder à une relève d'unité. Ils ont été
10 arrêtés à Vares, dans la partie nord de Vares. On ne leur a pas permis de
11 poursuivre la route vers Kopjari et d'après un rapport que j'ai reçu de ma
12 police militaire, ils n'avaient pas la liberté de circuler dans Vares.
13 C'était une situation qui s'était déjà produite auparavant. Il se passait
14 quelque chose.
15 Immédiatement, je me suis adressé au QG de la Brigade de Bobovac basé à
16 l'hôtel Sport, mais personne ne voulait me parler. Normalement, nous avions
17 une bonne coopération -- je ne dirais pas coopération -- de bons contacts
18 avec eux, mais aucun des commandants n'a voulu me parler.
19 Il y avait des membres de l'état-major qui étaient capables de parler
20 anglais. En fait, c'était une personne et il a dit que c'était une mauvaise
21 journée pour la Brigade de Bobovac, que quelque chose n'allait pas bien,
22 qu'ils avaient été attaqués dans le sud. Ils ont dit que la situation était
23 très très mauvaise. Il a donné le nom du village où ils ont été attaqués.
24 Il m'a également informé que c'est le village de Stupni Do qu'ils ont
25 attaqué et il a dit que c'était une route de ravitaillement. D'un point de
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1 vue militaire, je pense qu'il n'y avait aucun mal là-dedans mais la
2 situation était que je n'ai pas pu leur parler et je ne pouvais pas non
3 plus circuler librement. J'étais là pratiquement pendant toute la journée.
4 Q. Lieutenant-colonel, vous venez de mentionner le village de Stupni Do et
5 vous nous avez dit que ce village a été attaqué. Vous savez qui l'a
6 attaqué ?
7 R. Oui. C'était le HVO. Pendant que j'étais bloqué là, j'ai surveillé la
8 situation parce que j'avais une bonne vue sur l'entrée de l'hôtel et ils
9 sont arrivés avec quelques soldats blessés du HVO. Leur visage était noir
10 et j'ai compris qu'il s'y passait quelque chose.
11 J'ai compris aussi qu'ils ont vu quelques villageois musulmans et cela je
12 ne l'avais pas -- c'était quelque chose que j'ai appris à ce moment-là.
13 Nous avons essayé de négocier pour nous rendre dans le village pour voir
14 s'il y avait quelque chose de fait à l'encontre de la population civile
15 mais la réponse a été non parce que nous n'avons pas de commandant sur
16 place et cetera, et cetera.
17 Pendant que j'étais là, un groupe d'hommes est arrivé de manière
18 inattendue. Il y avait des personnes de Kiseljak qui étaient arrivées. Dans
19 ce groupe, il y avait aussi un homme qui s'appelait Ivica Rajic et c'est
20 lui qui a pris plus ou moins le commandement dans cette zone de Bobovac à
21 partir du moment où il est arrivé.
22 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, quelle est la date de l'attaque
23 sur Stupni Do ?
24 R. Cette attaque a commencé dans la matinée du 23 octobre 1993.
25 Q. A présent, je souhaite aborder la journée du 31 octobre 1993. Pourriez-
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1 vous nous dire quelle était la situation dans Vares et dans les alentours
2 pendant les derniers jours du mois d'octobre 1993 -- le dernier jour ?
3 R. Vous me parlez du 21 octobre ?
4 Q. Je vous parle du 31 octobre. Le dernier jour du mois d'octobre.
5 R. Ce dernier jour du mois d'octobre, beaucoup de villages sont tombés
6 autour de Vares. L'ABiH a lancé une attaque depuis le nord, le village de
7 Borovica je crois a été pris par le 3e Corps. Il y a eu aussi des attaques
8 ou une attaque du sud. Je ne sais pas exactement quel est le nom du corps
9 qu'il a mené. J'ai entendu parler du 6e et du 1er Corps. C'était cela la
10 situation. La Brigade du HVO de Vares a subi des pressions et des attaques
11 plus ou moins dans la zone de Vares et à l'est du village de Dubostica.
12 Q. Lieutenant-colonel Birger, pendant combien de temps la Brigade de
13 Bobovac est-elle restée à Vares, la Brigade du HVO ?
14 R. Je ne sais pas exactement à partir de quand ils s'y sont déployés mais
15 je pense qu'ils ont pris le commandement là-bas en été 1993, quelque chose
16 de cet ordre. Ils sont partis au début du mois de novembre 1993.
17 Q. Savez-vous dans quelle circonstance la Brigade de Bobovac a quitté
18 Vares au début du mois de novembre 1993 ?
19 R. Il y avait des civils sur la route entre Olovo et Vares. C'étaient des
20 personnes âgées, vraiment ils étaient dans un piètre état. J'ai reçu des
21 informations de la part de mon commandant du Bataillon de Tuzla et nous
22 avons essayé de négocier avec le 2e Corps parce que nous avions une unité
23 avancée au nord de Vares. J'ai pris un APC, un interprète et des gardes
24 pour me rendre au nord.
25 Je suis arrivé à la ligne de front et cela n'a pas constitué -- posé
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1 problèmes de m'y emmener. Là, j'ai rencontré le commandant adjoint du 2e
2 Corps de Rijeka. C'était cela le nom de la localité. Il y avait un civil
3 là-bas. C'était le maire de Vares -- de Tuzla. Il y avait aussi le
4 commandant du 3e Groupe opérationnel de Kladanj et nous avons parlé de
5 l'opération où j'essayais d'obtenir qu'il y ait un cessez-le-feu à la fois
6 de la part de l'ABiH et du HVO, et j'ai essayé maintenant de le faire avec
7 le 2e Corps. Il m'a remis une lettre et dans cette lettre on parlait du
8 HVO, de la Brigade de Bobovac, disant qu'ils devaient arrêter de tirer,
9 d'arrêter de se combattre et qu'il fallait qu'ils viennent pour une réunion
10 le lendemain à Rijeka. C'était quelque chose de ce genre. Quand je suis
11 revenu à Vares, c'était nuit -- c'était déjà de nuit. J'ai arrêté mon APC
12 dehors devant le QG de la Brigade de Bobovac de l'hôtel Sport. Il y avait
13 des centaines de civils là-bas et ils étaient en colère, ils étaient
14 mouvementés contre moi et les Nations Unies. C'était peut-être un petit peu
15 dangereux de laisser l'APC là-bas, mais je l'ai fait quand même et moi et
16 mon interprète, nous sommes allés dans l'hôtel Sport. Il n'y avait pas
17 d'électricité et c'était de l'obscurité. Ils étaient en train de brûler des
18 documents et, d'après ce que j'ai compris, ils s'apprêtaient à quitter le
19 QG.
20 Q. Vous vous rappelez la date.
21 R. Je pense que c'était le 2 novembre.
22 Le lendemain, le 3 novembre, j'ai eu un rapport, dès le matin qu'au QG,
23 dans cet hôtel, il y avait le feu, qu'il a plus ou moins brûlé, qu'il a été
24 totalement dévasté par le feu. Aussi, qu'il y avait beaucoup de gens, des
25 milliers de personnes qui avaient fui la zone de Vares et les alentours.
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1 Nous avions aussi reçu des rapports de mes unités de Vares qu'il n'y avait
2 plus de soldat du HVO sur place, qu'ils avaient plus ou moins abandonné la
3 ville.
4 Là, j'avais décidé d'essayer d'ouvrir l'école parce qu'il y avait plus de
5 200 Musulmans à l'intérieur, et j'avais peur qu'ils les frappent ou qu'ils
6 les tuent. J'ai décidé, le lendemain matin, de rentrer dans l'école et je
7 m'y suis rendu, mais il n'y avait pas de policier sur place. Il n'y avait
8 pas de soldat du HVO non plus. Il n'y avait que des prisonniers musulmans.
9 Nous avons vu qu'il y en avait quelques-uns qui avaient été frappés, mais
10 personne n'a été tué.
11 Q. Lieutenant-colonel Birger, vous nous avez dit que, le 3 novembre, vous
12 avez reçu un rapport disant que l'hôtel était en feu, qu'il n'y avait plus
13 de soldats du HVO dans la ville. Savez-vous pour quelles raisons ?
14 R. D'après ce que j'ai compris, ils ont brûlé l'hôtel parce qu'ils ne
15 voulaient pas que l'hôtel tombe entre les mains de l'ABiH. J'ai aussi
16 rencontré un Croate, qui était en train d'incendier sa propre maison, et je
17 lui ai demandé : "Pourquoi ? Pourquoi êtes-vous en train de brûler une si
18 belle maison ?" Il m'a répondu : "Il faut que je parte et je ne veux pas
19 qu'elle tombe entre les mains des Musulmans. C'est ma maison et elle doit
20 appartenir uniquement à ma famille."
21 Mais, ce matin-là, il y avait une autre maison aussi juste à l'extérieur de
22 mon campement qui était en train de brûler, et il y avait aussi un accident
23 à l'hôpital de Vares, quelques échanges de feu, de tirs là-bas, d'armes de
24 petit calibre.
25 Lorsque j'étais à Vares ce matin-là, les prisonniers ont été sortis de
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1 l'école et on a pu entendre quelques tirs isolés dans la ville, mais
2 c'était tout. Je n'ai pas vu de soldats.
3 Plus tard dans la matinée, j'étais dans la maison du maire, je m'y étais
4 rendu pour chercher un document. J'ai entendu deux coups de feu provenant
5 de la station du poste de Police. C'était de l'autre côté de la place. J'ai
6 envoyé immédiatement un soldat sur place parce que j'avais peur qu'il ait
7 tué quelqu'un, mais en fait, ils ont simplement détruit un poste de
8 Télévision. Il y avait là un homme très vieux qui avait été gravement
9 battu.
10 Q. Ce jour-là, le 3 novembre, est-ce qu'il y a eu des combats dans la
11 ville de Vares ?
12 R. Non. Il n'y a pas eu de combat.
13 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire aux Juges, ce qui s'est passé
14 le lendemain, à savoir le 4 novembre 1993 ?
15 R. Oui. Il y avait beaucoup de journalistes étrangers sur place. Je pense
16 aussi aux grands médias, comme BBC, la CNN aussi. Ils sont descendus dans
17 mon campement, ils se trouvaient sur place, on coopérait bien. D'après ce
18 que j'ai compris, ils cherchaient toujours quelque chose d'intéressant pour
19 pouvoir le vendre, pour pouvoir le vendre aux médias à l'étranger. Dans la
20 matinée, du 4, une équipe de la BBC, m'a dit : "Nous vous remercions de
21 votre hospitalité. Mais nous ne voulons plus rester ici, il ne s'y passe
22 rien. Nous allons partir." C'était peut-être au bout d'une heure, une heure
23 trente, je ne me rappelle plus, ils sont revenus et ils m'ont dit : "Vous
24 avez des soldats de l'ABiH au sud de Vares, ils ont pris nos vivres et des
25 vêtements ou des choses comme cela." Ils m'ont également informé du fait
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1 qu'ils disaient qu'ils étaient des membres de la 7e Brigade musulmane. Je
2 n'avais jamais entendu parler auparavant de cette brigade.
