Affaire n° : IT-01-48-AR73

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
21 juin 2004

LE PROCUREUR

c/

SEFER HALILOVIC

________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA DÉLIVRANCE D’INJONCTIONS

________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Ekkerhard Withopf 
M. Vladimir Tochilovsky

Les Conseils de la Défense :

M. Stefan Kirsch
M. Guénaël Mettraux

 

1. Le présent appel interlocutoire soulève la question de savoir si, lorsqu’elle tranche une requête aux fins de délivrance d’une injonction de comparaître, une Chambre de première instance peut rejeter la requête au seul motif que les témoins proposés seront en tout état de cause cités par l’autre partie et, de ce fait, pourront être soumis à un contre-interrogatoire par la partie requérante.

Contexte

2. Dans le cadre de la préparation du procès, la Défense de Sefer Halilovic a cherché à interroger trois personnes qui figuraient sur la liste des témoins proposés par l’Accusation. Celles-ci ayant refusé à plusieurs reprises de prendre part à un entretien, la Défense a demandé à la Chambre de première instance de leur adresser des injonctions de comparaître1. La Chambre a rejeté cette requête, faisant observer que les trois témoins seraient soumis à un contre -interrogatoire par la Défense au procès et que celle-ci « n’a pas précisé, parmi les points n’ayant pu faire l’objet d’un traitement adéquat pendant le contre-interrogatoire des trois témoins, ceux qui devaient être traités lors des interrogatoires demandés par la Défense [avant le procès] »2.

3. La Défense a demandé à la Chambre de première instance de réexaminer sa décision et a présenté des informations complémentaires plus spécifiques à l’appui de sa demande initiale3. Tout en reconnaissant que la Défense « a[vait] fourni un complément d’information au sujet de chacun des trois témoins que l’Accusation souhait[ait] appeler à la barre », la Chambre a néanmoins conclu qu’elle ne délivrerait pas de citations à comparaître à l’encontre de témoins « qui doivent tous déposer en audience et faire l’objet d’un contre-interrogatoire au procès »4. La Chambre a donc confirmé sa décision antérieure, mais en certifiant l’appel interlocutoire5.

4. La Défense a déposé le présent recours, demandant à la Chambre d’appel d’annuler la décision rendue par la Chambre de première instance le 16 février 2004 et d’adresser des injonctions à trois témoins ou, à défaut, d’enjoindre à cette dernière de le faire6. Dans sa réponse, l’Accusation a soutenu que la décision attaquée était fondée en droit et devrait être confirmée7.

Examen

5. Une Chambre de première instance peut délivrer une injonction de comparaître lorsque celle-ci est « nécessaire aux fins […] de la préparation ou de la conduite du procès »8. Cela implique le pouvoir de « convoqu[er] un témoin éventuel à une date et en un lieu donnés pour y être interrogé par la Défense lorsque la préparation ou la conduite du procès l’exigent  »9.

6. Le demandeur d’une injonction doit démontrer en droit que celle-ci est nécessaire. En particulier, il doit démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le témoin éventuel sera en mesure de donner des renseignements qui apporteront une aide sensible à sa cause sur des questions précisément identifiées et qui seront débattues au procès10. Pour remplir cette condition, le demandeur pourra être tenu de présenter des informations notamment sur le rôle joué par le témoin éventuel dans les événements considérés, les relations qu’il a pu avoir avec l’accusé et qui pourraient être en rapport avec les accusations, le fait qu’il a eu la possibilité d’observer les événements (ou d’en apprendre l’existence) et toute déclaration qu’il a faite à l’Accusation ou à d’autres sur ces événements11. La Chambre de première instance jouit d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer si le demandeur a bien rapporté les preuves requises, ce pouvoir étant essentiel pour veiller à ce que la mesure coercitive qu’est l’injonction ne soit pas appliquée de façon inconsidérée 12. Comme l’a souligné la Chambre d’appel, [les Chambres de première instance] « ne sauraient délivrer une injonction de comparaître à la légère. La délivrance d’injonctions nécessite de recourir à des mesures de coercition et elle est susceptible d’entraîner l’application de sanctions pénales. »13

