Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 977

1 Le mardi 13 mars 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

6 Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, donner le numéro de

7 l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, affaire

9 IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et consorts.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

11 Maître Emmerson, on m'a fait savoir que vous souhaitiez vous adresser aux

12 Juges de la Chambre.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Certain. Nous avons demandé de pouvoir

14 intervenir avant que le témoin n'entre dans le prétoire pour demander vos

15 conseils au sujet de ce témoin pour éviter d'avoir à faire sans cesse des

16 objections pendant qu'il est interrogé.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais faire court. Nous avons été

18 informés qu'il y a une partie de la déclaration du témoin où nous avons du

19 ouï-dire de seconde main sans que les sources soient mentionnées, ceci a

20 été évoqué dans les notes de récolement et pourrait éventuellement susciter

21 vos préoccupations. D'autre part, vous nous avez renvoyés au compte rendu

22 d'audience du 6 mars, où j'ai moi-même dit à l'époque que les éléments de

23 preuve de deuxième, troisième ou quatrième main encore ne sont pas très

24 utiles pour la Chambre et que les parties sont engagées à essayer d'éviter

25 cela au maximum s'agissant que la transparence est essentielle pour de tels

26 éléments de preuve.

27 S'il est nécessaire d'utiliser de tels éléments de preuve, il

28 convient de faire clairement savoir quelles sont les sources.

Page 978

1 Veuillez continuer, Maître Emmerson.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Le passage concerné n'a pas été communiqué à

3 la Chambre. Vous le verrez à la première page que je vous ai communiquée.

4 C'est quelque chose qui est basé sur des rumeurs "d'amis albanais dont les

5 noms ne sont pas donnés," et à l'avant-dernière ligne, il est indiqué cela

6 c'est essentiel "même s'il ne s'agissait pas de témoins oculaires."

7 Nous avons donc ici des éléments de preuve de seconde main, de

8 quelqu'un dont on ne connaît pas le nom et le témoin dit lui-même qu'il

9 s'agit d'une rumeur.

10 Ensuite, il dit dans ce paragraphe qu'il s'agit de ouï-dire, qu'il a

11 parlé à un albanais puis à un autre albanais, mais que tout cela c'est du

12 ouï-dire. Pas seulement du ouï-dire parce que nous savons que s'agissant du

13 premier cas, il ne s'agit même pas d'un témoin oculaire. Comme cela a été

14 indiqué dans les notes de récolement, il s'est lancé dans des conjectures,

15 ce que vous avez découragé. M. Dutertre m'a confirmé ce matin que la raison

16 pour laquelle ceci a été présenté c'était pour donner une preuve de la

17 véracité de la teneur de cet élément. Si c'était présenté pour une autre

18 raison, à ce moment-là, les choses seraient très différentes.

19 Nous avons présenté une objection au bureau du Procureur dimanche

20 matin. Le témoin a de nouveau été entendu hier après-midi, et on n'a pas pu

21 obtenir de fondement à ses propos. Nous souhaiterions obtenir des éléments

22 d'information de la part de la Chambre. Comment voulez-vous que nous

23 procédions ?

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ligne directrice de la part de la

26 Chambre, nous n'allons pas empêcher l'Accusation de demander au témoin de

27 fournir ce type d'élément de preuve, cependant le principe de transparence

28 exige que même si ceci se passe à huis clos partiel, il faudra qu'au moins

Page 979

1 que le témoin nous donne les noms de ceux qui l'ont informé.

2 Monsieur Re -- ou plutôt devrais-je dire, Monsieur Dutertre, vous avez bien

3 compris, j'imagine ?

4 M. DUTERTRE : J'ai parfaitement compris, Monsieur le Président, c'en était

5 de mon intention.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, vous pouvez attirer

7 l'attention du témoin sur le fait quand on a voulu lui poser des questions

8 sur ses sources, sur d'autres personnes, il peut demander à passer à huis

9 clos partiel.

10 Oui, Maître Emmerson.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais engager M. Dutertre à procéder

12 par ordre, c'est-à-dire d'abord établir le fondement avant de demander au

13 témoin de faire part de la teneur, même des éléments de preuve concernés.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cela me paraît tout à fait

15 raisonnable comme demande.

16 Je vais maintenant demander à l'huissier de bien vouloir faire entrer le

17 témoin dans le prétoire.

18 M. RE : [interprétation] Pendant qu'on fait entrer le témoin, permettez-moi

19 de soulever une question très brève. Nous avons un nouveau procureur qui va

20 se joindre à nous, M. Phillip Carney, et je vais vous le présenter lors de

21 la prochaine pause.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine que vous êtes ravi, Monsieur

23 Re, d'avoir des renforts.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 LE TÉMOIN: STANISA RADOSEVIC [Reprise]

26 [Le témoin répond par l'interprète]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Radosevic. Je

28 souhaiterais vous rappeler que vous êtes toujours sous serment suite à la

Page 980

1 déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre déposition. M.

2 Dutertre va maintenant poursuivre votre interrogatoire principal.

3 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Interrogatoire principal par M. Dutertre : [Suite]

5 Q. Monsieur Radosevic, reprenons, si vous le voulez bien, au point où nous

6 nous sommes arrêtés hier. En substance, vous nous avez indiqué que vous

7 avez été arrêté par l'Armée de la libération du Kosovo, emmené jusqu'à

8 Glodjane. Un peu avant l'entrée de Glodjane, la voiture de votre ami, Novak

9 Stijovic, est tombée en panne, et c'est à cet endroit que d'autres soldats

10 de l'Armée de la libération du Kosovo sont arrivés et ont commencé à vous

11 passer à tabac.

12 Ma question est la suivante : comment de temps ces coups ont-ils duré ?

13 R. On est resté dans la rue pendant environ une heure avant qu'ils nous

14 nous fassent entrer dans la pièce, donc on a été interrogé dans cette rue

15 pendant environ une heure.

16 Q. Quand vous dites "rue", c'est la route qui mène à Glodjane ?

17 L'INTERPRÈTE : Pouvez-vous répéter votre question, votre micro n'était pas

18 branché, s'il vous plaît.

19 M. DUTERTRE :

20 Q. Quand vous dites "rue", vous voulez dire la route qui mène à Glodjane ?

21 R. Oui, oui. C'est là que notre voiture est tombée en panne.

22 Q. Pour revenir précisément à ma question, combien de temps ont duré les

23 coups ? J'ai bien compris que vous étiez resté à peu près une heure à côté

24 de vos voitures, mais combien de temps ont duré les coups ?

25 R. Pendant tout le temps. Pendant qu'on était là à côté des voitures. Ils

26 nous interrogeaient tout ce temps. Pendant qu'on était sur la route, ils

27 nous ont frappé, à peu près une heure. Après chaque question ils nous

28 frappaient, quelle que soit la réponse. Que l'on réponde ou pas, ils nous

Page 981

1 frappaient.

2 Q. Est-ce que votre mère a subi des coups elle-même ?

3 R. Non, ils n'ont pas frappé ma mère, mais ma mère a regardé tout cela

4 d'une distance d'environ 2 mètres, et elle a demandé un verre d'eau parce

5 qu'il fallait qu'elle prenne un médicament. Ensuite l'un d'entre eux a

6 commencé à l'insulter, à insulter sa mère serbe. Il lui a dit : Mais

7 qu'est-ce que tu crois ? Il ne voulait pas lui donner un verre d'eau pour

8 qu'elle puisse prendre sa pilule. Elle est descendue, il y avait une flaque

9 sur la route parce qu'il avait plu la veille. Elle a pris un petit peu

10 d'eau dans cette flaque pour prendre sa pilule.

11 Q. Quand les coups ont cessé, que s'est-il passé ? Vous avez mentionné une

12 pièce. Est-ce que vous pouvez décrire ce qui s'est passé à ce moment-là,

13 quand les coups ont cessé dehors ?

14 R. Un soldat, je crois que c'était lui qui était le chef qui commandait

15 parce que tout le monde lui obéissait, il nous a emmenés dans une pièce qui

16 se trouvait à deux mètres de la route, une pièce de trois mètres sur trois.

17 Quand ils nous ont emmenés là-dedans dans cette pièce, l'un d'entre eux a

18 commencé à nous passer à tabac, et l'autre a dit qu'il ne fallait plus nous

19 frapper, qu'il était là pour nous interroger.

20 Q. Vous avez décrit une pièce. Il s'agit d'une maison. Est-ce que vous

21 pouvez décrire cette maison et savez-vous à qui elle appartenait ?

22 R. Mais je ne sais pas à qui elle appartenait, mais autant que je m'en

23 souvienne, c'était la deuxième ou la troisième maison à partir de Rznic

24 vers Glodjane, sur la droite.

25 Q. Quand vous étiez dans cette pièce vous avez mentionné que vous avez

26 reçu des coups à ce moment-là, au début. Savez-vous qui vous a donné ces

27 coups ?

28 R. Il y avait un soldat de ce groupe de soldats qui étaient arrivés dans

Page 982

1 les deux voitures et dans le tracteur; c'est un de ces hommes-là.

2 Q. Vous avez mentionné que le chef était intervenu, et qu'il avait fait

3 cesser les coups et qu'il souhaitait vous interroger. Que vous a-t-il

4 demandé ?

5 R. Toutes sortes de questions, si j'avais un fusil, où se trouvait la

6 police, où se trouvait l'armée. Ils me battaient dès que je répondais pour

7 n'importe quelle réponse. Ils me battaient même si je leur donnais un

8 numéro de téléphone.

9 Q. Que voulaient-ils exactement de vous ?

10 R. Ils voulaient qu'on donne nos armes. Ils nous interrogeaient au sujet

11 de nos armes. Novak et moi, on lui a expliqué qu'on n'avait pas d'armes. Je

12 lui ai dit que mon père avait des armes parce qu'il avait l'habitude

13 d'aller à la chasse.

14 Q. Combien d'armes avait votre père et quel type d'armes étaient-ce ?

15 R. Il avait deux fusils, un fusil à pompe, un fusil de chasse. Voilà.

16 Q. Lorsque vous avez donné cette information à cette personne qui vous

17 interrogeait, qu'est-ce qu'elle a répondu ? Qu'est-ce qu'elle vous a

18 demandé ?

19 R. Il voulait que j'aille au village et que je donne ces deux fusils, pour

20 Novak et pour moi-même, et il a dit qu'il tuerait mon ami et ma mère si je

21 ne donnais pas ces deux fusils.

22 Q. Quand vous dites que vous deviez aller au village, il vous demandait

23 d'aller au village. Vous parlez de quel village ?

24 R. Le village de Dasinovac.

25 Q. Combien de temps vous a-t-il donné pour aller chercher ces armes ?

26 R. Il m'a donné une demi-heure. Il m'a donné une demi-heure et je lui ai

27 dit que je ne pouvais pas y arriver en une demi-heure, que ce n'était pas

28 assez long. Alors, il m'a dit : Bien, je vais te donner une heure. Ensuite

Page 983

1 j'ai dit que je n'avais pas assez d'essence et il m'a dit que je pouvais me

2 débrouiller pour obtenir du carburant. Ensuite j'ai dit que je n'osais pas

3 y aller parce qu'ensuite on m'arrêterait encore et on me passerait à tabac.

4 Alors, il m'a donné un insigne de l'Armée de libération du Kosovo et il m'a

5 dit : Maintenant plus personne n'a le droit de te passer à tabac

6 aujourd'hui. Il suffit que tu leur montres cet insigne et personne ne te

7 passera à tabac.

8 Q. Vous avez, si j'ai bien compris, laissé votre mère et votre ami entre

9 leurs mains, et vous êtes parti avec votre voiture. Quel itinéraire avez-

10 vous emprunté pour aller à votre village de Dasinovac ?

11 R. Oui, c'est exact. J'ai laissé ma mère et mon ami au village de

12 Glodjane, et je suis allé chercher les fusils de chasse. Je suis allé à

13 Rznic, ensuite à Gornji Ratis, puis de Gornji Ratis à Dasinovac.

14 Q. Quand vous êtes arrivé à votre domicile familial, qui était présent à

15 votre domicile ?

16 R. Mon père Slobodan était là.

17 Q. Est-ce que vous lui avez raconté ce qui vous était arrivé, et notamment

18 la demande des soldats KLA concernant vos armes ?

19 R. Oui, je lui ai raconté cela, et il m'a donné la carabine et il m'a dit

20 qu'il le faisait pour qu'on récupère vivants, Novak et ma mère. Il m'a dit

21 que si je pouvais, il ne fallait pas que j'aille à Glodjane, mais à Decani

22 pour récupérer l'autre arme.

