International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 7 mai 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous pouvez appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, c'est l'affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il semblerait qu'il y ait un problème. Apparemment,

10 le technicien nous dit qu'il ne sait pas du tout d'où vient le problème.

11 Pouvez-vous essayer de vous présenter ?

12 M. WITHOPF : [interprétation] Je vais essayer, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Au nom

14 de l'Accusation, nous avons Daryl Mundis, Ekkehard Withopf, ainsi que Ruth

15 Karper, commis aux audiences.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux autres avocats.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

18 Madame, Monsieur les Juges. Nous défendons les intérêts du général

19 Hadzihasanovic. Conseil principal, Me Residovic, accompagnée de Me Bourgon,

20 mon co-conseil, et de Muriel Cauvin, notre assistante.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

22 Je vais demander aux autres avocats.

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

24 Nous défendons les intérêts de M. Kubura. Nous sommes Me Rodney Dixon, moi-

25 même, Me Ibrisimovic, et notre assistant juridique, Nermin Mulalic.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes, les

2 représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi que tout le

3 personnel de cette salle d'audience.

4 Aujourd'hui, nous terminons l'audition du témoin expert qui doit s'achever

5 impérativement aujourd'hui. Nous espérons que le temps qui sera donné à

6 l'Accusation, les questions des Juges, les observations, le cas échéant, de

7 la Défense, permettra de terminer à 13 heures 45. Pour le cas très

8 hypothétique où nous finirions avant, à ce moment-là, on pourrait, le cas

9 échéant, aborder la question en suspens, qui étaient les cinq documents qui

10 restaient à exposer par

11 Me Bourgon et les célèbres catégories de Me Dixon, qui feront également

12 l'objet d'un exposé, à partir de cas montré, mais c'est dans l'hypothèse où

13 nous terminerions avant l'heure prévue. Voilà.

14 Madame l'Huissière, pouvez-vous aller chercher le témoin ?

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Général. Je vais d'abord vérifier que vous

18 entendez bien la traduction de mes propos dans vos écouteurs.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends parfaitement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

21 Comme vous le savez, aujourd'hui, c'est la dernière journée de votre

22 audition. Vous êtes resté à La Haye toute la semaine et, rassurez-vous,

23 nous avons pris nos dispositions pour que, au maximum, à 13 heures 45

24 l'audience soit terminée en ce qui concerne votre audition.

25 Normalement, l'Accusation va vous poser des questions à partir des

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1 questions qui avaient été posées par la Défense. A l'issue de cette phase,

2 si les Défenseurs ne veulent pas répliquer, les trois Juges qui sont devant

3 vous vous poseront également des questions.

4 LE TÉMOIN: KLAUS REINHARDT [Reprise]

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, sans perdre de temps, je vous

7 donne la parole.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous

9 souhaite le bonjour et je salue toutes les personnes présentes dans ce

10 prétoire.

11 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :

12 Q. [interprétation] Général Reinhardt, à partir des documents que vous

13 avez consultés, y compris tout document qui vous aurait été montré par la

14 Défense, pourriez-vous apporter un commentaire sur la cadence des

15 opérations, s'agissant des combats livrés au sein de la zone de

16 responsabilité du 3e Corps d'armée pendant l'année 1993 ?

17 R. J'ai essayé. C'est difficile parce que je me suis surtout concentré sur

18 les événements qui nous concernaient. Je n'ai pas examiné toute la

19 campagne. Je dois vous dire que je n'ai pas vraiment participé à cette

20 campagne générale. Une chose est claire : il n'y a pas eu une guerre

21 constante. Il n'y a pas eu de campagne constante. Il y a eu de brèves

22 périodes d'opérations militaires émaillées de longues pauses. Après ces

23 pauses, les combats ont repris. Au moment des phases de combats, la cadence

24 des opérations était très élevée, et elle est retombée. Elle n'est pas

25 revenue à la normale, puisque les animosités, les hostilités se

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1 poursuivaient. Ce n'était pas une bataille, un combat militaire constant.

2 Q. Vu la réponse que vous venez de fournir, pourriez-vous nous dire de

3 quelle façon cette cadence des opérations a une incidence, a influé sur la

4 capacité qu'aurait un commandant d'enquêter sur des allégations

5 d'infractions et sur sa capacité de renvoyer ou de référer ces cas aux

6 institutions idoines ?

7 R. D'abord, je dirai que ces institutions judiciaires n'étaient pas

8 toujours impliquées dans les opérations militaires, ce qui veut dire

9 qu'elles auraient pu s'acquitter de leurs tâches même à ce moment-là. A

10 côté de cela, c'est aussi le fait que les commandants qui étaient très

11 occupés à l'exercice de contrôle et de commandement des opérations lorsque

12 celles-ci étaient en cours, que ces commandants pouvaient se concentrer sur

13 les choses qu'ils ne pouvaient pas faire pendant les opérations, notamment,

14 sur ces obligations d'enquête, ces devoirs d'enquêtes. Ils avaient la

15 possibilité de le faire au moment de ces accalmies, de ces pauses que je

16 viens de mentionner.

17 Q. Je pense que c'est hier, ou peut-être avant-hier, ou peut-être au cours

18 de ces deux journées, que vous nous avez dit que le président Izetbegovic

19 attachait beaucoup d'importance au respect du droit humanitaire

20 international. Est-ce qu'il y a, à votre avis, une conséquence à ces

21 directives données par un président, incidences sur les commandants qui ont

22 appris l'existence d'éventuelles violations de ce droit de la part des

23 soldats dont ils avaient le commandement effectif ?

24 R. Tout d'abord, un commandant doit appliquer et respecter ces obligations

25 judiciaires et juridiques telles qu'elles sont consignées dans les lois de

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1 la Bosnie-Herzégovine ainsi que dans les règles appliquées par la

2 République d'Yougoslavie, dans la mesure, bien sûr, où elles étaient

3 respectées, ces règles par les forces bosniaques.

4 Je pense que c'était une loi contraignante comme c'est le cas de

5 toutes les lois. Elle contraignait le commandant de force militaire à

6 veiller à ce que les soldats, sous ces ordres, soient dans l'impossibilité

7 de violer cette loi. S'il y avait violation de cette loi, les commandants

8 devaient mener des enquêtes pour savoir pourquoi cela s'était passé et

9 faire l'impossible pour empêcher d'autres violations futures de cette loi

10 ou du droit international.

11 C'est une obligation juridique très stricte. Nous en avons déjà

12 discuté. C'était vraiment les confins dans lesquels il était possible

13 d'opérer. Toute infraction à la loi, toute contravention surtout au droit

14 international humanitaire, a un effet très lourd sur la discipline et le

15 moral de vos propres troupes. Vu ce facteur, on tient beaucoup à respecter

16 ou faire respecter le droit humanitaire international à un très haut

17 niveau. On a intérêt à veiller à ce que les soldats se conforment à ces

18 obligations juridiques. On doit faire l'impossible pour empêcher toute

19 infraction à ce droit.

20 Q. Je comprends bien ce que vous dites, Général. Ma question était quelque

21 peu différente. Elle touchait à l'effet qu'avait eu la politique, disons,

22 du président Izetbegovic, qui exigeait le respect du droit des conflits

23 armés. Je vous demande l'effet, pour autant qu'il y en ait eu un, sur les

24 soldats et les commandants de l'ABiH.

25 R. Il faut qu'ils obéissent à ses ordres. Il donne des directives

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1 politiques, des lignes directrices politiques pour la conduite de la

2 guerre. Il les donne aux forces armées de Bosnie-Herzégovine. Par

3 conséquent, c'est un élément-clé qu'il faut respecter. Il faut voir si ceci

4 a été respecté, mis en œuvre, parce que c'est la volonté du président, en

5 plus de ce qui est exprimé comme volonté par la loi.

6 Q. Le fait qu'une partie à un conflit se trouve en situation de défensive,

7 est-ce que ceci a un effet quelconque sur la responsabilité ou la capacité

8 qu'a un commandant de mener des enquêtes et de saisir les autorités légales

9 juridiques appropriées d'éventuelles violations ?

10 R. Peu importe qu'on se trouve en situation d'offensive ou de défensive ou

11 de retraite, la loi, elle s'applique quoi que vous fassiez dans le cadre

12 d'une opération militaire, peu importe le type d'opérations dans lequel

13 vous êtes engagé.

14 Q. Hier, des questions vous ont été posées à propos du HVO et de l'armée

15 des Serbes de Bosnie, la VRS. On vous a demandé si c'était en application

16 du droit national de la Bosnie-Herzégovine, des armées illégales.

17 R. Oui.

18 Q. Le fait que la partie adverse était peut-être une armée illégale, en

19 application du droit national, est-ce que ceci a éventuellement un effet

20 sur la capacité ou la responsabilité d'un commandant pour ce qui est de

21 l'enquête menée sur d'éventuelles violations ?

22 R. Aucun effet, car vous avez l'obligation en vertu de la loi s'appliquant

23 dans votre pays, de la respecter. Ceci n'a aucune incidence sur vous si

24 vous êtes commandant, par exemple, avec la défense de Bosnie, à l'époque.

25 Q. Le fait que l'adversaire a peut-être commis des crimes de guerre, est-

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1 ce que ceci a un effet quelconque sur la capacité ou l'obligation qu'a le

2 commandant de mener des enquêtes sur d'éventuelles infractions ou

3 violations, et à l'obligation qu'il a d'en faire rapport aux autorités

4 judiciaires appropriées ?

5 R. Non. Aucune incidence, aucun effet, si ce n'est l'effet que cela a sur

6 vos propres troupes, ce qui s'est passé chez l'adversaire. Disons, si vous

7 avez eu des infractions, des infractions de ce côté-là, vous avez d'autant

8 plus obligation de les empêcher dans vos propres effectifs, parce qu'il y a

9 un effet de spirale de la violence. S'il y a eu des infractions au droit

10 humanitaire international, ceci aura une incidence très délétère sur vos

11 propres effectifs. L'ennemi commet des atrocités, vous vous n'avez pas

12 l'autorisation de répliquer à l'avenant de la même façon, et de vous livrer

13 à des actes de revanche. Ceci est illégal, illicite. Vous n'avez pas le

14 droit de le faire, et vous avez intérêt à ne pas le faire.

15 Q. Merci, Général.

16 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

17 d'autres questions à poser au témoin dans le cadre des questions

18 supplémentaires. Cependant, avant d'en terminer, j'aimerais dire ceci :

19 l'Accusation demande que les documents, qui ont reçu un numéro portant les

20 lettres DH pour identification, il s'agit surtout des pièces DH154 à DH163

21 pour identification. Ce sont les dix premiers intercalaires des deux

22 classeurs. S'agissant de ces pièces, nous demandons le versement au dossier

23 de ces pièces, et que ces pièces reçoivent un numéro définitif.

24 Pourquoi ? Parce que nous pensons que ces documents sont utiles pour les

25 Juges. Nous estimons que ces documents vous seront d'une grande assistance

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1 dans la tâche importante qui est la vôtre, et qui consiste à déterminer ce

2 qui c'est véritablement passé même si la Défense a indiqué qu'à un moment

3 donné, la Défense veut demander le versement de ce document, nous ne savons

4 pas quand elle voudrait le faire. Par conséquent, l'Accusation est d'avis

5 que ces documents devraient être versés au dossier de façon à ce que vous

6 ayez le tableau le plus complet des évènements qui se sont produits aussi

7 bien à l'intérieur du 3e Corps d'armée que dans les institutions juridiques

8 et judiciaires qui fonctionnaient au cours de la période couverte par

9 l'acte de l'accusation.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous demandez le versement des pièces DH154 à DH163,

11 qui avaient été marquées par la Défense aux fins d'identification. Vous

12 estimez que vous, il n'y a aucun problème, elles peuvent être déposées et

13 être admissibles.

14 Par ailleurs, je me tourne vers vous concernant le rapport du témoin

15 expert, le rapport écrit. Est-ce que vous en demandez le versement ? Est-ce

16 qu'on m'a demandé un numéro ? Il me semble que cela a été fait déjà.

17 Monsieur le Greffier, quel numéro avons-nous pour le rapport du témoin

18 expert ? Apparemment, c'est la lettre P108, c'est cela ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je le

20 confirme. P108.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est P108.

22 Je me tourne vers la Défense.

23 Il y a deux problèmes. Normalement, dans le cas des questions

24 supplémentaires de l'Accusation, après un contre-interrogatoire d'un témoin

25 expert, l'usage est qu'il n'y a pas de nouvelles questions, sauf sur

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1 l'autorisation de la Chambre, vraiment quelque chose qui aurait un poids

2 considérable. Sur cette question, est-ce que la Défense veut reposer une

3 question au témoin, à partir de ses réponses faites aux questions

4 supplémentaires ? Si c'est le cas, pour quelle raison ? Expliquez-nous,

5 Maître Bourgon.

6 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,

7 Monsieur le Président. La Défense ne souhaite pas poser des questions

8 additionnelles au témoin expert.

9 Par contre, Monsieur le Président, là où il pourrait y avoir une nécessité

10 de poser des questions, c'est simplement si, suite aux questions de la

11 Chambre, il pourrait y avoir des points nouveaux. Nous comprenons qu'à ce

12 stade-ci, les obligations sont remplies. Nous n'avons pas aucune raison

13 précise de demander la permission pour des questions additionnelles.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant la deuxième question sur les pièces DH154

15 à DH163, qui était aux fins d'identification, l'Accusation demande le

16 versement définitif. Quelle est votre position ?

17 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, la

18 Défense est d'avis qu'en l'état, plusieurs de ces pièces ne peuvent pas

19 être déposées au dossier, pour les mêmes raisons que nous avons présentées

20 lors de l'admissibilité des échanges sur l'admissibilité des documents

21 proposée par l'accusation. Notre intention était de les déposer pour

22 identification de façon à ce que, lorsque nous allons présenter des

23 témoins, ou lors du témoignage du témoin prochain, nous pourrions alors

24 prendre ces documents-là, qui sont déjà identifiés, pour faciliter le

25 travail de la Chambre. Cela étant dit, Monsieur le Président, s'il y a un

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1 dépôt de consentement, ce qui est tout à fait différent, ce que nous vous

2 disons ce matin, c'est qu'il ne faudrait pas que, parce que l'Accusation

3 accepte le dépôt de certains documents, que cela diminue pour autant les

4 arguments que nous avons présentés, puisque nous croyons que plusieurs de

5 ces documents là, en l'état, sont dans la même position que les documents

6 pour lesquels nous avons présentés les objections, et pour lesquels nous

7 croyons qu'un témoin serait nécessaire. Mais avec un dépôt de consentement,

8 évidemment, nous n'avons aucune objection, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous en parlons entre Juges pendant la pause, et

10 nous vous donnerons notre décision tout à l'heure.

11 Nous passons dans la phase des questions des Juges.

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Reinhardt, il y a trois Juges devant

14 vous. Pour ne pas monopoliser la parole, je vais d'abord donner ma parole

15 au Juge qui se trouve à ma droite, qui va vous poser des questions.

16 Ensuite, je donnerai la parole au Juge qui se trouve à ma gauche, et je

17 terminerai le champ des questions moi-même.

18 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Merci, Monsieur le Président.

19 Général, à l'examen des documents fournis par l'Accusation, est-ce que vous

20 pourriez nous dire si le général Hadzihasanovic et le commandant Kubura

21 étaient au courant que des civils étaient détenus dans différents centres

22 de détention, et qu'il a pris ces responsabilités pour les faire libérer ?

23 R. Madame le Juge, je me souviens qu'il y a eu des rapports à propos de la

24 détention de civils. Je ne me souviens pas avoir lu le moindre document qui

25 portait sur un cas précis où, par exemple, il serait intervenu pour les

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1 libérer. Il a donné beaucoup d'ordres à ces commandants subordonnés pour

2 empêcher qu'il y ait des détentions. Je parle ici de la détention des

3 civils dans certaines de leurs installations.

4 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Oui, mais vous ne savez pas s'il a donné des

5 ordres aux directeurs de ces centres pénitenciers pour faire libérer les

6 détenus civils ?

7 R. Pas que je sache. Je ne me souviens pas avoir vu ceci parmi les

8 documents. Je ne crois pas en avoir vu un qui le dise.

9 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Est-ce que le général Hadzihasanovic et Kubura

10 étaient au courant des mauvais traitements que les détenus subissent dans

11 ces centres de détention, qui sont placés sous la zone de responsabilité du

12 général Hadzihasanovic ?

13 R. Madame le Juge, si je me base sur les ordres donnés par le général

14 Hadzihasanovic à ces commandants subordonnés, qui consiste à demander qu'on

15 respecte le droit humanitaire international dans le traitement réservé aux

16 prisonniers et empêchant la détention d'individus, je dois conclure qu'il

17 doit y avoir eu certains éléments, montrant que ce n'était pas toujours le

18 cas que ces ordres n'étaient pas toujours respectés. Comme je l'ai déjà

19 dit, je ne me souviens pas d'un document précis qui le dise de façon

20 précise pour un cas contraire. C'était beaucoup de choses générales qui

21 étaient énoncées dans ces documents, qui n'étaient pas en rapport avec un

22 cas concret.

23 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Là, je vais peut-être un peu vite, mais nous

24 voilà au terme de votre audition. Est-ce que vous maintenez les conclusions

25 que vous avez formulées dans votre rapport ?

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1 R. Madame le Juge, j'ai essayé déjà de l'indiquer hier. Etant donné que

2 j'ai vu beaucoup de documents supplémentaires qui prouvent que le général

3 Hadzihasanovic, non seulement a émis des ordres, mais a aussi suivi toutes

4 les étapes de la procédure pour veiller à ce qu'il y ait traitement légal,

5 et en vertu de la loi des auteurs de ces documents, je changerais et j'ai

6 changé d'avis, en disant qu'il n'aurait pas vraiment assuré le suivi après

7 avoir pris une telle décision. Manifestement, il l'a fait.

8 Le problème qui se pose encore, c'est la question du respect de

9 l'observation ou de l'inclusion des Moudjahiddines dans la structure

10 organisationnelle militaire organique, surtout de la 7e Brigade de

11 montagne. J'en ai parlé dans mon rapport et j'ai discuté ce qu'on vu ici.

12 C'était que la coopération était beaucoup plus proche et beaucoup plus

13 détaillée que ne le pensait la Défense. Lorsqu'on planifie, lorsqu'on

14 exécute une opération contre un ennemi, et si on verse dans les effectifs

15 d'autres forces quelles qu'elles soient, ici, c'étaient les Moudjahiddines,

16 pour l'exécution de l'opération, on prend aussi du coup la responsabilité

17 de la conduite qu'auront ces effectifs, effectifs qui se trouvaient sous

18 votre commandement au cours de l'opération donnée. A cet égard, je n'ai pas

19 changé d'avis.

20 Mme LE JUGE RASOAZANANY : Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus de

21 questions.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge qui se trouve à ma gauche va vous poser des

23 questions.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Général.

25 R. Bonjour, Monsieur le Juge.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous êtes arrivé lundi,

2 j'avais toute une liste de questions à formuler. Je dois dire que bon

3 nombre de ces questions vous ont déjà été posées. Vous avez d'ailleurs

4 répondu à ces questions de façon très claire et très convaincante, ce dont

5 je vous sais gré.

6 J'aimerais toutefois vous poser deux types de questions. Dans un

7 premier temps, j'aimerais aborder le traitement des prisonniers.

8 Deuxièmement, j'aimerais parler de la situation afférente aux

9 Moudjahiddines.

10 R. Oui, Monsieur.

11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour ce qui est du traitement des

12 prisonniers, vous n'avez pas véritablement abordé ce sujet dans votre

13 rapport, d'ailleurs vous en parlez à peine. J'aimerais savoir s'il y a une

14 raison qui militait en faveur de cela ?

15 R. Oui, Monsieur le Juge. Compte tenu des documents qui m'ont été soumis,

16 je dirais que le thème bien précis du traitement des prisonniers de guerre

17 n'était pas un thème. Le thème important que j'ai étudié, était la

18 situation de Miletici et le problème des soldats du HVO qui se sont rendus

19 et qui ont été tués ultérieurement. La question générale des prisonniers

20 s'est présentée dans deux documents supplémentaires. Il y avait le général

21 Hadzihasanovic et la 7e Brigade de montagne, qui ont demandé un échange de

22 prisonniers, prisonniers qu'ils appelaient des soldats. Il s'agissait de

23 Moudjahiddines. Il s'agissait de faire en sorte de récupérer des

24 prisonniers en disant qu'il s'agissait des soldats et en disant qu'ils

25 voulaient les récupérer. Leur nom était indiqué, leur pays d'origine était

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1 indiqué. Cela prouvait un certain sens de responsabilité vis-à-vis de ces

2 prisonniers qui avaient été capturés par le HVO.

3 Pour ce qui est du traitement des prisonniers et du problème de

4 l'échange des prisonniers, et je reviens sur ce que je viens d'indiquer à

5 Mme le Juge, auparavant. Il y avait, certes, des ordres qui émanaient du

6 général Hadzihasanovic et du général Kubura, qui indiquaient que les

7 prisonniers devaient être traités conformément aux droits internationaux,

8 mais il s'agissait de choses générales. Cela n'était pas spécifique. Cela

9 n'était pas précisé par rapport à des cas précis.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie. Etant donné que

11 vous n'avez justement rien rédigé ou que vous n'avez pas véritablement

12 écrit explicitement à propos de cette question, je ne veux pas vous poser

13 de questions sur cela. J'aimerais vous demander votre point de vue, en tant

14 que commandant. J'aimerais vous demander ce que vous pensez du traitement

15 des prisonniers en général, et ce qui, d'après vous, doit représenter la

16 responsabilité d'un commandant.

17 R. Les obligations juridiques d'un commandant, pour ce qui est des

18 prisonniers, se fondent sur deux paramètres de base. Dans un premier temps,

19 vous avez les obligations légales du fait du droit international qui

20 stipulent que les prisonniers doivent être traités conformément au droit

21 international et à la convention de La Haye. Je pense qu'un commandant doit

22 former ses soldats pour enseigner à ses soldats ce qu'ils doivent faire. En

23 d'autres termes, les soldats doivent assurer le bien-être des soldats qui

24 sont fait prisonniers. Il faut également apprendre à ses soldats ce qu'ils

25 doivent faire une fois qu'ils deviennent prisonniers. Je pense que la

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1 protection que l'on peut accorder à ses propres soldats est justement de

2 bien traiter les prisonniers, de les traiter de façon adéquate. Parce que

3 si vous ne le faites pas, cela peut avoir des répercussions sur vos propres

4 soldats, ce que vous souhaitez prévenir, empêcher. Pour ce qui est du droit

5 international, pour ce qui est des prisonniers, je pense qu'il faut faire

6 en sorte que cela soit respecté. Cela est un facteur primordial pour le

7 moral de vos soldats et pour la protection de vos propres soldats. En tant

8 que commandant, je pense qu'il va de mon intérêt de déployer des efforts

9 pour que les prisonniers soient traités de la meilleure façon possible.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. J'aimerais poursuivre. Je

11 ne voudrais surtout pas faire office de démagogue et je ne voudrais pas

12 vous poser de questions directives, mais ne pensez-vous pas, c'est ce que

13 je pense, que les prisonniers de guerre et les prisonniers civils

14 représentent une catégorie de personnes qui sont extrêmement vulnérables en

15 situation de bataille ?

