Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 13 juillet 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-01-47-

8 T, l'Accusation contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais me tourner vers

10 Mme Benjamin pour qu'elle présente l'Accusation.

11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

12 Bonjour, Madame, Monsieur les Juges. Mme Tecla Benjamin pour l'Accusation

13 et Andres Vatter, le commis aux audiences. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que la Défense peut se présenter, les

15 avocats qui sont au complet.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

17 Madame, Monsieur les Juges. Au nom du général Enver Hadzihasanovic, Edina

18 Residovic, M. Bourgon, co-conseil, et l'assistante juridique, Muriel

19 Cauvin.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

21 Monsieur les Juges. Au nom de Kubura, Rodney Dixon et Fahrudin Ibrisimovic.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour cette audience, qui est la dernière de la

23 semaine, la Chambre salue toutes les personnes présentes, Mme Benjamin, les

24 avocats, comme je l'ai dit qui sont tous au complet aujourd'hui, les

25 accusés. Je salue également tout le personnel de cette salle d'audience :

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1 M. le Greffier, Mme la Juriste de la Chambre, Mme l'Huissière, Mme la

2 Sténotypiste, les assistants, ainsi que le personnel de sécurité. Je

3 n'oublie pas non plus les interprètes dans leur cabine.

4 Aujourd'hui, l'audience est consacrée à l'audition d'un témoin. J'ai cru

5 comprendre que Me Bourgon voulait intervenir sur la question qui pose

6 problème avec le Greffe. Le Greffe nous avait annoncé que nous aurions mémo

7 sur la question. Ce mémo, nous ne l'avons toujours pas. Est-il bien

8 opportun d'intervenir, Maître Bourgon, alors que nous ne connaissons pas

9 encore la position du Greffe ? Est-ce qu'il ne voudrait pas mieux attendre

10 ce mémo ? Je vous donne la parole.

11 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.

12 Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour, Monsieur le Président. Monsieur le

13 Président, tout juste avant le début de l'audience, j'ai reçu une copie de

14 mémo du Greffe. J'imagine que la Chambre le recevra. La situation était

15 celle où je croyais qu'il n'y aurait peut-être pas de mémo. J'ai le mémo.

16 Je vais maintenant en tirer les conséquences voulues. Le cas échéant,

17 m'adresser à la Chambre si cela est nécessaire. Merci, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Maître Bourgon. Je me tourne vers

20 Mme Benjamin. Hier, Madame Benjamin, nous avons listé quelques documents

21 qui posaient problème. Vous nous aviez indiqué que vous vous engagiez à ce

22 que ces documents nous soient fournis et que, par ailleurs, il y avait un

23 certain nombre de documents qui n'avaient pas de numéros. Il n'y avait

24 qu'un numéro OTP. La Chambre, qui s'est penchée à nouveau sur cette

25 question, a constaté qu'il y avait également d'autres numéros que vous

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1 n'avez pas évoqués. Pouvez-vous faire le nécessaire pour soit nous informer

2 d'ores et déjà, ou tout à l'heure pendant la pause, faire le point avec la

3 Juriste de la Chambre de cette question, car on a constaté qu'il y avait

4 des numéros, je cite de mémoire : 948, 950, 963. Il y avait certains

5 numéros que vous n'avez pas évoqués. Il faudrait que vous nous apportiez

6 toute précision. Si vous n'êtes pas en mesure maintenant, peut-être que

7 vous le feriez par la suite. Si vous voulez intervenir, je vous donne la

8 parole.

9 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons

10 l'intention de traiter ce problème après la pause ou après avoir entendu ce

11 témoin. J'en ai parlé avec la Défense, et je suis disposée en informer la

12 Chambre de première instance.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Benjamin.

14 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir introduire le témoin.

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

17 entendez bien dans votre langue la traduction de mes propos. Si c'est le

18 cas, dites, je vous entends et je vous comprends.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends fort bien.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous savons que vous êtes arrivé à l'environ de 11

21 heures à l'aéroport, et on vous a conduit immédiatement au sein de ce

22 Tribunal afin que vous entreteniez avec l'Accusation, et je ne sais pas,

23 peut-être avec la Défense, car vous êtes appelé comme témoin de

24 l'Accusation.

25 Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier. Je vous

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1 demande de me donner votre nom, prénom, date de naissance et lieu de

2 naissance.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vinko Zrno. Je suis né le 14

4 septembre 1954 dans le village de Suica, dans la municipalité de

5 Tomislavgrad en Bosnie-Herzégovine. J'ai vécu à Bugojno entre 1978 et 1994.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Aujourd'hui, avez-vous une

7 activité professionnelle; si c'est le cas, que faites-vous ? Quelle est

8 votre situation aujourd'hui au point de vue

9 professionnel ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille dans le bâtiment à Zagreb en

11 Croatie. Je suis responsable d'un chantier. Je suis employé à plein temps à

12 cet endroit-là.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Plus de dix ans, que faisiez-vous sur le plan

14 professionnel ? Quelle était votre situation en 1993?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, j'étais responsable d'un

16 chantier. J'ai travaillé pour la société Gorica à Bugojno. J'étais encore

17 une fois responsable de chantier.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

19 international sur les faits qui se sont déroulés dans votre pays en 1993 ou

20 devant un tribunal national, ou c'est la première fois que vous témoignez

21 en justice ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais témoigné auparavant devant un

23 tribunal national ou international. En revanche, j'ai donné certaines

24 déclarations.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous demander de bien vouloir lire la

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1 prestation de serment que Mme l'Huissière va vous présenter. Je vous

2 demande de le lire dans votre langue.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

7 LE TÉMOIN: VINKO ZRNO [Assermenté]

8 [Le témoin répond par l'interprète]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure,

10 vous êtes un témoin de l'Accusation qui est située à votre droite, et qui

11 tout à l'heure, va vous poser des questions. A la suite des questions qui

12 vous seront posées par l'Accusation, on nous a dit hier que cela pourrait

13 prendre une heure, peut-être moins on verra.

14 Les avocats des accusés qui sont situés à votre droite, vous poseront des

15 questions également dans le cadre de ce que l'on appelle un contre-

16 interrogatoire. Ils vous poseront des questions pour vérifier la

17 crédibilité de vos dires et, également, pour avoir des éléments sur le

18 contexte général dans lequel se sont déroulés les faits qui sont visés dans

19 l'acte d'accusation. A l'issue des questions qui seront posées par les

20 avocats, l'Accusation pourra éventuellement vous poser des questions

21 supplémentaires.

22 Les trois Juges qui sont devant vous, s'ils l'estiment utile, pourront

23 aussi vous poser des questions pour éclaircir certaines de vos réponses, ou

24 s'ils estiment qu'il y a des points à évoquer parce que votre témoignage

25 n'a pas permis d'avoir un éclairage sur certains points que les Juges

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1 peuvent avoir à l'esprit.

2 Par ailleurs, comme cette procédure est principalement orale, vos propos

3 sont importants. Essayez, dans vos réponses, de répondre de manière simple

4 et précise, afin que les Juges puissent être informés par ce que vous allez

5 dire de ce que vous avez pu voir, entendre ou vivre à l'époque.

6 Si les questions vous paraissent très compliquées et si vous ne comprenez

7 pas le sens d'une question, demandez à celui qui vous la pose de vous la

8 reposer.

9 Par ailleurs, je dois vous indiquer deux autres éléments. Le premier, c'est

10 que vous avez prêté serment tout à l'heure et la prestation de serment

11 exclut tout faux témoignage puisque vous avez juré de dire toute la vérité.

12 Vous ne pouvez pas mentir à ceux qui vont vous poser des questions. Si

13 jamais il y avait un faux témoignage, je dois vous informer qu'il y a une

14 infraction qui peut être réprimée par ce Tribunal, puisqu'il y a une peine

15 de prison et une peine d'amende qui est prévue. Par ailleurs, mais cela ne

16 devrait pas s'appliquer à vous, lorsqu'une question peut gêner un témoin

17 dans sa réponse, si le témoin estime que ce qu'il va dire peut un jour se

18 retourner contre lui et constituer des éléments à charge, le témoin, à ce

19 moment-là, peut refuser de répondre. Si on est dans cette hypothèse, la

20 Chambre peut inviter le témoin néanmoins à répondre en lui garantissant une

21 immunité. Ce cas ne doit pas normalement s'appliquer à vous.

22 Je vous ai brossé un tableau général de la façon dont va se dérouler cette

23 audience. Si vous éprouvez ou si vous rencontrez un problème quelconque,

24 n'hésitez pas à nous en faire part. Nous trancherons et trouverons une

25 solution aux problèmes que vous pourriez rencontrer.

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1 Sans perdre de temps, je vais donner la parole à Mme Benjamin qui va

2 entamer l'interrogatoire principal.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Interrogatoire principal par Mme Henry-Benjamin :

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zrno, à nouveau.

6 R. Bonjour, Madame.

7 Q. Pourriez-vous préciser pour combien de temps vous avez effectué votre

8 service militaire obligatoire au sein de la JNA, s'il vous plaît ?

9 R. J'ai fait mon service militaire entre le mois de

10 juillet 1976 à novembre 1977.

11 Q. Après avoir terminé votre service militaire au sein de la JNA en 1993,

12 avez-vous à aucun moment été membre d'une autre formation militaire ?

13 R. En 1993, j'étais un membre du HVO.

14 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance, s'il vous plaît,

15 où vous étiez cantonné ?

16 R. Je montais la garde devant l'hôpital militaire de Bugojno qui se

17 trouvait à l'hôtel Kalin.

18 Q. Pourriez-vous décrire à la Chambre de première instance, s'il vous

19 plaît, les rapports qui existaient entre les Croates et les Musulmans à

20 Bugojno avant le mois d'avril 1993 ?

21 R. Les rapports entre les Croates et les Musulmans à Bugojno étaient

22 excellents. L'hôpital militaire était un hôpital militaire commun. Il n'y

23 avait aucun problème. Certains Musulmans et membres du HVO s'y trouvaient.

24 Il n'y avait aucun problème en tout cas, je n'en ai pas remarqué.

25 Q. En 1993, y a-t-il eu un moment où les choses ont commencé à changer à

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1 Bugojno ?

2 R. Oui, les choses ont commencé à changer au mois

3 d'avril 1993. C'est à ce moment-là que les choses ont commencé et ont

4 continué à changer jusqu'au mois de juillet au moment où le conflit a

5 éclaté. Il y avait des tensions au sein de la ville. C'est quelque chose

6 que l'on percevait; on savait qu'il se passait quelque chose.

7 Q. Monsieur Zrno, pourriez-vous nous dire précisément à quel moment le

8 conflit a commencé à Bugojno ?

9 R. Je ne pense pas pouvoir vous donner la date exacte. Cela devait se

10 situer vers le 20 ou le 18 juillet. Je ne sais pas si c'était un lundi.

11 Cela a commencé tôt un lundi matin.

12 Q. Vous, personnellement, lorsque le conflit a éclaté, avez-vous fait

13 quelque chose de particulier ?

14 R. Mon rôle était de monter la garde devant l'hôpital militaire. Je devais

15 accueillir les blessés, leur fournir aide et assistance, et cetera.

16 Q. Au début du conflit, êtes-vous resté dans l'enceinte de l'hôtel ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous décrire à la Chambre de première instance ce que vous

19 avez entendu lorsque vous étiez dans l'enceinte de l'hôtel ?