3 Immédiatement, j'ai ordonné à ma section de réaction rapide de se tenir
4 prête. Je me suis servi de mon APC pour aller à Vares, je les ai vus
5 pratiquement au centre de Vares, en surplomb par rapport à la maison du
6 maire. Il y avait là une place. J'ai arrêté mon APC, je les ai faits monter
7 à bord du véhicule devant cette Unité de la 7e Brigade musulmane qui
8 attaquait. Ils marchaient en deux colonnes, sur la gauche et la droite de
9 la rue. C'était plus qu'une attaque ordinaire d'infanterie. Il y avait des
10 échanges de feu. De gauche, ils tiraient sur la droite et inversement. Il y
11 avait beaucoup de tirs, il y avait un feu nourri.
12 Immédiatement, je suis sorti avec mon interprète et quelques gardes et je
13 leur ai dit : "Commandant. Commandant." L'un d'entre eux est venu me voir
14 et a informé mon interprète du fait qu'il fallait arrêter les tirs parce
15 qu'il n'y avait plus de militaires, il n'y avait que des civils.
16 Q. Pouvez-vous dire ce qui s'est passé à partir du moment où vous avez
17 dit cela, qu'il n'y avait pas de militaires ?
18 R. Ils ont arrêté les tirs, mais ils ont tout de suite commencé à fêter,
19 c'était une sorte de fête. Ils avaient déjà brisé quelques vitres, quelques
20 fenêtres, devantures de magasins. Ils étaient en train de prendre du
21 chocolat, du pain, et cetera. Mais ils ne tiraient plus. Il n'y avait plus
22 d'ennemi sur place d'après ce que je voyais.
23 Je me suis adressé au soldat qui était peut-être un commandant de
24 bataillon, mais je ne suis pas sûr. J'ai dit qu'il n'y avait plus de tir.
25 Je lui parlais par l'intermédiaire de mon interprète et l'un des soldats a
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1 brisé une fenêtre, qui se trouvait juste devant moi, c'était une devanture
2 de magasin. Je pense que c'était un magasin d'articles pour femmes. Il est
3 rentré là-dedans pour prendre des chaussures. Immédiatement, j'ai dit :
4 "Arrêtez." C'est ce qu'il a fait. Il n'a pas fallu interpréter.
5 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez dire aux Juges, quels étaient les
6 soldats que vous avez vus dans ces rues, que portaient-ils ?
7 R. Oui. Ils arboraient beaucoup de drapeaux verts, ils avaient également
8 des bandeaux verts. Certains criaient "Allah-U-Ekber." Je n'avais jamais vu
9 ce genre d'unité auparavant. Il était absolument manifeste qu'il s'agissait
10 de Musulmans. Lorsque j'étais en Bosnie, ce qui était important pour moi
11 était de ne pas parler d'armée musulmane. J'ai toujours parlé de l'ABiH
12 parce qu'il s'agissait bien de l'ABiH. Mais, à ce moment-là, il était
13 absolument évident qu'il s'agissait de Musulmans. Il s'agissait de couleur
14 verte, de couleur verte comme je n'en avais jamais vu auparavant.
15 Q. Merci. Vous avez une maquette dans le prétoire. Pourriez-vous décrire
16 quel était le ton de ce vert auquel vous avez fait allusion ?
17 R. Il s'agissait d'un vert pâle, d'un vert clair, du vert, en fait, qui
18 est assez semblable à cela, il s'agit de vert clair.
19 Q. Pourriez-vous décrire aux Juges quels étaient les drapeaux qu'ils
20 arboraient ?
21 R. S'il s'agit de drapeaux avec le croissant de lune, ce croissant
22 musulman, je ne m'en souviens pas véritablement, mais il me semble qu'il y
23 avait des mots inscrits, mais, ceci étant dit, je ne m'en souviens pas
24 véritablement.
25 Q. Vous nous avez parlé de soldats que vous avez pu arrêter, en leur
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1 disant tout simplement d'arrêter. Pourriez-vous poursuivre votre récit ?
2 Que s'est-il passé après qu'il ait arrêté ce soldat ?
3 R. Oui. J'ai informé le commandant de cette unité qu'il ne devrait pas
4 causer de tort, qu'il s'agissait de civils croates qui se trouvaient encore
5 à Vares, ce qui n'avait en fait rien à voir à Stupni Do.
6 Q. Je m'excuse de vous interrompre, mais pourquoi avez-vous dit à cette
7 personne -- pourquoi avez-vous mentionné le nom de Stupni Do, dans ce
8 contexte ?
9 R. Parce que j'avais peur qu'il fasse subir des représailles à la
10 population civile croate qui se trouvait à Vares. Je les ai informés qu'ils
11 n'avaient rien à faire à Stupni Do, et je leur ai
12 dit : "Vous ne devriez véritablement pas provoquer de dégâts et faire de
13 torts." Mais il a été véritablement abrupte et il a dit : "Les Nations
14 Unis, la FORPRONU et les civils croates devraient véritablement partir de
15 Vares." Il a pointé mes APC, il a dit : "Vous êtes le bienvenu. Vous n'avez
16 qu'à commencer maintenant." Ensuite, il s'est éloigné de moi.
17 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous aviez une certaine appréhension
18 de représailles contre la population civile de Vares. Pourquoi, en fait,
19 aviez-vous cette crainte ou cette appréhension ?
20 R. Je ne comprends pas très bien. Qu'entendez-vous par Stupni Do ?
21 Q. Vous venez de nous dire, et je cite le compte rendu d'audience :
22 "J'avais peur qu'il fasse subir des représailles à la population civile
23 croate de Vares."
24 R. Je comprends maintenant. J'avais reçu des informations. J'avais
25 également mes propres avis et, en fait, je pensais qu'il y avait des
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1 mauvais éléments du HVO, qui, en fait, ont tout simplement tués des civils
2 à Stupni Do, ils ont détruit le village. D'après ce que j'ai pu comprendre,
3 il ne s'agissait pas de personnes de Vares. Elles venaient de la zone de
4 Kiseljak. On m'a informé d'ailleurs, il y a un policier du HVO qui m'a dit
5 : "Il faut faire très attention avec ces personnes parce qu'elles peuvent
6 être un peu folles, elles veulent se venger de ce qui leur est arrivé.
7 Elles ont été chassées de la zone de Kakanj. Il y a peut-être eu des viols,
8 certains membres de leurs familles ont pu être tués, et cetera. C'est pour
9 cela que j'ai pensé à cette éventualité de revanche à Stupni Do. Mais, ceci
10 étant, je n'étais pas sûr.
11 Q. Pourriez-vous poursuivre et nous expliquer ce qui s'est passé dans les
12 rues de Vares, lorsque vous avez eu cette discussion avec les soldats de la
13 7e Brigade musulmane.
14 R. Après que le commandant est parti, après qu'il m'a dit que je pouvais
15 commencer à partir, en fait, il ne l'a pas fait. Il s'est tout simplement
16 éloigné de moi. L'un des soldats m'a demandé, m'a posé une question à
17 propos du signe. Il s'agissait de la maison du maire, et il y avait un
18 signe, les couleurs rouge et blanche du HVO, avec l'échiquier du HVO en
19 rouge et blanc. Il m'a demandé de pouvoir faire descendre ceci. Je lui ai
20 dit : Oui, bien sûr, je n'avais rien à voir avec cela." Mais je ne lui ai
21 pas dit de recommencer leurs tirs.
22 Après qu'ils aient arrêté, ils ont recommencé à tirer. J'avais reçus des
23 informations suivant lesquelles il y avait beaucoup de pillage à Vares.
24 J'ai envoyé plusieurs patrouilles dans différentes rues pour mettre un
25 terme à ce pillage. Ils ont brisés, cassés beaucoup de magasins, il y avait
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1 des boulangeries. Chaque magasin a plus ou moins a eu sa devanture cassée.
2 Les vitres avaient été brisées et nous avons essayés, ici et là, de les
3 arrêter. En fait, c'était un peu comme le jeu du chat et la souris. Pendant
4 que nous étions là, ils arrêtaient. Dès que nous partions, ils
5 recommençaient.
6 J'ai décidé de nous positionner dans trois endroits pour protéger l'église
7 catholique parce qu'ils commençaient à tirer contre cette église. Ensuite,
8 pour protéger les deux magasins du Commissariat pour les Réfugiés des
9 Nations Unis, qui avaient des vivres pour la population civile, l'un de ces
10 dépôts, en fait, pour les Nations Unis, se trouvait dans un magasin. Ils
11 avaient déjà d'ailleurs brisé la vitrine. J'ai demandé à l'un des APC de se
12 placer près de ce magasin. En fait, pendant que je faisais cela, j'ai eu
13 une discussion avec le commandant qui se trouvait dans le square, et il m'a
14 dit : "Vous devez nous laisser les vivres parce qu'il s'agit de
15 logistiques. Nous, notre logistique consiste à prendre tous les vivres
16 lorsque nous pénétrons dans une zone. Nous n'avons pas eu à manger pendant
17 des jours et des semaines, ou quelque chose de ce style-là" Je lui ai dit :
18 "Vous n'avez pas droit de prendre cela parce que ces vivres ne sont pas à
19 vous. Ils appartiennent aux Nations Unis. En fait, si vous pénétrez dans
20 cette zone, dans ce secteur, nous allons répliquer, riposter."
21 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quel jour il s'agissait, quelle
22 était plus ou moins l'heure à laquelle vous avez eu cette discussion ?
23 R. C'était juste avant le déjeuner.
24 Q. Quel jour ?
25 R. Le 4 novembre 1993.
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1 Q. Vous nous aviez dit qu'il y avait beaucoup d'activités de pillage. Est-
2 ce que vous pourriez indiquer qui était responsable de ce pillage ?
3 R. Je pense qu'il s'agissait des soldats de cette unité qui était appelée
4 "la 7e Brigade musulmane. Il y avait peut-être des soldats d'autres unités,
5 également, je veux dire de l'ABiH. Je n'en sais rien. J'ai rencontré un
6 policier de l'ABiH, qui avait une Kalachnikov, et je lui ai dit qu'il
7 devait les arrêter. J'ai dit : "Vous êtes policier." Il m'a dit : "Je ne
8 peux pas faire cela. Je suis tout seul." Il n'a rien fait et je l'ai
9 compris.
10 Q. Quand est-ce que le pillage à Vares est arrêté ?
11 R. Je ne le sais pas parce qu'en fait, nous étions positionnés sur trois
12 endroits. Il y avait des tirs dans l'air.
13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Mais je pense qu'il y a une petite erreur qui s'est glissée dans le compte
15 rendu. Lorsque le témoin parlait d'autres unités qui pouvaient se trouver
16 dans la ville, et qui peut-être auraient également participées au pillage,
17 dans le compte rendu, à la page 59, à la ligne 25, il faudrait que soit
18 indiqué des membres "d'autres unités", et non pas "des soldats de notre
19 unité."
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Précisez.
21 M. MUNDIS : [interprétation] Je remercie mon estimé confrère d'avoir
22 apporté cette correction.
23 Q. Monsieur, je vous avais posé une question. Quand est-ce que le pillage
24 des soldats à Vares s'est arrêté ?
25 R. J'ai cru comprendre que ce pillage s'est arrêté à un moment dans
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1 l'après-midi du même jour parce que j'ai également été informé du fait
2 qu'il y a eu un massacre dans le village de Pogar. Je me suis rendu avec ma
3 section et nous avons trouvés 25 corps, corps d'hommes assez âgés. Le
4 responsable de la section sanitaire a observé cela, a observé certains des
5 corps. Je pense -- en fait, la population civile ne voulait rien dire.