7. Pour décider si le demandeur a atteint le niveau de preuve requis, la Chambre de première instance peut à bon escient se demander si les informations que le demandeur cherche à obtenir par le biais de l’injonction sont nécessaires à la préparation de sa cause et si elles peuvent être obtenues par d’autres moyens14. Le principe de base sur lequel reposent ces deux considérations est la question de savoir, comme l’exige l’article 54 du Règlement, si la délivrance d’une injonction est nécessaire aux fins « de la préparation ou de la conduite du procès ». Dans ses considérations, la Chambre de première instance doit ainsi concentrer son attention non seulement sur l’utilité des informations pour le demandeur, mais aussi sur l’obligation générale de veiller à ce que le procès soit exhaustif et équitable15.

8. En l’espèce, la Chambre de première instance a conclu, dans son analyse initiale de la demande d’injonction de comparaître, que la Défense n’a pas fourni des informations suffisamment précises pour atteindre le niveau de preuve requis. Selon la Chambre, la Défense « n’a fourni que des raisons d’ordre général à l’appui de sa demande d’injonctions », demande qui ne comportait pas les précisions requises16. Si elle est juste, cette conclusion pourrait constituer un motif suffisant pour rejeter la demande de la Défense. Cette dernière s’est efforcée de pallier cette insuffisance lorsqu’elle a demandé un réexamen de la décision rendue par la Chambre de première instance, en présentant ce qu’elle considère comme des éléments additionnels plus précis. La Chambre en a pris acte, déclarant que « dans sa Requête aux fins de réexamen, la Défense a fourni un complément d’information au sujet de chacun des trois témoins que l’Accusation souhaite appeler à la barre »17. La Chambre n’a pas analysé ces éléments de preuve additionnels présentés par la Défense et n’a pas indiqué s’ils étaient d’une précision suffisante pour atteindre le niveau de preuve requis et justifier la délivrance de l’injonction. À défaut de toute conclusion explicite sur ce point, la Chambre d’appel doit supposer que la Chambre de première instance a accepté, du moins pour les besoins de l’argumentation, que les éléments additionnels présentés par la Défense étaient d’une précision suffisante.

9. Le rejet de la demande de la Défense par la Chambre de première instance reposait donc sur un motif différent, à savoir la conclusion que la Défense pouvait obtenir les informations nécessaires pendant le contre-interrogatoire, puisque les témoins en question devaient témoigner à charge au procès18. Cependant, l’analyse développée sur ce point par la Chambre de première instance n’est pas absolument claire. Dans sa décision initiale relative à la demande de la Défense, la Chambre a indiqué, comme raison de son rejet, que la Défense « n’aSvaitC pas précisé, parmi les points n’ayant pu faire l’objet d’un traitement adéquat pendant le contre-interrogatoire des trois témoins, ceux qui devaient être traités lors des interrogatoires demandés par la Défense »19. En d’autres termes, la Chambre semble avoir conclu que la Défense n’a fourni, à l’appui de sa demande aux fins d’interroger les témoins de l’Accusation avant le procès, aucune raison si ce n’est son désir de préparer le contre-interrogatoire de ces témoins20.

