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1 Le vendredi 2 avril 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appelez le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
8 les Juges, il s'agit de l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver
9 Hadzihasanovic et Amir Kubura.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 Je vais demander à l'Accusation de se présenter.
12 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
13 Juges, bonjour. Bonjour aux membres du conseil de la Défense. Nous avons,
14 pour l'Accusation, Chester Stamp, Ekkehard Withopf et notre commis aux
15 affaires d'aujourd'hui, M. Hasan Younis.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je demande aux avocats de bien vouloir se présenter.
17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
18 Monsieur les Juges. Au nom du général Enver Hadzihasanovic, Edina
19 Residovic, conseil principal; Stéphane Bourgon, co-conseil et Muriel
20 Cauvin, assistante juridique.
21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
22 les Juges, au nom de M. Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et
23 Nermin Mulalic, assistant juridique.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. La Chambre salue toutes les
25 personnes présentes et salue, notamment, les représentants de l'Accusation,
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1 les avocats, les accusés ainsi que tout le personnel de cette salle
2 d'audience.
3 Nous avons, aujourd'hui, un témoin qui est prévu. Avant d'aborder son
4 témoignage, la Chambre voudrait d'abord rendre une décision dans l'affaire
5 des documents et évoquer la question de la durée du contre-interrogatoire.
6 Concernant la durée du contre-interrogatoire, la Chambre demande à ce que
7 lorsqu'il y a un contre-interrogatoire, que ce contre-interrogatoire pour
8 les deux Défenses n'excède pas 50 % supplémentaire du temps qui a été
9 utilisé par l'Accusation.
10 A titre d'exemple, si l'Accusation a pris une heure de temps, les
11 Défenseurs ont une heure trente. Cette règle qui est un principe, peut
12 avoir des dérogations lorsque la nécessité s'en fera sentir. A ce moment-
13 là, la Défense nous dira qu'elle aura besoin pour telle ou telle raison
14 d'un temps supplémentaire par rapport à la règle qui vient d'être définie.
15 Tout cela, afin de permettre d'économiser les énergies et d'éviter des
16 pertes de temps inutile. C'est le premier élément.
17 La décision que nous rendons, dont j'ai communiquée aux interprètes un
18 exemplaire, je vais lire cette décision. Je demande aux parties d'en
19 prendre connaissance.
20 La Chambre, afin de permettre la tenue du procès dans les meilleures
21 conditions, afin d'économiser le temps, et tenant compte de l'intérêt de la
22 justice, avait demandé à la Défense de faire connaître sa position
23 concernant l'admission dans la procédure de moyens de preuve concernant
24 plusieurs centaines de documents.
25 La Chambre avait auparavant demandé à l'Accusation de fournir une liste
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1 consolidée des documents. C'est dans ces conditions qu'ont été dressées les
2 annexes A et B.
3 La Chambre a été informée par écrit de contestations concernant plus de 600
4 documents. La Chambre, ainsi, a été avisée par la Défense qu'il y avait des
5 contestations portant sur la pertinence des documents, sur leur
6 authenticité ou sur la chaîne de transmission. La Chambre a pris note de la
7 position de l'Accusation, qui souhaite le versement de ces documents dans
8 la procédure pour les besoins de sa cause.
9 La Chambre tient à souligner que le fait d'introduire tous les documents
10 uniquement par la voie des témoins, aboutirait à retarder notablement
11 l'audition des témoins et aurait des conséquences néfastes sur la célérité
12 du procès.
13 Afin de résoudre les divers inconvénients prévisibles, la Chambre débattra
14 de l'admissibilité des documents après avoir demandé à la Défense les
15 raisons de ses contestations. A cet effet, la Chambre demande à
16 l'Accusation de lui transmettre dans les meilleurs délais, un exemplaire
17 des documents afin de lui permettre de donner un numéro aux fins
18 d'identification.
19 La Chambre demande à la Défense de lui expliquer par écrit les motifs de sa
20 contestation, document par document, en suivant l'ordre de l'annexe A et de
21 l'annexe B, en indiquant son argumentation quant à la pertinence, à
22 l'authenticité, à la chaîne de transmission des documents ou pour tout
23 autre motif. En conséquence, la Défense communiquera ses écritures avant le
24 jeudi, 8 avril 2004, à 16 heures. L'Accusation aura pour sa part jusqu'à
25 lundi, 19 avril 2004, à
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1 16 heures pour répondre. Pour sa part, si la Défense avait des problèmes
2 concernant ce calendrier, il sera permis à ce moment-là, à la Défense
3 d'avoir une semaine supplémentaire, ce qui fait que du jeudi, 8 avril, la
4 date sera reportée au jeudi, 15 avril. L'Accusation aura, dans ces
5 conditions, une semaine supplémentaire. C'est à la Défense d'envisager des
6 inconvénients éventuels si elle ne peut respecter la date du jeudi 8 avril
7 qui a été décidée par la Chambre.
8 Enfin, pour le cas où le sort de certains documents ne pourrait être réglé
9 au vu des écritures, la Chambre tiendra ultérieurement une audience
10 spécifique pour ces documents. La Chambre vous demande de bien relire cette
11 décision.
12 Pour résumer, l'Accusation doit nous transmettre un exemplaire des
13 documents, pas trois, mais un pour essayer de gagner du temps. La Chambre
14 remercie à l'avance l'Accusation de tous les efforts qu'elle pourra faire;
15 la Chambre étant très sensible à tout ce qui est fait par toutes les
16 parties afin de faciliter la tâche des uns et des autres. Il est demandé à
17 la Défense, comme nous l'avons indiqué dans la décision, document par
18 document, d'indiquer pourquoi elle conteste l'admissibilité de ces
19 documents.
20 Ensuite, au vu de la position écrite de la Défense, au vu des observations
21 de l'Accusation, nous trancherons pour les 655 documents. S'il y a des
22 documents dont le sort ne pourra pas être tranché par la Chambre en raison
23 du positionnement pris par la Défense ou l'Accusation, nous ferons, à ce
24 moment-là, une audience pour ces documents comme cela avait été évoqué
25 hier.
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1 Nous allons, sans perdre de temps, faire venir le témoin. Je demande à Mme
2 l'Huissière de bien vouloir introduire le témoin.
3 Si jamais la Défense, pendant le break de tout à l'heure, pense que la date
4 du 8 avril est trop courte. A ce moment-là, vous nous direz à la reprise
5 que vous souhaitez une semaine de plus. C'est à vous d'apprécier. Etant
6 précisé comme il y a une interruption pendant quelques jours, vous aurez
7 largement le temps de préparer les écritures que j'ai indiquées tout à
8 l'heure dans la décision.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous
11 entendez bien la traduction dans votre langue mes propos. Si c'est le cas,
12 vous me dites, oui, j'entends.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre vous salue. Vous avez été cité en qualité
15 de témoin par l'Accusation. Vous allez être soumis à la procédure
16 d'audition d'un témoin. Je vous expliquerai tout à l'heure les modalités de
17 cette procédure.
18 Afin de permettre votre témoignage, je me dois de vous identifier en vous
19 demandant votre nom et prénom.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Andre Kujawinski.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre date de naissance ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 19 septembre 1965.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes né dans quelle ville ou localité et quel
24 pays ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né à Liverpool en Angleterre.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ou vos
2 fonctions actuelles ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis premier adjudant-chef dans l'armée
4 britannique.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelle était, il y a plus de dix ans, vos
6 fonctions en 1993 ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais sergent d'une section dans l'armée
8 britannique.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal
10 international ou un tribunal national sur les faits concernant la période
11 1993 ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné devant ce Tribunal international
14 dans le cas d'une autre affaire ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, c'est exact.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous souvenez-vous du nom de l'affaire dans laquelle
17 vous avez témoigné ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné dans deux affaires, l'affaire
19 Blaskic, et je ne me souviens vraiment pas du nom de l'autre affaire.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie.
21 Je vais vous demander de bien vouloir prêter serment en lisant le texte que
22 Mme l'Huissière va vous présenter.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.
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1 LE TÉMOIN: ANDRE KUJAWINSKI [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous avez déjà témoigné, vous connaissez
4 parfaitement la procédure suivie devant ce Tribunal international. Vous
5 allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par les
6 représentants de l'Accusation qui sont situés à votre droite.
7 Après cette phase d'interrogatoire direct, vous serez soumis à des
8 questions posées par les avocats des accusés dans le cadre d'un contre-
9 interrogatoire. Les avocats des accusés sont situés à votre gauche. Ils
10 sont actuellement six, mais tout au plus, il n'y en aura que deux qui vous
11 poseront les questions.
12 Les trois Juges, qui sont devant vous, pourront s'ils le souhaitent, vous
13 poser aussi des questions à tout moment, soit des questions en liaison
14 directe avec les questions qui ont été posées tant par l'Accusation que
15 dans le cadre du contre-interrogatoire par les avocats des accusés, ou
16 parce que les Juges estiment, dans l'intérêt de la justice, qu'il convient
17 de vous faire préciser certains points qui n'auraient pas été abordés,
18 évoqués ou qui mériteraient d'être précisés.
19 Dans la mesure où les questions sont normalement bien posées, essayez d'y
20 répondre de la manière la plus complète et précise possible. Si vous ne
21 comprenez pas le sens d'une question, demandez à celui qui vous la pose de
22 la reformulez. Si vous ne savez pas répondre, dites que vous ne savez pas.
23 Si vous savez, vous répondez comme votre connaissance vous permet de le
24 faire.
