International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 6552

1 Le mardi 4 mai 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, je vous demande de bien vouloir

6 appeler le numéro de l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

8 s'agit de l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et

9 Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais demander à l'Accusation de se

11 présenter.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

13 Madame, Monsieur les Juges. Nous avons, pour l'Accusation, Ekkehard

14 Withopf, Daryl Mundis et notre commis aux audiences, Ruth Karper, et Kyle

15 Wood.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres Défenseurs.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

18 Madame, Monsieur les Juges. Au nom d'Enver Hadzihasanovic, Me Residovic,

19 conseil; et Me Stéphane Bourgon, co-conseil.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

21 Madame, Monsieur les Juges. Nous avons, au nom de M. Amir Kubura, Me Rodney

22 Dixon, Me Fahrudin Ibrisimovic et Nermin Mulalic, notre assistant.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

24 Dans la continuité de l'audience d'hier, la Chambre salue toutes les

25 personnes présentes : M. Withopf, M. Mundis, les avocats, ainsi que les

Page 6553

1 avocats et tout le personnel de la salle d'audience, Mme la sténotypiste,

2 les interprètes et le personnel de sécurité.

3 J'ai cru comprendre que M. Withopf voulait intervenir pour nous dire

4 quelque chose en deux minutes, mais veut-il le faire en présence du témoin

5 ou hors présence du témoin.

6 Monsieur Mundis.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Madame,

8 Monsieur les Juges et bonjour à tout le monde dans ce prétoire et à

9 l'extérieur de ce prétoire, d'ailleurs.

10 J'aimerais soulever une question, Monsieur le Président, que je

11 souhaiterais d'ailleurs soulever en présence du témoin. Il s'agit de

12 certains documents auxquels il a fait référence dans son rapport, documents

13 que nous avons traduits à l'intention de la Défense.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons introduire le témoin.

15 Madame l'Huissière, pouvez-vous aller chercher le général Reinhardt.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, mon Général.

19 Je vais d'abord vérifier que vous entendez les traducteurs, car

20 dites : "Je vous entends."

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout va très bien, Monsieur.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

23 Il y a un problème de traduction de document. Monsieur Mundis, je

24 vous donne la parole.

25 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 6554

1 Il ne s'agit pas d'un problème, en fait. Je vais vous expliquer

2 brièvement ce dont il s'agit. Le général Reinhardt, dans son rapport, a

3 cité un certain nombre de réglementations allemandes. Lorsqu'il était ici,

4 pour la dernière fois, sur la demande d'ailleurs de la Défense, nous avons

5 essayé de faire en sorte que ces documents puissent être traduits,

6 notamment, pour la Défense. Par conséquent, le général Reinhardt nous a

7 donné son exemplaire de ces documents. Nous les avons envoyés à la

8 traduction et, lorsque nous avons retrouvé le général Reinhardt avant sa

9 déposition, le général a demandé que ces documents lui soient rendus après

10 la traduction pour qu'il puisse en disposer, au cas où il viendrait à être

11 interrogé sur cette réglementation allemande, il voulait avoir son propre

12 exemplaire. Je souhaiterais tout simplement demander à l'Huissière de

13 montrer les traductions et de faire en sorte que ces documents soient

14 rendus au général Reinhardt. Je voulais le faire ici, Monsieur le

15 Président, dans la salle d'audience, pour ne pas rendre des documents au

16 témoin en l'absence des Juges et de la Défense.

17 Je dirais également, à l'intention du général Reinhardt, que les

18 réglementations qu'il nous a fournies ont été surlignées par le général

19 Reinhardt et ce, à l'intention des traducteurs pour que les traducteurs

20 puissent savoir quels passages il voulait qui soient traduits. Je

21 demanderais à l'Huissière de montrer peut-être ces documents à la Défense

22 et, ensuite, de les rendre au général Reinhardt.

23 Une fois de plus, je dirais que, lorsqu'il y a des annotations ou des

24 marques sur les documents, c'est l'Accusation qui les a faites, encore une

25 fois pour orienter le service de la traduction et pour que les traducteurs

Page 6555

1 comprennent quels passages il fallait traduire.

2 Merci.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner ce document à la Défense et recueillir,

4 le cas échéant, des observations.

5 Pas d'observations de la part de la Défense, Maître Bourgon ?

6 M. BOURGON : Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.

7 Bonjour, Monsieur le Juge. Aucunes observations de la part de la Défense,

8 Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Dixon ?

10 M. DIXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous n'avons

11 pas d'observations à faire non plus.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons continuer le contre-interrogatoire et je

13 vais donner la parole à Maître Bourgon.

14 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

15 LE TÉMOIN: KLAUS REINHARDT [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 Contre-interrogatoire par M. Bourgon : [Suite]

18 Q. [înterprétation] Bonjour, Général Reinhardt.

19 R. Bonjour, Monsieur Bourgon.

20 Q. J'ai quelques questions à vous poser, questions qui faisaient partie en

21 fait de mon contre-interrogatoire d'hier. Etant donné que nous n'avons pas

22 beaucoup de temps, je préférerais rentrer dans le vif du sujet maintenant.

23 J'aimerais, en fait, revenir sur certaines de vos compétences et de vos

24 qualifications afin d'aider la Chambre de première instance, comme je

25 l'avais mentionné hier.

Page 6556

1 Ce matin, ma première question sera comme suit : d'ailleurs, j'aimerais

2 faire référence aux informations que vous avez fournies à la Chambre de

3 première instance dans votre document à propos de votre carrière justement.

4 Vous dites que vous avez commencé votre carrière militaire en 1960 et que

5 vous avez passé les cinq premières années de votre carrière militaire en

6 tant que chef de section. Pourriez-vous confirmer, à l'intention des Juges

7 de la Chambre de première instance, qu'en tant que chef de section, c'est

8 là que vous avez appris les doctrines principales concernant le

9 commandement et que c'est là où vous avez appris les difficultés qui

10 consistaient à guider des jeunes soldats dans la profession militaire.

11 R. C'est exact, Monsieur.

12 Q. Pourriez-vous indiquer, en tant qu'officier, en tant que chef de

13 section, quelles sont les cibles principales lorsque vous dirigez des

14 personnes.

15 R. En fait, il y a un double objectif. Vous devez, dans un premier temps,

16 former les soldats pour qu'ils deviennent de véritables professionnels et

17 pour qu'ils deviennent parfaits dans leur profession. J'ai commandé, par

18 exemple, la Section de la montagne de mon bataillon et nous avions des

19 spécialistes de la montagne. Vous les formez dans le cadre de leurs

20 activités en montagne. Il s'agit de formation en matière de ski, formation

21 militaire également. Le deuxième aspect est de faire en sorte qu'il faille

22 s'occuper du bien-être des soldats parce que je pense que c'est important.

23 Parce qu'en tant que professionnels, s'ils pensent qu'ils ne sont pas

24 traités en bonne et due forme, il est évident que vous ne pourrez pas les

25 former de façon adéquate.

Page 6557

1 Q. Je vous remercie.

2 Général, pouvez-vous confirmer que, même si vous étiez chef de

3 section ou commandant de section, vous étiez au bas de l'échelle dans

4 l'hiérarchie militaire ? Mais pouvez-vous nous confirmer que, toutefois, un

5 chef de section a une importance capitale pour les soldats de sa section et

6 qu'ils considèrent le dirigeant, le chef de leur section conformément -- en

7 prenant en considération le principe d'unité de commandement et ils

8 s'attendent, en fait, à obtenir tout ce dont ils ont besoin dans leur

9 profession de la part de leur chef ?

10 R. C'est exact. Le chef de section représente l'armée pour la jeune

11 recrue. Pour le soldat, il représente l'ensemble de l'organisation parce

12 que le chef est la personne qui est en contact constant avec eux.

13 Q. Je vous remercie. J'aimerais passer à la partie suivante de votre

14 carrière. En 1967, vous avez été envoyé à l'université où vous avez étudié

15 l'histoire et la politique, et vous avez ainsi préparé votre thèse.

16 D'ailleurs, j'ai essayé d'obtenir un exemplaire de votre thèse. Je n'ai pas

17 trouvé d'ailleurs ce que je souhaitais trouver pour ce qui est du

18 commandement et du contrôle. Dans votre thèse, j'ai trouvé des aspects

19 extrêmement importants puisque j'ai, par exemple, obtenu votre thèse

20 intitulée : "Moscou, les tournants, l'échec de la stratégie d'Hitler

21 pendant l'hiver de 1941-1942". Je n'ai pas tout lu, Général, pour être très

22 franc avec vous. J'aimerais vous poser une question rapide à propos de

23 votre thèse, car vous faites référence aux problèmes économiques et aux

24 problèmes de l'industrie de l'armement. Etes-vous en mesure de confirmer

25 que l'industrie de l'armement et le manque d'armes ou le fait que l'on ne

Page 6558

1 peut pas obtenir des armes pour mener à bien une guerre, ainsi que les

2 problèmes et les difficultés économiques représentent des problèmes

3 extrêmement importants pour un commandant ?

4 R. Je ne dirais pas que l'industrie de l'armement est extrêmement

5 importante pour le commandement. La production de cette industrie est

6 importante, car s'il n'a pas à sa disposition les armes nécessaires et les

7 armes dont il a besoin, il lui sera extrêmement difficile de livrer

8 bataille contre l'ennemi.

9 Q. Je passe maintenant, Général, aux années 1974-75, lorsque vous

10 avez participé au cours de commandement et cours pour l'état-major.

11 Pourriez-vous confirmer que c'est le cours où, en général, vous êtes choisi

12 parce que l'on a compris votre potentiel en tant que jeune officier et on a

13 compris que vous pouvez gravir les marches de l'hiérarchie, notamment

14 jusqu'au grade de colonel.

15 R. Oui, c'est un cours, il s'agit en fait d'un cours de sélection. Il y a

16 en fait 10 % des élèves qui sont choisis, compte tenu de différents

17 examens, de différents tests qui sont organisés pendant toute l'année.

18 Ensuite, vous allez à l'école militaire, qui est, en fait, l'institution où

19 vous obtenez vos qualifications pour devenir colonel et même avoir un grade

20 supérieur.

21 Q. En 1975, vous avez la possibilité, Général, de participer à un cours

22 semblable aux Etats-Unis à Fort Leavenworth. Etes-vous d'accord avec moi

23 pour dire que cela a représenté un tournant dans votre carrière puisque

24 vous avez pu rencontrer de nombreux Américains, vous avez rencontré des

25 officiers qui provenaient d'autres pays, et vous avez eu la possibilité de

Page 6559

1 parler de la doctrine des Etats-Unis et de la comparer à la vôtre ?

2 R. Je pense que ce fut, en effet, essentiel. Je ne pense pas que j'ai

3 beaucoup appris là-bas. J'ai pu, effectivement, mettre en parallèle nos

4 objectifs, les différents objectifs, étudier les différentes méthodes qui

5 permettent d'avoir l'avantage. J'ai pu également avoir des contacts avec

6 des soldats qui venaient du monde parce qu'il y avait quelques mille

7 étudiants, dont 120 ressortissants nationaux, ce qui pour moi est

8 extrêmement important.

9 Q. En 1976, vous êtes allé à Heidelberg. Hier, il me semble que vous avez

10 dit que vous avez fait partie de cette école. Dans un premier temps, vous

11 étiez au QG CENTAG, et vous étiez officier G3. Est-ce que vous pouvez

12 confirmer ce grade de G3 ? Il s'agit de la personne qui s'occupait des

13 opérations. Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos fonctions au CENTAG ?

14 R. Mes fonctions consistaient à couvrir toute la zone de montagne pour

15 toutes les forces qui opéraient dans ce secteur, j'entends les forces

16 allemandes, belges, américaines et françaises. Il s'agissait d'avoir un

17 plan de défense total pour l'ensemble du secteur.

18 Q. Merci. Pendant cette période, vous êtes devenu adjoint militaire entre

19 1976 et 1981. Vous êtes devenu adjoint militaire au vice-chef d'état-major

20 de l'armée allemande. Puis-je avancer qu'à partir de ce moment-là, vous

21 vous êtes véritablement occupé de questions opérationnelles et même

22 stratégiques ?

23 R. Oui. Il faut savoir que le vice-chef d'état-major de l'armée allemande

24 est responsable de la planification des opérations, de la structure

25 militaire de l'armée allemande. J'étais une composante de ce processus.

Page 6560

1 Q. En 1983, ou pendant une période de 3 années, il me semble, vous avez

2 été choisi vous-même personnellement par le Dr Manfred Worner pour devenir

3 son conseiller militaire, lorsqu'il a été ministre de la Défense. Pendant

4 cette période de temps, pouvez-vous confirmer que véritablement vous avez

5 étudié, et vous avez traité des questions stratégiques ?

6 R. Oui, Monsieur.

7 Q. A la suite de cette affectation au ministère de la Défense, vous avez

8 commandé une brigade de 6 000 hommes ?

9 R. Oui, Monsieur.

10 Q. Puis-je avancer qu'il s'agit de la position de commandement suprême

11 pour un commandant militaire des forces terrestres ? Puisque vous aviez vos

12 chapitres pour ce qui est des soldats. Si je compare cela à d'autres

13 affectations, je peux dire que vous étiez toujours un officier supérieur de

14 l'armée.

15 R. Je n'aurais pas pu l'expliquer mieux moi-même.

16 Q. En 1988, votre carrière a accusé un autre tournant, puisque vous êtes

17 devenu général de brigade. Ensuite, vous étiez l'adjoint de au niveau de

18 l'état-major, pour ce qui est de la planification des forces de l'armée

19 allemande. D'après les informations que nous avons obtenues, vous vous êtes

20 occupé d'achats, de structures, de réorganisations des forces armées

21 allemandes. Dans un premier temps, pour ce qui est d'acquisition, d'achat

22 de fournitures et de ravitaillements, pourriez-vous nous parler des

23 difficultés que vous avez connues au vu de votre propre expérience dans le

24 domaine du ravitaillement et de la fourniture de matériel militaire ?

25 R. Je pense qu'il y a un ou deux problèmes essentiels. Il faut savoir

Page 6561

1 qu'en règle générale, les besoins des militaires dépassent en le budget du

2 pays. Il faut savoir dans un premier temps comment essayer de régler ce

3 problème tout en essayant de régler le problème budgétaire pour présenter

4 un plan de synthèse qui reprend tous les éléments du problème, afin de

5 satisfaire les exigences des forces armées. Le deuxième élément important

6 vient du fait que parmi les forces, les besoins des différents services;

7 l'armée, la marine, les forces aériennes, les service médicaux, et cetera,

8 se contredisent entre eux, parce qu'ils demandent tous avoir une part plus

9 importante du budget, qui, normalement, ne peut leur être assurer qu'au

10 détriment d'un service voisin. Il faut encore pouvoir harmoniser au niveau

11 interne les exigences du gouvernement, les exigences militaires, ainsi que

12 les exigences du ministère des Finances ou du chancelier.

13 Q. Merci. Pour ce qui est de cette idée de fourniture ou de

14 ravitaillement, il est évident qu'il s'agissait d'une époque de paix.

15 Pourriez-vous nous expliquer comment cela pourrait se dérouler en situation

16 de combat si votre propre pays se trouvait en guerre ?

17 R. Il m'est très difficile de le faire, Maître Bourgon, parce que toute la

18 procédure de fourniture et de ravitaillement ciblait non pas des opérations

19 de paix, mais ciblait des opérations de déploiement. Parce qu'il ne faut

20 pas oublier qu'à l'époque, nous avions encore des problèmes avec le pacte

21 de Varsovie. Il fallait être prêts à se déployer en 48 heures pour pouvoir

22 assurer la défense de l'Allemagne et des forces alliées. Nous ne parlions

23 pas de temps de paix, nous envisagions le scénario de guerre. Tout ciblait

24 la lutte et la guerre contre d'autres forces. Il s'agissait d'être

25 absolument prêts pour leur octroyer le meilleur matériel. Vous savez qu'à

Page 6562

1 l'heure actuelle, le matériel moderne est si complexe, si sophistiqué, que

2 si vous n'avez pas certains éléments au début, vous ne les obtiendrez pas à

3 mi-parcours, en fin de parcours, notamment en ces temps de guerre

4 extrêmement rapides et extrêmement sophistiqués. Il faut toujours prévoir,

5 prévoir ce qui risque de se passer. Il faut prévoir par le menu ce dont

6 vous aurez certainement besoin.

7 Q. Merci. Lors de la deuxième partie de mes questions, j'aimerais vous

8 parler de la réorganisation des forces allemandes. Nous parlons de la

9 période 1988 à 1990. Pouvez-vous confirmer qu'en tant qu'élément de l'armée

10 allemande, si vous avez des connaissances à propos d'autres armées, vous

11 pourrez nous le dire ? Pouvez-vous nous confirmer que, dans de nombreux

12 pays du monde, du fait des facteurs économiques, du fait d'exigences

13 d'économie mondiale -- pouvez-vous confirmer qu'à l'époque, dans de

14 nombreux pays du monde, les armées connaissaient une mutation profonde ?

15 R. Il a fallu que nous réorganisions nos forces comme vous l'avez

16 expliqué. C'était pour nous une situation extrêmement spéciale, parce qu'il

17 fallait faire en sorte qu'elles deviennent plus modernes, plus

18 sophistiquées. Il a fallu également procéder à une diminution des forces

19 qui sont passées de 480 000 à 370, 380 000. Il ne faut pas oublier qu'à la

20 même époque, nous avons eu la réunification de l'Allemagne. Il s'agissait

21 de savoir également comment gérer l'armée de l'Allemagne de l'Est, qui

22 était composée de quelque 100 000 personnes, qu'il fallait en quelque sorte

23 intégrer à l'armée de l'Allemagne de l'Ouest. Nous nous trouvions dans une

24 situation unique, connue par aucun autre pays avant nous. Il a fallu le

25 faire, nous n'avons pas eu beaucoup de préavis non plus. Il a fallu

Page 6563

1 véritablement harmoniser ces deux grandes armées. Il a fallu dans un

2 premier temps diminuer les effectifs de la Bundeswehr, de l'armée de

3 l'Allemagne de l'Ouest. Il a fallu également intégrer l'armée de

4 l'Allemagne de l'Est, ce qui fut un exercice particulièrement

5 problématique. Je peux vous dire, très franchement, que, pendant ma

6 carrière, je n'ai jamais connu une période aussi difficile que celle-ci.

7 Q. Merci. Pouvez-vous confirmer, Général, que cette expérience vous a, à

8 la fois, fourni des connaissances et une expérience dans le domaine de la

9 réorganisation militaire, pour ce qui est de la diminution des effectifs

10 militaires et de l'augmentation d'effectifs militaires ?

11 R. Comme je l'ai déjà dit hier, il s'agit de quelque chose de très

12 compliqué. Si vous devez le faire, de façon structurée, de façon organisée,

13 nous nous trouvions en quelque sorte, dans une situation heureuse, parce

14 qu'il n'y avait pas de guerre à l'époque, il n'y avait pas de pressions

15 politiques. Nous avons pu mener notre barque jour et nuit, mais nous

16 n'étions attaqués par personne. Cela était beaucoup plus facile pour nous.

17 Toutefois, ce fut une tâche particulièrement difficile.

18 Q. Général, vous avez abordé ces éléments hier. Je reviendrai là-dessus

19 d'ailleurs ultérieurement, pouvez-vous comparer cette situation à la

20 situation d'un nouvel état qui essaie de créer sa propre force militaire ?

21 R. A cette époque, je me rendais assez fréquemment en Bosnie-Herzégovine.

22 Je dois dire que j'avais extrêmement beaucoup de compassion pour mes frères

23 d'armes qui, d'un côté, devaient lutter contre un ennemi, par ailleurs,

24 devaient devenir indépendants et devaient mettre sur pied leurs propres

25 forces armées. Je dois dire que cela était extrêmement difficile, qui plus

Page 6564

1 est, le pays se trouvait dans une situation désespérée. J'avais vu tous ces

2 réfugiés. Je me souviens d'avoir reconstruit le pont de Visoko avec mes

3 forces, sur le fleuve Bosna, puisque je me trouvais à Kakanj très souvent.

4 Je dois dire qu'il y avait de nombreux facteurs qu'il fallait garder à

5 l'esprit. C'était une tâche extrêmement difficile et beaucoup plus

6 complexe. Les commandants de l'ABiH, à l'époque, connaissaient une tâche

7 particulièrement difficile. Je pense que cela fut extrêmement complexe pour

8 eux.

9 Q. En 1990, vous avez été promu général de division, vous avez été affecté

10 commandant de l'école militaire de commandants et de l'état-major. Je

11 suppose que c'est la même école militaire où vous aviez été formé ?

12 R. Non, Monsieur. Il s'agit d'une institution supérieure en termes de

13 formation et en termes d'éducation pour l'armée allemande.

14 Q. Général, pouvez-vous confirmer -- cela d'ailleurs a été écrit dans

15 votre déclaration, pouvez-vous confirmer quelle est l'importance de ce

16 genre d'institution pour pouvoir véritablement construire -- ériger un

17 système militaire national ?

18 R. Il s'agit, en effet, du creuset dans lequel vous avez tous les

19 capitaines et toutes les personnes avant qu'ils ne deviennent officiers,

20 qui participent, qui bénéficient du même cours de formation, afin de bien

21 connaître l'orientation des forces armées et afin de se préparer à devenir

22 officiers supérieurs de l'armée. Il s'agit véritablement de l'épine dorsale

23 de toute armée.

24 Q. Général, j'aimerais passer rapidement à l'année 1993, année où vous

25 avez été promu général de corps d'armée. Vous avez été affecté à Koblenz,

Page 6565

1 commandant du 3e Corps. Vous nous avez dit que votre corps se composait de

2 deux Divisions Panzer grenadier. Vous aviez la 5e et la 10e Panzer Division

3 et quelque 30 000 hommes qui faisaient partie de vos troupes. Cela donnait

4 un total de

5 90 000 soldats. Nous parlerons tout à l'heure de la composition de ce

6 corps. Pouvez-vous confirmer qu'il s'agissait du corps le plus large à

7 commander ? Pouvez-vous nous expliquer à quel point cela représentait une

8 gageure pour vous pour effectuer votre mission, puisqu'il a fallu que vous

9 le démanteliez, que vous le réorganisiez ?