6 C'est à ce moment-là que le colonel Henricsson, le commandant du bataillon,
7 est arrivée à Vares. Il m'a informé ce soir-là que, lorsque je suis revenu
8 de Pogar à mon campement, il y avait eu des policiers militaires de l'ABiH,
9 qu'ils avaient arrêté les pillages et qu'ils avaient d'ailleurs peut-être
10 même utilisé leurs armes pour mettre un terme à ces pillages. Je n'étais
11 pas moi-même là, cet après-midi, je n'ai obtenu que des rapports de la part
12 de mes soldats et de mon commandement, qui m'ont dit que ce pillage s'est
13 arrêté à la fin de l'après-midi.
14 Q. Le lendemain ou le surlendemain, à savoir, le 5, 6 ou 7 novembre 1993,
15 avez-vous la possibilité de vous rendre à Vares ?
16 R. Le soir du 4, si je ne m'abuse, il y avait une compagnie du Bataillon
17 français de Sarajevo, qui est arrivée pour nous prêter main-forte dans la
18 zone. Je n'en avais pas le commandement, bien entendu. Il était placé sous
19 le commandement du colonel Henricsson. Il leur a donné des ordres pour
20 qu'ils prennent position dans Vares pour qu'ils puissent assurer le
21 contrôle de la ville, pour qu'il n'y ait plus des pillages. C'est ainsi que
22 les positions ont été prises. Je pense que ce soir-là, cela s'est arrêté,
23 que la situation était calme le lendemain.
24 Q. Lorsque vous dites "le lendemain, la situation a été plus ou moins
25 calme", vous entendez par là, le 5 novembre ?
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1 R. Le 5 novembre, oui.
2 Q. Ce jour-là, avez-vous, vous-même, pu observer les résultats des
3 événements du jour précédent ?
4 R. Oui, parce que quasiment tous les magasins avaient fait l'objet de
5 pillage. Il n'y avait pas de maisons incendiées. Il y avait eu,
6 visiblement, du pillage avec des meubles, qui avaient été emportés. Les
7 soldats qui se trouvaient à Kopjari, puisque j'avais encore un poste
8 d'Observation à Kopjari, m'ont indiqué qu'ils avaient observé qu'il y avait
9 eu des véhicules qui étaient chargés de meubles et d'autre matériel, qui
10 venaient peut-être de ce secteur de Vares et d'autres villages autour de
11 Vares.
12 Q. Colonel, il y a quelque chose qui n'est pas très clair. Avez-vous
13 observé ou non des maisons incendiées ?
14 R. Non, il n'y a pas eu de maisons incendiées à Vares. Il n'y a eu que des
15 activités de pillage dans les magasins.
16 Q. Lieutenant-colonel Birger, je vous remercie d'avoir répondu à toutes
17 mes questions.
18 M. MUNDIS : [interprétation] : Monsieur le Président, l'Accusation n'a plus
19 de questions à poser, pour le moment, à ce témoin.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Mundis.
21 Il nous reste un quart d'heure à 20 minutes avant la pause. Est-ce que la
22 Défense veut qu'on fasse la pause maintenant et reprendre après ? Maître
23 Bourgon.
24 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bien que la Défense du général
25 Hadzihasanovic a très peu de questions pour ce témoin, puisque l'accusé
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1 Hadzihasanovic n'est pas accusé pour les faits qui remontent à Vares,
2 toutefois, nous préférons faire la pause maintenant, et faire le contre-
3 interrogatoire en bloc après la pause, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon.
5 Il est 12 heures 10. Nous allons faire la pause traditionnelle d'une demi-
6 heure. Nous reprendrons à 12 heures 40 et nous aurons une heure en continu.
7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 10.
8 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Le contre-interrogatoire
10 peut commencer.
11 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Comme j'ai eu l'occasion de le
12 mentionner un peu plus tôt, le général Hadzihasanovic n'est pas accusé pour
13 les faits qui se sont produits à Vares. Toutefois, nous aimerions poser
14 quelques questions au témoin eu égard au contexte, et surtout pour
15 faciliter la compréhension de la Chambre, du secteur où les opérations se
16 sont déroulées. J'aimerais pour ce faire, Monsieur le Président, utiliser
17 la maquette que nous avons devant nous, et demander au témoin s'il peut
18 nous aider à reconnaître certains endroits sur la maquette.
19 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :
20 Q. [interprétation] Colonel Birger, bonjour. Nous avons eu la possibilité
21 de vous rencontrer hier avec mon confrère, Me Dixon. Aujourd'hui, je suis
22 avec ma collègue, Me Residovic, et avec Mme Cauvin. Nous représentons le
23 général Hadzihasanovic.
24 Comme je l'ai déjà expliqué, nous avons très peu de questions à vous poser.
25 Toutefois, comme vous étiez sur place à l'époque, nous aimerions utiliser
Page 5394
1 vos connaissances. Je vous demanderais de vous déplacer vers la maquette,
2 du côté droit de la maquette, avec une règle ou un pointeur. L'Huissier va
3 vous aider. Je vous demanderais d'indiquer, avec le pointeur, les endroits
4 à propos desquels je voudrais parler. L'Huissier va vous donner également
5 des écouteurs.
6 M. BOURGON : Monsieur le Président, c'est la première fois que nous faisons
7 l'opération. J'aimerais demander à la régie de brancher le petit caméscope.
8 Q. [interprétation] Colonel Birger, est-ce que vous m'entendez ? Je vois
9 que vous avez le micro. Très bien. J'attends que la régie branche le
10 caméscope qui, visiblement est branché. Très bien.
11 Colonel Birger, j'aimerais vous demander de regarder la maquette et de nous
12 indiquer où se trouve la ville de Vares.
13 R. Elle est là. Elle se trouvait dans la vallée.
14 Q. J'aimerais maintenant vous demander de nous montrer la ville de Stupni
15 Do.
16 R. Elle se trouve ici.
17 Q. Pourriez-vous nous indiquer le lien entre Stupni Do en direction de
18 Vares ?
19 R. Il y avait deux axes. Le premier est là. Vous pouviez également
20 contourner et venir en direction du nord-est.
21 Q. Colonel Birger, j'aimerais vous demander de regarder la carte, et de
22 nous indiquer les deux villes que vous avez mentionnées préalablement, à
23 savoir Dragovici et Mijakovici.
24 R. [Le témoin s'exécute]
25 Voilà la vallée, attendez, Brovic [phon], je pense que cela doit se trouver
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1 là.
2 M. BOURGON : Est-ce que Mme l'Huissière pourrait écarter un peu le micro ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà où se trouve Dragovici.
4 M. BOURGON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir le caméscope, à
5 nouveau, Mijakovici et Dragovici ?
6 R. Depuis Vares, nous utilisions cette route. Lorsque nous arrivions là,
7 il y avait à gauche de la route -- c'est là que se trouvait Mijakovici.
8 Q. Finalement, Colonel Birger, je vous demanderais de nous indiquer
9 Kopjari. Je sais que le nom de Kopjari ne figure pas sur la maquette.
10 Toutefois, j'aimerais vous demander de nous montrer où se trouve Ratanj, la
11 ville de Ratanj.
12 R. Ratanj ?
13 Q. Oui.
14 R. Il s'agit d'un village qui se trouve à l'ouest de Kopjari. Kopjari se
15 trouve ici, voilà, doit se trouver sur la colline et là nous avons, en bas,
16 Mijakovici et Dragovici dans la vallée. Là, vous avez le village de
17 Kopjari, si je ne m'abuse et à l'ouest de Kopjari vous avez Ratanj.
18 Q. En voyant la maquette et en prenant en considération les villes que
19 vous venez d'indiquer, pouvez-vous nous dire si cette maquette nous donne
20 une bonne représentation du terrain en question, à savoir, les montagnes,
21 les bois fourrés et les routes, les problèmes posés par ces routes, et
22 cetera ?
23 R. Oui, il y avait beaucoup de montagnes et la route était très sinueuse.
24 C'est une bonne représentation du terrain, de ce secteur.
25 Q. Je vous remercie, Colonel. Vous pouvez reprendre place.
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1 M. BOURGON : J'aimerais demander à l'Huissière de prendre la pièce à
2 conviction DH84, qui est la carte qui représente la zone de Vares. DH84 est
3 une carte à l'échelle 1 à
4 100 000. C'est une carte qui porte le numéro 475, Vares.
5 Monsieur le Président, nous allons, pour les témoins futurs, prendre les
6 cartes qui sont dans une proportion de 1 à 25 000, les coller ensemble pour
7 faire produire un grand tableau qui pourra reproduire la même surface que
8 celle représentée par la maquette.
9 Q. [interprétation] Colonel Birger, est-ce que vous pourriez situer la
10 ville de Vares sur cette carte en utilisant toujours le pointeur.
11 R. La voici.
12 Q. Pouvez-vous nous indiquer quel est le secteur général de Vares. Où
13 avez-vous situé cette ville ? Cela afin que les Juges de la Chambre puisse
14 la voir.
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 M. BOURGON : Monsieur le Président, avez-vous localisé le même endroit que
17 le témoin sur la carte ?
18 Q. [interprétation] Commandant Birger, toujours à l'aide de votre
19 pointeur, pouvez-vous suivre la route de Vares à Stupni Do.
20 R. Ici. Vous avez cette route et vous pouvez également utiliser la route
21 en provenance du nord. Là, nous l'avons dans la petite vallée.
22 Q. Toujours à l'aide du pointeur, est-ce que vous pouvez nous montrer la
23 route qui part de Vares et qui aboutie aux deux villes que vous avez
24 mentionnées tout à l'heure, à savoir, Dragovici et Mijakovici.
25 R. Nous utilisions la route qui passait par Pogar comme je vous le montre
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1 maintenant. Ensuite, on redescendait vers ces deux localités ou deux
2 villages. Là, il y avait un pont. Si vous preniez la droite, vous alliez à
3 Kopjari et si vous preniez la gauche, vous alliez vers Dragovici et
4 Mijakovici.
5 Q. Colonel Birger, nous pouvons voir la ville de Kopjari sur cette carte.
6 Est-ce que vous pouvez nous indiquer où se trouve la ville de Kopjari ?
7 R. Elle se trouve là et vous avez Ratanj en dessous.
8 Q. Pourriez-vous nous montrer où se trouve la ville de Borovica.
9 R. Borovica est un village, une bourgade plus importante. Vous la voyez là
10 au nord de Kopjari.
11 Q. Colonel Birger, puis-je avancer que lorsqu'il y avait une attaque sur
12 Kopjari, la première phase de l'attaque commençait à Borovica. Puis-je
13 faire valoir cela ?
14 R. J'ai des rapports à ce sujet. Maintenant je ne trouve pas le mot
15 anglais adéquat mais -- alors, il y avait une attaque contre Borovica mais
16 l'attaque principale était menée contre Kopjari. Cette attaque venait du
17 village de Mijakovici.
18 Q. Colonel Birger, puis-je avancer que tout ce qui s'est passé dans le
19 secteur de Borovica consistait à attirer le HVO vers ce secteur alors que
20 le gros de l'attaque venait de Mijakovici et de Dragovici ?