16 R. Oui, Monsieur le Juge.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pourquoi le pensez-vous ?

18 R. Parce que vous pouvez les maltraiter, vous pouvez bien les traiter. Ils

19 sont à votre disposition en quelque sorte. Vous avez un certain pouvoir sur

20 eux. Ils n'ont absolument aucune possibilité de faire quoi que ce soit. Ils

21 n'ont absolument pas la possibilité de se battre. Ils n'ont pas la

22 possibilité de se défendre non plus. La seule chose qu'ils puissent

23 envisager est une visite de la Croix rouge, peut-être ce qui n'est pas

24 forcément utile.

25 Une fois que vous êtes prisonnier de guerre, si vous pensez que vous êtes

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1 traité conformément aux règles du droit international, je pense qu'il est

2 tout à fait important de voir du point de vue du commandant que le

3 prisonnier est traité de façon conforme.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais examiner brièvement avec

5 vous les facteurs qui font qu'un prisonnier est vulnérable. Je peux

6 imaginer que l'un des facteurs est justement que les prisonniers peuvent

7 s'exposer au courroux de leur garde ou à la colère de l'armée. Je pense au

8 désir de revanche, de représailles. Cela pourrait provoquer des violences

9 physiques beaucoup plus que dans une situation d'incarcération normale.

10 R. Je pense, effectivement, qu'il s'agit d'un facteur. Nous voyons dans la

11 réalité actuelle à quel point cela peut être un facteur. Je pense que c'est

12 l'une des raisons, Monsieur le Juge, pour laquelle vous devez former vos

13 gardes pour qu'ils puissent véritablement gérer les prisonniers, pour

14 qu'ils connaissent leurs obligations juridiques et qu'ils ne prolongent pas

15 leur pouvoir sur ces prisonniers de guerre qui ne peuvent plus se défendre.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous dites que si vous avez une

17 armée qui est mal entraînée ou qui n'est pas entraînée à bon escient, cela

18 peut véritablement augmenter les problèmes de mauvais traitement des

19 prisonniers ?

20 R. Oui, Monsieur. Puis-je vous donner un exemple ? Lorsque j'étais

21 commandant au Kosovo, nous n'avions de pas de prisons, parce que toutes les

22 prisons avaient été détruites par la force aérienne internationale. Je me

23 souviens que mes soldats, les soldats allemands, avaient construit une

24 prison avec la police militaire, qui d'ailleurs n'était pas préparée pour

25 ce faire. Je ne voulais pas que mes soldats courent un danger s'ils

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1 agissaient mal par rapport aux personnes qui se trouvaient en prison. Nous

2 n'avons pas utilisé cette prison. Je pense que vous devez véritablement

3 vous assurer que ceux à qui vous avez confié une mission, la mission de

4 s'occuper des prisonniers, sont véritablement bien formés pour ce faire.

5 Sinon, des problèmes peuvent se produire.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il y a un autre facteur qui est

7 important. J'aimerais vous demander votre point de vue à ce sujet. Le

8 conflit en Bosnie en 1993, comportait des éléments de conflits interraciaux

9 et interreligieux. Je pense que ces circonstances augmentent les problèmes

10 pour les prisonniers, et leur font courir plus de risques de subir des

11 sévices.

12 R. Oui, Monsieur. Je pense que des guerres civiles telles que celle de la

13 Bosnie et celle qui a eu lieu dans d'autres endroits, sont des guerres qui

14 comportent plus d'éléments de revanche. Ce sont des guerres qui sont

15 beaucoup plus sanglantes. Il faut savoir que ce sont des gens qui se sont

16 connus depuis très longtemps, des gens qui vivaient dans le même village.

17 Ils ne luttaient pas pour obtenir des objectifs militaires, mais pour leurs

18 propres objectifs. Il y a eu des luttes qui remontaient à très, très loin.

19 J'ai vu dans les Balkans à quel point cette guerre pouvait être sanglante.

20 C'est une guerre qui, à bien des égards, a été beaucoup plus horrible que

21 ce que l'on trouve normalement dans une guerre.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Nous avons étudié trois paramètres qui

23 pourraient expliquer la vulnérabilité des prisonniers dans des conflits

24 bien précis. Pensez-vous à d'autres facteurs qui pourraient avoir une

25 incidence ?

Page 6895

1 R. Non, Monsieur le Juge.

2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais également vous demander

3 votre point de vue, Général, à propos de la responsabilité d'un commandant

4 vis-à-vis des prisonniers qui ont été capturés, et j'aimerais également

5 vous poser une question précise à ce sujet.

6 Dans un premier temps, j'aimerais vous inviter, en tant que

7 commandant vous-même, compte tenu de votre expérience, compte tenu de vos

8 connaissances, j'aimerais vous poser la question suivante : Que doit

9 précisément faire un commandant lorsque des personnes civiles ou lorsque

10 des soldats ennemis sont faits prisonniers. Est-ce que vous pourriez nous

11 donner votre point de vue à ce sujet ?

12 R. Je vais m'efforcer de le faire. Je n'ai jamais été dans cette

13 situation, parce que, personnellement, je n'ai jamais fait de prisonniers

14 de guerre. Je pense que cela démarre de bonne heure. Lorsque vous capturez

15 le premier prisonnier, il faut vérifier auprès des commandants qui ont fait

16 ces prisonniers, il faut vérifier auprès d'eux qu'ils sachent,

17 effectivement, comment traiter les prisonniers. Il faut que vous vous

18 efforciez de leur expliquer que les prisonniers ne doivent pas subir de

19 sévices. Vous devez le faire de bonne heure, parce que sinon vous allez

20 avoir une spirale négative qui pourra se répercuter sur vos propres forces.

21 En tant que commandant, j'essayerais de prendre contact avec le commandant

22 sur le terrain par téléphone, par radio, par quelque moyen, pour m'assurer

23 que les mesures adéquates ont été prises.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous n'attendriez pas que des plaintes

25 soient déposées avant d'agir ?

Page 6896

1 R. Je pense qu'il y a un principe de prévention et de précaution qui est

2 extrêmement sensible et névralgique dans ce cas d'espèce. Comme je l'ai

3 déjà dit, cela a une incidence importante sur mes troupes, sur le moral de

4 mes soldats, s'ils savent que les prisonniers sont traités de façon

5 adéquate. Parce qu'ils pourront s'attendre à avoir le même traitement.

6 C'est un facteur absolument primordial pour le moral des soldats. Je dirais

7 que par le truchement de ma déposition, j'ai essayé de mettre en exergue

8 l'importance du moral des soldats pour le succès. C'est important en tant

9 que commandant.

10 Je pense véritablement à un effort préventif qui doit être fait. Je

11 le répète, j'appellerais le commandant sur le terrain et je lui répéterais

12 à nouveau à quel point il est important de traiter de façon adéquate et

13 conformément à la loi les prisonniers de guerre. Parce qu'une fois que les

14 choses prennent un mauvais tournant, il y a l'effet de propagande qui est

15 la conséquence de cette mauvaise tournure des événements. Là, vous ne

16 pouvez plus rien faire; le mauvais génie s'est échappé de la lampe en

17 quelque sorte. Il est difficile de prévenir quoi que ce soit après cela.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous préconisez une attitude proactive

19 en la matière ?

20 R. Oui, Monsieur le Juge.

21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais vous poser des questions

22 précises à propos de ce principe de précaution proactive des prisonniers.

23 Est-ce que vous, en tant que commandant, insisteriez pour connaître le

24 nombre des prisonniers, l'identité des prisonniers et l'endroit où ils sont

25 incarcérés ?

Page 6897

1 R. Je ne pense pas que vous seriez en mesure de connaître le nombre des

2 prisonniers et l'endroit où ils se trouvent. Cela dépend du grade du

3 commandant. S'il s'agit de mon bataillon, que je suis commandant de

4 bataillon et que cela se passe au niveau de mon bataillon, je serais très

5 intéressé par la question. Je voudrais savoir où cela s'est passé, comment

6 cela s'est passé. Je ne sais pas si l'identité serait si importante. Peut-

7 être que je poserais des questions pour savoir ce qui se passe dans l'autre

8 camp, mais j'aimerais également savoir où ils se trouvent incarcérés en

9 tant que prisonniers de guerre après. Une fois de plus, il faut préparer

10 cela. Vous n'allez pas à la bataille sans être préparé à ce que vous allez

11 faire en cas de capture de prisonniers de guerre. Il faut qu'il y ait des

12 endroits, des installations où vous allez les placer. Je pense que la

13 mission et les obligations d'un commandant sont telles qu'il doit se

14 préparer à le faire au préalable. Il ne faut pas attendre d'avoir un grand

15 groupe de prisonniers dont vous ne saurez pas que faire.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous institueriez un système

17 de rapports ? Est-ce que vous insisteriez pour recevoir des rapports

18 hebdomadaires, par exemple, rapports qui porteraient sur l'endroit où se

19 trouvent les prisonniers, sur la façon dont ils sont traités ?

20 R. Une fois de plus, Monsieur le Juge, cela dépend de votre grade, par

21 exemple. Je ne pense pas qu'on puisse le faire à tous les grades, à tous

22 les niveaux. Si vous êtes commandant responsable de ces prisonniers, certes

23 je le ferais. Je m'attendrais à avoir des rapports réguliers, et je me

24 rendrais auprès de ces prisonniers, parce qu'il ne faut pas oublier que

25 parler aux prisonniers, représente un facteur essentiel, parce qu'il faut

Page 6898

1 également essayer de savoir si ce que l'on vous dit correspond à la vérité.

2 Parce que nous avons parlé hier de rapports, il y a une chose qu'il

3 faut dire : Entre 50 à 60 % de la teneur des rapports ne correspond pas

4 forcément à la réalité. Les gens qui présentent le rapport présentent cela

5 de façon positive pour eux. Si vous ne poursuivez pas l'enquête, si vous ne

6 diligentez pas une enquête, nous avons vu des équipes d'enquêtes qui ont

7 mené à bien des enquêtes dans la zone de responsabilité du 3e Corps. Si

8 vous ne parlez pas aux personnes, vous n'obtiendrez que 50 % de la vérité.

9 Je pense qu'en tant que commandant, je n'essayerais pas d'obtenir des

10 rapports quotidiens, mais j'essayerais d'obtenir des synthèses de rapports

11 de façon régulière et ce, à propos de la situation des prisonniers de

12 guerre qui se trouvent placés dans ma zone de responsabilité.

13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez en quelque sorte

14 devancé ma question. Est-ce que vous insisteriez pour que des inspections

15 soient organisées, ou est-ce que vous vous rendriez vous-même auprès des

16 prisonniers ? Est-ce que vous y enverriez un adjoint, par exemple, une

17 personne qui vous représenterait ? Vous m'avez déjà répondu par

18 l'affirmative en quelque sorte, puisque vous avez parlé du concept de

19 prévention qui est extrêmement important.

20 R. Oui, Monsieur le Juge. Pour reprendre mon expérience du Kosovo. Au

21 Kosovo, la seule prison que nous avions, était une prison américaine. En

22 général, j'y allais une fois par mois. Je n'étais pas annoncé. J'allais

23 parler aux prisonniers. Il ne s'agissait pas de prisonniers de guerre; il

24 s'agissait de criminels en quelque sorte. C'était la seule prison que nous

25 avions et, en fait, j'allais voir, moi-même, de visu, quelle était la

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1 situation qui prévalait dans la prison, et je m'assurais que les gardes

2 savaient pertinemment ce qu'ils faisaient.

3 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Est-ce que vous seriez en mesure

4 de marquer votre accord avec la question que je vais vous poser ? Pensez-

5 vous que le devoir d'un commandant consiste à prévoir les comportements

6 criminels éventuels des soldats contre les prisonniers ?

7 R. Monsieur, c'est une question extrêmement difficile, parce qu'en fait,

8 il s'agit de la confiance que vous avez dans vos subordonnés, qui sont des

9 êtres humains. Nous savons tous qu'en cas de guerre, il y a en quelque

10 sorte des pouvoirs qui se libèrent chez les êtres humains, qui en général,

11 en fait, ont des antécédents culturels, religieux, et par conséquent, je

12 pense qu'il faut faire quelque chose pour que tout se passe conformément au

13 droit et conformément aux réglementations. A cet égard, je ne fais pas

14 confiance à personne à long terme. C'est pour cela que j'insiste pour qu'il

15 y ait des mesures préventives et des mesures de protection pour faire en

16 sorte que cela ne se passe pas.

17 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Vous êtes en train de nous dire

18 que cela est valable pour tous les conflits armés, lorsqu'il y a des

19 prisonniers qui sont faits ?

20 R. Je pense que c'est l'élément de l'être humain. Nous le voyons, en fait,

21 dans chaque pays, quelque soient les niveaux culturels, il y a toujours des

22 personnes qui, une fois qu'ils ont le pouvoir, commencent à faire subir des

23 sévices à d'autres. Je ne sais pas pourquoi ils le font, mais je sais que

24 c'est évident, et quelque soit d'ailleurs leur niveau d'éducation. En le

25 sachant et en sachant que d'autres personnes peuvent être exposées à ce

Page 6900

1 genre de choses, je n'ai pas confiance et, une fois de plus, je fais en

2 sorte que les prisonniers de guerre soient traités de façon en bonne et due

3 forme.

4 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Il y a des prisonniers de guerre,

5 en général, et il y a les prisonniers civils. Dans le cas de la Bosnie,

6 nous en avons parlé un peu, est-ce que vous ne pensez pas que la

7 responsabilité d'un commandant est d'autant plus urgente et d'autant plus

8 impérative ? Je fais allusion à l'aspect interracial et interreligieux, à

9 l'aspect de la guerre civile dont nous avons parlé. Nous avons parlé du

10 manque d'expérience de ces nouveaux soldats. Est-ce que ceux sont des

11 facteurs qui, en fait, doivent être pris en considération, et qui

12 augmentent la responsabilité d'un commandant ?

13 R. Oui, Monsieur, je pense que cela augmente sa responsabilité. Le

14 commandant connaît la situation, parce qu'il sait, en fait, ce qui se passe

15 dans sa zone de responsabilité, et par conséquent, ce commandant doit

16 déployer des efforts, et doit prendre toutes les mesures possibles pour

17 que, sous son commandement et sous son contrôle, pour empêcher que ces

18 choses ne se passent.

19 Si vous avez des soldats qui ne sont pas bien traités, si vous avez

20 une situation en vertu de laquelle il y a des confrontations entre

21 différents groupes ethniques, il est évident, et je l'ai déjà dit, que les

22 atrocités vont être plus commises. Il y a un élément d'agression qui est

23 beaucoup plus aigu.

24 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Dans certains cas, le traitement

25 des prisonniers est du ressort de l'armée, mais également, du ressort

Page 6901

1 d'autres personnes qui ne font pas partie de l'armée. J'aimerais vous poser

2 quelques questions à ce sujet. Parfois, il semblerait que la responsabilité

3 afférente au traitement des prisonniers est partagée par plusieurs

4 institutions, ou par différents groupes de personnes.

5 J'aimerais vous poser une question générale, à ce sujet. Une fois que

6 vous avez fait des prisonniers au sein d'une armée, j'ai tendance à penser

7 -- et corrigez-moi si je ne m'abuse -- mais j'ai tendance à penser, disais-

8 je, que votre responsabilité, en tant que commandant, existe et perdure

9 tant qu'ils sont prisonniers. Est-ce qu'il y a un moment où vous pouvez

10 déléguer ou transférer votre responsabilité à d'autres instances ou à

11 d'autres personnes ?

12 R. Monsieur le Juge, un prisonnier de guerre représente toujours un

13 fardeau pour un commandant militaire, parce que vous devez le garder, vous

14 devez le nourrir, et votre mission essentielle ne consiste pas à garder des

15 prisonniers; votre mission essentielle consiste à vous battre. Toutes

16 personnes, qui vous empêchent de vous battre, parce que vous devez vous en

17 occuper, représentent un fardeau. Je pense que c'est la raison pour

18 laquelle, parfois, les prisonniers de guerre ou les soldats, une fois

19 qu'ils se sont rendus, sont tués parce que les gens se rendent compte

20 qu'ils vont devenir un fardeau, même si cela est tout à fait illégal et

21 illicite.

22 En tant que commandant, je ferais de mon mieux pour transférer ces

23 prisonniers à d'autres autorités, aux autorités internes de mon pays, par

24 exemple, qui pourront s'occuper de ces prisonniers, qui ont des gardiens de

25 prison, et qui ont probablement également des prisons. Ainsi, je n'aurais

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1 pas m'en occuper. Ma mission consistera à faire en sorte d'identifier les

2 prisonniers, à les garder, à bien les traiter et, ensuite, à les transférer

3 dans un pénitencier ou une prison le plus rapidement possible, ce qui me

4 permettra de me concentrer à nouveau sur ma mission principale, qui est de

5 me battre.

6 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Une fois que cela s'est produit, votre

7 responsabilité en tant que commandant se termine ?

8 R. Cela, effectivement, met un terme à ma responsabilité vis-à-vis d'eux,

9 et la responsabilité de ces prisonniers est transférée aux personnes qui

10 s'en occupent.

11 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Est-ce que cela fait une

12 différence s'il s'agit d'autorités qui se trouvent dans la zone de

13 responsabilité dont vous êtes responsable ?

14 R. Puisqu'il s'agit d'organisations civiles, cela n'est plus de ma

15 responsabilité. Je ne suis pas responsable de la police civile, des Juges,

16 du système judiciaire qui fonctionne dans ma zone de responsabilité. Je me

17 contenterai de les transférer, ces prisonniers. Ensuite, ce qui se passe

18 dans les domaines civils n'est plus de ma responsabilité en tant que

19 commandant, tant que je ne suis pas le gouverneur militaire de cette zone,

20 étant donné que, toutes les instances dont je viens de parler, ne sont pas

21 placées sous mon commandement.

22 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Hier, vous parliez d'un contexte

23 différent : si les civils ne réagissent pas face aux crimes et aux

24 infractions commis dans vos zones de responsabilité, vous devez le faire,

25 et c'est quelque chose qui n'est pas valable maintenant.

Page 6903

1 R. Monsieur le Juge, j'ai dit hier que s'il y avait des activités

2 qui se produisaient, et je parlais des Moudjahiddines hier, et si les

3 autorités civiles ne sont pas disposées à faire quelque chose en la

4 matière, et si les crimes de guerre sont commis par ces Moudjahiddines, là

5 je pense que je dois agir. Je dois prendre des mesures, et je peux, soit me

6 rendre auprès des autorités civiles et insister pour qu'elles fassent

7 quelque chose. Si elles n'ont pas le pouvoir pour le faire, je le ferais.

8 Nous ne pouvons pas laisser la situation en l'état, parce que cela va avoir

9 un impact très négatif dans ma zone de responsabilité, et c'est ce que je

10 disais hier, et c'est ce que je répète aujourd'hui.

11 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Si des prisonniers sont détenus

12 dans une institution, dans une école, dans une établissement

13 d'enseignement, ou dans un autre bâtiment géré par des autorités civiles,

14 si les prisonniers sont détenus dans ce type d'institution et que les

15 gardes sont des membres de votre armée, ou font partie de votre armée,

16 quelle serait votre responsabilité en tant que commandant au vu de cette

17 situation ?

18 R. Premièrement, il se peut que très souvent des prisonniers soient

19 détenus dans des infrastructures qui ne sont pas des infrastructures de

20 détention, parce que vous n'en avez pas. Il faut les mettre quelque part.

21 Si vous les détenez ou les incarcérez dans une école, c'est déjà un grand

22 pas en avant, parce qu'ils ne sont pas exposés aux intempéries climatiques,

23 ils ont un toit sur leurs têtes, et ils vivent dans des conditions normales

24 qui plus est. Je ne dirais pas qu'il s'agit de conditions normales, en

25 fait, mais il s'agit de conditions qui seront meilleures que les conditions

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1 qu'ils connaissaient lorsqu'ils étaient, par exemple, soldats et qu'ils

2 vivaient dans des tranchées.

3 Quelle serait ma responsabilité ? Je m'assurerais qu'ils aient un soin

4 médical, qu'ils aient des vivres, qu'ils reçoivent l'assistance dont ils

5 ont besoin, et que les gardes qui s'occupent de ces prisonniers les

6 traitent en bonne et due forme. Je pense que cela serait ma responsabilité.

7 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Si les gardes font partie de vos

8 troupes, est-ce que vous conservez votre pouvoir de discipline ou de

9 sanction par rapport à vos soldats ?

10 R. Oui. Ces soldats sont toujours placés sous mon commandement, et

11 s'ils se comportent mal, en tant que commandant, je peux prendre toute une

12 série de mesures disciplinaires à leur égard.

13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Le fait que vous avez ce pouvoir

14 vous oblige à prendre des mesures préventives également.

15 R. Dans un premier temps, les soldats savent que j'ai ce pouvoir et c'est

16 une mesure préventive, en soi, parce qu'ils savent que s'ils ne se

17 comportent pas en bonne et due forme, ils s'exposeront à des conséquences

18 disciplinaires. Par ailleurs, si cela n'est pas un argument et s'ils se

19 conduisent mal, j'utiliserais les mesures qui sont à ma disposition et je

20 m'assurerais que d'autres soldats viennent les remplacer ou je m'assurerais

21 qu'ils ne répètent pas ce qu'ils ont déjà fait.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je souhaite également vous poser

23 un certain nombre de questions sur le thème que nous avons abordé au cours

24 des derniers jours, à propos des Moudjahiddines. Vous avez écrit quelque

25 chose dans votre rapport à ce sujet. Beaucoup de questions vous ont été

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1 posées au fil des jours à ce propos. J'ai un certain nombre de questions

2 qui ne sont peut-être pas ou peut-être un petit peu semblables à celles qui

3 vous ont déjà été posées.

4 R. Oui, Monsieur.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je souhaite que vous répondiez à

6 ces questions.

7 En 1993, en Bosnie-Herzégovine, le commandant du 3e Corps ou d'une

8 autre partie de l'armée, avait, en quelque sorte, le commandement au niveau

9 territorial et opérationnel, si je résume correctement le débat qui a eu

10 lieu. Il y avait deux aspects à ce commandement : premièrement, un

11 commandement d'une zone qui était sa zone de responsabilité et le

12 commandement au niveau de la zone opérationnelle. Ai-je raison de résumer

13 la situation ainsi ?