10 R. Il s'agissait du corps, en effet, le plus large en Allemagne. C'était

11 un outil extrêmement utile. C'était un corps que l'on pouvait comparer à un

12 corps semblable de l'Armée américaine. Puisque nous étions en train de

13 diminuer les effectifs des Forces armées allemandes, j'ai dû véritablement

14 démanteler tout cela à partir de trois divisions. A partir de trois

15 divisions, il n'y a eu qu'une division qui est restée. Je peux vous dire

16 qu'il est beaucoup plus facile de construire quelque chose que de détruire

17 quelque chose puisque ce fut un moment particulièrement difficile pour ceux

18 qui ont dû quitter leur bataillon -- leur région. Cela a créé beaucoup de

19 frustrations parmi les personnes qui devaient quitter leur bataillon et qui

20 perdaient un emploi. Par ailleurs, nous avons dû également faire un effort

21 de construction avec une nouvelle organisation parce que nous avions

22 commencé le déploiement des Forces allemandes en Somalie. Nous nous sommes

23 rendus compte très vite que d'autres forces allaient être déployées aux

24 Balkans, que nous devions avoir absolument l'organisation pour former les

25 personnes avant qu'elles ne soient déployées afin de les contrôler, de les

Page 6566

1 commander, afin de leur faire comprendre à quel élément national elles

2 appartenaient avant d'aller à l'étranger. Par conséquent, j'ai dû

3 transférer des personnes de mon corps dans des forces armées beaucoup plus

4 limitées.

5 Q. Entre-temps, Général, pouvez-vous confirmer que vous traitiez avec un

6 corps d'officiers professionnels ?

7 R. Oui, Monsieur. Comme j'ai essayé de l'expliquer hier, tous les

8 officiers, qui sont affectés dans ce genre de corps, sont des officiers

9 hors pairs. Vous avez les plus ultra de l'armée parce qu'il s'agit de

10 personnes essentielles pour des opérations essentielles. Elles sont passées

11 par tous les exercices de commandement. Elles ont toutes commandé des

12 compagnies, des bataillions. Ce sont des personnes qui sont véritablement

13 triées sur le volet. J'ai eu moi-même voie au chapitre pour dire qui

14 pourrait être affecté dans ma force.

15 Q. Je vais passer à 1994 à 1990. Lorsque vous avez mis sur pied le corps

16 d'armée à Koblenz, les Forces armées allemandes, que vous assuriez l'agence

17 de coordination à la Bundeswehr de ces opérations à l'étranger. La manière

18 dont j'ai compris cette position, vous étiez coordinateur de ces forces, ce

19 qui signifie que vos missions étaient affectées, étaient basées en

20 Allemagne, et les troupes, que vous vouliez déployer, étaient des troupes

21 que vous déployiez à l'étranger et vous assuriez leur remplacement.

22 R. Non, il ne s'agit pas seulement de mettre à disposition des troupes

23 qu'il fallait déployer. Il s'agissait de préparer ces troupes avant le

24 déploiement d'une mission particulière. C'était une question fort

25 différente du déploiement en Somalie que le déploiement en Croatie, par

Page 6567

1 exemple, pour la FORPRONU. Il faut préparer les hommes, il faut les

2 préparer aux moyens de l'escalade, de la non-escalade, car, lorsqu'ils se

3 rendent dans ces pays, ils y vont avec un objectif précis. Il s'agit de

4 recréer des conditions normales et de faire en sorte que les hommes

5 reviennent à une condition normale. Il s'agit là d'une condition

6 complètement différente. Nous avons formé nos hommes dans ce sens. Nous

7 avons mis en place un système de formation. Chaque soldat, avant d'être

8 déployé de la sorte, devait être formé pendant six semaines environ. Cela

9 dépendait de sa mission, bien sûr. Je m'occupais de leur équipement

10 également. Ce n'était pas chose aisée, car j'avais besoin de matériel

11 sophistiqué particulier pour la protection de mes hommes. Comme je vous

12 l'ai dit un peu plus tôt, l'armée n'a toujours que très peu de ressources.

13 Il y avait un problème de sécurité. Nous voulions nous assurer de ne pas

14 avoir trop de pertes d'hommes lorsque nous étions déployés à l'étranger.

15 Cet équipement, l'équipement de commandement et de contrôle, était

16 essentiel pour ces soldats que nous devions déployer de la sorte.

17 Q. Ai-je raison de dire que vous étiez considéré comme étant le commandant

18 au niveau national pour le déploiement de toutes les forces armées

19 allemandes à l'étranger ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Avez-vous été déployé en même temps que vos hommes, ou est-ce que vous

22 étiez resté en Allemagne et vous rendiez visite à vos hommes ?

23 R. J'avais un brigadier sur place. Votre deuxième phrase est exacte. Tous

24 les 15 jours, j'allais vérifier les déroulements des opérations.

25 Q. Merci. Pouvez-vous confirmer que vous aviez cette responsabilité, et

Page 6568

1 vous aviez toute autorité pour ces hommes déployés à l'étranger ?

2 R. Tout à fait. Le ministère de la Défense m'a octroyé ce rôle. J'étais

3 responsable du déploiement et du bien-être de soldats sous mon

4 commandement. Chaque soldat, qui était déployé à l'étranger, était placé

5 directement sous mon commandement, quelle que soit l'unité à laquelle il

6 appartenait.

7 Q. Merci beaucoup. Je vais essayer d'avancer un petit peu. Vous avez dit

8 qu'en 1998 et 1999, vous avez vu l'apogée de votre carrière. Vous êtes

9 devenu le commandant des forces de l'armée de terre. Vous avez joué un rôle

10 dans la réforme structurelle de l'OTAN, lorsqu'au moment où les tâches de

11 l'OTAN ont été redéfinies. Pourriez-vous élaborer là-dessus un petit peu,

12 s'il vous plaît ?

13 R. Je vais le faire rapidement. L'élément essentiel à ce moment-là était

14 le suivant : l'OTAN avait trop d'hommes. L'OTAN était divisé entre les

15 trois armées, de façon trop définie. Nous voulions que les trois armées

16 soient réunies, de façon à pouvoir diminuer le nombre d'hommes, de façon à

17 avoir moins de chefs de différents corps. Nous avons essayé de réduire,

18 pour beaucoup le nombre des hommes, de réunir les états-majors et de

19 diminuer le nombre de chefs d'état-major, parce qu'il y en avait trop.

20 Q. En 1999, vous avez été nommé commandant de la KFOR ou de la Force de

21 paix internationale au Kosovo. Vous commandiez 50 000 hommes de 39 pays, y

22 compris quatre Corps d'armée russe et 1 200 soldats des Emirats arabes

23 unis. Comment avez-vous fait face à ce défi ?

24 R. La difficulté, c'est qu'au départ je n'avais pas le commandement et le

25 contrôle. Comme je l'ai dit hier, mon précédant, le général Jackson, a

Page 6569

1 redéployé son Corps d'armée, ainsi que toutes ces forces et son contrôle de

2 commandement. J'avais moi-même, le contrôle du commandement et tous mes

3 actifs encore basés, voyez-vous, car mes hommes agissaient au nom de la

4 SFOR, et nous avions laissé tout notre équipement sur place. Nous avons dû

5 rebâtir un système de contrôle et de commandement, qui ne s'appliquait pas

6 seulement à nos propres forces, mais qui est utilisé par l'ensemble des

7 Nations Unies, ainsi que les Forces de police parce qu'il n'y avait aucun

8 système en place au Kosovo à ce moment-là. Nous avons dû tout recréer, et

9 il y avait toutes ces nations présentes. J'ai estimé qu'il était très

10 difficile de mettre en place un système de contrôle et de commandement pour

11 des hommes aussi différents, de cultures différentes, de nationalités

12 différentes, de religions différentes, de couleurs de peau différentes,

13 entre l'Argentine et l'Azerbaïdjan. J'ai estimé que c'était plus facile si

14 nous voulions restaurer ou mettre en place un air de normalité, parce que

15 nous voulions que les familles des Albanais et des Serbes -- nous voulions

16 que leurs conditions de vie soient meilleures, en tout cas, meilleures que

17 pendant la guerre.

18 Ces hommes de la KFOR étaient, en fait, beaucoup plus faciles à gérer

19 que ce que j'avais prévu.

20 Q. Vous pouvez confirmer, Général, que vous avez une expérience de

21 première main des difficultés que vous avez rencontrées lorsqu'il s'agit de

22 mettre en place un système de contrôle et de commandement dans un contexte

23 aussi nouveau, puisqu'il s'agissait des ces Forces du maintien de la paix ?

24 R. Oui, Monsieur.

25 Q. Fort de cette expérience, vous tentiez de mettre sur pied la même

Page 6570

1 chose. Autrement dit, les soldats, que vous tentiez de déployer, étaient

2 des soldats qui n'avaient reçu aucune formation ou qui n'étaient, tout

3 simplement, pas des soldats du tout. Vous n'aviez pas de corps d'officiers

4 de carrière et cet esprit de combat n'était pas toujours présent. Comment

5 pouvez-vous appliquer votre expérience, à savoir de la difficulté que vous

6 avez rencontrée, comment, face à ce deuxième scénario que je viens de

7 décrire ?

8 R. Comme je l'ai décrit dans mon rapport, j'ai précisé que cela devait

9 être une tâche fort difficile pour les commandants, les dirigeants de

10 Bosnie-Herzégovine, de mettre en place une armée de ce type, de former les

11 soldats et de combattre en même temps un ennemi double. C'était une chose

12 extrêmement difficile. Je suis très surpris de constater à quel point ils

13 ont réussi, au plan opérationnel, à faire fonctionner cette armée.

14 Q. Est-ce que vous pourriez confirmer, Général, que vous aviez à l'esprit,

15 lorsque vous étiez au Kosovo, et vous aviez ce défi, qu'il s'agissait là --

16 vous vous concentriez sur votre mission ?

17 R. Oui, tout à fait. Pour revenir à votre dernière question, la mission

18 était très différente de celle de mes frères en armes en Bosnie-

19 Herzégovine, parce que je n'étais pas là pour me battre. J'étais là pour

20 essayer de stabiliser la situation à l'extérieur et à l'intérieur. C'était

21 la situation sine qua non. Il fallait mettre en place un système stable, il

22 fallait relancer l'économie.

23 Si j'avais dû me battre contre un ennemi avec les forces armées dont

24 je disposais, j'aurais été dans une situation extrêmement difficile. Je ne

25 sais pas comment j'aurais réussi à me battre avec ces hommes faisant partie

Page 6571

1 d'une force multinationale. Il ne s'agissait pas d'une armée de

2 combattants, mais de soldats du maintien de la paix, ce qui est une chose

3 très différente.

4 Je souhaite maintenant passer à la dernière partie de votre carrière

5 qui s'applique peut-être moins ici en l'espèce. On vous a renvoyé à

6 LANDCENT, et vous avez dû réorganiser le QG. Je souhaite que vous précisiez

7 à la Chambre ce que vous entendez par quartier général conjoint. Il s'agit

8 là des trois armées. Toutes les opérations multinationales se fondent sur

9 ce système de regroupement des trois armées. J'aimerais que vous expliquez

10 ceci un petit peu.

11 R. Il s'agit des deux parce que l'état-major, que j'avais, c'était un

12 état-major multinational. J'avais tous les pays de l'OTAN représentés au

13 sein de ces forces, y compris la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie,

14 qui avaient été intégrées à mon état-major à ce moment-là. L'élément-clé

15 était de tirer avantage des efforts déployés auparavant. Il s'agissait de

16 mettre en place l'Armée de terre. L'Armée de terre devait être mieux

17 composée. Il y avait 60 hommes de l'Armée de l'aviation et 20 de la marine

18 dans mon état-major parce que je voulais que je puisse avoir, au sein de

19 mon état-major, des hommes qui avaient une connaissance des trois armées.

20 C'est ainsi que l'armée moderne évolue. C'est dans ce sens.

21 Q. Général, j'ai voulu vous poser une question. Est-ce que vous avez

22 participé à un manœuvre militaire de grande envergure qui a eu lieu à

23 Prague en l'an 2000.

24 R. Non, je n'ai pas participé à cette opération-là car j'étais encore au

25 sein de la KFOR. Je l'ai surveillé de loin. Nous avions encore du mal, à ce

Page 6572

1 moment-là, à intégrer l'Armée tchèque au sein de l'Armée de l'OTAN. Nous

2 les avons formés de façon différente à mon quartier général. Je n'ai pas

3 participé à ce manœuvre de grande envergure à Prague.

4 Q. J'en ai terminé avec la première partie de mon interrogatoire principal

5 [comme interprété]. Il s'agit des éléments de contexte. Votre expérience

6 ici peut aider la Chambre.

7 Je vais passer maintenant à la deuxième partie de mon interrogatoire, et je

8 souhaite parler de la manière dont est organisé une structure de corps

9 d'armée, ce qui va peut-être aider la Chambre. Je veux démarrer par

10 quelques concepts très simples et pour ensuite aborder quelques principes

11 plus complexes. Je vous demande de me dire si vous êtes d'accord avec ce

12 que je vais vous dire. Il s'agit d'un élément de doctrine ici que je vais

13 vous soumettre, d'un manuel. J'ai quelque chose à vous soumettre.

14 M. BOURGON : [interprétation] Est-ce que je peux demander à Mme l'Huissière

15 de remettre ce document au témoin, s'il vous plaît ?

16 Q. Général, vous avez les différents grades de l'armée. Je parle ici de

17 l'Armée de terre. Bien qu'il y a des différences entre les grades entre les

18 différents pays, est-ce que vous pourriez confirmer qu'il s'agit là d'une

19 structure assez standard ? Ici, nous passons de la gauche, il y a les

20 officiers, et nous avons ici, cadet, qui est un officier en second du

21 lieutenant, un capitaine, un commandant, dans certains pays, on l'appelle

22 commandant, lieutenant-colonel, brigadier général, et celui du général de

23 brigade et général du corps d'armée, et un général comportant quatre

24 étoiles, qui est le grade qui vous aviez vous-même.

25 R. Oui, Monsieur.

Page 6573

1 Q. Ensuite, vous avez, de l'autre côté, les sous-officiers. A droite ici,

2 vous avez les recrues, le soldat qui a une formation militaire de base et,

3 ensuite, vous remontez un petit peu. Vous avez, comme au Canada, les

4 officiers, dans certains pays, on l'appelle ceci, les sous-officiers

5 seniors. Vous avez différents niveaux ici. S'agit-il d'une structure

6 standard ?

7 R. Oui, Monsieur.

8 M. BOURGON : Je voudrais avoir ce document marqué aux fins

9 d'identification. Est-ce que je pourrais avoir un numéro, s'il vous plaît,

10 Monsieur le Président ?

11 M. MUNDIS : [interprétation] Je ne sais pas si M. Bourgon souhaite verser

12 ceci au dossier. Nous ne nous opposons pas à ce que ce document soit marqué

13 aux fins d'identification ou versé au dossier, mais c'est à la Défense d'en

14 décider, bien sûr, et vous, Madame et Messieurs les Juges.

15 M. BOURGON : Monsieur le Président, nous faisons une demande pour un numéro

16 définitif.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, donnez-nous le numéro définitif

18 de ce document.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce numéro DH135.

20 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

21 [interprétation] Puis-je demander à Mme l'Huissière de distribuer le

22 deuxième document, s'il vous plaît ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

24 M. BOURGON : [interprétation]

25 Q. Monsieur le Général Reinhardt, ai-je raison de dire que ce

Page 6574

1 deuxième document tient compte du fait qu'il y a quelques différences entre

2 différents pays d'une façon générale. Il s'agit-là d'une structure normale

3 au sein de l'armée, représentant les différentes unités et sous-unités au

4 sein de l'armée de terre, en passant d'un détachement de trois à six

5 soldats, à une section, à un peloton, à une compagnie, à un bataillon, un

6 régiment. Là, nous avons "bataillon" et "régiment", le nom change.

7 Quelquefois, on appelle cela "régiment" s'il s'agit d'un Régiment

8 d'Artillerie et d'une "brigade" s'il s'agit d'une division et d'un corps.

9 Etes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit-là de l'organisation normale

10 d'une unité et d'une taille communément acceptée dans l'armée ?

11 R. Oui.

12 M. BOURGON : Nous aimerions soumettre ce document, Monsieur le Président.

13 Q. [interprétation] C'est une question, je sais, assez simple pour vous,

14 Général, mais ce que j'entends par là, derrière ce diagramme, nous parlons

15 des différentes unités. C'est de façon à ce que nous puissions bien

16 comprendre quel est le rôle joué par chaque unité. D'après ce que vous avez

17 dit dans votre déclaration préalable, vous avez dit que la taille des

18 unités que vous avez rencontrées, c'est la base du document que vous avez

19 lu, ne correspondent peut-être pas exactement au chiffre indiqué ici.

20 R. Oui, Monsieur. Si je peux parler de chiffres au niveau des divisions et

21 des corps, ceci varie beaucoup au sein de l'OTAN. J'ai commandé six corps

22 multinationaux. Chaque corps était différent l'un de l'autre à cause de la

23 taille, de la composition des nationalités différentes. Il faut vraiment

24 considérer qu'il s'agit-là d'un terme mais ce que ce terme recouvre est

25 parfois très différent d'un pays à l'autre et d'une organisation à l'autre.

Page 6575

1 Je pourrais dire la même chose pour ce qui est d'une division.

2 Q. Merci.

3 M. BOURGON : [interprétation] Madame, Monsieur, je vous demande maintenant

4 de faire passer un autre document, s'il vous plaît.

5 [En français] Je m'excuse, Monsieur le Président, est-ce que je pourrais un

6 numéro ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Mundis.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Eu égard au document que nous avons maintenant

9 sous les yeux, qui précise que cela va du corps au détachement, nous ne

10 soulevons aucune objection quant au versement de ce dossier avec la mise en

11 garde suivante : j'ose préciser par la Défense qu'il s'agit-là plutôt d'une

12 structure générique où les tailles et les chiffres ici donnés sont

13 génériques et ne sont pas particuliers à l'ABiH. Hormis cela, nous n'avons

14 aucune objection à ce que ce document, intitulé, "Formations, unités et

15 sous-unités," soit versé.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

17 Madame la Greffière, donnez-nous un numéro.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce portant la cote

19 numéro DH136.

20 M. BOURGON : Merci beaucoup, Monsieur le Président.

21 Q. [interprétation] J'ai maintenant deux documents que je souhaite aborder

22 avec vous. Lorsque nous parlerons d'un Corps d'armée, il y a différents

23 Corps d'armée. Des manières de définir un corps, c'est de dire que si vous

24 avez un corps lourd ou un corps léger. Si vous avez un Corps lourd, cela

25 pourrait être un Corps blindé ou un Corps mécanisé. Pourriez-vous confirmer

Page 6576

1 cela ? Lorsque nous parlons d'un Corps de blindés, il s'agit-là d'un corps

2 au sein duquel la plupart des corps seront blindés, alors qu'un Corps

3 mécanisé, il s'agira principalement de l'infanterie qui utilise des

4 véhicules à chenille. Est-ce qu'il s'agit-là d'une déclaration exacte ?

5 R. Non. Il s'agit-là de l'idée préconisée par le pacte de Varsovie par

6 rapport aux types de corps au sein de l'OTAN. Ceci est complètement

7 dépassé. Il s'agit de deux types d'armée comportant des Corps d'armée, des

8 Corps mécanisés. Ces différences n'existent plus qu'en bien même cela

9 existerait dans l'armée parce qu'il faut un mélange des deux différentes

10 troupes pour avoir davantage de souplesse pour le général qui commande ces

11 forces armées. Vous avez des forces mécanisées comme au sein de la brigade

12 et de la division et ce type de mélange. Vous avez un Corps lourd, vous

13 avez même un Corps mécanisé, mais c'est toujours mélangé. Cette notion de

14 Corps léger d'Infanterie et de Mobile n'existe quasiment plus.

15 Q. En fait, je ne parle pas de l'intitulé du corps. La question que je

16 vous pose est : si un corps utilise davantage de blindés ou d'éléments à

17 chenille, s'il s'agit d'un Corps motorisé ou d'un Corps léger, autrement

18 dit, il n'y a pas de véhicules motorisés ou à chenille, ceci n'a aucune

19 incidence sur le nombre d'hommes inclus dans ce corps, mais d'éléments de

20 soutien pour permettre à ce corps d'opérer normalement.

21 R. La taille du corps changera peut-être car les Forces non mécanisées

22 comportent davantage d'hommes. Les éléments à l'appui des Forces

23 mécanisées, d'autre part, comportent une infanterie légère. C'est très

24 difficile de généraliser dans les corps parce que les corps, aujourd'hui,

25 la manière que nous les mettons en place, sont organisés de façon

Page 6577

1 différente et sont définis en fonction des missions. Historiquement

2 parlant, je crois qu'il s'agit de quelque chose qui n'est plus appliqué

3 aujourd'hui.

4 Q. Merci beaucoup. Simplement, pour revenir sur cette question, le corps

5 que vous avez commandé comportait 90 000 hommes, y avait-il un lien entre

6 la taille de votre corps et le type d'équipement dont vous disposiez ?

7 C'était une Division de Panzer qui est, bien sûr, une Division

8 d'Infanterie. Par conséquent, vous aviez besoin de matériel à l'appui très

9 important.

10 R. Je dois préciser que cette Division grenadier Panzer comporte trois

11 brigades : deux Brigades mécanisées et une Brigade de blindés. Dans toute

12 Brigade blindée, il y a toujours une Division mécanisée et vous avez au

13 moins une Brigade de blindés, de bataillons. Il y a toujours un mélange des

14 deux.

15 Dans la Bundeswehr, autrefois il y avait 5 800 chars de l'Armée allemande.

16 Maintenant, nous en avons beaucoup moins. Nous n'en avons que 530. Nous

17 nous orientons vers quelque chose de complètement différent aujourd'hui, un

18 corps qui est complètement différent. Ce rappel historique, c'est fort

19 intéressant, mais cela fait cinq ou six ans maintenant déjà que nous

20 n'utilisons plus ce système-là.

21 Q. Merci beaucoup, Général.

22 M. BOURGON : Vu le commentaire du témoin sur ce document, je n'entends pas

23 le produire à titre d'élément, mais je demanderais à l'Huissière de venir

24 voir le prochain document.

25 Q. [interprétation] Prenons ce document, mon Général. Encore une fois, il

Page 6578

1 ne s'agit pas d'essayer de donner un libellé à ce corps mais d'essayer

2 d'illustrer quelque chose. Si un corps a une mission à accomplir à

3 l'étranger, dans un autre pays, par exemple, ou si un corps est nommé à

4 accomplir une mission sur son territoire national, la taille du corps

5 variera peut-être. Les équipements à l'appui seront différents.

6 R. Vous avez tout à fait raison. Il ne s'agit pas seulement de soutien

7 logistique, mais c'est surtout le soutien, en termes de commandement et de

8 contrôle qui sont importants. Si vous commencez à partir de rien, c'est

9 plus difficile. En revanche, si vous êtes dans votre propre pays, vous

10 pouvez utiliser tout ce qui est à votre disposition pour vos opérations de

11 défense.

