Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 5 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience, veuillez

7 citer l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

9 les Juges. Affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

11 Bonjour, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous m'entendez ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous êtes-vous bien reposé, hier ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Etes-vous prêt ? Pouvez-vous commencer ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons essayer d'en terminer avec

18 votre déposition aujourd'hui.

19 Oui, Maître Morrissey, vous pouvez poursuivre votre contre-interrogatoire.

20 LE TÉMOIN: KAZO ZELENIKA [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

23 Contre-interrogatoire par M. Morrissey : [Suite]

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zelenika. Monsieur Zelenika, au

25 moment où vous êtes arrivé au village, vous avez vu qu'il y avait eu des

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1 combats importants à l'école où se trouvait le QG du 3e Bataillon de la

2 Brigade Rama; est-ce exact ?

3 R. Je ne l'ai pas vu, car les combats étaient déjà terminés lorsque je

4 suis arrivé.

5 Q. Oui. La question n'a peut-être pas été bien formulée. Vous saviez qu'il

6 y avait eu des combats intenses à l'école; c'est exact ?

7 R. Je ne sais pas; je ne l'ai pas vu. J'ai vu des soldats, mais de quel

8 genre de combats, il s'est agi, je ne le savais pas.

9 Q. Très bien. Connaissiez-vous un soldat du nom de Gusto Vlajcic ?

10 R. Oui. Il travaillait dans les transmissions à l'école. Lui, il saurait

11 mieux que moi comment ils étaient ces combats, parce que lui, il était à

12 l'école; moi, j'étais à Prozor.

13 Q. Oui. Au moment des combats, vous connaissiez bien

14 M. Vlajcic ou non ?

15 R. Je l'avais connu depuis longtemps. Il travaillait à l'école, voilà.

16 Q. Oui.

17 R. Il est de Kranjici. C'est le village voisin.

18 Q. Vous le connaissez toujours encore aujourd'hui; c'est exact ?

19 R. Oui, il est secrétaire de l'école. Je le connais.

20 Q. Je vois. C'est quelqu'un qui a fait des études ?

21 R. Oui.

22 Q. Ainsi que vous-même; c'est exact ?

23 R. Oui, moyen, je ne sais pas.

24 Q. Il n'y a personne d'autre qui s'appelle Gusto Vlajcic dans votre

25 village ou dans le village voisin ?

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1 R. Non, pas dans cette commune, localité.

2 Q. Dans votre zone, il n'y a pas d'autres personnes qui s'appellent Kazo

3 Zelenika, n'est-ce pas ?

4 R. Non, il n'y a pas.

5 Q. D'accord. Vous-même, Monsieur Vlajcic, vous avez collaboré sur la

6 rédaction d'un livre qui porte sur les morts à Uzdol, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite

9 présenter un exemplaire du livre au témoin, et je vais lui poser quelques

10 questions.

11 Q. Je voudrais d'abord présenter le livre. Est-ce qu'il vous semble que

12 c'est bien un exemplaire du livre que vous avez rédigé avec M. Vlajcic en

13 tant que co-auteur ? Si nécessaire, je peux vous remettre le livre.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pouvez-vous nous dire quel est le titre,

15 Maître Morrissey ?

16 M. MORRISSEY : [interprétation] "Uzdol", c'est le titre. C'est le livre

17 dont le titre est "Uzdol".

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai des exemplaires ici. Malheureusement,

20 comme il y a eu un malentendu technique hier, on n'a pas pu faire entrer le

21 livre dans le système informatique, mais nous avons des exemplaires que je

22 vais demander que l'on distribue maintenant. Nous avons le livre en

23 anglais. Nous avons des traductions en B/C/S. J'ai vu qu'il y avait

24 quelques petits problèmes de traduction, je vais demander au témoin de nous

25 vérifier le texte B/C/S. S'il y a des écarts, s'il y a des différences, il

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1 pourra nous le signaler.

2 Je demande que l'on remette un exemplaire au témoin.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI -- L'INTERPRÈTE :

4 N'a pas entendu la cote. Les interprètes ont demandé un exemplaire.

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais, ou

6 plutôt je viens d'entendre que l'on demande une copie pour les interprètes.

7 Je vais contre-interroger au sujet de certains aspects de ce livre. J'ai

8 l'original que je peux verser au dossier à la fin de l'interrogatoire. Je

9 vais m'en servir, j'ai mes notes ici. Je ne voudrais pas qu'il y ait une

10 confusion ou un doute quel qu'il soit au sujet du livre.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle sera la cote du livre ?

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera MFI315.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

14 M. MORRISSEY : [interprétation] MFI315, c'est une pièce que nous allons

15 essayer de rentrer dans le système informatique. Nous avons essayé de le

16 faire hier, mais nous n'y sommes pas parvenus.

17 Q. Monsieur Zelenika, est-ce que vous pouvez vous reporter en première

18 page où on voit des remerciements. Je vais vous montrer la page, pas celle-

19 ci mais l'autre. Très bien. Est-ce que vous avez la page ?

20 R. Non.

21 Q. C'est autour de cette liasse, la troisième page de la liasse

22 photocopiée, à gauche sur la troisième page. L'avez-vous ?

23 R. C'est vide.

24 Q. Est-ce que vous avez la page --

25 R. La quatrième.

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1 Q. On voit l'intitulé, "Sarajevo le 9 octobre l'an 2000 ?"

2 R. Oui, je l'ai.

3 Q. A gauche, est-ce que vous avez une page qui commence par le mot,

4 "izdavac" signifiant éditeur ?

5 R. Oui, je l'ai.

6 Q. Voyez-vous votre nom sur cette page ?

7 R. Je le vois.

8 Q. Très bien. Voyez-vous le nom de Gusto Vlajcic sur cette même page ?

9 R. Je le vois.

10 Q. Très bien. Est-ce qu'on voit le mot "texte" apparaître sur votre page ?

11 R. Oui. Excusez-moi --

12 Q. Une seconde. Je vais vous poser beaucoup de questions.

13 R. Je vous en prie.

14 Q. Je voudrais simplement préciser qui sont les auteurs. Lorsqu'on voit

15 "obrada teksta" ici, il n'y a pas de traduction anglaise de ce thème.

16 Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie, puisque cela apparaît en

17 association avec le nom de Gusto Vlajcic ?

18 R. Puisque je connaissais ces personnes, je connaissais leur date de

19 naissance des les registres. Tout cela, ce sont mes voisins, mes amis, mes

20 proches, mes parents, j'ai rédigé une biographie de tout un chacun. Puis,

21 lui --

22 Q. Excusez-moi. Je vous remercie. A ce stade, ce que je voudrais préciser,

23 c'est la signification de certains mots. Vous voyez le mot "texte" au-

24 dessus de votre nom, Kazimir Zelenika ?

25 R. Oui.

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1 Q. Que signifie le mot "texte" ici, d'après vous ?

2 R. C'est rédaction des biographies de ces personnes en quelques phrases;

3 où elles sont nées, quand elles sont nées, ce qu'elles faisaient. Lorsqu'on

4 voit plus loin "obrada", c'est - si moi, j'ai fait une petite erreur

5 linguistique, bien, celui qui a corrigé figure là sous "obrada teksta."

6 Q. Je comprends.

7 R. Après, on a "dorada" [phon]. C'est encore plus sophistiqué, plus

8 perfectionné pour corriger le texte.

9 Q. Très bien. Vous avez rédigé le texte. Gusto Vlajcic l'a revu, l'a relu

10 pour s'assurer qu'il est bien correct ?

11 R. Oui.

12 Q. Après, c'est le Dr Tomo Vuksic qui a corrigé par la suite ?

13 R. Oui, sauf qu'il y a quelques personnes que je ne connaissais pas. Il y

14 a un certain nombre de soldats qui ont été rajoutés. Ces textes ont été

15 rédigés par la suite par d'autres personnes, parce qu'ils étaient

16 originaires d'autres localités ou terrains que je ne connaissais pas. J'ai

17 rédigé les anciens. Pour le reste, ce sont d'autres qui les ont rédigés.

18 Ils ont aussi demandé et recherché leurs photos.

19 Q. Très bien. Je vais me limiter à des questions qui portent sur les gens

20 d'Uzdol. Par exemple, si vous ne connaissiez pas un des membres de

21 l'équipage du char, et cetera, vous pouvez nous dire ce que vous avez à

22 préciser à leur sujet. Page 61, s'il vous plaît. Nous avons une

23 photographie de Ruza Zelic.

24 Un instant, s'il vous plaît.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

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1 au témoin de donner lecture de la version en B/C/S, parce que la traduction

2 qui figure ici n'a pas été vérifiée ni certifiée d'aucune manière par le

3 CLSS. Je vais demander au témoin de nous en donner lecture. Les interprètes

4 ont reçu les exemplaires; ils pourront suivre. Je leur demanderais de faire

5 au mieux en faisant une interprétation simultanée au vu du texte.

6 Q. Monsieur Zelenika, je vais vous demander maintenant de nous donner

7 lecture de ce texte en croate qui concerne Ruza Zelic. Je vais vous

8 demander de ne pas lire trop rapidement pour que les interprètes puissent

9 vous interpréter. Donnez-en lecture, s'il vous plaît, pour que tout le

10 monde puisse entendre.

11 R. "Ruza Zelic, né Dzalto, né en décembre, le 25 décembre 1944 à Uzdol, du

12 père Mijo et mère Mara née Grubesa."

13 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin peut ralentir, s'il vous plait ?

14 M. MORRISSEY : [interprétation]

15 Q. Je vous présente mes excuses. Puisqu'on vous interprète, il faudra que

16 vous en donniez lecture lentement. Est-ce que vous pourriez, s'il vous

17 plaît, faire cet effort pour les interprètes ? Merci.

18 R. Est-ce que je reprends à partir du début.

19 Q. Oui, je vous en prie.

20 R. "Ruza Zelic, né Dzalto, le 25 décembre 1944 à Uzdol, de père Mijo et de

21 mère Mara, née Grubesa. Elle s'est mariée le

22 24 février 1965 à Uzdol en épousant Josip Zelic. Avec Josip, elle a eu six

23 enfants; quatre fils et deux filles. Que dire au sujet de Ruza ? C'est une

24 femme forte, de constitution solide, honnête. Son Josip était mineur. Il a

25 travaillé dans de nombreuses localités de Croatie. Il se rendait chez lui à

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1 la maison lorsqu'il recevait son salaire. Ils ont construit une nouvelle

2 maison, et c'est là qu'ils ont emménagés. Ils ont beaucoup travaillé, sans

3 relâche. Josip, soudainement, est tombé malade, et il a été hospitalisé à

4 Split. Après une brève hospitalisation et maladie, il est décédé à Split le

5 27 mai 1992. Ruza est restée veuve avec des enfants. La guerre a commencé.

6 Le fils Ivan est tombé le 24 janvier 1993 sur relais Uskoplje. Accablée de

7 chagrin et de tristesse, elle vit avec ses enfants Marko né en 1978;

8 Marija, 1980; et Stjepan, 1983, jusqu'à sa mort le 14 septembre 1993. Des

9 soldats musulmans, membres de l'ABiH ont commencé à tirer autour de la

10 maison. Ruza a lancé une grenade à main à travers la fenêtre. Elle est

11 sortie avec les enfants. Elle s'est enfuie à 500 mètres de distance jusqu'à

12 la route où les soldats musulmans l'ont rattrapé, d'autres l'ont tuée en

13 tirant une rafale. Le petit Stjepan, nu, a été égorgé avec un couteau, et

14 sa fille Marija a été tuée au milieu de la route avec une rafale. Qu'elle

15 repose en paix."

16 Q. Très bien. C'est vous-même qui avez rédigé ce texte, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, je l'ai rédigé, mais il y a ici quelques modifications. J'ai

18 rédigé cela à la main, et eux, ils l'ont corrigé quand ils l'ont scanné,

19 quand ils l'ont retapé. Cela, ce n'est pas mon texte original. Il a été

20 coupé par ceux qui ont retravaillé le texte. J'ai donné deux bases. Pour ce

21 qui est des informations, des données, la date de naissance, la date de

22 décès, cela, c'est moi et c'est exact. Mais il y a quelques modifications

23 dans le texte.

24 Q. Où est-ce que vous vous êtes procuré les informations au sujet de la

25 grenade à main qui a été lancée, Monsieur Zelenika ?

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1 R. Cela, je n'ai pas reçu cette information. Lorsque j'ai rédigé mes

2 textes pour chacune de ces personnes, je ne l'ai plus revu par la suite, et

3 je n'ai reçu le livre qu'une fois qu'il a été publié. Quelqu'un a traduit

4 le livre en anglais, en allemand. Moi, j'ai tout rédigé à la main.

5 Q. Au moment où vous avez rédigé à la main votre texte, --

6 R. Quelqu'un a écrit ce détail sur la grenade à main.

7 Q. Quelqu'un d'autre l'a ajouté de manière erronée. C'est cela que vous

8 êtes en train de nous dire ?

9 R. Oui, quelqu'un a ajouté quelque chose. Peut-être qu'il connaissait

10 mieux les choses que moi. Je savais les dates de naissance, de décès, les

11 mariages, si quelqu'un était marié. Mais eux, ils ont ajouté des choses par

12 la suite. C'est pour cela qu'il y a plus, puis, certaines choses ne peuvent

13 pas être traduites. Qu'en sais-je ? Ils me disaient : Ne t'en fâche pas, il

14 y a des choses qu'on a modifiées pour qu'on traduise plus facilement. Je ne

15 sais pas.

16 Q. Oui. Un instant, s'il vous plaît. Cette erreur, ce détail pour lequel

17 vous dites que c'est une erreur au sujet de la grenade à main, est-ce que

18 vous avez fait remarquer cela à quelqu'un, à qui que ce soit, après avoir

19 vu le livre ?

20 R. Non. Le livre était déjà sorti. Ils étaient tirés à je ne sais pas

21 combien d'exemplaires. Ce livre, il devait aider la construction de ce

22 centre à la mémoire des civils morts. C'est le prêtre de la paroisse qui

23 faisait cela et quelqu'un à Sarajevo. Je ne sais pas quel a été le tirage.

24 Moi-même, je n'ai pas vendu le livre. C'était une incitation à rassembler

25 des fonds pour pouvoir construire ce centre.

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1 Q. Oui, je vous entends. Pour le moment, je voudrais qu'on s'en tienne à

2 la grenade à main. Etes-vous en train de dire que c'est Gusto Vlajcic qui a

3 ajouté ce détail au sujet de la grenade à main qui aurait été lancée ?

4 R. Cela, je ne peux pas le savoir. Lui aussi, il a retravaillé le texte,

5 lui, mais il n'était pas le seul. J'ai tout rédigé dans mon bureau, et j'ai

6 remis cela. Je l'ai donné au prêtre de la paroisse et j'ai donné à ce

7 monsieur, je ne sais pas comment il s'appelle, ce docteur, Père Tomo

8 Vuksic.

9 Q. Mais on voit qu'il s'agit là d'un ecclésiastique, c'est quelqu'un qui

10 travaille pour l'Église catholique, on le voit clairement.

11 R. Probablement oui, pendant qu'il travaillait avec le prêtre, mais, je ne

12 le connais pas. Cela a été édité à Sarajevo, je ne sais pas qui l'a édité

13 d'ailleurs. Voilà, on voit, cela a été tiré à 2 000 exemplaires.

14 Q. D'accord. Mais restons-en à la question de la grenade à main. Je

15 voudrais savoir qui a mis cela dans le livre puisque vous affirmez que ce

16 n'est pas vous. Qui d'autre a revu et relu le livre, en plus de ceux qui

17 sont mentionnés dans ces pages de garde ? Vous et Gusto Vlajcic ?

18 R. Je ne sais pas, tout simplement, on m'a demandé de préciser ces données

19 et je leur ai dit : Mais je ne sais pas écrire. On m'a dit : Mais si, toi

20 tu connais tous ces détails, les noms des pères et mères, décès, décès de

21 l'époux. Ils m'ont dit : On va rédiger un livre, on va l'éditer. Je ne sais

22 plus à quel prix il devait se vendre. Il me semble que c'était 10 marks.

23 Q. Très bien, peu importe le prix, mais pour le moment, c'est la grenade à

24 main qui nous intéresse. Alors est-ce que vous êtes en train de nous dire

25 que c'est peut-être le prêtre du coin qui aurait ajouté cela ?

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1 R. Cela, je ne peux pas le dire.

2 Q. La page trois que vous avez déjà examinée, est-ce qu'elle nous donne un

3 autre nom, quel qu'il soit, d'une personne quelle qu'elle soit, qui aurait

4 contribué à la rédaction du livre ?

5 R. Je ne sais pas. J'ai simplement rédigé ces textes brefs sur les dates

6 de naissance et autres, moi, j'ai remis cela au prêtre. Après, j'ai vu le

7 livre quand il a été publié. J'ai vu qu'il y avait des photographies, c'est

8 lui qui a collecté les photos, qui les a cherchées dans le village. Il me

9 semble aussi qu'il y a eu deux tirages de ce livre, parce qu'on a en omis

10 quelques uns, quelques individus qu'on a rajoutés dans la deuxième édition.

11 Q. Revenons à la grenade à main, s'il vous plaît.

12 A l'époque, vous saviez très bien que Ruza Zelic, la personne

13 décédée, avait des grenades à main dans sa maison et qu'elle était prête à

14 se défendre, qu'elle s'apprêtait à se défendre pendant qu'elle était encore

15 en vie.

16 R. Mais je ne pouvais pas le savoir, comment pouvais-je le savoir ? Je

17 n'avais aucune idée de qui aurait jeté une bombe. La bombe a été jetée

18 devant cette vieille maison, sous la fenêtre. Ruza était à 500 mètres de

19 distance. Elle a été tuée sur la route. Comment est-ce que j'aurais pu le

20 savoir, comment est-ce que j'aurais pu penser qu'elle avait une grenade ?

21 Pas l'ombre d'une idée, c'était une femme assez forte, assez solide, mais

22 comment pouvais-je savoir si elle savait manier une grenade, non.

23 Q. Je reviendrai plusieurs fois à l'avenir à ce livre.

24 Maintenant, Monsieur Zelenika, je voudrais que l'on revoit votre

25 progression dans le village, maison par maison, et que l'on revoit tout ce

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1 que vous nous avez dit au sujet des remarques que vous avez faites, tout ce

2 que vous avez remarqué au sujet de vos voisins, vos proches qui ont été

3 tués.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin le

5 croquis P301. Il s'agit du croquis qu'il a annoté. On voit que c'est écrit

6 Zelenike.

7 Je pense qu'il faudrait placer cela sur le rétroprojecteur, Monsieur le

8 Président.

9 Q. Monsieur Zelenika, pendant que l'on est en train de faire cela, je vais

10 simplement vous dire que je ne vais pas vous demander d'apporter de

11 nouvelles annotations, mais ceci vous permettra simplement de vous

12 orienter.

13 Je vais vous demander tout d'abord d'examiner la partie dans laquelle

14 Dohim Rajic, Ivo, Ivko et, bien sûr, Glibo ont été trouvés morts. Est-ce

15 que c'est la maison que vous avez marquée avec le numéro 2 ?