21 R. Je suppose peut-être qu'il s'agissait de ce plan, effectivement.
22 Q. Puis-je dire qu'il s'agissait d'une planification militaire et d'une
23 bonne planification et attaque militaire qui a été démontrée à cette
24 occasion ?
25 R. Oui.
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1 Q. Merci.
2 M. BOURGON : [interprétation] Nous pouvons ranger pour le moment cette
3 carte.
4 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos de l'attaque sur Kopjari.
5 En réponse à une question qui vous a été posée par mon collègue de
6 l'Accusation, vous avez indiqué que l'attaque menée à bien contre Kopjari
7 était telle qu'il ne s'agissait pas de savoir si cette attaque allait avoir
8 lieu mais quand est-ce qu'elle allait avoir lieu ?
9 R. Si je vous comprends bien, vous êtes en train d'indiquer que nous
10 savions qu'il y allait avoir une attaque et effectivement, nous savions que
11 quelque chose allait se passer parce que lorsque je me suis rendu dans les
12 deux villages, à savoir Mijakovici et Dragovici, il y avait énormément de
13 soldats de l'ABiH, ce qui n'était pas le cas lors de mon premier passage
14 dans ces deux localités.
15 Q. Pouvez-vous confirmer que l'attaque fut rapide et efficace, qu'ils ont
16 utilisé à leur avantage le brouillard et qu'il s'agissait d'une attaque qui
17 a été rondement menée et bien exécutée ?
18 R. Effectivement, ils ont śuvré en utilisant le brouillard et je pense
19 qu'ils ont utilisé une bonne tactique. Ils ont bien utilisé le terrain et
20 le climat.
21 Q. Vous avez indiqué dans une déclaration que vous avez fournie au bureau
22 du Procureur que lors de cette attaque à Kopjari, il vous avait été fait
23 état de victimes, deux personnes mortes ou trois personnes mortes -- je ne
24 m'en souviens pas exactement -- mais qu'il s'agissait des victimes en
25 question.
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1 R. Lorsque je suis arrivé, j'ai obtenu un message de l'un de mes officiers
2 qui était responsable du commandement dans cet endroit. Il nous a dit qu'il
3 avait besoin d'aide parce qu'il y avait des civils et que les soldats qui
4 étaient de l'ABiH essayaient de les expulser en disant qu'ils n'avaient
5 plus le droit de rester là. Lorsque je suis arrivé, il y avait environ 20
6 personnes civiles autour des APC. Il s'agissait d'enfants et de personnes
7 âgées qui, bien entendu, avaient peur. J'ai pu observer un certain nombre
8 de soldats de l'ABiH, certains d'ailleurs qui portaient des casques. Il
9 s'agissait de soldats de carrière. Il y a une femme qui est venue vers moi
10 en criant, qui a dit : "Cela a été un véritable massacre. Ils ont tué des
11 personnes," et cetera. J'ai envoyé ma police militaire et l'un des
12 officiers qui a allé inspecter l'endroit. Je me souviens, en fait, qu'il a
13 trouvé un soldat qui était allongé dans les tranchées. On lui avait peut-
14 être tiré dessus pendant qu'il attaquait et il avait une balle. En fait, il
15 était allongé, mais, d'après moi, il ne s'agissait pas d'un massacre. Il a
16 été tué pendant le combat. Le soldat qui a été blessé, qui était peut-être
17 un soldat de l'ABiH, avait essayé de l'aider parce qu'il y avait des
18 premiers secours, mais toujours est-il qu'il était décédé.
19 Q. Ce soldat de l'ABiH qui s'est occupé du soldat blessé était du HVO ?
20 R. D'après ce que je crois comprendre, il se peut que se soit vrai.
21 Q. Vous-même, Colonel, avez-vous vu les soldats qui menaient à bien
22 l'attaque ce jour-là ?
23 R. Non, c'est les responsables de la 1e Section et ses soldats.
24 Q. Ce n'est que par la suite que certains soldats vous ont parlé de la
25 Brigade Bobovac vous ont dit qu'il s'agissait du 3e Corps qui avait été
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1 responsable de cette opération. Est-ce bien exact ?
2 R. D'après ce que j'ai compris, il s'agissait d'unités du 3e Corps parce
3 qu'en fait, lorsque j'ai parlé à leur commandant de bataillon, il m'a
4 informé que les civils croates ne devaient plus rester dans cet endroit. Il
5 voulait les expulser et j'ai refusé cela. Après quelques heures, sont
6 arrivés des officiers qui m'ont dit venir du quartier général du 3e Corps
7 et qui m'ont dit avoir exactement les mêmes objectifs. Ils l'ont annoncé.
8 Ils ont dit qu'ils n'avaient plus le droit d'être là, et je leur ai dit
9 qu'ils pouvaient tout à fait rester là parce que ces personnes étaient de
10 l'endroit et l'ABiH était une armée de gouvernement. Je leur ai demandé
11 pourquoi ils voulaient les expulser.
12 Q. Colonel, si je vous parle de cette attaque, est-ce que cette attaque a
13 été menée à bien par des soldats du 2e et du 3e Corps ? Est-ce que cela
14 pourrait être une éventualité ?
15 R. Non, ces hommes-là n'auraient jamais pu être du 2e Corps.
16 Q. Nous allons poursuivre, colonel Birger. Je pense aux événements qui ont
17 suivi, qui se sont passés le 23 octobre. A une réponse posée par ma
18 question, vous avez parlé d'une attaque qui s'est produite contre Stupni
19 Do. Est-ce que vous pouvez confirmer le fait que cette attaque a été menée
20 à bien par le HVO ?
21 R. Oui, c'est exact. Ils m'ont informé et ils m'ont dit qu'ils allaient
22 attaquer Stupni Do parce qu'ils souhaitaient que la route soit ouverte.
23 Ensuite, cela a été confirmé lorsque nous sommes arrivés dans le village.
24 Q. Colonel, l'attaque de Stupni Do, à propos de cette attaque, est-ce que
25 je pourrais dire que cela fut la chose la plus épouvantable que vous ayez
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1 vue pendant votre affectation en Bosnie-Herzégovine et que cela,
2 effectivement, correspondait à un massacre ?
3 R. Je ne me suis rendu dans Stupni Do. Mon commandant y est allé, certains
4 de mes officiers, l'une de mes sections ainsi qu'un section d'une autre
5 compagnie. Ce qui m'a été décrit était épouvantable. L'odeur était
6 épouvantable. Ils ont essayé de détruire les cadavres, à savoir, de les
7 brûler. Un de mes officiers a également trouvé trois femmes dans le sous-
8 sol ou même le sous terrain d'une maison, et ces trois femmes qui étaient
9 ensemble avaient reçu des balles dans la tête. C'était, effectivement, un
10 massacre de façon tout à fait indubitable.
11 Q. Ai-je raison d'avancer que vous-même, vous avez essayé de vous rendre à
12 Stupni Do le même jour et le lendemain et qu'on vous a empêché de le
13 faire ?
14 R. C'est exact.
15 Q. Lorsque vous avez insisté pour aller à Stupni Do, vous l'avez mentionné
16 à mon confrère, vous commenciez à être assez impatient parce que vous
17 deviez vous déplacer pour trouver des interlocuteurs, et vous avez indiqué
18 qu'à un moment donné, quelqu'un de la Brigade de Bobovac vous a dit, en
19 fait, fondamentalement, de prendre votre véhicule et de rentrer dans votre
20 campement, et qu'à partir de ce moment-là, vous n'auriez absolument plus la
21 possibilité de vous déplacer. Est-ce bien exact ?
22 R. C'est exact. Cela s'est passé dimanche, 24 octobre. Je m'en souviens
23 pertinemment parce que c'est un jour férié pour les Nations Unies. Je m'en
24 souviens très bien. J'ai essayé de parler à des personnes pendant toute la
25 journée et en début de soirée. Il y a un officier de la Brigade de Bobovac
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1 avec qui j'ai parlé. Il m'a dit : "Je suis le commandant de la brigade." Il
2 avait très, très peur et il a dit : "Si vous ne repartez pas avec vos
3 soldats et vos véhicules à l'intérieur de votre campement, nous allons vous
4 éliminer ou les éliminer et les tuer. Nous allons également utiliser ou
5 faire appel à des tireurs d'élite contre votre camp." Parce qu'en fait,
6 c'était en contrebas dans la vallée. Je lui ai dit : "Si vous le faites,
7 nous allons utiliser tout notre matériel, toutes nos armes pour nous
8 défendre et je ne vais pas déplacer mes unités." Ensuite, j'ai quitté le
9 QG.
10 Q. Colonel, puis-je avancer que cette même nuit, le HVO a commencé,
11 véritablement, à tirer contre votre campement et qu'à ce moment-là vous
12 avez dû prendre toutes les mesures nécessaires pour riposter face à cette
13 menace ? Vous avez même dû dire à vos soldats de tirer pour tuer et non pas
14 de tirer pour prévenir ou menacer ?
15 R. Oui. C'était environ vers 22 heures mais je n'en suis pas entièrement
16 sûr. J'avais obtenu des informations de la part d'un de mes soldats à
17 l'intérieur du campement qui m'a dit : "Ils vont menacer tous les soldats
18 qui se trouvent à Vares à l'extérieur de l'école." Je lui ai dit de dire à
19 mes soldats de rester là parce que je ne pense pas qu'ils vont le faire.
20 Quelques minutes plus tard, il est revenu et il m'a dit : "Ils vont le
21 faire, vous devez sortir." Ce qu'il voulait dire, c'est que je devais aller
22 dans la tente de mon personnel
23 Au même temps, j'ai entendu également des tirs, et cetera à Vares
24 [imperceptible] de la colline. Lorsque je suis sorti du bâtiment, il y
25 avait également des coups de feu le long de la route. J'ai couru vers ma
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1 tente et j'ai donné l'ordre à l'un de mes chefs de section à Vares, je lui
2 ai dit -- il se trouvait d'ailleurs dans son propre APC, et je lui ai dit
3 d'envoyer des tirs, grâce à des canons automatiques, ce qu'il a fait.
4 Ensuite, ils ont tiré encore plus. Ils ont commencé à lancer des grenades
5 sur les APC de la Croix rouge, pour en détruire les roues, pour que nous
6 puissions les prendre dans le campement. Je lui ai donné l'ordre de tirer
7 véritablement avec le canon automatique pour nous défendre et pour défendre
8 les APC de la Croix rouge, mais il ne l'a pas fait. Je pense qu'il y a une
9 raison parce qu'en fait, il y avait également des civils dans les maisons.
10 Nous sommes revenus sur nos premières positions. Ils ont commencé à menacer
11 l'un des APC au niveau du poste de Contrôle de Stupni Do. Ensuite, ils sont
12 sortis avec des armes anti-blindées. J'ai donné l'ordre à l'APC de quitter
13 le secteur. Je lui ai dit de se mettre en dehors de ce secteur, de l'autre
14 côté du tunnel dans la partie nord de Vares, où nous avons maintenu des
15 positions pendant tout le reste de la nuit. Le lendemain, nous sommes
16 redescendus vers Vares pour essayer de suivre le contrôle de nos anciennes
17 positions et des négociations avec la Brigade de Bobovac. Ils ont été
18 informés que nous n'allions plus tirer des coups de feu pour les menacer,
19 mais que nous allions véritablement ouvrir le feu pour tirer véritablement.