23 Q. Quelles étaient les préoccupations de votre père sur le plan de sa

24 propre sécurité ?

25 R. Il était préoccupé par mon aspect. Puis il avait peur de ce qui allait

26 m'arriver à moi et à ma mère.

27 Q. Quelle décision a-t-il pris pour son propre compte ?

28 R. Je lui ai dit qu'il y avait des points de contrôle, qu'ils avaient mis

Page 984

1 en place des points de contrôle partout, qu'il y avait des soldats à cet

2 endroit qui tenaient une sorte de ligne et que ce n'était pas sûr qu'il ne

3 pouvait pas se déplacer librement. Alors, il a dit qu'après la tombée de la

4 nuit, il essayerait d'aller jusqu'à Decani en passant par les bois.

5 Q. Vous avez quitté Dasinovac, si j'ai bien compris vos propos, avec une

6 arme pour aller à Decani récupérer une seconde arme. Sur le chemin entre

7 Dasinovac et Decani, que s'est-il passé ?

8 R. Alors que je retournais au hameau de Bandera, j'ai été intercepté par

9 trois personnes. J'avais avec moi mon fusil. L'un d'eux s'appelait Caus, et

10 je lui ai dit : Caus, voici ce qui s'est passé. Ma mère et Novak ont été

11 fait prisonniers. Il faut que j'aille donner ce fusil. Il faut que j'aille

12 à Decani aussi pour rechercher le deuxième fusil. Il a dit qu'il irait avec

13 moi jusqu'à Pozare pour leur dire de me laisser passer jusqu'à Decani pour

14 récupérer le deuxième fusil. Donc je lui ai donné le fusil que j'avais.

15 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de famille de cette personne, Caus ?

16 R. Je n'en suis pas sûr. Je crois que c'est Pandza, mais je n'en suis pas

17 sûr. Franchement, je n'en suis pas sûr.

18 Q. Où l'avez-vous connu ?

19 R. Je le voyais souvent. Il travaillait dans une entreprise à Decani, et

20 il fréquentait les Serbes.

21 L'INTERPRÈTE : Le témoin peut-il répéter la dernière partie de sa réponse

22 qui n'était pas audible ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, répéter la

24 dernière partie de votre réponse. Vous dites "qu'il travaillait dans une

25 entreprise à Decani et qu'il fréquentait les Serbes." Ensuite, qu'avez-vous

26 ajouté, Monsieur, ou est-ce que c'est tout ce que vous avez dit ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je ne savais pas comment il

28 s'appelait, quel était son nom de famille. Je le connaissais de vue. Je

Page 985

1 savais qu'il fréquentait les Serbes et les Albanais. On voyageait parfois

2 en voiture ensemble, donc on se connaissait.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

4 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Q. Quel âge avait-il approximativement ?

6 R. Bien, 35, 40. Entre les deux.

7 Q. Une fois arrivé à Pozare, que s'est-il passé ?

8 R. Lorsque nous sommes arrivés à Pozare, il est descendu de la voiture et

9 il a négocié avec ces gens-là pour me laisser passer pour que je puisse

10 aller à Decani, pour que je puisse aller chercher cet autre fusil. Il y a

11 un groupe qui disait : Tu sais, tu ne peux pas passer, passe à Glodjane.

12 L'autre était en faveur et voulait me laisser passer pour que je puisse

13 aller jusqu'à Decani.

14 Q. Finalement, quelle a été leur décision ?

15 R. Finalement, un jeune homme s'est approché de moi et a dit : Est-ce que

16 c'est vrai que tu veux aller chercher ce fusil ? J'ai

17 dit : Oui. Il a dit : De quel type de fusil s'agit-il ? J'ai dit : C'est un

18 fusil automatique. Ensuite cet homme a dit : D'accord, tu peux aller à

19 Decani pour aller chercher le fusil.

20 Q. A Pozare, il s'agissait des mêmes soldats qui vous avaient arrêté

21 avant ou c'étaient d'autres soldats ?

22 R. C'était les mêmes, le même groupe.

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Avez-vous utilisé cet insigne que

24 vous aviez sur vous ? Vous avez évoqué un insigne qu'ils vous avaient donné

25 pour que vous puissiez le montrer. Est-ce que vous vous en êtes servi ou

26 pas ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, le seul but de cet insigne

28 était que cela signifiait que je n'allais pas être battu.

Page 986

1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qu'est-ce que c'était cet insigne ?

2 C'était un badge, un emblème ? Qu'est-ce que c'était ? Qu'est-ce que nous

3 devons en penser ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était leur badge à eux. C'était le badge de

5 l'Armée de libération du Kosovo, avec l'aigle. C'était l'emblème qu'il y

6 avait dessus, quelque chose qu'on mettait sur le bras.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

8 M. DUTERTRE :

9 Q. Vous avez été autorisé à continuer votre chemin. Vous êtes arrivé à

10 Decani, j'imagine. Qu'est-ce que vous avez fait une fois arrivé à Decani ?

11 R. A Decani, je pensais me rendre au monastère de Decani pour essayer

12 d'aller chercher ma mère et Novak, et passer par leur organisation. Mais

13 dans l'intervalle, un policier de Decani m'a emmené au dispensaire pour

14 panser mes plaies et pour bander ma plaie.

15 Q. Est-ce que vous avez donné une déclaration au policier à Decani ?

16 R. Oui, j'ai fait une déclaration au poste de police.

17 Q. Quel a ensuite été le sort de votre mère et de votre ami Novak

18 Stijovic ?

19 R. Après avoir eu ces soins médicaux, et après m'être rendu au poste de

20 police - c'était vers 14 ou 15 heures - c'est à ce moment-là que j'ai fait

21 cette déclaration, à ce moment-là, on m'a dit qu'un policier en chemin pour

22 Djakovica et qui avait quitté Decani a rencontré ma mère et Novak, et cette

23 dernière longeait la route du côté de Prilep et sur la route de Decani.

24 Q. Votre mère a-t-elle été ensuite transportée à Decani avec Novak ?

25 R. Oui, oui.

26 Q. Qu'avez-vous fait ensuite avec votre mère ?

27 R. Etant donné que je ne pouvais pas me rendre dans le village de

28 Dasinovac, mon oncle Mijo Stesovic est venu me chercher pour m'emmener dans

Page 987

1 son appartement, où j'allais m'installer.

2 Q. Que s'est-il passé le lendemain ?

3 R. Le lendemain, j'ai rencontré quelques amis du village, Slavisa

4 Markovic, entre autres, et il a dit qu'il était venu du village et que mon

5 père avait sans doute été fait prisonnier et tué. Ceci est arrivé la

6 veille.

7 Q. Qu'est-ce qu'il a vu ou entendu lui-même personnellement de cet

8 enlèvement ?

9 R. Il a entendu nombre de coups de feu, ce qui devait correspondre à

10 l'attaque qui avait eu lieu dans ma maison, à l'endroit où se trouvait mon

11 père.

12 Q. A quelle distance habitait-il de votre maison ?

13 R. Un kilomètre et demi peut-être.

14 Q. Vous a-t-il indiqué qui avait enlevé votre père ?

15 R. Oui, oui. Il a dit que c'était l'UCK, les terroristes.

16 Q. Comment savait-il que c'était l'UCK ?

17 R. Personne d'autre n'aurait pu le faire, parce que personne d'autre

18 n'était autorisé à être là, à cet endroit-là. Personne n'avait le droit de

19 bouger. Il n'y avait que l'UCK, surtout à partir du jour où j'ai été fait

20 prisonnier.

21 Q. Vous a-t-il indiqué quelle heure il était à ce moment-là, au moment des

22 coups de feu ?

23 R. Il a dit que c'était vers 7 heures, 7 heures et demie du soir.

24 Q. Lui-même, comment est-il arrivé à Decani, compte tenu de la présence

25 des forces de l'UCK sur le terrain ?

26 R. Il l'a dit dans sa déclaration. Il y a des personnes qui sont venues

27 chez lui, des amis ou je ne sais pas qui, et ces personnes l'ont emmené au

28 village de Rausici.

Page 988

1 Q. Quelle était l'origine ethnique de ces personnes ?

2 R. [aucune réponse verbale]

3 Q. Quand avez-vous réellement appris le sort de votre père, à quel

4 moment ?

5 R. J'ai appris cela lorsque je l'ai trouvé le 9 septembre. Dans

6 l'intervalle, j'avais également eu des éléments d'information le concernant

7 à la radio en avril ou au mois de mai sur Radio Pristina. On avait dit que

8 Slobodan Radosevic et Milos Radunovic ont été trouvés morts sur la route.

9 Q. Vous avez indiqué que septembre le 9 vous avez trouvé le corps de votre

10 père. Qui vous a informé du fait que le corps de votre père avait été

11 trouvé ?

12 R. Le policier de Decani.

13 Q. Quel était son nom ?

14 R. Zoran Nikic et Vule Mircic.

15 Q. Où vous ont-ils dit que le corps avait été retrouvé ?

16 R. Ils ont dit que les corps avaient été trouvés le long de la route de

17 Dasinovac, pas très loin de ma maison.

18 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu à cet endroit ?

19 R. Non, pas le premier jour, pas le jour où ils l'ont trouvé car je n'ai

20 pas pu y aller. Mais je me suis rendu le lendemain, et j'ai vu l'endroit en

21 question où les corps avaient été retrouvés, les corps de Milos Radunovic

22 et de mon père, Slobodan Radosevic.

23 Q. Comment avez-vous vous pu localiser cet endroit sur la route de

24 Decani ? Ils avaient donné des détails précis ? Vous avez pu le localiser

25 facilement, précisément ?

26 R. Etant donné qu'il y avait des habitants du village de Dasinovac qui

27 m'en avaient parlé, étant donné qu'on m'a dit qu'on l'avait trouvé sur la

28 route du village, qui s'appelle la route de Ninka, j'ai regardé le long de

Page 989

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 990

1 la route et on a trouvé l'endroit. De surcroît, ceci avait été bouclé par

2 la police, comme on le fait habituellement lorsqu'on mène une enquête sur

3 site.

4 Q. Qu'est-ce que vous entendez par "bouclé" ?

5 R. Lorsque je suis arrivé à cet endroit-là le matin, le long de la route à

6 l'endroit qui m'avait été indiqué, il y avait des polices de la police

7 scientifique qui avait déjà fait une enquête. L'endroit avait été marqué

8 avec des bandes jaunes utilisées par la police de façon à indiquer où les

9 corps avaient été trouvés. Ensuite, les corps ont été emmenés à l'hôtel

10 Pastrik pour identification et pour une autopsie.

11 Q. Où est situé l'hôtel Pastrik ? Etes-vous allé à cet hôtel Pastrik, et

12 qu'y avez-vous fait ?

13 R. Je me suis rendu le lendemain. Je ne pouvais pas y aller le jour même.

14 Je suis allé le lendemain pour identifier les affaires personnelles et pour

15 reprendre le corps de mon père et pour l'identifier également.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je crois avoir

17 entendu la réponse du témoin : "Où se trouve l'hôtel Pastrik ?" C'est ce

18 que j'ai en tout cas au niveau du compte rendu. Il n'y a pas de réponse à

19 cette question. Pourriez-vous reposer la question, s'il vous plaît ?

20 M. DUTERTRE :

21 Q. Monsieur Radosevic, où est situé l'hôtel Pastrik ?

22 R. L'hôtel Pastrik est à Djakovica.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Dutertre.

24 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher à nouveau la pièce numéro 10, qui est la

25 carte que nous avons déjà affichée plusieurs fois, hier.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la pièce P10.

27 M. DUTERTRE :

28 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer sur cette carte l'itinéraire que

Page 991

1 vous avez parcouru en venant de Glodjane pour vous rendre à Dasinovac ?

2 Ensuite, est-ce que vous pouvez indiquer votre itinéraire de Dasinovac à

3 Decani; ensuite indiquer où est le village de Prilep où votre mère et Novak

4 Stijovic ont été retrouvés; également indiquer au moins approximativement

5 l'endroit où le corps de votre père a été retrouvé ?

6 R. Est-ce que l'on peut agrandir cette carte un petit, s'il vous plaît ?

7 Peut-être l'agrandir.

8 Voici le village, et voici le chemin en terre battue. Ce n'est pas une

9 route à proprement parler. C'est là, le long de cette route que les corps

10 ont été retrouvés. Vous voulez que j'entoure le village d'un cercle ?

