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1 Le mardi 6 avril 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire.
7 Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Oui. Bonjour, Monsieur le Président,
8 Madame, Monsieur les Juges. Affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver
9 Hadzihasanovic et Amir Kubura.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
11 Je vais demander aux représentants de l'Accusation de bien vouloir se
12 présenter.
13 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
14 Monsieur les Juges. Pour l'Accusation, aujourd'hui, Chester Stamp, Ekkehard
15 Withopf et Ruth Karper, notre commise aux audiences. Je tiens à dire
16 bonjour aux conseils de la Défense.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
18 Je vais me tourner vers les avocats qui sont nombre réduit aujourd'hui.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
20 Monsieur les Juges. Pour M. le général Hadzihasanovic, Edina Residovic,
21 Stéphane Bourgon et Muriel Cauvin, notre assistante juridique. Merci.
22 M. DIXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
23 Monsieur les Juges. Pour M. Amir Kubura, Rodney Dixon aujourd'hui.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Dixon.
25 La Chambre salue toutes les personnes présentes, les représentants de Mme
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1 le Procureur, les avocats des accusés, les accusés, ainsi que tout le
2 personnel de cette salle d'audience. La Chambre salue Mme la Greffière, qui
3 va nous assister pendant nos travaux. Je ne saurais oublier Mme la
4 Sténotypiste, ainsi que les interprètes.
5 Nous devons poursuivre, aujourd'hui, l'audition d'un témoin, mais, avant
6 cela, la Chambre va rendre une décision concernant les documents. J'ai
7 remis une copie de cette décision aux interprètes, et je vous demande de
8 bien écouter la décision. Cette décision porte sur les documents.
9 La Chambre rend la décision suivante : vendredi dernier, la Chambre avait
10 rendu une décision orale par laquelle elle avait demandé à l'Accusation de
11 lui communiquer une copie des documents contestés dans les meilleurs
12 délais. La Chambre avait demandé à la Défense de lui expliquer, par écrit,
13 les motifs de ses contestations, document par document, en indiquant son
14 argumentation quant à la pertinence, à l'authenticité, à la chaîne de
15 transmission ou pour tout autre motif.
16 Il avait été demandé à la Défense de lui fournir, pour le 8 avril, ou dans
17 un délai prolongé pour le cas où la Défense en ferait la demande, la
18 réponse aux questions posées par la Chambre. La Chambre avait également
19 demandé au Procureur de répondre, le cas échéant, aux écritures de la
20 Défense pour le 19 avril. La Chambre avait indiqué qu'à la suite des
21 échanges entre la Défense et l'Accusation, la Chambre tiendrait une
22 audience ultérieure spécifique sur ces documents auxquels il sera donné,
23 par ailleurs, par la Chambre, un numéro aux fins d'identification.
24 La Chambre avait pris cette décision dans l'unique but de structurer le
25 débat sur l'admissibilité des documents étant donné le nombre élevé des
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1 documents contestés par la Défense. Il y en avait, je rappelle par mémoire,
2 plus de 600.
3 A la suite de cette décision de vendredi dernier, la Défense, hier, a fait
4 valoir, à titre préliminaire, que l'explication qui lui avait été demandée,
5 l'obligerait à présenter un document de 200 à 300 pages, et qu'elle aurait
6 besoin d'au moins six semaines pour remplir cette demande. La Défense, par
7 ailleurs, a indiqué qu'il lui serait difficile de présenter ses arguments,
8 document par document, car, selon la Défense, l'Accusation n'avait pas
9 encore indiqué quelle était son intention d'utiliser ces documents.
10 La Chambre avait, à ce moment-là, demandé à la Défense de lui faire valoir
11 à la Chambre, pour le lundi dernier, avant-hier -- enfin hier, sa position.
12 Hier, la Défense a présenté ses arguments de manière plus détaillée,
13 auxquels le Procureur, hier, a répondu.
14 La Chambre, de manière synthétique, a retenu les points principaux suivants
15 : pour la Défense, la Défense estime qu'il ne peut lui être demandé de
16 fournir des explications détaillées sur les documents contestés à ce stade
17 car, pour la Défense, de telles explications devraient être fournies pour
18 elle, à la fin de la présentation des éléments de preuve du Procureur. La
19 Défense a fait valoir qu'il est possible de verser des documents à la
20 procédure sans passer par un témoin. Mais, pour la Défense, la
21 jurisprudence et la pratique favorisent le versement des documents par
22 l'entremise de témoins. En suivant cette procédure, pour la Défense, le
23 Procureur pourrait indiquer, à la fin de la présentation de ses moyens de
24 preuve, s'il compte utiliser tous les documents non versés et indiqué,
25 catégorie par catégorie, la pertinence et la source de ces documents, et
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1 qu'à ce moment-là, la Défense serait en mesure de répondre aux arguments de
2 l'Accusation.
3 Selon la Défense, les droits de l'accusé seraient ainsi mieux protégés,
4 dans cette hypothèse, car la Défense serait en mesure de contre-interroger
5 les témoins aux travers desquels les documents seraient présentés, et
6 ainsi, la charge de la preuve pèserait sur le Procureur. La Défense a fait
7 valoir que seuls 222 documents sont référenciés dans le mémoire préalable
8 au procès, et le Procureur a fourni des indications quant à leur
9 utilisation pour seulement 127 des documents contestés, raison pour
10 laquelle, il serait très difficile pour la Défense de présenter sa position
11 et, bien entendu, ses arguments, sur la majeure partie des documents.
12 En réponse à cette argumentation de la Défense, le Procureur, hier, a fait
13 valoir les arguments suivants que la Chambre tient à rappeler. Le versement
14 de documents directement dans la procédure, sans l'entremise d'un témoin,
15 est une pratique bien connue du Tribunal. Les deux raisons principales de
16 la Défense pour contester les documents sont, de l'avis de l'Accusation, la
17 pertinence et l'authenticité. L'Accusation a fait valoir que la Défense a
18 également identifié 12 autres facteurs qui ont un impact sur ces deux
19 critères. La Défense, selon l'Accusation, n'a toutefois pas indiqué
20 lesquels de ces critères s'appliqueraient à chaque document.
21 L'Accusation a fait valoir, par ailleurs, qu'une majorité des documents
22 contestés provienne des archives de Sarajevo et que, parmi ces documents,
23 de nombreux documents proviennent du 3e Corps de l'ABiH ou de la 7e Brigade,
24 et qu'une centaine, voire 50 documents, sont signés soit par l'un ou
25 l'autre des accusés. Si la Défense conteste ces documents pour des raisons
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1 d'authenticité, il serait utile aux yeux de l'Accusation de le savoir le
2 plus rapidement possible car la résolution de cette question devrait, de
3 l'avis de l'Accusation, requérir une expertise quant à la signature de ces
4 documents.
5 L'Accusation a estimé que la charge de la preuve n'est pas renversée car
6 c'est toujours au Procureur de démontrer à la Chambre que les documents
7 sont pertinents et authentiques.
8 A la suite des observations de la Défense et de l'Accusation, la Chambre
9 aujourd'hui ne voit pas de raison qui pourrait l'amener à revenir sur sa
10 décision de vendredi dernier; cependant, la Chambre est de l'avis que, dans
11 l'intérêt de la justice, il y a lieu de clarifier sa décision et d'y
12 ajouter de nouvelles dispositions.
13 Au terme du Statut et du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal,
14 la Chambre doit assurer la célérité du procès dans le cadre d'une procédure
15 équitable pour les deux parties et, bien entendu, dans le respect des
16 droits des accusés.
17 La Chambre se doit de rendre la présentation des moyens de preuve efficace
18 pour l'établissement de la vérité, tout en évitant toute perte de temps
19 inutile. Cette obligation à laquelle est soumise la Chambre résulte de
20 l'Article 90(F) du règlement.
21 La Chambre note également que la disposition de l'Article
22 65 ter du règlement, qui concerne la phase préalable de mise en état du
23 procès, prévoit que, et je cite : "Le Procureur précise, chaque fois que
24 possible, si la Défense conteste ou non l'authenticité des pièces à
25 conviction." En conséquence, la Chambre est d'avis qui lui est loisible de
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1 demander à la Défense les motifs de sa contestation des documents présentés
2 par le Procureur, documents qu'elle a en sa possession depuis plusieurs
3 mois.
4 La Chambre estime que le fardeau de la preuve n'est pas renversé dans la
5 mesure où, conformément à l'Article 89 du règlement, il appartient toujours
6 au Procureur de convaincre la Chambre qu'un document doit être admis comme
7 élément de preuve, notamment, en faisant la démonstration de leur
8 pertinence et de leur authenticité. Il n'est pas, bien entendu, demandé à
9 la Défense de rapporter la preuve que les documents du Procureur ne doivent
10 pas être versés au dossier. La Chambre ne part pas de l'hypothèse qu'un
11 document est admissible pour l'unique raison que la Défense ne le
12 contesterait pas suffisamment. Il lui est simplement demandé de faire
13 valoir son point de vue sur les documents. Le Procureur doit quant à lui
14 faire la démonstration que rien ne s'oppose à leur recevabilité.
15 En conséquence de quoi, la Chambre - je vous prie de bien prendre note de
16 ce qui va être dit - ordonne à la Défense de lui présenter un document
17 écrit pour le 19 avril 2004. Premièrement, classant les documents contestés
18 catégorie par catégorie en se fondant sur les motifs pour lesquels ils sont
19 contestés : pertinence, authenticité, ainsi que les 12 autres facteurs
20 ayant une influence sur ces deux critères, indiquant pour chaque document
21 en une ou deux lignes les raisons de la contestation. Troisièmement - c'est
22 important, écoutez bien - indiquant quels sont les documents qui de son
23 point de vue ne peuvent être versés que par l'entremise d'un témoin et pour
24 lequel un contre-interrogatoire serait absolument nécessaire.
25 Je me résume. La Défense a trois obligations : la première, à partir des
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1 600 et quelques documents contestés, de nous indiquer les catégories dans
2 lesquelles ces documents doivent être insérés, et ces catégories peuvent
3 être classées : pertinence, authenticité ou en fonction des 12 facteurs que
4 vous avez indiqués. Par ailleurs, pour répondre à l'argumentaire sur les
5 300 pages, on ne vous demande que de faire une ligne par document, il n'y
6 aura pas 300 pages. Troisièmement, de nous indiquer, sur les 655 documents,
7 quels sont pour vous les documents absolument nécessaires qui ne peuvent
8 être traduits et versés dans la procédure que par l'entremise d'un témoin.
9 Voilà les trois points qui concernent la Défense.
10 Concernant l'Accusation, je vois que M. Withopf a un stylo. Il va prendre
11 note également des obligations. La Chambre demande à l'Accusation de lui
12 présenter également un document écrit pour le 19 avril, indiquant, par
13 grandes catégories de documents, leurs origine ou source, ainsi que des
14 éléments sur leur chaîne de transmission.
15 Deuxièmement, de fournir à la Chambre des informations plus détaillées sur
16 la source ou l'origine des documents listés comme étant de source inconnue
17 car, dans la liste consolidée, il y a des documents ou aucune source n'est
18 indiquée. La Chambre souhaiterait connaître l'origine et les sources de ces
19 documents.
20 Troisièmement, indiquant à la Chambre la raison pour laquelle les comptes
21 rendus de témoignages de témoins dans d'autres affaires devant le Tribunal
22 sont présentés dans la liste de pièces à conviction du Procureur, et non
23 pas en suivant la procédure qui était prévue à l'Article 92 bis (D) et (E).
24 Quatrièmement, il est demandé à l'Accusation d'indiquer, dans leurs grandes
25 lignes, en suivant ses propres catégories, la pertinence des documents non
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1 référencés dans son mémoire préalable au procès et non encore admis
2 puisqu'on a découvert qu'il y a plusieurs centaines de documents qui ne
3 sont pas référencés dans le mémoire préalable. Il est demandé à
4 l'Accusation au point quatre de nous indiquer cela.
5 A la suite des écritures de la Défense et de l'Accusation, la Chambre a
6 l'intention de tenir des audiences afin de débattre de l'admission des
7 documents. Cette audience spécifique sur ces documents pourra se tenir soit
8 une semaine avant l'audition du témoin expert, le général Reinhardt, soit
9 la semaine d'après. La présentation d'écritures par les parties indiquée
10 plus haut, avant la tenue de ces audiences, permettra de structurer les
11 débats et de procéder ainsi de manière plus efficace, en permettant à la
12 Chambre et aux parties de s'y préparer de façon appropriée.
13 Les audiences seront ainsi structurées en suivant les catégories les plus
14 logiques à la vue des écritures des parties. Lors de ces audiences, dont la
15 durée sera déterminée au vu des écritures des parties, il est prévu que ces
16 audiences durent plusieurs jours, au minimum une semaine. Le Procureur,
17 lors de ces audiences, pour éviter toute perte de temps inutile, sera,
18 document par document, invité à indiquer pour lui les raisons pour
19 lesquelles les documents d'une catégorie donnée devraient être admis. Il
20 sera, ensuite, demandé à la Défense de répondre et de présenter ses
21 arguments sur les arguments du Procureur.
22 Voilà le sens de notre décision. Je vous demande à tête reposée de bien
23 relire le transcript. Il est demandé aux uns et aux autres de nous préciser
24 d'ici le 19 avril, les demandes qui sont formulées. Il y a trois points
25 pour la Défense et quatre points pour l'Accusation. Cela permettra
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1 ultérieurement de mieux avancer dans l'étude de ces documents. Vous avez
2 compris qu'il nous apparaît maintenant nécessaire, comme d'ailleurs cela
3 avait été suggéré par l'un et par l'autre, de tenir une audience spécifique
4 sur les documents. Pour que cette audience spécifique puisse se tenir,
5 encore faut-il qu'on connaisse les grandes catégories de documents. Il est
6 demandé aux uns et aux autres de nous apporter ces éléments. Si vous êtes
7 dans l'incapacité de le faire, la Chambre le fera. Comme le procès est
8 conduit par les parties, c'est à vous de le faire. En cas de défaut, la
9 Chambre interviendra. C'est à vous de nous dire quelles sont les catégories
10 de documents. On ne vous demande pas 300 pages, on vous demande par
11 document de faire une ligne. Cela ne va pas vous prendre des semaines,
12 d'ici le 19 avril, on a largement le temps. Ensuite, il y aura une
13 audience, document par document.
14 Il y a deux possibilités. On suggère, soit la semaine avant le général
15 Reinhardt, si c'est possible; sinon, on le fera après le général Reinhardt.
16 C'est l'Accusation qui a la maîtrise des témoins de voir à quel moment,
17 grosso modo, une semaine pourrait peut-être suffire.
18 Nous vous demandons de bien relire la décision, et nous nous y conformons.
19 Nous allons demander à M. l'Huissier de bien vouloir introduire le témoin
20 car, comme vous le savez, nous devons faire absolument un break entre cinq
21 heures et six heures. Nous reprendrons l'audience à six heures. J'ai
22 demandé au Juriste de la Chambre de voir, avec le Greffe et les autres
23 services compétents, dans quelle mesure nous pourrions déborder après cette
24 heure afin de terminer l'audition de ce témoin. Dans la mesure où nous
25 l'indiquons toute de suite, la Chambre a des questions aussi à poser au
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1 témoin.
2 Concernant le témoin, l'audience va reprendre par des questions
3 supplémentaires qui vont être posées par l'Accusation, qui avait demandé
4 d'avoir toute la nuit pour préparer ses questions supplémentaires.
5 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Encore faut-il attendre l'arrivée du témoin,
7 Monsieur Stamp. Je sais que vous ne voulez pas perdre de temps, mais
8 attendons que le témoin arrive.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Vous entendez les interprètes ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Asseyez-vous. La Chambre vous salue et vous remercie
13 d'être resté toute cette soirée d'hier pour pouvoir répondre aux questions
14 supplémentaires, qui vont vous être posées par M. Stamp, qui représente Mme
15 le Procureur.
16 LE TÉMOIN: SEAD ZERIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stamp, vous avez la parole.
19 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Nouvel interrogatoire par M. Stamp :
21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zeric.
22 R. Bonjour.
23 Q. En répondant aux questions, qui vous ont été posées par ma collègue de
24 la Défense, vous avez dit qu'à la fois, à Travnik et à Bugojno, il y avait
25 des bureaux du Procureur, des bureaux de base, j'entends. Pour préciser
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1 cela, j'aimerais savoir la chose suivante : s'il y avait des plaintes
2 faisant état des infractions qui auraient été commises par l'ABiH ou le
3 gouvernement bosnien, leurs personnes qui se trouvaient à Bugojno, leurs
4 effectifs armés à Bugojno, est-ce que ces plaintes viendraient dans votre
5 bureau ?
