Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 31 janvier 2005

2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît,

7 appelez l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. C'est

9 l'affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

11 Bonjour à tous. Pour le compte rendu, pourriez-vous me dire qui représente

12 d'abord l'Accusation ?

13 M. WEINER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Philip Weiner

14 pour l'Accusation. A ma droite, Mme Manoj Sachdeva, et David Re. Devant

15 moi, Sureta Chana, et à sa droite Ana Vrljic, qui est commis à l'affaire.

16 C'est Sureta Chana qui va faire la déclaration liminaire de l'Accusation.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

18 Pour la Défense.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Je suis Peter Morrissey, avec M. Mettraux,

20 conseil, et sont également présents dans notre équipe Amir Cengic et Medina

21 Delilac.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

23 Aujourd'hui commence ce procès avec la déclaration liminaire qui est

24 présentée par l'Accusation. Ceci devrait durer environ deux heures et

25 demie. Nous aurons une brève suspension d'audience au milieu de cette

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1 présentation, après 70 minutes ou quand l'Accusation comptera que c'est le

2 moment venu.

3 Madame Chana, est-ce que vous êtes prête pour faire votre déclaration

4 liminaire ?

5 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

6 Juges. Je voudrais dire que peut-être ceci peut prendre un peu moins de

7 temps que deux heures et demi, peut-être seulement une heure et demi à deux

8 heures. Cela dépendra de la vitesse à laquelle nous pouvons procéder.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien entendu. Nous sommes entre vos

10 mains, mais il faut que vous ayez fini à 11 heures 30.

11 Mme CHANA : [interprétation] Plaît à la Chambre.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

13 Mme CHANA : [interprétation] L'accusé dans cette affaire, Sefer Halilovic,

14 fait l'objet d'un chef d'accusation unique de meurtre au titre de l'Article

15 3 des conventions de Genève, l'article commun, et ceci punissable au titre

16 de l'Article 3 du Tribunal.

17 Toutefois, ce chef d'accusation unique recouvre le meurtre de 63 personnes.

18 Ces meurtres ont eu lieu lors de deux incidents distincts. Ces deux

19 incidents se sont produits dans le sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine en

20 septembre 1993. Ce premier incident, qui s'est déroulé dans ce pays à

21 Grabovica, c'était les 8 et 9 septembre; 33 personnes ont été tuées. Le

22 deuxième incident a eu lieu à Uzdol, le 14 septembre; 30 personnes ont été

23 tuées.

24 Dans ces deux incidents, ces meurtres ont été perpétrés par des membres des

25 forces armées de la Bosnie-Herzégovine, que j'appellerai ci-après en

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1 utilisant l'acronyme Bosnia, "ABiH." Ces meurtres ont eu lieu au cours

2 d'une opération militaire qui avait reçu pour nom "Neretva 93" et qui, à

3 l'époque, était menée par l'ABiH. L'objectif principal de l'opération

4 Neretva 93 était de s'emparer d'une partie du territoire tenue par des

5 forces croates de Bosnie, que j'appellerai plus tard, le "HVO." Ainsi, ces

6 forces en présence, qui s'opposait lors de l'opération Neretva 93 étaient,

7 d'une part, des forces armées musulmanes de Bosnie, l'ABiH --

8 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

9 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, on me dit qu'il y

10 a un problème technique, à savoir qu'on ne nous entend pas dans la salle

11 extérieure, en galerie. Il y a problème également --

12 Est-ce que la régie pourrait faire en sorte -- certains écrans

13 également n'ont pas le compte rendu. Est-ce que la régie pourrait faire

14 quelque chose ?

15 J'étais donc en train de dire, Monsieur le Président, Messieurs les

16 Juges, que le but essentiel de l'opération Neretva 93 était de s'emparer

17 d'un certain territoire tenue par les forces croates de Bosnie, que

18 j'appellerai par la suite, le "HVO." De sorte que les forces en présence

19 qui s'opposaient lors de l'opération Neretva 93 était, d'une part, les

20 forces armées musulmanes, l'ABiH, et d'autre part, les forces croates de

21 Bosnie, le HVO. Les victimes de ces meurtres par des membres de l'ABiH

22 étaient tous des Croates de Bosnie et, par conséquent, sont associés avec

23 la partie adverse de le conflit.

24 Les 33 victimes de l'incident de Grabovica étaient toutes des civils, y

25 compris des femmes, des enfants, et des personnes âgées. Le plus jeune,

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1 Mladenka Zadro, était une petite fille qui aurait eu 4 ans quelques

2 semaines plus tard. La personne la plus âgée, Marko Maric, était un homme

3 âgé de 87 ans.

4 Les 30 victimes de l'incident d'Uzdol étaient également toutes des civils,

5 à l'exception d'une seule qui était un soldat croate de Bosnie qui avait

6 été fait prisonnier par l'ABiH et qui, de ce fait, ne prenait aucune part

7 aux hostilités au moment où il a été tué. La victime la plus jeune, Stjepan

8 Zelic, était un garçon de 10 ans. La victime la plus âgée était Luca

9 Zelenika. C'était une femme de 87 ans.

10 L'Accusation affirme que les membres de l'ABiH, qui ont perpétrés ces

11 crimes, étaient à tout moment sous le commandement et la direction

12 effective de jure et de facto de l'accusé.

13 L'Accusation présentera des éléments de preuve qui démontreront

14 qu'immédiatement avant l'incident de Grabovica, l'accusé avait des raisons

15 de savoir, comme lit l'Article 7(3) que ses subordonnés commettraient des

16 actes de violence contre des civils croates de Bosnie à Grabovica, et qu'il

17 n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher

18 ces crimes; et qu'après que ces crimes eut été commis, parce qu'il n'a pas

19 pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour punir les auteurs.

20 Dans le cas de l'incident d'Uzdol, il est accusé d'avoir encouru une

21 responsabilité pénale pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires et

22 raisonnables pour punir ses subordonnées pour les crimes qu'ils ont commis.

23 Comme dans toutes les affaires qui sont portées devant cette haute

24 juridiction, tous les événements qui se rapportent à cet acte d'accusation

25 se sont produits dans le cadre général de la désintégration de l'ancienne

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1 Yougoslavie, de l'ex-Yougoslavie. Le contexte factuel du conflit armé dans

2 l'ex-Yougoslavie a été exposé dans de nombreux jugements du Tribunal, et il

3 est inutile maintenant de décrire de façon détaillée ce qui s'est passé à

4 nouveau. En fait, strictement parlé, le cadre historique et général du

5 conflit n'est pas pertinent pour ce qui est des crimes particuliers qui

6 font l'objet de cet acte d'accusation.

7 Toutefois, de façon à donner quand même un cadre général aux actes

8 qui font l'objet de l'acte d'accusation - et je suppose que vous êtes très

9 courant - il est toutefois utile de rappeler certains de ces événements.

10 J'espère que ceci pourra vous aider à comprendre la situation. Avec votre

11 permission, je vais replacer dans le contexte les événements qui font

12 l'objet de l'acte d'accusation.

13 L'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie comprenait

14 six républiques et deux régions autonomes. Divers facteurs ont conduit à sa

15 désintégration, à son éclatement dans les années 1990 lorsque quatre de ses

16 républiques ont proclamé leur indépendance, à savoir, la Slovénie, la

17 Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine. La République de Croatie a

18 déclaré son indépendance le 25 juin 1991. La République de

19 Bosnie-Herzégovine a été reconnue par l'Union européenne le 7 avril 1992.

20 Ces deux états nouveaux ont été tous deux admis comme membres de

21 l'organisation des Nations Unies par une décision prise par l'assemblée

22 générale le 22 mai 1992.

23 Le dé était ainsi jeté pour la course pour s'emparer du territoire

24 qui devait s'ensuivre entre les Croates, les Serbes et les Musulmans en

25 Bosnie-Herzégovine.

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1 De toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine

2 était celle dont la population était la plus mélangée du point de vue

3 ethnique, les trois groupes principaux étant les Musulmans de Bosnie, les

4 Croates de Bosnie, et les Serbes de Bosnie. Toutefois, il existait des

5 divisions entre eux. Dans une partie du territoire habité par une

6 population à prédominance serbe en Bosnie, les structures politiques serbes

7 avaient été créées. Le 9 janvier 1992, la République du peuple serbe de

8 Bosnie-Herzégovine avait été proclamée. De même, dans des secteurs où la

9 population était à prédominance croate de Bosnie, une communauté croate de

10 Herceg-Bosna, HZ HB, avait été proclamée en novembre 1991, et elle avait

11 ses propres structures politiques.

12 Un conflit armé s'en est suivi dans cet Etat. L'Armée de la Yougoslavie,

13 qu'on appelle l'armée populaire yougoslave ou la JNA est entrée en action

14 et a fourni les opérations militaires. En avril 1992, le HZ HB a constitué

15 ses propres forces militaires connues sous le nom de conseil de la Défense

16 croate, ou le HVO. Le mois suivant, en mai 1992, la République du peuple

17 serbe de Bosnie-Herzégovine a formé sa propre armée serbe de Bosnie que

18 l'on connaît sous le nom de VRS, sous le commandement du général Ratko

19 Mladic. Les attaques continuelles des Serbes de Bosnie dans différentes

20 parties de Bosnie-Herzégovine ont eu lieu.

21 Pendant une certaine période, les Croates de Bosnie et les Musulmans de

22 Bosnie ont organisé une défense commune contre les forces serbes. Dans

23 certaines régions, cette défense commune avait été organisée sous les

24 auspices du HVO qui, bien qu'étant une formation militaire de Croates, au

25 cours de cette période, comprenant à la fois des Croates et des Musulmans.

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1 Toutefois, par la suite, des tensions se sont faites sentir entre les

2 Croates et les Musulmans, et les Musulmans ont commencé, soit à s'en aller,

3 soit à être expulsés des unités du HVO. Egalement, au début des hostilités,

4 une force armée distincte de Bosnie-Herzégovine connue sous le sigle

5 d'ABiH, composée essentiellement de Musulmans de Bosnie, a été créée. Bien

6 que les Musulmans et les Croates de Bosnie étaient originalement -- à

7 l'origine, combattaient ensemble contre les Serbes; à partir d'avril 1993,

8 il y avait des combats qui faisaient rage entre le HVO et l'ABiH.

9 A ce moment-là, le VRS pour les Serbes de Bosnie, et le HVO pour les

10 Croates de Bosnie, s'efforçaient d'obtenir le contrôle de certaines parties

11 du territoire de Bosnie-Herzégovine. Pour sa part, le HVO était appuyé par

12 la République de Croatie et par son armée, le HV. Les troupes du HV croate

13 ont agi en coordination avec les institutions croates de Bosnie. Des

14 discussions secrètes sur le partage de la Bosnie-Herzégovine entre les

15 Croates et les Serbes avaient eu lieu dès le mois de mars 1991 entre Franjo

16 Tudjman, le président de la Croatie, et Slobodan Milosevic, le président de

17 la RFY. Le but du HVO était de s'assurer de la conquête du territoire du HZ

18 HB, et pour finir, intégrer ce territoire dans la Croatie, ou de constituer

19 le HZ HB comme un Etat indépendant. Comme le territoire revendiqué par le

20 HVO était fortement non croate et que l'appui musulman du HVO commençait à

21 faiblir, la nécessité s'est fait sentir de procéder à un nettoyage ethnique

22 de ces territoires de la population musulmane, ou au moins de changer

23 l'équilibre démographique en faveur des Croates. Ces efforts du HVO ont

24 fait l'objet d'une résistance de la part de l'ABiH.

25 Est-ce que la régie pourrait, s'il vous plaît, mettre maintenant en œuvre

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1 le logiciel Sanction.

