Affaire n° : IT-01-48-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Ordonnance rendue le :
14 novembre 2003

LE PROCUREUR

c/

SEFER HALILOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS D’IDENTIFIER DES SUSPECTS ET D’AUTRES CATÉGORIES DE PERSONNES PARMI LES TÉMOINS PROPOSÉS PAR L’ACCUSATION

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Le Bureau du Procureur :

M. Ekkehard Withopf
Mme Maria Tuma

Les Conseils de l’Accusé :

M. Stefan Kirsch
M. Guénaël Mettraux

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

Vu la requête de la Défense aux fins d’identifier des suspects et d’autres catégories de personnes parmi les témoins proposés par l’Accusation (Defence Motion for Identification of Suspects and Other Categories Among Its Proposed Witnesses), déposée le 8 octobre 2003 (la « Requête ») par la Défense de Sefer Halilović (l’« Accusé »), qui demande au Bureau du Procureur (l’« Accusation ») de lui fournir : i) une liste indiquant, parmi les témoins qu’elle propose, ceux qui sont considérés comme « suspects », ii) tout renseignement recueilli par l’Accusation donnant à penser que des témoins parmi ceux qu’elle propose pourraient avoir commis une infraction pénale ou pris part à un tel acte et iii) toute information sur tout accord avantageux conclu entre l’Accusation et les témoins proposés1,

VU la réponse de l’Accusation à la requête de la Défense aux fins d’identifier des suspects et d’autres catégories de personnes parmi les témoins proposés par l’Accusation (Prosecutions Response to Defence Motion for Identification of Suspects and Other Categories Among Its Proposed Witnesses), déposée le 21 octobre 2003 (la « Réponse ») par l’Accusation, qui demande à la Chambre de première instance de rejeter la Requête dans son ensemble,

VU la réplique de la Défense concernant la requête aux fins d’identifier des suspects et des catégories connexes (Defence Reply Re Motion Identification of Suspects and Related Categories), déposée en partie à titre confidentiel le 23 octobre 2003 (la « Réplique ») par la Défense, qui n’a pas préalablement demandé l’autorisation de la Chambre de première instance visée par l’article 126 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement ») et qui s’est déclarée, dans cette Réplique, satisfaite de certaines parties de la Réponse2,

VU la requête aux fins d’obtenir l’autorisation de déposer une réplique de la Défense concernant la requête aux fins d’identifier des suspects et des catégories connexes (Motion for Leave to Add-Defence Reply Re Motion Identification of Suspects and Related Categories), déposée le 5 novembre 2003 par la Défense, qui sollicite l’autorisation de déposer une réplique et prie la Chambre de première instance de considérer que sa demande a été dûment déposée en application de l’article 127 A) ii) du Règlement3,

ATTENDU que l’article 126 bis du Règlement exige que toute réplique à une réponse soit déposée, sur autorisation de la Chambre de première instance, dans les sept jours suivant le dépôt de ladite réponse,

ATTENDU que l’article 127 du Règlement autorise la Chambre de première instance à reconnaître la validité de tout acte accompli après l’expiration des délais fixés en posant, le cas échéant, des conditions qu’elle considère comme justes et ce, que le délai soit ou non expiré,

ATTENDU que la Défense a mis en route le processus de communication de pièces visé par l’article 66 B) du Règlement, ce qui lui permet de demander à l’Accusation l’autorisation de prendre connaissance des livres, documents, photographies et objets se trouvant en possession de cette dernière ou sous son contrôle, qui sont nécessaires à la préparation de la défense de l’Accusé,

ATTENDU que l’article 68 du Règlement impose notamment à l’Accusation d’informer la Défense de l’existence des éléments dont elle a connaissance qui « pourraient porter atteinte à la crédibilité des éléments de preuve de l’Accusation »,

ATTENDU que c’est à l’Accusation et à elle seule qu’il incombe de déterminer si un individu est « suspect » et de conclure, le cas échéant, un accord avantageux avec lui,

ATTENDU que l’ensemble des informations sollicitées par la Défense relèvent des obligations de communication pesant sur l’Accusation, mais que celle-ci n’est pas tenue de l’informer avec le degré de précision requis par cette dernière, tel que la communication de la liste des témoins considérés comme suspects,

ATTENDU, TOUTEFOIS, que l’existence d’accords avantageux conclus entre l’Accusation et un de ses témoins peut effectivement porter atteinte à la crédibilité des éléments de preuve à charge,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 54, 126 bis et 127 du Règlement,

FAIT DROIT en partie à la Requête et ORDONNE ce qui suit :

  1. La Défense est autorisée à déposer la Réplique,
  2. L’Accusation fournira à la Défense, dans un délai de sept (7) jours à compter de la présente Décision, une liste désignant les témoins proposés ayant conclu un accord avantageux qui pourrait, éventuellement, porter atteinte à la crédibilité des éléments de preuve de l’Accusation, et

REJETTE la Requête pour ce qui est des autres points.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Juge de la mise en état
___________
O-Gon Kwon

Le 14 novembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]
1. Requête, par. 3 à 5.
2. La Défense était satisfaite de la Réponse pour ce qui est de sa demande visée au paragraphe 2 ii) de la présente Décision.
3. Un addendum contenant en annexe le texte d’un arrêt de la High Court d’Australie (Pollitt v. The Queen) a été déposé le 31 octobre 2003. Toutefois, la Défense s’est contentée de déclarer que ledit document était un addendum à sa Requête ou à sa Réplique et qu’elle le considérait comme « pertinent pour trancher la question dont a été saisie la Chambre de première instance », sans donner d’autres explications. Voir « Addendum-Sources », Le Procureur c/ Sefer Halilović, affaire n° IT-01-48-PT, 31 octobre 2003.