10. Si la préparation d’un contre-interrogatoire entre assurément dans le cadre de la préparation générale d’un procès, elle ne constitue pas en soi un motif suffisant pour délivrer une injonction. Mesure de contrainte judiciaire entraînant l’application de sanctions pénales en cas d’inobservation, l’injonction est une arme qu’il faut utiliser avec parcimonie. Bien qu’elle ne doive pas hésiter à recourir à cet instrument lorsqu’il est nécessaire pour obtenir des informations essentielles au procès et garantir que l’accusé dispose de moyens suffisants pour recueillir les informations nécessaires à la présentation d’une défense efficace, une Chambre de première instance devra se garder de tout recours systématique à l’injonction dans un but tactique au procès. Lorsque les informations que la Défense souhaite obtenir du témoin de la partie adverse avant le procès seront, en tout état de cause, présentées au procès pendant l’interrogatoire principal de ce témoin, il n’y aura pas lieu d’avoir recours à une injonction. Les informations seront présentées aux juges et à la Défense, laquelle sera en mesure d’en évaluer la véracité, la précision et la fiabilité lors du contre-interrogatoire. Lorsqu’elle examine une demande d’injonction, une Chambre de première instance est donc fondée à prendre en compte le fait qu’un témoin qu’une partie veut citer à comparaître doit témoigner au procès, et à rejeter toute demande dont le seul objet est de préparer un contre-interrogatoire plus efficace. Une injonction implique le recours à un pouvoir judiciaire coercitif et, à ce titre, il convient d’en faire usage pour servir l’intérêt général de la procédure pénale, et non aux seules fins de faciliter la tâche d’une partie au procès. Si tel était le raisonnement de la Chambre de première instance, son rejet de la demande d’injonction serait justifié.

11. Néanmoins, la Chambre de première instance a suivi un raisonnement différent en rendant sa décision relative à la demande de réexamen présentée par la Défense. Ayant reconnu que la Défense avait présenté un complément d’informations détaillées à l’appui de sa demande, la Chambre a toutefois indiqué qu’elle n’adresserait aucune injonction aux témoins « qui doivent tous déposer en audience et faire l’objet d’un contre-interrogatoire au procès »21. Contrairement à la démarche qu’elle avait suivie dans sa décision antérieure, la Chambre n’a pas cherché à déterminer si la demande d’injonction présentée par la Défense allait au-delà des points sur lesquels les témoins à charge devaient déposer. Au lieu de cela, elle a conclu que le simple fait de soumettre les témoins à un contre-interrogatoire était suffisant pour rejeter la demande d’injonction. Cette conclusion était erronée.

12. Lorsqu’une personne est inscrite sur la liste des témoins d’une partie qui entend la faire déposer sur certains points, il ne s’ensuit pas nécessairement que cette personne ne dispose d’aucun élément d’information utile à la partie adverse concernant d’autres points liés à l’espèce. La partie adverse peut à bon droit prévoir d’interroger ce témoin afin d’obtenir ces éléments d’information et, par là même, de mieux préparer la cause de son client. Le fait de priver cette partie d’une telle possibilité donnerait un avantage inéquitable à la partie adverse, qui pourrait ainsi l’empêcher d’interroger des témoins essentiels simplement en les inscrivant sur sa liste de témoins.

13. De plus, la partie qui a inscrit le témoin en question sur sa liste peut alors décider de ne pas le citer. Même si l’autre partie — en l’occurrence, la Défense — peut ensuite soumettre à la Chambre de première instance une demande d’injonction pour obtenir des informations auprès du témoin, cette partie aura perdu un temps précieux à les réunir et, de ce fait, pourra être désavantagée dans la préparation de sa cause.

14. La Chambre de première instance semble également ne pas avoir tenu compte du fait que, lors du contre-interrogatoire, la partie qui le conduit peut obtenir du témoin des éléments qui vont au-delà des points évoqués dans l’interrogatoire principal et des points ayant trait à la crédibilité du témoin pour autant qu’ils soient liés à « la cause de la partie procédant au contre-interrogatoire »22. Étant donné que la Défense peut, lors du contre-interrogatoire, obtenir du témoin à charge des informations qui se rapportent à sa propre cause et qui dépassent le cadre de l’interrogatoire principal mené par l’Accusation, il se peut que la Défense ait un besoin légitime d’interroger ce témoin avant le procès pour préparer sa cause comme il convient.