12 Q. Merci, Général.

13 M. BOURGON : Un numéro, s'il vous plaît.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, sur le document, "Nature of

15 Military Corps" ?

16 M. MUNDIS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président,

17 l'Accusation ne soulève aucune objection avec la mise en garde suivante

18 puisqu'il s'agit là, évidemment, de document suivi par le Corps des marines

19 américains.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro, s'il vous plaît.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la Défense PHDH137.

22 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

23 [interprétation] Je demanderais à l'Huissière de prendre le prochain

24 document, s'il vous plaît.

25 M. BOURGON [interprétation] :

Page 6579

1 Q. Général, vous avez certainement compris d'après mes questions,

2 que ce j'essaie de faire ici, c'est de fournir des éléments d'information à

3 la Chambre de première instance d'essayer de comprendre ce que signifie un

4 corps et quel est le rôle d'un corps d'armée. Etes-vous d'accord avec moi

5 pour dire que le document que vous avez maintenant sous les yeux, est un

6 document qui représente ou qui met en exergue des différents niveaux,

7 lorsqu'on est en guerre, le niveau stratégique. On passe du niveau au

8 niveau opérationnel, jusqu'au niveau tactique, que ceci est très important

9 pour déterminer l'emplacement du corps. Le corps se situait au niveau

10 opérationnel ?

11 R. Oui, Monsieur.

12 Q. Je vais ici être un peu plus précis. Pourriez-vous, Général, nous

13 parler davantage des différences qui existent entre le niveau stratégique,

14 le niveau opérationnel et le niveau tactique ?

15 R. Je dirais qu'il y a dix ans, la réponse était assez simple, puisque le

16 niveau stratégique représentait tous les moyens et les efforts déployés par

17 un seul pays, un seul organe, tout ce qui serait mis au service d'une

18 opération. Il ne s'agit pas seulement de l'armée, mais il s'agissait des

19 efforts sur tous les plans, y compris moral, puisqu'il s'agissait de

20 réaliser un objectif, objectif qui devrait être atteint par des moyens

21 militaires. La stratégie, signifiait toujours de -- c'est une définition

22 qui nous vient de Clausewitz, qu'au plan politique, militaire, et moral,

23 tous ceux-ci sont très importants lorsqu'une opération militaire est en

24 jeu.

25 Le niveau opérationnel jusqu'à il y a 10 ans, au sein de mon armée, la

Page 6580

1 plupart des armées du monde, était contenu au niveau du corps. Cela fait

2 partie de l'histoire maintenant, car de petites opérations de Forces

3 spéciales, par exemple, d'une compagnie, pourraient avoir des conséquences

4 au plan opérationnel. On l'intitulerait niveau opérationnel. Le niveau

5 d'une organisation, n'est pas la clé de voûte d'une opération. Ce qui est

6 important, c'est de savoir l'importance que revêt une stratégie pour un

7 pays donné.

8 Un niveau tactique représente un peloton, une section, une brigade,

9 une compagnie, une division d'un certain pays. Les corps n'existaient plus

10 déjà. Certains pays n'ont pas de divisions non plus, ils se battent contre

11 des brigades. Ce sont des corps qui combattent les brigades. Ceci est un

12 peu flou. Il faut bien comprendre s'il s'agit là d'une mission de

13 différentes forces utilisées dans une mission, si elle est tactique

14 opérationnelle.

15 Par exemple, dans la dernière guerre en Irak, une division mécanisée,

16 représentée par la 3e division mécanisée, qui a attaqué Bagdad. La division

17 comportait quelque chose de plus grand. Ceci était particulier.

18 Q. Merci, Général.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, donnez-nous un numéro.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction DH138.

21 M. BOURGON [interprétation] :

22 Q. J'ai un troisième document à vous présenter, Général, pour ce qui

23 concerne les niveaux de guerre. Ceci enchaîne sur ce que vous venez de

24 dire.

25 Général, pourriez-vous confirmer, s'il vous plaît, que ce schéma montre les

Page 6581

1 liens qui existent entre le niveau stratégique, le niveau opérationnel et

2 le niveau tactique ?

3 R. Oui.

4 Q. Ce schéma semble peut-être un petit peu compliqué aux profanes, à ceux

5 qui n'ont jamais vu ce genre de schéma auparavant. Si on essayait de le

6 simplifier. Pourrait-on dire qu'au niveau tactique, les unités se verraient

7 assigner des tâches très spécifiques, qu'au niveau opérationnel, la tâche

8 accomplie jouera un rôle au sens de la campagne menée, tandis qu'au niveau

9 stratégique, toute la campagne, l'ensemble de ce qui se produit au sein

10 d'une campagne, rentrera dans le cadre de l'objectif stratégique d'un

11 état ?

12 R. C'est une très bonne description de ce schéma.

13 Q. Merci, Général.

14 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'aurais besoin d'une cote pour cette

15 pièce.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, pouvez-vous nous donner la référence

17 de ce document, qui est une annexe certainement d'un document quelconque,

18 d'un livre d'où est tiré ce schéma ? Vous auriez pu poser la question au

19 témoin. Est-ce que ce schéma est applicable aux pays relevant de l'OTAN ?

20 Etait-il applicable aux pays de l'ex-pacte de Varsovie, bien que l'ex-

21 Yougoslavie ne faisait pas partie du pacte de Varsovie, était-il applicable

22 en 1993 ? Car, dans les réponses du témoin, la Chambre a l'impression qu'il

23 donne des réponses, mais sur la situation d'aujourd'hui. Ce qui intéresse

24 la Chambre, c'est en 1993. En quelque sorte, est-ce que ce schéma était

25 applicable en 1993 ?

Page 6582

1 M. BOURGON : Merci. J'essayais de sauver du temps un peu, mais la Chambre a

2 tout à fait raison. Je vais préciser mes questions, Monsieur le Président,

3 de façon à -- le but est vraiment d'assister la Chambre. Je m'excuse pour

4 ce manquement.

5 Q. [interprétation] Pourriez-vous confirmer que ce schéma ne se réfère pas

6 réellement à une doctrine militaire, en particulier, que ce soit celle du

7 pacte de Varsovie ou de l'OTAN, qu'il s'agit ici plutôt d'un document plus

8 fondamental qui présente des principes de base militaire, que ces principes

9 s'appliquaient en 1993 à la plupart des armées du monde, y compris aux

10 parties belligérantes en Bosnie-Herzégovine ?

11 R. Excusez-moi, c'était une question qui m'était adressée ou c'était une

12 affirmation ?

13 Q. C'était une question.

14 R. Je suis d'accord avec cela.

15 M. BOURGON : Monsieur le Président, je n'ai pas la source exacte du

16 document. Je sais que le document provient d'un manuel canadien. J'en ai

17 utilisé plusieurs. Je n'ai pas la référence exacte, mais je pourrai la

18 fournir à la Chambre.

19 Je remarque, Monsieur le Président, qu'au bas du schéma, à droite, il y a

20 un numéro où on indique DLCD6. Cela se rapporte à une publication

21 canadienne. Je pourrais fournir les coordonnées exactes un peu plus tard,

22 Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Madame la Greffière, donnez-nous un numéro

24 pour ce document.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense, la

Page 6583

1 pièce DH139.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, j'ai peut-être été trop vite. Y a-

3 t-il une opposition de l'Accusation sur ce document qui a été confirmée par

4 le témoin, qui dit que c'est un schéma général applicable en 1993 ?

5 M. MUNDIS : [interprétation] Nous n'avons pas d'objections à soulever,

6 Monsieur le Président. Lorsque Me Bourgon aura identifié la source, nous

7 lui serons reconnaissants de nous la communiquer. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Madame la Greffière, donnez-nous un

9 numéro, s'il vous plaît.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense DH139.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

12 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

13 Q. [interprétation] Général, j'ai un autre document que je souhaite vous

14 présenter. Cette fois-ci, encore une fois, il s'agit des niveaux de guerre.

15 Nous estimons qu'il est important de comprendre à quel niveau se situait le

16 combat en Bosnie-Herzégovine en 1993. Général, ce document comporte des

17 références. C'est un document qui se fonde sur la doctrine de l'OTAN, aussi

18 sur celle des Etats-Unis. En tant que tel, ce document nous présente le cas

19 de figure, à savoir, ce qui se passe au niveau opérationnel de la guerre,

20 comme ce que nous avons déjà vu. J'attire votre attention sur la partie qui

21 se situe au milieu du document, où il est question des Etats-Unis, où il

22 est dit en gras : "Les activités à ce niveau, constituent un lien entre la

23 tactique et la stratégie et ce, par voie d'établissement d'objectifs

24 opérationnels qui sont nécessaires afin d'aboutir à ces objectifs

25 stratégiques. Les éléments doivent être sériés afin d'atteindre des

Page 6584

1 objectifs opérationnels, lancer des actions et appliquer ou utiliser les

2 ressources afin de pouvoir produire ces événements."

3 Pouvez-vous confirmer, Général, que cette description du niveau

4 opérationnel correspond à la situation en Bosnie-Herzégovine en tant que

5 principe militaire de base en 1993 ?

6 R. Si c'est de la coopération que nous parlons, oui. Parce qu'il y avait

7 des liens entre les objectifs stratégiques du pays et les opérations qui se

8 produisaient au niveau tactique.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le

10 Président. Avant que mon éminent collègue ne poursuivre, il me semble qu'il

11 y a une erreur dans le compte rendu d'audience, page 32, ligne 1. Je ne

12 suis pas sûr ce que le témoin a dit. A-t-il parlé "des opérations au niveau

13 de Corps d'armée" ? Ou a-t-il parlé "des coopérations" ? C'est deux fois

14 que l'on voit apparaître ce terme. Pourrait-on préciser cela, s'il vous

15 plaît ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous faire préciser au témoin ce point ?

17 M. BOURGON : [interprétation]

18 Q. Général, je ne sais pas si vous êtes en mesure de lire le compte rendu

19 d'audience qui est devant vous.

20 R. Oui. Je parlais de "Corps d'armée". Je ne parlais pas de

21 "coopérations". Je parlais des opérations menées par des Corps d'armée, que

22 ce soit le 3e, le 5e.

23 M. BOURGON : Monsieur le Président, puis-je avoir un numéro pour le

24 document afin de le déposer au dossier, s'il vous plaît ?

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, pas d'objections ?

Page 6585

1 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections de la part de l'Accusation.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce DH140.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

5 M. BOURGON : [interprétation] J'ai un autre document que je souhaite

6 présenter au témoin.

7 Q. Général, ce document qui vient de vous être remis nous montre les

8 éléments principaux qui constituent une armée. Pouvez-vous confirmer à

9 présent, et vous voyez sur ce schéma, qu'il vient de la doctrine de l'OTAN

10 car, à gauche, on voit qu'il est question du QG suprême des forces alliées.

11 Pourriez-vous nous confirmer que le cas général est celui où, pour un état,

12 ceci serait une organisation typique de l'armée ? Il y aurait deux

13 composantes, à savoir, sur le terrain et dans le pays, tandis que le QG

14 d'une Armée nationale se composerait, par exemple, d'un Corps d'armée qui

15 serait composé de trois divisions, disons, mais que ceci pourrait être

16 soumis à des changements. Comme vous l'avez dit, ceci pourrait être très

17 souple. Au sein d'une division, il y aurait deux à quatre brigades. Ce

18 serait une organisation typique d'une brigade.

19 R. Oui, je pense que c'est exact ce que vous venez de dire. Il faut savoir

20 aussi qu'il y a d'autres situations, par exemple, comme dans l'ex-Armée

21 allemande. Les deux armées que l'on voit ici sur le terrain et dans le

22 pays, c'était une et même armée. Je pense qu'il est important de le

23 signaler, parce que cela s'applique aux forces bosniennes. Il y avait des

24 forces cantonnées sur le terrain. On ne pouvait pas opérer une distinction

25 entre les deux. Ceci s'applique aux Forces expéditionnaires. Pour les

Page 6586

1 forces qui défendent leur propre pays, normalement, ces distinctions ne

2 s'appliquent pas. Ce n'est pas comme cela que l'armée est structurée.

3 Q. Merci, Général. Ce qui m'intéresse, c'est la chose

4 suivante : lorsqu'une armée défend son propre territoire, est-ce qu'il y a

5 un chevauchement entre ces deux structures ? Ou est-ce qu'elles sont

6 finalement fusionnées en une seule ?

7 R. Oui, c'est cela.

8 M. BOURGON : Monsieur le Président, je voudrais présenter ce document

9 également. Je n'ai pas la source exacte, sauf que c'est un document qui

10 provient de la doctrine de l'OTAN.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président. Ceci

13 étant dit, si la Défense pouvait dans les jours qui viennent, nous préciser

14 la source très précise du document, ce serait très bienvenu. Sinon, nous

15 n'avons pas d'objections.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Me Bourgon s'est engagé à nous indiquer d'où

17 venaient ces documents.

18 Madame la Greffière, vous pouvez nous donner un numéro.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la Défense, pièce DH141.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

21 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

22 [interprétation] Je me propose de présenter au témoin à présent deux

23 documents d'un coup. Je demanderais aussi que ces documents soient versés

24 au dossier sous une seule cote, en tant qu'un seul document.

25 Q. Général, pourriez-vous confirmer, s'il vous plaît, que ces deux

Page 6587

1 documents, que vous êtes remis, je sais que c'est un petit peu long à lire,

2 mais, si vous pourriez les parcourir. Pourriez-vous nous dire s'il s'agit

3 bien d'un premier document qui nous parle de la conception de la campagne

4 présentée par un commandant de corps ? Je vous demanderais, en vous fondant

5 sur vos connaissances et votre expérience, de nous dire ce que vous

6 comprenez sur le syntagme "conception d'une campagne." Dites-nous si ce

7 chapitre du manuel de la doctrine canadienne constituerait une conception

8 habituelle d'une campagne et est-ce que cela s'appliquerait à la Bosnie-

9 Herzégovine en 1993 ?

10 R. Ce n'est pas vraiment contradictoire puisque ce que je vois ici, dans

11 ce texte canadien, c'est effectivement très ciblé sur la mission. Le

12 commandant reçoit la mission d'attaquer ou de défendre un objectif. Il

13 obtient aussi les ressources, les moyens lui permettant de le faire, mais

14 la manière de faire c'est lui qui en a le choix. C'est lui qui décide

15 comment il va employer les forces, quelle sera l'action, comment il

16 l'organisera, quel sera le plan général de campagne, quels sont les

17 éléments à l'appui, comment il coopérera avec les forces adjacentes. Cela

18 dépend un petit peu de son intuition et de la manière dont il travaille

19 avec son état-major, avec ses effectifs. Il prendra une décision et il

20 concevra ce plan de campagne.

21 Le général a beaucoup de liberté, beaucoup de marge de manœuvre. Il

22 ne voit pas vraiment sa liberté réduite. Sur la base de la doctrine, le

23 commandant, sur le terrain a la possibilité de choisir le meilleur moyen

24 d'agir sans qu'il y ait interférence des QG supérieurs.

25 Dans d'autres pays, vous avez des manières très différentes. Par

Page 6588

1 exemple, on peut détailler pas par pas un plan de campagne qui doit être

2 approuvé par un commandement supérieur, c'est une manière beaucoup plus

3 rigide par exemple, dans l'Armée allemande ou britannique ou française. Il

4 y a une grande différence, à savoir quelle sera l'initiative, la marge de

5 manœuvre en fonction de la manière dont la situation se développe sur le

6 terrain.

7 Pour autant que je le sache, et de ce que j'ai pu en déduire des

8 documents que j'ai étudiés pour ce qui est la JNA, et grâce à mes

9 conversations avec les officiers de la JNA, ils avaient beaucoup moins de

10 liberté que ceux qu'on voit ici aux échelons inférieurs. Ils avaient une

11 manière différente de coordonner les opérations. Ici, on fait beaucoup plus

12 confiance aux subordonnés. On lui fait confiance, on pense qu'il exécutera

13 sa mission comme il convient. On accepte aussi qu'il puisse faire des

14 erreurs.

15 Dans l'Armée américaine, par exemple, on donne des ordres au

16 commandant beaucoup plus en détail. Ces ordres sont beaucoup plus détaillés

17 que dans l'Armée allemande ou britannique. Pour autant que je m'en

18 souvienne, dans les pays du pacte de Varsovie, et j'ai parlé aussi à mes

19 collègues est-allemands, il y a avait beaucoup, beaucoup plus de rigidité.

20 Q. Merci, Général. Sur la base de ce que nous voyons ici, ce rappel

21 historique de 1940, ma question est la suivante : un commandant de Corps

22 d'armée s'occupe des questions qui, effectivement, figurent sur ces

23 documents.

24 R. C'est lui au fond qui choisit le terrain où il mènera sa

25 campagne. C'est lui qui prépare ses troupes. Il choisit l'ordre de

Page 6589

1 priorité. Il choisit les troupes qu'il souhaite verser dans l'opération, de

2 la manière dont il estime être la meilleure pour l'opération, ainsi que le

3 soutien et l'appui dont il a besoin. Tout cela dans le cadre de l'objectif

4 opérationnel principal qui lui a été consigné par le commandement

5 supérieur. Un commandant de corps d'armée a un commandant d'armée, et au-

6 dessus de lui, vous aviez, à l'époque, Hitler. Il y avait peu d'échelons

7 intermédiaires. Il fallait qu'il s'assure que sa campagne correspondait

8 effectivement dans ce tableau général de l'ensemble de la campagne qui est

9 décrit ici, que cela corresponde de manière adéquate. Il devait toujours se

10 projeter deux échelons au moins au-dessus de son niveau pour s'assurer que

11 ce qu'il conçoit, ce qu'il décide au niveau opérationnel correspond au plan

12 général qu'il connaissait. Je pense que c'est cela qui est l'élément-clé.

13 C'est cela. Vous transmettez vos idées opérationnelles au moins à deux

14 échelons supérieurs. Cela dépend des états dépendamment du moment, et

15 cetera, et du plan général.

16 Q. Je vous remercie.

17 Essayons d'appliquer maintenant cette information à la situation qui

18 prévalait en Bosnie-Herzégovine en 1993. On a un commandant de corps

19 d'armée. Je ne parle pas d'un commandant en particulier. C'est le type de

20 questions dont s'occupe un commandant de corps d'armée, compte tenu de la

21 situation qui est la sienne. Vous savez quelle était la situation. Il y

22 avait le commandant suprême à Sarajevo. Les autres, le reste des troupes

23 était déployé sur le terrain. Est-ce que c'est le type de question dont il

24 se serait occupé pendant la guerre en Bosnie ?

25 R. Un commandant de corps en Bosnie devait toujours prendre en

Page 6590

1 considération les objectifs au niveau stratégique, c'est-à-dire les

2 objectifs du QG suprême de son armée et, aussi, les conceptions

3 stratégiques du président. A l'époque, on sait que le président Izetbegovic

4 s'intéressait de manière très proche à ce qui se passait sur le terrain,

5 puisque c'est un pays relativement petit, il faut le savoir. En tant que

6 commandant de corps, je pense que vous avez toujours présent à l'esprit

7 qu'il y a des objectifs au niveau politique, et vous devez savoir aussi

8 quels sont les objectifs militaires au plus haut niveau, au niveau du

9 commandement suprême avant que vous lanciez vos propres opérations.

10 Q. Merci beaucoup, mon Général.

11 M. BOURGON : J'aurais besoin d'une cote et je souhaite verser ce document,

12 Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons deux documents. On nous a demandé un

14 numéro commun.

15 Monsieur Mundis.

16 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'objections, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, vous nous donnez un numéro

19 unique pour ces deux documents.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense DH142.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : DH142.

22 Il nous reste cinq minutes avant la pause. Est-ce que --

23 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'aimerais montrer un dernier document.

24 Encore une fois, le document comporte deux pages que je vais montrer pour

25 terminer avant la pause, Monsieur le Président.

Page 6591

1 Q. [interprétation] Général, on vient de vous remettre deux documents ou

2 plutôt deux pages qui constituent un document. Pour ce qui est du premier

3 document, sa source figure sur le document. On la voit en haut. Seriez-vous

4 d'accord avec moi pour dire que si l'on se penche sur la structure générale

5 et si l'on se demande où est la place d'un corps d'armée dans un pays

6 souverain, et si l'on se penche sur la hiérarchie générale, qui comprend

7 toutes les unités allant d'un détachement tout au long de la voie

8 hiérarchique jusqu'au ministère de la Défense, avec les chiffres qui sont

9 fournis, que ceci constituerait, plus ou moins, une organisation typique.

10 Ce qui est encadré ici nous montre, en fait, où est la place d'un corps

11 d'armée au sein de cette structure.

12 R. Je suis d'accord avec vous, Monsieur Bourgon, mais il faut aussi voir

13 qu'il y a des corps qui ne combattent pas des divisions. Ils combattent

14 directement avec des brigades. C'est au niveau de la division, vous n'avez

15 pas un échelon ici, dans cette armée, en particulier. Cela, en fait, est le

16 cas plus souvent qu'on ne le croit.

17 Q. Pour enchaîner sur la réponse que vous venez de nous

18 Donner, au sein de l'ABiH, il n'y avait, officiellement, pas de divisions;

19 est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Néanmoins, compte tenu des chiffres, est-ce que ceci serait légèrement

22 plus élevé que ce qu'on aurait pu constater au sein de l'ABiH ? Au fond,

23 est-ce que cela correspond à ce qu'était la voie hiérarchique des unités et

24 les chiffres approximatifs au sein de cette armée ?

25 R. Oui.

Page 6592

1 Q. Passons à la deuxième page, s'il vous plaît. Il s'agit ici d'une

2 définition très généralement admise et facilement compréhensible. Excusez-

3 moi, je me réfère à ce qui figure au milieu : "Un Corps d'armée consiste

4 d'un QG du Corps d'armée, les troupes du Corps d'armée et des Divisions qui

5 peuvent lui être rattachées." Aussi, si on voit en haut ce qui y figure, il

6 est question du QG qui se situe au-dessus de la division à un Corps

7 d'armée, et j'ai lu aussi, à la troisième ligne : "Le QG du corps est

8 désigné de telle façon qu'un seul commandant peut coordonner et contrôler

9 les opérations de combat de deux ou plusieurs divisions"; est-ce que cela

10 est exact ?

11 R. Oui. Mais, encore une fois, une division ce n'est pas beaucoup. Cela

12 peut être un Groupe opérationnel ou rien du tout. Le niveau de la Division

13 peut être démantelé et à la place il y aurait une Brigade.

