Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 18 octobre 2004

2 [Audience publique]

3 Déclaration liminaire de la Défense

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

7 de l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. L'affaire

9 IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur le Greffier. Je vais

11 demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci. Bonjour

13 à toutes les personnes présentes dans le prétoire. Pour l'Accusation, nous

14 avons Mme Benjamin, M. Mundis et M. Andres Vatter.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais me tourner vers les avocats de la Défense.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Madame, Monsieur les Juges. Pour la Défense du général Hadzihasanovic est

18 Edina Residovic, Stéphane Bourgon et Mme Mirna Milanovic.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Je me tourne maintenant vers les

20 autres avocats de la Défense.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour la

22 Défense de M. Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et M. Mulalic.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre de première instance salue toutes

24 les personnes présentes. Je salue les représentants de l'Accusation, les

25 avocats, les accusés ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience

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1 sans oublier les interprètes dans leur cabine. Nous reprenons donc le cours

2 de ce procès après l'interruption liée, d'une part à l'Article 98 bis et

3 également la période de vacances judiciaires.

4 Mais on va, avant de donner la parole à la Défense pour la déclaration

5 liminaire, je me tourne vers l'Accusation pour lui dire ceci. La Chambre

6 demande à l'Accusation si elle a l'intention de répliquer à la réplique de

7 la Défense qui a été déposée le 15 octobre, c'est-à-dire vendredi dernier,

8 dans la mesure où la Chambre donne a posteriori son autorisation à la

9 Défense de présenter cette réplique.

10 Comme vous le savez, en vue de la certification d'un appel, la

11 Chambre nous a saisis par requête, l'Accusation a répondu, et vendredi

12 dernier, la Défense a fait une nouvelle réplique tout en demandant

13 l'autorisation. Cette autorisation est accordée a posteriori, compte tenu

14 des délais. Mais comme l'Accusation peut répliquer, la Chambre voudrait

15 savoir si l'Accusation veut répliquer, et dans cette hypothèse, la Chambre

16 accorderait trois jours de délai à l'Accusation.

17 Monsieur Mundis, pouvez-vous nous indiquer votre position ?

18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 L'Accusation n'a rien à ajouter. Nous n'allons pas vous communiquer

20 d'écritures concernant la délivrance de ce certificat.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. La Chambre en délibérera

22 tout à l'heure et nous rendrons une décision, qui sera de toute façon

23 orale, compte tenu du fait qu'il y aura une décision qui interviendra par

24 écrit.

25 Avant de donner la parole à la Défense pour sa déclaration, nous

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1 avons reçu, de la part de la Défense, le planning des témoins à venir. Nous

2 avons trois témoins qui sont prévus cette semaine. Un témoin qui va déposer

3 pendant une heure et demie; ensuite, un deuxième où il est prévu six

4 heures; et un troisième qui est prévu pour une durée d'une heure et demie.

5 Conformément à notre demande, la Défense a indiqué la liste des documents

6 susceptibles d'être versés. Cette liste répertorie les numéros qui figurent

7 dans sa liste, qui a été révisée le 11 octobre. Nous avons un planning pour

8 la semaine à venir. J'ai demandé, la dernière fois, à la Défense, de nous

9 produire un planning sur 15 jours, sur deux semaines. Il faudrait que nous

10 ayons également votre planning pour la semaine prochaine, et puis l'autre

11 semaine, dans la mesure du possible.

12 Ceci étant dit, je donne la parole à la Défense pour la déclaration

13 qu'elle doit faire.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que de céder

15 la parole à mon confrère, M. Stéphane Bourgon, j'aimerais auparavant vous

16 informer, si vous le permettez, de quelque chose concernant la décision que

17 vous venez de rendre. La Défense a accepté la suggestion que vous avez

18 faite, et elle se propose de faire de son mieux pour fournir les témoins

19 envisagés et les documents prévus, dans un délai de 15 jours. Jusqu'à

20 présent, cela n'a pas été possible parce que nous avions prévu d'entamer la

21 défense avec un témoin en matière d'histoire. Mais suite à une décision de

22 la Chambre, nous avons dû procéder à des modifications pour ce qui est de

23 l'ordre des comparutions. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas

24 été en mesure de fournir une liste dans le délai de 15 jours.

25 Ce que je voudrais vous demander en deuxième position c'est que, s'agissant

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1 du premier témoin en vertu de la liste présentée, il est prévu une heure et

2 demie, mais j'aimerais que la Chambre de première instance envisage la

3 possibilité de voir cela durer un peu plus longtemps, parce que nous avions

4 pensé que ce témoin viendrait après certains témoins auparavant afin que la

5 Chambre soit informée de certains faits. Mais la Chambre est informée par

6 la Défense du fait que ces témoignages seront terminés cette semaine-ci, ce

7 qui fait que nous ne demanderons pas de prolongation ultérieurement.

8 Maintenant, pour ce qui est des propos liminaires, Monsieur le Président,

9 d'après l'équipe de la Défense, ces propos liminaires devraient être

10 présentés par mon confrère Stéphane Bourgon. Merci de votre attention.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Maître. Je vais donner la parole à

12 votre co-conseil, Maître Bourgon.

13 M. BOURGON : Qu'il plaise à la Cour, j'aimerais présenter tous les membres

14 présents dans ce prétoire. Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame

15 le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. J'ai l'honneur aujourd'hui de

16 m'adresser à la Chambre pour faire la déclaration liminaire de la Défense

17 conformément à l'Article 84 du Règlement de preuve et de procédure.

18 D'entrée de jeu, Monsieur le Président, je n'hésite pas à vous dire qu'il

19 ne s'agit pas d'une mince tâche. D'ailleurs, pour tout dire, je dois avouer

20 que je me suis longtemps posé la question, à savoir, ce que je devais

21 inclure dans une telle déclaration. Si je plaidais aujourd'hui devant un

22 jury, cela ne me poserait pas vraiment de problèmes. Si j'étais devant la

23 cour martiale au Canada, comme j'avais l'habitude de le faire, je saurais

24 exactement quoi dire.

25 Mais quel genre de déclaration liminaire faire devant une Chambre du

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1 Tribunal pénal international ? C'est une autre question. C'est pour cette

2 raison, Monsieur le Président, qu'après en avoir discuté avec ma collègue,

3 j'ai décidé d'opter pour le contenu suivant, c'est-à-dire que la

4 déclaration liminaire de la Défense portera sur les objectifs suivants : au

5 cours de cette déclaration, Monsieur le Président, d'une durée d'environ

6 trois heures, je compte tout d'abord identifier les enjeux du procès de

7 l'accusé. Je profite de cette occasion pour vous mentionner que devant

8 vous, sur vos écrans, vous avez le plan que je compte suivre tout au long

9 de cette déclaration liminaire afin de vous permettre de mieux suivre mes

10 propos.

11 Comme je le disais, la première chose que j'entends couvrir au cours de la

12 déclaration liminaire sera d'identifier les enjeux du procès de l'accusé.

13 Par la suite, je compte dresser un bilan des procédures à ce jour et

14 identifier les aspects de la preuve du Procureur, de la preuve de

15 l'Accusation, dis-je, qui seront contestés au cours de la présentation des

16 moyens à décharge. Evidemment, je profiterai également de cette déclaration

17 pour informer la Chambre de la preuve qui sera offerte, de quelle façon et

18 pourquoi cette preuve sera offerte. Enfin, nous souhaitons, Monsieur le

19 Président, offrir à la Chambre une grille d'analyse pour les moyens à

20 décharge qui seront entendus.

21 Sur ce, Monsieur le Président, j'attire votre attention sur l'écran

22 devant vous afin de voir le plan exact que j'entends suivre au cours de

23 cette déclaration. Tout d'abord, Monsieur le Président, je commencerai par

24 une introduction qui s'effectuera sur les enjeux de la défense de l'accusé.

25 Il y aura neuf sections qui seront les suivantes : je traiterai tout

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1 d'abord de la norme de référence et du niveau de prudence exigé de la part

2 d'un commandant. J'aborderai ensuite la théorie de l'Accusation. Nous

3 croyons que cela est tout à fait pertinent et important à ce stade-ci afin

4 de permettre à la Chambre de mieux évaluer les moyens à décharge qui seront

5 présentés. Je traiterai ensuite des facteurs relatifs à l'accusé : qui est-

6 il; qu'avons-nous déjà appris de lui; et qu'allons nous apprendre de lui au

7 cours de la présentation des moyens à décharge. Evidemment, nous aborderons

8 les moyens à charge qui ont été présentés par l'Accusation et ceux qui

9 seront contestés de façon spécifique. Nous parlerons aussi, bien entendu,

10 comme nous l'avons fait depuis le début de ce procès, de l'importance du

11 contexte.

12 Sur la prochaine page qui apparaît sur votre écran, Monsieur le

13 Président, vous voyez les prochaines sections de la déclaration liminaire.

14 Tout d'abord, nous aborderons la question des témoins qui seront présentés

15 par la Défense. Nous aborderons également le facteur moudjahiddine. Je

16 ferai quelques observations sur le droit applicable en l'espèce.

17 Finalement, j'aborderai les moyens à décharge qui seront présentés au cours

18 de la Défense. Le tout sera suivi, bien entendu, d'une conclusion où je

19 demanderai à la Chambre, ou je suggérerai à la Chambre une grille d'analyse

20 pour la fin du procès.

21 J'aborde maintenant, Monsieur le Président, l'introduction.

22 L'introduction sera divisée selon les cinq points suivants. Je crois qu'il

23 est important, Monsieur le Président, d'aborder les devoirs des conseils de

24 la Défense au moment de la présentation des moyens à décharge, de la

25 stratégie qui sera suivie par la Défense de façon plus spécifique, comme je

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1 le mentionnais, les enjeux du procès de l'accusé. J'aborderai également le

2 but de la Défense au cours de la présentation des moyens à décharge, enfin,

3 Monsieur le Président, le défi auquel nous convions la Chambre au cours de

4 cette phase du procès.

5 Concernant les devoirs des conseils de la Défense, au moment

6 d'entreprendre, Monsieur le Président, la présentation des moyens à

7 décharge, nous croyons qu'il est opportun de faire le point sur notre

8 devoir en tant que conseil de la Défense. Tout d'abord, comme la Chambre le

9 sait, tous les conseils de la Défense sont liés par le code de déontologie

10 pour les avocats exerçant devant le Tribunal international. Ce code énumère

11 nos devoirs et nos responsabilités, avant tout envers notre client, mais

12 également envers le Tribunal et le public. C'est pourquoi, Monsieur le

13 Président, nous faisons nôtre cette citation qui nous rappelle nos devoirs

14 en accord avec l'accusé, c'est-à-dire, d'explorer chaque piste possible

15 sans crainte et sans égard à nos intérêts personnels afin de présenter le

16 plus clairement possible les questions pertinentes de faits et de droits

17 tout en évitant les pertes de temps. Monsieur le Président, c'est ce que

18 nous nous efforçons de faire depuis le début de ce procès, et c'est ce que

19 nous continuerons de faire dans le plus grand respect du Tribunal

20 international.

21 Concernant la stratégie de la Défense, pour nous, Monsieur le

22 Président, il n'y a qu'une seule façon de procéder dans ce dossier. Pour

23 nous, il nous faut absolument au moment où nous allons présenter les moyens

24 à décharge, faire en sorte que la Chambre se place exactement dans la

25 position de l'accusé. La théorie de l'Accusation que vous avez entendue

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1 pendant huit mois n'est qu'un côté de l'histoire. Maintenant, nous abordons

2 la phase de la Défense. C'est l'occasion pour l'accusé de présenter sa

3 version des faits soit les moyens à décharge. Il ne s'agit pas, Monsieur le

4 Président, de notre avis, d'une continuation de la présentation des moyens

5 à charge. Notre objectif au cours de cette phase, tout comme la Chambre,

6 est la recherche de la vérité. Toutefois, il en résulte, Monsieur le

7 Président, que notre but n'est certes pas de confirmer la thèse de

8 l'Accusation; bien au contraire. Pendant près de huit mois, l'Accusation a

9 adopté une approche qui, selon nous, est minimaliste et restrictive en

10 demandant à la Chambre de ne pas prendre en considération le contexte

11 global. Vous le savez, Monsieur le Président, notre approche est tout

12 autre. Pour utiliser une image, je vous dirai, Monsieur le Président, que

13 l'Accusation vous a montré des arbres, mais qu'elle a manqué la forêt. Qui

14 plus est, Monsieur le Président, ces arbres, quelquefois, portaient des

15 feuilles alors qu'à plusieurs reprises, ils étaient déjà morts. Comme je le

16 disais, pour nous, il n'y a qu'une seule façon d'aborder ce procès; c'est

17 de faire en sorte que vous puissiez vous placer, Monsieur le Président,

18 dans la peau de l'accusé.

19 Nous a avons déjà eu l'occasion de mentionner de l'importance de l'affaire

20 Rendulich. Nous croyons utile, à ce stade-ci, d'en rappeler la teneur. Le

21 général Rendulich, Monsieur le Président, était un général allemand.

22 Général qui a reçu l'ordre d'effectuer un repli sur plusieurs centaines de

23 kilomètres. Pourquoi ? Parce que l'armée russe approchait et poursuivait

24 son corps d'armée. En exécutant cet ordre, Monsieur le Président, le

25 général Rendulich a pris la décision de pratiquer la politique de la terre

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1 brûlée pour laquelle il a d'ailleurs été accusé dans le cadre du procès

2 mieux connu sous l'appellation "high command trial", "procès du haut

3 commandement". La conclusion des Juges a été la suivante, Monsieur le

4 Président : avec les informations que possède la Chambre aujourd'hui, il

5 n'y a pas de doute que l'accusé n'avait pas de raison de pratiquer la

6 politique de la terre brûlée. Toutefois, pour lui, à l'époque, selon les

7 circonstances pertinentes du moment, en fonction de ce qu'il pouvait faire

8 et de ce qu'il a fait, sa décision était raisonnable, et il a été acquitté

9 de ce chef d'accusation.

10 Le principe Rendulich, Monsieur le Président, est un principe qui a été

11 repris à plusieurs reprises, notamment dans le cadre des négociations au

12 cours de la conférence diplomatique qui a mené à l'adoption des protocoles

13 additionnels aux conventions de Genève.

14 L'affaire Rendulich est maintenant mieux connue dans le domaine militaire

15 et dans le domaine du droit international humanitaire, à titre de la

16 modification ou l'amendement Rendulich. C'est-à-dire que plusieurs états,

17 au moment de ratifier le projet de protocole additionnel aux conventions de

18 Genève, notamment le premier protocole additionnel, ont insisté pour

19 ajouter à leur instrument de ratification une déclaration d'interprétation

20 disant que pour eux, il était primordial que les commandants puissent être

21 juger en tenant compte des circonstances pertinentes du moment.

22 Je poursuis, Monsieur le Président, en vous donnant quelques mots sur les

23 enjeux du procès de l'accusé. Tout d'abord, ce procès, Monsieur le

24 Président, est celui d'une commandant. Le général Hadzihasanovic est ici

25 devant vous, parce qu'il était commandant du troisième corps de l'ABiH. Il

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1 n'est pas ici, Monsieur le Président, parce qu'il aurait lui-même commis

2 des crimes; il est ici par l'accusation prétend qu'il aurait manqué à son

3 devoir de commandant.

4 Selon nous, la preuve a déjà démonté que ce n'est pas le cas, et les

5 moyens à décharge que nous allons présenter viendront renforcer cette

6 conclusion. Toutefois, Monsieur le Président, il ne faut pas perdre de vue,

7 et c'est notre suggestion, au moment d'aborder la présentation des moyens à

8 décharge, que l'objet de ce procès, c'est l'exercice du commandement.

9 Evidemment, la nature des accusations demeure tout de même liée à des

10 crimes de guerre qui auraient été commis. La question qu'il faut se poser,

11 Monsieur le Président, est-ce que la nature des accusations, est-ce que la

12 nature des violations pour lesquelles le général Hadzihasanovic aurait omis

13 de prévenir, plutôt d'empêcher et de punir, est-ce que la nature de ces

14 violations changent quoi que ce soit à la façon dont nous devons aborder ce

15 procès ? Nous croyons, Monsieur le Président, que cela ne soit pas le cas;

16 c'est tout à fait le contraire.

17 Il y a peu de temps, Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion de

18 rencontrer un chef d'état, et on m'a demandé d'expliquer à ce chef d'état

19 quelle était la position d'un conseil de la défense. A ma grande surprise,

20 à ce moment-là, la réponse à laquelle j'ai eu droit, c'était la suivante :

21 ils doivent bien avoir fait quelque chose pour être ici. Cette réponse,

22 Monsieur le Président, m'a totalement estomaqué. Je ne peux comprendre,

23 comment aujourd'hui, lorsque nous pensons à la règle de droit, comment nous

24 puissions encore avoir la croyance que si un accusé est devant le Tribunal

25 pénal international; c'est qu'il a sûrement fait quelque chose.