20 R. Pour ce qui est du conflit, le conflit a éclaté un lundi. Le dimanche,

21 je suis allé à la messe avec mes amis. La ville était très silencieuse. Il

22 n'y avait aucun mouvement de troupes. Je me suis rendu à l'hôpital

23 militaire où un de mes amis était de permanence. Ce collègue m'a expliqué

24 que deux personnes avaient été tuées. Je crois que c'était Mico Vukac et

25 Telenta. Il y a eu un affrontement avec les Musulmans. Il a dit qu'il s'y

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1 passait quelque chose, que je devais rentrer rapidement pour mettre mon

2 uniforme. C'est ce que j'ai fait. Je suis venu me présenter à mon travail.

3 Comme je l'ai dit, les choses étaient très calmes jusqu'au lundi matin.

4 Lundi matin, tout est arrivé. Il y a eu des bombardements, des pilonnages.

5 Q. Si vous deviez décrire la situation en utilisant un seul terme, lequel

6 utiliseriez-vous ?

7 R. Terrible. On ne savait pas qui tirait. Les tirs venaient de tous les

8 côtés.

9 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance combien de temps

10 cette fusillade a duré environ ?

11 R. Quatre ou cinq jours. A partir du lundi, au moment où cela a commencé,

12 et jusqu'au vendredi. Nous nous sommes rendus le samedi. Le samedi était un

13 peu plus calme, mais la fusillade ne s'est pas arrêtée pour autant.

14 Q. Alors que le conflit faisait rage, dans quelle partie de l'hôtel étiez-

15 vous vous-même ?

16 R. J'étais dans le sous-sol, qui était à l'endroit où se trouvait

17 l'hôpital militaire. Cet hôpital a été évacué au moment du conflit. Il n'y

18 avait plus qu'un médecin et une infirmière sur place, ainsi que deux

19 gardes.

20 Q. D'après vous, l'hôtel a-t-il jamais été utilisé comme un abri également

21 ?

22 R. Le sous-sol de l'hôtel, où se trouvait l'hôpital militaire, n'a jamais

23 été utilisé comme abri, en tout cas pas au moment où je m'y trouvais.

24 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance qui était dans les

25 autres étages de l'hôtel.

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1 R. Au rez-de-chaussée, c'était la police militaire qui occupait l'hôtel.

2 Un peu de temps après l'éclatement du conflit, des civils sont arrivés d'un

3 endroit qui s'appelait Gaj, non loin de l'hôtel. Ces civils sont venus et

4 ont occupé les chambres du rez-de-chaussée de l'hôtel.

5 Q. Est-ce que vous diriez que l'hôtel était pris pour cible au cours du

6 conflit ?

7 R. Oui, effectivement.

8 Q. Est-ce qu'il y a eu de nombreux coups de feu tirés à l'intérieur de

9 l'hôtel ?

10 R. Oui.

11 Q. Y a-t-il eu une accalmie ou une pause au cours de cette fusillade ?

12 R. Oui, quelquefois, mais cela n'arrivait que rarement.

13 Q. La fusillade, a-t-elle finalement cessé ?

14 R. La fusillade a cessé le vendredi soir ou le samedi matin, quelque chose

15 comme cela.

16 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance ce que vous avez

17 fait lorsque vous avez constaté qu'il y avait quelque chose comme un

18 cessez-le-feu.

19 R. Dans l'après-midi, un collègue et moi-même, nous avons estimé que les

20 choses étaient devenues plus calmes. Il n'y avait plus de fusillades. Je me

21 suis rendu au rez-de-chaussée. J'ai vu que la police s'y trouvait. Lorsque

22 je suis arrivé à la réception, les troupes musulmanes ont fait un cercle

23 autour de moi. Ils m'ont insulté. Ils m'ont dit que j'étais un Oustachi.

24 Ils m'ont demandé de poser mon arme et ils se sont rendus dans le sous-sol

25 avec moi. Ils m'ont demandé qui se trouvait également dans sous-sol. Je le

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1 leur ai dit il y avait un homme blessé, un homme mort, mon collègue, comme

2 je vous l'ai dit, une infirmière, ainsi que son mari, et le médecin et les

3 deux gardes. Ils nous ont fait sortir et ils ne nous ont pas frappés. Ils

4 ne nous ont pas maltraités. Ils nous ont traités correctement. Ensuite, ils

5 m'ont emmené, moi-même, ainsi que mon collègue, Stipica Jelavic, dans

6 l'école secondaire. Les autres, ils ont dit qu'ils les emmèneraient au

7 centre Médical, mais je ne sais pas si c'est, effectivement, ce qu'ils ont

8 fait.

9 Q. Vous avez dit à la Chambre de première instance qui étaient ces

10 soldats. Seriez-vous en mesure de nous dire qui étaient ces soldats ?

11 Comment étaient-ils habillés et avez-vous pu les reconnaître ? A quelle

12 unité appartenait-il ?

13 R. Leur uniforme était quelque peu différent des uniformes du HVO. C'était

14 l'armée musulmane. Ils portaient un uniforme qui était vert. Ils portaient

15 des bérets. Ils portaient des bandeaux ou des brassards.

16 Q. Lorsque ces soldats vous ont fait sortir, est-ce que vous êtes en

17 mesure de nous dire si les civils, que vous avez évoqués, qui se trouvaient

18 au premier étage de l'hôtel, se trouvaient encore là, à ce moment-là ?

19 R. Je ne sais pas où se trouvaient les civils et je ne sais pas ce qui est

20 advenu de ces civils. Lorsque je suis monté, je n'ai vu personne. Il n'y

21 avait que les troupes musulmanes et ils étaient là en grand nombre.

22 Q. Merci. Vous nous avez dit que vous avez été escorté par les Musulmans.

23 Pourriez-vous dire qui étaient "ces soldats musulmans," pour utilisez vos

24 termes ? Pourriez-vous nous dire où vous avez été emmené, s'il vous plaît.

25 R. Ils nous ont emmenés à Mahmut Busatlija, à l'école secondaire qui se

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1 trouve à 200 mètres de l'hôtel. Ils nous ont emmenés à cet endroit, et

2 c'est là que le garde nous a reçus. Nous nous sommes entretenus avec lui.

3 Nous avons pris un café avec lui. Nous avons parlé de ce qui s'était passé.

4 Nous avons expliqué que la ville était en feu, que la situation était

5 épouvantable.

6 Q. Quelle distance y avait-il entre l'école et l'hôtel Kalin ?

7 R. Comme je vous l'ai dit, entre 100 et 200 mètres.

8 Q. Lorsqu'on vous a conduit dans cette école, vous a-t-on emmené à un lieu

9 particulier ?

10 R. Vers 9 heures du soir, ils nous ont fait descendre dans le sous-sol,

11 dans une cellule qui faisait trois mètres sur cinq, trois mètres sur six.

12 Il n'y avait pas de fenêtres dans cette cellule. Il n'y avait pas

13 suffisamment d'air. Il y avait juste une porte. Il y avait quelque chose

14 qui ressemblait à des barreaux. Nous étions une cinquantaine environ, à cet

15 endroit-là.

16 Q. Vous avez plus ou moins décrit les conditions physiques. Pourriez-vous

17 nous dire comment vous étiez nourri quand vous étiez dans le sous-sol de

18 cette école ?

19 R. Lorsque nous nous sommes trouvés dans le sous-sol, on nous apportait un

20 repas par jour qui était donné à ceux qui pouvaient sortir dans la cour,

21 car la situation était tout à fait chaotique au cours de ce conflit.

22 Q. Qu'en est-il des installations sanitaires ? Avez-vous pu utiliser la

23 salle de bain lorsque vous étiez dans le sous-sol ?

24 R. Nous n'avions pas assez d'air, et encore moins de salle d'eau. Nous

25 avions un seau. Je m'excuse de devoir en parler. On nous avait apporté

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1 cela. Nos besoins, on devait les faire dans le seau. Je dois aussi vous

2 préciser qu'il y avait parmi nous, une famille, à savoir, le mari, la femme

3 et leurs filles. Il s'agissait d'un certain Mico, qui travaillait dans cet

4 hôpital.

5 Q. Pour la Chambre de première instance, pouvez-vous nous dire quelle est

6 l'origine ethnique des détenus qui se trouvaient dans cette cave.

7 R. Dans la cave, il y avait des gens du groupe ethnique croate qui s'y

8 trouvaient en détention.

9 Q. Vous nous avez indiqué qu'on vous avait autorisé à avoir un repas une

10 fois que vous pouviez sortir. Etes-vous sorti de la cave par la suite ?

11 R. Oui. Une fois trois jours plus tard, comme je n'en pouvais plus, j'ai

12 mangé un morceau de pain et un peu de pâtes.

13 Q. Avant que de sortir au bout de ces trois journées, êtes-vous en train

14 de nous dire que pendant les trois jours avant, vous n'avez rien mangé du

15 tout ?

16 R. Non.

17 Q. Avez-vous eu des repas pendant que vous étiez dans la cave, avant que

18 de sortir ?

19 R. Non, je n'ai rien mangé. J'ai répondu, non, pour dire que je n'ai rien

20 mangé.

21 Q. Pourquoi ne vouliez-vous pas sortir pour manger ?

22 R. Par peur des coups, parce que les coups ne cessaient jamais. On

23 entendait des cris. C'était horrible. Beaucoup de gens n'osaient pas

24 sortir.

25 Q. Avez-vous été battu vous-même pendant que vous vous trouviez dans la

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1 cave ?

2 R. Moi, non.

3 Q. Savez-vous nous dire si quelqu'un d'autre aurait été

4 battu ?

5 R. Oui, il y en a eu qui ont été battus.

6 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez pu observer là-bas.

7 R. Je m'en souviens fort bien. Je pense qu'il s'agissait de Mario Subasic.

8 Lorsqu'ils l'ont poussé dans l'escalier, il est tombé sur le sol, et j'ai

9 vu que son globule oculaire était sorti suite au choc.

10 Q. Lorsque vous êtes arrivé là-bas dans la cave, avez-vous eu l'occasion

11 de vous changer ?

12 R. Non, non.

13 Q. Avez-vous, à un moment donné, réussi à changer vos vêtements ?

14 R. Non, pas du tout.

15 Q. Dites-nous, je vous prie : comment étiez-vous vêtu une fois arrivé dans

16 cette cave ?

17 R. Je portais sur moi un uniforme militaire, celui du HVO, avec les

18 insignes qui étaient ceux de l'hôpital militaire.

19 Q. Avez-vous continué à porter ces vêtements une fois que vous avez pu

20 quitter la cave ?

21 R. Oui. Le jour où je suis allé travailler, j'avais l'intention de me

22 changer. C'est le jour où on nous a transférés vers la salle des sports du

23 lycée.

24 Q. Quand vous êtes arrivé dans cette salle des sports du lycée, veuillez

25 dire à la Chambre ce qui s'est passé là-bas.

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1 R. Nous avons été répartis par endroit. Nous avions un peu plus de place

2 et un peu plus de liberté de mouvement sur le parquet. Un collègue qui

3 était originaire de Bugojno est allé dans des maisons croates. Ils avaient

4 demandé des volontaires pour récupérer des vivres. Certains ont eu

5 l'autorisation de se changer et de manger. Ce jour-là, je m'étais porté

6 volontaire en me disant que je pourrais me changer et me laver.

7 Malheureusement, nous avons été emmènes vers Vrbanja.

8 Q. Est-ce que vous êtes resté à Vrbanja ?

9 R. Une fois emmené à Vrbanja, nous étions une dizaine, mais cinq ont été

10 mis de côté pour sortir les cadavres de la rivière Vrbas, et nous cinq,

11 nous avons été emmenés vers le cimetière pour creuser des tombes. On nous a

12 dit de creuser cinq fosses.