14 Q. Est-ce que cela s'applique l'ABiH ?

15 R. Oui.

16 M. BOURGON : Une cote, s'il vous plaît.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'objections.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, un numéro pour ces deux

20 documents.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce DH143.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Nous arrivons à la pause obligatoire. Il est

23 10 heures 30. Nous reprendrons l'audience à 11 heures moins cinq.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

Page 6593

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, vous avez à nouveau la parole.

2 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Je continue, Monsieur le

3 Président, avec le contre-interrogatoire, la partie 2, c'est-à-dire, la

4 question sur des notions concernant le commandant de corps qui, de l'avis

5 de la Défense, pourrait être utile à la Chambre dans la détermination des

6 questions qui lui sont soumises. Cela permet également de vérifier et de

7 confirmer surtout, la capacité du témoin à assister la Chambre en tant que

8 témoin expert.

9 Q. [interprétation] Général Reinhardt, avant la pause, nous avons examiné

10 l'un des schémas qui montrait comment est organisé de façon classique

11 corps. Connaissez-vous, Général, le concept intitulé "étendue du

12 contrôle" ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourriez-vous nous fournir votre propre définition, compte tenu de vos

15 propres connaissances, de ce concept de l'étendue du contrôle ?

16 R. L'étendue du contrôle englobe fondamentalement la variété d'unités que

17 vous pouvez coordonner et contrôler, de façon efficace et effective. Si

18 vous avez trop de sous-unités ou trop d'unités de logistique, il est très

19 difficile de contrôler de façon détaillée ce qu'ils font. Il y a un nombre

20 limité qui est contrôlé à partir du QG. Il s'agit de l'organisation de

21 l'armée. Ce que vous venez de nous dire tient compte de l'étendue du

22 contrôle car, à tous les niveaux, il y a toujours quelqu'un qui maîtrise la

23 situation et qui sais exactement ce qui se passe.

24 Q. Merci, Général. Je vais vous montrer un document, extrait de la

25 doctrine canadienne et de la "Harvard Business School", un document

Page 6594

1 justement qui porte pour l'étendue du contrôle.

2 Vous voyez ce que vous avez en haut du document, paragraphe 3, "étendue du

3 contrôle", ce qui d'ailleurs reprend exactement ce que vous venez de nous

4 dire en d'autres termes, la façon dont une personne peut véritablement

5 efficacement diriger est limitée. Une formation ou un nombre d'unités de

6 subordonnés, d'activités, où il y a également le Secteur d'opérations, tout

7 cela doit être tel qu'une personne peut véritablement commander ou

8 contrôler la formation ou l'unité. Etes-vous d'accord avec cette

9 déclaration ?

10 R. Oui.

11 Q. Lorsque vous prenez le paragraphe du milieu, qui est extrait de la

12 revue qui s'appelle "Harvard Business Review", de mai,

13 juin 1956 : "S'il y a trop de personnes qui sont sous votre commandement,

14 deux choses vont se passer -- deux choses négatives vont se passer, à

15 savoir, dans un premier temps, vous allez devenir le goulet d'étranglement

16 de l'organisation. Cela signifiera que vous dépenserez très rapidement tout

17 l'argent que vous pourriez économiser en éliminant les intermédiaires.

18 Deuxièmement, il sera beaucoup plus difficile pour les personnes,qui

19 devront vous présenter un rapport, qui vous parleront de leur travail, de

20 la façon dont leur travail est perçu, reconnu et apprécié, est-ce que vous

21 pouvez nous dire si cela a une application militaire ?

22 R. C'est exactement ce que j'ai dit auparavant. Par conséquent, vous avez

23 des niveaux individuels qui vous permettent d'exécuter votre commandement

24 et votre contrôle. Il ne s'agit pas de personnes qui dépendent directement

25 de vous.

Page 6595

1 Q. Vous avez la troisième partie du document. Il s'agit du feu général Sir

2 Ian Hamilton. Si vous voyez ce qui est écrit à la fin de ce paragraphe, il

3 est dit que : "Les organisations sont dirigées par des règles, règles en

4 vertu desquelles entre trois et six personnes sont commandées par une

5 personne. Chaque personne commandant ces personnes faisant partie d'un

6 groupe supérieur de trois à six personnes." Il est également indiqué qu'il

7 est utile de se souvenir d'une autre clause. C'est à propos de cette clause

8 que j'aimerais vous demander votre point de vue. Plus la responsabilité

9 d'un groupe est limitée, plus le nombre du groupe pourra être important, et

10 vice versa.

11 Si vous avez, par exemple, six officiers qui s'occuperaient de trois

12 soldats, ce serait la situation idéale. Mais si vous avez un général de

13 brigade qui est responsable de six généraux de division, cela serait

14 beaucoup trop de personnes. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous êtes

15 d'accord avec cette déclaration ?

16 R. Je ne comprends pas ce que vous entendez par cette clause. Je ne

17 comprends pas ce terme, ce terme de "by-law" en anglais. Le fait est que le

18 contenu fondamental de ce paragraphe est tout à fait exact.

19 Q. Je vous remercie beaucoup.

20 M. BOURGON : En haut, avec un numéro. La partie du milieu provient du

21 "Harvard Business Review", et la troisième partie provient d'un livre de

22 Sir Ian Hamilton : "The Soul and Body of an Army".

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame la Greffière, un nombre.

Page 6596

1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de conviction de

2 la Défense DH144.

3 M. BOURGON :

4 Q. [interprétation] Pour poursuivre l'examen de ce document, Général,

5 puisque nous parlions d'étendue de contrôle, pourriez-vous dire qu'un

6 général qui prend des mesures pour limiter son étendue du contrôle, ou pour

7 être plus précis, qui souhaite améliorer son commandement et son contrôle,

8 prend des mesures afin de diminuer le nombre de subordonnés immédiats qui

9 lui seront redevables, qui devront lui présenter ces rapports. Comment

10 appelleriez-vous ce type de commandant ? Est-ce que vous pensez qu'il

11 s'agit de mesures raisonnables ?

12 R. Je dirais que c'est un commandant très intelligent et astucieux.

13 Q. Je poursuis, Général. J'aimerais vous montrer un autre document. Ce

14 document reprend l'organisation de base d'un corps. J'aimerais vous poser

15 des questions, Général, à propos de ce schéma bien précis. J'aimerais que

16 vous confirmiez si le corps qui est décrit sur ce schéma, qui correspond à

17 un véritable corps; il s'agit du 5e Corps de l'armée américaine qui se

18 trouve normalement d'ailleurs cantonné en Allemagne et qui, à l'heure

19 actuelle, est déployé en Irak, qui inclut 42 000 soldats. Est-ce que vous

20 pouvez reconnaître la structure de ce corps, compte tenu de ce que vous

21 savez ? Pouvez-vous nous dire si cela correspond à l'organisation d'un

22 corps ?

23 R. Oui. Cela correspond à l'organisation de mon corps.

24 Q. Pour ce qui est de ce corps précis, Général, je remarque qu'en bas du

25 schéma, là où vous avez la mention de la 13e Division Panzer, qui se trouve

Page 6597

1 cantonnée en Allemagne mais qui ne fait pas partie du nombre total

2 d'effectifs. A votre connaissance, pourriez-vous nous dire quelle est la

3 relation entre le 5e Corps des Etats-Unis et la 13e Division Panzer de

4 l'Allemagne ?

5 R. C'est une relation qui est très simple. En temps de paix, la 13e

6 Division Panzer est une division qui est exclusivement allemande. En cas de

7 guerre, en cas de Défense de l'OTAN, la

8 13e Division Panzer devient une partie intégrante du 5e Corps des Etats-

9 Unis, qui devient le 5e Corps des Etats-Unis/Allemagne. Ce qui fait que

10 pour ce qui est de la formation, pour ce qui est du commandement, du

11 contrôle, en cas de guerre, la 13e Division Panzer, pour ce qui est de

12 cette formation de son commandement et de son contrôle, fait partie

13 intégrante du 5e Corps américain/allemand.

14 M. BOURGON : J'aimerais montrer ce document comme illustration typique

15 selon les standards de l'OTAN.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Madame la Greffière.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la Défense, DH145.

20 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

21 Q. [interprétation] Général, en réponse à une de mes questions tout

22 à l'heure, lorsque je parlais de vos diplômes et compétences, vous nous

23 avez dit que les officiers, qui étaient affectés au QG du corps, faisaient

24 partie du [imperceptible] plus ultra des officiers de carrière et que vous

25 obteniez toujours, au niveau du QG, les meilleurs des officiers. Est-ce que

Page 6598

1 c'est une bonne synthèse de ce que vous avez formulé ?

2 R. Oui.

3 Q. Pourriez-vous dire, Général, que, pour qu'un commandant de corps, tel

4 que vous-même, lorsque vous commandiez le 3e Corps en Allemagne, pourriez-

5 vous dire qu'il est extrêmement important qu'un commandant de corps, quel

6 qu'il soit, et quel que soit le commandant, encore plus pour un commandant

7 de corps ? Est-il important pour cette personne de pouvoir dépendre d'un

8 personnel efficace ?

9 R. C'est essentiel. Le commandant est à la hauteur de son personnel. Plus

10 le personnel est compétent, plus le commandant sera compétent.

11 Q. Je vais vous montrer un schéma relatif au personnel d'état-major

12 affecté au QG du corps. J'aimerais que vous confirmiez qu'il s'agit du type

13 de personnes que l'on peut retrouvées dans un QG de corps.

14 Si vous prenez ce schéma, Général, pouvez-vous confirmer que cela

15 correspond à une organisation classique de QG de corps, en allant depuis le

16 commandant adjoint jusqu'au chef d'état-major, nous avons les différents

17 conseillers principaux ? La Chambre de première instance a, d'ailleurs, eu

18 la possibilité d'entendre cela déjà, une fois au préalable. J'aimerais

19 expliquer ce que signifient les sigles G1 à G6. J'aimerais également que

20 vous nous parliez de l'état-major spécialisé qui se trouve au niveau du QG.

21 R. Pour ce qui est des sigles G1 à G6 qui, souvent existent sous forme de

22 G1 à G6, il s'agit d'un état-major mixte : (1) c'est pour le personnel; (2)

23 c'est pour le renseignement; (3) c'est pour la formation et les opérations;

24 (4) correspond toujours à la logistique; (5) les affaires civiles; (6) les

25 communications; nous avez maintenant (7) pour la formation; et (9) pour

Page 6599

1 autre chose. Il s'agit des sous-divisions normales pour le personnel de QG.

2 Vous avez ce qui correspond à l'état-major américain qui, parfois, comporte

3 des différences par rapport aux états-majors, puisque vous voyez que le

4 personnel est très, très important. Normalement, vous avez un officier

5 chargé des relations publiques. Vous avez une personne chargée du

6 personnel. Vous avez également un juge et un avocat qui font partie de

7 l'état-major et qui s'occupent de toutes les questions juridiques. Voilà le

8 genre de choses que vous avez, normalement, au niveau de tout état-major.

9 Le reste étant quand même très américain dans ce document.

10 Q. Vous avez parlé du juge et de l'avocat pour l'état-major. J'aimerais

11 justement poser à cet égard une question, question qui portera également

12 sur ce schéma. Pouvez-vous confirmer que, dans l'armée allemande, un juge,

13 avocat ou un conseiller juridique, en 1993 en tout cas, ne se trouvait

14 qu'au niveau des divisions et au niveau supérieur ?

15 R. Oui.

16 Q. Ce qui signifie qu'au niveau de la brigade, dans l'armée allemande,

17 vous n'avez pas de conseiller juridique.

18 R. C'est tout à fait exact.

19 Q. Pourriez-vous confirmer qu'une armée qui déploie des conseillers

20 juridiques au niveau d'une brigade ou qui, en tout cas, s'efforce de le

21 faire, est une armée qui est particulièrement aux faits et consciente des

22 affaires juridiques ?

23 R. Je voulais juste vous dire que lors du déploiement de notre brigade au

24 Kosovo, il y avait des conseillers juridiques, parce que, lors d'une

25 activité de déploiement, les questions juridiques sont essentielles, et

Page 6600

1 prennent parfois le pas sur d'autres questions. Ce qui fait que le

2 commandant ne peut pas assumer ses fonctions sans un conseiller juridique.

3 Q. Comme je vous le disais tout à l'heure, une armée qui déploie des

4 conseillers juridiques, est-ce que vous pouvez dire qu'il s'agit d'une

5 armée qui est consciente des questions juridiques ?

6 R. Oui.

7 Q. Je reviens à ce schéma --

8 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'aimerais déposer ce document.

9 J'aimerais un numéro, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce DH146.

14 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

15 Q. [interprétation] Général, j'ai quelques questions à vous poser à propos

16 du personnel qui se trouve sous le commandant du corps. Est-ce que vous

17 pouvez confirmer que le chef d'état-major, qui est la personne auquel

18 correspond le travail de tous les conseillers principaux, de G1 à G6, comme

19 vous l'avez mentionné, ou même G9 maintenant ? Est-ce que vous pouvez

20 confirmer qu'il s'agit de la personne qui assure le commandement au niveau

21 du QG ?

22 R. Le chef d'état-major est, en fait, le bras droit du commandant. C'est

23 la personne la plus importante après le commandant. Comme vous l'avez dit,

24 c'est lui qui assure la coordination de tout l'état-major. Il est le

25 conseiller le plus proche du commandant.

Page 6601

1 Q. Pour vous présenter un scénario très précis : si un commandant n'était

2 pas disponible pendant une longue période de temps et si vous avez le chef

3 d'état-major, qui doit remplacer le commandant en question, et ce toujours

4 pendant une longue période de temps, est-ce que vous pourriez dire qu'il

5 serait extrêmement difficile à ce chef d'état-major, que cette situation

6 serait très difficile, parce qu'il aurait deux fonctions en même temps, en

7 parallèle ?

8 R. Ce serait très difficile parce qu'il devra assurer le commandement et

9 la responsabilité sans oublier ses responsabilités de coordination en tant

10 que chef d'état-major. Néanmoins, cela correspond à une pratique assez

11 courante. Normalement, nous nous attendons à ce qu'un officier, qui a cette

12 fonction de chef d'état-major puisse assurer ces responsabilités pendant un

13 certain temps.

14 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'objectif serait, soit de

15 nommer un nouveau commandant, soit de faire en sorte que le chef d'état-

16 major sera nommé ?

17 R. Cela me semble être, en effet, une très bonne solution.

18 Q. Pour ce qui est du commandant adjoint, est-ce que vous êtes d'accord

19 avec moi pour dire que parfois ce commandant adjoint existe, parfois, il

20 n'y en a pas, mais, normalement, c'est le commandant qui décide des

21 fonctions qu'il attribuera à son commandant adjoint. Le commandant adjoint

22 peut, de temps à autre, avoir à assumer le commandement, pour remplacer le

23 commandant, s'il est tout simplement tué ou s'il n'est pas disponible.

24 R. Oui. Dans des circonstances normales, à un certain niveau, il faut

25 qu'il y ait effectivement un commandant adjoint au cas où le commandant est

Page 6602

1 tué ou il n'est pas en mesure de remplir ses fonctions, ce qui fait qu'une

2 autre personne peut, au pied levé, le remplacer tout en sachant exactement

3 de quoi il s'agit.

4 Q. Merci. Si vous tenez compte de votre propre expérience, si un

5 commandant de corps fait appel à son adjoint pour qu'il gère de nombreuses

6 questions sur le terrain, et s'il, en fait, est présent sur le terrain pour

7 le représenter, qu'il doit lui présenter des rapports quant à la situation

8 qui prévaut sur le terrain, à quoi correspond ce commandant adjoint ?

9 R. Le commandant adjoint est l'alter ego du commandant. Il est les yeux,

10 les oreilles et le cerveau du commandant sur le terrain. Du fait de cette

11 relation étroite qui est forgée entre le commandant et son adjoint, il est,

12 comme je l'ai déjà dit, l'alter ego de son commandant.

13 Q. A moins qu'un commandant ne possède des informations bien précises,

14 diriez-vous qu'il est extrêmement important qu'il fasse confiance à son

15 commandant adjoint, à moins qu'il ait des informations lui prouvant le

16 contraire ?

17 R. Tout à fait. Il faut qu'il ait une confiance absolue en son adjoint.

18 C'est pour cela que j'ai parlé d'alter ego. Je suppose que tout ce que fait

19 un commandant adjoint, il le fait en coopération étroite avec le

20 commandant. Le commandant sait exactement ce qu'a fait son adjoint et

21 pourquoi il l'a fait.

22 Q. Si un commandant attribue une mission à son adjoint et si, lorsqu'il

23 revient au QG, le commandant adjoint informe son commandant du déroulement

24 de sa mission et des résultats de ladite mission, est-il normal qu'un

25 commandant ait une confiance absolue dans ce que dit l'adjoint ?

Page 6603

1 R. Je le pense.

2 Q. J'aimerais maintenant parler de la question de la communication qui a

3 été soulevée dans votre rapport. Vous avez parlé de l'importance de la

4 communication. Pour pouvoir opérer de façon efficace, êtes-vous d'accord

5 pour dire qu'un commandant doit avoir à sa disposition un système efficace

6 de communication qui permet d'établir la liaison entre toutes les

7 formations militaires, l'objectif étant de lui permettre de recevoir

8 régulièrement des rapports et des retours d'informations de la part de ses

9 subordonnés, et le but étant également de faire en sorte qu'il transmette

10 des rapports et des retours d'informations à ses supérieurs au niveau du

11 QG ?

12 R. Je suis d'accord avec ce que vous avancez.

13 Q. Etes-vous d'accord pour dire que des procédures opérationnelles

14 standard, qui sont afférentes aux communications, facilitent et permettent

15 de normaliser également les communications entre les différentes unités ?

16 R. Oui. Ces procédures -- cette procédure POS, procédure opérationnelle

17 standard, permet de normaliser la façon dont les informations sont

18 présentées avec la ventilation des informations. Cela permet également

19 d'harmoniser le moment où le message doit être envoyé et le contenu du

20 message et la façon dont cela doit être envoyé dans les deux sens.

21 Q. Etes-vous d'accord avec moi, Général, pour dire qu'un commandant qui

22 donne des instructions à ses unités subordonnées, aux unités qui dépendent

23 de lui, et que le commandant qui émet ses instructions sur la façon et le

24 moment où les rapports doivent être présentés ? Etes-vous d'accord pour

25 dire que cela fait partie des fonctions du commandant ?

Page 6604

1 R. C'est l'une de ses fonctions qui fait partie de son quotidien,

2 effectivement.

3 Q. Etes-vous d'accord pour dire qu'un commandant qui s'acquitte de sa

4 tâche et qui émet ces procédures opérationnelles standard, s'acquitte de sa

5 tâche de façon adéquate ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez mentionné dans votre rapport et, hier également, que le QG

8 supérieur était responsable de l'établissement du système de communications

9 qui établissait les liens avec les unités subordonnées.

10 R. Oui.

11 Q. Puis-je en déduire que cela fait référence à la mise en place d'un

12 système de communications ?

13 R. Oui.

14 Q. Une fois que ce système a été mis en place, pouvez-vous confirmer, et

15 je souhaiterais vous fournir un exemple précis, pouvez-vous confirmer la

16 chose suivante : si une unité subordonnée change d'endroit, pouvez-vous

17 confirmer qu'il appartient à cette unité subordonnée de rétablir le lien

18 avec son QG ?

19 R. Je ne peux pas vous répondre par l'affirmative ou par la négative,

20 parce que l'unité subordonnée change d'endroit et doit présenter un rapport

21 immédiatement à son QG. Très souvent, il faut savoir que l'unité qui reçoit

22 le message se déplace également. Ils doivent également établir le lien et

23 indiquer à la brigade de signalisation du corps, par exemple, qu'ils ont

24 déplacé cette brigade. Il y a une double responsabilité. Vous avez la

25 responsabilité technique, à savoir, nous nous sommes déplacés. Il y

Page 6605

1 également la responsabilité en matière de communication pour faire en sorte

2 que le QG supérieur puisse être tenu informé de ce déplacement.

3 Q. Je vous demande d'utiliser votre bon sens et vos connaissances. Est-il

4 normal pour une unité subordonnée de savoir où se trouve son QG alors que

5 le contraire n'est pas forcément vrai ?

6 R. Cela peut correspondre à la réalité, bien que j'aie quelques

7 difficultés à imaginer ce scénario. Dans des circonstances normales, je

8 dirais que le QG supérieur, c'est où se trouve déployé ces unités

9 subordonnés.

10 Q. Dans un environnement de combat, lorsque des ordres ont été émis et que

11 le secteur où le QG subordonné conduit ses opérations, est-il normal que le

12 QG supérieur sache où se trouve cette unité ? Il sait dans quel secteur se

13 trouve l'unité subordonnée, mais il ne sais pas forcément, précisément, où

14 elle se trouve.

15 R. Peut-être. Cela dépend de quel niveau nous parlons. Si nous parlons

16 d'un bataillon, il se peut en effet qu'un bataillon ne sache pas pendant un

17 certain temps où se trouve une compagnie bien précise. La compagnie ne

18 saura pas forcément où se trouvent les différentes sections. Si vous avez,

19 en général, un QG assez statique au niveau de la brigade, et un QG assez

20 statique au niveau du corps, normalement je suppose, qu'ils doivent savoir

21 où se trouvent les unités subordonnées.

22 Q. Général, vous avez dit que la communication pouvait être établie, de

23 façon différente, et je pense que vous avez mentionné, mais, corrigez-moi

24 si je ne m'abuse, que la communication pouvait être établie par coursier,

25 qui est la méthode de communication la plus simple. Cela peut être

Page 6606

1 également établi par radio, par téléphone, par satellite. Etes-vous

2 d'accord pour dire qu'il y a différentes méthodes permettant d'établir et

3 de maintenir surtout la communication ?

4 R. Je dirais que de surcroît aujourd'hui vous avez, bien entendu, les

5 courriers électroniques, les téléphones mobiles, les téléphones mobiles

6 qui, d'ailleurs, fondamentalement aujourd'hui, commencent à remplacer

7 toutes les autres formes de communications.

8 Q. Etes-vous d'accord avec moi, Général, pour dire qu'un commandant de

9 corps qui utilise tous les moyens à sa disposition est un commandant qui

10 essaye de faire de son mieux aux vues des circonstances ?

11 R. Tout à fait.

12 Q. Nous allons maintenant aborder des questions d'information et de

13 connaissance. Comme vous l'avez vu, j'avais des questions précises à poser.

14 Demain, je poserai d'autres questions précises, mais, pour ce qui est de ce

15 thème général, compte tenu des documents qui vous avez pu consulter,

16 pouvez-vous confirmer que le commandant du corps, dans ce cas d'espèce, a

17 véritablement déployé des efforts importants pour essayer d'établir la

18 communication avec ces unités subordonnées ?