14 R. Oui, Monsieur. Il est très difficile d'établir une distinction entre un

15 commandement au plan territorial et au plan opérationnel. Etant moi-même

16 commandant au plan territorial et opérationnel, je dois vous dire que vous

17 concentrez tous vos forces disponibles pour les utiliser dans la bataille,

18 et vous êtes commandant au niveau opérationnel, et les forces territoriales

19 sont sous votre responsabilité, nonobstant le fait qu'il s'agisse d'une

20 armée territoriale, opérationnelle ou quelque soit le terme.

21 Le problème qui se pose, c'est qu'il y avait l'armée

22 territoriale en premier, et les autres forces les ont rejoint par la suite.

23 Mais tous ensemble, il s'agissait là du 3e Corps. Tous ces éléments-là, y

24 compris les 14 conseils municipaux, faisaient partie du 3e Corps,

25 nonobstant leur appellation. Cette distinction n'a pas vraiment d'incidence

Page 6906

1 sur la zone de responsabilité ni sur l'élément opérationnel.

2 Q. Puisque vous évoquez la question de la responsabilité dans votre

3 rapport, j'ai tendance à croire que vous faites référence ici à quelque

4 chose qui a une connotation géographique.

5 R. Oui, Monsieur.

6 Q. Si, dans votre zone de responsabilité, il y a des soldats d'origine

7 étrangère, si ces soldats sont disposés à se battre pour la même cause que

8 celle pour laquelle vous vous battez et si, d'un autre côté, ils doivent

9 être placés entièrement sous votre commandement, mais ne préfèrent pas,

10 puisqu'ils préfèrent avoir une relation ténue avec vous-même et vos

11 troupes, ce serait une situation peu commode pour un commandant.

12 R. Oui. C'est une situation peu confortable pour un commandant car, comme

13 nous avons parlé précédemment, l'unité du commandement dans une zone de

14 responsabilité est primordiale. Quoiqu'il arrive à cet endroit-là, au cours

15 des opérations militaires, ceci aura une incidence sur votre responsabilité

16 en tant que commandant, et ceci vous sera attribué. Si quelque chose ne se

17 déroule pas de la manière dont vous le souhaitez, au cours du combat, et

18 s'il s'agit là de forces qui font quelque chose qui va à l'encontre de vos

19 intérêts au niveau de cette opération militaire, c'est à vous de subir les

20 conséquences. Vous ferez tout ce qui est possible pour essayer de vous

21 assurer que la situation est claire et vous assurer que votre

22 responsabilité est clairement définie au niveau de votre commandement.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous prenez vos responsabilités

24 et que vous assurez le commandant, vous oeuvrez de votre mieux pour

25 empêcher ce type de situation.

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1 R. Oui, Monsieur, essayer de trouver une solution et d'empêcher et de

2 stopper cette situation. En général, on peut trouver une solution plutôt

3 que d'empêcher cette situation.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous choisiriez peut-être de les

5 forcer d'être placés entièrement sous votre responsabilité de façon

6 permanente ou alors d'être dégagés de votre responsabilité.

7 R. Je crois que vous avez très bien exprimé la question. Ce sont les deux

8 seules possibilités.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous n'agissez pas ainsi, si vous

10 acceptez la présence de forces étrangères sous votre responsabilité, vous

11 acceptez, de ce fait, la présence de ces forces combattantes dans vos

12 rangs.

13 R. Oui, c'est comme cela que je comprends les choses.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous en bénéficiez dans l'armée.

15 R. Vous avez certainement lu le rapport de la 7e Brigade qui dit que les

16 circonstances dans lesquelles les Moudjahiddines se sont battus,

17 constituent un élément important pour le moral des troupes. Ils sont très

18 contents d'avoir les Arabes et le Turques dans leurs rangs, car cela permet

19 d'avoir un effet positif sur le moral des troupes. Les relations ont dû

20 être très étroites, comme on a pu le constater, et je ne peux qu'être

21 d'accord avec vos conclusions.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je ne sais pas si ces Arabes ou ces

23 Turques, que vous venez d'évoquer, faisaient partie de la 7e Brigade ou

24 s'ils étaient à l'extérieur de la brigade. Je laisse cela en l'état.

25 Mais la question suivante que j'aimerais vous poser est la suivante : si

Page 6908

1 vous acceptez la présence de forces étrangères, qui ne font pas partie

2 intégrante de votre armée, sans pour autant les obliger à accepter votre

3 responsabilité [comme interprété] à 100 % et, de façon permanente, assumez-

4 vous la responsabilité pour les agissements et les comportements de ces

5 dites personnes, des situations dans lesquelles, par exemple, ces personnes

6 pourraient agir, de façon indépendante, quelque chose que vous ne cautionné

7 pas du tout ?

8 R. C'est ainsi que je comprends la situation, oui. Mais je voulais

9 simplement dire que le commandant du 3e Corps a essayé de trouver une

10 solution à ce problème. Il a mis un certain temps et, pour finir, ils ont

11 réussi à trouver une solution en institutionnalisant cette unité et en

12 l'appelant le Détachement El Mujahed. Cela a pris un certain temps, mais,

13 dans l'intervalle, comme vous l'avez dit, il y a un accord tacite. Il ne

14 faut pas y regarder de trop près, et on accepte la situation telle qu'elle

15 est, peut-être parce qu'on estime qu'on ne peut pas faire quelque chose

16 immédiatement.

17 Comme nous avons dit hier, le général Hadzihasanovic a dit qu'il ne

18 souhaitait pas ouvrir un troisième front, ce qui aurait été le cas s'il

19 avait agi ici. Je suis d'accord avec cela.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je crois qu'il doit y avoir une

21 objection ici, à la question que j'ai posée.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

23 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Pas une objection à votre

24 question. Je ne veux surtout pas faire d'objection. C'est simplement pour

25 obtenir une clarification, Monsieur le Juge.

Page 6909

1 Les deux ou trois questions qui ont été posées, personnellement, je n'ai

2 pas compris si la question faisait référence à une obligation légale, à une

3 obligation morale ou à une obligation militaire puisque le témoin a été

4 invité à parler sur plusieurs sujets. Simplement pour clarifier, Monsieur

5 le Juge, dans quel des trois domaines, l'expert ici fournit sa réponse. Ce

6 n'est certainement pas une objection, Monsieur le Juge.

7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je ne soulève aucune objection aux

8 questions que j'ai posées. Je tente simplement de comprendre quelle est la

9 responsabilité d'un commandant de ses troupes lorsque ses troupes ne sont

10 pas intégrées à son armée. Une fois que j'ai reçu les réponses à ces

11 questions, je souhaite poser une question eu égard à la responsabilité

12 pénale, mais je ne suis pas encore arrivé à cette question-là, mais cela

13 viendra. Ne vous inquiétez pas.

14 La question que je souhaite vous poser, Général, est la suivante : vous

15 avez déjà répondu. C'était une question d'ordre général. Si, dans votre

16 domaine de responsabilité, vous devez faire face à des hommes qui ne sont

17 pas entièrement placés sous votre responsabilité, vous acceptez cette

18 situation. Cela peut engendrer une responsabilité à leur égard quand bien

19 même ils agissent de façon indépendante, qu'ils font des choses pour

20 lesquelles vous n'êtes pas toujours d'accord puisqu'ils ne suivent pas

21 toujours des ordres.

22 R. Oui, Monsieur.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] La question suivante est une question

24 similaire : est-ce que votre responsabilité pénale est engagée ici, si

25 leurs activités, qu'ils mènent, de façon indépendante, et s'ils commettent

Page 6910

1 certains crimes, est-ce que cela engage votre responsabilité ? Est-ce que

2 vous avez l'obligation d'intervenir et de punir les personnes en question,

3 et de mener une enquête?

4 R. Est-ce que c'est une question que vous me posez au plan personnel ?

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Oui --

6 R. En tant que commandant allemand, je serais tenu pour responsable au

7 plan pénal pour tout ce qui se produit. Ce serait de ma responsabilité, ce

8 qui s'applique à tous les pays de l'OTAN. J'étais responsable pour tout ce

9 qui se passait dans mon domaine de responsabilité. J'ai dû prendre les

10 mesures nécessaires à cet égard.

11 Dans le cas qui nous concerne, pour ce qui est de certaines règles que l'on

12 pouvait déduire des forces de la JNA ou appliquées par la JNA, par exemple,

13 l'application du droit international, il est précisé que le commandant est

14 responsable de tout ce qui se passe dans sa zone de responsabilité. La

15 Défense m'a précisé que ceci ne s'appliquait pas aux forces de Bosnie.

16 Peut-être simplement, je ne savais pas ceci. Je pensais que ceci

17 s'appliquait partout. Je ne peux pas vous citer un paragraphe ou un

18 article, en particulier. Je ne sais pas si ceci s'appliquait aux forces de

19 Bosnie. En ce qui concerne mes forces, ce serait une obligation évidente.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez raison. Il s'agit ici d'une

21 question juridique en toile de fond, nous connaissons tous la teneur de ces

22 questions, mais je ne vous demande pas de me donner un point de vue au plan

23 juridique. Je vous demande votre point de vue en tant que commandant.

24 J'aimerais que vous disiez comment vous perceviez vos obligations ? Avez-

25 vous surestimé ou sous-estimé votre responsabilité en termes juridiques ?

Page 6911

1 Ce n'est pas la question que je souhaite vous poser pour l'instant et qui

2 ne m'intéresse pas pour l'instant.

3 R. Merci.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous avez des hommes qui mènent une

5 existence parallèle et indépendante, mais qui sont sous votre

6 responsabilité, vous dites que vous aurez la responsabilité de punir les

7 crimes dont ils seraient responsables ?

8 R. Oui, Monsieur.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous acceptez cette situation, vous

10 n'êtes pas en mesure de prendre des mesures préventives. Non, vous ne

11 pouvez pas empêcher la commission des crimes.

12 R. C'est une chose très difficile. La seule mesure de prévention que l'on

13 puisse adopter dans un cas comme celui-ci, c'est d'ordonner à vos troupes

14 qu'ils coopèrent avec ces forces indépendantes, de faire de leur mieux pour

15 faire en sorte que ces hommes respectent la loi. Si ces hommes ne

16 respectent pas la loi, vous prenez les mesures nécessaires, de façon à les

17 punir et à les empêcher de répéter leurs actes.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je puis résumer votre opinion au

19 plan juridique, ou pour ce qui est du droit pénal, ce n'était pas très

20 important de savoir que les Moudjahiddines faisaient partie ou étaient

21 rattachés à un corps particulier ou qu'ils agissaient de façon

22 indépendante. Quelles différences y aurait-il en matière de responsabilité

23 pour un commandant qui devrait empêcher certains actes ?

24 R. Dans les deux cas, j'empêcherais ces actes car ceci aurait une

25 incidence sur les opérations que je mènerais. Leur manière d'agir aurait

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1 une incidence sur la manière dont je conduirais mon armée, puisqu'il

2 s'agirait d'éléments qui seraient des éléments internes à mes unités, ou

3 qu'ils agissent de façon indépendante, leurs actes criminels sont les

4 mêmes.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci beaucoup, Général, pour les

6 réponses que vous nous avez fournies.

7 R. Oui, Monsieur le Juge.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Général, vous avez indiqué, aux questions de

9 l'Accusation, en réponse à des questions que vous aviez eu à répondre à une

10 série de questions, vous avez d'ailleurs indiqué que l'Accusation vous

11 avait fourni de nombreux documents et que votre rapport a été élaboré à

12 partir de ces documents. Pouvez-vous indiquer aux Juges à quel moment, à

13 votre souvenir, vous avez été saisi par l'Accusation d'une demande de

14 collaboration pour la confection de ce rapport ? Cela remonte à quel mois

15 et à quelle année ?

16 R. Monsieur, malheureusement, je n'ai pas la date exacte. Je crois que

17 cela remonte à une année et demie environ. J'ai été contacté en premier

18 lieu, non pas par l'Accusation, mais par mon propre ministère de Défense

19 qui m'a dit que j'avais toute la latitude pour entrer en contact avec le

20 TPIY. On m'a demandé d'apporter mon soutien au TPIY et m'a expliqué comment

21 on allait entrer en contact avec moi. Cela remonte à une année et demie

22 environ mais je n'ai pas tous ces documents sous la main. Je ne peux pas

23 vous donner de dates exactes.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous nous avez indiqué également, en

25 réponse aux questions, que vous avez rencontré l'Accusation et, ensuite, on

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1 vous a donné les documents. De manière générale, vous avez consacré combien

2 de temps, je ne vous demande pas cela au nombre de jours ou au nombre

3 d'heures, mais globalement, vous avez consacré combien de temps à

4 l'élaboration de ce document écrit ?

5 R. Monsieur, comme nous l'avons déjà dit, il y a deux versions que j'ai

6 proposées au début, car pour moi il s'agit d'un contexte tout à fait

7 nouveau. J'avais quelques difficultés, à savoir ce qu'on me demandait de

8 faire, par conséquent, je suis revenu vers l'Accusation et je leur ai

9 demandé : "Qu'attendez-vous de moi exactement ? Que souhaitez-vous que je

10 fasse avec les documents qui m'ont été soumis ?" Etant donné que j'avais

11 tout parcouru, étant donné que j'avais une connaissance d'ensemble sur le

12 contenu, je voulais savoir ce que l'on attendait de moi. Par conséquent, je

13 pense que j'ai dû consacrer beaucoup plus de temps que prévu au départ car

14 c'était difficile pour moi d'analyser ces éléments. C'était difficile pour

15 moi d'analyser à nouveau ces éléments. A la lumière des questions nouvelles

16 qui m'avait été posées, j'ai dû parcourir à plusieurs reprises les

17 documents. J'ai dû rechercher les réponses appropriées en parcourant ces

18 documents, les relisant à nouveau à chaque fois, car je ne savais pas du

19 tout quelle était la réponse. Je pouvais simplement déduire la réponse

20 d'après les documents. Ceci est un processus très long, très fastidieux et

21 je travaillais une à deux semaines selon le volume de documents, une à deux

22 semaines consécutives. J'ai laissé tomber tout le reste de mes obligations.

23 Je devais savoir où était le document, comment ceci pouvait avoir une

24 incidence sur ce que je disais, et comment je pouvais traduire ceci à

25 l'écrit.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la confection de ce travail, est-ce que vous

2 l'avez effectué tout seul ou vous avez demandé des avis autorisés auprès

3 d'autres personnes, d'autres militaires, d'autres techniciens. Est-ce que

4 vous avez travaillé seul ou, comme le fait d'ailleurs un expert, êtes allé

5 rechercher également d'autres avis ?

6 R. Je ne sais pas comment travaillent les experts, car c'est quelque chose

7 que je n'ai jamais fait auparavant. C'est la toute première fois pour moi.

8 On m'a demandé de donner mon point de vue, en tant qu'ancien général. Je ne

9 me suis tourné vers personne d'autre car, en tant que général, je n'ai pu

10 donner que mon opinion personnelle. J'ai essayé de faire de mon mieux. La

11 seule personne que j'ai contactée à ce sujet était mon ex-traducteur à mon

12 quartier général à Heidelberg, qui a dû peaufiner ma traduction de façon

13 appropriée. C'est la seule personne qui a vu ce document hormis moi-même.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez expliqué que vous avez passé des

15 semaines à regarder les documents. Est-ce que dans la recherche d'éléments

16 d'information ou de vérification, vous avez été amené à consulter des

17 documents que l'Accusation ne vous a pas remis, mais des articles, des

18 livres, des rapports ? Est-ce que vous avez été, comme on dit, à la pêche

19 aux renseignements ? Est-ce que -- pour que votre opinion puisse se

20 dégager, pour que vous puissiez répondre aux questions très précises qui

21 vous ont été posées, est-ce que vous avez étendu votre champ de recherche

22 auprès d'autres documents ? Vous nous avez, d'ailleurs, rappelé que vous

23 êtes historien, vous avez fait un mémoire sur un sujet. Vous avez la

24 pratique de l'étude des documents, de l'appréciation des documents. Ma

25 question : est-ce qu'au-delà des documents de l'Accusation, vous avez

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1 consulté d'autres documents ?

2 R. Non, Monsieur.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous contentez de donner votre expertise

4 technique à partir de la documentation fournie par l'Accusation, sans aller

5 vérifier d'autres éléments. C'est bien ce que la Chambre doit comprendre de

6 votre réponse ?

7 R. Oui, Monsieur. Il s'agissait là des questions très précises portant sur

8 trois officiers et deux officiers, les questions éventuelles que je pouvais

9 fournir, les réponses que l'on attendait de moi. Les réponses que je

10 pouvais fournir ne pouvaient être déduites que des sources qui m'avaient

11 été données, des documents qui m'avaient été remis. D'aucun autre document,

12 puisqu'il s'agissait des questions très précises, à l'exception des liens

13 entre le commandement et le contrôle. Comme vous le savez, j'ai pris la

14 liberté de déduire ceci d'après le droit allemand, simplement pour avoir

15 les éléments contextuels. C'est le seul document, la seule source

16 supplémentaire que j'ai utilisée. Il s'agissait des droits militaires

17 allemands, un ouvrage qui comparait le droit militaire entre les différents

18 pays de l'OTAN. Ceci me permettait d'avoir une meilleure compréhension des

19 responsabilités d'un commandant, par exemple, dans l'armée britannique et

20 française, au sein de l'OTAN. Ce sont ces documents-là que j'ai lus.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours au niveau de votre curriculum vitae, vous

22 nous avez indiqué que vous aviez occupé plusieurs postes de commandement.

23 Nous avons constaté que vous avez exercé dans les Balkans, que le

24 territoire de l'ex-Yougoslavie vous est familier, en raison des postes de

25 commandement que vous avez occupés. Vous avez la particularité tout en

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1 étant général, d'avoir exercer sur les lieux. Est-ce que le fait que vous

2 avez exercé dans les Balkans, notamment, au Kosovo, également vous vous

3 êtes rendu en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que l'exercice de ce commandement

4 a été de nature à influer sur votre rapport écrit ?

5 R. Non, Monsieur, car le moment où je suis devenu le commandant national

6 des Forces allemandes de la FORPRONU et de la IFOR, j'ai dû surveiller mes

7 troupes dans le pays. Ceci s'est passé après la cessation des opérations

8 militaires entre les parties belligérantes. Nous étions, à ce moment-là, en

9 1994 et les années suivantes. J'aurais certainement être pu à même

10 d'apprécier la situation au niveau du terrain, au niveau des destructions

11 que j'ai pu constatées. Je me suis entretenu avec un certain nombre de

12 personnes dans le pays sur leur expérience de la guerre. Nous avons établi

13 notre quartier général dans une ancienne caserne des Forces de Bosnie, dans

14 laquelle les parties s'étaient battues très violement les unes contre les

15 autres. Ceci a peut-être eu une incidence sur mon appréciation générale,

16 mais n'a pas eu d'incidence sur les questions très précises qui m'ont été

17 posées.

18 Si je puis ajouter, Monsieur, il s'agissait là pour moi de la première

19 réponse que j'ai donnée à l'Accusation, lorsque je leur ai dit : "Je ne

20 suis pas disposé à devenir un expert en matière d'opérations militaires

21 dans les Balkans car, à ce moment-là, je n'y ai pas participé, je ne suis

22 pas historien à ce niveau-là. Je souhaite simplement me concentrer sur les

23 questions très précises qui m'ont été posées.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que vous avez pris vos fonctions en 1994,

25 postérieurement aux faits. Avant 1994, vous étiez, me semble-t-il, au

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1 quartier général de l'OTAN. Où étiez-vous en 1993 ?

2 R. Monsieur, en 1993, au début de l'année, j'étais le commandant du

3 collège d'Hambourg. Dans la deuxième partie de l'année, j'ai commandé le

4 corps à Koblenz, et j'ai préparé les opérations allemandes en Somalie, qui

5 se sont terminées en 1994. Peu de temps après notre redéploiement en

6 Somalie, nous avons tenu notre première mission pour nous préparer pour la

7 FORPRONU en Croatie, à Trojica [phon].

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci beaucoup de cette précision.

9 Une dernière question avant la pause : vous avez aussi expliqué, tout au

10 début, lundi dernier, que vous aviez été dans ce centre de formation aux

11 Etats-Unis, au Kansas, dans cette célèbre unité, où vous avez rencontré des

12 officiers américains. Il y avait,

13 semble-t-il, des officiers de l'ex-pacte de Varsovie. Est-ce que vous

14 confirmez qu'au Kansas, vous avez été dans la situation où vous avez eu des

15 contacts avec des officiers de l'ex-pacte de Varsovie ?

16 R. Monsieur, si je puis, je souhaite apporter un éclaircissement. J'étais

17 en contact avec des officiers de la JNA, des officiers yougoslaves. L'un

18 d'entre eux était assis derrière moi. Ce n'étaient pas des membres du pacte

19 de Varsovie. A ce moment-là, le pacte de Varsovie était encore en vigueur.

20 Il n'y avait aucun autre membre du pacte de Varsovie qui travaillait avec

21 nous. Il y avait beaucoup d'officiers qui avaient été formés auparavant à

22 Moscou, comme les officiers d'Afghanistan et d'Ethiopie et dans d'autres

23 pays avec lesquels nous pouvions comparer leur expérience en Russie et leur

24 expérience aux Etats-Unis. Dans bon nombre de cas, l'expérience que j'ai

25 eue avant avec les pays de l'ex-pacte de Varsovie, lorsque j'ai dû assumer

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1 la responsabilité de la réunification des armées de l'Allemagne de l'Est et

2 de l'Ouest, étant le commandant de l'état-major, j'étais le premier

3 commandant de l'OTAN de représenter ces instituts de formation à Moscou, à

4 Prague, à Budapest et à Varsovie. Encore une fois, j'avais de très bons

5 rapports avec bon nombre de ces officiers. Il s'agissait là des années 1990

6 et suivantes. Il ne s'agissait pas des années à Kansas en 1975 et 1976.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'officier de la JNA qui était placé derrière vous,

8 avec qui vous vous êtes certainement entretenu, est-ce qu'il vous donnait

9 l'impression d'avoir la même formation qu'un officier d'une armée

10 occidentale d'un pays de l'OTAN ? Est-ce que techniquement, cet officier de

11 la JNA vous semblait avoir eu la même formation que votre propre

12 formation ? D'ailleurs, s'il est avec vous, c'est qu'il suivait aussi un

13 cursus particulier.

14 R. Pardonnez-moi, si je puis, il y avait deux officiers, et ces deux

15 officiers étaient très différents. Il y en avait un qui était un jeune

16 capitaine qui était derrière moi. C'était un officier d'infanterie. C'était

17 un Musulman, un officier musulman d'infanterie de Bosnie-Herzégovine,

18 Mehmed Bazic [phon]. C'était un homme très intelligent, très agréable, un

19 jeune officier qui, au fond, j'avais l'impression, avait une expérience

20 similaire en matière d'exercice de commandement que moi-même au sein de

21 l'armée allemande.