25 Par ailleurs, je me dois de vous indiquer deux autres points. Le premier,
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1 c'est dans la mesure où vous avez prêté serment tout à l'heure, cette
2 prestation de serment implique de votre part de dire toute la vérité. Si
3 jamais un témoin est amené à mentir, il peut s'exposer à des poursuites
4 pour faux témoignage.
5 Le second élément, mais qui ne doit pas s'appliquer à vous, c'est le cas où
6 dans la procédure de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire, le
7 témoin serait amené à donner des éléments qui pourraient se retourner
8 contre lui et être utiliser à charge. Dans ces conditions, le témoin peut
9 refuser de répondre, mais la Chambre peut l'obliger à répondre. Si la
10 Chambre l'oblige à répondre, à ce moment-là, il lui est garanti une forme
11 d'immunité dans la mesure où le propos qu'il tiendrait ne pourrait être
12 utilisé à charge contre lui.
13 Voilà de manière générale la façon dont va se dérouler l'interrogatoire.
14 Comme c'est la troisième fois que vous comparaissez devant un Tribunal en
15 qualité de témoin, vous êtes habitué à cette procédure.
16 Sans perdre de temps, comme nous sommes vendredi et que nous ne souhaitons
17 pas que vous passiez un "weekend" supplémentaire à La Haye, je me tourne
18 vers l'Accusation, et je lui laisse la parole pour l'interrogatoire
19 principal.
20 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
21 Madame, Monsieur les Juges, bonjour.
22 Interrogatoire principal par M. Stamp :
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kujawinski. Pourriez-vous nous dire
24 où vous avez été déployé entre novembre 1992 et mai 1993, et avec quelle
25 unité ?
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1 R. J'ai été déployé à Vitez. Il s'agissait du 1er Bataillon du 22e Régiment
2 du Cheshire de l'armée britannique. Nous étions à Vitez et nous couvrions
3 une zone appelée Kladanj, qui allait jusqu'à Tuzla. Pour la dernière partie
4 de mon affectation, je suis revenu à Vitez.
5 Q. Quelles étaient vos fonctions principales et les responsabilités de
6 votre unité ?
7 R. Cela a changé pendant notre affectation. Au départ, nous étions la
8 première unité déployée dans ce secteur. Très brièvement, nous devions
9 escorter les convois de vivres alimentaires dans le pays. Ces vivres
10 alimentaires étaient ensuite emmenés dans des entrepôts à partir desquels
11 ils étaient distribués dans toute la Bosnie.
12 Q. Le 26 avril 1993, le matin, avez-vous participé à une mission
13 particulière ?
14 R. Oui. A Vitez, la salle des opérations qui se trouvait à Vitez, m'avait
15 demandé d'aller avec une femme qui représentait le Haut commissariat des
16 Réfugiés des Nations Unies.
17 Q. Ce n'est pas la peine de donner son nom. Quelle était sa fonction ?
18 R. Je sais qu'elle avait un échelon assez élevé dans la hiérarchie du HCR.
19 Nous nous sommes rendus avec elle, son interprète, son chauffeur et deux
20 véhicules blindés dans un village qui s'appelle Miletici.
21 Q. Quelle était votre mission ? Pourquoi deviez-vous l'accompagner ?
22 R. Elle avait reçu des rapports suivants lesquels des atrocités avaient
23 été commises dans la région. Nous n'avions pas d'autre information à ce
24 sujet. Nous ne nous étions jamais rendus dans cette zone auparavant.
25 C'était entièrement nouveau pour les soldats, mais pas pour le Haut
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1 commissariat des Réfugiés. Nous sommes partis avec les deux véhicules
2 blindés, avec le Land Rover qui appartenait au Haut commissariat des
3 Réfugiés. C'était la chose habituelle que l'on faisait pour assurer la
4 protection dans ce secteur.
5 Nous sommes passés par une vallée. Nous sommes passés par un barrage
6 routier où il y avait des hommes. Nous ne savons pas à qui il appartenait.
7 Nous sommes passés par le barrage routier. Nous sommes arrivés dans ce
8 village qui était haut perché sur la montagne. Nous pouvions voir les
9 confins du village, qui se trouvait dans un tournant de la route, sur la
10 gauche, il y avait une rivière. Nous avons tourné à droite. Nous avons
11 commencé à emprunter le chemin de montagne. Nous nous sommes rendus compte
12 que nous ne pouvions y aller avec les deux véhicules blindés. C'est à ce
13 moment-là, qu'en tant que commandant, j'ai décidé de laisser un des
14 véhicules à un endroit. Il faut savoir également que les combats étaient
15 assez proches. J'ai laissé ce blindé pour des raisons tactiques. Je suis
16 descendu du véhicule. J'ai commencé à marcher devant le véhicule pour
17 m'assurer que le terrain était stable. J'ai commencé à monter, il y avait
18 une pente assez abrupte.
19 Lorsque nous sommes arrivés au village, nous sommes arrivés au village qui
20 s'appelle Miletici. Il y avait quelques habitations.
21 Q. Combien d'habitations il y avait ?
22 R. Environ dix maisons, au centre du village.
23 Il y avait au milieu, une place autour de laquelle se trouvaient des
24 maisons. Nous étions suivis de très, très près par le Land Rover du HCR.
25 Nous avons immédiatement essayé de faire en sorte que les véhicules
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1 blindés, les Warriors, puissent faire demi-tour.
2 Q. A quelle heure êtes-vous arrivés à Miletici ?
3 R. C'était la fin de la matinée.
4 Q. Très bien. Que s'est-il passé à votre arrivée ?
5 R. Tout le monde est sorti du véhicule. Nous avons été très polis pour
6 faire en sorte d'avoir des relations amicales. Nous avons laissé un homme
7 dans le véhicule, et nous avons commencé à déambuler dans le village. Nous
8 étions quelque cinq personnes.
9 Je suis resté très près de la femme du Haut commissariat des Réfugiés, de
10 son interprète. Le chauffeur du Land Rover, lui, est resté près de son
11 véhicule. Nous avons continué à marcher dans le village. J'ai dit à mes
12 soldats que je voulais juste qu'ils soient sur leur garde, qu'ils essaient
13 d'inspecter ce qui se passait.
14 Pendant ce temps-là, la femme du Haut commissariat des Réfugiés a commencé
15 a parlé à plusieurs personnes dans le village. Je me suis rendu compte
16 qu'il ne s'agissait que de personnes âgées. Il n'y avait aucun jeune. Ils
17 étaient tous âgés.
18 Un des soldats est revenu. Il m'a dit qu'il avait vu du sang séché par
19 terre, qu'il avait vu plusieurs flaques de sang séché dans une maison que
20 nous avons ensuite appelé "la maison rose" puisqu'elle était peinte en
21 rose.
22 Discrètement, je me suis approché de cette maison rose. J'ai regardé vers
23 l'entrée, l'entrée d'ailleurs qui se trouvait vers l'arrière de la place du
24 village. Il y avait effectivement des flaques de sang sec. Je suis retourné
25 auprès de la femme du Haut commissariat, et par le truchement de
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1 l'interprète, puisqu'elle parlait à une femme âgée, ils étaient en train de
2 parler de ce qui se passait. La femme âgée, ainsi que le groupe de
3 personnes qui se trouvaient là, étaient en train de dire que rien ne
4 s'était passé.
5 Au bout d'un long moment, je ne me souviens pas combien de temps, une très,
6 très vieille femme qui tremblait et qui semblait l'air d'être très, très
7 perturbée, nous lui avons offert une tasse de thé, nous a pris un peu à
8 l'écart. C'est là qu'elle nous a dit que des gens avaient été tués dans
9 cette maison. C'est ce qu'elle nous a dit. A ce moment-là, j'ai essayé de
10 me rapprocher de la fenêtre et de voir par la fenêtre à l'intérieur de la
11 maison. J'ai pu voir que les murs étaient peints en rose très, très pâle
12 par rapport à l'extérieur. A l'intérieur, il y avait du sang sur les murs.
13 On avait l'impression qu'il y avait des vêtements ou quelqu'un, le sang
14 avait coulé sur les murs.
15 A partir de ce moment-là, je me suis vraiment intéressé à la maison.
16 Personne ne pouvait voir la maison. J'ai plutôt informé la femme du Haut
17 commissariat des Réfugiés de ce que j'avais vu, et nous avons continué.
18 Les heures avaient tournées entre-temps. Nous avons demandé à la femme, à
19 la vielle femme si nous pouvions entrer, pénétrer dans la maison. Elle ne
20 voulait pas nous laisser nous rapprocher de la maison.
21 Finalement, au bout d'un très long moment, elle nous a autorisé à pénétrer
22 dans la maison. Elle n'a laissé entrer que moi-même et la femme du Haut
23 commissariat des Réfugiés. Elle n'a voulu que personne d'autre n'entre dans
24 la maison. Nous avons ouvert la porte. Nous avons franchi le bas de la
25 porte. Il y avait sur la gauche, un vestiaire avec des vêtements, des
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1 chaussures. Nous sommes entrés dans la pièce principale qui était la pièce
2 que je pouvais voir depuis la fenêtre. La fenêtre se trouvait sur la
3 droite. A la gauche, il y avait un mur. Sur ce mur, il y avait un crucifix
4 et un tableau de la dernière scène.
