Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 11394

1 Le mardi 9 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le

6 numéro de l'affaire, s'il vous plaît ?

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

8 le Juge, l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et

9 Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier, Je me tourne vers

11 l'Accusation pour leur demander de bien vouloir se présenter.

12 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

13 Monsieur le Juge, Mesdames, Messieurs. Pour le bureau du Procureur Mathias

14 Neuner et moi-même, Tecla Henry-Benjamin, avec Ana Vrlic, notre commis aux

15 audiences.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les Défenseurs, pour leur demander

17 de se présenter.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, en représentant ici le

19 Général Hadzihasanovic, Edina Residovic, Stéphane Bourgon, co-conseil, et

20 Alex Demirdjian, notre conseiller juridique. Merci.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les autres Défenseurs.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

23 le Juge, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et Mulalic Nermin, notre

24 conseiller juridique pour M. Kubura.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je salue toutes les personnes présentes. Je salue

Page 11395

1 les représentants de l'Accusation, les avocats, les accusés ainsi que tout

2 le personnel de cette salle d'audience sans oublier les interprètes.

3 Nous devons poursuivre nos audiences par la continuation de l'audition du

4 Témoin qui était là hier, donc je vais demander à

5 M. l'Huissier d'aller chercher le témoin.

6 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis

7 prendre la parole, ligne 13, page 1, il me semble que l'interprétation est

8 erronée, c'est Ana Vrlic, notre commise aux audiences et non pas ce qui est

9 écrit ici, à savoir, M. Daryl Mundis.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Cela serait inquiétant.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 LE TÉMOIN : ENES RIBIC [Reprise]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Docteur. J'espère que vous avez passé

15 une belle soirée. Votre audition se termine ce jour par la poursuite des

16 questions et je vais donner la parole à celui qui va vous poser des

17 questions.

18 Contre-interrogatoire par Mme Henry-Benjamin :

19 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur.

20 R. Bonjour.

21 Q. Je suis Tecla Henry-Benjamin et je suis l'une des représentantes du

22 bureau du Procureur. Le président de la Chambre de première instance vous a

23 indiqué hier que j'allais vous poser quelques questions. Je précise que,

24 si, à un moment quelconque, vous êtes confondu, vous avez besoin qu'on vous

25 répète la question, sentez-vous à l'aise pour nous demander de le faire.

Page 11396

1 Docteur, en réponse aux questions posées par mon éminente collègue hier,

2 vous avez dit que vous avez soigné à la fois des civils et des militaires

3 en tant que médecin.

4 R. Absolument.

5 Q. Docteur, est-ce que cela revient à dire que vous étiez un médecin

6 militaire -- ou plutôt vous étiez médecin militaire aussi bien que médecin

7 civil ?

8 R. Civil et militaire à la fois.

9 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est l'armée pour laquelle que vous avez

10 travaillé ? Pour toutes les armées ou pour une armée en particulier ?

11 R. Pour les membres de l'ABiH.

12 Q. Docteur, vous nous avez donné votre nom. Vous avez dit que votre nom

13 est Enes Ribic, mais, pendant cette période, pendant que vous étiez à

14 Mehurici, vous a-t-on appelé par un autre nom ? Etiez-vous connu sous un

15 autre nom ?

16 R. Non. On m'a toujours appelé Dr Ribic, Dr Ribic.

17 Q. Dr Ribo, serait-ce un surnom qui s'appliquerait à vous ?

18 R. Non. Il y a des gens là-bas qui s'appellent Ribo de leur nom de

19 famille. Ce sont des gens qui habitent dans un village près de Mehurici. La

20 racine est semblable, R-i-b. Pour vous qui ne connaissez pas notre langue,

21 cela revient peut-être au même. Ils sont "Ribo", mais je suis "Ribic".

22 J'étais réfugié à Mehurici. Je ne suis pas du coin. Je ne suis pas

23 population autochtone. La population autochtone s'appelle Ribo, en génitif,

24 c'est Ribe ou au pluriel, avec "e" à la fin.

25 Q. Je vous remercie de m'avoir donné cette explication, Docteur. A

Page 11397

1 l'intention de la Chambre de première instance, pouvez-vous nous dire

2 maintenant quelle était la distance entre votre dispensaire et l'école de

3 Mehurici ?

4 R. Environ 100 mètres, 120. Je ne sais pas exactement. Je n'ai pas mesuré,

5 mais environ 100 mètres, jusqu'à 150, disons. Depuis 1996, je n'étais pas

6 là. Cela fait huit ans. J'ai un petit peu perdu l'idée des distances. Mais

7 c'est proche, c'est près.

8 Q. Si j'affirmais à votre attention qu'un témoin a déposé ici en disant

9 qu'il y avait 50 mètres entre votre dispensaire et l'école ?

10 R. Non, ce n'est pas exact. Ce n'était pas 50 mètres.

11 Q. Docteur, ne vous est-il jamais arrivé de soigner quelqu'un au gymnase à

12 Mehurici ? Est-ce que vous êtes allé soigner des patients à cet endroit ?

13 R. Pas moi, c'est ma collègue médecin, qui a été chargée de le faire, et

14 mon plus jeune collègue, Menzel. J'étais un médecin chef, disons. J'étais

15 de réserve. J'intervenais lorsqu'ils ne pouvaient résoudre un problème.

16 Mais, si je me souviens bien, c'est une période quand même assez éloignée.

17 Si je me souviens bien, il n'y avait pas lieu que j'intervienne parce que

18 Mme le Médecin, qui était là avec ces civils, qui étaient pris en charge

19 là-bas, elle avait son assistant, Menzel, qui était un jeune collègue à

20 moi, et c'est lui qui s'en chargeait. Si les deux ne pouvaient pas résoudre

21 quelque chose, j'intervenais en dernière instance, donc, médecin de

22 réserve.

23 Q. Vous nous avez dit que votre dispensaire était assez proche de l'école,

24 même si vous n'avez pas soigné là-bas. Alors, pouvez-vous nous dire si la

25 Croix rouge internationale était sur place à l'école ?

Page 11398

1 R. Pour autant que je m'en souvienne, je ne m'en souviens pas. Je ne sais

2 pas. Je ne peux vous dire ni oui, ni non. Je ne peux pas être catégorique

3 là-dessus. Je ne peux pas, non plus, dire qu'il n'y était pas. On ne me les

4 a pas présentés.

5 Q. Pour préciser à l'intention de la Chambre de première instance, un

6 témoin est venu déposer ici pour dire qu'il y avait une équipe médicale à

7 l'école. Aurais-je raison de dire que les médecins, dont vous avez parlé

8 précédemment, étaient considérés comme équipe médicale de l'école ? Est-ce

9 que c'est à cela que s'est référé ce témoin ?

10 R. En temps de guerre, car il faut savoir que nous étions en temps de

11 guerre, c'étaient les soins médicaux les plus performants qu'on pourrait

12 avoir. Il y avait peu de gens qui avaient trois médecins à leur

13 disposition. C'était le maximum de soins médicaux ou de protection médicale

14 qu'on pouvait avoir.

15 Q. Docteur, n'avez-vous jamais eu l'occasion de soigner les patients à

16 l'hôpital de Zenica ?

17 R. Non. Mais j'ai collaboré avec l'hôpital de Zenica. Hier, je vous ai dit

18 que je me suis adressé à eux pour avoir du matériel sanitaire, des

19 médicaments, parfois de l'équipement. Je n'avais pas besoin de le faire

20 car, à l'hôpital de Zenica, il y avait 150 médecins. Je ne pourrais qu'être

21 de trop. Mais j'étais en contact avec le directeur, en particulier, avec

22 l'orthopédie, car les patients qui venaient de mon coin étaient

23 hospitalisés chez eux.

24 Q. Vous venez de répondre à ma deuxième question. J'allais vous demander

25 si vous aviez adressé des patients à l'hôpital de Zenica, mais il me semble

Page 11399

1 que vous venez d'y répondre.

2 Pendant que vous étiez médecin à Mehurici, est-ce que vous n'avez jamais

3 connu un endroit auquel on s'est référé en l'appelant "la forge" ?

4 R. Je crois que j'en ai entendu parler. C'est la partie des édifices des

5 maisons qui appartiennent à la garde forestière. Oui, j'en ai entendu

6 parler. J'ai entendu parler de la forge.

7 Q. Pouvez-vous nous dire quelle est la distance, à peu près, entre la

8 forge et votre clinique ?

9 R. Ce que je ne sais pas, c'est où étaient les forgerons, mais il y avait

10 des éléments de cette forge à côté. Mais il faut passer par un chemin dans

11 les bois. C'est peut-être à une trentaine de mètres de la clinique. Il y a

12 des parties de cette forge, je ne sais pas à quoi cela a servi en temps de

13 paix. C'est comme des petits garages. Vous savez, je ne connais rien dans

14 la foresterie, dans la technologie de l'industrie forestière. Mais parfois,

15 par la fenêtre, à côté de mon dispensaire, je voyais des gens. Il m'est

16 arrivé de remarquer des figures, des silhouettes.

17 Q. Avez-vous soigné des patients qui seraient venus de la forge ?

18 R. Ils ne se sont jamais adressés à moi pour me demander de l'aide. Je

19 n'ai pas soigné ces gens-là.

20 Q. Hier, en réponse à ma collègue, vous avez répondu différemment de ce

21 qu'ont dit d'autres témoins. Vous avez dit que les conditions qui

22 prévalaient à l'école de Mehurici étaient bonnes, compte tenu de la

23 situation. Ai-je raison ?

24 R. Puisque j'ai subi le martyr de la guerre et compte tenu de la

25 situation, les autres civils, en temps de guerre, à mon sens - et j'ai bien

Page 11400

1 précisé en temps de guerre - c'était optimal. On ne pouvait pas, compte

2 tenu de la situation, offrir plus. Absolument. Ils étaient dans de bonnes

3 conditions, puisque c'était la guerre. Il ne faut pas l'oublier.

4 Q. Vous-même, vous n'aviez pas de dispensaire ou de cabinet, de clinique à

5 l'école de Mehurici. Je suppose qu'il ressort de votre réponse précédente

6 que vous connaissiez bien l'endroit à l'école de Mehurici, ainsi que les

7 conditions qui y prévalaient. C'est ce qui vous a permis de donner la

8 réponse que vous avez donnée.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

10 objection à cause de la manière dont la question a été posée. Même si le

11 témoin était au dispensaire, il a déposé en disant qu'à plusieurs reprises,

12 il est rentré dans le gymnase et qu'il est entré en contact avec les

13 civils, donc, supposer qu'il ne s'y était pas rendu, qu'il s'est contenté

14 de rester dans sa clinique, n'est pas correct, me semble-t-il.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.

16 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. A la lumière de la question précédente, à la lumière de votre réponse,

18 pourriez-vous aider la Chambre de première instance ? Pourriez-vous dire

19 qui, à votre avis, avait la responsabilité des détenus qui se trouvaient à

20 l'école de Mehurici ?

21 R. De manière générale, ce qui fonctionnait chez nous c'était une cellule

22 de protection civile.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Mon éminente collègue vient de mentionner

24 les prisonniers à l'école de musique.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était absolument pas des prisonniers. Ce

Page 11401

1 serait une erreur de parler de prisonniers. C'étaient des gens qui avaient

2 été pris en charge. Etre emprisonné, c'est une autre chose.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation]

4 Q. Pour ces gens qui étaient à l'école de Mehurici, est-ce que vous diriez

5 qu'ils étaient là de leur propre choix -- de leur propre gré ?

6 R. D'une certaine façon, je pense que cela a été une planche de salut pour

7 eux, compte tenu de ce conflit de guerre. On a séparé les civils. On les a

8 isolés de nouveaux conflits potentiels. Donc, c'est une manière de les

9 prendre en charge, pour éviter qu'il y ait de nouveaux blessés ou tués. Je

10 ne sais pas. Seul un homme qui ne veut pas le bien pourrait dire le

11 contraire. C'était une bonne solution dans cette même situation. Je me suis

12 trouvé moi-même -- j'étais "Muhadjir", comme on l'appelle en Bosnie. Moi

13 aussi, j'étais réfugié et j'ai dû quitter ma maison. Je sais ce que cela

14 veut dire quand quelqu'un vous prend en charge, quand quelqu'un vous donne

15 à manger, quand quelqu'un vous donne un lit. Dans certaines prisons aussi,

16 ces conditions existent. On est nourri. On peut s'allonger.

17 Mais, dans une situation de guerre -- peut-être que les personnes

18 présentes n'ont pas connu la guerre, pour la plupart, vous ne savez pas ce

19 que c'est qu'une situation de guerre. Cela trouble, cela perturbe le

20 confort normal. Au temps de guerre, cela descend au niveau le plus bas. Ce

21 n'est pas le niveau optimal. C'est la guerre.

22 Ce que je peux affirmer, puisque je suis allé à l'école, où il y

23 avait les réfugiés de Jajce, à Travnik, dans la ville voisine, il y avait

24 des catholiques, des Musulmans, des orthodoxes à l'école de Travnik. A

25 Mehurici, les conditions étaient bien meilleures pour ces civils, ces

Page 11402

1 voisins de Maline.

2 Si l'on devait les comparer, et je peux comparer parce que je suis

3 allé également à Zenica. Comment ils appelaient cela ? Il y a une

4 expression à Zenica. Il y avait un centre de Rassemblement pour les

5 réfugiés de Jajce et de Donji Vakuf, de Prijedor. J'ai eu l'occasion de

6 tirer des parallèles pour ce qui est du niveau de vie entre les uns et les

7 autres. Ces civils, ces réfugiés de Mehurici, par rapport à ceux de Travnik

8 et Zenica. Je dois dire qu'on ne peut pas dire que ces gens étaient moins

9 bien placés que les autres réfugiés pris en charge dans les différentes

10 écoles. Le plus souvent, c'était dans le gymnase des écoles.

11 Peut-être, est-ce que je m'étends un petit peu, mais il faut vraiment

12 faire attention. Ce serait une erreur de dire qu'ils étaient moins bien

13 pris en charge ou dans de pires conditions que d'autres réfugiés au même

14 moment. Par exemple, encore une fois, à Travnik ou à Zenica. C'étaient des

15 centres bien plus importants. Il y avait plusieurs milliers de personnes.

16 Je ne sais pas le nombre exact, à Mehurici. Dans ce gymnase, il y avait

17 peut-être 100 voire 150 personnes. Je ne sais pas le nombre exact. Mais ils

18 avaient des conditions satisfaisantes compte tenu du contexte -- de la

19 situation.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je ne voulais pas interrompre le témoin.

21 Il a répondu de manière très détaillée à mon éminente collègue. Mais je

22 soulève une objection au sujet des questions qui sont posées par ma

23 collègue car l'acte d'accusation ne porte pas sur la détention illégale des

24 civils, mais uniquement sur la manière dont ils sont traités. Je demande à

25 ma collègue de s'abstenir de poser ce genre de question à l'avenir.

Page 11403

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'acte d'accusation, il est fait référence au

2 traitement cruel. Posez des questions relatives au chef 3, qui est bien

3 précisé dans l'acte d'accusation et dans votre mémoire préalable.

4 Poursuivez, Madame Benjamin.

5 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

6 Q. [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je signale, je n'ai plus d'interprétation.

8 L'INTERPRÈTE : Le microphone n'était pas branché.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant le conflit qui a opposé l'armée et le

10 HVO, les services médicaux ont fonctionné normalement pour la population

11 qui dépendait de ce dispensaire. Vraiment, j'aimerais voir un patient, un

12 catholique, dire qu'il n'a pas été bien reçu par nous. Vraiment, j'aimerais

13 bien voir ce genre d'exemple. Ou un orthodoxe. Ils étaient dans les mêmes

14 conditions --

15 Q. Puis-je vous interrompre pour une seconde, Docteur, s'il vous plaît,

16 avant qu'on aille trop loin. Ma question était très précise : pouvez-vous

17 préciser, à l'intention de la Chambre de première instance, qu'elles les

18 blessures ou les maladies que vous avez eu à soigner, que ce soit pour des

19 civils ou des militaires, pendant le conflit, pendant que vous exerciez à

20 Mehurici ? Donnez-nous une idée de cela.

21 R. Les maladies, ce sont les maladies typiques, donc des rhumes, parfois

22 des pneumonies, une fois, on a eu une épidémie de typhus, mais une seule

23 fois il y avait aussi des poux, ce qui est normal en tant de guerre et,

24 sinon, pour les blessures, je prenais soin des blessures légères, donc

25 lorsqu'on n'envoie pas à l'hôpital. Ce sont des traumatismes légers, donc

Page 11404

1 des blessures par balle, des blessures accidentelles sur le terrain. Hier,

2 j'ai cité l'exemple d'une femme enceinte qui a été blessée, elle était en

3 état dans un état de grossesse avancée, cela m'a beaucoup frappé, je m'en

4 souviens très bien, et je compatissais vraiment avec cette femme.

5 Q. Si on peut examiner cela un petit peu plus en profondeur. Des hématomes

6 importants, des jambes ou des bras cassés, est-ce que vous avez eu à vous

7 occuper de cela ?

8 R. Oui, naturellement, en tant de guerre, vous avez cela aussi, il y avait

9 des fractures et j'ai parlé de cette jeune femme mais il y a eu d'autres

10 fractures. Si vous parlez des hématomes dus aux passages à tabac, cela, il

11 n'y en a pas eu. Quelqu'un a été frappé par quelqu'un d'autre, cela je ne

12 l'ai pas vu pendant que j'exerçais là-bas.

13 Q. Aucun de vos patients de l'école de Mehurici, est-ce que vous avez

14 peut-être eu l'occasion d'aider Mme le Médecin, aucun de vos patients au

15 dispensaire, pour autant que vous puissiez vous en souvenir, avec des os

16 cassés, des hématomes, pour autant que vous puissiez vous en rappeler ?

17 R. Non, absolument pas.

18 Q. Mais pour ce qui est de la forge, avez-vous reçu des patients de la

19 forge ? Vous en souvenez-vous ?

20 R. Jamais. Je ne souviens pas que quelqu'un ait dit un tel ou un tel vient

21 de la forge. J'ai reçu tout le monde, mais je ne souviens pas on m'ait

22 précisé que quelqu'un venait de la forge.

23 Mais, hier, on m'a posé une question -- Mme a posé une question, Mme

24 l'avocat de la Défense, et j'ai dit que, si on faisait référence à des

25 tortures, à des mauvais traitements à la forge, écoutez, je ne suis pas

Page 11405

1 sourd et je vois bien et je suis un grand combattant des droits de l'homme,

2 je n'accepterais pas, je n'aurais pas admis qu'à proximité, on agisse ainsi

3 contre quelqu'un, même si c'était un criminel. Je me serais dressé contre

4 cela. J'aurais demandé de la protection, donc je n'ai jamais entendu des

5 gémissements, des plaintes et des cris, je ne sais comment on traduit cela

6 en anglais.

7 Donc je n'ai jamais entendu quelqu'un pousser des cris, une voix plus

8 forte, à dix mètres je l'aurai entendue, on aurait pas pu le cacher et

9 j'exerçais quand même une certaine autorité. J'avais suffisamment de forces

10 pour m'adresser à un commandement quelconque et pour leur dire : écoutez,

11 ne le faites pas, on n'a pas le droit de faire cela.

12 Q. Merci, Docteur.

13 Comme vous l'avez dit, en répondant aux questions de ma collègue, à un

14 moment donné, vous avez vu arriver des étrangers dans ce secteur et ce

15 groupe s'est accru en nombre avec le temps. Je sais que vous avez prêté

16 serment en tant que médecin, vous devez protéger la vie de toute personne,

17 de quelque origine ethnique qu'elle soit. Pouvez-vous dire à la Chambre de

18 première instance si, à un moment quelconque, pendant votre exercice, vous

19 avez eu à soigner des Moudjahiddines ou ces combattants étrangers, comme on

20 les a appelés ?