15. Dans ces circonstances, la Chambre de première instance a rejeté à tort la demande de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions à trois témoins de l’Accusation, au seul motif que la Défense aura la possibilité de contre-interroger ces témoins. La Chambre aurait dû examiner si la Défense a exposé d’autres raisons pour justifier l’interrogatoire de ces témoins, que le besoin de préparer un contre-interrogatoire plus efficace. Étant donné que cette appréciation repose sur des constatations qu’il revient dûment à la Chambre de première instance de faire, la Chambre d’appel ne procédera pas elle-même à cette analyse23. Il est ordonné à la Chambre de première instance de réexaminer la demande de la Défense à la lumière des principes exposés dans la présente décision. S’il ressort de son analyse que la Défense a besoin d’interroger les témoins, comme il est indiqué plus haut, il conviendra de délivrer des injonctions.

Dispositif

Il est fait droit partiellement à l’appel. La Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, rendue par la Chambre de première instance le 16 février 2004, est infirmée. La question est renvoyée devant la Chambre de première instance, à charge pour elle de la réexaminer à la lumière de la présente décision et de délivrer des injonctions dans le cas où ce réexamen révélerait la nécessité d’interroger les témoins. Le juge Weinberg de Roca, en désaccord avec le présent dispositif, rejetterait l’appel.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 21 juin 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Theodor Meron

Le juge Mohamed Shahabuddeen joint une déclaration.

Le juge Inés Mónica Weinberg de Roca joint une opinion dissidente.

[Sceau du Tribunal]

 

DÉCLARATION DU JUGE SHAHABUDDEEN

1. Ayant eu l’honneur de lire, à l’état de projet, l’opinion dissidente du juge Weinberg de Roca, j’estime être tenu d’expliquer pourquoi je souscris à la décision rendue aujourd’hui, laquelle va à l’encontre de la position que j’ai défendue aux paragraphes 20 à 44 de mon opinion dissidente dans l’affaire Krstic24. La raison en est que je me propose d’adhérer au point de vue de la majorité dans cette affaire tant qu’il le demeurera, ce qui explique également ma position dans l’affaire Mrksic25. Or, sous réserve de cette considération, je n’ai aucune raison de réexaminer les vues que j’ai formulées dans l’opinion dissidente susvisée.

2. À titre de comparaison, on peut se reporter à la position de l’Accusation. Aussi étendus que soient ses pouvoirs aux termes des articles 16 1) et 18 2) du Statut et de l’article 39 du Règlement de procédure et de preuve, la Chambre d’appel a reconnu au paragraphe 15 de sa décision dans l’affaire Mrksic que, lorsqu’ « une personne refuse d’être interrogée pour une raison quelconque, l’Accusation ne peut l’obliger à assister à un entretien ou à répondre aux questions posées par l’Accusation ». Aussi un témoin éventuel peut-il refuser d’être interrogé par l’Accusation. Il s’agit de savoir si une Chambre peut intervenir pour le contraindre à assister à un entretien et à répondre à des questions, quelle que soit la partie qui le demande.

3. L’article 54 du Règlement de procédure et de preuve autorise un juge ou une Chambre de première instance à « délivrer les ordonnances, citations à comparaître, ordonnances de production ou de comparution forcées, mandats et ordres de transfert nécessaires aux fins de l’enquête, de la préparation ou de la conduite du procès ». Malgré leur ampleur, ces pouvoirs doivent être interprétés et exercés en application des principes reconnus par les pays de la communauté internationale. Il ne me semble pas que lesdits principes autorisent une juridiction à délivrer une injonction convoquant un témoin éventuel à une date et en un lieu donnés pour y être interrogé par une partie à une procédure pénale, et ce d’autant plus, comme c’est le cas en l’espèce, qu’il a refusé d’être interrogé. Aucune décision en ce sens rendue par une juridiction nationale n’est citée dans l’affaire Krstic. Il se peut qu’une personne ainsi interrogée ne soit jamais appelée à témoigner à l’audience, alors qu’une entrevue avec une partie hors audience l’aurait exposée aux sanctions pénales découlant d’une injonction.