6 R. Si quelqu'un portait plainte contre des membres de l'ABiH, oui. Chaque
7 bureau du Procureur, par définition, devait se dessaisir de l'affaire au
8 profit du bureau du Procureur compétent. S'il n'était pas compétent dans la
9 matière, il remettait le dossier à celui qui avait la compétence. Si
10 c'était à Travnik ou à Bugojno que cela se passait, et si cela concernait
11 des militaires, ils étaient tenus de nous faire suivre le dossier, et
12 inversement. S'il s'agissait de civils, nous nous dessaisissons de
13 l'affaire au profit des bureaux du Procureur, des bureaux de base de
14 Travnik ou de Bugojno.
15 Q. Très bien. Merci. Ceci me permet d'enchaîner logiquement et vous poser
16 une question au sujet d'une autre réponse que vous avez donnée au sujet des
17 civils. Vous avez dit qu'il y avait, à la fois, des civils et des
18 militaires, qui faisaient l'objet d'accusations comme ayant commis des
19 crimes ou délits, et ce, en application de l'Article 9 -- excusez-moi, j'ai
20 oublié mes lunettes.
21 R. En tant que co-auteurs ?
22 Q. Pour ce qui est des Tribunaux militaires du District, un tribunal civil
23 de Travnik aurait été responsable lorsque les personnes, qui faisaient
24 l'objet d'accusation, étaient, à la fois, des civils et des militaires.
25 R. Oui. Lorsque deux auteurs étaient présents, deux ou plusieurs dont
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1 certains étaient des militaires et certains des civils, dans ce cas précis,
2 selon les dispositions du décret qui étaient en vigueur, décret ayant force
3 de loi, ce sont des tribunaux réguliers civils qui étaient chargés de
4 l'affaire, tribunaux ou bureaux du Procureur.
5 Q. Très bien. On vous a présenté ici toute une série de documents. Je ne
6 pense pas qu'il y a lieu de reprendre ces documents, à moins que vous
7 éprouviez vraiment le besoin de les réexaminer. Les documents que l'on vous
8 a présentés, en particulier, les rapports que vous avez rédigés, nous
9 montrent que vous avez agi dans des circonstances très difficiles. En
10 particulier, vous manquiez cruellement de moyens.
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Mais, malgré ces difficultés, vous avez dit que vous-même et d'autres
13 membres de votre bureau et le tribunal en tant que tel a continué à
14 fonctionner de manière efficace pendant la période qui couvre les années
15 allant de 1993 à 1996. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour
16 confirmer cela ?
17 R. Oui. Je crois que pour l'essentiel on s'est acquitté des tâches
18 essentielles qui nous incombaient. Ce que je tiens à souligner, en
19 particulier, c'est qu'au sein du bureau du Procureur dont j'étais le chef,
20 j'avais, en plus de moi, deux adjoints et deux employés administratifs. On
21 était cinq en tout. Comme vous venez de le voir, on a reçu jusqu'à mille
22 dossiers selon les années. Cela a varié, mais jusqu'à mille dossiers par
23 an. Je pense que, compte tenu des circonstances, on a vraiment bien fait
24 notre travail.
25 Q. En page 44, vous avez dit hier -- ou plutôt, vous ne connaissez pas,
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1 bien entendu, la pagination du compte rendu d'audience.
2 Vous avez dit hier dans votre déposition que le tribunal ainsi que les
3 employés qui y ont travaillé ont poussé le zèle parfois jusqu'à se rendre
4 sur les lieux du crime très près des lignes de confrontation. Vous en avez
5 parlé pour montrer à quel point vous preniez au sérieux votre travail.
6 R. C'est exact.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Bourgon.
8 M. BOURGON : [hors micro]
9 L'INTERPRÈTE : Un micro pour Me Bourgon.
10 M. BOURGON : Pardon, Monsieur le Président. Mon confrère a mentionné la
11 page 44. Je ne vois pas cette ligne. J'ai probablement peut-être une
12 pagination différente parce qu'il y a des versions officielles et non
13 officielles. J'aimerais simplement voir à quelle page nous sommes pour
14 pouvoir lire.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Stamp, vous avez évoqué la page 44. Etes-vous
16 sûr de la page ou c'est de mémoire, parce que Me Bourgon, qui n'a pas
17 besoin de lunettes, ne le retrouve pas.
18 M. STAMP : [interprétation] Ce que je vois aujourd'hui sur le compte rendu
19 d'audience, c'est la page 13. J'ai dit immédiatement que ce n'était pas la
20 page 44, en fait. C'est plutôt la page 55 en anglais.
21 Q. Oui, vous avez dit --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Page 55.
23 M. STAMP : Pages 55 et 56.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pages 55 et 56.
25 M. BOURGON : Monsieur le Président, merci.
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1 M. STAMP : [interprétation]
2 Q. Vous avez dit : "Dans un grand nombre de cas, il nous a fallu nous
3 rendre sur le terrain, par exemple, à Bugojno et également à Vitez. Nous
4 avons mené des enquêtes à proximité immédiate des lignes de front." Cela
5 montre, n'est-ce pas, que vous avez pris au sérieux vos responsabilités ?
6 R. Oui. On a mené des enquêtes. On a même tenu des procès à côté, très
7 près, si un minimum de conditions techniques était réuni, pour pouvoir
8 organiser un procès car, vous savez, il y avait une pénurie de moyens de
9 transport. En fait, la situation était telle qu'il fallait qu'on vienne au
10 devant des accusés et des suspects, et ce n'était pas l'inverse.
11 Q. Plusieurs jeux de documents vous ont été présentés hier, des documents
12 qui comprenaient aussi des rapports qui émanaient de différentes sections
13 de la police militaire. Il s'agissait de demandes d'enquêtes émanant de
14 votre bureau. Il y avait même des jugements qui ont été prononcés par le
15 tribunal. Or, je les ai parcourus. La plupart concernent des crimes comme
16 le vol. Est-ce que vous avez vu que l'un quelconque d'entre eux concernait
17 l'incendie des maisons croates par des soldats de l'ABiH, ce genre de
18 crime ?
19 R. Hier, on m'a montré un document de ce genre. On voit qu'une personne
20 s'est livrée au pillage, mais que cette personne qui s'appelait Mujicic
21 Serif [phon], je me souviens même du nom, a même incendié une maison
22 croate. Je me rappelle ce cas. Je me rappelle la qualification qui a été
23 faite de ce crime. On a considéré que c'était un des crimes les plus
24 graves. Il me semble que la peine qui a été prononcée à l'encontre de cette
25 personne était une peine assez longue. Il a été détenu pendant quelques
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1 temps aussi. Tout incendie ou toute atteinte à l'ordre public est un crime
2 qui crée une situation de danger et qui constitue une atteinte grave à
3 l'ordre public, une menace aux biens ou à l'intégrité et physique des
4 personnes.
5 Q. La seule chose qui m'intéresse c'est le nombre de ce genre de plaintes
6 que vous aviez dans les documents qu'on vous a montrés hier. Vous avez dit
7 que vous en avez vu un seul comme cela.
8 R. Oui, un seul hier. Mais, compte tenu de l'ensemble de la situation,
9 c'est cela qui vous intéresse, non ? Quel était le nombre de plaintes
10 déposées ou de plaintes que j'ai examinées moi-même ?
11 Q. Non, vous m'avez répondu à ma question hier et je vais vous citer cela.
12 C'est la page 36 : "Pouvez-vous vous rappeler si vous avez vu des rapports
13 émanant des Unités de l'ABiH faisant état d'incendies de maisons croates ?
14 Votre réponse était : "Je n'ai jamais vu ce genre de rapport."
15 Ce n'est pas la même question que je vous pose à présent. La question que
16 je vous pose est de savoir si, parmi les documents que vous avez vus que la
17 Défense vous a remis hier, il y avait un seul document qui parlait
18 d'incendies de maisons croates. Vous seriez d'accord avec moi pour dire
19 qu'il y en a un seul.
20 R. Oui, je suis d'accord et je pense que ce genre de plainte et ce genre
21 de document étaient vraiment rares. Je ne me rappelais même pas ceci
22 lorsque vous m'avez posé la question. Je me suis rappelé la chose que,
23 lorsque j'ai vu le document car beaucoup de temps s'est passé entre-temps
24 et je pense que ce type de plainte était vraiment rare, très, très rare.
25 Q. Très bien. C'était exactement le point que je voulais tirer au clair.
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1 Dans ce jeu de documents que la Défense vous a présenté hier - et c'est
2 tout ce que je vous demande maintenant; je vous demande de me répondre au
3 sujet de ces documents - vous n'avez vu rien de pertinent au sujet des
4 meurtres de Croates qui étaient détenus dans des centres de détention ou
5 des prisons, n'est-ce pas ?
6 R. Je n'ai vu aucun document de ce genre.
7 Q. Dans ces jeux de documents, vous n'avez vu aucun document qui aurait un
8 lien avec le meurtre des Croates à l'une quelconques des dates que je vais
9 vous citer : le 26 janvier 1993, le 24 avril 1993, le 8 juin 1993, n'est-ce
10 pas ?
11 R. Non, je n'en ai pas vu. En fait, je n'ai pas prêté attention aux dates.
12 Je crois qu'il n'y avait pas de civils détenus qui auraient été tués par
13 des membres de l'ABiH.
14 Q. Vous-même, vous étiez Procureur. Vous vous appuyez sur des plaintes ou
15 des rapports que vous receviez. Je retire ma question. Ce n'était pas, en
16 fait, une question; c'était plus un argument.
17 Dans ces documents que vous avez reçus hier, vous n'en avez pas vu qui
18 parlerait de dommages qui auraient été faits sur le monastère -- sur des
19 monastères ou des églises catholiques croates ?
20 R. Je dois vous dire que je n'ai pas vraiment examiné les documents avec
21 toute l'attention requise, mais, dans les documents que j'ai parcourus,
22 non, il n'y en avait pas. Parmi ces documents-là, je n'en ai pas remarqué
23 de ce genre.
24 Q. Parmi les documents qui vous ont été mentionnés, vous n'avez vu rien de
25 -- rien qui concernerait un prisonnier croate quelconque qui aurait été
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1 passé à tabac ou à qui on aurait infligé des mauvais traitements dans un
2 centre de Détention quel qu'il soit.
3 R. Je n'arrive pas à me rappeler. Non, je crois que je n'ai pas vu ce
4 genre de document.
5 Q. Je suis en train -- Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
6 je suis en train de parler principalement, mais pas exclusivement de ce jeu
7 de documents qui contient la pièce D121. Il s'agit de rapports qui ont été
8 faits par des personnes faisant partie de la police militaire de l'ABiH,
9 des rapports qui ont été adressés à votre bureau et certains de ces
10 rapports contenaient aussi des déclarations qui avaient été recueillies de
11 la part des témoins par ces unités de police militaire. Vous souvenez-vous
12 de cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Parmi ces rapports, il y avait même des références à des actes qui
15 auraient été commis par des personnes non identifiées. Vous vous souvenez
16 d'en avoir vus hier ?
17 R. Oui, il est arrivé qu'on dépose plainte contre des auteurs inconnus.
18 Q. Vous ai-je bien compris ? La police militaire était tenue non seulement
19 de vous adresser un rapport à vous, mais aussi elle devait conduire une
20 sorte d'enquête préliminaire, ne serait-ce que le fait, de recueillir une
21 déclaration avant de rédiger son rapport ? Est-ce que cette conclusion
22 serait exacte, acceptable ?
23 R. Oui. En vertu de la loi sur la procédure pénale de l'époque, la police
24 devait recueillir un minimum de preuves et elle devait les fournir à
25 l'annexe de la plainte qui était déposée car la plainte à elle seule
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1 n'avait pas de signification pour nous, n'avait pas de poids. Ils étaient
2 tenus de recueillir ces déclarations, mais dans la suite de la procédure,
3 nous, on ne se servait pas de ces déclarations. C'était simplement un
4 préalable pour que les poursuites soient engagées.
5 Q. Merci. En d'autres termes, permettez-moi d'avancer un petit peu -
6 dites-moi si vous êtes d'accord avec moi - si un commandant recevait des
7 informations, disant qu'il y a des personnes -- beaucoup de personnes, qui
8 ont été tuées ou assassinées, ou que de nombreuses personnes détenues ont
9 été gravement battues, le commandant était responsable au moins de lancer
10 une enquête préliminaire en se fondant sur ces allégations.
11 R. Normalement, après avoir été mis au courant du fait qu'un acte criminel
12 quel qu'il soit a été perpétré, la police militaire, les organes chargés de
13 la Sécurité, enfin, les instances compétentes devaient entreprendre les
14 mesures prévues par la loi. Il fallait tout d'abord qu'ils essayent
15 d'identifier l'auteur du crime ou délit pour que nous, les organes chargés
16 des Poursuites, puissions continuer la procédure.
17 Q. S'agissant de crimes ou de délits graves, par exemple, de meurtres, en
18 particulier, lorsqu'il s'agit de meurtres de plus d'une personne, il ne
19 fait aucun doute, je suppose, que votre bureau pouvait recevoir un rapport
20 si le commandant le voulait, même si les auteurs n'étaient pas complètement
21 identifiés.
22 R. Oui, c'était d'usage. Le bureau du Procureur recevait une plainte même
23 si les auteurs allégués n'étaient pas identifiés. Il y avait description
24 des actes, fournie par des organes de poursuites, toutes les informations
25 dont ils disposaient.
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1 Q. Pour résumer, la responsabilité essentielle du commandant n'était pas
2 seulement de vous informer des actes qui avaient été commis, comme cela
3 figure dans votre déposition pendant l'interrogatoire principal, mais aussi
4 --
5 M. STAMP : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je ne parle
6 pas la même langue. Je pense que les conseils ne devraient pas parler aussi
7 fort parce que, vous savez, je les entends depuis l'endroit où je me
8 trouve. Je suis certain que cela n'influera pas sur le témoin, mais cela
9 est gênant, me semble-t-il. Il faudrait faire attention.
10 Enfin, j'avance.
11 Q. Vous vous êtes rendu sur les lignes de front afin de mener des enquêtes
12 sur des crimes allégués. Vous vous êtes rendu à des endroits qui se
13 situaient près des lignes de front. Je retire la question.
14 Vous est-il arrivé de recevoir des rapports faisant état de meurtres et de
15 passages à tabac brutaux de prisonniers ? Vous est-il arrivé de diligenter
16 une enquête par la suite ? Si cela vous est arrivé, est-ce que vous seriez
17 d'accord avec moi pour dire que ces rapports pouvaient empêcher la
18 perpétration nouvelle de ce genre de crimes ?
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, demandez à ce
20 témoin de se livrer à ce genre de formulations, tirer ce genre de
21 conclusions et donner son opinion. Il me semble que ceci n'est pas du tout
22 approprié. Le témoin nous a fourni tous les éléments pertinents, tous les
23 faits pertinents. Il me semble tout à fait inapproprié et inadmissible de
24 demander au témoin de tirer des conclusions.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, sans tirer de conclusions, les
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1 questions de Me Stamp sont précises. Est-ce que, dans les fonctions que
2 vous aviez de Procureur militaire, vous avez eu connaissance de meurtres
3 commis sur les personnes qui étaient détenues par des soldats de l'ABiH ?
4 On ne vous demande pas une opinion. Avez-vous eu connaissance de ce type
5 d'événements, oui ou non ? C'est très précis. Peut-être que la question
6 peut prêter à confusion, ce qui explique que la Défense s'y oppose. En
7 recadrant la question, dans vos fonctions de Procureur militaire, est-ce
8 que vous avez eu connaissance d'événements liés à des meurtres commis sur
9 des victimes, par des soldats de l'ABiH ? C'est très technique, et c'est
10 une question qui est posée à un technicien. Que pouvez-vous dire ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà répondu à une question de ce genre
12 hier, une question comparable. Je crois que pendant la guerre et pendant
13 que j'étais Procureur militaire, Procureur du district, il ne m'est pas
14 arrivé d'entendre parler de meurtres ou de tortures de civils de la part
15 des membres de l'ABiH car, si j'en avais entendu parlé, ipso facto,
16 j'aurais dû entamer des poursuites, même si je n'avais pas été saisi d'une
17 plainte.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est précise.
19 Poursuivez, Maître Stamp. C'était le sens de votre question, c'est bien
20 cela ?
21 M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il reste juste un
22 petit aspect.
23 Q. Si vous aviez reçu ce genre de rapports, vous seriez-vous attendu à ce
24 que votre déclenchement des poursuites empêche la perpétration ou aboutisse
25 à la punition des auteurs ?
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1 M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, je retire ma question.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Asseyez-vous, Maître Bourgon.
3 Si je comprends, les questions supplémentaires sont terminées.
4 Est-ce que la Défense, suite aux questions, a d'autres précisions ? Sinon,
5 les Juges vont poser des questions, des questions uniquement sur les
6 réponses faites aux questions supplémentaires. Ne débordez pas du champ qui
7 vous êtes permis, Maître Residovic.
8 Oui, Maître Stamp.
9 M. STAMP : [interprétation] Il appartient à la Chambre de décider comment
10 sera menée cette procédure. Il me semble que la Chambre s'est déjà
11 prononcée, en disant quelles seraient les règles qui devaient être
12 respectées, à savoir, les règles de base : interrogatoire principal,
13 contre-interrogatoire, questions supplémentaires. Le conseil demande de
14 contre-interroger encore une fois. Peut-être que, par la suite, elle posera
15 des questions au sujet des documents, qui demanderont de nouvelles nuits
16 sans sommeil d'études et d'examens de documents de la part de l'Accusation.