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1 Je crois, Monsieur le Président, qu'il est de la plus grande importance de

2 faire en sorte que la règle de droit et la présomption d'innocence soient

3 des principes qui soient maintenus et qui soient favorisés par tous les

4 moyens possibles devant ce Tribunal.

5 L'objectif de ce Tribunal, Monsieur le Président, ou un des objectifs,

6 évidemment, est de vaincre l'impunité. Cela exige comme point de départ,

7 que les normes les plus élevées en matière de droit des accusés en partant

8 de la déclaration universelle soient respectées. Des crimes ont-ils été

9 commis en Bosnie centrale en 1993 ? Il appert que oui. Cela est

10 définitivement regrettable. Les victimes des ces violations méritent toute

11 notre compassion, mais cela n'est pas une raison, Monsieur le Président,

12 pour faire d'un commandant un bouc émissaire.

13 Quel sera le but visé par la Défense au cours de la présentation des moyens

14 à décharge ? Tout d'abord, Monsieur le Président, nous prenons note de la

15 décision relative à la requête de l'accusé aux fins d'acquittement. Cette

16 décision, Monsieur le Président, je crois que je peux me permettre de le

17 dire sans manquer de respect envers le Tribunal, cette décision nous a

18 déçus. Toutefois, Monsieur le Président, nous respectons totalement la

19 décision, et nous allons agir en conséquence. Cela nous demande, Monsieur

20 le Président, de faire en sorte que nous allons présenter une Défense

21 complète en ne laissant rien au hasard. Nous sommes prêts à le faire, et

22 c'est ce que nous allons faire.

23 Notre objectif, Monsieur le Président, est le suivant : aider la Chambre à

24 voir plus loin que la théorie mal fondée de l'Accusation. Le défi auquel

25 nous vous convions, Monsieur le Président, il est sur vos écrans. Bien

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1 entendu, vous avez reconnu cette bonne vieille dame, à moins que nous

2 n'ayons plutôt reconnu la jeune demoiselle. Les deux sont sur votre écran,

3 Monsieur le Président. Vous avez probablement vu cette image auparavant. Il

4 s'agit d'un dessin qui date de 1915, qui s'appelait "The Boring Figure".

5 Cette image, Monsieur le Président, en contient deux. Cette image a été

6 conçue pour nous enseigner que le cerveau humain ne peut reconnaître que

7 l'une des deux images à la fois. Que vous ayez reconnu, Monsieur le

8 Président, la jeune ou la plus âgée des femmes sur cette image, c'est ce

9 que l'Accusation voudrait vous faire voir. Nous vous demander d'aller plus

10 loin, de regarder ce qui se cache derrière l'écran de fumée que

11 l'Accusation tente de vous imposer.

12 J'en arrive, Monsieur le Président, au premier point de la déclaration

13 liminaire soit la norme de référence et le niveau de prudence exigé de la

14 part d'un commandant. Je commencerai d'abord par vous parler de la théorie

15 de l'écart et je vous parlerai ensuite de l'objectif de la

16 responsabilisation des commandants. Il est clairement établi par la

17 jurisprudence du Tribunal international que trois éléments doivent être

18 prouvés hors de tout doute raisonnable pour mener un verdict de culpabilité

19 en vertu de l'Article 7(3) du statut. Ces trois éléments sont : l'existence

20 d'un lien de subordination; le deuxième, que l'accusé savait ou avait des

21 raisons de savoir que ces violations étaient sur le point d'être commises

22 ou avaient été commises; et troisièmement, que l'accusé aurait manqué,

23 aurait omis de prendre les mesures nécessaires et raisonnables dans les

24 circonstances.

25 Il nous apparaît, Monsieur le Président, et pour nous cela est une

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1 évidence, qu'il y a une différence significative entre les Articles 7(1) et

2 7(3) du statut. Dans le cas de l'Article 7(1) du statut, il y a la preuve

3 de l'actus reus, la preuve matérielle que l'acte a été commis, et il y a la

4 preuve de la mens rea, l'intention, pour arriver à un verdict de

5 culpabilité.

6 Dans le cadre de l'Article 7(3), Monsieur le Président, nous vous

7 soumettons qu'il ne s'agit pas d'un crime d'intention. Il s'agit d'un crime

8 de responsabilité imputée. Dans un tel cas, Monsieur le Président, cela

9 nécessite une norme de référence avec laquelle la Chambre pourra évaluer de

10 quelle façon le commandant a exercé les fonctions qui lui ont été

11 attribuées en 1993 en Bosnie centrale. Lorsque nous regardons le troisième

12 des éléments nécessaires, il est question de mesures nécessaires et

13 raisonnables. Nous croyons que là aussi, Monsieur le Président, les mots

14 "nécessaires et raisonnables" font appel à un standard, font appel à un

15 niveau contre lequel les actes du général Hadzihasanovic devront être

16 mesurés. S'agissant de la théorie de l'écart, je crois, Monsieur le

17 Président, qu'il est important de comprendre que la Défense, qui représente

18 le général Hadzihasanovic, n'entend d'aucune façon minimiser l'importance

19 du rôle du commandant.

20 Il y a un peu plus de dix ans, j'ai participé à un procès au Canada,

21 le procès d'un commandant, le procès du commandant du Régiment aéroporté

22 canadien, régiment dont les membres avaient commis certaines violations en

23 opération en Somalie. Pour le Canada, Monsieur le Président, ce procès

24 était une honte. Le gouvernement a même été jusqu'à rayer le régiment de

25 l'ordre de bataille du Canada. Le commandant de ce régiment a été accusé

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1 devant la Cour martiale générale. Je faisais partie de la Défense à titre

2 d'avocat junior au dossier, et ce type, Monsieur le Président, a été

3 acquitté de l'accusation qui pesait contre lui, soit de l'accusation

4 d'avoir donné des ordres qui étaient contraires aux règles d'engagement qui

5 lui avaient été émises par le gouvernement.

6 Malgré l'acquittement, Monsieur le Président, le personnage en

7 question, le lieutenant-colonel Mathieu a vu sa vie ruinée, malgré un

8 acquittement. A partir de ce jour, j'ai compris l'importance du rôle de

9 commandant dans une armée, bien que j'étais déjà membre de l'armée depuis

10 plus de dix ans à cette époque. Aujourd'hui, devant vous, je n'entends

11 nullement minimiser l'importance du rôle du commandant, bien au contraire.

12 J'entends aujourd'hui, Monsieur le Président, présenter les moyens à

13 décharge qui feront en sorte que la Chambre comprendra que le général

14 Hadzihasanovic a fait tout ce qui était son devoir dans les circonstances

15 en Bosnie centrale en 1993.

16 Pour ce faire, Monsieur le Président, je crois qu'il est important de

17 se poser la question suivante : quel est l'objectif de la

18 responsabilisation des commandants ? Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui,

19 avec un accusé qui n'a pas commis lui-même de violation ? Et pourquoi

20 tenons-nous, nous étant la communauté internationale représentée par

21 l'Accusation, pourquoi a-t-on décidé de porter des accusations contre un

22 commandant ? Tout d'abord, Monsieur le Président, parce que l'objectif de

23 la responsabilité ou de la responsabilisation des commandants, c'est le

24 respect du droit international humanitaire. L'objectif, c'est la prévention

25 des violations au droit international humanitaire. L'objectif c'est de

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1 faire en sorte que les militaires, qui participent à des opérations seront

2 placés sous un commandement responsable de la conduite de leurs

3 subordonnés.

4 Encore faut-il, Monsieur le Président, se demander comment nous

5 allons faire pour évaluer le travail d'un commandant à partir de ce

6 standard. Comment faire pour savoir si le général Hadzihasanovic, dans les

7 circonstances pertinentes du moment, a fait tout ce qui était son devoir.

8 Nous avons un élément de référence possible, Monsieur le Président, soit le

9 procès du général Yamashita. Nous avons déjà abordé ce thème lors de notre

10 mémoire préalable au procès. Le général Yamashita, le 25 septembre 1945, a

11 été accusé de la façon suivante : en ce que, entre le 9 octobre 1944 et le

12 2 septembre 1945, soit une période d'environ 11 mois, à Manille et à

13 d'autres endroits aux Philippines, alors qu'il était le commandant des

14 forces armées, en guerre avec les Etats-Unis, il a manqué à son devoir de

15 commandant de contrôler les opérations des membres sous son commandement en

16 leur permettant de commettre des atrocités brutales et d'autres crimes

17 graves contre le peuple des Etats-Unis et ses alliés, tout particulièrement

18 ceux des Philippines. Pour cette raison, il a été accusé d'avoir violé,

19 d'avoir manqué aux lois de la guerre.

20 C'est une accusation, Monsieur le Président, très grave. Toutefois,

21 la question pour laquelle j'ai insisté pour utiliser cette citation

22 aujourd'hui, c'est que, dans le cas du général Yamashita, il y a eu une

23 accusation avec, dans les détails, une série de faits qui ont été commis

24 par les subordonnés. Mais le général Yamashita ne faisait face qu'à une

25 seule accusation, soit celle d'avoir manqué à son devoir. C'est le danger

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1 auquel nous faisons face dans cette affaire, Monsieur le Président, puisque

2 dans cette affaire, plutôt que de faire face à une seule accusation, le

3 général Hadzihasanovic fait face à plusieurs accusations spécifiques pour

4 lesquelles l'Accusation tente de faire des accusations séparées.

5 Nous vous soumettons, Monsieur le Président, au moment d'aborder la

6 responsabilité du général et d'évaluer les éléments à décharge qui seront

7 présentés, la question qu'il faut d'abord se poser est de savoir si, oui ou

8 non, le général Hadzihasanovic a rempli son rôle et a fait tout ce qui

9 était son devoir dans les circonstances en 1993.

10 L'accusation, Monsieur le Président, l'accusation de responsabilités du

11 commandant en vertu de l'Article 7(3) du statut, n'est pas et ne doit pas

12 être un crime de responsabilités strictes. Il y a une différence entre les

13 deux, Monsieur le Président. Le crime de responsabilité stricte sera celui

14 où l'accusé sera reconnu coupable pour le simple fait qu'il est le

15 commandement d'un subordonné qui a commis une violation. La jurisprudence

16 du Tribunal pénal international, heureusement, nous protège contre la

17 responsabilité stricte. Ces principes, nous allons les rappeler à plusieurs

18 reprises au cours de la présentation des moyens à décharge.

19 Mais alors, Monsieur le Président, comment faire pour différencier le

20 commandant qui est responsable et qui est raisonnable de celui qui a manqué

21 à son devoir. A quel moment, Monsieur le Président, le comportement d'un

22 commandant devient criminel pour encourir une peine de droit pénal. Nous

23 croyons, Monsieur le Président, que cette citation en est une qui peut nous

24 aider en l'espèce. Il est question, ici, Monsieur le Président, tout

25 d'abord, une citation qui est tirée de l'affaire Yamashita, lorsqu'on nous

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1 dit : "Que le commandant a dévié de façon significative des pratiques de

2 commandement coutumières, et que de ce fait, des crimes sont commis par ses

3 subordonnés à titre de résultat direct de ces actions. Bien entendu, il

4 pourra être trouvé coupable des violations sous-jacentes comme s'il les

5 avait commises lui-même."

6 La deuxième citation, Monsieur le Président, est tirée du High Command

7 Case, et on nous dit dans le High Commandement Case qu'il doit y avoir une

8 négligence ou je cherche le bon mot en français pour traduire "personal

9 dereliction." "Il doit y avoir une omission de superviser ses subordonnés

10 qui soit une négligence criminelle de sa part." La façon d'évaluer si, oui

11 ou non, il y a négligence criminelle, ce doit être une négligence

12 personnelle, pour utiliser les mots "amounting to a wanton, immoral

13 [interprétation] qui résulte en un manque de respect pour ce qui est de ses

14 subordonnés."

15 [En français] S'agit d'une insouciance complète. Il s'agit de ne pas

16 de tenir compte du tout de ce que les subordonnés font ou pourraient faire

17 qui devient en quelque sorte le fait que le commandant est d'accord avec

18 les violations commises par ses subordonnés.

19 Nous croyons, Monsieur le Président, que lorsqu'il est question d'un niveau

20 de prudence exigé, lorsqu'il est question d'un niveau de référence, lorsque

21 la Chambre aura à se pencher pour évaluer si les mesures prises par le

22 général Hadzihasanovic font de lui quelqu'un qui doit être reconnu coupable

23 d'une infraction, que c'est le standard que la Chambre devra avoir comme

24 point de référence. Bien évidemment, Monsieur le Président, nous ne croyons

25 pas du tout que le général Hadzihasanovic par ses actions, par la façon

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1 avec laquelle il a exercé son commandement, ce que vous entendrez de la

2 part des témoins, ce que vous verrez dans les documents qui seront déposés,

3 ce que vous avez déjà vu dans les documents qui ont déjà été produits au

4 dossier, qu'en aucune mesure le général Hadzihasanovic ne vient même proche

5 de ce standard concernant la responsabilité d'un commandant.

6 Il est important aussi, Monsieur le Président, de se rappeler que la

7 responsabilité du commandement n'est pas une obligation de résultats. Que

8 voulons-nous dire par là ? C'est simple, Monsieur le Président, lorsqu'un

9 commandant vient à apprendre qu'un crime est sur le point d'être commis ou

10 qu'un crime est en train d'être commis par des subordonnés, si le

11 commandant prend les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que

12 ce crime soit commis, peu importe que le crime soit commis ou non, le

13 commandant doit être acquitté. Lorsqu'il est question de la punition, si un

14 commandant apprend qu'une violation a été commise et qu'il prend des

15 mesures nécessaires et raisonnables eu égard aux circonstances, qu'au bout

16 du compte celui ou l'auteur présumé soit puni ou non, cela ne change rien

17 au fait que le commandant a rempli son devoir et qu'il ne doit pas être

18 trouvé coupable de cette infraction.

19 C'est d'ailleurs un peu ce que nous retrouvons dans la Chambre II

20 qui, dans le jugement Krnojelac disait : "Un commandant n'est pas obligé de

21 faire l'impossible. Le commandant a le devoir d'exercer ses pouvoirs, bien

22 entendu, à l'intérieur des limites de ces derniers." Cette citation,

23 Monsieur le Président, elle a été reprise par plusieurs Chambres,

24 notamment, par la Chambre d'appel, par l'Accusation dans son mémoire, et

25 par la Défense, également, dans son mémoire. On ne peut tenir le commandant

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1 à l'impossible. Il doit y avoir un niveau de prudence exigé.

2 J'aborde maintenant, Monsieur le Président, le deuxième point de la

3 déclaration liminaire, soit la théorie de l'Accusation. Nous croyons, comme

4 je l'ai dis un peu plus tôt, Monsieur le Président, que cela est nécessaire

5 afin de bien percevoir quels sont les enjeux véritables de ce procès au

6 moment d'aborder la présentation des moyens à décharge. Nous vous

7 soumettons, Monsieur le Président, que la théorie de l'Accusation peut être

8 analysée sur cinq points : l'objectif qui était visé par l'Accusation; la

9 théorie initiale de l'Accusation; le renversement de la théorie de

10 l'Accusation; la nouvelle théorie mise de l'avant par l'Accusation; et

11 enfin, Monsieur le Président, l'approche restrictive de l'Accusation.

12 En commençant, Monsieur le Président, par l'objectif visé par l'Accusation.

13 Cette citation est tirée de la déclaration liminaire de l'Accusation dans

14 ce procès. Je crois, Monsieur le Président, qu'il est important de bien

15 lire ce que les représentants de l'Accusation ont pu présenter à la

16 Chambre, le 2 décembre dernier. C'est un procès, Monsieur le Président, qui

17 montre le revers de la médaille pour ce qui est d'un bon nombre de procès

18 déjà jugés par ce Tribunal.

19 Les procès les plus importants en l'occurrence sont celui du Procureur

20 contre Blaskic et le Procureur contre Kordic et Cerkes en tant que tel.

21 "Ce procès intenté à Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura démontre que

22 toutes les parties au conflit qui s'est produit en ex-Yougoslavie, même

23 s'il s'est déroulé dans différentes régions, et c'est très important, à des

24 échelles différentes, ont commis des infractions graves au droit

25 international humanitaire qui relève de la jurisdiction du présent

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1 Tribunal. Ce procès et les moyens de preuve que nous allons apporter,

2 montreront que des crimes de guerre ont été commis par les deux parties au

3 conflit en Bosnie centrale. Ce procès donnera au monde une idée plus

4 complète, une vision plus approfondie de la guerre en Bosnie."

5 Monsieur le Président, sur le premier point, sur la question du

6 revers de la médaille, quel est le premier côté de la médaille auquel

7 l'Accusation faisait référence ? Quel est le côté des faits dans les procès

8 Blaskic et Kordic, pour ne nommer que ceux-là, pour lesquels l'Accusation

9 souhaite montrer l'autre côté ?

10 Je m'excuse, Monsieur le Président, j'ai un petit problème technique.

11 Toutes mes excuses, Monsieur le Président. Je crois que j'ai appuyé sur un

12 mauvais bouton, mais c'est une question de quelques secondes.