11 Q. Vous pouvez entourer le village d'un cercle, s'il vous plaît.

12 R. C'est Prilep.

13 Q. Indiquez ensuite, procédons par ordre, l'itinéraire que vous avez suivi

14 entre Dasinovac et Decani au retour.

15 R. Jusqu'à Pozare, la route était une route goudronnée. A partir de

16 Pozare, peut-être une route en macadam.

17 M. DUTERTRE : Est-ce qu'on peut éventuellement sauvegarder cette carte et

18 bouger la carte un peu vers la gauche pour qu'on voie Decani ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons procéder pas à

20 pas; tout d'abord, vous voulez demander au témoin d'indiquer où se trouve

21 Prilep. Vous lui avez demandé d'entourer ceci d'un cercle - et je ne vois

22 pas le cercle encore - et peut-être ensuite ajouter la lettre P à cela.

23 Est-ce que vous pourriez entourer le village de Prilep d'un cercle,

24 s'il vous plaît ?

25 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela y est. Nous l'avons à l'écran

27 sur la carte, Prilep. Maintenant, l'étape suivante : Monsieur Dutertre,

28 vous allez demander au témoin d'indiquer l'itinéraire qu'il a suivi entre

Page 992

1 Dasinovac à Decani. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, pourriez-

2 vous nous indiquer quel chemin vous avez emprunté entre Dasinovac et

3 Decani ?

4 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

5 M. DUTERTRE :

6 Q. Est-ce que vous pouvez mettre une flèche pour indiquer le sens de votre

7 trajet entre Glodjane et Dasinovac, ensuite entre Dasinovac et Decani ?

8 R. [Le témoin s'exécute]

9 Q. Maintenant vous est-il possible de marquer approximativement l'endroit

10 où le corps de votre père a été retrouvé; en tout cas l'endroit où vous

11 vous êtes rendu et vous avez vu cet endroit avec des éléments de police

12 technique ?

13 R. Je n'ai pas trouvé les agents de la police scientifique à cet endroit-

14 là. Mais peut-être que cela se trouve environ ici. Peut-être que le village

15 n'existe pas sur cette carte, cette route en macadam dont je vous ai parlé,

16 mais cela devrait être environ ici, à côté de cette ligne-là.

17 Q. Est-ce que vous pouvez faire une croix clairement visible à cet endroit

18 où vous vous êtes rendu où les corps de votre père et M. Radunovic ont été

19 retrouvés ?

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Je vous remercie.

22 M. DUTERTRE : J'aimerais sauvegarder cette carte, et la soumettre comme

23 pièce.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'objection, on pourrait

25 admettre le versement immédiatement.

26 Madame la Greffière d'audience, ce sera la pièce P13, je crois.

27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ce sera la pièce

28 P13.

Page 993

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

2 Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

3 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

4 J'aimerais afficher la pièce portant le numéro "exhibit" 65 en ter

5 868 et la page 3.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce sera quel numéro, s'il vous plaît ?

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P14.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'instant, marquée aux fins

9 d'identification.

10 M. DUTERTRE : Est-ce qu'on peut agrandir cette photo.

11 Q. Monsieur Radosevic, quels sont vos commentaires sur cette image ?

12 R. C'est une photographie de l'endroit où mon père et Milos Radunovic ont

13 été retrouvés.

14 Q. Je vous remercie.

15 M. DUTERTRE : J'aimerais verser cette pièce au dossier.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'objections, le

17 versement de cette pièce est admis.

18 Je pense que cette photographie fait partie d'une série de photos. Est-ce

19 que vous souhaitez le versement de cette photographie-ci ou de l'ensemble

20 des photographies, s'il vous plaît ?

21 M. DUTERTRE : De cette photographie-ci.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

23 M. DUTERTRE :

24 Q. Monsieur Radosevic…

25 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Greffière d'audience lorsqu'elle a

27 donné un numéro de cote pour la pièce précédente, le P14 regroupait

28 l'ensemble des photographies. A l'heure actuelle, il s'agit simplement

Page 994

1 d'une seule photographie qui a la cote P14.

2 Vous pouvez poursuivre.

3 M. DUTERTRE :

4 Q. Monsieur Radosevic, je vais maintenant vous poser quelques questions.

5 Je vous demande de répondre à mes questions de façon précise, en suivant la

6 séquence de ces questions et en ne débordant pas dans votre réponse sur

7 d'autres sujets, en répondant de façon assez courte, en tout cas à la

8 première.

9 Est-ce que vous avez entendu ensuite des informations concernant ce qui

10 était arrivé à votre père; oui ou non ?

11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi ? Qu'est-ce que vous

12 entendez par cela ?

13 M. DUTERTRE :

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 995

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 [Audience à huis clos partiel]

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 996

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Pages 996-999 expurgées. Audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1000

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 [Audience publique]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, veuillez poursuivre.

18 M. DUTERTRE : Je comprends que je peux continuer sur le fond en demandant

19 au témoin ce que cet ami lui a indiqué ?

20 Q. Monsieur Radosevic, qu'est-ce que cet ami vous a raconté exactement sur

21 l'enlèvement et le décès de votre père ?

22 R. Il m'a dit qu'il avait été fait prisonnier par l'UCK, qu'il avait été

23 emmené au village de Glodjane, et qu'il avait essayé de les protéger mais

24 qu'il avait été frappé en raison de ce qu'il avait essayé de faire pour

25 protéger des Serbes.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant de cette partie-ci de la

27 déposition, pourriez-vous insister - par exemple, le témoin a indiqué qu'il

28 y avait eu des personnes qui avaient été fait prisonniers, alors,

Page 1001

1 j'aimerais que le témoin nous donne davantage de détails sur ce qu'il lui a

2 été dit; par exemple, il vous a été dit qu'il était présent lorsqu'il a été

3 fait prisonnier ou qu'il n'était pas là lorsqu'il a été fait prisonnier.

4 Nous aimerions savoir très précisément qu'elles ont été les observations

5 faites par votre ami et ce qu'il aurait pu entendre éventuellement de la

6 bouche d'autres personnes, s'il a obtenu les informations d'autres sources.

7 Je vous demande vraiment d'être précis dans votre récit. J'aimerais

8 que vous repreniez votre réponse. Vous avez dit : "Il m'a dit qu'il a été

9 fait prisonnier par l'UCK." Est-ce qu'il vous a dit qu'il avait été présent

10 au moment où votre père a été fait prisonnier par l'UCK ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était pas là sur place lorsqu'il a été

12 fait prisonnier. Lorsqu'ils sont partis vers Glodjane, qu'ils sont passés

13 devant chez lui, il est sorti. Il est très probable qu'il les ait arrêtés

14 dans leur progression et qu'il ait essayé de les sauver, les deux. Il a

15 sans doute été battu. Je ne sais pas comment ils ont fait pression sur lui.

16 En tout cas, il a dit qu'il avait été battu, frappé.

17 Lorsqu'il a été fait prisonnier, lorsqu'ils sont allés de chez moi

18 vers Glodjane, il les a fait s'arrêter. Il était sur la route à

19 5 ou 6 mètres, et il les a fait s'arrêter.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

21 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Vous avez mentionné deux personnes. Il vous a indiqué les noms des deux

23 personnes qui étaient arrêtées. On comprend qu'il y avait votre père, il y

24 avait une seconde personne, quel était son nom ? Il vous l'a donné ce nom ?

25 R. Oui. Milos Radunovic.

26 Q. Qu'a-t-il dit à ces soldats quand il les a arrêtés sur le chemin ? Quel

27 a été le contenu de ses propos à ces soldats ? Est-ce qu'il vous a raconté

28 cela ?

Page 1002

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1003

1 R. Il ne m'a dit pas en détail ce qu'il avait dit à ces soldats. Il est

2 sorti et il leur a dit qu'ils devaient les laisser partir, que Slobodan

3 Radosevic et Milos Radunovic ne méritaient pas ce sort d'être emmenés et

4 d'être victimes de violence.

5 Q. Quand il les a arrêtés, il vous a décrit quels moyens de locomotion ils

6 utilisaient, comment ils étaient transportés, Milos Radunovic et Slobodan

7 Radosevic, votre père ?

8 R. Il a dit qu'ils étaient en voiture, mais il n'a pas précisé la marque.

9 Il a dit que les hommes, les soldats n'étaient pas du village de Dasinovac.

10 Q. Combien y avait-il de voitures ? Est-ce qu'il vous a indiqué cela ?

11 R. Non, non, non.

12 Q. Quel était le nom des soldats qui emmenaient votre père et Milos

13 Radinovic ? Est-ce qu'il les connaissait ? Est-ce qu'il vous a dit qui

14 c'était ?

15 R. Il ne m'a pas dit en détail qui c'étaient. Il a juste dit qu'ils

16 n'étaient pas du village de Dasinovac.

17 Q. Qui est Deli Lekaj ? Est-ce que vous connaissez cette personne, Deli

18 Lekaj ?

19 R. Je le connais de vue. J'ai entendu dire qu'il avait été membre de

20 l'Armée de libération du Kosovo au moment où Stijovic avait été arrêté,

21 Vojislav Stojanovic et Kika Stojanovic également, lorsqu'ils ont tous été

22 arrêtés. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles il avait participé au

23 meurtre de mon père, mais je ne peux pas le dire avec certitude, parce que

24 moi-même je n'y ai pas assisté. Donc, je n'ai pas les informations exactes

25 qui pourraient indiquer que c'est lui qui a tué mon père. Mais j'ai des

26 informations suggérant qu'il y a participé, qu'il a participé à

27 l'assassinat de mon père.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, j'aimerais tirer

Page 1004

1 quelque chose au clair.

2 Vous avez dit d'abord avoir entendu des rumeurs, Monsieur. Ensuite,

3 vous dites que vous avez des informations. Avez-vous des informations qui

4 sont autre chose que des rumeurs ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que Deli Lekaj a participé à la

6 capture de Dragoslav Stojanovic, Kika Stojanovic et Vesko Stijovic, mais

7 c'est une rumeur que j'ai entendue. Je n'ai pas d'information exacte. J'ai

8 entendu cette rumeur selon laquelle il aurait participé à l'arrestation de

9 mon père.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, à ce stade, ces

11 informations ne sont que des rumeurs.

12 Vous nous avez dit que vous saviez qu'il avait participé à

13 l'arrestation des autres gens que vous avez évoqués; M. Stijovic et deux

14 Stojanovic. Quelle est la source de cette connaissance que vous avez de ce

15 fait s'agissant de la capture, de l'arrestation de ces individus et de la

16 participation de M. Lekaj à ces arrestations ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Vesko Stijovic est un ami proche de

18 la famille. Il m'a parlé de cet incident, du moment où il a été arrêté, de

19 la manière dont on l'a interrogé et du type de conseil qu'on lui a donné.

20 C'est Vesko Stijovic, Dragoslav et Kika Stojanovic qui me l'ont dit, à

21 savoir que cet homme avait fait partie de l'UCK à Glodjane au moment où ils

22 ont été arrêtés.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et qu'il a également, cet

24 homme, participé aux arrestations ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'il a participé à leur arrestation.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci.

27 Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

28 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Une autre question. De quel homme

Page 1005

1 parlons-nous ici ? Vous pourriez redonner le nom, s'il vous plaît, le nom

2 de cet homme qui a participé à l'arrestation, d'après ce que vous avez

3 entendu dire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Delija Lekaj.

5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

7 M. DUTERTRE :

8 Q. Est-ce que cet ami vous a décrit l'état physique de Milos Radunovic et

9 de votre père Slobodan Radosevic quand il a arrêté les soldats de l'UCK qui

10 les emmenaient ?

11 R. Il a dit qu'ils avaient été battus à plusieurs reprises. Il n'a pas pu

12 voir vraiment s'ils étaient blessés ou pas. Mais ils avaient été passés à

13 tabac. Quoi qu'il en soit, il m'a dit qu'ils étaient encore en vie au

14 moment où ils ont été emmenés à Glodjane.

15 Q. Lui-même, comment vous a-t-il décrit les coups qu'il a reçus ?

16 R. Ils l'ont frappé au poing parce qu'il défendait des Serbes.

17 Q. Je reviens un peu en arrière. Combien étaient-ils ces soldats lorsqu'il

18 les a arrêtés pour tenter de sauver votre père et Milos Radunovic ?

19 R. D'après ce qu'il m'a dit, il y avait deux voitures, donc peut-être sept

20 ou huit.