22 L'autre officier était un officer des services de Sûreté de l'ex-

23 armée yougoslave, Dusan Omerovic, qui avait été envoyé là pour s'occuper de

24 son plus jeune frère, et s'assurer que ce jeune frère se conforme aux

25 règles de vie yougoslaves; c'était son ombre. C'était un officier de

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1 service de Sécurité tout à fait typique. Ces personnes sont très

2 différentes des officiers normaux qui se battent. Ceci était très

3 intéressant.

4 C'était intéressant de voir ces deux personnes qui étaient placées là

5 ensemble, dans le même cours de formation en tandem.

6 Lorsque Dusan Omerovic, qui était un colonel dans l'armée yougoslave,

7 devait faire semblant d'être simplement un capitaine à Fort Leavenworth.

8 Une fois qu'il est rentré en Yougoslavie, il s'est suicidé car il ne

9 supportait pas la différence entre ce qu'il avait vu et appris et ce qu'il

10 avait vu à Fort Leavenworth. C'était un officier de son pays. Après avoir

11 constaté que la situation était complètement différente de celle à laquelle

12 il s'attendait, a fait qu'il s'est suicidé. Ceci a été une expérience très

13 mauvaise pour moi, car je tenais cet officier en très haute estime. Nous

14 avons pendant des soirées entières parlé de beaucoup de choses et de notre

15 profession.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous confirmez que, a priori, la formation des

17 officiers de la JNA était une formation qui remplissait les standards

18 exigés dans une armée moderne.

19 R. Oui, Monsieur.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures 30. Nous faisons la pause et nous

21 reprendrons à 11 heures moins 5.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

23 --- L'audience est reprise à 11 heures.

24 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Reinhardt, je vais poursuivre les questions

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1 selon le plan suivant : je vais vous poser des questions directement liées

2 à votre rapport que vous devez avoir sous les yeux. Ensuite, après que je

3 vous ai posé des questions directement référenciées par rapport au

4 paragraphe de votre rapport, je vous poserai des questions d'ordre général,

5 toujours également fondées sur des documents que vous avez eus, des

6 questions qui sont relatives la FORPRONU, des questions relatives à la

7 question de l'autorité civile et militaire. Je reviendrai sur les

8 Moudjahiddines, des questions sur les prisonniers et des questions de

9 techniques purement militaires.

10 Concernant votre rapport, vous aviez répondu déjà largement mais il me

11 semble qu'il y a des points qui méritent à nouveau d'être parfaitement

12 éclaircis.

13 Au paragraphe 2.2 de votre rapport, vous avez donné la définition de la

14 mission et de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Au paragraphe

15 2.11 vous avez indiqué que le supérieur hiérarchique est personnellement

16 responsable de la conduite de toutes les opérations militaire menées dans

17 ses zones de responsabilité. Quand vous écrivez, "de toutes les opérations

18 militaires", est-ce que le terme, "toutes les opérations militaires" -- ce

19 terme, englobe-il des opérations qui seraient également menées par un autre

20 corps que le 3e Corps ? Étant précisé que le 3e Corps a une compétence

21 géographique, et si jamais un autre corps, qui a une autre compétence

22 géographique, intervient dans sa zone de responsabilité géographique, est-

23 ce qu'à ce moment-là ces opérations militaires dépendent de la

24 responsabilité du 3e Corps ?

25 R. Monsieur le Président, j'aimerais répondre de deux façons à cette

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1 question. Dès lors que vous avez des éléments venant d'un autre corps

2 d'armée, venus vous soutenir dans vos opérations, qui vous sont rattachés,

3 qui vous ont subordonnés pour cette opération donnée, ils se trouvent sous

4 votre commandement, et vous en avez la pleine responsabilité pour ce qui

5 est des opérations. Il se peut que vous n'ayez pas tout le pouvoir

6 disciplinaire pour cette période, parce que ces effectifs vous sont

7 rattachés pour une période donnée, pour une opération donnée.

8 L'autre possibilité, c'est que s'il y a une partie plus grande de votre

9 zone de responsabilité où interviendra ce corps adjacent. Vous allez peut-

10 être vouloir changer les confins, les frontières, à ce moment-là vous allez

11 assurer la coordination avec le commandant voisin. Ce qu'on fait en

12 général, s'il s'agit d'une opération de grande envergure.

13 Ce sont les deux possibilités qui se présentent.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Concernant toujours ce terme, "toutes les

15 opérations militaires", est-ce qu'à votre sens de la part d'un expert

16 militaire, les opérations militaires peuvent concerner des opérations

17 menées par des unités qu'on pourrait peut-être qualifier d'indépendantes ou

18 qui auraient l'apparence d'unités militaires, soit qu'elles sont des unités

19 paramilitaires, ou qu'elles aient tous les attributs d'une unité

20 militaire ? Dans le terme, "toutes les opérations militaires", est-ce que

21 ce terme englobe pour vous des unités de style paramilitaire ou d'autres

22 types d'unités qui ont les caractéristiques militaires ?

23 R. Oui. C'est comme cela que je comprends les choses et c'est de cette

24 façon-là qui j'ai été formé. Toutes les forces dans la zone dont je suis

25 responsable, toutes les forces qui opèrent dans ma zone de responsabilité,

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1 s'agissant de tout ce que ces forces font c'est moi qui suis responsable en

2 tant que supérieur hiérarchique, en fin de compte. C'est cela l'unité de

3 commandement. Faute de quoi, après il sera difficile de savoir qui est

4 responsable de quoi.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse. Dans votre rapport, vous

6 avez, en "footnote" numéro 13, évoqué la question de l'Article 87(3) du

7 Protocole I additionnel, aux conventions de Genève. Cet Article dit ceci :

8 "Les parties doivent exiger de tout commandant, qui a appris que des

9 subordonnés ou d'autres personnes, sous son autorité, veut commettre ou a

10 commis une infraction." Quand vous indiquez, "les personnes placées sous

11 son autorité", est-ce que ces personnes doivent être comprises également

12 comme les Moudjahiddines, car vous indiquez au paragraphe 2.14 ceci. Je

13 vous lis : "Le supérieur hiérarchique doit enquêter et prendre des mesures

14 dès qu'il apprend que des individus ou des unités auraient commis, dans sa

15 zone de responsabilité, des infractions." A partir de là, est-ce que des

16 individus qui agiraient dans une zone de commandement, qu'ils seraient,

17 d'après vous, englobés par l'application de cet Article 87, paragraphe 3,

18 du Protocole 1, en termes purement militaires ?

19 R. C'est comme cela que je comprends. Toutes les forces se trouvant dans

20 la zone de responsabilité sous mon commandement, et c'est moi qui suis

21 responsable de ce que ces forces font et je dois prendre des mesures. Il ne

22 s'agit pas simplement des forces qui se trouvent sous mon commandement

23 direct.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours dans ce sens, au paragraphe 2.17 de votre

25 rapport, vous faites une référence aux règlements relatifs à l'application

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1 directe du droit international par les forces armées. Vous en avez extrait,

2 de ce règlement, la phrase suivante, qui est dans votre rapport mais que je

3 lis pour les besoins de transcript et les besoins de ceux qui suivent ce

4 procès par l'Internet.

5 Vous écrivez ceci : "L'officier est personnellement responsable de

6 violations des lois de la guerre commises par ces unités subordonnées ou

7 d'autres unités ou individus, s'il savait ou aurait pu savoir que ces

8 unités ou individus planifiaient la commission de telles violations et s'il

9 n'a pas pris de mesures pour empêcher qu'elles ne soient commises lorsqu'il

10 était encore possible de le faire." Il semblerait, d'après la référence que

11 vous faites, que les règles de l'ex-Yougoslavie donnaient une compétence à

12 l'officier, une compétence de général sur tous ceux, unités ou autres

13 individus, qui auraient commis des infractions. C'est ce que vous

14 mentionnez dans votre paragraphe 2.17. Est-ce que vous le confirmez,

15 Monsieur, la teneur de ce paragraphe 2.17 ?

16 R. J'ai fait cette citation parce que j'ai pensé que c'était un paragraphe

17 capital, clé, pour bien comprendre quelles sont les responsabilités d'un

18 commandant, pour tout ce qui est de ce qui se passe dans sa zone de

19 responsabilité. C'est la raison pour laquelle j'ai fait cette citation,

20 parce que c'est un élément clé pour comprendre comment doit réagir un

21 commandant à certaines choses commises même par des gens qui ne sont pas

22 sous son commandement direct mais qui opèrent dans sa zone de

23 responsabilité.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour expliciter ce que vous avez dit hier, vous nous

25 avez indiqué que la situation était, sur le plan militaire, très complexe,

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1 dans la mesure où il y avait différents fronts; les Serbes et les Croates;

2 la question des réfugiés. La situation était, effectivement, très

3 compliquée. C'est un fait que personne ne semble contester par les

4 questions ou les réponses que vous avez faites. Sur le plan militaire et de

5 la stratégie militaire, ce qui se déroulait, à cette époque, en fonction

6 des documents que vous avez eus, uniquement en fonction des documents

7 puisque vous nous avez dit que vous avez travaillé uniquement sur les

8 documents, les conflits qu'il y avait, les actions militaires, est-ce que

9 c'étaient des actions de grande envergure ou des petites actions menées par

10 des petites unités avec des objectifs très précis ? Par exemple, la prise

11 de contrôle d'un village, où il y a 50, 100 personnes ou c'était une grande

12 stratégie militaire avec l'avancée de forces déployées qui prenaient des

13 positions occupées par l'ennemi ?

14 Comment, sur le plan militaire, vous avez apprécié, à partir des

15 documents, l'action militaire sur le terrain ?

16 R. En règle générale, si on parle des opérations de corps, on parle

17 d'opérations de grande envergure avec de grandes unités de taille

18 importante. Si vous me permettez de regarder la carte, malheureusement, je

19 lui fais dos, mais hier j'ai compris que pendant tout ce temps, les lignes

20 de front fondamentales n'avaient pas beaucoup changé. C'étaient des

21 opérations où il y avait des brigades, parfois plus qu'une seule brigade

22 qui était engagée. Mais la plupart -- la majorité de ces actions était

23 plutôt de petite taille, de moindre envergure, ce qui était normal, vu les

24 capacités professionnelles. Les actions de petites tailles pouvaient être

25 menées à bien. C'était beaucoup plus difficile de coordonner des actions de

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1 grande envergure, difficile de les appuyer aussi.

2 Il n'y a pas eu d'allées et venues, des retraits et des avancés.

3 C'étaient des combats sur des reliefs individuels, des villages, des

4 artères de communication. Il n'en demeure pas moins, Monsieur le Président,

5 que je dois dire que c'était, en fait, une opération très occupée en ce qui

6 concerne cette zone. Il y a beaucoup d'escarmouches, d'affrontements

7 parallèles se passant à plusieurs moments au sein de la même zone de

8 responsabilité.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette réponse.

10 Toujours sur le plan opérationnel, vous avez constaté qu'en fonction

11 des documents qui vous ont été donnés, il y a ce qu'on appelle le Groupe

12 opérationnel de la Bosnia Krajina et, au paragraphe 36 de votre rapport,

13 vous indiquez que ce Groupe opérationnel était un centre tactique --

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dont l'objectif était de coordonner des

16 opérations des différentes unités, est-ce à dire que ce centre tactique

17 était plus ou moins indépendant du commandement du 3e Corps ? Avait-il une

18 liberté de manoeuvre ? Ou ce qu'il faisait pour coordonner les unités, on

19 ne pouvait le faire que sous un contrôle du 3e Corps, autant préciser que

20 cette nouvelle armée de l'ABiH, constituée d'un grand nombre d'officiers de

21 l'ex-JNA, pouvait fonctionner à la manière des anciennes armées de l'est ?

22 Ma question, elle est précise : ce Groupe opérationnel, avait-il une

23 liberté de manœuvre dans l'appréciation des événements et des actions à

24 entreprendre ? Ou n'agissait-il uniquement que sur instructions du 3e Corps

25 et du commandement du 3e Corps, bien entendu ?

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1 R. Vous vous souvenez, Monsieur le Président, que nous avons parlé de la

2 portée du commandement hier. Compte tenu du fait que le 3e Corps d'armée

3 avait quelques 17 à 19 brigades, plus 14 états-majors de défense

4 municipale. C'est quelque chose que personne ne peut contrôler.

5 En général, on considère qu'on ne peut contrôler que quelque chose comme

6 six unités subordonnées. Il était normal et logique qu'entre l'échelon du

7 corps et celui des brigades, il existe une organisation chargée de

8 coordonner, au nom du corps, des unités subordonnées. Dans d'autres armées,

9 c'est en général, un QG de division qui le fait. Ici, vous avez un groupe

10 opérationnel ad hoc, composé d'un état-major assez restreint qui agit au

11 nom du commandant du corps, et qui exécute l'opération et la volonté du

12 commandant du corps. Ce Groupe opérationnel n'agit pas indépendamment. Il

13 agit uniquement en exécution d'une mission qui lui est conférée par le

14 corps d'armée.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

16 Je vais aborder la question du professionnalisme de l'ABiH. C'est au

17 paragraphe 5.12 de votre rapport. Vous indiquez qu'il y avait des carences

18 dans la structure du commandement, qu'il y avait des pertes qui étaient

19 subies pendant le combat et que l'ABiH était en perpétuelle organisation.

20 Vous en concluez d'un niveau plus élevé de professionnalisme sur le plan

21 tactique et militaire. Vous dites, compte tenu de l'ensemble des éléments

22 que, sur le plan tactique et sur le plan militaire, votre appréciation

23 serait que ce niveau est peu élevé. Confirmez-vous cette appréciation que

24 vous faites ? Est-ce que vous le faites par rapport à vos standards

25 personnels à vous, les standards des forces de l'OTAN ? Est-ce que c'est

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1 l'appréciation que vous faites sur le professionnalisme ?

2 R. Oui, Monsieur le Président. Les officiers de l'ex-JNA étaient peu

3 nombreux. Nous avons lu que seul 9 % au QG du 3e Corps d'armée étaient

4 d'anciens officiers. Nous avons également lu que certains des commandants

5 de brigade n'étaient pas du tout officier. Ils n'avaient pas d'expérience

6 de commandement en tant que soldat. Ceci montre dès lors qu'il était très

7 difficile d'organiser des opérations complexes, et qu'il fallait le faire

8 de façon très simple, à un niveau très peu élevé au niveau tactique. Il

9 fallait peut-être que l'état-major supérieur contrôle davantage, puisque

10 les commandants à un niveau plus bas n'étaient pas aussi expérimentés

11 qu'ils auraient dû l'être.

12 Le commandant du Corps d'armée se trouvait dans une situation très peu

13 favorable. Vous avez dit autre chose, tout a dû être constitué à partir de

14 zéro. Vous aviez des forces dans le pays et, au cours de cette période, il

15 y a renforcement de ces structures en terme numérique. Il faut un certain

16 temps avant que tous ces effectifs deviennent opérationnels tout en ayant à

17 combattre un ennemi.

18 Par conséquent, c'était une situation de flux permanent. On n'avait pas de

19 structure solide, ce dont on a l'habitude dans des armées habituelles,

20 normales. Vous aviez des subordonnés sans cesse différents. La relation

21 supérieure hiérarchique et subordonné, était fluctuante. C'était très

22 difficile dès lors car il faut qu'il y ait confiance, loyauté dans les

23 rapports hiérarchiques. Pour mener à bien des opérations, il faut se

24 connaître les uns les autres. Il faut savoir comment l'autre va réagir. Si

25 ce n'est pas le cas, et ce n'était pas le cas, parce que la situation était

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1 en flux, cela rend la situation générale très difficile.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour prendre le contrôle d'une localité constituée

3 de quelques dizaines ou centaines d'habitants, sur le plan militaire, est-

4 ce qu'il faut un très grand niveau de professionnalisme ou, finalement, une

5 petite unité déterminée peu facilement résoudre ce problème, d'autant plus

6 que, si on sait à l'avance que ce village en question est défendu par des

7 civils accompagnés de quelques militaires du HVO ? Est-ce que pour le

8 contrôle d'une localité "X", par exemple, il faut vraiment avoir des

9 compétences de niveau tel que le standard doit être élevé ?

10 R. Pour ce qui est des soldats sur le terrain, ce qui compte dans l'armée,

11 c'est le commandant de peloton, tout au plus, celui de commandant de

12 brigade. Parce que ce qui est important pour le soldat, c'est celui qui le

13 mène au feu directement. Quelqu'un qui attaque un village a vraiment la

14 trouille, qu'il soit commandant ou pas, car on ne sait pas quelle sera

15 l'issue du combat. Personne ne veut être un héro ni un martyr au bout du

16 compte. Si vous n'avez pas des meneurs, des chefs professionnels, auxquels

17 vous avez confiance, vous n'allez pas quitter votre tranchée en toute

18 probabilité. C'est encore plus important d'avoir vraiment des

19 professionnels à ce niveau, davantage encore que d'avoir des professionnels

20 à un échelon supérieur. Parce que c'est ce qui fait une armée. Vous le

21 verrez dans les documents, dans certains des documents, le 3e Corps et la 7e

22 Brigade de montagne ont préparé ces documents. Ils se plaignent de la

23 piètre qualité des commandants surtout à cet échelon, celui des commandants

24 de section, car ils semblent incompétents, incapables de faire leur travail

25 qui est de motiver les soldats pour que ceux-ci fassent ce qu'ils sont

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1 censés faire. A cet échelon peu élevé, c'est là qu'il est important pour

2 une armée d'avoir le professionnalisme. Ce n'est pas l'échelon le plus

3 élevé qui compte.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : A partir de l'échelon supérieur du commandement, qui

5 sait qu'une opération sur le terrain peut susciter en raison du manque de

6 formation ou du manque de compétence de ce ceux qui conduisaient l'action,

7 peut susciter, ce que l'on appelle, en termes français, des bavures, mais

8 je crois que le terme est général. Est-ce qu'à ce moment-là, ce n'est pas

9 d'obliger le commandement à être particulièrement vigilent dans la mesure

10 où il sait qu'il n'a pas à sa disposition le plus ultra de son

11 encadrement ?

12 R. Effectivement, je pense qu'ils ont essayé le plus possible d'assurer

13 une formation supplémentaire au moment où il y avait eu des accalmies pour

14 les préparer au front. C'est possible que cela a été fait. Il faudrait que

15 ce soit fait dans n'importe quelle armée pour essayer de maintenir le

16 standard des échelons le plus élevé possible.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me réfère toujours sur le rapport. Ensuite,

18 je passerai à d'autres points.

19 Au paragraphe 9.4.10, vous indiquez la question du rapport Siber,

20 qui est l'adjoint de Halilovic qui, ayant effectué une inspection, a

21 signalé des actes criminels dans la zone du 3e Corps. Vous indiquez, c'est

22 dans votre rapport, que Siber avait proposé la destitution du commandant en

23 second, c'est-à-dire, de l'officier Merdan. Vous indiquez que ce rapport

24 Siber finira à la poubelle. Ce sont vos propres termes qui sont mentionnés.

25 Dans le système OTAN, dans l'hypothèse où il y aurait eu la même situation,

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1 est-il logique de demander la destitution du numéro deux et pas du numéro

2 un Pourquoi le numéro deux et pourquoi pas le numéro un ? Comment vous

3 expliquez que, dans ce système, on a voulu sanctionner le numéro deux et

4 pas le numéro un ? En fonction de quels critères d'évaluation militaire a

5 été demandé que ce soit l'adjoint qui soit sanctionné et pas le numéro un ?

6 Quelle explication pouvez-vous donner en tant que général qui a exercé des

7 commandements. Si vous aviez eu à résoudre ce type de situation, quelle

8 aurait été votre position ?

9 R. Oui. La poubelle n'est pas le terme que j'ai retenu moi-même. Je l'ai

10 cité, parce qu'il se trouvait dans une conversation téléphonique.

11 Cependant, j'ai le sentiment à lire d'autres rapports également,

12 concernant le général Merdan, j'ai le sentiment que certains de la région

13 ont dit que le général Merdan s'était livré à des activités illégales,

14 qu'on n'était pas tellement content de sa façon de gérer les choses. Il y a

15 d'autres rapports parmi les documents qui, au niveau municipal, semblent

16 dire : "Qu'il ne s'acquitte pas bien de sa tâche." Je pense que c'est la

17 raison principale pourquoi Merdan dit que : "Si c'est le cas, s'il vous

18 remplace, si c'est lui qui dissimule des activités illicites ou

19 criminelles, il faut qu'il parte."

20 En règle générale, dans les pays de l'OTAN, normalement si on a un

21 numéro deux qui dissimule des choses, si vous l'apprenez, si vous

22 dissimulez ce qu'il fait, à ce moment-là, c'est vous qui devez partir et

23 abandonner vos fonctions.

24 Je ne sais pas dans quelle mesure le général Hadzihasanovic était au

25 courant de ces allégations. C'est sans doute la première fois qu'il se

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1 trouvait en face de ce type d'allégation lorsqu'il a reçu cette

2 conversation téléphonique. Tant qu'il prend les mesures nécessaires pour

3 mettre à pied ce second, parce que celui-ci n'aurait pas agi en conformité

4 avec la loi et les règles militaires, tout va bien. S'il ne le fait pas,

5 s'il dissimule ces actions, il va être en tout cas, dans le pétrin, du

6 moins dans mon armée.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document qui est mentionné au paragraphe 9.4.10,

8 il s'inscrit dans la situation de l'époque. J'ai vérifié. On vous a

9 communiqué la déclaration de l'état de guerre que vous avez eue qui est en

10 pièce P362, mais vous avez eu cette déclaration d'état de guerre. Cette

11 déclaration d'état de guerre a été signée par le président Izetbegovic.

12 Normalement, une déclaration d'état de guerre crée une situation juridique

13 pour l'armée, puisqu'on est plus en état de paix, on est en état de guerre.

14 Dans le cadre de cet état de guerre, une destitution qui est proposée par

15 M. Siber au Sieur Halilovic, est-ce que ce n'était de la compétence du

16 président en exercice, Izetbegovic ? Comment un militaire comme vous peut

17 apprécier cette question dans la mesure où nous sommes en état de guerre et

18 non pas en état de paix ?

19 R. Monsieur le Président, ce transcript de la conversation téléphonique ne

20 montre pas que M. Siber aurait, effectivement, envoyé un rapport écrit au

21 président Izetbegovic, ou lui aurait conseillé de remplacer M. Merdan. Je

22 ne sais pas ce qui l'en est des conséquences.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais aborder un autre thème qui est la question

24 de la FORPRONU sur place. Dans des documents qui vous ont été communiqués,

25 qui établissent que l'ONU via ses représentants qui étaient les forces qui

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1 étaient déployées, a joué un rôle. A la pièce P275, c'est un document que

2 vous n'avez peut-être pas sous les yeux, mais que vous avez eu, puisque je

3 l'ai vérifié, qui a été signé par plusieurs parties au conflit, le général

4 Mladic, le général Delic, le général Petkovic, deux autres personnes et le

5 général Morillon qui a représenté la FORPORNU. Ce document fait état de la

6 cessation des hostilités entre les parties qui signent ce document. Il est

7 daté du 15 juin 1993 à 15 heures 07. Il est indiqué au paragraphe 4 de ce

8 document que les parties s'engagent à respecter les conventions de Genève

9 du 1949.