5 A ce moment-là, j'ai vu qu'il y avait un canapé qui se trouvait juste en
6 dessous de la fenêtre. Ce canapé avait véritablement des taches, des
7 grandes taches de sang. Il y avait des cheveux également, des caillots de
8 sang et des morceaux d'os qui se trouvaient par terre. Sur le canapé, sur
9 les coussins, lorsque j'ai regardé ces coussins, je me suis rendu compte
10 qu'il y avait des trous dans les coussins, que par les trous, les plumes
11 qui se trouvaient à l'intérieur du coussin étaient parties. J'ai supposé
12 qu'ils avaient utilisé les coussins pour étouffer les bruits.
13 Q. Les bruits des coups de feu ?
14 R. Tout à fait, les bruits de coup de feu.
15 Je me suis rendu compte que dans cette pièce, il y avait une deuxième porte
16 sur la gauche. Je suis allé voir, il n'y avait rien. Je suis revenu dans la
17 pièce. J'ai réconforté la vieille dame, nous sommes sortis de la maison. La
18 porte a été refermée derrière nous. Nous avons remercié cette femme. Nous
19 avons essayé de lui demander où se trouvait les cadavres, de combien de
20 personnes il s'agissait, mais elle n'a rien dit.
21 La journée touchait à sa fin. Un homme, un jeune homme que nous n'avions
22 pas vu auparavant, est venu près de nous. Il n'était pas armé. Il nous a
23 dit que nous devions quitter le secteur très rapidement. Il nous a dit
24 qu'il y avait beaucoup de soldats qui se rapprochaient de la frontière du
25 nord. Il s'agissait de soldats de l'ABiH.
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1 Q. De quelle "frontière" parlez-vous ?
2 R. De la frontière où les combats se produisaient à ce moment-là. J'ai
3 décidé de quitter rapidement ce secteur.
4 Q. Avant que vous n'ayez quitté le village de Miletici, est-ce que la
5 dame, la vieille dame vous a permis de comprendre ce qui s'était passé ?
6 R. Elle nous a dit que des jeunes hommes étaient morts. Voilà comment cela
7 s'est passé. Nous lui avons posé des questions sur la maison. Elle nous a
8 dit que, ce jour-là, des soldats étaient arrivés dans le village. Elle a
9 prononcé le nom de Moudjahiddines. Elle a
10 dit : "Les Moudjahiddines sont entrés dans le village." Elle a
11 dit : "Ils ont pris tous les villageois." Ils les ont emmenés dans une
12 ruine qui se trouvait en face de la maison rose, de l'autre côté de la
13 place du village. Une fois qu'ils sont arrivés dans cette ruine, ils ont
14 procédé à un Tribunal, et ils ont fait fondamentalement deux groupes : un
15 groupe de personnes qui étaient en état de combattre et un autre groupe de
16 personnes qui n'étaient pas en état de combattre. Ces personnes ont pu
17 partir.
18 D'après la dame, ils ont été emmenés dans la maison après qu'on leur ait
19 indiqué de prendre les armes, ce qu'ils ont refusé. Ils ont été emmenés
20 dans la maison, et ils ont été torturés et exécutés.
21 Q. Vous a-t-elle dit combien il y en avait ?
22 R. Pas à ce moment-là.
23 On a posé cette question. C'est à ce moment-là que ce jeune homme est
24 arrivé sur les lieux. J'ai alors décidé de quitter ces lieux.
25 Q. Fort bien.
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1 R. Nous avons accéléré notre descente. Nous avons retrouvé l'autre
2 véhicule blindé. Nous sommes repartis vers la route principale. Nous avons
3 pris un virage à droite pour remonter vers le village se trouvant près de
4 la rivière. Juste à ce moment-là, il y a beaucoup de camions qui sont
5 passés, des camions, mais d'autres transporteurs qui allaient vers le nord,
6 remplis de soldats de l'ABiH, qui arboraient des drapeaux, qui montraient
7 leurs fusils et qui lançaient des cris de joie lorsqu'ils passaient. Nous
8 avons tourné à gauche pour retourner vers Vitez. A ce moment-là, la nuit
9 était déjà tombée.
10 Nous sommes arrivés à Vitez. Nous avons rendu compte de ce qui s'était
11 passé. Nous avons fait notre rapport à la salle des opérations. J'ai oublié
12 une chose, avant de partir du village, j'ai dit à l'interprète qu'il était
13 possible d'apporter des cercueils pour ensevelir ces personnes, pour les
14 enterrer le lendemain matin. La dame a dit oui. Lorsque j'ai demandé
15 combien de cercueils il faudrait apporter, elle m'a dit : "Cinq."
16 Q. Vous parliez à qui ?
17 R. Je parlais à la dame du HCR. Elle s'adressait par le truchement de
18 l'interprète à la vieille dame du village.
19 Q. Avant de poursuivre, je reviens sur ceci. Je pense que vous avez dit
20 que la vieille dame vous avait dit par le truchement de l'interprète que
21 les soldats, les Moudjahiddines, étaient venus ce jour-là. C'est bien ce
22 qu'elle a dit ? Est-ce qu'elle a dit qu'ils étaient revenus ou qu'ils
23 étaient déjà venus avant cette journée-là ?
24 R. Non, qu'ils étaient venus avant cette journée-là.
25 Q. Ce soir-là, vous avez fait rapport de ce qui s'était passé à la salle
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1 de contrôle. Est-ce que vous avez, à ce moment-là, reçu une mission ?
2 R. Oui. La mission était celle-ci : il fallait retourner au village le
3 lendemain avec les mêmes véhicules, quelques hommes de plus et un véhicule
4 à chenilles avec les cercueils. Nous devions aller les chercher avant de
5 partir pour Miletici. C'est ce que nous avons fait. Nous les avons emmenés
6 dans un grand entrepôt, mais j'ai aussi décidé qu'il était important
7 d'emporter des croix puisque, dans la maison, il y avait un crucifix et
8 cette image de la Dernière scène. J'ai pensé qu'il était utile d'emporter
9 des croix. Nous sommes ainsi repartis le lendemain matin vers ce village.
10 Q. Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés dans le village le
11 lendemain matin ?
12 R. Nous avons fait la même chose. Nous avons laissé les véhicules en
13 contrebas, mais ce véhicule à chenille est allé, a pris cette pente pour
14 arriver sur cette petite place. Une fois arrivés là, nous avons retrouvé la
15 vieille dame. Nous lui avons -- d'abord, on l'avait réconfortée. Nous lui
16 avons posé plus de questions pour avoir davantage de détails. Nous lui
17 avons demandé où se trouvaient les corps. Au départ, elle n'a pas voulu le
18 dire. D'abord, elle n'a pas voulu nous laisser rentrer dans cette maison
19 rose. Nous lui avons demandé où se trouvaient les corps et, après un
20 certain temps, elle a indiqué une maison qui se trouvait à l'autre bout de
21 la place. Il y avait une grande véranda devant cette maison.
22 Un de mes soldats, un homme que j'avais amené avec moi, et moi-même, nous
23 avons commencé à partir vers cette maison. Au départ, cet homme était
24 responsable de la distribution des produits alimentaires, mais, maintenant
25 -- je cherche mes mots -- il était chargé de faire, disons, faute de mieux,
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1 le décompte des cadavres. Le soldat, cet homme et moi-même, ainsi que la
2 vieille dame, la dame du HCR et l'interprète, nous sommes allés à cette
3 maison. Nous avons ouvert la porte de cette maison où, d'après nous, se
4 trouvaient les corps.
5 L'odeur était incroyable lorsque nous avons ouvert la porte. Il y avait des
6 corps alignés tout à fait nettement. Les cinq corps étaient ainsi posés
7 l'un à côté de l'autre. Nous avons pris les cinq cercueils et nous avons
8 placé les corps dans ces cercueils avant de les emmener vers le véhicule.
9 J'ai oublié de vous dire une chose. Nous avons examiné de près trois des
10 corps. Le premier que j'ai vu, les coudes, les mains ainsi que les doigts,
11 il y avait un genou qui avait été sévèrement endommagé. On avait retourné
12 les doigts de la main d'une façon tout à fait bizarre, qui n'était pas du
13 tout naturel.
14 Deux des corps étaient déjà très huméfiés [sic], gonflés, et la gorge était
15 tranchée. Elle avait été tranchée avec une arme blanche sans doute, et tout
16 autour de la gorge.
17 Q. Vous parlez d'une arme blanche, d'une arme --
18 R. Oui.
19 Q. Que voulez-vous dire par là ?
20 R. On voyait qu'il y avait des traces tout autour du cou. On n'avait pas
21 tranché toute la gorge, mais on voyait les traces tout autour du cou. C'est
22 ce qui concernait le deuxième cadavre. L'os, si vous voulez, la colonne
23 n'avait pas été coupée, mais c'est tout. A part cela, la gorge était
24 pratiquement tranchée.
25 Nous étions en train de placer le troisième corps dans le véhicule. Je suis
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1 sorti de la maison et je me servi de l'interprète pour essayer de savoir,
2 de la part de la vieille dame, comment s'appelaient ces personnes. Elle est
3 revenue. Elle avait à la main un bout de papier sur lequel se trouvait tous
4 les noms. J'ai écrit ces noms, chacun sur une feuille de papier, et je
5 voulais m'assurer que j'avais bien écrit ces noms. J'ai utilisé
6 l'interprète pour m'assurer de l'orthographe.
7 Nous avons placé chacun de ces bouts de papier sur le cercueil
8 correspondant, mais nous n'avons pas attaché ceci ni cloué ceci sur les
9 cercueils.