21 Q. Votre ami était ferme sur le fait qu'il s'agissait des soldats de

22 l'UCK ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous avez indiqué qu'il vous a dit qu'il était parti en direction de

25 Glodjane. Comment pouvait-il savoir qu'ils allaient vers Glodjane ?

26 R. Même chose que lorsque nous avons été arrêtés. Chaque fois que

27 quelqu'un était arrêté par l'UCK, ils étaient emmenés au QG à Glodjane où

28 ils étaient interrogés, et cetera.

Page 1006

1 Q. Pour être plus précis, quelle direction les voitures, vous avez parlé

2 de deux voitures, ont-elles prises ?

3 R. De Dasinovac, ils sont allés vers Pozare, où ils ont sans doute tourné

4 vers Glodjane.

5 Q. C'est ce qu'il a vu lui-même. Est-ce qu'il vous a raconté autre chose ?

6 R. Il a dit qu'il avait entendu une rumeur selon laquelle ces deux hommes

7 avaient été tués plus tard et jetés au bord de la route près de Linkin Put,

8 c'était le nom du lieu et qu'ils étaient là-bas. Deux, trois ou quatre mois

9 plus tard, il est allé sur place pour voir si c'était vrai. Il a pris une

10 pelle avec lui et il a jeté un peu de terre sur leurs cadavres qui étaient

11 déjà décomposés.

12 Q. A-t-il mentionné des noms de personnes qui avaient procédé au meurtre

13 de votre père et de Milos Radunovic ?

14 R. Non.

15 Q. Vous-même, avez-vous appris autre chose sur les circonstances de ces

16 décès ?

17 R. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles on les avait emmenés à

18 Glodjane, qu'on les avait interrogés, que Milos Radunovic a été blessé à la

19 main, Slobodan Radosevic à la jambe; on les avait emmenés au village

20 Prilep, ensuite à Decani. Au village de Prilep, les habitants du village

21 ont dit : Ne les laissez pas parce que sinon on risque de nous rendre

22 responsable. On les a ramenés au village de Dasinovac, et c'est là qu'on

23 les a tués, on les a laissé mourir parce qu'ils ont perdu leur sang.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous êtes en train de parler de

25 rumeurs. Parfois les rumeurs peuvent jouer un rôle dans la présentation des

26 éléments de preuve si, par exemple, vous dites que vous avez entendu que

27 c'était une rumeur que votre père avait été jeté au bord d'une route, cette

28 rumeur vous a incité à le chercher, dans ces conditions, cette rumeur

Page 1007

1 explique pourquoi vous vous êtes rendu sur place.

2 Or, là, nous sommes en train de parler de la teneur même des informations.

3 Si vous n'avez pas d'autres informations au sujet de la source des rumeurs

4 dont vous parlez maintenant, je demanderais à M. Dutertre de passer à autre

5 chose, de passer à un autre volet de son interrogatoire principal, parce

6 que vous comprendrez bien que dans un tribunal, les rumeurs ne sauraient

7 jouer qu'un rôle fort limité, comme j'ai si bien essayé de vous

8 l'expliquer.

9 Monsieur Dutertre, je regarde également l'horloge. On va vous laisser

10 terminer.

11 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Monsieur Radosevic, est-ce que vous avez donné une autre déclaration à

13 d'autres personnes sur ce qui vous est arrivé à vous ?

14 R. J'ai fait des déclarations à des journalistes. J'ai fait une

15 déclaration au monastère. Je ne sais pas de quelle organisation exactement

16 il s'agissait, mais j'ai fait cette déclaration au monastère à Decani au

17 sujet de ce qui m'était arrivé à moi et à ma mère.

18 Q. Vous avez employé le mot organisation. Vous avez été interrogé par une

19 organisation; c'est bien cela ? J'ai bien compris, qui n'était pas une

20 organisation de police ?

21 R. Oui. C'était une organisation mais je ne me souviens pas de quelle

22 organisation il s'agissait. Une sorte d'organisation, cela je m'en

23 souviens, mais vous dire quelle organisation, cela je ne le sais pas, je ne

24 m'en souviens pas.

25 Q. Que leur avez-vous raconté exactement ?

26 R. Je leur ai dit tout ce qui s'était passé, tout ce qui m'était arrivé ce

27 jour-là, comment j'avais été fait prisonnier, où on m'avait emmené, ce que

28 j'étais censé faire, comment ils nous avaient maltraité, fait subir des

Page 1008

1 mauvais traitements, des sévices. Je leur ai aussi dit que j'avais entendu

2 dire à la radio que mon père avait été laissé au bord d'une route, enfin

3 son cadavre avait été laissé au bord d'une route.

4 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher la pièce numéro 5 qui a déjà été versée

5 au dossier, et plus particulièrement les pages 14 et 15. Il s'agit de la

6 version en anglais, mais hier nous avons fourni une traduction en serbe, je

7 pense, à l'ensemble des avocats de la Défense. Ils me corrigeront si ce

8 n'est pas le cas. Je crois qu'elle est également accessible sur e-court.

9 J'aimerais que ce soit la version serbe originale qui apparaisse pour M.

10 Radosevic.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine que vous parlez de la pièce

12 P5.

13 M. DUTERTRE : Tout à fait, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que la version en serbe peut

15 être agrandie à l'écran, là cela me semble être la version en anglais.

16 M. DUTERTRE :

17 Q. Monsieur Radosevic, est-ce que vous pouvez prendre connaissance de ce

18 document et indiquer vos commentaires.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, mais je crois qu'il y a peut-

20 être une confusion entre P5 et P6. J'avais l'impression que M. Dutertre

21 voulait présenter à ce témoin sa propre déclaration, mais j'ai l'impression

22 que ce qu'on voit en anglais ici, c'est une déclaration faite par un autre

23 témoin.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais quand je regarde la

25 traduction, je constate en haut du document la chose suivante : K057,

26 ensuite 7181, puis ensuite K057 et 7182. Mais quand je regarde la

27 traduction, je vois la chose suivante : K057-7193. Il me semble qu'il y a

28 là un autre document qu'on nous présente, mais je ne suis pas trop sûr. Je

Page 1009

1 ne sais pas trop ce qui s'est passé, mais je vois que les numéros ne

2 correspondent pas.

3 M. EMMERSON : [interprétation] La traduction est de e14glodj.doc qui est la

4 bonne référence pour la traduction de ce témoin, pour sa déclaration à HLC.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. EMMERSON : [interprétation] M. Dutertre nous a donné la référence du

7 document e20glodj.doc, qui est la déclaration d'un autre témoin.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, pouvez-vous nous

9 aider ?

10 M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président. J'ai demandé à afficher les pages

11 14 et 15, qui sont effectivement numérotées K057- 7181. Vous avez à

12 l'écran, si je ne m'abuse, effectivement une difficulté. Cela devrait être

13 la page effectivement K057-7181 et non pas 7193 en anglais.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois qu'à l'écran nous

15 avons e21glodj [comme interprété], alors que nous ce que nous voulons voir,

16 c'est "e," petit "i4", mais j'imagine que c'est e14.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Le document que cherche M. Dutertre,

18 c'est e14.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que maintenant nous avons

20 à la fois l'anglais et l'autre version dans la bonne version, justement.

21 M. DUTERTRE : Voilà, nous y sommes.

22 Q. Monsieur Radosevic, est-ce que vous pouvez formuler vos commentaires

23 vis-à-vis de ce document ?

24 R. C'est la déclaration que j'ai faite au monastère à cette organisation.

25 Q. Vous avez d'autres choses à dire sur cette page ?

26 R. Non, je n'ai rien à ajouter.

27 M. DUTERTRE : Pouvons nous passer à la page suivante, à la fois en anglais

28 et en serbe, qui est le contenu proprement dit de la déclaration.

Page 1010

1 Q. Monsieur Radosevic, est-ce que vous pouvez prendre connaissance de ce

2 document et faire tout commentaire qu'il vous paraît bon ?

3 R. C'est la déclaration que j'ai faite ce jour-là au monastère à cette

4 organisation.

5 Q. Des commentaires à formuler, si vous avez fini toutefois de lire ?

6 R. Oui. J'ai une observation à faire au sujet de la partie liminaire du

7 document, l'introduction.

8 Q. Est-ce que vous pouvez faire ce commentaire, s'il vous plaît ?

9 R. Ici il est indiqué que je m'étais sauvé; qu'ils étaient venus le 21

10 avril, l'Armée de libération du Kosovo, dans notre village et que j'avais

11 pris la fuite avec ma mère et mon ami au camp de vacances pour jeunes à

12 Decani. Mais ce n'était pas du tout le cas. On n'a pas pris la fuite.

13 J'emmenais ma mère chez le médecin. On a passé la nuit à Decani, ensuite

14 j'ai essayé de rentrer dans mon village, mais à ce moment-là on m'a fait

15 prisonnier.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez eu l'occasion de

17 prendre à l'instant connaissance de la totalité de votre déclaration ou

18 est-ce que vous n'avez lu que le début de cette déclaration ?

19 Parce que sinon, ce que je propose, c'est qu'on fasse une pause

20 maintenant et qu'on remette au témoin un exemplaire de sa déclaration dans

21 sa propre langue afin qu'il ait le temps de lire ladite déclaration pendant

22 la pause. Est-ce qu'il existe une copie papier de cette déclaration en

23 serbe pour le témoin ?

24 Oui, Monsieur Dutertre.

25 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, à ceci est attachée la traduction du

26 dernier document. J'en finirai par là que je voulais mentionner qu'il est

27 extrait de la pièce P6. Je ne sais pas si vous souhaitez donner les deux

28 traductions maintenant ou uniquement la traduction de ce document que nous

Page 1011

1 examinons.

2 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais voir le document que M. Dutertre

3 souhaiterait présenter au témoin.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez présenter

5 cette pièce à Me Emmerson, parce que pour P5 on sait bien de quoi il

6 s'agit.

7 M. DUTERTRE : La pièce P6, c'est le "Spotlight," un rapport numéro 26, et

8 je voulais faire référence aux pages 18 et 19.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Je viens de regarder le document. C'est

10 peut-être utile pour le témoin, mais la dernière page, c'est un autre

11 document. C'est une traduction en serbe d'un extrait du rapport "Spotlight"

12 numéro 26, un des rapports que nous avons déjà versé au dossier. Si le

13 témoin ne se rend pas compte, cela pourrait l'induire en erreur. Pourrait-

14 on dégrafer cela afin qu'il sache exactement ce qu'il consulte ? Sinon, je

15 n'ai pas d'objections. Il faut bien qu'il sache qu'il y a deux documents

16 différents.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

18 Monsieur Radosevic, on va vous remettre deux documents dans votre langue

19 maternelle. Le premier document c'est le document que vous venez de voir à

20 l'écran, et ce que j'aimerais que vous fassiez, c'est que vous preniez

21 connaissance avec beaucoup d'attention de ce document pendant la pause,

22 pour voir s'il y a des choses que vous souhaitez ajouter, des commentaires

23 à faire. Puis on va vous remettre un autre document, un autre document qui

24 ne correspond pas à une déclaration que vous avez faite. Non, pas du tout.

25 C'est un extrait d'un rapport, et j'aimerais que cet extrait de rapport,

26 vous le lisiez également, ensuite on verra quelle question M. Dutertre aura

27 à vous poser au sujet de ce document.

28 J'aimerais que ce document soit remis au témoin dans sa propre langue.

Page 1012

1 Bien.

2 Monsieur Radosevic, j'aimerais maintenant que vous vous leviez, que vous

3 suiviez l'huissier. Veuillez lire ce document. Nous allons faire une pause

4 qui durera un peu moins d'une demi-heure.

5 [Le témoin quitte la barre]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, cela fait maintenant

7 environ deux heures trois quarts que nous entendons un témoin dont

8 l'interrogatoire principal était prévu pour durer une heure. Maintenant,

9 nous avons des cartes qui nous indiquent clairement qu'il est allé du point

10 A au point B sur une route qui est la route que l'on emprunte parce que

11 c'est la route directe entre A et B. Nous avons des informations détaillées

12 au sujet de la mère du témoin qu'on a fini par retrouver à Prilep. Bien

13 entendu, il est tout à fait possible que ceci ait une importance toute

14 particulière, tous ces éléments, mais pour l'instant il pourrait s'agir de

15 n'importe village dans cette région, du moment que ce village ne se trouve

16 pas trop loin de Decani, enfin de n'importe quel village dans cette zone.

17 Vous passez beaucoup de temps à évoquer ce genre de questions. Non

18 seulement je me demande quelle est la pertinence de tout cela, mais enfin

19 il est possible que tout cela va se révéler d'une importance cruciale. Je

20 n'en sais rien.