2 Excusez-moi de cette interruption, Monsieur le Président, Messieurs les

3 Juges.

4 Le HZ HB essayait de constituer son propre Etat. Il voulait avoir un Etat

5 qui constituerait de 28 municipalités et de certaines petites portions des

6 trois autres municipalités, y compris plusieurs qui se trouvaient en Bosnie

7 centrale. Mostar a été désigné comme son siège.

8 Dans ce conflit armé entre le HVO et l'ABiH, la municipalité de Prozor

9 avait -- revêtait une importance stratégique très importante pour les deux

10 parties -- les deux côtés. Prozor est une municipalité de 477 kilomètres

11 carrés qui est située dans le centre de la BH. Elle est située entre le

12 centre de la partie occidentale de la Bosnie-Herzégovine --

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Excusez-moi, Madame Chana, mais je crois

14 que nous entendons différents canaux. Pourriez-vous, s'il vous plaît,

15 répétez votre dernière phrase ?

16 Mme CHANA : [interprétation] Excusez-moi, c'était un problème technique.

17 Est-ce qu'il a été remédié ?

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que oui.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je pense qu'on a remédié au problème. Le

20 problème est réglé, Madame Chana.

21 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je disais que Prozor est une

23 municipalité de 477 kilomètres carrés située au centre de la BH, située

24 dans le cœur de la partie occidentale d'Herzégovine, pour la HZ HB, d'une

25 partie, et de l'autre, les municipalités de Bosnie centrale qui sont

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1 également projetées comme étant -- qui sont une partie du HZ HB.

2 Le but, en créant un territoire unité -- communauté territoriale unie pour

3 le HZ HB, est finalement pour créer une Grande Serbie dépendant du fait que

4 Prozor puisse se trouver sous le contrôle du HVO. En particulier, le

5 contrôle par le HVO de Mostar- Jablanica-Prozor-Gornji Vakuf, et de cette

6 route qui les reliait, était essentiel si la HZ HB devait restée en un seul

7 morceau. Se trouvant du côté méridional d'un col, il aurait été presque

8 impossible pour le HVO de pouvoir contourner Prozor et d'aller à la Bosnie

9 centrale. Les Serbes et les Musulmans bloquaient les autres routes

10 possibles vers la Bosnie centrale, et le HVO n'était pas sûr de ses

11 possibilités de s'en emparer. Prozor était donc l'itinéraire qui convenait

12 le mieux. Par conséquent, Prozor devait devenir la municipalité la plus

13 importante pour pouvoir mettre en œuvre les plans du HVO.

14 Pour les Musulmans, Prozor était tout aussi importante puisque c'était le

15 seul passage pour entrer en Bosnie centrale. Mostar était, à ce moment-là,

16 assiégée par le HVO. L'existence de l'Etat bosnien dépendait du contrôle de

17 Prozor par les Musulmans.

18 Le simple fait -- il était tout simplement un fait que quiconque contrôlait

19 Prozor contrôlait la Bosnie centrale. On avait dit à l'époque que

20 l'abréviation bosnienne de Bosnie-Herzégovine, "BiH", le "i" c'était

21 Prozor, qui reliait les deux.

22 Comme je l'ai dit plus tôt, au début du printemps 1992, les Croates et les

23 Musulmans étaient alliés dans leur lutte contre les Serbes de Bosnie. A

24 Prozor, les Croates de Bosnie avaient rejoint le HVO, et les Musulmans de

25 Bosnie avaient rejoint la Défense territoriale, ou "TO", qui par la suite a

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1 fait partie de l'ABiH.

2 Quelque temps avant le 15 avril 1992, une réunion a eu lieu à Prozor. Elle

3 a été convoquée par le HVO, et tous avaient été appelés à y participer. Au

4 cours de cette réunion, Josip Zgela de Croatie a informé, unilatéralement,

5 l'assemblée -- ceux qui étaient assemblés que, sur les ordres de Zagreb, il

6 avait été désigné comme chef militaire et politique du HVO à Prozor. Il les

7 a également informé que dès le temps immédiat, il prendrait toutes les

8 décisions comme étant la seule autorité pour toutes les questions

9 militaires et politiques.

10 Les Musulmans à Prozor, encore alliés aux Croates de Bosnie, étaient

11 inquiets et avaient été très surpris par cette déclaration, mais pas encore

12 totalement alarmés. Il était évident pour eux que le HVO essayait de

13 devenir prédominant du point de vue politique et militaire. Toutefois, les

14 Musulmans de Bosnie à Prozor étaient isolés de Sarajevo car les

15 communications étaient interrompues. Par conséquent, ils ont continué à

16 appuyer le HVO pour la Défense de Prozor contre les Serbes tout en

17 résistant, en même temps, aux exigences du HVO qui étaient qu'on accepte

18 l'autorité unique du HVO. En juin 1992, une ligne de front a été établie

19 entre Prozor et Kupres, les Serbes ont commencé à bombarder les

20 municipalités de Prozor et immédiatement après la création de ces fronts,

21 de ces lignes, les Croates ont commencé à porter sur leurs uniformes des

22 insignes de l'armée croate, le HV. Il devenait clair que l'alliance entre

23 les Croates et les Musulmans à Prozor était fragile. Puis, le 23 octobre

24 1992, le HVO a attaqué les Musulmans à Prozor. Ceci a constitué une étape

25 essentielle dans le développement de la guerre entre les Croates et les

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1 Musulmans. Pourquoi cela s'est passé dès le mois d'octobre 1992 reste une

2 question de spéculations et d'hypothèses car c'était la première

3 municipalité où une attaque du HVO contre les Musulmans a eu lieu. Le

4 moment choisi était curieux étant donné que le fait que les Musulmans et

5 les Croates étaient encore en train de combattre côte à côte contre les

6 Serbes à la ligne de Kupres, à la ligne de front. L'importance stratégique

7 de Prozor peut être une explication. Il serait plausible de supposer que le

8 HVO était pressé d'établir son contrôle le plus tôt possible de façon à

9 s'assurer un couloir vers la Bosnie centrale. Il se peut également que les

10 Croates aient vu une possibilité limitée pour capturer Prozor avant que la

11 paix ne soit déclarée. Par conséquent, la rapidité de mouvements était

12 devenue essentielle.

13 Quelles qu'aient été les raisons, pour le moment, choisies pour les actions

14 des Croates, Prozor est devenu la première victime de la campagne de

15 contrôle territoriale par les Croates aux dépens des Musulmans. Ces

16 musulmans n'auraient pas volontairement choisis d'être de bons Croates dans

17 une Croatie étendue comprenant Herceg-Bosna et allait être donc obligé de

18 partir.

19 Le 4 janvier 1993, le plan Vance-Owen était proclamé, pour la première

20 fois. Ce plan était basé sur l'hypothèse et à prémisse d'une division de la

21 Bosnie-Herzégovine entre -- en dix provinces qui devaient être réparties

22 entre les trois fractions nationales avec le pouvoir, avec la possibilité

23 d'être divisées d'une façon égale, avec une division égale de la capitale

24 de Sarajevo. Le 3 avril 1993, la HB HZ -- la direction de la HB HZ a émis

25 une "déclaration commune" par laquelle elle cherchait à prendre le contrôle

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1 de l'ensemble du territoire qui lui était promis par le plan Vance-Owen.

2 Toutefois, les Musulmans n'avaient -- n'ont pas voulu se soumettre et les

3 combats ont commencé dans tous les domaines dans lesquels l'ABiH et les

4 forces du HVO étaient au contact. A la suite de l'échec du plan Vance-Owen

5 et avant le plan Vance-Stoltenberg, la direction du HVO était déterminée à

6 avoir des majorités très importantes des Croates dans les territoires

7 contrôlaient avant qu'une paix fut conclue et estimaient qu'ils allaient

8 manquer de temps. C'est la raison pour laquelle les plus grandes vagues

9 d'expulsion dans l'ensemble de la Herceg-Bosna ont eu lieu au cours de

10 l'été 1993. Ce fut également le moment où les attaques des ABiH contre le

11 HVO étaient également au plus fort. Une guerre complète faisait rage --

12 avait éclaté.

13 Ainsi, l'automne 1993 est devenu un moment critique pour les opérations

14 militaires en Bosnie-Herzégovine. Le siège de Sarajevo par les forces

15 Serbes de Bosnie s'est poursuivi; pendant ce temps-là, l'alliance qui avait

16 eu lieu entre le HVO et les forces de ABiH en Bosnie centrale devenait de

17 plus en plus amère. Le HVO -- le blocus de HVO de la ville de Mostar avait

18 emprisonné cinquante mille musulmans à l'est de Mostar et les combats à

19 Mostar étaient particulièrement intenses. Les ressources de la ABiH étaient

20 extrêmement -- tendues à l'extrême et l'existence même de la République de

21 Bosnie-Herzégovine, qui venait de naître, était menacée.

22 Contre -- par rapport à ce contexte, l'opération Neretva 1993 a été mise

23 au point. Toutefois, avant de parler des détails de cette opération, il est

24 nécessaire, pour commencer, d'exposer le passé de l'accusé.

25 L'accusé, Sefer, était -- est né en Serbie le 6 janvier 1952. En 1971, à

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1 environ l'âge de 23 ans, il est allé à une académie militaire -- l'école

2 militaire et après avoir terminé ses études, il est devenu officier de la

3 JNA dans laquelle il est resté pendant environ 15 ans et où il a finalement

4 obtenu le rang de -- le grade de commandant. En septembre 1991, il a quitté

5 la JNA et est rentré en Bosnie-Herzégovine, où il a rejoint la Ligue

6 patriotique et a planifié la défense de cet Etat.

7 En mai 1992, il a été nommé comme commandant de l'état-major TO, la Défense

8 territoriale. A partir de juillet 1992, à la suite de l'évolution de la

9 Défense territoriale dans l'ABiH, il est devenu le chef de l'état-major

10 général de l'ABiH, ce qui faisait de lui le commandant suprême des forces

11 ABiH. Toutefois, au bout d'environ un an, le 8 juin 1993, un nouveau poste

12 de l'ABiH a été créé, à savoir, commandant du commandement de l'état-major

13 suprême. Cette nouvelle fonction a été remplie par un officier qui

14 s'appelait Rasim Delic, ce qui faisait ainsi de Rasim Delic le commandant

15 suprême de l'ABiH et en fait, le commandant supérieur de l'accusé.

16 La création de ce nouveau poste, par le président Izetbegovic, constituait,

17 en réalité, le fait que l'accusé était rétrogradé, fait que l'accusé a très

18 mal pris. Une certaine tension a existé entre Rasim Delic et l'accusé et,

19 comme on le verra, après la nomination de Delic comme commandant suprême de

20 l'ABiH, certains officiers --certains soldats ont continué d'avoir une

21 loyauté particulière à l'égard de l'accusé.

22 Telles étaient donc les relations entre l'accusé et Delic au moment où

23 l'Opération Neretva a été conçue lors d'une réunion pour qu'ils discutent

24 d'une question stratégique, tenue à Zenica les 21 et 22 août 1993. Cette

25 stratégie -- cette réunion stratégique a en présence de la plupart des

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1 commandants les plus importants de l'ABiH, y compris Delic et l'accusé.

2 Toutefois, deux absents -- deux absences étaient à noter lors de cette

3 réunion : les deux commandants adjoints.

4 A partir du 18 juillet 1993, en plus du poste de chef du commandement

5 Suprême d'état-major, l'accusé a, également, rempli les fonctions de

6 commandant adjoint de l'état-major du commandement suprême. Ceci était l'un

7 des trois postes de commandement adjoint. Il est important de constater

8 qu'aucun des autres commandants adjoints n'a participé à cette réunion sur

9 les questions stratégiques. Ils n'avaient rien à voir avec cette opération.