10 Nous avions les quatre -- les cinq croix. Nous ne savions toujours pas où
11 nous allions enterrer ces cercueils, et j'avais l'intention d'indiquer le
12 nom sur chacune des croix. Tous les corps se trouvaient dans les cercueils,
13 dans le véhicule, et nous avons demandé à la dame : "Où emmener ces
14 corps ?" Elle a dit : "Descendez, prenez la route qui va vers une grande
15 église, très belle d'ailleurs." Nous avons emprunté cette route. Nous
16 sommes descendus et, au moment où nous sommes arrivés au village, il y
17 avait deux moines qui sont venus à notre rencontre.
18 Q. Vous vous souvenez du nom du village ?
19 R. Quand on descend, c'est à gauche. Je ne me souviens pas exactement.
20 Q. Peu importe. Ce n'est pas important. Qu'avez-vous fait de ces corps ?
21 R. Ces moines nous ont rencontrés et nous ont demandés si on pouvait faire
22 demi-tour. Nous avons emmené chacun des cercueils le long de l'église où il
23 y avait déjà des tombes qui avaient été creusées. Quelqu'un a dû dire à ces
24 personnes que les cercueils allaient arriver.
25 A ce moment-là, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de drapeaux
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1 qui flottaient dans le village, qui avaient été hissés sur des réverbères,
2 des poteaux télégraphiques, des arbres. C'étaient des drapeaux croates.
3 J'en ai pris un qui se trouvait sur un arbre.
4 Nous avons placé les cercueils dans les tombes. Nous avons indiqué le nom
5 de chacun des corps sur les croix. Nous avons remercié les moines, et nous
6 sommes partis.
7 Q. Est-ce que c'étaient des hommes qui avaient été tués ?
8 R. Oui. J'en ai vu trois, et je peux vous dire que c'étaient des jeunes
9 hommes qui n'avaient pas plus de 30 ans.
10 Q. La première fois, lorsque vous êtes allé le 26 à Miletici, vous y avez
11 passé combien de temps ? Environ ?
12 R. Huit heures, à peu près.
13 Q. Dans quel état se trouvaient les bâtiments, les maisons du village ?
14 R. C'était un village très abandonné. Comment dire, il était à l'écart de
15 tout.
16 Q. Dites-nous simplement ce que vous avez vu. Ne tirez pas de conclusions.
17 R. C'était un village très paisible qui était tout à fait à l'écart,
18 laissé à lui-même, reculé. Une vingtaine de maisons. Je pense que c'était
19 un village tout à fait tranquille.
20 Q. Est-ce que vous avez remarqué s'il y avait des dégâts qui avaient été
21 causés ?
22 R. Non. Enfin, pas là où nous nous sommes trouvés. Il n'y avait pas de
23 maisons qui avaient été incendiées. La seule maison qui était vraiment
24 endommagé, c'est cette ruine où il n'y avait plus de toit. Mais ce
25 n'étaient des dégâts causés intentionnellement. Ils avaient été causés par
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1 le temps qui s'était passé.
2 Q. Vous avez dit que la vieille dame vous avait parlé de Moudjahiddines.
3 Mais vous, est-ce que vous saviez de qui elle parlait ? Est-ce que vous
4 aviez été informé de cette question ? Est-ce que vous aviez une idée des
5 personnes qu'elle mentionnait ?
6 R. Oui. Nous avons reçu des séances quotidiennes d'information sur ce qui
7 se passait. A l'époque, à ce moment-là, il y avait, en Bosnie, des
8 mercenaires qui étaient à l'œuvre, et on nous avait parlé de Moudjahiddines
9 qui se trouvaient dans la région. Personne, à ce moment-là, n'en avait vus,
10 ni avait entendu parler d'eux, du moins par à ce moment-là.
11 Q. Vous, vous n'en aviez pas entendu parler ou vous ne les avez pas vus ?
12 R. Non.
13 Q. -- pas vus ?
14 R. Aucun de nos soldats n'en avaient vus.
15 Q. Fort bien.
16 R. Nous n'en avions vus aucun.
17 Q. Votre mission en Bosnie s'est terminée quand ?
18 R. Au mois de mai de cette année-là.
19 Q. Je vous remercie.
20 M. STAMP : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président,
21 Madame, Monsieur les Juges.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Stamp.
23 Je me tourne vers les avocats pour le contre-interrogatoire.
24 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,
25 Monsieur le Président.
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1 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kujawinski. Permettez-moi de me
3 présenter. Je m'appelle Stéphane Bourgon et c'est en compagnie de Mme
4 Residovic et de Mme Cauvin que nous défendons les intérêts de M.
5 Hadzihasanovic. J'ai quelques questions à vous poser à partir du contexte
6 et de vos observations personnelles lorsque vous vous êtes trouvé à
7 Miletici.
8 Je demande, tout d'abord, une confirmation de votre part. Vous étiez un
9 sergent de section auprès de BritBat et vous étiez membre du Régiment du
10 Cheshire, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez été déployé en Bosnie de novembre 1992 jusqu'au mois de mai
13 1993.
14 R. Exact.
15 Q. Votre QG, en tout cas, votre lieu de cantonnement c'était Vitez, n'est-
16 ce pas ? C'était l'endroit où se trouvaient la Compagnie A et la Compagnie
17 C, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Le 26 avril, le jour où vous avez reçu pour mission de vous rendre à
20 Miletici, ceci est venu de la salle des opérations, "ops room" de votre
21 bataillon ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous, vous n'aviez jamais auparavant été à Miletici, n'est-ce pas ?
24 R. Non.
25 Q. Cependant, vous étiez déjà, ce jour-là, depuis cinq mois, sur le
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1 terrain et vous saviez quelle route il fallait prendre pour aller à
2 Miletici ?
3 R. Oui, nos véhicules sont équipés d'un système de positionnement par
4 satellite, GSM, et nous avons des cartes. Il est facile de trouver son
5 chemin.
6 Q. A ce moment-là, vous aviez déjà fait beaucoup de déplacements dans la
7 région ?
8 R. Oui.
9 Q. Confirmez ceci pour moi, s'il vous plaît. Miletici se trouve, à peu
10 près, à 20 kilomètres au nord par rapport à Vitez.
11 R. Oui.
12 Q. C'est un petit village, très petit, reculé, perché haut dans les
13 montagnes.
14 R. Oui.
15 Q. En fait, la colline qui mène à Miletici, comme vous l'avez dit vous-
16 même, c'est en fait une route très pentue, et il n'y a rien après le
17 village, c'est-à-dire que c'est un cul de sac.
18 R. Oui. Après la place du village, il n'y a plus aucun chemin qui se
19 poursuit.
20 Q. Le sentier qui mène ou la route qui mène à Miletici est très étroite.
21 Vous avez dit qu'il était très difficile que le véhicule passe par cette
22 route.
23 R. Oui.
24 Q. Ce jour-là, lorsque vous êtes allé à Miletici, vous aviez deux blindés,
25 appelés Warriors, et une Land Rover, une jeep, afin d'assurer votre
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1 protection. Vu la nature du terrain, vous avez décidé de laisser un des
2 blindés au bas de la colline.
3 R. Pas tout à fait au bas, à mi-chemin dans la montée.
4 Q. La distance qui sépare le bas de la colline et l'endroit où se trouve
5 le village de Miletici, c'est à peu près un kilomètre. Vous êtes d'accord
6 avec moi ?
7 R. Oui.
8 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans le village même, vous dites être arrivé
9 sur une petite place. Convenez-vous avec moi du fait qu'il est difficile de
10 même de faire demi-tour -- de tourner le véhicule pour pouvoir quitter le
11 village ?
12 R. C'est vrai.
13 Q. A ce moment-là, vous n'avez pas constaté qu'il y aurait eu de dégâts
14 causés par des combats, d'autre destruction, mise à part cette maison qui
15 était déjà en ruine ?
16 R. Exact.
17 Q. Vous êtes arrivé dans le village, et vous dites que cela s'est passé
18 vers le milieu de la matinée.
19 R. A peu près.
20 Q. Vous avez ajouté, dans une de vos déclarations préalables que, d'après
21 vos observations à l'arrivée à Miletici, il vous était impossible de
22 déterminer si une armée ou l'autre contrôlait le village.
23 R. Exact.
24 Q. Vu vos connaissances de soldat, on ne s'attendrait pas à ce qu'il y
25 ait, en fait, des combats, une attaque militaire à Miletici.
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1 R. Non.
2 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Miletici, vous avez dit il n'y avait pas de
3 jeunes hommes -- jeunes gens. Vous n'avez vu que des personnes très âgées.
4 R. Exact.
5 Q. Les gens que vous avez rencontrés ce jour-là, vous ont dit que vous
6 étiez les premiers ou la première patrouille internationale à venir dans le
7 village depuis longtemps.
8 R. Oui, et je l'ai constaté vu l'état de la piste également.
9 Q. Vous avez dit au cours de l'interrogatoire principal que vous étiez
10 resté dans le village jusqu'à la tombée de la nuit. Quelle heure était-il
11 lorsque la nuit est tombée, lorsqu'il a commencé à faire noir ?
12 R. Il devait être 19 heures 30.
13 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
14 Vous avez parlé à une dame. Il y avait une dame très âgée à qui vous avez
15 parlé et vous avez dit qu'elle était en proie à la plus grande détresse vu
16 la situation. Elle vous a dit que les Moudjahiddines étaient venus dans le
17 village et avaient rassemblé tout le monde au centre du village.