10 Si vous, vous aviez eu à signer ce document, est-ce qu'il n'y a pas,

11 à ce moment-là, de la part de ceux qui signent, une obligation de faire

12 respecter les conventions de Genève, notamment, sur la question des

13 prisonniers, de leur condition de détention, n'y a-t-il pas, en signant ce

14 document, un engagement de toutes les parties, y compris du représentant de

15 la FORPRONU de faire respecter les conventions de Genève ? Si vous aviez eu

16 à signer ce document, d'abord, l'auriez-vous signé, et qu'auriez-vous

17 fait ?

18 R. Je sais d'après les discussions avec mon ami, le général Morillon, à

19 quel point la situation a été complexe pour lui. Parce qu'il n'avait pas de

20 pouvoir pour exécuter certaines des choses qu'il voulait voir exécuter.

21 Srebrenica est le pire exemple s'il en fut. D'ailleurs, la FORPRONU a été,

22 ensuite, convertie en IFOR, puisque cela a donné la possibilité à la

23 communauté internationale d'utiliser ce pouvoir, ce qui n'était pas le cas

24 de la FORPRONU.

25 Si j'avais dû signer ce document, si je m'étais trouvé dans cette

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1 situation, j'aurais veillé à ce que les prisonniers de guerre soient

2 traités de la meilleure façon possible. Pour ce faire, je me serais rendu

3 dans ces prisons. J'aurais envoyé des représentants, des personnes qui me

4 représenteraient dans ces prisons pour voir comment est-ce que ces

5 prisonniers de guerre étaient traités à l'époque. J'aurais pris des mesures

6 appropriées si ces personnes n'étaient pas bien traitées. Nous savons au vu

7 de nombreuses photographies que cela n'a pas été le cas. Quelque soit

8 d'ailleurs le camp auquel appartenaient les prisonniers.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai un document qui a été versé, qui n'a pas

10 été contesté, qui est enregistré sous le numéro P289, en date du 25 avril,

11 qui concerne un document qui émane du 3e Corps. C'est au sujet des

12 conséquences de Miletici. Il est indiqué dans ce document, non ce document

13 n'émane pas du 3e Corps, mais il émane de la partie croate, puisqu'il a été

14 établi par la Brigade de Vitez. Ce document est relatif à l'affaire de

15 Miletici, parce que la brigade en question a reçu un appel téléphonique

16 d'une des personnes qui se trouvait sur place.

17 Il est indiqué dans ce document que dans l'après-midi des

18 représentants de la FORPRONU, ont visité les personnes qui avaient été

19 arrêtées. Comment expliquez que, sachant qu'il y avait des gens qui étaient

20 arrêtés dans des conditions illégales, lorsqu'on représente un institut,

21 une armée appartenant à l'OTAN, est-ce qu'on doit agir et mettre en

22 position de réponse ceux qui détiennent les personnes en question ? Est-ce

23 qu'il n'y a pas une obligation d'agir et de dire à ceux qui détiennent :

24 "Vous n'allez pas les détenir en fonction de la convention," puisqu'on

25 signe un document où il y a une référence explicite aux conventions de

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1 Genève ?

2 Vous nous avez dit que vous auriez été visité. Lorsqu'à ce moment-là,

3 visitant le sort des détenus civils, qu'aurez-vous fait, ou est-ce que vous

4 n'allez pas inciter ceux qui détiennent à les libérer ?

5 R. Monsieur le Président, il faudrait revenir aux conditions de base

6 de la FORPRONU, qui était loin d'être des conditions confortables, qui

7 étaient des conditions qui n'étaient pas véritablement favorables. Parce

8 qu'à cette époque, la FORPRONU pouvait utiliser sa force seulement en cas

9 de défense et seulement aux fins de superviser. Ils n'avaient pas le droit,

10 et ce fut la grave erreur commise, ils n'avaient pas le droit des mesures

11 de leur propre initiative.

12 Ce que vous dites est tout à fait exact. Si vous voyez des civils qui

13 sont faits prisonniers ou qui sont pris comme otages, il est évident qu'il

14 faudrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'ils

15 soient mis en liberté. Le commandant de cette unité de la FORPRONU n'a pu

16 que dire à l'autre partie de le faire, mais il n'a pas été en mesure de les

17 forcer à le faire. Il était tributaire en quelque sorte de la bonne volonté

18 de l'autre camp. Nous savons tous pertinemment que cela a été

19 particulièrement insuffisant. Ce qui fait que la FORPRONU, du fait de son

20 régime, n'a pas fait ce qu'elle était censée faire.

21 Je peux vous dire qu'il s'agit d'une situation particulièrement

22 négative. Si vous savez que les choses ne se passent conformément à vos

23 idées, conformément aux mesures que vous devez prendre, mais que vous

24 n'êtes pas en mesure d'exécuter, parce que le régime dans le cadre duquel

25 vous opérez, à savoir, le régime des Nations Unies dans le cadre duquel

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1 opérait la FORPRONU, ne leur permettait pas de faire plus.

2 Je suis entièrement d'accord avec vous. On aurait, effectivement,

3 faire beaucoup plus, mais politiquement, à l'époque, il semblait que l'on

4 ne pouvait pas faire davantage.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais aborder un autre sujet qui est

6 la mixité entre l'autorité militaire et l'autorité civile.

7 Vous l'avez évoqué à quelques reprises dans vos réponses, et je vais

8 me fonder uniquement sur les documents que vous avez. Je faisais état tout

9 à l'heure à la déclaration d'état de guerre qui a été prise le 20 juin

10 1992, et qui organise la mobilisation pour la défense du territoire, de

11 l'ensemble des citoyens âgés de 18 à 65 ans, hommes et femmes, ainsi

12 qu'entreprises. Il est indiqué au paragraphe 3 de cette décision que ce

13 sont les forces de la Bosnie-Herzégovine qui sont autorisées à prendre

14 toutes les mesures nécessaires pour l'organisation de la résistance du

15 peuple, afin, évidemment, de mettre fin à la situation qui existe. Ce

16 document fait jouer à l'armée un rôle important, et on peut avoir

17 l'impression que l'autorité civile, à ce moment-là, peut dépendre de

18 l'autorité militaire.

19 Quelle est votre impression que vous avez eue en regardant le

20 document ? Est-ce que vous êtes posé la question de la liberté qu'avait le

21 commandement militaire, notamment, le 3e Corps, à l'égard de l'autorité

22 civile ? Que pouvez-vous dire pour éclairer la Chambre sur ce point ?

23 R. Monsieur le Président, je ne sais pas si ma réponse sera la réponse

24 exacte. Je vais me contenter de deviner. Vous avez cette organisation

25 civile, ou les organisations qui existaient dans la zone de responsabilité

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1 où se trouvait le corps, il s'agissait d'organisations indépendantes. Le

2 commandant du corps devait coopérer dans la mesure du possible avec ces

3 organisations, pour pouvoir assurer la synergie de toutes les forces et de

4 tous les éléments qui se trouvaient dans sa zone de responsabilité et ce,

5 dans l'intérêt de la défense de cette zone.

6 Je ne pense pas qu'il pouvait exercer le commandement sur ces autorités,

7 mais par le biais de négociations, de discussions. Il est évident qu'il a

8 essayé d'apporter son soutien à ces organisations et à ces autorités. Je

9 dirais que toutes les organisations de cette zone souhaitaient

10 véritablement lui accorder leur soutien dans son intention de défendre le

11 pays. Je ne pense pas que nous puissions dire qu'il était le gouverneur

12 militaire ou le dictateur de cette zone et que tout se trouvait placé sous

13 son contrôle. Je pense qu'il y avait de nombreuses négociations, de

14 nombreuses discussions, et on a essayé de convaincre les institutions, mais

15 je pense que ces organisations sont restés indépendantes et ce, pendant

16 toutes les opérations.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment pouvez-vous expliquer ? Il y a un document

18 qui a été versé dans la procédure, dont je donne le numéro qui est

19 00809149, qui émane de la présidence de Guerre de Zenica, de la

20 municipalité de Zenica. La présidence de Guerre de Zenica, c'est le lieu où

21 se trouve le 3e Corps. Je vous lis l'Article 1 de ce document : "Les

22 commandements concernés doivent immédiatement ordonner un cessez-le-feu

23 inconditionnel. Toutes les unités doivent retourner dans leurs casernes."

24 Cet ordre de la présidence de Guerre est envoyé, j'en ai la preuve, au 3e

25 Corps d'armée.

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1 Comment expliquez-vous cela ?

2 R. Nous avions un conseil de la défense municipale et ce, dans un

3 certain nombre de villes. Je pense qu'il y a en avait 14 dans la zone de

4 responsabilité du 3e Corps. Il commandait des troupes, des troupes qui se

5 trouvaient placés sous le commandement du 3e Corps, et je pense que ce

6 conseil de guerre, qui probablement dirigeait cet état-major de la défense

7 municipale, voulait à ce moment-là cesser ces activités, il a émis ce genre

8 d'ordre.

9 Je ne pense pas que c'était un ordre destiné au 3e Corps. Je pense

10 qu'il voulait que le 3e Corps soit mis au courant de cet ordre, mais je

11 n'ai pas le document en face de moi. Il ne s'agissait pas d'un ordre qui

12 pouvait être donné par le conseil de Guerre au 3e Corps pour faire en sorte

13 que le 3e Corps fasse certaines choses. Cela, c'était seulement valable

14 pour les forces qui étaient placées sous le commandement du conseil de

15 Guerre.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours pour cette question, il y a un

17 document qui est sous les numéros P204, qui émane du 3e Corps, et qui

18 concerne la police militaire de la 306e Brigade. Il est dit dans cet ordre

19 militaire que le MUP, c'est-à-dire, la police civile, et la police

20 militaire des autres brigades, sont re-subordonnées à la 306e Brigade.

21 Comment se fait-il qu'un document militaire puisse mettre sous l'autorité

22 militaire une police par essence civile, qui est le MUP, qui dépend du

23 ministère de l'Intérieur, si ce n'est que l'autorité militaire a un large

24 pouvoir par rapport à l'autorité civile ? Qu'est-ce que vous pensez en tant

25 qu'expert militaire sur ce type de situation ?

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1 R. Monsieur le Président, à chaque fois que j'entends mentionner le

2 nom "MUP", j'ai les cheveux qui se dressent sur la tête, parce que la

3 plupart des atrocités que j'ai vues au Kosovo n'ont pas été commises par

4 les militaires, mais par le MUP. Il s'agit d'une organisation paramilitaire

5 qui a commis la plupart des atrocités que j'ai vues. Il porte l'uniforme,

6 ils utilisent du matériel militaire. Ils ont des blindés, ils ont des APC,

7 ils ont combattu au côté des militaires, et je pense qu'ils ont fait la

8 même chose dans le cas d'espèce dont vous parlé, c'est une situation très

9 floue. Je n'en sais rien. Je dois le répéter, je n'en sais rien. Je ne sais

10 pas si le corps a eu le droit de les prendre sous leur commandement. Je

11 pense qu'il y aurait dû y avoir un accord entre le ministère de la Défense

12 et le ministère de l'Intérieur, suivant lequel il devrait y avoir un effort

13 de synergie entre ces forces sur le terrain pour qu'ils puissent combattre

14 côte à côte.

15 Je pense que pour vous, et pour quelqu'un qui n'est pas expert, il n'y a

16 aucune façon de faire la part des choses et de faire la différence entre la

17 façon dont le MUP et les militaires opéraient sur le terrain. C'est quelque

18 chose auquel nous ne sommes absolument pas habitués dans nos armées. Je

19 pense qu'il faut comprendre que le MUP avait un statut spécial, et compte

20 tenu des documents que j'ai consulté, je pense qu'en Bosnie-Herzégovine,

21 pour ce qui est de la capacité de combat du MUP, la capacité de combat

22 était semblable à celle que j'ai pu voir au Kosovo lorsque je suis arrivé

23 au Kosovo, entre le MUP serbe et les forces armées serbes. Pour moi, il

24 n'avait aucune façon de faire la part des choses.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question sur ces aspects militaires et

Page 6939

1 civils. Il y a un document qui est sous la cote P272, c'est en date du 28

2 juillet 1993, qui est le code des unités du 3e Corps avec un numéro, car

3 chaque entité a un numéro qui est affecté. Chaque unité a un numéro de

4 référence. Je constate, à la lecture de ce document, que l'autorité civile

5 -- l'autorité municipale a également un numéro. Notamment, on découvre que

6 l'autorité municipale a quatre détachements anti-sabotage, qui ont chacun

7 un numéro et ils figurent dans le document militaire. Qu'est-ce que vous en

8 pensez ? Avez-vous d'ailleurs vu ce document ? A votre avis, c'est quoi

9 cette Unité anti-sabotage ?

10 R. Ces Unités anti-sabotage étaient des unités en situation de guerre

11 irrégulière, un peu comme dans le cas d'une guerre de type guérilla. Nous

12 avons vu qu'il y a avait des Groupes de guérilla qui faisaient partie de

13 certains états-majors des forces municipales.

14 Hier, Monsieur le Président, vous avez cet organigramme qui a été

15 présenté par la Défense. Nous avions vu les brigades individuelles

16 commandées par le 3e Corps, et si ma mémoire ne me trompe, je pense qu'il y

17 avait 14 conseils de Défense municipale qui étaient des organisations

18 militaires territoriales.

19 Il ne faut pas oublier que le 3e Corps reprenait, en fait,

20 l'organisation territoriale préalable pour ces forces militaires, pour la

21 défense de leur zone, et de leurs villages. En fait, ces forces militaires

22 territoriales étaient placées sous le commandement du corps, ils avaient

23 ces numéros et il y avait des forces qui incluaient ces Unités anti-

24 sabotage, qui étaient des unités que nous ne connaissons pas au sein de

25 l'OTAN, des unités qui se livraient à des opérations qui n'étaient pas des

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1 opérations conventionnelles classiques et ce dans la zone de responsabilité

2 ou dans la zone des opérations du conseil de Défense municipal.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours dans ce document qui donne des numéros aux

4 unités, au matériel et aux armes, ce qui permet de savoir comment était

5 armé en réalité le 3e Corps, je constate que, sous le numéro 0118, il y a

6 marqué "sniper rifle". Est-ce qu'il est d'usage que les armées combattantes

7 aient des fusils de "snipers" ?

8 R. Oui, Monsieur le Président, c'est toujours le cas. Dans toutes les

9 armées, il y a des fusils de tireur d'élite, et il y a des soldats qui sont

10 entraînés spécialement pour devenir tireurs d'élite. Il ne faut pas

11 oublier que l'organisation territoriale, qui se fondait sur un type de

12 guerre de défense au cas où l'Yougoslavie, venait à être attaquée et

13 occupée. Dans ce type de mouvement, les tireurs d'élite justement étaient

14 extrêmement importants et les troupes anti-sabotage étaient extrêmement

15 importantes pour justement mener à bien ce genre de guerre peu

16 conventionnelle contre l'ennemi. Par conséquent, de leur point de vue, ils

17 formaient une partie logique de l'armée territoriale.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer à un autre sujet qui a été largement

19 déjà abordé par les questions du Juge, c'est la situation des prisonniers.

20 Vous avez répondu à un ensemble de questions et je voudrais juste

21 parachever quelques petits points de détails.

22 Dans la procédure, vous en avez eu la communication, il y a un

23 document qui figure sous le numéro P260, qui est un document adressé par le

24 secteur de sécurité du 3e Corps à tous les commandants de brigade et qui

25 concerne la façon dont ils doivent agir dans le cadre des échanges de

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1 prisonniers et les mesures qui sont à prendre.

2 Il apparaît dans ces documents, que lorsqu'il y a un échange de

3 prisonnier, le prisonnier qui est libéré fait l'objet d'un débriefing et

4 doit répondre à toute une série de questions selon un texte qui est très

5 complet, qui fait plusieurs pages où on lui demande à quel endroit il a été

6 fait prisonnier, l'heure, le jour, le lieu. Etait-il armé ? Quand il a été

7 fait prisonnier, lui a-t-on demandé son nom, et cetera, et cetera. Il y a

8 toute une série de questions qui doivent être posées. Ce document, qui est

9 destiné aux brigades, doit concerner normalement les prisonniers de l'ABiH

10 qui ont été détenus par le HVO et qui sont débriefés. Dans la mesure où

11 vous avez vu peut-être ce document, est-ce que l'ABiH, lorsqu'elle détenait

12 un prisonnier du HVO, ne devait-elle pas également lui demander uniquement

13 son nom, l'unité à laquelle il appartenait, et l'interrogatoire se limitait

14 à cela ? D'après la formation que vous avez eue, de la formation qui a lieu

15 dans toutes les armées du monde, l'interrogatoire de prisonniers, jusqu'où

16 peut-il aller ?

17 R. Monsieur le Président, je n'ai pas ce document pour le moment, mais je

18 me souviens toutefois de ce document. Je ne peux pas retrouver les numéros

19 PT parce que j'avais utilisé une autre façon pour établir ces catégories.

20 Fondamentalement, si vous êtes fait prisonnier, vous avez le droit de

21 dire votre nom, votre grade et votre numéro de série et c'est tout.

22 D'ailleurs, conformément aux réglementations internationales, vous n'êtes

23 pas autorisé à dire à quelle unité vous apparteniez. Cela était valable

24 pour les prisonniers de guerre du HVO qui venaient dans votre zone.

25 De surcroît, nous savons que toutes les armées agissent de façons

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1 différentes et essaient d'obtenir, de la part de l'ennemi, le plus grand

2 nombre de renseignements possibles, pour ce qui est des renseignements à

3 obtenir.

4 Plus vous avez de prisonniers qui reviennent, dans ce cas d'espèce,

5 des prisonniers de l'ABiH qui ont été mis en liberté par le HVO, je pense

6 que la procédure normale consiste, en effet, à leur poser le plus grand

7 nombre de questions possibles. Où ont-ils été détenus ? Comment ont-ils été

8 traités ? Qu'ont-ils fait pour essayer d'obtenir des renseignements, et

9 pour également vous assurer qu'ils ont été bien traités ? Cela ne va pas du

10 tout à l'encontre du droit humanitaire fondamental parce qu'une fois qu'ils

11 sont revenus chez vous, ils sont à nouveau des soldats passés sous votre

12 commandement et vous pouvez leur poser toutes les questions pertinentes.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Prenons un cas concret. Dans une action

14 militaire, vous faites des prisonniers. Vous avez des prisonniers ennemis.

15 Concrètement, quelles instructions vous donnez à vos troupes concernant ces

16 prisonniers ? Quel est le minimum, de ce minimal et de ce maximal, vis-à-

17 vis de ces prisonniers ? Quelles instructions vous donnez pour la gestion

18 de ces prisonniers qui se sont rendus ou qui ont été faits prisonniers ?

19 R. Monsieur le Président, il y a des obligations juridiques très

20 claires qui sont que vous n'avez pas le droit de leur poser plus de

21 questions que les trois questions que je viens de mentionner. Si vous le

22 faites, vous êtes déjà en infraction par rapport au droit international.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans une action militaire, quand vous faites

24 des prisonniers, s'il y a des prisonniers qui sont des civils ou qui ont

25 des apparences de civils, doit-on les conduire dans une prison militaire,

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1 alors même qu'ils sont civils ou même, le cas échéant, ils seraient mineurs

2 ou en bas âge ? Comment une armée moderne, qui répond à des critères

3 démocratiques, traite le sort des civils, des femmes, des enfants et des

4 vieillards, selon le standard de l'OTAN et de pays de l'ex-bloc

5 soviétique ?

6 R. Je pense que, si vous occupez une zone où il se trouve une population

7 civile, cette population peut être évacuée. Elle doit être soutenue. Elle

8 ne peut pas devenir prisonnière parce qu'il s'agit de personnes civiles.

9 Une fois que vous avez offert un soutien médical et un soutien logistique,

10 vous devez vous assurer que cette population civile sera transportée dans

11 une zone où elle ne sera plus victime des conditions négatives de la

12 guerre. Vous ne pouvez pas leur imposer les mêmes conditions que les

13 prisonniers de guerre. Si vous le faites, vous mettez en danger leur bien-

14 être. Une fois de plus, vous êtes en infraction, peu importe, d'ailleurs,

15 de quel pays vous venez parce que le droit international et les conventions

16 internationales sont valables pour toutes les nations qui les ont signées.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous nous dites s'applique dans quasiment

18 toutes les armées du monde ?

19 R. Oui, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais aborder la question des Moudjahiddines. Vous

21 avez répondu à toute une série de questions. Les Moudjahiddines, vous les

22 avez mentionnés dans votre rapport. Je veux aborder cette question

23 uniquement en termes militaires.

24 La situation de l'époque, telle qu'elle apparaît dans les documents

25 dans votre rapport, il y a le 3e Corps qui a une zone géographique. Le 3e

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1 Corps est, d'après les documents de la Défense, constitué de 32 000

2 personnes sous l'autorité du 3e Corps déployées sur le terrain dans des

3 conditions difficiles. Ceci est certain. Peut-on, en termes militaires,

4 envisager qu'une unité de quelques centaines d'individus puisse, par

5 rapport à un corps d'armée, faire régner la terreur sans que ce Corps

6 d'armée qui est équipé, qui a tout ce qu'il faut mortiers, et cetera, ne

7 puisse mettre fin aux agissements d'une unité dite indépendante, qui fait

8 la guerre à sa façon ? Est-ce qu'en termes militaires, ceci est

9 envisageable ?

10 R. Oui, Monsieur. En tant que commandant militaire, j'ai les moyens,

11 j'ai le pouvoir de vérifier ce que faisaient ces gens. Si je ne suis pas

12 d'accord avec ce qu'ils font, si je suis en désaccord avec la manière dont

13 ils font la guerre, j'ai les moyens de les empêcher et de stopper cela. Ce

14 n'est peut-être pas une chose très aisée, mais j'ai les moyens de le faire,

15 et j'aurais dû le faire.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : D'après les documents que vous avez eus,

17 documents sur le 3e Corps, les unités, et cetera, le matériel, est-ce que

18 le 3e Corps avait les moyens militaires de désarmer, d'anéantir, une unité

19 de quelques centaines d'individus ?

20 R. Oui, Monsieur, ils avaient ces moyens-là. Si je puis attirer

21 votre attention un petit peu en arrière sur l'ordre de base

22 --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais aborder cela.