13 Monsieur le Président, voici une citation qui était tirée de la

14 déclaration liminaire de l'Accusation dans le procès le Procureur contre

15 Blaskic. Encore une fois, Monsieur le Président, je crois qu'il est

16 important de lire cette citation qui date du 24 juin 1997.

17 [Interprétation] "L'affaire sur laquelle vous présiderez, est une

18 affaire qui décrit comment les forces croates militaires de Bosnie, sous le

19 contrôle et le commandement de Tihomir Blaskic, ont ethniquement nettoyé

20 les parties de la Bosnie centrale en 1993 en attaquant systématiquement les

21 civils musulmans ainsi que leurs demeures, et détruisant leurs propriétés

22 et leurs maisons en employant des méthodes qu'aucun commandant militaire

23 responsable n'accepterait. Les méthodes illégales utilisées par ces forces

24 étaient calculées afin de pouvoir en arriver à une majorité ethnique pour

25 les Croates bosniens en Bosnie centrale."

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1 [En français] Monsieur le Président, sans commenter davantage

2 l'importance de ces accusations ou encore des autres procès intentés contre

3 les Croates de Bosnie, il est possible de comprendre en regardant cette

4 citation, l'intérêt de l'Accusation à vouloir montrer l'autre côté de la

5 médaille. Le Tribunal international est souvent critiqué au sujet de son

6 manque présumé d'impartialité. L'Accusation peut donc avoir avantage à

7 montrer l'autre côté. Mais il y a deux "mais", Monsieur le Président, deux

8 pièges que nous souhaitons éviter à la Chambre. Il y a tout d'abord le

9 danger de réécrire l'histoire, mais il y a pire encore. Il y a le danger de

10 trouver un bouc émissaire de l'autre côté pour mieux faire passer les

11 procès de l'autre côté. L'Accusation n'a pas dit au début de ce

12 procès,"voici le procès d'un commandant qui a manqué à son devoir. Voici le

13 procès d'un commandant qui doit être puni pour le bien du droit

14 international humanitaire, pour le bien de la situation en Bosnie

15 centrale." Ce que l'Accusation nous a dit au début, l'Accusation nous a

16 dit, "c'est un procès pour montrer l'autre côté de la médaille." Nous

17 croyons que c'est une question importante lorsque nous abordons la

18 stratégie et la théorie de l'Accusation.

19 Le deuxième point, Monsieur le Président, concernant ce procès, c'est celui

20 de la question des Moudjahiddines. Au cours du contre-interrogatoire,

21 l'enquêteur Hackshaw [phon] a clairement identifié le facteur moudjahiddine

22 comme étant un facteur principal de l'enquête dans ce dossier. Sur la

23 diapositive, vous pouvez voir la question :

24 [interprétation] "Question : Donc, les crimes commis par les Moudjahiddines

25 étaient un aspect important de votre enquête ?"

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1 [En français] Réponse : "Oui."

2 [interprétation] Question : "En tant que l'enquête -- la proposition de

3 l'enquête qui a été approuvée, le fait de trouver des personnes

4 responsables pour les crimes commis par les Moudjahiddines était l'un de

5 vos objectifs principaux. Je peux reformuler cette affirmation, si vous le

6 voulez. Je veux simplement vous dire que vous avez fait une proposition

7 d'enquête, n'est-ce pas ?"

8 Réponse : "Oui, les membres de l'équipe l'ont faite."

9 Question : "Dans cette proposition d'enquête, vous avez certains sujets ou

10 certaines cibles que vous nous avez dit, quel était le terme que vous avez

11 utilisé ?"

12 Réponse : "Nous avons utilisé le terme cible, et c'était approprié."

13 Question : "Cible donc. Et l'une de ces cibles, c'était les crimes commis

14 par les Moudjahiddines, n'est-ce pas ?"

15 Réponse : "Oui, c'est ainsi."

16 [En français] Monsieur le Président, vous avez entendu dans ce procès

17 jusqu'à ce jour, que des Moudjahiddines ont commis des crimes en Bosnie

18 centrale en 1993. De fait, les moyens à décharge que nous allons présenter

19 vont clairement démontrer que les événements tragiques survenus à Miletici,

20 à Maline, à Orasac, pour ne nommer que ceux-là, ont été commis par des

21 Moudjahiddines. Encore une fois, Monsieur le Président, on peut comprendre

22 l'objectif de l'Accusation de vouloir trouver un coupable pour ces crimes.

23 Nous soutenons l'Accusation dans ces efforts à ce sujet, mais nous ne

24 pouvons suivre l'Accusation lorsqu'elle tente de trouver un bouc émissaire

25 en la personne du général Hadzihasanovic pour être trouvé coupable de ces

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1 accusations. La preuve entendue à ce jour et la preuve à venir confirment

2 que ce n'est pas le cas.

3 Quelle est la théorie de l'Accusation, Monsieur le Président ? La

4 théorie de l'Accusation, ou plutôt la méthode utilisée par l'Accusation

5 pour tenter de démontrer la culpabilité au cours de la présentation des

6 moyens à charge, nous permet de constater deux choses : avant tout,

7 s'agissant de la connaissance qu'avait le général Hadzihasanovic des

8 crimes, l'Accusation a utilisé trois points que nous souhaitons soulever au

9 moment d'entreprendre la Défense. Tout d'abord, la question du notice ou la

10 question d'avoir été informé que des crimes étaient sur le point d'être

11 commis ou avaient été commis. La question du notice, Monsieur le Président,

12 elle a été de nouveau abordée par la Chambre d'appel dans la récente

13 décision dans l'appel Blaskic. Cette question d'avoir été informé, Monsieur

14 le Président, n'est pas une question de supposition, n'est pas une question

15 de présomption, c'est une question que l'accusé aurait dû savoir. C'est une

16 question que l'accusé devait posséder de l'information lui permettant de

17 conclure qu'une violation était sur le point d'être commise ou avait été

18 commise. Encore une fois, sur la question de la connaissance, Monsieur le

19 Président, l'Accusation a utilisé à la fois dans sa déclaration liminaire

20 et dans son mémoire préalable au procès, la question des ordres, en

21 évoquant, Monsieur le Président, le fait qu'un accusé donne un ordre à ses

22 subordonnés de ne pas voler ou de ne pas piller, que cela faisait qu'il

23 avait connaissance que ses subordonnés commettaient du pillage ou de la

24 destruction. Encore une fois, Monsieur le Président, cette question a été

25 abordée dans la récente décision de la Chambre d'appel dans l'affaire

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1 Blaskic, où on a dit que pour un commandant, le fait d'émettre un ordre

2 positif pour empêcher ses subordonnés de commettre des violations, un tel

3 ordre ne pouvait pas être assimilé à une connaissance de sa part.

4 Enfin, Monsieur le Président, sur le troisième point, il y a la question

5 des liens entre les crimes. Lorsque nous lisons le mémoire préalable de

6 l'Accusation, nous voyons que la question de la connaissance de l'accusé,

7 est basée sur une connaissance qui va d'un crime à l'autre. Puisque

8 l'accusé serait coupable du Dusina, il a la connaissance pour Miletici et

9 puisqu'il est coupable de Miletici, il serait la connaissance pour Maline,

10 et ainsi de suite.

11 Nous croyons, Monsieur le Président, que c'est une théorie circulaire. Il

12 s'agit, Monsieur le Président, d'une façon qui ne peut être utilisée pour

13 montrer la connaissance.

14 Ensuite, Monsieur le Président, il y a l'aspect principal de la

15 théorie de l'Accusation soit tel que démontré sur la diapositive devant

16 vous, l'absence de mesures prises par l'accusé malgré les moyens à sa

17 disposition. Nous voyons encore une citation de la déclaration liminaire de

18 l'Accusation du 2 décembre, selon laquelle, l'accusé vous disait, Monsieur

19 le Président, -- qu'elle allait prouver quelque chose qui va au cœur même

20 de cette affaire, que l'accusé n'a pas pris les mesures nécessaires et

21 raisonnables pour empêcher ces actes criminels ou pour en punir les

22 auteurs. Le seul point sur lequel nous pouvons être d'accord avec

23 l'Accusation, est qu'il s'agit, en effet, de quelque chose qui va au cœur

24 de cette affaire. Le général Hadzihasanovic a-t-il pris des mesures

25 nécessaires et raisonnables dans les circonstances ? En l'espèce Monsieur

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1 le Président, nous croyons que le général Hadzihasanovic a pris toutes les

2 mesures qu'il devait prendre dans les circonstances.

3 Quelle était la théorie, ou plutôt quelle était la théorie de

4 l'Accusation lorsqu'il était question de mesures ? Cette citation de

5 nouveau de la déclaration liminaire, donne un aperçu de ce que l'Accusation

6 considère comment étant les mesures qu'un commandant doit prendre, tel que

7 stipulé dans les conventions de Genève,

8 c'est-à-dire, le fait d'instruire les commandants subordonnés, les soldats

9 de leur devoir conformément au droit international; le fait d'ordonner aux

10 subordonnés de respecter le droit international humanitaire et que toutes

11 les violations de celui-ci doivent être punies; le fait d'imposer des

12 mesures de discipline suffisante afin d'assurer le respect des dispositions

13 du BIH; le suivi des zones de commandements subordonnés et de s'assurer que

14 toutes les mesures nécessaires afin de respecter et de mettre en œuvre les

15 dispositions du BIH soient prises.

16 Le reste de la citation continue avec, "quelles sont les mesures

17 que l'Accusation considère comme étant celles qu'un commandant raisonnable

18 doit prendre." Nous ne croyons pas toutefois, Monsieur le Président, que

19 cette citation, bien qu'elle ait été mentionnée au cours de la déclaration

20 liminaire, que cela été mentionné par quelque témoin que ce soit ou quelque

21 document que ce soit au cours de la preuve de l'Accusation. L'Accusation

22 vous demande, Monsieur le Président, de déterminer quelles sont les mesures

23 qui devraient être prises à partir soit du droit, ou encore d'une

24 interprétation de nombreux documents qui ont été déposés en preuve sans

25 plus d'explication par les témoins compétents. La preuve de la Défense,

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1 Monsieur le Président, viendra combler cette lacune en démontrant et en

2 expliquant quelles sont les mesures qu'un commandant raisonnable doit

3 prendre et pourquoi.

4 La théorie de l'Accusation, Monsieur le Président, elle est confirmée

5 également par les réponses aux trois lettres du Procureur adressées au

6 bureau du procureur public cantonal de Travnik, à la cour cantonale de

7 Travnik et à la cour cantonale de Zenica; trois documents qui démontrent la

8 théorie de l'Accusation. Pour l'Accusation, la seule mesure qui comptait

9 lorsqu'elle a enquêté ce dossier, lorsqu'elle a préparé ce dossier, était

10 de savoir si l'accusé avait pris des mesures ou si des accusations avaient

11 été portées pour crime de guerre contre un soldat du 3e Corps. Le témoin

12 expert de l'Accusation, Monsieur le Président, a démontré que les mesures

13 prises par un commandant peuvent être de diverses natures, et qu'une

14 plainte qui mène à un procès pour crime de guerre, n'est qu'une éventualité

15 parmi plusieurs. Pourtant, dans un de ces documents, dans une de ces

16 réponses, Monsieur le Président, le président de la cour cantonale de

17 Travnik, je parle de la pièce P773, dans un document, le président le la

18 cour cantonale de Travnik, a eu beau confirmer que 857 affaires avaient été

19 traitées par le cour du district militaire de Travnik. Pourtant,

20 l'Accusation n'a pas porté attention à ce fait puisqu'ils étaient à la

21 recherche de crimes de guerre.

22 J'en arrive maintenant, Monsieur le Président, au renversement de la

23 théorie de l'Accusation. Ce renversement peut-être expliqué à deux niveaux.

24 Tout d'abord, par les mesures qui ont été prises par l'accusé;

25 deuxièmement, par la conclusion du témoin expert de l'Accusation en réponse

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1 à une question de la Chambre. Nous le savons maintenant, Monsieur le

2 Président, la théorie de l'Accusation a été complètement démontée par son

3 propre expert qui a dit, après avoir pris connaissance des pièces déposées

4 par la Défense : "J'ai vu beaucoup de documents supplémentaires qui

5 prouvent que le général Hadzihasanovic non seulement a émis des ordres,

6 mais a aussi suivi toutes les étapes de la procédure pour veiller à ce

7 qu'il y ait traitement légal et en vertu de la loi des auteurs de ces

8 documents. Je changerai d'avis, et j'ai changé d'avis, en disant qu'il

9 n'aurait pas vraiment assuré le suivi après avoir pris une telle décision.

10 Manifestement, il l'a fait." Les documents déposés, Monsieur le Président,

11 bien qu'ils ne soient qu'un échantillon de toutes les mesures prises, vont

12 beaucoup plus loin que les mesures qui sont même suggérées par

13 l'Accusation.

14 La conclusion des représentants de l'Accusation a donc été la suivante. Je

15 cite : "A la suite de la présentation de ces documents, vous vous

16 souviendrez peut-être que lorsqu'ils ont été présentés pour la première

17 fois, l'Accusation n'était pas au courant de l'existence de ces documents.

18 De toute évidence, contrairement à notre point de vue préalable, qui était

19 que l'accusé n'avait rien fait, si ce n'est que le général Reinhardt avait

20 pu identifier un cas où, compte tenu des documents, il semblait que

21 l'accusé avait pris les mesures raisonnables et nécessaires. Nous sommes

22 maintenant dans une situation différente, car il est assez évident qu'à

23 certaines reprises, et à plusieurs reprises, le service de sécurité du 3e

24 Corps a mené à bien des enquêtes et a transféré ces dossiers aux tribunaux

25 militaires du district afin que des mesures soient prises. Cela

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1 correspondait exactement à son devoir. Il faut savoir qu'une fois qu'un

2 commandant a mené à bien une enquête, a transféré cette enquête et l'a

3 envoyée aux autorités du tribunal compétent, son devoir s'achève là."

4 En fonction de cette constatation ou de cette conclusion de l'Accusation,

5 une nouvelle théorie a donc été mise de l'avant. Je cite ici les propos du

6 4 juin 2004 que j'appelle la nouvelle théorie de l'Accusation, et je cite :

7 "Your Honours, the --

8 [interprétation] "Messieurs les Juges, le chef de l'équipe des

9 enquêteurs se trouve actuellement en Bosnie avec son équipe, et il est en

10 train de retraverser les dossiers des tribunaux et du procureur militaire

11 de district, le tout pour convaincre la Chambre de première instance du

12 fait que les unités du 3e Corps n'ont pas entrepris de mesures aux fins de

13 punir les auteurs des crimes cités dans l'acte d'accusation. Il

14 n'appartient pas à l'enquêteur de revenir avec un grand nombre de

15 documents, mais c'est bien le contraire. L'équipe, qui est en train de

16 procéder à des recherches, est à la quête d'archives pour démontrer qu'il

17 n'y a pas de dossiers se rapportant aux chefs d'accusation qui sont cités à

18 l'acte d'accusation modifié. Les enquêteurs ont reparcouru les dossiers de

19 tribunaux pour constater qu'il n'y a pas de dossiers citant les chefs du

20 Troisième acte d'accusation modifié qui se référerait au 3e Corps et aux

21 unités subordonnées. Il n'est pas question de revenir à ces documents, mais

22 la question qui se pose, c'est celle des témoignages étant donné qu'il y a

23 manque de ces documents."

24 [en français] La Défense a cru bien naïvement, il faut l'admettre, que cela

25 aurait pu mettre fin au procès, car la preuve démontrait bel et bien que

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1 l'accusé, le général Hadzihasanovic, avait agi en tant que commandant

2 responsable, ce qui est, nous tenons à le rappeler, Monsieur le Président,

3 l'objectif de ce procès.

4 L'Accusation a toutefois tenu à s'accrocher en établissant sa nouvelle

5 théorie, nouvelle théorie que des mesures n'ont pas été prises pour les

6 crimes mentionnés de façon spécifique dans l'acte d'accusation, et deux,

7 qu'elle allait en faire la preuve par la négative en dépêchant une équipe

8 en Bosnie centrale pour ce faire. Nous connaissons la suite, Monsieur le

9 Président, et la Chambre a été à même de constater que la mission in

10 extremis de l'Accusation en Bosnie centrale ne permet pas de dire, hors de

11 tout doute raisonnable, que des mesures n'ont pas été prises pour chacune

12 des violations dans l'acte d'accusation. J'aurai l'occasion d'y revenir.