21 R. Je pense que je n'ai jamais eu l'opportunité de les soigner, mais j'en

22 ai vu dans mon dispensaire. J'ai précisé hier que j'ai pu rencontrer ces

23 gens, ils ont commencé à se marier et ils ont fait venir leurs épouses et,

24 comme ils ne pouvaient pas se servir des dispensaires militaires à eux, ils

25 venaient nous voir. Je pouvais non pas les soigner, mais les rencontrer

Page 11406

1 étant qu'ils accompagnaient souvent leurs épouses.

2 Q. Avez-vous eu des raisons, à quelque moment que ce soit, de vous référer

3 à des étrangers, comme on les appelait, les Moudjahiddines, et d'en voir à

4 Zenica, à l'hôpital de Zenica, ou arranger le départ de ces Moudjahiddines

5 ou d'un Moudjahiddine à l'hôpital de Zenica pour qu'ils se fassent soigner

6 de blessures qui étaient les leurs ?

7 R. Je pense que, pour ce qui est de ma réponse précédente à apporter,

8 c'est exclu parce que, comme je n'ai pas vu de blessés, je n'ai pas eu à

9 les traiter, donc il n'y avait pas de besoin pour moi de les envoyer à

10 l'hôpital ou suivi ultérieur.

11 Q. Compte tenu du fait que vous avez indiqué que vous ne les avez pas

12 soigné, mais que vous avez eu connaissance de leurs présences, dites-nous,

13 je vous prie : à quelque moment que ce soit, vous êtes retrouvé à proximité

14 de ces gens à l'emplacement nouveau. Vous avez indiqué qu'ils étaient à

15 Mehurici et que vous saviez pour sûr qu'ils se sont déplacés vers

16 Poljenice, donc je voudrais que vous disiez à la Chambre de première

17 instance si vous avez visité, vous-même, cette base ou ce camp ?

18 R. Non. Mais je suis passé à côté parce que, durant mes heures de loisirs,

19 j'allais me promener, faire des randonnées en montagne et j'ai pu voir ce

20 camp. Je n'ai pas eu besoin d'entrer parce que, je répète, s'agissant de

21 mes besoins en soins médicaux ou autres, je n'avais pas besoin, mais je

22 demandais à Travnik tout le matériel dont j'avais besoin. Il y avait des

23 organisations humanitaires qui envoyaient du matériel médical, ce qui fait

24 que je n'ai jamais accédé à cette enceinte qui était la leur. J'ai peut-

25 être vu, en passant à 50 mètres de là, qu'il y avait un portail, qu'il y

Page 11407

1 avait une guérite pour un gardien, mais je ne suis pas entré, je n'ai même

2 pas essayé de le faire.

3 Q. Si vous deviez décrire la situation qui prévalait à Mehurici, à

4 l'époque, du conflit, si vous deviez vous servir d'un mot pour se faire,

5 comment le feriez-vous ? Ou quel est le terme utilisé que vous choisiriez ?

6 R. Je dirais que cela serait bête, non nécessaire, et qu'il convient de

7 condamner les gens qui ont initié tout cela. Or, on sait fort bien qui a

8 provoqué cela.

9 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire si j'indiquais que la présence

10 de ces étrangers, à savoir, des Moudjahiddines, a détérioré la situation à

11 Mehurici et que cela pouvait en partie avoir causé la détérioration de la

12 situation.

13 R. Je ne suis pas un stratège militaire, je suis médecin, je ne pense pas

14 que cela ait détérioré la situation avant que les Unités du HVO et la

15 direction du HVO n'aient commencé à procéder à des opérations ou des

16 activités qui ont mis en péril l'armée. Personne ne touchait à autrui, on

17 vivait en paix, on ne touchait pas à ces Moudjahiddines et ils ne

18 touchaient pas à nous. Ils ne touchaient à personne, mais je crois que ce

19 conflit est inutile d'une manière générale en Bosnie et surtout inutile à

20 Mehurici. J'estime donc qu'ils n'auraient touché à personne. Mais je

21 répète, je suis médecin, je ne puis vous donner de jugement qu'en ma

22 qualité de profane. Je peux vous parler d'un point de vue médical ou de

23 soins médicaux, mais je ne peux pas parler d'autres sujets. Je ne suis pas

24 véritablement un expert militaire.

25 Q. Docteur, je vais vous dire pourquoi je me suis décidé à vous interroger

Page 11408

1 de la sorte. En répondant à l'une des questions de nos éminents confrères

2 hier, et je me réfère notamment à la page 81, ligne 10, ce qui suit, vous

3 avez indiqué : "Que le HVO a assumé la responsabilité de cette

4 détérioration."

5 Je sais que vous êtes médecin, mais il me semble que, tout médecin

6 que vous êtes, vous avez exprimé une opinion concernant la cause du

7 conflit. C'est la raison pour laquelle que j'ai posé ma question à moi. Je

8 vais vous demander ce qui suit : pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous

9 avez indiqué que le HVO était responsable de cette détérioration ?

10 R. J'ai parlé tout d'abord de blocus. Parce que, quand vous ne pouvez pas

11 -- si vous ne pouvez pas sortir de l'endroit où vous vous trouvez, si vous

12 ne pouvez pas aller chercher les médicaments, donc si vous êtes bloqué, à

13 qui la faute ? Je n'ai pas vu de points de contrôle de l'armée limitant le

14 déplacement de qui que ce soit. Du moins, je ne sais pas s'il y en a eu. Je

15 ne peux pas être catégorique. Mais à Ovnak, il y a eu un point de contrôle,

16 et à Guca Gora aussi, des points de contrôle du HVO où je n'osais pas

17 passer, et notamment pas les membres de l'armée. Je dirais que cela a été

18 la cause directe. Il y a eu des semeurs de trouble. Jusque-là, nous étions

19 alliés. Nous pouvions fonctionner ensemble. Tout d'un coup, l'un de ces

20 alliés s'est mis à faire autre chose par rapport à ce qu'il fallait faire.

21 Pour moi, cela a été un blocus. Cela a été un comportement, je dirais

22 prétentieux, d'une puissance militaire de moindre importance. Je ne suis

23 pas un militaire, mais je peux tout de même apprécier quelle est la force

24 militaire prédominante, quelle est la force qui peut remettre de l'ordre ou

25 installer l'ordre. On a vu une force de moindre d'importance essayer de

Page 11409

1 mettre de l'ordre, interdire les passages de communication. Tout de suite,

2 on a pu se rendre compte du fait que quelque chose clochait -- que quelque

3 chose n'allait pas.

4 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les Croates à Mehurici, en

5 réalité, ont constitué une minorité ?

6 R. Oui, ils ont constitué une minorité, en termes absolus.

7 Q. Mais seriez-vous d'accord avec moi pour dire ce qui suit : à savoir que

8 leurs effectifs disposaient de moins d'hommes que l'ABiH ?

9 R. C'est bien ce que j'entendais. Dans la région de la Bila, je n'y ai pas

10 travaillé, mais j'estime qu'en temps de paix également, la population

11 musulmane était prédominante. Elle constituait quelque 70 à 80 % de la

12 totalité de la population. C'est pour cela que j'ai dit que ses effectifs

13 avaient -- que ses troupes avaient des effectifs différents. Je dois

14 admettre que l'on savait pertinemment que l'armée ne disposait pas de la

15 logistique nécessaire, à savoir qu'elle était moins bien armée que le HVO.

16 Techniquement, ils avaient certainement la suprématie. Or, je ne suis pas

17 au courant de tous les détails, mais je crois savoir que la logistique du

18 HVO a bien fonctionné pendant la guerre. La différence est, l'armée qui se

19 débrouillait au cas par cas, donc l'armée n'avait pas disposé d'une

20 logistique appropriée. C'étaient des troupes qui avaient faim, qui avaient

21 soif, qui allaient pieds nus, qui n'avaient pas d'armes. Mais l'élément

22 humain est prédominant. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de rapport

23 de force. J'ai parlé de la prépondérance en effectifs de l'armée parce

24 qu'il y avait beaucoup plus d'hommes au sein de cette armée qu'au sein du

25 HVO.

Page 11410

1 Q. Merci, Docteur.

2 En date du 8 juin 1993, comme vous l'avez indiqué à notre éminent

3 confrère, les combats n'ont pas eu lieu à Mehurici même, mais à proximité

4 de Mehurici. Pourriez-vous indiquer, à l'intention des Juges de la Chambre,

5 qui est-ce qui a ouvert le feu à ce moment-là ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. J'ai indiqué que l'on

7 avait commencé à ouvrir le feu. Maintenant, de là à savoir qui l'a fait, je

8 ne sais pas. J'étais loin des lignes de conflit. Je n'y étais pas. Il faut

9 poser la question à quelqu'un d'autre. Je sais qu'il y a toutefois eu des

10 tirs, et ces tirs ont été de plus en plus nourris. Ce jour, ils ont été

11 particulièrement nourris, ces tirs, au moment où nous avons commencé à voir

12 influer des blessés. Je ne sais pas qui a commencé à tirer. Il faut avoir

13 résidé dans cette localité. Parce que c'est une vallée encaissée. Il y

14 avait des tirs et cela -- des échos qui résonnaient partout. On savait que

15 quelqu'un avait tiré. Il y avait un conflit quelque part.

16 Q. Bien, Docteur. Mais à la lumière de ce que vous venez de dire, seriez-

17 vous d'accord pour qualifier votre déclaration d'injuste, pour ce qui est

18 de la responsabilité assumée par le HVO quant à la détérioration, étant

19 donné que vous ne saviez pas du tout qui a ouvert le feu ?

20 R. Je ne dirais pas que ce serait inexact, mais il serait complètement fou

21 que de s'attaquer à quelqu'un de plus fort. Je crois que c'est exactement

22 le comportement adopté. Quelqu'un s'est attaqué à des gens qui vivaient

23 normalement dans cette région. C'est tout à fait inutile, c'est tout à fait

24 fou, dénoué de sens, pour ce qui est de la direction du HVO. En ma qualité

25 d'être humain, je puis dire que cela a été déraisonnable. Mais je peux

Page 11411

1 également dire, de façon catégorique, que je n'ai pas vu de forme de mise

2 en péril vis-à-vis de qui que ce soit de la part de l'armée. C'est ce

3 blocus qui a empêché d'emporter de quoi manger aux gens ou du matériel

4 médical qui a été la cause. Je répète, vous ne pouvez pas le comprendre.

5 C'est une façon de penser tout à fait déraisonnable. Je ne sais pas ce

6 qu'ils voulaient. Peut-être voulaient-ils justement ce dont nous sommes en

7 train de parler. Peut-être voulait-on laisser entendre que quelqu'un de

8 plus fort a frappé celui qu'était moins fort. Mais je dirais que, pour ma

9 part, que l'armée n'a certainement pas été responsable du début des

10 conflits dans la vallée de la Bila.

11 Q. Une question finale, Docteur. Etes-vous en train d'affirmer devant ce

12 Tribunal que l'ABiH n'a disposé d'aucun point de contrôle dans la région ?

13 R. Je ne peux pas l'affirmer de façon catégorique. Je dois vous dire que

14 je n'ai jamais été arrêté par qui que ce soit. Je ne portais pas d'insigne.

15 J'étais en vêtements civils, mais je ne me souviens pas d'avoir été arrêté

16 par un point de contrôle de l'armée quelconque. J'étais à bord de ma Lada

17 privée. Je procédais à des approvisionnements de la sorte. Mais je ne pense

18 pas que, dans ce segment-là du territoire, quelqu'un m'ait arrêté. On ne

19 pouvait pas me reconnaître. Je n'avais aucun insigne de catholique ou de

20 Musulman. Nous nous ressemblons entre nous. Nous avons des confessions

21 différentes. Donc, on ne pouvait pas savoir, de visu, qui j'étais. Mais je

22 ne vais pas être si catégorique. Je vais dire que cela s'est passé il y a

23 quand même très longtemps. Je ne pense pas que j'ai été contrôlé par

24 l'armée. Pour ce qui est des contrôles que j'ai subis, je me souviens

25 notamment des points de contrôle qui étaient détenus par le HVO. C'est là

Page 11412

1 que j'ai été contrôlé. Mais je l'ai indiqué hier. Ils ont été tout à fait

2 corrects à mon égard. Je ne vais pas être inéquitable et dire le contraire.

3 Q. Merci, Docteur. Vous avez été un témoin des plus gracieux.

4 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de

5 terminer mon contre-interrogatoire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Avant de donner la parole à la Défense pour les

7 questions supplémentaires, sur l'objection que la Défense avait formulée à

8 un moment donné, concernant le statut juridique des personnes qui étaient

9 dans l'école de Mehurici, je rappelle à la Défense le paragraphe 28 de

10 l'acte d'accusation. Regardez le paragraphe 28 de l'acte d'accusation. Je

11 lis le paragraphe 28, tel qu'il est dans l'acte d'accusation.

12 "Des Croates de Bosnie principalement, mais aussi des Serbes de Bosnie, ont

13 été emprisonnés illégalement ou détenus de toute autre manière dans des

14 lieux contrôlés par l'ABiH. Les Croates de Bosnie et Serbes de Bosnie

15 emprisonnés ou détenus de toutes autres manières ont été tués, battus, ou

16 encore victime de violence physique ou/et psychologique d'intimidation et

17 de traitement inhumain. Les conditions de détention se caractérisaient

18 notamment par le surpeuplement, le manque d'hygiène et de privation

19 inhumaine tels que le manque de nourriture, d'eau et de vêtements. Les

20 détenus ne recevaient que peu de soins médicaux, voire aucun."

21 Cela, c'est le paragraphe 28 de l'acte d'accusation. Concernant les

22 traitements cruels, nous les retrouvons, non pas comme je l'ai dit tout à

23 l'heure au chef 3, mais ce sont les paragraphes 41 et suivants, ce sont les

24 chefs 3 et 4, et en réalité, les traitements cruel, c'est le chef 4.

25 Concernant Mehurici, on retrouve dans l'acte d'accusation au paragraphe 42,

Page 11413

1 il est mention d'emprisonnement et de détention, et pour Mehurici, ce sont

2 du paragraphe 42, les paragraphes C et D.

3 Où au paragraphe C' il est dit ceci : "A l'école élémentaire de Mehurici,

4 des membres de la 306e Brigade de Montagne du 3e Corps de l'ABiH ont frappé

5 à coups de pied des détenus. Pendant les interrogatoires, les prisonniers

6 étaient frappés et menacés par des membres de la 306e. En général, la

7 nourriture, l'hygiène et les conditions de vies laissaient à désirer" ? Il

8 en est de même pour la forge de Mehurici puisqu'on dit également : "La

9 nourriture, l'hygiène et les conditions de vies laissaient à désirer."

10 Voilà. C'est ce qui est dans l'acte d'accusation.

11 Maître Bourgon.

12 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge.

13 Simplement, Monsieur le Président, la question qui a été soulevée par ma

14 collègue un peu plus tôt concernant la détention illégale, c'est qu'il n'y

15 a aucune accusation, c'est-à-dire que les accusés dans le procès qui nous

16 occupe ne font pas face à des accusations pour avoir illégalement

17 emprisonnés des gens ou pour ne pas avoir ou pour avoir omis d'empêcher

18 l'emprisonnement illégal ou encore de punir des gens qui auraient

19 emprisonné de façon illégale d'autres personnes.

20 Le paragraphe 28 qui est dans l'acte d'accusation, Monsieur le Président,

21 est un paragraphe introductif, et on ne sait pas à la lumière du paragraphe

22 28, quels sont ces gens qui auraient été emprisonnés de façon illégale.

23 Monsieur le Président, peut-être il y aurait lieu de demander à

24 l'Accusation de préciser le tout puisque de ma mémoire, Monsieur le

25 Président, l'Accusation a une politique de ne pas accuser les gens de

Page 11414

1 détention illégale pour des raisons qui lui sont propres, mais évidemment,

2 cela est son choix, Monsieur le Président. Merci.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon.

4 Je vous redonne, suite à ces clarifications, la parole pour les questions

5 supplémentaires.

6 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

7 Q. [interprétation] Bonjour.

8 R. Bonjour.

9 Q. Ma consoeur vous a posé des questions concernant un surnom éventuel

10 pour ce qui est de Ribo. Je crois que vous l'avez expliqué dans le détail,

11 mais pouvez-vous nous indiquer aussi s'il y a une possibilité de voir à

12 Mehurici, à l'époque, un médecin s'appelant Ribo que vous ne connaîtriez

13 pas ?

14 R. Non, il n'y a pas eu de médecin Ribo. Il y a eu des civils, certes,

15 mais ils n'ont pas été médecin.

16 Q. Compte tenu de la similitude dans les noms de familles, serait-il juste

17 de dire que quelqu'un qui aurait pu témoigner à ce sujet ait pu se tromper

18 de nom de famille ?

19 R. Oui. Je permets cette possibilité. Ribo, Ribe, cela se ressemble.

20 Q. En répondant à l'une des questions de ma consoeur, vous avez indiqué

21 que vous ne saviez pas qui a tiré. Hier, vous nous avez précisé que trois

22 obus étaient tombés à côté de votre dispensaire. Pouvez-vous nous indiquer

23 de quels endroits ces obus étaient venus ?

24 R. Je m'excuse, je n'ai pas dit trois, j'ai dit deux. Il y en a un qui est

25 tombé juste devant le dispensaire, et a occasionné pas mal de dégât sur le

Page 11415

1 bâtiment. Trois infirmières ont été blessées. L'autre est tombé à quelque

2 100 mètres du dispensaire, devant une maison. Mais les dégâts ont été

3 moindres. Mais on sait que cela venait de la direction de Vitez. Je ne suis

4 pas un soldat militaire, mais tout à chacun savait que cela était des obus

5 arrivant du HVO parce que tout ce secteur était tourné vers le Jug [phon],

6 et Mehurici se trouvait au nord de Vitez. En ma qualité de profane, j'ai

7 jugé que cela venait de Vitez, de l'endroit où se trouvaient les Unités du

8 HVO, mais je ne peux pas vous l'affirmer.

9 Q. Vous nous avez parlé de la population. Vous avez parlé d'estimation

10 parce que vous étiez vous-même réfugié dans la vallée. Ce que je voudrais à

11 ce sujet vous demander, c'est de nous dire s'il serait bon ou juste de dire

12 que cette population a été celle que présente les documents officiels de

13 l'époque en fonction du recensement de 1991 ?

14 R. Je n'ai pas disposé de renseignements exacts. Je n'ai disposé que

15 d'estimations. Je savais, par exemple, quels étaient les villages à

16 majorité catholique ou orthodoxe ou autres. Je savais que la majorité de la

17 population de cette région était constituée par des Musulmans, à savoir,

18 des Bosniens.

19 Q. Pour être plus précis encore, je dirais que vous avez inspecté une

20 région qui se situe au large de Mehurici ?

21 R. Exact.

22 Q. Vous avez soigné des gens de Guca Gora ?

23 R. Non. Guca Gora, ils avaient un dispensaire à eux.

24 Q. Vous n'êtes donc pas aller à Brajkovici et à Ahatovici ?

25 R. Non, non. Là, non plus.

Page 11416

1 Q. Merci. En parlant du conflit survenu en date du 8 juin, vous avez

2 indiqué qu'il y a eu des tirs, et il est normal que vous ne sachiez pas qui

3 est-ce qui a tiré. Mais, Docteur, dites-nous : est-ce que les jours

4 précédents, compte tenu de l'emplacement de Mehurici, il vous a été donné

5 d'entendre que dans certaines parties de la vallée de la Bila ? Il y a eu

6 aussi des tirs, et saviez-vous quoi que ce soit au sujet de la situation

7 prévalant au niveau de Velika Bukovica ?