20 Ils n'ont plus jamais tiré sur nous.
21 Q. Merci, Colonel. Permettez-moi de poursuivre. Il y avait eu ces
22 échauffourées avec la FORPRONU, votre unité, le HVO. Il y a eu une lettre
23 qui a été écrite par le général Petkovic. Est-ce bien exact ?
24 R. Je reconnais le nom, mais je ne me souviens pas de sa position.
25 Q. Vous vous souvenez peut-être quand même, Colonel, que vous avez reçu
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1 une lettre qui indiquait que la Brigade de Bobovac devait arrêter toutes
2 ses menaces à l'encontre de la FORPRONU.
3 R. C'est exact. Nous avons eu une lettre de Kiseljak, je pense. C'est vrai
4 qu'il y avait eu une lettre à ce sujet.
5 Q. Colonel, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre
6 déploiement. La première question est, à combien de kilomètres se trouvait
7 situé votre QG de la Brigade de Bobovac ?
8 R. Environ 200 mètres.
9 Q. Vous aviez pratiquement des contacts quotidiens avec la Brigade de
10 Bobovac pendant la période qui couvre les mois d'octobre et novembre 1993.
11 R. Oui, plus ou moins, oui.
12 Q. Kresimir Bozic est la personne qui a tracé ces lignes de confrontation
13 pendant votre déploiement, ainsi que les zones de responsabilité sur votre
14 carte. Est-ce exact ?
15 R. Oui, c'est exact. A l'époque, il était officier chargé des
16 informations. C'est du moins ce qu'il a dit. Plus tard, le
17 24 octobre, il a dit qu'il était le nouveau commandant de la brigade.
18 Q. Votre bataillon ou votre compagnie a opéré durant la plus grande partie
19 de votre mission ou, du moins, en octobre et novembre, dans la zone de
20 responsabilité du 2e Corps. C'est bien exact ?
21 R. 2e Corps et la Brigade de Bobovac.
22 Q. A l'époque, Colonel, quelles ont été, au préalable, les relations entre
23 le HVO et l'ABiH.
24 R. Je ne comprends pas votre question.
25 Q. Vous connaissiez la nature des relations entre le HVO et l'ABiH avant
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1 ces événements ?
2 R. Je ne comprends vraiment pas votre question.
3 Q. Très bien. Je vais la reformuler. Saviez-vous que le HVO et l'ABiH ont
4 combattu ensemble avant ces événements ?
5 R. Peut-être l'ont-il fait, parce que le 2e Corps a dit à mon commandant
6 que la Brigade de Bobovac faisait partie du 2e Corps d'armée. Nous avons
7 négocié à Rijeka. Je pense que c'était le
8 2 novembre que le commandant les a invités à faire partie du
9 2e Corps, et à ne plus combattre contre eux.
10 Q. Colonel, vous êtes un militaire de carrière. Vous êtes un officier.
11 Vous saviez quelle était l'importance stratégique de Vares, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, c'est la seule voie d'accès vers Tuzla. La seule voie de
13 communication du sud au nord.
14 Q. Vous saviez aussi, n'est-ce pas, que pendant l'été 1993, avant votre
15 arrivée, les Serbes ont tenté de couper le 2e Corps du reste de l'ABiH ?
16 R. Pas à ce moment-là, plus tard, en novembre. Ils ont essayé de prendre
17 le contrôle. Ils ont attaqué depuis Vares et Olovo vers le nord. Ils ont
18 pris deux ou trois villages musulmans. Nous avions peur de cela. Ils ont
19 essayé de couper la route, en effet.
20 Q. Vous saviez, dès le début de votre déploiement en Bosnie, que la
21 situation ailleurs en Bosnie centrale était très tendue entre le HVO et
22 l'ABiH ?
23 R. C'est exact.
24 Q. Vous saviez aussi, à l'époque, qu'il y a eu quelques allégations que le
25 HVO et les Serbes allaient s'unir afin d'infliger une défaite à l'ABiH.
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1 R. Non, pas vraiment. Pendant que j'étais à Vares, il y a eu un petit peu
2 de coopération entre les Serbes et le HVO, parce qu'ils ont utilisé la
3 route à travers les zones serbes, vers l'Herzégovine. C'est du moins ce que
4 je pense, qu'il y a eu un petit peu de coopération là-dessus.
5 Q. Très bien. C'était bien ma question, à savoir que les Serbes et le HVO
6 ont coopéré. Vous aviez des preuves à cet effet. Ma question suivante sera
7 celle-ci : dans la zone où vous étiez, il y a énormément de montagnes, des
8 bois, des sommets, des montagnes. Nous le voyons bien sur cette maquette.
9 Etes-vous êtes d'accord avec moi pour dire que les communications étaient
10 très difficiles compte tenu de ce contexte, que même pour vous, il était
11 difficile de garder un contact permanent avec le QG, votre QG de Tuzla, que
12 vous ne pouviez pas y parvenir que grâce aux communications par satellite
13 radio ?
14 R. Oui, nous avions des problèmes avec des communications radio. Nous
15 avons installé un poste d'Observation dans le village. Je ne me rappelle
16 plus du nom du village. C'était dans les montagnes, à l'ouest d'Olovo. Nous
17 avions un poste d'Observation pour maintenir le contact par radio. Pour la
18 plupart, nous avons utilisé des téléphones par satellite pour pouvoir
19 contacter nos QG du Bataillon à Tuzla.
20 Q. Pour autant que vous le sachiez, Colonel, le téléphone par satellite
21 que vous aviez, n'était pas accessible au HVO ou à l'ABiH ? Ils n'en
22 avaient pas, n'est-ce pas ?
23 R. Non, je ne me souviens pas que nous l'ayons utilisé. Nous ne nous en
24 sommes pas servis pour communiquer avec le HVO ou l'armée. Nous avons
25 négocié avec eux.
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1 Q. Vous ne pensez pas qu'ils avaient ce genre d'équipement ?
2 R. Je pense qu'ils en avaient. D'après mes souvenirs, nous ne nous sommes
3 jamais servis de cela dans nos contacts.
4 Q. Si le HVO et l'ABiH avaient ce genre d'équipement, cet équipement ne
5 pouvait être qu'entre les mains des commandants les plus haut placés,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Oui. A Tuzla, je pense qu'ils avaient des contacts par télécopies. Nous
8 avons essayé de déployer une unité en Bosnie, mais nous n'avons jamais eu
9 cela à mon niveau.
10 Q. Colonel, vous avez dit dans une de vos réponses que vers la fin du mois
11 d'octobre, il y a eu une situation à Vares où plus de 200 Musulmans ont été
12 détenus à l'école. Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris toute cette
13 situation. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner quelques détails ?
14 Q. C'était également un dimanche, le 24. Comme je l'ai déjà dit, nous
15 avons essayé d'entrer dans Stupni Do. Nous avons essayé de parler au
16 commandant de Bobovac, mais sans succès. Je me suis servi de ma voiture et
17 j'ai pris quelques-uns de mes soldats pour aller à Pogar. On a pris la
18 route, c'est à l'ouest de Vares, pour essayer de voir ce qui se passe dans
19 le village et pour essayer de voir depuis le village vers Stupni Do, parce
20 qu'on pouvait voir la fumée par-dessus les collines. Lorsque j'étais là,
21 une femme est venue, elle avait peut-être une cinquantaine d'années. Elle
22 pouvait parler un petit peu allemand. Elle m'a parlé, elle m'a dit qu'il y
23 avait des centaines de Musulmans qui étaient âgés, certains d'entre eux
24 étaient âgés, qu'ils étaient détenus à l'école. Elle a décrit l'endroit.
25 Elle a dit que c'était l'école. J'ai compris où c'était. J'ai pris
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1 immédiatement ma voiture. Je me suis rendu en bas, à Vares. Il y a là une
2 place. Il y a la maison du maire, et à droite, par rapport à la maison du
3 maire, il y a l'école. Nous étions en train de regarder dans cette
4 direction, derrière le poste de Police. Je me suis rendu dans le poste de
5 Police. Je crois que je peux dire que j'ai proféré des mots : "Vous savez,
6 je sais ce qui se passe à l'intérieur de cette école. Je veux avoir la
7 liste des prisonniers." Immédiatement, il m'a donné la liste. A côté de
8 chaque nom, il y avait un numéro. Je pouvais parcourir les documents. Je
9 pense qu'il y avait 233 noms sur ce papier. Cela n'a pris que quelques
10 secondes. Immédiatement, il a repris le papier, parce que je pense qu'il a
11 compris qu'il avait fait une erreur en me le fournissant. J'ai dit que je
12 voulais m'adresser encore une fois au commandant. Il a dit qu'il était sur
13 le terrain, il n'y avait pas de chef de la police, pas de commandant
14 militaire, personne à qui on pouvait s'adresser. Je me souviens qu'il était
15 très en colère. Il a pris mon casque. Il l'a balancé brutalement sur la
16 table. J'ai dit que je voulais parler au commandant. Il a pris peur. L'un
17 des policiers a pris le téléphone, il a essayé de parler au commandant. Je
18 pouvais entendre grâce à la conversation, qu'ils étaient très en colère.
19 J'ai compris que cela ne servait à rien de s'y attarder.
20 Je suis parti, il faisait nuit. Quand je suis sorti, l'un de mes soldats
21 m'a appelé, il m'a dit : "Il faut que vous veniez, il y a ici quelques
22 personnes qui veulent vous parler." Derrière l'APC de la Croix Rouge, et un
23 APC ordinaire, il y avait deux soldats du HVO. L'un d'entre eux avait la
24 Croix Rouge. C'était quelqu'un qui appartenait au personnel sanitaire. Il
25 pouvait parler anglais. Il m'a dit qu'à l'intérieur de l'école, il allait
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1 se passer des choses pas bien. Il m'a demandé si j'étais le commandant le
2 plus haut placé à Vares. J'ai dit : "Pour l'instant, oui." Il m'a dit : "Il
3 faut faire quelque chose parce que ce sont mes amis. Je suis de Vares, mais
4 il ne faut pas le dire. Il faut que je vous dise quelque chose." Il est
5 reparti dans une rue adjacente.
6 A ce moment-là, j'ai décidé d'avoir un APC là-bas. Je ne voulais pas
7 provoquer un incident. J'ai mis un APC de la Croix Rouge là-bas. Tout
8 simplement, je me suis revenu à la Brigade de Bogovac. Lorsque j'ai vu le
9 nouveau commandant de la brigade, il m'a dit que je devais faire entrer
10 toutes mes unités dans mon campement.
11 Q. Pour la Chambre, pouvez-vous confirmer que vous avez parlé de l'APC,
12 que c'était bien un transporteur blindé de troupes, que c'était un véhicule
13 qui transportait entre sept et dix soldats ?
14 R. Ce type de véhicules au niveau des sections, était effectivement un
15 transporteur blindé de troupes. Il était sur chenilles, mais l'APC du Croix
16 Rouge avait des roues. Il n'était pas armé. L'APC que j'utilisais, c'était
17 celui de Pancevo. Il était sur roues, il n'était pas de ma compagnie.
18 Q. Pouvez-vous confirmer que vers la fin du mois d'octobre, début
19 novembre, le HVO a bloqué un convoi humanitaire qui voulait passer par
20 Vares. C'est la raison pour laquelle le maire de Tuzla est venu à Vares
21 pour essayer de faire passer ce convoi ?