16 R. Un instant. Oui, c'est la maison numéro 2.

17 Q. Très bien. Ma question concerne certains faits que vous avez observés

18 ici. Tout d'abord, ce que vous avez observé ici était que toutes les

19 personnes décédées étaient à l'extérieur. Elles n'étaient pas à l'intérieur

20 des maisons mais à l'extérieur; est-ce exact ?

21 R. Ils étaient devant leur maison, sauf Zorka, elle était un peu plus

22 loin, près de la forêt.

23 Q. Ma question suivante est de savoir si, pour autant que vous le sachiez,

24 mis à part les personnes mortes et ceux qui ont tiré sur elles, est-ce

25 qu'il y a eu témoins oculaires ?

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1 R. Je pense que c'était le mari de Zora, Marko. Il portait un uniforme de

2 "domobranis", et je pense, le frère de Domin, Franjo, il était un

3 "domobranis" lui aussi. Je pense qu'ils avaient des fusils. Ils sont morts

4 tous les deux par la suite du cancer, pas à cause de la guerre. Je pense

5 que c'était en 1999 ou 1998.

6 Q. Franjo et Marko, leurs noms ne figurent pas dans l'acte d'accusation

7 ici. Ces deux personnes ont survécu aux événements d'Uzdol du 14. Ils ont

8 vécu pendant un certain temps après cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Ces deux personnes portaient un uniforme ce jour-là; est-ce exact ?

11 R. Oui. Ils étaient des "domobranis". Ils gardaient Kransko Polje, et ils

12 sont venus de Kransko Polje immédiatement après nous. Et Marko, il était

13 quelque part dans la forêt, il s'était caché avec son fusil dans la forêt,

14 et sa femme, elle a commencé à fuir vers lui. Lui, il est resté vivant et

15 eux, ils sont morts. Il s'est caché, il n'osait même pas tirer.

16 Q. Est-ce qu'il a fourni une déposition, une déclaration à vous ou aux

17 autres organes concernant ce qu'il a vu, s'il a vu quoi que ce soit ?

18 R. Cela je ne sais pas car après, de nombreuses personnes venaient poser

19 des questions, et cetera, et je ne sais pas qui disait quoi à qui.

20 Q. Vous personnellement, vous n'avez pas parlé avec lui au sujet de ce

21 qu'il avait vu ?

22 R. Il a dit que l'on tirait, il a dit qu'il a vu qu'ils ont tiré Dominika

23 Ivo. Puis il a dit: Ma femme a commencé à fuir vers moi. Je ne pouvais pas

24 tirer. Vous savez, c'était un homme âgé. Il était près de cet endroit dans

25 la forêt. Il pleurait, il était triste. C'était tragique.

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1 Q. Oui, bien sûr. Cependant, je vais vous demander des questions au sujet

2 de lui, ensuite au sujet de vous. Vous avez vu six personnes qui gisaient

3 mortes, près d'un jeune homme, Ivo, qui portait un uniforme, est-ce exact ?

4 R. Ivo était un soldat. Ils étaient immédiatement à côté, sa mère, son

5 père, et Zorka, elle était un peu plus loin, à quatre ou cinq mètres.

6 Q. Oui, mais en fait, vous aviez un certain nombre de groupes qui ont été

7 tués à l'extérieur de la maison, et qui était avec un homme tué, lui aussi

8 en uniforme ?

9 R. Marko était déjà revenu de la forêt avec son fusil lorsque nous sommes

10 arrivés, lorsque l'ABiH était déjà partie. Il était déjà là, il se tenait

11 déjà là lorsque nous sommes arrivés. Il pleurait, lui et ce frère de Domin,

12 Franjo.

13 Q. Je souhaite que les choses soient claires au sujet de l'heure. Vous

14 êtes arrivé après les meurtres, après que les meurtres se sont arrêtés.

15 Est-ce que Marko et Franjo y étaient au moment des meurtres, ou par la

16 suite ?

17 R. Franjo était à Kransko Polje, mais lorsque nous on allait à Cer, là où

18 on a vu Slavko Mendes, Franjo courrait vers sa maison alors que Marko, il

19 était déjà là au moment du tir. Près de sa maison, il y avait un café, on

20 pouvait y prendre de la bière, des jus, et les soldats, ils avaient brisé

21 les vitres de ce café, ils ont pris des choses à boire. Je ne sais pas

22 quoi, il n'y avait pas beaucoup de choses à boire, des bières, quelque

23 chose comme cela. Ensuite, ils ont brisé les bouteilles et ensuite ils sont

24 partis. C'est ce que Marko a dit.

25 Q. Je vois.

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1 R. Ce café existe encore mais il ne fonctionne plus.

2 Q. Ce que je souhaite dire maintenant, c'est : est-ce que Marko était sur

3 place au moment des meurtres ?

4 R. Marko avait fui dans la forêt près de sa maison, mais je ne sais pas à

5 combien de mètres c'était par rapport à sa maison. Il était sorti, il était

6 là avant nous, il pleurait, il criait : Ma femme est morte. Ils ont tué la

7 fille de Domin. Car lui, c'était un réfugié dans cette maison-là, avec sa

8 femme.

9 Q. Je souhaite que l'on parle d'Ivo maintenant, le soldat. Est-ce que vous

10 avez vu le fusil d'Ivo lorsque vous êtes arrivé ?

11 R. Je ne me souviens pas. J'ai vu simplement qu'il avait quelque chose sur

12 son œil, mais je ne me souviens de rien au sujet de fusil.

13 Q. Ce que vous pouvez dire, c'est que Marko, celui qui a survécu, était

14 armé et en uniforme à ce moment-là, est-ce exact ?

15 R. Oui il portait un uniforme.

16 Q. Il était armé ?

17 R. Il portait ce fusil. Je ne sais pas s'il était déjà armé ou si c'était

18 après son retour. Je ne sais pas. Je suppose que Marko l'avait, mais en ce

19 qui concerne Ivo, je ne sais pas.

20 Q. Très bien.

21 R. Ou peut-être il portait le fusil d'Ivo ou de Franjo; je ne sais pas.

22 Car Franjo avait été à Kransko Polje. Il est venu avec nous. Il avait un

23 fusil M-48. Je pense que j'ai vu un fusil là-bas, mais je ne sais pas à qui

24 il appartenait, peut-être que Marko l'avait pris de Franjo.

25 Q. J'ai quelques questions concernant Domin, qui a été tué. On vous a posé

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1 quelques questions hier au sujet de Domin et de son statut au sein du HVO.

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Je souhaite que l'on montre maintenant au

3 témoin la pièce à conviction de la Défense, dont le numéro 65 ter, est 1545

4 et le numéro ERN 035631. Un instant s'il vous plaît, 05363140 -- excusez-

5 moi, mon assistant n'est pas ici pour le moment, peut-être que nous

6 n'arriverons pas à charger cela. Est-ce que le Greffier d'audience peut me

7 le confirmer ?

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, effectivement.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Il s'agit là des documents que la Défense a

10 reçus du bureau du Procureur. Mais nous avons également des exemplaires

11 imprimés de ce document, nous pouvons les distribuer.

12 Q. Il s'agit ici d'un document officiel que je vais vous montrer. Je

13 souhaite vous demander de faire un commentaire, s'il vous plaît.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-on avoir le numéro ?

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI 316.

16 M. MORRISSEY : [interprétation]

17 Q. Est-ce que vous pourriez examiner la première page de ce document ?

18 Est-ce que vous pourriez -- enfin tout d'abord, je vous demande si vous

19 avez vu ce document en tant que fonctionnaire d'Etat civil ou en tant que

20 personne émanant de cette communauté, est-ce que vous avez déjà vu

21 personnellement cette lettre ?

22 R. Je ne l'ai jamais vu.

23 Q. Cependant, vous êtes au courant du système qui avait été mis en place

24 par le gouvernement, visant à fournir de l'aide financière aux familles de

25 ceux qui sont tombés au cours des hostilités; est-ce exact ?

Page 17

1 R. Oui, ils fournissaient de l'aide, parfois un sac de farine. Peut-être

2 ils ont mis son nom aussi, car sinon, il n'aurait pas reçu quoi que ce

3 soit, alors qu'il vivait à Uzdol. Puis, il y avait Marko et cette Zora qui

4 avaient vécu chez eux. Je vois ici que cela a été signé par M. Pavlovic.

5 Q. Qui était M. Pavlovic ?

6 R. M. Pavlovic, je suppose que c'était un commandant de Prozo. Je ne sais

7 pas. Il n'était pas le commandant de notre unité à Uzdol. C'était un

8 commandant plus haut placé à Prozor.

9 Q. Je comprends cela. Mais c'était un officiel de la Brigade de Rama,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Oui, mais ici, on voit que quelqu'un a signé pour lui. Car il y a le

12 mot "pour."

13 Q. Nous avons déjà eu des discussions concernant le mot "za." Est-ce que

14 lorsqu'il est écrit "za" cela veut dire, "zastupa" ?

15 R. Soi-disant cela n'a pas étant signé par Ante Pavlovic, mais par

16 quelqu'un d'autre, par son adjoint probablement, quelque chose y est écrit,

17 je ne vois pas.

18 Q. Très bien.

19 Je souhaite attirer votre attention sur la page suivante, ou se

20 trouve un certificat officiel, disant que Domin Rajic a été tué à Uzdol par

21 les forces de l'ABiH, qu'il a été tué par balles, et qu'il était en train

22 d'accomplir une tâche qui lui avait été ordonnée par le commandant Josip

23 Prskalo. Est-ce que vous voyez cette partie du certificat ?

24 R. Je vois. Mais ici, ce n'est pas Prskalo qui a signé cela, quelqu'un a

25 demandé cela pour une certaine raison, mais je ne pense pas que Prskalo ait

Page 18

1 signé cela.

2 Q. Peu importe, je vais vous demander d'autres détails. D'après la manière

3 dont vous comprenez les choses, le gouvernement a effectivement fourni une

4 assistance limitée à la famille de Domin Rajic, compte tenu des données

5 énoncées dans ces lettres, est-ce exact ?

6 R. Pas le gouvernement. Là, il s'agissait de l'entrepôt de Prozor. C'est

7 de là qu'ils donnaient quelque chose aux soldats et aussi aux civils qui

8 vivaient à certains endroits. Il s'agissait de la farine, de quelques

9 boîtes de conserve, et cetera. C'était l'aide que l'on recevait car on ne

10 pouvait acheter rien avec de l'argent.

11 Q. Oui, je comprends. Ce que je veux dire à présent, c'est que ce document

12 indique clairement que Domin avait été mobilisé au sein du HVO, et que

13 suite à sa mort, sa famille a pu recevoir de l'aide, compte tenu du fait

14 qu'il était en train d'accomplir une tâche conformément aux ordres donnés

15 par le commandant Josip Prskalo; est-ce exact ?

16 R. Je ne sais pas.

17 Q. Vous savez -- êtes-vous au courant d'un ministère qui s'appelle le

18 ministère des Défendeurs du canton de l'Herzégovine Neretva ?

19 R. Je ne suis pas très au courant de cela. Certains services existent mais

20 comment ils sont appelés.

21 Q. Très bien. Cependant, vous ne contestez pas le fait que maintenant que

22 vous pouvez y réfléchir, vous savez que Domin Rajic avait été mobilisé en

23 tant que soldat dans les "domobranis" qui faisaient partie de la Brigade de

24 Rama au moment où il a été tué; est-ce exact ?

25 R. Je ne sais pas.

Page 19

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je propose le

2 versement au dossier de ce document, non pas parce que le document il l'a

3 vu mais parce qu'il s'agit d'un document officiel. Nous pouvons le prouver

4 de manière convaincante. D'ailleurs, nous l'avons reçu du bureau du

5 Procureur.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des objections, Monsieur Weiner.

7 M. WEINER : [interprétation] Non.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est versé au dossier en tant qu'élément

9 de preuve.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai proposé le versement

11 au dossier du livre.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ceci a été marqué. Peut-être vous ne

13 l'avez pas versé; peut-être vous pouvez attendre.

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, c'est ce que j'allais faire justement.

15 Merci, merci beaucoup.

16 Q. Excusez-moi des détails contenus dans mes questions, mais il est

17 important que l'on traite des choses de manière aussi détaillée que

18 possible, Monsieur le Témoin. Très bien.

19 Je souhaite vous poser une question maintenant au sujet de la maison numéro

20 3 où vous avez trouvé les personnes décédées, Kata et Mato Ljubic; est-ce

21 exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Kata Ljubic était votre marraine; est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Elle avait rejoint les rangs du HVO; est-ce exact ?

Page 20

1 R. Elle faisait la cuisine. Au début, elle préparait du pain pour nous,

2 avant que l'on ne puisse recevoir du vrai pain.

3 Q. Oui. Peu importe sa capacité qu'elle ait été cuisinière ou autre chose,

4 le fait est qu'elle avait rejoint les rangs du HVO; est-ce exact ?

5 R. C'est ce qu'ils disent, s'ils disent qu'elle était membre. Elle n'avait

6 pas d'uniforme, elle n'avait pas d'armes. Elle était en civil. Elle nous

7 aidait. Car si elle recevait de la farine, elle pouvait faire deux, trois

8 pains par jour, chacune de ces femmes âgées. Il y en avait d'autres. Vous

9 savez, Kata n'était pas la seule. Dans ce cas-là, pourquoi est-ce qu'elles

10 n'y sont pas toutes. Vous savez, Ivka, Ivka, elle préparait du pain alors

11 qu'on ne voit pas son nom.

12 Q. Je souhaite attirer de nouveau l'attention du témoin sur le livre, s'il

13 vous plaît. Est-ce que vous pouvez le réexaminer ?

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI315.

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Très bien.

16 Q. Est-ce que vous avez encore un exemplaire devant vous ?

17 R. Non.

18 Q. Je vais vous laisser cet exemplaire car je vais vous poser d'autres

19 questions à ce sujet. Page 64, s'il vous plaît.

20 R. Chez moi, il s'agit de la page 63, Kata Ljubic.

21 Q. Est-ce que vous pouvez tenir la page que vous avez devant vous pour que

22 l'on soit sûr que l'on parle des endroits appropriés ? Est-ce que vous

23 voyez la maison de Kata Ljubic à la page 65. Puis, il y a sa photographie

24 et le texte.

25 R. Oui, je vois.

Page 21

1 Q. Je ne vais pas vous demander de lire le tout. Est-ce qu'il est exact

2 qu'au moment où la guerre de la défense de leur foyer a éclaté, Kata a

3 immédiatement rejoint les rangs du HVO, tout comme l'a fait son mari, Ivan.

4 Elle travaille dans la cuisine, dans une cuisine à Stamos [phon]. Elle

5 était connue pour son pain. Est-ce que vous voyez cela ?

6 R. Oui. Le pain, effectivement, c'est ce qu'elle faisait au départ. Après,

7 on recevait du véritable pain. Car au début, on recevait seulement de la

8 farine. A ce moment-là, on n'avait des problèmes. Au moment où on a

9 commencé à recevoir du vrai pain, Kata ne le faisait plus. Je ne sais pas

10 ce qui est écrit au sujet d'elle ici.

11 Q. Très bien.

12 R. Puis son mari, Ivan, faisait partie des "domobranis".

13 Q. Oui, nous allons parlé de cela tout à l'heure. Pour le moment, dites-

14 moi si l'information contenue dans ce paragraphe est conforme à ce que vous

15 saviez, n'est-ce pas ? C'est exact ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Ce sont les informations que vous avez fournies ?

18 R. Peut-être c'est moi qui aie écrit cela moi-même, mais je n'ai pas écrit

19 jusqu'à quel moment ceci a duré. Car effectivement, au début, c'était le

20 cas; elle nous aidait, et je la remercie.

21 Q. Monsieur Zelenika, je souhaite que vous compreniez que parmi les

22 questions que je vous pose, il n'y en a aucune qui a pour but de vous

23 insulter, mais je dois insister avec certaines de ces questions.

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Peut-on montrer maintenant au témoin la

25 pièce à conviction de la Défense 1544 qui fait partie de la même catégorie

Page 22

1 que le document précédent. C'est un document semblable à celui que je viens

2 de verser au dossier.

3 Q. Monsieur Zelenika, on va vous montrer un document tout à fait semblable

4 à celui que vous avez vu au sujet de Domin Rajic. Il s'agit d'un document

5 qui concerne la participation de Kata au sein du HVO. Je vais vous demander

6 de l'examiner, ensuite, je vais vous poser des questions semblables à

7 celles que j'ai posées concernant Domin.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Excusez-moi. Il s'agira de la pièce

9 MFI317.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci beaucoup.

11 Q. Est-ce que vous avez devant vous un document intitulé, "Le certificat

12 au sujet des circonstances de la mort". Est-ce que vous avez ce document

13 devant vous ?

14 R. Oui.

15 Q. Très bien. Est-ce que dans ce document, il est écrit que Kata Ljubic

16 était membre de la Brigade de Rama à partir du

17 3 avril 1992 jusqu'au 14 septembre 1993 ?

18 R. C'est ce qui est écrit.

19 Q. Très bien. Est-ce qu'au fond, il est écrit que Kata Ljubic a été tuée

20 par -- enfin dans des circonstances, c'est-à-dire, au cours de l'attaque de

21 l'ABiH concernant Uzdol, pendant qu'elle exécutait un ordre sur la ligne de

22 la défense. Est-ce que vous voyez cette partie ?

23 R. Oui, je vois, mais je ne sais pas qui a pu écrire ce genre d'absurdité

24 et pourquoi. Vous savez, il y en avait certainement qui souhaitaient,

25 pendant un mois --

Page 23

1 Q. Puisque vous êtes ici, je souhaite vous soumettre ces documents.

2 Tout d'abord, dites-nous si vous avez déjà vu ce document avant la

3 journée d'aujourd'hui ?

4 R. Non.

5 Q. Très bien. Deuxièmement, vous connaissiez qu'il y avait un système

6 selon lequel les familles de ceux qui ont été tués recevaient de l'aide.

7 Vous êtes au courant de cela ?

8 R. Oui. C'est pour cela qu'il y en a même trop aujourd'hui qui reçoivent,

9 c'est-à-dire, ceux qui le méritent, souvent ils ne reçoivent rien, et ceux

10 qui ne méritent rien en reçoivent. C'est le cas à la fois au sein de l'ABiH

11 et au sein du HVO.

12 Q. Très bien.

13 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je propose le

14 versement au dossier de ce document également, même s'il ne l'a pu, le

15 fondement est le même que par rapport au document précédent.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

17 M. WEINER : [interprétation] Pas d'objection.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est versé au dossier.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci.

20 Q. J'ai maintenant des questions au sujet des meurtres de Mato et Kata.

21 Tout d'abord, est-ce qu'à l'époque, qui que ce soit vous a dit qu'il ou

22 elle était effectivement un témoin oculaire du meurtre de ces deux

23 personnes ?

24 R. Non, personne. C'est une maison près de la route, Kata était là où Ivka

25 était. Elle a commencé à fuir vers son beau-père. Elle a dit : Fuis, Mato.