21 Il y a une autre question que je me pose, je me demande s'il n'y a

22 pas 80 % de toutes ces informations qui n'auraient pas pu être présentées

23 en utilisant l'article 89(F) ou en faisant simplement référence à la

24 déclaration écrite du témoin. Bien entendu, nous ignorons encore sur quel

25 point va porter le contre-interrogatoire, sur quel point la Défense va

26 mettre l'accent. Il y a une question qui me vient à l'esprit, qui ne me

27 serait pas venue à l'esprit si vous aviez terminé l'interrogatoire

28 principal en une heure. Etant donné que maintenant nous en sommes à presque

Page 1013

1 trois heures d'interrogatoire principal, cette question, elle se pose à

2 moi.

3 Maître Emmerson, je vois que vous êtes debout.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. En fait, je voulais évoquer une autre

5 question. Je dois dire pour être juste envers M. Dutertre que toutes les

6 pièces concernant ce témoin qui aurait pu être présentées par accord ou en

7 les lisant, et cetera, toutes ces pièces sont limitées, parce que j'ai

8 beaucoup de questions à poser à ce témoin.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est possible. Ce qui me préoccupe

10 toujours, c'est que nous venons de passer pratiquement deux heures et trois

11 quarts, deux heures trois quarts avec ce témoin, mais j'aurais peut-être dû

12 attendre pour me prononcer sur l'importance du témoin.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Autre souci que j'ai, nous avons maintenant

14 à l'écran la pièce e12.glodj.doc ainsi que la traduction. Je ne sais pas

15 pourquoi il y a un problème avec ce document, parce que ce document n'a

16 strictement rien à voir avec le témoin que nous entendons actuellement.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si on enregistre ce qui

18 figure à l'écran. Oui. Oui, oui, effectivement. Mais nous n'avons pris

19 connaissance du document e12. Nous n'en avons pas lu d'extrait.

20 Nous allons faire une pause, et nous reprendrons à onze heures et

21 quart.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 49.

23 [Le témoin quitte la barre]

24 --- L'audience est reprise à 11 heures 18.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radosevic, avez-vous eu

26 l'occasion de lire les documents qu'on vous a remis ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Dutertre a peut-être des questions à

Page 1014

1 vous poser.

2 Monsieur Dutertre, vous avez la parole.

3 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je vous remercie. Ce sera très bref.

4 Q. Est-ce que vous avez des commentaires, des corrections à apporter à ce

5 qui est mentionné dans ces documents, Monsieur Radosevic ?

6 R. Oui. Je veux dire que dans l'introduction de cette déclaration, ce qui

7 est indiqué n'est pas exactement ce que j'ai dit, parce que ce n'est pas

8 comme cela que les choses se sont passées. On n'a pas pris note de mes

9 propos correctement, comme je l'avais dit.

10 Q. Monsieur Radosevic, est-ce que vous pouvez indiquer précisément quel

11 est le document auquel vous vous référez ? Il devrait y avoir un numéro en

12 haut à droite.

13 R. C'est le document 71H2003.

14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous avez à l'esprit la correction

15 dont vous nous avez parlé précédemment, c'est-à-dire les raisons qui vous

16 ont poussé à vous déplacer ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc il est inutile de le répéter, je

19 pense.

20 M. DUTERTRE :

21 Q. Quelque chose que vous voulez ajouter à propos de ce document ?

22 R. Non, rien d'autre. Tout est conforme à ce qui est inscrit dans le

23 document.

24 Q. Monsieur Radosevic, concernant le deuxième document, je fais maintenant

25 référence à la pièce P6, pages 18 et 19 en anglais. C'est le document d'une

26 seule page qui vous a été remis avec les deux autres documents.

27 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Peut-être vaut-il mieux continuer

28 d'examiner le document qu'on voyait précédemment. Cela nous permet de

Page 1015

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1016

1 gagner du temps parce qu'il est inutile d'y revenir ensuite.

2 Parce qu'il y a quelque chose d'autre que j'aimerais mieux

3 comprendre. Il s'agissait d'un entretien, ou plutôt d'une déclaration que

4 vous avez faite deux ou trois jours après l'incident en question, n'est-ce

5 pas, Monsieur ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien. A ce moment-là, vous n'aviez

8 pas de nouvelles précises au sujet de ce qui est arrivé à votre père, si

9 j'ai bien compris ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Vous aviez simplement entendu dire -

12 enfin c'est ce que vous nous aviez dit précédemment, ce même soir, un

13 endroit dans votre village - enfin, vous avez entendu dire quelque chose,

14 vous avez entendu une rumeur au sujet de l'enlèvement et du meurtre de

15 votre père, non, parce qu'ici, vous parlez de différentes versions des

16 faits : "Certains disent qu'il avait été blessé; d'autres disaient qu'il

17 avait été tué." Donc, je voudrais savoir ce que vous avez fait ensuite

18 après avoir entendu ces premiers récits que vous avez entendu ce soir-là ?

19 Est-ce que vous êtes allé à cet endroit ? Est-ce que vous avez, à ce

20 moment-là, cherché votre père ? Parce que nous sommes passés directement au

21 mois de septembre, au moment où vous avez trouvé le corps, ou plutôt où le

22 corps a été trouvé. Ce que je voulais savoir, c'est ce que vous aviez fait

23 vous-même au début pour essayer de savoir ce qui était arrivé à votre père.

24 Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, cela s'est passé le

26 lendemain matin après que j'ai été fait prisonnier. Slavisa Markovic est

27 venu avec sa famille du village de Dasinovac. Ses voisins l'ont amené

28 jusqu'au village de Rausivac. Mon père a été fait prisonnier sur le seuil

Page 1017

1 de sa propre maison par les terroristes. Je vivais avec l'espoir qu'il

2 serait encore vivant, et c'est un espoir que j'ai eu jusqu'au dernier jour,

3 jusqu'au 9 septembre. Je ne prêtais pas vraiment attention aux rumeurs

4 selon lesquelles il était mort ou blessé. Je ne leur faisais pas confiance.

5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc, je répète, la dernière fois que

6 vous avez vu votre père vivant, c'est quand vous êtes allé récupérer les

7 fusils de chasse, n'est-ce pas ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Ce même soir, est-ce que vous avez

10 entendu dire quoi que ce soit ou plutôt que vous avez entendu ce soir-là ou

11 le lendemain quelque chose au sujet de son enlèvement, n'est-ce pas ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Qu'est-ce que vous avez fait ? Est-ce

14 que vous avez essayé d'en savoir un petit peu plus ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai essayé par l'intermédiaire du monastère

16 de me renseigner, d'essayer de voir s'il pourrait voir ce qui s'était passé

17 en passant par les organisations non gouvernementales, mais j'en suis

18 arrivé à rien. Ensuite, c'est dans aux nouvelles que j'ai entendu dire ce

19 qu'il leur était arrivé. Mais je ne le croyais pas, je ne croyais pas que

20 leurs cadavres étaient au bord de la route. Ma sœur a essayé à Podgorica.

21 Elle est allée voir les gens de la Croix-Rouge là-bas pour vérifier ces

22 informations qui avaient été données aux informations selon lesquelles

23 leurs corps gisaient au bord de la route. Apparemment, ensuite, ils sont

24 allés sur place pour vérifier, mais ils ne les ont pas trouvés.

25 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que la police est intervenue ?

26 Est-ce que vous avez fait intervenir la police d'une manière ou d'une

27 autre ? Est-ce que la police a enquêté, a procédé à une enquête chez vous,

28 dans votre maison, dans votre village ?

Page 1018

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Le même jour, je suis allé signaler la chose à

2 la police, le jour où j'ai été enlevé, où j'ai été fait prisonnier. Dès que

3 j'ai été libéré, moi-même et Slavisa Markovic, on est allé faire une

4 déclaration à la police, mais la police ne pouvait pas aller dans notre

5 village parce qu'il était encerclé, il était bouclé par l'armée terroriste.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser, un point

8 à préciser.

9 Vous dites que vous n'avez rien à ajouter au sujet de la déclaration que

10 vous avez faite. Dans cette déclaration, on voit une description des faits,

11 on voit que la voiture de Novak est tombée en panne, et un peu plus loin,

12 on peut lire qu'on vous a porté des coups-de-poing, notamment que c'était

13 vers midi. Je cite : "Ils n'ont pas frappé ma mère, mais ils m'ont passé à

14 tabac comme il faut, moi et Novak, là au milieu de la route." Ensuite, je

15 poursuis la lecture, je cite : "Vers 14 heures, ils ont décidé de nous

16 laisser partir et ils ont remorqué notre voiture vers Prilep."

17 Vous dites que vous n'avez pas d'observations supplémentaires à faire

18 au sujet de la déclaration, mais ce que vous avez déclaré dans ce prétoire,

19 dans le cadre de la déposition, c'était différent. Vous n'avez pas dit que

20 vers 14 heures, ce même jour, ils avaient décidé de vous laisser partir.

21 Non, ce que vous nous avez dit ici, c'est qu'on vous avait dit d'aller

22 chercher des armes, les fusils. Vous nous avez expliqué qu'ils avaient

23 gardé votre mère en otage plus ou moins. Je suis un petit surpris de vous

24 entendre dire que vous n'avez rien à ajouter au sujet de cette déclaration,

25 parce que là vous venez de nous présenter deux versions des faits

26 différentes.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, si j'ai

28 oublié quoi que ce soit. Mais à propos de cette déclaration, de ce que vous

Page 1019

1 dites, c'est vrai que c'est écrit ici. Je maintiens la première déclaration

2 que j'ai faite à ces messieurs, ici, au sujet de ce qui s'est passé,

3 comment la voiture est tombée en panne, comment nous avons été faits

4 prisonniers, victimes de mauvais traitements; comment j'ai été à Dasinovac

5 pour chercher le fusil, que je leur ai donné au village de Pozare.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que non seulement le début de

7 cette déclaration ne correspond pas à ce que vous leur avez déclaré, mais

8 que la fin de la déclaration, elle non plus ne correspond pas à ce que vous

9 aviez déclaré et à ce que vous avez déclaré ici même dans ce prétoire. Vous

10 nous déclarez que ce que vous avez dit ici même dans ce prétoire, c'est ce

11 qui s'est véritablement passé. S'il y a des discordes entre les deux

12 déclarations, c'est ce que vous avez dit ici dans ce prétoire qui

13 correspond à la réalité; est-ce bien exact ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'en tiens à ma première

15 déclaration, celle que j'ai donnée et celle que j'ai signée. Il s'agit ici

16 d'une déclaration faite par une organisation non gouvernementale. Ils

17 auraient pu y mettre toutes sortes de choses. Il est vrai que j'ai été fait

18 prisonnier, mais cela n'est pas vrai que je me suis enfui du village. Je me

19 suis rendu avec ma mère à Decani pour qu'elle puisse voir un médecin. J'ai

20 été fait prisonnier sur le chemin du retour. Je n'ai pas été relâché par

21 les terroristes dans le village de Prilep, et ma mère non plus. Ils ont

22 remorqué la voiture jusqu'à Prilep avec un tracteur et ils les ont laissés

23 là.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair.

25 Monsieur le Juge Stole, à vous.

26 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Une question à poser. Quand avez-vous

27 vu cette déclaration pour la première fois ? C'est la première fois que

28 vous voyez cette déclaration ici dans le prétoire ou est-ce qu'on vous a

Page 1020

1 montré cette déclaration un peu plus tôt ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu cette déclaration hier.

3 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Oui. Il s'ensuit que vous n'avez jamais

4 pu apporter des commentaires par rapport à ce qui est consigné ici ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Vraiment, je n'ai jamais vu cette

6 déclaration auparavant, avant hier. Je vais réitérer ce que je viens de

7 dire : ce qui est dit à propos du fait que j'ai été fait prisonnier est

8 exact, mais il n'est pas vrai que j'ai été relâché à Prilep par l'UCK. On

9 m'a contraint à remettre mon arme et mon ami et ma mère ont été relâchés à

10 Prilep.

11 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. DUTERTRE : Si je peux me permettre, Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges, ce document a été montré durant le "proofing" à M. Radosevic qui a

14 fait un commentaire, ainsi que les notes de "proofing" le reflètent, il y a

15 plusieurs commentaires sur cette déclaration sur les points sur lesquels il

16 est intervenu aujourd'hui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

18 Veuillez poursuivre.

19 M. DUTERTRE : J'aimerais maintenant afficher la pièce P6, et plus

20 particulièrement les pages 18, puis 19.