8 R. Non. Je dois reconnaître que l'on tirait tout le temps. En ma qualité

9 d'être humain, je redoutais tous ces tirs. On n'a toujours très peur des

10 tirs parce que l'on sait que les petits tirs présageaient des tirs plus

11 importants. Il y a eu des échanges de tirs, et je sais qu'il y a eu des

12 fêtes religieuses catholiques et je crois que c'était une fête de ce genre

13 qu'il y a eu l'attaque de Mehurici. Je m'apprêtais à évacuer les lieux,

14 mais il s'est avéré que ce n'était pas une attaque, qu'il s'agissait de

15 tirs pour fêter un Saint quelconque, je ne le plus lequel. Mais je sais que

16 c'était une fête. Mais en sus de cela, il y a eu des échanges de tirs, et

17 je m'attendais à ce que des conflits de grande importance ne surviennent.

18 Q. Merci. Je n'ai plus de questions, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

20 Les autres avocats.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

22 de questions à poser pour notre part.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Docteur, j'ai quelques petites questions à

24 vous poser.

25 Questions de la Cour :

Page 11417

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Hier, vous avez, concernant une question sur les

2 Moudjahiddines, dit que ces Moudjahiddines ont constitué une soi-disant

3 unité et vous avez dit qu'ils ont été rejoints par quelques réfugiés, des

4 jeunes réfugiés qui les ont rejoints. Est-ce que c'est bien ce que vous

5 nous avez dit. Est-ce que vous pouvez confirmer que la teneur de votre --

6 aux réponses à la question qui vous avait été posée, vous avez dit que les

7 Moudjahiddines avaient été rejoints par les jeunes qui, pour vous, étaient

8 des réfugiés. Vous avez même dit en citant le cas de la ville de Jajce,

9 vous avez dit qu'il y aurait eu 25 000 réfugiés qui étaient arrivés dans la

10 région ?

11 Ce que je voudrais savoir, est-ce que d'après vous, puisque vous étiez

12 présent à Mehurici, les Moudjahiddines étaient constitués également de

13 quelques jeunes locaux ?

14 R. Je ne sais pas s'il y a eu l'un quelconque des habitants de Jajce dans

15 la région de Mehurici. Il y avait peu de gens originaires de Jajce. Nous

16 étions peut-être en tout et pour tout une dizaine. Il n'y a pas eu de

17 jeunes originaires de Jajce. Je précise que Jajce comptait 45 000 habitants

18 avant la guerre. Une partie de la population a été évacuée, avant le début

19 des conflits et l'attaque sur Jajce. C'est une estimation, je ne dispose

20 pas de chiffres exacts pour ce qui est de la colonne de civils qui a quitté

21 la ville en date du 27 octobre 1992. Ce sont des estimations qui disent

22 qu'il y avait 15 000 à 25 000 hommes qui sont généralement allés vers

23 Travnik et vers des centres de plus grandes importances, donc, Zenica, un

24 peu à Vitez, un peu à Busovaca, et certains sont allés en Herzégovine ou en

25 Croatie. Tout le monde n'est pas venu là.

Page 11418

1 Mais dans les unités des Moudjahiddines, je ne pense pas qu'il y ait eu là

2 des gens originaires de Jajce que j'aurais connu. Entendez, je viens de me

3 rappeler qu'un village à proximité de Jajce, Kokici a donné des membres de

4 ses troupes. Je crois que certains membres d'une famille qui répondait au

5 nom de Kokici a donné des jeunes. Je crois qu'ils avaient un bon appui

6 logistique. Je sais que sa famille recevait plus de colis de vivres à

7 différence de l'armée qui n'avait pas disposé de cela.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous confirmez qu'il y a quelques jeunes qui

9 ont rejoint des Moudjahiddines, et vous citez de mémoire le nom d'une

10 famille dont certains membres ont rejoint les Moudjahiddines. Vous dites

11 qu'ils ont reçu de la nourriture provenant des Moudjahiddines. A partir de

12 là, vous étiez présent sur les lieux. Comme le pays était en état de

13 guerre, est-ce que les jeunes n'étaient pas obligés de rejoindre l'armée

14 régulière de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'ils n'auraient pas dû être

15 enrôlés dans l'armée ? Vous avez une explication à donner sur le fait que

16 certains jeunes pouvaient aller hors du champ normal qui était la

17 conscription ? Est-ce que vous avez une explication ?

18 R. Bien entendu que si. Compte tenu de la situation, l'Etat ne

19 fonctionnait pas. La mobilisation était partielle. Ceux qui répondaient

20 présents, ils venaient, mais je n'ai jamais entendu parler de sanctions à

21 l'encontre des gens qui n'avaient pas répondu à la mobilisation, donc

22 l'Etat ne fonctionnait pas correctement. Vous aviez des gens qui étaient

23 membres de la Défense territoriale. Vous aviez des Musulmans, des

24 Orthodoxes, des Catholiques. Naturellement, normalement, comme on dit,

25 puisque la Défense territoriale dans ces zones-là, elle comptait

Page 11419

1 principalement les Musulmans. Il y avait peu de Catholiques et d'Orthodoxes

2 qui avaient répondu à la mobilisation. Ils étaient rentrés dans d'autres

3 unités. L'armée aurait dû être multinationale, bosniaque, mais, par

4 exemple, j'ai reçu l'invitation lorsqu'il y a eu création de la Brigade de

5 Jajce, j'étais à Mehurici. On m'a convoqué pour que je sois mobilisé dans

6 la Brigade de Jajce parce que j'étais réfugié de Jajce. Je n'ai pas

7 répondu, mais j'ai téléphoné, en disant : écoutez, je travaille ici. Je ne

8 peux pas affirmer de manière catégorique pour ce qui est de la suite des

9 événements lorsqu'on ne répondait pas à la mobilisation. Mais comme l'Etat

10 ne fonctionnait pas, même lorsqu'on ne répondait pas à la mobilisation, on

11 n'encourait pas de sanctions, de peines. Je n'ai pas entendu parler de

12 détention de quelqu'un parce qu'il n'a pas répondu. Il y avait des

13 individus qui allaient s'enfuir en Croatie, ou qui allaient entrer dans les

14 unités de l'armée ou dans les Unités du HVO, ou, comme une troisième

15 alternative, comment dire, ces étrangers qui étaient des nôtres, qui

16 étaient sur place, on pouvait répondre là où on était. Je n'ai pas entendu

17 parler de sanctions.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

19 Je voudrais que vous éclaircissiez votre situation administrative à

20 Mehurici. D'après ce que vous avez dit, vous quittez Jajce, vous allez à

21 Travnik, et là, on vous dit, et c'est le Dr Zenic qui vous amène à Mehurici

22 où vous prenez des fonctions dans ce dispensaire. On a appris par vos

23 réponses que vous aviez également deux autres collègues. Il y avait deux

24 autres médecins, vous, vous étiez médecin chef. Ce que je voudrais savoir :

25 quand vous exerciez à Mehurici, étiez-vous salarié et, si oui, qui vous

Page 11420

1 payait ? A moins que vous n'ayez aucun salaire, ce que l'on peut très bien

2 comprendre également, mais, aviez-vous un salaire et, si oui, qui était

3 votre employeur ?

4 R. Non, non. Je n'avais pas de salaire. Je n'avais pas de congé payé.

5 J'étais totalement livré à moi-même. Dans des conditions comme celles-là,

6 l'Etat ne fonctionne pas. Il n'y a pas de salaire. Logiquement, je n'avais

7 aucune compensation. Peut-être peut-on dire qu'en 1994, une espèce de

8 salaire a été instaurée, mais sans aucune compensation par rapport au

9 travail précédent 1992 et 1993.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites qu'en 1992, 1993, vous n'étiez

11 salarié par personne.

12 Lorsque vous alliez rendre visite à des personnes qui se trouvaient à

13 l'école élémentaire de Mehurici, qui vous demandait d'y aller ? C'était

14 l'autorité militaire ou vous-même, spontanément, qui faisait la tournée

15 d'éventuels malades ? Comment cela se passait in concreto ?

16 R. Je répète que ce logement n'était pas sous la responsabilité de

17 l'armée, il était sous la responsabilité de la protection civile. La

18 protection civile, pour autant que j'ai pu le constater, était garantie par

19 les policiers, par la force de sécurité publique. Je ne peux pas vous dire

20 quand et pourquoi j'y allais, mais je sais que je suis allé faire de telles

21 visites à trois reprises. La première fois, c'était pour voir dans quelles

22 conditions se trouvaient toutes ces personnes, pour apprécier les

23 conditions dans lesquelles elles vivaient. J'y avais quelques amis, des

24 gens que je fréquentais avant la guerre, parmi les réfugiés. J'avais des

25 connaissances, même des amis parmi eux parce que je fréquentais des

Page 11421

1 Catholiques avant la guerre. J'en ai profité pour aller les voir aussi, à

2 ce moment-là.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que parmi les personnes qui étaient

4 présentes à l'école, il y avait de vos connaissances puisque vous dites que

5 vous avez rendu visite à des amis. Vous avez des noms à nous donner, des

6 gens que vous connaissiez particulièrement bien ?

7 R. Je ne pourrais pas vous donner leurs noms exacts. Parce que cela fait

8 longtemps que tout cela s'est passé. J'ai une mauvaise mémoire des noms,

9 mais je pense que c'était la famille Balta. Je rencontre aussi beaucoup de

10 familles. J'ai du mal à me rappeler les noms, mais il y avait aussi un nom

11 qui était comme Zastinje. Je sais que, lors d'une de mes visites

12 antérieures, j'avais rencontré et fait la connaissance d'une famille

13 catholique, des gens très bien. J'ai fait la connaissance de cette femme,

14 de son mari, de son fils et de sa belle-fille. Je les ai rencontrés et elle

15 m'a dit : Où est mon Pero ? J'ai pensé qu'ils avaient pris la fuite, qu'ils

16 étaient sans doute à Travnik, mais je n'ai toujours pas de nouvelles d'eux

17 aujourd'hui. Je ne sais pas ce qu'il est advenu d'eux. C'est à la mère que

18 je parlais. Quand je l'ai rencontrée, elle m'a demandé : où est mon Pero ?

19 Elle m'a dit, de façon très amicale -- elle m'a posé cette question de

20 façon très amicale. J'ai répondu : je ne sais pas. Il est sans doute parti

21 où il a été échangé. C'était très émouvant.

22 Je lui ai rendu visite il y a un mois. Je suis allé à leur domicile. Elle

23 m'a dit qu'elle avait été traitée de la meilleure façon qu'il soit et qu'il

24 y avait des membres de sa famille qu'elle souhaitait me faire rencontrer, y

25 compris aujourd'hui, et que je connaissais depuis avant le conflit. C'était

Page 11422

1 une espèce de relation d'amitié.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Docteur.

3 Bien, je n'ai plus de questions. Y a-t-il des questions

4 supplémentaires ? D'abord l'Accusation, et -- Madame Benjamin, suite aux

5 questions des Juges, avez-vous des précisions à faire apporter par le

6 Docteur ? Je vous écoute.

7 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation

8 n'a pas de questions supplémentaires. Je vous remercie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

10 La Défense ?

11 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

12 Q. [interprétation] Docteur Ribic, vous avez expliqué en détail que vous

13 aviez le sentiment qu'il y avait, parmi les réfugiés de Jajce, des membres

14 d'une famille qui avait des liens avec les Moudjahiddines. Je vous demande

15 s'il est exact que vous avez déjà dit que, dans cette région, il y avait

16 des réfugiés d'autres régions que vous ne connaissiez pas ?

17 R. Bien entendu. Il y avait des réfugiés de très nombreux. Pas tellement

18 dans ce secteur, mais autour de Siprage et de Kotor Varos. Il y avait des

19 réfugiés en grand nombre de Banja Luka, de Prijedor, de Sanski Most et

20 d'ailleurs.

21 Q. Vous avez parlé de ces jeunes qui se rapprochaient de ces étrangers.

22 En disant cela, pensiez-vous, avant tout, aux réfugiés de la Krajina, de

23 façon générale, ou seulement de Jajce ?

24 R. Pas seulement de Jajce, bien sûr, parce que j'ai dit, il y a quelques

25 instants, que dans ma région autour de Mehurici, par exemple, il y en avait

Page 11423

1 peut-être une dizaine de réfugiés de Jajce, pas plus.

2 Q. Ma dernière question maintenant, Docteur Ribic. Etait-ce un secret ou

3 en avez-vous connaissance du fait que ces jeunes gens allaient parfois vers

4 certaines destinations accompagnés de ces étrangers, que personne ne savait

5 ni où ils allaient ni ce qu'ils faisaient ?

6 R. Absolument. Je n'en avais pas la moindre idée. La seule chose que j'ai

7 pu faire, c'est voir les exercices assez difficiles d'ailleurs que

8 faisaient ces hommes tous les matins. Cela, je l'ai vu de mes yeux.

9 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci beaucoup.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur

11 le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

15 Docteur, votre audition vient de se terminer. Je vous remercie, au nom de

16 la Chambre, d'être venu témoigner à La Haye. Vous avez répondu aux

17 questions posées tant par les avocats que l'Accusation que moi-même. Je

18 vais vous souhaiter un bon voyage de retour, et nous formulons nos

19 meilleurs vœux pour la continuation de votre exercice de docteur.

20 Je vais donc demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.

21 [Le témoin se retire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

23 Alors, je me tourne vers les Défenseurs. Avons-nous le témoin à la

24 disposition de la Chambre ?

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je propose, si vous

Page 11424

1 le voulez bien, que vous ordonniez la pause un peu plus tôt que prévu. Je

2 crois que le témoin est déjà là. Je lui ai demandé d'être prêt à l0 heures,

3 à peu près, mais il faut que je vérifié. Ensuite, après la pause, nous

4 pourrions entendre ce témoin, si la Chambre accepte cette proposition.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Pas d'objection de l'Accusation ?

6 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 10 heures 10. Nous allons faire la

8 pause technique et nous reprendrons aux environs de 10 heures 40.

9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 12.

10 --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Huissier, pouvez-vous introduire le

12 témoin ?

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, bonjour. Je vais d'abord vérifier que

15 vous entendez bien la traduction de mes propos dans votre langue, si c'est

16 le cas, dites, je vous entends et je vous comprends.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin par la

19 Défense. Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier.

20 Je vous demande de me donner votre nom, prénom, date de naissance, lieu de

21 naissance.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Munir Karic. Je vis actuellement

23 à Travnik en Bosnie-Herzégovine.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la date de votre naissance, et le lieu de

25 votre naissance.

Page 11425

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 7 décembre 1964, dans la

2 municipalité de Travnik, à Visnjevo.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Actuellement, avec-vous une fonction, une qualité,

4 que faites-vous dans la vie ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai en moment une entreprise à moi, une

6 entreprise qui m'appartient.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Une entreprise qui spécialisée dans quel domaine ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le transport, et une partie de l'entreprise

9 est constituée par une entreprise agricole.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992-93, avez-vous, à l'époque, une fonction ou

11 une qualité, ci s'était le cas, laquelle ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, j'étais ingénieur machiniste à

13 Rudnik, dans la mine Avid Lolic [phon] de Travnik. J'étais chef du secteur

14 du Département d'entretien des machines.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993 ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, j'étais membre de l'ABiH.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : En tant que membre de l'armée, aviez-vous un grade

18 et une affectation ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] En tant que membre de l'armée, en 1993 jusqu'à

20 la fin de cette année-là, je remplissais les fonctions d'assistant du

21 commandant chargé de la logistique et, vers la fin même de l'année 1993,

22 j'ai été numéro deux du commandant de la 306e Brigade de Montagne.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous déjà témoigné devant un Tribunal

24 international ou un tribunal national sur les faits qui se sont déroulés en

25 Bosnie-Herzégovine en 1992-1993 ou c'est la première fois que vous

Page 11426

1 témoignez ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma déposition aujourd'hui sera la première

3 fois que je déposerai au sujet de ces événements.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je vous demande de bien vouloir

5 lire le serment.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

8 LE TÉMOIN: MUNIR KARIC [Assermenté]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, vous pouvez vous asseoir.

11 Bien. Avant de donner la parole à la Défense qui va vous poser des

12 questions puisque vous êtes un des témoins cités par la Défense mais comme

13 maintenant, vous venez de prêter serment, vous êtes maintenant le témoin de

14 la justice, je vais vous fournir quelques éléments d'information sur la

15 façon dont va se dérouler cette audience.

16 Vous allez devoir répondre, dans un premier temps, à des questions qui vont

17 vous être posées par les avocats d'un des accusés. En règle générale, le

18 temps prévu pour ce type de question peut varier entre 45 minutes et une

19 heure et demie, sauf cas exceptionnel, cela peut aller beaucoup plus loin

20 dans le temps.

21 A l'issue de cette phase, les autres avocats du second accusé pourront,

22 s'ils estiment utile également de vous poser des questions. Après quoi, on

23 passe dans une autre phase procédurale qui est le contre-interrogatoire qui

24 est effectué par l'Accusation qui se trouve à votre droite. Dans le cadre

25 du contre-interrogatoire, comme le spécifie notre règlement de procédures

Page 11427

1 et de preuves, les questions visent à vérifier votre crédibilité et elles

2 ont également pour objet d'éclaircir certaines des réponses que vous avez

3 données aux questions posées par la Défense.

4 A l'issue de cette phase, les avocats de la Défense peuvent également poser

5 des questions supplémentaires. Les Juges qui sont devant vous, d'habitude

6 ils sont trois mais il y en a qui est absent pour raisons professionnelles,

7 les Juges qui sont devant vous, peuvent vous poser à tout moment,

8 lorsqu'ils l'estiment utile, des questions. Vous vous en apercevrez, les

9 questions des Juges sont tout à fait différentes des questions des parties.

10 En règle générale, nous attendons à vous poser des questions que les

11 parties aient utilisé leur temps de parole et nous posons des questions

12 après. Les parties sont autorisées à ce moment-là à vous reposer des

13 questions aux fins d'éclaircissement des réponses que vous avez donné aux

14 juges.

15 Voilà comment se déroule le problème des questions. Il peut apparaître dans

16 certaines hypothèses que les questions peuvent être très compliquées. A ce

17 moment-là, si vous ne comprenez pas la question, demandez à celui qui vous

18 la pose de la reformuler parce que ce que vous ne savez pas ou vous le

19 savez, mais si vous ne savez pas je vous l'indique, nous n'avons, nous,

20 aucun document écrit sur votre témoignage futur, nous ne savons pas qui

21 vous êtes, nous ne savons pas ce que vous avez, de quels faits avez-vous pu

22 être témoin. Donc, ce sont vos réponses qui vont nous éclairer, d'où

23 l'importance évidemment de vos réponses, donc essayez d'être très clair et

24 synthétique dans les réponses que vous faites.

25 Je me dois également de vous indiquer deux autres éléments, d'autant plus

Page 11428

1 que vous nous avez informé que vous auriez été membre de la 306e Brigade,

2 vous avez prêté serment de dire toute la vérité. La prestation de serment

3 implique automatiquement de dire la vérité et de ne pas mentir. S'il

4 apparaissait un mensonge dans votre témoignage, sachez que notre règlement

5 prévoit qu'il puisse y avoir des poursuites pour faux témoignages. Les

6 peines peuvent aller jusqu'à 7 ans de prison.