13 Q. Combien de temps cela a-t-il duré ?

14 R. Pour moi, cela a duré des années, une éternité.

15 Q. A peu près, savez-vous nous dire combien de jours cela a duré ?

16 R. Que voulez-vous dire par "combien de jours cela a duré" ? Je n'ai pas

17 compris votre question.

18 Q. Pouvez-vous nous dire combien de temps vous y êtes resté ?

19 R. Ils nous ont emmenés là-bas vers midi, me semble-t-il, et on y est

20 resté jusqu'à 3 heures, 4 heures, 5 heures. Pour moi, à mes yeux, c'était

21 toute une éternité. En somme, cela a duré peut-être deux ou trois heures.

22 Q. Je vous remercie. Une fois que vous êtes revenu sur le stade, pourriez-

23 vous décrire aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé une fois revenu ?

24 R. Une fois revenue ? Je précise que j'étais, avant cela, pendant 25

25 jours, à l'hôpital militaire, mais une fois arrivé au stade, j'ai été

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1 installé dans une pièce qu'on appelait la salle de réanimation. C'est là

2 qu'on passait à tabac les gens. Nous aussi, nous qui étions venus de

3 l'hôpital. C'est là que l'horreur est survenue. On faisait l'appel le jour.

4 On nous emmenait pour travailler sur les premières lignes de front. On

5 restait dans le campement, 200. Les autres, une centaine, étaient emmenés

6 vers les lignes de front pour travailler sur différents sites. Ils

7 revenaient, ils étaient relayés, et on procédait par liste. Je ne sais pas

8 qui est-ce qui établissait ces listes. Le soir, c'était l'horreur. L'appel

9 de particuliers et, à la sortie, on nous mettait des sacs sur la tête et on

10 nous emmenait vers le stade. C'est là qu'on nous passait à tabac. On nous

11 ramenait vers cette salle de "soins intensifs" et on nous jetait dedans

12 comme des bêtes.

13 Q. Voici la raison pour laquelle je vous ai posé la question tout à

14 l'heure. Je crois que vous avez dû la comprendre, ou plutôt, peut-être

15 n'avez-vous pas saisi ? Je vais reprendre ma question : avant que d'être

16 emmené vers le stade, vous nous avez indiqué que vous étiez dans une espèce

17 d'hôpital ou d'infirmerie, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. J'ai essayé d'expliquer brièvement. Nous avons été battus au

19 cimetière. C'est là une question de minutes. Il devait s'agir de vie ou de

20 mort. Mario, mon cousin, est mort sur la route lorsqu'on nous avait monté

21 dans cette fourgonnette. Il ne s'est pas passé quatre ou cinq minutes

22 depuis. Moi, on m'a laissé dans le lycée. On m'a jeté sur le parquet de

23 cette salle de sports où il n'y avait personne. Je gémissais, je demandais

24 de l'aide. Je demandais même à être abattu. Il est arrivé à un policier des

25 leurs, je ne l'oublierai jamais. Je crois que c'était lui aussi leur

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1 commandant de la police. Je lui ai demandé de m'aider. Il m'a demandé :

2 "Que s'est-il passé avec toi ?" Il m'a demandé où est-ce que j'avais

3 glissé, comment étais-je tombé. Il provoquait. Peu de temps après, une

4 infirmière est venue. Ils m'ont retourné dans tous les sens, et ils ont dit

5 que je devais d'urgence aller à l'hôpital. Leur hôpital de guerre était à

6 l'hôpital de Bugojno.

7 Il est arrivé deux membres de la police militaire. Je crois qu'ils étaient

8 de Prusac. Ils ont été corrects. Ils ont été aimables. J'ai été emmené à

9 l'hôpital de guerre. J'ai été reçu par le

10 Dr Karadza. Il m'a examiné, et il a insisté pour que je sois gardé à

11 l'hôpital. Je crois que c'était la seule façon pour moi de survivre. J'ai

12 été placé dans une chambre à part. Il m'a mis un gardien devant, et j'y ai

13 passé deux jours.

14 Au bout de deux jours, j'ai été transféré vers une autre pièce où on

15 faisait venir d'autres soldats du HVO qui venaient de différents centres

16 d'accueil. Il est venu quatre ou cinq hommes du salon d'exposition de

17 meubles. Ils étaient dans le même état que moi.

18 Q. Votre cousin, Mario Zrno, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il est advenu

19 de lui après ?

20 R. Il est décédé. Il a été emmené. C'est du moins ce que j'ai su. J'étais

21 encore conscient. J'ai su qu'on l'emmenait vers le lycée. Par la suite, il

22 s'est avéré qu'ils l'ont emmené pour l'enterrer au cimetière de Crnice,

23 cimetière où bon nombre d'autres personnes ont été enterrées également.

24 Q. Nous allons maintenant aller de l'avant et de décrire à l'attention des

25 Juges de la Chambre de première instance les conditions qui prévalaient au

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1 stade Iskra.

2 R. Pour ce qui est des conditions au stade, c'était là aussi l'horreur.

3 Les tribunes, les gradins en béton et en dessous un filet, et par-dessus,

4 une espèce de feuille en nylon. Nous avions chacun une couverture.

5 Terrible. Je dois dire qu'après le mois de septembre, nous étions tous

6 malades, nous avions attrapé des poux. On nous a tondu, on nous a aspergé

7 d'un certain produit. L'horreur, c'était que nous avions été installés dans

8 une salle, quelque 70 mètres carrés, mais nous étions 150 dedans. Une fois

9 que nous revenions du travail, nous étions entassés. Par la suite, ils ont

10 mis deux rangées de fils barbelés. Il y avait un seul W.C. dans le cadre de

11 ce stade pour nous, quelque 200 qui nous trouvions là-bas. Vous pouvez

12 imaginer la chose, sans eau, sans électricité. La nourriture, je pense que

13 c'est dans une marmite d'une centaine de litres qu'ils avaient fait

14 bouillir des lentilles dans de l'eau et quelques dizaines de pain. C'était

15 ce que l'on pouvait saisir. Tout de suite, on avait la diarrhée. C'était

16 terrible. C'est grâce à des civils, des Croates qui sont restés à Bugojno,

17 que nous avons survécu. On a été sauvé parce que, partout, toutes sortes de

18 filières, ils nous faisaient acheminer des vivres, du pain surtout, du pain

19 pour survivre.

20 Q. Vous nous avez précisé qu'on vous avait fait sortir pour que vous

21 accomplissiez des tâches, un travail.

22 R. Oui.

23 Q. Combien de temps restiez-vous à l'extérieur du stade pour travailler ?

24 R. J'y suis resté 14 peut-être 15 jours. Je crois que

25 c'était 14.

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1 Q. Une fois revenu au stade, pouvez-vous nous faire une description des

2 conditions qui ont prévalu là-bas ?

3 R. Vers la fin du mois de novembre, cela a été très pénible. Bien entendu,

4 l'intensité, la pire intensité était pendant le premier mois. Après, cela a

5 baissé, mais il y a toujours des tortures. On a toujours eu peur d'être

6 appelés, d'être tabassés, d'être emmenés parce que les gens étaient

7 pratiquement emmenés tous les jours pour des interrogatoires. Il y avait un

8 commandement au niveau d'une banque. C'est là qu'on emmenait les gens.

9 Certains revenaient, certains ne revenaient jamais. De nos jours encore,

10 pour une vingtaine de personnes, on ne sait pas où elles sont passées. Vers

11 la fin de l'année, nous avions espéré pour Noël un échange, puis pour

12 Nouvel An. Enfin, des rumeurs ont couru, mais cela n'a rien donné. Après le

13 Nouvel An, cela allait mieux. On ne nous a plus battus. On ne nous a plus

14 emmenés. Il y avait des gardiens qui nous parlaient. Nous avions plus de

15 liberté. On nous a même apporté des livres pour que nous puissions lire. Il

16 y avait des jeux d'échecs, des cartes. Ils leur arrivaient de nous laisser

17 sortir dehors pour nous promener et d'allumer une cigarette, ça et là. Cela

18 a duré ainsi jusqu'au

19 19 mars, date de l'échange.

20 Q. Pourriez-vous nous dire, je vous prie, ou plutôt vous avez mentionné le

21 fait que les gens étaient sortis pour être battus. Pouvez-vous nous dire

22 qui est-ce qui faisait sortir les gens pour les battre ?

23 R. C'étaient les gardiens qui interpellaient, qui sortaient quelqu'un par

24 la porte. Ils mettaient un sac sur la tête de l'intéressé et l'emmenait

25 vers le stade. Maintenant de là, à savoir qui est-ce qui battait, je ne

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1 sais pas trop.

2 Q. Ces gardiens, qui étaient-ce ?

3 R. Les soldats musulmans, les Musulmans.

4 Q. Pouvez-vous indiquer à la Chambre de première instance quelle était la

5 façon dont ils étaient vêtus ?

6 R. Ils portaient des uniformes de ce qu'il était convenu d'appeler l'ABiH.

7 C'étaient des uniformes bariolés.

8 Q. Au fil du temps, est-ce que le nombre des détenus a augmenté ou a

9 diminué ?

10 R. Cela a augmenté un peu, je ne sais pas trop vous dire, pas beaucoup. Je

11 ne sais plus quel mois il pouvait être, c'est vers le mois de novembre ou

12 décembre. Ils ont fait venir deux gars. Je crois qu'ils étaient d'Imotski.

13 Je crois qu'ils ont été faits prisonniers à Imotski. Ils ont emmené un

14 bonhomme de Prozor. Il y a eu, je pense, un ou deux détenus qui ont été

15 relâchés avec l'aide de Cefko Omerbasic, un imam de Zagreb. Je crois qu'ils

16 ont été relâchés avant nous. Peut-être quatre ou cinq mois avant nous.

17 Q. Avec les gardes que vous avez mentionnés, au sujet desquels vous avez

18 précisé que c'étaient des Musulmans, y avait-il en sus d'autres hommes qui

19 faisaient, éventuellement, partie de d'autres unités ?

20 R. Je ne pouvais pas distinguer leurs unités et leurs insignes; l'uniforme

21 était toujours le même. Il y a eu des particuliers. Je me souviens d'un

22 individu parce que je l'ai remarqué. Il portait un uniforme de

23 Moudjahiddine. Il voulait entrer chez nous parmi les détenus. Les gardiens

24 ne l'ont pas laissé entrer. Ils tenaient un sabre. J'ai été surpris par la

25 chose, mais je ne sais pas si c'était véritablement un Moudjahiddine; il

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1 portait un uniforme différent. C'était encore là une forme d'intimidation.

2 On voulait nous faire peur.

3 Q. L'année d'après, est-ce que la situation a changé au

4 stade ?

5 R. Oui, en 1994, après le nouvel an, cela s'est amélioré. La situation a

6 changé. On a commencé à nous parler. On a commencé à nous traiter de façon

7 plus ou moins humaine. On nous laissait sortir pour des courtes promenades.

8 On pouvait sortir pour aller aux toilettes et on avait fait des toilettes

9 de campagne. C'était nettement plus vivable.

10 Q. Dites-nous : avez-vous été par la suite relâché ?

11 R. Oui, le 19 mars, date de l'échange. Ils nous ont fait monter comme du

12 bétail dans des camions sous des bâches. Ils nous ont emmené à Mostar, à

13 150 kilomètres de là par des routes en macadam. Que voulez-vous que je vous

14 dise de plus ? Ils nous ont emmenés là-bas, mais il n'y a pas eu d'échange;

15 il n'y a rien eu.

16 Q. Avez-vous réussi à rétablir le contact avec votre épouse, avec votre

17 famille ?