19 R. Je pense qu'il a fait de son mieux pour établir la communication et la

20 maintenir.

21 Q. Une dernière question qui porte sur la question de la communication

22 générale. Est-il normal qu'une unité subordonnée de l'armée, qui n'est pas

23 à même d'entrer en contact avec le QG, tente d'établir -- de ré établir le

24 contact, en faisant ce qu'on appelle un relais, autrement dit, par la voix

25 d'une autre unité ?

Page 6607

1 R. Oui, c'est un élément utilisé.

2 Q. A la lumière du document que vous avez lu, avez-vous constaté que des

3 subordonnés ont eu à utiliser cette technique de relais, car ils n'étaient

4 pas entrés en contact avec leurs quartiers générals ?

5 R. Il se peut que j'ai vu quelque chose de la sorte, mais je ne m'en

6 souviens pas bien.

7 Q. Général, ceci sera une question précise que je vais vous poser. Avez-

8 vous vu des documents ou des ordres, ou des rapports, à l'intérieur

9 desquels des unités subordonnées se plaignaient d'un manque de

10 communications efficaces au sein du corps ?

11 R. Oui, vraiment, car un rapport du 3e Corps qui se plaint de la pauvreté

12 de la communication au plan technique, et certains rapports émanant du

13 Groupe opérationnel de la Bosanska Krajina, un certain rapport émanant de

14 la 7e Brigade musulmane de Montagne se plaignant des moyens de

15 communications faibles, et la manière dont ils pourraient surmonter ce

16 problème.

17 Q. Merci beaucoup, Général. Je souhaite maintenant vous montrer un

18 document car je souhaite conclure sur la question de la manière dont un

19 corps contrôle l'information. Général, ce document décrit les domaines de

20 responsabilité et les distances typiques dans le corps, est cité comme

21 étant : "Un exemple des paramètres appliqués aux opérations de défense."

22 D'après ce que l'on voit ici, au niveau du diagramme, la zone qui nous

23 intéresse ici est de 300 kilomètres, la zone d'influence serait de 150

24 kilomètres, alors que la ligne de front serait de l'ordre de 32 à 80

25 kilomètres.

Page 6608

1 Si je regarde la page 2, les termes -- "domaine de responsabilité",

2 "domaine d'intérêt" et "zone d'influence" -- sont définis ici. Pourriez-

3 vous, regardant ce document, et en vous fondant sur votre expérience

4 professionnelle, confirmer qu'il s'agit là de chiffres typiquement

5 appliqués dans les corps ?

6 R. Il s'agit là de chiffres qui sont cités dans les manuels. Encore une

7 fois, comme je l'ai dit précédemment, un corps se compose d'éléments

8 modulaires, en fonction de la mission en question. Ce qui signifie qu'un

9 corps doit pouvoir avoir un impact sur la bataille. Si vous avez un corps

10 standard avec une portée de l'artillerie de 30 kilomètres au maximum, c'est

11 le cas d'un corps d'armée allemand, cela n'a pas d'intérêts si cela ne peut

12 avoir aucun impact sur la zone en question. Il y a un système modulaire

13 MLRS dans les corps d'armée américains, ce qui permet d'avoir une incidence

14 jusqu'à 300 kilomètres, et d'avoir un impact. La profondeur opérationnelle

15 est par conséquent complètement différente.

16 Il faut véritablement considérer qu'il s'agit de paramètres normaux

17 qui sont ensuite adoptés aux spécificités de votre corps en particulier. Ce

18 qui permet d'avoir une incidence sur la zone d'influence, de la corriger et

19 de permettre ainsi d'avoir une compréhension de la zone de responsabilité,

20 comprendre s'il s'agit d'une zone importante ou non. Ceux sont les chiffres

21 qui doivent être adaptés aux capacités réelles du corps sur le terrain. Je

22 voulais simplement vous faire cette mise en garde, car il s'agit que de

23 règles générales.

24 Q. Merci beaucoup, Général. Je souhaite maintenant parler de la

25 taille de la ligne de front. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que plus

Page 6609

1 la longueur de la ligne de front est longue, plus il sera difficile, plus

2 ceci sera difficile pour le corps, et la préparation de ce corps,

3 l'organisation de ce corps ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que s'il s'agit

6 de deux lignes de front, avec deux ennemis différents, que ceci rendrait la

7 situation pour le corps encore plus complexe, et encore plus difficile pour

8 le commandant du corps ?

9 R. Oui, c'est une tâche très ardue.

10 Q. Egalement, en bas de la page numéro 1, il est précisé que "Le

11 commandant du corps, de façon générale, planifie 96 heures à l'avance."

12 Est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourriez-vous expliquer ce que cela signifie en termes pratiques ?

15 R. Il y a le commandant de la brigade et le commandant de la division, qui

16 sont en train de se battre sur le terrain. Le commandant du corps est

17 quelqu'un qui exerce une influence dans ce combat, en fournissant des

18 équipements supplémentaires, et des hommes, mais il ne participe pas à la

19 bataille. Ce n'est pas son rôle. Il planifie et garde les mains libres pour

20 les choses qui pourraient survenir. Il doit anticiper car il coopère avec

21 l'aviation. Le mouvement des troupes peut avoir une incidence sur la

22 bataille, en l'espace de trois, quatre, cinq jours, et doit clairement

23 comprendre quels sont les éléments à l'appui qui doivent être fournis. Cela

24 prend du temps. En général, cela prend beaucoup plus de temps que prévu.

25 Par conséquent, c'est à lui qu'incombe ce rôle. Il ne doit pas être dépassé

Page 6610

1 par les événements en cours. Il doit essayer de comprendre ce qui se passe

2 et prendre les mesures nécessaires, de façon à ce que ces mesures puissent

3 être appliquées en temps et en heures, qu'après 96 heures,

4 qu'effectivement, ces mesures soient efficaces sur le terrain.

5 Q. Merci. Ceci s'appliquerait-il à un commandant de Corps en Bosnie-

6 Herzégovine en 1993 ?

7 R. Au vu des opérations telles qu'elles ont été menées, puisqu'il s'agit

8 d'opérations qui n'ont pas été menées à très grande échelle, il s'agit de

9 petites opérations à petites échelles qui ont dû être planifiées et

10 déployées de façon plus importante par la suite. Je crois que la phase de

11 planification d'accord en Bosnie-Herzégovine a peut-être été réduite et ne

12 correspondait pas à ces 96 heures.

13 Q. A votre avis, à 50 % ?

14 R. Les distances étaient beaucoup plus courtes. Je ne peux pas vous donner

15 de chiffres exacts. Il a fallu se battre avec les forces disponibles. Il

16 fallait déplacer des unités d'un endroit à un autre. La coopération avec

17 l'aviation ne constitue pas la clé de voûte qui est, en général, un

18 problème difficile pour un commandant de corps, puisqu'il faut toujours

19 penser deux ou trois jours ou anticiper sur deux ou trois jours, puisqu'il

20 n'y avait pas d'aviation à proprement parler qui protégeait l'Armée de

21 terre en Bosnie-Herzégovine. Le commandant du corps a dû traiter un certain

22 nombre de questions. Les questions qu'il avait à gérer étaient beaucoup

23 plus proches des questions de terrain de ces hommes que de façon générale

24 pour un état-major. Merci.

25 Q. Merci, Général. Je vais maintenant vous montrer deux opérations

Page 6611

1 particulières qui ont été préparées. Ensuite, nous reviendrons sur ce

2 point.

3 M. BOURGON : Pour le moment, j'aimerais verser le document et pourrais-je

4 avoir un numéro, s'il vous plaît ?

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Le document sur la responsabilité au sein d'un

6 corps.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation ne soulève

8 aucune objection quant au versement de ce document, mais, comme pour les

9 deux documents précédents, nous demandons à ce que la Défense nous

10 fournisse la source de ces documents dès qu'elles obtiennent ce

11 renseignement.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, vous me donnez un numéro.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce DH147.

14 M. BOURGON : La Défense fournira la source de ce document dans les plus

15 brefs délais.

16 Q. [interprétation] Général, je vais poursuivre. Je vais aborder la

17 question des responsabilités et des opérations. Cela dépend pour beaucoup

18 de la mission militaire à laquelle ce corps est affecté. Je vais essayer

19 d'avancer un peu plus rapidement. J'aimerais vous suggérer les éléments

20 suivants : certaines missions de base peuvent être données à un corps. Je

21 vais vous donner six exemples. Je vous demande de bien vouloir confirmer si

22 oui ou non, il s'agit de six exemples typiques de missions qui peuvent être

23 données à un corps. C'est six exemples de missions confiées à un corps dans

24 tous les pays du monde. Il s'agit pour le premier, d'un corps qui s'occupe

25 de soutien aux autorités civiles. Par exemple, s'il s'agit d'aide en cas de

Page 6612

1 catastrophes naturelles.

2 R. Oui.

3 Q. Un corps à disposition des autorités civiles en cas de troubles

4 internes pour permettre de rétablir l'ordre public.

5 R. C'est le cas, mais dans bon nombre de pays, c'est interdit. Dans mon

6 pays, on ne peut pas évoquer cela. Il y a un gros débat en Allemagne en ce

7 moment sur ce sujet. Ce n'est pas possible.

8 Dans bon nombre d'autres pays de l'OTAN, cela n'est pas possible non

9 plus.

10 Q. Connaissez-vous certains pays où cela est possible ?

11 R. Si je comprends bien, je crois que c'est possible en France où il y a

12 des forces spéciales. "La gendarmerie" est habilitée pour cela. En Italie

13 également, il y a des Forces spéciales, qui sont habilitées à cela, les

14 "carbonari" en Italie. La constitution est différente dans ce pays.

15 Notre constitution se fonde sur l'histoire de notre pays. Par

16 conséquent, certaines choses ne sont pas autorisées, et l'armée n'est pas

17 autorisée à faire certaines choses comme d'autres pays. Aux Etats-Unis,

18 vous pouvez appeler la Garde nationale, la mobiliser et l'utiliser, alors

19 que vous ne pouvez pas en Allemagne.

20 Q. Merci, Général. Un type de mission, par exemple, cela pourrait être une

21 mission de maintien de la paix comme la FORPRONU.

22 R. Oui, Monsieur.

23 Q. Une autre mission que l'on peut leur confier, serait un maintien de

24 l'application de la paix comme l'IFOR ou la Force de mise en œuvre de la

25 paix en Bosnie-Herzégovine.

Page 6613

1 R. Oui, Monsieur.

2 Q. Par exemple, faire la guerre dans un autre pays, ceci pourrait

3 constituer une mission.

4 R. Oui.

5 Q. Une sixième mission éventuelle serait de faire la guerre sur son propre

6 territoire national.

7 R. Oui.

8 Q. Si je compare ces six différentes missions, il peut y en avoir

9 d'autres. Mais si je compare les six missions précitées, êtes-vous d'accord

10 avec moi pour dire que la mission la plus difficile et la plus complexe

11 mission, que l'on puisse confier à un corps, est celle qui consiste à faire

12 la guerre sur son territoire national puisqu'il est attaqué ?

13 R. Je crois qu'il s'agit sans doute de la mission la plus importante et la

14 plus difficile à remplir.

15 Q. Si je compare ces six types de missions, êtes-vous d'accord avec moi

16 pour dire, Général, que le système juridique appliqué à chacun, sera sans

17 doute différent ?

18 R. Je le pense.

19 Q. Si je vous donne l'exemple suivant, je vous dis qu'en cas d'aide, qu'en

20 catastrophes naturelles, le droit national s'appliquerait ainsi que peut-

21 être certains textes législatifs particuliers ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Dans le cas d'une autorité civile qui ne pourrait pas s'appliquer en

24 Allemagne, comme vous nous l'avez dit, ce serait certainement le droit

25 national qui s'appliquerait, et l'armée serait subordonnée aux autorités

Page 6614

1 civiles.

2 R. Oui.

3 Q. En cas de maintien de la paix, le droit, qui s'appliquerait, serait

4 sans doute la charte des Nations Unies au chapitre 6.

5 R. Oui, plus les lois des différentes nations qui ont déployé des forces,

6 car le droit national des soldats déployés à l'étranger, s'appliquerait à

7 eux également à l'étranger. C'est pour cela que c'est aussi difficile, car

8 le droit national est très différent d'un pays à l'autre.

9 Q. Pour ce qui est du droit international, je ne suis pas certain que vous

10 puissiez répondre à cette question. Si vous pouvez, à la lumière de votre

11 expérience, quand bien même ce droit international s'applique pas de façon

12 officielle, car il n'est pas appliqué, il n'est pas en vigueur, mais les

13 troupes, qui participent au maintien de la paix, seront toujours requises

14 d'appliquer au minimum l'esprit des principes du droit international telle

15 que la convention de Genève.

16 R. C'est exact.

17 Q. S'il s'agit d'appliquer la paix à ce moment-là, ce serait le chapitre 7

18 des Nations Unies qui serait appliqué, autrement dit l'utilisation de la

19 force pour répondre aux objectifs du mandat.

20 R. Oui.

21 Q. Le droit national et le droit international.

22 R. Oui.

23 Q. Si nous parlons maintenant de faire la guerre dans un autre pays, vous

24 êtes d'accord avec moi pour dire que la seule façon d'agir ainsi, au plan

25 juridique, serait de faire la guerre au nom de l'autodéfense collective,

Page 6615

1 autrement dit l'Article 51 de la charte des Nations Unies, où vous venez

2 porter assistance à un autre pays. Dans un tel cas, le droit international

3 est appliqué ainsi que le corpus du droit international humanitaire ?

4 R. C'est exact, mais l'interprétation de l'Article 51 de la charte des

5 Nations Unies, l'interprétation est assez libre. C'est la difficulté à

6 laquelle nous sommes confrontés à l'heure actuelle. Je suis d'accord avec

7 ce que vous venez de dire, mais il y a certains pays qui voient les choses

8 différemment. En tout cas, leur interprétation de l'Article 51 est

9 différente.

10 Q. Merci, Général. Le dernier type de mission que j'ai cité, il s'agit de

11 faire la guerre sur son propre territoire, sur le territoire national. Je

12 pense que si l'attaque vient d'un autre état, je pense qu'il s'agira là

13 d'un système d'autodéfense en vertu de l'Article 51 de la charte des

14 Nations Unies. En même temps, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que le

15 droit national continuera à être appliqué, le droit international sera

16 appliqué également. Le droit international humanitaire sera appliqué

17 également, mais de façon peut-être plus restreinte, à savoir, s'il s'agit

18 d'un conflit armé international ?

19 R. Je suis d'accord avec vous.

20 Q. Etes-vous d'accord avec moi, Général, pour dire que ce système

21 juridique appliqué lorsque vous faites la guerre sur votre territoire, la

22 différence qui consiste à établir une distinction, s'il s'agit d'un conflit

23 interne ou d'un conflit international, rend la chose difficile au plan

24 juridique.

25 R. Je ne sais pas si je vous suis ici car le droit national et le droit

Page 6616

1 international ne s'excluent pas mutuellement. Il s'agit de système de droit

2 complémentaire dans bon nombre de domaines. Si vous êtes dans une situation

3 de catastrophe nationale, s'il s'agit de catastrophe naturelle de se

4 défendre, on fait appel au droit national. Le droit international, le droit

5 international humanitaire doivent être appliqués de la même façon.

6 Q. Ces droits doivent être appliqués de façon complémentaire ?

7 R. Oui, Monsieur. C'est ainsi que je dirais les choses.

8 Q. Pour conclure sur ce point, Général, pour ce qui est du partage des

9 responsabilités entre l'armée et les autorités civiles, au cours du dernier

10 scénario que nous avons évoqué, êtes-vous d'accord pour dire que ceci

11 aurait une incidence directe sur le rôle, les fonctions et les obligations

12 du corps ?

13 R. Oui, certainement.

14 Q. Si je vous donne un exemple, si je prends l'exemple d'un corps qui se

15 bat alors que les autorités civiles tels que la police, ou la sécurité

16 civile, ou les tribunaux fonctionnent normalement, que ceci aura une

17 incidence et fixera les paramètres aux fins desquels la mission du corps se

18 déroulera.

19 R. Oui.

20 Q. En utilisant un autre exemple que vous connaissez bien, au Kosovo. Au

21 Kosovo, vous aviez la KFOR, il y avait les Forces de maintien de la paix,

22 que vous commandiez, et vous aviez la Mission UNMIK -- la Mission des

23 Nations Unies au Kosovo, UNMIK. Les deux partageaient la responsabilité

24 pour la gestion, si je puis l'exprimer ainsi, d'un état des Nations Unies.

25 R. Oui.

Page 6617

1 Q. J'ai eu l'occasion de lire bon nombre de vos communiqués de presse

2 alors que vous étiez commandant de la KFOR. Vous étiez là en présence de

3 Bernard Kouchner. Vous dites avoir agi au Kosovo comme deux frères jumeaux,

4 n'est-ce pas. Vous avez dit cela ?

5 R. Oui, je le crois.

6 Q. Je vais maintenant passer à une autre partie de mon

7 contre-interrogatoire, qui est un point que vous avez soulevé vous-même, à

8 savoir, votre professionnalisme et l'armée de carrière. A cet égard, êtes-

9 vous d'accord avec moi, Général, pour dire qu'une armée professionnelle est

10 une armée qui, en premier lieu, sera loyale envers l'état, qui

11 deuxièmement, sera une armée disciplinée.

12 R. Je crois qu'il faut supposer cela. Oui, Monsieur.

13 Q. Il s'agit là des deux qualificatifs les plus importants si on parle

14 d'armée professionnelle.

15 R. Je pense que c'est également la manière dont une armée a été formée, à

16 savoir, si l'armée ou les membres de l'armée de carrière ont été formés de

17 façon professionnelle, si ceci est conforme aux objectifs du pays en

18 question.

19 Q. Si je regarde l'importance de la loyauté envers l'état, ceci est

20 important pour deux raisons en particulier, parce que l'armée devrait avoir

21 une autorité légitime, et les opérations militaires doivent être légales.

22 R. Oui.

23 Q. Si je parle maintenant de la discipline. Vous avez beaucoup parlé de

24 discipline hier. Etes-vous d'accord pour dire que la discipline, ici, fait

25 allusion à deux choses. Premièrement, la discipline évoque la culture de

Page 6618

1 l'obéissance.

2 R. Oui.

3 Q. Autrement dit, si la discipline n'existe pas, on ne peut pas avoir une

4 armée de carrière.

5 R. La discipline et l'armée professionnelle sont quasiment des synonymes.

6 J'irais même un peu plus loin. Une armée de conscrits est également fondée

7 sur la discipline. La discipline ne s'applique pas seulement à une armée de

8 carrière. Ceci s'applique, à mon avis, quasiment à toutes les armées, car

9 sans cette composante, l'armée ne peut pas fonctionner.

10 Q. La discipline fait également allusion à, Général, si vous avez besoin

11 de discipline, vous avez besoin également d'avoir les moyens de faire

12 appliquer cette discipline au sein d'une armée.

13 R. Oui.

14 Q. Ce qui a une incidence directe sur votre potentiel de combat.

15 R. Oui.

16 Q. Un commandant doit se concentrer sur la discipline de ses troupes. Cela

17 doit être une priorité pour lui. Il doit s'assurer qu'il a des troupes

18 capables en mesure de se battre.

19 R. Je ne sais pas si c'est la seule priorité. C'est en tout cas une

20 priorité importante pour lui, oui.

21 Q. Lorsque nous parlons de faire appliquer la discipline, êtes-vous

22 d'accord avec moi pour dire que ce qui compte est que les soldats

23 respectent la loi ?

24 R. Oui.

25 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que s'ils agissent mal ou la

Page 6619

1 manière dont on peut qualifier ceci est secondaire ?

2 R. Oui.

3 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que si vous voulez faire

4 appliquer la discipline, qu'il s'agisse de quelqu'un, par exemple, qui ne

5 se présente pas, s'il s'agit d'un délit mineur et s'il s'agit d'un délit

6 grave comme le vol, qu'aux yeux d'un commandant, les deux sont également

7 importants, et les deux doivent être traités ?

8 R. Oui.

9 Q. Parce que, ce que souhaite le commandant, c'est avoir des troupes qui

10 sont disciplinées et qui respecteront la loi.

11 R. Oui.

12 Q. Un point a été soulevé au cours de ce procès. Je souhaite avoir votre

13 avis là-dessus, à savoir, la question des crimes de guerre. Vous êtes

14 d'accord avec moi pour dire que la même chose s'applique dans ce cas-ci,

15 qu'il s'agisse de crimes de guerre, qu'il s'agisse d'un acte pénal, qu'il

16 s'agisse d'un délit mineur, tout ceci doit être reporté à l'intention du

17 commandant ?

18 R. Oui.

19 Q. Parce que le commandant veut s'assurer que ses troupes sont prêtes à

20 combattre.

21 R. Car les crimes de guerre ont une influence directe sur la discipline.

22 Q. En fait, pouvez-vous confirmer qu'en Allemagne, en 1933, il n'eut pas

23 été possible, dans tel cas, d'être accusé de crime de guerre car une telle

24 chose n'existait pas au sein du droit allemand ?

25 R. Il n'y a pas de crime de guerre. Il n'y a que des activités criminelles

Page 6620

1 qui auraient été portées devant un tribunal civil. Vous avez raison de dire

2 qu'il n'y a pas de tribunal militaire à cet égard. Le terme "crime de

3 guerre" n'est utilisé que dans le cadre du droit international humanitaire.

4 Q. Général, d'après la manière dont j'ai compris les choses, ceci a changé

5 depuis la ratification, par l'Allemagne, du Statut de la Chambre de

6 première instance, de la Cour pénale internationale. Maintenant, au sein du

7 droit allemand, vous avez quelque chose intitulé "crimes de guerre".

8 R. C'est exact.

9 Q. Je vous ai cité un exemple, et je souhaite parler d'un exemple de la

10 Cour suprême allemande, de février 1997, où l'accusé a été accusé des

11 éléments suivants : génocide, meurtre, privation de liberté, en vertu du

12 chapitre 221, 220A et 239, du Code pénal allemand, qui définit ces crimes.

13 Ceci semble indiquer que le génocide est une infraction qui existait en

14 1993, dans le droit allemand, mais que les autres infractions n'existaient

15 pas sous ces libellés "crimes de guerre", mais existaient sous le libellé

16 "privation de liberté ou "meurtre", qui pouvaient être appliqué à n'importe

17 quel civil.

18 R. Il s'agissait de ce que je vous ai dit précédemment. Le code pénal peut

19 être appliqué à l'armée.