22 R. Je ne sais pas pourquoi il était là, de Tuzla. Pourquoi il était dans
23 cette zone ? Je ne sais pas.
24 Q. Vous savez, Colonel, que c'était un convoi humanitaire, qu'on l'a
25 empêché de passer par Vares. C'est le HVO qui l'a empêché.
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1 R. Oui. Vous savez, il y avait des convois pratiquement tous les jours. Je
2 me souviens que c'était ce soir-là que je l'ai rencontré lorsque je
3 rentrais à Vares. Il y avait un pont entre les deux différentes parties. A
4 ce moment-là, la ligne ne passait plus par là, parce qu'elle s'était
5 déplacée vers le sud, mais il y avait toujours un poste de Contrôle sur ce
6 pont. On ne m'a pas laissé passer par le pont. Il y avait une partie du 10e
7 Corps mécanisé sur place. J'allais dans ma zone, et j'allais rentrer à
8 Rijeka. Je ne me souviens pas très bien si cela faisait partie du convoi
9 humanitaire.
10 Q. Colonel, je viens de terminer avec mes questions. Vous avez évoqué
11 beaucoup de détails au sujet des attaques qui ont été menées par des
12 soldats de l'ABiH. Vous avez dit que c'étaient des attaques menées de
13 manière professionnelle. Pourriez vous en convenir avec moi que la nature
14 des opérations militaires qui ont été menées dans la zone à l'époque, fin
15 octobre, début de novembre, était nécessairement coordonnée au très haut
16 niveau, au sein de l'ABiH ?
17 R. Je ne sais pas comment cela a été coordonné, parce que mon commandant
18 m'a informé, je dois dire que le 2e Corps était un petit peu effrayé au
19 sujet du 3e Corps, parce qu'à ce moment-là, le
20 2e Corps avait, comme j'ai déjà dit, avait attaqué du nord au sud. Ils
21 avaient peur de rencontrer le 3e Corps à Vares. Je lui ai demandé si
22 c'était entre les deux corps de la même armée. Ceci ne faisait pas partie
23 de notre mission.
24 Q. Vous êtes un militaire de carrière, Colonel. Si vous dites que la 7e
25 Brigade a pris part à cette opération de Vares, où se trouvait le 2e Corps,
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1 vous savez que cela nécessite une autorisation du plus haut niveau, et
2 généralement du Q.G., afin d'accepter qu'une unité passe d'un corps à
3 l'autre.
4 R. Oui, cela je comprends. Lorsque la 7e Brigade musulmane allait attaquer
5 du sud, à ce moment-là, elle n'était pas placée sous le commandement du 2e
6 Corps. Non, pas du 2e Corps.
7 Q. Vous avez parlé des opérations de Vares et des conséquences lorsque
8 Vares a été prise. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que
9 le résultat a été que le 2e Corps s'est retrouvé réuni avec le 1e Corps et
10 le 3e Corps ?
11 R. A mon avis, Vares a été attaqué du nord par le 2e Corps, de l'ouest par
12 le 3e Corps, peut-être aussi par le 6e Corps, à un moment. Je n'en avais
13 jamais entendu parler avant, aussi par le
14 1e Corps, parce que ce que j'ai compris, c'est que lorsqu'ils ont pris
15 contrôle à Vares, c'était plus ou moins la 7e Brigade musulmane, qu'elle
16 était arrivée du sud. Au même moment, si vous regardez la carte au nord-
17 ouest de Vares, il a le village de Pogar. Pogar était sous le contrôle du
18 2e Corps.
19 Q. Je n'ai plus de questions pour vous, je vous remercie.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Les autres Défenseurs ?
21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 Contre-interrogatoire de M. Ibrisimovic :
23 Q. [interprétation] Lieutenant-colonel, je représente ici M. Kubura. Je
24 vous poserai quelques questions en cette qualité. Je voudrais que vous nous
25 reparliez des événements en sujet desquels vous avez déposé aujourd'hui.
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1 Lieutenant-colonel, pendant votre déposition, vous avez dit que vous étiez
2 présent jusqu'au moment où des civils croates ont commencé à quitter Vares.
3 Est-ce exact ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Pouvez-vous en convenir avec moi qu'un rôle important a été joué au
6 moment où les civils croates ont quitté Vares, qu'un rôle important a été
7 joué par des autorités croates du HVO ?
8 R. Je pense que c'était clair qu'ils étaient sous attaque. Nous pouvions
9 l'entendre, les civils pouvaient l'entendre. Il y avait beaucoup de tirs.
10 Il y avait des explosions de grenades dans la zone. Il les ont aussi
11 informés, informés du fait que les musulmans étaient en train de les
12 attaquer. Ils les en ont informés.
13 Q. Est-il exact que des représentants du HVO ont lancé des appels à la
14 population pour qu'ils quittent la ville et se sont servis des haut-
15 parleurs pour le faire ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, comme je venais de vous
18 demander il y a un instant, que la population avait très peur, que c'est
19 cela aussi qui a joué un rôle important pour qu'ils quittent la ville ?
20 R. Oui, il y avait beaucoup de gens qui avaient peur. Ils voulaient
21 s'enfuir. Il y avait aussi des gens qui étaient toujours dans la ville.
22 Plusieurs milliers de réfugiés ont quitté la ville de Vares.
23 Q. Pendant votre déposition, aujourd'hui, vous avez dit qu'un certain
24 nombre de personnes ont détruit leurs propres biens lorsqu'ils ont commencé
25 à quitter la ville et vous nous avez cité l'exemple d'un Croate qui a
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1 incendié lui-même sa maison. Est-ce exact ?
2 R. D'après mes souvenirs, c'est tout simplement une famille au nord de la
3 Brigade de Bobovac, c'était une très belle maison et je pense qu'il était
4 membre de l'état-major de la Brigade de Bobovac et il mettait le feu à sa
5 maison. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a dit : "Je suis en train de
6 bâtir et je ne veux pas qu'elle appartienne aux Musulmans." Aussi l'hôtel
7 Sport a été incendié.
8 Il y avait une deuxième maison qui a été incendié à l'extérieur de mon
9 campement, mais il ne s'agissait pas de destruction sur une plus grande
10 échelle. Ce n'étaient que quelques maisons que je viens de citer. Aussi, à
11 l'hôpital de Vares, mais je pense que ce feu était accidentel.
12 Q. Est-il exact qu'en plus de ces événements que vous venez d'évoquer, à
13 savoir, la détention des civils musulmans, que des soldats du HVO au moment
14 où ils partaient de Vares se sont livrés à des pillages des biens des
15 Musulmans.
16 R. Ceux dont j'arrive à me rappeler maintenant, c'est qu'ils ont pillé un
17 certain nombre de maisons musulmanes quelques jours avant cela à Vares,
18 mais je ne me rappelle pas des pillages le jour de leur départ. Ils l'ont
19 fait quelques jours auparavant. Il y avait aussi des viols sur des femmes
20 là-bas.
21 Q. Vous avez mentionné aujourd'hui des opérations qui ont été menées
22 autour de Vares et vous avez parlé du 2e et du 3e Corps d'armée de l'ABiH.
23 R. Vous entendez par là, l'attaque sur Vares ? Oui.
24 Q. Savez-vous que la 304e Brigade de montagne, la 310e Brigade de Montagne,
25 des Unités de l'état-major municipal de Vares et des Unités du 2e Corps en
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1 provenance du nord ont pris part à cette attaque ?
2 R. Des attaques dans la zone de Vares, oui, mais pas à l'intérieur de
3 Vares pendant les jours qui nous intéressent ou dont nous sommes en train
4 de parler maintenant.
5 Q. Savez-vous, Lieutenant-Colonel, que des Unités de la 7e Brigade
6 musulmane, bien qu'elles aient été versées dans cette opération, n'ont pas,
7 effectivement, pris part aux opérations de combat.
8 R. Non, ce que j'ai compris, et là je parle uniquement du jour où je les
9 ai vus à Vares. Ce jour-là, il n'y avait pas d'unités du HVO à Vares. La
10 ville était vide. C'était plus ou moins un jour auparavant. C'était la
11 raison pour laquelle je voulais les arrêter pour qu'ils arrêtent de tirer
12 dans la ville.
13 Q. Au moment où vous leur avez dit que, dans la ville même, il n'y a pas
14 de membres du HVO, ces soldats que vous avez désignés comme étant des
15 membres de la 7e Brigade musulmane, à partir de ce moment-là, ils se sont
16 mis à tirer en l'air, c'est bien cela ?
17 R. Oui. Lorsque je les ai rencontrés, ils étaient en train de tirer du
18 côté droit vers le côté gauche de la rue et inversement. Ils tiraient sur
19 des maisons et, une fois que je les ai arrêtés, une fois que je leur ai dit
20 qu'il n'y avait plus de soldats du HVO dans la ville. Lorsqu'ils ont
21 compris, en effet, il y a eu des tirs quand même dans la zone mais c'était
22 comme une sorte de célébration, de fête. Je pense que c'était une grande
23 victoire pour l'ABiH, et ils ont continué à piller aussi.
24 Q. Ils ont estimé que c'était une grande victoire pour eux et que c'était
25 une victoire qu'ils ont remportée sans combat.
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1 R. C'est exact. Enfin, à la fois oui et non. Ce jour-là, c'était exact
2 mais la veille, ils ont peut-être eu à se battre contre le HVO, mais ce
3 jour-là il n'y avait pas de combat contre le HVO dans la ville même, c'est
4 vrai.
5 Q. Colonel, pouvez-vous me confirmer que la ville de Vares elle-même ne
6 s'est pas trouvée exposée à des tirs d'artillerie nourris ou à des tirs à
7 l'intérieur de la ville.
8 R. C'est exact. Nous avons essayé de négocier à ce sujet. Pendant
9 longtemps et nous avons dit à l'ABiH qu'il ne faut pas chercher à se venger
10 pour Stupni Do, qu'il ne fallait pas pilonner la ville, et cetera. Je pense
11 qu'ils ont utilisé beaucoup d'artillerie mais uniquement dans les environs
12 et il n'y a pas eu d'impact dans la ville même.
13 Q. La plupart des dégâts se sont produits pendant cette célébration ?
14 R. Non, pas la célébration. C'était en fait en deux étapes. Tout d'abord
15 lorsque nous sommes rentrés dans Vares et j'ai dit que nous avancions par
16 deux colonnes et ils tiraient sur des maisons. Ils ont brisé pas mal de
17 fenêtres sur des maisons et des maisons elles-mêmes. Après, ils ont détruit
18 aussi des vitrines, des devantures de magasins et ils se sont mis à piller.
19 Q. A deux reprises aujourd'hui, vous avez dit que les soldats
20 s'intéressaient aux vivres. Vous avez même cité des cas précis. Vous avez
21 dit qu'ils ont pris du pain et du chocolat, c'est exact ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Les soldats qui ont été en contact avec vous ou le commandant avec qui
24 vous avez parlé, vous a-t-il dit qu'il n'avait pas vu de nourriture depuis
25 plusieurs semaines. Est-ce exact ?