Page 24

1 Lui, il est mort devant sa maison, et elle, elle fuyait vers l'église.

2 Q. Pour autant que vous le sachiez, qui a vu cela ?

3 R. C'est Marko qui a vu cela. Il a dit qu'il y avait Kata, Zora, Ivka.

4 Ensuite, Marko a commencé à fuir en haut. Il a dit : Fuyez, on tire. Je ne

5 sais pas. Elle, elle n'est pas morte là où les autres sont morts. Elle

6 fuyait vers ses beaux-parents. Elle a été tuée devant la maison. Eux, ils

7 étaient en haut, et elle, elle était en bas de la maison. Elle a commencé à

8 fuir vers l'église, et c'est là qu'ils l'ont tuée immédiatement.

9 Q. Lorsque vous parlez de Marko, s'agit-il du même Marko que celui qui

10 avait été présent dans l'autre maison lorsqu'on a parlé de Domin et Ivo ?

11 R. Oui. Marko et Zora étaient dans cette maison, dans sa maison. Après,

12 les tirs ont commencé. Elle, elle a fui à sa maison, et eux, ils sont

13 restés là-bas.

14 Q. Très bien. Vous avez mentionné le fait que son fils - excusez-moi, je

15 retire cela.

16 Mis à part Mato et Kata, qui d'autres vivaient dans cette maison ?

17 R. Ivan aussi, le mari.

18 Q. Ivan, c'est un soldat du HVO ?

19 R. Ivan était membre des "domobranis". C'était un "domobran" à Kransko

20 Polje.

21 Q. Oui, je comprends. Est-ce qu'Ivan était sur place au moment des

22 meurtres ou est-ce qu'il était ailleurs ?

23 R. Ce matin-là, il était à Kransko Polje. Ensuite, il est venu après nous,

24 et il a vu. Il disait : Mon ami, ma maison est en flammes. Il ne savait pas

25 que les siens avaient été tués.

Page 25

1 Q. Avez-vous remarqué si Mato avait un fusil ou non quand vous êtes

2 arrivé ?

3 R. La maison était en flammes. Il y avait de la fumée noire et il y avait

4 une dalle de béton au niveau de l'entrée. Il se trouvait à cet endroit. Si

5 bien que je n'ai rien vu, parce qu'il y avait trop de fumée. On ne voyait

6 pas très bien, je ne sais pas. Mate - non, non, il n'en avait pas.

7 Q. Vous nous dites qu'il n'en avait pas, quand vous l'avez vu ou est-ce

8 que vous voulez nous dire qu'il ne possédait pas d'armes ?

9 R. Non, il n'en avait pas. Son fils Ivan avait été à Kransko Polje ce

10 matin-là. Plus tard il nous a rejoints. Il n'avait d'autres fusils chez

11 eux, dans la maison.

12 Q. J'aimerais que nous passions à la maison suivante. Il s'agit de la

13 maison à côté de laquelle vous avez apposé un 4. C'est là où se trouvait

14 Kata Perkovic, où elle a été tuée.

15 R. Kata Perkovic.

16 Q. Savez-vous si des personnes ont assisté à ce meurtre ?

17 R. Son mari Stipo était là. Il était allé voir son fils. Il est mort après

18 elle. Il était très âgé, il était né en 1916. Il est mort à Dubrovnik, et

19 il a été enterré au cimetière d'Uzdol, pas au centre du village.

20 Q. Je comprends. Stipo était présent au moment du meurtre. Est-ce qu'il a

21 assisté au meurtre ? Est-ce qu'il l'a vu de ses yeux ou est-ce qu'il

22 s'était réfugié dans un placard, dans une armoire ?

23 R. Il était là. C'était une vieille maison, il y avait seulement deux

24 pièces. Il était dans l'autre pièce, je ne sais pas. Je ne comprends pas

25 pourquoi ils ne l'ont pas tué. Il était complètement bouleversé quand je

Page 26

1 l'ai trouvé. Il ne se rendait pas compte de ce qui s'était passé.

2 Q. Vous nous dites qu'il ne s'était pas rendu compte que Kata avait été

3 tuée ? C'est ce que vous nous dites ?

4 R. Il était terrorisé. Il n'a même pas vu sa femme. Il est sorti. Il y

5 avait un banc en bois devant la maison; il s'y est assis.

6 Q. J'aimerais que nous passions maintenant au village de Zelenike, et que

7 nous parlions du décès de Mara Grubesa.

8 Quand elle est morte dans la grange, sa fille Janja était là; est-ce bien

9 exact ?

10 R. Janja était à la maison avec la mère de Mara, la grand-mère s'appelant

11 Milica Zelic. Elle était avec Ruza à 100 mètres à gauche. C'est leur belle-

12 mère, mais ils n'habitaient ensemble. Elle était allée voir sa fille. Janja

13 et Milica s'en sont tirées; elles sont à Prozor maintenant. Milica est

14 morte à Travnik. Elle souffrait d'une maladie mentale, elle est décédée

15 dans un hôpital.

16 Q. Bien. Comment a-t-elle réussi à s'enfuir ? Est-ce qu'elle s'est enfuie

17 ou est-ce qu'elle a -- comment a-t-elle échappé à tout cela ? Est-ce

18 qu'elle s'est enfuie ou est-ce qu'on la trouvée dans la maison, cachée ? Je

19 parle de Milica.

20 Q. Elle est restée probablement pendant un jour dans la maison. Mara a

21 quitté la maison pour faire sortir le bétail. Janja l'a sans doute suivie,

22 mais quelqu'un a appelé son nom. C'était un des soldats. Elle a compris

23 qu'il ne s'agissait pas du soldat du HVO. Elle s'est mise à courir vers un

24 verger, plus bas, en bas de la colline, avec un prunier. Quelqu'un a ouvert

25 sur elle, elle a été blessée à la main. Elle a continué à courir sans

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1 s'occuper de sa mère aussi vite que possible vers Prozor.

2 Q. Nous pourrions poser des questions à ce sujet et en temps utile, parce

3 que vous n'étiez pas là, mais j'aimerais vous poser une question.

4 R. Oui. Elle pourra vous répondre beaucoup mieux que moi, elle est

5 beaucoup mieux au courant.

6 Q. Je voudrais savoir, quand vous êtes arrivé, quand avez-vous parlé à

7 Janja ?

8 R. Je n'ai vu Janja que le lendemain. Elle avait réussi à s'échapper

9 jusqu'à Prozor. On était resté là-bas. On était resté à l'endroit où elle

10 était, il a fallu attendre encore trois ou quatre jours avant que je la

11 revoie.

12 Q. Un instant. La seule question que j'ai à vous poser sur ce point est la

13 suivante : Que vous a dit Janja sur ce qu'elle avait vu, et sur ce qui

14 était arrivé à sa mère ? Est-ce qu'elle a vu sa mère entrer dans l'étable ?

15 Est-ce qu'elle l'a entendue dans l'étable ? Est-ce qu'elle savait que sa

16 mère était dans l'étable ? Ou est-ce qu'elle a essayé de savoir ce qui

17 s'était passé ?

18 R. Elle s'apprêtait à faire sortir le bétail de l'étable, c'est ce qu'elle

19 a fait. Je ne sais pas si le bétail a survécu. Elle les a libérés. L'étable

20 a été complètement détruite par les flammes.

21 Q. Le mari de Mara Grubesa s'appelait Pavo, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, Pavo. C'est également un membre des "Domobranis" à Kransko Polje,

23 avec Ivan et Franjo, et il est venu avec nous.

24 Q. Donc Pavo il avait une arme, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, mais il était à Kransko Polje ce matin-là, avec Franjo et avec

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1 d'autres. Quand ils nous ont rencontrés, ils ont décidé de se joindre à

2 nous, de retourner pour voir qui avait survécu.

3 Q. Et Janja, qui a survécu, était membre du HVO, n'est-ce pas ?

4 R. Elle était dans notre cuisine, elle était cuisinière, elle était tout

5 le temps là. Enfin, ils se relayaient, il y avait deux ou trois équipes par

6 journée, elle faisait partie de ces équipes.

7 Q. Oui mais concrètement parlant, elle était membre du HVO, n'est-ce pas,

8 peu importe les fonctions qu'elle remplit ?

9 R. Je ne sais pas exactement, enfin, ils aidaient en cuisine. Je ne sais

10 pas quel était leur statut officiel.

11 Q. Dans ces conditions, on pourrait peut-être se reporter au livre, page

12 56, cela pourra peut-être nous aider. C'est la page qui concerne Mara

13 Grubesa. On parle de Janja dans les dernières lignes.

14 R. J'ai vu le passage.

15 Q. Vous voyez ici qu'il est fait référence à la fille de Mara, Janja, le

16 chef du HVO. C'est ce qui est écrit la concernant. Est-ce que vous avez vu

17 cette mention ?

18 R. Oui. Chef cuisinier dans le HVO. Comme je l'ai dit, elle n'était pas

19 dans l'ABiH, cela c'est indéniable. Elle travaillait en cuisine comme j'ai

20 dit.

21 Q. D'accord, j'ai compris. Avant de passer aux autres maisons, j'ai une

22 question de nature plus générale, avant d'aborder chacune de ces maisons en

23 particulier.

24 Le commandant M. Prskalo, qui était le commandant du bataillon à l'école,

25 il devait savoir à tout moment qu'entre son poste de commandement et la

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1 ligne de front, il existait des villages ou des hameaux dans lesquels il y

2 avait à la fois des civils et des soldats du HVO comme résidents ?

3 M. WEINER : [interprétation] Objection.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

5 M. WEINER : [interprétation] Il demande au témoin d'indiquer ce que pensait

6 M. Prskalo, l'état d'esprit de M. Prskalo.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, à moins qu'il n'y ait un élément qui

8 justifie cette question.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, merci.

10 Q. Vous saviez qu'il était membre du HVO, et vous saviez, ou plutôt vous

11 étiez membre du HVO et vous saviez bien en tant que tel, qu'entre le

12 commandement et la ligne de front, il y avait des villages où on trouvait

13 aussi bien des civils que des soldats, n'est-ce pas ?

14 R. Il y avait des soldats qui étaient logés chez leurs parents, dans la

15 maison de leurs parents quand ils étaient en permission, qu'ils n'étaient

16 pas de service, ils étaient chez leurs parents.

17 Q. Oui, mais quand ils étaient chez leurs parents à la maison, ils étaient

18 armés et ils étaient vêtus d'un uniforme ?

19 R. Oui, tout le temps. Il n'y avait aucune raison de se changer. A

20 l'époque les soldats ne s'habillaient pas en civils.

21 Q. Oui, mais en plus des soldats, en plus des civils, il y avait également

22 des membres des "Domabranis" qui étaient armés et qui parfois portaient des

23 uniformes, mais parfois n'en portaient pas. Est-ce que cela c'est exact

24 également ?

25 R. Les "Domabranis" portaient un uniforme qui était différent. Ce n'était

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1 pas un uniforme d'une aussi bonne qualité. C'était des uniformes qui peut-

2 être n'étaient pas très jolis, mais en tout cas ils tenaient plus chauds

3 que les uniformes des soldats de l'armée régulière.

4 Q. Est-ce qu'il n'arrivait pas que des civils ne portant pas d'uniformes,

5 portent des armes, quand ils sortaient ou pour s'occuper de leur bétail, ou

6 pour vaquer à leurs occupations ?

7 R. Je ne sais pas, je n'ai rien vu de tel.

8 Q. En tant que participant aux opérations militaires, en tant que

9 participant aux activités de l'armée, vous savez que lorsqu'il y a une

10 offensive dans une localité, l'un des objectifs forcément c'est le QG de

11 l'unité locale, de l'unité qui se trouve dans la ville attaquée. En

12 l'espèce, toute attaque de votre part sur le front aurait sans doute eu

13 pour conséquence et impliquer une attaque contre l'école ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Est-ce que vous n'avez jamais signalé au commandant Prskalo, ou à

16 quiconque d'autre que, étant donné la situation, l'organisation de la ligne

17 de front, il était en train de faire courir un grave danger, aussi bien aux

18 soldats qu'aux civils, le danger de perdre la vie au combat ?

19 R. J'étais un officier qui était vraiment très peu gradé, je n'avais rien

20 à dire pour les officiers gradés, mes supérieurs. Il fallait obéir aux

21 ordres, c'est tout.

22 Q. Oui, j'entends bien. Mais ma question est de savoir si vous ne leur

23 avez jamais signalé --

24 M. WEINER : [interprétation] Objection. Premièrement, on sort du champ de

25 connaissance de ce témoin, parce que là c'est une opinion d'expert qu'on

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1 lui demande. D'autre part, on lui demande son opinion juridique, parce que

2 tout soldat doit connaître les droits de la guerre, et la différence entre

3 les objectifs civils et militaires, sur ce qui est attaqué et qui on

4 attaque. Ici, on sort du champ de connaissance du témoin, puisque nous

5 avons un témoin de faits, pas un témoin à qui il convient de demander son

6 opinion.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, mais c'est une question d'ordre

8 général, je ne pense pas que la Défense va lui poser d'autres questions à

9 caractère militaire, qui seraient des questions à poser à un expert.

10 J'autorise que soit posée cette question.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] Je confirme que vous avez tout à fait

12 raison. Je ne lui demande pas son opinion d'expert.

13 Q. Je comprends bien que vous n'occupiez pas un poste très élevé, mais je

14 voudrais savoir si vous avez simplement jamais signalé cet état de fait et

15 ce danger à vos supérieurs ?

16 R. Non, cela aurait été déplacé et il ne m'aurait pas écouté. C'étaient

17 des jeunes qui faisaient les choses comme bon leur semblait. Qu'est-ce que

18 j'aurais pu leur dire ?

19 Q. Je ne vous critique pas. Je vous pose une question et vous avez

20 répondu.

21 Je souhaiterais maintenant que nous passions aux maisons suivantes et

22 la maison suivante. Mais je vous prie de m'excuser.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être pourrait-on faire une pause

24 puisque vous allez maintenant aborder un autre thème. Nous allons faire une

25 pause pour reprendre nos débats à 11 heures moins quart.

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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 16.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 48.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci.

5 Q. Merci, Monsieur Zelenika. Je veux que nous continuions à parcourir

6 l'itinéraire que vous avez emprunté. Je voudrais parler maintenant de

7 Dragica Zelenika. Savez-vous si des personnes ont assisté à ce meurtre ?

8 R. Non.

9 Q. Le "Marko" que vous avez évoqué précédemment et qui s'était enfui, quel

10 était son prénom et son nom de famille ?

11 R. Marko Glibo. C'était un homme âgé.

12 Q. Pouvez-vous nous dire quel était l'âge de Marko Glibo à l'époque, à peu

13 près ?

14 R. Je crois qu'il est né en 1938, peut-être en 1939.

15 Q. Savez-vous s'il portait des lunettes ?

16 R. Non.

17 Q. Nous allons maintenant continuer à parler de Dragica.

18 Quand vous êtes allé voir dans quel état elle se trouvait, vous avez

19 pu constater que son corps était en grande partie calciné, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Oui, la maison également avait été la proie des flammes. Certaines

21 des poutres et certaines des tuiles étaient tombées sur son corps. Elle

22 était dans un état assez déplorable quand on l'a retrouvée.

23 Q. Quand vous l'avez vu dans la position où elle se trouvait, de la façon

24 dont son corps se présentait, est-ce qu'il vous a semblé qu'on avait

25 éloigné son corps de l'endroit où avait pris le feu ?

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1 R. Je ne sais pas. Je suis passé assez vite. J'étais pressé. J'allais

2 rejoindre les autres membres du groupe. Son corps était là. Il gisait noir

3 à côté de la maison qui avait été détruite par les flammes.

4 Q. Est-ce qu'elle avait un fils ? Est-ce qu'elle avait des fils ?

5 R. Oui. Son mari était mort avant la guerre. Il travaillait comme

6 infirmier à Uzdol. Il est mort avant la guerre. Oui effectivement, elle

7 avait plusieurs fils.

8 Q. Est-ce que certains de ses fils étaient membres du HVO ?

9 R. Oui. Il y en avait un qui était dans la police, et les autres étaient

10 dans le HVO.

11 Q. Est-ceque certains d'entre eux résidaient encore à Uzdol à l'époque ?

12 R. Oui.

13 Q. Lesquels ?

14 R. Un ou deux. Ante, peut-être Ante, c'était le plus jeune. Il était peut-

15 être là. Mile était à Prozor.

16 Q. Il avait quel âge ?

17 R. Une vingtaine d'années, 25 ans.

18 Q. Où se trouvait Ante au moment où ont eu lieu les meurtres ?

19 R. Je ne sais pas. Il est possible qu'il ait été sur la ligne de front ou

20 à la maison. Je ne sais pas. Il était peut-être de permission ce jour-là.

21 Q. Il est très possible que la veille au soir il ait dormi dans la maison

22 où se trouvait également Dragica et qu'il ait été présent au moment où les

23 tirs ont commencé, n'est-ce pas ?

24 R. Je ne sais pas. Je n'ai aucune idée de l'endroit où il a passé la

25 nuit.

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1 Q. Encore une question de nature générale à vous poser pour nous éloigner

2 de la question des personnes qui sont mortes et de l'examen de ces

3 personnes en particulier. Vous avez entendu parler du soldat du HVO qui

4 était vêtu d'uniforme, qui était armé et qui avait quitté ce village. Ivka

5 Stojanovic, par exemple. Son fils en est un exemple. Ivan Kovcalija

6 également. De manière générale, vous saviez que cela existait ?

7 R. Oui. Fabjan Ratkic est parti, Janko aussi, Ivan Kovcalija. Ils ont

8 survécu. Ce sont des gens qui se sont enfuis. Janja aussi et d'autres

9 femmes s'étaient enfuies. Andja Zelenika et Milan ou Marko, un jeune

10 garçon. C'était le fils de Pero Dzanko. Je crois qu'il a survécu lui aussi,

11 mais je n'en suis pas sûr.

12 Q. Il est évident pour vous qu'un certain nombre des personnes tuées que

13 vous avez vues, dont vous avez vu les corps, que ces personnes ont été

14 tuées alors qu'elles se trouvaient à l'extérieur de leurs maisons ?

15 R. Certains étaient chez eux, d'autres étaient à l'extérieur, à proximité

16 de leurs maisons, à 20 ou 30 mètres. Cela dépendait. Certains ont été tués

17 sur la route.

18 Q. Je vais retourner aux questions plus précises et particulières.

19 J'ai quelques questions au sujet de votre propre maison. Je vais me

20 limiter à la chose suivante : quand vous avez trouvé votre père, il n'était

21 pas dans son lit, n'est-ce pas ?

22 R. Non, il était par terre sur le tapis.

23 Q. Vous nous avez déjà dit -- non, peut-être devrais-je vous poser la

24 question suivante : vous nous avez dit que votre père et vous-même vous

25 étiez chasseurs, vous faisiez partie d'une association de chasseurs.

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1 J'imagine que vous aviez à la maison des fusils ou des armes à feu ?

2 R. Oui. Oui. Un fusil à double canon, calibre 16 millimètres.

3 Q. Avez-vous vu ce fusil ce jour-là ?

4 R. Je ne m'en souviens pas.

5 Q. Je vais passer à la question suivante.

6 R. On a encore le fusil, mais je ne me souviens pas l'avoir vu ce jour-là.

7 Q. Depuis lors, vous l'avez retrouvé ?

8 R. Oui.

9 Q. Maintenant, j'aimerais parler de Ruza Zelic et des deux enfants. Savez-

10 vous s'il y a eu des témoins oculaires du meurtre de ces trois personnes ?