17 Je ne pense pas qu'il faille autoriser la Défense à faire ceci.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense ne peut reposer des questions à la suite
19 des questions supplémentaires, que dans la mesure où les questions
20 supplémentaires ont amené des éléments nouveaux. C'est tout. C'est le
21 droit.
22 Maître Residovic, uniquement sur des questions qui ont été posées, qui
23 auraient amené des éléments nouveaux, vous avez la parole.
24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de
25 nous donner la possibilité de formuler quelques questions, questions qui
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1 portent sur les questions supplémentaires qui viennent d'être posées par
2 l'Accusation.
3 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :
4 Q. [interprétation] Monsieur Zeric, l'Accusation vous a posé quelques
5 questions à propos des rapports relatifs aux incendies de certaines
6 maisons. Vous avez dit qu'à votre connaissance, il y avait eu quelques
7 incidents de ce type. Est-il vrai, Monsieur Zeric, que, sur les mille
8 affaires que vous avez dû diligenter, vos adjoints partageaient votre
9 travail ?
10 R. Oui. Nous nous attribuions chacun un tiers du travail. C'était moi qui
11 recevais ces rapports ou ces plaintes au pénal. Ensuite, j'octroyais les
12 affaires à mes deux adjoints ainsi qu'à moi-même.
13 Q. Est-il possible, Monsieur Zeric, qu'après tout, vous n'êtes pas en
14 mesure de vous souvenir de toutes les affaires qui sont passées dans votre
15 bureau en 1993 ?
16 R. Je devrais effectivement passer en revue tout cela pour m'en souvenir
17 véritablement parce que depuis cette époque, entre 10 et 15 mille plaintes
18 au pénal sont passées par mon bureau.
19 Q. Monsieur Zeric, je vais vous montrer un autre rapport portant sur
20 l'incendie d'une maison afin que vous puissiez confirmer s'il s'agit
21 justement d'une affaire dont vous ne vous souvenez pas. Cela a été trouvé
22 dans les archives du bureau du Procureur cantonal qui contient les 1 000
23 affaires que vous avez traitées en 1993.
24 C'est pour ne pas trop abuser de votre temps, je reviendrai là-dessus
25 ultérieurement. J'aimerais dans un premier temps vous demander s'il est
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1 exact de dire que la police militaire et les organes de sécurité de l'ABiH
2 avaient conformément à la législation le devoir de diligenter des enquêtes
3 et de présenter leur rapport sur les délits et crimes qui avaient été
4 commis par les membres de l'ABiH.
5 R. Oui, c'est tout à fait exact. Tout le reste était en effet assuré par
6 la police civile et les autorités judiciaires civiles qui existaient en
7 parallèle avec les organes militaires.
8 Q. Si les autorités militaires venaient à se rendre compte que certains
9 délits ou crimes avaient été commis par des personnes qui n'étaient pas
10 membres de l'armée, il appartenait à la police civile de faire en sorte de
11 déclencher une enquête.
12 R. C'est exact. C'était effectivement la police civile qui s'en occupait,
13 hormis le cas d'espèce suivant si cela se passait dans une zone de combat.
14 A ce moment-là, c'était les autorités militaires qui menaient à bien
15 l'enquête et qui ensuite transféraient cela à l'organe civil responsable.
16 Q. Monsieur Zeric, savez-vous que l'armée a véritablement exercé ou
17 déployé des efforts exceptionnels afin de protéger le monastère de Guca
18 Gora.
19 R. Oui, je sais que ce monastère était protégé. D'ailleurs c'était l'un
20 des quelques bâtiments qui a bénéficié de cette protection comparé aux
21 autres bâtiments qui se trouvaient dans cette zone de combat.
22 Q. Est-il vrai, Monsieur Zeric, qu'une plainte pénale a été déposée contre
23 une personne inconnue qui a pénétré dans l'église de Travnik et d'ailleurs
24 il n'a jamais été possible de découvrir qui étaient les auteurs, à savoir
25 qui a pénétré dans cette église et qui y a provoqué des dégâts ?
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1 R. Oui, je sais qu'il y a eu une plainte déposée contre un auteur non
2 identifié. Effectivement, des meubles ont été cassés. Je sais qu'une croix
3 fut endommagée. Je me souviens maintenant de ces détails, mais je ne pense
4 pas que les dégâts provoqués dans cette église catholique à Travnik ont été
5 particulièrement importants.
6 Q. Pour ce qui est du secteur qui relevait du bureau du Procureur du
7 district, est-il exact de dire qu'il n'y a pas eu d'instances de bâtiments
8 religieux détruits ?
9 R. Autant que je sache, il n'y a pas eu un seul édifice ou bâtiment
10 religieux à Travnik ou dans la région de Travnik qui fut détruit.
11 Q. Une toute dernière question avant de vous montrer le document, Monsieur
12 Zeric, savez-vous qu'en 1993, l'armée avec laquelle vous avez coopéré, les
13 organes de sécurité ainsi que la police militaire, a établi des unités
14 spéciales afin justement d'assurer la protection des édifices religieux et
15 afin d'assurer la protection du clergé ?
16 R. Oui. Dans le secteur de Travnik et dans le secteur autour de Travnik,
17 depuis le début de la guerre, nous avons effectivement reçu des rapports
18 suivant lesquels les édifices religieux étaient protégés, parce qu'il y
19 avait des personnes qui souhaitaient ou qui auraient détruit ces édifices
20 religieux. La plupart de ces édifices ont été préservés.
21 Q. Je vous remercie.
22 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'huissier
23 montre au témoin le document en question.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Residovic, pouvez-vous nous dire d'où vous
25 tenez ce document ? Quelle est la source ?
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Ce document fut trouvé dans les archives à
2 Travnik, les archives du bureau du Procureur cantonal. En réponse à une
3 question qui a été posée par l'Accusation, le témoin nous a indiqué où se
4 trouvaient les archives du bureau du Procureur. La Défense a examiné toutes
5 les archives du Tribunal et toutes les archives du bureau du Procureur et y
6 a trouvé ce document-ci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez avec votre question.
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur Zeric, hier vous avez expliqué la procédure qui a été suivie
10 par le bureau du Procureur. Je vous ai montré un certain nombre de
11 documents qui correspondaient à des demandes de lancement d'enquêtes. Est-
12 il exact de dire que le Tribunal prenait des décisions pour ce qui est de
13 diligenter des enquêtes ?
14 R. Cela est exact.
15 Q. Est-ce que l'une des décisions prises était prise sur la base d'une
16 requête présentée par le bureau du Procureur militaire ?
17 R. Oui. Sur la base d'une requête présentée au juge, effectivement, la
18 décision était prise. En fait, la personne mentionnée n'était plus une
19 personne suspecte mais était devenue une personne accusée.
20 Q. Est-ce que cette requête permettait d'établir si des maisons
21 abandonnées avaient été incendiées. Il s'agissait de maisons de Croates
22 locaux. Il s'agissait de délits commis par l'accusé.
23 R. Oui, le Tribunal prenait une décision compte tenu de cette plainte qui
24 indiquait qu'un danger existait. Je ne peux pas vous dire ce dont il
25 s'agit.
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1 Q. Il est dit : "A l'aube, le 14 juillet, en état
2 d'ébriété --" ensuite, il y a quelque chose que je ne peux pas voir.
3 Ensuite, "il était à Travnik. Il a mis le feu à des maisons abandonnées,
4 des maisons croates, des maisons qui appartenaient à Ante Janjic [phon], et
5 cetera, et cetera."
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Etant donné que le témoin a identifié ce
7 document en tant que document du bureau du Procureur, est-ce que ce
8 document pourrait être versé au dossier ?
9 R. Il s'agit d'un document émanant du Tribunal qui a été précédé par un
10 document émanant du bureau du Procureur.
11 Q. Est-ce que vous pouvez voir dans l'exposé des faits qu'il y a une
12 décision qui a été prise sur la base d'une requête demandant qu'une enquête
13 soit menée à bien, et que cette requête émane du bureau du Procureur du
14 district à Travnik ? La date en étant d'ailleurs le 22 juin.
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez été saisi de ce document puisque ce document a été estampé
17 par le bureau du Procureur.
18 R. Oui, il a ensuite été transmis au bureau du Procureur militaire.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Etant donné les explications, je
20 souhaiterais que ce document soit versé au dossier.
21 M. STAMP : [interprétation] Je vois qu'il y a beaucoup de choses qui ont
22 été effacées dans ce document. C'est un problème. Je ne sais pas s'il
23 s'agit d'une copie en B/C/S. Cela n'est pas très, très clair.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'Accusation montre que le document B/C/S porte
25 des traces d'oblitération de certaines indications. Est-ce que c'est du
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1 stabilo [phon] ? Est-ce qu'il y a une volonté de masquer des phrases ?
2 Qu'est-ce que la Défense peut nous dire.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous avons entendu dans quelles conditions
4 le Procureur et le Tribunal à Travnik devaient travailler. Ces deux
5 documents ont été trouvés dans les archives parce que le Juge ou son
6 adjoint qui ont étudié ce document y ont apposé des notes. Si vous étiez en
7 mesure d'utiliser des lunettes, je pense que vous pourriez tout voir sur ce
8 document. Le document a été traduit par la section CLSS, et la traduction a
9 repris exactement tout ce qui se trouvait dans le document d'origine.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stamp.
11 M. STAMP : [interprétation] Je ne sais pas comment le conseil peut nous
12 dire que ce document reprend l'original. De toute façon, nous pourrions
13 peut-être l'admettre de façon provisoire en attendant d'avoir une copie
14 exacte, parce que je pense qu'une traduction a été faite par le CLSS, ce
15 qui semblerait indiquer qu'il y a une copie qui est tout à fait lisible et
16 qui pourra être présentée. Je n'ai pas d'objections pour ce qui est de ce
17 document.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas d'objection. Madame la Greffière,
19 pouvez-vous nous donner un numéro définitif ?
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
21 cote DH123 et DH123/E pour la version anglaise.
22 Maître Residovic, si vous pouvez accélérer.
23 M. STAMP : [interprétation] Je pense que nous avons déjà eu une cote DH123
24 hier.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, vérifiez. C'est peut-être 124.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est tout
2 à fait exact. Je vous remercie de cette correction apportée. Il s'agira de
3 la cote DH124 et DH124/E pour la version anglaise.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, vous voulez continuez ?
5 M. BOURGON : Merci. C'est seulement, Monsieur le Président, pour apporter
6 une clarification qui pourra certainement assister la Chambre. Vous avez vu
7 un document ici qui portait une zone ombragée. Lorsqu'au cours de débats
8 antérieurs, nous avons parlé de défauts techniques sur certains documents.
9 Il appert, Monsieur le Président, que plusieurs des documents qui ont été
10 obtenus à partir des archives, portent soit des zones qui sont ombragées,
11 soit des zones qui sont soulignées. Nous n'avons aucune possibilité de
12 vérifier qui a porté une couleur sur le document, ou qui a souligné
13 certaines parties du document. C'est pourquoi le Département de traduction
14 du Tribunal, lorsqu'il est saisi d'un document, essaie tant bien que mal de
15 reproduire l'original et d'ombrager également la traduction, comme cela
16 apparaissait sur le document qui a été remis aux services de Traduction.
17 Lorsque nous faisions allusion à des défauts techniques sur le plan des
18 documents, nous croyons que c'est quelque chose qui peut devenir une
19 difficulté lors de l'appréciation des documents. Je voulais seulement
20 apporter cette clarification.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Oui, il ne peut y avoir que deux raisons
22 : soit ce document a été surligné par quelqu'un, avec un feutre de couleur,
23 a passé sur des phrases la couleur; ou une autre raison, il y a peut-être
24 une loi d'amnistie ou une loi qui permet, à ce moment-là, aux personnes
25 faisant l'objet de procédure antérieure de bénéficier, en quelque sorte,
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1 d'un oubli judiciaire. Il a peut-être été demandé aux services, à ce
2 moment-là, de l'Administration judiciaire d'occulter sur des documents
3 toute identification de l'intéressé. Bien que sur ce document, dans le
4 document en B/C/S, le nom figure quand même à quelques endroits, il n'y a
5 pas actuellement de réponse bien précise.
6 M. BOURGON : Monsieur le Président, si vous regardez au bas du document à
7 gauche, il y a un numéro qui provient du département de traduction du
8 Tribunal. Nous pourrions obtenir le document avec lequel ils ont travaillé,
9 puisqu'ils ont réussi à faire une traduction. Parce que mon confrère a tout
10 à fait raison, il serait très difficile de faire une traduction avec le
11 document qui est produit aujourd'hui. Le département de traduction a réussi
12 à le faire. Nous pourrions déposer le document avec lequel ils ont
13 travaillé.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, Monsieur Stamp, est-ce que vous demandez
15 un numéro aux fins d'identification ? Ou quels que soient les problèmes,
16 vous ne vous opposez pas car, en réalité, ce document, qu'est-ce qu'il dit,
17 il dit qu'un Juge du Tribunal militaire a ordonné des investigations à
18 l'égard M. Razic, qui avait, en état d'ébriété, mis le feu à des maisons
19 abandonnées par des propriétaires croates. C'est tout.
20 M. STAMP : [interprétation] Comme je l'avais déjà indiqué, je n'ai aucune
21 objection. Puisque le document a été traduit par le CLSS, je suis
22 absolument sûr qu'ils avaient une copie pour le faire, et qu'ils pourraient
23 nous la transmettre. Je n'ai pas d'objections.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : On reste au DH124.
25 Est-ce que la Défense a d'autres questions à poser ?
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1 Maître Residovic ?
2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges ont des questions à poser. Je vais me
4 tourner vers le Juge qui est situé à ma droite, qui va poser des questions
5 au témoin.
6 Questions de la Cour :
7 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Monsieur le Témoin, en tant que Procureur, vous
8 êtes investi du pouvoir de maintenir l'ordre public, la paix, dans votre
9 juridiction. Est-ce que, dans l'exercice de vos fonctions, avez-vous eu des
10 réunions de travail avec le commandement de l'ABiH ? En 1993, bien entendu.
11 R. En 1993, je ne me souviens d'ailleurs pas si cela s'est passé en 1993
12 ou à un autre moment, mais le fait est que nous avons eu des réunions de
13 travail avec des personnes représentant les brigades. Il s'agissait
14 essentiellement de les aider dans le cadre de leur fonction. Il s'agissait
15 d'améliorer la qualité des documents que nous leur fournissions. Il
16 s'agissait également de prendre des mesures additionnelles pour leur
17 permettre de découvrir qui étaient les auteurs de certains crimes. Parce
18 qu'il y avait un certain nombre de plaintes qui avaient été déposées contre
19 des auteurs non identifiés.
20 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Monsieur le Témoin, vous avez dû certainement
21 entendu parler des combattants étrangers nommés les Moudjahiddines. Est-ce
22 que vous avez reçu des rapports des dossiers militaires émanant du
23 commandement de l'ABiH sur les agissements de ces combattants étrangers
24 nommés les Moudjahiddines ?
25 R. A ma connaissance, nous n'avons pas reçu ce genre de rapports. Nous
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1 n'avons pas reçu de dossiers ou de plaintes au pénal à l'encontre de ces
2 combattants.
3 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Ma dernière question est celle-ci : Avez-vous
4 reçu des dossiers émanant du commandement de l'ABiH concernant les
5 violations de la guerre commises par des soldats en infraction avec la
6 convention de Genève, les droits humanitaires ?
7 R. Nous n'avons pas reçu ce genre de rapports. Je n'ai pas reçu de
8 rapports qui faisaient état de violations des conventions de Genève, ou qui
9 faisaient état de violations sur la façon dont une guerre devait être menée
10 à bien. Permettez-moi d'ajouter également qu'à l'époque, nous n'utilisions
11 pas beaucoup les conventions de Genève. D'ailleurs, nous ne les utilisions
12 pratiquement pas lorsqu'il s'agissait de faire en sorte que soit maintenu
13 l'ordre public.
14 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Merci.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander au Juge, qui est situé à ma gauche,
16 de vous poser des questions.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je
18 souhaiterais vous poser quelques questions à propos de vos fonctions de
19 Procureur en Bosnie en 1993. Ma première questions sera comme suit : elle
20 sera très simple d'ailleurs. C'est une question qui émane de mon ignorance
21 de la situation. Vous nous avez dit hier qu'il y avait un tribunal
22 militaire à Travnik, qu'il y en avait un autre à Zenica. Ma première
23 question est la suivante : quelle était la ligne de démarcation entre les
24 deux tribunaux ? Quelles étaient vos responsabilités et quelles étaient les
25 responsabilités du Procureur de Zenica ? Comment faisait-on la part des
Page 5612
1 choses entre les deux tribunaux militaires ?
2 R. Cela dépendait de la compétence territoriale de ces deux tribunaux. A
3 Travnik, nous étions responsables pour le secteur de Travnik, et l'autre
4 tribunal avait compétence pour le territoire de Zenica. La ligne de
5 démarcation entre ces deux municipalités correspondait à la ligne de
6 démarcation pour les compétences des deux tribunaux.