7 Afin de faciliter votre témoignage dans le sens de la vérité, le règlement

8 a prévu une disposition tout à fait spécifique et que l'on ne retrouve dans

9 quasiment aucune législation de procédures pénales dans le monde, il est

10 prévu par notre règlement que lorsque vous répondez à une question, s'il

11 s'avère que vous fournissez dans la réponse des éléments qui pourraient un

12 jour être utilisé à charge contre vous, sachez à ce moment-là que ce que

13 vous nous dites est couvert par une forme d'immunité. En droit américain,

14 l'immunité dont ce type d'hypothèse est donnée par l'Accusation mais dans

15 notre règlement à vous, c'est la Chambre, qui par le règlement vous

16 l'accorde, vous l'accorde. Je tenais à vous rappeler cela afin que votre

17 déposition soit la plus bénéfique possible pour la manifestation de la

18 vérité et enfin, également, de vous permettre d'être dans un état normal

19 afin de répondre aux questions qui vont vous être posées.

20 Si jamais, en cours d'audience, il y a une difficulté quelconque, n'hésitez

21 pas à nous le dire; nous sommes là pour trancher tout problème. Si vous

22 estimez à un moment donné qu'il convient de nous, d'évoquer le problème,

23 n'hésitez pas, je vous invite à le faire sans aucun problème. Voilà de

24 manière très générale ces considérations que j'indique quasiment à tous les

25 témoins afin de permettre une audition dans les meilleures conditions

Page 11429

1 possibles et afin, également, de gagner du temps parce que nous sommes

2 aussi pris par le temps.

3 Sans perdre de temps, je me tourne vers les avocats de la Défense qui

4 vont procéder à l'interrogatoire et qui vont vous aider

5 si vous indiquez quelque chose.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

7 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karic.

9 R. Bonjour.

10 Q. En sus du mot d'explication et d'avertissement qui vient de vous être

11 adressé par le M. le Président, j'en ajouterais un autre. Je vous prie, en

12 effet, à la fin des questions que je vous pose, de ménager une brève pause,

13 de façon à permettre l'interprétation complète de ma question. Moi-même,

14 suite à vos réponses, je ménagerai une pause similaire de façon à ce que

15 vos réponses soient complètement interprétées. Ainsi, les Juges et les

16 collègues présents dans le prétoire pourront comprendre l'intégralité de

17 vos propos. M'avez-vous bien suivi ?

18 R. Oui.

19 Q. Merci.

20 Dites-moi, je vous prie : quelle est votre profession ?

21 R. Je suis ingénieur machiniste, diplômé.

22 Q. Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre formation, où avez-vous

23 fait vos études secondaires et quand ?

24 R. J'ai suivi l'école primaire à Mehurici, le lycée à Travnik. J'ai

25 terminé mes études universitaires -- j'ai commencé mes études

Page 11430

1 universitaires à la faculté d'ingénierie machiniste -- de mécanique, à

2 Zenica, qui dépendait de l'université de Sarajevo.

3 Q. Merci. Vous nous avez déjà expliqué qu'au début de la guerre vous

4 travailliez à Rudnik. Est-ce que vous aviez accompli votre service

5 militaire et, si oui, au sein de quelle armée ?

6 R. Avant la guerre, j'ai accompli mon service militaire au sein de l'armée

7 populaire yougoslave en tant que responsable des transmissions à Gornji

8 Milanovac, et j'y ai passé 15 mois entiers.

9 Q. Avez-vous obtenu un grade quelconque durant votre service militaire,

10 Monsieur Karic ?

11 R. Non.

12 Q. Monsieur Karic, mais aujourd'hui, est-ce que vous avez un grade ?

13 R. J'ai été démobilisé de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine

14 avec le grade de capitaine de première classe. Durant la période qui a

15 suivi la guerre, j'ai été promu au rang de commandant.

16 Q. Avant la guerre, est-ce que vous étiez membre d'un quelconque parti

17 politique et, si oui, y occupiez-vous un poste particulier ?

18 R. Avant la guerre de 1990, donc en 1990, je suis entré dans les rangs du

19 Parti de l'Action démocratique. Aux premières élections multipartites, qui

20 ont été organisées en Bosnie-Herzégovine, j'ai été élu à la chambre des

21 citoyens en tant que député de cette chambre, au sein du parlement de la

22 République de Bosnie-Herzégovine.

23 Q. Monsieur Karic, à cette époque, en tant que délégué, comme vous dites,

24 ou député du parlement de Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous avez été

25 témoin de la décision relative à la structure à venir de la Bosnie-

Page 11431

1 Herzégovine ?

2 R. Pendant la deuxième moitié de 1991, s'agissant de notre travail de

3 nous, les députés au parlement, ce travail a été, pour l'essentiel,

4 consacré à -- et au consentement donné à notre équipe de négociation qui

5 était présidée par M. Izetbegovic car la tentative qui était en vigueur, à

6 l'époque, consistait à essayer de préserver la République socialiste

7 fédérative de Yougoslave de l'époque avec toutes ses républiques et toutes

8 ses provinces autonomes.

9 Q. En tant que député au parlement, la position prise par l'assemblée,

10 était-elle la suivante : la République socialiste fédérative de

11 Yougoslavie, si elle ne pouvait pas être préservée, la Bosnie-Herzégovine

12 devait adopter une position, et quelle position devait être celle-ci ?

13 R. Nous estimions là-dessus, très clairement, que seule une Yougoslavie

14 entière, intègre, était possible, avec toutes ses républiques et ses

15 provinces autonomes intégrées. La Bosnie-Herzégovine adopterait la voie

16 menant à l'indépendance s'il y avait démantèlement de l'ex-Yougoslavie.

17 Q. En tant que membre du parlement, avez-vous subi des menaces de la part

18 de quelque parti politique représenté au parlement ?

19 R. J'étais, personnellement, présent pendant la session du parlement de la

20 république lorsque Karadzic, le président de l'époque du SDS, a menacé, non

21 seulement nous, à titre individuel, les députés au parlement, mais aussi le

22 peuple musulman, aujourd'hui bosnien, dans son ensemble. Il a même menacé

23 de disparition si la décision était prise de déclarer l'indépendance de la

24 Bosnie-Herzégovine.

25 Q. Monsieur Karic, dites-moi : la Bosnie-Herzégovine a-t-elle demandé une

Page 11432

1 reconnaissance de son indépendance. A cet égard, la commission de Badinter,

2 s'est-elle vue saisir de la demande de la Bosnie-Herzégovine ?

3 R. Oui.

4 Q. La commission de Badinter, qu'a-t-elle exigé à cet égard, et le

5 parlement, s'est-il conformé à ces exigences ?

6 R. La commission de Badinter et la communauté internationale dans son

7 ensemble ont demandé qu'un référendum soit organisé en Bosnie-Herzégovine,

8 portant sur l'indépendance de la République de Bosnie-Herzégovine. Ce

9 référendum a eu lieu, et plus des deux tiers de la population de Bosnie-

10 Herzégovine s'est proclamée -- s'est déclarée favorable à une Bosnie-

11 Herzégovine indépendante, pluriethnique et sur l'ensemble de son

12 territoire, et indivisible.

13 Q. Savez-vous si la Bosnie-Herzégovine a vu son indépendance reconnue, et

14 quand est-elle devenue membre des Nations Unies ?

15 R. Je ne sais pas à quel moment les différents Etats ont reconnu la

16 Bosnie-Herzégovine. Je sais que c'était la Bulgarie tout d'abord, puis la

17 Croatie. En avril, on a été reconnu par les Etats-Unis d'Amérique, par

18 l'Allemagne. Enfin, ce qui était très important pour nous, on est devenu

19 membre à part entière, donc, dans le mois qui a suivi, membre à part

20 entière, de l'organisation des Nations Unies.

21 Q. Compte tenu de cela, de ce qui s'est passé au sein du parlement,

22 Monsieur Karic, êtes-vous resté à Sarajevo, au début de la guerre, plus

23 précisément, au début du mois d'avril, avez-vous quitté Sarajevo. Si oui,

24 où vous êtes-vous rendu ?

25 R. Peu avant la guerre, au début du mois d'avril, j'ai assisté à une

Page 11433

1 session du parlement de la République de Bosnie-Herzégovine. C'était au

2 moment où il y a littéralement déjà eu attaque sur la ville même de

3 Sarajevo. J'ai réussi à atteindre Travnik en sortant de Sarajevo. J'ai eu

4 de la chance car, à l'époque, j'ai pu emprunter toutes les routes de

5 l'agresseur serbe, et je suis revenu dans mon village natal, Visnjevo, de

6 la municipalité de Travnik.

7 Q. Avez-vous rejoint la Défense territoriale de Travnik, et à quel

8 moment ?

9 R. Dès mon retour de Sarajevo, je suis devenu membre de la Défense

10 territoriale de Travnik. C'était la cellule sectorielle de Mehurici.

11 Q. Qu'aviez-vous à votre disposition pour pouvoir assurer la défense au

12 sein de la Défense territoriale ? Aviez-vous des armements, les casernes,

13 l'équipement et tout ce qui est nécessaire ?

14 R. Si vous m'y autorisez, je voudrais fournir quelques explications plus

15 détaillées. D'après les lois en vigueur en Bosnie-Herzégovine de l'époque,

16 on aurait dû organiser la défense. On aurait dû avoir des armes et des

17 casernes. Cependant, on n'a eu rien de tout cela. Car, dans les casernes,

18 il y avait l'armée populaire yougoslave qui, pour la plupart, en plus de

19 ses effectifs réguliers, a replié, en grand nombre, ces Unités de Slovénie

20 et de Croatie. Dès ce moment-là, on voyait arriver des groupes de Serbie.

21 Les entrepôts d'armes qui appartenaient à la Défense territoriale de

22 Bosnie-Herzégovine étaient pour la plupart placés sous le contrôle des

23 unités régulières de l'époque de la JNA, ou des unités irrégulières qui

24 commençaient à arriver à ce moment-là déjà de Serbie et du Monténégro.

25 Q. Vous ai-je bien compris ? Vous avez dit que la Défense territoriale et,

Page 11434

1 par conséquent, votre cellule sectorielle n'ont pu avoir aucun élément

2 d'armements qui avait appartenu avant la guerre à la JNA ?

3 R. Oui, c'est vrai. On ne pouvait obtenir rien de tout cela. On ne l'avait

4 pas.

5 Q. Monsieur Karic, pouvez-vous nous dire comment vous avez équipé ces gens

6 qui venaient rejoindre la Défense territoriale ?

7 R. Nous, on ne les équipait les gens. Les gens s'équipaient eux-mêmes. Ils

8 achetaient eux-mêmes leurs armes personnelles. Ils vendaient leurs vaches,

9 des moutons. Ils investissaient leurs économies. C'est comme cela que dans

10 un premier temps, ces gens s'équipaient et ils venaient nous rejoindre au

11 sein de la Défense territoriale.

12 Q. Est-ce qu'on pouvait se procurer sur le marché les armes librement ?

13 Ou, sinon, savez-vous comment les gens se les procuraient ?

14 R. C'est par des filières de contrebande pour la plupart qu'on s'achetait

15 des armes, et même de quelques Serbes qui avaient reçu les armes de la

16 Défense territoriale de la JNA.

17 Q. Monsieur Karic, lorsque vous avez rejoint la Défense territoriale, où

18 était le QG, votre QG sectoriel, à l'époque ?

19 R. A l'école primaire de Mehurici.

20 Q. Est-ce que vous exerciez des fonctions au sein de ce QG sectoriel ?

21 R. Oui. J'étais adjoint du commandant chargé du moral.

22 Q. A ce moment-là ou plus tard, la Défense territoriale, ou plutôt l'armée

23 a-t-elle pris le contrôle dans votre zone, dans votre municipalité ? Sinon,

24 pouvez-vous nous dire qui a exercé le pouvoir dans ce secteur ?

25 R. La Défense territoriale n'a pas assumé le pouvoir dans cette zone. Le

Page 11435

1 pouvoir civil qui a existé, c'était la présidence de Guerre en sa pleine

2 capacité avec tous les organes, la protection civile, l'éducation, la

3 santé, la police, le ministère de l'Intérieur de l'époque.

4 Q. Monsieur Karic, puisque vous êtes rentré dans votre village de Visnjevo

5 immédiatement et vous avez exercé des fonctions dans la Défense

6 territoriale, dites-nous si vous avez remarqué à un moment donné l'arrivée

7 des étrangers dans ce secteur, et si oui, qui étaient-ils ?

8 R. Puisque Travnik et cette partie de la municipalité de Travnik était dès

9 ce moment-là l'endroit où arrivaient des réfugiés en grand nombre de

10 différentes régions, ils arrivaient des territoires qui étaient placés sous

11 le contrôle de l'agresseur serbe et monténégrin, il y avait des

12 représentants de différentes organisations internationales. Il y avait des

13 représentants même en uniforme. J'ai vu des gens portant des insignes de

14 l'armée croate. Il y avait des étrangers arabes aussi, d'origine arabe.

15 Q. A quel moment avez-vous vu pour la première fois ces étrangers

16 d'origine arabe, là où vous vous trouviez ?

17 R. Je ne peux pas vous citer la date exacte, mais à peu près, c'était à la

18 fin de l'été, début automne 1992.

19 Q. Saviez-vous à ce moment-là d'où venaient ces gens et quel est le rôle

20 qu'ils ont joué ?

21 R. Je ne savais pas exactement d'où venaient ces gens. Ce qu'on pouvait

22 voir, enfin, on supposait, on savait que c'étaient des Arabes parce qu'ils

23 portaient leurs vêtements traditionnels. On disait qu'il y en avait

24 beaucoup qui venaient d'Angleterre, d'Italie, et de l'ouest. Au départ,

25 d'après les informations que j'ai eues, eux se présentaient en tant que

Page 11436

1 humanitaires.

2 Q. Vous venez de répondre à ma question suivante. Vous venez de dire

3 qu'ils portaient des vêtements, des habits traditionnels. Comment les

4 appeliez-vous ? Comment la population locale les appelait-ils pendant cette

5 période-là ?

6 R. Arabes et humanitaires.

7 Q. Monsieur Karic, à un autre moment, est-ce qu'on les a baptisés

8 autrement ? Est-ce qu'on les appelait autrement ?

9 R. Plus tard, on les a appelés aussi Moudjahiddines.

10 Q. Monsieur Karic, vous êtes un intellectuel, un ingénieur. Saviez-vous

11 quelque chose des Moudjahiddines ? Aviez-vous une idée de ce que c'était

12 des Moudjahiddines avant la guerre ?

13 R. Je n'en savais rien.

14 Q. Quand vous les avez vus dans un premier temps, savez-vous où ces

15 étrangers se sont-ils installés ?

16 R. Je ne peux pas vous répondre en vous donnant une réponse précise parce

17 qu'à l'époque, ce que je devais faire, c'était d'agir avant tout par

18 rapport aux lignes de front sur le mont Vlasic, vers l'agresseur serbe et

19 monténégrin. Mais je sais que pendant quelque temps, ils sont restés à

20 l'école primaire de Mehurici et à Poljanice. C'est une partie de la

21 communauté locale de Mehurici. Mais je ne peux pas vous dire précisément à

22 quel moment ils étaient stationnés où.

23 Q. Très bien. Vous-même, avez-vous remarqué directement ou avez-vous

24 appris de la bouche d'autres personnes quels étaient les contacts établis

25 par ces étrangers, appelés Moudjahiddines par la suite, avec la population

Page 11437

1 locale ? Qu'est-ce qui les intéressait le plus ?

2 R. Au départ, d'après ce que j'en sais, ils agissaient en tant

3 qu'humanitaires, en tant que représentants d'organisations humanitaires.

4 Ils aidaient la population locale, ils les prenaient en charge d'un point

5 de vue humanitaire. Plus tard, d'après ce que j'en ai appris, ils ont

6 élargi leur champ d'action, avant tout,

7 sur le plan de l'éducation religieuse à l'adresse des gens qui s'étaient

8 mis en contact avec eux, et qui étaient préparés à cela, à travers, par le

9 biais de cette prise en charge matérielle.

10 Q. Monsieur Karic, est-ce qu'il y a eu des changements au niveau de

11 l'organisation de l'ABiH, et quel est le poste que vous avez occupé ou

12 quelle a été votre position pendant ces changements ?

13 R. Après ce QG sectoriel de Mehurici, on a constitué des détachements. Par

14 la suite, on a constitué des brigades. Dans cette zone, on a créé la 306e

15 Brigade de Montagne dans les mois de novembre et décembre 1992.

16 Q. La 306e Brigade a mobilisé ses effectifs dans quelle région ?

17 R. La 306e Brigade de Montagne a mobilisé ses hommes, a mobilisé dans les

18 rangs à partir des Détachements de Han Bila, Mehurici, Ljuta Greda, Hum,

19 Krpeljici, et une unité d'hommes qui était venue de la région de Siprage,

20 c'étaient les municipalités de Kotor Varos et de Skender Vakuf.

21 Q. Monsieur Karic, savez-vous si parmi les hommes aptes à combattre de

22 cette région, si parmi ces gens, on a mobilisé dans les rangs d'autres

23 unités qui, elles, n'étaient pas stationnées dans la vallée de la Bila ?

24 R. De cette région, pour autant que je le sache, on a mobilisé dans la

25 314e Brigade, 312e Brigade, la 17e de Krajina. Il y avait aussi des

Page 11438

1 individus dans la 7e Brigade musulmane pour autant que je le sache. Mais il

2 faut aussi savoir qu'il y avait des unités rattachées aux états-majors du

3 corps d'armée, du groupe opérationnel.

4 Q. Même si vous avez déjà répondu au président de la Chambre de première

5 instance en précisant quelles ont été vos fonctions, je vous demanderais de

6 nous préciser à quel moment on a créé la 306e Brigade et quelle a été la

7 fonction qui a été la vôtre ?

8 R. La 306e Brigade de Montagne a été créée au mois de décembre. On a

9 commencé à la créer fin novembre, on a terminé en décembre 1992. Les

10 fonctions que j'ai exercées, ou plutôt, j'ai été nommé au poste de

11 commandant adjoint chargé de la logistique.

12 Q. Monsieur Karic, vous nous avez déjà dit quels sont les problèmes que

13 vous avez rencontrés au début au sein de la Défense territoriale pour ce

14 qui est de la logistique. Dites-nous, à présent, Monsieur Karic, quels sont

15 les problèmes que vous avez rencontrés en votre qualité du commandant

16 adjoint chargé de la logistique pendant l'année 1993 ?

17 R. Comme je l'ai déjà dit, les unités, les détachements, les effectifs des

18 détachements qui sont entrés au sein du Bataillon de la 306e Brigade de

19 Montagne, pour l'essentiel, ont emporté ce qu'ils avaient de matériel et

20 d'équipements. La logistique de la 306e Brigade de Montagne, on pourrait

21 dire en principe qu'on n'avait aucun moyen. On n'avait pas de véhicules,

22 pas de vêtements, pas de chaussures, pas d'uniformes. Tout ce que doit

23 avoir à sa disposition la logistique d'une brigade. En plus, du moins pour

24 ce qui est du fonctionnement du commandement de la brigade, les problèmes

25 se manifestaient du fait qu'on ne pouvait pas mobiliser des hommes formés,

Page 11439

1 entraînés dans la brigade. On a dû affecter des gens à différents postes,

2 alors même que ces gens n'étaient pas formés, et n'avaient pas de

3 compétences militaires ou techniques nécessaires.

4 Q. Mais vous receviez quand même du matériel, des munitions et d'autres

5 éléments d'équipements nécessaires à la défense. Alors, la logistique de la

6 306e Brigade s'appuyait sur qui dans ces tentatives de se procurer ce qui

7 lui était nécessaire comme équipement ?

8 R. Du point de vue organique, on s'appuyait sur la logistique du 3e Corps

9 d'armée. Même si, d'après les lois en vigueur, on avait la possibilité de

10 s'approvisionner pour ce qui est de la logistique en passant par la

11 présidence de Guerre de la municipalité de Travnik. Il me semble aussi qu'à

12 Travnik, il y avait une base logistique. Mais tout ceci, cela n'existait

13 qu'à titre symbolique.