11 R. Non, pas de témoin oculaire. Ils étaient tous au bout du village. Ils

12 ont essayé de s'enfuir en courant, en descendant, mais ils ont été tués sur

13 la route.

14 Q. Bien.

15 M. MORRISSEY : [interprétation] J'aimerais que l'on présente au témoin, sur

16 le rétroprojecteur, la carte, le croquis qu'il a lui-même dessiné qui,

17 d'ailleurs, qui est sur le rétroprojecteur encore.

18 Q. Nous avons à l'écran, je pense, peut-être la carte ou le croquis que

19 vous avez dessiné. Est-ce que vous le voyez ?

20 R. Oui.

21 Q. Sur ce croquis à droite, vous nous avez indiqué où se trouvait la

22 maison des Zelic. A proximité, vous nous avez indiqué où se trouvaient les

23 corps des trois personnes concernées, l'endroit où elles ont été trouvées.

24 Est-ce que vous voyez cet endroit ?

25 R. Oui.

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1 Q. Pouvez-vous nous dire où a été trouvé le pantalon de survêtement de

2 Stipo par rapport aux corps et par rapport à la maison ?

3 R. A côté de la vieille maison. Il y a un sentier à côté de la

4 maison.C'était à 5 mètres vers le bas. Là, il y a un buisson assez bas,

5 noirâtre. C'est là-dedans qu'on a trouvé le pantalon de survêtement bleu

6 foncé qui était pendu dans les broussailles. Les corps ont été trouvés à

7 300 ou 400 mètres plus loin le long de la route. C'est là où ils ont été

8 tués.

9 Q. Soyons bien précis. Si on va à la maison des Zelic, on sort de leur

10 maison en se dirigeant vers l'endroit où les corps ont été trouvés, là où

11 l'endroit où la mère et les enfants Zelic ont été trouvés. Est-ce qu'en

12 empruntant ce chemin, on passe devant l'endroit où on a trouvé le pantalon

13 de survêtement. J vais répéter, je vais recommencer.

14 Si on quitte la maison des Zelic, si on va dans la direction de l'endroit

15 où les corps ont été trouvés, est-ce qu'en chemin on passe devant le

16 pantalon de survêtement ?

17 R. Non. Tout d'abord, on a atteint sa maison. Quand on était sur sa route

18 - c'est une route ou plutôt un chemin où peuvent passer des tracteurs.

19 Depuis la route, on a vu en contrebas le survêtement. Je l'ai reconnu parce

20 que le voyais tous les jours. Pendant qu'on regardait le survêtement, là en

21 bas, il y a une espèce de pré où le bétail va paître. Là, il y a un chemin

22 qui se sépare pour Here et l'autre qui va vers l'école. C'est à ce

23 croisement que se sépare le chemin pour aller à la maison. C'est sur ce

24 croisement, cette intersection qu'ils ont été tués. Ce n'est pas le chemin

25 qui va vers ma maison et la leur, mais c'est sur le côté.

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1 Q. Très bien. Juste pour enchaîner là-dessus, pour ce qui est de ce

2 pantalon de survêtement, vous vous souvenez nous avoir parlé des pièces

3 faisant partie de l'équipement militaire ? On a parlé d'un chargeur, d'un

4 fusil, et cetera. C'était à quelle distance du survêtement ?

5 R. Peut-être à 20 ou 30 mètres au-dessus de l'endroit où ils étaient. Là,

6 il y a comme une limite entre les champs. C'est de là que va un petit

7 chemin qui mène sur la route. C'était là qu'on a trouvé cela.

8 Q. Excusez-moi. J'ai dû mal comprendre. Cela a été trouvé près des corps,

9 et non pas près du jogging ?

10 R. Près des corps. En bas, il y a un pré, puis il y a des broussailles.

11 C'est un terrain en friche.

12 Q. Très bien. Je vais vous demander maintenant d'examiner la page 91 du

13 livre. Cela concerne Marija. L'avez-vous trouvée ?

14 R. Un instant.

15 Q. Je ne vais pas vous demander de donner lecture de la totalité du texte,

16 mais je vais vous demander la chose suivante : est-ce que le texte dit ici,

17 que le 14 septembre, à la levée du jour, pendant qu'ils dormaient encore,

18 ils ont été réveillés par des coups de feu de fusils automatiques et des

19 coups de feu tirés par des soldats musulmans membres de l'ABiH, que leur

20 mère Ruza a été encerclée par des soldats musulmans, et qu'elle a jeté une

21 grenade à main par la fenêtre, qu'elle a sauté dehors avec ses enfants

22 Marija et Stjepan en passant par une autre fenêtre, et qu'elle a pris la

23 fuite vers la route en cherchant à se sauver, qu'ils ont couru sur une

24 distance de 500 mètres environ jusqu'à ce qu'ils se retrouvent sur la

25 route. Il y avait des soldats musulmans membres de l'ABiH qui les ont

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1 rattrapés Puis, on voit les détails de la mort.

2 Vous l'avez vu ce paragraphe ?

3 R. Oui.

4 Q. D'où vient cette information que l'on trouve dans le livre, en

5 particulier cette partie-là.

6 R. Cela a été rédigé par la suite. Je ne sais pas. Maintenant, tout à

7 chacun peut dire que c'est elle qui a lancé la grenade, que le petit l'a

8 fait, le petit a été égorgé, tué. Je ne sais pas.

9 Q. Ce que vous dites à cette Chambre, c'est que vous-même vous n'êtes pas

10 l'auteur de ce texte, que vous n'avez pas rédigé cette partie du texte,

11 vous-même. Est-ce bien cela ?

12 R. J'ai écrit ce qui est en haut. Ce qui est en bas, je ne sais pas, il y

13 a eu des changements. S'il y a eu des modifications, des ajouts, je ne sais

14 pas. Il a dû y avoir une autopsie et quand on voit des cadavres, on ne peut

15 pas vraiment regarder cela pendant très longtemps. C'est difficile, ils

16 sont rigides et le livre a été rédigé par la suite. Des gens ont pu dire

17 diverses choses. On écrit des livres après les événements.

18 Q. Mais pour en revenir à la grenade à main, vous nous dites que vous ne

19 savez pas comment cette histoire sur la grenade à main en est venue dans ce

20 livre. C'est ce que vous dites ?

21 R. Je ne sais pas, une grenade a été jetée, elle a été devant la fenêtre

22 mais qui l'a jetée, je ne sais pas.

23 Q. Je voudrais maintenant passer la série suivante de morts, et à ce

24 sujet, je voudrais qu'on montre au témoin le deuxième croquis, c'est le

25 croquis qui porte la lettre B. Le croquis précédent était la pièce P301, et

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1 maintenant je pense que l'on passe à la pièce P303.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] P303, vous avez raison.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre cela au témoin,

4 placé sur le rétroprojecteur ?

5 Q. Nous allons examiner à présent le deuxième de vos trois croquis. Tout

6 d'abord, c'est au sujet d'Ante Stojanovic, surnommé Brko, que je voudrais

7 vous poser des questions. Je voudrais savoir ce que vous savez de cela ? De

8 lui ?

9 R. Tout d'abord, pour ce qui est d'Ante. Est-ce que vous savez s'il y a eu

10 des témoins oculaires présents au moment de sa mort ?

11 R. Il n'y en a pas. On l'a trouvé à 20 ou 30 mètres de sa maison. Il

12 n'avait rien aux pieds. Il gisait dans le pré, c'est là qu'il a été trouvé.

13 Q. Au moment où vous l'avez vu, est-ce qu'il avait une arme sur lui ?

14 R. Non, il avait juste un pull-over et des chaussettes, me semble-t-il.

15 Q. Et Anica Stojanovic ?

16 R. Anica a été tuée près de la maison, sur la route. Elle avait des

17 vêtements plus légers, bariolés, comme une sorte de robe, et pour autant

18 que je m'en souvienne, sa tête était tournée vers le bas.

19 Q. Pour ce qui est de la mort d'Anica, pour autant que vous le sachiez,

20 est-ce qu'il y a eu des témoins oculaires au moment de sa mort ?

21 R. C'est l'un de ses fils qui a vu comment elle a été tuée. Il était

22 petit, son nom est Stojanovic, Ivan, me semble-t-il, Zoran ou Ivan plutôt.

23 Il y en a plusieurs. Celui-là a survécu et je crois qu'il se trouve à

24 Zagreb à présent.

25 Q. Il avait quel âge, Ivan, à ce moment-là ?

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1 R. Il avait peut-être 13 ou 14 ans, je ne sais pas. C'était un enfant, il

2 était jeune. Je ne me souviens pas exactement de son âge.

3 Q. Vous avez dit précédemment que des garçons, des adolescents, avaient

4 joué un rôle dans la défense du village, où ils avaient des fonctions eu

5 égard à la défense. Alors, est-ce que vous pouvez nous préciser d'après

6 votre mémoire quel rôle ont-ils joué ?

7 R. Ce n'était pas des adolescents, ils étaient beaucoup plus jeunes que

8 nous et ils ne souhaitaient pas écouter ce qu'on disait nous. Vous savez,

9 ils étaient intrépides et ils pensaient qu'ils étaient les plus forts,

10 qu'ils savaient tout. Si on leur disait faites plutôt ceci ou cela, lui, il

11 répondait, si vous avez peur, allez plutôt à Prozor. Mais ce n'était pas

12 des enfants, c'était des jeunes hommes. Ils avaient fait l'armée populaire

13 yougoslave et il y avait un commandant ou commandant en second ou quelque

14 chose de ce genre. Ils n'avaient pas beaucoup de respect pour nous qui

15 étions plus âgés.

16 Q. Vous nous avez dit qu'Ivan était présent le jour où sa mère a été tuée.

17 En fait, il était membre du HVO, n'est-ce pas ?

18 R. Non, ce petit, il était trop jeune. Il n'était pas membre de l'armée,

19 c'était un garçon. Il vivait là avec sa mère et son frère Mato. Mato, en

20 revanche, était membre du HVO et il était ce jour-là là-haut à Borak.

21 Q. A quelle distance se situe Borak ?

22 R. C'est la première colline après Kriz, entre Here et Krstiste. Puis, il

23 y a Borak. C'est une colline entre Kriz et Pale, Krstiste et Bobari, c'est

24 une colline.

25 Q. Pour que la Chambre comprenne, il y a combien de mètres à peu près

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1 entre la maison d'Anica Stojanovic et l'endroit où se trouvait son fils

2 Mato, lorsqu'il était à Borak ? Sept cents, 1 000 mètres ?

3 R. A peu près 1 000 mètres, un kilomètre et quelque jusqu'à Borak.

4 Q. Est-ce qu'il y avait des pièces d'artillerie du HVO à Borak ?

5 R. Non, c'était près de la ligne de l'armée. Je ne sais pas, moi, peut-

6 être qu'il leur est arrivé d'y emporter ou apporter des pièces, je ne sais

7 pas.

8 Q. Vous savez si le jeune homme qui a survécu, Ivan, c'est d'Ivan, que je

9 parle. Est-ce qu'il était armé ?

10 R. Non, c'était un enfant.

11 Q. C'était un enfant qui vivait dans une zone agricole et j'insiste. Est-

12 ce qu'il avait un fusil de chasse à la maison ?

13 R. Cela, je ne sais pas. Son père était en Autriche et les sœurs aussi. Il

14 n'y avait que son frère Marko et sa mère, je ne sais pas. Je ne pense pas

15 qu'ils aient eu un fusil de chasse, puisque cela faisait 20 ou 30 ans que

16 son père travaillait en Autriche, et il n'est pas venu à la maison pendant

17 la guerre. Maintenant, il est là-bas, il a eu un infarctus.

18 Q. Oui.

19 R. Et Mato après l'armée, il a survécu, il s'est marié, il vit à Zagreb.

20 Il a une fille ou même deux enfants, je ne sais pas. Et ce petit aussi, il

21 est à Zagreb mais il a grandi depuis. Il avait 14 ou 15 ans à l'époque,

22 maintenant il a 25, peut-être 27 ans.

23 Q. Mais vous n'excluez pas la possibilité que le frère, Mato, qui était

24 membre du HVO, qu'il ait laissé un fusil à la maison, en cas où s'il y

25 avait eu un problème, une attaque ?

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1 R. Il n'aurait pas pu le laisser, puisqu'il devait avoir un fusil sur lui

2 sur la ligne de front. Ce matin il était à Borak.

3 Q. Alors je vais maintenant parler des Ratkices, vous en avez parlé.

4 Hier, vous avez dit que c'est dans le sous-sol que les deux corps ont été

5 trouvés de la --

6 R. De la maison de Blaz. Car leur maison a brûlé. C'était une grande

7 maison. Elle a brûlé, elle a été reconstruite, depuis.

8 Q. Vous avez très bien précisé cela hier. Mais pour ce qui est de la

9 position des corps, lorsque vous les avez vus pour la première fois, vous

10 avez eu l'impression qu'on les a jetés dans la cave, le sous-sol, c'est

11 bien cela ?

12 R. On avait à moitié cette impression qu'ils étaient placés là, ni

13 allongés, ni assis. Là il y avait des pommes de terre, des réserves,

14 c'était dans le sous-sol de la maison.

15 Q. Pour ce qui est de Kata et de Martin, est-ce vrai qu'ils avaient un

16 fils qui était présent au moment où ils ont été tués, ou à peu près à ce

17 moment-là ?

18 R. Ils avaient un fils, Fabjan, qui vivait avec eux, mais je ne sais pas

19 si ce matin-là, il était à Borak ou s'il était dans le village. Je ne sais

20 pas s'il était de repos ou de service. Borak est tombé et ils se sont

21 enfuis de Borak, Mato et tous les autres. Quant à savoir s'il était sur la

22 ligne ou s'il était à la maison chez lui, je ne sais pas. Mato, est-ce

23 qu'il est descendu de Borak ? Je ne sais pas. Puis, il y a l'autre Ratkic,

24 il me semble que lui il était là.

25 Q. Justement, cela allait être ma question suivante. Au moment de la chute

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1 de Borak, il est tout à fait possible que certains de ces jeunes hommes qui

2 avaient été stationnés à Borak, descendent, s'enfuient, qu'ils passent par

3 le village.

4 R. Oui, au moment où ils s'enfuyaient, ils sont passés par le village,

5 c'est possible. Ils avaient été sur la ligne. Ils se sont repliés. Certains

6 se sont repliés avec les personnes âgées. Il y avait Blaz, il y avait le

7 frère de Martin et Sofija, ils sont toujours en vie. Mais Martin et Kata ne

8 sont pas sauvés.

9 Q. Pour savoir comment Blaz s'est sauvé, ces jeunes hommes qui sont

10 revenus de la ligne de front, ils ont pris Blaz avec eux pour l'emmener à

11 l'abri, est-ce exact ?

12 R. Ils ne l'ont pas pris avec eux, ils se sont enfuis jusqu'au champ, en

13 bas là où travaillait Stojanovic. C'était un moment de panique. Les civils

14 s'enfuyaient. Il y avait d'autres personnes qui ont été sauvées. Mato a dû

15 revenir. Martin et Kata ont peut-être pensé qu'ils allaient se sauver dans

16 la cave, le sous-sol. Ils ont peut-être pensé qu'ils allaient pouvoir se

17 cacher là, mais ils n'ont pas survécu. Tandis que Blasko et le frère de

18 Sofija, eux aussi, ils vivaient à Kriz.

19 Q. Pour ce qui est de Kriz, il semble ressortir de ce que vous avez vu et

20 de ce qu'on vous a dit, c'est que les soldats de Borak, les soldats du HVO

21 de Borak se sont repliés, ils sont passés par le village de Kriz pendant

22 leur retraite. Il y a eu une panique parmi les civils à ce moment-là, ils

23 se sont mis à s'enfuir. C'est exact ?

24 R. Certains sont allés au village. Ils avaient des parents au village,

25 d'autres sont passés par le ruisseau, ils ne sont pas passés par le

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1 village. Toujours est-il que certains avaient des membres de leur famille

2 dans le village, mais ils ne pouvaient pas les voir. Ils étaient en train

3 de courir en criant. Ils n'avaient pas le temps de leur parler, de leur

4 demander quoi que ce soit, si leurs proches étaient en vie. Puis deux ou

5 trois jours plus tard, on les voyait à Prozor ivres, ils disaient toute

6 sortes d'histoires, mais certains ont survécu, d'autres n'ont pas survécu.

7 Q. Je voudrais maintenant vous renvoyer au livre encore une fois. C'est

8 Kata Ratkic qui nous intéresse, pages 34 et 35.

9 R. Page 35, je vois, "Kata Ratkic."

10 Q. Oui, Kata Ratkic, c'est exact. La partie qui m'intéresse, je ne vais

11 pas vous demander de donner lecture de tout ce texte, ce qui m'intéresse,

12 c'est dans les dernières phrases. Une fois qu'on a vu qu'elle a été tuée

13 par des soldats de l'ABiH, dans le sous-sol de chez son frère, le texte dit

14 que le fils qui a essayé de les sauver a été blessé par les soldats

15 musulmans, mais il n'a pas été tué ?

16 R. Oui, c'est ce fils, Fabjan. Je ne sais pas où il a été blessé, à Borak

17 ou dans le village, il est toujours en vie. Il a toujours des éclats d'obus

18 dans sa tête, il n'ose pas les extraire. Les docteurs n'osent pas le faire.

19 Il a des petits éclats dans la tête parce qu'il a été blessé. Quelqu'un a

20 dû lancer une grenade à main, quelque chose de semblable.

21 Q. D'après ce que vous savez, Fabjan est venu et il a essayé de se battre

22 avec les soldats de l'ABiH, près de l'endroit où se trouvait sa mère, près

23 de la maison familiale ?

24 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas où il s'est battu. Est-ce que c'était en

25 se repliant de Borak, ou est-ce que c'était à Kriz, je ne sais pas dans

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1 quelle direction ils s'enfuyaient, où ils sont allés. Je ne sais pas où a

2 couru Fabjan pour s'échapper, peut-être était-ce le long de ce lit du

3 ruisseau, peut-être qu'il n'est même pas passé par l'endroit où vivaient

4 ses parents, tandis que Mato est allé au village.

5 Q. Je voudrais simplement que vous nous confirmiez quel est le nom de

6 famille de Mato ?

7 R. Mato Ratkic. Il a sauvé son père et sa mère. Il leur a dit : Enfuyez-

8 vous par là. Puis sa tante et son oncle sont restés, peut-être qu'ils n'ont

9 pas compris, où il fallait aller. Ils se sont enfuis dans le sous-sol dans

10 la maison de Blaz.

11 Q. Pouvez-vous nous dire si au moment où Mato a dit qu'il fallait

12 s'enfuir, si à ce moment-là, il y avait déjà des maisons en feu dans le

13 voisinage ?

14 R. Oui, en haut de la colline à Kriz, il y a des étables. Elles étaient

15 toutes en feu. Il n'y avait pas beaucoup de maisons qui avaient brûlées en

16 bas, c'était uniquement la maison de Mato. Mais en haut de la colline, il y

17 avait des étables, elles étaient toutes incendiées. Puis les premières

18 maisons, les maisons qui sont juste à côté de Borak. Ces maisons-là, elles

19 étaient également touchées.