18 R. Oui, ma famille et mes enfants étaient à Tomislavgrad. Ils s'étaient

19 réfugiés là-bas. Je les ai retrouvés, et j'y suis resté un mois, un mois et

20 demi. Par un concours de circonstances heureux, il y a un ami de Zagreb qui

21 nous a contactés pour nous proposer un emploi. Je l'ai immédiatement

22 accepté. Dieu merci et merci aussi à lui, voilà, aujourd'hui, j'ai

23 reconstruit une maison. Celle de Bugojno, je l'ai vendue. Disons que je

24 l'ai plutôt offerte que vendue, j'ai tout de même construit un toit pour

25 mes enfants. Je vis de façon plus normale. Disons que je respire

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1 normalement.

2 Q. Où résidez-vous actuellement ?

3 R. Je réside à Ceseta [phon], près de Zagreb, municipalité

4 de --

5 Q. Monsieur Zrno, avez-vous l'intention de retourner à

6 Bugojno ?

7 R. A Bugojno, jamais.

8 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quelle façon vous vous êtes

9 senti lorsque vous avez été relâché -- lorsque vous étiez encore à Bugojno

10 ?

11 R. J'ai du mal à trouver les mots pour décrire. Je n'étais pas conscient.

12 Je n'étais pas conscient du fait d'être vivant, de pouvoir marcher, de

13 pouvoir revoir ma femme et mes enfants, de me retrouver parmi les civils,

14 de respirer normalement. J'étais complètement abattu psychiquement,

15 moralement. J'avais perdu tout espoir pour ce qui était d'être échangé,

16 pour ce qui était de pouvoir se détendre parce qu'on nous menaçait

17 constamment, en nous disant qu'on ne serait jamais relâché, qu'on serait

18 abattu. J'étais mort à moitié. J'ai été gardé à l'hôpital, et quelques 150

19 personnes ont été emmenées à Rabe dans l'intention d'être exécutées là-

20 bas. C'est du moins ce que j'ai entendu dire. L'armée musulmane n'a pas

21 laissé la chose se faire. C'est l'armée qui les a fait revenir -- c'est

22 l'armée de Prusac.

23 Q. A présent, comment vous sentez-vous ?

24 R. J'ai beaucoup de mal à revivre tous ces événements. Je pense que

25 maintenant c'est beaucoup plus facile. J'ai commencé tout à l'heure à

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1 nouveau à frémir, enfin, je ne sais pas trop, mais Dieu les jugera.

2 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

3 Monsieur les Juges, ceci met un terme à notre interrogatoire principal.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Benjamin. Je vais me tourner vers les

5 avocats pour le contre-interrogatoire. Nous avons une demi-heure avant la

6 pause.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, Monsieur Zrno. Je

10 m'appelle Edina Residovic. Je suis ici pour défendre le général Enver

11 Hadzihasanovic. Je regrette beaucoup que, dans le courant de la guerre,

12 vous ayez souffert à un tel point, comme vous venez de l'indiquer à la

13 Chambre. Dans l'intérêt de la justice, j'ai des questions à vous poser. Je

14 vous prierais d'avoir l'amabilité d'y répondre. Avez-vous compris ?

15 R. Oui, tout à fait.

16 Q. Merci. Pour ce qui est de certaines questions posées par ma consoeur,

17 je crois que vous avez indiqué que, pendant cette guerre en 1993, vous

18 étiez membre du HVO, n'est-ce pas ? Est-il exact de dire que vous êtes

19 devenu membre du HVO, le 14 août 1992, et que c'est dans cette qualité-là

20 que vous êtes resté jusqu'au moment de votre emprisonnement ?

21 R. C'est exact.

22 Q. Vous avez également dit que vous avez assuré la sécurité de cet hôpital

23 militaire de Bugojno et que vous avez été affecté là pour finir par être

24 emprisonné là-bas.

25 R. Oui, c'est exact.

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1 Q. Je voudrais savoir si cette sécurité de l'hôpital militaire qui se

2 trouvait à l'hôtel Kalin, vous l'avez assumée en votre qualité de membre de

3 la police militaire du HVO, voire de gardien affecté au sein de la brigade

4 ?

5 R. J'étais gardien, membre de la brigade.

6 Q. Vous avez également dit que s'agissant des relations entre la

7 population croate et musulmane à Bugojno ont commencé à se détériorer vers

8 le printemps 1993. C'est bien ce que vous avez dit ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Les incidents, qui sont survenus à l'époque, ont, essentiellement, pu

11 être résolus de façon pacifique, n'est-ce pas ?

12 R. C'est exact.

13 Q. Toutefois, serait-il exact de dire que non loin de Bugojno, à savoir, à

14 Gornji Vakuf, il y a sans cesse eu des conflits armés entre l'ABiH et le

15 HVO, et c'est vers le mois d'avril qu'il y a eu de grands conflits dans la

16 vallée de la Lasva, chose qui a compliqué la situation pour ce qui est de

17 la population croate et musulmane et de leurs relations mutuelles, n'est-ce

18 pas ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Vous avez mentionné des événements qui datent du

21 18 juillet. Vous avez, à cette date-là, appris, de la bouche de vos

22 collègues, qu'un point de contrôle dans le village de Vrbanja, non loin de

23 Bugojno, il y a eu mort de deux membres du HVO, ou d'un Détachement

24 antiterroriste Mico. Il s'agirait de Mico Vucak et Miroslav Telenta; est-ce

25 bien ce que vous avez dit ?

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1 R. Oui.

2 Q. Conformément aux tentatives faites préalablement, visant à résoudre

3 tout conflit de manière paisible, une commission conjointe du MUP de la

4 communauté croate d'Herceg-Bosna et de la Bosnie-Herzégovine a été

5 constituée; cependant, la commission a subi une attaque. Deux membres du

6 MUP ont été tués et le village de Vrbanja a été attaqué également, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Est-ce que vous savez également qu'à Vrbanja, un grand nombre de civils

10 a été tué, notamment, 54, et que le conflit s'est répandu sur le territoire

11 de l'ensemble de la ville ?

12 R. Je ne le sais pas.

13 Q. Vous avez dit que des combats se sont déroulés pendant plusieurs jours,

14 et que pendant tout ce temps, vous étiez à l'hôtel Kalin, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. A côté de votre brigade à Eugen Kvaternik, mis à part votre brigade à

17 Bugogno, on a créé également, en printemps 1995, le Bataillon des gardes,

18 des Domobrani [phon], n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Au cours des combats, certains membres de la Garde nationale de ce

21 Bataillon du village de Gaj sont venus à l'hôtel Kalin. Ils sont venus avec

22 des civils de ce village, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans cet hôtel se trouvait, également, la police du HVO qui a, sans

25 cesse, participé au combat, n'est-ce pas ?

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1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Au cours des combats, les personnes blessées et malades ont été

3 évacuées de l'hôpital, cependant, la police militaire a continué à défendre

4 l'hôtel Kalin; est-ce exact ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez dit que les tirs ont été horribles. Est-ce qu'il serait exact

7 de dire que, depuis le territoire de Gorica, depuis le territoire, disons,

8 de la villa de Tito, l'artillerie était utilisée afin de pilonner la ville

9 et l'hôtel Kalin, et un obus est tombé sur l'hôtel, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact. Excusez-moi. En fait, je ne suis pas au courant de cet

11 obus qui aurait tombé sur l'hôtel. Mais, effectivement, on tirait de tous

12 les côtés, cela, j'en suis conscient.

13 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendu un samedi et qu'au bout de cinq

14 ou six jours de combat, vous vous êtes rendu auprès des soldats à l'hôtel

15 Kalin et qu'ils vous ont traité de manière correcte; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Jusqu'à présent, vous avez fait plusieurs déclarations et est-ce qu'il

18 est exact de dire que vous avez fourni votre déclaration au bureau du

19 Procureur de ce Tribunal le 29 juillet et le 21 septembre 2000 ?

20 R. Oui.

21 Q. Avant cela, comme beaucoup d'autres personnes qui ont été emprisonnées

22 dans des prisons de Bugojno, vous avez, également, fourni une déclaration à

23 Stjepan Vukadin, un avocat de Bugojno, n'est-ce pas ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Il est nécessaire que vous attendiez la fin de l'interprétation de ma

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1 question avant de répondre, s'il vous plaît. On nous demande de ralentir.

2 Vous avez dit aujourd'hui, même si vous avez parlé de faits que vous avez

3 vus ou vécus vous-même, un certain nombre de points, par exemple, la

4 question de savoir quelles unités de l'ABiH s'y trouvaient ou à quoi

5 ressemblait la structure de l'ABiH. Là, il s'agit de questions au sujet

6 desquelles vous n'êtes pas au courant; est-ce exact ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Vous n'étiez pas au courant de la structure, ni de la coordination de

9 la police à Bugojno, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Cependant, à l'époque, un grand nombre de personnes à Bugojno portaient

12 des uniformes de camouflage. Il était difficile de savoir qui appartenait à

13 quelle unité et si une certaine personne appartenait à l'ABiH ou à la

14 police de réserve; est-ce exact ?

15 R. C'est exact; cependant, les uniformes de l'armée croate et de l'armée

16 musulmane étaient différents.

17 Q. Justement, c'est pour cette raison que je n'ai pas mentionné le HVO

18 dans ma question puisque vous aviez déjà expliqué cela auparavant.

19 On vous a fait venir au lycée, et c'est là que vous avez passé trois à

20 quatre jours dans la cave. Vous avez décrit cela en répondant aux questions

21 de mon éminente collègue; est-ce exact ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Après cela, vous avez été transféré au gymnase. Est-ce qu'il est exact

24 de dire que, pendant votre séjour dans le gymnase, que vous avez reçu la

25 visite de votre sœur Pavka et des observateurs européens ?

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1 R. Ce n'est pas exact.

2 Q. Vous avez mentionné le nom Bevrnja. Ai-je bien compris que vous avez

3 dit que cet homme était le chef des gardes au lycée ?

4 R. Vous avez mal compris. Il était le chef de la police.

5 Q. Si je disais qu'il était l'un des dirigeants, l'un des chefs de la

6 police de réserve, je suppose que vous seriez d'accord avec moi.

7 R. Peu importe ce qu'il était. Ce n'était pas un être humain.

8 Q. Vous ne saviez pas qui avait pris la décision de faire en sorte que les

9 prisonniers soient placés dans le lycée. A l'époque, vous ne saviez pas qui

10 était responsable de cette institution, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Vous allez être d'accord avec moi si je dis que le lycée était contrôlé

13 par la police civile jusqu'en octobre 1993 ?

14 R. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce sujet. Votre police militaire

15 y était.

16 Q. Je n'ai pas bien compris puisque je n'avais pas de police militaire.

17 Mais, bon, je peux comprendre.

18 R. La police militaire de l'ABiH était au lycée et elle se trouvait dans

19 le bâtiment de Koprivica également.

20 Q. Vous savez quelque chose concernant l'armée.

21 R. J'étais dans la ville, bien sûr que je savais quelque chose.

22 Q. Votre réponse à ma question préalable n'était pas tout à fait précise.

23 Merci d'avoir clarifié cela, de manière supplémentaire.

24 Vous ne savez pas, n'est-ce pas, qui a pris la décision de transformer le

25 stade d'Iskra en prison provisoire pour les prisonniers de guerre ? Vous ne

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1 savez pas qui était responsable de cet endroit, n'est-ce pas ?

2 R. Non, je ne sais pas.

3 Q. Vous n'avez pas été maltraité physiquement lorsque vous étiez au lycée,

4 n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact.

6 Q. C'était pareil lorsque vous étiez au stade Iskra, l'on ne vous faisait

7 pas sortir et l'on ne vous harcelait pas de manière physique, n'est-ce pas

8 ?