7 Parfois, cette ligne pouvait être modifiée. Elle pouvait être modifiée, ce
8 qui n'est pas le cas maintenant en temps de paix. Cela dépendait des
9 opérations de combat des différentes unités de l'époque. Par exemple, pour
10 ce qui est des combattants de la brigade de Zenica, ils relevaient de la
11 compétence du tribunal de Zenica, alors que les soldats de Travnik
12 relevaient de la compétence du tribunal de Travnik. Cela correspondait à
13 une ligne de démarcation géographique, également.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il y avait une grande différence entre
15 les compétences territoriales en théorie et dans la pratique, est-ce bien
16 exact ?
17 R. Non, je ne pense pas que ces différences étaient particulièrement
18 importantes. Cela s'est passé très, très, très rarement. En règle général,
19 la compétence territoriale qui avait été établie par un décret en force de
20 loi était respectée. Parfois nous transmettions des affaires, nous nous
21 déciderions d'affaires, et nous les transmettions à des tribunaux où a des
22 bureaux de Procureur ailleurs. Nous le faisions d'ailleurs sans problèmes
23 puisque nous avions beaucoup de travail. Nous étions assez heureux de le
24 faire.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me dire si ces
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1 endroits relevaient de la compétence territoriale du tribunal militaire de
2 Travnik, ou du tribunal militaire de Zenica, ou même peut-être d'un
3 troisième tribunal militaire ? Je vais vous mentionner quelques noms parmi
4 la liste, et je vous serais gré de bien vouloir m'indiquer quels tribunaux
5 avaient compétence pour ces localités.
6 Je vous parlerais d'abord de la localité de Brajkovici. Est-ce que cela
7 relevait de la compétence de votre tribunal ?
8 R. Oui, nous avions effectivement la compétence territoriale sur
9 Brajkovici, puisque cela faisait partie de la municipalité de Travnik. Il
10 s'agit d'un village de la zone de Bila qui était placé sous le contrôle de
11 la 306e Brigade de l'ABiH.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour ce qui est de Cukle ?
13 R. Oui, Cukle également.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Guca Gora ?
15 R. Egalement.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Dusina ?
17 R. Je ne pense pas que Dusina était relevé de notre compétence car cela
18 appartenait à la municipalité de Zenica.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Maljine ?
20 R. Maljine faisait également partie de la municipalité de Travnik.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mehurici ?
22 R. Mehurici faisait également partie de la municipalité de Travnik.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Miletici ?
24 R. Cela fait partie de la municipalité de Travnik.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Orasac ?
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1 R. C'est une toute petite localité, bien que je connaisse ce secteur très
2 bien. Je pense que cela faisait partie de la municipalité de Travnik.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un problème avec le système. Comme, de toute
4 façon, nous étions obligés de faire le break, nous allons faire le break.
5 Nous reprendrons à 16 heures 00. Il est 16 heures moins vingt. Nous ferons
6 un break d'une vingtaine de minutes, étant précisé qu'à 17 heures moins
7 cinq, nous serons obligés d'interrompre.
8 L'audience est levée et elle reprend à 16 heures 00.
9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 42.
10 --- L'audience est reprise à 16 heures 03.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Elle va s'interrompre à 16
12 heures 55, et elle reprendra à 18 heures. Nous allons poursuivre les
13 questions au témoin.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous étions en
15 train de discuter des endroits qui faisaient partie de votre zone de
16 compétence juridique à Travnik. J'en étais, petit à petit, arrivé à la
17 localité de Miletici. Je crois vous avoir déjà interrogé au sujet de
18 Miletici. Je vous ai demandé si Miletici faisait partie de la juridiction
19 de Travnik, n'est-ce pas ? Vous aviez répondu à cette question.
20 R. Oui. Oui, Miletici en faisait partie.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Maintenant, je passe à Orasac.
22 R. Je pense qu'Orasac aussi faisait partie de cette juridiction du
23 tribunal de Travnik.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] La localité ou la municipalité
25 d'Ovnak ?
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1 R. Ovnak se trouve entre la municipalité de Travnik et la municipalité de
2 Zenica. C'est un col; il y a une partie d'Ovnak qui dépend de la
3 municipalité de Travnik et l'autre de la municipalité de Zenica.
4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Dois-je comprendre que la frontière
5 entre le district de Travnik et le district de Zenica, se trouve à l'est de
6 la rivière Bila ? C'est bien cela ?
7 R. Oui.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour finir, Vares. Vares, relève-t-il
9 de la compétence de Zenica sur le plan juridique ou d'une autre localité ?
10 Vous en souvenez-vous ?
11 R. Vares ne relevait pas de la compétence de Travnik, en tant que
12 compétence juridique. Je ne sais pas de quel lieu il dépendait. Peut-être
13 de Zenica.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci beaucoup. Vous avez été Procureur
15 en temps de guerre. Vous étiez Procureur militaire. Bien sûr, il vous
16 fallait appliquer le droit pénal de Bosnie pour tous les délits les plus
17 courants. D'après ce que vous avez dit hier, suis-je en droit de comprendre
18 que vous étiez également tenu d'appliquer le chapitre 16 du code pénal de
19 l'ex-Yougoslavie qui porte, notamment, sur les crimes internationaux. C'est
20 bien cela ?
21 R. Oui. Ce droit avait été adopté en tant que droit de Bosnie-Herzégovine
22 -- texte juridique de Bosnie-Herzégovine.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Oui. Y avait-il d'autres dispositions
24 qui concernaient les crimes internationaux dans le droit de Bosnie, je veux
25 dire, en sus de ce chapitre 16 ?
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1 R. Je ne saurais vous le dire comme cela de mémoire. J'ai déjà dit, et je
2 confirme aujourd'hui, que nous étions compétents pour tous les crimes
3 prévus dans l'ancien code pénal de la RSFY, lorsque nous étions République
4 socialiste de Bosnie-Herzégovine.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'en arrive maintenant à ma question
6 suivante. En appliquant le chapitre 16 du code pénal de l'ancienne
7 Yougoslavie, dont vous venez de dire qu'il est devenu partie intégrante du
8 droit de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous aidiez également de ce que
9 vous pouviez trouver dans un certain nombre d'ouvrages publiés à l'étranger
10 concernant, notamment, le droit international humanitaire ? Est-ce que vous
11 aviez une bonne connaissance de ce droit ?
12 R. Nous n'avions pratiquement aucune connaissance de ce droit car les
13 Tribunaux de la municipalité de Travnik n'avaient, en général, pas à juger
14 de crimes de ce genre.
15 Par ailleurs, j'ajouterais que dans notre tribunal de district, étaient
16 employés assez souvent des juges débutants et des Procureurs débutants. Je
17 dirais enfin, qu'il nous était très difficile d'accéder à des textes
18 juridiques de base sans parler de textes juridiques plus complexes.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il vous était dans ces conditions très
20 difficile de déterminer si une personne était poursuivie pour infraction au
21 droit commun, ou éventuellement, pour infraction relevant du chapitre 16
22 des droits internationaux.
23 R. Pour être tout à fait sincère, s'agissant de moi et de mes collègues,
24 nous n'avions pas de difficulté à nous prononcer en la matière, car nous
25 nous sommes toujours fondés dans notre travail sur notre conscience et les
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1 lois qui s'appliquaient.
2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit ne jamais avoir poursuivi
3 qui que ce soit en vous fondant sur la définition des crimes figurant dans
4 ces textes du droit international. C'est bien ce que vous avez dit hier,
5 n'est-ce pas ? Je crois reprendre les mots que vous avez utilisés. A cet
6 égard, j'aimerais vous poser une question à titre d'exemple au sujet des
7 documents dont vous pouviez disposer. Cet après-midi, on vous a soumis un
8 document qui portait sur le pillage d'une maison croate abandonnée par ses
9 habitants. Si je me souviens bien, vous avez dit que vous aviez appliqué
10 une loi sanctionnant les atteintes à la sécurité publique, ou quelque chose
11 de ce genre. C'est bien cela ?
12 R. Non, non. Le pillage d'une maison croate était comparable au pillage de
13 toute autre maison, considéré comme un vol dont il convenait de déterminer
14 la gravité, à savoir, si ce vol était aggravé ou s'il s'agissait de vol à
15 main armée, et cetera. Il ne s'agissait pas d'atteinte à la sécurité
16 publique, ce qui a eu été le cas, s'il y avait eu incendie de la maison ou
17 recours à des explosifs, tous deux considérés comme des atteintes à la
18 sécurité publique.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Tout à fait. Je vois dans le texte
20 qu'il s'agissait d'une maison abandonnée par des Croates de la région, et
21 je vous prie de m'excuser pour mon erreur. Prenons un autre exemple qui
22 aurait pu être considéré comme une atteinte à l'Article 122 du code pénal
23 de la Bosnie. Est-ce que vous pouviez estimer qu'un tel comportement aurait
24 néanmoins constitué un crime en application du chapitre 17 des textes
25 internationaux.
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1 R. C'est ce que nous avons pensé, et c'est de cette façon que nous l'avons
2 traité.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour quelle raison ?
4 R. Parce que le fait en question, l'acte qui a été décrit, était contraire
5 à l'Article 304, si je ne m'abuse, du code pénal de la République de
6 Bosnie-Herzégovine. Je crois qu'il s'agit de l'Article 304, lorsqu'il est
7 question de pillages, d'explosions et de toute infraction de ce genre
8 contre une propriété privée.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je comprends. Est-ce qu'il aurait pu
10 s'agir également d'un crime de guerre dans certaines conditions ?
11 R. Cela dépend effectivement des conditions et du moment. Aujourd'hui,
12 compte tenu du temps qui s'est écoulé à examiner les circonstances à
13 l'époque, on pourrait peut-être le considérer ainsi. A l'époque, vous
14 savez, lorsque pratiquement la moitié de la Bosnie était en feu, il était
15 un peu difficile de considérer ce genre de fait comme un crime de guerre.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A l'époque, aviez-vous des critères
17 vous permettant de décider que la destruction d'une maison croate
18 abandonnée en temps de guerre, était uniquement une atteinte à la
19 propriété, ou de décider qu'il s'agissait de quelque chose de plus grave
20 qui pouvait être considéré comme une atteinte aux dispositions du chapitre
21 16 ?
22 R. La pratique juridique de l'époque nous permettait de traiter ce genre
23 d'actes comme un délit de droit commun. Ceci n'était pas le cas uniquement
24 de notre bureau du Procureur mais d'autres bureaux du Procureur de Bosnie-
25 Herzégovine également. Nous consultions de temps en temps des collègues au
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1 sujet d'événements qui étaient un peu confus lorsqu'il y avait
2 éventuellement un doute au sujet de la qualification des faits. Dans ces
3 cas, nous consultions le Procureur d'autres régions ou le Procureur public
4 à un niveau supérieur, chef du Département des Procureurs, par exemple,
5 afin de faire la clarté sur ce genre de cas.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je ne m'abuse, vous partiez
7 spontanément de l'hypothèse que ce genre de cas - je veux parler de
8 pillages de maisons abandonnées - relevait, en général, du droit commun,
9 n'est-ce pas, et ne constituaient pas des infractions au droit
10 international ?
11 R. Nous considérions tous ces actes comme des infractions au droit commun
12 qu'il s'agisse de pillages de maisons abandonnées ou d'incendies également
13 de maisons abandonnées. Cela étant, j'ajouterais que, d'après ce que je
14 savais, il y a eu effectivement pas mal de pillages dans des maisons
15 abandonnées et également d'ailleurs, des vols dans des maisons qui
16 n'étaient pas abandonnées. Il n'y a pas eu de très nombreux cas d'incendies
17 en dehors des deux exemples de maisons auxquelles on a mis le feu, qui
18 m'ont été soumis aujourd'hui et hier dans ce prétoire. Aujourd'hui, dans la
19 région de Dolac et de Slimena, la situation est ce qu'elle est. En 1993 et
20 après l'instauration d'une ligne de démarcation entre l'ABiH et le HVO,
21 pendant l'année 1993 et par la suite, cette ligne de confrontation existait
22 et, jusqu'à la fin des affrontements entre l'ABiH et la HVO, nous n'avions
23 même pas la possibilité de nous rendre dans certains lieux pour y procéder
24 à certaines vérifications ou inspections. Je veux parler de la région qui
25 se trouve en aval de Travnik.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Hier, c'est la raison de la question
2 que je vais vous poser à présent, il a été question au cours des débats, de
3 la liberté d'un tribunal de qualifier tel ou tel acte de la façon qui lui
4 convient. Vous avez déclaré que vous receviez un rapport de la police,
5 qu'il vous arrivait parfois de modifier la qualification indiquée. Il
6 pouvait y avoir modification dans l'acte d'accusation de la qualification
7 d'un acte. Vous souvenez-vous avoir parlé de cela ?
8 R. Oui.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ma question à cet égard est la suivante
10 : Je vous demande si vous vous souvenez d'avoir vu éventuellement, un
11 verdict prononcé par un tribunal militaire qui aurait juridiquement
12 qualifié d'une façon différente le fait de mettre le feu à une maison, de
13 piller une maison ou des actes de ce genre ?
14 R. Il y a eu des modifications de qualification sur le plan juridique. Je
15 n'ai rien vu de très significatif à cet égard, bien que, et je le répète,
16 la qualification que nous faisions nous-mêmes n'était pas contraignante ou
17 obligatoire. Il y a eu, de temps en temps, légère modification des
18 qualifications sur le plan juridique vu l'examen des faits. Dans la plupart
19 des cas, cette qualification demeurait celle qui avait été décidée par nous
20 lorsque rien n'indiquait qu'elle était erronée.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Aucun tribunal n'a jamais modifié une
22 qualification de risque à la sécurité publique, que celle-ci devienne un
23 acte relevant du chapitre 16 du code pénal yougoslave ?
24 R. Pour autant que je m'en souvienne, non.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous est-il arrivé de vous pencher sur
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1 les dispositions de ce chapitre que je viens d'évoquer, pour vous demander
2 si le fait pour un individu de mettre le feu à une maison ou de piller une
3 maison, pouvait éventuellement, en dehors du fait qu'il s'agissait d'un
4 crime selon votre droit, être considéré par ailleurs, comme un crime
5 international, d'après votre droit ?
6 R. Nous utilisions ce que nous avions à notre disposition, je veux parler
7 des dispositions du droit de l'ex-Yougoslavie pour procéder à ce genre
8 d'examen. C'était l'essentiel des documents dont nous disposions. C'est ce
9 dont nous nous servions pour définir une qualification.
10 Je vous dirais que, dans la pratique des tribunaux antérieurs, dans la
11 pratique qui était la nôtre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, de tels
12 actes étaient pratiquement inexistants. Dans cette région, à cet égard,
13 dans ce domaine-là, nous n'avions pas une pratique judiciaire bien
14 déterminée.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ce chapitre, dans la pratique, était à
16 vos yeux, non pertinent.
17 R. Dans la pratique, je parle de la pratique des tribunaux avant la
18 période dont nous parlons, ce genre d'actes n'existait pas.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je me suis penché sur l'Article 142 de
20 ce chapitre, qui traite des crimes de guerre dont les victimes sont la
21 population civile. Connaissez-vous la teneur de cet article ?
22 R. Je la connaissais, mais aujourd'hui je ne vois pas exactement de quel
23 article il s'agit. En tout cas, ce que je dirais, c'est que cet article a
24 été porté à notre connaissance.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir
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1 lire le texte de cette disposition dans votre langue. Je me propose de vous
2 faire distribuer ce texte par l'entremise de l'Huissier. La question que
3 j'aimerais vous poser est la suivante : Seriez-vous en mesure de me dire si
4 un acte de violence contre une personne, le pillage ou la destruction d'une
5 maison, ou des mauvais traitements infligés à une personne, ou encore si le
6 meurtre d'une personne de la part d'un soldat seul ou d'un groupe de
7 soldats, est-ce que ce genre d'acte serait abordé dans l'Article 142 du
8 code pénal ?
9 R. Oui, bien sûr, c'est de cette façon que nous qualifierions cet acte. A
10 partir de la pratique qui était la nôtre, et nous fondant sur la
11 description des actes et des faits que nous recevions, je crois pouvoir
12 dire qu'à l'époque, nous ne faisions pas intervenir l'Article 142 de
13 l'ancien code pénal de l'ex-Yougoslavie, qui, ensuite, a été repris dans le
14 code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine. Pour être sincère, ces
15 conventions internationales, nous ne les utilisions pratiquement pas par le
16 passé. Dans la période antérieure, nous utilisions presque exclusivement
17 les lois du pays. Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis, il est
18 assez difficile de dire aujourd'hui si nous avons eu raison ou tort d'agir
19 ainsi.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je me penche sur la traduction de
21 l'Article 142, je constate que cet article traite des personnes qui ont
22 donné l'ordre d'un certain nombre de choses. A première vue, il ne s'agit
23 pas uniquement de personnes qui ont commis un certain nombre d'actes, mais
24 il semble s'agir également des personnes qui ont ordonné à d'autres
25 personnes de faire ce genre de choses. Est-ce une traduction exacte du
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1 texte que vous avez sous les yeux dans votre langue ?
2 R. Oui, c'est exact. Pour autant que je le sache, il n'y a jamais eu la
3 moindre affaire qui aurait pu être assimilée à ce qui figure dans ce texte.