18 R. Dans cette ruine, oui.
19 Q. Ici, je me contente de reprendre certaines parties de la déclaration
20 préalable que vous avez fournie au bureau du Procureur. Vous avez dit que
21 les Moudjahiddines avaient fait le tri, avaient laissé partir les femmes et
22 les hommes qui n'étaient plus en état de combattre.
23 R. Exact.
24 Q. A ce moment-là, les Moudjahiddines ne venaient pas de la région,
25 n'étaient pas originaires de la région, d'après ce que cette femme a pu
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1 vous dire.
2 R. C'est exact.
3 Q. Les hommes qui sont restés dans le village ont été, à ce moment-là --
4 ont reçu l'ordre de prendre les armes et de lutter pour les Moudjahiddines,
5 mais ces hommes auraient refuser. C'est bien cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Pour avoir refusé de combattre pour les Moudjahiddines, ils ont été
8 emmenés dans cette maison où, d'une façon ou d'une autre, ils ont été tués.
9 R. Exact.
10 Q. Vous avez finalement réussi à entrer dans la maison rose, et une des
11 choses que vous avez vues, ce sont ces oreillers ou ces coussins qui
12 avaient été utilisés pour étouffer le bruit causé par les tirs.
13 R. Exact.
14 Q. Je suis un peu étonné que vous dites cela. Pourquoi était-ce pour
15 étouffer le bruit ? Est-ce que vous vous appuyez sur vos connaissances
16 militaires ? Si on faisait cela, si on utilisait un coussin à cette fin, si
17 vous avez une personne qui se trouve à 100 à 200 mètres de la maison, est-
18 ce qu'elle peut entendre le bruit des détonations, si on se sert de
19 coussins pour étouffer cette détonation ?
20 R. Bien --
21 Q. Si vous savez.
22 R. Je ne sais pas comment vous répondre. Je n'ai jamais tiré. Je n'ai
23 jamais utilisé un fusil en utilisant un coussin aussi.
24 Q. C'est une supposition, une hypothèse que vous avez établie en vous
25 basant sur quoi ?
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1 R. En me basant sur ce que j'avais vu de mes propres, mais aussi sur ce
2 que j'avais vu à la télévision sans doute.
3 Q. A ce moment-là, vous ne saviez pas combien de personnes avaient été
4 tuées.
5 R. Non.
6 Q. La personne qui vous accompagnait et vous-même, vous avez réussi à
7 convaincre la vieille dame -- je m'excuse, je vais peut-être reformuler ma
8 question -- vous n'avez pas convaincu la vieille dame qu'elle devait vous
9 montrer les corps, mais vous avez réussi à ce qu'elle vous permette
10 d'entrer dans la maison rose.
11 R. Oui.
12 Q. C'est là que vous avez vu cette scène, ce contexte, dans la maison
13 rose.
14 R. Oui.
15 Q. C'est, à ce moment-là, un homme s'est approché de vous pour dire qu'il
16 y avait beaucoup de soldats -- un nombre considérable de soldats qui se
17 trouvaient sur cette route que vous aviez empruntée.
18 R. Oui, lorsque nous sommes sortis de la maison.
19 Q. Vous avez, en fait, rencontré ces soldats après être redescendus du
20 village et après avoir retrouvé ce véhicule que vous aviez laissé à mi-
21 chemin dans la montée.
22 R. Oui.
23 Q. Cet homme ne vous a pas dit quels étaient ces soldats, à quelles unités
24 ils appartenaient.
25 R. Non.
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1 Q. Mais il vous a dit qu'ils allaient combattre, qu'ils allaient vers la
2 ligne de front avec les Serbes.
3 R. Oui.
4 Q. Lorsque vous avez rencontré ces personnes, ces personnes étaient
5 aimables, étaient de bonne humeur. Vous n'avez pas eu de raison de vous
6 précipitez où que ce soit à cause de ces soldats.
7 R. C'est exact.
8 Q. Le lendemain, vous êtes revenu à Miletici. Cette fois-là, vous étiez
9 accompagné du sergent major Arthur.
10 R. Oui.
11 Q. Mais la veille, il ne s'était pas trouvé avec vous ?
12 R. Non.
13 Q. Le deuxième jour, est-ce que la dame du HCR était avec vous ?
14 R. Oui.
15 Q. Elle était avec vous.
16 Vous avez vu les corps. Vous les avez placés dans des cercueils, vous avez
17 pris des photos, et vous avez emmené ces cercueils vers une église.
18 R. Oui.
19 Q. Mon confrère vous a posé une question et il vous a demandé comment
20 s'appelait la ville où vous aviez emmené ces cercueils.
21 R. Hm-hm.
22 Q. Vous avez dit ne pas vous en souvenir. J'ai des documents vous
23 concernant qui viennent d'auditions antérieures. Une fois, vous avez dit
24 que c'était Brajkovici et l'autre fois Guca Gora. Est-ce que ceci vous aide
25 à vous souvenir du nom ?
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1 R. Guca Gora.
2 Q. Ce matin-là, les villageois ont vu que vous étiez de la FORPRONU, que
3 vous étiez là pour les aider. Ils ont commencé, disons, les langues ont
4 commencé à se délier.
5 R. Oui.
6 Q. Ils vous ont dit que les Moudjahiddines avaient tué ces cinq hommes et
7 que jamais ils n'avaient vu ces individus auparavant.
8 R. Oui.
9 Q. Vous parlez maintenant de Guca Gora, l'endroit où vous avez emmené ces
10 cercueils. Vous avez établi que c'était un village croate parce que partout
11 il y avait des drapeaux croates qui flottaient, n'est-ce pas, et qu'il y en
12 avait, notamment, aux réverbères.
13 R. Je n'ai pas pensé que c'était un endroit croate, mais comme il y avait,
14 à ce moment-là, des drapeaux partout en Bosnie. Cela ne voulait pas dire
15 nécessairement que l'endroit était croate, mais qu'il y avait des Croates
16 qui étaient passés par là, puisqu'ils avaient laissé des signes partout.
17 Q. Est-ce que vous avez pu déterminé, à l'examen des cadavres, la religion
18 de ces gens ?
19 R. Non.
20 Q. Lorsque vous êtes revenu dans votre bataillon, le premier jour et le
21 deuxième jour, vous avez fait rapport de toute cette information.
22 R. Oui.
23 Q. Pour l'intelligence de la Cour, pourriez-vous nous dire de quelle façon
24 se fait ce rapport ?
25 R. Avant de partir en mission ou en opération, on fait l'objet d'un
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1 briefing qui détermine la nature de la mission. Vous posez les questions
2 que vous avez éventuellement. Vous indiquez, dans un registre, que vous
3 partez et où vous allez. Vous restez en contact par radio et, au retour,
4 vous faites aussitôt rapport à la salle des opérations si vous êtes un
5 commandant. C'est sur quoi, vous faites ce qu'on appelle un rapport, un
6 débriefing, sur ce que vous avez vu. Vous dites aux personnes à qui vous
7 faites rapport si la situation a changé, ce que vous avez vu au cours de
8 votre mission.
9 Q. Vous faites cette séance d'information de retour oralement avec la
10 salle d'opérations.
11 R. Aussi vous indiquez ceci. Par exemple, si vous parlez par radio quand
12 vous êtes encore en mission, tout ceci est consigné.
13 Q. Vous avez -- on vous a posé une question à propos des connaissances que
14 vous aviez à propos des Moudjahiddines. Dans l'affaire Blaskic, vous avez
15 dit pratiquement la même chose qu'aujourd'hui. Vous avez dit alors qu'à
16 l'époque vous saviez que c'était des mercenaires qui opéraient en petits
17 groupes, dans des petites poches, que c'étaient des personnes sans pitié,
18 qui ne reculaient devant rien pour parvenir à leurs fins. C'est à peu près
19 tout ce que vous saviez, n'est-ce pas, à propos des Moudjahiddines ?
20 R. Oui.
21 Q. Quelques questions supplémentaires. Le deuxième jour, lorsque vous avez
22 vu ces quelques cadavres, vous avez conclu que ces corps se trouvaient là
23 depuis un certain temps -- un temps certain.
24 R. Oui, parce qu'il y avait une odeur de rance à l'entrée. Je crois que le
25 troisième corps sur les cinq était déjà tout gonflé. Les membres étaient
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1 gonflés, le ventre aussi.
2 Q. Ce n'était pas, d'après vous, des événements récents ?
3 R. Non.
4 Q. Dans l'affaire Kupreskic, on vous a posé une question à propos de ce
5 que vous saviez sur le fait de savoir si des gens auraient été chassés du
6 village. Vous avez dit n'en rien savoir à l'époque.
7 R. C'est exact.
8 Q. Serait-il exact de dire que vous ne saviez pas si certains des
9 villageois voulaient aller à Nova Bila et si, effectivement, à un moment
10 quelconque, des gens avaient été déplacés ou étaient partis à Nova Bila ?
11 R. Non, je ne sais rien à ce propos.
12 Q. Vous vous êtes trouvé deux jours à Miletici. Ces deux jours-là,
13 personne d'autre du Bataillon britannique n'y est allé.
14 R. Pas à ma connaissance.
15 Q. Vous n'avez vu personne qui faisait partie de la Mission d'observation
16 de l'Union européenne, la MCCE ?
17 R. Non.
18 Q. A Miletici, vous n'avez vu personne du commandement conjoint ?
19 R. Non.
20 Q. Merci. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
21 R. Merci.
22 Q. Merci.
23 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président, cela termine le contre-
24 interrogatoire pour l'accusé Hadzihasanovic.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
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1 Je me tourne vers les autres Défenseurs. Y a-t-il des questions, Maître
2 Dixon ?
3 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous n'avons pas
4 de questions à poser au nom de M. Kubura à ce témoin. Je vous remercie.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stamp, avez-vous des questions
6 supplémentaires ?