20 Q. Au moment où vous êtes arrivé, c'était de plein jour. Les personnes

21 vous ont dit qu'au moment où ils se sont enfuis de Kriz, est-ce que c'était

22 déjà la lumière du jour ou faisait-il encore nuit ?

23 R. Il était environ 6 heures. A Kriz, ils ont dit 5 heures. Je ne sais

24 pas. Les personnes qui étaient à Cer ont dit 6 heures, à Kriz, ils ont dit

25 5 heures ou 5 heures et demie. C'était à l'aube.

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1 Q. Peut-on dire que ce n'était pas la nuit noire, mais que c'était au

2 crépuscule; ce n'était pas encore pleinement la lumière du jour ?

3 R. Je ne sais pas si on voyait bien vraiment car certains étaient encore

4 en train de dormir. Je suis étonné que les miens n'aient pas encore laissé

5 sortir le bétail car ma mère avait l'habitude de se lever tôt. Le bétail a

6 brûlé dans l'étable. D'autres avaient déjà libéré et laissé sortir leur

7 bétail.

8 Q. Merci de m'avoir fourni ces réponses. Je vais aller de l'avant.

9 Vous nous avez dit que Franc et Serafina Stojanovic ont été vus, mais vous

10 n'avez pas pu aller voir ce qui leur est arrivé ?

11 R. Non. Quelqu'un les a descendus pendant la nuit. Je ne sais pas qui l'a

12 fait. Il y a Ruza Stojanovic et Cvita Stojanovic dont les maisons se

13 trouvaient là dans ce secteur. Cvita et Ruza, toutes les deux se sont

14 sauvées. Elles vivent maintenant là où est la maison de Franz, et l'autre

15 vit de l'autre côté du ruisseau. Elles sont en vie.

16 Q. Savez-vous comment elles ont pu survivre et s'échapper ?

17 R. Cvita, elle a été faite prisonnière en bas, du côté de Rajici, sur la

18 route dans la coopérative agricole. Enfin, cela n'existe plus; cela a été

19 vendu. C'est là, elle Sofija Stojanovic et les enfants de Jela et Dzalto,

20 un jeune homme les a faites prisonnières et il les a relâchées par la

21 suite. Enfin, quoi qu'il en soit, elles se sont sauvées. Ont-elles donné un

22 peu d'argent, je ne sais pas. Toujours est-il qu'elles ont pu se sauver.

23 Les deux sont en vie, elles vivent ici avec trois enfants. Sofija sa sœur.

24 Q. Je voudrais que l'on parle de la maison de Prskalo à présent. La pièce

25 P305, s'il vous plaît. C'est le troisième croquis.

Page 47

1 La maison de Prskalo, c'était la maison qui appartenait au commandant du 3e

2 Bataillon; est-ce exact ?

3 R. Son père et lui, il était son fils. L'autre, il était le commandant

4 dans l'école. Il avait un bureau là-bas à l'étage. C'était son commandant.

5 Il ne dormait pas là-bas. Des civils y étaient; Sofija, Jela et les

6 enfants.

7 Q. Oui. Est-ce que certains d'eux se sont rescapés ?

8 R. Oui. Sofija, elle est en Autriche en ce moment. Elle a sauvé ses trois

9 enfants ainsi que leurs tantes. Stenko, Milica et Mijo, ce sont les enfants

10 et ils sont tous en Autriche maintenant.

11 Q. Est-ce que M. Prskalo, le commandant du bataillon, a laissé des armes

12 dans la maison pour qu'ils puissent se défendre en cas d'attaque, même s'il

13 n'était pas là ?

14 R. Cela, je ne le sais pas. Je ne suis pas entré dans sa maison. Même

15 avant la guerre, je veux dire. Peut-être je n'y suis entré depuis des

16 années.

17 Q. Est-ce que vous vous souvenez de Jela Dzalto ? Excusez-moi si je

18 prononce mal. Jela Dzalto.

19 R. Oui, je la connais. Elle était à Bobari avec un dénommé Bika, puis

20 Mirko et Zoran. Ils étaient tous de Bobari. Ils sont descendus à Uzdol, à

21 Cer car ils étaient près de la ligne de front.

22 Q. Très bien. Oui, merci. Pour ce qui est de Jela, est-ce que vous

23 pourriez vous penchez sur la page 66. D'abord, une question générale : est-

24 ce que vous savez si oui ou non, Jela Dzalto est allée dans la maison ?

25 Est-ce qu'elle a riposté aux tirs des soldats de l'ABiH depuis la maison ?

Page 48

1 R. Cela, je ne le sais pas. J'ai entendu dire de la part de sa sœur

2 qu'elle jurait, puis elle a dit qu'elle avait oublié quelque chose. Sa sœur

3 elle a été capturée. Elle était de l'autre côté du commerce. Personne ne

4 devait bouger. Donc, ils ont survécu. Ensuite, elle est rentrée à la

5 maison, et la maison avait brûlé. Elle aussi, elle avait brûlé dans la

6 maison. Maintenant, je ne sais pas si elle avait été blessée ou pas.

7 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu des témoins oculaires de sa mort ?

8 R. Je connais cette Sofija. Je connais ses enfants. Sofija, elle dit

9 qu'elle est restée là-bas. Dzalto Josip, Bikan, son beau-frère, il a pris

10 la route, il est allé vers Donja Vas avec sa femme et sa fille. Il est

11 passé vite; il les a laissés derrière. Cvita, elle est morte, et les trois

12 enfants, ils ont été sauvés et ils sont en Autriche.

13 Q. Oui. J'allais parler de Josip Dzalto tout à l'heure. Puisque vous

14 l'avez mentionné, je vais en traiter maintenant. Où vivait Josip Dzalto le

15 matin où ces événements ont commencé.

16 R. Josip Dzalto a vécu chez son beau-frère, Emil Piplica. C'était vers

17 Budim et Mendesi. Budim c'est en haut et Mendesi quelques maisons près de

18 la route. Jozo, Emil Piplica, Zora Mendes, Josip Mendes.

19 Q. Est-ce que Josip a pris sa famille ? Est-ce qu'ils sont partis du

20 village au moment où ces soldats de l'ABiH sont arrivés ?

21 R. Oui.

22 Q. Etait-il --

23 R. Il s'est enfui avant, car il avait un beau-fils et sa fille qui

24 vivaient avec lui à Donja Vas. Il a fui avec eux à Donja Vas, à Prozor.

25 Puis, les autres -- enfin je ne sais pas pourquoi il a décidé de faire

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1 cela. Il a conduit juste à côté. Il est passé à côté d'eux en conduisant.

2 Il ne pouvait pas arrêter pour le prendre. Je suppose qu'ils sont --

3 Q. Je vais vous arrêter à ce moment-là. Ma question suivante, pour être

4 clair, est de savoir s'il a quitté le village - peu importe ce qu'il avait

5 fait dans le passé, est-ce qu'il a quitté le village le matin de cette

6 tragédie, le 14 septembre 1993 ?

7 R. Oui, ce matin-là, mais je ne sais pas à quelle heure. Peut-être c'était

8 vers 2 ou 3 heures. Simplement, il a fui. Il a quitté Uzdol. Il est allé

9 rejoindre sa fille et son mari à Donja Vas. Il s'agit d'une distance de

10 peut-être 2 ou 3 kilomètres.

11 Q. Lorsqu'il conduisait pour sortir du village d'Uzdol, est-ce qu'il est

12 passé à côté d'autres personnes qui fuyaient le village ?

13 R. Je ne sais pas, je ne sais pas à quelle heure il fuyait.

14 Q. Il est passé à côté de qui ?

15 R. Je ne sais pas, mais je vous dis que Sofija, la fille de -- la sœur de

16 Jelena, elle a dit que Bikan s'était enfui en voiture, et qu'il ne les

17 avait pas pris à bord. Je ne sais pas à quelle heure.

18 Q. Oui, je comprends. Est-ce que vous pouvez dire approximativement vers

19 quelle il l'a fait ? Approximativement vers quelle heure est-ce qu'il est

20 passé à côté de Sofija ? Est-ce que c'était avant qu'elle ne se soit faite

21 prisonnière ?

22 R. Oui, c'était avant qu'elle ne se soit faite prisonnière.

23 Q. Je comprends. Peu importe le temps, essayez, Josip aussi est passé à

24 côté d'elle pendant qu'elle fuyait sa maison mais avant que les soldats de

25 l'ABiH ne l'aient capturée ?

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1 R. Oui. Il doit passer devant ces maisons-là. Sa belle-sœur, elle vivait

2 chez Prskalo. Lui, il était chez son beau-frère. Sofija le sait mieux que

3 moi.

4 Q. Est-ce qu'il a pris quelqu'un de la maison Prskalo ?

5 R. Personne. Il a tout simplement pris sa femme. Puis, il y avait ses

6 enfants, je ne sais pas. Il est allé à Donja Vas, chez son beau-fils et sa

7 fille. Eux, il les a amenés à Prozor, mais pas par Uzdol mais par la route

8 qui passe de Donja Vas et Kransko Polje.

9 Q. J'ai quelques questions concernant ce Prskalo. Est-ce qu'il était un

10 soldat du HVO ? Excusez-moi, je retire cette question.

11 Je souhaitais poser la question concernant ce Josip et non pas Prskalo.

12 Est-ce que Josip était membre du HVO ?

13 R. Oui, il était chauffeur au sein du HVO.

14 R. Est-ce qu'il était de permanence ce matin-là ?

15 R. Non, il était de repos. Ils étaient plusieurs chauffeurs. Ce matin là,

16 il était de repos.

17 Q. Est-ce qu'il était en uniforme cette nuit-là, ou plutôt pendant qu'il

18 conduisait ce véhicule ?

19 R. Il devait être en uniforme car tous les soldats étaient en uniforme.

20 Ils ne pouvaient pas se déplacer en civil. Parfois, les gens ne le

21 connaissaient pas. Il y avait des soldats de Rama, d'Orasti [phon], de Ceko

22 [phon]. Si les gens vous voyaient en vêtement civil, ils pensaient

23 immédiatement que vous étiez déserteur ou quelque chose comme cela. Donc,

24 tous ceux qui avaient un uniforme devaient le porter.

25 Q. Oui. Est-ce qu'il était armé ce matin-là ?

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1 R. Cela, je ne sais pas car ce matin-là, je ne l'ai pas vu. Après, j'ai

2 entendu de cette belle-sœur, elle a dit : Arrête-toi. Lui, il a dit : Je

3 vais revenir vous chercher. Puis, il a poursuivi son chemin. Après il n'a

4 pas osé revenir car on avait commencé à tirer.

5 Q. Quel était le véhicule qu'il conduisait ?

6 R. Une camionnette.

7 Q. Je vais maintenant parler des autres quatre personnes qui ont été tuées

8 dans cette partie-là. Il s'agissait de Sima et Mara, près d'eux, Stanko et

9 Lucija Rajic. En ce qui concerne ces

10 personnes-là, trois d'entre eux ont été tués les uns à côté des autres, et

11 Mara, elle a été tuée à proximité ?

12 R. Oui, à proximité d'eux, elle aussi.

13 Q. Mara était un membre du HVO; est-ce exact ?

14 R. Mara nous aidait au début. C'était une vieille fille pour ainsi dire.

15 Elle ne s'était jamais mariée.

16 Q. Elle était assez combative, Mara, n'est-ce pas ?

17 R. Je ne sais pas. Je sais qu'elle chantait bien, elle chantait vraiment

18 bien.

19 Q. Nous allons maintenant examiner la page 52 du livre, s'il vous plaît,

20 le texte qui concerne Mara Rajic. Je souhaite que l'on traite du passage

21 qui commence par "Au début de la guerre". Je n'ai pas besoin de tous les

22 autres détails. Est-ce qu'il est écrit ici : "Au début de la guerre, elle

23 se porte volontaire et devient membre du HVO. Elle travaille dans la

24 cuisine en tant que cuisinière. Elle est courageuse et fière de sa religion

25 et de son appartenance ethnique. Souvent, elle encourageait des jeunes

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1 filles dans la cuisine, même les soldats. Une fois, elle a dit : Si vous

2 n'avez pas suffisamment de soldats, donnez-moi un fusil et je vais prendre

3 la relève suivante."

4 Est-ce que vous voyez cela ?

5 R. Oui, je vois.

6 Q. Est-ce que ces informations que je viens de lire sont exactes ?

7 R. Oui, c'est exact. Mara, elle était vraiment courageuse, mais elle

8 plaisantait, vous savez. Car parfois, les soldats se plaignaient, ils

9 disaient : Ils n'aimaient pas manger ceci ou cela. Elle, elle disait :

10 Pourquoi est-ce que tu te plains ? Si tu as peur, donne-moi ton fusil.

11 Parmi les soldats, parfois, il y en avait qui ne voulaient pas manger des

12 pâtes ou autres choses, et cetera. Vous savez, on ne peut pas satisfaire

13 tout le monde. Mara, elle n'est pas restée pendant longtemps. Elle est

14 partie de nous, après. Ce qui m'étonne, c'est qu'ils n'ont pas écrit

15 qu'elle avait été là pendant la guerre. Elle aurait dû recevoir une forme

16 de reconnaissance, car il y avait eu d'autres femmes qui ne faisaient que

17 préparer deux ou trois pains par jour.

18 Q. Oui. Maintenant, je souhaite vous poser quelques questions concernant

19 les maisons de ces personnes dont on a parlé, qui ont essayé de fuir

20 lorsqu'elles ont commencé à courir. En ce qui concerne Sima et Mara, est-ce

21 qu'il y a eu des soldats du HVO qui vivaient dans cette maison à l'époque,

22 et qui se sont enfuis ?

23 R. Non. Il n'y avait pas de soldats; il n'y avait que Mara et sa mère en

24 face de la maison de Prskalo. La mère, lui, il est mort avant la guerre.

25 Q. Oui, je comprends. A la maison Prskalo, est-ce qu'il y a des soldats du

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1 HVO qui vivaient ou résidaient au moment du meurtre ?

2 R. Non, il y avait Dzalto et immédiatement Mara et Sima. Il y avait une

3 maison bien meilleure que cela, bien plus moderne. C'est là qu'il y avait

4 des soldats. Stanko, il y avait la maison de Stanko derrière la maison de

5 Jaka. D'abord, la maison Jaka, ensuite de Stanko, ensuite de Mira. Enfin,

6 la maison de Stanko était la dernière. Stanko et Lucija, ils sont venus de

7 cette maison-là. S'ils n'étaient pas venus jusqu'à l'autre maison, Dieu

8 sait ce qui leur serait arrivé, s'ils avaient passé la nuit là-bas ou s'ils

9 étaient allés à la maison Prskalo, je ne sais pas ce qui leur serait

10 arrivé.

11 Q. Lorsque vous êtes passé à côté de ces maisons, est-ce que vous avez

12 remarqué des traces de tirs de mitraillette ou de tirs de fusil sur les

13 murs, des traces de la guerre, et là je parle des murs externes de la

14 maison ? Là, je parle des maisons dans la région de Rajici.

15 R. Je n'ai pas regardé. J'ai regardé simplement les gens, et j'ai vu que

16 la maison de Prskalo brûlait. Mais je ne sais pas, il y a eu beaucoup de

17 fumée autour de la maison, alors que dans la partie inférieure de la route,

18 aucune maison n'avait été incendiée. Seulement l'étable de Stanko brûlait

19 juste à côté de sa maison.

20 Q. Je vous remercie d'avoir répondu à cette question.

21 Je souhaite vous demander tout d'abord s'il y a eu des prisonniers,

22 si les forces du HVO ont capturé un certains membres de l'ABiH ?

23 R. Vous parlez de quoi ? Oui, par la suite. Il y en avait une

24 personne.

25 Q. Pas par la suite, je veux dire ce matin-là.

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1 R. Vous voulez dire vivant ? Non, personne n'a été capturé vivant.

2 Q. Oui.

3 R. Il y avait quelques soldats de l'ABiH. Ils ont été enterrés derrière

4 l'école. Puis je pense qu'après, ils ont été déplacés à Scipe. Je pense

5 qu'ils étaient cinq ou six.

6 Q. Très bien.

7 R. Trois personnes sont venues, ils ont exhumé les cadavres et ils les ont

8 déplacés à Scipe.

9 Q. Je souhaitais simplement savoir si vous saviez si quelqu'un avait été

10 fait prisonnier ?

11 R. Je sais qu'il y a eu quelques cadavres, je ne sais pas combien, je ne

12 les ai pas bien comptés. Puis certaines personnes sont venues et elles les

13 ont transférés à Scipe, mais plus tard.

14 Q. Est-ce que 12 soldats du HVO ont péri ce matin-là ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que parmi ces soldats, il y avait des membres de l'équipage du

17 char qui se trouvait à l'école, ou près de l'école ?

18 R. Oui, je pense que trois d'entre eux en faisaient partie, car ils

19 étaient de Prozor, je ne les connaissais pas avant.

20 Q. Est-ce que parmi les autres 12 soldats du HVO qui ont été tués, il y

21 avait des jeunes hommes qui ont été tués au combat qui se déroulait autour

22 de l'école ?

23 R. Je pense que c'était justement la manière dont Josip Maric a été tué.

24 Il a été tué dans l'école et tous les autres ont été tués autour de

25 l'école, en bas de l'école. Vous savez cette partie s'appelle Cer.

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1 Q. Mis à part Ivo, est-ce que parmi les soldats du HVO qui ont été tués,

2 est-ce qu'il y en avait qui ont été tués près des hameaux de Kriz, Rajici

3 et Zelenika ?

4 R. Non, aucun. Seul Pero Kovcalija à Cer, puis Slavko Mendes, c'était en

5 contrebas de Cer. En bas de la maison d'Ivo, tout cela c'est Cer.

6 Q. En ce qui concerne Slavko Mendes, à quelle distance de son cadavre

7 avez-vous vu des cadavres de soldats de l'ABiH, soldats bosniaques, mais il

8 ne faut pas que je dise bosniaques. Je reprends.

9 A quelle distance du corps de Slavko Mendes avez-vous remarqué des cadavres

10 de soldats de l'ABiH ?

11 R. La route se bifurque là en quatre parties. Lui, il était peut-être à

12 une quinzaine de mètres de la maison, 15 à 20.

13 Q. J'ai des questions au sujet de la question de savoir ce qui est arrivé

14 à ceux qui ont survécu. Peu m'importe chaque individu, mais est-ce qu'il y

15 avait une manière organisée dont les personnes qui ont survécu ont été

16 transférées à Prozor ou est-ce qu'ils l'on fait tous de manière

17 différente ?

18 R. Chacun fuyait de sa propre manière à pied, rien n'a été organisé pour

19 autant que je le sache.

20 Q. Est-ce que vous savez s'ils étaient tous regroupés ensemble à un moment

21 donné, pendant qu'ils étaient à Prozor, là je parle des rescapés ?

22 R. Je ne le sais pas, car j'ai passé toute cette journée-là à Uzdol. Je

23 ne sais pas où ils étaient à Prozor, je suppose que beaucoup de personnes

24 avaient des cousins, des parents à Prozor. Donc je ne sais pas.

25 Q. Est-ce que vous avez participé à la prise de déclaration concernant ce

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1 qui s'était passé auprès de ces rescapés ?