13 Néanmoins, ce qui est beaucoup plus important, c'est que l'Accusation n'a

14 pas expliqué, ni même cherché à expliquer pourquoi un commandant, qui prend

15 plus d'un millier de mesures contre ses soldats, je dis bien, Monsieur le

16 Président, plus d'un millier de mesures, pour des violations similaires à

17 celles trouvées dans l'acte d'accusation, selon l'Accusation, aurait omis

18 de prendre des mesures dans quelques cas précis. Cette théorie, Monsieur le

19 Président, ne va tout simplement pas avec la preuve au dossier.

20 Je termine sur un point, Monsieur le Président, et ensuite je suggérerais à

21 la Chambre de peut-être prendre une pause pour terminer avec le deuxième

22 point, soit l'approche restrictive de l'Accusation. Dans cette affaire,

23 depuis le début du procès, nous sommes d'avis, Monsieur le Président, que

24 l'Accusation tente de limiter les procédures à des faits précis. Nous vous

25 soumettons que le but de l'Accusation, en ce faisant, n'est pas de réduire

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1 la longueur du procès. Dans un tel cas, ils auraient pu limiter la preuve

2 concernant le "crime base" ou concernant les violations spécifiques et

3 auraient pu présenter davantage d'éléments concernant la conduite du

4 général Hadzihasanovic, mais cela n'a pas été fait.

5 La raison, Monsieur le Président, elle est tout autre. Nous croyons plutôt

6 que l'Accusation semble vouloir éviter que la Chambre n'examine l'exercice

7 du commandement par le général Hadzihasanovic à l'intérieur du contexte

8 global des conflits armés qui régnaient en Bosnie centrale en 1993.

9 Pour les raisons mentionnées plus tôt, nous allons nous employer,

10 Monsieur le Président, au cours de la présentation des moyens à décharge,

11 de démontrer la nécessité de prendre en considération le contexte global

12 afin d'évaluer l'exercice du commandement par le général Hadzihasanovic.

13 Monsieur le Président, je note qu'il est 15 heures 30. Je propose,

14 Monsieur le Président, de prendre une pause pour continuer avec le point

15 trois par la suite.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon. Il est effectivement 15

17 heures 32. Nous allons faire la pause, et nous reprendrons l'audience aux

18 environs de 16 heures.

19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.

20 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Maître Bourgon, vous avez la

22 parole pour la suite de la déclaration liminaire.

23 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président, qu'il plaise à la Cour.

24 J'en arrive, Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge,

25 à la troisième partie de la déclaration liminaire de la Défense, soit celle

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1 qui traite des facteurs relatifs à l'accusé. Ce dont j'aimerais vous

2 mentionner dans cette section, Monsieur le Président, tel qu'illustré sur

3 la diapositive, ce que les témoins de l'Accusation ont dit au sujet du

4 général Hadzihasanovic et ce que les témoins de la Défense viendront dire

5 au sujet de l'accusé. Tout d'abord, il y a ce que nous savons déjà. Il y a

6 les témoins, soit les témoins Garrod, les témoins Duncan et Watters, que

7 j'entends utiliser à titre d'exemple. En commençant par le témoin Duncan,

8 qui a dit, Monsieur le Président, la question était la suivante :

9 "Vous l'avez rencontré à 18 ou 20 reprises. Vous vous êtes trouvé

10 dans cette zone pendant six mois, mon général, à l'époque. Quelle était

11 l'impression que vous avez dégagée à propos de la compétence, des aptitudes

12 et des capacités militaires du général Hadzihasanovic pour ce qui est de

13 l'exercice du commandement sur ses troupes au sein de la zone du 3e Corps

14 de l'ABiH ?"

15 Réponse du général Duncan : "J'ai pensé qu'en tant qu'officier, le général

16 Hadzihasanovic était extrêmement intelligent et un commandant

17 particulièrement compétent et capable."

18 Un peu plus tard, en contre-interrogatoire, le général Duncan devait

19 rajouter : "Cela qualifiait bien Hadzihasanovic, qui est un homme très

20 compétent, très capable."

21 Deuxième citation, celle du général Sir Martin Garrod. La question était

22 celle de la Défense en toute fin du contre-interrogatoire.

23 "J'essaie de voir comment vous avez rencontré cet homme, le général

24 Hadzihasanovic, sur le terrain en 1993. Je vous ai parlé des mesures prises

25 en matière de discipline et aussi en matière d'instructions, de

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1 communications, d'information de ses supérieurs, d'information des

2 représentants internationaux avec qui il avait affaire. Vu tout ceci, je

3 vais vous demander votre avis sur la personnalité et le caractère du

4 général Hadzihasanovic, vu ce dont nous avons parlé aujourd'hui et vu ce

5 que vous savez, ce que vous avez vu de cet homme en 1993, est-ce un

6 commandant qui ne prendrait pas de mesures pour sanctionner quelqu'un si

7 ces mesures lui sont possibles ?"

8 Réponse : "Ce qui est certain, c'est qu'à mes yeux, c'était un bon

9 général, ce qui forcément implique tout ce que vous venez de dire."

10 Enfin, Monsieur le Président, une citation tirée du témoignage de Brian

11 Watters, un témoin international, commandant adjoint de l'opération Grapple

12 I [phon], commandant adjoint de BritBat. "Hadzihasanovic était un

13 commandant militaire, supérieur à tous les points de vue, du moins de mon

14 point de vue, que sa contrepartie au sein du HVO, Blaskic."

15 Je pourrais, Monsieur le Président, sortir plusieurs citations identiques

16 ou qui vont dans le même sens. Mais il y a aussi ce que l'Accusation a déjà

17 dit et que nous allons démontrer au sujet du général Hadzihasanovic. Nous

18 allons revenir sur le sujet qu'il s'agit d'un officier de carrière. Il

19 s'agit d'un officier, Monsieur le Président, qui a été placé dans une

20 position plus élevée que la sienne au début du conflit armé. D'un officier

21 qui a été placé dans une situation impossible. D'un officier qui

22 travaillait 20 heures par jour, sept jours sur sept, et qui est presque

23 tombé d'épuisement vers la fin de l'été 1993. C'est ce que les témoins

24 viendront dire devant cette Chambre. Cet homme qui, malgré tout, avait

25 toujours l'air d'être en pleine possession de ses moyens. Le même homme qui

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1 a multiplié les mesures pour améliorer le commandement et le contrôle au

2 sein du 3e Corps. Le même commandant qui n'a jamais hésité à prendre des

3 mesures pour empêcher et mettre fin au conflit avec le HVO.

4 Des témoins viendront dire devant cette Chambre, Monsieur le

5 Président, que le général Hadzihasanovic les a poussés à la limite de

6 l'acceptable, à la limite de ce qui peut être toléré de la part d'un

7 officier en exigeant d'eux qu'ils ne prennent pas les armes, qu'ils

8 n'attaquent pas, qu'ils ne mélangent pas avec le HVO; le même commandant

9 qui a multiplié les mesures pour former son personnel.

10 Je dois ralentir, Monsieur le Président, puisque c'est la traduction.

11 Un officier qui n'a jamais hésité, comme je le disais, à prendre des

12 mesures pour empêcher et mettre fin au conflit avec le HVO. Le même

13 commandant qui a pris des mesures pour former et entraîner le personnel du

14 3e Corps. Le même commandant qui, à de multiples reprises, a imposé à ses

15 commandants subordonnés de prendre des mesures contre toute violation du

16 droit international humanitaire. Le même commandant qui a sans cesse

17 demandé des comptes à ses commandants subordonnés. Le même commandant qui a

18 mis en place un système pour faciliter l'échange d'informations au sein du

19 3e Corps. Le même commandant qui n'a jamais hésité à faire des

20 recommandations à son quartier général supérieur pour faciliter et

21 améliorer le 3e Corps. A titre d'exemple, Monsieur le Président, la

22 création des groupements opérationnels, cela va de pair avec le témoignage

23 de l'expert de l'Accusation, à qui la question a été posée concernant ce

24 qui est convenu d'appeler "le span of control".

25 Autre exemple, Monsieur le Président, les recommandations qui ont

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1 mené à la division du 3e Corps en deux corps différents. Autre exemple,

2 Monsieur le Président, les rapports préparés par le général Hadzihasanovic

3 concernant les lacunes du système de justice militaire par la cour du

4 district de Zenica et de Travnik. Le même commandant, Monsieur le

5 Président, qui a utilisé son bataillon de police militaire à outrance pour

6 assurer la discipline au sein du 3e Corps.

7 Les témoins viendront dire devant cette Chambre, Monsieur le

8 Président, que s'il y a un accusé présentement en détention au centre de

9 détention des Nations Unies, "UNDU", qui mérite par sa conduite de porter

10 le titre de général, c'est le général Hadzihasanovic. Des témoins qui

11 viendront dire que le général Hadzihasanovic n'était pas du type à accepter

12 de secondes mesures. Des témoins qui viendront dire, Monsieur le Président,

13 que s'il avait la possibilité de prendre une mesure, il n'aurait jamais

14 hésité à le faire. Tout cela, Monsieur le Président, démontre et démontrera

15 que la théorie de l'Accusation ne tient pas la route. Pourquoi un

16 commandant de ce type, avec toutes ces qualités, qui aurait pris toutes ces

17 mesures, aurait-il omis dans certains cas précis de prendre des mesures ?

18 J'en arrive à la quatrième section de ma présentation, celle qui

19 traite des moyens à charge présentés par l'Accusation et qui seront

20 contestés. Je note, Monsieur le Président, une faute d'orthographe sur la

21 diapositive devant vous. Je m'en excuse. La question, Monsieur le

22 Président, les témoins de l'Accusation. Il faut noter que l'Accusation n'a

23 pas trouvé le moyen de présenter de témoins en provenance du 3e Corps.

24 Pourtant, Monsieur le Président, plusieurs des témoins de la Défense seront

25 justement des témoins qui proviennent du 3e Corps. Nous croyons qu'il

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1 s'agit d'un facteur à prendre en considération. La question, Monsieur le

2 Président, des témoins internationaux. Les témoins internationaux,

3 l'Accusation l'a affirmé dans une de ses écritures, ils sont utiles, ils

4 sont impartiaux, et ils peuvent fournir de précieux renseignements à la

5 Chambre. Comme le disait mon confrère qui représente le deuxième accusé

6 dans ce dossier, cela dépend, Monsieur le Président, si les mêmes témoins

7 internationaux ont été des témoins directs d'événements ou s'ils ne font

8 que rapporter des rumeurs. Nous croyons, Monsieur le Président, que la

9 Chambre est tout à fait en mesure de faire la différence entre un témoin

10 international qui, de par ses fonctions, a su rapporter une information

11 pertinente contrairement à un autre qui n'a pu que rapporter une

12 information de seconde ou de troisième main.

13 Nous allons vous présenter des témoins internationaux, Monsieur le

14 Président, des témoins également du 3e Corps, des témoins qui étaient tous

15 disponibles pour venir témoigner pour l'Accusation. La question du témoin

16 expert, Monsieur le Président, nous avons entendu un témoin expert de

17 l'Accusation, le général Reinhardt, certes un homme respectable et

18 respecté, commandant adjoint de l'OTAN pendant une période donnée, et ce

19 n'est pas peu dire. Toutefois, Monsieur le Président, l'Accusation a voulu

20 faire de ce témoin, non seulement un expert dans son domaine soit le

21 commandement, l'armée, mais l'Accusation a voulu faire de ce témoin un

22 témoin expert en droit, un témoin expert sur le fonctionnement de l'armée

23 de Bosnie, un témoin expert sur les Moudjahiddines et un témoin expert sur

24 des questions de droit international.

25 Evidemment, lorsque viendra la fin du procès, nous aurons l'occasion

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1 de démontrer toutes les faiblesses de ce témoignage. Pour l'instant, à

2 l'heure où nous nous apprêtons à présenter les moyens à décharge, nous

3 pouvons vous dire, Monsieur le Président, que nous allons présenter des

4 témoins experts. J'aurai l'occasion de vous dire qui ils sont et ce sur

5 quoi ils vont témoigner.

6 Il y a aussi, Monsieur le Président, la question de la preuve

7 documentaire de l'Accusation, environ un millier de documents. Combien de

8 ces documents ont été reconnus par des témoins ? Très peu. Les documents

9 ont été acceptés. Ils ont été versés au dossier comme ayant une pertinence

10 quelconque, et contenant un niveau suffisant de fiabilité.

11 Nous croyons, Monsieur le Président, que ces documents, alors même

12 que les témoins qui en étaient les auteurs ont témoigné devant la Chambre,

13 qu'il s'agit d'un facteur qu'il faudrait tenir compte au cours de la

14 présentation des moyens à décharge. Enfin, Monsieur le Président, il y a

15 certaines failles dans la preuve de l'Accusation que nous souhaitons porter

16 à votre attention. Nous croyons que ces failles, Monsieur le Président,

17 peuvent faire la différence dans ce procès. Nous n'avons rien entendu sur

18 le contexte historique si ce n'est quelques propos dans la déclaration

19 liminaire de l'Accusation. Nous n'avons rien entendu au cours de la preuve

20 de l'Accusation, sur le contexte politique, en particulier sur le plan

21 Vance-Owen qui, de notre avis, et nos témoins auront l'occasion d'en

22 discuter, est une pièce maîtresse de ce qui a pu se passer en Bosnie

23 centrale en 1993. Nous avons entendu très peu sur le contexte

24 constitutionnel. Evidemment, il n'est pas à l'avantage de l'Accusation de

25 dire que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine souhaitait un pays

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1 multiethnique. Il n'est pas à l'avantage de l'Accusation non plus de faire

2 en sorte que les responsabilités de l'accusé soient clairement identifiées

3 devant cette Chambre. Pourtant, Monsieur le Président, nous croyons qu'il

4 était la responsabilité de l'Accusation d'expliquer ces choses afin, à tout

5 le moins, de cerner le débat.

6 Ce qui est plus grave, Monsieur le Président, c'est l'utilisation

7 continue par l'Accusation du terme "zone de contrôle" ou "secteur de

8 responsabilité". Cette question a été soulevée bien avant le début de ce

9 procès. Nous croyons que la question avait été réglée par le Juge de mise

10 en état. Pourtant, nous continuons à voir dans les écritures de

11 l'Accusation, l'utilisation des mots "zone de contrôle" et "secteur de

12 responsabilité" pour essayer d'en faire un élément sur le lien de la

13 subordination. Nous avons entendu très peu, Monsieur le Président, sur

14 l'opposition au contexte difficile dans lequel se trouvait le général

15 Hadzihasanovic. L'Accusation a sans cesse tenté de fermer le débat. Nous

16 ferons le contraire, Monsieur le Président, nous ouvrirons le débat et nous

17 offrirons cette preuve à la Chambre.

18 Le contexte du commandement, Monsieur le Président, je l'ai dit au

19 début, nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, l'objectif de ce procès

20 demeure la responsabilité du commandement. Dans la preuve de l'Accusation,

21 pas de détail sur le nombre d'unités qui relevaient du général

22 Hadzihasanovic, pas d'organigramme du 3e Corps, pas d'organigramme du

23 commandement du 3e Corps, pas d'information sur le fonctionnement du

24 commandement du 3e Corps. Evidemment, autre que pour des témoins qui sont

25 venus à la toute fin du procès, des témoins qui devaient témoigner pour la

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1 Défense. Très peu d'information également sur les problèmes rencontrés par

2 le général Hadzihasanovic.

3 L'Accusation a tenté de minimiser l'impact de ces problèmes. Dans sa

4 réponse à une requête de la Défense, pour faire admettre des faits jugés,

5 en date du 23 mars, l'Accusation a fait opposition à l'impact de certains

6 facteurs sur l'exercice du commandement. Nous aurons l'occasion d'y

7 revenir.

8 J'en arrive, Monsieur le Président, au contexte factuel. Les

9 faiblesses concernant le contexte factuel, nous en avons déjà discuté.

10 Quelques observations générales : la question de l'identité des présumés

11 auteurs de crimes, la question de l'identité des unités impliquées, très

12 peu d'information à ce sujet qui pourrait permettre à la Chambre d'établir

13 un lien de subordination. Nous allons, dans la mesure du possible, fournir

14 les renseignements, à savoir, où se trouvaient les unités du 3e Corps aux

15 moments critiques.

16 La question, Monsieur le Président, sur la destruction; c'est un

17 exemple qui est pertinent à cet égard. Nous n'avons rien sur les

18 destructions en 1993. Nous n'avons rien sur les dates précises de

19 destruction dans l'acte d'accusation. Nous avons des faits qui ont été

20 recueillis par des témoins de second, de tiers, voire de quatrième main

21 alors que les enquêteurs étaient disponibles. Enfin, sur la question de la

22 présence des Moudjahiddines, des rumeurs, des commentaires, des

23 observations, des vidéos sorties de nulle part, où l'Accusation tente de

24 faire passer une histoire qui ne colle pas avec les faits.

25 Ces lacunes, Monsieur le Président, la Défense entend s'employer à les

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1 corriger et à fournir à la Chambre dans la mesure du possible, les

2 informations nécessaires. Ce qui est plus important, c'est la question des

3 mesures prises par l'accusé. Nous avons, au cours de la période de

4 l'accusation, eu l'occasion de traiter des mesures prises par l'accusé.

5 C'est une chose. Ce qui est plus important, c'est que nous sommes dans le

6 cadre d'un procès qui traite de la responsabilité du commandement. Comme le

7 disais l'Accusation, au cœurs de ce procès est la question des mesures

8 prises, et pourtant, rien n'a été dit ou n'a été fait sur la cour militaire

9 du 3e Corps, la cour qui existait au cœur même du commandement du 3e Corps.