10 C'était véritablement l'occasion pour l'accusé de faire ses preuves.

11 L'accusé était un participant essentiel de cette réunion. C'est l'accusé

12 qui a présenté, à cette réunion, le plan visant à lancer une offensive

13 militaire contre le HVO dans le secteur. L'accusé a également fait le

14 nécessaire pour convaincre les assistants à cette réunion qu'une opération

15 militaire était nécessaire pour éviter de perdre Mostar et que Mostar soit

16 entre les mains des Croates -- des forces croates de Bosnie. Il a également

17 fait des propositions pour les actions de combat de l'ABiH et les solutions

18 aux problèmes militaires auxquels avait à faire face l'ABiH.

19 Durant cette réunion, plusieurs décisions ont été prises.

20 Premièrement, il a été décidé de lancer l'Opération Neretva 1993. L'un de

21 ces principaux objectifs consistait à briser le siège de Mostar Est afin de

22 venir en aide aux Musulmans qui étaient assiégés dans l'est de Mostar par

23 le HVO. Cela impliquait de progresser sur différents fronts à partir de

24 Jablanica et de Gornji Vakuf ainsi des différents secteurs existant à

25 Prozor pour ouvrir une route entre Mostar et le territoire de Bosnie

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1 centrale de l'ABiH. Enver Buza, qui combattait le bataillon indépendant de

2 Prozor, devrait prendre le commandement d'une partie de l'opération et le

3 village Uzdol se trouvait dans le long de cette ligne d'attaque.

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous verrez une carte de la

5 vallée de Neretva sur l'écran. J'espère que vous pourrez lire les

6 annotations qui y figurent. Voilà donc l'axe général de cette attaque.

7 Deuxièmement, il a été décidé de créer ce qui avait convenu d'appeler une

8 équipe d'inspection que devait diriger l'accusé et qui devait se rendre en

9 Herzégovine pour commander et coordonner l'opération.

10 Troisièmement, il a été décidé de subordonner certaines unités militaires

11 au commandement de l'accusé.

12 Une semaine plus tard, environ, à savoir, le 30 août 1993, Rasim Delic émet

13 un ordre qui constitue la prise des faits des décisions prises durant la

14 réunion de Zenica.

15 Je demande que le système Sanction soit mis en œuvre, Monsieur le

16 Président.

17 L'Accusation a l'intention de verser cet ordre au dossier en tant que pièce

18 à conviction. Par cet ordre, était donc créée cette équipe d'inspection qui

19 avait pour chef, l'accusé.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey ?

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le

22 Président, mais nous nous ne voyons rien à l'écran en ce moment. Le système

23 sanction produit rien sur nos écrans.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voyons ce qu'il en est.

25 C'est réglé, merci.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi encore pour cette interruption.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Aujourd'hui est la première journée de ce

4 procès, donc il est inévitable que certains problèmes techniques se posent.

5 Vous pouvez procéder, Madame Chana.

6 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.

8 Mme CHANA : [interprétation] Comme vous pouvez le constater, Messieurs les

9 Juges, à la lecture de cet ordre, cet ordre créait ce qu'il est convenu

10 d'appeler : "Une équipe d'inspection dont l'accusé devenait le dirigeant.

11 L'ordre stipulait que le rôle de l'équipe d'inspection consistait à

12 coordonner les affaires et les tâches dans les zones de responsabilité des

13 4e et 6e Corps d'armés." L'ordre stipule que les affections de l'équipe sont

14 les suivantes, je cite : "Diriger les combats et apprécier le potentiel en

15 mains d'œuvre et en matériel et enfin les utiliser en conséquence." Il est

16 indiquer dans cet ordre qu'au cas de solutions de propositions radicales,

17 l'accusé devait consulter le commandant Delic. Par ailleurs, il était

18 spécifié dans l'ordre que l'accusé n'avait pour devoir que d'informer le

19 commandant Delic des ordres émis par l'accusé.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais

21 peut-on agrandir l'imagine à l'écran car les lettres sont trop petites pour

22 que je puisse les lire ?

23 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne vois pratiquement rien.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, c'est beaucoup mieux à présent.

Page 17

1 Mme CHANA : [interprétation] Cela va mieux, Monsieur le Président ?

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

3 Mme CHANA : [interprétation] Donc, si vous lisez cet ordre.

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous constaterez que l'accusé

5 devait consulter le commandant Delic et que, par ailleurs, il lui était

6 demandé de se contenter d'informer le commandant Delic de l'émission de tel

7 ou tel ordre après qu'il l'eut émis. Par conséquent, en vertu de cet ordre,

8 l'accusé était autorisé par Delic à exercer sur place le pouvoir d'émettre

9 des ordres afin de régler d'éventuels problèmes.

10 Si l'équipe créée par cet ordre portait le nom "d'équipe d'inspection".

11 Elle avait des pouvoirs qui excédaient de loin la simple préparation ou la

12 simple conduite d'une opération. Elle exerçait un pouvoir de commandement

13 hiérarchique. Cet ordre et d'autres éléments de preuve que l'Accusation a

14 l'intention de présenter durant le procès permettront de démontrer que le

15 commandant Delic déléguait à l'accusé un pouvoir de commandant hiérarchique

16 complet sur l'opération Neretva ainsi qu'un pouvoir total pour déployer les

17 troupes à sa convenance au cours de cette opération. Par ailleurs,

18 l'Accusation démontrera que l'accusé a accepté cette responsabilité et a

19 exercé ce pouvoir et qu'en fait, il a commandé l'opération Neretva.

20 L'accusé, en personne, a admis avoir joué un rôle hiérarchique dans une

21 déclaration qu'il a faite aux représentants du bureau du Procureur dont

22 nous demanderons le versement au dossier de l'affaire. Dans cette

23 déclaration, l'accusé déclare et je cite : "Je suis celui qui a commandé

24 l'opération."

25 Monsieur le Président, le Sanction, s'il vous plaît.

Page 18

1 "Mon QG se trouvait à Jablanica dans le bâtiment administratif de la

2 centrale électrique, mais j'ai circulé dans la région également et je me

3 suis aussi trouvé aux abords de Gornji Vakuf et une municipalité de Dugo

4 Polje. A partir de ces divers endroits, c'est moi qui donnais les ordres

5 destinés à lancer l'attaque le long des axes déterminés à l'avance au

6 moment de la rédaction du plan."

7 A cet écart, il est importe également de rappeler que l'accusé avait été le

8 commandant suprême de l'ABiH jusqu'au moment où Rasim Delic a été nommé à

9 ce poste, nouvellement créé, peu avant l'opération Neretva 93. L'accusé

10 avait donc amplement la capacité de commander une telle opération et ce qui

11 est encore plus important, c'est que, l'accusé avant l'aura nécessaire,

12 entant qu'officier supérieur, pour assurer le respect de son pouvoir de

13 commandant et s'assurer l'obéissance de ses subordonnées. C'était également

14 une opération militaire de le plus haute importance pour l'accusé,

15 personnellement, puisque grâce au succès de cette opération, il serait

16 devenu un héros, aurait rétabli sa réputation et peut-être retrouvé un

17 poste au plus haut niveau de l'armée.

18 Les éléments de preuve de l'Accusation démontreront, qu'au cours de

19 l'opération Neretva 93, l'accusé a, effectivement, exercé le commandement

20 et le contrôle sur ses troupes en émettant des ordres, des instructions et

21 des directives destinées aux unités et en s'assurant de leurs mises à

22 œuvre. Il a planifié et a participé à la mise en œuvre des opérations

23 militaires menées par les unités qui ont participé à l'opération Neretva

24 93.

25 Par conséquent, au titre du Droit international humanitaire, il est tout à

Page 19

1 fait clair que l'accusé assume la responsabilité d'un supérieur

2 hiérarchique, tel que défini à l'Article 73 du Statut du Tribunal, à

3 savoir, qu'il avait la responsabilité d'empêcher la Commission de crime par

4 ses subordonnés s'il était informé que tels crimes étaient sur le point

5 d'être commis et la responsabilité de punir les auteurs de crimes commis

6 par ses subordonnés, s'il était informé que de tels crimes avaient été

7 commis.

8 Dès la prise du commandement de l'opération, l'équipe d'inspection a créé

9 un poste de commandement avancé dans la centrale hydroélectrique de

10 Jablanica. C'est à partir de là que l'opération devait être commandée et

11 coordonnée. Ce poste de commandement avancé était connu sous le sigle

12 bosniaque de "IKM".

13 Je m'excuse, Monsieur le Président.

14 Monsieur le Président, messieurs les Juges, ensuite, l'équipe a émis divers

15 ordres destinés à redéployer les troupes sous son commandement. Elle a

16 également demandé que des hommes émanant de d'autres unités de l'ABiH, qui

17 n'étaient pas jusqu'à ce moment-là, sous son commandement, soient mises à

18 sa disposition pour mener à bien l'opération. Elle a présenté une demande

19 tout à fait précise à cet égard au commandant du 1er Corps d'armée, Vahid

20 Karavelic, en lui demandant de mettre certains de ses hommes, ceux du 1er

21 Corps d'armée, à la disposition de l'opération, et les unités concernées

22 étaient le 2e Bataillon indépendant, le 9e Brigade mécanisée, et la 10e

23 Brigade de Montagne. Ce sont des deux dernières unités que j'appellerai

24 plus tard de mon exposé, la 9e Brigade et la

25 10e Brigade. Ces unités ont été les acteurs centraux des événements qui ont

Page 20

1 suivi.

2 Entre les 4 et 5 septembre [comme interprété] 1993, Delic s'est rendu dans

3 la zone, et a reçu des informations de l'accusé dans les locaux de l'IKM,

4 sur la ligne d'attaque prévue pour l'opération.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous verrez, à l'écran devant

6 vous, une carte en noir et blanc signée par l'accusé, carte de l'opération

7 Neretva 1993, et en bas, à droite, vous trouverez la signature de l'accusé,

8 ainsi que la signature du commandant Delic en haut à gauche. Quant à l'axe

9 d'attaque, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, elle est représentée

10 par les différentes flèches que vous voyez sur la carte.

11 C'est la dernière fois que Delic s'est trouvé sur le théâtre des

12 opérations. Par la suite, l'accusé a été laissé seul sur place pour mener à

13 bien le plan dans toutes ses composantes, ce qui signifiait que l'accusé

14 était le seul commandant et le commandant le plus expérimenté sur le

15 théâtre des responsabilités, et qu'il exerçait la pleine responsabilité et

16 le plein contrôle de la zone sur toutes les unités, et sur tous les moyens

17 matériels mis à la disposition de son armée dans la vallée de la Neretva en

18 vue de mener à bien l'opération.

19 Ayant tout pouvoir sur la mise en œuvre de l'opération, le

20 6 septembre 1993, il a continué à appliquer le plan en détachant les 9e et

21 10e Brigades, ainsi que le 2e Bataillon indépendant sous le commandement de

22 Zulfikar Alispago, que ce qui a fini par constituer ce qu'on connaît

23 généralement sous le nom : "d'unité de Zulfikar." Cette unité faisait

24 partie d'un Groupe d'opérations qui, le

25 7 septembre 1993, a été affectée à l'IKM pour prendre directement ses

Page 21

1 ordres de l'accusé.

2 Les éléments de preuve permettront de démontrer que l'accusé a

3 demandé personnellement aux hommes des 9e et 10e Brigades de se rendre

4 disponible pour participer à l'opération. L'accusé avait des rapports très

5 étroits avec Ramiz Delalic, connu sous le surnom de "Celo", qui était le

6 commandant adjoint de la 9e Brigade. Comme je l'ai déjà dit, après que

7 l'accusé ait été dégradé au sein de l'ABiH en juin 1993, certains membres

8 de cette armée lui ont gardé une loyauté tout à fait spéciale. Celo faisait

9 partie de ces hommes, et continuait à considérer l'accusé comme étant,

10 effectivement, le vrai commandant de l'ABiH, et il obéissait aux ordres

11 émanant de lui.