9 R. C'est exact

10 Q. Vous avez dit que, le 30 juillet, vous vous êtes porté volontaire pour

11 vous acquitter d'un certain nombre de tâches dans la ville. Est-ce qu'il

12 est exact de dire que Mladen Barnjak, Berislav Dzalto, Perica Sistov, Ivica

13 Bartulovic, Mladen Brkic étaient avec vous, ce jour-là, et que, pendant ces

14 travaux, en traversant Vrbanja, vous avez vu Mario Zrno, Dragan Keskic,

15 Milos Zeljko et d'autres personnes qui étaient détenues à l'époque ?

16 S'agit-il de personnes que vous connaissiez et que vous avez vues là-bas ?

17 Est-ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Pendant que vous creusiez les tombes, vous étiez escortés d'un garde

20 armé qui vous traitait de manière correcte; est-ce exact ?

21 R. Oui, c'est exact. Il a fui, d'ailleurs, de nous cinq minutes après nous

22 avoir fait venir.

23 Q. Après que dix à 15 personnes de Vrbanja sont arrivées, et qu'elles ont

24 commencé à vous tabasser. Vous vous êtes senti mal et, bientôt après, vous

25 avez perdu connaissance. Vous ne savez pas tout ce qui vous est arrivé par

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1 la suite.

2 R. Je sais beaucoup de choses et j'ignore beaucoup de choses aussi.

3 Q. En fait, après votre retour au lycée, d'après votre description, peu de

4 temps après, on vous a emmené à l'hôpital où vous avez reçu des soins

5 médicaux. Vous y êtes resté jusqu'au 25 août, est-ce exact ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Par la suite, vous avez appris que votre cousin Mario Zrno était décédé

8 sur la route avec Perica Sistov.

9 R. Je ne l'ai pas appris par la suite. J'étais avec lui dans le camion et

10 il est mort sur cette route, Perica Sistov. Nous étions dans le même camion

11 tous les deux.

12 Q. Vous avez dit que vous avez pu survivre, grâce au fait qu'un certain

13 nombre de civils dans la ville pouvaient vous faire parvenir de la

14 nourriture de toutes sortes de manières, et ceux qui recevaient de la

15 nourriture, la partageaient avec les autres. Ce qui vous a permis de

16 traverser cette période extrêmement difficile, n'est-ce pas ?

17 R. Oui. C'est exact.

18 Q. Pendant cette période, votre sœur Pavka venait vous voir également.

19 Elle venait avec des vivres et de la nourriture de temps en temps aussi.

20 R. De temps en temps, mais rarement, plutôt rarement.

21 Q. Elle était accompagnée d'une femme médecin qui distribuait des

22 médicaments aux détenus qui en avaient besoin, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, des aspirines.

24 Q. Vous avez dit qu'un jour, il devait faire sortir un certain nombre de

25 détenus, mais s'agissant de cet évènement, vous n'avez pas d'information

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1 directe.

2 R. Je ne peux pas vous raconter des choses auxquelles je n'ai pas assisté

3 moi-même.

4 Q. Est-ce que vous savez qu'un groupe d'intellectuels croates avaient

5 demandé que vous ne soyez pas transférés au KP Dom à la prison de Zenica,

6 mais que vous restiez à Bugojno car ils avaient peur que quelque chose ne

7 vous arrive sur la route.

8 R. Je ne suis pas au courant de cela.

9 Q. Savez-vous qu'un grand nombre de Croates sont rentrés à Bugojno et

10 qu'ils y vivent sans problème aujourd'hui ?

11 R. Personnellement, je ne suis pas rentré à Bugojno et je ne le souhaite

12 pas. En ce qui concerne les informations sur Bogojno peu de gens sont

13 rentrés et ils vivent avec beaucoup de difficultés. Ils n'arrivent pas à

14 trouver un emploi, je ne sais pas à quoi ressemble une telle vie.

15 Q. Merci beaucoup, Monsieur.

16 R. Merci à vous.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

18 question pour ce témoin.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres avocats.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

21 n'avons pas de question pour ce témoin non plus.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges auront quelques questions, mais je vais,

23 d'abord, demander à Mme Benjamin si a-t-elle des questions supplémentaires

24 à la suite du contre-interrogatoire mené par la Défense ?

25 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, le bureau du

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1 Procureur n'a pas de questions supplémentaires.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense que, pour ne pas couper le rythme, il vaut

3 mieux, à priori, faire la pause maintenant, et nous reprendrons aux

4 environs de 4 heures moins 5.

5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

6 --- L'audience est reprise à 15 heures 59.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

8 Les Juges ont quelques questions à vous poser à partir des réponses que

9 vous avez faites aux uns et aux autres.

10 Questions de la Cour :

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous le voulez, je vais repartir au moment où

12 vous devenez membre du HVO. Quand vous devenez membre du HVO, est-ce que

13 vous avez, à ce moment-là, d'après vous, un statut militaire, ou c'était

14 des civils croates à qui on aurait demandé d'avoir un uniforme et une arme

15 pour défendre la ville ou monter la garde, comme vous le dites, devant

16 l'hôpital ? Quel était votre statut ? Est-ce que vous étiez, pour vous,

17 toujours civil ou vous étiez devenu un véritable militaire ?

18 R. Je suis devenu un véritable soldat du HVO.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez un grade ? Vous aviez une unité avec un

20 chef ? Comment cela se passait ?

21 R. Je travaillais parce que j'étais auprès du commandement de l'Unité à

22 Eugen Kvaternik. Mon poste était celui du gardien de l'hôpital de guerre.

23 J'étais un simple soldat.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour garder l'hôpital, qu'est-ce que vous aviez

25 comme armement ? Qu'est-ce qu'on vous avait donné ? Vous aviez un fusil,

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1 une mitraillette ? Qu'est-ce que vous aviez comme arme ?

2 R. J'avais un Kalachnikov ? Dans notre travail, nous ne devions pas

3 utiliser les armes, mais nous devions nous assurer que ceux qui entraient

4 dans l'hôpital n'entraient pas avec leurs armes, mais qu'ils déposaient des

5 armes dans des casiers et on leur rendait les armes à la sortie. On aidait,

6 au moment de l'accueil, des personnes blessées ou malades, donc l'on

7 n'utilisait pas du tout les armes. Ce n'était pas notre mission.

8 D'ailleurs, nous n'avions pas besoin de faire cela non plus.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit que vous vous étiez rendu et que

10 vous avez remis votre arme. Quand vous vous êtes rendu, vous vous êtes

11 rendu à qui ? Est-ce que vous vous souvenez à qui précisément vous vous

12 êtes rendu ?

13 R. Il y avait au moins 30 à 40 soldats. Je ne me souviens pas du tout mais

14 je pense que ce n'était même pas les gens de Bugojno car, sinon, j'aurais

15 reconnu quelqu'un. Au bout de 15 ans de vie à Bugojno, je suppose que je

16 connaissais beaucoup de personnes de vue. Il y avait beaucoup de soldats

17 venant d'autres villes de Bosnie-Herzégovine. Il y avait le moindre nombre

18 de personnes de Bugojno.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Les 30 ou 40 soldats, vous nous avez dit tout à

20 l'heure en répondant à une question qu'ils avaient un uniforme vert avec

21 bandeaux et brassards. Est-ce que vous avez vu sur leur uniforme des

22 insignes avec une mention d'une appartenance à une unité quelconque ?

23 R. Les seuls insignes sur leurs uniformes c'était leurs insignes aux

24 fleurs de lys qui représentaient l'ABiH.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, si je vous suis, vous vous

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1 êtes rendu à des soldats qui étaient membres de l'ABiH parce que sur leurs

2 uniformes, il y avait un insigne à fleur de lys; c'est bien ce que vous

3 nous dites ? C'était des soldats de l'AbiH ?

4 R. C'est ainsi qu'ils s'appelaient.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez pu échanger des mots avec eux?

6 R. Non.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous êtes parti en détention, puisque nous

8 savons que vous avez, comme vous l'avez dit tout à l'heure, été détenu,

9 vous nous avez dit que cela se passait très mal. Ceux qui vous gardaient,

10 est-ce que c'était les mêmes soldats que ceux qui vous avaient arrêtés ?

11 R. Non.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui vous gardaient, ils avaient également un

13 uniforme avec des insignes ou pas ?

14 R. Ils portaient des uniformes avec des insignes.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Les insignes c'étaient les mêmes que ceux que vous

16 aviez vus, dont étaient porteurs les 30 ou 40 qui vous avaient arrêtés ?

17 Est-ce que c'était les mêmes insignes ?

18 R. Oui.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui vous gardaient, est-ce que c'était des

20 habitants de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que c'étaient des habitants qui

21 n'habitaient peut-être pas à Bugojno, mais qui habitaient dans notre ville

22 ? Est-ce que c'étaient des natifs de la Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Dans le camp Iskra, se trouvaient les gens de Bosnie-Herzégovine et

24 surtout les gens de Bugojno, les gens que je connaissais.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les soldats qui vous gardaient, est-ce qu'ils

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1 étaient de la région ? Est-ce que c'étaient des natifs de la Bosnie-

2 Herzégovine ? Est-ce que c'étaient des compatriotes ?

3 R. Oui. Comme je le dis, oui, les personnes qui nous gardaient au stade

4 étaient les gens de Bugojno.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous étiez militaire, vous étiez gardé par des

6 militaires. Est-ce que vous avez subi un interrogatoire conformément aux

7 conventions de Genève sur les prisonniers de

8 guerre ? Est-ce qu'on vous a demandé votre nom et l'unité à laquelle vous

9 avez appartenu ? Est-ce que vous avez été soumis à un interrogatoire ?

10 R. Oui. Nous avons été interrogé par leur responsable.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'est-ce qu'on vous a demandé lors de ces

12 interrogatoires ? Qu'est-ce qu'on vous a demandé de préciser ?

13 R. Bien sûr, ils nous demandaient à quelle unité nous appartenions, si

14 nous avons participé aux combats, ce que nous avons fait pendant le

15 conflit, et cetera.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu tout à l'heure à la Défense,

17 apparemment en ce qui vous concerne, vous n'avez pas été battu, torturé, on

18 ne vous a pas frappé. En ce qui vous concerne, vous.

19 R. Je pense que vous avez mal compris cela. J'ai été passé à tabac. J'ai

20 été frappé au cimetière de Vrbanja pendant que l'on creusait les tombes. A

21 cause de cela, j'ai passé 25 jours dans leur hôpital. J'ai failli mourir.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais venir à cet épisode du cimetière, mais ma

23 question portait sur les lieux où vous aviez été détenu, c'est-à-dire, le

24 stade ou le gimnazija.

25 J'en viens au cimetière. Vous nous avez expliqué que vous étiez au

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1 cimetière pour faire des travaux et ces travaux consistaient en quoi ?

2 R. Concrètement parlant, s'agissant de moi et quatre autres personnes,

3 nous creusions les tombes pour y enterrer leurs morts. Ceux qui avaient été

4 tués par d'autres près de Vrbas.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était pour enterrer des morts. Des morts du HVO --

6 R. C'est cela.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ou des morts de l'ABiH ? C'étaient des morts de

8 quel camp ?

9 R. Je pense qu'il s'agissait des civils musulmans.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : C'étaient des civils musulmans. Pourquoi avez-vous

11 été emmené à recevoir des coups, alors qu'a priori vous étiez là pour

12 creuser des tombes ? Pourquoi vous avez été

13 battu ? Est-ce que vous pouvez nous donner des indications ?