7 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Non, je n'ai pas
8 de questions supplémentaires à poser.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre a quelques questions à poser au
10 témoin.
11 Questions de la Cour :
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Lorsque vous arrivez la première fois et vous
13 rencontrez la vieille dame et vous allez découvrir qu'il s'est passé
14 quelque chose, vous nous aviez dit que vous étiez en communication radio.
15 Est-ce qu'à ce moment-là, par radio, vous avez averti votre autorité
16 supérieure qu'il y avait eu un problème dans ce village ?
17 R. Non. Non, nous n'avions pas de communication radio avec la salle des
18 opérations à ce moment-là. Nous parlions directement au véhicule qui était
19 resté en bas et qui lui-même transmettait le message à la salle des
20 opérations.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous êtes arrivé avec la personne qui
22 représentait le HCR et qui, apparemment, d'après ce que vous avez dit,
23 avait eu, elle, des informations, quand on voyage avec quelqu'un ou qu'on
24 accompagne quelqu'un, on échange des mots. Elle ne vous a pas dit d'où
25 venaient ces informations ? Car, si vous étiez dans cette mission, c'était
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1 apparemment parce que le HCR avait su ce qu'il s'était passé quelque chose.
2 R. Non, non. On ne m'avait pas dit ce que je risquais de trouver dans le
3 village. Tout ce que l'on m'a dit, c'est qu'il fallait que je me rende dans
4 ce village parce qu'il y avait eu des rapports relatifs à des atrocités
5 dans le secteur, mais pas forcément dans ce village particulier.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : La dame du HCR, qui était avec vous, elle ne vous a
7 rien dit de plus ? Elle ne savait rien en réalité ou elle savait, mais elle
8 ne vous a rien dit ?
9 R. Oui, peut-être. Elle ne nous a rien dit.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question : Vous avez indiqué qu'un jeune
11 vous avait dit qu'il fallait partir parce que des forces arrivaient et ils
12 étaient nombreux. Pourquoi vous êtes partis ? Que craigniez-vous ? Pourquoi
13 vous êtes partis ? Quels étaient les risques qui pouvaient subvenir si vous
14 aviez -- étiez là alors que l'armée régulière arrivait ? Pourquoi s'en
15 aller ?
16 R. Il y avait de nombreux risques. Dans un premier temps, nous ne restions
17 jamais pendant la nuit. Quelques en soient les raisons, dans le cadre
18 d'opérations, nous ne passions jamais la nuit dehors. Nous ne restions pas.
19 Deuxièmement, cet homme nous a dit qu'il y avait beaucoup de soldats qui
20 arrivaient. Il ne nous a pas dit combien de soldats, mais, lorsque nous
21 sommes arrivés en bas de la colline, lorsque nous avons vu dans quel état
22 d'esprit ils se trouvaient, à quel point ils avaient l'air d'être contents,
23 ils ne semblaient pas représenter une menace, à ce moment-là ? Mais nous
24 sommes tout simplement partis parce que la nuit tombait.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui devaient arriver, d'après ce que vous
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1 dites, vous les avez vus arriver quand même alors.
2 R. Nous les avons vus arriver lorsque nous sommes arrivés en bas de la
3 colline. Ils arrivaient juste au tournant où il fallait tourner pour aller
4 à Miletici. Je vous ai dit qu'il y avait de nombreux véhicules de types
5 différents qui étaient remplis.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Les soldats, que vous avez vus, ils étaient en
7 tenue ? Ils étaient en tenue de camouflage ? Ils étaient en civil ? Quelle
8 description pouvez-vous faire de ce que vous avez vu au bas de la colline ?
9 R. La majorité portait l'uniforme, mais il y en avait qui avait un
10 pantalon civil avec un haut d'uniforme militaire ou vice versa, d'ailleurs.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui sont arrivés, il devaient avoir des
12 officiers avec eux ou, tout au moins, un commandement. Pourquoi vous n'avez
13 pas informé le commandement de ceux qui arrivaient du constat que vous avez
14 fait, du fait qu'il s'était passé un incident grave dans une maison où vous
15 avez vu des traces de sang ? Pourquoi n'avez-vous pas informé les membres
16 de l'armée de ce que vous aviez vu sur place ? Car vous n'étiez pas en
17 guerre contre les gens que vous avez vus.
18 R. La communication entre nous, à savoir, les soldats britanniques, et les
19 deux autres factions, à l'époque, n'existaient pas. En fait, nous, en tant
20 que soldats sur le terrain, nous n'avions pas de communication avec les
21 soldats. Je pense que ce n'était pas la peine de leur relater ce qui se
22 passait. Je -- non, de toute façon, non, je ne leur aurais pas parlé.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que la Défense a des questions
24 complémentaires à poser suite aux réponses qui viennent d'être faites ?
25 Maître Bourgon.
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1 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Seulement une question très
2 rapide.
3 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Bourgon:
4 Q. [interprétation] Monsieur Kujawinski, à la suite des questions qui vous
5 ont été posées par le Président de la Chambre de première instance,
6 pourriez-vous confirmer que les soldats, que vous avez rencontrés en bas de
7 la colline, ne se rendaient pas à Miletici ?
8 R. Non, les soldats, que nous avons rencontrés en bas de la colline,
9 allaient vers le nord.
10 Lorsque nous sommes arrivés en bas de la colline, il y a un ou deux
11 véhicules qui nous ont dépassés. Ils se sont arrêtés ou ils ont ralenti et
12 ils ont poursuivi leur route vers le nord, par la vallée, en allant vers la
13 ligne de front.
14 Q. Pour essayer de visualiser la scène, puis-je dire que qu'il y avait une
15 route qui allait vers le nord, vers la ligne de front, et que vous
16 arriviez, en fait, à un carrefour qui -- une intersection vers Miletici ?
17 R. Oui, il s'agissait d'une fourche en fait. Vous aviez -- eux, ils
18 allaient vers la vallée, c'était une pente raide. La rivière se trouvait
19 sur la gauche. Lorsque nous sommes arrivés en bas, c'est là qu'il fallait
20 tourner à gauche pour retourner dans la vallée, là d'où ils venaient.
21 Q. Monsieur Kujawinski, la ligne de front avec les Serbes se trouvait à
22 quelques sept à huit kilomètres, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, je pense que cela se trouvait à dix kilomètres à l'époque. Il me
24 semble que c'est exact.
25 Q. En fait, il y avait des troupes ou des soldats qui se déplaçaient
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1 fréquemment vers la ligne de front parce qu'il y avait un roulement des
2 soldats.
3 R. Ce jour-là, vu le nombre de soldats que j'ai vus, cela correspond au
4 plus grand nombre de soldats que j'ai jamais vus en Bosnie. En fait, j'ai
5 vu un autre groupe aussi important plusieurs jours après. Il s'agit de la
6 pièce consacrée au renseignement. Je m'y assois et je fournis des
7 informations. C'est un débriefing pour la cellule de renseignement. Je leur
8 explique ce que j'ai fait, ce j'ai vu, et cetera. Tout cela est consigné.
9 Pour ce qui est de relater cela aux autorités, je ne peux pas répondre à
10 cette question.
11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous savez si des
12 mesures ont été prises par le BritBat sur la base de votre rapport pour en
13 informer les autorités locales ou les organisations internationales ?
14 R. Non, je ne le sais pas.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais avoir une question supplémentaire à vous
17 poser. Compte tenu de la nature de la question, je vais demander à M. le
18 Greffier de passer à huis clos partiel.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
20 partiel, Monsieur le Président.
21 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stamp.
12 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais poser
13 une ou deux questions à propos des photographies.
14 Nouvel interrogatoire par M. Stamp :
15 Q. [interprétation] Vous nous avez dit que vous avez donné les
16 photographies que vous avez prises à des responsables de ce Tribunal, et
17 ce, après les incidents que vous avez décrits. Est-il vrai de dire que vous
18 les avez données dans le cadre d'une autre affaire qui n'est pas cette
19 affaire ?
20 R. C'est exact. Lors du premier entretien, il m'a été demandé de fournir
21 tout ce que je pouvais présenter. J'ai justement présenté cet album de
22 photos, qui est un album de photos qui porte sur ces six mois.
23 J'ai également donné mon journal personnel, mon journal de bord que je n'ai
24 pas récupéré pendant quatre ans. Finalement, j'ai fini par le récupérer.
25 Pour ce qui est des photographies, ils les ont enlevées de l'album. Ils les
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1 ont copiées, et me les ont rendues. C'est ainsi que je les ai maintenant.
2 Q. Merci.
3 M. STAMP : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne une dernière fois vers les Défenseurs
5 pour leur demander s'ils ont d'autres questions. S'il n'y a pas d'autres
6 questions, Monsieur le Témoin -- est-ce qu'il y a encore des nouvelles
7 questions, Monsieur Stamp ?