20 Q. Oui, c'est ce que j'entendais par là. Tout acte criminel est considéré

21 comme --

22 R. Oui.

23 Q. Cela, c'est le commentaire que je souhaite faire. C'est un document qui

24 vient de l'Allemagne, qui parle du droit coutumier et des dispositions de

25 ce droit coutumier. Protocole additionnel numéro 1, il parle d'un procès à

Page 6621

1 la Cour suprême de Bavière, et il précise que les deux tribunaux

2 considéraient que ces actes constituaient des agissements illégaux en temps

3 de guerre, bien qu'il s'agisse d'actes criminels, conformément au Code

4 pénal allemand. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vais poursuivre. Je vais passer à autre chose, à d'autres

7 qualifications qui sont requises pour une armée professionnelle. J'avance

8 que l'intégrité est aussi un des attributs très importants pour ce qui est

9 d'une armée professionnelle et d'un militaire professionnel.

10 R. Oui.

11 Q. J'avance que l'intégrité est importante, car il s'agit là d'une

12 confiance mutuelle parmi les soldats, mais aussi le long de la voie

13 hiérarchique, la voie de commandement, car la chaîne de commandement doit

14 pouvoir se fier aux informations qu'elle reçoit.

15 R. Oui, c'est cela.

16 Q. Je voudrais vous citer un exemple, l'exemple de quelque chose qui s'est

17 produit au Kosovo. Il y a eu des allégations pendant que vous étiez

18 commandant des Forces déployées sur place. Il y a des allégations, disant

19 que Ceku -- le général Ceku, je ne sais pas si je prononce bien.

20 R. Oui.

21 Q. Il y a eu des allégations, disant qu'il était responsable de violations

22 du droit international, et que vous avez été informé de cette affaire. Vous

23 vous en rappelez ?

24 R. Oui, oui, très bien.

25 Q. Ma question sera la suivante : vous avez répondu, dans un communiqué de

Page 6622

1 presse, disant que de telles infractions, il n'y a pas eues, que ceci ne

2 s'est pas produit, et que vous faisiez pleinement confiance au général

3 Ceku, quant à la fiabilité des informations qu'il vous avait fournies sur

4 ce qui s'était produit. Quelles étaient exactes ?

5 R. Il y a deux choses que je devais prendre en considération. D'une part,

6 il y avait l'accusation à l'encontre de Ceku, et il n'y avait d'éléments de

7 preuve. Un autre point, c'est que Mme Carla Del Ponte se trouvait au Kosovo

8 pratiquement au même moment, avec un certain nombre de ses collaborateurs,

9 et je lui ai demandé si elle avait des éléments sur Ceku, et je lui ai dit

10 : "Si vous avez quelque chose sur Ceku, il faut que je le sache parce que

11 c'est l'un des protagonistes-clés dans cette province. S'il y a quelque

12 chose que nous devons savoir, il faudra peut-être que l'on modifie notre

13 position pour ce qui est du corps de protection de Kosovo, en tant

14 qu'organisation civile. Ce qu'on m'a dit, c'est qu'il n'y avait rien à

15 l'encontre de lui. C'est la raison pour laquelle, à l'époque, je me suis

16 adressé à la presse et j'ai dit : "Tant que nous n'avons pas d'élément de

17 preuve, tant qu'il n'y a pas d'accusation officielle, tant que la seule

18 chose qui existe sur papier, c'est que le général Ceku est, pour moi,

19 toujours un homme digne de foi."

20 Q. Vous pouvez confirmer, Général, que le général Ceku était l'ex-chef de

21 l'Armée de libération du Kosovo ?

22 R. Oui. Avant cela, il était commandant de Brigade, au sein des Forces

23 croates, qui ont combattu dans la Krajina. C'était un officier de la JNA.

24 Il avait été formé au sein de la JNA. Il était très fier de son

25 entraînement, au sein des Forces yougoslaves.

Page 6623

1 Q. Pouvez-vous confirmer que c'est vous qui l'avez nommé commandant du

2 Corps de Protection du Kosovo ?

3 R. Non, cela n'est pas exact. C'est Bernard Kouchner qui a fait cette

4 affectation. Il s'agissait du Corps de Protection placé sous notre

5 commandement.

6 Q. Compte tenu de la situation, ce que j'aimerais soulever avec vous,

7 c'est qu'indépendamment du passé du général Ceku, indépendamment des

8 circonstances, vous travailliez avec lui et vous faisiez confiance aux

9 informations qu'il vous fournissait.

10 R. Oui.

11 Q. Parce que vous estimiez qu'en tant que commandant du Corps de

12 Protection du Kosovo, il méritait cette position et, à moins que vous ayez

13 eu des éléments d'information spécifiquement réfutant cela, vous allez

14 continuer de lui faire confiance.

15 R. Il y a eu des allégations d'incidents, qui se sont produits, même de

16 nuit, et je me suis adressé à lui. Je voulais m'assurer si c'était vrai ou

17 non. Parfois, certaines de ces actions visaient à éliminer des commandants

18 subordonnés de Ceku, les éliminer du Corps de Protection, parce que j'ai

19 dit que je ne pouvais pas faire confiance à ces hommes. Simplement, je les

20 ai évincés parce que ce n'était pas facile, vous savez, compte tenu des

21 conséquences. Je n'avais aucune raison de ne pas faire confiance au général

22 Ceku pendant ma mission. Je pense qu'il faisait vraiment tout ce qu'il

23 pouvait, dans sa position. Aussi, il faut savoir qu'il était l'une des

24 figures très importantes parmi les Kosovars. La population du Kosovo a une

25 très haute opinion de lui. Si vous faisiez quelque chose à son encontre, il

Page 6624

1 fallait vraiment s'appuyer sur des preuves très fermes, sinon, toute la

2 population se serait dressée contre vous.

3 Q. Je vous remercie, Général. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous

4 pouvez confirmer l'importance d'un commandant une fois qu'il a nommé des

5 personnes, des individus, à des postes précis. Lorsqu'il travaille avec des

6 personnes, qui lui sont subordonnées, est-ce qu'il est important de leur

7 faire confiance et de faire confiance aux informations qu'il reçoit de leur

8 -- à moins qu'il ait des informations lui prouvant qu'il n'y a pas raison

9 de leur faire confiance.

10 R. Je suis absolument d'accord avec vous. Je voudrais

11 répéter, le général Ceku n'était pas placé sous mon commandement.

12 Q. Oui, Général.

13 Je passe à un autre attribut de l'armée professionnelle, le fait que,

14 généralement, une armée professionnelle sera une armée de volontaires qui

15 sont prêts à consentir le sacrifice ultime, de sacrifier leur vie. A ce

16 niveau, cela concerne à la fois des officiers et des sous-officiers ou

17 simples soldats ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous seriez d'accord avec cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Seriez-vous également d'accord pour dire que l'armée professionnelle

22 est caractérisée par la connaissance et l'entraînement ?

23 R. Oui.

24 Q. Que cette connaissance et cet entraînement se scindent en deux,

25 l'entraînement individuel et collectif. Ceci est très important pour une

Page 6625

1 armée professionnelle ?

2 R. Absolument.

3 Q. S'il s'agit entraînement afin de se préparer pour un combat ou pour se

4 préparer pour exécuter une mission, une tâche militaire, on s'attachera

5 avec beaucoup d'attention au fait que les soldats doivent être prêts pour

6 exécuter la mission qui leur sera confiée.

7 R. C'est vrai.

8 Q. Je voudrais vous montrer un schéma. Ce schéma concerne le type

9 entraînement au moins, cela représente le cycle d'entraînement et de

10 préparation pour une mission.

11 Il s'agit d'un schéma qui a été tiré d'un manuel militaire canadien.

12 Au fond, il y a ici sept niveaux d'entraînement qui sont cités. Où est-ce

13 qu'on commence ? Par des aptitudes au combat individuelles ?

14 M. BOURGON : Monsieur le Président, il me manque une copie.

15 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent qu'ils n'ont pas le document.

16 M. BOURGON : [interprétation]

17 Q. Au niveau 1 de ce genre d'entraînement, on commence, par des aptitudes

18 individuelles et les tâches au combat, et suit l'entraînement au niveau de

19 la Section des sous-unités, du peloton ou de l'escadron. Ensuite, au niveau

20 de la Compagnie d'un groupe de combat, généralement, il s'agit d'un

21 ensemble de sous-unités, l'entraînement aux armes de combat au niveau du

22 bataillon -- excusez-moi, au niveau du bataillon, suit le niveau de

23 formation au niveau de la brigade. Si nous regardons ce schéma en bas, il

24 s'agit, au fond, du type d'entraînement, de l'ensemble du cycle

25 d'entraînement à commencer en bas, à gauche, par l'entraînement individuel

Page 6626

1 jusqu'à l'entraînement sur le théâtre des opérations, et le déploiement de

2 la force. La phase de la reconstitution est la phase où vous prenez les

3 mêmes soldats et vous les préparez soit pour un autre cycle de la même

4 mission, ou vous les entraînez de nouveau avec un nouveau programme

5 complètement complet pour une mission différente.

6 Est-ce que c'est un cycle d'entraînement habituel, de planification

7 et d'entraînement, afin de s'assurer que les troupes sont aptes au

8 déploiement et à exécuter la mission ?

9 R. C'est pratiquement une vision idéale de la chose, mais cela ne signifie

10 pas que toutes les nations le font de cette manière-là. Il y a très peu de

11 nations qui agissent comme les canadiens. Au niveau de la brigade, presque

12 jamais il n'y a pas d'entraînement parce que toutes les nations agissent,

13 aujourd'hui, dans des Unités multinationales. Cela veut dire que c'est

14 entre les mains d'une nation que se situe l'entraînement. Ce qui se passe,

15 c'est l'entraînement, au niveau des bataillons, pour autant que je le

16 sache, pour ce qui est des bataillons canadiens, par exemple, Princesse

17 Patricia et d'autres, l'entraînement se situait au niveau du bataillon.

18 Il faut peut-être ajouter un point qui me semble très important.

19 L'entraînement ne concerne pas uniquement des aptitudes ou des capacités

20 militaires normales, habituelles. La chose-clé, dans ce genre de

21 préparation au déploiement, est la préparation des soldats pour ce qui est

22 de l'aspect culturel, religieux, politique du contexte dans lequel ils

23 doivent agir. Ils doivent se préparer mentalement, juridiquement aussi.

24 C'est ce que la plupart des nations européennes font parce qu'elles savent

25 à quel point ceci est important. C'est cet aspect-là d'entraînement aussi.

Page 6627

1 Parfois, c'est même plus important que la formation à utiliser une arme ou

2 un char, et cetera.

3 Q. Je vous remercie. Une dernière question concernant la qualification

4 d'une armée professionnelle. Vous vous y référez dans votre rapport. Vous

5 avez une expérience pour ce qui est de la connaissance du contexte

6 institutionnel et de la création des structures.

7 R. Oui.

8 Q. Sur la base d'une formation, d'un entraînement spécialisé, que pouvez-

9 vous nous dire là-dessus ? Je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre.

10 Vous dites que c'est un aspect important d'une armée professionnelle.

11 R. Oui. Je pense que lorsque l'on rentre dans les rangs d'une armée

12 professionnelle, on veut se montrer à la hauteur du système. Pour se

13 qualifier, il faut subir un entraînement précis. Il faut acquérir une

14 expérience à certains niveaux. Il faut prouver que votre expérience à un

15 certain niveau, un certain échelon, est celle d'un commandant compétent,

16 que ce soit un commandant d'une section ou d'un bataillon, que vous avez

17 une expérience vraiment solide; sinon, vous n'allez pas grimper le long du

18 système. La compétence est très importante dans votre carrière

19 professionnelle. Si vous ne vous qualifiez pas, vous n'allez pas y réussir.

20 Je pense que tout soldat professionnel souhaite ne pas rester à l'échelon

21 le plus bas. Il souhaite ascender. Il souhaite grimper les échelons de

22 toute la mesure du possible. Sa carrière sera en fonction de ses capacités

23 et de ses connaissances professionnelles. Il faudra qu'il le prouve, qu'il

24 prouve qu'il est digne de fonctions de commandant.

25 Q. Je vous remercie. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, comme moi,

Page 6628

1 pour les deux derniers points dont nous avons parlé, la connaissance et

2 l'entraînement, compte tenu de ce que vous savez, de votre expérience, que

3 tout cela, vous ne l'avez pas avant d'être engagé dans un combat. Si vous

4 ne l'avez pas, ceci peut être très difficile.

5 R. Oui, je pense que c'est tout à fait clair dans ma déclaration. Je

6 souhaite que tout le monde comprenne très bien à quel point c'était

7 difficile pour les forces bosniaques de créer leurs propres forces dans ces

8 conditions qui étaient extrêmement hostiles.

9 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi, Général, c'est là une

10 hypothèse, que si, dans ces circonstances, un commandant de Corps d'armée

11 tentera, néanmoins, de former ses troupes à la fois, l'entraînement

12 individuel, l'entraînement collectif, même l'entraînement des officiers et

13 au niveau du commandement -- s'il le tentait, néanmoins, ce serait un

14 commandant très raisonnable. Il ferait preuve vraiment du meilleur

15 comportement compte tenu des circonstances ?

16 R. Oui. Il serait très raisonnable, car s'il ne le faisait pas, il lui

17 serait même plus difficile d'avoir des forces aptes à opérer et à exécuter

18 la mission qui leur est confiée. C'est dans son intérêt professionnel

19 d'agir exactement comme vous venez de le dire. Plus il hausse le niveau de

20 ses forces, plus ses forces seront efficaces.

21 Q. Ma dernière question : pendant que vous faites la guerre, assurer

22 l'entraînement en même temps, c'est très difficile, n'est-ce pas ?

23 R. Oui. On peut se servir des pauses, des trêves dans les opérations afin

24 de former les soldats et d'appliquer ce qui a été appris dans les combats.

25 M. BOURGON : J'aimerais avoir un numéro, s'il vous plaît, pour le document

Page 6629

1 concernant la formation et l'entraînement.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis ?

3 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'objections, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Greffière ?

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce DH148, pièce de la

7 Défense.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

9 Maître Bourgon

10 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

11 Q. [interprétation] Le dernier point que je souhaite soulever avant la

12 pause -- avant cette pause technique, ce n'est pas parce que nous

13 souhaitons prendre une pause, c'est le point qui concerne la création d'une

14 armée professionnelle. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que pour

15 constituer une armée professionnelle, il faut beaucoup de choses ? Je vais

16 citer un certain nombre de choses qui sont requises pour constituer une

17 armée professionnelle. Tout d'abord, il faudrait la légalité qui est

18 conférée par le gouvernement, et il faudrait la légitimité du gouvernement.

19 R. Absolument.

20 Q. Un deuxième point : il faudrait qu'il y ait la raison d'être et un plan

21 de mettre sur pied une armée, qui se fonderait normalement sur le besoin

22 d'assurer la sécurité d'une nation souveraine.

23 R. Je serais d'accord avec vous. Il n'est pas nécessaire de créer une

24 armée parce qu'une nation est menacée, mais la souveraineté et

25 l'appréciation qu'un pays a de soi, un pays souverain, exige au fond, qu'il

Page 6630

1 ait ses propres forces pour assurer sa défense.

2 Q. Un autre point serait le temps, le temps nécessaire à créer une armée

3 professionnelle.

4 R. Oui.

5 Q. Il faut beaucoup de temps pour créer une force professionnelle ?

6 R. Habituellement, cela n'exige beaucoup plus de temps que ce à quoi on

7 s'attend. Nous voyons à quel point, en réalité, cela est difficile.

8 Q. Il y a eu des arguments disant que pour qu'une armée devienne une armée

9 pleinement professionnelle, qu'il faut 30 ans; le temps qu'il faudrait pour

10 que vos premières recrues atteignent les échelons les plus élevés de

11 l'armée. Ce serait peut-être vraiment l'estimation maximale. Est-ce que

12 vous seriez d'accord avec cela ?

13 R. Je dirais que cela prend beaucoup de temps, mais je ne voudrais pas

14 préciser le nombre d'années, parce que cela dépend toujours beaucoup,

15 beaucoup, des circonstances dans lesquelles vous mettez sur pied une armée.

16 Je vais me référer à la Bosnie-Herzégovine. Il y avait des officiers

17 qui avaient été formés. C'étaient des officiers expérimentés, des officiers

18 de carrière de l'armée yougoslave. Ils pouvaient transférer les

19 informations qu'ils avaient, leurs connaissances et leur entraînement à

20 leurs soldats. Je dois dire qu'ils ont commencé vraiment à partir de rien.

21 Je ne voudrais pas que l'on ait une fausse idée ici de cela.

22 Q. Je voudrais simplement parler des ressources humaines, des effectifs.

23 Lorsque vous voulez créer une zone de responsabilité, il vous faut des

24 ressources humaines. Dans toute la mesure du possible, il vous faut des

25 ressources humaines qualifiées.

Page 6631

1 R. Oui.

2 Q. Lorsque je parle de "qualifié", je parle d'un soldat qui doit être

3 formé. Vous avez besoin de médecins, d'ingénieurs, de juristes, de

4 personnes qui ont des qualifications professionnelles. Vous pouvez vous

5 servir de ces personnes qualifiées, diplômées, pour avancer plus vite.

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez, bien sûr, besoin des ressources matérielles. Il faut des

8 fonds considérables, des sommes considérables pour créer une armée. Il faut

9 des armes, il faut des véhicules, des infrastructures.

10 R. Oui.

11 Q. Aussi, il faut un système d'entraînement individuel, une éducation

12 professionnelle, un système de développement.

13 R. Oui.

14 Q. Tout cela pris ensemble suffira à créer une armée professionnelle avec

15 le temps.

16 R. [inaudible]

17 Q. Vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'on pourrait plus rapidement

18 mettre sur pied une armée professionnelle, parce que nous avons des

19 ordinateurs aujourd'hui. Nous avons une mémoire collective. Nous pouvons

20 chercher sur Internet, lire ces manuels, et cetera. On peut avancer plus

21 vite ?

22 R. Non. Même si vous avez à votre disposition tous ces éléments

23 d'information, il faut transférer ces informations. Il faut que tout soldat

24 à titre individuel les ait. Le processus de transformation allant de la

25 connaissance au comportement du soldat, si cela n'a pas été modifié, peu

Page 6632

1 importe quelles soient les informations qui circulent, vous avez besoin du

2 temps pour transformer un civil en un bon soldat. Notre ère informatique

3 n'a pas d'impact là-dessus.

4 Q. Je vous remercie, Général.

5 Un exemple concernant de ravitaillement, parce que vous avez travaillé dans

6 le ravitaillement. On a dit que pour qu'une nation s'achète un char entre

7 le moment où on a identifié le besoin de ce le procurer, jusqu'au moment où

8 ce char arrive dans un peloton, dix années peuvent se passer.

9 R. C'est très optimiste. Je pense que cela ne se passe jamais en si peu de

10 temps, du moins pas pour autant que je le sache.

11 Q. Général, compte tenu de tout cela, la création d'une armée

12 professionnelle, compte tenu de tous ces critères qui doivent être

13 satisfaits, si vous devez faire cela, si vous avez 5 % de vos effectifs qui

14 sont déjà des soldats professionnels, si vous en avez 95 % qui sont des

15 soldats sans entraînement ou ex-conscrits, est-ce que vous êtes d'accord

16 avec moi pour dire que ceci serait un défi très difficile à relever dans un

17 environnement de combat ?

18 R. Je n'ai pas de doute là-dessus, mais les soldats qui ne sont pas

19 entraînés ne sont pas au même niveau que les soldats conscrits. Si vous

20 avez un bon système de conscription, ces soldats-là connaîtront beaucoup de

21 choses, parce qu'ils auront appris des choses, et on pourra les utiliser.

22 Pour revenir un pas en arrière, il ne faut pas réinventer à chaque fois la

23 roue. On peut acheter des choses sur le marché, vous n'avez pas à les

24 développer vous-même, parce que sinon, il vous faudra 30 ans, comme vous

25 venez de le dire.

Page 6633

1 Q. Général, un général qui assure le commandement, qui combat, qui est

2 engagé dans une guerre sur son propre territoire national, qui se défend,

3 parce qu'il est attaqué par deux ennemis, il essaie de créer une armée, il

4 essaie de développer un système d'entraînement, il a des problèmes de

5 communication. Comment décririez-vous ce type de situation pour ce

6 général ? Sur quoi devrait-il se focaliser ?

7 R. Il doit être un champion du monde de l'improvisation. Il ne peut pas se

8 focaliser sur une chose seulement, il doit se focaliser sur plein de choses

9 en même temps. Ses efforts doivent se polariser de manières multiples,

10 parce que la clé pour lui, c'est d'assurer la défense de son propre pays

11 contre ceux qui l'attaquent. Tout ce qu'il fait doit être polarisé sur cet

12 objectif-là. J'hésite à dire qu'il y a un seul point d'intérêt.

13 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'ai un autre sujet à discuter

14 aujourd'hui concernant les responsabilités d'un commandant. Merci, Monsieur

15 le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 12 heures 25. Nous reprendrons à une heure

17 moins dix.

18 --- L'audience est suspendue à 12 heures 27.

19 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

21 Maître Bourgon, vous avez la parole.

22 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

23 Q. [interprétation] Général Reinhardt, j'aimerais poursuivre mon contre-

24 interrogatoire et vous parler des responsabilités d'un commandant de corps

25 ou d'un général. Avant de ce faire, je souhaiterais vous montrer deux

Page 6634

1 autres documents. J'aimerais que l'Huissière montre ces documents au

2 général.

3 M. BOURGON : [interprétation] S'il reste des documents, je pense qu'il

4 serait très utile de les donner aux interprètes car j'ai oublié de leur

5 donner ces documents.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, il serait utile que, pour les

7 interprètes, les documents soient placés sous le rétroprojecteur si

8 possible.

9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

10 Q. [interprétation] Général Reinhardt, je vous demanderais de bien vouloir

11 prendre le document qui comporte un croquis intitulé, croquis 2.1,

12 "puissance de combat". J'aimerais vous demander de pouvoir le placer sous

13 le rétroprojecteur, et ainsi tout le monde pourra voir ce croquis.

14 Il s'agit d'un document canadien. Il s'agit d'un document relatif à

15 la puissance de combat. Le but de la Défense en vous montrant ce document

16 est de voir si vous pouvez aller depuis le centre du document, vous avez la

17 fonction de commandant, commandement et vous avez la puissance de combat

18 qui est définie comme deux cercles différents, le premier cercle

19 représentant la fonction de combat qui représente l'effort principal avec

20 le théâtre des opérations et la synchronisation. Ensuite, vous avez un

21 cercle à l'intérieur de ce cercle et vous avez les six fonctions de combat

22 qui sont comme suit, le commandement, suivi des opérations d'information,

23 suivi de la manœuvre, puissance de feu, protection et, ensuite,

24 "sustainment", en anglais. Comment conserver ces acquis sur le terrain ? Ce

25 n'est pas tant le texte qui m'intéresse, mais j'aimerais savoir si, lorsque

Page 6635

1 vous voyez ce croquis, cela représente la façon dont l'on peut définir des

2 opérations de combat et la façon dont on peut surtout améliorer sa

3 puissance de combat en suivant cette procédure.