14 R. Si je ne savais pas pourquoi j'ai été battu, je n'aurais pas été

15 tellement amer. Malheureusement, ces personnes-là me connaissaient. Ils

16 savaient tous qui j'étais, comment j'étais, ce que j'avais fait, que je

17 vivais avec tout le monde, que je ne faisais pas la différence entre les

18 Serbes, les Croates et les Musulmans. Pour moi, les hommes étaient

19 simplement les hommes. J'étais épuisé et je ne pouvais plus travailler. Je

20 ne pouvais plus me tenir debout. J'étais complètement exténué. Pourquoi ils

21 me l'ont fait, il faut leur demander à eux. Je ne peux pas vous répondre.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui vous ont battu, ils étaient en uniforme ou

23 en tenue de camouflage ? Avaient-ils des insignes de l'armée ?

24 R. Ils portaient un uniforme de l'ABiH. Ils y avaient même des membres de

25 la police militaire de l'ABiH parmi eux, et on les reconnaissait à cause de

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1 leur ceinturon blanc.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous expliquez que dans ce cimetière où vous

3 avez été battu, il y avait deux groupes de

4 soldats : des soldats de l'ABiH et également des soldats qui étaient des

5 policiers militaires parce qu'ils avaient un ceinturon caractéristique. Que

6 faisaient là ces policiers militaires d'après vous ?

7 R. Ils sont venus nous tuer. Ils y avaient des liens de parentés entre la

8 famille Velagic, ceux qui ont commis le crime. Ils savaient que je n'avais

9 rien fait, tout comme le feu, Mario, qu'il connaissait, tout comme ils me

10 connaissaient aussi. En ce qui concerne tous les autres soldats au

11 cimetière, ils savaient très bien que nous n'avions rien à voir avec ces

12 meurtres. Vous savez, à Bugojno, tout le monde sait tout sur tout le monde.

13 On savait très bien qui a commis quoi.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous semblez nous dire que les policiers militaires,

15 qui étaient venus pour vous battre, venaient, en fait, se venger de ce qui

16 était arrivé à d'autres, et que l'on vous suspectait d'avoir participé à la

17 commission de crimes. Est-ce que c'est bien ce que vous voulez nous dire ?

18 R. Ils ne pouvaient pas se douter. Ils ne pouvaient pas me soupçonner

19 d'avoir commis ce crime car ils savaient très bien où j'étais, ce que

20 j'avais fait. Même ce policier militaire, Safet Velagic, trois jours avant

21 le conflit, il était avec moi et on avait parlé de toute sorte de choses.

22 Il savait très bien qui j'étais, où j'étais, ce que j'avais fait. Ils ne

23 souhaitaient pas se venger à cause des soupçons à mon encontre concernant

24 ce crime. Tout simplement, ils étaient euphoriques à cause de leur victoire

25 et à cause aussi, je suppose, de la perte de membres de leur famille. Cela,

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1 je peux comprendre à la limite, mais je ne peux pas comprendre que l'on se

2 défoule sur une personne détenue qui n'est coupable de rien du tout. Cela,

3 je n'arrive pas à le comprendre.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous donnez une précision. Vous nous dites

5 qu'un policier militaire, que vous connaissiez, qui s'appelle Safet

6 Velagic, et que Safet Velagic était présent au cimetière et était au moment

7 où vous avez été roué de coups. C'est bien ce que vous voulez nous dire ?

8 R. C'est exact.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce cimetière, où vous étiez avec d'autres en

10 train de faire des travaux, vous nous avez expliqué que vous étiez épuisé.

11 Ils étaient combien, les autres, en tout, policiers militaires et soldats ?

12 Ils étaient combien en

13 nombre ?

14 R. Je crois qu'il y avait quatre ou cinq hommes.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Parmi les quatre ou cinq qui étaient là, est-ce que

16 vous avez pu vous rendre compte que, parmi eux, il y avait un chef, ou ils

17 étaient tous livrés à eux-mêmes ? Est-ce qu'il y avait une autorité qui

18 commandait ceux qui vous gardaient ?

19 R. Muhko Velagic était celui qui était responsable. C'est lui qui a

20 participé à tout cela. C'est lui qui m'a frappé avec Mario. C'est sous ces

21 ordres que toutes ces choses se sont produites, mais il n'y avait pas de

22 chef, à proprement parler.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce Muhko ou Vuko ?

24 R. M-U-H-K-O, Muhko.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été blessé et vous nous avez expliqué que

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1 vous avez été conduit à l'hôpital après.

2 R. C'est exact.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez été à l'hôpital, est-ce que vous

4 avez indiqué au médecin ou à quelqu'un ce qui s'était

5 passé ? Est-ce que vous leur avez dit : voilà, j'ai été blessé ? Comment

6 cela s'est passé ? Est-ce que vous avez dit à ceux qui vous ont soigné, ce

7 qui s'était passé ?

8 R. Oui, j'ai tout expliqué au Dr Karadza.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout expliqué au Dr Karadza. Le Dr

10 Karadza, c'était un docteur militaire ou un docteur civil ?

11 R. Le Dr Karadza était un membre du HVO; c'était un des médecins du HVO.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était un médecin du HVO. Le

13 Dr Karadza, qu'est-ce qu'il vous a dit, suite à la relation des événements

14 que vous avez effectués ? Qu'est-ce qu'il vous a dit, qu'il allait prévenir

15 d'autres autorités ? Qu'est-ce qu'il vous a

16 dit ?

17 R. Le Dr Karadza m'a ausculté et il m'a séparé des autres hommes de sa

18 propre initiative. Les officiers de police ne souhaitaient pas rester là

19 car ils avaient reçu l'ordre de rentrer au gymnase. Le Dr Karadza a réussi

20 à me faire rester à l'hôpital. Je crois que personne n'osait le contrer. Je

21 n'ai reçu aucune visite, personne n'osait venir me rendre visite. Mes amis

22 ne sont pas venus me voir. Je ne sais pas si le Dr Karadza a pu tenir

23 quiconque informé. Je crois qu'il n'osait parler de rien.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que les officiers de police, cela doit

25 être la police militaire. Ils sont repartis à l'école et ils vous ont

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1 laissé seul à l'hôpital; c'est bien cela ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à l'heure, en répondant à une question, vous

4 avez parlé de votre cousin, Mario. Vous avez expliqué que vous étiez dans

5 le camion avec lui. Vous pouvez préciser ce que vous vouliez dire ?

6 R. Nous avions tous deux été frappés en même temps. Lorsque j'ai perdu

7 connaissance, on le battait lui et vice versa. Après tous ces passages à

8 tabac, on nous a jetés tous les deux dans un camion. J'étais en très

9 mauvais état. Mario était encore dans un état pire que le mien. Perica

10 Sistov l'a posé sur ses genoux, a essayé de le tenir dans les bras et,

11 quelques minutes plus tard, Mario a succombé à ses blessures. Il est mort.

12 Nous sommes repartis en direction de la réception.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que, suite aux coups que vous avez

14 reçus, vous et votre cousin, vous vous êtes trouvés dans ce véhicule et

15 que, dans ce véhicule, votre cousin est décédé. Vous avez été témoin visuel

16 de la mort de votre cousin dans ce véhicule.

17 R. C'est exact.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous l'avez vu. Il ne bougeait plus, il était mort.

19 Est-ce que --

20 R. Mes autres collègues, Perica Sistov et d'autres, qui étaient dans la

21 fourgonnette en même temps que moi, m'ont dit et ont établi cela qu'il

22 était mort.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : La fourgonnette, j'essaie de suivre ce que vous nous

24 dites, comme on vous a amené à l'hôpital, le corps de votre cousin, qu'est-

25 il devenu, à ce moment-là ?

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1 R. J'ai déjà expliqué cela. La fourgonnette ne s'est pas rendue à

2 l'hôpital. La fourgonnette est restée près de l'école secondaire et mon

3 cousin a été emmené au centre Médical, qui se trouvait dans un couvent. Il

4 appartenait au 1er Bataillon. Il y avait plusieurs centres d'accueil de ce

5 type. Il y avait plusieurs endroits qui accueillaient ce type de personne.

6 Je ne sais pas combien ils en avaient en tout.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : En répondant à une question, on a cru comprendre --

8 vous allez certainement le confirmer -- que vous avez été libérés après

9 plusieurs mois de détention. Quand vous avez été libérés, on vous a remis

10 un papier, un document. Qu'est-ce qu'on vous a dit le jour où on vous a

11 libérés ? Qu'est-ce qu'on vous a dit ?

12 R. On ne nous a remis aucun document. Lorsque nous étions dans ce centre,

13 la Croix Rouge a établi une liste comportant nos noms. Nous n'avons rien

14 reçu, aucun document. On nous a simplement dit que nous devions nous

15 présenter à l'hôpital pour avoir une consultation. A ce moment-là, la seule

16 chose que nous voulions, c'est être libres à nouveau pour rejoindre notre

17 famille. Je crois que personne d'entre nous ne s'est rendu à l'hôpital pour

18 une consultation. C'est, effectivement, ainsi que les choses se sont

19 passées.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous nous dites est arrivé il y a plus de dix

21 ans. Enfin, j'ai un tic personnel, mais peut-être que les Juges ont la même

22 impression, vous semblez encore avoir des répercussions psychologiques de

23 ce qui vous est arrivé. Est-ce que vous êtes suivi par un médecin ? Est-ce

24 que vous avez des troubles ou vous êtes toujours affecté par ce qui est

25 arrivé ?

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1 R. Oui, pendant cinq ou six ans, j'ai eu un suivi médical, mais cela n'a

2 servi à rien. On m'a dit que j'étais hypocondriaque, donc je n'ai pu

3 rechercher l'aide des médecins. J'essaie de vivre et de vivre avec ma

4 famille normalement. On verra comment les choses évolueront. Pour

5 l'instant, je n'ai aucun suivi médical.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux autres Juges s'ils ont des

7 questions à vous poser ?

8 L'INTERPRÈTE : Monsieur le Juge Swart, veuillez allumer votre micro, s'il

9 vous plaît.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'ai une ou deux questions à vous poser

11 suite à ce qui vient d'être dit. Vous nous avez parlé des passages à tabac.

12 Vous dites que votre neveu avait également été frappé. Vous nous avez

13 également dit que vous avez été soigné à l'hôpital pendant quelque 25

14 jours, je crois. De quoi

15 souffriez-vous ? Quelles étaient vos blessures ?

16 R. J'étais couvert de bleus depuis les cuisses jusqu'à la tête. J'avais

17 des problèmes de reins. J'avais des problèmes au niveau de la vessie. Je

18 souffre encore de problèmes au niveau du rachis car j'avais un hématome

19 dans le dos, et j'en ressens encore les conséquences. Je n'ai même pas

20 envie d'évoquer les problèmes psychologiques qui ont découlé de tout cela.

21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous êtes-vous cassé quelque chose, par

22 exemple, au niveau de la cage thoracique, des bras ou autre chose, des

23 côtes ?

24 R. Non, je ne me suis rien cassé.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Votre cousin, Mario, s'était-il cassé

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1 quelque chose ?

2 R. Je ne le sais pas. Je ne suis pas en mesure de vous le dire. On a

3 procédé à l'exhumation de son corps cinq ou six ans après cela.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A-t-il reçu des

5 coups-de-poing ou des coups de pied ou autre chose ?

6 R. Il a été frappé avec toutes sortes de choses : des crosses de fusil,

7 des bottes, des pierres, des bataillons de police, tout. Ils l'ont traité

8 comme un animal. Ils se comportaient comme des animaux eux-mêmes. La

9 manière dont il a été traité était tout à fait inhumaine.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je vous ai bien compris, vous vous

11 êtes porté volontaire pour effectuer des travaux en dehors de l'endroit où

12 vous étiez détenu.

13 R. Oui, c'est exact.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ceci s'applique-t-il aux travaux que

15 vous avez effectués dans le cimetière ?