24 R. Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce qu'il y a un document qui a été

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1 évoqué où il avait été indiqué sur un rapport, qu'il y avait des solutions

2 soit intégrer, soit leur refuser l'hospitalité, soit les désarmer, vous

3 devez faire référence à ce document que la Chambre connaît parfaitement,

4 car cela fait huit mois que nous sommes déjà dans ce dossier.

5 Ce document, dont vous avez eu possession, était-il, en termes

6 militaires, purement en termes militaires, un ordre en quelque sorte,

7 implicite ou explicite au commandant du 3e Corps d'agir pour mettre à néant

8 cette unité qui n'obéissait pas à l'autorité légitime sur la zone du

9 commandement du 3e Corps ?

10 R. Pour moi, il s'agissait d'un ordre très clair. Je vous remercie

11 de m'avoir aidé ici en la matière. Je crois que cela montre également qu'il

12 y avait une autre façon de faire les choses plutôt que de laisser les

13 choses en état à ce moment-là.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : D'après les documents que vous avez eus en votre

15 possession, notamment, une pièce non contestée, P294, un document, émanant

16 du 3e Corps, de l'organe d'intelligence,

17 c'est-à-dire, la partie renseignement du 3e Corps, qui concerne les

18 mercenaires. Il est demandé, dans ce document, leur nom, le lieu de l'unité

19 dans laquelle ils sont, d'autres détails, et cetera. D'après les documents

20 que vous avez eus, la question des mercenaires,

21 y a-t-il eu indépendamment des Moudjahiddines qui avaient pu venir soit en

22 qualité de mercenaires, soit pour d'autres raisons ? Y a-t-il eu, d'après

23 vous, des étrangers, voire même des locaux, qui ont eu le statut de

24 mercenaires ? Car si ce document fait état, c'est qu'il y avait un problème

25 concernant les mercenaires.

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1 R. Monsieur, ce n'est pas que j'ai conscience du fait qu'il y ait eu

2 d'autres mercenaires au sein du 3e Corps. Il y avait certainement des

3 civils qui avaient des armes, puisque c'étaient d'anciens soldats qui

4 avaient été formés au sein de la JNA ou parmi les forces territoriales, qui

5 ne pouvaient pas rejoindre l'armée à temps, qui défendaient leur village

6 avec les armes qu'ils avaient à leur disposition. Je crois que ces gens-là

7 ne pourraient pas être appelés des mercenaires. Il s'agissait simplement de

8 personnes qui tentaient de défendre leur maison et la maison de leurs

9 voisins ou de leur famille.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer au dernier thème pour ne pas allonger

11 inutilement l'audience, en abordant des questions purement de technique

12 militaire. Dans la situation de l'époque, compte tenu des difficultés

13 qu'avait le 3e Corps à avoir des éléments de valeur et des officiers

14 compétents, vu les difficultés inhérentes à la géographie, les difficultés

15 de communication, de transport, lorsque l'attaque était organisée, est-ce

16 que, selon vous, d'après les documents que vous avez eus, il devait y avoir

17 avant une action militaire, une phase de préparation de l'action

18 militaire ? Est-ce qu'il est d'usage avant une opération militaire, de

19 tenir une réunion afin d'évaluer ce que l'on va faire, la manière qu'on va

20 procéder, déterminer les objectifs de la mission ? Est-ce que, normalement,

21 d'après les documents que vous avez eus, cela se faisait comme cela ?

22 R. Monsieur, je vais parler du niveau d'une brigade ou d'un bataillon.

23 Lorsque vous réunissez vos commandants avant une attaque, vous leur donnez

24 des ordres. En somme, vous discutez avec eux, vous parlez avec eux, du

25 concept même de l'opération. A un niveau plus bas, en tout cas, dans mon

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1 armée, à ce moment-là, nous regardions l'opération sur une carte en relief

2 comme celle-ci, et nous essayons d'ici, au niveau de la carte en relief, ou

3 d'une "boite de sable", nous passions en revue l'ensemble de l'opération.

4 C'est, en générale, une situation assez complexe, et l'élément le plus

5 difficile, ou en tout cas le chose que l'on veut empêcher, c'est que les

6 personnes se tirent dessus entre eux, une guerre fratricide. Chacun doit

7 savoir qui se situe où, à quelle heure, et il faut coordonner cela. La

8 coordination signifie véritablement qu'il faut étape par étape, avec les

9 différents individus, suivre l'opération qui commande ces opérations. Je

10 crois que, d'après les documents que j'ai lus, je crois que cette procédure

11 était plus ou moins la même au sein de la JNA, et dans l'ABiH.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Les documents que vous avez eus, lorsque l'ABiH

13 faisait une attaque, est-ce que, d'après vous, les unités, qui étaient sur

14 le terrain, qui étaient peut-être au niveau d'une section, ou d'un peloton,

15 d'une petite unité, est-ce que -- compte tenu des difficultés liées à la

16 situation géographique, est-ce que ces unités devaient être en liaison

17 radio permanente avec soit le Groupe opérationnel, qui était le centre

18 tactique, ou avec le quartier général ? Pouvez-vous imaginer qu'une action

19 puisse dérouler hors du contrôle du quartier général ?

20 R. Normalement, Monsieur, la communication, que vous établissiez, c'est

21 avec l'échelon supérieur, le commandant de la section, le commandant de la

22 compagnie, à moins que ce ne soit une section ou un peloton particulier qui

23 est en contact, à ce moment-là, avec le commandant. C'est, en général, le

24 brigadier qui est en contact avec le commandant du bataillon, le bataillon

25 avec la brigade, la brigade avec le groupe opérationnel, avec le commandant

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1 du corps, et le corps avec le centre Opérationnel, qui a mis en place ceci

2 dans les documents. En général, le corps ne connaît pas tous les détails de

3 la bataille qui fait rage, à moins que le commandant ne fasse une mention

4 spéciale, et dit : "Je veux savoir exactement ce qui se passe." En général,

5 on ne se batte pas à des échelons inférieurs car j'espère qu'il y a un

6 commandant qui est compétent en lequel vous pouvez avoir toute confiance,

7 et qui peut faire cela.

8 Par conséquent, les informations, sur ce qui s'est passé, arrivent au

9 quartier général sous forme de message, que ce soit les messages écrits, ou

10 des messages verbaux qui émanent d'un quartier général inférieur, mais qui

11 ont déjà été filtrés par le groupe opérationnel ou par le bataillon ou par

12 la brigade. Cela dépend du niveau, ici, qui s'inscrit entre le niveau

13 essentiel et le niveau exécutif, qui est, en général, la compagnie qui est

14 le niveau le plus bas.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez dire qu'en théorie, du niveau de plus

16 bas, ce doit, par les échelons intermédiaires, remonter vers le haut,

17 chacun rendant compte de l'état d'avancement de l'opération, vers l'haut.

18 C'est bien cela ? Bien.

19 Prenons l'hypothèse où l'échelon -- échelon du terrain fait un groupe de

20 prisonniers, d'une dizaine, de 15 individus, est-ce que l'unité, qui fait

21 ce groupe de prisonniers, va à l'échelon supérieur annoncer qu'ils ont

22 arrêtés dix ennemis sur son lieu ? Est-ce que ce fait va remonter toute la

23 chaîne ?

24 R. Oui et non, Monsieur. Nous avons vu qu'à Dusina, la compagnie, qui a

25 fait des prisonniers, en a fait mention directement, et l'a rapporté

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1 directement au commandement. Mais il s'agissait là de la première attaque.

2 A quelque deux à trois mois plus tard, si une compagnie avait capturé des

3 prisonniers, ceci n'avait pas été porté à l'attention du quartier général,

4 et cela dépend de la situation, cela dépend beaucoup du commandant du

5 bataillon et de la brigade. C'est à eux d'analyser la situation, de savoir

6 s'il faut en faire rapport au quartier général supérieur ou s'il doit

7 l'inclure, dans son rapport de combat, qui est, de toute façon, mis à jeu

8 toutes les six heures, à ce moment-là, il pourrait le consigner dans son

9 rapport.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Ou est-ce que, dans ce type de rapport, on doit

11 immédiatement annoncer à l'échelon intermédiaire et supérieur le nombre de

12 tués qu'on a, le nombre de blessés qu'on a, et le nombre de tués de l'autre

13 partie que l'on a dénombré, et le nombre de blessés qu'ils ont. Est-ce que,

14 dans les règles de l'art militaire, il doit y avoir un compte rendu quasi-

15 immédiat de la situation lorsque le dernier coup de feu a été tiré ?

16 R. Monsieur, il y a un message, un flot de messages continue les questions

17 à propos de l'ennemi et de la situation, où se trouve l'ennemi, la

18 situation des prisonniers, des pertes, et c'est ce qu'on appelle SOP, les

19 procédures standard d'opération. Comme je l'ai dit, toutes les six heures,

20 dans l'armée bosniaque, le commandant était censé à transmettre un message

21 sur la situation sur le terrain. Je crois que la même chose s'applique à

22 notre armée. Cela ferait une partie intégrante de notre mission dans notre

23 armée. Si vous avez un nombre très important que vous n'aviez pas prévu,

24 par exemple, un rapport "spot", que vous rapportez directement au QG, par

25 exemple, que vous avez 100 à 150 prisonniers de guerre, ou si vous avez un

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1 chiffre très élevé de pertes de l'autre côté, ce qui ne s'est jamais passé

2 au cours de cette guerre-là. Encore une fois, cela dépend pour beaucoup de

3 la décision de la commandant. C'est à lui d'évaluer la situation, et de

4 rapporter directement ou par l'intermédiaire de ce rapport de routine qu'il

5 rédige -- un rapport, qui est rédigé toutes les six heures est

6 véritablement un rapport de routine.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'hypothèse où l'ennemi a eu des tués, et à la

8 retour de la compagnie qui était sur le terrain, y a-t-il une phase de

9 débriefing où l'autorité supérieure, celle qui n'était pas présente, va

10 demander aux combattants sur place dans quels conditions a été tué

11 l'ennemi, que ce qui s'est passé exactement ? Est-ce que cette phase

12 postérieure à l'action est une phase qui va faire l'objet d'un rapport qui

13 va être porté à la connaissance du quartier général ?

14 R. Oui, Monsieur. Après qu'une action militaire est terminée, vous avez un

15 débriefing dans votre propre unité, et vous évoquez les problèmes que vous

16 avez rencontrés : les bonne choses et, très souvent, les mauvaises choses,

17 par exemple, les choses qui n'ont par marchés. Ensuite, le commandant va

18 rédiger un rapport après l'action militaire. Il y a un certain nombre de

19 rapports après actions militaires, dont les documents qui m'ont été remis,

20 où un bataillon, ou une compagnie, ou une brigade, passerait en revue les

21 différentes dispositions de cette opération, les différentes difficultés,

22 problèmes d'exécution qu'ils ont rencontrés. En général, dans les

23 circonstances comme celles-ci, ils parleraient de la situation du côté

24 ennemi, ainsi que d'éventuels pertes subi par l'autre côté, ainsi que les

25 prisonniers de guerre. Ces rapports, après la situation, ayant de l'ABiH,

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1 ces rapports étaient rédigés immédiatement après la fin de cette action

2 militaire, de fin à en tenir à informer le QG.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours en question militaire, le document, qui est

4 sous la côte P330, daté du 22 décembre 1992, qui est un rapport sur -- qui

5 émane du 3e Corps sur l'état des différentes brigades, qui sont sous

6 l'autorité du 3e Corps, je lis dans ce document que vous avez eu concernant

7 la 17e Brigade -- pas la 7e, la 17e Brigade.

8 R. Oui.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a marqué les structures des troupes, et il y a

10 ces termes anglais, "the poor" et "criminals", c'est-à-dire, les pauvres et

11 les criminels. Est-ce que cela veut dire que, dans cette 17e Brigade, on

12 avait incorporé des soldats, qui avaient seul -- de délinquants ou de gens

13 qui étaient dans des situations économiques très démunies ? Est-ce que vous

14 avez souvenir d'avoir lu ce document, un document qui date du 22 décembre

15 1992, juste avant la période 1993, qui balaie l'état de chaque brigade ou

16 compagnie ? Concernant la 7e Brigade musulmane, il est dit ceci : "Que

17 cette brigade a des circonstances spécifiques de recrutement. Que la

18 brigade est quasiment constituée à 75 %, que le système de communication

19 est insuffisant, que le moral est bon. Concernant le transport des troupes,

20 des soldats, il y a encore des problèmes."

21 Est-ce que vous vous souvenez avoir vu ce document ? Parce que dans

22 ce document, il y a cette mention qui est sous la 17e Brigade, il est dit

23 ceci : "Que la 17e Brigade et la 7e Brigade sont les plus capables pour

24 mener des opérations offensives." Est-ce que ce rapport vous dit quelque

25 chose ?

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1 R. Monsieur, je me souviens avoir lu le document, je ne l'ai pas sous les

2 yeux maintenant. Je me suis posé la question moi-même à propos de ces

3 criminels. Je ne sais pas s'il s'agissait de délinquants ou d'anciens

4 criminels incorporés dans leurs unités, cela je ne le sais pas. Je sais

5 simplement que la 7e Brigade et, en particulier, la 7e Brigade de Montagne a

6 été jugée comme étant très capable et des unités militaires très en avant

7 dans le secteur du 3e Corps. Je me souviens d'un rapport émanant du 3e Corps

8 précisant que le général, qui commandait ce corps, serait heureux d'avoir

9 des forces à sa disposition si capables que celles de la 7e Brigade de

10 Montagne.

11 Eu égard à la question, en particulier, que vous m'avez posée à

12 propos de ces criminels, je ne suis pas en mesure de répondre à cette

13 question. Je n'ai pas suivi cela.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les documents qui vous ont été fournis,

15 qui étaient très divers, il y a des listings d'armement. D'après

16 l'appréciation que vous avez faite entre l'ABiH et le HVO qui, pour vous,

17 vous semblait le mieux équipé en termes militaires, est-ce que vous pouvez

18 apporter une appréciation sur l'état des forces en présence sur le terrain

19 et, notamment, dans la zone de responsabilité du 3e Corps ? Quelle

20 appréciation en termes militaires faites-vous de l'équilibre des forces ?

21 R. Je pense, Monsieur, que les forces au plan de l'organisation et

22 de l'équipement, les forces les mieux équipées étaient celles de la

23 Republika Srpska, ce qui est normal car c'étaient d'anciennes Forces de la

24 JNA, qui sont devenues les Forces de la Republika Srpska. Par conséquent,

25 il s'agissait de forces organisées, et sur la base de cette même doctrine,

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1 ils avaient emporté l'équipement ils étaient organisés et équipés, en tout

2 cas, à un niveau de l'état de l'art au sein des armées en ex-Yougoslavie.

3 A ce moment-là, les Forces croates, en revanche, ont dû mettre en

4 place tout ceci, mais il y avait un état croate avant la création de l'état

5 de Bosnie-Herzégovine. Ces forces croates ont été largement soutenues par

6 les Américains au début, en tout cas, au niveau de la formation et

7 également au niveau de livraison des armes. Les forces qui avaient une

8 armée la moins formée, la moins équipée étaient les Forces de Bosnie car

9 elles n'avaient rien sur lesquelles se reposer. Elles pouvaient prendre les

10 armes, qui avaient été entreposées au sein des Forces territoriales, qui

11 étaient réparties dans toute l'ex-Yougoslavie. Elles pouvaient utiliser ces

12 armes-là, elles pouvaient utiliser les armes, qui au fond elles ont enlevé

13 de l'autre côté. Elles pouvaient, mais là cela devient assez clair, c'est

14 que l'argent des pays arabes pour acheter des armes sur le marché libre,

15 qui à mon sens était une des raisons pour lesquelles Izetbegovic était

16 assez lâche à ce niveau là, ou leur laissait le champ libre et à l'égard de

17 mercenaires moudjahiddines, par exemple, dans ce cas-là, puisque c'est de

18 là que lui venait ces éléments-là.

19 Mais la difficulté pour ces trois armées je crois, était surtout pour

20 ce qui est de l'ABiH a dû commencer à partir de zéro, et a dû intégrer tous

21 ces différents éléments qui venaient d'ici et de là, et a dû en faire

22 quelque chose d'un peu fiable, quelque chose qui pouvait fonctionner. Une

23 organisation qui devait fonctionner de façon normale. Ceci était très

24 difficile.

25 L'équipement lourd, comme l'artillerie lourde, comme des chars, comme

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1 des véhicules blindés de transport de troupes, et des hélicoptères

2 n'existaient pas quasiment. Il y avait quelques chars, mais cela n'était

3 que dans les zones très reculées, il y en avait peu. Il n'avait pas eu

4 l'occasion, le général qui commandait cela n'avait pas eu l'occasion encore

5 de commander ce qu'on appelle les trois armées où il y a toutes les

6 composantes, qu'elles soient de l'artillerie, d'une composante aérienne et

7 des hélicoptères qui combattaient un objectif précis. Ceci n'avait pas été

8 possible. Il a dû prendre ce qu'il a trouvé et la plupart étaient des armes

9 d'infanterie, comme des fusils, des grenades à main, des mitrailleuses et

10 des mortiers. Les mortiers ne sont pas des armes que l'on peut lancer très

11 loin.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez eu par les documents, la

13 preuve que l'ABiH avait des filières d'approvisionnement, qui venaient de

14 l'étranger, puisque vous nous avez expliqué, tout à l'heure, que pour vous

15 cela devait être le cas. Est-ce que vous en êtes totalement sûr d'où

16 provenaient ces filières d'approvisionnement dans la mesure où il

17 semblerait que les routes fassent l'objet d'un "checkpoint" de la HVO des

18 Serbes ? Comment pouvaient arriver de l'extérieur un armement alors même

19 que la situation géographique pouvait recéler des problèmes pour

20 l'acheminement de ces armements ?

21 R. Monsieur, j'avais trois [comme interprété] bataillons jour et

22 nuit au Kosovo, qui montaient la garde au niveau des frontières et tous

23 les terrains avoisinants. C'était difficile, c'était un terrain accidenté,

24 montagneux. Je crois que nous avons été très compétents en la matière. Nous

25 avons empêché la contrebande des armes. Pour faire passer des armes dans

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1 une région est une tâche assez aisée. Nous n'avons pas beaucoup réussi

2 nous-mêmes. Le terrain était très accidenté, on peut emmener des ânes, on

3 peut même parfois emmener des véhicules particuliers, c'est très difficile.

4 Les armes peuvent être achetées partout dans le monde. I y a bon nombre de

5 "dealers" d'armes et des marchands d'armes qui sont disposés à les vendre à

6 n'importe qui, pour autant qu'ils aient de l'argent pour cela.

7 Pour obtenir les armes, dans le pays lui-même, si vous faites un

8 largage [phon] aérien, c'est possible, mais il faut avoir de l'argent.

9 Certains documents que j'ai parcourus indiquent, "Avons-nous ou devons-nous

10 être gentils envers les Moudjahiddines car ils nous fournissent des armes,

11 ou leur pays nous fournissent de l'argent avec lequel nous pourrons acheter

12 des armes." J'en ai déduit, d'après ces documents, qu'il y avait

13 certainement des deux, il y avait un lien. Nous savons combien il était

14 difficile au début, pour l'état de Bosnie-Herzégovine d'avoir un soutien de

15 l'extérieur. Ils avaient besoin de ce soutien extérieur puisqu'il n'avait

16 rien, à ce moment-là. Sans ce soutien extérieur, il ne pouvait augmenter le

17 nombre d'armes dont il disposait. Il ne s'agissait pas seulement d'armes

18 mais il avait encore plus besoin de munitions, les munitions dans le sens

19 général. Quelque chose de très lourd et très coûteux et ceci doit

20 correspondre à vos systèmes d'armes et encore une fois pour faire entrer

21 tout ceci dans un pays, il semble que l'intuition, l'imagination des uns et

22 des autres est beaucoup plus importante que ce que l'on imagine, de façon

23 générale.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, mon Général. Je pense que les Juges

25 n'ont plus de questions. Nous arrivions au terme de la pause, afin de

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1 prévoir la pause.

2 L'Accusation prendra la parole en dernier sur les questions

3 supplémentaires.

4 La Défense envisage combien de temps ou peut-être n'a-t-elle aucune

5 question après la reprise parce que s'il n'y a plus de questions, on peut

6 peut-être libérer le témoin. Cela dépend de la Défense.

7 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

8 La Défense aura autant de questions que la Chambre voudra bien donner

9 de temps à la Défense. Merci, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Le mieux c'est qu'on fasse le "break." Il est midi

11 30, nous reprendrons à 13 heures.

12 Monsieur Mundis, vous auriez, suite aux questions des Juges, combien de

13 temps à peu près, parce qu'il faut qu'on organise le temps car nous

14 n'aurons exactement que 45 minutes.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

16 m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.

17 A partir de maintenant, l'Accusation a trois questions à poser au

18 témoin, suite aux questions qui ont été posées par les Juges de la Chambre.

19 Nous pensons que nous devrions pouvoir être la dernière partie à poser les

20 questions au témoin. C'est très difficile de prévoir quelles questions

21 émaneront des questions posées par la Défense, mais, à ce stade, je crois

22 qu'il nous faudrait environ 5 à 10 minutes au maximum. Tout dépend, encore

23 une fois, des questions qui seront soulevées par le contre-interrogatoire

24 des questions supplémentaires posées par la Défense.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me retourne vers Me Bourgon.

Page 6957

1 Nous avons entendu l'Accusation qui aura cinq, dix minutes. Est-ce que 35

2 minutes, 40 minutes vous suffira ? De toute façon, il faudra bien que cela

3 vous suffise.

4 M. BOURGON : En effet, Monsieur le Président, ce sera suffisant. Merci.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

6 Maître Dixon.

7 M. DIXON : [interprétation] Pour M. Kubura, j'aurais besoin de 5

8 minutes mais je n'aurai peut-être même pas besoin de ces cinq minutes. Si

9 vous voulez m'accorder cinq minutes simplement, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : En théorie, nous rentrerons dans les schémas et

11 l'audience se terminera à 13 heures 45. Nous reprendrons vers 1 heures

12 moins 5, 1 heure.

13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

14 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

16 Maître Bourgon, je vous donne la parole pour vos questions.

17 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

18 Avant de débuter ces quelques questions supplémentaires, Monsieur le

19 Président, j'aimerais de nouveau adresser mes excuses à mes collègues dans

20 les kiosques d'interprétation. Ces derniers étaient très fâchés hier, en

21 disant que j'avais parlé trop, que cela rendait leur travail insupportable.

22 Je veux simplement, Monsieur le Président, confirmer que je vais faire tout

23 en mon possible pour réduire la vitesse avec laquelle je parle, que du côté

24 de la Défense, nous avons beaucoup de considération pour ces gens qui nous

25 assistent au cours du procès et que je vais m'efforcer de parler plus

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1 tranquillement.