4. Il y a deux intérêts publics à concilier : la protection de la vie privée, d’une part, et l’obtention des informations nécessaires dans le cadre d’un procès pénal, d’autre part. Ces intérêts pourraient être conciliés en définissant une limite au-delà de laquelle on ne peut empiéter sur la vie privée d’une personne que s’il existe une obligation juridique équivalente bien établie, telle l’obligation de témoigner dans le cadre d’une procédure conduite par un magistrat.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Mohamed Shahabuddeen

Le 21 juin 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]

OPINION DISSIDENTE DU JUGE WEINBERG DE ROCA

1. Je suis en désaccord avec la décision de la Chambre d’appel sur ce point. Je pense que la majorité à mal interprété la raison pour laquelle la Chambre de première instance a rejeté la demande d’injonction présentée par la Défense.

2. La majorité estime que la Chambre de première instance a rejeté la demande de la Défense au seul motif que les témoins en question seraient soumis à un contre -interrogatoire. Cependant, il ressort clairement des décisions rendues le 16 février 26 2004 et le 2 avril 200427 que la Chambre de première instance n’a pas considéré que ce fait constituait à lui seul un motif suffisant pour rejeter la demande d’injonctions. D’ailleurs, la Chambre a reconnu à bon escient qu’un témoin cité par une partie peut être interrogé par la partie adverse28. Néanmoins, la Chambre a souligné qu’il fallait intervenir « avec toute la prudence nécessaire  » dans l’application d’une mesure aussi coercitive que l’injonction de comparaître 29.

3. Dès lors, la Chambre de première instance a exigé une preuve que les injonctions demandées sont nécessaires pour mettre au jour des informations « n’ayant pu faire l’objet d’un traitement adéquat pendant le contre-interrogatoire »30. Ayant dûment appliqué ce critère plus rigoureux, la Chambre n’était toujours pas convaincue de la nécessité de la mesure : « la Chambre de première instance n’est toujours pas convaincue de l’opportunité de délivrer des citations à comparaître à l’encontre de ces StroisC témoins… »31.

4. La Chambre d’appel a explicitement reconnu l’importance de concilier le droit d’un témoin à sa vie privée et le devoir du Tribunal de statuer de manière exhaustive, plus particulièrement dans les décisions Mrksic32 et Blaskic33. C’est pourquoi nous avons fait preuve de prudence en recourant à la mesure coercitive qu’est l’injonction, avec les sanctions pénales qui l’accompagnent. Nous avons reconnu par ailleurs qu’« une prudence particulière s’impose dans le cas où l’Accusation demande à interroger un témoin qui a refusé un entretien avec cette dernière »34, comme c’est le cas en l’espèce. Faute d’une preuve manifeste qu’une telle mesure est nécessaire pour rendre un jugement équitable en l’espèce, le fait de contraindre un témoin récalcitrant à subir un interrogatoire préalable au procès constituerait une sérieuse atteinte à sa vie privée.

5. La Chambre de première instance a agi avec la prudence requise à cet égard, exigeant de la Défense une preuve plus rigoureuse de la nécessité de la mesure afin de respecter le droit fondamental des témoins à leur vie privée. Dès lors, je pense que la Chambre a appliqué le critère approprié et, de ce fait, qu’elle n’a pas commis une erreur en rejetant la demande d’injonctions présentée par la Défense à l’encontre des témoins en question. Sauf le respect que je dois à la majorité, je rejetterais l’appel introduit par la Défense.