8 M. STAMP : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question. Je vois que
9 vous êtes sur le point de faire sortir le témoin. Avant que cela ne se
10 fasse, puis-je indiquer que pour ce qui est des photographies qu'il a
11 prises, il y a trois photos qui sont importantes pour Miletici qui vont
12 être conservées ici. Les autres vont lui être rendues. Des instructions lui
13 avaient été données qu'il devait les amener pour cette affaire. Il y a eu
14 un malentendu, parce que l'unité des victimes et des témoins ne savait pas,
15 n'était pas au courant de ces photographies. Lorsqu'ils lui ont fourni
16 leurs instructions, ils lui ont dit de ne rien amener. C'est pour cela
17 qu'il est venu, et qu'il n'a pas amené les photos. La section des victimes
18 et des témoins lui avait dit de ne rien amener d'autre pour des raisons
19 différentes. Toujours est-il qu'il y a ces trois photographies qui ne font
20 pas partie de la liste des pièces à conviction, puisqu'elles n'ont pas été
21 présentées.
22 Toutefois, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, puisque vous
23 semblez montrer un intérêt pour ces photos, des efforts pourraient être
24 déployés pour que ces photographies puissent être amenées et être
25 présentées au Tribunal avant que le témoin ne nous quitte. C'est
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1 véritablement une possibilité. Voilà ce que je voulais vous dire à ce
2 sujet, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire qu'on doit comprendre que l'Accusation
4 veut verser, à ce moment-là, les trois photos. Pour les verser, encore
5 faut-il qu'elle les fasse reconnaître par le témoin. Encore faut-il que
6 vous les ayez sous la main. Première question : Les trois photos, vous les
7 avez ou vous ne les avez pas ?
8 M. STAMP : [interprétation] Non. Je ne les ai pas, Monsieur le Président.
9 Elles se trouvent dans le bâtiment. Elles peuvent être retrouvées.
10 Nous n'avions pas l'intention de les verser au dossier. Je donne toutefois
11 ces renseignements aux Juges, puisque vous avez semblé montrer un intérêt
12 pour ces photographies.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette question, on en délibérera ultérieurement.
15 Nous estimons que l'interrogatoire est terminé. Nous vous remercions d'être
16 venu. Nous vous souhaitons bon retour dans votre pays.
17 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur.
19 [Le témoin se retire]
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme il nous reste quelques minutes avant le break
21 et peut-être la fin de l'audience, est-ce que l'Accusation peut nous
22 présenter le planning de la semaine prochaine tel que nous l'avons au vu
23 des derniers éléments en sa possession.
24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
25 Juges, pourrions-nous passer à huis clos partiel pour ce faire ?
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Passons à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
3 partiel, Monsieur le Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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20 [Audience publique]
21 M. BOURGON : Pardon, Monsieur le Président, mes excuses. Je reprends.
22 La Défense souhaite, tout d'abord, remercier la Chambre pour nous avoir
23 permis d'analyser rapidement la décision rendue un peu plus tôt ce matin,
24 concernant l'admissibilité des documents.
25 Nous avons, au cours de la pause, procédé à une analyse des conséquences de
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1 cette décision pour la Défense, et nous souhaitons, à ce stade-ci, Monsieur
2 le Président, faire des observations en deux volets. Nous ne tenons
3 absolument pas revenir sur la décision, toutefois, nous croyons qu'il est
4 important de vous faire certaines observations.
5 Dans un premier temps, Monsieur le Président, il y a plus de 650 documents
6 que nous devons maintenant justifier concernant l'admissibilité au regard
7 de la pertinence et de l'authenticité des documents. Il est raisonnable de
8 croire que, pour chaque document, nous aurons besoin d'environ une demi
9 page de rédaction au bas mot. Nous croyons que la réponse, qui nous est
10 demandée par la Chambre, est un document qui comportera au bas mot entre
11 200 et 300 pages. Nous croyons qu'il ne nous est pas possible de produire
12 un tel document à la date demandée par la Chambre, soit le 8 avril. Nous
13 croyons, qu'au bas mot, nous aurons besoin d'un délai de six semaines pour
14 produire un tel document.
15 Concernant le deuxième volet des observations que la Défense souhaite
16 présenter ce matin. Nous avons eu l'occasion de regarder la décision. Nous
17 avons toutefois besoin d'un peu plus de temps pour analyser les
18 conséquences légales et la position légale des accusés face à un tel débat.
19 Nous croyons qu'il y a, possiblement, des conséquences pour les accusés,
20 concernant le fardeau de preuve qui appartient à l'Accusation et non à
21 l'accusé, et au regard de la position de l'accusé dans tout procès de droit
22 criminel.
23 Pour ces raisons, Monsieur le Président, nous souhaitons prendre quelques
24 jours pour bien analyser la décision, en analyser les conséquences
25 juridiques, afin de peut-être -- nous ne sommes pas décidés, à ce stade-ci,
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1 présenter des observations ultérieures à la Chambre, sous la forme d'une
2 demande, soit de clarification ou de reconsidération de cette décision.
3 Puisque nous croyons, comme je l'ai mentionné, qu'il y a des conséquences
4 assez importantes pour les deux accusés dans cette affaire.
5 La question des documents intéresse la Chambre depuis le tout début du
6 procès. Nous croyons qu'il serait utile pour nous, à tout le moins,
7 Monsieur le Président, de vous faire part de certaines observations par
8 écrit afin de prendre une décision à ce sujet eu égard aux conséquences.
9 Merci, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
11 Monsieur Dixon et, après, Monsieur Withopf.
12 Monsieur Dixon.
13 M. DIXON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je voulais
14 juste ajouter, à l'appui de ce que vient de dire Me Bourgon, ceci. Ce qui
15 avait été mis en lumière, la première fois ou la dernière fois que nous
16 avons parlé de la question avec vous, nous sommes en butte à des
17 difficultés face à cette montagne de documents car nous ne savons pas dans
18 quelle mesure l'Accusation s'appuie sur ces documents. Nous devons le
19 savoir pour pouvoir nous conformer à votre ordonnance.
20 Nous avons le mémoire préalable au procès qui nous donne quelques
21 indications, mais nous sommes loin des 650 documents. C'est ce que nous
22 voudrions dire dans de nouveaux arguments que nous allons vous soumettre,
23 mais il faudrait que l'Accusation dise, de façon plus précise, de quelle
24 façon elle veut se servir de ces documents, quelle importance elle leur
25 attache. De cette façon, nous pourrions leur répondre de façon adéquate.
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1 Il n'est pas déraisonnable de demander à la Défense de répondre à la thèse
2 de l'Accusation, mais difficile de le faire au regard de ces documents,
3 sans le savoir, car nous risquons de ne pas répondre aux questions
4 véritables qui se posent. Quelque part, nous pourrions présenter nos thèses
5 de défense bien trop tôt car nous sommes censés le faire uniquement après
6 que l'Accusation l'aura fait. Il serait peut-être possible que votre
7 décision tienne compte de cela et demande à l'Accusation, dans le cadre de
8 sa thèse, de nous dire quelle intention elle a -- de quelle façon elle veut
9 se servir de ce document.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf.
11 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
12 Juges. La question de la demande du versement des documents et toutes les
13 questions connexes font l'objet de discussions depuis des mois et font
14 l'objet de discussions des plus circonstanciées en audience, en dehors du
15 prétoire, dans le cadre de réunions informelles. La Chambre de première
16 instance, après avoir reçu toutes les informations dont elle a été saisie,
17 a rendu une décision tout à fait instruite.
18 La Défense nous dit maintenant, elle le dit clairement -- indique qu'elle
19 veut déposer une requête afin qu'il y ait réexamen de la question et de la
20 décision. Si c'est le cas, l'Accusation devrait avoir le droit de répondre.
21 Ceci veut dire que deux ou trois semaines vont s'écouler sans qu'une
22 décision ait été prise en la matière.
23 Nous prévoyons de terminer la présentation de nos moyens début du mois de
24 juin 2004 au plus tard. Si la Défense nous dit, aujourd'hui, qu'elle n'est
25 pas en mesure de présenter les raisons qu'elle veut soumettre pour mettre
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1 en doute ce que nous faisons, alors qu'il y a plus que six semaines, je
2 pense que l'Accusation aurait le droit de répondre, et la Chambre rendre
3 une décision, mais après la fin de la présentation de nos moyens.
4 Il semble que ceci pose de sérieux problèmes pour la poursuite de nos
5 moyens.
6 Ici, je fais référence au paragraphe 3 des motifs présentés par la Défense
7 à cet égard. A cet endroit, la Défense nous fait part de la nature de ses
8 contestations et elle cerne, au minimum, dix questions différentes. On
9 aurait des raisons de croire qu'à ce stade de la procédure la Défense
10 devrait savoir qu'elles sont les contestations dont elle veut arguer au
11 regard de chaque document. La Défense dispose de ces documents depuis de
12 nombreux mois. En fait, s'agissant de beaucoup de ces documents, elle en
13 dispose depuis plus de dix ans. Il semble un peu difficile, à la 25e heure,
14 de savoir quelle serait la contestation possible au vu de ces documents.
15 C'est la raison pour laquelle l'Accusation s'oppose au dépôt, qui nous est
16 déjà annoncé, d'une requête que présenterait la Défense pour réexamen;
17 cependant, si la Chambre autorise -- fait droit à cette requête, je pense
18 que l'Accusation devrait avoir le droit d'y répliquer.
19 Enfin, quelle est la pratique qui s'applique par la voie de la décision
20 rendue par la Chambre sur cette question ? Ceci est tout à fait conforme à
21 la pratique de plusieurs autres Chambres de première instance dans d'autres
22 procès qui se tiennent en ce Tribunal. Avec tout le respect qui se doit,
23 l'Accusation demande à la Chambre de ne pas faire droit à la demande de la
24 Défense, qui revient à rouvrir ce dossier, ce que nous avons fait déjà à
25 maintes reprises. Je pense qu'une décision définitive soit prise, que nous
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1 nous disions qu'une décision a été rendue, ce qui devrait permettre à ce
2 procès de se dérouler au rythme qu'il a connu dans le passé.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.