16 R. C'est exact.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous vous êtes porté volontaire pour

18 faire ces travaux et que vous êtes frappé, je pense qu'à ce moment-là, vous

19 ne vouliez pas refaire ce travail-là.

20 R. Je ne me serais jamais porté volontaire, mais je ne le savais pas. Je

21 me suis porté volontaire car un de mes collègues, Mladen Barnjak, allait

22 souvent avec ces groupes. Il m'a dit qu'on les envoyait dans les maisons

23 croates pour aller chercher des vivres, et que c'était une bonne occasion,

24 parce que l'on pouvait changer de vêtements et trouver de la nourriture.

25 C'est, effectivement, ce que j'ai pensé si, moi-même, je faisais la même

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1 chose.

2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous y avez travaillé pendant quelque

3 15 jours, je crois, n'est-ce pas ?

4 R. Non, malheureusement, cela n'est pas, effectivement, ce qui s'est

5 passé. Il y a eu un temps au cimetière et une quinzaine de jours que j'ai

6 passé sur la ligne de front où je creusais des tranchées. Lorsque j'ai

7 parlé d'une quinzaine de jours, je faisais référence à cela.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Combien de jours avez-vous travaillé

9 dans le cimetière ?

10 R. Deux, trois ou quatre heures, et non pas des jours. Mais cela me

11 semblait comme une éternité.

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Là aussi, c'était un travail bénévole ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense, avez-vous des questions à poser ?

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, j'ai quelque questions. Avant de

17 poser mes questions, je crois que l'on va donner à mon confrère l'occasion

18 de prendre la parole également. Je ne sais pas qui va poser les questions

19 au témoin en premier, étant donné qu'il s'agit d'un témoin de l'Accusation

20 --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est l'Accusation qui a la parole en dernier. Il

22 vaudrait mieux que vous commenciez, ensuite, l'Accusation pourra poser des

23 questions. Le cas échéant, s'il y a des éléments nouveaux –-

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

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1 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, vous m'avez dit il y a quelques

2 instants, que Dragan Keskic; Perica Sistov; votre cousin, Mario; Zeljko

3 Milos; et d'autres ont travaillé dans ce même cimetière.

4 R. C'est exact.

5 Q. Mis à part votre cousin qui est décédé, malheureusement, ces personnes,

6 c'étaient des gens qui ont été témoins de ce qui vous est arrivé à vous,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Ils n'auraient pas, quant à eux, de raison de présenter les choses de

10 façon autre que cela n'a, effectivement, été le cas, n'est-ce pas ?

11 R. Certes.

12 Q. Ces personnes aussi ont été entendues, à savoir, ont fait des

13 dépositions auprès du conseil, M. Vukadin, pour ce qui est des événements

14 qu'ils ont vécus, tout comme vous l'avez fait. Etiez-vous au courant de la

15 chose ?

16 R. Non.

17 Q. Si, à présent, je vous disais que Perica Sistov, dans sa déclaration,

18 faite auprès du conseil de la Défense, a dit que, pendant les premiers

19 temps où vous avez été gardés, vous avez été gardés par des gardiens qui

20 étaient au nombre de deux, alors que vous étiez six à travailler. Il a dit

21 : "Ils nous ont laissé travailler tranquillement, ils ne nous ont pas

22 provoqués, ils ne nous ont pas malmenés de quelque façon que ce soit. Ils

23 nous ont donné à boire, ils nous ont même donné des cigarettes." Cette

24 déclaration se trouverait-elle à être conforme à la vérité, à votre avis ?

25 R. Non.

Page 10083

1 Q. Si Perica Sistov a déclaré qu'à l'époque, où 14 autres prisonniers sont

2 arrivés, parmi lesquels Mario Zrno aussi était là, et que, par la suite, il

3 en est venu une dizaine d'autres hommes musulmans. Il a reconnu Zilhad

4 Hodzic, dont le père avait travaillé à la pompe à essence, et Pelagic Mujo

5 [phon], qui a travaillé en direction de Gornji Vakuf. C'est là que les

6 mauvais traitements ont commencé. "Nous n'avons pas été malmenés par Zilhad

7 Hodzic, qui me connaissait, parce que nous avions travaillé ensemble. Peut-

8 être se sentait-il mal à l'aise de ce fait, et il s'est mis à l'écart du

9 groupe et a observé ce qui se passait. Je ne peux pas confirmer avec

10 précision, pour ce qui est de savoir qui est-ce qui a battu Vinko et Mario,

11 parce que les personnes présentes, je ne les connaissais pour l'essentiel

12 pas du tout, ou je les connaissais, mais mal. Je crois que ceux, qui ont

13 vécu avec eux à Vrbanja, peuvent témoigner de la chose parce qu'ils les

14 connaissaient forcément."

15 Est-ce qu'une déclaration de cette nature, de la part de Perica Sistov,

16 correspondrait à la description exacte ?

17 R. Oui, la description est exacte parce qu'eux avaient tourné le dos

18 pendant qu'ils étaient en train de creuser. Ils n'osaient pas regarder

19 derrière. C'était conforme aux ordres qui leur ont été donnés.

20 Q. Monsieur Zrno, s'agissant d'un même événement, Dragan Keskic a dit à

21 leur sujet ce qui suit : "Pour ce qui est de ces assainissements du

22 terrain, pour ce qui est des membres de l'armée musulmane et de leurs

23 civils, qui ont péri dans les conflits, cela est normal parce qu'il

24 s'agissait de secteurs de combats où il y avait eu des échanges de tirs.

25 C'est la raison pour laquelle on ne savait pas qui était civil et qui était

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1 soldat. On ne savait pas qui tirait et qui ne tirait pas. C'est la raison

2 pour laquelle on a envoyé des gens de chez nous. L'une de ces personnes,

3 c'était le décédé Zrno Mario, qui, à l'occasion de l'enfouissement et de

4 l'exhumation de certaines tombes, s'est vu tué à coups de pelle et à coups

5 de pic ou autres objets qui se trouvaient à porter de main de ces gens-là.

6 Ce qu'il importe de dire, c'est que le policier de la brigade, qui se

7 trouvait là, et ceux qui nous gardaient, tout simplement, n'ont pas pu être

8 en mesure de nous aidés. Mario Zrno a été battu par tout à chacun : par les

9 femmes, par les personnes âgées qui étaient en colère parce qu'ils avaient

10 perdu des leurs."

11 Est-ce que ce témoignage, de la part de Keskic Dragan correspondrait aux

12 événements tels qu'ils sont produits au cimetière de Crnice ?

13 R. Oui.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais maintenant à ce que l'on

15 montre au témoin un document qui a été confié à la Défense en date du 18

16 février 2004. Cela nous a été fourni par l'Accusation. Nous avons des

17 copies en nombre suffisant. La chose s'est faite en vertu de l'application

18 de l'Article 68. Nous avons des copies pour les Juges de la Chambre, pour

19 le Greffe, et pour nos confrères et consoeurs de l'Accusation.

20 Q. Si, maintenant, Zeljko Milos a fait une déclaration au Procureur le 16

21 février 2004 à 10 heures pour dire : "Pendant que

22 M. Milos était en train de creuser des tombes à Crnice, en début août 1993,

23 en sa qualité de prisonnier de l'ABiH, l'un des deux frères, et il s'agit

24 des frères Velagic, Safet et Muhko Velagic, l'un des deux frères a frappé

25 deux fois un prisonnier, Marko Zrno, avec sa pelle.

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1 M. Zrno a perdu connaissance, a dit Milos, et M. Zrno n'est pas retourné

2 avec M. Milos et les autres prisonniers vers le salon d'exposition de

3 meubles où il avait été interné auparavant. Les frères, nommés par Zeljko

4 Milos, se trouvent Safet et Muhko Velagic qui sont deux Musulmans de

5 Bosnie. Les deux étaient des civils a déclaré Milos. S'agissant du

6 cimetière, ils se sont trouvés là-bas pour les funérailles de personnes

7 décédées."

8 Est-ce que cette déclaration de la part de Zeljko fournit une description

9 exacte des évènements ou non ?

10 R. M. Muhko Velagic portait un uniforme de l'ABiH. Je l'affirme et je le

11 répète.

12 Q. Merci.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense propose

14 ce document pour versement au dossier en tant que pièce de la Défense.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.

16 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] L'Accusation soulève aucune objection

17 en l'application de l'Article 68. Nous avons précisé que nous ne soulevions

18 aucune objection.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, donnez-nous un numéro pour ces

20 deux documents, s'il vous plaît.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

22 les Juges, le document portera la pièce numéro DH341, et dans la traduction

23 B/C/S, DH341/B/C/S.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

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1 de questions.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres avocats.

3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 La Défense de M. Kubura n'a pas de questions à poser.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux demander quelque chose au

8 conseil de la Défense ?

9 M. LE JUGE ANTONETTI : En principe, c'est la Défense qui demande, mais vous

10 pouvez vous adresser à moi, et je verrais. Dites-moi ce que vous vouliez

11 dire.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur les Juges. Je voudrais demander à la Défense et au conseil de la

14 Défense où sont les autres personnes qui figurent sur la liste, qui se

15 trouvait entre les mains de cette dame, et où sont leurs dépositions ?

16 Qu'on nous dise où est Niko Dzaja, qu'on nous dise où est Zoran Galic,

17 lisez cela, Madame. Donnez lecture de cela, Madame.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre a pris note de ce que vous dites.

19 Madame Benjamin, est-ce que vous avez des questions à poser au témoin ?

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, deux questions

21 simplement.

22 Nouvel interrogatoire par Mme Henry-Benjamin : [interprétation]

23 Q. M. Zrno a répondu à la question du juge Swart, à propos de la question

24 qui a été posée par le président de la Chambre, d'avoir été informé des

25 conventions de Genève, vous avez été interrogé par les supérieurs

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1 conformément hiérarchiques, conformément aux conventions de Genève.

2 Pourriez-vous vous dire à la Chambre de première instance qui était ces

3 supérieurs hiérarchiques que vous avez évoqués ?

4 R. Je connais ce monsieur, en sa qualité de juriste qui travaillait à

5 Bugojno. C'est là un compatriote à moi, originaire de Tomislavgrad. Il a

6 été très aimable, très correct. Je vous ai déjà dit ce qu'il m'a posé comme

7 questions. Nous avons rédigé une déposition, et c'est à peu près tout.

8 Q. Merci. En ce qui concerne les noms qui viennent d'être lus, pourriez-

9 vous nous dire, s'il vous plaît, hormis les deux qui ont été évoqués --

10 pourriez-vous nous dire ce que vous savez à propos de ces personnes

11 maintenant ?

12 R. Ce que j'en sais, c'est que je les ai vus. Niko Dzaja, je l'ai vu pour

13 la dernière fois à ce cimetière. Pour ce qui est de Zoran Galic, je l'ai

14 revu plus tard au stade. Les autres 18, qui ont été emmenés pour à être

15 interrogés dans la banque BH, cela on a plus rien su à leur sujet. M.

16 Strujic, qui a beaucoup aidé l'ABiH, non celle, notamment, à Prucac [phon],

17 c'est lui, il a disparu. Je ne l'ai plus revu du tout. Peut-être ils

18 pourraient répondre à ces questions-là, pour ce qui est de savoir où sont

19 ces hommes. On ne sait pas où sont leurs ossements non plus.

20 Q. Merci.

21 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus

22 de questions supplémentaires.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur, votre audition vient de se terminer.

24 Nous vous remercions d'être venu à La Haye pour témoigner à la demande de

25 l'Accusation. Vous avez répondu à l'ensemble des questions qui ont été

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1 posées par l'Accusation, par les avocats des accusés, par les Juges, même.