2 R. Non, pas moi. Peut-être que quelqu'un me voyait, peut-être que

3 quelqu'un voyait quelqu'un d'autre, je ne sais pas. Ce n'était pas moi.

4 Q. La séquence vidéo dont le Procureur vous a montré une partie, hier,

5 est-ce que vous souvenez qui était derrière la caméra au moment où ceci a

6 été filmé ?

7 R. Je ne sais pas quel était son nom, ce n'était pas l'un des nôtres,

8 c'était l'un des soldats.

9 Q. Mis à part cette cassette vidéo, est-ce que vous pouvez nous dire à

10 quelle heure cette vidéo a été filmée ?

11 R. Je ne sais pas, il allait derrière nous avec une petite caméra,

12 quelqu'un filmait, puis d'autres sont venus. Ils ont filmé tout. Je ne sais

13 pas, jusqu'au soir presque. Il y avait deux caméras : il y avait une grande

14 caméra, une petite caméra, puis je ne sais pas qui a enregistré quoi. Celui

15 avec la grande caméra, il est venu plus tard.

16 Q. Est-ce que la BBC est venue le lendemain. Autrement dit, les

17 représentants des médias internationaux, est-ce qu'ils ont couvert cet

18 événement ?

19 R. Je ne sais pas si c'était le lendemain car j'étais à Prozor chez le

20 président là-bas. Car il y en a qui devait aller à Split et il fallait

21 organiser quelque chose, je ne me souviens pas.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment les cadavres des soldats du

23 HVO, donc là je parle des soldats, des jeunes hommes qui ont été tués, est-

24 ce que vous savez à quel moment leurs cadavres ont été transférés du

25 village d'Uzdol. Est-ce que c'était le même jour ou plus tard ?

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1 R. Je ne sais pas exactement. Puis, je pense que c'était plus tard. Que

2 les civils sont d'abord allés à Split, car les soldats, ils les ont d'abord

3 enterrés à Prozor, et eux ils attendaient pendant longtemps, sept à dix

4 jours, c'était long. C'était difficile pour les proches, ils savaient que

5 la personne était morte, mais ils devaient attendre pour l'enterrement, et

6 c'était horrible. Ils attendaient cinq jours, sept jours et plus, c'était

7 horrible cette attente.

8 Q. Qui était en charge de la décision de laisser les civils décider là où

9 ils étaient pendant plus d'une journée. Qui a pris cette décision ?

10 R. Ils n'y sont pas restés toute la journée, ils ne pouvaient pas ramener

11 tout le monde; l'un deux qui était à Kriz n'a pas pu être ramené. Il n'y

12 avait pas suffisamment de véhicules pour les déplacer tous. Puis à un

13 moment donné un camion est arrivé, qui les a emmenés à Prozor. Je ne sais

14 pas qui a pris cette décision, je ne sais pas qui était le chef. Le

15 président de la municipalité à l'époque c'était Misko Jozic. Il y avait le

16 commandement, comment est-ce que cela s'appelait ? La cellule de Crise.

17 Q. De toute façon, vous n'avez pas participé à cela vous-même, est-ce

18 exact ?

19 R. Non, j'ai simplement dû fournir les données concernant les dates de

20 naissance de certaines personnes, et cetera. Puis ils demandaient des

21 données de Bugojno, car ces membres d'équipage du char venaient de Bugojno,

22 mais cela je ne le savais pas, j'avais mes propres données, et je leur ai

23 donné ce que j'avais.

24 Q. Avez-vous vu une journaliste britannique, Kate Adie, avec son équipe,

25 arriver au village d'Uzdol ? Est-ce qu'ils étaient escortés par un officier

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1 du HVO ?

2 R. Je ne sais pas comment les personnes s'appelaient puisque quelqu'un est

3 venu. Mais je ne sais pas qui c'était.

4 Q. Est-ce que vous avez vu un représentant du Haut commissaire des Nations

5 Unies pour les réfugiés arriver au village ?

6 R. Quand ? Ce jour-là ?

7 Q. Je veux dire --

8 R. Pas à ce moment-là.

9 Q. Au cours des deux ou trois jours qui ont suivi ?

10 R. Je ne sais pas, à ce moment-là, je passais plus de temps à Prozor

11 qu'ici. Les miens, là-bas, étaient tous morts. Mon frère, ma sœur de

12 Zagreb. Ils venaient et ils s'évanouissaient tous en arrivant. Vous savez,

13 je ne sais pas où j'étais au cours de ces jours-là. J'étais peut-être même

14 à Uzdol. Je ne me souviens pas de cela jusqu'à l'enterrement. Tout cela

15 c'est vague dans mon esprit. Même en ce qui concerne l'enterrement, je sais

16 maintenant qu'il y en a qui sont venus, alors que je ne les ai pas vus au

17 moment de l'enterrement. Je les vois sur les photos. J'ai de la famille qui

18 est venue de Split et d'ailleurs. Je ne savais pas qu'ils avaient été là.

19 Q. Je pense que vous avez déjà répondu à certaines questions que j'allais

20 vous poser, mais je vais quand même vous les -- poser une question. Vos

21 souvenirs concernant ce qui c'est déroulé après ce jour-là, au cours des

22 jours qui ont suivi, ne sont pas complets car vous étiez très dérangé, est-

23 ce exact ?

24 R. Je n'avais aucune volonté de vivre. C'était très difficile. Ma femme

25 est arrivée et elle ne se tenait pratiquement pas debout. Moi-même, j'étais

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1 à moitié conscient, il fallait que je m'occupe de ma femme et de ma

2 famille.

3 Q. Compte tenu de cela, je ne vais pas vous poser un certain nombre de

4 questions que j'allais vous poser. Mais voici la dernière question de mon

5 contre-interrogatoire qui concerne les rapports de combat du HVO.

6 M. MORRISSEY : [interprétation] Peut-on montrer au témoin le premier. Il y

7 a une série de ces rapports de combat, et là il s'agit de la pièce à

8 conviction de la Défense dont le numéro 65 ter est D238. Il s'agit du

9 numéro DD001200, MFI 318, je pense.

10 Q. Peut-être vous avez vu ce document, peut-être pas. Je vais vous poser

11 cette question, mais apparemment il s'agit des rapports de combat

12 concernant ce qui s'était passé à Uzdol, et je devais vous poser quelques

13 questions au sujet de cela. Veuillez nous répondre si vous le pouvez.

14 Sinon, dites-le nous.

15 R. Bien.

16 Q. Avez-vous à l'écran un document qui semble être à priori un rapport de

17 combat en date du 14 septembre, établi par le colonel Zeljko Siljeg ?

18 R. Je vois.

19 Q. C'est un document établi à 7 heures du matin ? Est-ce que vous voyez

20 cela? Bien. Alors première question : vous connaissiez le colonel Siljeg,

21 n'est-ce pas ?

22 R. J'en ai entendu parler mais je ne le connaissais pas personnellement.

23 Je n'ai jamais eu de contact direct avec lui, mais j'ai entendu parler de

24 Siljeg et de quelqu'un qui s'appelait Praljak. Je ne crois pas qu'il se

25 trouvait dans notre région.

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1 Q. Pouvez-vous nous dire le nom de la personne qui vous a ordonné de

2 retourner de Prozor très rapidement à Uzdol pour aider ? Qui vous a donné

3 cet ordre ?

4 R. Mais le matin personne ne m'a donné d'ordre, mais quand j'ai entendu

5 dire qu'Uzdol était la proie des flammes, j'y suis allé, et les autres qui

6 se trouvaient à Prozor ce soir-là aussi. On est y allé de notre propre

7 chef, tout seul. Ivica Rajic a dit il y a un de mes parents. Il est allé à

8 Prozor, il était en chemin.

9 Q. J'aimerais savoir si vous pouvez nous dire quelque chose au sujet de ce

10 document. Premièrement, est-ce que vous l'aviez déjà vu précédemment ce

11 rapport de combat ?

12 R. Je ne l'avais jamais vu avant, j'ai entendu parler de cet homme mais je

13 ne le connais pas personnellement.

14 Q. Pour ce qui est des informations qui sont contenues dans ce document,

15 est-il exact qu'il y avait des combats violents à Uzdol avec les MOS --

16 mais pouvez-vous d'abord expliquer aux Juges de la Chambre ce que c'est que

17 les MOS ?

18 R. Les MOS ce sont les forces armées musulmanes, et ensuite c'est devenu

19 l'ABiH. Vous avez d'un côté le HVO, les forces croates. Il y avait là aussi

20 les forces serbes. Les MOS c'était, j'imagine, les forces armées

21 musulmanes, au départ, qui ensuite se sont transformées en armée de l'ABiH.

22 Q. N'avez-vous jamais entendu parler d'un dénommé Stjepan Siber, un Croate

23 qui était commandant adjoint de l'armée de Bosnie, ou un des commandants en

24 second de cette armée ?

25 R. Stjepan Siber, non. Je n'en ai pas entendu parler. J'ai entendu parler

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1 de -- comment s'appelle-t-il déjà, Jovan Divjak, mais non, l'autre nom,

2 c'est le premier nom que vous avez donné, non, je ne le connais pas.

3 Q. Avez-vous entendu parler de Stjepan Kljuc ?

4 R. Oui, j'en ai entendu parler.

5 Q. Est-ce que c'était quelqu'un d'appartenance ethnique croate qui a

6 participé au gouvernement bosniaque dès le départ ?

7 R. Il était à Sarajevo, je ne sais pas ce qu'il y faisait exactement, mais

8 je l'ai vu à la télévision, il fumait la pipe.

9 Q. Excusez-moi, je fais une petite digression ici en parlant des MOS.

10 Reprenons l'ordre de mes questions.

11 Il y a eu comme l'indique cet ordre de combat, des combats très violents à

12 Uzdol entre 6 heures du matin et 7 heures du matin, n'est-ce pas ?

13 R. Je ne sais pas. Je suis arrivé plus tard. Quand je suis arrivé les

14 soldats n'étaient plus là. Les forces de l'ABiH s'étaient repliées vers

15 Here. Je n'ai vu aucun soldat, je ne sais pas.

16 Q. Plutôt que de vous interroger au sujet de cet ordre, je vais plutôt

17 vous poser des questions sur ce que vous avez entendu de toutes ces

18 questions.

19 Premièrement, on vous a dit qu'avant votre arrivée, le HVO avait fait

20 l'objet d'une attaque très énergique de la part de l'ABiH, n'est-ce pas ?

21 R. Ils ont dit qu'ils allaient attaquer Crni Vrh, une espère de ligne qui

22 se trouvait à cet endroit. Nous, notre ligne se trouvait plus loin dans la

23 direction de Prozor et de Vakuf. Ils attendaient une attaque à cet endroit.

24 Q. J'entends bien. Après avoir quitté Prozor, quand vous êtes arrivé à

25 Uzdol, on vous a dit qu'il y avait eu une attaque extrêmement énergique

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1 lancée par l'ABiH, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, il y a eu une attaque très énergique qui a été mise en œuvre. Les

3 nôtres se sont défendus autour de l'école à Cer. Enfin, je ne sais pas dans

4 quelle mesure ils se sont défendus.

5 Q. Vous avez entendu dire que l'attaque avait été repoussée, et d'après ce

6 que vous avez vu, l'attaque ne se poursuivait plus, il n'y avait plus

7 d'attaque autour de l'école de Cer, n'est-ce pas ?

8 R. Ils s'étaient tous enfuis autour de l'école et dans les environs. Je ne

9 sais pas si des personnes avaient été tuées ou si l'attaque avait été

10 repoussée ou si des soldats étaient retournée à Sarajevo.

11 Q. En plus de tout cela, vos soldats vous ont appris que le HVO avait eu

12 recours à des pilonnages très violents pour se débarrasser des soldats

13 bosniaques qui se trouvaient dans les hameaux, n'est-ce pas ?

14 R. Cela, je ne sais pas. Ils avaient ouvert le feu. J'ignore avec quel

15 type d'armement, quel type d'armement était à leur disposition. Il y a eu

16 des tirs; j'en ai entendus. Pour le pilonnage, enfin, les combats n'ont pas

17 vraiment eu lieu dans les environs, à proximité.

18 Q. J'entends bien. Ces armes, ces pièces d'artillerie qui étaient à la

19 disposition du HVO, ne visaient pas, n'étaient pas pointées sur vos

20 hameaux, sur les hameaux d'Uzdol. Ils visaient, ils étaient pointés sur les

21 positions occupées par l'ABiH ainsi que sur le village de Here, n'est-ce

22 pas ?

23 R. Sans doute, parce que nos hommes n'auraient pas tiré sur les leurs.

24 Q. Bien entendu que non. Quand il y a eu des combats, enfin, je ne veux

25 pas utiliser le terme de combats, mais quand on a constaté la présence de

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1 soldats bosniaques dans les hameaux, il a fallu que les pièces ou ceux qui

2 servaient les pièces d'artillerie trouvent la bonne distance, la bonne

3 distance au moment de tirer sur ces cibles, n'est-ce pas ?

4 R. Je ne sais pas. Cela, c'est au commandement de décider.

5 Mme CHANA : [interprétation] Excusez-moi. Là, on ne cesse de poser au

6 témoin des questions auxquelles il ne peut pas répondre.

7 Je me suis tue pour l'instant, mais on lui pose des questions au sujet

8 d'éléments qu'il ne connaît; il n'était même pas là. On lui pose des

9 questions de la tactique, et cetera.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey. Oui, je pense qu'il

11 vaut mieux poser ce type de questions à d'autres personnes.

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, je suis en position difficile, parce

13 que j'allais m'opposer à cette objection, mais vu la réponse qu'il m'a

14 donnée, je n'ai plus rien à dire, je reste sans voix. Effectivement, il ne

15 sait rien.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Nous en arrivons au terme de cette petite

18 polémique.

19 Q. Je vais vous poser quelques questions au sujet des documents qui

20 étaient sur l'écran il y a quelques instants. Il s'agit d'ordres de

21 combats. Nous en avons trois. Dernière série de questions, ensuite, j'en

22 aurai terminé.

23 Premier ordre, avec l'heure de 7 heures du matin indiquée, vous

24 reconnaissez que vous n'avez pas de raison de contester ce qui figure dans

25 cet ordre. Cela n'est pas en contradiction à ce que vous savez vous-même.

Page 64

1 R. Je ne sais pas qui a écrit cela, qui a écrit ce rapport. Les

2 commandants n'ont pas le droit -- les commandants peut-être, mais enfin, je

3 n'ai pas le droit de faire des commentaires, je reste très neutre.

4 Q. Je ne vous demande pas ici de vous colleter à quelques supérieurs

5 hiérarchiques que vous ayez eus ou que vous ayez actuellement. Simplement,

6 je veux que vous nous confirmiez ce que vous savez.

7 Regardons le deuxième ordre, c'est la page suivante.

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Rapport qui a été établi à

9 8 heures du matin, DD001205 en anglais. Forcément en B/C/S, ce sera un

10 chiffre ou une référence différente. C'est la page 2 en B/C/S.

11 Q. Est-ce que vous avez sous les yeux ce document, un rapport provisoire

12 qui présente la situation à 8 heures du matin ? Je souhaiterais m'assurer

13 que tout le monde a le document à l'écran avant que je ne commence mes

14 questions.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Malheureusement, le document n'apparaît

16 pas à l'écran qui est sous nos yeux.

17 M. MORRISSEY : [interprétation]

18 Q. Un instant, patience, Monsieur le Témoin.

19 R. Je n'ai jamais vu ce document.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] On me fait savoir que c'est la deuxième

21 page en anglais également.

22 Q. Vous nous dites, Monsieur, que vous n'avez jamais vu ce document

23 auparavant.

24 R. Non, je ne connais pas ces gens. Rado Nikolic, Draga Batinic, Niku

25 Kolak, Himzo Sehic. Non, je ne connais pas ces gens. Je n'en ai même jamais

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1 entendu parler.

2 Q. Je ne vais nullement vous interroger au sujet de ces personnes, parce

3 qu'il n'apparaît pas clairement qu'ils parlent d'Uzdol ici. Peut-être que

4 oui, peut-être que non. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui en bas du

5 document. On dit : "Combats très violents à Uzdol. Nous ouvrons le feu au

6 moyen des pièces d'artillerie et des chars. Nous envoyons des renforts. Le

7 MOS est à 50 mètres de l'école. Ils encerclent les hameaux de Kriz et

8 Zelenike."

9 Pour vous, comment se présentait la situation à cette heure-là, à cette

10 heure, 8 heures du matin.

11 R. Je ne sais pas. Ils avaient ouvert le feu au moyen de leur artillerie.

12 Il y avait un pilonnage d'artillerie violent qui visait ces positions. Cela

13 n'a servi à rien parce que tout le monde a été tué. Ici, on dit que c'est

14 de 6 heures à 7 heures, mais ici c'est écrit jusqu'à 8 heures, donc ce

15 n'est pas cela.

16 Q. Je ne sais pas exactement ce que vous êtes en train de nous dire et ce

17 que vous êtes en train de regarder exactement, quand vous parlez de 6 à 7

18 heures.

19 R. Je vois un rapport qui présente la situation. C'est ici.

20 Q. Oui.

21 R. Rapport provisoire, un rapport provisoire au sujet de la situation à 8

22 heures du matin.

23 Q. Oui, je vois. Vous nous dites qu'il est dit ici, plutôt vous voyez

24 qu'il est dit ici, que le feu est ouvert au moyen de l'artillerie et des

25 chars, que des renforts sont envoyés, que les MOS sont à 50 mètres de

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1 l'école.

2 Pouvez-vous nous confirmer, parce que vous étiez sur place à

3 8 heures. Pouvez-vous nous confirmer que c'est bien ainsi que la situation

4 se présentait ou est-ce que vous pouvez ne nous rien nous dire ?

5 R. On parle ici de "pilonnages," mais je ne sais pas où. Parce que ceux

6 qui sont morts, les Bosniens, n'ont pas été tués à Uzdol. Je ne sais pas

7 s'il y a eu des combats ailleurs, mais on parle de Citluk ici. Ces gens-là

8 n'étaient pas à Uzdol.

9 Q. Passons à la page suivante, un rapport provisoire qui présente la

10 situation à 10 heures.

11 M. MORRISSEY : [interprétation] C'est la page 4 en anglais, la troisième

12 page dans la version en B/C/S. Pour l'anglais, c'est la quatrième page

13 qu'il faut consulter. Je le signale pour les Juges.

14 Q. Est-ce que vous avez le document à l'écran, maintenant ?

15 R. Oui, je le vois.

16 Q. Je vais d'abord commencer par vous demander si vous avez vu ce document

17 déjà ?

18 R. Non, jamais.

19 Q. Pour ce qui est de --

20 R. Il s'agit de Doljani, Kucani. Ce n'est pas nos lignes de front. Je n'ai

21 pas vu ce document, je n'ai vu aucun de ces documents. C'est la première

22 fois que je le vois.

23 Q. Cela ne m'intéresse pas tellement tout ce qui a trait au village que

24 vous venez de citer, Doljani, Kucani, et cetera. Ce qui m'intéresse, c'est

25 ce qui figure au premier paragraphe, où il est

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1 dit : "Dans le secteur d'Uzdol, les combats se poursuivent. Les MOS ont

2 fait irruption dans les hameaux de Kriz et Zelenike; dans une partie de ces

3 hameaux. Uzdol a été complètement encerclée après l'intervention de

4 nouvelles troupes des MOS."