12 Ainsi, l'accusé n'a eu aucune difficulté à assurer l'exécution des

13 ordres de la part de Celo, même si ces unités étaient difficiles à

14 contrôler pour d'autres commandants que lui. Car les éléments de preuve

15 permettront de démontrer que ces deux unités, les 9e et 10e Brigades,

16 avaient une réputation notoire de propension aux crimes et à la

17 désobéissance que l'accusé connaissait bien.

18 A Sarajevo, ces deux brigades avaient volé et pillé, ainsi que

19 participé à toutes sortes d'activités criminelles. Elles avaient contraint

20 des civils à creuser des tranchées sur les lignes de front. Ceci avait eu

21 pour résultat, dans bien des cas, que des civils avaient été tués, ayant

22 été exposés au feu des tireurs embusqués serbes et à l'artillerie serbe.

23 L'accusé connaissait parfaitement bien la réputation de ses troupes, et il

24 était au courant des crimes commis par ces hommes qui étaient de notoriété

25 publique. Chacun à Sarajevo craignait ces unités. L'opération était

Page 22

1 difficile, et l'accusé a eu recours aux pires des soldats de Sarajevo pour

2 se battre. C'étaient de bons combattants, mais c'étaient des hommes qui

3 étaient connus en tant que "criminels".

4 Ces unités suscitaient une grande préoccupation dans l'esprit des

5 commandants de l'ABiH. Le ministre de l'Intérieur, Bakir Alispaic, avait

6 demandé à l'accusé de les reprendre en main. A partir de juillet 1993 et

7 jusqu'en octobre 1993, c'est-à-dire, pendant la période au cours de

8 laquelle les événements pertinents, par rapport à l'acte d'accusation, ont

9 eu lieu, diverses autorités militaires, policières et politiques avaient

10 réuni leurs forces pour traiter le problème que posaient ces deux brigades.

11 Plusieurs mois après les crimes évoqués dans cet acte d'accusation, il

12 avait été demandé de lancer une opération militaire destinée à reprendre le

13 contrôle. Cette opération connue sous le nom : "d'opération Trebevic," a eu

14 pour résultat l'arrestation de certains membres de ces deux brigades suite

15 à une fusillade au cours de laquelle un certain nombre d'hommes ont péri.

16 Le commandant de la 10e Brigade a été tué durant cette opération.

17 Compte tenu du fait que l'accusé connaissait les propensions

18 criminelles des hommes de ces deux brigades, il devait nécessairement être

19 au courant de la possibilité pour ces hommes de commettre des crimes à

20 Grabovica. Au titre de l'Article 7(3) du Statut du Tribunal, il avait pour

21 devoir d'empêcher la commission de crimes par ses subordonnés, et il aurait

22 dû être plus prudent dans le déploiement de ses troupes, et il aurait

23 également dû prendre les mesures qui s'imposaient.

24 Au nombre de telles mesures, on aurait pu penser à l'émission

25 d'ordres opportun destinés aux commandants qui étaient placés sous ses

Page 23

1 ordres, et destinés à veiller à ce qu'ils remplissent leurs obligations au

2 titre du droit international humanitaire. On aurait pu penser qu'il aurait

3 pu recourir à la police militaire ou à des services de Sécurité militaire

4 pour vérifier le comportement de ces unités. On aurait pu penser qu'il

5 aurait pu s'assurer que les civils, et en particulier les civils croates,

6 n'aient pas de contacts avec ces soldats, et qu'il aurait pu veiller à ce

7 que les soldats soient logés comme il convient - si nécessaire dans des

8 casernes ou dans des lieux gardés - mais, en tout cas, loin des civils. On

9 aurait pu penser qu'il aurait pu, personnellement, venir donner des ordres

10 pour exiger que le droit international humanitaire soit respecté. L'accusé

11 était en effet un militaire très expérimenté.

12 Comme nous le verrons au cours du procès, l'accusé n'a pris aucune

13 précaution particulière, et il n'a absolument pas persuadé ses hommes --

14 Excusez-moi, Monsieur le Président, un instant. Je suis un peu

15 enrhumé.

16 Comme je le disais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il

17 deviendra apparent qu'il n'a pris aucune précaution particulière,

18 indépendamment du fait qu'il les a convaincus de participer à l'opération

19 et qu'il a organisé leur déploiement à partir de Sarajevo sur le champ des

20 opérations en Herzégovine, les 6 et 7 septembre 1993.

21 Dans la préparation de l'opération Neretva 93, les diverses unités

22 militaires qui devaient y participer étaient censées se réunir dans une

23 zone sous contrôle musulman. Il avait été décidé de loger les membres des

24 9e et 10e Brigades dans le village de Grabovica, qui se trouvait à 11 ou 12

25 kilomètres de la centrale hydro électrique IKM de Jablanica. Grabovica

Page 24

1 était alors sous le contrôle de l'ABiH qui s'en était emparé en mai 1993.

2 Ceci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, m'amène à vous

3 parler du premier incident évoqué dans l'acte d'accusation, à savoir, le

4 meurtre de 33 civils à Grabovica.

5 Comme je l'ai déjà dit, le village de Grabovica se trouve à une

6 douzaine de kilomètres de Jablanica, le long de la Neretva en Bosnie

7 centrale. Il y a là également la route principale menant de Sarajevo à

8 Mostar.

9 Passons maintenant au système Sanction pour voir des images sur

10 l'écran.

11 Comme vous pouvez le constater, Monsieur le Président, Messieurs les

12 Juges, Grabovica se trouve au cœur d'une vallée, traversée par une rivière,

13 avec des pentes raides qui montent de chaque côté de la vallée. Avant que

14 le conflit n'affecte cette zone, la population du village était

15 majoritairement croate. Suite à la prise du village par l'ABiH en mai 1993,

16 certains des habitants croates locaux avaient refusé de partir. Ils étaient

17 donc toujours dans leurs maisons, et on les trouvait principalement sur

18 l'une des rives de la rivière. Sur l'autre rive, il y avait civils croates,

19 mais la majorité de la population était composée de réfugiés musulmans

20 venus d'autres régions de Bosnie-Herzégovine dont certains provenaient de

21 détention. En raison du fait que la population croate du village était en

22 grande partie composée de personnes âgées, une certaine co-existence s'est

23 établie entre les Musulmans et les Croates du village. Cependant, étant

24 donné que le conflit entre les Musulmans et les Croates avait déjà commencé

25 à l'époque, il devait être tout à fait clair aux yeux de tout le monde que

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1 cette co-existence était fragile.

2 C'est dans cette situation qu'il a été décidé de loger, là où ils devaient

3 l'être, les hommes célèbres des 9e et 10e Brigades. Non seulement a-t-il été

4 décidé que ces hommes seraient cantonnés à Grabovica, mais encore qu'ils

5 seraient cantonnés dans les maisons des civils croates, et ce, avant les

6 combats qui devaient les opposer à des soldats croates.

7 Les éléments de preuve permettront de démontrer qu'il y avait un autre

8 endroit où ces hommes auraient pu être logés à Grabovica, un endroit situé

9 loin des civils. Il était possible de les cantonner à Diva Grabovica, qui

10 se trouve à une distance de cinq à huit kilomètres de Grabovica, mais, en

11 dépit de l'existence de cette solution de rechange, il a été décidé de

12 loger ces soldats dans les maisons de civils croates.

13 La thèse de l'Accusation consistera à affirmer que l'accusé connaissait

14 cette décision. L'accusé, au cours de son interrogatoire en tant que

15 suspect par le bureau du Procureur, montre bien qu'il était au courant de

16 la façon dont devaient être logés ces hommes et que c'est lui qui l'avait

17 demandé. Il affirme, en effet, je cite :

18 "J'ai émis des ordres destinés aux commandants de l'Unité Zulfikar et à

19 l'équipe de Vehbija Karic, en leur disant d'attendre l'équipe de Sarajevo

20 et de procurer des logements à son arrivée."

21 Les éléments de preuve permettront de démontrer que l'accusé a bien reconnu

22 lui-même que c'était une folie de loger les soldats dans des maisons de

23 civils croates. l'Accusation présentera des éléments de preuve montrant que

24 l'accusé lui-même, lors d'une interview par un journal en 1999, déclare, je

25 cite : "Ils savaient que des frères et des fils de ces habitants Grabovica

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1 servaient dans les rangs du HVO. Donc, ce qui est arrivé était tout à fait

2 prévisible." Ce fait étant donc connu de l'accusé lorsqu'il a décidé de

3 loger ces soldats dans les maisons de civils croates.

4 Les dates exactes vous seront données au moment de la présentation des

5 éléments de preuve. Mais en tout cas, une Unité de la 9e Brigade, commandée

6 par Razim Delalic, a été envoyée pour cantonnement à Grabovica aux environs

7 du 7 septembre 1993. A ce moment-là, un groupe restreint du 2e Bataillon

8 indépendant était déjà logé dans ce village.

9 Les éléments de preuve démontreront que certains soldats s'en sont plaints

10 à Vehbija Karic, un membre de l'équipe d'inspection, a effectivement dit

11 que des habitants croates ne voulaient pas qu'ils rentrent dans sa maison.

12 Karic, en présence de l'accusé, a dit, en gestes et en mots, aux soldats de

13 régler le problème sommairement et de jeter les corps dans la Neretva si un

14 Croate refusait de loger les soldats. L'accusé ne pouvait désormais

15 entretenir le moindre doute quant au fait que des actes de violences

16 étaient une possibilité réelle de la part des soldats. Il n'a, cependant,

17 pas réagi aux observations de Karic. Il n'a pas non plus pris la moindre

18 mesure pour assurer la sécurité des civils et il n'a pris aucune

19 disposition particulière pour modifier l'organisation du logement des

20 soldats ou modifier la situation des civils.

21 La loi exige d'un commandant qu'il prenne : "Les mesures nécessaires et

22 raisonnables," afin d'empêcher la commission de crimes par ses subordonnés.

23 C'est donc une situation -- nous sommes dans une situation dans laquelle

24 nous voyons que l'accusé avait connaissance des circonstances et de la

25 probabilité que des crimes soient commis par ses subordonnés. Si, à ce

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1 moment-là, il avait ordonné que les soldats soient logés ailleurs, cette

2 action de sa part aurait sans aucun doute empêché la commission des

3 meurtres de civils croates qui a suivi, mais il n'a rien fait.

4 L'Accusation présentera des éléments de preuve démontrant que les meurtres

5 commis à Grabovica par les soldats subordonnés de l'accusé ont commencé le

6 8 septembre et se sont poursuivis le lendemain.

7 La thèse de l'Accusation consiste à affirmer que l'accusé était informé des

8 crimes au cours de la soirée du 8 septembre. Dans une interview, dans les

9 réponses que l'accusé a faites à des questions que lui posaient des

10 représentants du bureau du Procureur, il est tout à fait clair que les

11 meurtres de Grabovica se poursuivaient lorsqu'il en a entendu parler pour

12 la première fois. Selon ses propres dires, Namik Dzankovic lui a parlé des

13 meurtres de civils qui venaient d'être commis à Grabovica. L'accusé a

14 déclaré souhaiter se rendre sur place immédiatement, mais a ajouté qu'il

15 avait appris qu'il y avait encore des tirs dans la région, et qu'on lui

16 avait dit de ne pas s'y rendre.