21 Q. Monsieur Radosevic, à droite, vous avez la traduction complète des

22 pages 18 et 19; à gauche, simplement la page 18, mais pour revenir à la

23 page 19 ensuite. La page 18 va être agrandie. Ce qui nous intéresse

24 commence au cinquième paragraphe de cette page.

25 Est-ce que vous avez des commentaires à formuler sur ce document et quels

26 sont-ils ?

27 R. Oui, j'ai quelques modifications à apporter. Ma mère et moi-même nous

28 nous sommes rendus à Decani le 21 avril. Nous avions quitté notre village.

Page 1021

1 C'est ce que j'ai déjà dit. C'était pour qu'elle puisse aller voir le

2 médecin. Ensuite le lendemain, je me suis dirigé vers le village en

3 compagnie de ma mère et c'est à ce moment-là que nous avons été fait

4 prisonniers. Ceci est également indiqué. C'est clair d'après l'autre

5 déclaration. Il est vrai que j'ai quitté le village en présence de ma mère

6 et que mon père est resté au village. C'est exact.

7 Q. C'était le 21 avril ?

8 R. Oui, oui.

9 Q. A la fin de cette page, le dernier paragraphe, est-ce que vous avez un

10 commentaire sur ce qui y est indiqué dans ce paragraphe ?

11 R. Non. Rien par rapport à ce paragraphe-ci. Ceci est exact.

12 Q. J'ai une précision, une question. C'était la carabine de Novak avec

13 laquelle vous étiez parti ou du père de Novak, ou c'était la carabine de

14 votre père ? Le paragraphe mentionne que vers 2 heures 15, vous êtes

15 retourné au QG de l'ALK avec la carabine de Novka Stijovic.

16 R. Non, non. Il y avait une carabine qui appartenait à feu mon père,

17 et quand j'ai pris la carabine, je n'ai pas pu trouver la carabine de

18 Novak. Je ne suis jamais retourné à Glodjane, mais je suis retourné à

19 Decani pour aller chercher le fusil et on m'avait demandé de chercher les

20 deux fusils, mais je ne suis jamais retourné jusqu'à Glodjane. Je suis allé

21 directement à Decani.

22 M. DUTERTRE : On peut peut-être maintenant passer à la page 19, mais la

23 traduction reste la même. Je fais référence aux deux paragraphes en haut

24 dont vous avez la traduction en bas à droite.

25 Q. Monsieur Radosevic, des commentaires à apporter ?

26 R. Je ne reçois aucune traduction.

27 Q. La traduction est dans un des documents qu'on vous a communiqués, une

28 page simple. C'est la fin du document. La traduction des deux pages est sur

Page 1022

1 la même feuille pour vous. Elle vous a été remise pendant la pause.

2 R. Deux paragraphes qui parlent de la disparition de Slobodan Radosevic,

3 c'est cela que vous voulez dire ?

4 Q. Oui, c'est cela.

5 R. Oui, je m'en tiens à ce que j'ai dit. C'est simplement le premier

6 paragraphe où j'ai dit que le 21 avril, j'étais parti en présence de ma

7 mère à Decani pour qu'elle puisse aller voir son médecin. Nous y avons

8 passé la nuit, et le lendemain matin nous nous sommes retournés au village.

9 Je réitère cela. Le deuxième paragraphe c'est très bien. Il n'y a pas de

10 problème.

11 Q. Merci, Monsieur Radosevic. J'en ai terminé pour mes questions.

12 M. DUTERTRE : Je souhaite simplement informer la Chambre que l'échelle de

13 la carte que nous avons utilisée est un cent millième.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous saurons quelle est l'échelle de

15 l'autre carte, je suppose. Je crois que l'échelle est précisée. Je crois

16 que c'est un deux cents millième [comme interprété]. Pourquoi est-ce que

17 ceci n'a jamais été agrandi ? Qu'est-ce qui vous permet de dire cela ?

18 M. DUTERTRE : La carte constamment était à une échelle de un cent millième,

19 et c'est l'information que j'ai reçue de la part des enquêteurs via l'Unité

20 des cartes.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier, nous avons parlé de la carte

22 numéro 6, qui n'a pas été versée au dossier, qui nous a été présentée plus

23 avant. Je crois qu'il s'agit de la même carte sur laquelle il y a des

24 annotations, des cercles dessinés en rouge. En bas de cette carte, il ne

25 s'agit bien évidemment pas d'une carte à la même échelle. On précise

26 également que c'est une carte au un cent millième. C'est à celle-ci que je

27 pense…

28 M. DUTERTRE : La carte utilisée est la carte numéro 7, celle que nous avons

Page 1023

1 produite tout au cours de cette --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'entends bien. Vous dites qu'il

3 s'agit de la même carte et qu'il s'agit d'une carte agrandie ou que l'autre

4 est une carte qui a été réduite. Peut-être que les deux cartes n'indiquent

5 pas la bonne échelle, cela dépend évidemment de l'original, car sur

6 l'original on trouve l'échelle et ceci nous permet calculer les distances.

7 Je dispose d'autres cartes. Je vais vérifier moi-même personnellement,

8 compte tenu des documents dont je dispose, et je vais voir si ceci est

9 exact ou non, que la carte numéro 7 correspond à la carte d'origine. Je

10 vais faire cela en tenant compte des échelles qui sont indiquées sur les

11 cartes elles-mêmes.

12 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, nous allons essayer de vous produire

13 une carte demain avec l'échelle mentionnée dessus.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons ce que vous allez nous

15 communiquer demain. Vous n'avez pas d'autres questions à poser au témoin.

16 Maître Emmerson, êtes-vous prêt à contre-interroger le témoin ?

17 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radosevic, vous allez

19 maintenant être contre-interrogé par Me Emmerson, qui défend les intérêts

20 de M. Haradinaj.

21 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

22 Q. [interprétation] Monsieur Radosevic, vous nous avez dit qu'au moment de

23 cet incident au mois d'avril, lorsque vous avez été arrêté au croisement de

24 Pozhare, vous travailliez dans un camp de réfugiés comme garde chargé de la

25 sécurité; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Et les personnes que vous protégiez à cet endroit-là étaient en

28 majorité des Serbes; c'est exact ?

Page 1024

1 R. Oui. Les gens qui étaient logés à cet endroit-là étaient des Serbes,

2 mais dans la société pour laquelle je travaillais, il y avait les deux; il

3 y avait à la fois des Albanais et des Serbes.

4 Q. Est-ce qu'il y avait des gardes armés dans ce camp ?

5 R. Non.

6 Q. Combien de temps avez-vous travaillé à cet endroit-là ?

7 R. Quatre ans.

8 Q. Quand avez-vous quitté votre emploi dans le camp ?

9 R. En 1998/1999, lorsque ces personnes ont été placées dans le village de

10 Junik et Labovic, lorsqu'on leur a donné leurs propres maisons.

11 Q. Vous avez travaillé là pendant toute l'année 1998; c'est exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Pour en revenir à l'incident qui a eu lieu le 21 et 22, il y a des

14 questions d'ordre général concernant le contexte que je souhaite évoquer

15 avec vous. Je crois que vous aviez loué une chambre à Decani pour que vous

16 puissiez y vivre, pour être plus près de l'endroit où vous travailliez;

17 est-ce exact ?

18 R. C'est exact. La chambre faisait partie de la société. Lorsque les

19 conditions météo étaient mauvaises, je pouvais dormir là. Cela m'évitait

20 d'entrer chez moi.

21 Q. Et votre frère, vous avez un frère, je crois, qui s'appelle -

22 pardonnez-moi ma prononciation - c'est Radoje ? C'est votre frère ?

23 R. Oui.

24 Q. Et lui avait quitté Dashinoc pour aller à Peje, où il habitait et où il

25 travaillait; est-ce exact ?

26 R. Non, ceci n'est pas exact.

27 Q. Bien. Pouvez-vous nous aider ici ? Est-ce qu'il ne vivait pas, est-ce

28 qu'il ne travaillait pas à Peje, pas du tout ?

Page 1025

1 R. Non, il ne travaillait pas à Pec. Il travaillait pour une société à

2 Decani.

3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi le nom de la société en

4 question.

5 M. EMMERSON : [interprétation]

6 Q. Il travaillait pour une société à Decani. Où vivait-il ?

7 R. Un mois avant que la situation ne change, il habitait à Decani. Au

8 moment où il est parti, sa société a fermé. Il est allé à Budvar et il

9 posait des parquets. C'est ce qu'il fait, en fait, depuis. C'est ce qu'il

10 faisait dans l'autre entreprise. Mais lorsqu'il est allé à Budvar il a

11 monté sa propre entreprise.

12 Q. Vous n'avez pas quitté Dashinoc parce que vous aviez peur de l'UCK ni

13 l'un ni l'autre, n'est-ce pas ?

14 R. Nous ne sommes partis parce que nous avions peur de l'UCK. Je ne peux

15 rien dire de désagréable vis-à-vis nos voisins. Nous avions de bons

16 voisins. Nous avons entendu, d'après les informations, qu'ils

17 patrouillaient la nuit, mais que pendant la journée tout était normal.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Maître Emmerson, pardonnez-moi, est-

19 ce que vous voulez parler de Dasinovac ou Dashinoc ?

20 M. EMMERSON : [interprétation] Dashinoc, c'est la prononciation albanaise,

21 Dasinovac c'est la prononciation serbe. Je peux utiliser l'un ou l'autre

22 indifféremment.

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Non. Je ne connais pas les questions

24 de prononciation en version albanaise, Dashinoc ou quelque chose --

25 M. EMMERSON : [interprétation] Non, Dashinoc.

26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je voulais simplement m'assurer que

27 nous parlons du même village.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Il ne faut rien de

Page 1026

1 dire de particulier.

2 Q. Donc, Monsieur Radosevic, vous n'aviez pas vu d'éléments indiquant

3 qu'il y avait la présence de l'UCK dans votre village avant cet incident,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Pas dans mon village. Je suis allé voir mon ami Culafic, dont la maison

6 avait été pilonnée, mais dans mon village on ne pouvait rien voir.

7 Q. Puis-je vous poser cette question : est-ce que les choses se

8 présentaient ainsi, les jeunes personnes quittaient les zones rurales pour

9 aller vivre dans les villes ? Est-ce que vous connaissiez des gens comme

10 cela de votre génération, des jeunes qui quittaient les zones rurales pour

11 aller vivre et travailler dans les plus grandes villes ?

12 R. Je ne peux pas vraiment répondre à cette question-là. Les autres

13 villages m'importent guère. Ce qui m'intéresse c'est mon propre village, ma

14 famille.

15 Q. Connaissez-vous les Vlahovic de Ratis ?

16 R. Oui.

17 Q. Les hommes de la famille qui avaient à peu près votre âge, est-ce

18 qu'ils étaient partis pour aller travailler ailleurs aussi à ce moment-là ?

19 R. Ecoutez, je vais vous dire : nous travaillions tous à Pec ou à Decani,

20 mais nous rentrions chez nous pour aller y dormir et pour aller y passer du

21 temps.

22 Q. Nous savons que votre mère a passé la nuit du 21, donc la nuit

23 précédant cet incident, en votre compagnie à Decani parce qu'elle allait

24 chez le médecin; c'est exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Nous avons regardé les extraits du rapport que vous avez vus, ainsi que

27 les déclarations que vous êtes censé avoir données à l'organisation non

28 gouvernementale. Ce qu'on y dit est faux, n'est-ce pas, la description

Page 1027

1 ici ?

2 R. Je vais répéter : il y a des éléments qui sont vrais ici, il y a des

3 choses qui se sont produites. Mais la déclaration exacte, c'est la

4 déclaration que j'ai signée. Ils auraient pu inscrire ce qu'ils voulaient.

5 Donc je m'en tiens à la déclaration que j'ai signée.

6 Q. J'entends bien, mais cela a été consigné ainsi. Vous avez dit à une

7 personne d'une ONG que vous aviez quitté votre village parce que vous aviez

8 peur de l'UCK. Je crois que vous êtes en train de me dire que vous ne lui

9 avez jamais dit cela ?

10 R. Monsieur, si je ne m'étais enfui, je serais mort au jour d'aujourd'hui.

11 J'ai remis le fusil et je suis parti. Ils ne m'ont pas laissé partir de mon

12 plein gré.