14 Q. Dans la brigade, est-ce que vous aviez une caserne pour votre brigade

15 dans laquelle pouvaient être stationnés les membres de votre brigade ?

16 R. En tant que brigade, nous n'avions pas de caserne. Ce que nous avions,

17 c'était pour l'essentiel des bâtiments qui avaient été réquisitionnés par

18 le ministère de la Défense de la municipalité de Travnik pour les besoins

19 des bataillons et de la brigade.

20 Q. Monsieur Karic, vous venez de dire que les installations nécessaires à

21 la brigade ont été réquisitionnées par la municipalité de Travnik et son

22 secrétariat de la défense populaire. Je voudrais savoir qui a mobilisé

23 d'autres moyens, les moyens de transport, le bétail, ce qui est nécessaire

24 pour que la brigade puisse fonctionner en temps de guerre ?

25 R. Tout ce qui était nécessaire, les moyens nécessaires ont été

Page 11440

1 réquisitionnés par le biais du secrétariat chargé de la Défense. C'est

2 uniquement à titre exceptionnel qu'on pouvait les recevoir, les mobiliser

3 nous-mêmes. Cela, c'était rare.

4 Q. A la question précédente, vous m'avez dit qu'au sein de l'armée

5 populaire yougoslave, vous étiez soldat chargé des transmissions, vous-même

6 et vos hommes chargés de la logistique au sein de la brigade, est-ce que

7 vous étiez formés pour vous acquitter de ces tâches ?

8 R. Non.

9 Q. Monsieur Karic, y avait-il quelque, et si oui, qui était-ce, qui a

10 entrepris de vous former dans ces circonstances-là, vous formez pour que

11 vous puissiez vous acquittez de ces tâches tout en continuant de travailler

12 et de combattre ?

13 R. Notre brigade avait un plan interne de formation, à la fois des

14 officiers qui commandaient, et des unités subordonnées et de leur

15 commandement. On devait s'appuyer sur le 3e Corps pour cela, pour ce qui

16 est de la sécurité et du reste. Il y avait un système tellement de

17 formation interne au sein de la 306e Brigade de Montagne.

18 Q. Monsieur Karic, dans cet organe chargé de la logistique, est-ce que

19 vous pouviez fournir une aide aux familles des combattants, combattants que

20 vous mobilisiez, que vous envoyiez combattre ?

21 R. Pendant cette période-là, on n'avait même pas de quoi répondre aux

22 besoins quotidiens de nos unités sur les lignes face à l'agresseur serbe au

23 Monténégrin, sans parler de réserves. Pour ce qui est des vivres, des

24 habits, armements, chaussures, carburant, on ne pouvait même pas répondre

25 aux besoins qui étaient sur les lignes de front. On pouvait encore moins

Page 11441

1 aider leurs familles. De toute façon d'ailleurs, ce n'était pas notre

2 obligation. Ce n'était pas cela notre travail.

3 Q. Monsieur Karic, ces problèmes logistiques, votre incapacité d'assurer

4 le minimum à vos soldats pour qu'ils puissent mener à bien leur tâche de

5 combattant et, après, pour vous occuper de leurs familles, est-ce que cela

6 a eu un impact sur l'établissement de votre filière de commandement et de

7 contrôle par rapport aux unités subordonnées, par rapport aux effectifs

8 subordonnés ? Si oui, comment avez-vous essayé de résoudre ces problèmes ?

9 R. Pendant cette période-là, allant du mois de janvier 1993, pendant les

10 trois ou quatre mois qui ont suivi, il y a déjà eu un certain nombre de

11 problèmes avec les membres du HVO. Les membres de notre 306e Brigade de

12 Montagne, ils se sont trouvés vraiment dans un situation assez

13 particulière, comme la plupart des membres de nos forces armées car nous

14 envoyions nos combattants sur les lignes de front, et je vous ai déjà dit

15 ce qu'on pouvait mettre à leur disposition -- plutôt, qu'on ne pouvait

16 guère mettre ce qu'il fallait à leur disposition. Leurs familles, en

17 principe, n'étaient absolument pas prises en charge. Elles n'avaient même

18 pas de vivres, sans parler de vêtements, de chaussures, de chauffage, et

19 cetera. Cela, c'était l'un des problèmes. Ce qu'on faisait, on organisait

20 des entretiens, des accords. On cherchait à convaincre les hommes à ce

21 qu'ils se rendent sur les lignes de front pour s'acquitter de leurs tâches,

22 leur mission. On ne peut pas dire qu'il y avait une filière de commandement

23 et de contrôle envers les unités subordonnées. Car compte tenu des

24 circonstances, il était pratiquement impossible de mettre sur pied une

25 telle filière. Or, il fallait bien qu'on se défende, bien évidemment.

Page 11442

1 Q. Monsieur Karic, veuillez m'indiquer ce qui suit. En sus des unités de

2 l'ABiH sur ce secteur, y a-t-il eu d'autres formations -- d'autres unités

3 de présente sur le même secteur géographique ?

4 R. Dans ce secteur, en sus des membres de l'ABiH, il y avait les effectifs

5 du MUP, à savoir, le ministère de l'Intérieur. Il y avait dans membres du

6 HVO. Il y avait des membres du HOS, des forces armées croates et de l'armée

7 croate.

8 Q. Monsieur Karic, en votre qualité de commandant adjoint chargé de la

9 logistique, vous saviez de quelle façon votre armée était équipée. Avez-

10 vous pu remarquer de quelle façon se trouvait être équipés les membres du

11 conseil croate de la Défense ?

12 R. D'après ce que j'ai pu remarquer, en passant par ces points de

13 contrôle, pour les circonstances qui prévalaient, à l'époque, ils étaient

14 équipés, comme nous avions coutume de le dire, comme les effectifs de

15 l'OTAN; avec uniforme complet, armement complet, fusil, pistolet, ensemble

16 de matériel de combat, et ainsi de suite.

17 Q. Monsieur Karic, à un moment donné, dans le courant de 1993, y a-t-il eu

18 un conflit entre le HVO et l'armée sur le secteur plus vaste, et est-ce que

19 cela a influé sur les relations prévalentes dans le secteur de la vallée de

20 la Bila ?

21 R. En vertu des informations qui nous parvenaient, il y a eu des conflits

22 à Novi Travnik, à Vakuf, à Busovaca, à Vitez. En gros, ces conflits se

23 déroulaient dans les intervalles de temps espacés.

24 Q. Mais ces conflits, d'après ce que vous avez pu voir vous-même, se sont-

25 ils traduits par une radicalisation d'une partie du HVO dans votre secteur

Page 11443

1 et y a-t-il eu, à un moment donné, des situations de conflit entre l'armée

2 et le HVO ?

3 R. D'après ce que j'ai compris, pour ce qui est de l'organisation du HVO,

4 je dirais que le HVO constituait une organisation, une seule et même

5 organisation, un ensemble, une entité. L'armée et ses unités se

6 comportaient de façon analogue en fonction des différentes régions. Il est

7 certain qu'à cette période, il n'y a pas eu de conflit ouvert avec le HVO.

8 Il y a toutefois eu bon nombre de problèmes. Les Unités du HVO ont creusé

9 des tranchées. Elles ont renforcé les contrôles aux points de contrôle.

10 Elles ont malmenés les gens en contrôlant. Il y a même eu des meurtres.

11 Q. Auparavant, se déclarant comme étant un allié contre la JNA et les

12 forces serbes, est-ce que, dans votre secteur, en 1993, le HVO avait tenu

13 des lignes et défendu des lignes face aux effectifs serbes ? Savez-vous

14 nous dire, d'une manière générale, où est-ce que ces lignes-là se

15 trouvaient ?

16 R. Les membres du HVO, sur un segment, pour autant que je le sache, à

17 savoir, à Vlasic et de Vlaska Gromila, jusqu'aux hauteurs de Velika

18 Bukovica, ils ont, effectivement, tenu une ligne face à l'agresseur serbo-

19 monténégrin pendant un certain temps. Mais ce qu'on a pu remarquer dès

20 lors, c'est qu'en profondeur, derrière nos lignes à nous, qui se trouvaient

21 à Vlasic, face à l'agresseur serbo-monténégrin, ils creusaient leurs

22 tranchées dans notre dos. Ce qui a semé la confusion et ce qui a généré bon

23 nombre de problèmes, ainsi qu'une certaine appréhension, c'est que ces

24 lignes se trouvaient être mises en place essentiellement tout près des

25 villages habités par une population musulmane -- une population bosnienne.

Page 11444

1 Ce qui fait que certains villages, disons deux ou trois de ces villages, se

2 trouvaient complètement cernés par les tranchés qu'ils ont creusés.

3 Q. Où se trouvait votre commandement, le commandement de la 306e, Monsieur

4 Karic ?

5 R. Le commandement de la 306e Brigade se trouvait dans la mine, à Rudnik.

6 Q. Vous avez parlé de fortifications, de tranchées, du HVO, autour de

7 certains villages. Dites-moi, je vous prie : par rapport à votre

8 commandement à vous, où se trouvaient les effectifs du HVO ?

9 R. Je ne sais pas si ces tranchées par rapport à notre commandement se

10 trouvaient être creusées à plus de dix ou 15 mètres de distance à vol

11 d'oiseau.

12 Q. Nous avons obtenu de la bouche de plusieurs témoins des réponses à la

13 question que je vais vous poser, mais je vous la poser quand même puisque

14 vous été chargé de l'approvisionnement.

15 Quelles sont les routes qui permettaient d'arriver à certains, d'accéder à

16 certains centres de la Bosnie-Herzégovine partant de la vallée de la Bila ?

17 R. Il s'agissait de voies de communications en direction de Travnik, c'est-

18 à-dire, entre Rudnik-Stara-Bila, Nova Bila, Travnik; et de Mehurici, Guca

19 Gora, Mostar, Gostunj, Kanare, Travnik et encore Zenica; la route entre Han

20 Bila-Ovnak et Zenica, en passant par Cajdras avant d'arriver à Zenica.

21 Q. Je vous demanderais de nous dire ce qui suit, page 48, ligne 10, ma

22 question a été celle de savoir pour ce qui est de l'emplacement des forces

23 du HVO, par rapport à votre commandement. Or, le compte rendu d'audience

24 dit HV, cette chose qui signifie armée croate.

25 R. HVO, c'est ce que j'ai compris.

Page 11445

1 R. Donc, vous avez compris la question et vous avez répondu aux

2 conséquences.

3 R. Oui.

4 Q. Excusez-moi pour l'interruption, dites-moi qu'advient-il de ces axes en

5 1993 et quelles sont les possibilités de communiquer pour ce qui est de la

6 population et de l'armée en direction de Travnik et de Zenica ?

7 R. En 1993, dans la première moitié de cette année 1993, sur les axes

8 susmentionnés, il est positionné ces postes de contrôle de la part des

9 membres du HVO, du HOS et parfois de la part de membres de l'armée croate.

10 Je ne sais si c'était l'armée croate, mais, en tout cas, ils portaient les

11 insignes de l'armée croate.

12 Q. En sus de la mise en place de ces postes de contrôle et d'une manière

13 générale dans le comportement du HVO, y a-t-il des façons de traiter les

14 gens qui donnent naissance à des conflits ou à des humiliations de quelque

15 sorte que ce soit.?

16 R. Ce que je puis dire, c'est une expérience qui est la mienne, ce que

17 j'ai pu expérimenter moi-même en passant par ces points de contrôle, en ma

18 qualité d'homme chargé de logistique, nous avons connu des situations assez

19 désagréables, des situations de fouilles, de provocations. Vous ne saviez,

20 en réalité, quand est-ce que vous alliez pouvoir passer par un poste de

21 contrôle pour vous rendre en véhicule jusqu'au commandement supérieur pour

22 acheminer ce qu'il convient d'acheminer, soit vers Zenica, soit vers

23 Travnik.

24 Ce que j'ai ouie dire ou plutôt j'ai eu moi-même l'expérience qui est

25 celle d'avoir séjourné au commandement alors qu'un groupe d'officiers à

Page 11446

1 nous est arrivé nous relatant des humiliations, ils les ont humiliés, ils

2 les ont désarmés, ils leur ont fait enlever tous leurs vêtements, des

3 vêtements qui avaient de la valeur, dont les chaussures de sport ou autre

4 chose et j'ai ouie dire qu'on les avait forcé à brouter de l'herbe.

5 Q. Mais toutes ces provocations…

6 R. Autres choses encore, tout ceci se passe à 150 ou 200 mètres du

7 commandement de la brigade, donc les désagréments qu'ils ont subis se

8 passent à cette distance-là.

9 Q. Mais en sus de cela, des témoins ont témoigné de situations analogues

10 et autres mais ce que je vous demanderais, étant donné que vous avez été

11 membre du commandement de cette 306e Brigade, c'est de nous dire si votre

12 brigade a reçu des ordres pour ce qui est de riposter de façon analogue ou

13 de rendre la pareille ou au contraire avec-vous fait votre possible pour

14 éviter les conflits, dites-nous ce que vous en savez ?

15 R. Ce que je puis dire c'est qu'en notre qualité de commandement de la

16 brigade, nous avons reçu des ordres très stricts disant qu'il fallait à

17 tout prix éviter tout conflit avec le HVO afin d'essayer d'établir une

18 coopérations maximum au travers de négociations avec des représentants de

19 leur commandement à eux.

20 A cet effet, je me souviens qu'il y a eu création de certaines commissions

21 chargées de contacts permanents avec les représentants des officiers en

22 commandement de leur brigade. Ces commissions avaient pour mission

23 d'inspecter leurs unités ainsi que nos unités à nous et faire en sorte que

24 les tranchées creusées soient ensevelies, rebouchées.

25 Q. Monsieur Karic, avez-vous à faire face à des réactions de la part des

Page 11447

1 combattants face à cette position absolument pacifique qui ne voulaient

2 donner à des conflits même suite à des humiliations les plus grossières.

3 R. Bien entendu, tout ce qui se passait, pour ce qui est du commandement

4 de la brigade et pour ce qui concerne l'environnement, à savoir, vitesse,

5 Busovaca et autres, n'a pas manqué de susciter de l'amertume auprès des

6 membres de cette 306e Brigade de Montagne.

7 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

9 M. NEUNER : L'intervention voudrait intervenir pour la raison suivante.

10 Dans la dernière des questions posées par mon éminente consoeur, on parle

11 d'humiliations des plus grossières d'infligées or, nous estimons que la

12 question se trouvait être des plus suggestives du fait de ce qualificatif.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous voudrions que cette observation soit inscrite.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, merci. Je m'excuse pour la

15 qualification des événements relatés par le témoin. Je m'efforcerai, pour

16 ma part, d'éviter toute question suggestive à son intention.

17 Q. M. Karic, les relations, dans son ensemble, telles que vous les avez

18 relatées, ont-elles - et, si oui, comment - influé sur le fonctionnement du

19 commandement et son déploiement dans le secteur ?

20 R. Tout ce qui se passait, à l'époque, a influé de la façon la plus

21 négative qui soit, sur l'évolution de l'unité, sur son organisation, sur le

22 commandement, sans parler de l'unité, ce qui fait que notre brigade, dans

23 la période concernée, au lieu que d'aller vers le progrès, vers la

24 mobilisation de nouveaux effectifs, s'est vue faire face à une situation de

25 régression à tout point de vue. Pour notre part, en tant que commandement,

Page 11448

1 nous n'étions généralement pas en position ou en situation de nous

2 rassembler ou de rassembler les effectifs complets du commandement.

3 Q. Début juin 1993, où vous trouviez-vous, vous-même, Monsieur Karic ?

4 R. En début juin 1993, j'avais essentiellement pour mission de procéder à

5 des visites des secteurs qui se trouvaient face à l'agresseur serbo-

6 monténégrin.

7 Q. Lorsque vous n'étiez pas en mission, où vous trouviez-vous ? Dans quel

8 siège de bataillon vous trouviez-vous ?

9 R. A mon retour de ces inspections et visites, étant donné que je ne

10 pouvais pas ou je pouvais difficilement accéder au siège du commandement,

11 je séjournais en général à Mehurici là où se trouvait le siège du

12 commandement du 2e -- je me corrige, du 1er Bataillon. Excusez-moi.

13 Q. Savez-vous nous dire où se trouvait le commandement de la brigade, à ce

14 moment-là ?

15 R. Ce que nous savions, c'est qu'il était à Krpeljici, qu'il était

16 encerclé. Etant donné que nous avions demandé de faire en sorte que le

17 commandant soit tiré de là-bas, je crois que même avec l'aide de la

18 FORPRONU, la chose n'a pas été possible.

19 Q. Qui est resté à Rudnik pour ce qui concerne le commandement de la

20 brigade ?

21 R. Autant que je m'en souvienne, au commandement de la brigade, il y avait

22 l'adjoint du commandant chargé de la sécurité, celui qui était chargé des

23 transmissions, et le responsable d'une partie de la police militaire.

24 Q. Merci. Je voudrais revenir à une question dont nous avons parlé au

25 début de notre conversation, à savoir, l'apparition de ces étrangers. En

Page 11449

1 répondant à l'une de mes dernières questions à ce sujet-là, vous avez

2 précisé qu'il a commencé à y avoir des problèmes, notamment, en raison de

3 la façon dont ils s'entraînaient dans un esprit religieux et un esprit de

4 pratique de cette religion. Alors, veuillez m'indiquer la position de ces

5 humanitaires qui se soldent par des excès sur le plan confessionnel, se

6 traduisent-ils de façon négatives dans la vallée de la Bila ? Y a-t-il des

7 problèmes déterminés et de quelle façon cette 306e Brigade fait-elle face à

8 ces problèmes-là ?

9 R. Ces problèmes ne faisaient que croître de jour en jour. La façon dont

10 ils essayaient d'installer ces nouvelles pratiques de la religion dans nos

11 régions à nous, aux yeux d'une grande majorité de la population, se

12 trouvait inacceptable. C'est de ce fait-là que nous avons eu des problèmes

13 grandissants au quotidien pour ce qui est de la façon dont nous faisions

14 nos prières, et de la façon dont nous communiquions au quotidien, cela

15 constituait un grand problème et cela portait atteinte au moral de nos

16 troupes.

17 Nous avions aussi des situations où certaines personnes, que nous ne

18 pouvions pas placer sous notre commandement et mobiliser, à l'époque, ont

19 pu vivre de façon assez confortable, à l'époque. Leurs familles ont été

20 mises à l'abri, j'entends à l'abri matériel, au sens matériel du terme

21 alors que nos troupes et leurs familles se trouvaient dans une situation

22 catastrophique. Il était difficile d'expliquer aux membres de la 306e

23 Brigade de Montagne, comment des gens pouvaient se comporter ainsi alors

24 qu'on ne pouvait rien leur faire. Ils avaient la liberté de refuser d'aller

25 sur les lignes de front alors que d'autres devaient forcément y passer

Page 11450

1 plusieurs jours d'affilée, voire plusieurs semaines d'affilée, sans pour

2 autant savoir ce qu'il adviendrait de leurs familles respectives dans les

3 arrières.

4 Q. Monsieur Karic, avez-vous, à l'époque, été témoin d'établissements de

5 liens de familles de la part de ces étrangers avec des familles ou groupes

6 de familles de la population locale ou familles qui s'étaient installées

7 dans votre secteur suite à la guerre ?