17 Dans une déclaration faite au service de Sécurité publique en novembre

18 1993, l'accusé déclare qu'il faisait nuit lorsqu'il a entendu parler, pour

19 la première fois, des fusillades de Grabovica.

20 Je cite : "Au cours de cette journée critique, je suis rentré à Jablanica

21 et l'un des associés les plus proches de Zuka m'a dit que Zuka avait quitté

22 Grabovica en compagnie de Celo. J'ai insisté pour me rendre à Grabovica

23 immédiatement, mais les hommes de Zuka m'ont prévenu qu'il y avait de

24 nombreux tirs incontrôlés dans ce village et m'ont demandé d'attendre le

25 retour de Zuka et de Celo qui allaient me donner tous les renseignements

Page 28

1 nécessaires. J'ai accepté d'agir ainsi, et une heure après environ, Zuka et

2 Cela sont revenus. J'aimerais dire que Zuka et Celo donnaient l'impression

3 d'avoir très peur et, par conséquent, ils ne m'ont donné que très peu

4 d'information. J'ai insisté pour qu'ils me donnent davantage de détails,

5 mais ils ne l'ont pas fait, disant qu'il faisait déjà nuit et qu'ils ne

6 savaient tout simplement rien d'autre. Ils m'ont dit également qu'il y

7 avait de nombreux tirs incontrôlés à Grabovica et que se rendre dans le

8 village pour quelque raison que ce soit était très risqué."

9 Donc, pendant que les meurtres avaient lieu, l'accusé - il l'avoue lui-même

10 - a eu connaissance de ces meurtres. Il était de son devoir de traiter

11 cette situation comme une situation d'urgence et de prendre immédiatement

12 toute action nécessaire pour mettre effectivement fin à ces meurtres et

13 éliminer tout danger ou toute menace ultérieure pour les civils qui avaient

14 survécus.

15 Il y avait plusieurs actions qu'il aurait pu décider afin de mettre un

16 terme à la violence. Manifestement, il aurait dû ordonner à ses

17 subordonnés, y compris aux commandants des unités cantonnées dans le

18 village de Grabovica, de prendre des mesures immédiates afin de reprendre

19 le contrôle des troupes de Grabovica et d'empêcher tout meurtre ou toute

20 exaction à l'égard des civils survivants. En tant que commandant de

21 l'opération, il aurait pu mobiliser les membres de la police militaire afin

22 de ramener la sécurité dans le village de Grabovica. Il aurait également pu

23 faire appel au 6e Corps -- aux diverses compagnies de la police militaire

24 du 6e Corps d'armée qui étaient stationnées à Jablanica et à Konjic, ou à

25 la Compagnie de Police militaire de la Brigade de la Neretvica Pasovici. Il

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1 aurait pu mobiliser d'autres unités de l'armée en exigeant qu'elle prenne

2 des mesures immédiates pour défendre les civils survivants. Il aurait pu

3 autoriser le recours à la force contre tout soldat qui se serait opposé à

4 ces mesures et, au minimum, il aurait pu veiller à ce du personnel

5 militaire soit envoyé dans le village pour aider et traiter les blessés.

6 Il était également de son de voir d'ordonner l'arrestation et la mise en

7 détention immédiate des suspects et de lancer immédiatement une enquête.

8 Par ailleurs, compte tenu de la loyauté de Celo et d'autres hommes de la 9e

9 Brigade à son égard, personnellement, son intervention personnelle ou sa

10 présence sur les lieux aurait eu un effet stabilisateur. L'accusé n'a pris

11 aucune de ces mesures. Qu'a-t-il fait ? L'Accusation démontrera qu'il n'a

12 rien d'autre que parler à Namik Dzankovic en lui demandant de rédiger un

13 rapport sur l'incident et qu'il n'a rien fait d'autre que demander de

14 l'autre au QG et ce, même sans suivre l'application de ses ordres.

15 Suite à son inaction, les crimes commis durant la journée du lendemain ont

16 eu pour effet, que finalement, 33 civils croates ont été tués.

17 La Chambre de première instance entendra parler de Pero Maric et de son

18 épouse, Dragica. C'était un vieux couple qui habitait à Grabovica. Certains

19 soldats de la 9e Brigade mécanisée ont détruit la porte de leur maison

20 avant d'y pénétrer. Dragica était malade, incapable de quitter son lit. Les

21 soldats avaient trouvé des vivres et des boissons, ils se sont assis à

22 l'extérieur autour d'une table et ordonné au maritime, Pero, de les

23 rejoindre. Un autre soldat, Mustafa Hota, est alors arrivé, il avait à la

24 main un fusil automatique, il s'est arrêté à coté de Pero, il a levé son

25 fusil et lui a tiré une balle dans la tête.

Page 30

1 Le vieillard est tombé sur le sol et il a, à ce moment-là reçu une autre

2 balle dans la poitrine. Sa femme handicapée a hurlé à partir de sa Chambre

3 sachant que son mari venait d'être abattu. Pendant des heures, elle est

4 restée dans son lit à entendre les soldats boire et manger à l'extérieur

5 devant la maison, ne sachant pas quand ces soldats allaient venir la tuer,

6 elle. Finalement, Mustafa Hota a pénétré dans la maison et a tiré sur elle

7 alors qu'elle criait grâce.

8 Hustafa Hota a, depuis, avoué. Il a condamné pour ces meurtres. Il sert

9 actuellement une peine de prison dans la prison de Bonis.

10 La Chambre de première instance entendra également parler de deux jeunes

11 garçons, (expurgée) qui ont perdu cinq membres de leur famille au

12 cours de deux journées. Ces jeunes garçons étaient chez eux, à la maison, à

13 Grabovica, lorsque trois soldats sont arrivés et ont demandé combien ils

14 avaient de tête de bétail. Le père a obéi aux ordres de ces soldats et les

15 a conduits à l'étable. Mais, en dépit de sa coopération, les soldats ont

16 abattu le père, le grand-père et la grand-mère des deux jeunes garçons. Un

17 autre soldat, Enes Sakrak, a vu la mère et la sœur des deux garçons, une

18 petite fille de quatre ans, et les ont abattues toutes les deux. Les deux

19 garçons se sont enfuis. Lorsqu'ils sont revenus un peu plus tard, ce jour-

20 là, ils ont découvert les cadavres des cinq membres de leur famille.

21 Le bureau du Procureur présentera à la Chambre de première instance

22 d'autres exemples des meurtres de civils à Grabovica. Le Bureau du

23 procureur montrera de quelles manières les cadavres de ces victimes de

24 meurtres flottaient dans la rivière de Neretva le lendemain. L'accusé, qui

25 était le commandant militaire responsable des troupes qui était dans le

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1 théâtre et qui aient au courant des meurtres, avait l'obligation légale de

2 s'assurer que ses subordonnés, qui avaient ces crimes, soient punis;

3 cependant, l'accusé ne l'a pas fait.

4 Le bureau du Procureur montrera que les cadavres des civils assassinés ont

5 d'abord été cachés et ensuite secrètement enterrés par les membres de la 9e

6 et 10e Brigade et de l'unité de Zuka. L'accusé était dans la région et

7 s'est rendu village et, certainement, a vu les cadavres des victimes qui

8 gisaient par terre, partout.

9 Le 10 septembre 1993, les nouvelles des meurtres étaient rendues publiques.

10 Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bakir Alispaic, qui était dans la

11 région à l'époque, a suggéré à l'accusé, compte tenu des meurtres à

12 Brobovica, de suspendre l'opération Neretva afin de mener une enquête.

13 L'accusé, même s'il acceptait la responsabilité pour une enquête militaire,

14 n'a pas lancé d'enquête concernant ces meurtres sauf en demandant à un

15 assistant, sans expérience, de préparer un rapport sur les crimes.

16 La personne nommée par l'accusé, en tant que la personne responsable de

17 recueillir des informations supplémentaires contre les meurtres de

18 Grabovica, Namik Dzankovic, était membre de l'équipe chargée du contre-

19 espionnage dans le cadre de l'opération et n'avait pas d'expérience dans

20 des enquêtes criminelles majeures. Qui plus est, Dzankovic n'a jamais lancé

21 d'enquête concernant les meurtres de Grabovica et l'accusé n'a jamais donné

22 suite à cela auprès de lui.

23 L'accusé a admis cela dans sa déclaration au Service de sécurité en

24 novembre 1993 en disant : "Dzankovic ne m'a pas informé après des résultats

25 de l'enquête et je n'ai pas reçu de telles informations de qui que ce soit

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1 d'autre." L'accusé n'a pas pris d'autres mesures afin de s'assurer que le

2 subordonné -- ses subordonnés qui avaient ces crimes soient punis. En même

3 temps, il a interdit à la police civile locale de se mêler de l'enquête

4 militaire prétendus qui n'a jamais eu lieu dans la réalité.

5 Entre temps, l'opération Neretva devait se poursuivre. Le 12 septembre

6 1993, l'accusé a reçu un ordre du commandant d'élite visant à reconsidérer

7 l'échelle de l'opération, d'enquêter sur le génocide des civils, identifier

8 les auteurs et prendre des mesures énergiques. Mis à part cela, le

9 commandant d'élite a donné l'ordre à l'accusé "de faire tout ce qui est

10 dans son pouvoir afin d'empêcher de telles actions," et d'envoyer l'adjoint

11 du commandant de la 9e Brigade à Sarajevo et de soumettre un rapport

12 concernant les mesures prises.

13 L'accusé n'a pas obéi à cet ordre. Nous aurons des éléments de preuve qui

14 montreront qu'il a déchiré l'ordre de manière tout à fait méprisante. Il

15 n'a soumis de rapport à ses supérieurs hiérarchiques et n'a pas renvoyé le

16 commandant de la 9e Brigade à Sarajevo.

17 Monsieur le Président, peut-être le moment est opportun pour faire une

18 pause.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause et nous

20 allons avoir une pause d'environ 20 minutes.

21 Mme CHANA : [interprétation] Donc, 20 minutes.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 10

23 heures 35.

24 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

Page 33

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 42.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Excusez-moi de ce retard.

4 Madame Chana, est-ce que vous pouvez poursuivre ?

5 Mme CHANA : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

6 Monsieur le Président, avant la pause, je parlais de l'ordre donné le 12

7 septembre par Delic, ordre dans lequel il a demandé à l'accusé de

8 reconsidérer les chefs de l'accusation, et j'ai dit qu'il l'a déchirerait

9 de manière méprisante.

10 Le 13 septembre 1993, alors qu'il était tout à fait conscient des meurtres

11 des civils croates à Grabovica, et même quand le fait que le commandant

12 Delic et le ministère des Affaires intérieures lui avaient demandé de

13 reconsidérer la poursuite de l'opération, compte tenu de ces meurtres,

14 l'accusé, en tant que commandant de l'opération Neretva, a donné l'ordre au

15 Bataillon indépendant de Prozor, de l'ABiH, de poursuivre l'offensive selon

16 les plans.

17 En effet, il a envoyé un membre de l'équipe d'inspection pour qu'il

18 s'assure que l'ordre sera obéi. L'accusé a donné l'ordre aux troupes

19 d'attaquer et de détruire la base du HVO dans le village des Croates

20 d'Uzdol. Uzdol contient plusieurs petits hameaux dans un terrain

21 particulièrement montagneux dans la municipalité de Prozor. A l'époque,

22 cette région était peuplée presque exclusivement par les civils croates de

23 Bosnie.

24 L'offensive à Uzdol devait être lancée par le Bataillon indépendant

25 de Prozor sous le commandant d'Enver Buza. L'accusé, à l'époque, était au

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1 courant de deux faits importants qui devaient lui faire comprendre qu'il y

2 avait une possibilité que des attaques illégales soient lancées par ses

3 subordonnés contre les civils, et il aurait dû prendre des mesures de

4 précaution. Même si au premier abord, il existe des éléments de preuve

5 indiquant qu'il essayait d'empêcher des crimes d'Uzdol. Le fait qu'il était

6 au courant de cela devient pertinent pour prouver que l'accusé a omis de

7 punir les auteurs de crime.