13 Q. Monsieur Radosevic, la déclaration que vous avez faite à l'ONG, que

14 vous avez sous les yeux, qui est en serbe, commence par les propos suivants

15 : vous avez quitté Dashinoc en compagnie de votre mère et votre ami Novak

16 s'était enfui dans un camp pour jeunes à Decani après que l'UCK ait fait

17 irruption dans votre village le 21 avril. Bien. Vous nous avez dit que ceci

18 n'est pas vrai, n'est-ce pas ? Ceci n'est pas vrai ?

19 R. Monsieur, j'aimerais que les choses soient bien claires, encore une

20 fois : les journalistes et les ONG peuvent écrire ce qu'ils veulent. Je

21 m'en tiens à ma déclaration.

22 Le 21 avril, j'ai amené ma mère pour qu'elle puisse aller voir le médecin.

23 J'ai travaillé de nuit, je faisais partie de l'équipe de nuit. Nous sommes

24 retournés au village et nous avons été arrêtés en présence de mon ami et

25 amenés au village de Pozare. C'est ce que j'ai dit dans ma déclaration.

26 Q. Oui, j'entends bien. Je vous demande simplement de répondre à mes

27 questions. Si vous faites cela, nous pouvons avancer plus rapidement.

28 La question que je vous ai posée est celle-ci : je vous demande de

Page 1028

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1029

1 confirmer que ce qui est consigné dans cette déclaration n'est pas vrai, ne

2 correspond pas à la vérité, n'est-ce pas ? Les trois premières phrases de

3 cette déclaration dans laquelle il est dit que vous avez dit avoir fui

4 Dashinoc en compagnie de votre mère après que l'UCK ait fait irruption dans

5 votre village, ceci n'est pas vrai ? Ceci n'est pas arrivé, n'est-ce pas ?

6 R. Non, ceci n'est pas arrivé.

7 Q. Merci. Est-ce que vous lui avez dit ou est-ce quelque chose qu'elle a

8 inventé ?

9 R. A qui ? A l'ONG ?

10 Q. C'est un document qui a été écrit par une femme à qui on a attribué un

11 numéro dans cette affaire, le numéro 28. La question que je vous pose c'est

12 : lui avez-vous dit cela à l'époque ou est-ce que c'est quelque chose

13 qu'elle a inventé ?

14 R. Monsieur, j'ai fait ma déclaration et j'ai dit que le

15 21 avril, j'étais dans le village de Dasinovac, et que je suis rentré chez

16 moi, que le matin, en compagnie de ma mère, je suis parti, que nous avons

17 été arrêtés par les terroristes à Pozare. Encore une fois, ils peuvent

18 écrire ce qu'ils veulent, mais je souhaite répéter ceci : le 21 avril,

19 j'étais dans le village de Dasinovac. J'ai emmené ma mère pour qu'elle

20 puisse aller chez le médecin et je ne l'ai pas vue ce jour-là du tout. Je

21 n'ai pas vu Novak du tout ce jour-là. Le lendemain, j'ai rencontré Novak.

22 Il a dit qu'il allait nous accompagner en voiture, qu'il viendrait dans

23 notre voiture, et à Pozare, nous avons été fait prisonniers. Peut-être

24 qu'elle a changé le récit quelque peu, je ne sais pas.

25 Q. Je vois. Donc ce n'est pas possible que vous lui ayez dit cela ?

26 R. Ma mère a peut-être dit quelque chose comme cela ou Novak.

27 Q. Il s'agit d'un entretien avec vous, Monsieur Radosevic, et vous étiez

28 tout seul. Est-ce que vous auriez pu lui dire que vous aviez fui le village

Page 1030

1 parce que vous aviez peur de l'UCK ? Vous avez pu lui dire cela ou pas ?

2 R. J'ai dit que j'ai fui le village le 22, après avoir remis mon fusil.

3 Q. Est-ce que vous lui avez dit que vous aviez fui pour aller dans le camp

4 des jeunes de Decani ou est-ce que c'est quelque chose qu'elle a inventé ?

5 R. Non. Ce n'est pas quelque chose qu'elle a inventé. Je lui a dit que je

6 pouvais être logé dans le camp pour les jeunes et j'allais simplement y

7 passer la nuit, et le lendemain matin je suis allé au village de Dasinovac.

8 Q. Je vais vous poser quelques questions maintenant, quelques questions à

9 propos des personnes que vous avez vues sur la route à Pozhare le long du

10 chemin, quelques questions ici de contexte, que j'aimerais vous poser.

11 M. Dutertre vous a signalé le passage d'un rapport qui a été publié

12 par cette ONG et qui parle de votre position à cet égard et de la mort de

13 votre père. Vous avez vu ce passage, n'est-ce pas ? Il s'agit d'un élément

14 d'une seule page, n'est-ce pas ?

15 R. [aucune réponse verbale]

16 Q. On peut voir ce document à l'écran et on constate qu'il s'agit d'un

17 document extrait d'un document plus important. Vous-même, aviez-vous

18 entendu parler de ce qui était arrivé à Drenica, Likoshan et à Prekaz à la

19 fin du mois de février et le début du mois de mars ?

20 R. J'ai lu cela dans les journaux.

21 Q. Avez-vous lu que 80 Albanais kosovars, y compris des femmes et des

22 enfants, avaient été tués ?

23 R. Non. Non, je n'avais pas entendu parler de cela.

24 Q. Avez-vous entendu parler de Qirez et Likoshan, et qu'à Qirez et

25 Likoshan, 12 personnes ont été arrêtées, qu'on les a fait sortir et que ces

26 personnes sont mortes aux mains des forces serbes ? Est-ce que vous saviez

27 cela ?

28 R. Non. Je n'ai pas entendu parler de cela.

Page 1031

1 Q. Saviez-vous qu'à Prekaz, sur les 37 personnes tuées il y avait 11

2 enfants et sept femmes ? Est-ce que vous saviez cela ?

3 R. Non.

4 Q. Je vois. Tout ceci est arrivé quelques semaines avant l'incident que

5 vous êtes en train de nous décrire, n'est-ce pas ?

6 R. J'en avais entendu parler, mais je ne le croyais pas. Je peux

7 simplement vous parler de ce qui m'est arrivé et lorsque j'ai été fait

8 prisonnier de ce qui est arrivé à ma famille. Pour ce qui est des autres

9 régions, je ne peux pas vous en parler.

10 Q. Monsieur Radosevic, je vous pose une question à propos de l'attitude et

11 du comportement des habitants de villages albanais que vous avez vus dans

12 la rue et ce qu'on pouvait comprendre d'après leur comportement que vous

13 nous avez décrit.

14 Donc, je vous pose une question qui porte sur la date du 24 mars et

15 de qu'a fait la police à Gllogjan le 24 mars. C'est quelque chose que vous

16 avez déjà évoqué dans votre déposition. Saviez-vous ou étiez-vous au

17 courant de ce qui s'est passé à Gllogjan le 24 mars ?

18 R. J'ai entendu le lendemain qu'il avait été tué.

19 Q. Qu'un policier du nom d'Otovic avait été tué; c'est cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Avez-vous entendu dire que trois adolescents albanais avaient été tués

22 par balle alors, qu'ils s'enfuyaient en courant du village ?

23 R. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Ce n'est pas moi

24 qui pourrais y répondre.

25 Q. Mais vous savez, n'est-ce pas, ou plutôt vous connaissez à l'époque,

26 n'est-ce pas, certains des agents de police qui ont participé à cette

27 opération ? Vous les connaissiez à l'époque ?

28 R. Je les connais tous de vue. Je ne peux pas ne pas les connaître, mais

Page 1032

1 je ne suis pas sûr qu'ils aient participé à cette opération.

2 Q. Certains de vos amis ont participé à l'opération, n'est-ce pas,

3 Monsieur Radosevic ?

4 R. Quels amis ?

5 Q. Momir Stijovic, par exemple. C'est un ami à vous, n'est-ce pas, en tout

6 cas, c'était ?

7 R. Je ne sais pas où vous avez tiré cette information.

8 Q. Est-il un parent de Novak, de Novak Stijovic ?

9 R. Il y a deux Momo Stijovic. Peut-être que vos informations sont

10 erronées.

11 Q. Je vois. Bien. Novak Stijovic avait un frère dénommé Momo, n'est-ce pas

12 ?

13 R. Oui.

14 Q. Etait-il fonctionnaire de police ?

15 R. Non.

16 Q. Y avait-il d'autres fonctionnaires de police dans la famille Stijovic ?

17 R. Non.

18 Q. Je vois. Savez-vous qui est Zoran Stijovic ?

19 R. Non.

20 Q. Zoran Stijovic est un représentant officiel du RDB, les services de

21 Sûreté de l'Etat, en tout cas, à l'époque. Saviez-vous que Novak avait des

22 liens de parenté avec un fonctionnaire du service de la Sûreté ou est-ce

23 que c'est quelque chose que vous ignoriez ?

24 R. Peut-être que j'ai rencontré cet homme il y a un mois, peut-être, mais

25 je ne savais pas qui il était, et je n'avais aucune idée qu'il avait un

26 quelconque lien de parenté avec Novak.

27 Q. Il y a un mois aujourd'hui ou il y avait un mois à l'époque ?

28 R. Aujourd'hui.

Page 1033

1 Q. Je vois. Sans revenir sur le passage du rapport de l'ONG, sans que vous

2 le consultiez, je vais vous en donner lecture : "Le

3 24 mars, les forces de police serbe ont tué en fuite trois Albanais du

4 Kosovo, ont pilonné les maisons dans lesquelles avaient trouvé refuge des

5 civils sans arme, et ont mis en danger la vie d'enfants, de femmes et de

6 personnes qui avaient été arrêtées afin de se défendre. Ils ont utilisé la

7 maison de la seule famille non-albanaise comme base militaire."

8 Est-ce là une description juste des événements que l'on vous a décrits à

9 Gllogjan et qui ont eu lieu quelques semaines seulement avant l'incident

10 que vous avez décrit ?

11 R. Monsieur, je vous le redis, je ne suis pas la bonne personne à qui il

12 faut poser cette question. Je n'en sais rien.

13 Q. Vous avez parlé aux frères Stojanovic et à Veselin Stijovic. Vous leur

14 avez parlé de ce qui leur était arrivé en avril, n'est-ce pas, Veselin

15 Stijovic ?

16 R. Oui.

17 Q. Saviez-vous que l'on pensait de manière générale qu'ils avaient fourni

18 certains moyens à la police afin que ces derniers attaquent les bâtiments

19 Haradinaj à Gllogjan ?

20 R. Pourriez-vous répéter la question ?

21 Q. Saviez-vous que la population albanaise pensait de manière générale que

22 la maison Stojanovic avait été utilisée comme base pour lancer une attaque

23 contre Gllogjan ? Saviez-vous que c'était une allégation qui était proférée

24 à l'époque et qui était jugée vraie de manière générale au sein de la

25 communauté albanaise ?

26 R. Je n'en ai pas entendu parler.

27 Q. Je vois. Vous voyez, vous nous avez dit que vous aviez des amis

28 albanais. Ce que j'affirme, c'est qu'après Prekaz et Likoshan, après

Page 1034

1 Gllogjan, la communauté albanaise qui vivait dans ce coin-là, des gens tout

2 à fait ordinaires, étaient en colère. Ils avaient peur à l'idée de ce qui

3 pourrait encore se produire.

4 R. C'est votre opinion.

5 Q. Je vous demande ce que vous avez appris auprès de vos amis albanais, ce

6 que vous connaissiez, Monsieur Radosevic.

7 R. Quoi, vous parlez de ce qui s'est passé à Glodjane et dans d'autres

8 villages ? C'est cela ?

9 Q. Non. Ce que je vous demande, c'est la chose suivante : dans le cadre de

10 vos conversations avec vos amis albanais, n'avez-vous pas appris que les

11 habitants des villages dans la région étaient très apeurés, et qu'ils

12 avaient peur de faire l'objet d'une attaque comparable à celle qui avait

13 été menée contre Prekaz, Likoshan et Gllogjan, et qu'ils avaient peur ?

14 R. Monsieur, jusqu'au dernier jour, au moment de mon départ de Decani, je

15 parlais à mes voisins, je m'entendais bien avec eux. Nous ne parlions

16 jamais de l'armée terroriste ou de la police, ce genre de choses. Je ne

17 parlais pas avec mes amis de ce genre de choses. Ce n'était pas là l'un de

18 nos sujets de conversation. Ce que faisait la police, l'armée ou l'UCK,

19 cela ne m'intéressait pas non plus.