5 Est-ce que vous voyez ce passage ?

6 R. Oui. Il est dit que jusqu'à 10 heures, je sais qu'il y a des gens qui

7 ont été tués dans la maison, j'ai vu d'autres personnes tuées à ce moment-

8 là. Il n'y avait pas de combats. J'ai vu des membres de ma famille, morts.

9 Q. Une petite question sur la chronologie des événements. Vous nous dites

10 que vous avez quitté Prozor à une heure donnée, et que vous êtes arrivé à

11 Uzdol à une autre heure. Est-ce qu'il est possible que vous vous soyez

12 trompé ? Est-ce qu'il est possible que vous soyez arrivé sur place un petit

13 plus tard dans la matinée ? Est-ce que c'est possible ou est-ce que ce

14 n'est pas possible ?

15 R. Non, je ne suis pas arrivé plus tard. On est parti tôt le matin. On a

16 parcouru une partie du chemin à pied. Pour le reste du chemin, on a pu se

17 déplacer à bord d'un véhicule. Il n'y avait plus de combats quand on est

18 arrivé. Les hommes s'étaient repliés. Il n'y avait plus de tirs. Il y avait

19 des pilonnages dans les collines, des pilonnages qui venaient du haut. En

20 tout cas, je suis arrivé à

21 10 heures au plus tard. Je suis arrivé dans ma maison à 10 heures au plus

22 tard. Même si je ne peux pas dire combien de temps j'ai passé à divers

23 endroits, parce que je courais, je voulais voir si ma famille, si les

24 membres de ma famille étaient encore vivants. On ne pouvait pas se

25 permettre de rester avec les autres, de se lamenter et de pleurer pendant

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1 une heure ou deux.

2 Q. Oui, je comprends très bien. Je ne vais pas insister sur ce point.

3 Quelles que soient les heures en question, on peut dire quand

4 10 heures du matin on sonné, vous aviez déjà commencé à trouver toutes ces

5 personnes tuées, n'est-ce pas ?

6 R. Oui, 10 heures, oui. Même avant peut-être.

7 Q. Vous nous dites que vous n'avez pas - enfin, j'imagine déjà votre

8 réponse

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Je voudrais quand même vous montrer la page

10 4 de cette série de documents, la page 6 en anglais.

11 Q. Un rapport régulier de combat. Il ne figure pas d'heure particulière

12 ici. Est-ce que vous aviez déjà vu ce document auparavant ?

13 R. Non.

14 Q. Merci.

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

16 dossier de ces documents. Il est possible que je n'obtienne le versement

17 que par le truchement d'un autre témoin. En tout cas, je demande leur

18 versement au dossier.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Objection, Madame Chana ?

20 Mme CHANA : [interprétation] Permettez-moi, avant de répondre, de parcourir

21 rapidement ce document.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, on peut peut-être attendre un petit

23 peu plus tard.

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, effectivement. Je n'aurai plus rien à

25 faire avec ce document.

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1 Il y a deux choses, deux éléments sur lesquels je souhaiterais encore

2 interroger le témoin. Je vous demande quelques secondes, Monsieur le

3 Président.

4 [Le conseil de la Défense se concerte]

5 M. MORRISSEY : [interprétation]

6 Q. J'ai oublié de vous poser une question au sujet de Luca et Janja

7 Zelenika. Je voudrais savoir s'il y a des gens qui ont assisté aux meurtres

8 de Luca et Janja Zelenika ?

9 R. Non, mais Ivka Stojanovic a survécu. Il n'y a pas eu de témoins

10 oculaires de ces événements. Ils sont tous les deux morts à proximité de la

11 maison, en dessus et en dessous de la maison.

12 Q. Je voudrais savoir s'il y avait quelqu'un qui résidait en leur

13 compagnie au moment de leur mort ?

14 R. Il y avait Doma qui habitait avec Luca. Elle a survécu. Elle a réussi à

15 se réfugier dans la vieille boutique, et à Prozor ensuite. La femme âgée

16 était née en 1906, mais Janja vivait dans leur maison. Luca, c'était la

17 tante de Janja. Doma, maintenant est à Djakovo.

18 Q. Pouvez-vous nous donner le prénom et le nom de Doma ?

19 R. Doma Zelenika.

20 Q. Avez-vous parlé ou vu Doma le jour des meurtres ?

21 R. Non. Elle a fui, elle a pris la fuite. Je ne l'ai même pas rencontrée.

22 On portait des uniformes, si bien qu'ils se cachaient quand ils nous

23 voyaient. Ils ont pris la fuite vers Prozor en nous évitant, parce qu'ils

24 ne savaient pas qui était qui, je ne l'ai pas vu ce jour-là.

25 Q. Au village, combien de personnes portaient le nom d'Ivka Rajic à

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1 l'époque ?

2 R. Deux. Il y avait Mirka qui avait eu une attaque, et Mirka Rajic, la

3 femme de Doma.

4 Q. Je pense que ma prononciation a laissé quelque peu à désirer. Je

5 parlais d'Ivka Rajic.

6 R. Ivka Rajic, oui deux Ivka.

7 Q. Il y avait deux personnes qui portaient ce nom et ce prénom ?

8 R. Oui. L'une, son nom de jeune fille était Mendes, et l'autre Blazevic.

9 Je crois qu'il s'appelait comme cela; elle était plus jeune.

10 Q. Est-ce que ces deux personnes ont été tuées, ou est-ce que l'une

11 d'entre elles a réussi à survivre ?

12 R. Elles ont toutes deux été tuées. La femme plus âgée avait eu une

13 attaque précédemment, elle ne pouvait plus marcher. Cette attaque, elle

14 l'avait eue avant la guerre.

15 Q. Merci beaucoup de la patience dont vous avez fait preuve en répondant à

16 mes questions pendant aussi longtemps.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] J'en ai terminé.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons faire une pause, avant de

19 permette à l'Accusation de poser d'éventuelles questions supplémentaires.

20 Nous reprendrons à 13 heures.

21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

22 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana. Avez-vous des

24 questions supplémentaires ?

25 Mme CHANA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

Page 71

1 Juges.

2 Nouvel interrogatoire par Madame Chana :

3 Q. [interprétation] Monsieur Zelinika, j'aurais quelques questions à vous

4 poser si vous l'acceptez.

5 Tout d'abord, j'ai des questions à vous poser au sujet de ce livre que la

6 Défense vous a montré ce matin. Pourriez-vous nous dire premièrement, qui a

7 eu l'idée de ce livre, de faire ce livre ?

8 R. Moi non plus, je ne le sais pas. Je ne sais pas qui a eu l'idée. Ce

9 prêtre de la paroisse est venu, il a dit qu'on allait construire ce centre,

10 et que ce serait bien de rédiger un livre pour réunir quelques fonds pour

11 pouvoir construire cela, ce serait une forme de donation, de dédier le

12 produit de la vente de ces livres à ce centre.

13 Q. Ce n'est pas vous qui êtes venu vous adresser au prêtre, c'était

14 l'inverse ?

15 R. C'est lui qui est venu me voir pour que j'aide là-dedans. Lui, il

16 allait éditer le livre. Ce que je savais, c'étaient quelles étaient les

17 dates de naissance de ces gens qui étaient de ma municipalité, il voulait

18 que j'écrive cela. Il avait besoin de ces données, et je ne sais pas

19 comment le livre a fini par être édité.

20 Q. Qu'avez-vous dit au sujet de votre contribution au livre ?

21 R. J'allais l'aider en donnant les dates et les lieux de naissance des

22 différentes personnes, les informations de base pour ces gens. Lui, par la

23 suite, il allait faire imprimer cela, je ne sais pas combien d'exemplaires.

24 Il y a eu deux tirages, je ne sais pas combien d'exemplaires du livre ils

25 ont vendus, toujours est-il qu'ils ont construit le centre.

Page 72

1 Q. Je vais me pencher sur les détails plus tard, mais maintenant je vais

2 vous demander d'examiner la première page, où on voit figurer les noms de

3 toutes les personnes qui ont participé à la création du livre. Ceci n'est

4 pas traduit. On voit tout d'abord l'éditeur et on voit que c'est le bureau

5 paroissial de Saint-Jean Baptiste.

6 R. Je vois.

7 Q. Est-ce que c'est une traduction littérale ? Qu'est-ce qui est dit ici ?

8 R. Il est dit : Edité par le bureau paroissial de Saint-Baptiste, Uzdol,

9 on voit l'an 2000.

10 Pendant neuf ans nos morts étaient inhumés à Prozor, on n'avait pas le

11 droit de transférer les corps. En neuf ans pas mal de choses se sont

12 oubliées et plus tard ils ont été transférés à Uzdol, maintenant c'est là

13 qu'ils trouvent.

14 Q. Par la suite on voit que le texte vient de vous-même; est-ce exact ?

15 R. Oui. Il voulait faire figurer mon nom ici aussi, pour que je ne me

16 fâche pas, parce que j'avais fait des choses et que je ne retrouve pas plus

17 tard mon nom dedans. Il m'a dit : Voilà, j'ai mis ton nom pour montrer que

18 tu as rédigé le texte, et j'ai mis Gusto qui a revu, corrigé le texte, et

19 un autre, je ne sais pas, Vuksic.

20 Q. C'est Gusto Vlajcic qui a revu le texte.

21 R. Lui, il aurait apporté des corrections si je n'avais pas bien écrit

22 quelque chose. C'était lui qui corrigeait le style, tu vois. Je ne sais pas

23 si lui il était meilleur écrivain que moi, il y avait certainement

24 quelqu'un qui connaissait les choses mieux que lui, qui avait encore fait

25 plus d'école que lui, s'il devait faire office de re-lecteur.

Page 73

1 Q. Ensuite on voit que le design et l'impression sont de Muller de

2 Sarajevo.

3 Vous nous avez dit qu'il y a eu un deuxième tirage, ou est-ce qu'il y a eu

4 une seule édition seulement du livre ?

5 R. Je pense qu'il y a eu une deuxième édition, parce qu'on a omis quelques

6 personnes. Pour compléter, pour réunir tout cela, je pense qu'il y a eu une

7 deuxième édition, probablement. Parce qu'on n'avait pas de données pour

8 certains soldats, on les a eues pour le deuxième livre. Le deuxième livre

9 je n'y ai pas travaillé. Je n'ai rien ajouté, moi.

10 Q. Qui a fourni des détails pour ce qui est de la cause du décès, certains

11 détails qu'on trouve dans le texte ? Est-ce que c'est vous qui avez fourni

12 ces détails ?

13 R. Parfois c'est moi, parfois ce sont les autres personnes. Cela dépend.

14 Je ne sais pas très bien comment s'est réparti cela. Pour la plupart, les

15 informations sur les naissances, les données concernant les personnes, où

16 elles ont vécu et ce qu'elles faisaient, cela vient de moi.

17 Q. Donc les détails personnels.

18 R. Oui, des renseignements sur les personnes.

19 Q. Je veux citer juste quelques exemples qui vous ont été montrés, je vous

20 renvoie à Stjepan, j'essaie de retrouver le numéro de la page, page 91, je

21 pense que c'est 91.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Pour ce qui est de Stjepan, il figure en

23 bas de la page 94-95.

24 Mme CHANA : [interprétation]

25 Q. Oui, Stjepan Zelic, page 95, l'avez-vous retrouvé ?

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1 R. Pas encore. 95, oui.

2 Q. Si la description qui figure ici, la description de la mort de Stjepan,

3 c'est le deuxième paragraphe vers la fin, les cinq dernières lignes.

4 R. Je vois.

5 Q. Il est dit : "Stjepan n'avait que son vêtement de survêtement, il a

6 couru vers la route. Quelques soldats lui courraient après. Les soldats se

7 sont emparés du petit Stjepan, ils ont coupé sa gorge avec un couteau et

8 cetera, et ils ont fauché sa mère," et cetera.

9 Alors, quelles sont les blessures que vous avez vues sur Stjepan ?

10 R. Non, pas la gorge. Je pense qu'il y avait un trou de balle sur sa tête,

11 et il y avait quelque chose derrière son oreille. Il y avait une

12 égratignure qui était probablement provoquée par une balle. Il y avait une

13 écorchure derrière une oreille et un trou de balle dans le crâne.

14 Q. La description n'est pas correcte dans ce livre ?

15 R. Ici, ils disent qu'il a été capturé et qu'on ne sait pas s'il a été tué

16 par un fusil. Ce qui figure au sujet du couteau qui aurait été utilisé, au

17 sujet du fait qu'il aurait été égorgé, cela je n'en suis pas sûr. Je pense

18 qu'il a été tué par une arme à feu. Il avait une sorte de pull et son

19 pantalon de survêtement. La fin de la déposition du témoin. Ceci a été

20 rédigé sept ans après l'événement.

21 Q. Est-ce que c'est le détail que vous avez écrit vous-même ?

22 R. Je ne sais pas. Je vois qu'il y a des changements ici par rapport à mon

23 texte original. Je ne sais pas qui a traduit ce que j'ai écris, je ne sais

24 pas si c'est exact ou non.

25 Q. Ne regardez pas la traduction, je voudrais savoir si c'était dans votre

Page 75

1 texte, oui ou non ?

2 R. Partiellement oui, partiellement non. J'ai vu Stjepan autrement. Il y

3 avait un trou en haut de son crâne et il y avait une ouverture, une

4 écorchure derrière son oreille. Je ne sais pas si cela a été causé par un

5 objet ou si c'était dû à une balle, ou à une rafale tirée par une arme à

6 feu, je ne peux pas dire.

7 Mme CHANA : [interprétation] Je voudrai maintenant qu'on examine un rapport

8 d'autopsie, pièce P312. C'est la pièce 137, en application 65 ter.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il

10 faudrait qu'on nous explique de quelle manière est-ce que ce rapport

11 d'autopsie découle du contre-interrogatoire, et un deuxième point, comment

12 peut-on montrer ceci à ce témoin ? Ceci ne me pose pas de problème, mais il

13 n'est pas un expert qui aurait produit des rapports d'autopsie. Comment

14 peut-on lui poser des questions là-dessus ?

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mme Chana, est-ce que vous allez

16 l'interroger là-dessus ?

17 Mme CHANA : [interprétation] Non, en fait ceci correspond parfaitement, --

18 au fait, il n'a pas dit que sa gorge a été coupée, et ceci ne faisait pas

19 partie de son texte. Je voudrais lui montrer l'autopsie, juste pour qu'on

20 lui donne une cote au cas d'identification. Ceci va nous montrer que la

21 cause de la mort est la blessure par balle.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas lieu de montrer

23 le rapport d'autopsie, puisque vous n'allez pas chercher à tester la

24 crédibilité du témoin là-dessus.

25 Mme CHANA : [interprétation] Je ne souhaite pas du tout décrédibiliser le

Page 76

1 témoin. Je vais aller de l'avant.

2 M. LE JUGE LIU : [aucune interprétation]

3 Q. Je voudrais vous montrer la page pour Ruza Zelic, page 60. Merci

4 confrère.

5 Q. Le conseil de la Défense vous a montré ce texte qui concerne Ruza Zelic.

6 R. Oui.

7 Q. Il est question de grenades à main. Vous vous en souvenez ?

8 R. Oui.

9 Q. S'agit-il ici de votre texte ? Est-ce que c'est quelque chose que vous

10 avez rédigé vous-même ?

11 R. Jusqu'à un certain point, oui. Pour ce qui est de ces aspects

12 militaires, non. Il y a eu des modifications apportées au texte. Je ne suis

13 pas sûr de qui a fait cela.

14 Q. Il y a eu d'autres personnes qui ont contribué au texte, est-ce que

15 c'est cela que vous voulez dire ?

16 R. Il y avait d'autres personnes. Comment ont-ils apporté des ajouts ou

17 modifié ? J'ai écrit cela en deux ou trois jours, avec un crayon sur des

18 feuilles, et je n'avais même pas rédigé des textes pour toutes les

19 personnes, parce qu'il y a des gens ici dans ce livre que je ne connais

20 pas. Après ils ont demandé des textes sur eux, ils ont demandé des photos,

21 et il y a des gens qui ne sont pas nés sur mon terrain, dans mon secteur.

22 Je ne sais pas qui a ajouté ces textes. Toujours est-il que pour ce qui est

23 des détails personnels, donc où ils sont nés, où ils se sont mariés, où ils

24 ont vécu, cela c'est moi qui ai rédigé cela.

25 Q. Lorsque vous avez dit que vous ne saviez rien au sujet des grenades à

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1 main qui auraient été lancées par ce témoin en particulier, vous disiez la

2 vérité à cette Chambre ?

3 R. Je disais absolument la vérité. Il n'y avait aucun moyen pour moi de

4 voir cela. La femme était assez loin de l'endroit où j'étais. Il n'y avait

5 aucun moyen pour moi de voir si elle avait lancé la grenade à main ou non.

6 Son corps a été trouvé mort à 500 mètres en bas de sur la route.

7 Q. Je voudrais vous poser des questions au sujet d'aide apportée à des

8 personnes dans le village. Quel a été le critère pour fournir l'aide ?

9 R. L'armée, elle avait pas mal de nourriture et il y avait des civils, des

10 enfants dans le village qui n'en avait pas. Nous, on recevait du pain, des

11 saucisses, des produits comme cela. Quand cela arrivait dans l'entrepôt, on

12 prenait un TAM et tous les trois mois on leur donnait, par exemple, un sac

13 de farine, cela dépendait, la lessive, des pommes de terre, des pois secs,

14 enfin ce qui se trouvait dans l'entrepôt. On ne leur donnait pas très

15 souvent mais parfois ils recevaient quelque chose.

16 Q. Je ne crois pas avoir été suffisamment claire. Je parle de la période

17 qui a suivi la guerre et de l'aide financière qui a été apporté à ce moment

18 là.

19 R. Après la guerre, je ne sais pas. Il y avait des gens qui vivaient tous

20 seuls, qui n'avaient pas de revenus. Ils recevaient des allocations, une

21 aide sociale qu'ils recevaient à peu près tous les trois mois; 40 marks

22 allemands. C'était pour des personnes qui étaient dépourvues de tout

23 revenu. C'était un fond social, destiné aux personnes sans emploi, aux

24 personnes âgées, aux personnes handicapées, je ne sais pas si cela

25 fonctionne toujours de la même manière.

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1 Q. Mais qu'en est-il des militaires, de ceux qui avaient servi dans les

2 rangs du HVO ?

3 R. Ceux qui avaient servi au sein du HVO sont partis. Ceux qui ont un

4 travail, il n'y a pas de problème. Pour les autres, c'est différent. Ceux

5 qui sont à la retraite perçoivent une retraite. Il y en a peut-être

6 d'autres qui ont des certificats établis par leurs médecins. Ceux dont

7 certains parents ont été tués, ils ont reçu une aide, mais les victimes

8 militaires n'ont rien reçu, pas de dommages et intérêts, rien du tout.

9 Q. Les militaires devaient-ils être munis d'un certificat avant de pouvoir

10 bénéficier d'une aide financière ?