10 Rien n'a été dit ou n'a été enquêté sur l'existence de cours militaires

11 spéciales. Lorsque nous parlons, Monsieur le Président, d'unités

12 subordonnées, il est en preuve, en fonction de documents qui ont été

13 déposés, que plusieurs plaintes criminelles ont été déposées, non seulement

14 par le commandement du 3e Corps mais aussi par les unités subordonnées du

15 général Hadzihasanovic. Ces faits n'ont pas été enquêtés. La question du

16 bataillon de police militaire, une question à laquelle j'ai fait allusion

17 un peu plus tôt. Dans sa déclaration liminaire, l'Accusation disais,

18 l'accusé avait même un bataillon de police militaire. Les unités

19 subordonnées avaient des bataillons de police militaire, mais ils n'ont

20 rien fait, alors qu'il est en preuve. Je fais référence à la pièce DH155/3,

21 à titre d'exemple, le rapport mensuel pour un mois du bataillon de police

22 militaire du 3e Corps; 22 700 personnes vérifiées aux points de contrôle.

23 256 individus détenus pour une période de moins de 24 heures. 25 individus

24 détenus pour une période de 24 heures selon la loi. 1 500 véhicules

25 vérifiés pour voir s'ils contenaient de la marchandise volée. 24 plaintes

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1 criminelles contre 32 individus, 3 pour crimes de guerre; 1 pour génocide;

2 1 pour rébellion armée; 1 pour voie de faits graves; 1 pour homicide; 1

3 pour meurtre; 4 pour vol; 6 pour vol qualifié; 1 pour espionnage; et 9 pour

4 manquement au service militaire obligatoire. C'est le résultat du travail

5 du bataillon de police militaire du 3e Corps pour un mois d'activités.

6 La Défense démontrera au cours de la présentation des moyens à

7 décharge, que ce genre d'éléments de preuve ne colle tout simplement pas

8 avec la théorie de l'Accusation, que l'accusé aurait dans certains cas omis

9 de prendre des mesures.

10 J'en arrive, Monsieur le Président, au cinquième point, soit l'importance

11 du contexte. J'ai mentionné un peu plus tôt la question des lacunes ou des

12 failles dans la preuve de l'Accusation qui n'avait pas parlé du contexte.

13 J'ai aussi dit que nous allions faire la différence et parler du contexte.

14 J'ai déjà discuté de l'affaire Rendulic, je n'y reviendrai pas. La question

15 de la différence entre les accusations portées entre les Articles 7(1) et

16 7(3) mérite que j'y revienne rapidement. "Si un accusé," Monsieur le

17 Président, "commandant d'une unité a personnellement commis un crime, si ce

18 commandant a participé de façon personnelle à un crime, le contexte a une

19 importance minime. Mais en l'espèce, lorsqu'il s'agit d'un commandant qui

20 n'a jamais commis de crimes, qui a multiplié les mesures pour empêcher,

21 pour prévenir et pour punir les auteurs des crimes, le contexte prend une

22 importance capitale."

23 Ce contexte, Monsieur le Président, il n'est pas invoqué à titre de

24 défense. Il est invoqué de façon à permettre à la Chambre d'évaluer le

25 travail, le commandement du général Hadzihasanovic à la lumière de la

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1 situation dans laquelle il a été placé.

2 La Défense présentera,au cours de cette phase du procès, le contexte

3 historique, le contexte politique, le contexte constitutionnel, ainsi que

4 le contexte militaire. S'agissant du contexte historique, la Chambre nous a

5 déjà fait savoir qu'elle était intéressée par la position historique dans

6 les années 1990. Nous croyons, Monsieur le Président, qu'il est important

7 pour nous de remonter un peu plus loin. Vous avez peut-être déjà pris

8 connaissance du rapport de notre expert historien. Pour nous, il est

9 important que ce témoin vienne dire à la Chambre que le territoire de la

10 Bosnie-Herzégovine a toujours été reconnu sauf pour une petite période au

11 cours de la Seconde guerre mondiale. Il est important pour la Défense,

12 Monsieur le Président, que l'expert historien vienne expliquer que dans

13 l'histoire de la Bosnie-Herzégovine, il y a toujours eu, il a toujours été

14 question d'une communauté multiethnique et multiculturelle où les gens

15 d'ethnies différentes étaient ensemble et habitaient les uns près des

16 autres. L'expert historien vous expliquera la différence, à titre

17 d'exemple, avec la Suisse où dans le cadre de la Suisse, il y a des

18 différences entre les citoyens de la Suisse, mais il est assez facile de

19 les départager sur le plan géographique; avec la Belgique où il est

20 également possible de départager les gens sur le plan géographique alors

21 que pour le cas de la Bosnie, ce n'était pas possible. Ces gens, de

22 plusieurs ethnies différentes, vivaient sur le même territoire les uns

23 parmi les autres. Les quatre principales religions du monde cohabitaient au

24 sein de la Bosnie-Herzégovine alors qu'ailleurs en Europe, la religion

25 faisait la loi.

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1 Il est important pour nous, Monsieur le Président, que l'expert

2 historien vienne expliquer ces choses à la Chambre, que l'expert historien

3 vienne expliquer que la commission Badinter, qui expliquait à un moment

4 donné, qui recherchait à savoir si les parties de l'ancienne Yougoslavie

5 avaient ou possédaient les conditions nécessaires afin de devenir ou de

6 redevenir des états. La Bosnie-Herzégovine, 1992, le 6 avril, remplissant

7 toutes les conditions énumérées par la commission Badinter, de façon

8 démocratique a acquis le statut d'état indépendant.

9 Le même jour, la Bosnie-Herzégovine était attaquée. Au milieu de

10 l'année 1992, Monsieur le Président, près de la moitié du territoire de la

11 Bosnie-Herzégovine était déjà occupée par les forces serbes. La Bosnie-

12 Herzégovine n'était pas prête pour la guerre. Cela a d'ailleurs été

13 mentionné à plusieurs reprises par l'Accusation dans le procès Blaskic. Le

14 système de défense de tous les citoyens, le fameux "All People's Defense,"

15 le système antérieur à l'accession à la souveraineté de la Bosnie-

16 Herzégovine a été défait par les actes d'agressions commis sur le

17 territoire de la Bosnie. Malgré tout, l'historien viendra vous dire,

18 Monsieur le Président, viendra expliquer la plate-forme adoptée par le

19 Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. La plate-forme, qui en accord avec la

20 position historique de la Bosnie-Herzégovine souhaitait un pays

21 multiethnique, sans égard à la religion, sans égard à d'autres critères.

22 L'important, l'expert historien le dira, la Bosnie-Herzégovine n'avait pas

23 les moyens de ses ambitions et surtout il était impossible de la diviser

24 sans passer par le nettoyage ethnique, contraire aux ambitions du

25 gouvernement.

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1 Le contexte politique, Monsieur le Président. Le 22 mai, la Bosnie-

2 Herzégovine devenait membre des Nations Unies. A titre de membres à part

3 entière des Nations Unies, la Bosnie-Herzégovine avait le droit d'être

4 protégée par les autres membres des Nations Unies. Plutôt que de protéger

5 la Bosnie-Herzégovine, ce pays a eu droit à un embargo. Un embargo qui lui

6 a empêché d'aller recueillir ou d'aller chercher les armes nécessaires pour

7 assurer sa défense. Alors même que du côté des Serbes, il y avait le

8 soutien de la République socialiste fédérale de la Yougoslavie, la Serbie,

9 alors que du côté des Croates, il y avait le soutien de la Croatie.

10 Surtout, un expert viendra vous expliquer, Monsieur le Président, que

11 pendant que la Bosnie centrale cherchait à devenir un état à part entière,

12 les Croates de Bosnie étaient occupés à créer, d'abord un parti politique,

13 puis un gouvernement parallèle puis une force armée parallèle.

14 Le plan Vance-Owen que j'ai mentionné un peu plus tôt, Monsieur le

15 Président, probablement l'un des grands coupables du conflit qui a mené à

16 la séparation ou qui était axé ou fondé sur la séparation de la Bosnie-

17 Herzégovine sur une base ethnique. Nous avons déjà eu l'occasion d'entendre

18 un témoin discuter des agissements des Croates de Bosnie pour mettre en

19 œuvre le plan Vance-Owen par la force avant même qu'il ne soit adopté.

20 Enfin, Monsieur le Président, la propagande anti-bosniaque, la propagande

21 par le HVO, les mouvements de population forcés sous le couvert d'attaques

22 de la Bosnie-Herzégovine; des objectifs du HVO qui étaient de détruire les

23 organes civils, de créer des organisations parallèles, de créer et

24 d'acquérir un territoire autonome. Sur la simple question, Monsieur le

25 Président, de la propagande, nous avons déjà entendu beaucoup. Nous allons

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1 toutefois déposer certains documents que l'expert historien sera à même

2 d'expliquer où il y avait une volonté, un politique de la part du HVO de

3 parler, dès qu'il était question de l'armée Bosnie-Herzégovine, de "MOS" ou

4 de Moudjahiddines ou de "Muslim Forces." Que c'était là un objectif de

5 propagande réel et existant du HVO.

6 Le contexte constitutionnel, Monsieur le Président, c'est-à-dire le

7 fonctionnement de l'état, le système au sein duquel s'inscrit le rôle, les

8 fonctions et les responsabilités du commandant. La plupart des documents

9 utilisés par l'expert constitutionnel ont déjà été déposés devant cette

10 Chambre, il y en a davantage. L'expert constitutionnel sera à même,

11 Monsieur le Président, d'expliquer quelles sont les lois qui étaient en

12 vigueur, quelles sont les lois qui ont été remplacées, c'est-à-dire les

13 anciennes lois et quelles sont les lois qui sont demeurées au moment où la

14 Bosnie-Herzégovine a accédé au statut, à la souveraineté. Comprendre les

15 limites des responsabilités des fonctions de l'accusé est selon nous,

16 Monsieur le Président, une question cruciale.

17 Le type de conflit. Nous avons discuté avec l'expert de l'accusation, nous

18 lui avons posé plusieurs questions concernant différents types de conflit.

19 Il a exprimé son accord, à savoir que le conflit le plus difficile, c'est

20 le conflit qui se produit à la maison, sur son propre territoire. Ce

21 n'était pas, Monsieur le Président, une question d'occupation. Si

22 occupation, il y a eu, elle était du côté du HVO ou du côté des Serbes.

23 L'accusation a tenté de diminuer l'impact du fait que la Bosnie-Herzégovine

24 représentait le gouvernement en place. C'est un impact, Monsieur le

25 Président, qui joue sur les responsabilités et les fonctions de l'accusé et

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1 qui est à notre avis, un facteur pertinent.

2 Dernier détail sur le contexte constitutionnel qui fait le point avec le

3 contexte militaire. La capitale de l'État, Sarajevo, assiégée; le pouvoir

4 économique et le pouvoir militaire pris par le siège de Sarajevo, devenue

5 pour le gouvernement de ce pays une obsession. Obsession qui a également

6 été transmis à l'accusé sous la forme de pression pour qu'il trouve les

7 moyens nécessaires, évidemment pas seul, avec d'autres, mais la libération

8 de Sarajevo était un objectif de l'État, primordial.

9 Le contexte militaire, Monsieur le Président. Je l'ai dit, le lien, la

10 capitale assiégée. La Défense territoriale qui n'était pas prête à mener

11 une guerre. La création de l'armée avec toutes les embûches, tous les

12 problèmes qui ont pu être rencontrés. L'armée qui devait, nous le verrons

13 par les documents déposés, remplacer la Défense territoriale. Mais le

14 changement de Défense territoriale à armée nationale ne s'est pas fait du

15 jour au lendemain. C'est un processus qui s'est échelonné sur plus d'une

16 année. Au cours de la présentation des moyens à décharge, nous allons

17 présenter, Monsieur le Président, de quelle façon, la Défense territoriale

18 est devenue l'armée de Bosnie-Herzégovine, et quels étaient les liens, les

19 liens de communication, les liens de directions et les liens de

20 subordination entre les institutions civiles, les instituions de l'armée et

21 les institutions de la Défense territoriale. Nous parlerons, Monsieur le

22 Président, des problèmes de mobilisation et des problèmes causés par

23 l'échec de la défense de tous les citoyens "All People's Defence."

24 Nous reviendrons, Monsieur le Président, sur la mission qui a été

25 confiée à l'accusé. Mission qui n'avait rien à voir avec la création du 3e

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1 Corps. La mission confiée au général Hadzihasanovic était de se rendre sur

2 place, de prendre possession d'unités existantes, de brigades qui

3 existaient selon l'information véhiculée à Sarajevo. Le général

4 Hadzihasanovic est arrivé à Zenica. Il a rencontré celui qui allait devenir

5 son adjoint, le général Merdan. Ce dernier était commandant du district

6 militaire de la force territoriale à Zenica. Lui, avait reçu des ordres de

7 créer un troisième corps, de créer des unités et des brigades. Nous

8 expliquerons au cours de la présentation des moyens à décharge, de quelle

9 façon, ayant vu que la mission qui lui avait confiée ne pouvait pas être

10 accomplie, de quelle façon, le général Hadzihasanovic a vu sa mission

11 transformée pour devenir celle de créer le 3e Corps, de s'assurer que la

12 ligne de front avec les forces serbes soit maintenue, et enfin, lorsque

13 cela serait possible, de disposer des forces nécessaires pour libérer la

14 capitale, Sarajevo.

15 Nous discuterons, Monsieur le Président, de la première tentative. En

16 fait, ce n'était pas la première tentative, mais la première tentative

17 après l'arrivée du général Hadzihasanovic à Zenica. La première opération

18 menée qui était un début pour libérer la capitale et qui a échoué. A la

19 fois, les témoins et le témoin militaire expert parleront de l'alliance, ou

20 plutôt de la fausse alliance entre le HVO et l'ABiH. Des témoins viendront

21 vous dire que, déjà, au moment où le général Hadzihasanovic est arrivé à

22 Zenica, il y avait déjà eu des problèmes de conflit armé entre le HVO et

23 l'ABiH. L'expert témoin et d'autres témoins viendront expliquer toutes les

24 mesures prises par le général Hadzihasanovic pour éviter le conflit entre

25 ces deux entités. Pourquoi ? Parce qu'en commandant responsable, il savait

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1 qu'il courait à sa perte en créant un deuxième front à l'intérieur même de

2 son secteur de responsabilité. Secteur de responsabilité, Monsieur le

3 Président, immense, du nord jusqu'à Maglaj, à l'ouest jusqu'à Gornji Vakuf,

4 au sud jusqu'à Visoko, presque à Sarajevo, et à l'est jusqu'à Vares; de

5 quatre à cinq cents kilomètres de front avec les Serbes. Cela veut dire que

6 la ligne de front, Monsieur le Président, avait à peu près la même distance

7 qui sépare La Haye de Paris. Cela prend des soldats, Monsieur le Président,

8 pour occuper une ligne de front aussi longue; on a besoin de ressources. Il

9 était primordial pour le général Hadzihasanovic de pouvoir traiter avec le

10 HVO pour occuper cette ligne et empêcher l'occupation d'un plus grand

11 territoire par les forces serbes.

12 Il est utile de mentionner à cet effet, Monsieur le Président, que

13 dans le procès Blaskic, l'Accusation décrivait le territoire de l'ABiH

14 comme étant un très grand territoire. Dans l'affaire, ou dans le présent

15 procès, dans la déclaration liminaire de l'Accusation, on parlait d'un

16 petit territoire pas très vaste. Il s'agit pourtant de la même Accusation,

17 mais avec deux causes différentes, avec deux objectifs différents.

18 Je pourrais continuer, Monsieur le Président, à vous parler des

19 problèmes de ressources, des problèmes de personnel qualifié qui manquait,

20 le problème d'armes, le problème du HVO qui est devenu un ennemi à

21 l'intérieur même, alors même qu'il devait y avoir un seul ennemi commun,

22 soit les forces serbes. Plusieurs facteurs, Monsieur le Président, ont un

23 impact sur l'exercice du commandement. Les facteurs qui sont sur la

24 diapositive sur votre écran sont des facteurs qui avaient été mentionnés

25 par la Défense au moment d'essayer de faire admettre certains faits jugés

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1 dans d'autres affaires. L'Accusation avait alors fait grand état de

2 s'opposer en disant que ces faits n'avaient rien à voir avec la

3 responsabilité de l'accusé concernant son devoir de prendre des mesures

4 nécessaires et raisonnables. L'état de préparation, les ressources et

5 l'armement, l'expert militaire viendra expliquer, Monsieur le Président, à

6 quel point il s'agit d'un critère important qui affecte la vie de tous les

7 jours, l'exercice du commandement, les attaques des forces ennemies. Cela

8 oblige le commandant, tel qu'il vous sera expliqué par l'expert militaire,

9 à modifier ses plans, à envoyer des ressources là où il n'avait pas prévu

10 de le faire, et qu'alors qu'il prend toutes ces décisions, cela affecte les

11 priorités puisque sa mission première demeure l'accomplissement de sa

12 mission. Le commandant doit penser à tout. C'est ce que l'expert militaire

13 viendra vous dire. Un commandant qui se voit, comme dans le présent cas,

14 recevoir un ultimatum, fin janvier 1993, à Busovaca, à Novi Travnik et à

15 Gornji Vakuf en même temps, c'est un facteur qui risque d'occuper et de

16 changer les priorités d'un commandant de corps de façon significative.