8 Cette conscience qu'il avait est prouvée tout d'abord par le fait que

9 l'accusé savait qu'il y avait des civils dans le village d'Uzdol et

10 deuxièmement, car il savait que les soldats du Bataillon indépendant de

11 Prozor ressentaient une haine forte contre les Croates de Bosnie. Cette

12 haine était due aux hostilités qui avaient eu lieu, précédemment, entre

13 l'ABiH et le HVO à Prozor, au cours desquelles les soldats de l'ABiH

14 avaient subi une défaite cuisante. Les soldats du Bataillon indépendant de

15 Prozor avaient été utilisés en tant que boucliers humains par le HVO et

16 beaucoup ont été expulsés de Prozor ou internés dans les camps du HVO. Ils

17 ont beaucoup souffert et ressentaient une forte haine et des sentiments de

18 vengeance. Le commandant du Bataillon a appelé cela "le sang bouillant".

19 L'accusé, qui était un militaire calé, aurait du savoir à quel point il

20 était dangereux de lâcher de tels soldats dans le théâtre de la guerre, à

21 un endroit où vivaient des civils croates. Son devoir était de s'assurer

22 qu'au cours des opérations de combat, la police militaire accompagne les

23 soldats afin d'assurer la sécurité des civils. Il devait être prêt en cas

24 d'attaques illégales de ses subordonnés contre les civils, de punir les

25 auteurs de crimes. L'accusé s'est adressé cinq fois au Bataillon

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1 indépendant de Prozor avant et pendant l'opération, et à aucun moment, il

2 n'a traité de la question du respect des lois de la guerre et des

3 conséquences de leur violation.

4 Le 14 septembre 1993, le Bataillon indépendant de Prozor a lancé une

5 offensive contre la base du HVO à Uzdol, mais les forces du HVO les ont

6 repoussé et ils ont été forcés à se retirer du territoire. Certains soldats

7 du Bataillon indépendant de Prozor ont assassiné vingt-neuf civils croates

8 de Bosnie.

9 Les civils croates de Bosnie assassinés n'étaient pas des combattants et

10 n'avaient pas participé aux hostilités et ces meurtres n'ont pas été commis

11 dans le cadre du combat de deux forces belligérantes. Les civils étaient,

12 soit dans leurs lits, ou ils étaient en train d'essayer de fuir le

13 territoire à cause de leur peur des combats. Les mêmes soldats ont

14 également assassiné un soldat du HVO qui avait été capturé par l'ABiH.

15 Maintenant, nous allons utiliser le logiciel "Sanction". Cette vidéo a été

16 prise le jour des assassinats, des meurtres.

17 Jadranka Zalinika. C'est la petite fille.

18 Ceci est Ruza Zalinika, âgé de 62 ans.

19 Ceci est Stjepan Zelic, âgé de 10 ans.

20 Ceci est Marija Zelic, âgé de 13 ans.

21 Ceci est Ruza Zelic, âgé de 49 ans.

22 Ceci est Luca Lucija Rajic, âgé de 60 ans.

23 Ceci est Stanko Rajic, âgé de 66 ans.

24 Ceci est Sima Rajic, âgé de 79 ans.

25 Ceci est Mijo Rajic, âgé de 69 ans.

Page 36

1 Ceci est Ivka Rajic, âgé de 72 ans.

2 Ceci est Kata Perkovic, âgé de 70 ans.

3 Ceci est Mato Ljubic, âgé de 70 ans.

4 Les interprètes, si je peux avoir le volume.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ma dernière partie était une

6 déclaration d'Ivka Stojanovic qui vient de la déposer.

7 Simun Andjelinovic, chef du Département de la Pathologie médecine légiste

8 et scatologie à Firule, hôpital de Split en Croatie était, en charge des

9 autopsies qui ont eu lieu sur les victimes d'Uzdol. Le rapport d'autopsie

10 que le Procureur versera au dossier en tant que pièce à conviction,

11 montrera que tous les civils ont été tués par balle.

12 L'accusé n'a pas ouvert d'enquête concernant ces meurtres malgré le fait

13 qu'il a avoué lui-même qu'il avait entendu parler des meurtres, quelques

14 jours plus tard, le 17 ou le 18 septembre 1993 et malgré le fait qu'il a

15 admis, dans son entretien avec le bureau du Procureur que cela méritait une

16 enquête.

17 Le 20 septembre 1993, l'accusé a, en effet, soumis un rapport concernant la

18 mission de l'équipe des inspecteurs en Herzégovine. Ce rapport contenait

19 environ vingt recommandations. Ces recommandations traitaient des questions

20 telles que le redéploiement des officiers militaires. Il recommandait que

21 certains officiers soient remplacés et ou poursuivis en raison de leur

22 collaboration avec la HZ HB. Le rapport recommandait également qu'Enver

23 Buza, le commandant du Bataillon indépendant de Prozor soit appelé à rendre

24 des comptes et transféré à un nouveau poste en raison de ce qui était,

25 d'après l'opinion de l'accusé, un manquement professionnel de sa part,

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1 puisqu'il a retardé le début des combats des troupes à Uzdol, le 13

2 septembre 1993; cependant, nulle part, dans ce rapport détaillé de cinq

3 pages, l'on ne fait mention des meurtres à Grabovica ou Uzdol.

4 Dans une interview diffusée à la radio, le 16 septembre, quelques jours

5 après l'incident d'Uzdol, voici ce que l'accusé a dit. Maintenant, nous

6 allons diffuser cette séquence de l'entretien à la radio et nous avons le

7 transcript, également. Donc, ici, nous avons le chef d'état-major du

8 commandement Suprême, si je ne me trompe, il a organisé, conçu, et cetera,

9 coordonné et commandé une opération à grande échelle. Il va nous dire de

10 quelle manière ou plutôt comment il a évalué la participation -- la

11 contribution des combattants de Sarajevo dans cette opération.

12 [Diffusion d'une interview radio]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Je pense que ceci est important car nous avons choisi trois unités, qui

15 peuvent mener des opérations d'offensive, ce qui n'étaient pas dans notre

16 armée car, jusqu'à présent, nos unités étaient plus engagées dans les

17 opérations défensives. Après de brèves préparations, ils sont venus ici en

18 état d'urgence, en Herzégovine, et ils sont retombés sur leurs pas, 41 très

19 vite. Nous avons réalisé, il y a longtemps, que nous allions faire un front

20 homogène de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et nous allons maintenant

21 déplacer, non pas seulement ces unités-là, mais d'autres unités également

22 là où c'est nécessaire."

23 Mme CHANA [interprétation] Monsieur le Président, le massacre à Grabovica

24 et Uzdol représentait des omissions remarquables.

25 Mis à part un voyage à Sarajevo en septembre 1993, l'accusé est resté à son

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1 poste de commandant de l'opération dans la région jusqu'au 8 octobre 1993

2 et était capable d'ouvrir un enquêteur concernant le meurtre d'Uzdol et

3 punir les auteurs de crime. En tant que commandant de l'opération, il avait

4 l'autorité, la capacité et les ressources afin de prendre une action

5 immédiate et lancer des enquêtes. Il est resté au sein de l'ABiH jusqu'au

6 1er novembre 1993.

7 L'accusé n'était pas limité dans le temps ni compte tenu de ses intentions.

8 Même d'après l'aveu de l'accusé lui-même, dans sa déclaration auprès du

9 bureau du Procureur, il a appris que les meurtres ont eu lieu à Uzdol au

10 plus tard quelques jours après l'événement. Dans sa déclaration, il a dit

11 qu'il avait entendu simplement parler des "crimes" (sans donner de

12 précision de quel type de crimes il s'agissait) et il a déclaré également

13 que certaines personnes avaient affirmé que les nouvelles concernant les

14 crimes ne représentaient que la propagande croate.

15 Cependant, dans un entretien avec le bureau du Procureur, l'accusé a

16 également reconnu qu'il ne croyait pas vraiment les affirmations selon

17 lesquelles rien ne s'était passé, compte tenu, comme il l'a dit, du fait

18 que, parmi les troupes du Bataillon de Prozor, il sentait, et je cite :

19 "Qu'il y avait des tensions électriques provoquant la haine et que l'on

20 pouvait ressentir que quelque chose n'allait pas, que quelque chose dans

21 l'air."

22 Maintenant, je vais revenir au point que j'ai déjà soulevé lorsque j'ai dit

23 que l'accusé était au courant du fait que les membres du Bataillon

24 indépendant de Prozor ressentaient une forte haine, et probablement il

25 savait que les affirmations selon lesquelles il ne s'agissait que de la

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1 propagande étaient fausses. Il est clair que l'accusé disposait des

2 informations alarmantes concernant les crimes d'Uzdol. Il était de son

3 devoir d'agir suite à ces informations alarmantes immédiatement,

4 particulièrement compte tenu du fait qu'un massacre venait d'être commis

5 par les troupes de l'ABiH quelques jours avant seulement.

6 Cependant, l'accusé, tout ce qu'il a fait était d'informer verbalement

7 Delic de cet incident. Le fait de mentionner verbalement à Delic de cet

8 incident ne s'élève pas au fait de prendre une action formelle. Lorsque

9 l'accusé a écrit un rapport concernant l'opération à Neretva en 1993, il

10 n'a même pas mentionné cet incident. Dans sa déclaration, l'accusé dit que,

11 d'après ses connaissances, Delic n'a pas pris de mesures afin de demander

12 une enquête officielle au sujet des événements qui se sont déroulés à

13 Uzdol. L'accusé lui-même n'a pas fait d'efforts réels afin de s'assurer

14 qu'une enquête soit ouverte au sujet des crimes commis à Uzdol et que les

15 auteurs soient punis. Le principe de la responsabilité du supérieur

16 hiérarchique, en vertu de l'Article 7(3) du Statut de ce Tribunal, stipule

17 qu'un supérieur hiérarchique qui a des raisons de savoir que ses

18 subordonnés vont commettre ou ont commis des crimes doit prendre les

19 mesures nécessaires et raisonnables afin de les empêcher et afin de punir

20 les auteurs.

21 Le Procureur affirme que l'accusé n'a pas pris de mesures raisonnables

22 concernant les incidents de Grabovica et Uzdol et, en fait, il n'a rien

23 fait en réponse à ces incidents, malgré le fait qu'il avait des

24 informations pertinentes à ce sujet. Il n'ignorait pas son devoir en tant

25 que supérieur hiérarchique, même si l'ignorance de la loi constituait une

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1 excuse, ce qui est réfuté par le bureau du Procureur. L'accusé était un

2 commandant militaire de carrière qui avait reçu une formation

3 professionnelle en tant qu'officier et qu'il était au plus niveau de

4 l'hiérarchique militaire. Or, le principe fondamental du droit humanitaire

5 international repose dans le fait que le commandant est responsable pour le

6 comportement de ses troupes et du fait qu'ils doivent respecter la loi

7 régissant le conflit armé.

8 Ce principe de responsabilité du supérieur hiérarchique est stipulé dans

9 l'Article 7(3) du Statut de ce Tribunal : "Les forces armées militaires

10 sont une chose puissante et dangereuse qui doit être toujours tenue sous le

11 contrôle et discipline ferme. Si les commandants ne prennent pas des

12 mesures afin d'empêcher que des crimes de guerre soient commis par leurs

13 soldats, alors que le commandant a des raisons de savoir qu'ils allaient

14 les commettre, ceci peut provoquer des résultats catastrophiques."