4 R. Je ne sais pas si vous pouvez améliorer votre puissance de

5 combat, mais vous pouvez l'optimaliser parce que vous n'allez pas avoir

6 autre chose que ce que vous avez sur le croquis. Mais vous pouvez

7 "optimaliser" la puissance de combat. Vous pouvez procéder à des synergies.

8 Vous voyez le commandant qui : Utilise, à bon escient, tous les moyens qui

9 sont mis à sa disposition.

10 Q. Si vous prenez maintenant le deuxième document, qui est le document

11 intitulé, "Intégration des fonctions de combat", au paragraphe 67 de ce

12 document. Il est justement fait état de ce que vous venez de mentionner, à

13 savoir : "Les fonctions de combat ou les combinaisons multiples des

14 fonctions de combat sont définies et conçues par le commandant pour

15 optimaliser ou pour faire en sorte d'obtenir la puissance maximale de

16 combat."

17 Si vous prenez le paragraphe 67, est-ce que vous pouvez nous dire si ce qui

18 est intitulé, "Effort principal" -- si le premier paragraphe détermine une

19 partie importante de la puissance de combat optimalisée ?

20 R. Je peux vous dire que c'est un cours de lecture très, très rapide que

21 vous m'imposez. Je dois véritablement faire fauche de tout bois.

22 L'essentiel de votre propos, c'est que vous devez concentrer toutes les

23 forces qui sont à votre disposition et que vous devez les concentrer, les

24 polariser vers un seul objectif. Il faut véritablement canaliser toutes les

25 forces que vous avez et non pas disperser les forces dont vous disposez.

Page 6636

1 Plus vous avez un effort principal, mieux vos chances seront assurées

2 d'être couronnées de succès. C'est pour cela que nous avons toujours un

3 effort principal, et cet effort principal correspond à la mission

4 essentielle du commandant.

5 Q. Si vous prenez la page 2 de ce document, avec son paragraphe 71, qui se

6 trouve en haut de la page, le paragraphe qui est intitulé

7 "Synchronisation." Qu'entend-on par "synchronisation" ?

8 R. Je pense que la synchronisation semble très facile, mais c'est

9 probablement le maillon le plus difficile de l'exécution parce que vous

10 avez différents types de forces qui font ce travail. Vous avez les Forces

11 aériennes. Vous avez des hélicoptères. Vous avez l'artillerie, et cetera,

12 et cetera. Il faut que tout cela soit synchronisé au bon moment vers votre

13 cible principale. Il faut pouvoir le faire. Il faut pouvoir s'organiser. Il

14 faut avoir le temps pour le faire. Cela représente véritablement une

15 activité très, très lourde. C'est là, en fait, que l'on voit si un

16 commandant est apte à le faire, à faire cet effort plutôt que de décomposer

17 toutes ses forces.

18 Q. Il est dit à la ligne 3, du paragraphe 71 : "Les attaques viennent de

19 plusieurs angles, ce qui fait qu'il n'a pas la possibilité de se concentrer

20 sur un seul problème, à ce moment-là, ou il n'a pas la possibilité

21 d'établir des priorités. Il s'agit de savoir comment sortir de ce dilemme,

22 comment réagir, et il est véritablement déchiré entre plusieurs directions.

23 Il n'est pas totalement paralysé, mais il est difficile de répondre de

24 façon cohérente." Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela ?

25 R. Je ne dirais pas que j'ai été déchiré en mille morceaux. Je suis encore

Page 6637

1 ici; le général Hadzihasanovic, de toute évidence, également. Certes,

2 c'était quelque chose de très difficile et de très complexe, mais

3 j'aimerais insister sur le fait que vous ne passez pas des jours et des

4 nuits et des mois en opération. Il y a des pauses pendant les opérations. A

5 ce moment-là, pendant les pauses, justement, il faut essayer de faire

6 certaines choses que vous n'avez pas pu faire pendant les opérations. Il

7 faut essayer de régler les problèmes. Mais ceci étant, ce que vous avancez

8 est tout à fait vrai pendant les opérations. Mais cela ne signifie pas

9 forcément que vous allez vous concentrer sur une seule chose et laisser

10 tout le reste de côté.

11 Q. Pour ce qui est de la dernière partie du paragraphe 74, le paragraphe

12 qui est intitulé, "Rythme" ou "Cadence", c'est exactement ce que vous

13 indiquez, puisqu'il est dit : "Le rythme sera également un facteur qui sera

14 très important, un facteur de détermination."

15 R. Oui, je suis d'accord avec cela.

16 Q. A la dernière page où nous avons, à nouveau, une illustration des trois

17 principes des fonctions de combat que nous avions dans nos croquis, pouvez-

18 vous indiquer -- lorsque vous comparez ce que vous voulez obtenir, il faut,

19 bien entendu, pour ce faire, faire un effort, avoir une synchronisation,

20 avoir le bon rythme afin d'obtenir la puissance de combat maximale ?

21 R. Oui. Je pense, effectivement, que ce schéma ou ce croquis est une bonne

22 explication de ce que vous devez faire.

23 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'aimerais demander le versement du

24 document, celui qui a le diagramme, seulement la première page, puisque je

25 ne veux pas rentrer dans les détails de la balance du document. Seulement

Page 6638

1 la première page, le diagramme avec le document de trois pages, qui portent

2 la mention "Integration of Combat Functions" -- "Intégration des fonctions

3 de combat". Je voudrais avoir un numéro pour déposer les deux en liasse

4 sous un seul numéro.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

6 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce DH149.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

10 M. BOURGON : [interprétation]

11 Q. Nous poursuivons, Général Reinhardt, et pour ce qui est de la

12 responsabilité d'un commandant. Si j'essaie de prendre en considération

13 toutes les responsabilités d'un commandant et que j'essaie de les scinder

14 en trois catégories : vous avez la responsabilité vis-à-vis de la chaîne du

15 commandement et vis-à-vis de l'état; vous avez ensuite la responsabilité

16 vis-à-vis les subordonnés et les soldats; ensuite, vous avez la

17 responsabilité juridique.

18 R. Oui.

19 Q. Si je prends le premier type -- la première catégorie de

20 responsabilité, à savoir, la responsabilité vis-à-vis de la chaîne de

21 commandement et de l'état, puis-je, à cet égard, parler de la suprématie de

22 la mission qui est véritablement le centre d'intérêt du général, le

23 commandement ?

24 R. Je pense que c'est exact.

25 Q. Général, je suppose que vous connaissez les principes de la guerre ?

Page 6639

1 R. Oui, tout à fait. J'ai, effectivement, lu cela.

2 Q. J'aimerais vous montrer un document, Général, qui permet de mettre en

3 parallèle les principes de la guerre, tels qu'appliqués dans un certain

4 nombre d'armées.

5 Si vous preniez ce schéma, pourriez-vous, dans un premier temps,

6 expliquer à la Chambre de première instance ce que l'on entend par les

7 "principes de la guerre" ?

8 R. Je pense d'abord que je dois étudier ce diagramme. C'est la première

9 fois que je le vois. Il est assez complexe. Vous savez, je suis un vieux

10 général. Je suis un général à la retraite, cela me prend un peu plus de

11 temps.

12 Mais je pense que les principes de la guerre, si vous me permettez de

13 développer ma pensée, sont des principes qui sont valables et applicables

14 quelle que soit l'armée, quel que soit le type d'opérations, ce sont des

15 principes qui ont été utilisés. En fait, normalement, vous devez être

16 efficace. Vous devez avoir un objectif principal, vous devez utiliser

17 l'effet maximal de surprise sur l'ennemi pour assurer la sécurité de vos

18 propres forces. Vous devez être extrêmement souple et la guerre fait

19 normalement partie d'une stratégie globale menée à bien par un pays.

20 Il s'agit de la surprise, de la sécurité, de la concentration des forces.

21 Ce sont des éléments clés sur les champs de bataille mais cela se fonde sur

22 le moral des soldats. Si vous n'avez pas la discipline, si vous n'avez pas

23 de moral, si les soldats refusent d'obéir à vos ordres parce qu'ils ont

24 perdu toutes leurs illusions, les autres principes ne vont pas se

25 concrétiser.

Page 6640

1 Je pense que l'un des problèmes fondamentaux dans toute guerre, qu'il

2 s'agisse d'Alexandre le Grand ou des guerres modernes, il s'agit de savoir

3 comment maintenir le moral des troupes le plus possible parce que ce moral

4 représente votre atout le plus important.

5 Q. Général, si vous prenez la première ligne de cette page, vous voyez que

6 vous avez la colonne des "Forces canadiennes" et vous avez, comme principe,

7 numéro 1, "sélection ou choix de l'objectif et maintien de l'objectif",

8 cela semble être la même chose pour l'Armée britannique, ce qui se traduit

9 par "objectif" pour l'Armée des Etats-Unis, pour l'Armée de l'URSS. Cela

10 est expliqué par "avancer et consolidation" -- dont vous voyez à quel point

11 mon document date -- et pour l'Armée de la République populaire de Chine,

12 vous avez "objectif de la guerre" et "unicité de l'orientation". Vous

13 voyez, en fait, que, pour ces cinq pays, nous avons la même chose. Est-ce

14 que vous êtes en mesure de marquer votre accord avec ces principes ?

15 R. Oui.

16 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que l'on entend par "choix et maintien de

17 l'objectif" ?

18 R. Cela signifie que vous décidez de votre objectif et vous concentrez

19 tout sur cet objectif. L'objectif, il faut également maintenir cet

20 objectif. Vous avez un objectif essentiel autour duquel vous coordonnez

21 toutes vos forces.

22 Q. Si je peux me permettre de vous demander de prendre la deuxième page de

23 ce document, la fin de la deuxième page où il est question des dix

24 principes de la guerre. Si vous prenez le paragraphe 5(A), "choix et

25 maintien de l'objectif", il est dit que : "En cas de guerre et dans toute

Page 6641

1 opération de guerre, il est essentiel de choisir et de définir l'objectif

2 clairement. Le but, l'objectif ultime étant de briser la volonté des

3 ennemis qui ne doivent plus vouloir continuer à combattre."

4 Si vous prenez cinq lignes avant la fin dans le même paragraphe, il est dit

5 que : "Le choix et le maintien de l'objectif doivent être considérés comme

6 le principe fondamental et, par conséquent, doit avoir la première place.

7 Les autres principes ne sont pas donnés dans un ordre particulier, étant

8 donné que leur importance relative variera en fonction de la nature de

9 l'opération en question." Pouvez-vous marquer votre accord avec cette

10 déclaration ?

11 R. Non. C'est tout à fait théorique, mais la réalité montre que,

12 normalement, conformément aux principes normaux, il est vrai que c'est la

13 volonté de l'ennemi que vous souhaitez briser, mais parfois ce n'est pas

14 vrai.

15 Quand Henri V a mené à bien la bataille d'Agincourt, les effectifs en face

16 de lui étaient beaucoup plus nombreux, mais, puisque ses troupes avaient le

17 moral, il a véritablement fait subir une défaite à une armée qui était

18 beaucoup plus puissante et beaucoup plus efficace, et cela juste à cause de

19 cette question du moral des soldats.

20 Il y a des façons différentes de mener à bien la guerre. Il s'agit, certes,

21 d'un principe fondamental, du principe le plus fondamental dont vous

22 parlez, mais vous devez véritablement voir -- tenir compte de la situation.

23 Cela dépend de l'ennemi, et cetera, pour ce qui est des autres principes.

24 Q. Si je peux formuler ma question, de façon différente, à propos de ce

25 principe fondamental, je souhaite parler de l'importance ultime de la

Page 6642

1 mission qui est déterminée par l'exécution de la mission.

2 R. Tout à fait. Vous avez votre mission et, en fait, vous polarisez sur

3 votre mission, votre mission qui vous a été confiée par votre quartier

4 général. Votre mission, en fait, est véritablement ce que vous devez faire.

5 Q. J'aimerais vous poser une question qui porte sur les faits. Demain,

6 nous aborderons plutôt les faits. Mais, d'après les documents que vous avez

7 lus, avez-vous pu identifier ce qu'était la mission du général

8 Hadzihasanovic ?

9 R. Je pense que sa mission essentielle consistait à se défendre contre les

10 Forces du HVO et les Forces serbes et à défendre son pays contre le HVO et

11 contre les Forces serbes. Il devait s'assurer que le moins possible de

12 citoyens musulmans étaient victimes. Sa mission fondamentale consistait à

13 libérer les personnes qui se trouvaient dans son secteur de responsabilité.

14 Il devait également les protéger de deux forces qui les attaquaient en

15 simultané.

16 Q. Je vous remercie, Général.

17 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'aimerais avoir un numéro, s'il vous

18 plaît.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

20 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois,

21 l'Accusation soulève aucune objection, eu égard à ce document, qu'il soit

22 versé au dossier. Nous demanderions, encore une fois, obtenir la source du

23 document en temps et en heure.

24 Je ne sais pas si mon éminent confrère peut faire un commentaire sur le

25 fait qu'en bas du document numéro deux, il semble que ce soit un document

Page 6643

1 confidentiel. Je ne sais pas si c'est un document qui est dans le domaine

2 public ou peut-être qu'il pourrait le préciser par la source du document.

3 Je souhaitais simplement apporter ceci à l'intention de la Chambre.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, en page 2, j'avais noté qu'il y avait

5 une restriction. D'où vient ce document ?

6 M. BOURGON : Monsieur le Président, ce document provient des Forces

7 canadiennes et la cote de sécurité du document porte la mention

8 "restreinte" ou "diffusion restreinte", au sein des Forces armées

9 canadiennes. Là, je parle de connaissances et non pas d'avoir vérifié.

10 Mais, au sein des Forces armées canadiennes, il y a différents niveaux. Il

11 y a les documents qui n'apportent pas de classification. Le premier niveau

12 est "diffusion restreinte". Nous pouvons, ensuite, passer à "secret" et,

13 ensuite, à "très secret." Les documents de diffusion restreinte sont

14 normalement limités à des fins d'instruction. Ce document-là a été pris sur

15 un CD qui est de diffusion, il n'y a aucun problème à utiliser le document.

16 Par contre, mon confrère a tout à fait raison de dire que la source n'y est

17 pas et nous allons apporter la source dans les plus brefs délais, Monsieur

18 le Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

20 Madame la Greffière, vous nous donnez un numéro.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce portant le numéro

22 DH150.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

24 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

25 Q. [interprétation] Général, je vais poursuivre. Il s'agit là de la

Page 6644

1 responsabilité en haut de l'hiérarchie. Vous êtes d'accord qu'il y avait

2 une responsabilité vers le bas également ?

3 R. Oui.

4 Q. Pour ce qui est des responsabilités vers le bas, je ne sais pas comment

5 fonctionne l'Armée allemande, mais, en tout cas, dans l'armée canadienne,

6 c'est un dilemme permanent, à savoir, y a-t-il, oui ou non, une question de

7 loyauté du commandant envers ses troupes. Comment interprétez-vous cette

8 question ? Comment y répondriez-vous ?

9 R. C'est le point d'interrogation qui me pose problème.

10 Q. S'il y avait une situation dans laquelle un commandant devait choisir

11 entre sa loyauté envers ses hommes et sa loyauté envers la chaîne de

12 commandement ?

13 R. Il doit être loyal envers la chaîne de commandement car cela est

14 l'essentiel de sa mission, mais je crois qu'il s'agit d'un débat très

15 théorique, ici, la manière dont vous essayez de diviser les deux éléments

16 car on ne peut remplir sa mission qu'avec l'aide des hommes. S'ils ne sont

17 pas loyaux envers vous, si vous ne pouvez pas remplir votre mission, vous

18 ne pouvez pas être loyal envers votre état. C'est mutuel. Ceci s'applique

19 au général Hadzihasanovic, comme tous les autres généraux. La loyauté des

20 hommes est essentielle car ils font sacrifice de leur vie, ils doivent

21 aller au combat. En général, ils ne vont pas au combat pour se battre pour

22 les grandes idées, comme la liberté. En général, ils vont au combat car ils

23 sont loyaux envers leurs frères d'armes et leur commandant.

24 S'ils n'ont pas confiance en leur commandant, à ce moment-là, ils n'iront

25 pas au combat. Je crois qu'il s'agit là, plutôt, de confiance mutuelle. Je

Page 6645

1 ne pense pas que l'on puisse essayer d'établir une priorité numéro un,

2 numéro deux.

3 Q. Dans ce sens, Général, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, dans

4 ce système de soutien mutuel, le commandant doit au moins l'obligation

5 envers ses troupes d'optimiser leur chance de survie et de d'assurer au

6 mieux la sécurité des ses subordonnés ?

7 R. Oui.

8 Q. Ce faisant, le commandant va augmenter la cohésion, la confiance et le

9 moral de ses hommes.

10 R. Oui.

11 Q. Dans l'éventualité d'un conflit, il devrait se tourner, en premier

12 lieu, vers la chaîne de commandement.

13 R. Oui.

14 Q. Là, nous parlions de la responsabilité envers ses subordonnés.

15 Maintenant, je souhaite parler des responsabilités au plan juridique. A la

16 lecture de votre rapport, vous serez d'accord avec moi pour dire que les

17 responsabilités au plan juridique des commandants, c'est le respect de la

18 loi.

19 R. Oui.

20 Q. Le droit national ainsi que les lois, les décrets, la réglementation,

21 de même que la réglementation ou les règles au sein de l'armée qui sont

22 exécutoires.

23 R. Oui.

24 Q. Le commandant doit également respecter le droit international.

25 R. Il doit --

Page 6646

1 Q. Oui, si cela s'applique, bien entendu.

2 R. Il doit respecter le droit international, et la plupart de temps, le

3 droit national l'oblige à respecter le droit international. C'est

4 surprenant de constater à quel point la pression a été placée sur ce

5 nouveau gouvernement de Bosnie à propos de ce droit international et de ce

6 droit humanitaire. Leurs soldats ont pris conscience de l'importance

7 qu'avait cela dans ce nouveau pays.

8 Q. Vous parlez ici de l'année 1993 ?

9 R. Oui, 1992, 1993. C'était surprenant de constater, à la lumière de tous

10 ces documents, la pression qui a été exercée sur ces soldats. On leur a

11 demandé d'adhérer aux règles du droit international. Compte tenu de la

12 situation difficile en Bosnie, cela m'a beaucoup frappé et on a souligné

13 l'importance de ceci. C'était le président de Bosnie-Herzégovine qui a

14 beaucoup insisté là-dessus.

15 Q. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que c'est l'obligation du

16 commandant de s'assurer que ses subordonnés respectent et appliquent la

17 loi, et non seulement l'état, mais le commandant également a cette

18 obligation ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous serez d'accord avec moi également pour dire que c'est le devoir du

21 commandant, lorsqu'il y a infraction ou violation, de vérifier, qu'il

22 réprime ces violations, que c'est son devoir de le faire.

23 R. Oui, c'est son devoir de supprimer cela et d'assurer que ceci ne soit

24 pas répété.

25 Q. Comme nous avons précisé plus tôt, que le commandant a le devoir de se

Page 6647

1 concentrer sur sa mission, tout ce que nous avons dit à propos de la

2 mission, de se concentrer là-dessus, des difficultés auxquelles le

3 commandant doit faire face, tout ceci doit être fait toujours dans le cadre

4 de la loi ?

5 R. Absolument.

6 Q. A cet égard, la loi constitue les frontières à gauche et à droite, la

7 manière de circonscrire l'action militaire.

8 R. Oui.

9 Q. Cela ne constituerait pas l'élément primordial pour le commandant si

10 cela se trouve dans ces paramètres qui ont été fixés.

11 R. Absolument, je suis d'accord avec vous.

12 Q. Je vais passer maintenant à la question des responsabilités du

13 commandant, qui parlent de sa responsabilité par rapport à la

14 responsabilité pénale. Vous avez dit que le commandant ou le général

15 commandant des forces armées est responsable de tout. Est-ce que vous

16 constatez qu'il y a une différence, ici à cet égard, entre la

17 responsabilité d'un commandant et la responsabilité pénale d'un

18 commandant ?

19 R. Il s'agit de vous dire qu'il est responsable pour tout ce qui est de

20 son ressort et son domaine de responsabilité. Je crois que cela couvre les

21 éléments pénaux, ainsi que les questions de discipline et les questions

22 opérationnelles. Je crois que cela couvre tout.

23 Q. Est-ce que vous estimez que la responsabilité veut dire la même chose

24 que la responsabilité pénale ?

25 R. Je dois vous dire que je ne suis pas tout à fait capable d'établir une

Page 6648

1 différence entre les deux. Je maîtrise mal le jargon.

2 Q. Général, je souhaite demander à Mme l'Huissière de distribuer ce

3 document. Pardonnez-moi, je croyais que vous aviez déjà le document.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Il semblerait qu'il n'y ait pas assez de copies pour

5 tout le monde.

6 M. BOURGON : [interprétation]

7 Q. Général, ce document est tiré de la Défense nationale canadienne, c'est

8 le chef de l'état-major de la Défense. Il s'agit ici de principes

9 directeurs émanant des officiers, des commandants, extrait du document

10 publié en 1999 et 2000. Je lis, ici, ce que j'ai mis en caractère gras :

11 "Les responsabilités d'un officier peut, dans des circonstances

12 particulièrement difficiles et exigeantes, lui demander de remplir son

13 rôle, et il est responsable de la vie de ses hommes. Il comprend le niveau

14 de risque, et ceci constitue un des fondements de la responsabilité des

15 officiers et de leurs compétences." Etes-vous d'accord ?

16 R. Oui.

17 Q. Paragraphe 105.2, direction, orientation et règles stipulées : "Vous

18 devez vous conformer à toutes les lois, réglementations, règles, et

19 politiques." Je vous laisse le soin de lire le reste de cette citation.

20 Etes-vous d'accord avec cette déclaration ?

21 R. Oui.

22 Q. Les responsabilités sont définies ici en gras : "Vous avez des

23 responsabilités envers les Forces canadiennes, votre service des Armées et

24 l'humanité, en général, que ce soit en temps de paix ou lors d'opérations

25 militaires. Un commandant, en raison de sa personnalité, de son style de

Page 6649

1 commandement et de son comportement général, a une influence très

2 importante sur le moral, l'orientation et la performance de ces hommes

3 ainsi que de son état-major." Etes-vous d'accord avec cela ?