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1 R. Des semaines ou des jours, je ne m'en souviens pas, mais je pouvais
2 effectivement voir qu'ils avaient faim, qu'ils étaient fatigués et il m'a
3 également informé de la chose suivante. Lorsque je lui ai dit : "Vous
4 n'avez pas le droit de piller les magasins et les dépôts de la FORPRONU",
5 il m'a dit "Oui mais cela c'est notre logistique". En d'autres termes,
6 c'était une tactique pour eux que de prendre ce qu'ils trouvaient.
7 Q. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit qu'il était probable
8 qu'il y ait d'autres unités dans la ville.
9 R. Ce que j'entendais par cela c'est que les soldats que j'ai rencontrés
10 sur la place du village, m'ont dit qu'ils étaient membres de la 7e Brigade
11 musulmane. Je vous ai également dit que nous ne pouvions pas être partout à
12 la fois dans la ville.
13 Si d'autres soldats ou d'autres unités venaient à arriver du sud dans la
14 ville et si ces unités avaient pillées également, je n'en sais rien. Mais
15 ce que je sais c'est que cette brigade s'est trouvée là pendant deux jours
16 et qu'elle a été arrêtée par la police militaire de l'ABiH l'après-midi du
17 4 novembre 1993.
18 Q. Si je suggérais que les Unités de la 126e Brigade, de la 393e Brigade de
19 Montagne et de la 310e Brigade de Montage, ainsi que les Unités de la
20 Défense territoriale de Vares étaient présentes. Pouvez-vous marquer votre
21 accord avec cette déclaration ?
22 R. Je ne me souviens pas le numéro des brigades, cela s'est passé il y a
23 dix ans maintenant. Mais je sais que par la suite il y a eu d'autres
24 brigades qui sont arrivés un ou deux jours après à Vares, un ou deux jours
25 après l'arrivée de ces soldats musulmans. Il y avait visiblement un
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1 roulement qui était instauré. Ils partaient et d'autres soldats de l'ABiH
2 arrivaient. Il y a eu des soldats qui sont arrivés du 2e Corps, mais cela
3 des jours après. Je ne me souviens pas d'ailleurs combien de soldats sont
4 arrivés.
5 Q. Vous avez dit que les soldats étaient également intéressés par les
6 magasins ou les entrepôts de livres du Haut Commissariat des Nations Unies.
7 Est-ce bien exact ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Les entrepôts n'ont pas été touchés et tous les livres sont restés.
10 Est-ce bien exact ?
11 R. J'ai été la seule personne à pouvoir m'introduire dans l'un de ces
12 magasins et en fait je ne m'en souviens pas, mais je ne pense pas qu'ils
13 avaient pris quoi que ce soit de ce magasin. Mais nous avons essayé de
14 concentrer nos unités pour mettre un terme à cela et s'ils ont pris quelque
15 chose ce ne sont pas des choses importantes en fait. Mais je sais que j'ai
16 essayé d'arrêter cela.
17 Q. Lorsque j'écoutais votre déposition, je me demande si vous seriez en
18 mesure de convenir avec moi que la situation qui prévalait dans Vares était
19 assez chaotique.
20 R. Oui, c'était un peu chaotique effectivement parce que je me souviens
21 que nous en avons parlé le soir. Dans un premier temps, nous avons dit que
22 c'étaient les gens du HVO qui étaient les méchants en quelque sorte et qui
23 se livraient à des activités de pillage et qui violaient. Ensuite, une
24 partie de l'armée -- ensuite, cela a été le tour de l'ABiH qui ne violait
25 pas mais qui pillait. Il y a eu un camp d'abord et, ensuite, l'autre camp
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1 plusieurs jours après.
2 Q. Pourriez-vous convenir avec moi de dire qu'au vu de la situation qui
3 prévalait, il était particulièrement difficile de contrôler les soldats.
4 R. Oui, et non parce que moi j'ai pu leur parler en suédois. Bien sûr que
5 j'ai essayé de leur expliquer qu'ils ne pouvaient pas pénétrer dans le
6 magasin de chaussures et de toute évidence ils ont compris. Cela c'est du
7 ressort du commandant de mettre un terme à ce genre de choses.
8 Q. Saviez-vous que des membres de la 7e Brigade ont pénétré dans la ville
9 de Vares en désobéissant aux ordres de leur commandant qui leur avait donné
10 l'ordre de ne pas entrer dans la ville.
11 R. Je ne comprends pas vraiment votre question. Pourriez-vous répéter ?
12 Q. Savez-vous que des membres de la 7e Brigade ont pénétré dans la ville
13 de Vares et cela de leur propre chef, de leur propre initiative.
14 R. Je n'en ai jamais entendu parler. Non, j'en suis navré mais je n'en ai
15 jamais entendu parler.
16 Q. Savez-vous que le commandant de la brigade a appris que les soldats
17 étaient dans la ville et leur a intimé l'ordre de quitter la ville de Vares
18 immédiatement.
19 R. Je me souviens qu'ils ont quitté Vares deux jours plus tard, le 6
20 novembre. En tant qu'officier de carrière, je peux comprendre qu'ils l'ont
21 fait lorsqu'ils ont reçu l'ordre de le faire.
22 Q. Je vous remercie, Monsieur.
23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
24 nous n'avons plus d'autres questions à poser à ce témoin.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges auront quelques questions.
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1 Monsieur Mundis, est-ce que vous avez des questions supplémentaires car, si
2 nous pouvions libérer le témoin aujourd'hui, cela serait une bonne chose.
3 Monsieur Mundis.
4 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une ou deux
5 questions peut-être à formuler, question qui porte sur une abréviation
6 utilisée par le témoin.
7 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :
8 Q. [interprétation] Je vous ai écouté et j'ai vu ce qui figurait dans le
9 compte rendu d'audience et j'aimerais vous poser une question. Est-il vrai
10 de dire que vous utilisez en anglais le terme "COY" qui est l'abréviation
11 pour compagnie ?
12 R. Pardon ?
13 Q. Est-il exact de dire que vous utilisez le terme "COY", qui est
14 l'abréviation du mot "compagnie".
15 R. Oui, c'est le terme "COY".
16 Q. COY, en anglais.
17 R. Charlie October Yankee.
18 Q. Lorsque vous faites des références au 8e Corps mécanisé, il se trouve
19 des références de cela dans le compte rendu - en fait il faudrait, dans le
20 compte rendu en version anglaise, qu'il s'agisse du mot "COY".
21 R. Tout à fait.
22 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Questions de la Cour :
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur, j'aimerais poser
25 quelques questions de suivi à propos de ce que vous avez décrit ce matin, à
Page 5420
1 savoir le pilage de Vares. Vous avez assisté à l'entrée de la 7e Brigade de
2 Montagne dans Vares depuis le début ?
3 R. Non, j'ai obtenu un rapport à ce sujet. Je ne me trouvais pas dans la
4 partie au sud de Vares. J'ai obtenu le rapport de l'équipe de la BBC qui
5 m'ont dit qu'est-ce qu'ils avaient observé et qui ont dit qu'ils avaient
6 emporté des vivres. Ensuite, avec l'une de mes sections, nous nous sommes
7 rendus à Vares et c'est là que nous avons rencontré ces soldats qui se
8 trouvaient sur la place principale où se trouve la maison du maire.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous êtes arrivés, ils étaient
10 encore en train de pénétrer dans la ville ?
11 R. Oui, il s'agit d'une tactique de l'infanterie sur ce type de terrain.
12 Il y a deux colonnes qui sont en marche et qui tirent des coups de feux sur
13 les maisons et je les ai arrêtés parce que je leur ai dit que ce n'est pas
14 nécessaire de faire partir des civils.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez parlé de la 7e Brigade et on
16 avait l'impression que l'ensemble de la 7e Brigade était impliqué. Est-ce
17 que vous pourriez nous indiquer le nombre de soldats dont il s'agissait ?
18 R. Je peux vous dire ce que j'ai vu de mes propres yeux. Il y avait une
19 centaine d'hommes. Il s'agissait de deux colonnes dans la rue de cette
20 ville mais moi, j'ai pu voir 100 ou 150 personnes.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous avez entendu ce que vous ont
22 relaté vos collègues de votre unité. Ils ont dû vous parler du nombre de
23 soldats.
24 R. Oui, il s'agissait de soldats qui ont investi l'ensemble de la ville.
25 Il y avait des activités de pillage partout, dans tous les magasins,
Page 5421
1 partout. Je ne sais pas exactement combien de soldats il y avait.
2 Personnellement, j'en ai vu entre 100 et 150.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous pensez que cela
4 correspond à plus d'un bataillon ?
5 R. Il est très difficile de vous donner une réponse à ce sujet. Il est
6 très difficile également d'utiliser ce mot parce que moi je parle de
7 bataillon, je pense au bataillon suédois qui est composé de quelques 900
8 soldats, alors que là, dans ce secteur, il y avait des brigades. Ils
9 n'étaient pas composés de 900 soldats. Cela dépend en fait du type d'unité
10 en question, mais, si vous utilisez des bataillons, un bataillon est
11 composé d'une centaine d'hommes. Voilà ce que je peux vous dire.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez également parlé de
13 plusieurs conversations d'ailleurs d'après ce que je crois comprendre, que
14 vous avez eues avec un commandant. Quel était son grade ?
15 R. Je n'en sais rien. Il portait des vêtements civils avec une veste de
16 camouflage. Il m'a dit qu'il était le commandant du bataillon mais je ne me
17 souviens pas exactement de quelle unité il a parlée. Il est venu vers moi,
18 il m'a dit qu'il était le commandant, parce que je venais de dire qu'il
19 devait arrêter de tirer.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez dit qu'il était
21 commandant.
22 R. Je ne m'en souviens pas.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] De toute évidence, vous ne vous
24 souvenez pas de son nom.
25 R. Il ne nous disait jamais leur nom dans ce genre de situation. Les noms,
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1 ils vous les donnaient lorsque vous vous trouviez dans une situation un peu
2 plus agréable, autour d'une table de négociations, par exemple.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez parlé de la 7e Brigade
4 musulmane. Comment avez-vous dégagé cette conclusion, parce que vous ne
5 l'aviez jamais vu auparavant, ou est-ce que vous vous êtes servi de
6 d'autres idées, d'autres observations ?
7 R. C'était une information de la part de cette équipe de la BBC. Ce sont
8 eux qui m'avaient dit de qu'il s'agissait. Je pensais qu'il s'agissait
9 d'une unité musulmane, parce que je n'en avais jamais vu auparavant. Ils
10 avaient des drapeaux vert clair, beaucoup de drapeaux avec un bandeau sur
11 la tête, et ils disaient "Allah-U-Ekber."
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez vu des signes
13 particuliers ou des insignes ?
14 R. Je m'excuse, je ne vous ai pas compris.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez observé des
16 emblèmes, des signes particuliers, des insignes ?
17 R. Je ne m'en souviens pas.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais vous poser également
19 quelques questions à propos de l'ampleur du pillage. Vous nous avez donné
20 une indication du nombre de soldats présents. Vous nous avez dit qu'à un
21 moment donné, vous avez en vain essayé d'arrêter ce pillage, que vous vous
22 êtes concentré sur l'église et les dépôts du Haut commissariat aux Réfugiés
23 des Nations Unies. Vous nous avez parlé de ce jeu de chat et de la souris.