4 Il n'y a eu aucun ordre qui ait été donné pour pousser telle ou telle
5 personne à mettre le feu ou piller une maison abandonnée, à maltraiter, ou
6 frapper une personne, notamment, pas des civils.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. Je m'en tiendrai à cela pour le
8 moment, sur ce sujet.
9 Nous avons compris que vous étiez le chef des Procureurs de Travnik, que
10 vous étiez le supérieur d'un certain nombre de personnes travaillant sous
11 vos ordres. La principale responsabilité, en matière de poursuites et
12 d'investigations au sujet de crimes, était la vôtre, n'est-ce pas ? Vous
13 étiez le chef si je puis utiliser ce terme.
14 R. Oui, c'est exact. J'étais responsable du travail de mes collègues du
15 département.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] En cette qualité, vous étiez bien,
17 n'est-ce pas, la personne chargée de donner des consignes aux policiers
18 militaires, aux responsables des services de Sécurité et à d'autres
19 personnes, quant à la façon de mener à bien les enquêtes, quant à la façon
20 également de faire un certain nombre de choix dans leur travail au
21 quotidien, n'est-ce pas? Ce que je viens de dire, faisait-il effectivement
22 partie de votre travail ? Je veux parler des instructions à donner aux
23 policiers, aux services de sécurité.
24 R. Oui. Il est vrai que je leur donnais des consignes, mais mes collègues
25 le faisaient également. Je veux parler des personnes qui m'assistaient.
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1 Compte tenu du nombre de personnes qui travaillaient dans les services du
2 Procureur à l'époque, il était réellement très difficile, sinon impossible,
3 pour une personne de faire tout ce travail à une seule. Cela dépendait des
4 ordres de service, bien sûr, mais les Procureurs étaient de permanence
5 pendant un tiers du mois, et ils coopéraient également avec des unités et
6 des personnes chargées de retrouver les auteurs d'un certain nombre
7 d'infractions criminelles.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Sur le terrain, lorsque vous aviez
9 affaires à toutes ces personnes chargées du travail d'enquête, est-ce que
10 vous leur proposiez des priorités ? Est-ce vous leur disiez, par exemple :
11 "Concentrez-vous sur telle ou telle affaire -- tel ou tel genre d'affaire
12 au profit d'autres affaires." Ou est-ce que vous laissiez faire en la
13 matière ?
14 R. Je vous le dirais c'est tout à fait normal, nous établissions un
15 certain nombre de priorités. Nous mettions la priorité la plus importante
16 sur les enquêtes concernant des actes et des délits plus graves, comme par
17 exemple, le meurtre, ou les cambriolages importants. Bien entendu,
18 s'agissant de petits vols ou larcins, qui étaient le lot du quotidien, nous
19 ne consacrions pas le même temps à ce genre d'enquête. Nos priorités
20 allaient aux infractions les plus graves.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit hier que vous receviez
22 des rapports qui provenaient principalement de trois unités qui relevaient
23 de votre juridiction; la 306e, la 307e, et la 17e
24 Brigade, n'est-ce pas ?
25 R. La 312e et la 317e.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] La 312e aussi ? Elle ne figurait pas au
2 compte rendu de l'audience. Y avait-il d'autres unités qui ont donné lieu à
3 des affaires dont vous avez été chargées, si vous en souvenez encore
4 aujourd'hui ?
5 R. Je vous dirais que je ne me souviens plus de leur dénomination
6 numérique, mais sur le territoire complet dont nous étions chargés, il y a
7 eu, je m'en souviens, un grand nombre de plaintes au pénal provenant de
8 Bugojno. Il y en avait également de Novi Travnik, de Kiseljak, de Fojnica.
9 Il y en avait qui venaient de tous les coins de cette région. D'ailleurs,
10 c'est ce qui me permet de revenir sur ce que j'ai déjà dit, à savoir que
11 nous organisions les enquêtes à Bugojno, et que c'est là que nous décidions
12 comment les procès seraient organisés. Nous occupions une partie de l'hôtel
13 où nous logions nos enquêteurs, et cela permettait de travailler plus
14 rapidement.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Compte tenu du grand nombre d'affaires
16 que vous avez eu à traiter au cours de toutes ces années, et d'ailleurs, un
17 autre juge vous a déjà posé une question allant dans ce même sens. Est-ce
18 que vous rencontriez de façon régulière les commandants des unités aux
19 seins desquels, si un crime était commis, ce crime relevait de la
20 compétence de votre tribunal ? Est-ce que la police militaire est parfois
21 parvenue à la conclusion que cela s'agit d'un crime de guerre ?
22 R. Nous étions toujours en contact et en collaboration de façon tout à
23 fait satisfaisante avec eux. Ils suivaient nos consignes et appliquaient
24 nos ordres. Ils l'ont fait à touts moments.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce qu'ils disposaient réellement
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1 d'un pouvoir autonome pour mener des enquêtes ?
2 R. Ce n'est pas eux qui menaient les enquêtes, mais ce sont eux qui
3 recueillaient les éléments d'information nécessaires. C'est le juge
4 d'instruction qui menait l'enquête. Leur activité, elle se manifestait
5 essentiellement avant que la plainte ne soit déposée et après, jusqu'au
6 moment où le dossier était remis entre les mains du juge d'instruction,
7 entre le moment où le rapport était rédigé et le dossier remis au Juge
8 d'instruction.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit que vous avez agi suite à
10 des rapports qui ont été faits et des plaintes qui ont été déposées sur la
11 part des victimes, la police, les services de Sécurité et que, dans
12 certains situations, vous remettiez le dossier au Juge d'instruction. Dans
13 d'autres cas, c'était votre propre initiative qui jouait dans le cadre de
14 la procédure pénale qui était en vigueur. Ma question est la suivante :
15 vous est-il jamais arrivé de prendre l'initiative sans qu'il y a eu de
16 rapport au préalable, ou sans qu'il y a eu dépôt de plainte de la part
17 d'une victime, ou un proche de la victime ?
18 R. Naturellement, il nous est arrivé d'entreprendre des activités là où on
19 savait que des actes avaient été commis. Ceci étant dit, nos connaissances
20 se limitaient à la zone stricto sensu de la ville de Travnik car nous ne
21 pouvions pas circuler au-delà de ce secteur de quelques kilomètres.
22 Partout, ailleurs, il y avait des opérations de combat. Il y avait des
23 activités menées par les différentes armées en présence.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je ne pense pas avoir tout à fait
25 compris la dernière observation que vous avez faite. Qu'entendez-vous par
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1 là ?
2 R. Ce que je voulais dire c'est que conformément à la loi on était tenu
3 d'agir après avoir pris connaissance qu'il y a eu un délit de commis. La
4 loi actuelle de Bosnie-Herzégovine le précise aussi. Que ce soit un organe
5 chargé de la sécurité ou qui que ce soit d'autre, nous, on était en mesure
6 d'entreprendre des opérations préalables afin de recueillir des preuves au
7 sujet de ce qui nous a été communiqué. Je précise que nos connaissances ne
8 pouvaient qu'être très limitées à l'époque, car nous travaillons et nous
9 vivions dans des circonstances invraisemblables. Il faut savoir que nous ne
10 pouvions pas circuler au-delà de la ville elle-même, non pas parce que
11 quelqu'un nous a limité la possibilité de nous déplacer, mais parce qu'il y
12 avait des pilonnages quotidiens. Il y avait des obus qui tombaient tout le
13 temps à huit kilomètres en aplomb, et à deux kilomètres en contrebas par
14 rapport à la ville. Il y avait des lignes de front. Je crois que vous
15 pouvez comprendre quelle pouvait être la nature de nos déplacements.
16 Même les localités ou les zones que vous venez d'énumérer, oui, il nous est
17 arrivé de nous y rendre et on a mené des enquêtes en fonction des plaintes
18 que nous avions reçues, des plaintes au pénal. Mais tout déplacement dans
19 ces secteurs-là entraînait un risque grave de perdre la vie car à proximité
20 immédiate il y avait des opérations de combat qui étaient en cours.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.
22 R. Oui ?
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] En fait, c'est autre chose qui
24 m'intéressais. Je voulais vous poser une autre question. Maintenant, vous
25 venez de nous dire que vos déplacements étaient limités, que vous étiez
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1 limité pour ce qui est de votre possibilité de circuler, et que vous ne
2 pourriez pas aller au-delà de Travnik et des environs immédiats. Est-ce que
3 cela s'appliquait à la police militaire, les services de sécurité qui
4 faisaient partie de l'armée ? Puisqu'ils avaient beaucoup plus de liberté,
5 non, de se déplacer dans les zones qu'ils contrôlaient, n'est-ce pas vrai ?
6 R. Certainement, cela dépendait de la situation qui prévalait à un moment
7 donné, mais ils pouvaient circuler sur l'ensemble de leurs secteurs, sur
8 l'ensemble du territoire qui était sous le contrôle de l'ABiH.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Par téléphone ou par la radio, était
10 vous était-il possible de communiquer avec eux sans les rencontrer
11 directement ?
12 R. Oui. On était en contact par téléphone, mais uniquement avec le
13 commandement de la brigade, c'est-à-dire, avec l'endroit où ils étaient
14 basés. C'était le secteur de Travnik, ou de Bugojno, ou des brigades
15 respectives qui se trouvaient à l'extérieur de Travnik. Pour un certain
16 nombre de brigades, on n'avait pas d'autres contacts que par des coursiers.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je voulais vous demander la chose
18 suivante : Vous avez agi suite à des rapports ou des plaintes qui vous
19 sont parvenus de la part de la police militaire ou les services de
20 Sécurité, des organes de l'armée. Vous avez également agi suite à des
21 plaintes déposées par des personnes qui sont venues vous dire qu'il y avait
22 des victimes. Vous avez aussi laissé entendre qu'il y avait d'autres
23 sources d'information qui vous ont permis d'agir. Ma question est la
24 suivante : compte tenu de la situation qui prévalait en Bosnie en 1993,
25 avez-vous également agi sur la base des rumeurs qui circulaient ou des
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1 publications faites par des articles de presse ou des histoires diffusées
2 par des journalistes, ou des reporters étrangers, la radio, la télévision,
3 qui ne soient pas des voies officielles de communication, n'est-ce pas,
4 pour vous ?
5 R. Oui, on pouvait agir suite à cela. Je dois dire que c'était vraiment
6 rare et très limité. Tout d'abord, il n'y avait pratiquement pas de médias
7 à l'époque. On n'avait pas d'électricité. Je ne parle même pas des
8 publications plus importantes, des mensuels, des magazines, et cetera, vous
9 pouvez imaginer la situation. Les rares pouvaient écouter la radio, ceux
10 qui avaient le courant, l'électricité. Le peu d'information qui nous
11 parvenait était censurée, vous pouvez bien imaginer. En situation de
12 guerre, la censure est appliquée de toute part.
13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vois. J'étais un peu trop optimiste
14 quant aux possibilités que vous aviez de recevoir des informations d'autres
15 sources. Vous est-il arrivé, en votre capacité de Procureur, de rencontrer
16 l'un quelconque des représentants internationaux ?
17 R. A ce moment-là, pendant la guerre, on n'a pratiquement pas eu la
18 possibilité de rencontrer des fonctionnaires internationaux.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ma question finale. Je voudrais vous
20 poser une question au sujet de ce que vous avez dit hier au sujet des
21 poursuites engagées au sujet d'un certain nombre d'actes, de délits. Je
22 voudrais retrouver cela. Vous avez parlé des incendies des maisons croates.
23 Vous avez dit à ce sujet : "Pour autant que je m'en souvienne, il n'y a pas
24 eu d'affaire dans laquelle on aurait poursuivi pour cela."
25 Aujourd'hui, on vous a montré un document qui nous permet de penser qu'il y
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1 a eu au moins un cas où vous avez effectivement poursuivi l'auteur de ce
2 genre de délit.
3 Pour ce qui est des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, vous
4 avez dit hier : "Pour autant que j'en souviens, je n'ai pas reçu de
5 rapports ou de plaintes de qui que ce soit à ce sujet." Pour ce qui est des
6 mauvais traitements infligés aux prisonniers, vous avez répondu : "Au sujet
7 des prisonniers civils, pour autant que je m'en souvienne, je n'ai jamais
8 reçu de rapports à ce sujet." Je suis en train de citer vos propos tels que
9 reflétés par le compte rendu d'audience d'hier.
10 Ma question serait plus ou moins la suivante : Vous avez employé des termes
11 tels que "pour autant que je m'en souvienne", "pour autant que je puisse me
12 rappeler", "si mes souvenirs sont bons", quel serait le poids qu'il
13 faudrait accorder à vos affirmations ? Elles sont plutôt vagues. Est-ce que
14 vous êtes à 60 % sûr de ce que vous dites, à 90 % sûr ? Pourriez-vous, s'il
15 vous plaît, nous le préciser un petit peu lorsque vous amorcez une
16 affirmation par l'expression "pour autant que je m'en souvienne" ?
17 R. Il me serait difficile de vous parler en pourcentage. Ce qui est
18 certain c'est que mes souvenirs sont bons pour plus de 90 %. Il est
19 possible que j'aie oublié certaines choses, même ces incendies de maisons,
20 vous savez, je les ai plutôt rangés dans une autre catégorie, une autre
21 catégorie de délits. Ce n'est que lorsque j'ai vu le dossier en question,
22 je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'incendies car, à l'époque,
23 encore aujourd'hui, je considère, conformément à notre code pénal,
24 l'incendie d'une maison revient à une atteinte grave à la sécurité
25 publique, que ceci crée une situation de danger public. Dans plus de 90 %,
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1 mes affirmations sont exactes. C'est dans cette mesure-là, dans cette
2 proportion-là que mes souvenirs sont bons.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie. Corrigez-moi si je ne
4 m'abuse, avant de venir ici, vous avez eu un entretien avec un enquêteur ou
5 un membre du bureau du Procureur de ce Tribunal. Vous souvenez-vous de
6 cela ?
7 R. Oui.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Etait-ce il y a longtemps ?
9 R. J'ai eu un entretien à Sarajevo. C'était à l'automne de l'année
10 dernière.
11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] L'année dernière ?
12 R. Oui, il me semble que c'était au mois de novembre. J'ai eu un entretien
13 avec des représentants du bureau du Procureur peu avant que je ne vienne
14 déposer, hier plus précisément.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'était pour la première fois que vous
16 ayez rencontré un représentant quel qu'il soit du bureau du Procureur de ce
17 Tribunal ?
18 R. Oui.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Au mois de novembre de l'année
20 dernière, lorsque vous avez eu cet entretien, avant que cette audition ne
21 se passe, est-ce que vous avez pu vous prononcer, est-ce que vous avez
22 vérifié vos archives, vos documents, est-ce qu'il y en a encore, est-ce que
23 vous aviez d'autres moyens de vous rafraîchir la mémoire ?
24 R. Je n'ai pas procédé aux vérifications. Je n'ai pas non plus l'intention
25 de le faire.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Qu'entendez-vous par là : "Je n'ai pas
2 l'intention de le refaire." Si l'on vous demandait de le faire, vous le
3 refuseriez ?
4 R. Vous savez, je suis tellement pris que je serais vraiment le plus
5 heureux si je pouvais oublier cette période-là. C'est ce que je préférerais
6 et ce, à cause de toutes ces circonstances, de beaucoup de circonstances
7 qui concernent cette période-là.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques dernières questions. Avez-vous fait votre
10 service militaire dans la JNA ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'être nommé Procureur militaire, que faisiez-
13 vous le mois précédent votre nomination de Procureur militaire ?
14 R. Je travaillais à la municipalité de Travnik. A l'époque, compte tenu du
15 fait qu'à l'époque on avait des organes parallèles, de fait des organes de
16 l'ABiH et du conseil de la Défense croate, de fait, j'ai été nommé au poste
17 secrétaire chargé de la Défense populaire. C'était les quelques mois qui
18 ont précédé ma nomination ou plutôt jusqu'à ce que je parte au bureau du
19 Procureur du district. En temps de paix, j'ai travaillé au sein de la même
20 instance aussi. Seulement, j'étais le deuxième homme de cette instance. Il
21 y avait le secrétaire et, moi, j'étais chargé de la planification de la
22 défense au niveau municipal.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : En votre qualité de Procureur du tribunal militaire,
24 vous étiez en civil ou vous aviez un uniforme ?
25 R. J'étais toujours en vêtements civils.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Tribunal militaire par rapport à la caserne de la
2 JNA à Travnik, vous étiez à quelle distance de l'ex-caserne de la JNA ?
3 R. Le Procureur et le Tribunal se trouvent dans les locaux du Tribunal
4 actuel de Travnik aujourd'hui. C'est à 200 ou 300 mètres.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, votre bureau et la caserne de la JNA
6 vous étiez à quelle distance de la caserne ? Entre mai et décembre 1993 ?
7 R. C'était la même chose qu'aujourd'hui. Ce sont les mêmes distances; de
8 200 à 300 mètres.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : 200 mètres.
10 R. Oui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Les textes qui vous régissaient à l'époque vous
12 donnaient beaucoup de pouvoir, notamment, à l'Article 5 du décret, signé
13 par le président Izetbegovic, le pouvoir de faire des investigations
14 lorsqu'il y avait des délits ou des crimes. Dans le cadre de cette mission
15 d'ordre général, est-ce que vous étiez préoccupé des lieux de détention qui
16 étaient gérés par l'armée ?