8 R. Dès cette période-là, leurs activités se sont épanouies. Ils ont

9 commencé à épouser des jeunes filles de chez nous. C'était en général des

10 filles très jeunes. Pour ce qui nous concernait de notre point de vue et de

11 notre façon, suivant notre façon de voir, on avait du mal à comprendre

12 qu'une fille de 13, 14 ans puisse épouser quelqu'un qui a 30 ans. Vous

13 pouvez vous douter de l'amertume que cela suscitait auprès de la majeure

14 partie de la population. Ensuite, il y a eu des situations où une sœur ou

15 une cousine de membre de nos effectifs épousait un étranger. A mes yeux, à

16 mon sens, ces problèmes étaient graves et très difficiles à surmonter.

17 Q. Revenons au mois de juin 1993 à présent. Etant donné que vous vous êtes

18 retrouvé au siège du commandement du 1er Bataillon avec d'autres membres du

19 commandement, veuillez m'indiquer si à un moment donné, début juin, vous

20 avez été saisi par le commandant et qu'avez-vous au juste appris au sujet

21 des événements survenus dans les secteurs autres de cette même vallée de la

22 Bila ?

23 R. Nous avons été saisi par le commandant, en effet, et par les membres du

24 commandement qui se trouvaient à ses côtés à Krpeljici, cette demande de

25 visée à aider la population de Velika Bukovica. Il nous parvenait de là des

Page 11451

1 informations assez variées, mais tout de même graves à nos yeux disant que

2 la population a été abattue, que l'on avait incendié cette localité, qu'une

3 partie la population avait été emmenée vers des camps et ainsi de suite,

4 ainsi de suite. Nous avons compris, dès lors, que le HVO avait eu recours à

5 une tactique qui a été la sienne jusque-là, à savoir, on a négocié avec

6 nous pendant un certain temps jusqu'à ce que nous soyons amené dans une

7 situation qui est celle de briser la brigade et le commandement de la

8 brigade. Dans la majeure partie des cas, dans 80 % des cas, il était isolé.

9 Lorsque la brigade se trouvait dans une situation analogue, le HVO

10 procédait à un nettoyage ethnique de cette localité, notamment, à Velika

11 Bukovica. Il est arrivé quelque chose d'analogue avec Vitez et Busovaca.

12 Q. Mais dites-moi : avez-vous essayé d'aider les combattants et la

13 population de Velika Bukovica ?

14 R. L'intention était là d'aider ces gens. Une fois dit de la formation, et

15 pour autant que je le sache, un certain nombre de nos effectifs étaient

16 censés aller à Velika Bukovica. Mais, d'une part, il y avait les lignes du

17 HVO, et sur les hauteurs, il y avait les lignes de l'agresseur serbo-

18 monténégrin, ce qui fait que nous n'avons pas réussi à réaliser cette

19 intention.

20 Q. Etant donné les circonstances militaires qui étaient les vôtres, est-ce

21 qu'à un moment donné il y a tout de même eu une situation où des unités

22 disponibles à Mehurici sont allées réaliser des opérations, et qu'est-il

23 arrivé au juste ?

24 R. Nous avons eu une situation qui est la suivante. Un certain nombre de

25 soldats de la 306e a réussi à traverser les lignes du HVO pour parvenir à

Page 11452

1 Velika Bukovica, et nous avons réellement appris ce qui s'était passé là-

2 bas. Il s'est passé ce qui s'est passé. Un certain nombre de personnes ont

3 été tuées. Des vieillards ont brûlé vifs dans leur maison. Les autres qui

4 se trouvaient là ont été emmenés, on disait, à l'époque, en direction de

5 Nova Bila. Bien entendu, suite à tout ceci, certaines de nos troupes se

6 sont dirigées -- se sont lancées -- ont lancé une attaque contre les lignes

7 du HVO.

8 Ce qu'il convient de dire, c'est qu'avant cela, la nuit avant cette

9 attaque, ou plutôt avant ces combats, Mehurici se trouvait pratiquement

10 exposé, toute la nuit durant, à un pilonnage général. Ce pilonnage n'a

11 jamais été le cas jusqu'à présent. Ces tirs provenaient des emplacements de

12 leurs pièces d'artillerie. Cela nous est tombé dessus depuis les lignes de

13 l'agresseur serbo-monténégrin, chose qui ne faisait que confirmer la thèse

14 aux termes de laquelle les Unités du HVO et des Unités de l'agresseur

15 serbo-monténégrin avaient coordonné leurs activité depuis un bon moment

16 déjà. Ils ont préparé leurs opérations, leurs activités, dans le secteur,

17 de façon concertée.

18 Q. Monsieur Karic, vous vous êtes trouvé à Mehurici à l'occasion de ce

19 contre-attaque, si je puis la qualifier ainsi, et de ces combats

20 généralisés dans la vallée de la Bila. Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?

21 Quelle a été la mission que l'on vous a confiée ?

22 R. En ma qualité de commandant adjoint chargé de la logistique, j'ai

23 essentiellement dû œuvrer au rassemblement des blessés qui nous

24 parvenaient. Il s'agissait de les installer, d'en prendre soin. Pour ceux

25 qui étaient morts, nous n'étions pas tout de suite en mesure de le faire.

Page 11453

1 Nous avons eu beaucoup de problèmes pour ce qui est de transporter nos

2 blessés vers l'hôpital de Zenica, parce que nous n'avions pas la

3 possibilité du tout de les faire transporter vers Travnik. Même si

4 transport en direction de Zenica ne s'est pas passé en passant par Ovnak.

5 Il a fallu passer par la montagne. Ce qui fait qu'un blessé, s'il avait la

6 chance d'être chargé à bord d'un véhicule, se faisait transporté pendant

7 quatre ou cinq heures. Il se pouvait que la chose prenne la journée entière

8 s'il était chargé sur un attelage.

9 Q. En votre qualité de commandant adjoint de la 306e Brigade, quand est-ce

10 que vous avez, pour la première fois, rencontré les autres membres de ce

11 commandement ?

12 R. Etant donné que, dans l'après-midi, je me suis dirigé vers la colline

13 de Hum, ce n'est que le soir que j'ai pu rencontrer le commandant de la

14 306e Brigade de montagne. Entre-temps, on m'a informé de la mort de mon

15 oncle, dans les combats avec le HVO à Dolac, une municipalité de Travnik.

16 Par la suite, je suis entré, cette nuit-là, à Visnjevo.

17 Q. Monsieur Karic, pendant cette période où vous vous occupiez de ces

18 tâches et de ces responsabilités que vous venez de décrire, dites-nous si,

19 à Mehurici, vous avez remarqué ou appris que des civils, originaires de

20 villages croates, auraient été amenés à cet endroit. Si vous l'avez appris,

21 pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu de ces personnes. Je vous demande

22 également si vous avez entendu parler d'autres crimes qui, éventuellement,

23 auraient pu avoir été commis durant ces événements.

24 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'Accusation.

Page 11454

1 M. NEUNER : [interprétation] Objection de l'Accusation à l'égard de cette

2 question, qui est une question composite. Il y a plusieurs questions en une

3 seule. Par ailleurs, ma collègue de la Défense guide le témoin.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez essayer de couper la question en plusieurs

5 éléments parce que, quand on voit les lignes 10 et suivantes, il y a

6 plusieurs sous-questions dans la question.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Karic, vous avez compris la nature de l'objection de

9 l'Accusation donc je vous pose pour première question la question suivante

10 : alors que vous vous trouviez à Mehurici, ce jour-là, avez-vous appris que

11 des civils originaires de certains villages croates avaient été amenés dans

12 cette localité de Mehurici ?

13 R. Oui.

14 Q. Savez-vous de quel village ils ont été amenés à Mehurici et pour quelle

15 raison ?

16 R. A ce moment-là, ce que j'ai appris c'est - et je l'ai appris de membres

17 de notre brigade qui avaient amené ces gens - j'ai appris que ces habitants

18 du village de Maline, pour la plupart, on les a amenés à Mehurici

19 exclusivement pour des raisons de sécurité car, durant la journée, les

20 combats se sont intensifiés. Ils sont devenu très violents, et toute sorte

21 de renseignement divers nous arrivait de terrain que nous contrôlions, mais

22 également du terrain plus vaste où se menait l'ensemble des combats dans la

23 municipalité de Travnik, donc, pour des raisons de sécurité tout à fait

24 évidentes, ces personnes ont été amenées à Mehurici.

25 Q. Monsieur Karic, avez-vous été chargé de responsabilités particulières

Page 11455

1 par rapport à ces personnes ? Vous a-t-on confié des devoirs particuliers

2 par rapport à toutes ces personnes ?

3 R. Ces personnes ont été amenées au commandement du

4 2e Bataillon, donc la responsabilité de s'occuper de toutes ces personnes a

5 été assumée par les membres du 1er Bataillon.

6 Q. Savez-vous qui a été chargé de la responsabilité de les alimenter et de

7 s'occuper de leur logement ?

8 R. Comme je l'ai déjà dit, le commandement du 1er Bataillon, donc les

9 diverses instances qui faisaient partie du commandement du 1er Bataillon, en

10 collaboration avec des instances de protection civile, étaient censés

11 s'occuper du logement et de la nourriture de ces personnes.

12 Q. Pouvez-vous nous dire si, ce jour-là, ou les quelques jours qui ont

13 précédé votre départ à Krpeljici, vous ont permis d'apprendre,

14 éventuellement, que des crimes auraient été commis durant ces combats ?

15 R. Parmi -- de la bouche des hommes qui ont escorté ces personnes, j'ai

16 appris qu'en cours de route, un certain nombre de personnes avaient été

17 séparées de la colonne dans laquelle se trouvaient tous ces villageois et

18 que personne n'avait jamais revu ces gens-là, ceux qu'on a séparés de la

19 colonne. C'est ce qu'on m'a dit. Je l'ai appris plus tard.

20 Q. Mais, encore plus tard, avez-vous appris d'autres renseignements au

21 sujet de ces personnes qu'on a fait sortir de la colonne, et qui ont été

22 enlevées, alors que les escortaient des membres de la 306e Brigade ?

23 R. Plus tard, de la bouche de membres de la brigade, j'ai obtenu des

24 renseignements complémentaires, à savoir qu'il est possible qu'un crime ait

25 été commis là-bas, et que ces personnes qu'on a fait sortir, et qui ont été

Page 11456

1 ôtées, qui ont été prises aux membres du 1er Bataillon de notre brigade, ont

2 peut-être été tuées.

3 Q. Qui a apporté ce renseignement à une réunion du commandement ?

4 R. Je crois que c'était le responsable de la sécurité.

5 Q. Mais ce responsable de la sécurité a-t-il parlé du fait que des mesures

6 auraient été prises pour faire toute la lumière sur cet événement ?

7 R. Bien entendu, l'organe chargé de la sécurité aurait dû prendre des

8 mesures déterminées dans le but de savoir et d'apprendre ce qui s'était

9 passé là-bas.

10 Q. Monsieur Karic, dites-moi maintenant : durant le trajet de retour de

11 Visnjevo, où vous aviez assisté à l'inhumation de votre oncle qui avait été

12 tué au combat, avez-vous appris quelque chose qui s'était passé à Guca Gora

13 et, plus précisément, dans le monastère de Guca Gora ?

14 R. En tant que membre du commandement de la brigade, j'ai également été

15 informé du fait que des problèmes avaient eu lieu dans le cadre de la

16 sécurisation du monastère de Guca Gora. Il me semble que ce qu'on a dit, à

17 l'époque, c'était que le commandant Sipic et le commandant Alagic,

18 l'assistant chargé du moral des troupes au sein du commandement de la 306e,

19 dont le nom était Halim Husic, si je me souviens bien. Il me semble qu'on

20 m'a dit qu'ils avaient pu assurer la protection du monastère de Guca Gora

21 par rapport aux actes de certains individus. Ils ont empêché la destruction

22 ou la profanation de ce monastère par ces individus, et cetera. C'est ce

23 qu'on m'a dit.

24 Q. Dites-moi : compte tenu des menaces qui pesaient, à l'époque, des

25 mesures ont-elles été prises au sein de la brigade pour assurer la

Page 11457

1 protection du monastère ?

2 R. A l'époque, un peloton de la police militaire de chez nous était chargé

3 de la sécurité du monastère, et je dois dire que quand j'ai repris les

4 fonctions de commandant de la 306e Brigade de montagne. Nous avons déménagé

5 le commandement de la brigade pour mieux pouvoir protéger le monastère car

6 le nombre d'otages ne cessait de se multiplier et nous n'étions pas sûr

7 dans ces conditions que la police militaire pouvait à elle seule assurer la

8 protection du monastère en permanence. Nous avons réussi à protéger ce

9 monastère parce que nous étions tout à fait conscient de sa haute

10 signification historique, et que nous nous rendions bien compte des

11 conséquences terribles d'une éventuelle destruction de ce monastère.

12 Q. Monsieur Karic, à quelle distance étiez-vous des lignes de combat avec

13 le HVO ? Ou plutôt à quelle distance de Guca Gora et du monastère se

14 trouvait les lignes de combat fassent au HVO ? Je parle de la période qui a

15 suivi les événements du 8 juin.

16 R. Il y avait à peu près deux kilomètres à vol d'oiseau, donc à portée de

17 mortiers de petits calibres.

18 Q. Avez-vous assisté à l'attaque de la région de Guca Gora qui visait les

19 bâtiments du monastère ?

20 R. Oui. J'ai assisté à une attaque de mortiers visant le monastère de Guca

21 Gora. C'était une attaque du au HVO. Heureusement, quelques uns des

22 policiers militaires qui étaient sur place ont survécu. Ces policiers

23 résidaient dans une partie du monastère.

24 Q. Lorsque les obus sont tombés sur le monastère, est-ce que l'armée a

25 pris des mesures particulières pour réagir ? Si oui, quelles mesures

Page 11458

1 particulières ?

2 R. Nous n'avions pas beaucoup de possibilité, mais pour l'essentiel, nous

3 avons réussi à réparer le toit, les murs, et pour l'essentiel à rétablir le

4 bâtiment dans ses conditions d'origine.

5 Q. En 1994, selon les dires de certains témoins, le monastère a été

6 restitué à ses propriétaires, c'est-à-dire, aux moines qui occupaient ce

7 monastère par le passé. Je vous demande si vous savez à quel moment ceci

8 s'est produit, et dans quelles conditions le monastère a été restitué ?

9 R. J'ai personnellement assisté à la remise du monastère aux côtés des

10 représentants de l'église. Je sais qu'à la demande de l'église, nous nous

11 sommes très rapidement organisés pour quitter les locaux du monastère et

12 nous rendre ailleurs. Je parle bien de déménagement du commandement et des

13 unités qui étaient attachés au commandement. S'agissant de la restitution

14 des lieux, je dirais qu'il n'y a eu aucun problème.

15 Q. Le monastère était-il intact sur le plan de sa construction et tous les

16 autres points de vue et que vous ont dit les représentants de l'église, à

17 l'époque ? Est-ce qu'ils ont eu des protestations à émettre ? Est-ce qu'ils

18 ont fait connaître un avis quelconque, à ce moment-là ?

19 R. Au moment même de la restitution, il n'y a eu aucune remarque de la

20 part des représentants de l'église; au contraire, ils nous ont remercié

21 pour ce que nous avions fait et nous ont présenté des félicitations. Voilà

22 ce que je peux dire.

23 Q. Merci. J'ai encore quelques petites questions à vous poser. Vous nous

24 avez dit qu'à un certain moment, vous avez appris que les membres du HVO,

25 qui étaient escortés par des membres de la 306e Brigade, avaient été

Page 11459

1 enlevés. Pouvez-vous nous dire qui est responsable de l'enlèvement de ces

2 personnes ?

3 R. Selon les renseignements dont nous disposions, les membres du HVO ont

4 été enlevés alors qu'ils étaient sous la garde de nos hommes par un

5 détachement de Moudjahiddines. Il est possible qu'il y ait eu parmi eux un

6 certain nombre d'habitants de la région qui les aidaient.

7 Q. Mais d'après vous, est-il possible de déterminer qui étaient ces

8 habitants de la région qui les aidaient et qu'ils dissimulaient ? Est-ce

9 qu'ils ont dissimulé leur identité d'une façon ou d'une autre ou est-il

10 assez possible -- assez facile de les identifier ?

11 R. Si cela avait été facile, nous l'aurions fait véritablement selon les

12 renseignements dont je dispose et, bien que cela n'ait pas été ma

13 responsabilité au sein de la brigade, toutes sortes d'efforts ont été faits

14 pour essayer d'identifier ces personnes et, en dépit de l'intervention de

15 nos services de Renseignements, ceci a été impossible.

16 Q. Monsieur Karic, puisque vous étiez assistant du commandant chargé de la

17 logistique, dites-nous, je vous prie, si ces moudjahiddines apportaient une

18 aide logistique à la 306e Brigade et à vous, personnellement, en tant

19 qu'assistant, en tant que numéro 2 chargé de la logistique au sein de la

20 Brigade.

21 R. A aucun moment.

22 Q. Vous-même, en tant qu'assistant du commandant chargé de la Logistique,

23 avez-vous apporté une aide matérielle déterminée ? Avez-vous aidé sur le

24 plan logistique ces étrangers qui se trouvaient à Poljanice ?

25 R. Nous n'avions pas les moyens d'apporter un soutien logistique à nos

Page 11460

1 unités, alors encore moins à qui que ce soit d'autre.

2 Q. En tant que membre du commandement de la 306e Brigade, savez-vous si, à

3 quelque moment que ce soit, durant l'année 1993, ces étrangers auraient été

4 placés sous le commandement de la 306e Brigade ?

5 R. Au sein de la 306e Bridage de montage, il n'y a jamais eu un seul

6 étranger et je ne suis pas informé de leur placement sous le commandement

7 de la 306e Brigade de Montagne ait été une réalité à quelque moment que ce

8 soit.

9 Q. Suite à ces événements, suite au combat du mois de juin, avez-vous été

10 confronté dans votre brigade à des actes de pillage, de biens privés ?

11 Savez-vous si, au cas où de tels pillages auraient eu lieu, des mesures

12 particulières auraient été prises ?

13 R. Tout ce que je peux dire, c'est ce que j'ai appris d'autres instances

14 dans le cadre de rapport reçu par moi ou durant des réunions, et cetera. La

15 brigade était dans une situation difficile, elle avait dû doubler ses

16 lignes et même parfois faire plus que doubler ses lignes de défense. Comme

17 je l'ai déjà dit, la police militaire était chargée de certaines tâches,

18 notamment, de la protection du monastère de Guca Gora et elle assurait

19 également la protection de certaines familles d'appartenance ethnique

20 croate qui étaient restées dans la région après les combats. Les gens ont

21 effectivement parlé de pillages. Je ne sais pas quelle a été l'importance

22 de ces pillages, mais je sais que nous avons tout fait, à l'époque, pour

23 empêcher de tels incidents.

24 Q. Monsieur Karic, compte tenu de l'ampleur de la région placée sous votre

25 responsabilité, et du fait qu'elle était dans une grande partie de son

Page 11461

1 territoire inaccessible, je vous demande si les instances qui vous

2 informaient des mesures prises vous ont également personnellement appris

3 quelles difficultés la police militaire a eu à surmonter lorsqu'elle

4 s'est efforcée de déterminer l'identité des personnes impliquées dans cette

5 pillages ?

6 R. Pour autant que je le sache, et selon les renseignements que j'ai

7 obtenus des autres instances de commandement durant les réunions, je sais

8 que certaines personnes de la région qui n'étaient pas à l'origine

9 ressortissantes de la municipalité de Travnik, mais qui étaient qui étaient

10 arrivées dans la municipalité après avoir été expulsées par l'agresseur

11 serbe des endroits où elles habitaient.