4 R. Cela reprend quasiment mot pour mot ce que j'ai dit précédemment.

5 Autrement dit, le moral des troupes est un élément essentiel.

6 Q. Je souhaite maintenant passer à la deuxième page de ce document qui

7 parle de l'autorité, de la responsabilité.

8 Dans la premier paragraphe, on parle ici : "En tant qu'officier et

9 commandant, vous êtes responsable des résultats. Vous devez obtenir ces

10 résultats dans le cadre de la loi." On poursuit en expliquant ce terme de

11 "responsabilité", ce qui signifie que vous êtes responsable pour les

12 événements qui se produisent et tout ce qui se passe au sein de votre

13 unité. Etes-vous d'accord avec cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la responsabilité pénale

16 est différente dans la mesure, où si un commandant commet un crime, ceci

17 entraîne sa responsabilité pénale ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez rédigé cela dans votre rapport. Vous avez dit qu'il y avait

20 une chaîne de commandement verticale, qu'au sein de cette chaîne de

21 commandement, chacun des commandants est responsable l'un de l'autre ?

22 R. Oui.

23 Q. Je voudrais vous citer un exemple. Encore une fois, il s'agit d'un

24 exemple canadien. Lorsqu'en Somalie, des soldats canadiens ont commis des

25 infractions, lorsqu'un Somalien a été torturé à mort par deux soldats. En

Page 6650

1 remontant la chaîne de commandement, les soldats qui ont perpétré cet acte

2 de torture ont été accusés, condamnés. Leur supérieur qui était de

3 permanence cette nuit-là, a lui aussi été passé devant la cour martiale.

4 L'officier de permanence, le capitaine, lui aussi s'est vu accusé, même

5 s'il n'avait rien avoir avec l'acte lui-même. Il a été accusé sur la base

6 du fait qu'il a été l'officier de permanence. L'officier qui commandait le

7 commandant ou la compagnie à l'époque, a lui aussi été accusé eu égard à

8 ces actes de torture d'un Somalien; cependant, le commandant de l'unité,

9 lui, n'a pas été accusé, sur la base de votre expérience, pourquoi ?

10 R. La seule raison que je puisse trouver est que le commandant de l'unité,

11 au moment où cela s'est produit, n'était pas au courant de l'existence d'un

12 incident, que lorsqu'il a appris que l'incident s'était produit, il a

13 entrepris toutes les mesures nécessaires afin de diligenter une enquête et

14 d'empêcher qu'il y ait de nouveaux actes de ce genre. Ce que je dirais,

15 c'est que le commandant a pris des mesures appropriées à partir du moment

16 où il a été informé du fait. Tandis que ceux ont été accusés et condamnés,

17 c'étaient ceux qui savaient que cela s'était produit. Ils ont pris part à

18 cet événement. C'est mon explication. Je ne sais pas si cette explication

19 est juste, mais c'est la mienne.

20 Q. Deux autres exemples : le premier, lorsque vous-même, en votre qualité

21 de commandant des Forces nationales allemandes, vous avez commandé ces

22 forces dans un certain nombre de déploiement des forces. Seriez-vous

23 d'accord avec moi pour dire que, pendant ces déploiements, il y a eu des

24 infractions à la loi commises par des soldats allemands ?

25 R. Oui.

Page 6651

1 Q. Jamais ne vous a-t-on accusé, jamais n'avez-vous fait l'objet de

2 poursuites pour ces infractions ?

3 R. Non, je n'ai jamais été accusé.

4 Q. Néanmoins, vous étiez responsable de ces infractions ?

5 R. A chaque fois que j'ai appris que ce genre de chose s'était produit,

6 j'ai lancé une enquête sur le champ.

7 Q. Seriez-vous d'accord avec moi, Général, pour dire que lorsque l'on peut

8 déterminer qu'un général a agi de manière raisonnable, qu'il a entrepris

9 des mesures nécessaires et raisonnables dans les circonstances, que dans ce

10 cas-là, il n'est plus pénalement responsable ?

11 R. Oui.

12 Q. Votre situation au Kosovo, vous commandiez la KFOR au Kosovo. Je me

13 réfère à un incident où il y a eu un meurtre qui a été commis par un membre

14 des Forces des Etats-Unis.

15 R. Oui.

16 Q. Il y a eu des mesures qui ont été prises ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous n'êtes pas la personne qui a pris des mesures ? C'étaient des

19 militaires des Etats-Unis parce qu'eux, ils étaient responsables de

20 l'aspect disciplinaire ?

21 R. Moi aussi.

22 Q. Vous, vous n'avez pris par d'aucune manière à aucune forme de

23 poursuites judiciaires eu égard à cet événement.

24 R. Je n'ai pas pris part à l'aspect judiciaire.

25 Q. Vous n'y avez pas pris part ?

Page 6652

1 R. Je vous dis que c'était un événement majeur pour la KFOR. Vraiment je

2 m'y suis penché de manière approfondie. J'ai passé beaucoup de temps à

3 m'assurer que les choses de ce genre ne se reproduisent pas, que l'auteur

4 soit poursuivi par les autorités de son pays, d'une manière appropriée.

5 Q. Vous avez entrepris des mesures nécessaires et raisonnables dans les

6 circonstances afin de vous assurer qu'on s'occupera de cette affaire.

7 R. Oui.

8 Q. A aucun moment, votre responsabilité pénale n'était en cause ?

9 R. Non.

10 Q. Vous n'étiez pas impliqué en tant que responsable d'un point de vue

11 pénal ?

12 R. Non.

13 Q. Je voudrais vous citer à présent quelques propos. Le premier viendra du

14 jugement Yamashita. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec ces

15 citations. Je me réfère ici à un test. C'est la note au bas du page 53.

16 Je fournirai la référence, plus tard, mais c'est le jugement

17 Yamashita. Il y est dit : "Lorsque c'est de manière significative que le

18 commandant s'écarte de la pratique habituelle de commandement, et lorsque

19 des crimes de guerre sont commis par ses subordonnés, lorsque cela

20 constitue une conséquence directe de son comportement, le commandant peut

21 être considéré ou déclaré coupable des infractions qui ont été commises,

22 tout comme s'il les avaient commises lui-même."

23 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous commenter de cela ? Non pas d'un point

24 de vue juridique, mais d'un point de vue du commandement.

25 R. C'est précisément comme vous venez de le dire. Le commandant était au

Page 6653

1 courant des infractions, des délits ou des crimes. Il n'est pas intervenu.

2 Il a laissé faire, Je pense qu'en ce cas-là, effectivement, il est

3 responsable et pénalement responsable.

4 Q. Une autre citation. Cette fois-ci, il est dit la chose suivante : "La

5 subordination militaire est un facteur compréhensif, mais non concluant

6 afin de déterminer, de fixer la responsabilité criminelle pénale. Un haut

7 commandant ne peut pas se tenir informé entièrement et totalement de tous

8 les détails des opérations militaires menées de ses subordonnés. Il a le

9 droit de supposer que les détails qui ont été conférés aux subordonnés

10 responsables seront exécutés conformément au règlement ou à la loi." Est-ce

11 que vous êtes d'accord avec cette citation d'un point de vue du

12 commandement ?

13 R. Oui.

14 Q. Plus loin, il est dit : "Il doit y avoir une faute personnelle qui ne

15 peut se produire que, lorsque l'acte peut être directement attribué au

16 commandant ou lorsque son manquement de superviser ses subordonnés

17 constitue une négligence criminelle de sa part." Est-ce que vous êtes

18 d'accord d'un point de vue de commandement ?

19 R. Oui, la négligence est une question-clé, ici.

20 Q. Plus loin, ma dernière citation, il est dit : "Dans ce dernier cas de

21 figure, il doit s'agir d'une négligence personnelle qui correspond au fait

22 de complètement ignorer --

23 R. Je n'ai pas compris votre citation.

24 Q. Je vous présente mes excuses. Je relirai cette

25 citation : "Encore une fois, dans ce dernier cas, il doit s'agir d'une

Page 6654

1 négligence personnelle qui correspond à une indifférence immorale

2 arbitraire à l'égard de l'action entreprise par ce subordonné, ce qui

3 revient au fait d'acquiescer. Toute autre interprétation du droit

4 international irait bien au-delà des principes fondamentaux du droit pénal

5 tel que connu des nations civilisées."

6 R. Cela se situe à un niveau très élevé. C'est très abstrait. Je dois dire

7 qu'au fond, oui, j'accepterais cette proposition.

8 Q. Général Reinhardt, dans votre rapport, je vais me référer à un

9 paragraphe précis de votre rapport, vous vous intéressez aux actions que

10 doit entreprendre le commandant. Je pense qu'il s'agit là d'une question

11 qui revient à un autre endroit de votre rapport. C'est au paragraphe 2.14

12 en haut de la page 5. Excusez-moi. Je vais commencer en bas de la page 4

13 pour avoir le tout : "Un commandant doit enquêter, doit entreprendre des

14 actions appropriées aussi vite qu'il apprend qu'il y a eu des activités

15 criminelles de faites ou des actes qui s'inscrivent dans l'infraction du

16 droit international qui ont été commises par des individus ou des unités

17 dans sa zone de responsabilité." Ma question est la suivante : ici, en

18 l'occurrence, vous vous référez au Code disciplinaire militaire allemand.

19 Je peux aussi vous citer l'endroit exact du code pénal qui en parle. Je me

20 permets de dire que la formulation, "aussi vite qu'il l'apprend", que cette

21 formulation ne figure pas dans le Code pénal allemand.

22 R. Oui, je n'ai pas cité verbatim.

23 Q. Vous continuez en disant : "Par des individus ou des unités dans sa

24 zone de responsabilité." Vous vous rappellerez, hier, nous avons dit que la

25 seule disposition juridique que l'on peut trouver concernant la zone de

Page 6655

1 responsabilité, c'était celle de la non application ou non applicabilité.

2 Est-ce que vous ne pouvez retrouver personne d'autre dans cette zone de

3 responsabilité. La Chambre de première instance devra déterminer si c'était

4 le cas ici ou non. Si tel était le cas, pour ce qui est de la zone de

5 responsabilité, on ne trouve pas cela dans le texte de la loi. Est-ce que

6 vous seriez d'accord avec moi pour dire quel est le test applicable ? Est-

7 ce que le test applicable est bien le droit international ?

8 R. Ceci est absolument clair. J'ai parlé hier de cette loi pour laquelle

9 vous avez dit qu'elle ne s'appliquait pas, la loi de la JNA sur

10 l'application du droit international. Il y est dit que le commandant est

11 responsable également des choses qui sont faites par les unités placées

12 sous son commandement, et sur des individus qui ne sont pas placés sous son

13 commandement dans sa zone de responsabilité. Il me semble que c'est

14 l'Article 21 de ce règlement. Il s'agit de la responsabilité pour des

15 choses qui sont faites par des subordonnés et même des non subordonnés,

16 mais qui agissent d'une certaine façon dans sa zone de responsabilité. Je

17 pense que la zone de responsabilité revient plus souvent dans les

18 différents documents juridiques que j'ai parcourus.

19 Q. Général, "zone de responsabilité" et "actes commis par d'autres", ce

20 n'est pas -- et c'est ce que j'avance -- la norme applicable, que ce soit

21 dans le droit interne ou dans le droit international. C'est simplement

22 quelque chose que j'avance. Sur la base de votre expérience, est-ce que

23 vous parlez de la zone de responsabilité, ou vous parlez de la zone de

24 responsabilité et des autres ?

25 R. Je pense que ceci ne s'exclut pas. Je pense que l'on se voit assigner

Page 6656

1 une zone de responsabilité en tant que commandant qui commande des troupes,

2 avec des frontières géographiques, qu'on est responsable de cette zone-là.

3 Tout ce qui s'y produit, tout ce qui se produit dans cette zone, engage un

4 aspect juridique pour ce qui est de la responsabilité. Je pense que vous,

5 vous l'interprétez d'une manière exclusive, et j'ai simplement essayé de

6 m'expliquer. La manière dont je l'ai interprété, la manière à laquelle j'ai

7 été formé, c'est de cette manière-là que je vous ai présenté ma conception

8 de la zone de responsabilité.

9 Q. Ma dernière question, pour en terminer sur ce point, est-ce qu'il y a,

10 à votre sens, différence entre un commandant qui occupe un territoire, en

11 tant que responsable de ce qui se produit dans cette zone, et un

12 commandant, qui n'est pas en train d'occuper un territoire ?

13 R. Il faut qu'il exerce le contrôle effectif sur des forces qui sont

14 déployées dans la zone et dans la zone pour laquelle il est responsable.

15 Autrement, on lui a simplement assigné une zone sans lui donner des moyens

16 pour qu'il puisse exercer le contrôle. Il ne peut pas exécuter sa mission.

17 Encore une fois, ce sont deux choses complémentaires.

18 Q. Dans une zone de responsabilité, il y a des autorités civiles. Nous en

19 avons parlé plus tôt aujourd'hui. Les autorités civiles continuent à

20 fonctionner.

21 R. Oui.

22 Q. Elles sont responsables de ceux qui ne relèvent pas de la

23 responsabilité du commandant ?

24 R. Pour ce qui est des activités criminelles, si elles sont commises par

25 des civils, ce sont des autorités civiles qui existent toujours qui sont

Page 6657

1 compétentes en la matière.

2 Q. Laissons cela. Général, je voudrais avancer en haut de ce paragraphe,

3 au paragraphe 18. Vous citez le chapitre 46 du code pénal allemand. Vous

4 continuez, en disant : "Dans ce cas de figure, il doit immédiatement lancer

5 une enquête." Dans le chapitre 46 de ce code pénal allemand, il n'est pas

6 question de lancer immédiatement une enquête. Est-ce que c'est exact ou

7 non ?

8 R. Ce que l'on trouve au point 56, oui, c'est ce que j'ai suivi ici, de la

9 manière dont j'ai été formé. En fondant sur la loi allemande, si quelque

10 chose se produit comme cela, en tant que commandant, je dois réagir aussi

11 vite que possible, dès que je l'apprends. Peut-être qu'immédiatement est un

12 terme trop fort, mais du moins, c'est comme cela que je le comprends. On

13 doit agir dès qu'on le peut. On ne peut pas le reporter à plus tard. C'est

14 trop important.

15 Q. Vous dites que vous avez été formé de cette manière-là. Vous ne dites

16 pas que c'est la loi qui le stipule.

17 R. Je ne sais pas s'il est dit dans la loi "immédiatement" ou "sur-le-

18 champ", mais la loi dit tout ceci qui suit, au point

19 --

20 Q. Il s'agit de la note en bas de page 18.

21 R. Oui.

22 Q. Section 46.

23 R. Oui.

24 M. BOURGON : Il ne me reste que cinq minutes, Monsieur le Président. Il est

25 important de se référer à l'Article 46 pour clarifier la situation.

Page 6658

1 Q. [interprétation] J'aimerais faire référence au paragraphe 46 du

2 code pénal allemand.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon, nous n'avons pas le texte. Vous

4 pouvez peut-être nous lire l'Article 46.

5 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Je vais lire le texte de

6 l'Article 46. C'est un texte qui est rédigé en anglais. Le texte se lit

7 comme suit : "Supervision, senior -- "

8 Monsieur le Président, il serait peut-être mieux de mettre le texte sur le

9 ELMO pour que tout le monde puisse voir le texte.

10 Q. [interprétation] Général, si vous avez l'Article 46, auriez-vous

11 l'obligeance de le placer sur le rétroprojecteur qui se trouve à votre

12 droit pour que tout le monde puisse prendre connaissance de ce paragraphe

13 46.

14 M. BOURGON : Monsieur le Président, une note, l'Article 46 du Code

15 discipline allemand.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas du Code pénal. C'est le Code de

17 discipline --

18 M. BOURGON : Code de discipline allemand.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- de l'Armée allemande.

20 M. BOURGON : C'est la référence que le témoin a donné dans son rapport. A

21 la note de bas de page 18.

22 Q. [interprétation] Vous avez le texte allemand en face de vous. Puis-je

23 avancer que cet article porte sur ce que peut faire un supérieur dans le

24 domaine de la discipline à propos de mesures qui ont été prises au premier

25 niveau ?

Page 6659

1 R. Ou des mesures qui n'ont pas été prises.

2 Q. Ou des mesures qui n'ont pas été prises.

3 R. Tout à fait.

4 Q. J'aimerais que vous m'indiquiez où il est marqué "mesures non prises",

5 parce que je ne le vois pas dans l'Article 46.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : A la vidéo, nous avons le texte en allemand. Il

7 faudrait qu'il y ait une traduction anglaise.

8 M. BOURGON : J'ai le texte, Monsieur le Président, en français, sauf que

9 j'ai mis un peu de couleur dessus. Si mon confrère accepte, je pourrais le

10 mettre sur le ELMO.

11 Monsieur le Président, je vais lire le texte, où on parle de

12 "supervision", "a senior disciplinary superior --" est donné un peu plus

13 tôt dans le code, "supervise the disciplinary --

14 [interprétation] "Les supérieurs disciplinaires qui leurs sont subordonnés

15 dans l'exercice de leur autorité en matière de discipline."

16 [En français] Concernant les superviseurs disciplinaires qui a revu une

17 mesure disciplinaire, et on dit qu'est-ce que son supérieur peut faire pour

18 annuler cette mesure.

19 Si nous montons le texte peu.

20 [interprétation] Est-ce que Mme l'Huissière pourrait déplacer le texte pour

21 que nous puissions le voir ?

22 [En français] Nous voyons qu'il n'y a rien dans cette section qui traite de

23 mesures qui doivent être prises si le premier niveau disciplinaire n'a pas

24 pris de mesure.

25 M. BOURGON :

Page 6660

1 Q. [interprétation] Pouvez-vous passer à la deuxième page ? Il

2 s'agit d'une loi allemande, et la Chambre est ici pour interpréter la loi.

3 Ce que j'aimerais vous poser comme question, ce Code de discipline, avec

4 ces mesures nationales allemandes, où il est question des mesures dont vous

5 parlez dans le paragraphe 2.14, ne se retrouvent pas. Je suppose que c'est

6 la façon dont vous avez été formé.

7 R. Je dois répéter ce que j'ai déjà dit : ce n'est pas une situation

8 verbatim de ce que vous avez dans les différents alinéas. Si vous prenez la

9 note en bas de page 17, vous verrez que : "Cela se trouve entre l'Article

10 28 et 41." Ce sont les mesures que j'ai déduites d'après la législation.

11 D'après la loi, c'est la façon dont j'ai interprété cela. Comme je vous

12 l'ai dit, vous devez diligenter une enquête immédiate, compte tenu de ce

13 qui est stipulé par l'Article 46.

14 Je n'ai pas -- ou, en tout cas, il ne s'agit pas d'une citation

15 verbatim du 48. J'ai, en fait, repris les mesures qui, pour moi, en tant

16 que commandant allemand, étaient importantes, entre eux, l'Article 21 et

17 l'Article 46.

18 Q. Merci, Général. Ce que j'ai essayé d'indiquer c'est que ni dans

19 l'Article 28, ni dans les Articles 28 à 41, notamment, avec l'Article 46,

20 la question de la zone de responsabilité et le concept d'"immédiatement" ne

21 se trouvent pas dans cet article.

22 R. C'est vrai.

23 Q. C'est juste ce que je voulais indiquer.

24 R. "Immédiatement" -- l'adverbe "immédiatement" ne se trouve pas là-

25 dedans.

Page 6661

1 Q. Pour ce qui est justement de ce concept "d'immédiatement", j'aimerais

2 vous lire une citation que j'extrais d'un article publié par un marine des

3 Etats-Unis.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Terminez. Il ne faut pas qu'on dépasse 14 heures 00.

5 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

6 Q. [interprétation] A la page 82 de cet article, qui est un article

7 dont l'auteur est M. Hayes Parker, il parle de bataille, et il dit : "Aux

8 commandants dont des forces sont engagées dans une bataille, il indique

9 qu'aucun moyen raisonnable n'existe pour assurer qu'une sanction rapide

10 soit imposée à la suite d'un délit. La théorie d'enquête rapide de procès

11 et de sanction pourront être appliqués, de façon plus stricte, à un

12 commandant qui se trouve dans une situation tactique plutôt qu'un

13 commandant qui se trouve dans une situation à mutation très rapide, une

14 situation très fluide, qui lui demande de se consacrer entièrement à la

15 mission qui lui a été confiée." Etes-vous en mesure d'accepter cela ?

16 R. Je ne vous contredirais pas.

17 Q. Pourriez-vous répéter ? Je m'excuse, je --

18 R. Je ne vous contredirais pas.

19 Q. Pouvez-vous confirmer que, lorsqu'un commandant --lorsqu'un général qui

20 commande et qui n'a pas commis un délit ou un crime lui-même, si cette

21 personne n'a pas agi, de façon raisonnable et de façon nécessaire, au vu

22 des circonstances, êtes-vous d'accord pour dire que ce général ne doit pas

23 être considéré comme responsable pénalement ?

24 R. Vous me posez une question. Vous voulez une réponse, ce qui m'est très

25 difficile de vous donner parce que, comme je vous l'ai déjà dit au

Page 6662

1 préalable, vous ne vous trouvez pas dans la situation que vous avez citée.

2 Il y a des arrêts que sont marqués dans les opérations. Vous n'êtes pas

3 constamment placé sous pression pendant six mois. Je suis fondamentalement

4 d'accord avec ce que vous avez dit lorsque vous parliez de la pression de

5 la bataille. Or, la question maintenant qui est posée : est-ce que cela

6 continuerait par la suite ? Est-ce que vous pourriez, en fait, rattraper

7 une que vous n'auriez pas réglée auparavant. Je pense que ce que vous avez

8 dit est exact, mais ce n'est pas la façon dont un commandant agit et un

9 commandant n'est pas toujours placé dans une situation de stress due à la

10 bataille.

11 Q. Par conséquent, peut-on avancer que vous devez prendre en considération

12 toutes les circonstances et la situation afin d'évaluer ?

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, c'est un document qui n'a pas eu de

14 sort. C'est le document intitulé, "Authority, Responsability and

15 Accountability". Qu'est-ce qu'on fait de ce document ?

16 M. BOURGON : Je préfère ne pas le déposer, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. L'audience de ce jour, qui a eu une

18 prolongation de 15 minutes, se termine.

19 Général Reinhardt, vous êtes demandé de revenir demain pour l'audience qui

20 débutera à 9 heures.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : D'ici à demain, bien entendu, comme je vous l'ai dit

23 hier, vous ne devez avoir aucun contact avec les parties.

24 Merci. Nous retrouverons demain à 9 heures.

25 L'audience est levée à 13 heures 59 et reprendra le mercredi 5 mai 2004,à 9h00