17 R. Les lieux de détention qui étaient entre les mains de l'armée, c'est le
18 tribunal qui s'en chargeait. En fait, nous avions un lieu de détention
19 militaire, et le président du tribunal était chargé de s'occuper de ces
20 installations qui étaient destinées à la détention.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous, le lieu de détention de l'armée, il se
22 trouvait où, à Travnik ?
23 R. Le lieu de détention de l'armée était situé dans l'immeuble de l'ex-
24 administration des chemins de fer. C'est à proximité immédiate du tribunal
25 et du bureau du Procureur.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, il n'y avait pas d'autres
2 lieux de détention ? C'était le seul lieu officiel, ou il y'en avait
3 d'autres ?
4 R. Dans la caserne de Travnik, il y avait aussi un lieu de détention, mais
5 c'était uniquement à des fins disciplinaires.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans vos fonctions de Procureur militaire, est-ce
7 que vous alliez vous-même ? Ne mettez pas cela sur la charge du président
8 du tribunal, mais vous en tant que Procureur, vous avez également une
9 mission au regard des libertés publiques et des libertés individuelles.
10 Est-ce que vous aviez la mission d'aller visiter ces lieux de détention
11 pour savoir ce qui s'y passait ?
12 R. A tout moment, je pouvais, de ma propre initiative, je pouvais me
13 rendre en visite à ces lieux de détention.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous l'avez fait ?
15 R. Oui, à plusieurs reprises.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous été dans l'ex-caserne de la JNA ?
17 R. Oui.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez rencontré des personnes qui y étaient
19 détenues ?
20 R. Oui.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : C'étaient des militaires et des civils ou des civils
22 ou des militaires ?
23 R. Il n'y avait que des militaires.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez discuté avec eux ?
25 R. Oui.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez vérifié la légalité de leur
2 détention ?
3 R. Oui. Tous ces individus étaient placés en détention suite à des
4 décisions légales. Personne ne s'y est trouvé sans décision émanant du
5 tribunal.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'aide de la mémoire, en étudiant les textes qui
7 régissaient la liberté ou la détention des personnes placées sous le
8 contrôle de l'armée, il semble qu'au bout de 12 heures de détention, on
9 devait, à ce moment-là, prévenir l'autorité judiciaire militaire, et que la
10 détention était régit par des textes. Est-ce que ces prescriptions étaient
11 respectées par l'armée ?
12 R. Il faut que je vous dise quelle était la pratique. Tout supérieur d'une
13 unité, d'une brigade, d'un corps d'armée, pouvait décider des mesures
14 disciplinaires. Ces mesures disciplinaires s'appliquaient sur une période
15 de 15 à 30 jours. Ces individus pouvaient être placés, suite à des mesures
16 disciplinaires prononcées à leur encontre, placés en détention pour 15 à 30
17 jours. Nous, on pouvait mener une enquête afin de courir la mise en
18 détention de l'individu en question. Tout s'est passé parfaitement
19 conformément au texte. Ce cas ne s'est pas produit lorsque ces individus
20 n'étaient pas membres de ces unités, c'est-à-dire, si c'étaient des membres
21 d'une autre armée, par exemple, qui était déployée sur le territoire de
22 Bosnie-Herzégovine à l'époque. C'est une mesure urgente qui s'appliquait
23 pour les placer en détention car leur supérieur n'avait pas le droit, à ce
24 moment-là, de prononcer une mise en détention disciplinaire à leur
25 encontre.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans un cas pratique et contré en cas où l'armée de
2 l'ABiH aurait détenu un soldat du HVO, le fait que ce soldat du HVO soit
3 détenu par l'armée, est-ce que cela devait entraîner automatiquement le
4 fait que vous soyez au courant ?
5 R. Dans ces lieux de détention que je vous ai énumérés, ceux que je
6 connaissais, pour ce qui les concerne, on était immédiatement informés. Je
7 ne sais pas s'il y a eu d'autres cas, mais pour autant que je le sache, je
8 pense que ceci ne s'est pas produit.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous me dites, si un soldat du HVO avait été fait
10 prisonnier, je devais être informé de la détention de ce soldat. C'est bien
11 ce que vous dites ?
12 R. Oui, c'est exact. Ils devaient nous envoyer un rapport, et sur la base
13 de ce rapport, on formulait une proposition adressée au tribunal pour que
14 la détention soit prononcée.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Dernière question, parce qu'on est obligé
16 d'interrompre : il y avait plusieurs Procureurs militaires qui étaient
17 répartis dans l'espace géographique. Vous étiez, vous, le Procureur
18 militaire de Travnik. Est-ce qu'avec vos autres collègues Procureurs
19 militaires, vous aviez des réunions entre vous ? Si vous n'aviez pas de
20 réunions, est-ce qu'au téléphone vous vous teniez au courant de l'activité
21 des uns et des autres ?
22 R. J'avais des rencontres uniquement avec le Procureur de Zenica. On
23 n'avait aucun contact avec les autres parce que les voies d'accès étaient
24 bloquées.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Au-dessus de vous car un Procureur a toujours un
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1 supérieur hiérarchique, c'est comme dans l'armée, il y a toujours un
2 supérieur hiérarchique. Quel était votre supérieur hiérarchique militaire ?
3 R. Sur le plan militaire ? Je n'avais pas de supérieur dans la filière
4 militaire. C'est dans l'hiérarchie des Procureurs que j'en avais un.
5 C'était l'adjoint du Procureur de la république, et lui était du Procureur
6 civil, M. Dzemaludin Mutapcic. Je l'ai déjà cité. Il avait un bureau à
7 Zenica.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était votre supérieur ?
9 R. Oui.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes obligés de vous interrompre. Nous
11 reprendrons l'audience à 18 heures.
12 --- L'audience est suspendue à 16 heures 57.
13 --- L'audience est reprise à 18 heures 02.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour ne pas perdre de temps, j'ai juste une question
15 à poser. Est-ce que la Défense a des questions supplémentaires à poser, de
16 l'ordre de combien de minutes ?
17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Dix minutes environ, pas plus. Cela durera
18 peut-être moins, d'ailleurs. J'aimerais juste évoquer trois thèmes.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Dix minutes.
20 L'Accusation?
21 M. STAMP : [interprétation] Probablement pas.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que l'autre témoin est près à démarrer,
23 Monsieur Withopf ?
24 M. WITHOPF : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, le témoin est
25 prêt à démarrer.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne comprends pas qu'on perd du temps avec le
2 témoin qui aurait dû être déjà là. Sachant qu'on reprenait à 18 heures, il
3 fallait l'introduire. On fera attention à la prochaine fois en donnant les
4 ordres nécessaires pour qu'il n'y ait pas ce type d'interruption.
5 Maître Bourgon.
6 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. J'aimerais simplement informer
7 la Chambre, à ce stade-ci, que nous sommes maintenant en mesure d'informer
8 l'Accusation du nombre de documents, et précisément de quels documents en
9 provenance de la Mission de monitoring de l'Union européenne que nous
10 avons. Nous sommes prêts à informer l'Accusation dès aujourd'hui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
13 Questions de la Cour :
14 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une dernière question à vous poser avant
15 de donner la parole à la Défense. Dans vos fonctions de Procureur
16 militaire, quand vous receviez des informations -- ou quand vous faisiez
17 faire des enquêtes, mais hors saisine du Juge, est-ce que la police
18 militaire était l'institution qui devait répondre à vos instructions ?
19 R. Oui.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : A Travnik, comment s'appelait le responsable de la
21 police militaire, qui était votre correspondant pour ce type d'affaire, si
22 vous en souvenez ? Si vous n'en souvenez pas --
23 R. Je ne connais pas son nom. Je sais qu'il était de Travnik, il était de
24 la Krajina. Je sais qu'il n'était pas de Travnik, mais de la Krajina. Je ne
25 me souviens pas de son nom parce qu'il n'était pas de Travnik. C'est pour
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1 cela que je ne m'en souviens pas.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suppose que vous le voyiez, vous l'appeliez au
3 téléphone, vous vous rencontriez de temps en temps, comme fait un Procureur
4 avec ses enquêteurs.
5 R. Oui.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Residovic, je vous donne la parole.
7 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. [interprétation] Monsieur Zeric, j'ai un couple de questions à vous
10 poser à propos des questions qui vous ont été posées par les Juges.
11 Plusieurs questions vous ont été posées à propos de l'incendie de maisons.
12 On vous a posé des questions sur la qualification de ces actes. Je pense
13 que vous savez que, pendant les opérations de combat, et immédiatement
14 après ces combats, le village de Bandol avait entièrement été détruit et
15 incendié par le HVO. Etiez-vous au courant de ce fait en 1993 ?
16 R. Oui, tout à fait. L'un de mes assistants, il s'agissait d'un employé
17 administratif qui venait d'ailleurs de ce village.
18 Q. Est-il vrai, Monsieur Zeric, que vous n'avez jamais vu, que vous n'avez
19 jamais entendu parler d'événements en vertu desquels l'ABiH avait capturé
20 un village qui avait été, auparavant, habité par la population croate ?
21 Vous n'avez jamais entendu parler d'incendies fomentés par l'armée ?
22 R. Non. Je n'ai jamais obtenu de ce genre d'information qui aurait porté
23 sur les villages se trouvant sur le territoire de la municipalité de
24 Travnik ou dans les environs, où la population était essentiellement
25 croate, villages qui auraient été abandonnés ou entièrement détruits.
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1 Q. Est-il vrai que tous les actes qui ont fait l'objet d'un rapport, à
2 savoir, des actes de larcins, de vols, d'incendies de maisons. Tous ces
3 rapports que vous avez reçus sont relatifs à des opérations de combat ou
4 des actes individuels qui ont été commis par des personnes individuelles ou
5 des personnes militaires ?
6 R. Il s'agissait de cas individuels ultérieurs aux opérations de combat.
7 Q. Est-ce que c'est l'une des raisons pour laquelle vous n'avez jamais
8 envisagé de qualifier ces actes autrement que de la façon qui était prévue
9 par le droit ?
10 R. C'est effectivement la raison.
11 Q. Pour ce qui est d'une autre question qui vous a été posée par le
12 Président, qui souhaitait obtenir quelques précisions, j'aimerais
13 développer un peu cela. En réponse à une question qui vous a été posée par
14 le Président de la Chambre, vous avez indiqué que les autorités militaires
15 pouvaient placer un soldat en détention et ce, pendant une période allant
16 jusqu'à 30 jours. Vous avez indiqué qu'il s'agissait d'une mesure
17 disciplinaire. Cette détention pouvait être prorogée à la suite d'une
18 décision prise par le juge d'instruction.
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez également dit que, si un membre du HVO était détenu, le juge
21 d'instruction devait déterminer ou prendre une décision à propos de cette
22 détention.
23 R. C'est effectivement le juge d'instruction qui avait ce droit.
24 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour indiquer que cela s'est produit dans
25 des situations pour lesquelles il y avait de bonnes raisons de penser que
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1 ces personnes avaient commis un acte criminel ?
2 R. Seulement dans ces cas-là.
3 Q. Vous êtes d'accord avec moi pour dire que, si l'ABiH, lors d'opérations
4 militaires, avait capturé des soldats en tant que prisonniers de guerre,
5 vous-même, en tant que Procureur, ainsi que le tribunal, n'aviez rien à
6 voir avec cela.
7 R. Effectivement, nous n'avions absolument aucun contact en la matière.
8 Q. J'aimerais que vous précisiez un troisième élément pour moi. Une
9 question vous a été posée par l'un des Juges. J'aimerais voir si j'ai
10 raison d'avancer l'idée suivante : Si je vous indique qu'en 1993, les
11 Moudjahiddines n'étaient pas membres de l'ABiH, si je vous dis que la
12 police militaire n'avait absolument pas la possibilité de diligenter des
13 enquêtes --
14 M. STAMP : [interprétation] Objection.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : A peine avez-vous commencé la phrase, que M. Stamp
16 s'est levé. Monsieur Stamp, quel est le problème ?
17 M. STAMP : [interprétation] Ce n'est pas un problème, c'est une objection
18 que j'aimerais formuler car elle demande au témoin s'il sait si certaines
19 personnes faisaient partie de l'ABiH. Sur la base de son témoignage jusqu'à
20 présent, je dirais que le témoin n'est pas en mesure d'indiquer qui était
21 membre de l'armée ou non. Il peut tout à fait spéculer, mais cela ne fait
22 pas partie de son domaine de compétence. Je pense que la Chambre ne devrait
23 pas accepter ce genre de questions. Par conséquent, je pense que la Chambre
24 ne devrait pas autoriser des questions qui sont des spéculations. C'est
25 pour cela que je présente une objection.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La question est posée au Procureur militaire de
2 l'époque. Dans ses fonctions de Procureur militaire, dans ses fonctions
3 précises, il devait quand même avoir une connaissance assez étendue de la
4 juridiction sur laquelle il exerçait son office. Que dans cette
5 juridiction, il y avait, sous son contrôle, des militaires, et de lui
6 demander si à sa connaissance, il sait ou il ne sait pas, il y avait parmi
7 les militaires dont il assurait le contrôle, y avait-il des Moudjahiddines.
8 C'est bien le sens de votre question ?
9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, une question a été
10 posée par l'un des Juges à propos des Moudjahiddines. Je souhaitais
11 justement poser cette question au témoin. Je pourrais tout à fait
12 reformuler ma question et lui demander s'il est exact que les
13 Moudjahiddines ou les combattants étrangers qui se trouvaient dans la zone
14 de Travnik, ne faisaient pas partie de l'ABiH. Est-ce que cela correspond à
15 ce que vous saviez de la réalité de l'époque ?
16 M. STAMP : [interprétation] J'ai toujours la même objection. J'aimerais
17 avoir une décision à ce sujet, puisque je pense que le témoin n'est
18 absolument pas compétent pour décider de qui fait partie de l'armée ou qui
19 n'en fait pas partie. Il peut, effectivement, témoigner à propos de ce qui
20 lui a été dit. Il peut être compétent pour ce qui est de témoigner à propos
21 d'enquêtes, mais il n'est absolument pas compétent pour savoir qui faisait
22 officiellement partie ou ne faisait pas partie officiellement de l'ABiH.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu de la question posée, compte tenu de
24 l'objection soulevée et compte tenu du fait qu'un Juge a posé la question
25 sur les Moudjahiddines, la Chambre va demander au témoin de nous dire, dans
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1 la juridiction qui était sous votre contrôle, à la surface géographique de
2 Travnik et aux environs de Travnik, est-ce que, d'après ce que vous avez
3 eu, à l'époque, comme rapports, connaissance, information, vous avez, à un
4 moment donné, su qu'il y avait parmi l'ABiH des éléments qui pouvaient
5 s'appeler Moudjahiddines ? Ou vous l'avez su ou vous ne l'avez pas su ? La
6 question est très simple, surtout compte tenu des fonctions que vous
7 occupiez. Vous seriez simple agriculteur, évidemment, la question, à juste
8 titre, n'aurait pas à vous être posée, mais vous n'êtes pas simple
9 agriculteur, vous étiez une personnalité importante de la vie locale. A ce
10 moment-là, cette question, vous pouvez peut-être y répondre.
11 Si vous ne le savez pas, dites-le franchement. Je vous rappelle, vous avez
12 prêté serment de dire toute la vérité. Votre réponse ne peut s'inscrire que
13 dans un canevas de vérité.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la structure de l'armée et
15 des éléments qui faisaient partie des différentes unités qui composaient
16 l'ABiH, je n'ai pas véritablement d'information détaillée sur la question.
17 Compte tenu des circonstances et compte tenu des activités déployées dans
18 le secteur, je sais qu'il n'y a pas eu de plaintes déposées à l'encontre de
19 combattants étrangers ou de Moudjahiddines, bien que je sache qu'ils aient
20 commis des délits dans la ville à proprement parler. Toutefois, dans la
21 réalité nous n'avions aucune compétence juridique sur eux.
22 J'ai été témoin oculaire d'un événement. J'aurais pu être tué dans un café.
23 J'étais assis. Un Moudjahiddine est entré. Il a commencé à tirer de façon
24 tout à fait arbitraire dans le café sur tout le monde. Nous n'avons pas pu
25 l'arrêter. Nous n'avons d'ailleurs pu prendre aucune mesure contre lui.
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1 D'ailleurs, je n'ai pas non plus pu demander ou donner l'ordre à des
2 militaires de prendre ce genre de mesures. Je pense que vous serez en
3 mesure de comprendre la teneur des propos que je viens de tenir.
4 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Zeric, vous avez répondu en partie à ma question. J'aimerais
6 maintenant vous poser deux autres questions. Est-il vrai de dire qu'après
7 des opérations de combat, après des opérations militaires dans certains
8 secteurs, la police militaire assumait le contrôle pour assurer la sécurité
9 des biens et des personnes ?
10 R. Oui. Cela correspondait au devoir de la police civile qui devait
11 protéger les personnes et les biens qui se trouvaient en dehors des
12 opérations de combat.