2 Nous vous avons écouté attentivement et nous vous souhaitons, dans la vie

3 que vous êtes en train de construire actuellement, nos meilleurs vœux de

4 réussite. Je formule également que vous effectuez un bon voyage de retour.

5 A cette fin, je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous

6 raccompagner à la porte de la salle d'audience afin que la section des

7 Témoins vous prenne en charge pour vous acheminer soit vers l'hôtel, soit

8 vers l'avion de retour.

9 Je vous remercie, Monsieur.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

11 J'aimerais, si vous me le permettez, soulever une autre question. Vous en

12 posez une, de fait, à vous.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y. Que voulez-vous nous dire ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je regrette parce que je suis venu ici en ma

15 qualité de témoin. Je ne connais pas les accusés. Où sont les accusés pour

16 Bugojno : Jelac Abdula, Dautovic Senad, qui ont été les principaux fautifs

17 des conflits à Bugojno ? Ce sont eux qui se trouvaient à la tête des

18 activités. C'est cela que j'aimerais savoir.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre n'est pas saisie de leurs cas, donc je ne

20 peux pas vous répondre à la question que vous soulevez.

21 Je vous remercie, et je demande à Mme l'Huissière de bien vous

22 raccompagner.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie aussi.

24 [Le témoin se retire]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne maintenant vers l'Accusation.

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1 Concernant les documents que j'avais évoqués, avez-vous pu, pendant la

2 pause, faire le point ? Je règle la question de documents et je vous

3 redonne la parole tout de suite.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela se rapportait

5 à la pièce précédente. Peut-être serait-il préférable de faire en sorte que

6 cela fasse partie du témoignage. Pour les besoins du compte rendu

7 d'audience, je tiens à informer les Juges de la Chambre que le document que

8 nous avons versé en sa qualité de pièce de la Défense, c'est un document

9 qui nous a été confié par le bureau du Procureur, qui a retiré à une date

10 déterminée, le témoin qui devait être entendu par la Chambre. Comme je ne

11 l'ai pas expliqué à l'occasion de cette proposition de versement au dossier

12 du document, j'ai estimé que j'étais tenue d'en informer les Juges de la

13 Chambre. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie pour cette précision.

15 Madame Benjamin, nous revenons à nos documents.

16 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que

17 je vais commencer par les documents les moins compliqués. Je suis heureuse

18 de pouvoir annoncer à la Chambre de première instance que j'ai certains

19 textes qui ont été traduits et je peux vous les remettre. Il s'agit de la

20 traduction française de 12 documents. La pièce de l'Accusation était P208,

21 en anglais, P214, 223, 225, 227, 264, 273, 311, 378, 379, 380. Je suis

22 heureuse de pouvoir vous remettre les traductions françaises et demande à

23 ce qu'elles soient versées au dossier. L'anglais et le B/C/S l'ont déjà

24 été.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces pièces ont un numéro en B/C/S et en anglais. Il

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1 faut leur donner un numéro en français.

2 Monsieur le Greffier.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] La traduction de la pièce 208 aura la

4 cote 208/F; la traduction française de P214 aura la cote numéro 214/F; la

5 traduction française de la pièce P223 aura la pièce P223/F; P225 aura la

6 cote P225/F; pour la traduction française, la pièce P226 aura le numéro de

7 cote P226/F; la traduction française de la pièce P227 aura la cote P227/F;

8 et la traduction française de la pièce P264 aura la cote numéro P264/F; la

9 traduction française de la pièce P -- pardonnez-moi, P273 aura la cote

10 P273/F; la traduction française de la pièce P311 aura la cote P311/F; la

11 traduction française de la pièce P378 aura la cote P378/F; la traduction

12 française de la pièce P379 aura la cote P379/F; et la traduction française

13 de la pièce P380 aura la cote P380/F.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Madame Benjamin, vous avez toujours la

15 parole.

16 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Eu égard aux problèmes de traduction,

17 la plupart des traductions ont été remises. Il s'agit d'un premier "G", et

18 on m'a précisé que certaines traductions n'avaient pas de premier "G", mais

19 que toutes ces traductions seront prêtes vendredi, ce qui signifie que

20 toutes les traductions seront terminées d'ici jeudi.

21 Ensuite, en ce qui concerne les documents comportant des numéros du bureau

22 du Procureur internes, et nous ne savions pas s'il s'agissait de documents

23 comportant un numéro commençant par "P" ou s'il s'agissait de documents

24 contestés, certains d'entre eux ont attiré notre attention. A l'exception

25 d'un document, je souhaite faire la demande pour retirer celui-ci. Il

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1 s'agit des numéros internes 950, 952, 958, 959, 960, 962, 963, 964 et 965.

2 Ces documents portent une date qui est antérieure à l'acte d'accusation et

3 pour ces raisons, l'Accusation souhaite les retirer.

4 Eu égard au document 963, il s'agit du même problème que celui du document

5 contesté 451. Il me semble que le document 451 a été versé au dossier et

6 par la suite la Chambre a demandé à ce que l'intégralité du document soit

7 versée. Je crois que cela, effectivement, a été fait. Le 953 est

8 véritablement le document contesté 451.

9 Je vais en ma qualité m'assurer que tous les documents soient transmis à la

10 Chambre de première instance d'ici jeudi comme je vous l'ai promis.

11 Je crois que tout ceci a été réglé, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre comprend à la lecture du transcrit et en

13 vous écoutant que vous retirez les documents qui sont sous les numéros 950,

14 952, 958, 959, 960, 962, 963, 964 et 965 parce que ces documents sont hors

15 du champ temporel de l'Accusation. Vous les retirez.

16 Vous signalez que le document 953, en réalité, est relié au document 451.

17 Le document 451 est, semble-t-il, un extrait et le document 953 est un

18 document global. Le 953 est relié au 451. C'est bien ce que vous nous

19 dites ?

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est

21 exact.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : En suivant vos explications, la question pour

23 l'Accusation des documents est totalement résolue à ceci près qu'il y a

24 encore quelques documents qui sont en cours de traduction et qui vont nous

25 être remis au plus tard jeudi. Nous allons, bien entendu, re-vérifier cela,

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1 comme nous le faisons depuis des semaines. Apparemment, cette affaire est

2 en bonne voie.

3 Comme je l'ai indiqué hier, nous rendrons normalement notre décision

4 définitive sur les documents vendredi. Nous le rendrons vendredi. Cette

5 décision qui est très longue parce qu'il y a plusieurs pages, est en cours

6 de finalisation sur certains points. Vous l'aurez vendredi. Elle sera

7 enregistrée au Greffe aux alentours de midi, 13 heures. Vous aurez ce

8 document sur l'admission de moyens de preuve écrits, déposés par

9 l'Accusation.

10 A partir de là, comme nous l'avons indiqué, hier, nous tiendrons,

11 normalement, l'audience finale le vendredi 23 juillet.L'audience est

12 prévue, d'ailleurs, au planning, à 9 heures. Cette audience, comme je l'ai

13 indiqué hier, se décomposera en deux temps. D'une part, le Greffier nous

14 donnera les numéros définitifs des documents, qui auront été émis

15 conformément à notre décision, qui sera rendue une semaine avant. Le

16 Greffier annoncera les numéros. Peut-être pour gagner du temps, il pourra

17 même préétablir un document, document avec un numéro "P" avec les chiffres

18 qui succéderont. Après cela, la Chambre donnera la parole à Mme Benjamin

19 pour qu'elle prononce la déclaration finale comme quoi elle a terminé la

20 présentation au niveau de l'Accusation des moyens de preuve. Ce sera

21 l'audience de vendredi, 23 juillet.

22 Après, nous entrerons dans le canevas que nous avons indiqué sur le

23 calendrier, tel que nous l'avons décidé par une décision orale qui a été

24 rendue hier.

25 A ce stade, est-ce que les Défenseurs ont quelque chose à nous dire ? Me

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1 Residovic me dit oui de la tête, donc je lui donne la parole.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pendant l'audition

3 du Témoin ZP, nous avons proposé deux documents pour versement à titre

4 d'identification en attendant l'achèvement de la traduction de ces

5 documents. Il s'agit du DH217 ID et DH218 ID. Le service de Traduction nous

6 a confié les versions traduites desdits documents. Aussi vous demanderais-

7 je de bien vouloir remettre aux Juges de la Chambre, au Greffe et à

8 l'Accusation les copies de ces documents. Je demanderais au Greffier de

9 leur attribuer une cote définitive.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, il y avait deux documents, DH217 et

11 DH218, qui avaient eu un numéro aux fins d'identification. Nous avons les

12 traductions qui nous sont fournies concernant la position de l'Accusation

13 sur ces deux documents. Quelles sont vos observations ? Le DH218 est un

14 tableau et le DH217, étant la traduction d'un document émanant de M. Bisic.

15 C'est une instruction sur la coopération entre la Défense civile et les

16 forces armées en temps de guerre, au sein de la République de Bosnie-

17 Herzégovine. Quelle est votre position ?

18 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation

19 ne soulève aucune objection.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, ces deux numéros, les ID

21 deviennent définitifs.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

23 les Juges, le document DH217 ID aura le numéro de cote définitif DH217, et

24 la traduction anglaise, la cote DH217/E. Le document DH217 ID aura la cote

25 DH218, et la traduction anglaise, la cote DH281/E.

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons encore

2 une petite requête. Au moment où nous avons entendu le Juge Vlado Adamovic,

3 en sa qualité de témoin, nous avions proposé un PV, un constat, rédigé à

4 l'occasion du décès de quatre membres du HVO, avec une traduction partiale.

5 Les Juges de la Chambre ont accepté cet élément de preuve, et cela a obtenu

6 une cote, le DH340. La Défense vient de se procurer la traduction entière

7 du constat, du PV. Nous proposons que cet élément de preuve, qui a déjà été

8 versé au dossier, soit tout simplement remplacé par l'intégralité de la

9 traduction.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez le document ? Au DH340, à l'origine, il y

11 avait que des brides de traduction. Là, on a un document qui est maintenant

12 complet. Il faut en donner à Mme Benjamin.

13 C'est un document complet établi, le 15 avril 1993, sur le site d'une

14 investigation menée par le Juge Mirsad Strika [phon].

15 Madame Benjamin, pas d'opposition à la substitution de l'ancien document au

16 nouveau document ?

17 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Non, aucune objection, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, le document que la Défense

20 nous remet ce jour, est le document qui est sous la cote DH340, et l'ancien

21 document est remplacé par ce nouveau document.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] DH340/E, ce document qui a été

23 initialement versé, sera remplacé par la nouvelle version qui vient d'être

24 versée.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

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1 La Défense, vous avez toujours la parole.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, nous n'avons

3 plus de requêtes à formuler. Merci.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, vous avez pris connaissance du mémo.

5 A ce stade, nous ne l'avons pas, nous n'avons pas eu le temps de le

6 regarder. Mais vous ?

7 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Je préfère attendre que la

8 Chambre ait pris connaissance du mémo, que j'aie pu avoir le temps

9 d'analyser la réponse. Ensuite, peut-être, lors de la dernière audience, le

10 cas échéant, je ferai des remarques. Merci, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon.

12 Je me tourne vers les autres avocats pour leur donner la parole.

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Nous n'avons pas de commentaires à faire en complément.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : L'ordre du jour de cette audience étant épuisé, je

16 suis conduit à lever l'audience. Je vous invite tous à revenir pour

17 l'audience qui se tiendra vendredi, 23 juillet à

18 9 heures.

19 --- L'audience est levée à 17 heures 06 et reprendra le vendredi 23 juin

20 2003, à 9 heures.

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