______________
Inés Mónica Weinberg de Roca

Le 21 juin 2004
La Haye (Pays-Bas)


1. « Motion for Subpoenas », déposée à titre confidentiel le 29 décembre 2003.
2. Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, IT-01-48-PT, 16 février 2004.
3. « Motion for Reconsideration and, in the Alternative, Motion for Certification », déposée à titre confidentiel le 24 février 2004.
4. Décision relative à la requête aux fins de réexamen, ou, à défaut, aux fins de certification, IT-01-48-PT, 2 avril 2004.
5. Ibid.
6. « Defence Appeal Concerning Issuance of Subpoenas », déposé à titre partiellement confidentiel le 13 avril 2004.
7. « Prosecution Response to Defence Appeal Concerning Issuance of Subpoenas », déposée le 23 avril 2004.
8. Article 54 du Règlement de procédure et de preuve.
9. Le Procureur c/ Krstic, IT-98-33-A, Arrêt relatif à la demande d’injonctions, 1er juillet 2003, par. 10.
10. Ibid.
11. Ibid., par. 11.
12. Voir Le Procureur c/ Brdanin et Talic, IT-99-36-AR73.9, Décision relative à l’appel interlocutoire, 11 décembre 2002, par. 31.
13. Ibid.
14. Krstic, IT-98-33-A, Arrêt relatif à la demande d’injonctions, par. 10 à 12 ; Brdanin et Talic, IT-99-36-AR73.9, Décision relative à l’appel interlocutoire, par. 48 à 50.
15. Voir, par exemple, Brdanin et Talic, IT-99-36-AR73.9, Décision relative à l’appel interlocutoire, par. 46 (pour décider s’il y a lieu de délivrer une injonction, une Chambre de première instance doit prendre en compte non seulement les intérêts des parties mais aussi l’intérêt général de la justice et d’autres considérations d’intérêt public.
16. Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, IT-01-48-PT, p. 3 et note de bas de page 7.
17. Décision relative à la requête aux fins de réexamen, ou, à défaut, aux fins de certification, IT-01-48-PT, p. 3 (citant la « Motion for Reconsideration and, in the Alternative, Motion for Certification », par. 2).
18. Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, IT-01-48-PT, p. 3 ; Décision relative à la requête aux fins de réexamen, ou, à défaut, aux fins de certification, IT-01-48-PT, p. 3.
19. Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, IT-01-48-PT, p. 3.
20. Cette interprétation laisse supposer que la Chambre de première instance a conclu, sur la base des arguments de la Défense à l’appui de sa demande d’injonction, qu’elle entend limiter le contre-interrogatoire des témoins en question aux points évoqués dans l’interrogatoire principal conduit par l’Accusation. À l’évidence, comme il est expliqué plus loin, l’article 90 H) i) du Règlement de procédure et de preuve autorise un contre-interrogatoire d’une portée plus large. La décision rendue par la Chambre de première instance peut donc être entachée d’un vice additionnel, comme il est exposé au paragraphe 14 infra.
21. Décision relative à la requête aux fins de réexamen, ou, à défaut, aux fins de certification, IT-01-48-PT, p. 3.
22. Article 90 H) i) du Règlement de procédure et de preuve.
23. Voir Brdanin et Talic, IT-99-36-AR73.9, Décision relative à l’appel interlocutoire, par. 54.
24. IT-98-33-A du 1er juillet 2003.
25. IT-95-13/1-AR73 du 30 juillet 2003.
26. Le Procureur c/ Sefer Halilovic, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, 16 février 2004.
27. Le Procureur c/ Sefer Halilovic, Décision relative à la requête aux fins de réexamen, ou, à défaut, aux fins de certification, 2 avril 2004.
28. Ibid., p. 2.
29. Ibid.
30. Le Procureur c/ Sefer Halilovic, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de délivrance d’injonctions, 16 février 2004, p. 3.
31. Ibid., p. 3
32. Le Procureur c/ Mrksic, Décision relative à l’appel interlocutoire de la Défense concernant la communication avec des témoins potentiels de la partie adverse, 30 juillet 2003.
33. Le Procureur c/ Blaskic, Décision relative à la demande d’injonction déposée par l’Accusation, 26 novembre 2003.
34. Ibid.