15 Si les commandants ne prennent pas de mesures afin d'empêcher des crimes de

16 guerre qui ont -- et punir les crimes de guerre qui ont été commis par

17 leurs subordonnés, les conséquences peuvent également être très graves. Si

18 les crimes de guerre ne sont pas enquêtés, ne sont pas immédiatement

19 l'objet d'enquêtes efficaces lancées par les commandants au sujet des

20 auteurs de crimes, peut-être les auteurs ne seront jamais identifiés. De

21 plus, si une action ferme et immédiate n'est pas prise par les commandants

22 en réponse à la commission des crimes de guerre par leurs subordonnés, ceci

23 va encourager la commission de crimes semblables par d'autres supérieurs à

24 l'avenir.

25 En vertu de l'Article 7(3) du Statut du Tribunal, l'accusé avait

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1 l'obligation de prendre les mesures nécessaires et raisonnables. Dans ces

2 circonstances, quelles étaient les mesures nécessaires et raisonnables ?

3 Tout d'abord, s'agissant de l'incident dans lequel 30 civils ont été tués,

4 il doit y avoir l'obligation d'agir immédiatement. Imaginons une situation,

5 dans le code civil, dans laquelle 30 personnes ont été assassinées. Peut-on

6 imaginer que la police réponde au bout d'un mois ou même au bout d'une

7 semaine ? Clairement, lorsqu'il s'agit des incidents si graves, la police

8 va répondre immédiatement puisqu'il s'agit d'une urgence, et le moindre

9 délai dans la réponse à cette situation peut provoquer la perte des pièces

10 à conviction importantes, ce qui peut avoir pour conséquence l'incapacité

11 d'identifier les témoins-clés, et à la longue, d'identifier l'auteur, qui

12 peut rester en liberté et réattaquer. Donc, effectivement, il est

13 nécessaire de réagir immédiatement et de manière urgente. Dans le cadre de

14 la guerre, les éléments de preuve concernant le crime vont encore plus

15 probablement être perdus, à moins qu'on les sécurise immédiatement. Donc,

16 dans l'ambiance violente d'une guerre, il est encore plus important

17 d'identifier les auteurs de crimes au plus vite et de les punir au plus

18 vite.

19 Encore une fois, imaginons une situation dont la ville -- dans la situation

20 où 30 civils sont tués, si l'Article n'a pas obligé le commandement de

21 rédiger un rapport destiné à un supérieur dans lequel il est dit que la

22 question doit faire l'objet d'une enquête sans qu'un suivi ne soit assuré,

23 et sans qu'il n'y ait la moindre réaction à ce rapport ? Il faut donc qu'il

24 y ait obligation d'agir de façon efficace afin d'empêcher la commission de

25 crimes ou d'identifier et d'en punir les auteurs. Si l'Article 7(3) du

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1 Tribunal n'impose à un commandant aucune autre obligation que de rédiger un

2 rapport destiné à un supérieur, le principe de la supériorité hiérarchique

3 perd tout son sens.

4 Il est admis qu'au milieu d'une zone de guerre, au cours des

5 événements qui marquent une guerre, il peut y avoir des restrictions, des

6 limites à la possibilité qu'a un commandant d'enquêter ou de punir des

7 crimes de guerre commis par ses subordonnés. Par exemple, un commandant

8 peut se trouver dans l'incapacité d'assurer la sécurité ou de lancer une

9 enquête sur la scène même du crime si au moment en question, la scène du

10 crime a été prise par l'ennemi. Cependant, cela ne signifie pas qu'un

11 commandant peut, dans tous les cas, prétend d'être exonéré de sa

12 responsabilité hiérarchique au titre de l'Article 7(3) du Statut en raison

13 du fait qu'une guerre se mène au moment des faits. Encore une fois, si tel

14 était le cas, la responsabilité du supérieur hiérarchique perdrait tout son

15 sens. Un commandant est toujours légalement responsable au titre de

16 l'Article 7(3). Il est toujours tenu de faire ce qui est nécessaire et

17 raisonnable dans les circonstances dans lesquelles il se trouve.

18 La thèse de l'Accusation consiste à affirmer que l'accusé - et c'est

19 tout à fait clair - n'a pas été empêché d'agir immédiatement et de façon

20 efficace pour empêcher les crimes commis à Grabovica ou pour enquêter et

21 prendre les mesures nécessaires afin de punir les auteurs de ces crimes à

22 Grabovica et à Uzdol. La Défense se saurait invoquer le fait qu'il était

23 préoccupé par d'autres problèmes. Un tel argument ferait perdre tout son

24 sens à la responsabilité hiérarchique.

25 La thèse de l'Accusation consiste à affirmer que l'accusé était, à

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1 l'époque, centré sur d'autres questions, et qu'il n'a pas pris la peine de

2 se préoccuper des atrocités commises à Grabovica et à Uzdol. Ceci, Monsieur

3 le Président, Messieurs les Juges, est la situation évoquée dans l'Article

4 7(3). C'est précisément cette situation que l'Article 7(3) a pour but

5 d'empêcher, une situation dans laquelle un commandant centre son attention

6 sur la volonté qu'il a de battre l'ennemi, et ne se préoccupe pas

7 d'empêcher ou de punir les crimes commis par ses subordonnés. Le commandant

8 qui est assoiffé de gloire et de victoire ne remplit plus sa responsabilité

9 de commandement. L'accusé était un tel commandant.

10 J'ajouterais, pour être tout à fait complète, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges, qu'il est admis que l'accusé n'est peut-être la seule

12 personne responsable au titre de l'Article 7(3) des crimes commis à

13 Grabovica et à Uzdol. Dans une structure militaire, il y a une chaîne de

14 commandement, des personnes se trouvent à différents niveaux de

15 l'hiérarchie, dans la même chaîne de commandement, et elles peuvent

16 simultanément être pénalement responsable au titre de l'Article 7(3) si

17 elles remplissent toute la condition nécessaire d'avoir eu connaissance du

18 crime commis par un subordonné, et si toutes ces personnes n'ont pas pris

19 les mesures nécessaires pour réagir.

20 Il est possible, qu'en l'espèce, les incidents de Grabovica et

21 d'Uzdol, en d'autres termes, il y ait d'autres personnes au-dessus ou en

22 dessous de l'accusé dans la chaîne de commandement qui soit également

23 responsable pénalement pour n'avoir pas pris les décisions nécessaires,

24 n'avoir pas agi afin d'empêcher ou de punir ces crimes. Cependant, la

25 Chambre de première instance n'est pas appelée dans la présente procédure à

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1 décider si tel est le cas ou pas. La question qui se pose en l'espèce

2 consiste à savoir si l'accusé n'a pas pris les mesures nécessaires et

3 raisonnables qui relevaient de son obligation légale en tant que

4 commandant. L'Accusation prouvera an cours du procès que l'accusé n'a pas

5 pris ces mesures.

6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation a la charge

7 de la preuve en l'espèce contre l'accusé au-delà de toute doute

8 raisonnable. Dans les semaines qui viennent, elle présentera des éléments

9 de preuve et des témoins qui rempliront ce devoir.

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à moins qu'il y ait autre

11 chose sur quoi je puisse vous aider, j'en suis arrivé au terme de mon

12 propos liminaire.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres

14 questions à évoquer, notamment, au sujet des témoins à venir ? Est-ce que

15 les parties souhaiteraient porter certaines questions à l'attention de la

16 Chambre ?

17 Oui, Monsieur Weiner.

18 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, le premier témoin

19 demande des mesures de protection. Peut-être pourrait-il y avoir une

20 audience immédiatement à ce sujet ou un autre jour pendant la matinée.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

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11 Pages 45-52 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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1 [Audience publique]

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Maître Morrissey.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, il y a un certain

4 nombre de questions d'intendance que nous aimerions évoquer. Nous tenons

5 compte des contraintes de temps évoquées par vous-même, Monsieur le

6 Président, nous tenons compte également du fait qu'un certain nombre de

7 questions pourraient bénéficier de discussions entre la Défense et

8 l'Accusation et je dirais que j'aimerais évoquer un certain nombre de

9 questions assez diverses, demain, à la fin de la déposition du témoin. Nous

10 estimons que cette déposition devrait d'achever dans les délais prévus.

11 Donc, la Chambre pourrait peut-être intervenir pour nous donner la parole.

12 Je préférerais cela à les énumérer, très rapidement et très

13 superficiellement, aujourd'hui, puisque le temps nous manque. Mais il y un

14 certain nombre de questions, assez disparates, dont nous aimerions parler,

15 qui seront d'ailleurs présentées par M. Mettraux, mon co-conseil, et nous

16 avons également des préoccupations qui portent sur la liste des témoins,

17 sur les informations préalables des témoins qui seront cités à la barre, et

18 toutes sortes d'autres questions d'importance diverse.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais pourriez-vous nous en donner une

20 idée rapidement ?

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président.

22 D'abord, la question des témoins prévus pour la deuxième semaine. On nous

23 indiqué que deux témoins, témoins oculaires de crimes, seront cités suite

24 aux discussions qui ont lieu avec vous, Monsieur le Président, Messieurs

25 les Juges, Messieurs les Juges. Il s'agit, notamment, du témoin Salko

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1 Gusic. J'indiquerai à la Chambre que M. Gusic sera un témoin dont

2 l'audition durera sans doute plus longtemps que les témoins habituels de

3 l'Accusation. En dépit d'un certain nombre de requêtes, nous a soumis des

4 indications qui nous poussent à envisager un contre-interrogatoire un peu

5 plus long que celui que nous avions prévu pour M. Gusic.

6 Il est fort probable que la Chambre que le contre-interrogatoire est peut-

7 être un peu long et, à long terme, nous espérons que cela pourra aider les

8 Juges car cela signifie qu'un certain nombre de documents seront soumis à

9 ce témoin qui seront ensuite versés au dossier.

10 Mais nous le faisons savoir à la Chambre car il est fort possible que cette

11 déposition dure plus longtemps que prévue. D'autres témoins, nous

12 l'espérons, seront entendus dans un temps beaucoup plus court.

13 J'ai donc indiqué cela à l'Accusation et nous avons donc besoin de savoir

14 quel est l'ordre des témoins pour pouvoir nous préparer. Compte tenu du

15 chaos dans lequel se déroule le début de ce procès, nous espérons,

16 néanmoins, que l'Accusation sera bientôt capable de répondre à cette

17 questions.

18 Autre questions que nous aimerions soulever. Elle concerne les mesures de

19 protection de façon générale. Nous aimerions qu'une procédure très ordonnée

20 soit suivie, en matière de mesures de protection, de façon à ce qu'il n'y

21 ait pas d'infractions au principe de l'équité. Cela n'a pas été le cas,

22 aujourd'hui, mais il est possible que la Défense se voit lésée si des

23 demandes de mesures de protection sont présentées à la dernière minute car

24 certains témoins, ces demandes émanant de certains témoins ne seront pas

25 acceptées par la Défense si elles sont proposées. Par conséquent, nous le

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1 disons d'emblée.

2 Monsieur le Président, pourriez-vous m'excuser ?

3 [Le conseil de la Défense se concerte]

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Le problème de la traduction des documents.

5 Nous recevons une certaine aide pour obtenir des documents de la Défense.

6 J'aimerais dire à ce sujet que s'agissant du témoin, M. Gusic, et cela

7 serait regrettable si la chose survenait. Mais il est possible que certains

8 documents que nous souhaitons lui soumettre ne soient pas encore traduits

9 au moment où nous voudrons le faire. Si cela devait être le cas, il m'est

10 apparu utile de le faire savoir à la Chambre aujourd'hui, de façon à ce que

11 l'Accusation puisse se prononcer également et, bien entendu, l'audition de

12 M. Gusic ne se fera pas dans l'immédiat. Il peut y avoir un reste de

13 contre-interrogatoire qui devra, dans ce cas, être reporté à une date

14 ultérieure. Le témoin devrait pouvoir revenir ou être entendu par

15 visioconférence au cas échéant, un peu plus tard, afin de subir ce reste de

16 contre-interrogatoire. Nous espérons que la chose ne sera pas nécessaire

17 mais nous préférons l'évoquer immédiatement de façon à ne pas perdre de

18 temps.