24 Comment de temps est-ce que cela a duré ?
25 R. Le pillage, vous voulez dire.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Non. Pendant combien de temps est-ce
2 que vous avez poursuivi les auteurs de pillage pour essayer de les empêcher
3 d'agir ?
4 R. Mon unité est restée là pendant toute la journée. Nous y sommes restés
5 jusqu'à ce qu'une compagnie française arrive pendant la soirée. Nous étions
6 sur une position près de l'église catholique. Je pense que nous y sommes
7 restés pendant la journée.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A un moment donné, le pillage a
9 commencé, et vous vous êtes rendu compte que vous ne pouviez pas
10 l'empêcher, alors qu'à un autre moment, vous vous êtes rendu à l'église, au
11 dépôt du Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés, parce que vous
12 vous êtes rendu compte, je suppose, que vous ne pouviez pas empêcher ce
13 pillage.
14 R. C'est exact.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Combien s'était écoulé entre les deux
16 moments ?
17 R. Je ne m'en souviens pas. Peut-être une heure, peut-être un peu plus,
18 parce que nous faisions des efforts. Nous avons dû également tirer dans
19 certains endroits. Lorsque nous prenions position, nous avions besoin
20 d'aide. Il y avait le pillage qui recommençait. Lorsque nous partions, de
21 toute façon, dès que nous quittions la position, ils recommençaient à
22 piller. Je pense que cela a duré peut-être une heure.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Un peu plus tôt, il a été question des
24 objets qui ont été pillés. Il a été question de livres, de denrées
25 alimentaires. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui ont été pillées ou
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1 prises ? Est-ce qu'il s'agissait tout simplement de prendre ces vivres ?
2 R. Dans des petits magasins, ils prenaient du chocolat, des stylos, des
3 papiers, et cetera. A un moment donné, je suis intervenu. Ils ont
4 d'ailleurs même voulu me donner un stylo. J'ai refusé le dit stylo. Ils
5 prenaient ce qu'ils pouvaient trouver. D'après ce que je pouvais
6 comprendre, ils étaient affamés. Ils m'ont également fait savoir que cela
7 correspondait à leur stratégie, que de trouver des denrées alimentaires.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Plus tard, est-ce qu'ils s'en sont
9 tenus aux denrées alimentaires ou est-ce qu'ils ont pris également des
10 réfrigérateurs ou d'autres appareils électroménagers ?
11 R. Oui. A Kopjari, le 21 octobre. Nous avons essayé de mettre un terme à
12 ce qui se passait. Le lendemain, le 22 octobre, j'ai obtenu un rapport de
13 la part de mes soldats, qui m'ont dit qu'ils commençaient à piller le
14 village. Nous avions également observé au début, qu'ils pillaient à Ratanj.
15 Lorsque Vares a été placé sous le contrôle de l'ABiH, nous avons obtenu un
16 rapport de la part d'un observateur qui se trouvait à Kopjari, qui nous a
17 indiqué qu'il y avait des camions et des voitures chargés de
18 réfrigérateurs, d'autres appareils électroménagers qui provenaient de
19 maisons.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez observé cela
21 également ce jour-là en novembre à Vares ?
22 R. Non. Comme je vous l'ai déjà dit, je me suis contenté de donner des
23 ordres pour que la position près de l'église soit investie. Je me suis
24 trouvé dans l'un des magasins. J'ai parlé aux soldats de l'ABiH. Je lui ai
25 dit qu'ils n'avaient pas le droit de le faire. Après cela, j'ai obtenu un
Page 5425
1 rapport par radio selon lequel il y avait un massacre dans le village de
2 Pogar. C'est ainsi que j'ai quitté Vares, que je me suis rendu avec une
3 patrouille.
4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez déjà parlé de cela.
5 R. Oui.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Toujours à propos du pillage, est-ce
7 que vous-même, des membres de votre unité, avez observé que des maisons de
8 particuliers étaient pillées et non seulement des magasins ?
9 R. Comme je vous l'ai déjà dit, je me souviens de ce que j'ai observé moi-
10 même. Il s'agissait essentiellement de magasins qui se trouvaient dans la
11 rue principale. C'est ceux-là qui étaient pillés. Nous avons également vu
12 que des camions et des voitures partaient, avaient des choses qui devaient
13 appartenir à des maisons de particuliers.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Très bien. Quelques questions à propos
15 de ce que vous nous avez dit. Vous avez parlé d'une unité ou d'un bataillon
16 français qui venait de Sarajevo pour vous prêter main-forte.
17 R. C'est exact.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez dit que des membres du
19 3e Corps sont intervenus pour arrêter le pillage. Je suppose qu'il
20 s'agissait de police militaire. Quels étaient les liens entre les deux ?
21 Parce que si vous nous dites que vous avez obtenu des renforts de la part
22 des français du Sarajevo, cela signifie que vous aviez besoin de ces
23 renforts. C'est l'événement en quelque sorte qui a arrêté le pillage.
24 R. Oui. Nous avons demandé de l'aide. Lorsque nous avons essayé de
25 pénétrer dans Stupni Do, nous avons également obtenu de l'aide de la part
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1 du BritBat. Nous avions une compagnie mécanisée. Ils devaient repartir à
2 Vitez. Mon commandant se trouvait à Sarajevo, si je ne m'abuse. Ils sont
3 partis de Sarajevo le matin. Lorsque nous avons eu ce rapport, on nous a
4 dit que le pillage continuait à Vares. Ils sont arrivés le soir du même
5 jour.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Le pillage a arrêté immédiatement ?
7 R. Je me souviens que cela s'est arrêté à la fin de l'après-midi, que cela
8 a été interrompu par la police militaire de l'ABiH. Je ne sais pas s'ils
9 venaient du 3e Corps, mais il s'agissait de l'ABiH.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que cela a repris le lendemain ?
11 Est-ce qu'il y avait encore des combats ?
12 R. Oui. Il y avait des combats à l'extérieur de Vares, notamment, dans une
13 toute petite zone, dans un petit secteur. Le lendemain, la situation est
14 devenue calme à Vares. Je me souviens que le lendemain, la 7e Brigade
15 musulmane est partie.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Entre temps, il n'y a pas eu de
17 pillage ?
18 R. Pas autant que je m'en souvienne.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avez-vous été présent lorsque la 7e
20 Brigade est partie de Vares ?
21 R. Non. Je me souviens qu'il y avait un roulement. Il y a d'autres unités
22 qui sont arrivées. Je me souviens qu'un des officiers à qui on avait parlé,
23 avait un signe qui disait, "Vares." C'était peut-être le nom de son unité.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous n'êtes pas du tout en mesure de
25 nous dire véritablement si les choses qui ont été prises, ont été prises
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1 par la 7e Brigade lorsqu'elle est partie de Vares.
2 R. De quelle brigade ? De toute façon, je ne sais pas à quel Corps
3 appartenait la 7e Brigade. Ce que je sais, c'est qu'ils sont partis deux
4 jours après leur arrivée.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Non. Ma question était simplement
6 celle-ci, s'agissant du pillage de biens, de voitures, de bus ou de
7 camions. Est-ce que la 7e Brigade les ont emportés ? Est-ce que vous avez
8 pu voir cela ?
9 R. Non, je n'ai pas vu cela. Peut-être qu'ils en ont fait auparavant, mais
10 pas à ce que je l'ai vu.
11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une petite question d'ordre purement
13 militaire. Vous nous avez dit que vous aviez vu patrouiller en deux
14 colonnes. Vous avez indiqué que c'était la technique habituelle de circuler
15 en deux colonnes, l'une des colonnes tirant sur le mur qui se trouve à
16 gauche ou vice versa.
17 Est-ce que dans votre souvenir, parce que cela remonte à plusieurs années,
18 ces personnes qui étaient de l'ordre d'une centaine, avaient à leur
19 disposition des appareils radio, des talkies walkies ? Est-ce que d'après
20 vous ils étaient reliés par des liaisons radio à une autre autorité qui
21 serait à l'extérieur ? Parce que théoriquement, dans tout camp d'armée bien
22 constitué, il y a toujours des liaisons radio. Est-ce que dans votre
23 souvenir, ces personnes avaient des moyens radio ou ils étaient livrés à
24 eux-mêmes ?
25 R. Pour autant que je m'en souvienne, normalement, ce ne sont pas les
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1 premiers soldats à la tête de colonnes qui ont ces appareils de
2 communication radio; c'est plutôt vers l'arrière. Je ne peux pas vous dire
3 s'ils les avaient, parce que je ne m'en souviens pas. Je ne les ai pas vus.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour compléter ma question. Apparemment quand ils
5 circulent en deux colonnes, d'après vous, ils pensaient qu'il y avait
6 encore des membres du HVO. On était dans une opération militaire classique.
7 Dans ce type d'opération, est-ce qu'il y a une couverture radio avec le
8 commandement qui se trouve ailleurs ?
9 R. Oui. Normalement, oui c'est ce qui se passe. Nous avons pu voir qu'ils
10 avaient des petits appareils pas vraiment des talkies walkies, mais quelque
11 chose de ce genre. Je n'en ai pas vus là parmi ces soldats qui étaient
12 devant. Je dois dire que normalement dans une armée, dans mon armée, par
13 exemple, on a des communications, des transmissions sur la ligne de front,
14 mais peut-être plus vers l'arrière de cette unité. Je ne me souviens pas
15 d'en avoir vus.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Est-ce que les défenseurs, à la suite des
17 questions, ont d'autres questions ? Pas de questions ?
18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de questions -- plus de
19 questions, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, est-ce que nous jouons de
21 prolongation ?
22 M. MUNDIS : [interprétation] Juste une ou deux questions, Monsieur le
23 Président, des questions qui découlent des questions qui avaient été posées
24 par Monsieur le Juge Swart au témoin.
25 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :
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1 Q. [interprétation] Colonel, vous avez dit que peu après ce pillage à
2 Vares, ce qui a été remarqué par l'un de vos postes d'Observation de
3 Kopjari, c'était qu'il y avait des véhicules qui transportaient des biens
4 pillés. Est-ce exact ?
5 R. C'est exact.
6 Q. D'où provenaient ces véhicules, vers où avançaient-ils ?
7 R. De l'est vers l'ouest. Autrement dit, ils allaient vers Kakanj. C'était
8 la route Vares-Pogar, vers Kakanj.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la Défense.
10 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu du
11 fait que le témoin vient de répondre, je ne sais pas si je dois objecter,
12 mais cette question découle de l'interrogatoire principal.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous prenons note de votre observation.
14 S'il n'y a plus de questions, la Chambre vous remercie, mon Colonel, d'être
15 venu témoigner à La Haye malgré les occupations que vous avez. Nous vous
16 souhaitons bon voyage de retour. Je vais demander à Mme l'Huissière de bien
17 vouloir vous raccompagnez.
18 [Le témoin se retire du prétoire]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, pour demain, il semble qu'il va y
20 avoir un problème. Le témoin qui est prévu vendredi ne peut pas être
21 utilement entendu demain. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation
22 découlant de l'élément nouveau qui est intervenu ce matin ?
23 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît, peut-
24 on passer en audience à huis clos ?
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons en audience à
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1 huis clos.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
3 [Audience à huis clos partiel]
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24 --- L'audience est levée à 14 heures 07 et reprendra le vendredi 2 avril
25 2004, à 9 heures.