17 Autre facteur que j'ai mentionné un peu plus tôt, concernant le HVO, HVO

18 qui devait être un allié, alors même qu'on a demandé au HVO, déjà en

19 décembre 1992, de participer avec le 3e Corps à la libération de Sarajevo

20 pour essuyer un refus.

21 Tous ces facteurs à l'intérieur du contexte militaire, seront

22 expliqués à la fois par le témoin expert militaire, mais également par

23 d'autres témoins qui ont vécu la situation et qui pourront vous dire,

24 Madame le Juge, Monsieur le Juge, Monsieur le Président, à quel point ces

25 faits peuvent influencer la conduite des opérations par une unité

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1 militaire.

2 La sixième partie de la déclaration liminaire traite des témoins de la

3 Défense. Qui sont-ils et de quoi viendront-ils parler ? J'ai déjà eu

4 l'occasion de vous expliquer de certains sujets qui seront traités par les

5 témoins. Evidemment, nous avons, comme nous l'avons mentionné précédemment,

6 70 témoins ainsi que quelques témoins qui devraient s'ajouter à cette

7 liste. Evidemment, Monsieur le Président, il ne faudrait surtout pas que la

8 Chambre s'attende à ce que ces témoins viennent confirmer la thèse de

9 l'Accusation. Mais ce n'est pas pour autant, Monsieur le Président, que ces

10 témoins, s'ils viennent dire des faits différents à ceux qui ont été

11 présentés par l'Accusation, que ces témoins ne disent pas la vérité. Ces

12 témoins viendront donner la version de l'accusé, pas un écran de fumée,

13 mais bien la vérité, Monsieur le Président. Nous aurons plusieurs témoins

14 militaires. Lors de la conférence préalable à la Défense, la Chambre a bien

15 voulu nous informer qu'il serait utile pour nous d'informer les témoins

16 militaires, qu'après avoir prêté serment, ils n'appartenaient plus à la

17 Défense et qu'ils appartenaient à la Chambre; c'est la justice. Nous

18 n'avons peut-être pas très bien compris, Monsieur le Président,

19 l'information que la Chambre a voulu nous donner à cette occasion. Ce que

20 nous pouvons dire, Monsieur le Président, c'est que ces témoins, nous

21 sommes d'accord avec la Chambre, qu'ils appartiennent à la justice, qu'ils

22 pourront être contre-interrogés par l'Accusation. Nous le souhaitons

23 d'ailleurs afin que la Chambre puisse pleinement bénéficier de ce qui

24 pourrait ressortir de leur témoignage.

25 Comme je le mentionnais, nous avons également des témoins

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1 internationaux qui viendront témoigner. Des témoins, à la fois militaires,

2 des témoins qui viennent du Bataillon britannique, des témoins qui

3 faisaient partie de la Mission de monitoring de la Communauté européenne

4 ainsi que des témoins de certaines organisations internationales. Je

5 profite de cet instant, Monsieur le Président, pour vous informer que nous

6 allons devoir nous adresser à la Chambre afin d'obtenir des ordonnances

7 pour enjoindre certains témoins, membres d'organisations internationales à

8 témoigner devant cette Chambre ou encore à demander à ces organisations

9 internationales de produire certains documents. Nous comptons faire ces

10 requêtes dans les jours qui suivent.

11 Enfin, Monsieur le Président, les témoins experts. J'aimerais simplement

12 passer rapidement sur ce que ces témoins viendront dire à la Chambre en

13 commençant par l'expert constitutionnel. Il viendra vous expliquer la

14 dissolution de l'État. Il viendra vous expliquer le régime constitutionnel

15 avant la proclamation de guerre, le régime constitutionnel après la

16 proclamation de guerre, le fonctionnement des institutions gouvernementales

17 pendant la guerre, et le tout appliqué au secteur de responsabilités du 3e

18 Corps.

19 S'agissant de l'expert militaire. En plus de traiter des sujets que j'ai

20 déjà mentionnés, il viendra expliquer, Monsieur le Président, la question

21 de la chaîne de commandement; un facteur primordial au cours du présent

22 procès. Lorsque nous avons un corps d'armée, le corps d'armée a une chaîne

23 de commandement qui descend jusqu'au niveau le plus bas, jusqu'au

24 commandement de section. Lorsque vient le temps de prendre des mesures pour

25 un fait quelconque, que ce soit pour une opération militaire ou que ce soit

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1 pour prévenir ou que ce soit pour entraîner ou que ce soit pour punir, la

2 responsabilité première vient toujours au niveau là où la violation a lieu.

3 C'est donc dire, Monsieur le Président, qu'on ne peut s'attendre à ce que

4 commandant de corps, qui a plus de 30 000 soldats sous ses ordres, à ce que

5 le commandant de corps fasse tout lui-même. Il a une chaîne de

6 commandement. Il doit s'en servir, et il a droit au crédit de tout ce qui

7 est fait par la chaîne de commandement.

8 Pour faire un parallèle, Monsieur le Président, je vais vous parler

9 de ce que j'appelle le modèle Renault; Renault, une très grande compagnie.

10 Il est certain, Monsieur le Président, que si l'équipe de Formule 1

11 Renault, qui est en Chine pour participer à un Grand Prix, et un crime est

12 commis, un vol est commis par un membre de l'équipe Renault en Chine, on ne

13 peut demander au président de Renault d'être celui qui sera le premier

14 informé, et celui qui prendra les premières mesures. Evidemment ce modèle,

15 Monsieur le Président, est tout à fait différent du monde militaire; nous

16 en convenons. Mais pour donner une échelle de grandeur, nous croyons que

17 cela est un exemple pertinent. Le commandant de corps a sous lui les

18 groupes opérationnels, les brigades, les bataillons, les compagnies, les

19 sections. C'est un fait important qu'il faut souligner dans le cadre du

20 présent procès. Il y a le niveau des opérations également, Monsieur le

21 Président. Nous avons discuté de ce fait avec l'expert militaire de

22 l'Accusation lorsque nous lui avons posé des questions sur le niveau

23 tactique, le niveau opérationnel et le niveau stratégique, selon le poste

24 occupé par un officier commandant, selon le niveau des opérations

25 auxquelles il est occupé, ses fonctions ne sont pas les mêmes, les choses

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1 dont il s'occupe ne sont pas les mêmes. C'est un facteur que la Chambre

2 doit tenir compte.

3 Le rôle du commandant de corps est, selon nous, le niveau du

4 commandant de corps est un fait pertinent dans cette affaire.

5 Nous avons un quatrième expert, Monsieur le Président, qui viendra

6 vous parler des questions de commandement et de contrôle. Je profite de

7 l'occasion pour vous dire que l'expert militaire est un expert qui provient

8 de Bosnie-Herzégovine, qui occupait à peu près à la même période que le

9 général Hadzihasanovic, le poste de commandant du 1er Corps d'armée de

10 l'ABiH. Il s'agit du général Karavelic. Le quatrième expert, Monsieur le

11 Président, et c'est la raison pour laquelle je mentionne ce fait, est

12 quelqu'un qui viendra informer la Chambre sur la notion de secteur de

13 responsabilité, sur les liens qui existent entre les unités, sur les

14 notions tels que commandement opérationnel, contrôle opérationnel, contrôle

15 tactique et soutien administratif. Cet ancien officier a participé, a été

16 membre de plusieurs armées de différents pays. Il sera en mesure, nous le

17 croyons, Monsieur le Président, d'informer la Chambre sur la possibilité

18 tout à fait normale, au cours d'un conflit armé, de voir des unités

19 indépendantes exister à l'extérieur du contrôle des forces des parties au

20 conflit, tout en étant à l'intérieur du même théâtre d'opérations.

21 J'en viens, Monsieur le Président, au facteur moudjahiddine. Facteur

22 moudjahiddine qui est un facteur qui a le don de susciter des émotions chez

23 bien des gens. Qui sont les Moudjahiddines ? La Défense ne peut certes pas

24 nier qu'il y avait des gens que nous pouvons appeler "Moudjahiddines" en

25 Bosnie centrale en 1993. Ils étaient là. Toutefois, combien de ces gens

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1 étaient présents ? Les témoins viendront vous dire, et vous avez déjà

2 entendu plusieurs témoins, qu'il n'est pas possible de savoir combien

3 exactement il y avait de ces gens appelés "Moudjahiddines". Le fait que la

4 propagande du HVO, propagande qui a, dans un sens, les témoins viendront le

5 dire, joué contre eux. Ils ont utilisé la propagande moudjahiddine pour

6 faire mal paraître l'ABiH. Ils ont aussi utilisé le facteur moudjahiddine

7 afin de forcer leur propre population à évacuer des secteurs. En même

8 temps, ils ont contribué à créer un mythe, un mythe qui faisait peur à tous

9 les citoyens de Bosnie-Herzégovine. Ces Moudjahiddines, Monsieur le

10 Président, qui n'étaient pas sous un commandement et contrôle unifié. Ce

11 n'était pas une force armée; c'étaient des gens qui venaient de plusieurs

12 pays, qu'ils soient d'Europe ou d'ailleurs.

13 Les témoins viendront expliquer à nouveau, Monsieur le Président,

14 toutes les mesures prises par l'accusé pour essayer de régler ce problème

15 qui créait plus de mal que de bien à la situation du 3e Corps. Comment

16 penser, Monsieur le Président, que le 3e Corps, qui faisait tout pour

17 empêcher le conflit avec le HVO, et d'autre part, pour essayer de faire en

18 sorte que les Moudjahiddines fassent des opérations. Les deux ne vont tout

19 simplement pas ensemble, Monsieur le Président. Cela aurait été contraire à

20 la stratégie gouvernementale d'avoir un pays multiethnique. Cela est

21 contraire tout simplement à toute la preuve que vous avez entendue et que

22 vous allez continuer à entendre au cours de la présentation des moyens à

23 décharge.

24 Un des témoins, dont le nom apparaît sur la diapositive devant vous,

25 est celui-là même qui a rédigé le projet pour tenter de créer cette fameuse

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1 unité appelée El Mujahed. Les faits seront portés devant la Chambre,

2 Monsieur le Président, les témoins expliqueront davantage d'où venaient ces

3 gens, ce qu'ils faisaient, ce que le 3e Corps a essayé de faire pour régler

4 le problème. Enfin, la preuve viendra confirmer que la tentative de créer

5 l'unité El Moudjahid a été un échec. Malheureusement, la théorie incomplète

6 de l'Accusation, fondée sur des témoins internationaux qui n'ont pas vu les

7 Moudjahiddines, qui n'ont pas rencontré des Moudjahiddines, et on ne parle

8 que de rumeurs, rend la situation plus difficile.

9 Le 11 septembre 2001, pardon, 2002 s'est produit un événement

10 tragique à New York. Depuis ce temps, Monsieur le Président, le monde

11 comprend mieux la question du terrorisme, la question des Moudjahiddines,

12 la question des gens qui n'appartiennent à aucun pays et qui ont des idées

13 tout à fait contraires à toutes les idées que peuvent avoir les états. Le

14 monde comprend mieux aujourd'hui le danger que peut représenter ces gens.

15 Nous ne comprenons pas encore le phénomène moudjahiddines, mais nous

16 comprenons davantage aujourd'hui toutes les complications de ce phénomène.

17 Il serait illusoire de croire, Monsieur le Président, que la situation

18 était différente en 1993. Bien au contraire. Ces gens étaient sur le

19 terrain, mais ces gens, quelqu'un les a laissés entrer en Bosnie-

20 Herzégovine, mais il ne faudrait pas sauter aux conclusions qu'à partir de

21 gens présents sur le terrain, des gens qui, la preuve l'a montré et

22 continuera de démontrer, essayaient d'influencer les habitants locaux,

23 faisaient peur aux habitants locaux, essayaient d'acheter la loyauté des

24 habitants locaux, avaient de l'argent, avaient des liens avec la religion.

25 Ces gens, Monsieur le Président, ce serait sauter aux conclusions trop vite

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1 que de croire que ces gens avaient tout à fait tout lien avec l'ABiH. Les

2 témoins qui viendront devant vous viendront expliquer ce phénomène,

3 expliquer comment cette cohabitation, si on peut utiliser le mot,

4 puisqu'ils étaient là en Bosnie, en petit nombre, mais ils étaient là,

5 comment elle a pu se produire. Mais les gens qui viendront devant la

6 Chambre, Monsieur le Président, viendront expliquer que des gens qui

7 étaient très proches à la fois des dirigeants seniors de l'ABiH, que ces

8 gens étaient non seulement qu'ils n'étaient pas aimés, mais que ces gens

9 n'étaient même pas des bons soldats, que ces gens étaient des problèmes et

10 qu'on voulait régler cette situation en Bosnie centrale en 1993.

11 Evidemment, le procès se limite à 1993. Mais le fait que le problème

12 n'était toujours pas réglé en 1994 est également une source qui vient

13 confirmer que ces gens n'avaient aucun rapport avec l'armée. Il ne faudrait

14 pas que l'accusé, le général Hadzihasanovic, ait à payer le prix des

15 Moudjahiddines, ait à payer le prix du 11 septembre, parce qu'il était en

16 Bosnie-Herzégovine au même moment que des gens appelés Moudjahiddines.

17 Quelques mots, Monsieur le Président, et j'arrive à la fin de la

18 déclaration liminaire, quelques mots sur le droit applicable. Les éléments

19 essentiels de la responsabilité du commandement, nous en avons discuté au

20 début, le lien de subordination, savait ou avait des raisons de savoir, et

21 également les questions des mesures nécessaires ou raisonnables. Sur la

22 question du lien de subordination, nous aimerions revenir, Monsieur le

23 Président, sur le fait que la question du secteur de responsabilité est une

24 question qui n'a rien à voir avec la question de lien de subordination.

25 Peut-être avons-nous mal saisi la décision de la Chambre sur la requête de

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1 l'accusé aux fins d'acquittement. Pour nous, il s'agit d'une question

2 importante qui a déjà été réglée auparavant et qui a été aussi discutée

3 dans d'autres procès.

4 La deuxième question, Monsieur le Président, sur la question du lien de

5 subordination, et l'analyse de la Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic.

6 Dans cette affaire, la Chambre d'appel a eu l'occasion, à quelques

7 reprises, de démontrer l'analyse nécessaire pour déterminer si un

8 commandant avait ou non ou exerçait ou non un contrôle effectif sur les

9 forces, sur des forces armées. Le témoin expert, tout comme d'autres

10 témoins, viendront expliquer que cette notion de lien de subordination ne

11 peut avoir de lien avec la question de secteur de responsabilité ou de zone

12 de contrôle. Sur la question, Monsieur le Président, de savait ou avait des

13 raisons de savoir, la Chambre d'appel, dans l'affaire Blaskic, a établi

14 qu'il s'agissait d'information réelle qui devait être en la possession du

15 commandant. La Chambre d'appel a également déterminé qu'il ne pouvait

16 s'agir de suppositions. Surtout, qu'un commandant ne pouvait être

17 responsable pour ne pas avoir cherché à obtenir de l'information. Enfin,

18 sur la question des mesures. Il y a la question du standard ou du niveau de

19 prudence exigé. La référence que nous suggérons à la Chambre d'utiliser, il

20 y a le facteur temps. A plusieurs reprises, dans le mémoire préalable de

21 l'Accusation, il est question d'imposer au commandant de prendre des

22 mesures immédiates. La question d'immédiateté, s'il y a un tel mot en

23 français, c'est une question, Monsieur le Président, qui prend une

24 définition différente selon le contexte. L'expert de l'Accusation en a

25 discuté dans son témoignage. Nos témoins en feront de même.

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1 Quelques questions rapidement de droit : nous souhaitons simplement

2 informer la Chambre sur la question du témoignage d'opinion, une question

3 qui a été soulevée à plusieurs reprises au cours de la présentation des

4 moyens à charge. La Chambre a décidé de permettre le témoignage d'opinions.

5 C'est une question, Monsieur le Président, qui

6 rendra peut-être la tâche plus difficile à la Chambre. Cela était du moins

7 l'essentiel de notre argumentation au début du procès, toutefois les

8 témoins que nous présenterons viendront également offrir leurs opinions

9 lorsque cela pourra être pertinent.