11 R. Oui. Ils avaient besoin d'une preuve relative à la période de temps

12 qu'ils avaient passée dans l'armée, et s'ils avaient été blessés à ce

13 moment-là, leur commandement respectif leur fournissait les documents

14 nécessaires, un certificat. Pour les personnes qui ont été tuées, quelqu'un

15 de leur famille devait apporter un certificat de décès, et le comité

16 demandait à peu près 10 ou 15 documents.

17 Si leurs parents étaient toujours vivants, ils recevaient moins d'argent

18 que si leur femme et leurs enfants étaient toujours vivants. Cela c'est

19 passé après la guerre, je ne sais pas qui fournit cette aide, peut-être que

20 c'est une association d'anciens combattants.

21 Q. Il est essentiel de disposer d'un certificat. On vous a présenté la

22 pièce MFI316. La Défense vous a présenté ce document et j'aimerais que vous

23 y jetiez à nouveau un coup d'œil, il s'agit de M. Domin Rajic. Le document

24 est à l'écran devant vous, Monsieur le Témoin.

25 Quand on vous a présenté ce document, vous avez dit souhaiter expliquer

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1 quelque chose, de quoi s'agissait-il ?

2 R. Tout le monde aurait dû l'avoir. Pourquoi, lui, il aurait dû l'avoir ?

3 Il n'aurait pas pu recevoir d'aide s'il était mort le 14 septembre. Mais il

4 a un fils Stipo qui étudie à Zagreb, qui fait des études de médecine

5 dentaire, peut-être qu'il avait besoin de quelque chose. Je ne sais pas

6 pourquoi il recevrait quoi que ce soit s'il avait été tué le 14 septembre

7 1993. Il a un seul fils qui habite aujourd'hui à Zagreb et qui fait des

8 études pour devenir dentiste. D'ailleurs, il est peut-être déjà devenu

9 dentiste. Je ne comprends pas pourquoi on lui donne quoi que ce soit, ni

10 d'ailleurs pour ce qui est de Kata Ljubic. Elle a un fils à Zagreb qui fait

11 des études de théologie, elle n'a jamais rien demandé. Je ne sais pas si la

12 municipalité leur a donné une aide quel qu'elle soit, je ne sais pas.

13 Q. Mais pourquoi dites-vous que ces personnes n'auraient rien dû recevoir,

14 pourquoi affirmez-vous cela ?

15 R. Ceci a été délivré en 1993, le 27 novembre, assistance à un homme

16 décédé. Comment quelqu'un qui est mort peut-il recevoir une aide quelle

17 qu'elle soit ? Ceci a été délivré le 27 novembre alors qu'ils avaient été

18 tués le 14 septembre, cela doit sans doute concerner leurs enfants dans la

19 municipalité de Zagreb. La municipalité doit les aider pour leurs

20 défraiements, leurs déplacements, et cetera, ce genre de choses. Il y a

21 sans doute quelqu'un à la brigade qui est au courant. Peut-être ont-ils

22 bénéficié d'une réduction ou d'une aide, ou ont trouvé un logement à Zagreb

23 parce que leurs parents avaient été tués.

24 Q. J'aimerais que nous examinions avec vous le document MFI317, qui a

25 trait à Kata Ljubic. C'est encore un certificat qui vous a été présenté --

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1 R. C'est ce que je vous dis, je vous dis que ce n'est pas le même.

2 Q. Non, c'est un autre document.

3 R. C'est le 9 mai 1996. Elle est morte en 1993, donc ces documents datent

4 d'une période complètement différente, beaucoup plus tard. Donc cela ne

5 peut pas être destiné à elle personnellement. C'est sans doute pour l'un de

6 ses enfants, qui doit bénéficier de cette aide. Cela n'est pas possible que

7 ce soit elle, c'est quelqu'un d'autre.

8 Q. Examinez d'abord le document. On voit que l'unité du HVO à laquelle

9 elle appartenait, c'était une unité de la Brigade de Rama, le 42e Bataillon

10 de "Domobranis". A ce sujet, est-ce que les "Domobranis" faisaient partie

11 de la Brigade de Rama ?

12 R. On nous appelait tous la 42e "Domobranis." Ce n'était pas une unité

13 professionnelle, l'unité professionnelle, c'était la 4e Unité de Split en

14 Croatie, nous on était les "Domobranis." Je ne sais pas quel est le terme

15 idoine pour désigner cette unité, mais les unités professionnelles elles

16 étaient en Croatie. Ce n'était pas constitué pour conquérir quoi que ce

17 soit. On était simplement là pour tenir les lignes de défense.

18 Malheureusement, nous n'y sommes pas parvenus.

19 Q. Il est question également dans ce document des circonstances du décès

20 de cette femme. Il est dit que c'est pendant l'attaque des forces du MOS

21 contre Uzdol. Quand, et je cite : "Elle a exécuté un ordre sur la ligne de

22 front, sur la ligne de défense."

23 A votre connaissance, est-ce que c'est exact ? Est-ce que cette femme est

24 morte au front ?

25 R. Ce n'est pas le front, c'est la ligne. Elle est morte alors qu'elle

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1 allait de sa maison vers la maison de Domin. Elle était en train de courir

2 pour se réfugier là-bas. Enfin, elle fuyait ceux qui étaient à ses

3 trousses. Je ne sais pas qui a écrit cela. Quelqu'un qui cherchait sans

4 doute quelque chose.

5 Q. Au cours du contre-interrogatoire mené par la Défense, vous avez dit

6 que certains recevaient de l'aide et que d'autres non. D'autres ne

7 recevaient pas ce à quoi ils auraient normalement droit.

8 R. Domin, Kata et les autres auraient dû recevoir quelque chose, mais il

9 n'y a personne pour rien demander, pour demander une aide, une assistance.

10 Je ne sais pas. Pourquoi demanderait-elle à

11 reçevoir des dédommagements, une aide puisque tout ce qu'elle a fait

12 c'était de faire du pain, de cuire du pain ? Alors que c'est ce qu'il

13 faudrait donner aux soldats dans ces conditions ?

14 Q. Oui, mais ce qui est important ici c'est qu'elle affirme être membre du

15 HVO, et à ce titre elle demande une aide.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Une objection ici si vous le permettez.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne sais pas si on est en train d'essayer

19 de nous dire que ces demandes d'aide sont des demandes frauduleuses ou

20 fausses. Nous avons une lettre qui a été versée au dossier sans aucune

21 objection, une lettre qui nous indique que toutes ces personnes étaient

22 membres du HVO.

23 On peut demander au témoin s'il savait que ces personnes étaient ou pas

24 membres du HVO. Cela c'est tout à fait bien. Cela découle effectivement des

25 questions posées pendant le contre-interrogatoire. Mais je pense qu'il

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1 n'est pas acceptable de poser les questions que l'on entend actuellement

2 être posées.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai une objection.

5 Si on regarde -- en tout cas mon objection n'a peut-être pu lieu d'être, vu

6 ce qui a été dit par le témoin, mais en tout cas je voulais manifester.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Le témoin a sans doute déjà répondu

8 à cette question.

9 Mme CHANA : [interprétation] Effectivement. Mais pourrais-je, nonobstant ce

10 fait, demander au témoin s'il pensait que ces personnes étaient membres du

11 HVO ?

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

13 Mme CHANA : [interprétation]

14 Q. Monsieur Zelenika, est-ce que Kata était membre du HVO ?

15 R. Oui, elle était membre. Je l'ai dit au début, elle était là, elle nous

16 aidait. Je ne suis pas sûr des fonctions officielles qui étaient les

17 siennes, mais en tout cas pas pendant toute la période qui est indiquée

18 ici, en 1993.

19 Q. A votre connaissance, est-ce qu'on a distribué ces documents à des

20 familles comme une sorte de faveur leur permettant ensuite d'obtenir un

21 certain nombre de prestations ?

22 R. Je ne sais pas. C'est la première fois que je vois ces certificats.

23 Mme CHANA : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants, s'il

24 vous plaît.

25 Q. Pour finir, Monsieur Zelenika. Vous n'avez été le témoin oculaire

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1 d'aucun des événements qui ont eu lieu dans cette matinée du 14 septembre.

2 Vous êtes arrivé sur place à 10 heures du matin, après les événements,

3 n'est-ce pas ? Ceci est bien exact ?

4 R. Oui, tout était déjà fini. Ils étaient tous morts. Je les ai vus de mes

5 yeux.

6 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

7 Mme CHANA : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce qu'il y a des questions de la part

9 des Juges ? Oui, Monsieur le Juge El Mahdi.

10 M. LE JUGE EL MAHDI : [interprétation] Merci, Monsieur le

11 Président.

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE EL MAHDI : Monsieur le Témoin, je voudrais, s'il

14 vous plaît, quelques petits détails. Premièrement, le 14, le matin, 14

15 septembre, quand vous avez pris le chemin pour aller à Uzdol de Prozor,

16 c'était quelle heure du matin ?

17 R. Je ne peux pas vous dire exactement, mais on entendu à Prozor, on a

18 entendu dire qu'Uzdol brûlait, on s'est levé, on a vérifié s'il y avait

19 suffisamment de carburant dans le véhicule TAM et on a pris la direction de

20 Prozor, mais je ne sais pas exactement quelle heure c'était. Mais on a

21 avancé ainsi pendant 7 ou 8 kilomètres, à bord de ce véhicule TAM et

22 ensuite, on a poursuivi notre chemin à pied. On a pris un raccourci et on a

23 continué à pied.

24 M. LE JUGE EL MAHDI : Cela vous a pris, à peu près, combien de temps ?

25 R. C'est un chemin de terre. On a avancé avec ce véhicule pendant environ

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1 une demi-heure; ensuite, il y a une colline, là, on ne peut pas avancer

2 très vite, on ne pouvait pas savoir s'il y avait de l'armée, s'il y avait

3 le HVO. Puis, il y a un plateau alors que nous, on partait du bas. Quand on

4 est arrivé à cet endroit, tout le monde était mort. On est peut-être arrivé

5 vers 8 heures,

6 8 heures et demie, 8 heures et demie, au plus tard. On est arrivé là auprès

7 des premières personnes, près de l'école.

8 M. LE JUGE EL MAHDI : Il y avait de la pluie ?

9 R. Non, il n'y avait pas de pluie, à ce moment-là. Il n'y avait pas de

10 pluie, il faisait sec.

11 M. LE JUGE EL MAHDI : Alors, vous êtes allé directement au bâtiment qu'on

12 appelle l'école ?

13 R. Non. Tout d'abord, j'ai vu Père Kovcalija, ensuite, j'ai vu un soldat

14 du MOS de l'ABiH; ensuite, Slavko Mendes; ensuite, je suis allé vers ma

15 maison et non pas à l'école. C'est en rentrant, lorsque je suis entré de

16 Kriz et Rajici que je suis passé par l'école.

17 M. LE JUGE EL MAHDI : Sur votre chemin, avant d'arriver à Uzdol, vous avez

18 rencontré un gamin sur la route, qui vous a dit --

19 R. Oui, je l'ai rencontré

20 M. LE JUGE EL MAHDI : -- qu'on avait tué sa mère ?

21 R. Oui, Ivan Stojanovic. Je l'ai rencontré près du village de Perici.

22 C'est à mi-chemin entre Uzdol et Prozor.

23 M. LE JUGE EL MAHDI : Il vous a dit le nom de la personne responsable du

24 meurtre ?

25 R. Il m'a dit, ma mère est morte. Ils ont tué ma mère, quelque chose comme

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1 cela. Qui ? Il a dit Sabo a tué ma mère. Saban, le surnommé Sabo.

2 M. LE JUGE EL MAHDI : Saban ?

3 R. Ce Saban, il est mort plus tard, pas pendant la guerre. Il travaillait

4 dans la construction. Il est mort, par la suite.

5 M. LE JUGE EL MAHDI : Etait-il un militaire ?

6 R. C'était un soldat du HVO.

7 M. LE JUGE EL MAHDI : C'est ainsi que le gamin le connaissait ?

8 R. Il était du village de Here qui est à proximité de Kriz. Il s'agit de

9 deux kilomètres, deux et demi, peut-être et il allait dans le commerce dans

10 notre village et il ne prenait pas la route principale, mais il passait à

11 côté de chez eux. Il travaillait, il suivait les réunions des parents à

12 Uzdol car tous les enfants, à la fois, les enfants croates et bosniens

13 allaient à l'école ensemble à Uzdol.

14 M. LE JUGE EL MAHDI : Le gamin vous a dit que le tueur présumé était

15 habillé en militaire ?

16 R. Oui, bien sûr, c'était un soldat. Il était dans un uniforme militaire,

17 ce jour-là, je veux dire.

18 M. LE JUGE EL MAHDI : D'accord. Alors quand vous vous êtes rendu à l'école,

19 vous avez rencontré là-bas le caméraman.

20 R. Oui, il y en avait un. Mais je ne sais pas. Vous savez, il y avait des

21 soldats, des caméramans. Il est difficile de distinguer. Vous savez, il

22 faut regarder, il y a des morts, il y a toute une masse de soldats qui se

23 sont rassemblés, puis des civils. Je ne me souviens pas de tout. Il y avait

24 quelqu'un avec une caméra, mais je ne sais pas qui c'était.

25 M. LE JUGE EL MAHDI : Je parle de la personne qui vous a accompagné plus

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1 tard pour filmer les lieux des événements ou des incidents.

2 R. Oui.

3 M. LE JUGE EL MAHDI : Il appartenait à quelle institution ou organisation ?

4 R. Je ne sais pas, je ne le connaissais pas.

5 M. LE JUGE EL MAHDI : Alors, est-ce que vous vous rappelez avoir vu des

6 taches de sang au sol, sous ou à proximité des personnes tuées ?

7 R. Je ne m'en souviens pas. Il y en avait au sol, dans le couloir, dans ma

8 maison aussi. Vous savez, c'était la terre en dehors.

9 M. LE JUGE EL MAHDI : Mais vous ne pouvez pas dire que vous avez remarqué

10 des taches de sang sur le sol ?

11 R. Il y en avait sur des vêtements, sur le cou, à des endroits où les

12 personnes ont été touchées par balle. Il y en avait, mais vous savez, on ne

13 peut pas tout remarquer, ni regarder.

14 M. LE JUGE EL MAHDI : Sur leurs corps et leurs vêtements ?

15 R. Oui. Il y avait des choses horribles à voir.

16 M. LE JUGE EL MAHDI : Oui, je comprends bien. Vous avez dit que vous avez

17 aussi vu des corps des militaires appartenant à l'ABiH ?

18 R. Oui.

19 M. LE JUGE EL MAHDI : C'était où, à peu près, ces corps-là ?

20 R. J'au vu un seul corps et c'était à l'endroit où trois routes se

21 croisent, la route qui va vers l'école et il était là entre deux maisons.

22 M. LE JUGE EL MAHDI : Vous avez bien expliqué que vous supposiez que c'est

23 impossible, impensable, que le HVO bombarde ses citoyens. Mais je crois que

24 vous avez aussi dit que vous avez pris la route, une fois que les coups de

25 feu ont cessé et que le bombardement, aussi, a cessé. Ma question est : le

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1 HVO bombardait quoi et où ?

2 R. Le HVO tirait sur la colline au-dessus du village, la colline la plus

3 haute est Kransko, puis, la partie Krstiste et Here.

4 M. LE JUGE EL MAHDI : Dans les villages mêmes, vous n'avez rien aperçu ?

5 Des bombardements ?

6 R. Non, rien. Les maisons n'étaient pas endommagées par des tirs

7 d'artillerie. Il y avait une étable qui avait été incendiée. Il y avait ce

8 genre de dégâts.

9 M. LE JUGE EL MAHDI : Vous avez dit qu'à l'extérieur d'une certaine maison,

10 il y avait des traces qui pourraient être des traces d'une grenade. Est-ce

11 que cela peut être aussi une trace d'un obus ou de mortier ?

12 R. Non. C'est là qu'on a vu, vous savez, une partie de la grenade à main.

13 C'était au-dessous de la fenêtre, à côté du mur.

14 M. LE JUGE EL MAHDI : Mais cela ne peut pas être un obus de mortier, par

15 exemple.

16 R. Non, non, car une partie de la grenade à main est restée.

17 M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce que d'après vous, les attaquants ont attaqué

18 premièrement et principalement l'école ? Le chemin d'attaque était plutôt

19 viser l'école ou à votre impression, vous trouvez que plutôt l'attaque

20 visait autre chose que l'école ?

21 R. L'école a été attaquée en dernier. Avant cela, ils avaient incendié

22 Kriz et Zelenike, cela brûlait déjà au moment où ils sont arrivés à

23 l'école. Puis, il y a eu quelques combats autour de l'école. Au moins,

24 c'est ce qu'ils avaient dit.

25 M. LE JUGE EL MAHDI : Qui a dit ?

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1 R. Les soldats qui ont survécu, qui avaient été à l'école car certains

2 soldats qui étaient à l'école ne sont pas morts. Ils sont restés vivants.

3 Ils s'étaient battus. Ceux qui ont survécu, ils ont dit qu'ils avaient vu

4 que Kriz et Zelenike brûlaient et à ce moment-là, les autres se sont

5 rapprochés du centre car chez nous, l'église se trouve dans le centre.

6 M. LE JUGE EL MAHDI : Les corps des soldats tués du HVO, étaient à

7 l'extérieur de l'école, mais pas à l'intérieur ?

8 R. C'était dans une partie près de la route. Je n'ai même pas regardé

9 cela, je suis allé directement dans ma maison; puis, ensuite, lorsque je

10 suis revenu, ils étaient déjà rassemblés et posés sur des tables d'école.

11 Puis, ils ont ramené les soldats à Prozor. Nous, on a pris les vêtements

12 des civils, on a pris les civils et on les a mis dans un camion.

13 M. LE JUGE EL MAHDI : Merci, Témoin.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres questions des

15 Juges ? Est-ce que vous souhaitez proposer le versement au dossier de

16 certains documents ?

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 MFI 315, 316 et 318.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous pouvez décrire ces

20 documents.

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, bien sûr.

22 Le document 315 est le livre; 316, je pense que ce document a déjà été

23 versé au document ou peut-être je me trompe, peut-être c'est l'impression

24 qu'on avait. Vous vous souvenez qu'il y avait 316 et 317 et qu'il y avait -

25 - c'étaient deux documents liés à la retraite et à l'appartenance au HVO.

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1 Si tel est le cas, si vraiment 316 n'a pas été versé au dossier, je propose

2 son versement, mais je pensais que c'était le cas, mais peut-être que je me

3 trompe.

4 Finalement, 318, c'est une série de rapports de combat que j'ai

5 montrés au témoin. Ils étaient au nombre de quatre au total et je pense

6 qu'il n'y avait pas d'exception, sauf concernant le dernier.

7 S'il y a objection, je vais reporter le versement au dossier, mais je

8 demande le versement au dossier. Le Procureur peut également exprimer son

9 accord par rapport à leur versement.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

11 Mme CHANA : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien, merci. Ces deux documents 315

13 et 318 sont versés au dossier.

14 Les documents 316 et 317 ont déjà été versés au dossier.

15 Monsieur le Témoin, merci beaucoup d'être venu déposer à

16 La Haye. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Après la fin de

17 notre audience, l'huissière va vous escorter en dehors de ce prétoire.

18 L'audience est levée.

19 [Le témoin se retire]

20 --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le mercredi 6 avril

21 2005, à 9 heures 00.

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