12 Ces personnes provenaient des municipalités attaquées par l'agresseur

13 serbe, mais également de certaines municipalités qui avaient subi le

14 nettoyage technique dû au HVO et il y avait dans la région des membres de

15 nombreuses unités, la 314e, la 17e, la 7e Brigades musulmanes, qui étaient

16 là en permission, et il y avait les membres des unités attachées aux états-

17 majors, et cetera. Lorsque des noms d'auteurs de ces actes ont été

18 indiqués, quelquefois, ces personnes avaient deux ou trois cartes

19 d'identité différentes. Bien entendu, nous avons essayé d'établir

20 l'identité de chacun des membres des différentes brigades en fonction des

21 papiers officiels que détenaient ces hommes, mais il y a eu des problèmes.

22 Je n'ai pas pu veiller à ce que chacun ait une photo sur ses papiers

23 d'identité, donc il y a eu des problèmes c'est certain. Mais s'agissant des

24 membres de la 306e Brigade, à l'époque, je suppose que la sécurité a bien

25 fonctionné et qu'un grand nombre des membres de la 306e Brigade

Page 11462

1 responsables de ces actes ont pu être incarcérés chaque fois que c'était

2 possible.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus

4 de questions.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est 12 heures 20. Nous prendrons une

6 pause et reprendrons à 12 heure 50.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 23.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers la Défense pour des questions

10 éventuelles.

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

12 quelques questions à poser à ce témoin.

13 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

14 Q. [interprétation] Monsieur Karic, durant votre déposition, vous avez dit

15 qu'en 1993, vous étiez l'assistant du commandant en charge de la logistique

16 et que, d'ailleurs, à la fin de l'année 1993, vous êtes même devenu

17 commandant en second; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Pendant cette période, vous aviez, je suppose, des contacts avec les

20 unités de l'ABiH qui se trouvaient dans la vallée de la Bila. Vous saviez

21 quelles étaient ces unités, n'est-ce pas ?

22 R. J'aurais dû le savoir.

23 Q. Vous avez parlé de la création des unités, de la brigade, des habitants

24 de la vallée de la Bila qui étaient recrutés au sein de certaines Unités de

25 l'ABiH. Je crois que ceci figure en page 42 du compte rendu d'audience.

Page 11463

1 Vous avez dit que ces personnes ont été versées dans la 312e, 314e, dans la

2 17e Brigade de Krajina, et qu'il y en avait également dans les rangs de la

3 7e Brigade; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Mais vous avez dit "certains habitants," pouvez-vous préciser ?

6 R. Des hommes en âge de porter les armes, des individus, rien de plus.

7 Q. Mais étaient-ils moins nombreux que ceux qui ont été versés dans les

8 rangs de la 306e, de la 312e ou --

9 R. Il s'agissait d'un nombre très limité.

10 Q. Mais très limité, qui a fait quoi ?

11 R. Qui est entré dans les rangs de la 7e Brigade.

12 Q. Des habitants de la vallée de la Bila ?

13 R. Oui.

14 Q. Si je vous ai bien compris, il n'y avait pas d'unités organisées dans

15 la vallée de la Bila au sens de la structuration de ces unités, pas

16 d'unités organisées ?

17 R. Pour autant que je le sache, il n'y avait pas, je pense, d'unités de la

18 7e Brigade musulmane dans la vallée de la Bila au sens structure du terme.

19 Q. Revenons maintenant au 8 juin ou plus généralement au début du mois de

20 juin 1993. Vous avez répondu à une question de ma consoeur, Me Residovic,

21 en disant qu'à l'époque, vous faisiez partie du commandement du 1er

22 Bataillon de Mehurici. C'est bien cela ?

23 R. Oui.

24 Q. Répondant à une question qui vous a été posée par Me Residovic, vous

25 avez dit que certaines de vos unités, une fois qu'elles sont rentrées de

Page 11464

1 Bukovica, ont lancé une contre-attaque dans la direction des lignes du HVO.

2 Vous parlez des Unités de la 306e Brigade, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Monsieur Karic, ce jour dont nous avons parlé, le 7 et le 8 juin 1993,

5 lorsque vous vous trouviez au sein du 1er Bataillon de Mehurici, selon les

6 renseignements dont vous disposiez, il n'y avait pas de membres de la 7e

7 Brigade à Mehurici, à l'époque, qui aient pu participer au combat, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Selon les informations dont je disposais, il n'y en avait pas.

10 Q. Merci beaucoup.

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] nous n'avons plus de questions,

12 Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je me tourne vers l'Accusation pour le contre-

14 interrogatoire. Je rappelle qu'il nous reste 45 minutes.

15 M. NEUNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

16 Monsieur le Président, Monsieur le Juge. Bonjour, tout le monde dans le

17 prétoire.

18 Contre-interrogatoire par M. Neuner :

19 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Mathias Neuner, et je

20 représente ici l'Accusation. Je m'apprête à vous poser un certain nombre de

21 questions et si, par hasard, vous deviez ne pas avoir bien compris une de

22 mes questions, n'hésitez pas à me demander de la reformuler ou, en tout

23 cas, faites-le-moi savoir. Je m'efforcerai de remédier au problème.

24 Monsieur Karic, vous avez dit, dans votre déposition, que vous étiez membre

25 du SDS; c'est bien cela ?

Page 11465

1 R. Oui.

2 Q. Vous étiez également membre du comité exécutif du SDA, n'est-ce pas ?

3 R. Non. J'étais député au parlement de la République de Bosnie-

4 Herzégovine. Il m'est arrivé de participer à des réunions du comité

5 exécutif du SDA en tant que député, en tant que parlementaire. Mais je

6 n'étais pas membre de ce comité exécutif.

7 Q. Je comprends. Vous n'étiez pas membre du comité exécutif, mais vous

8 avez assisté à des réunions de ce comité exécutif du SDA. En novembre 1993,

9 par exemple, avez-vous assisté à une de ces réunions du comité exécutif du

10 SDA à Zenica ?

11 R. Je n'en suis pas sûr, mais c'est possible. Je n'en suis pas sûr, mais

12 il est possible que j'y aie assisté.

13 Q. Vous souvenez-vous avoir, à un moment quelconque, assisté à une ou

14 plusieurs réunions du comité exécutif du SDA en Bosnie centrale en 1993 et

15 même à la fin de 1992 ?

16 R. Aujourd'hui, je ne me souviens pas des dates et des lieux exacts, mais

17 si vous avez des informations particulières au sujet du thème principal de

18 cette réunion, par exemple, je vous répondrai. Il est possible que j'y aie

19 assisté, mais ce n'était pas une présence obligatoire donc je ne me

20 souviens pas des dates et des lieux, mais si vous avez des renseignements

21 précis, veuillez me les communiquer.

22 Q. Je passe à autre chose. J'aimerais que nous parlions du mois d'août

23 1993. En août 1993, avez-vous assisté à la session parlementaire du

24 parlement de la République de Bosnie-Herzégovine, si vous vous en

25 souvenez ?

Page 11466

1 R. Chaque fois que je pouvais assister aux séances du parlement de la

2 République de Bosnie-Herzégovine, de l'assemblée, je le faisais. Mais c'est

3 toujours la même chose, cela dit, au parlement, des registres très précis

4 de présence étaient tenus, donc j'ai dû y assister, à moins que quelque

5 chose de particulier m'ait empêché de le faire. Mais vous parlez d'une

6 séance au parlement de Sarajevo; c'est bien cela ?

7 Q. J'ai sous les yeux un document qui m'a indiqué qu'en août 1993, vous

8 avez assisté à une telle séance. Mais, aujourd'hui, je ne saurais vous dire

9 avec exactitude où s'est déroulée cette séance. Simplement, j'ai vu votre

10 nom sur l'un des procès-verbaux d'une séance du parlement. Je passe

11 maintenant à un autre sujet --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, quelle est l'objection ?

13 N'oubliez pas que le contre-interrogatoire vise à vérifier la crédibilité

14 du témoin.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, cela ne nous

16 pose aucun problème. Mais le témoin, simplement, devait avoir un document

17 sous les yeux, ou quelque chose de précis devrait lui être dit pour lui

18 rafraîchir la mémoire; sinon, la vérification ne nous pose aucun problème.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, est-ce que vous avez un document à lui

20 présenter ?

21 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un document à

22 présenter au témoin, mais qui n'a aucun rapport avec sa carrière politique.

23 Je pensais simplement, qu'à titre d'introduction, je pouvais me permettre

24 de lui poser une telle question. Cela étant, comme je l'ai déjà dit, je

25 m'apprête à passer à des questions qui portent sur l'aspect militaire de sa

Page 11467

1 carrière, et c'est ce que je vais faire maintenant.

2 Q. Monsieur le Témoin, vous avez été nommé au poste d'assistant du

3 commandant --

4 R. Excusez-moi. Puis-je faire un commentaire ? Il m'est arrivé de ne pas

5 être en mesure d'assister à une, deux ou trois séances du parlement.

6 Simplement, je ne me souviens pas exactement des dates. C'est là qu'est le

7 problème; sinon, il n'y aucun problème. Je me suis toujours efforcé

8 d'assister régulièrement à toutes les séances du parlement de mon pays,

9 bien entendu.

10 Q. Je comprends cela, merci.

11 Passons maintenant à votre nomination au poste d'assistant du commandant

12 chargé de la logistique au sein de la 306e Brigade. Vous avez été nommé à

13 ce poste en mars 1993; c'est bien cela ?

14 R. J'ai été nommé au poste d'assistant du commandant chargé de la

15 logistique au sein de la 306e Brigade au mois de novembre ou de décembre,

16 il me semble, 1993.

17 Q. Pour vous rafraîchir la mémoire, je prierais M. l'Huissier de

18 distribuer un nouveau document, avec l'autorisation de la Chambre, bien

19 sûr.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon.

21 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, la

22 Défense note qu'il s'agit d'un document nouveau qui se retrouve ni sur la

23 liste des documents proposés par l'Accusation au début de ce procès, ni un

24 document qui a été admis en preuve au cours de la présentation des moyens à

25 charge. A cet égard, Monsieur le Président, nous aimerions nous adresser à

Page 11468

1 la Chambre en l'absence du témoin, pour une question de principe, Monsieur

2 le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

4 Monsieur l'Huissier, vous allez raccompagner le témoin à la porte de la

5 salle d'audience pendant quelques minutes.

6 [Le témoin se retire]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez la parole.

8 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. La question que nous souhaitons

9 adresser à l'instant, Monsieur le Président, est l'utilisation de documents

10 par l'Accusation au cours de la présentation des moyens à décharge par la

11 Défense. Monsieur le Président, la question des documents qui peuvent être

12 utilisés par l'Accusation est régie par l'Article 65 ter, sous le

13 paragraphe (E)(iii), du Règlement de preuve et de procédure. Selon cet

14 article, Monsieur le Président, l'Accusation doit donner ou remettre à la

15 Défense, d'abord la liste de toutes les pièces qu'elle entend utiliser au

16 cours du procès et de remettre copies de ces pièces à la Défense.

17 Nous soumettons respectueusement, Monsieur le Président, que cette

18 procédure a un lien direct avec l'Article 21, sous paragraphe 4(A) du

19 Statut du Tribunal international, qui dit que le droit d'un accusé à être

20 pleinement informé et de la nature et de façon détaillée des charges qui

21 sont retenues contre lui et ce dans le plus court délai.

22 Il faut s'interroger, Monsieur le Président, sur la finalité de ces

23 dispositions. Nous soumettons qu'elles sont sur deux niveaux. Tout d'abord,

24 afin que l'Accusé ne soit pas pris par surprise dans la préparation de sa

25 Défense, et deuxièmement, Monsieur le Président, que l'accusé puisse

Page 11469

1 disposer du temps et des facilités nécessaires pou préparer sa défense.

2 Le procès, Monsieur le Président, devant le Tribunal international est

3 divisé en deux parties : il y a d'abord la présentation des moyens à charge

4 par l'Accusation et dans un deuxième temps, une partie séparée, il y a la

5 présentation des moyens à décharge par les représentants de l'Accusé. La

6 division du procès en deux parties n'est pas une question de "common law"

7 ou de "civil law", mais bien une question du Règlement et du Statut du

8 Tribunal international.

9 A la fin de la présentation des moyens à charge, nous soumettons, Monsieur

10 le Président, que l'accusé doit savoir tous les moyens à charge qui ont été

11 admis contre lui et que l'Accusation ne peut pas diviser sa cause à montrer

12 certains documents lors de la présentation des moyens à charge pour se

13 garder en réserve des documents supplémentaires. C'est un principe sur la

14 divulgation de la preuve à charge, cela a été reconnu par la Cour

15 européenne du droit de l'homme par plusieurs décisions.

16 Évidemment, Monsieur le Président, encore une fois, il faut se demander

17 quelle est la finalité de la divulgation de la preuve. Cette finalité,

18 Monsieur le Président, nous soumettons que c'est le droit de l'Accusé de

19 garder le silence et surtout et de façon plus importante lorsqu'il n'y a

20 pas de preuve à la fin de la présentation des moyens à charge, un accusé ne

21 doit pas avoir à présenter de défense.

22 Évidemment, s'il y a une quelconque preuve, comme la Chambre l'a décidé

23 dans sa décision sur les requêtes des accusés suivant l'Article 98 bis du

24 Règlement, l'accusé, à ce moment-là, doit présenter une défense et il faut

25 se poser la question, à savoir, quelle est la position de l'Accusation

Page 11470

1 pendant cette présentation des moyens à décharge.

2 Pour bien comprendre, Monsieur le Président, la position de l'Accusation au

3 cours de cette deuxième phase, il est utile d'aborder la question de

4 l'égalité des armes. Nous vous soumettons, respectueusement, Monsieur le

5 Président, que l'égalité devant le Tribunal international, comme devant

6 toute autre instance pénale, ne signifie pas que les parties ont le même

7 statut ou que les parties ont le même rôle ou la même raison d'être. Dans

8 un procès du Tribunal international, il y a le rôle de l'Accusation

9 d'enquêter et d'établir une théorie, d'accuser et, de façon plus

10 importante, l'Accusation a le fardeau de la preuve, hors de tout doute

11 raisonnable, de prouver que les accusations ont été commises. Quels est le

12 rôle et le statut de l'Accusé ? C'est bien d'abord et, avant tout, la

13 présomption d'innocence et le droit de faire une défense pleine et entière.

14 L'égalité des armes, selon nous, Monsieur le Président, c'est-à-dire que

15 les deux partis doivent avoir les moyens pour remplir leur rôle respectif

16 et différent. C'est ce que nous croyons être l'égalité des armes. J'en

17 reviens donc, Monsieur le Président, à la position de l'Accusation. Dans ce

18 dossier, ils ont enquêté pendant plus de cinq ans, ils ont déposé des

19 accusations contre deux accusés. Ils ont eu la possibilité de présenter

20 tous les moyens à charge qu'ils souhaitaient présenter dans un processus

21 contradictoire. S'il y a quelques fait nouveaux, qui se présentent au cours

22 de la deuxième phase du procès, c'est-à-dire, au cours de la présentation

23 des moyens à décharge, le Règlement prévoit à l'Article 85, sous paragraphe

24 (A)(iii), que l'Accusation peut présenter une réplique. Cette réplique,

25 Monsieur le Président, peut comprendre à la fois de nouveaux témoins qui

Page 11471

1 seraient appelés par l'Accusation ainsi que la présentation de documents.

2 Nous souhaitons, Monsieur le Président, qu'au cours de la présentation des

3 moyens à décharge, soit la deuxième phase du procès, ce n'est pas le moment

4 pour l'Accusation de présenter des nouveaux documents.

5 En conclusion, Monsieur le Président, la position de la Défense est la

6 suivante : eu égard au principe auquel je viens de faire référence, au

7 cours des contre-interrogatoires, nous soumettons, Monsieur le Président,

8 que l'Accusation peut, bien entendu, utiliser des documents qui sont déjà

9 admis en preuves. De plus, il n'y a pas obligation pour l'Accusation de

10 nous aviser à l'avance de ces documents puisque tout comme eux, nous les

11 avons, de même que la Chambre. Nous notons, toutefois, que par soucis

12 d'équité et de flair play, nous donnons, nous informons l'Accusation des

13 documents que nous allons utiliser avec les témoins qui seront entendus

14 comme moyens à décharge.

15 Nous aimerions -- nous souhaiterions avoir droit au même traitement de la

16 part de l'Accusation. Puisque le fait, l'obligation qui reposait sur la

17 Défense était de remettre tous nos documents à l'Accusation, ce qui a été

18 fait en grande partie, mais qui est toujours, une procédure qui suit son

19 cours. A chaque fois que nous avons un témoin, nous les informons d'une

20 façon spécifique des documents qui seront utilisés, chose que le Règlement

21 ne nous oblige pas à faire.

22 La deuxième source de documents qui peuvent être utilisés au cours d'une

23 contre-interrogatoire, il s'agit des documents qui sont non admis, mais qui

24 existaient sur la liste originale du Procureur, c'est-à-dire la liste

25 déposée au cours de la mise en état, selon l'Article 65 ter (E)(iii) du

Page 11472

1 Règlement. Nous soumettons respectueusement, Monsieur le Président, que,

2 lorsque l'Accusation veut utiliser un tel document, elle peut le faire mais

3 toujours en nous donnant avis à l'avance, puisque nous avons eu l'occasion

4 de préparer ces documents, et d'en discuter avec les accusés.

5 La question la plus importante, Monsieur le Président, traite des nouveaux

6 documents, les documents qui ne sont ni en preuve ni sur la liste du

7 Procureur. Ces documents, Monsieur le Président, que nous vous soumettons,

8 ne peuvent pas être utilisés par l'Accusation au cours de la présentation

9 des moyens à décharge, à moins, évidemment, d'avoir la requête à la

10 Chambre, demander à ce que ces documents soient ajoutés à leur liste en

11 expliquant pourquoi ils n'étaient pas possible de trouver ces documents

12 avant.

13 Lorsqu'il est question, bien entendu de nouveaux documents, ce à quoi nous

14 faisons allusion, Monsieur le Président, c'est l'enquête continue de

15 l'Accusation. C'est un fait connu, l'Accusation enquête sur cette affaire

16 depuis cinq ans et cette se poursuit de plus bel, depuis la fin de la

17 présentation des moyens à charge. Cela est tout à fait de la prérogative de

18 l'Accusation.

19 Notre position à cet égard toutefois, Monsieur le Président, est que ces

20 documents devraient être présentés lors de la réplique de l'Accusation et

21 surtout dès l'instant où l'Accusation trouve un nouveau document dans le

22 cadre de son enquête continue et qu'elle entend utiliser ce document à

23 toute étape de la phase de la présentation des moyens à décharge, ce

24 document doit être divulguée à la Défense.

25 Cela est notre position, Monsieur le Président. Enfin, il existe bien

Page 11473

1 entendu une exception à laquelle nous pouvons très bien comprendre que

2 lorsqu'un témoin a été mentionné à l'Accusation, l'Accusation peut chercher

3 à discréditer un témoin, c'est-à-dire attaquer sa crédibilité et que, pour

4 ce faire, il se peut qu'elle ait besoin d'un document précis dans lequel il

5 y aurait un mensonge de la part d'un individu. A ce moment-là, Monsieur le

6 Président, avec un court préavis, évidemment, on ne ferait jamais empêché

7 l'Accusation de vouloir détruire la crédibilité d'un témoin puisque nous

8 croyons que nos témoins sont crédibles, mais nous pouvons toujours être

9 surpris comme d'autres parties ont été surprises par le passé.

10 Monsieur le Président, en conclusion, tout cela pour dire que les positions

11 de l'Accusation et de la Défense sont des positions différentes. Dans un

12 cas, il y a le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la

13 responsabilité d'un accusé, et d'autre part, il y a la présomption

14 d'innocence et le droit à une défense pleine et entière. Par souci de "fair

15 play", nous demandons que si des nouveaux documents sont utilisés, qu'ils

16 soient d'abord présentés à la Chambre par voie de requêtes en expliquant

17 pourquoi cela n'a pas été possible de le faire lorsque le règlement le

18 prévoyait. Merci, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à l'Accusation, mais je

20 vais synthétiser pour aller tout de suite à l'essentiel.