10 La question de la preuve circonstancielle, il est important pour nous de

11 mentionner, Monsieur le Président, que la preuve circonstancielle doit

12 tenir compte de tous les éléments de preuve, sur un fait donné, avant de

13 pouvoir en tirer une conclusion quelconque ou ce qui est appelé en anglais

14 les "inferences," les inférences à partir de la preuve. Nous sommes d'avis,

15 Monsieur le Président, nous vous soumettons respectueusement qu'avant de

16 tirer une conclusion d'une preuve circonstancielle, il faut tenir compte de

17 toute la preuve sur un élément donné.

18 La question de la nature du conflit armé, la Chambre a décidé de ne pas

19 statuer sur cette question. La Défense fera en sorte de présenter une

20 défense qui tiendra compte des deux éventualités.

21 Enfin, il y a la question de l'imprécision des accusations 5, 6 et 7.

22 Monsieur le Président, lorsque la Défense soulève une telle question, il

23 s'agit d'une question juridique, il ne s'agit pas d'un moyen de défense

24 ultime. Je crois que la Chambre a été à même de constater que nous avons

25 toutes les défense de fond, tous les moyens à décharge concernant les

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1 accusations 5, 6 et 7. A notre avis, la preuve démontre déjà que l'accusé a

2 pris toutes les mesures concernant ces chefs d'accusation. Toutefois,

3 Monsieur le Président, lorsque nous croyons que l'Accusation n'a pas rempli

4 ses obligations et ses devoirs concernant les précisions à apporter pour

5 ces chefs d'accusation, nous croyons qu'il est de notre responsabilité de

6 noter ces faits et laisser le soin à la Chambre de décider quel est le

7 degré de précision qui doit être apporté par l'Accusation en l'espèce. Ce

8 n'est pas une question technique; c'est une question d'intérêt de la

9 justice et une question de sécurité, voire d'assurer le jugement final.

10 Monsieur le Président, j'arrive à la dernière section de ma présentation,

11 qui explique pour chacun des chefs d'accusation rapidement ce que la

12 Défense entend présenter par l'entremise de ses témoins. Je suggère de

13 prendre une pause et ensuite j'en aurai pour environ un peu plus de 20

14 minutes pour présenter la fin de la déclaration liminaire de la Défense.

15 Merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il effectivement 17 heures 20. Nous allons faire une

17 pause et nous reprendrons aux environs de 17 heures 50.

18 --- L'audience est suspendue à 17 heures 20.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, je vous redonne la parole pour le

20 chapitre 9.

21 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

22 Madame le Juge, Monsieur le Juge, Monsieur le Président, j'en arrive

23 à la dernière section de la déclaration liminaire de la Défense, celle qui

24 traite de la façon plus spécifique avec laquelle nous entendons présenter

25 des moyens à décharge pour les chefs d'accusation qui demeurent au dossier.

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1 Tout d'abord, Monsieur le Président, concernant l'accusation, pour le chef

2 d'accusation 1 pour Dusina. La Chambre a décidé, dans la décision sur la

3 requête aux fins d'acquittement de l'accusé, qu'il y avait des éléments de

4 preuve qui pourraient permettre de conclure que les faits à Dusina, le 26

5 janvier 1993 auraient été commis par des auteurs qui étaient sous le

6 contrôle de l'accusé, que l'accusé savait ou avait des raisons de savoir

7 que ces faits avaient été commis, et que des mesures n'auraient pas été

8 prises. Rapidement, Monsieur le Président, nous pourrons vous dire que

9 c'est un événement qui, pour la Défense, prend une importance particulière,

10 puisqu'il s'agit d'un événement qui est de nature strictement militaire, du

11 moins il appert, à la lumière de la preuve.

12 De là à dire que les gens qui ont commis les crimes étaient sous le

13 contrôle de l'accusé, les témoins pourront venir dire qu'il y a peut-être

14 des doutes concernant les gens qui ont commis ces crimes. Toutefois, la

15 Défense, Monsieur le Président, entend s'attarder davantage à la question

16 de connaissance. La question de connaissance en commençant par la réunion

17 qui a eu lieu à laquelle le colonel Blaskic, réunion au cours de laquelle

18 le colonel Blaskic a mis fin sous prétexte que des crimes avaient été

19 commis et d'où l'Accusation tire de cette réunion, que l'accusé avait

20 connaissance des événements du 26 janvier 1993. Nous allons expliquer le

21 contexte, Monsieur le Président, de cette réunion. Les témoins viendront

22 expliquer ce qui s'est passé à cette réunion, qui étaient les personnes

23 présentes à cette réunion, et de quelle façon l'information a été transmise

24 par le colonel Blaskic à cette occasion. Et de là, à dire que la

25 connaissance de l'accusé n'a pas été établie à ce moment.

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1 Toutefois, Monsieur le Président, la question de Dusina, la Défense était

2 d'avis que la preuve avait déjà été faite que des mesures avaient été

3 prises, une enquête avait eu lieu, et les témoins viendront expliquer ce

4 fait devant la Chambre au cours de la présentation des moyens à décharge.

5 Comme je le mentionnais un peu plus tôt, l'importance de cet événement,

6 c'est qu'il n'y a pas de Moudjahiddines d'impliqués dans cet événement, ce

7 qui permettra à la Défense de mettre l'emphase sur les mesures prises par

8 l'accusé dans une situation de ce genre, comme l'accusé a pris des mesures

9 pour d'autres situations qui sont déjà en preuve.

10 Concernant l'Accusation, chef d'accusation 1 pour Miletici. La preuve

11 viendra démontrer, Monsieur le Président, que ces faits ont été commis par

12 des personnes qui n'étaient pas sous le contrôle du 3e Corps, que ces faits

13 ont été commis en l'espèce par des Moudjahiddines. Des témoins viendront

14 relater exactement comment ces gens, qui n'étaient pas des militaires du 3e

15 Corps, ont commis les événements qui se sont produits à Miletici.

16 Concernant la connaissance pour Miletici, comme l'Accusation l'a déjà dit,

17 le commandant adjoint du 3e Corps était sur les lieux le lendemain des

18 événements à Miletici. Il sera à même de vous expliquer exactement les

19 mesures qui ont été prises à ce moment-là, malgré le fait que, selon la

20 jurisprudence du Tribunal, il n'avait aucune responsabilité de prendre des

21 actions et des mesures à ce moment.

22 Concernant la question de Maline, des événements du mois de juin. Encore

23 une fois, les témoins viendront expliquer que les événements qui ont eu

24 lieu et qui font l'objet du chef d'accusation 1, ont été commis par des

25 gens qui n'étaient pas sous le contrôle du 3e Corps. Les gens qui ont été

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1 tués cette journée-là ont été tués par des Moudjahiddines qui comprenaient

2 des éléments locaux masqués mais tous, des personnes qui n'étaient pas sous

3 le contrôle du 3e Corps. Un témoin en particulier viendra expliquer

4 exactement comment la séparation des groupes a eu lieu ce jour-là à Maline.

5 Comment les gens qui ont été tués cette journée-là ont été littéralement

6 kidnappés des mains des forces de Bosnie-Herzégovine pour ensuite être

7 amenés à un endroit où ils ont été exécutés. La preuve a déjà démontré

8 certaines des mesures qui ont été prises. Les témoins viendront expliquer

9 davantage à quel moment la première connaissance de ces événements est

10 venue à des gens qui faisaient partie du 3e Corps, et qu'est-ce qui a été

11 entrepris à ce moment.

12 Concernant le chef d'accusation 3, sur la question d'Orasac, la Chambre a

13 conclu qu'il y avait des éléments de preuve qui permettraient de conclure

14 que les personnes qui avaient commis le meurtre par décapitation à Orasac

15 étaient sous le contrôle du 3e Corps et que l'accusé savait, avait des

16 raisons de savoir et qu'il n'aurait pas pris de mesures. La Défense, par

17 ses témoins et ses documents, contestera les trois faits. Tout d'abord, les

18 gens qui ont commis ces gestes à Orasac sont des Moudjahiddines qui

19 n'étaient pas sous le contrôle du 3e Corps, ils ne faisaient partie

20 d'aucune façon du 3e Corps. Ils n'avaient aucun lien avec le 3e Corps. Sur

21 la question de la connaissance, il n'y avait aucune connaissance de ces

22 gestes. Si des gens au sein du 3e Corps, ce qui n'implique même pas

23 l'accusé en l'espèce, avaient une connaissance d'événements quelconque

24 concernant Orasac, il s'agissait de la connaissance d'un enlèvement ou une

25 détention illégale, mais il n'y a jamais eu connaissance concernant des

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1 crimes qui auraient été commis à Orasac. De plus, plusieurs mesures ont été

2 prises. Les témoins viendront vous expliquer, Monsieur le Président,

3 comment tout le monde cherchait à savoir ce qui a pu se passer à Orasac,

4 que ce soit du Bataillon Britannique, que ce soit du Comité international

5 de la Croix rouge, que ce soit de la Mission de monitoring de la Communauté

6 européenne ou que ce soient des gens du groupement opérationnel au Bosanska

7 Krajina, tout le monde. Toutes les mesures ont été prises pour essayer de

8 trouver ce qui a pu se passer à Orasac.

9 Concernant le chef d'accusation 3 et la situation concernant le détenu

10 Havranek. Dans ce cas de figure, Monsieur le Président, la Défense

11 démontrera qu'il n'y avait pas connaissance de la part de l'accusé

12 concernant cet événement. Toutefois, des mesures ont été prises, mais des

13 mesures qui ont été prises par des subordonnés de l'accusé sans que lui

14 n'en soit au courant.

15 Concernant le chef d'accusation 3 et le meurtre présumé du dénommé Zrno.

16 Nous vous soumettons respectueusement, Monsieur le Président, qu'il a déjà

17 été établi que cette personne n'a pas été tuée par des gens qui étaient

18 sous le contrôle du 3e Corps. Cette personne n'a pas été tuée par des

19 membres du 3e Corps. De plus, nous nous attarderons également à la question

20 de la connaissance et à la question des mesures prises à la suite de cet

21 événement.

22 S'agissant du quatrième chef d'accusation, et plus spécifiquement de

23 l'école de musique. La Défense s'attardera à démontrer que des mesures ont

24 été prises, lorsque l'accusé a été mis au courant de la possibilité que des

25 violations soient commises à l'école de musique, et que l'accusé a pris les

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1 mesures nécessaires dans les circonstances. Sur la question de l'école de

2 musique, les témoins démontreront, Monsieur le Président, la question que

3 les événements n'ont pas du tout l'ampleur que l'Accusation a bien voulu

4 leur donner, c'est-à-dire, l'ampleur de la connaissance contrairement à ce

5 que l'Accusation a bien voulu laisser démontrer que tout le monde savait ce

6 qui pouvait se passer à l'école de musique.

7 Concernant les événements à Travnik, ces événements, Monsieur le Président,

8 la question de la connaissance sera remise en jeu par les témoins de la

9 Défense et les documents de la Défense.

10 S'agissant de Mehurici, pour le chef d'accusation 4, il faut diviser les

11 événements de Mehurici en deux. Tout d'abord, la Défense démontrera par ses

12 témoins qu'il n'y a pas eu de mauvais traitements à l'école élémentaire de

13 Mehurici. Deuxièmement, Monsieur le Président, la Défense démontrera qu'il

14 n'y a jamais eu de connaissances concernant les événements à Mehurici, que

15 ce soit à l'école élémentaire ou encore à la forge de Mehurici.

16 La question d'Orasac, les mêmes arguments mentionnés un peu plus tôt

17 s'appliquent au chef d'accusation 4.

18 S'agissant du motel Sretno, Monsieur le Président, pour cet événement, la

19 Chambre a conclu qu'il y avait des éléments qui pourraient permettre à un

20 jury raisonnable, aux Juges, de conclure que ces gestes avaient été commis

21 par des personnes sous le contrôle effectif de l'accusé, que l'accusé

22 aurait pu en avoir connaissance, et que des mesures n'avaient pas été

23 prises. Dans les trois cas, Monsieur le Président, la défense de l'accusé

24 sera que les gens qui ont commis ces actes n'étaient pas sous le contrôle

25 du 3e Corps, que la question de la connaissance sera également contestée,

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1 de même que la question des mesures.

2 S'agissant de Bugojno, Monsieur le Président, tout d'abord, il y a la

3 question de la banque à Bugojno. La Défense démontrera par la preuve déjà

4 entendue, par les témoins et la preuve documentaire, qu'il n'y a pas eu de

5 mauvais traitements à la banque à Bugojno. S'agissant des autres lieux de

6 détention, pour chacun de ces lieux, Monsieur le Président, la question du

7 lien de subordination sera remise en question par la Défense, de même que

8 la question de connaissance et la question des mesures prises par des

9 subordonnés de l'accusé, bien que ce soit à son insu.

10 Sur la question du chef d'accusation 5 pour les destructions, comme

11 nous l'avons déjà entendu au cours de la preuve de l'Accusation, les moyens

12 à décharge de la Défense sont à l'effet qu'il n'y a pas eu de destructions

13 qui remontent à un niveau suffisant pour faire de ces événements une

14 infraction au droit international humanitaire. Qu'en fait, il n'y a pas eu

15 de destruction de villes et de villages tel qu'allégué. De même, nous nous

16 emploierons, Monsieur le Président, à faire en sorte que la preuve avancée

17 par l'Accusation -- nous allons démontrer que les témoins de l'Accusation

18 qui ont rapporté avoir vu la destruction sur les lieux, que ces témoins ne

19 pouvaient tout simplement pas voir ce qu'ils ont rapporté, bien que ce

20 qu'ils aient rapporté n'était pas suffisant pour constituer l'infraction

21 alléguée. De même, Monsieur le Président, sur la question des mesures, la

22 Défense démontrera que de multiples mesures ont été prises concernant des

23 destructions.

24 Sur la question du chef d'accusation 6 et le pillage, Monsieur le

25 Président, nous n'avons pas l'identité de ceux qui ont pillé. Par contre,

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1 nous avons des témoins qui viendront dire que le pillage n'avait pas lieu

2 au cours des opérations militaires, que le pillage avait lieu après les

3 opérations militaires. En l'espèce, l'identité des personnes devient

4 cruciale, et cette identité, nous ne l'avons pas. Toutefois, nous avons de

5 la preuve, et nous présenterons de la preuve sur les multiples mesures

6 prises par l'accusé pour punir des gens pour ce type d'infractions, pour

7 enquêter sur ces gens, sur ce type d'infractions et pour prévenir et

8 empêcher ce type de violations.

9 Enfin, Monsieur le Président, sur la question du chef numéro 7,

10 c'est-à-dire l'endommagement ou la destruction de biens religieux,

11 évidemment, il n'y a pas eu de destruction ni à Guca Gora, ni à l'église

12 Jean-Baptiste de Travnik. Les gens qui ont commis ces violations, Monsieur

13 le Président, n'étaient sous le contrôle du 3e Corps. Ces gens n'avaient

14 aucun lien avec le 3e Corps. Cela a déjà été démontré, mais sera démontré

15 davantage au cours de la présentation des moyens à décharge. De même,

16 Monsieur le Président, plusieurs mesures ont été prises, sans égard au fait

17 que ces gestes ont été commis par des gens qui n'avaient rien à voir avec

18 le 3e Corps. Allant au-delà de leurs responsabilités, des subordonnés de

19 l'accusé ont pris des mesures nécessaires et raisonnables pour s'assurer

20 que les dommages seraient soit réparés et que les gens seraient punis.

21 Monsieur le Président, c'est un peu, en quelques mots, la nature de la

22 preuve que vous entendrez au cours de ce procès. De façon plus importante,

23 il y a toujours la question des mesures qui revient. Dans sa réponse à la

24 requête de l'accusé aux fins d'acquittement, l'Accusation a demandé le

25 renversement du fardeau de preuve, fardeau qui lui a été refusé par la

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1 décision de la Chambre qui a bel et bien confirmé que l'Accusation se

2 devait de prouver que ce soit un négatif ou un positif ou peu importe la

3 façon que nous pouvons nommer ce fait, il revient à l'Accusation de

4 prouver, hors de tout doute raisonnable, que des mesures n'ont pas été

5 prises. Nous allons confirmer au cours de la phase de présentation des

6 moyens à décharge que des mesures ont été prises, et que l'Accusation n'est

7 pas en mesure de prouver que des mesures n'ont pas été prises. Toutefois,

8 nous allons en rajouter, Monsieur le Président. Les témoins qui viendront

9 devant cette Chambre expliqueront jusqu'à quel point les subordonnés de

10 l'accusé étaient prêts à aller afin de prévenir des violations et afin

11 d'empêcher et de punir des gens qui auraient commis des violations lorsque

12 ces gens faisaient partie du 3e Corps. Des cas très particuliers vous

13 seront expliqués qui permettront à la Chambre de comprendre que le 3e Corps

14 n'était pas un corps où, malgré que des violations aient pu être commises,

15 les violations n'étaient pas acceptées, n'étaient pas tolérées à partir des

16 ordres émis par l'accusé, le général Hadzihasanovic, jusqu'aux

17 comportements et aux mesures prises par les commandants subordonnés.