4 La Défense nous a dit qu'elle allait réfléchir pour savoir si la décision
5 n'entraînait pas pour elle des conséquences juridiques quant à la question,
6 notamment, du fardeau de la preuve qui incombe, bien entendu, à
7 l'Accusation. Ce n'est pas, évidemment, à la Défense de contribuer au
8 fardeau de la preuve. Ce point de droit a été rappelé par la Défense à
9 juste titre.
10 Mais la question n'est pas là. La décision qui a été prise, comme nous
11 l'avons souligné par un -- considérant -- c'est qu'il est quasiment
12 impossible d'introduire 650 documents lorsque les témoins comparaîtront, et
13 que l'économie générale de la décision tend à distinguer, parmi la liste
14 des 650 documents, quels sont ceux qui, pour la Défense, qui ont fait
15 l'objet d'une contestation. Mais est-ce que la Chambre demande que cette
16 contestation soit affinée par l'information de la Chambre pour ses raisons,
17 quant à la pertinence ou à l'authenticité. C'est à partir de là que tout le
18 monde y verra beaucoup plus clair.
19 La Défense nous dit, au stade actuel, elle pense que chaque document
20 devrait faire place à une demi page par écrit, ce qui fait une demi page
21 par 650 documents, cela ferait 300 pages. Il y a peut-être des documents
22 qui méritent une demi page, mais il y a d'autres documents qui méritent une
23 ligne. Le mieux c'est que la Défense continue à réfléchir ce "weekend"
24 puisque vous avez encore deux jours devant vous. Lundi, à l'ouverture de
25 l'audience qui se déroulera, vous nous direz, à ce moment-là, quelle est
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1 votre position et nous verrons si nous vous autorisons à déposer une
2 requête nous demandant de clarifier notre décision car, pour nous, la
3 décision était très claire, comme cela a été indiqué. Vous avez deux jours
4 pour réfléchir et il serait beaucoup plus sage de faire le point en début
5 d'audience lundi prochain.
6 Maître Bourgon.
7 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. La Défense est tout à fait
8 conscient que la Chambre a rendu sa décision, et nous sommes d'avis de
9 faire tout sauf de revenir sur cette décision autre que par les voies
10 établies. C'est pourquoi notre position immédiate, ce jour-ci, c'est de
11 nous conformer, en tout point, à la décision de la Chambre, mais nous
12 informons la Chambre, comme on nous a demandé de le faire, qu'il s'agit
13 d'un travail considérable. Plus de deux semaines de travail à temps plein
14 ont été requises afin de faire la première évaluation sans rédiger quoi que
15 ce soit. Nous informons la Chambre qu'il s'agit d'un travail considérable
16 qui risque de prendre beaucoup plus que le 8 avril. Notre première idée à
17 ce sujet est un délai de six semaines.
18 Sur le second volet, Monsieur le Président, sur la question de la décision
19 en tant que telle, nous allons, comme la Chambre nous a indiqué de le
20 faire, y réfléchir plus en avant au cours du "weekend", afin d'évaluer les
21 conséquences juridiques et faire part de notre position à la Chambre lundi,
22 à savoir si nous souhaitons, soit reconsidérer la décision ou prendre une
23 autre avenue possible.
24 Nous croyons, toutefois, Monsieur le Président, qu'il est important de
25 mentionner que cette question-là -- malgré les commentaires formulés par
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1 mon confrère de l'Accusation -- dès le début, dès les premiers documents
2 déposés par l'Accusation, nous avons commencé un débat sur l'admissibilité
3 des documents et sur la différence entre l'admissibilité et le poids ou la
4 valeur probante d'un document.
5 La position de l'Accusation prise sur des documents aussi banals qu'une
6 carte illustrant les emplacements où des crimes contenus et allégués dans
7 l'acte d'accusation avaient été commis, l'Accusation a présenté des
8 objections à des documents comme ceux-ci. Cela a entraîné une foule de
9 conséquences et une foule de débats et d'arguments, de part et d'autre, sur
10 cette question.
11 Aujourd'hui, nous croyons que la décision rendue par la Chambre, nous
12 tenons à prendre le temps nécessaire pour bien en évaluer les conséquences
13 pour faire part de nos observations à la Chambre, le cas échéant, la
14 semaine prochaine. Merci, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais d'ici la semaine prochaine, vous avez deux
16 jours. Vous pouvez parce que, comme vous nous avez expliqué, vous avez
17 passé 15 jours sur le listing. Il y a des documents que vous êtes, en
18 qualité de Défenseur, en mesure d'évaluer et de savoir quels sont les
19 documents qui, pour vous, doivent faire l'objet d'un débat contradictoire
20 de ceux qui peuvent, le cas échéant, après vos observations écrites, être
21 admis à titre d'éléments de preuve.
22 Mais, comme vous l'avez indiqué, il faut bien faire la distinction entre la
23 pertinence et la valeur probante. La Chambre a parfois l'impression que
24 dans l'esprit des uns et des autres il y a une confusion des deux.
25 Ce n'est pas parce qu'un document est établi que ce document acquiert, de
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1 lui-même, une force probante telle que le document est irréfutable. Un
2 document, bien entendu, s'apprécie en fonction de la qualité de l'auteur du
3 document, des témoins, du contexte et du contenu du document, des multiples
4 témoignages, et c'est la Chambre qui le déterminera. Je voulais quand même
5 indiquer cela à titre de réflexion.
6 Le mieux, c'est que vous y réfléchissez et, lundi, on refera un point sur
7 cette question.
8 Y a-t-il d'autres observations ? Monsieur Withopf ?
9 M. WITHOPF : [interprétation] Je serai très bref, Monsieur le Président.
10 L'idée de présenter un document de 300 et quelques pages est assez
11 effrayantes. Mais, en fait, ce n'est pas si difficile que cela.
12 La Défense, dans ses écritures, a retenu plusieurs critères qui la poussent
13 à croire qu'il faut contester quelque chose comme 650 documents. Si ces
14 critères sont appliqués à ces documents, on peut faire une espèce de
15 document avec des cases. Voilà, document numéro 1, c'est un document de
16 telle ou telle nature. On peut le cocher, et on peut, sous forme
17 télégraphique, donner une explication. Je ne pense pas qu'il soit
18 nécessaire, pour ce faire, d'écrire 350 pages.
19 Autre chose, après la semaine de Pâques, nous n'avons pas d'audience. Ceci
20 devrait permettre à la Défense d'œuvrer à la question. Elle dispose de
21 toute une semaine pour étudier toutes ces questions. Je persiste à croire,
22 et c'est là la conclusion que je tire des écritures déposées par la
23 Défense, je conclus qu'elle a déjà pris une décision, qu'elle s'est forgée
24 une idée à l'encontre de chacun de ces documents. Il ne devrait pas être
25 trop difficile, en l'espace de deux semaines, de maîtriser la matière,
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1 puisqu'il y aura toute une semaine sans audience. Il ne devrait pas être
2 trop difficile parce que c'est vraiment de le faire, parce que difficile de
3 revenir sur cette question jour après jour. Le procès est déjà trop avancé
4 pour cela. Nous devrions terminer la présentation de nos moyens à charge
5 dans deux mois. Or, nous devrions savoir comment demander le versement de
6 documents. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, vous avez la parole une dernière
8 fois.
9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.
10 Nous avons de sérieuses réserves à l'égard des propos exprimés par mon
11 confrère de l'Accusation. Qui est-il pour savoir combien de temps nous
12 avons besoin, ce que nous avons à faire et ce que nous allons dire dans nos
13 documents, et si nos décisions sont prises ? Nous croyons que cela est tout
14 à fait inacceptable, Monsieur le Président.
15 La question des documents est un document -- nous allons y attacher toute
16 l'importance voulue. Toutefois, nous devons prendre le temps d'évaluer la
17 position au regard de ce qui se passe, pour la préserver et protéger la
18 position des accusés, ce qui est notre devoir en l'espèce, Monsieur le
19 Président. Merci.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. De toute façon, il y aura le "weekend"
21 qui va permettre la réflexion et la maturation des positions. Ayez,
22 néanmoins, en tête, le fait que la procédure qui s'applique pour
23 l'Accusation, et dont la Défense, évidemment, doit également faire valoir
24 son point de vue, s'appliquera, dans le futur, pour l'Accusation lorsque la
25 Défense présentera ses documents. Là, il y a quand même une égalité des
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1 armes qui est totalement respectée.
2 L'économie générale, c'est d'arriver à un système où les documents qui sont
3 versés ou qui vont être versés le soient de la manière la plus appropriée
4 et n'entraînent pas des débats inutiles qui risquent de prendre du temps
5 sur les témoignages oraux qui sont importants. Puisque notre procédure est
6 fondée sur des témoignages oraux. Il ne faut pas que le témoignage oral
7 soit perturbé par des tirs de barrages émanant d'objections sur les
8 documents.
9 Il y a deux jours, le temps de réfléchir, et nous ouvrirons l'audience de
10 lundi en reprenant cette question.
11 S'il n'y a plus d'autres points, je remercie l'ensemble des parties et je
12 vous inviter à revenir lundi, 14 heures 15. Merci.
13 --- L'audience est levée à 11 heures 26 et reprendra le lundi 5 avril 2004,
14 à 14 heures 15.
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