2 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Bourgon :

3 Q. [interprétation] Général, à ce stade, il est difficile de savoir où

4 commencer, puisque nous avons eu quatre journées d'audition, et beaucoup de

5 bonnes questions vous ont été posées. Je vais peut-être simplement

6 commencer par cette question-ci. Pourriez-vous apporter confirmation du

7 fait qu'il est très difficile de combattre sur deux fronts ?

8 R. C'est exact. C'est très difficile.

9 Q. Lorsque vous êtes face à deux fronts, même si les fronts ou les

10 adversaires sont différents, ont une identité différente, ont des rôles

11 différents, cela veut dire que ces deux opposants ont le même objectif;

12 celui de provoquer votre défaite. C'est une situation difficile.

13 R. Oui.

14 Q. Lorsque ces deux fronts auxquels vous faites face ici, en

15 l'occurrence, il s'agissait du HVO et de la VRS, l'armée des Serbes de

16 Bosnie. Ces deux parties ont des prétentions territoriales, qui cherchent à

17 s'emparer de votre terrain et de vous faire disparaître.

18 R. Oui.

19 Q. Ceci crée une contrainte, un stress, tel que ceci va forcément avoir

20 une incidence sur tout le monde, depuis le président jusqu'à l'échelon le

21 plus bas, celui du soldat.

22 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

23 Q. Si nous disons que ces deux ennemis auxquels vous faites face, le HVO

24 et la VRS, sont tous deux soutenus au plan du matériel, de la logistique,

25 aussi du politique par deux grands états, à savoir, la Croatie pour ce qui

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1 est du HVO, qui porte aujourd'hui le nom de Serbie. Pour ce qui est de la

2 VRS, cela complique encore plus les choses.

3 R. Oui.

4 Q. Si nous voyons la situation géographique, la géographie de la Bosnie-

5 Herzégovine, on comprend parfaitement qu'il n'y a pas d'accès à la mer, que

6 ce pays est entouré de deux états, à savoir, la République fédérale

7 d'Yougoslavie et la Croatie.

8 R. Il y avait même deux zones différentes d'opération. Il y avait la poche

9 de Bihac et la Bosnie centrale.

10 Q. Etant donné ces circonstances, vous allez sans doute confirmer une fois

11 de plus que la mission incombant au général Hadzihasanovic, ce qu'on

12 l'avait chargé de faire, était dans l'ordre suivant; tout d'abord, de

13 veiller à ce que la ligne de front avec les Serbes ne bouge pas, ne soit

14 pas déplacée.

15 R. Oui.

16 Q. Deuxièmement, de créer le 3e Corps d'armée et, troisièmement, d'essayer

17 de créer les conditions nécessaires à la libération de Sarajevo.

18 R. Exact.

19 Q. Est-ce que c'est bien représenter là la nature de sa mission ?

20 R. Je pense que oui.

21 Q. Vous conviendrez également avec moi que cette mission aurait été, en

22 plus de cela, aurait dû être la préoccupation principale du général en

23 possession du commandement.

24 R. Tout à fait, c'était sa préoccupation principale.

25 Q. J'aimerais maintenant scinder mes questions supplémentaires en quatre

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1 domaines. Tout d'abord, la cadence des opérations. Je n'ai pas toujours

2 bien suivi vos réponses aujourd'hui, je l'admets. Au cours des journées

3 précédentes, êtes-vous d'accord pour dire que j'ai cité beaucoup de

4 circonstances susceptibles d'avoir une incidence sur l'exercice du

5 commandement de la part du général Hadzihasanovic ?

6 R. Oui.

7 Q. Dans vos réponses fournies aujourd'hui, vous avez mentionné que la

8 cadence des opérations était quelquefois un peu plus relâchée ou détendue.

9 Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit ?

10 R. J'ai dit qu'il y avait eu des pauses, des accalmies, qu'il n'y a pas eu

11 tout le temps, jour et nuit, des combats; il y a eu des pauses ou

12 accalmies.

13 Q. Vous avez dit que les lignes n'avaient pas beaucoup bougé, changé. Je

14 parle ici des lignes de front au cours de cette période.

15 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit, comparé à d'autres opérations

16 menées par des forces de la taille du corps.

17 Q. Pourtant vous avez mentionné l'exemple de Gorazde où on a eu un

18 isolement complet de Gorazde par la prise de contrôle de tout le

19 territoire.

20 R. Oui.

21 Q. Ce n'est pas un endroit qui se trouve dans la zone de responsabilité du

22 3e Corps d'armée. Ceci ne devrait pas concerner le général Hadzihasanovic.

23 R. Cela l'aurait beaucoup préoccupé ou concerné, parce que c'est une

24 partie-clé du pays qu'il défendait avec le 3e Corps d'armée. Ce que je

25 voulais dire, c'est que les mouvements d'avancée et de retraite des

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1 opérations, ce qui se passe normalement lorsqu'un corps est en opération.

2 Que ces mouvements étaient très fort réduits dans ce genre d'opération de

3 celle qu'il y a eu en Bosnie centrale.

4 Q. Vous parlez de cas théorique ou de cas réel ?

5 R. Ici, je ne parle pas de cas qu'on trouve dans les manuels; je parle des

6 opérations que j'ai analysées dans l'histoire, aussi les opérations qu'on

7 voit aujourd'hui lorsqu'on voit le déroulement d'opérations.

8 Q. Hier, je vous ai montré l'exemple de Zepce et de la poche qui a été

9 créée au nord. La chronologie des événements a montré que l'objectif,

10 c'était de couper, d'isoler le 3e Corps du nord.

11 R. Oui.

12 Q. C'était un objectif opérationnel, mais aussi stratégique. Il s'agissait

13 de ne pas perdre le nord.

14 R. J'ai aussi dit hier à quel point il était important pour le général

15 Hadzihasanovic de garder ces deux flancs à tout prix, pour empêcher qu'il y

16 ait une percée quelconque sur cette partie-là du terrain.

17 Q. Parce que s'il avait perdu ces deux flancs autour de Vares, ceci aurait

18 eu un impact tout à fait déterminant; pas seulement pour le 3e Corps, mais

19 pour l'état aussi.

20 R. Cela aurait été une catastrophe, un désastre pour l'état.

21 Q. Au sud, se présentait une situation analogue, où vous aviez

22 rapprochement des deux flancs, ce qui aurait eu pour effet d'isoler

23 complètement le 3e Corps de toute voie menant à Sarajevo.

24 R. Tout à fait.

25 Q. S'agissant du HVO, le diagramme, corrigez-moi si je me trompe, nous

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1 montre également qu'en janvier, les combats opposant le HVO à l'ABiH ne

2 faisaient que commencer ?

3 R. Oui.

4 Q. Lorsque nous arrivons à une période, disons, qui va de mai à septembre,

5 il y avait des lignes de front permanentes à l'intérieur de la zone du 3e

6 Corps d'armée.

7 R. C'est ce que j'ai appelé ces lignes inversées, quand il a fallu

8 combattre dans plusieurs directions, même au sein du secteur du 3e Corps

9 d'armée.

10 Q. La dernière carte que nous avons eue hier, celle de la fin du mois

11 d'août, permet de montrer que, à ce moment-là, la zone d'opération du 3e

12 Corps était encerclée par trois Corps d'armée différents des Forces serbes.

13 R. Oui.

14 Q. Vous êtes également d'accord pour dire qu'à l'intérieur, la zone était

15 occupée par deux zones opérationnelles de l'armée du HVO ?

16 R. Je ne sais pas exactement quelles étaient les forces qui opéraient à

17 l'intérieur, mais je suppose que ce que vous me dites est exact. Je

18 répondrai par l'affirmative. Mais cela, je ne l'ai jamais vérifié.

19 Q. A partir du document que vous avez examiné et à partir de votre analyse

20 de la situation, conviendrez-vous que l'afflux de réfugiés a été permanent

21 pendant toute la guerre ?

22 R. Oui.

23 Q. Nous avons parlé aussi du manque d'armes. Vous saviez qu'il y avait un

24 embargo qui avait été imposé, qui empêchait que les gens obtiennent des

25 armes.

Page 6963

1 R. Oui, je le sais.

2 Q. Vous avez dit que les gens ne savaient pas trop comment faire entrer

3 des armes, notamment, par la contrebande.

4 R. Oui.

5 Q. Dans votre cas, pour le Kosovo, c'est un peu différent, on pouvait

6 faire passer des armes des pays voisins, c'était possible même si c'était

7 illégal et même si vos forces surveillaient les frontières.

8 R. Oui.

9 Q. En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, en plus de faire face aux

10 forces, il fallait aller dans un pays voisin pour pouvoir avoir accès au

11 pays d'après.

12 R. Exact.

13 Q. A moins que ce ne soit un largage aérien. Il y avait une zone

14 d'interdiction de vol, à cette époque-là. Vous savez que cela veut dire que

15 c'était impossible pour la Bosnie d'obtenir des armes de l'extérieur.

16 R. Je ne dirais pas que c'était impossible, parce qu'il y avait des armes.

17 Il y avait des corps qui étaient équipés d'armes, peut-être pas de

18 suffisamment d'armes, mais si cela avait été absolument impossible,

19 évidemment, ici, ce n'était sans doute pas possible. Il y avait des armes

20 qui arrivaient dans la zone et des munitions.

21 Q. Si je vous parle de la cadence des opérations, il y a des choses qui se

22 sont passées. Il y a eu des attaques qui ont été menées non pas par l'ABiH,

23 mais des attaques dans lesquelles ils se trouvaient en défensive.

24 R. Oui.

25 Q. On a mentionné des villes, plusieurs villes, reprises dans l'acte

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1 d'accusation, intentées contre le général Blaskic. Il était le commandant

2 de la zone opérationnelle.

3 R. Oui.

4 Q. Vous saviez, notamment, qu'à Gornji Vakuf, il y a eu sans cesse, de

5 façon incessante des combats pendant cette année-là.

6 R. Je le sais.

7 Q. Vous le savez à partir de documents que vous avez consultés ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous savez aussi qu'à Busovaca, il y a eu des combats en janvier, plus

10 tard, au cours de l'année, au moins à trois reprises.

11 R. Je le sais aussi. Vous et moi, nous savons également que ces combats

12 dans ces villes et les villages, engageaient un nombre limité d'effectifs,

13 effectifs qui étaient enlisés dans ces combats. C'étaient des combats de

14 plus faible taille, pas de combats d'envergure.

15 Q. Si je vous parle des combats à Ahmici au mois d'avril. Je suppose que

16 cela a été le massacre isolé le plus important qui se soit produit. Je

17 prends l'appui des pièces déposées dans d'autres procès. C'était une grosse

18 opération minutieusement planifiée et exécutée. Ici, je parle des attaques

19 à Travnik qui ont commencé dès le mois d'avril et se sont poursuivies

20 jusqu'à l'été. Conviendrez-vous avec moi qu'il s'agi là de combats

21 incessants, même s'ils ne sont pas à très haut niveau ?

22 R. Oui.

23 Q. Si je vous mentionne les villes de Nadioci, Pirici, Santici, Stari

24 Vitez, Rotilj, Kiseljak, Loncari, Grbavica, Svinjarevo, Gomionica,

25 Gromiljak, toute la vallée de Bila Vila, dont Maljine, Guca Gora et une

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1 partie, tous les secteurs de Bugojno, est-ce que vous conviendrez que ce

2 sont là, dans toutes ces villes, les objets de conflit armé entre le HVO et

3 l'ABiH au cours de cette période ?

4 R. Je pense que oui. J'avoue que je ne pourrais pas dire oui à tout, parce

5 que je n'étais pas au courant de tout. J'ai juré de dire la vérité. Je

6 pense, effectivement, qu'il y a eu bon nombre de villages qui ont été pris

7 pour cible par les deux côtés.

8 Q. Vous savez qu'il y avait plus de 300 kilomètres de ligne de front

9 opposant l'ABiH et l'armée serbe ?

10 R. Oui.

11 Q. Pour tenir une ligne de front, vous le savez, lorsqu'il faut le faire

12 tous les jours, il y a des tirs ?

13 R. C'est certain.

14 Q. L'utilisation de tireurs embusqués ou de tireurs d'élite, c'est quelque

15 chose de régulier sur les lignes de front ?

16 R. Oui.

17 Q. Même s'il ne s'agit pas de véritables combats d'offensive sur ces

18 lignes de front, il vous faut y placer des effectifs ?

19 R. Oui.

20 Q. Il faut trouver pour armer ces effectifs, des armes et des munitions ?

21 R. Tout à fait.

22 Q. Vous avez même vu un rapport du général Hadzihasanovic, qui disait que

23 certaines forces placées en défensive sur la ligne, utilisaient plus de

24 munitions que d'autres forces qui étaient à l'offensive.

25 R. C'est souvent le cas.

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1 Q. Le général Hadzihasanovic se demandait si c'était là une conséquence du

2 fait que les forces étaient moins bien formées,

3 ou est-ce que c'était parce qu'il y avait probablement beaucoup d'activités

4 sur la ligne de front.

5 R. Je ne saurais répondre à cette question.

6 Q. Cela pourrait être les deux cas.

7 R. [réponse imperceptible]

8 Q. Au cours de cette période, vous en conviendrez, pour accomplir sa

9 mission, le général Hadzihasanovic devait créer l'armée, former ses

10 effectifs, en recruter, trouver les ressources nécessaires, appuyer des

11 opérations se déroulant dans d'autres corps d'armée et garder les

12 principales artères et filières d'approvisionnement ouvertes.

13 R. Tout à fait vrai.

14 Q. Les Juges de la Chambre vous ont posé des questions. Nous le savons et

15 personne ne le conteste. La situation était particulièrement dure,

16 difficile. Je vous demande ceci : Cette année, est-ce que c'était

17 "difficile, mais" ou est-ce qu'il faut dire c'était "vraiment très

18 difficile" ? Il faut tenir compte de ces difficultés.

19 R. Je n'ai jamais douté du fait que cela toujours été une situation

20 difficile. Je n'ai eu de cesse de le dire. Situation très difficile,

21 difficile d'accomplir la mission en qualité de commandant opérationnel du

22 3e Corps. Je n'en ai jamais douté.

23 Q. Vous êtes le seul soldat dans ce prétoire. Vous êtes le seul

24 aujourd'hui à même d'assurer que ce procès, à tenir compte de la

25 difficulté, de la complexité du caractère pratiquement cauchemardesque des

Page 6967

1 circonstances dans lesquelles le général Hadzihasanovic devait s'acquitter

2 de ses devoirs ?

3 R. Le déploiement de mes effectifs et mon engagement personnel en Bosnie-

4 Herzégovine avait pour vocation d'aider les forces qui étaient attaquées

5 par les Serbes et le HVO. Ce fut là la raison de notre déploiement. J'ai,

6 effectivement, énormément d'estime pour la façon dont ce gouvernement a

7 essayé de survivre avec les forces qu'il avait. Si vous avez l'impression

8 que je leur étais hostile, c'est une impression tout à fait erronée. Je

9 n'ai aucun parti pris. Au contraire, je suis plutôt pro Bosnie-Herzégovine.

10 C'est pour cela que j'y suis allé.

11 Je comprends bien les difficultés. Je les ai toujours soulignées, et je

12 suis convaincu que la Chambre de première instance va en tenir compte, car

13 c'est un facteur clé qu'il faut prendre en compte.

14 Q. Je n'aurais jamais pensé que vous étiez empreint de parti pris. Ma

15 question portait simplement sur ce que j'ai dit au début. Nous estimons

16 qu'il nous faut ici l'apport de soldats qui sont à même d'expliquer à quoi

17 cela aurait pu ressembler.

18 R. Oui.

19 Q. Hier, vous avez dit que, quand on vous tire dessus, ceci réduit, de

20 façon significative, et, automatiquement, je ne sais plus quel terme vous

21 avez utilisé, efficacité, non,

22 R. Vos capacités.

23 Q. Capacités.

24 Les documents montrent que Zenica a été pilonnée à l'artillerie pendant

25 toute l'année. Ce ne fut pas un feu constant, mais des tirs réguliers, à

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1 l'artillerie, dans la ville de Zenica.

2 R. Oui.

3 Q. Une ville qui avait crû et qui avait, pratiquement, une population qui

4 était doublée.

5 R. A cause de réfugiés.

6 Q. Dans une ville affamée.

7 R. Oui.

8 Q. Je vais, rapidement, vous montrer une carte portant sur une

9 opération menée par l'ABiH. Je n'ai qu'une copie en couleur et je voudrais

10 que vous l'utilisiez.

11 Général, ici vous voyez le croquis de l'attaque menée sur Vares ou

12 plutôt des opérations qui ont abouti à la prise de contrôle de Vares. Cette

13 carte vous montre qu'il y a trois Corps d'armée engagés dans cette

14 opération, les Corps 1, 2 et 3. Si vous regardez le bas de cette carte,

15 vous voyez l'engagement du Groupe opérationnel Istok.

16 R. Oui.

17 Q. Pour avoir examiné les documents, vous savez que ce Groupe

18 opérationnel Istok était, à ce moment-là, sous le commandement du 6e Corps

19 récemment constitué.

20 R. Oui.

21 Q. Si vous voyez la topographie et si vous gardez à l'esprit que

22 c'est une opération forte de quatre Corps d'armée et, vu la façon dont elle

23 a été menée, conviendrez-vous, tout d'abord, avec moi, qu'ici, ce sont des

24 combats au niveau opérationnel, qui demandent un exercice du commandement

25 et une planification, plus exécution, très complexes ?

Page 6969

1 R. Non, je ne suis pas d'accord. Je vais vous dire que ce n'est pas

2 une opération de quatre corps, mais de trois. Car le groupe opérationnel

3 Istok, à ce moment-là, était donné au 1er Corps. Il avait été rattaché au

4 secteur du 1er Corps. C'étaient des éléments d'un autre corps qui avaient

5 été donnés à un autre corps d'armée en guise d'appui. C'était quand même

6 une opération compliquée.C'est ce que j'ai saisis dans ma déclaration. Au

7 fil du temps, les corps ont gagné en expertise, en expérience, et ils ont

8 pu mener à bien des opérations plus compliquées. Ils ont appris sur le tas,

9 si vous voulez. Ici, c'est un très bon exemple qui vous montre que les

10 Forces de l'ABiH avaient gagné en compétence et étaient mieux à même de

11 mener de telles opérations, d'abord au niveau des capacités

12 professionnelles qu'ils avaient acquises, au niveau des armes et des

13 transmissions. Cela c'était amélioré au fil du temps.

14 Q. Où s'en trouvait l'ABiH au début, et je pense surtout au 3e Corps, ces

15 forces ont réussi à obtenir ce degré de sophistication pour mener, début

16 novembre, ce genre d'attaque. Vous dites que ceci est attribué aux

17 capacités de meneurs du 3e Corps d'armée, parce qu'on était mieux à même de

18 planifier ces opérations et que ceci est attribué au général

19 Hadzihasanovic ?

20 R. Il faut attribuer cela à tous les chefs de corps, y compris le général

21 Hadzihasanovic. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

22 Q. Je passe rapidement à un autre sujet parce que je ne veux pas déborder

23 le temps qui m'est imparti. J'aimerais obtenir de vous une confirmation. La

24 situation dans laquelle vous vous êtes trouvé au Kosovo, était-elle

25 différente de celle qui prévalait en Bosnie, aussi bien au niveau de vos

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1 responsabilités à vous, du rôle que vous aviez à jouer et du droit

2 applicable au Kosovo. Vous en convenez ?

3 R. On ne peut pas comparer. Ce sont des scénarios et un contexte tout à

4 fait différents.

5 Q. Si vous parlez du MUP au Kosovo, cela n'a rien à voir avec le MUP de

6 Bosnie.

7 R. C'est exact.

8 Q. Le document principal qui décrit les rapports existant entre les

9 autorités civiles et l'ABiH, il s'agit du degré, avec force de loi, sur la

10 défense. On ne vous l'a jamais montré ce document, c'est vrai ?

11 R. Oui.

12 Q. Aujourd'hui, vous n'êtes pas en mesure de nous dire ce qui était encore

13 appliqué et ce qui n'était plus, au moment où se sont déroulés ces

14 événements.

15 R. Je suis a même de discuter de la situation pour ce qui est du

16 commandement de la région militaire, parce que cela faisait partie du 3e

17 Corps. Pour les autres points, j'ai dit que je ne pouvais que supposer que

18 c'était là la façon dont ils coopéraient. Je ne sais pas exactement.

19 Q. Des documents vous ont montré qu'il y avait encore fonctionnement des

20 autorités civiles.

21 R. Oui.

22 Q. Suis-je en droit de dire que votre avis est le suivant : si vous êtes

23 le gouverneur militaire d'une zone, vous avez la responsabilité de tout ce

24 qui se passe sur ce territoire. C'est ce que vous avez dit ?

25 R. C'est ce qu'on entend par la notion de "gouvernement militaire." Il est

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1 responsable de tout.

2 Q. D'après vous, ceci n'était pas la situation où se trouvait le général

3 Hadzihasanovic dans sa zone.

4 R. C'est comme cela que je comprends les choses.

5 Q. En tout état de cause, quels que soient les propos que vous avez tenus

6 aujourd'hui en matière de responsabilité, vous conviendrez que ce qui

7 compte au fond, c'est le droit qui était applicable.

8 R. Tout à fait.

9 Q. Si nous apprenons plus tard ou de tout autre manière que le droit

10 applicable n'était pas celui que vous avez mentionné dans vos réponses,

11 vous comprendrez que c'est ce qui compte.

12 R. On ne peut appliquer que le droit qui était applicable à un moment

13 donné. Ce matin, on m'a demandé comment je voyais les choses. Il se peut

14 qu'il y ait des différences.

15 Q. Vous l'avez dit, le général Hadzihasanovic n'avait pas la

16 responsabilité des civils ou de l'application du droit face à des délits

17 communs.

18 R. Exact.

19 Q. Dans la zone du général Hadzihasanovic, nous avons confirmé qu'il y

20 avait les membres du BritBat, du HVO, de la MCCE, du comité international

21 de la Croix rouge et de l'armée de la Republika Srpska. Il n'était pas

22 responsable de ces personnes, ni d'infractions que ces personnes auraient

23 commises.

24 R. Je suis d'accord sur ce point.

25 Q. Vous êtes en Bosnie à ce moment-là. Si c'est le cas, êtes-vous d'accord

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1 pour dire que vous avez une armée du gouvernement qu'on peut considérer

2 comme étant les forces gouvernementales ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez en plus deux autres forces, le HVO et la VRS ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez plusieurs ressortissants internationaux qui ont des statuts

7 divers ?

8 R. Oui.

9 Q. Tout le reste, ce sont des civils.

10 R. Oui.

11 Q. La police civile, c'est elle qui avait la responsabilité de s'occuper

12 de ces autres personnes ?