18 J'en arrive à la conclusion, Monsieur le Président, concernant la

19 déclaration liminaire de la Défense. J'aimerais rappeler à la Chambre,

20 Monsieur le Président, au nom de l'accusé, le général Hadzihasanovic, qu'au

21 moment d'entreprendre la présentation des moyens à décharge, l'importance

22 de considérer les accusations dans leur contexte global. Ces accusations ne

23 peuvent pas être considérées de façon isolée comme étant des incidents qui

24 n'ont aucun rapport les uns avec les autres. C'est la situation globale en

25 Bosnie centrale en 1993 qu'il faut regarder. C'est le contexte militaire

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1 impossible dans lequel l'accusé a été placé. C'est le fait que l'accusé a

2 multiplié les mesures pour prévenir, empêcher des violations et punir ceux

3 qui étaient les membres du 3e Corps qui auraient pu en commettre. La

4 Défense soumet respectueusement, Monsieur le Président, l'importance de ne

5 pas perdre de vue l'objectif de ce procès, l'objectif de la théorie de la

6 responsabilité du commandant. C'est ce dont il est question ici. Le

7 commandant, le général Hadzihasanovic, a-t-il agi en tant que commandant

8 responsable ? S'est-il écarté de la norme de référence à un point tel que

9 ses actions font de lui un criminel ? La Défense soumet respectueusement

10 que la preuve entendue à ce jour est tout à fait contraire à ce fait, et

11 que la preuve additionnelle, les moyens à décharge entendus au cours de la

12 preuve de la Défense viendront confirmer ce fait.

13 En fait, Monsieur le Président, la question qui se posera à la fin du

14 procès n'est pas de savoir si le général Hadzihasanovic devrait être

15 condamné de quoi que ce soit. La question qui se posera est que si un autre

16 commandant avait été là, à la place du général Hadzihasanovic, combien de

17 crimes additionnels auraient été commis de part et d'autre en Bosnie

18 centrale ? A quel point, cet officier a commandé dans une situation

19 impossible et a su prévenir que des violations ne soient commises sur une

20 échelle beaucoup plus grande, à quel point il a su entraîner et former le

21 3e Corps pour faire en sorte de sauver la situation en Bosnie centrale et

22 de faire en sorte que cette armée, partie de rien, est devenue une arme

23 professionnelle qui a su tirer son épingle du jeu au cours des années qui

24 ont suivi.

25 Monsieur le Président, il y a enfin le test de Yamashita. J'ai

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1 discuté et j'ai tiré certaines citations de l'affaire Yamashita. L'affaire

2 Yamashita, Monsieur le Président, il faut se rappeler que, dans son cas, le

3 seul vrai procès pour responsabilité du commandement, il y avait 123

4 infractions alléguées, en titre de détails, qui faisaient partie du seul

5 chef d'accusation qui lui était reproché à lui, soit d'avoir manqué à son

6 devoir de commandant. 123 infractions commises par ses subordonnés; plus de

7 25 000 victimes au sein des Philippines; un lien de subordination établi

8 entre les auteurs de ces violations et le général Yamashita; et le manque

9 total de mesures prises par cet officer dans les circonstances. Qui plus

10 est, Monsieur le Président, un officier qui était le gouverneur militaire.

11 Donc, dans son cas à lui, la question du secteur prenait une importance

12 légale, contrairement au cas du général Hadzihasanovic. Le général

13 Yamashita a été reconnu coupable.

14 Pourtant, lorsque nous regardons, Monsieur le Président, la cause du

15 général Yamashita, qui a été portée en appel devant la Cour suprême des

16 Etats-Unis - j'invite la Chambre, Monsieur le Président, à lire avec

17 attention la dissidence des juges dans cette affaire - dans cette affaire,

18 Monsieur le Président, les juges dissidents ont fait grand état du déni

19 total de justice du procès de l'affaire Yamashita, malgré tous les faits

20 que je viens de relater. Il ne faudrait pas, Monsieur le Président, que

21 dans le premier cas, le premier procès pour la responsabilité du

22 commandement devant le Tribunal international, qu'une situation semblable

23 puisse se répéter. La jurisprudence du Tribunal international est bien

24 établie concernant les éléments qu'il y a à prouver. Nous sommes d'avis,

25 Monsieur le Président, que la preuve, les éléments à décharge qui seront

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1 présentés, sauront convaincre la Chambre que le général Hadzihasanovic n'a

2 pas sa place dans ce Tribunal.

3 Monsieur le Président, la preuve factuelle qui sera présentée est

4 complètement contraire à la théorie de l'Accusation. Tout ce qui a été fait

5 par les subordonnés de l'Accusation -- pardon, par les subordonnés de

6 l'accusé, toutes les mesures qui ont été prises sont tout simplement

7 contraires à la possibilité que, dans certains cas précis, on aurait omis

8 de pendre des mesures.

9 De même, Monsieur le Président, la preuve de caractère du général

10 Hadzihasanovic, cette preuve est également contraire à la théorie de

11 l'accusation. Comment un officier de ce calibre, avec toutes les mesures

12 qu'il a prises et toutes les qualités qu'on a voulu dire de lui et qu'on

13 dit toujours de lui, comment un tel officer, après avoir pris tant de

14 mesures, aurait, dans quelques cas précis, omis de prendre des mesures ?

15 Cette possibilité est tout simplement contraire à la preuve entendue au

16 dossier.

17 Enfin, Monsieur le Président, simplement pour terminer, il y a la

18 question de la justice pénale internationale et la question du doute

19 raisonnable. Certaines personnes sont d'avis, du moins ont tenté de me

20 convaincre, que le doute raisonnable ne suffisait pas devant le Tribunal

21 pénal international, qu'un accusé devait prouver son innocence. Monsieur le

22 Président, je ne souscris pas à cette thèse. J'ai confiance en la justice

23 pénale internationale devant ce Tribunal et j'ai confiance, d'ici à la fin

24 de ce procès, une fois que vous aurez entendu et vu toute la preuve

25 documentaire et testimoniale que la Défense saura présenter, que si un

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1 doute subsiste dans l'esprit de la Chambre concernant la responsabilité du

2 général Hadzihasanovic, en tant que commandant, au regard de la théorie de

3 la responsabilité du commandement et du niveau de référence applicable, que

4 la Chambre saura acquitter le général Hadzihasanovic de toutes et chacune

5 des accusations. L'importance de la justice pénale internationale, le bien-

6 être de la justice pénale internationale dépend de la qualité de la justice

7 que nous pouvons retrouver devant le Tribunal international.

8 Monsieur le Président, à titre de dernier mot, j'aimerais faire une

9 allusion à la stratégie d'achèvement des travaux du Tribunal international.

10 Nous avons cru que la façon avec laquelle la Défense a mené la présentation

11 de certains moyens à décharge au cours de la phase de l'Accusation serait

12 suffisante pour mettre fin à ce procès, qui, selon nous, ne mérite pas

13 d'avoir lieu devant ce Tribunal, à la lumière de la théorie mise de

14 l'avant par l'accusation. Nous sommes prêts, Monsieur le Président, à mener

15 une défense complète et entière sur chacun des chefs d'accusation, sur

16 chacun des éléments, et c'est ce que la Défense s'emploiera à faire au

17 cours des mois qui suivront. Sans égard à cette stratégie d'achèvement, que

18 ce soit au mois de juin ou avant, Monsieur le Président, la Défense est

19 convaincue qu'elle saura vous présenter les éléments nécessaires qui ne

20 vous laisseront pas le choix d'acquitter le général Hadzihasanovic de

21 chacune des accusations.

22 Je vous remercie Madame le Juge, Monsieur le Juge, Monsieur le

23 Président. Cela termine la déclaration liminaire de la Défense, et je

24 laisse le soin à ma collègue de vous entretenir au sujet des premiers

25 témoins qui seront entendus. Merci, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon. Mais avant de donner la

2 parole à l'autre avocat, je voudrais lire l'Article 84 bis, la déclaration

3 liminaire vient d'être faite en vertu de l'Article 84, mais il y a aussi un

4 Article 84 bis que je vous lis :

5 "Après les déclarations liminaires des parties ou si, en application

6 de l'Article 84, la Défense choisit de présenter sa déclaration liminaire

7 après celle, le cas échéant, du Procureur, l'accusé peut faire une

8 déposition, s'il le souhaite, avec l'accord de la Chambre de première

9 instance et sous le contrôle de cette dernière. L'accusé n'est pas tenu de

10 faire une déclaration solennelle et n'est pas interrogé quant à la teneur

11 de sa déposition. La Chambre de première instance statue sur l'éventuelle

12 valeur probante de la déposition."

13 Le règlement donc indique, qu'après une déclaration liminaire, un

14 accusé peut, s'il veut, prendre la parole pour faire une déclaration, qui,

15 bien entendu, n'entraîne pas de questions ou de débat. Je tenais à vous

16 indiquer cette possibilité. Vous pouvez réfléchir jusqu'à demain, à moins

17 que nous passions à la phase suivante, qui est celle d'évoquer, d'ores et

18 déjà, le témoin de demain. Maître Bourgon.

19 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, cette

20 question a déjà fait l'objet d'une décision de la part de la Défense une

21 première fois, c'est-à-dire que, lorsque l'Accusation a fait sa déclaration

22 liminaire, nous avons opté, à ce moment-là, après en avoir discuté avec le

23 général Hadzihasanovic, qu'il ne ferait pas de déclaration. Cette fois-ci,

24 nous avons également discuté avec le général Hadzihasanovic. Il ne

25 s'adressera pas à la Chambre à cette occasion.

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1 Toutefois, Monsieur le Président, la question du témoignage de

2 l'accusé pour la Défense demeure entière et ouverte. Comme je l'ai indiqué

3 un peu plus tôt, c'est une question que nous allons déterminer en cours de

4 route de la Défense, selon la conduite et le déroulement de la présentation

5 des moyens à décharge. Merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Maître Bourgon. La disposition de

7 l'Article 84 bis est donc écartée puisque vous nous avez indiqué que vous

8 ne tenez pas à l'utiliser. Dans ces conditions, je vais donner la parole,

9 pour la suite, à votre confrère. Vous avez la parole.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

11 les Juges, conformément à l'information communiquée à la Chambre ainsi qu'à

12 nos confrères de l'Accusation, nous allons, à l'occasion de cette semaine,

13 citer trois témoins : Zijad Caber, Remzija Siljak et Hamed Mesanovic. Nous

14 avons également indiqué dans nos documents quelles sont les circonstances

15 au sujet desquelles lesdits témoins viendront témoigner ici.

16 Notre premier témoin se trouve ici, au Tribunal. Monsieur le

17 Président, je demanderais à la Chambre de première instance, étant donné

18 notamment le fait que l'heure est déjà bien avancée, pour ce qui est de

19 notre procès d'aujourd'hui, nous aimerions que notre témoin entame et

20 termine sa déposition et son témoignage en une seule et même journée.

21 J'aimerais que nous commencions demain. La raison n'en est pas seulement

22 l'heure avancée à laquelle nous en sommes, mais le fait aussi que ce témoin

23 est une personnalité qui était le commandant du QG municipal de Travnik,

24 puis le commandant de l'une des brigades du 3e Corps. Nous devrions, dans

25 notre prétoire, disposer d'une carte militaire. Cela sera possible

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1 lorsqu'il commencera à témoigner demain.

2 Il y a une autre raison. Vous n'ignorez pas le fait que depuis le

3 début, les deux parties en présence, y compris la Chambre de première

4 instance, font face à un problème, problème de traduction des documents en

5 temps utile. En dépit de tous les efforts déployés par la Défense, ces

6 traductions de documents que nous nous proposons de montrer à ce témoin,

7 nous n'avons pu les terminer qu'hier tard dans l'après-midi. Ce n'est que

8 ce matin, à 9 heures, que nous avons pu les communiquer à l'Accusation.

9 L'Accusation, elle, nous a fait remarquer qu'en raison du nombre de ces

10 documents, si ces documents venaient à être mis à l'étude aujourd'hui, ils

11 s'y opposeraient. Ils s'opposeraient à ce que cela soit montré au témoin

12 avant la journée de demain. Pour ces trois raisons que j'estime

13 importantes, et au sujet, notamment du premier témoin cité à comparaître,

14 nous aimerions demander à la Chambre de première instance à ce que ce

15 témoignage soit entamé dans le courant de la journée de demain, à savoir, à

16 deux heures et quart demain. Merci.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : A ce stade, la Chambre, prendra demain sa décision

18 orale sur la question de la certification. Comme je vous l'ai indiqué tout

19 à l'heure, il y aura une décision écrite qui viendra confirmer notre

20 décision orale. L'audience reprendra, comme prévu, demain à 14 heures 15, à

21 moins que l'Accusation veuille intervenir sur un point quelconque. Monsieur

22 Mundis.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. La

24 seule question que je souhaite soulever, en fait, nous sommes en train de

25 résoudre cette question. Il s'agit d'une liste de témoins qui indiquerait

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1 quelles sont les pièces spécifiques que la Défense désire présenter par le

2 biais du témoin en question. Je crois que M. Bourgon et son collègue m'ont

3 dit que c'est quelque chose qu'ils verront à faire avant demain, s'agissant

4 des témoins à faire entendre pour le restant de la semaine et pour ce qui

5 est des deux semaines à suivre, de sorte à ce que nous puissions savoir à

6 l'avance quelles sont les pièces, quels sont les documents qui seront

7 versés, par le biais de quels témoins. J'ai compris, nous nous sommes

8 entendus là-dessus, ils s'occuperont de cela. C'est tout ce que j'avais à

9 dire, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers la Défense. Est-ce que lorsque

11 vous allez présenter des pièces, vous allez procéder comme vous l'avez fait

12 dans la première partie du procès, à savoir, vous fournissez à la Chambre

13 un classeur avec les pièces, ou bien, il faudra qu'on aille chercher les

14 pièces en fonction des chiffres ? Pouvez-vous nous donner des

15 explications ?

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, aux fins de

17 faciliter, notamment le travail de la Chambre, mais aussi le travail du

18 témoin dans le prétoire, nous nous efforcerons de faire à chaque fois, le

19 possible, tout ce que nous pouvons faire pour présenter les choses de façon

20 analogue à ce que nous avons pratiqué de par le passé. J'ai déjà les

21 éléments de preuve, les documents pour le témoin de demain. Cela sera

22 distribué aux Juges de la Chambre ainsi qu'à nos collègues de l'Accusation.

23 Notre problème n'est pas celui de ne pas vouloir informer tout de suite

24 l'Accusation de tous les éléments de preuve que nous allons présenter aux

25 différents témoins; le problème c'est que nous ne pouvons pas leur montrer

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1 des éléments de preuve qui n'ont pas encore été traduits. C'est la raison

2 pour laquelle nous avons dû attendre jusqu'au dernier moment pour savoir

3 quel est le nombre de documents que nous pourrons montrer à chacun des

4 témoins, parce qu'il y a une cinquantaine de documents qui ne sont toujours

5 pas traduits. Nous ferons tout notre possible pour faire de façon analogue

6 à ce que notre confrère a dit, à savoir, de permettre le suivi des

7 activités à même le prétoire. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie pour cette précision qui sera très

9 utile pour les Juges. Est-ce qu'on peut en tirer la conclusion que lorsque

10 les témoins viendront, nous aurons à chaque fois un classeur ?

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pour ce qui concerne les témoins qui

12 feront l'objet de la présentation de certains documents, nous préparerons

13 des classeurs. Nous avons déjà cité tous ces documents dans nos listes. A

14 chaque fois, nous allons prélever de nos listes un certain nombre de

15 documents qui seront montrés à chacun des témoins. Une fois de plus,

16 Monsieur le Président, je tiens à dire que nous pensons que la façon dont

17 nous comprenons la façon de procéder, c'est une bonne façon de procéder.

18 Nous allons d'ailleurs leur montrer certains documents qui sont déjà versés

19 au dossier, quoiqu'il s'agisse de documents versés par l'Accusation ou par

20 la Défense. Ces documents-là, également, figureront dans nos classeurs.

21 Mais nous estimons que nous n'avons pas l'obligation de les citer sur la

22 liste de façon particulière concernant les documents que l'on introduira

23 par le biais de ce témoignage, étant donné que ce sont des éléments de

24 preuve mis déjà à la disposition tant de l'Accusation que de la Chambre.

25 Merci.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Là aussi, je vous remercie de cette précision. Les

2 Juges comprennent que lorsqu'il y aura des classeurs, il y aura, en

3 réalité, deux types de documents; des documents qui ont déjà été versés

4 soit par l'Accusation, soit par vous-mêmes, plus des nouveaux documents,

5 des documents "new look". Il serait utile, à ce moment-là, que dans le

6 classeur, on ait bien la distinction entre les trois types de documents,

7 documents Accusation, documents Défense, dans la première phase et document

8 "new look", pour qu'on puisse s'y retrouver.

9 Comme nous venons de faire le point de tous les problèmes, je vous

10 invite à revenir pour l'audience qui débutera demain à 14 heures 15. Je

11 vous remercie.

12 --- L'audience est levée à 18 heures 37 et reprendra le mardi 19 octobre

13 2004, à 14 heures 15.

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