21 Le problème qui est soulevé par la Défense est le suivant : la Défense

22 constate que le document que l'Accusation veut produire n'a pas été

23 communiqué à la Défense conformément aux Articles 66 ou 68 du Règlement, et

24 qu'il s'agit donc d'un document nouveau. Un document tout à fait nouveau

25 que la Défense découvre aujourd'hui.

Page 11474

1 La Défense dit s'agissant d'un document nouveau, l'Accusation a toujours la

2 possibilité d'introduire ce document lorsque la phase et l'Article 85

3 permet au Procureur de répliquer aux preuves de la Défense, et qu'à ce

4 moment-là, il est possible pour l'Accusation de faire venir des nouveaux

5 témoins et de dresser une nouvelle liste de pièces à conviction avec des

6 documents nouveaux. Mais que dans la phase où la Défense a eu l'ensemble

7 des documents, il n'est plus possible à l'Accusation de produire un

8 document nouveau, sauf, ce que dit la Défense dans une hypothèse où

9 l'Accusation aurait la preuve ou des éléments permettant de penser que le

10 témoin ment. Mais que dans cette hypothèse, il conviendrait au préalable

11 d'en informer, bien entendu, la Défense, mais d'en informer la Chambre

12 afin, évidemment, que le débat puisse s'instaurer.

13 A ce stade, la Défense s'oppose à la production de ce document qui ne

14 figurait pas dans la liste des éléments de preuve de l'Accusation qui avait

15 été versée. Voilà, j'ai synthétisé la position exposée pendant plusieurs

16 minutes par la Défense. Donc, que l'Accusation nous réponde à la Chambre

17 sur la possibilité qu'aurait l'Accusation de produire un document nouveau à

18 un témoin pendant la phase d'audition d'un témoin de la Défense.

19 Je vous donne la parole et, ensuite, nous statuerons sur la question de

20 savoir si vous pouvez ou pas utiliser ce document. Mais si l'affaire est

21 complexe, vous pouvez dire que vous allez répondre ultérieurement et, à ce

22 moment-là, nous gelons ce document.

23 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous venez de

24 dire précisément ce que j'avais l'intention de dire moi-même. J'allais

25 demander à la Chambre l'autorisation de bénéficier d'un peu plus de temps

Page 11475

1 pour nous pencher sur la question. Mais au nom de l'équipe de l'Accusation,

2 au nom du bureau du Procureur que je représente, je tiens à dire cependant,

3 et je tiens à en assurer mes collègues, à savoir, je ne suis pas en train

4 d'essayer de tendre un piège quel qu'il soit à la Défense, et ce, d'aucune

5 manière. Peut-être qu'il y a eu une mauvaise interprétation eu égard à la

6 communication des pièces, et je pense que c'est peut-être dû à un manque

7 d'expérience de la part de l'équipe de l'Accusation. A la lumière de cela,

8 je tiens à présenter nos excuses. Mais je voudrais demander à la Chambre de

9 première instance de nous accorder un peu plus de temps pour répondre.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'Accusation, je dois donner la parole

11 -- dit, elle répondra sur le problème juridique que vous posez, et il lui

12 faut du temps pour répondre, et qu'elle n'avait pas la volonté de procéder

13 à une mise en difficulté du témoin.

14 Voilà, Maître Bourgon, que dites-vous.

15 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

16 Rapidement, je ne voudrais surtout pas laisser croire à l'Accusation que

17 nous avons tous pensé qu'il essayait peut-être de nous tendre une

18 embuscade, loin de là. Nous partons simplement du point de vue que l'accusé

19 a droit à une défense pleine et entière, que les règlements prévoient le

20 dépôt de documents avant le procès, et ensuite, des documents qui sont

21 admis, mais que si de nouveaux documents sont découverts en cours de

22 procès, il y a une procédure à suivre.

23 Monsieur le Président, un petit détail. Vous avez mentionné dans votre

24 résumé sur les arguments de la Défense les Articles 66 et 68 du Règlement.

25 Je note, respectueusement, Monsieur le Président, que l'Article 66 est un

Page 11476

1 article qui s'applique avant le début du procès, et que cet article,

2 ensuite, perd son effet par l'Article 65 là où l'on dépose vraiment les

3 pièces que la poursuite entend déposer en preuve, et qu'il y a une

4 différence entre les deux articles, alors que l'Article 68, de son côté,

5 s'applique en tout temps dès l'instant où l'Accusation trouve des pièces

6 qui soient de nature à disculper l'accusé, elle doit nous remettre ces

7 pièces, ce qui se fait de part et d'autre, c'est-à-dire que sur une base

8 continue par l'Accusation. Merci, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Les Défenseurs de l'autre accusé, est-ce

10 qu'ils veulent intervenir sur la question juridique ?

11 Maître Dixon.

12 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Monsieur le Juge.

13 Je tiens à m'associer à ce que vient de dire M. Bourgon. Je n'ai rien à

14 ajouter à ce qu'il a dit, si ce n'est à l'égard de ce document en

15 particulier. Il s'agit là d'un ordre qui vient du chef d'état-major

16 Suprême, et c'est l'un des documents qui émane de l'état-major de Sarajevo.

17 Nous avons eu un document comparable il y a quelques semaines qui est

18 rentré dans la même catégorie. Ce document, n'a pas été versé. Tout

19 d'abord, parce que le témoin n'était pas capable d'identifier le document.

20 Il ne l'a été nullement. Nous estimons pour ce qui est de ce document en

21 particulier que la situation est exactement la même, à savoir, le témoin

22 qui agissait au sein de la 306e Brigade ne sera pas en position de formuler

23 des commentaires sur un document qui vient du commandement Suprême, qui a

24 été signé par le commandant suprême, M. Sefer Halilovic.

25 L'Accusation affirmera peut-être qu'il y a des éléments d'information dans

Page 11477

1 le document ou que c'est parce que le nom du témoin figure dans le document

2 qu'il pourrait être appelé à se prononcer à son sujet. Mais nous estimons

3 que ce n'est pas une approche correcte. Si l'Accusation souhaite poser des

4 questions à ce témoin au sujet de ce qui est mentionné dans le document,

5 elle peut le faire pendant son interrogatoire. Ils ne doivent pas présenter

6 le document au témoin simplement parce que son nom figure dans celui-ci.

7 S'il y a des liens à établir entre ce que fait le témoin et ce document, en

8 particulier, on peut le faire au moment opportun, à savoir, pendant les

9 arguments en clôture de l'Accusation.

10 Nous allons dire la même chose que ce que nous avons dit pour le document

11 précédent, ce sont des raisons d'ordre plus général que vient de souligner

12 Me Bourgon. Merci.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je voudrais poser ma question au bureau

15 du Procureur. Est-ce que vous souhaitez présenter le document afin de

16 tester la crédibilité du témoin ou pour une autre raison ?

17 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Juge, il s'agit d'un ordre de

18 nomination. Ce témoin, à en juger d'après le document, a été nommé, le 12

19 mars 1993, au poste de l'assistant du commandant chargé de la logistique au

20 sein de la 306e Brigade. Si j'ai voulu présenter le document au témoin,

21 comme je l'ai déjà dit pour le compte rendu d'audience, c'était parce que

22 je voulais rafraîchir sa mémoire eu égard aux dates.

23 Une deuxième raison est la suivante : ce document a été communiqué

24 par avance à la Défense, en B/C/S et en anglais. Cela a été fait hier, dans

25 l'après-midi. On n'a pas manqué à l'équité du point de vue de la procédure,

Page 11478

1 dans la mesure où on les a avertis par avance ou on le leur a communiqué

2 par avance. La raison pour laquelle on aurait présenté ce document au

3 témoin, cela aurait été uniquement pour rafraîchir sa mémoire eu égard à

4 cette nomination en particulier.

5 Ces nominations qui se passent au sein de l'ABiH étaient prononcées

6 par le commandement Suprême, ce qui est tout à fait exact, puisque mon

7 éminent collègue a soulevé ce point. Mais l'Accusation estime que, puisque

8 ce témoin a été nommé le 12 mars 1993, d'une manière ou d'une autre, il

9 aurait dû recevoir lune notification de cette nomination -- cet ordre de

10 nomination. Donc, nous n'avions pas l'intention de placer le témoin dans

11 une situation embarrassante du tout. C'est tout à fait à l'opposé. On

12 voulait rafraîchir ses connaissances eu égard à un certain nombre

13 d'événements qui se sont passés il y a 11 ans. Nous avions plutôt

14 l'intention d'aider le témoin en lui permettant de rafraîchir la mémoire.

15 Le document, comme je l'ai déjà dit, a été, par ailleurs, donc

16 communiqué à la Défense hier après-midi.

17 [La Chambre de première se concerte]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu de la question posée, nous allons nous

19 retirer pour en délibérer donc nous reviendrons très rapidement.

20 --- La pause est prise à 13 heures 31.

21 --- La pause est terminée à 13 heures 33.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre, qui a délibéré sur la question de

23 savoir si, en l'état, l'Accusation pouvait présenter ce document pour

24 rafraîchir la mémoire du témoin, estime que, compte tenu de la position de

25 la Défense, qui soulève un problème juridique sur la communication des

Page 11479

1 documents nouveaux, et compte tenu du fait que l'Accusation a demandé du

2 temps pour répondre à cette question juridique, la Chambre, après en avoir

3 délibéré, estime que l'Accusation ne peut produire ce dit document à ce

4 témoin en l'état. Dans ces conditions, -- et la Chambre, bien entendu,

5 rendra sa décision sur le point soulevé lorsque l'Accusation nous fera

6 connaître sa position.

7 Nous allons continuer l'audience en faisant revenir le témoin et, à

8 ce moment-là, vous poursuivez votre contre-interrogatoire sans lui

9 présenter ce document, que nous allons vous restituer.

10 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Nous vous remercions, Monsieur le

11 Président, Monsieur le Juge.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous redonne la parole.

14 M. NEUNER : [interprétation]

15 Q. Pouvez-vous nous dire, encore une fois, s'il vous plaît, à quel

16 moment vous avez été nommé au poste de l'assistant du commandant de la 306e

17 Brigade ? En quel mois ?

18 R. J'exerçais les fonctions de l'assistant du commandant de la 306e

19 Brigade chargé de la logistique depuis le moment même de la création de

20 cette brigade. C'était en novembre ou décembre de l'année 1992.

21 L'INTERPRÈTE : Il convient de changer la date dans une des réponses

22 antérieures.

23 M. NEUNER : [interprétation]

24 Q. Vous avez déposé, en disant qu'en avril 1993 -- 1992, vous êtes

25 arrivé de Sarajevo, dans la région de Travnik; est-ce exact ?

Page 11480

1 R. Je n'ai pas séjourné en permanence à Sarajevo. Mon lieu de résidence et

2 mon poste étaient dans la municipalité de Travnik. Je suis arrivé de

3 Sarajevo à la municipalité de Travnik en avril 1992 et je suis arrivé au

4 village de Visnjevo.

5 Q. En tant qu'assistant du commandant chargé de la logistique au sein de

6 la 306e Brigade, qui était votre supérieur ?

7 R. Mon supérieur, cependant, en ma qualité d'assistant du commandant

8 chargé de la logistique, c'était le commandant de la

9 306e Brigade de Montagne. Cela c'est pour ce qui est de la filière de

10 commandement, et j'étais en contact permanent avec la logistique du 3e

11 Corps, le plus souvent avec l'organe opérationnel de la logistique du 3e

12 Corps d'armée.

13 Q. Quel est le nom de votre supérieur de l'époque et de votre supérieur au

14 sein du 3e Corps d'armée de l'organe chargé de la logistique au printemps

15 1993 ?

16 R. Je n'avais qu'un seul supérieur, c'était le commandant de la 306e

17 Brigade de Montagne en novembre 1993, c'est cela ? S'il vous plaît, pouvez-

18 vous répéter votre question ?

19 Q. Je voulais que vous me disiez quelle était la situation au printemps

20 1993. Au sein du 3e Corps, qui était votre supérieur ? Devant qui

21 répondiez-vous ?

22 R. Cela c'est une question légèrement différente de ce que j'avais

23 compris. Mes rapports et mes exigences, mes demandes d'appui logistique

24 pour notre brigade s'adressaient à la logistique du 3e Corps d'armée.

25 Q. Vous avez dit qu'au-delà de votre zone de responsabilité directe, il y

Page 11481

1 avait aussi une base logistique qui était située à Travnik, si je me

2 souviens bien. Alors au sein de la zone du

3 3e Corps, est-ce qu'il y avait d'autres bases logistiques en 1993 ? Vous en

4 souvenez-vous ?

5 R. Je tiens à rendre cela plus clair aussi. En situation de guerre, en

6 situation de dangers de guerre éminents, tous les organes d'Etat étaient

7 tenus de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour que toutes les Unités

8 de l'ABiH, c'est-à-dire les forces armées de l'ABiH puissent être mises sur

9 pied entièrement et fonctionnées pleinement. C'est dans ce sens-là que j'ai

10 évoqué cette base logistique de Travnik. Est-ce que c'était une présidence

11 de guerre ? Est-ce qu'il y avait une section logistique ? Cela je ne veux

12 pas rentrer là-dedans.

13 Mais pour ce qui est de votre deuxième question : qui était de savoir

14 s'il y avait une autre base logistique dans notre zone de responsabilité,

15 lorsque vous dites zone de responsabilité, à quoi pensez-vous ? Dans quel

16 sens employez-vous l'expression votre ou notre zone de responsabilité ?

17 Q. Je suppose que vous entreposiez les approvisionnements destinés à vos

18 forces quelque part dans la zone de responsabilité de la 306e Brigade.

19 J'aimerais savoir où, à quel endroit, où il y avait ce genre d'endroit de

20 base logistique, poste logistique pour la 306e Brigade ?

21 R. Pendant quelle période ?

22 Q. En 1993 ?

23 R. Bien. Ce que je veux préciser ici. Il faut que je précise plusieurs

24 choses. J'ai déjà dit quelles étaient nos réserves lorsque j'ai répondu aux

25 questions posées par Mme Residovic. Nous avions des réserves très modestes,

Page 11482

1 très faibles, voire nulles. Cela variait d'un bataillon à l'autre. Nous, en

2 tant que 306e Brigade de Montagne, nous avions notre poste de commandement

3 à Rudnik, et c'est là que j'étais stationné. Au niveau de chacun des

4 bataillons, il y avait des postes de commandement, et c'est là qu'il y

5 avait des entrepôts accessoires. Il faut savoir qu'on n'avait pratiquement

6 pas de réserve. Pour la plupart du temps, rien. Cela c'était réparti le

7 long des lignes de front. Au départ, on n'avait qu'un front nous opposant à

8 l'agresseur serbo-monténégrin, donc c'est là qu'il y avait la zone de la

9 306e Brigade.

10 Mais quand il y a eu des problèmes et le conflit avec le HVO, là

11 aussi au poste de commandement avancé sur les lignes de front, on avait la

12 plupart de ce que pouvait mettre à disposition la logistique. On ne peut

13 pas dire que la zone de la 306e Brigade de Montagne, lorsqu'on dit, par

14 exemple, le commandement était à Rudnik, un bataillon est stationné ici,

15 l'autre à Mehurici, un autre à Krpeljici. On ne peut pas dire que cela

16 c'était la zone de responsabilité de la 306 Brigade de Montagne.

17 Non, notre zone de responsabilité c'était la ligne de front. Dans un

18 premier temps, face à l'agresseur serbo-monténégrin, et cela on le sait

19 parfaitement où était la portion de la ligne tenue par la 306e Brigade.

20 Ultérieurement, lorsqu'il y a eu le conflit avec le HVO, notre zone de

21 responsabilité était la ligne de front nous opposant au HVO.

22 Q. Le 1er Bataillon de la 306e Brigade, où avait-il sa base logistique ?

23 Etait-ce à l'école de Mehurici, ou était-ce ailleurs ?

24 R. Là encore, je souhaite préciser quelques petites choses, si vous m'y

25 autorisez, bien entendu. Alors le 1er Bataillon de la

Page 11483

1 306e Brigade de montagne, c'était cela son appellation d'après la structure

2 organique. Mais de fait, c'était une compagnie et il y avait une partie des

3 unités rattachées à l'état-major, et c'était nos unités de réserve en cas

4 d'attaques, ou s'il y avait des problèmes qui se posaient sur la ligne de

5 front. On devait pouvoir les verser sur la ligne. Ce n'était pas un

6 bataillon entier. Comme ils étaient une Unité de Manoeuvre, enfin c'était

7 comme cela qu'ils étaient prévus, ils étaient à Mehurici au poste de

8 commandement. C'est là qu'ils s'étaient stationnés.

9 Q. Le poste de commandement de Mehurici, était-ce à l'école de Mehurici ?

10 Répondez-moi par un oui ou un non, s'il vous plaît ?

11 R. Pour autant que je m'en souvienne, oui.

12 Q. A votre connaissance, en 1993, combien de gens intervenaient-ils au

13 sein de ce poste chargé de la logistique dans l'école, y vaquant à des

14 occupations liées à la logistique ?

15 R. D'après mes estimations, il y avait au plus une section.

16 Q. Je voudrais vous poser des questions au sujet de la présence de la

17 logistique au sein des unités de la 306e Brigade ?

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous faut combien de temps encore parce que c'est

19 déjà deux heures moins quart. On a fait une interruption pour délibérer,

20 donc il y a eu l'objection. Il vous faut combien de temps encore ?

21 M. NEUNER : [interprétation] Je peux continuer demain, Monsieur le

22 Président, pour ce qui est de ce contre-interrogatoire.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous faut combien de minutes encore pour ce

24 témoin ?

25 M. NEUNER : [interprétation] En ce moment-ci, ou d'une manière générale.

Page 11484

1 J'ai noté que l'interrogatoire principal a duré une heure et 20 minutes.

2 L'Accusation aurait besoin d'autant de temps pour poser ses questions.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le mieux est d'arrêter maintenant et de

4 poursuivre demain.

5 Monsieur, vous allez revenir demain matin puisque nous ne pouvons continuer

6 votre audition. Nous sommes liés à des impératifs pour l'occupation de

7 cette salle et des questions techniques et des interprètes. Je vous demande

8 de revenir demain pour l'audience qui débutera à 9 heures.

9 Je demande à M. l'Huissier de vous raccompagner.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers la Défense. D'après le planning

12 que vous nous aviez communiqué, ce témoin devait terminer aujourd'hui. Il

13 continuera mercredi. Mercredi, il avait été prévu deux témoins dont l'un

14 devait normalement être auditionné vendredi et, vendredi, il y avait

15 également un autre témoin. Actuellement, sur les trois jours qui nous

16 restent -- enfin, les deux jours, mercredi et jeudi, on a trois témoins.

17 Est-ce que vous serez en mesure de faire en sorte que les trois témoins

18 passent en deux jours ?

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense vous avoir

20 déjà indiqué que pour ce qui concerne notre liste communiquée, il y a eu

21 une erreur parce qu'on a ajouté un troisième témoin, Jusic Sejad, que nous

22 avons déjà entendu il y a deux jours, ce qui fait qu'il nous reste deux

23 témoins en sus de celui-ci. J'estime que nous pourrons en finir jeudi pour

24 ce qui est de l'audition de ces deux témoins.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie. Je vais lever

Page 11485

1 l'audience. Je vous invite à revenir pour l'audience qui débutera demain à

2 9 heures par la poursuite du contre-interrogatoire. Je vous remercie.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 10

4 novembre 2004, à 9 heures 00.

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25