13 R. En principe, oui.

14 Q. Si les Moudjahiddines ne faisaient pas partie de l'ABiH, leur statut

15 juridique était un statut de personne civile qui portait des armes, et qui

16 étaient des criminels de droit commun. Est-ce que je peux avancer cela ?

17 R. Je pense qu'il ne s'agissait pas de simples civils. C'est trop facile

18 de dépeindre une situation en noir et blanc. Je pense que bien qu'ils ne

19 fassent pas partie ou qu'ils n'aient pas été intégrés dans l'organisation

20 générale, ils travaillaient avec eux, ils étaient très proche d'eux, et par

21 conséquent, ils étaient différents des personnes civiles qui travaillaient

22 ou qui faisaient d'autres choses dans cette zone. Je pense qu'il faut faire

23 la différence.

24 Q. Leur statut juridique n'était pas un statut de combattant, membre de

25 l'une des trois armées ?

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1 R. Ils n'étaient pas membres combattants de l'une des trois armées.

2 Q. En matière de coopération par exemple, lorsque vous pensez à des

3 opérations nationales militaires, si vous avez des allemands et les

4 américains, des ressortissants des Etats-Unis qui se battent ensemble sur

5 le même front dans le cadre d'une coopération, est-ce que vous pouvez me

6 dire que les allemands sont considérés, du point de vue pénal, comme

7 responsable des crimes commis par les Etats-Unis ?

8 R. Non.

9 Q. Lorsque les Russes ont vaincu les Allemands pendant la Seconde guerre

10 mondiale, est-ce que vous pouvez me dire que les russes ont été considérés

11 responsable pénalement pour les actions illicites des partisans ?

12 R. Non, absolument pas.

13 Q. Mais ils étaient responsables ou leurs commandants étaient

14 responsables.

15 R. Oui, mais les partisans étaient commandés et intégrés dans les

16 opérations.

17 Q. S'ils n'étaient justement pas intégrés, s'ils n'en faisaient pas

18 partie ?

19 R. Je ne sais pas s'ils étaient intégrés ou non. Mais je sais, d'après les

20 connaissances que j'ai à propos de la Deuxième guerre mondiale, qu'ils

21 étaient très proche des opérations militaires qui étaient menées à bien,

22 Que le commandement suprême de l'armée soviétique et les Forces armées

23 soviétiques, avaient des liens avec eux, et qu'il y avait des chefs

24 militaires importants qui assuraient l'exercice du commandement sur ces

25 mouvements partisans, et ce, sur une grande échelle.

Page 6974

1 Je pense que l'on peut dire, et c'est mon point de vue, que le

2 commandement russe était responsable de ce qui s'est passé.

3 Q. Général, si nous passons à la situation irakienne, êtes-vous d'accord

4 avec moi pour dire qu'il y a des nombreuses factions qui luttent, et qui

5 ont toutes les mêmes objectifs, mais qu'il n'y a pas de liens entre ces

6 forces ? Je pense à l'exercice du commandement. On ne peut pas dire que

7 l'une des forces est responsable de ce que fait l'autre.

8 R. Laissez-moi réfléchir à cela. Je pense que le QG de l'armée est

9 responsable de toutes les actions et de toutes les actions prises par les

10 forces armées. Il y a également des organisations civiles, des

11 organisations responsables de la sécurité, et qui ne sont pas responsables

12 de ce qui se passe.

13 Q. Je pourrais vous donner des exemples, mais je risque de ne pas me tenir

14 au temps qui m'a été imparti. Mais hier, et aujourd'hui, vous avez indiqué

15 que pour être considéré comme responsable pénalement, les forces doivent

16 être placées sous votre commandement, pour être considérées comme

17 responsable pénalement ?

18 R. Oui.

19 Q. Le scénario, lorsque l'on planifie une opération, et cela vous le savez

20 du fait de votre expérience, c'est de votre acquis, consiste dans un

21 premier temps de planifier l'opération et à identifier qui va vous

22 attaquer, et où. Etes-vous d'accord ?

23 R. Oui.

24 Q. Ensuite, vous émettez des ordres pour l'attaque ?

25 R. Oui.

Page 6975

1 Q. Ensuite, la situation idéale consiste à rassembler toutes les personnes

2 qui vont participer à l'attaque, dans ce qu'on appelle un lieu de

3 rassemblement ?

4 R. Oui.

5 Q. Ensuite, vous organisez un entraînement pour les différents chefs,

6 autour d'une maquette telle que celle que nous avons ici, et en fait, vous

7 essayez, vous mettez à l'épreuve différents scénarios, et c'est ce qu'on

8 appelle -- et vous essayez d'imaginer l'attaque ?

9 R. C'est justement ce que j'ai expliqué ce matin, oui.

10 Q. Ensuite, vous passez à la pratique des actions, à la simulation de ces

11 actions physiques ?

12 R. Oui.

13 Q. Ensuite, lorsque le moment est venu, vous lancez l'attaque ?

14 R. Oui.

15 Q. C'est le scénario idéal ?

16 R. Oui.

17 Q. Dans ce cadre de scénario, vous savez avec qui vous combattez, et qui

18 se trouve sur votre flanc gauche, et qui se trouve sur votre flanc droit.

19 R. Oui.

20 Q. Si des éléments inconnus pendant cette attaque, vers la fin de

21 l'attaque, prennent des détenus que vous aviez à ce moment-là, est-ce que

22 cela serait une indication suivant laquelle ces forces, avec qui vous

23 combattez, ou ces forces qui ont kidnappé des détenus, est-ce qu'il s'agit

24 d'une force qui ne combat pas avec vous ?

25 R. Je pense que, dans ce cas d'espèce, ce serait des forces qui

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1 combattraient contre moi.

2 Q. Si une partie des détenus n'est pas kidnappée par cette autre force, et

3 si une partie de ces détenus venait a être mise dans une école, et étaient

4 gardée, et contre toutes actes commis par les Moudjahiddines pour protéger

5 les civils, la population civile, est-ce que vous indiqueriez que les

6 Moudjahiddines et l'armée combattent de concert ? Ou est-ce qu'au

7 contraire, vous indiqueriez qu'ils ne combattent pas ensemble ?

8 R. Cela revient quasiment à ce, qu'ils se battent l'un contre l'autre.

9 Q. Mon Général, je vous avais indiqué que les Moudjahiddines utilisaient

10 des moyens financiers pour essayer de recruter des personnes et ce, pour

11 deux raisons. Soit dans un premier temps parce qu'ils voulaient que ces

12 Musulmans deviennent intégristes, et ils voulaient avoir leur propre état,

13 ou alors ils utilisaient le prétexte suivant lequel leur gouvernement ne

14 faisait pas assez, et qu'ils voulaient qu'ils adhèrent à leurs rangs.

15 Est-ce qu'ils étaient contre ou est-ce qu'ils étaient pour ?

16 R. Vous savez, pour moi, c'est véritablement une façon de couper les

17 cheveux en quatre, parce que nous savons tous que les Moudjahiddines ne

18 sont pas venus dans le pays pour se battre contre des Musulmans, et ils ne

19 sont pas non plus venus pour luter contre l'ABiH. Ce n'est pas la raison

20 pour laquelle ils sont venus dans ce pays, bien le contraire. Je pense que

21 nous sommes d'accord à ce sujet.

22 Vous avez mentionné des cas spécifiques, vous avez mentionné des

23 confrontations avec eux, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il y

24 avait des luttes constantes. Nous savons qu'ils étaient le fer de lance des

25 opérations, et qu'ils travaillaient dans le cadre des opérations. Si un

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1 commandant de bataillon me dit que cette coopération était véritablement

2 essentielle pour le moral de ces troupes, je pense que l'on peut dire

3 qu'ils coopéraient normalement, plutôt que de façon contradictoire.

4 Q. Mais il se peut qu'il y ait un, ou quelques groupes, à propos desquels

5 nous ne connaissons rien ?

6 R. Tout à fait.

7 Q. Vous ne pouvez pas nous dire d'après votre expérience, d'après les

8 documents que vous avez lus.

9 R. Non, je ne peux pas.

10 Q. Vous ne pouvez pas me parler de l'existence et vous ne savez pas

11 combien de groupes il y avait ?

12 R. Non, je ne le sais pas.

13 Q. Vous avez indiqué que certains Moudjahiddines avaient été mis en

14 liberté. Est-ce qu'on vous a donné des informations à propos d'un échange

15 de prisonniers qui s'est passé ? Il y avait un commandant du HVO qui avait

16 été kidnappé par des Moudjahiddines.

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez cette information ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous savez où s'est passé l'échange ? Il y a d'abord une rançon qui a

21 été versée, c'est une chose qui a été demandée par les Moudjahiddines ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous savez que les Moudjahiddines n'ont pas présenté leur demande par

24 l'entremise de la MCCE.

25 R. Oui.

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1 Q. Vous savez qu'à ce moment-là, tous les échanges étaient organisés par

2 le truchement de la Mission d'observation de l'Union européenne ?

3 R. C'était organisé par la MCCE. Je connais au moins un cas. Il s'agissait

4 de la 7e Brigade de montagne qui avait adressé cela à la Commission

5 internationale, qui demandait justement la mise en liberté de soldats qui

6 étaient des Moudjahiddines.

7 Q. Cela s'est passé avant le kidnapping ?

8 R. Je sais que cela s'est passé le 14 avril, autour du

9 14 avril 1993.

10 Q. Avant le kidnapping.

11 R. Oui. D'ailleurs, il n'y avait pas de lien. Je vous dis ce que je sais

12 de cette affaire. Je connais au moins un cas --

13 Q. Si je vous dis, mon Général, que l'une des personnalités très

14 importante de la MCCE à Zenica a une réunion avec le général

15 Hadzihasanovic, que le général Hadzihasanovic, à ce moment-là, ait convenu

16 d'assurer la sécurité de l'endroit où l'échange allait avoir lieu, qu'il a

17 positionné ses forces pour assurer que cet échange ait lieu.

18 R. Oui.

19 Q. Il ait convenu qu'il tirerait contre les Moudjahiddines si quelque

20 chose qui s'est passé. Est-ce que pour vous, cela est une indication

21 suivant laquelle il y avait une coopération entre les Moudjahiddines et le

22 3e Corps ? Ou, au contraire, est-ce que cela signifie qu'il n'y avait pas

23 de coopération ?

24 R. Une fois de plus, la situation n'est pas aussi claire et évidente que

25 cela. Dans ce cas d'espèce, vous avez tout à fait raison. Il semblerait que

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1 le général Hadzihasanovic n'était pas particulièrement satisfait, ou était

2 particulièrement courroucé de la façon dont il menait à bien leurs

3 affaires, qu'il était disposé à prendre, effectivement, les dispositions

4 nécessaires.

5 Q. J'aimerais vous poser une question. Est-ce que le 3e Corps avait les

6 forces nécessaires pour pouvoir faire quelque chose à propos des

7 Moudjahiddines ?

8 R. Oui.

9 Q. Votre réponse est positive.

10 R. Oui.

11 Q. Vous ne connaissez pas l'étendue du problème représenté par les

12 Moudjahiddines ?

13 R. Je ne sais pas. Je sais qu'il y avait des formations qui avaient la

14 taille de bataillons qui ont été sous-divisées en différentes sous-unités.

15 Si j'en juge par la taille du 3e Corps, si je vois les forces de sécurité,

16 la police militaire et les forces de police militaire, je pense qu'ils

17 auraient eu la possibilité de faire quelque chose, parce que vous ne pouvez

18 pas lutter contre tous. Vous devez essayer de lutter contre des personnes

19 individuelles, notamment, leur chef pour essayer de faire en sorte que cela

20 se fasse.

21 Q. Mon Général, puis-je avancer que si vous souhaitez attaquer une force,

22 vous devez avoir un ratio de 3 à 1 qui doit être appliqué à une unité

23 militaire ?

24 R. Non.

25 Q. C'est un minimum.

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1 R. Non.

2 Q. Moins de 3 à 1, vous me dites ?

3 R. C'est un ratio qui me semble tout à fait bon, mais ce n'est pas le

4 chiffre essentiel. Je vais vous donner deux exemples : lorsque les

5 Allemands ont attaqué la Russie, ils étaient beaucoup moins nombreux que

6 les Forces russes. Si vous voyez la 1e Division blindée qui attaque l'Irak,

7 si l'on pense à la supériorité des forces irakiennes, cela n'est pas la

8 seule réponse.

9 Q. Vous pensez qu'en cas d'opération immédiate, lorsque vous avez une

10 ligne, vous n'avez pas besoin de 3 fois de plus d'hommes ? Est-ce que c'est

11 ce que vous êtes en train de me dire, parce que c'est ma question bien

12 précise. Si j'attaque un bataillon bien précis, je pense que j'ai besoin de

13 trois bataillons pour m'emparer de cette position.

14 R. C'est tout à fait hypothétique. Nous savions que d'autres choses

15 dépendent de cette situation. Si vous avez l'ensemble du bataillon qui est

16 en défense, je peux les attaquer. Là, bien sûr, j'aurais besoin de plus

17 d'un bataillon pour les attaquer. J'aurais également besoin d'artillerie,

18 j'aurais besoin de beaucoup d'autres choses; ce qui est tout à fait vrai.

19 On n'est pas obligé de s'en tenir à ce ratio de 1 à 3. C'est très théorique

20 comme discussion.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Faites le tri de vos questions et ne gardez que les

22 plus importantes parce que Me Dixon doit intervenir. L'Accusation, comme

23 vous le savez, il ne faut pas normalement dépasser 13 heures 45.

24 M. BOURGON : Monsieur le Président, combien de temps au maximum puis-je

25 disposer ?

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez encore cinq minutes, mais pas plus. Cinq

2 minutes pour vous, cinq minutes pour Me Dixon et cinq minutes l'Accusation.

3 Cela va nous amenés déjà à deux heures.

4 Q. [interprétation] Général, je n'ai plus de temps à ma disposition; ce

5 qui est fort fâcheux. Parce que j'aurais encore de nombreuses questions à

6 vous poser à la suite des questions qui ont été posées par les Juges, mais

7 je n'ai pas le temps, je ne peux pas le faire. C'est très fâcheux, mais

8 j'aimerais quand même vous poser encore une à deux questions.

9 Q. Vous avez mentionné le nom de Siber aujourd'hui et --

10 [Le conseil de la Défense se concerte]

11 M. BOURGON : Monsieur le Président, j'ai besoin d'aller en session fermée

12 pour cette partie.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos partiel.

14 Nous sommes à huis clos partiel. Vous pourrez y aller.

15 [Audience à huis clos partiel]

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6 [Audience publique]

7 M. BOURGON :

8 Q. [interprétation] Mon Général, vous êtes au courant de ce scandale qui a

9 lieu en ce moment. Il s'agit de Forces britanniques et de Forces

10 américaines, qui ont fait subir des sévices à des prisonniers -- qui ont

11 été faits prisonniers en Irak. Nous voyons les photos en ce moment dans les

12 médias. Etes-vous au courant de cela ? Le mot "sévice" est un euphémisme.

13 R. Je suis au courant, mais je ne peux pas dire qu'il s'agit tous de

14 prisonniers, parce que la plupart sont des civils. Il ne s'agit pas de

15 prisonniers de guerre.

16 Q. Vous êtes d'accord avec moi, Général, pour dire que le commandant du

17 corps qui se trouve en Irak, n'était absolument pas conscient de ce qui se

18 passait jusqu'au moment où cela a été repris par la presse.

19 R. Je sais que ce n'est pas le cas, parce qu'il a commencé lui-même une

20 enquête ayant obtenu des informations. Il a commencé son enquête il y a

21 longtemps. Ce que vous venez de dire, cela ne correspond pas à la réalité.

22 On ne peut pas dire que le général Sanchez a commencé son enquête dès qu'il

23 en a entendu parler.

24 Q. Vous comprenez, mon Général, que lorsqu'on parle des meilleures forces

25 dans le monde, les Forces allemandes, les Forces britanniques, les Forces

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1 américaines, même pour ces forces, ce genre de choses peut se produire. Il

2 est très difficile pour tout commandant quel qu'il soit, surtout lorsqu'il

3 s'agit d'un commandant de corps, d'être conscient de ce qui se passe sur le

4 terrain.

5 R. Je sais que c'est difficile. Je le sais par expérience.

6 Q. Au vu de votre expérience, mon Général, il y a un rapport qui a été

7 préparé par Amnistie internationale. Il y a une lettre qui vous a été

8 envoyée lorsque vous étiez commandant de la KFOR. Dans cette lettre, il

9 était indiqué qu'il y avait des allégations suivant lesquelles des

10 personnes placées sous votre commandement ont fait subir des sévices à des

11 détenus. Vous souvenez-vous que cette lettre vous a été envoyée ?

12 R. Je me souviens de la lettre, et j'ai commencé mon enquête de suite.

13 Q. Avant cette lettre, vous n'étiez absolument pas au courant ?

14 R. Nous nous sommes rendus compte que les allégations étaient erronées

15 également.

16 Q. Je vous remercie, mon Général. Je n'ai plus d'autres questions à poser.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Dixon, vous avez la parole.

18 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

19 n'avons pas d'autres questions à poser au général Reinhardt, au nom de M.

20 Kubura, en sus des questions qui ont été posées par mon confrère. Nous

21 n'avons pas de questions à poser.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Dixon.

23 Monsieur Mundis.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation

25 souhaiterait poser quelques questions supplémentaires, à la suite des

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1 questions qui ont été posées soit par les Juges, soit par mon estimé

2 confrère qui est sur la Défense du général Hadzihasanovic.

3 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

4 Q. [interprétation] Général Reinhardt, à propos de ces personnes détenues,

5 qu'il s'agisse de prisonniers de guerre ou de personnes civiles, le Juge

6 Swart vous a posé toute une série de questions à propos des centres de

7 détention. J'aimerais vous poser une question. Compte tenu de votre

8 expérience et compte tenu de ce que vous savez, quelle serait la branche ou

9 l'unité qui devrait être responsable de la gestion de la sécurité et du

10 traitement des prisonniers de guerre ou des personnes civiles qui été

11 faites prisonnières par les militaires ?

12 R. Je pense que les personnes les plus compétentes pour ce qui est des

13 prisonniers de guerre, doivent être les Forces de la police militaire pour

14 ce qui est du début. Nous savons qu'elles ne sont pas nombreuses, ces

15 forces. La plupart du temps, il ne s'agit pas tant de la police militaire,

16 mais des forces régulières qui doivent le faire. C'est pour cela qu'il est

17 d'autant plus important de transférer ces personnes dans des centres de

18 détention civils.

19 Q. Général, en réponse à une question qui vous a été posée par le

20 président, vous avez dit à quel point il était important d'assurer le

21 professionnalisme au niveau des sections.

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez dit, je pense, que cela était encore plus important que pour

24 les échelons supérieurs.

25 R. Oui.

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1 Q. Si je ne m'abuse, vous nous avez dit que les soldats n'avaient aucune

2 confiance dans des chefs de section de compagnie qui, je cite : "Ne

3 quitteraient même pas leur tranchée."

4 R. Oui.

5 Q. Compte tenu des informations et des documents que vous avez eus à

6 propos des événements en Bosnie centrale en 1993, est-ce que les soldats de

7 l'ABiH ont bel et bien quitté leur tranchée ?

8 R. Nous savons qu'il y a plusieurs indications qui le prouvent. Que

9 certains soldats de l'ABiH sont rentrés chez eux et n'ont pas continué à se

10 battre. C'était justement l'un des gros problèmes pour les commandants de

11 voir ses soldats qui quittaient le champ de bataille.

12 Q. Général, je comprends que cela était un problème. Est-ce que des

13 soldats de l'ABiH se sont battus contre le HVO pendant l'année 1993 et dans

14 le cadre de combats ?

15 R. Oui.

16 Q. En réponse à une question qui vous avait été posée par

17 M. le Président, M. Antonetti, vous avez évoqué les méthodes de guerre et

18 de défense des partisans. Je crois comprendre que c'est quelque chose que

19 vous ne connaissez pas. Si tel est le cas, dites-nous le. D'après ce que

20 vous comprenez, quel était le concept de l'ex-JNA ou de l'ex-Yougoslavie

21 pour ce qui est de l'art de guerre des partisans.

22 R. Il s'agit d'une Défense territoriale locale. Il s'agit d'une défense

23 qui est préparée, qui est responsable de la défense locale en sus de la

24 défense locale. L'armée yougoslave avait des forces opérationnelles qui

25 pouvaient assurer le renfort de la Défense territoriale, qui pouvait

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1 représenter le gros du combat. Il y a avait dans tout le pays un réseau de

2 soldats de la défense territoriale. En plus, vous aviez cette défense

3 mobile ou ces Forces opérationnelles mobiles qui pouvaient apporter un

4 renfort, et qui voulaient travailler avec eux.

5 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

6 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Général. J'en ai maintenant

7 terminé avec mes questions supplémentaires. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Reinhardt, cette semaine consacrée à votre

9 audition se termine. La Chambre vous remercie d'être venu à La Haye. Nous

10 savons que, pour vous, rester cinq jours et répondre sans arrêt à des

11 questions, c'est un exercice auquel vous n'étiez pas habitué. Nous vous

12 remercions pour votre collaboration que vous avez apportée à la

13 manifestation de la vérité. Nous savons que vous avez un emploi du temps

14 très chargé. Nous vous remercions une nouvelle fois d'être venu.

15 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la

16 porte de la salle d'audience.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à M. Withopf. Avant

20 de lui donner la parole, il y a juste deux petits points à aborder. Il y

21 avait un point sur la question soulevée ce matin sur les documents. La

22 Chambre, qui a évoqué pendant le break, pense qu'il vaudrait mieux que

23 l'Accusation et la Défense se mettent d'accord sur le sort de ces documents

24 puisque la situation, telle que vous nous la présentez, la Défense nous

25 présente des documents aux fins d'identification. Sur ces documents,

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1 l'Accusation voudrait que nous donnions un numéro définitif, que ces

2 numéros soient non pas DH, mais P, pour donner l'impression que ces

3 documents émanent de l'Accusation, alors même qu'ils ont été présentés par

4 la Défense.

5 Pour essayer de régler cet imbroglio entre les deux parties, évoquez

6 cette affaire entre vous, et nous verrons, au début de la semaine

7 prochaine, comment régler le sort des documents, je dis de mémoire 153 à

8 164 aux fins d'identification. C'était le premier point.

9 Le deuxième point. Il y a un programme qui nous sera communiqué la

10 semaine prochaine. C'est peut-être pour cela que M. Withopf voulait

11 intervenir. Si c'est le cas je lui donne la parole.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

13 Juges, c'est exact. Il y a un certain nombre de points que je souhaite

14 aborder concernant le programme de la semaine prochaine. Dans ce but je

15 vous demande de bien vouloir passer à huis clos partiel.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos partiel.

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7 --- L'audience est levée à 14 heures 03 et reprendra le lundi 10 mai 2004,

8 à 14 heures 15.

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