13 Q. Est-il également vrai que si la police militaire apprenait que
14 certaines personnes, qu'elles soient des étrangers ou qu'elles soient
15 originaires d'autres pays, qui n'étaient pas membres de l'armée, avaient
16 commis un crime, la police civile avait comme devoir de mener à bien une
17 enquête, de présenter un rapport et de déposer une plainte auprès du
18 Procureur public, et non pas auprès de vous en tant que Procureur
19 militaire.
20 R. Oui. La police civile était responsable de toute la population civile
21 et de tout ce qui se passait dans un secteur donné.
22 Q. Même lorsque ces personnes qui portaient l'uniforme militaire, qui
23 avaient des armes comme vous venez de le dire, tiraient sur des gens. Que
24 faisiez-vous si ces personnes n'étaient pas membres de l'ABiH ?
25 R. Je vais vous dire. 90 % de la population, à cette époque, portait une
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1 sorte d'uniforme. Afin de savoir si cette personne faisait véritablement
2 partie de l'armée ou non, elle devait avoir une carte d'identité
3 officielle, que ces personnes auraient pu faire l'objet de recherche pour
4 cela.
5 Q. Je vous remercie, Monsieur Zeric. Je n'ai plus de questions pour vous.
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je m'excuse. Mon confrère me fait
7 remarquer qu'à la page 58, à la ligne 6, il a été question, dans la version
8 française, de la police militaire alors que nous aurions dû avoir la police
9 civile. Je dois maintenant vérifier moi-même ce qu'avait dit le témoin.
10 Dans le compte rendu d'audience, il est indiqué à juste titre que cela
11 était le devoir de la police civile. Mon confrère me fait savoir que dans
12 la version française, il a été question de la police militaire au lieu de
13 la police civile.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
15 Monsieur Stamp. Pas de questions ?
16 M. STAMP : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le
17 Président.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, nous vous remercions. Vous avez témoigné
19 pendant deux jours. Je conçois que pour vous cela vous a amené à faire des
20 efforts de mémoire et à répondre à des questions. Nous vous remercions pour
21 la contribution que vous avez produite à la manifestation de la vérité.
22 Nous vous souhaitons un bon voyage de retour, et nous formulons nos
23 meilleurs vœux dans l'exercice de votre fonction actuelle de Procureur.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
25 [Le témoin se retire]
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme il nous reste 40 minutes, on va introduire le
2 témoin, lui faire prêter serment et commencer le début.
3 Monsieur Withopf, dans le document écrit sur la durée de l'interrogatoire,
4 je crois que vous avez prévu 2 heures. Est-ce que votre interrogatoire
5 durera 2 heures pour ce témoin ? C'est-à-dire, on aura bien là 40 minutes à
6 défalquer de demain.
7 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, je prévois
8 effectivement que l'interrogatoire principal durera 2 heures.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme cela, dans ces conditions, demain, après
10 l'interrogatoire principal, nous pourrons aborder la question des documents
11 qui devaient être évoqués jeudi.
12 Me Bourgon nous a expliqué tout à l'heure qu'il a eu de la part de
13 l'Accusation, et la question est en voie d'être solutionnée, Maître
14 Bourgon.
15 M. BOURGON : En effet, Monsieur le Président. Toutes les listes nous ont
16 été remises par l'Accusation plus tôt cette semaine. Nous avons maintenant
17 complété le travail. Nous allons leur remettre la disquette avec exactement
18 le nombre de documents que nous n'avons toujours pas reçus, mais qui sont
19 en la possession de l'Accusation. Restera à l'Accusation de vérifier et
20 d'obtenir la permission afin que ces documents puissent nous être remis, en
21 espérant que cela puisse se faire le plus tôt possible. Nous serons ensuite
22 en mesure de procéder avec tous les témoins de la Mission de Molitoving de
23 l'Union européenne.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci.
25 Maître Residovic.
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous
2 attendons le témoin, j'aimerais informer la Chambre de première instance
3 que demain et après-demain la Défense, pour le général Enver
4 Hadzihasanovic, sera assurée par mon confrère M. Bourgon et l'assistante
5 juridique. Je ne serai pas moi-même présente dans le prétoire. Mon client a
6 été mis au courant. Je voulais juste informer la Chambre de première
7 instance de ce fait.
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous entendez dans
10 votre langue la traduction de mes propos ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux vous entendre parfaitement.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous avez été cité comme témoin par
13 l'Accusation. Dans le cadre de votre témoignage, je me dois de vous
14 identifier. Pour cela, je vous demande de me donner votre nom et prénom.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Martin Garrod.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Date de naissance et lieu de naissance.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 29 mai 1935 à Darjeeling en
18 Inde.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre activité actuelle ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite. J'ai eu une carrière
21 militaire dans la marine, dans les Royal Marines.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelles étaient exactement à l'époque vos
23 fonctions, et dans quel cadre vous assuriez vos fonctions ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant l'été de 1993, je suis arrivé en
25 Bosnie en tant membre de la Mission d'observation de la Communauté
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1 européenne. Je me suis, dans un premier temps, rendu à Mostar pendant l'été
2 1993, juste au moment où la guerre entre les Croates et les Bosniens avait
3 commencé. En octobre, je suis allé à Zenica où se trouvait le quartier
4 général de la Mission d'observation de Contrôle en Bosnie. Il s'agissait de
5 là où se trouvait le centre Régional.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Il apparaît que vous aviez une fonction pour la
7 Communauté européenne. Avant d'avoir cette fonction, étiez-vous en
8 fonction dans votre pays ? Aviez-vous un titre militaire, une fonction
9 militaire ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai été pendant 37 ans dans les forces
11 marines de sa majesté, et j'ai eu le grade de général trois étoiles.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que c'est la première fois que vous témoignez
13 devant un tribunal international ou avez-vous déjà témoigné devant une
14 juridiction nationale sur les faits qui se sont déroulés en 1993 ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la troisième fois que je viens ici à La
16 Haye.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quel dossier ? Dans quelle affaire ? Dans quel
18 cas ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, dans l'affaire Kordic et,
20 deuxièmement, dans l'affaire Mladen Naletilic, Tuta et --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] -- Vinko Martinovic, Stela.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le texte concernant votre
24 serment.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 LE TÉMOIN: MARTIN GARROD [Assermenté]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir vous asseoir.
5 Comme vous avez une pratique des témoignages, mes propos vont être assez
6 brefs. Je vais simplement vous fournir quelques éléments d'informations.
7 Comme vous le savez, vous avez été cité par l'Accusation pour témoigner sur
8 des faits dont vous avez été le témoin visuel, et c'est pour cette raison
9 que l'Accusation vous fait venir. Vous allez devoir répondre à des
10 questions qui vont vous être posées par le représentant de Mme le
11 Procureur.
12 A la suite des questions posées par le représentant de Mme le Procureur,
13 qui se trouve à votre droite, vous aurez à répondre à des questions qui
14 vont être posées par les avocats des accusés, qui se trouvent situés à
15 votre gauche. Ils sont actuellement quatre. D'habitude, ils sont six, mais
16 il y en a que deux qui vous poseront des questions. Demain, ils ne seront
17 plus que trois parce qu'il y en a un qui ne serait pas là. Vous aurez à
18 répondre à des questions dans le cadre du contre-interrogatoire.
19 Par ailleurs, les trois juges qui sont devant vous peuvent, comme le
20 prévoit le règlement qui régit notre Tribunal, vous poser des questions.
21 C'est un peu différent de la juridiction du "common law," car nous pouvons
22 également vous poser des questions dans la mesure où ce règlement est un
23 système hybride entre le "common law" et le "civil law". Les juges, quand
24 ils vous posent des questions, c'est soit pour éclaircir des points sur des
25 réponses que vous avez fait, soit parce qu'on estime qu'il y a des vides à
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1 combler par votre témoignage, dans la mesure où nous sommes dans le cadre
2 d'une procédure essentiellement orale de type accusatoire. C'est pour cela
3 que les questions sont importantes. Essayez de répondre parfaitement aux
4 questions qui vous sont posées. Si vous vous ne souvenez pas d'un fait
5 précis, vous avouez que vous ne vous en souvenez pas, parce que parfois il
6 est très difficile de se souvenir de ce qui c'est passé il y a dix ans.
7 Par ailleurs, deux petits points supplémentaires : Vous avez prêté serment
8 de dire toute la vérité, ce qui, évidemment, exclut le faux témoignage.
9 Pour mémoire, le faux témoignage, comme vous le savez, peut être réprimé
10 par des dispositions qui prévoit qu'un faux témoin peut être sanctionné par
11 une peine d'amende ou une peine de prison. Par ailleurs, il y a également
12 un deuxième élément qui consiste en ce que lorsqu'un témoin répond à des
13 questions, si dans sa réponse il peut y avoir des éléments à charge, à ce
14 moment-là, le témoin peut refuser de répondre. Dans cette hypothèse très
15 précise, la Chambre peut obliger le témoin à répondre et, à ce moment-là,
16 le témoin répond sur l'injonction de la Chambre, et il bénéficie, en
17 quelques sortes, d'une forme d'immunité par ces propos.
18 Voilà comment va se dérouler votre interrogatoire qui va commencer
19 aujourd'hui et qui va durer une demi-heure, et qui se poursuivra demain
20 matin. Vous serez malheureusement obligé de revenir plus tard, mais cela,
21 on ne peut pas vous l'indiquer parce que la Défense n'a pas eu en sa
22 possession des documents. Il faut qu'elle étudie ces documents avant de
23 procéder utilement au contre-interrogatoire. Nous aurons le plaisir de vous
24 revoir peut-être dans le courant du mois de mai.
25 Monsieur Withopf, je vous donne la parole.
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1 Interrogatoire principal par M. Withopf :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Sir Martin. Monsieur Martin, vous avez déjà
3 dit aux Juges de la Chambre que vous aviez consacré 37 ans de votre
4 existence à mener votre carrière au sein de la marine britannique, et que
5 vous aviez après ces 37 années pris votre retraite en tant que général
6 trois étoiles. Sera-t-il permis de dire qu'avant votre retraite, vous étiez
7 un officier supérieur responsable de l'intégralité de la marine de sa
8 majesté, c'est-à-dire, de la marine britannique ?
9 R. C'est exact, en effet.
10 Q. Sera-t-il également permis de dire, Sir Martin, sans entrer dans aucun
11 détail, bien entendu, qu'au cours des années, vous avez occupé un certain
12 nombre de postes à des grades différents dans un certains nombre
13 d'endroits, y compris à l'étranger, outremer ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Sir Martin, vous avez déjà dit aux Juges de la Chambre de première
16 instance que vous étiez entré au sein de La MCCE. Pouvez-vous nous dire à
17 quel moment vous avez intégré la MCCE ?
18 R. Oui. Je suis arrivé de Bosnie en passant par Zagreb à la fin du mois de
19 juin 1993.
20 Q. Pouvez-vous nous dire, je vous prie, ce que signifient les lettres du
21 sigle MCCE ?
22 R. Elles signifient Mission d'observation de la Communauté européenne.
23 Q. A la fin du mois de juin 1993, Sir Martin, où êtes-vous allé ?
24 R. Je suis d'abord allé à Zenica, qui se trouve en plein centre de la
25 Bosnie, et qui abritait le quartier général que l'on avait coutume
Page 5652
1 d'appeler centre Régional de l'ensemble des observateurs de la Communauté
2 européenne en Bosnie. J'y suis allé pour des réunions d'informations
3 initiales à côté d'un certain nombre d'observateurs à ces nouveaux venus
4 dans ces fonctions, tout comme moi. Entre dix et 15 jours, nous avons
5 circulé dans la région, et subi un certain nombre de réunions
6 d'informations qui nous ont permis d'acquérir une certaine perception des
7 problèmes qui se posaient en Bosnie.
8 Après cela, je me suis rendu à Mostar pour prendre la tête du centre de
9 Coordination qui était basé à Mostar.
10 Q. Sir Martin, combien de temps avez-vous dirigé le centre de Coordination
11 de Mostar ?
12 R. Depuis le début du mois de juillet jusqu'à la mi-octobre, date à
13 laquelle j'ai été nommé à nouveau à Zenica en charge du centre Régional qui
14 se trouvait à Zenica.
15 Q. Pendant combien de temps, Sir Martin, avez-vous dirigé le centre
16 Régional de Zenica ?
17 R. Pendant presque exactement six mois, c'est-à-dire, depuis la mi-octobre
18 jusqu'à la mi-avril.
19 Q. Mi-avril ?
20 R. Mi-avril 1994.
21 Q. Merci beaucoup, Sir Martin. Pouvez-vous, je vous prie, dire aux Juges
22 de la Chambre qui vous avez précédé dans vos fonctions de chef du centre
23 Régional de Zenica ?
24 R. Oui, c'était un diplomate français répondant au nom de Jean-Pierre
25 Thebault.
Page 5653
1 Q. Avant de prendre vos fonctions, en tant que chef du centre Régional de
2 Zenica, aviez-vous eu la possibilité de parler à M. l'ambassadeur
3 Thebault ?
4 R. Oui, nous nous sommes longuement entretenus pendant les dix à 15
5 premiers jours que j'ai passé à Zenica, et aussi lorsque j'étais à Mostar,
6 nous sommes restés en contacte régulier. Jean-Pierre Thebault venait assez
7 souvent me rendre visite à Mostar. Quant à moi, j'allais participer à des
8 réunions à Zenica. Nous étions en contact régulier.
9 Q. Vous avez déjà dit, Sir Martin, que vous aviez participé à des réunions
10 d'information relatives à la situation en Bosnie centrale dès le mois de
11 juin. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quelles étaient les
12 questions qui ont été abordées au cours de ces réunions ainsi que plus tard
13 lors de vos rencontres et entretiens avec M. l'ambassadeur Thebault.
14 R. Nous discutions des questions importantes dont rendaient compte les
15 observateurs de la Communauté européenne, comme étant des questions
16 prioritaires. Il s'agissait de questions de nature politique, militaire,
17 humanitaire, bien sûr, éventuellement, d'autres questions. Les trois sujets
18 que je viens d'évoquer, étaient les trois sujets sur lesquels nous nous
19 concentrions en priorité lors de la rédaction de nos rapports. J'ajouterais
20 qu'en Bosnie, la politique et le militaire étaient très proches. Il était
21 tout à fait possible de s'entretenir avec des responsables politiques sur
22 des questions militaires, et avec des responsables militaires sur des
23 questions politiques.
24 Q. Fort bien. Avant d'entrer davantage dans le détail au sujet de ce que
25 vous venez de dire, Sir Martin, je vous demanderais de bien vouloir dire
Page 5654
1 aux Juges de la Chambre quelle était la nature de la mission et du mandat
2 de la MCCE en 1993 et 1994, en fournissant certains détails.
3 R. Aimeriez-vous que je décrive l'organisation ?
4 Q. L'organisation, ses structures, mais également le mandat de cette
5 organisation.
6 R. Oui. L'organisation de la Communauté européenne a été déployée un peu
7 partout dans l'ex-Yougoslavie. Je me concentrerai, si vous le voulez bien,
8 sur la Bosnie. Tout en haut, il y avait le centre Régional qui, comme je
9 l'ai déjà dit, était situé à Zenica, en plein centre de la Bosnie. En
10 dessous du centre Régional, on trouvait un certain nombre de centres de
11 coordination. Il y en avait trois pour la Bosnie, qui étaient situés à
12 Tuzla au nord, à Travnik au centre et à Mostar au sud. Chacun de ces
13 centres de coordination était dirigé par celui que l'on appelait le chef du
14 centre de Coordination, en anglais "HCC". Dans chacun de ces centres de
15 Coordination, on trouvait un certain nombre d'équipes d'observateurs. A
16 Mostar et en Bosnie centrale, par exemple, à Travnik, il y avait
17 4 équipes, et à Tuzla, il y en avait trois. Chaque équipe se composait de
18 deux observateurs internationaux qui n'étaient pas de la même nationalité.
19 Ils été accompagnés d'un chauffeur et d'un interprète. Ce sont ces
20 personnes qui accomplissaient le travail fondamental sur le terrain, et
21 fournissaient les informations que l'on retrouvait dans nos rapports. Quant
22 au système d'établissement des rapports, il était le suivant : en fin de
23 compte, ces équipes de deux personnes transmettaient leurs informations au
24 centre de Coordination. Le chef du centre de Coordination intégrait ces
25 informations pour en faire un rapport consolidé qui était envoyé au centre
Page 5655
1 Régional. A ce moment-là, le centre Régional intégrait les trois rapports
2 provenant des trois centres Régionaux pour établir un rapport du centre
3 Régional qui était envoyé au quartier général de la MCCE, à savoir, à cette
4 époque-là, à Zagreb. A Zagreb, les différents rapports provenant des
5 différents centres Régionaux étaient intégrés, puisqu'il y avait trois
6 centres Régionaux. Ce dernier rapport provenant de Zagreb était envoyé aux
7 différentes capitales de la Communauté européenne ou peut-être de l'Union
8 européenne, devrais-je dire. Chacun des ministres des Affaires étrangères
9 de l'Union européenne recevait un rapport pendant la nuit ou dans les
10 premières heures de la matinée sur son bureau. Si tout allait bien, il
11 pouvait ainsi se faire une idée assez globale de la situation politique,
12 militaire et humanitaire dans l'ex-Yougoslavie.