19 Monsieur le Président, il y a toutes sortes d'autres questions dont

20 j'aimerais parler mais mon co-conseil vous en présentera brièvement

21 quelques unes.

22 M. METTRAUX : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président.

23 Toutes les questions que j'aimerais soulever portent sur la communication

24 des pièces et peut-être résumer brièvement. La première concerne le

25 document communiqué au titre de l'Article 68 du Règlement dont nous avons

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1 déjà parlé la semaine dernière. Nous souhaitons simplement noté le fait

2 qu'une autorisation doit être donnée pour que les 14 documents, au titre de

3 l'Article 68, puissent être recherchés.

4 Deuxième questions portant sur la communication est la chaîne de

5 conservation de pièces à conviction de l'Accusation, ou en tout cas, des

6 pièces que l'Accusation entend soumettre au dossier. Il était entendu, à un

7 certain moment, que la Défense recevrait une mention détaillée de la chaîne

8 de conservation des pièces à conviction de l'Accusation lorsque cette

9 dernière a déposé sa requête au titre de l'Article 68 ter du règlement pour

10 modifier la liste de ces pièces. Nous n'avons pas encore obtenu ce

11 document.

12 Nous avons dit, la semaine dernière, que certaines déclarations de témoins

13 manquaient. Témoins que l'Accusation entend entendre. La Défense, pendant

14 le weekend, a découvert une autre déclaration préalable qui semble lui

15 manquer, il s'agit de la déclaration de Témoin B, qui doit comparaître

16 cette semaine en tant que témoin ou peut-être mercredi ou jeudi. Les deux

17 autres témoins sont Témoin D et Mme Miletic ou Mlle Miletic.

18 Autre question, concernant le témoin Gusic. La Défense a demandé à recevoir

19 des documents relatifs au statut de suspect de

20 M. Gusic qui a duré un certain temps. Nous aimerions dire aux Juges que

21 nous n'avons encore reçu aucun document de ce type de la part de

22 l'Accusation.

23 S'agissant des pièces à conviction, nous avons discuté rapidement de la

24 question la semaine dernière. La liste ou le tableau reçu, pour être plus

25 précis, des pièces à conviction que l'Accusation entend verser au dossier.

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1 Nous aimerions informer la Chambre que 70 ou 80 % de ces nouvelles pièces à

2 conviction ne sont pas encore traduites en anglais et, comme vous pouvez

3 l'imaginer, il est impossible pour les conseils de la Défense de lire ou de

4 comprendre, donc, ces documents entièrement.

5 Dernière question que j'aimerais évoquer devant les Juges, à ce stade, elle

6 porte sur une ordonnance du Président de ce Tribunal, en date du 24 janvier

7 2005, où il est ordonné à l'accusation de demander l'autorisation de la

8 Chambre pour communiquer à la Défense des documents relatifs à la confirme

9 de l'acte d'accusation contre

10 M. Halilovic. Cette demande de l'Accusation n'a pas encore été présentée et

11 la question est pertinente quant à la possibilité pour la Défense de

12 contre-interroger un certain nombre de témoins. Donc, nous serions

13 reconnaissants que cette question soit réglée rapidement.

14 Je vous remercie.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Une réponse de l'Accusation ?

16 M. RE : [interprétation] Oui. Je vais répondre à ces questions et mon

17 collègue, M. Weiner, répondra aux autres.

18 La dernière question évoquée par Me Mettraux porte sur la demande d'une

19 autorisation. Je ne suis pas au courant du fait que le Président ait rendu

20 cette décision, apparemment, il y a une semaine. Je demande donc,

21 oralement, une nouvelle fois à la Chambre de demander que soient

22 communiqués à la Défense, car je crois comprendre que c'est ce que Maître

23 Mettraux a dit, afin que soient respectées les instructions du Président.

24 Deuxième à la déclaration préalable de Témoin B. Je réponds à cela car

25 il s'agit du deuxième témoin que j'interrogerai. Dans sa déclaration au

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1 préalable, il déclare, je cite : "Je pense que c'est la quatrième fois que

2 je suis interrogé par le bureau du Procureur." La Défense, hier, a envoyé

3 une lettre dans laquelle il est dit qu'il a été interrogé quatre fois. Ce

4 n'est pas le cas. Comme cela figure dans sa déclaration préalable, il

5 pensait avoir été interrogé trois fois. La Défense dispose de ces trois

6 déclarations et il n'y a rien d'autre à communiquer.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Weiner, est-ce que vous voulez

8 ajouter quelque chose ?

9 M. WEINER : [interprétation] En quelques mots, Monsieur le Président.

10 S'agissant de Gusic, la requête dont certains documents elle est soumise à

11 la Chambre en ce moment, donc, nous n'avons rien entrepris.

12 S'agissant du statut de suspect de ce témoin, comme nous l'avons déjà

13 dit clairement durant l'audience, ce n'est pas un suspect à l'heure

14 actuelle. Il ne fait l'objet d'une enquête en ce moment, il n'est plus

15 suspect en ce moment. Je vous remercie.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

17 Ces diverses questions ont été évoquées, ce moment veut.

18 D'abord, la liste des témoins. Nous n'avons que trois témoins prévus cette

19 semaine, ce qui n'est pas suffisants. Je pense que j'ai dit que le premier

20 groupe de témoins devrait être entendu pendant les deux ou trois premières

21 semaines du procès. J'espère que l'Accusation pourra compléter la liste des

22 témoins qu'elle entend citer à la barre au moins d'ici à la semaine

23 prochaine, de façon à ce que la Chambre et la Défense puissent se préparer

24 dans les délais requis.

25 Oui, Monsieur Weiner.

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1 M. WEINER : [interprétation] Monsieur le Président, nous déposerons cette

2 liste cet après-midi.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Vous auriez dû le faire

4 vendredi dernier.

5 Autre question, la traduction. La présente Chambre de première instance a

6 été déçue d'entendre que de si nombreux documents n'étaient pas encore

7 traduits dans une langue que l'équipe de la Défense comprend, ce qui risque

8 de retarder la procédure. Dans la pratique, tout dépend de la longueur de

9 ces documents et de la façon dont ils vont être utilisés au cours du

10 procès. Si simplement quelques phrases sont retirées d'un document pour

11 être cité par les deux parties, nous pourrons nous appuyer sur

12 l'interprétation orale. Mais si c'est la totalité d'un document très

13 important pour les deux parties qui est pris en considération, il faut que

14 le document soit traduit dans une langue comprise par tout le monde. Nous

15 verrons jusqu'où nous pourrons aller, mais il est possible que nous ayons à

16 suspendre la procédure pour des problèmes de traduction à un moment ou à un

17 autre.

18 Quant à l'ordonnance émanant du président et enjoignant de communiquer les

19 documents à l'appui de l'acte d'accusation, je crois que la Chambre de

20 première instance peut faire droit à cette requête de façon à ce que

21 l'équipe de l'Accusation communique tous les documents à l'appui de l'acte

22 d'accusation à la Défense dans les délais les plus brefs.

23 Pour ce qui est des mesures de protection, j'estime que s'il y a une

24 demande d'audience à huis clos ou à huis clos partiel, il sera nécessaire

25 d'en discuter en détail. Mais pour ce qui est des autres mesures de

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1 protection, y compris la modification des traits du visage et le

2 pseudonyme, j'espère simplement que la partie qui demandera les mesures de

3 protection en question pourra en informer la Chambre verbalement, et pourra

4 également donner un motif valable pour cette demande.

5 Quant aux autres requêtes dont on parlé, la Chambre les examine. Nous avons

6 commis que nous rendrions notre décision dans les meilleurs délais

7 possibles.

8 Y a-t-il d'autres questions que l'on souhaite évoquer ?

9 Oui, Madame Chana.

10 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une question

11 dont j'ai entendu le conseil de la Défense parler. Le conseil de la Défense

12 a parlé de certains documents qu'ils pourraient montrer à M. Gusic, et qui

13 ne seraient peut-être pas traduits. Nous serions -- si tous ces documents

14 qu'ils vont utiliser pour leur contre-interrogatoire pouvaient nous être

15 remis même s'ils ne sont pas traduits pour que nous puissions y jeter un

16 coup d'œil. Je pense que ceci devrait être la pratique en tout état de

17 cause, que la Défense remette à l'Accusation les documents qu'ils vont

18 utiliser lors d'un contre-interrogatoire de façon à ce que nous en ayons

19 connaissance, que nous soyons prêts et que nous puissions procéder aux

20 préparatifs nécessaires.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] D'une façon générale, l'équipe de la

22 Défense n'a pas l'obligation de présenter des documents d'avance pour un

23 contre-interrogatoire. Je pense que la même règle s'applique également pour

24 l'Accusation.

25 Nous verrons comment les choses évolueront lors du procès proprement dit.

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1 Il est très difficile pour nous de préjuger de quoi que ce soit parce que

2 nous n'avons pas ces documents. Nous ne sommes pas saisis nous-mêmes des

3 documents en question. Mais le contre-interrogatoire est quelque chose de

4 tout à fait différent en ce qui concerne la pratique que l'interrogatoire

5 principal.

6 Oui, Monsieur Morrissey.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Pourrions-nous tout simplement dire que nous ferons tout ce qui est dans

9 notre possible pour aider tous ceux qui sont intéressés à ce procès à cet

10 égard. Nous n'avons rien à ajouter par rapport à ce que vous avez dit à cet

11 égard.

12 Il y a une question que j'ai omise d'évoquer, c'est très bref. Lorsqu'une

13 requête pouvait être présentée afin qu'un témoin puisse déposer par

14 vidéoconférence ou par lien vidéo, la Défense doit pouvoir en être avisé

15 avec suffisamment de temps. Dans certains cas, il sera nécessaire que

16 l'interrogatoire soit fait, ou tout au moins que le Tribunal ait reçu des

17 documents sur lesquels il pourra agir. Dans certains cas, ces documents

18 pourraient être contestés ou pourraient ne pas être acceptés, tout

19 simplement, sous forme d'affirmation. Plutôt que d'exiger que des témoins

20 viennent en personne immédiatement à La Haye ou qu'il y ait un lien vidéo

21 au moment où la requête est présentée verbalement, il se faudrait qu'on

22 nous dise un peu d'avance, on doit nous indiquer à l'Accusation et aux

23 membres de la Chambre quelle est la nature de toute controverse qui

24 pourrait y avoir, et ainsi on gagnerait du temps et on gagnerait également

25 en efficacité. Je voulais simplement que l'on puisse être avisé de cela, et

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1 nous espérons que l'Accusation voudra bien nous en aviser.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir rappeler ce

3 point.

4 Pour franchement parler, nous n'avons pas été informé de la date exacte à

5 laquelle ces deux vidéoconférences auront lieu pour le moment. J'espère que

6 nous pourrons obtenir ces renseignements dès que possible après

7 consultations qui auront lieu entre l'équipe de l'Accusation et le Greffe.

8 Pour finir, je pense que nous avons évoqué toutes les questions nécessaires

9 pour aujourd'hui. Demain, à 14 heures 15, nous entendrons le premier témoin

10 dans cette même salle d'audience.

11 Je lève la séance.

12 --- L'audience est levée à 11 heures 42 et reprendra le mardi 1er février

13 2005, à 14 heures 15.

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