13 Q. Sir Martin, j'aimerais, à présent, revenir sur un certain nombre de
14 choses que vous venez de dire en répondant à mes questions précédentes. En
15 tant que chef du centre Régional de la MCCE à Zenica, quelle était
16 l'étendue de votre zone de responsabilité géographique ?
17 R. C'était une zone de responsabilité assez vaste, qui s'étendait de Tuzla
18 au nord jusqu'à la Bosnie centrale, pour arriver jusqu'au sud de la Bosnie,
19 à Mostar. Elle englobait toutes les régions de la Bosnie, à l'exception de
20 ce qu'il était convenu d'appeler à l'époque la Républika Srpska qui
21 intégrait, à l'époque, les zones de la Bosnie occupées par les forces
22 serbes, à l'exception également des petits îlots de territoires bosniens ou
23 poches, comme on les appelait, que l'on trouvait dans cette océan serbe.
24 Ces poches étaient la zone de Sarajevo, la poche de Bihac à l'ouest, et les
25 petites enclaves de Srebrenica, de Zepa et Gorazde. La région qui me
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1 concernait, la région la plus importante, constituait un triangle dont la
2 pointe supérieure partait du sud pour passer par Tuzla en descendant,
3 encore un peu plus bas, parvenir à Mostar, qui se trouve plus
4 particulièrement à l'ouest de Mostar, avant de descendre encore plus bas,
5 jusqu'à la mer.
6 Q. Vous avez dit, Sir Martin, aux Juges de la Chambre de première
7 instance, que vous aviez sous votre commandement, trois centres de
8 coordination, dont l'un était le centre de Coordination de Travnik. Pouvez-
9 vous dire aux Juges de la Chambre de première instance quelle était la zone
10 de responsabilité géographique du centre de Coordination de Travnik ?
11 R. Le centre de Coordination de Travnik, lui aussi avait une zone
12 importante à couvrir avec ses quatre équipes d'observateurs. Cette zone
13 s'étendait de Zavidovici et de Vares au nord, jusqu'à Travnik en Bosnie
14 centrale, pour descendre jusqu'à Bugojno et Gornji Vakuf plus au sud.
15 Q. Pouvez-vous, Sir Marin, dire aux Juges de la Chambre qui, pendant la
16 période où vous dirigiez le centre Régional de Zenica, qui était votre
17 adjoint, et qui travaillait au centre de Coordination de Travnik ?
18 R. Mon adjoint était Geoff Beaumont, qui, c'est un peu un hasard, était un
19 autre officier de l'armée britannique. L'officier chargé des Opérations
20 était un Danois, qui s'appelait Aage Terp, et le chef du centre de
21 Coordination de Travnik était un Canadien, un lieutenant-colonel qui
22 s'appelait William Stutt.
23 Q. Vous avez déjà abordé un peu certaines des questions que j'allais vous
24 poser à présent. Pourriez-vous peut-être nous apporter quelques détails
25 complémentaires au sujet de la façon dont les renseignements étaient
Page 5657
1 recueillis sur le terrain.
2 R. Les renseignements étaient recueillis par les équipes d'observateurs,
3 également par les chefs des centres de Coordination et par les chefs des
4 centres Régionaux car nous nous rendions nous-mêmes sur les lieux pour
5 découvrir ce qui se passait, et participions à des réunions. Les
6 observateurs, qui se trouvaient sur le terrain, établissaient des contacts
7 avec des dirigeants militaires, avec des dirigeants civils, avec les
8 personnalités internationales représentées dans la région, afin de
9 recueillir des informations au sujet de ce qui se passait dans les domaines
10 que j'ai déjà évoqués, à savoir, le domaine politique, le domaine militaire
11 et le domaine humanitaire, dans l'ordre que je viens de préciser. Dans
12 quelle mesure ces renseignements étaient d'une qualité satisfaisante. Cela
13 dépendait beaucoup de la qualité des observateurs. Il y en avait certains
14 qui étaient de très grande qualité, mais d'autres qui n'étaient pas d'une
15 qualité aussi satisfaisante.
16 Q. A l'époque où vous étiez le chef du centre Régional de Zenica, comment
17 décririez-vous les personnes qui travaillaient pour vous au centre de
18 Coordination de Travnik ?
19 R. Comme je viens de le dire, il y en avait très peu qui étaient de
20 qualité insatisfaisante. Je dirais que dans l'ensemble, j'ai été très
21 content, très satisfait de la qualité du travail des observateurs dans
22 l'ensemble du centre Régional ainsi que dans le centre de Coordination de
23 Travnik.
24 Q. Sir Martin, vous avez déjà abordé la question du système qui présidait
25 à l'établissement des rapports. Je crois comprendre que les rapports
Page 5658
1 étaient envoyés tous les jours, si je me souviens bien. Vous l'avez déjà
2 dit, n'est-ce pas, au cours de cette audience ?
3 R. Les rapports quotidiens, oui. J'ai dit que les observateurs sur le
4 terrain adressaient leur rapport au centre de Coordination, centre de
5 Coordination qui, eux-mêmes, adressaient leur rapport au centre Régional.
6 Les centres Régionaux, après constitution, établissement d'un rapport
7 unique, après refonte des différents rapports reçus précédemment,
8 adressaient leur propre rapport au quartier général de la MCCE.
9 Q. Quel était l'objet de ces rapports ?
10 R. Ces rapports avaient pour objet de permettre aux différents états et,
11 notamment, à leurs ministres des Affaires étrangères, d'être pleinement
12 informés au sujet de l'évolution de la situation sur le terrain dans les
13 états composant l'ex-Yougoslavie, de façon à être en permanence au courant
14 de la situation politique, de la situation militaire et de la situation
15 humanitaire en ex-Yougoslavie ainsi que de toute autre question qui pouvait
16 s'avérer importante.
17 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire rapidement votre
18 participation personnelle à la rédaction et à l'envoi de ces rapports.
19 R. Oui. Les rapports établis durant la nuit partaient du centre Régional.
20 Au départ, c'état mon adjoint et son officier chargé des observations qui
21 établissaient ces rapports dans leur phase initiale. Ils intégraient les
22 différents rapports reçus par eux pour produire un rapport consolidé et
23 venaient, à ce moment-là, me voir. Si j'étais satisfait, tout allait bien.
24 Si j'avais quelques questions à poser ou quelques détails au sujet desquels
25 je souhaitais m'enquérir, je le faisais. J'ajoutais mes commentaires à la
Page 5659
1 fin du rapport. Ces commentaires figuraient dans un paragraphe distinct
2 intitulé NRC, "commentaire NRC". Ensuite, ce rapport était envoyé à Zagreb.
3 Q. Si je vous ai bien compris, Sir Martin, pour l'essentiel, vous avez
4 appris quelle était la teneur détaillée des rapports du mois d'août, même
5 si vous n'en étiez pas nécessairement l'auteur.
6 R. Oui. Je n'ai peut-être pas lu tous les détails des rapports émanant du
7 centre de Coordination qui, ensuite étaient refondus dans le rapport du
8 centre Régional. S'il y avait une question sur laquelle je souhaitais
9 obtenir des détails supplémentaires, je me référais au rapport du centre de
10 Coordination.
11 Q. Sir Martin, est-ce que vous donniez votre accord à l'expédition des
12 rapports avant leur expédition ?
13 R. Oui, je donnais mon accord. C'est à ce moment que le rapport était
14 envoyé. Je produisais également des rapports dont j'étais l'auteur, que
15 l'on appelait des rapports spéciaux sur un certain nombre de questions
16 particulièrement intéressantes, ou à la suite de réunions particulièrement
17 importantes auxquelles j'aurais assisté personnellement. Une fois par
18 semaine, je faisais ce que l'on avait l'habitude d'appeler "l'appréciation
19 HRC de la situation", en donnant mon avis sur l'importance d'un certain
20 nombre d'événements et en essayant de prévoir un peu ce qui se passerait à
21 l'avenir.
22 Q. D'après ce que vous nous avez dit, Sir Martin, est-il permis de
23 conclure que vous êtes entièrement en mesure de commenter les rapports de
24 la MCCE, même lorsqu'il s'agit de rapports dont vous n'êtes pas l'auteur
25 personnellement.
Page 5660
1 R. Oui.
2 Q. Fort bien. Sir Martin, passons maintenant à une autre question. Quelles
3 armées ont agi dans la région de Bosnie centrale pendant la période où vous
4 avez dirigé le centre Régional de la MCCE de Zenica ?
5 R. En Bosnie centrale, la guerre qui s'est déroulée dans cette région
6 était pour l'essentiel une guerre opposant les Croates et les Bosniens.
7 Dans la zone de responsabilité qui était la mienne, les Serbes étaient une
8 des parties en présence juste à la limite de ma zone de responsabilité. A
9 l'intérieur de ma zone de responsabilité, une guerre se déroulait qui
10 opposait les Croates et les Bosniens.
11 Q. Du côté bosnien, quel était le Corps d'armée responsable des Combats ?
12 R. En Bosnie centrale, c'était le 3e Corps d'armée.
13 Q. De l'autre côté, du côté du HVO ?
14 R. Du côté du HVO, il y avait ce qu'eux-mêmes appelaient la zone
15 opérationnelle de Bosnie centrale.
16 Q. Sir Martin, comment décririez-vous de façon détaillée, la situation
17 militaire au sein du 3e Corps d'ABiH lors de votre arrivée à Zenica et dans
18 la période ultérieure ?
19 R. Les combats étaient féroces. Il existait un certain nombre de poches
20 croates dans la région, notamment, à Vares dans le nord, à Kiseljak au sud
21 et à Vitez et Busovaca au centre. Mon appréciation personnelle a toujours
22 consisté à penser que les deux côtés, les deux parties avaient pour objet
23 de s'emparer de territoires. Elles savaient sans doute, ces deux parties,
24 que lorsqu'un cessez-le-feu finirait par être décrété, il est difficile au
25 moment de la conclusion d'un accord de paix de retirer à une partie
Page 5661
1 belligérante qui s'était emparé d'un certain territoire, le territoire en
2 question. S'emparer de territoires était pour les deux parties les neuf
3 dixième du droit.
4 Q. Quelle armée d'après ce que vous savez, Sir Martin, je me permettrais
5 de m'exprimer d'une façon très simple, quelle était l'armée la plus forte
6 des deux en octobre 1993 et à partir de ce moment-là ?
7 R. La force peut s'apprécier de façon différente. On peut l'apprécier en
8 fonction des effectifs ou en fonction des armements. L'embargo sur les
9 armes imposé à l'ex-Yougoslavie et à la Bosnie, faisait l'objet
10 d'objections très fermes de la part des armées en présence sur le terrain,
11 qui reprochaient cet embargo aux britanniques et aux français, notamment.
12 Parce que les Bosniens disaient que cet embargo était injuste à leur égard,
13 puisque les Serbes avaient la Serbie à leur frontière et les Croates
14 avaient la Croatie à leur frontière. Les Serbes et les Croates, d'après
15 eux, pouvaient obtenir des armes et des munitions à partir du territoire
16 situé de l'autre côté de la frontière et ce, en provenance de ce qu'il
17 était permis d'appeler un pays frère pour eux, alors que les Bosniens ne
18 pouvaient pas agir de même puisqu'ils étaient totalement encerclés. Je
19 dirais également que du point de vue des armements, les Serbes et les
20 Croates avaient un avantage très important mais, que les Bosniens avaient
21 un avantage qui était le nombre d'hommes à leur disposition. Ils avaient
22 encore un très grand réservoir d'hommes qu'ils pouvaient appeler pour se
23 battre dans les rangs de leur armée.
24 Q. Vous étiez en train de dire aux Juges de la Chambre de première
25 instance, Sir Martin, que la puissance en hommes de l'ABiH était beaucoup
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1 plus importante que celle du HVO. Etait-elle deux fois, trois fois plus
2 importante, combien de fois plus importante ?
3 R. Je ne dispose pas des chiffres exacts, je ne les ai pas en tête. De
4 mémoire, je dirais que les effectifs disponibles pour l'ABiH étaient au
5 moins deux fois supérieurs à ceux dont pouvaient disposer les Croates.
6 Q. Est-ce que cette observation s'applique à la situation au sein du 3e
7 Corps de l'ABiH ?
8 R. Je dirais qu'au 3e Corps de l'ABiH, les proportions étaient peut-être
9 encore plus importantes, car un grand nombre de Croates dans cette zone,
10 avaient pris le chemin du sud.
11 Q. Sir Martin, avez-vous appris, à un certain moment, que des réfugiés
12 musulmans de différentes régions arrivaient dans la zone contrôlée par le
13 3e Corps de l'ABiH ?
14 R. Oui. Il y avait de nombreux réfugiés, à Zenica en particulier. Je dis
15 cela de mémoire. A mon avis, sur une population de Zenica qui comptait à
16 peu près 200 000 personnes, il y en avait au moins 50 000 qui étaient des
17 personnes déplacées provenant d'autres régions de la Bosnie.
18 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez
19 d'en terminer avec cette série de questions, j'aimerais le faire. Cela ne
20 me prendra que trois ou quatre minutes.
21 Q. Parmi les réfugiés qui influaient dans la zone de responsabilité du 3e
22 Corps d'armée, y avait-il des hommes en âge de porter les armes ?
23 R. Oui, il y avait des hommes en âge de porter les armes. Oui.
24 Q. A votre connaissance, Sir Martin, quel était l'âge qui était considéré
25 comme l'âge de porter les armes ?
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1 R. Je dirais qu'un homme qui avait entre 16, 17 ans et 60 ans, était en
2 âge de porter les armes.
3 Q. A votre connaissance, Sir Martin, ce sera ma dernière question pour
4 aujourd'hui, y a-t-il eu des réfugiés musulmans en âge de porter les armes
5 qui sont arrivés dans la zone de responsabilité du 3e Corps de l'ABiH, qui
6 ont été incorporés dans les unités militaires subordonnées à ce 3e Corps
7 d'armée ?
8 R. A ma connaissance, tous les hommes en âge de porter les armes ont été
9 incorporés dans les rangs de l'armée.
10 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
11 Juges, je proposerais que nous en terminions ici pour aujourd'hui.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf. Il est
13 19 heures. Nous sommes, pour des raisons techniques, obligés d'interrompre.
14 L'audience va se terminer ce jour à 19 heures. Elle reprendra demain à 9
15 heures. J'invite Sir Martin à revenir demain pour l'audience de 9 heures.
16 Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner à la
17 porte de la salle d'audience.
18 [Le témoin se retire]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : S'il n'y a plus aucune question, demain, je vais
20 donner la parole à Me Bourgon. Demain, nous aborderons la fin de
21 l'interrogatoire principal de ce témoin. Ensuite, nous procéderons en deux
22 étapes. Nous introduirons dans la procédure les pièces qui ont déjà fait
23 l'objet par la Défense d'aucune contestation sur les documents. Les numéros
24 seront donnés officiellement demain, dans la mesure où nous avons eu les
25 huit classeurs qui ont été fournis par l'Accusation. Par ailleurs, nous
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1 introduirons demain les témoignages du 92 bis, qui n'ont pas encore eu un
2 numéro. A partir d'une liste des témoignages, nous donnerons demain, par
3 l'intermédiaire du greffier, un numéro sur ces déclarations écrites
4 recueillies dans les formes du 92 bis.
5 Maître Bourgon, vous vouliez intervenir.
6 M. BOURGON : C'est une observation, Monsieur le Président, merci.
7 Simplement, je ne voulais pas le faire lorsque le témoin était présent,
8 mais nous utilisons depuis le début du témoignage, Sir Martin. Je crois que
9 Martin, c'est le prénom du témoin.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je pense que son nom de famille, Monsieur
11 Withopf, c'est Garrod, et Martin ce doit être le prénom. Peut-être qu'il a
12 les deux noms, je ne sais pas. Peut-être que l'Accusation pourra nous
13 éclairer. Peut-être a-t-il deux noms composés, on ne sait pas.
14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, je ne souhaiterais pas
15 m'étendre plus que nécessaire au sujet de la question qui est de savoir
16 comment la personne qui s'est vue attribuée le titre de Sir par la Reine
17 d'Angleterre, comment convient-il de s'adresser à cette personne. Si les
18 conseils de la Défense et la Chambre de première instance se penchaient sur
19 les coutumes --
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas la question qu'a posée
21 Me Bourgon. Me Bourgon se pose la question de savoir si son nom est Martin
22 ou Garrod. Quel est son nom ? Ou est-ce que Martin, c'est le prénom ? Voilà
23 le problème.
24 M. BOURGON : Monsieur le Président, mon collègue m'informe que Sir Martin,
25 c'est tout à fait approprié. On vient de me corriger, mes excuses à
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1 l'Accusation.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a aucun problème. Il fallait des précisions.
3 Je remercie Me Dixon d'avoir contribué à régler ce problème sémantique. Je
4 remercie tous les participants. Je vous invite d'être présents demain à
5 l'audience qui débutera à 9 heures.
6 --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le mercredi 7 avril
7 2004, à 9 heures 00.
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