20 Q. Personne, aucun de vos amis, ne vous avait dit que dans les villages

21 aux alentours de l'endroit où vivaient vos parents, les gens ordinaires

22 avaient peur et prenaient les armes simplement pour se protéger ? Personne

23 ne vous a rien dit là-dessus ?

24 R. Non.

25 Q. Alors, quand vous avez vu ces hommes sur la route à

26 Pozhare, vous avez été complètement surpris, n'est-ce pas ?

27 R. Effrayé.

28 Q. La question que je vous ai posée, c'est de savoir si vous avez été

Page 1035

1 totalement surpris de voir ces 150 hommes, selon vous, pour la plupart en

2 civil, mais armés, dans la rue ?

3 R. J'ai dit que cela m'avait fait peur et que cela m'avait surpris.

4 J'avais peur parce que j'avais été fait prisonnier. J'étais surpris de voir

5 quelque chose comme cela se produire parce que je m'entendais bien avec

6 tout le monde. Je n'avais rien fait de mal à qui que ce soit, jamais, ni

7 moi ni les autres membres de ma famille.

8 Q. Quel travail faisait votre cousin ? Lequel, je vais le préciser, vous

9 en avez sans doute plus d'un. Aviez-vous un cousin qui travaillait au sein

10 des services de police de Decani ?

11 R. Non, pas de parent à moi. J'ai quelques amis dans les rangs de la

12 police. Peut-être des parents lointains.

13 Q. Vous êtes sûr que votre cousin ne fait pas partie de la police, ni à

14 l'époque ?

15 R. Lequel ? Quel cousin ?

16 Q. Donnez-moi un instant. Je crois que vous avez évoqué déjà son nom dans

17 votre témoignage. Rappelez-nous le nom de la personne qui vous a dit la

18 première que le corps de votre père avait été retrouvé ?

19 R. J'ai parlé à Vule Mircic et à Zoran Nikic.

20 Q. Avez-vous un lien de parenté avec l'un ou l'autre ?

21 R. Zoran Nikic est un parent lointain. Nous n'avons pas de liens de

22 parenté proches.

23 Q. L'avez-vous décrit comme votre cousin ?

24 R. J'ai dit que c'était un parent, mais un parent lointain, éloigné.

25 Q. Et il était chef de la police à Decani, n'est-ce pas ?

26 R. Non. Il était commandant, "komandir".

27 Q. Et le 24 mars, a-t-il participé à l'incident ?

28 R. Non. Je ne sais pas.

Page 1036

1 Q. J'en arrive maintenant à la description que vous avez donnée des hommes

2 que vous avez vus. Vous nous avez dit d'abord que vous aviez été arrêté

3 dans votre progression, alors que vous vous trouviez à bord de vos

4 véhicules par un groupe de quatre ou cinq hommes, dont deux portaient un

5 uniforme, et deux ou trois autres, des vêtements civils; c'est exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Et les uniformes n'étaient pas les mêmes. L'un était un uniforme de

8 type OTAN, et l'autre, c'était un uniforme noir avec des rayures et des

9 points rouges; c'est cela ?

10 R. Oui. Le premier, c'était un uniforme OTAN, et l'autre, il était rouge

11 et noir, couleur brun café avec quelques points dessus.

12 Q. L'aviez-vous vu déjà ce type d'uniforme auparavant ?

13 R. J'avais déjà vu un uniforme OTAN, oui, mais jamais l'autre.

14 Q. Vous avez dit qu'après avoir cessé votre progression, forcée à le

15 faire, un groupe d'hommes plus important est sorti. Vous souvenez-vous du

16 nombre d'hommes qui constituaient ce groupe à peu près ?

17 R. Ils se cachaient tous dans les fossés. Il y en avait 50 ou 60,

18 lorsqu'ils sont tous finis par sortir de leur cachette. J'avais peur à ce

19 moment-là. Je ne les ai pas vraiment comptés.

20 Q. Selon vous, certains d'entre eux portaient un uniforme et d'autres pas,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. La majorité d'entre eux était en civil ?

24 R. Oui, et armés.

25 Q. Et il me semble que certains d'entre eux portaient des parties

26 d'uniformes, en d'autres termes ils portaient disons des vêtements civils

27 avec des pantalons de treillis ou une veste de camouflage; c'est cela ?

28 R. Oui, avec des insignes de l'UCK.

Page 1037

1 Q. Vous étiez donc au carrefour de Pozhare et vous y avez passé en tout, à

2 peu près une demi-heure, n'est-ce pas ?

3 R. A peu près.

4 Q. Et je crois vous avoir entendu dire hier qu'il y avait 40 hommes qui

5 débattaient de ce qui allait être fait et de qui allait vous emmener à

6 Gllogjan, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est cela. Je n'ai pas dit qu'ils étaient exactement 50 ou 60.

8 C'était une approximation.

9 Q. Là où je veux en venir, c'est qu'ils exprimaient tous leurs opinions,

10 ils parlaient les uns avec les autres et qu'au cours de cette conversation,

11 beaucoup d'opinions différentes s'exprimaient, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Mais il semblerait que la scène ait été quelque peu chaotique, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Ils se demandaient les uns aux autres qui allaient y aller, qui

16 allaient rester, qui allaient rester avec nous. Cela avait l'air assez

17 normal. Ils avaient l'air assez content de nous avoir fait prisonnier et de

18 nous emmener à Glodjane.

19 Q. Mais j'aimerais simplement reprendre une phrase que je tire de votre

20 déclaration de témoin que vous avez faite au Procureur en janvier 2002. Pas

21 la peine de la consulter. Il me semble que vous n'étiez pas en mesure de

22 dire qui commandait. Je crois que vous avez répondu : "Je n'ai pas été en

23 mesure de déterminer qui commandait."

24 R. Oui, c'est vrai. Je ne suis pas parvenu à savoir qui était aux

25 commandes. Je suppose que la personne en question c'est celle qui m'a

26 attrapé, m'a fait prisonnier. Mais le déterminer sur la base des grades ou

27 des insignes, c'était impossible.

28 Q. Mais personne ne semblait prendre de décisions définitives, n'est-ce

Page 1038

1 pas ? Il a fallu une demi-heure pour décider de votre sort, n'est-ce pas ?

2 R. Monsieur, j'ai dit que cela avait duré à peu près une demi-heure.

3 C'était peut-être 20 minutes ou 45 minutes, environ une demi-heure. Oui,

4 c'est ce temps-là qu'a duré la discussion pour savoir qui allait partir

5 avec nous, qui allait nous emmener au village de Glodjane.

6 Q. Les hommes qui portaient des vêtements civils ont-ils pris part à cette

7 conversation ?

8 R. Oui.

9 Q. Mais alors, à peu près combien de gens avez-vous vu exprimer leur

10 opinion ?

11 R. Combien ? Je ne sais pas combien ont participé à la discussion. Je sais

12 que l'un d'entre eux s'est porté volontaire pour nous accompagner dans la

13 voiture. Combien ont exprimé une opinion, je n'en sais rien. Je n'ai pas

14 fait attention du tout.

15 Q. Vous avez utilisé le terme "debating" en anglais, participant à la

16 discussion. Y en a-t-il plus ou moins de dix par exemple ?

17 R. Tout le monde parlait en même temps. Ils se demandaient s'ils allaient

18 m'emmener à Glodjane ou pas. Je ne pensais qu'à une seule chose, comment

19 m'enfuir.

20 Q. D'accord. Ceci est tout à fait utile. Donc, ils étaient tous en train

21 de se parler les uns aux autres; personne clairement n'était aux commandes.

22 Vous êtes d'accord ?

23 R. Ils discutaient entre eux. Qui était leur commandant, je n'en sais

24 rien. Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit si je n'en suis pas sûr.

25 Q. Non. Je ne vous demande pas de me le dire. Je vous demande simplement

26 de me décrire ce que vous avez vu. Vous avez travaillé au sein de la police

27 et vous savez très bien comment une organisation marche lorsqu'une décision

28 doit être prise si les choses sont bien organisées et s'il y a une

Page 1039

1 structure hiérarchique particulière. Vous savez dans ce cas-là comment une

2 décision peut être prise. Mais ce que vous nous décrivez ici, c'est une

3 scène, disons, plus différente et relativement chaotique, n'est-ce pas ?

4 R. J'essaie de vous faire comprendre que je n'ai pas vu qui commandait. Il

5 y en avait en uniforme, d'autres en civil, mais ils étaient tous armés.

6 Même à ce moment-là, je n'ai pas essayé de savoir qui commandait. Cela ne

7 m'intéressait pas. La seule chose qui m'intéressait, c'était de m'en

8 sortir, moi, ma mère et mon ami. A ce moment-là, je ne cherchais pas à

9 savoir qui commandait.

10 Q. Il n'y avait pas d'équipements de communication ? Hier, quand on vous a

11 posé la question, vous avez répondu que vous n'avez vu personne utiliser un

12 moyen de communication tel qu'un téléphone, un talkie-walkie ou ce genre de

13 chose. C'est bien ce que vous avez dit hier, je crois ?

14 R. C'est exact. Je n'ai pas vu.

15 Q. Ils ne recevaient pas d'instructions d'ailleurs ?

16 R. Je n'ai pas vu.

17 Q. Bien. En route vers Gllogjan, vous avez dit dans votre déclaration de

18 témoin, et je ne vais pas vous demander de la consulter à moins que l'on en

19 ait vraiment besoin, vous décrivez les gens que vous avez vus en route.

20 Vous avez dit qu'il y avait "des hommes armés en grand nombre qui étaient

21 habillés et armés de manière différente, aléatoire, et qu'ils étaient là

22 dans le coin, mais qu'ils ne semblaient se diriger vers un endroit

23 particulier." C'est bien ce que vous avez vu ? C'est exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Mais vous les avez vus creuser des tranchées à au moins un carrefour me

26 semble-t-il; c'est exact ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Là encore, et vous devez le savoir de par votre expérience, une

Page 1040

1 tranchée de ce genre, c'est en réalité une position de défense, n'est-ce

2 pas ? C'est un moyen d'éviter que les forces serbes ou la police n'entre

3 dans la zone ?

4 R. Ils faisaient sans doute cela avec une idée en tête. Est-ce que c'était

5 contre la police ou autre chose ? Je n'en sais rien.

6 Q. Globalement, vous avez parlé de gens, le poing en l'air, entonnant des

7 chansons, et si j'ai bien compris la totalité des éléments que vous avez

8 évoqués, vous nous avez dit avoir vu au total plus de 150 personnes, n'est-

9 ce pas ?

10 R. Oui, de Pozare jusqu'à Rznic.

11 Q. Pourriez-vous nous donner une idée du rapport qu'il pourrait y avoir

12 eu, rapport numérique, entre le nombre d'hommes que vous avez vus par

13 rapport au nombre de maisons albanaises dans le secteur que vous décrivez.

14 Est-ce qu'il s'agit, disons, de la moitié des hommes adultes de la

15 population albanaise qui se trouvait dans les rues de ce village, ou plus

16 de la moitié, moins de la moitié ?

17 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne sais

18 pas combien d'hommes vivaient dans le village de Pozare, ou à Iluk. Je ne

19 peux pas répondre à cette question.

20 Q. Mais cela devait être une partie substantielle de la population

21 masculine albanaise de ces villages que vous avez vue ce jour-là, n'est-ce

22 pas ?

23 R. Bien, il y avait beaucoup d'Albanais. Je ne peux rien vous dire

24 d'autre. Je ne peux pas vous dire s'ils portaient tous des fusils ou pas.

25 Je ne peux que vous parler de ce jour-là et de ce que j'ai vu entre Pozare

26 et Glodjane et entre Dasinovac et Decani. Je parle de ce jour-là. Est-ce

27 qu'ils avaient des armes avant ou après, je n'en sais rien du tout.

28 Q. Mais ils étaient tous armés ce jour-là, n'est-ce pas ?

Page 1041

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1042

1 R. Dans ce groupe que j'ai vu, oui.

2 Q. J'aimerais vous poser quelques questions sur ce qui s'est passé lorsque

3 la voiture est tombée en panne, dans quelques instants, mais, d'abord,

4 j'aimerais poursuivre et vous poser quelques questions sur l'impression que

5 vous avez eue et du comportement de ces hommes, de leur organisation, à

6 différents stades de votre récit.

7 Lorsque la voiture est tombée en panne, tout d'abord, j'aimerais que vous

8 nous donniez à nouveau une description de la situation qui régnait entre

9 ces hommes, apparemment, ils semblaient être en désaccord par rapport à ce

10 qui allait vous arriver, n'est-ce pas ?

11 R. Où cela, dans le village de Glodjane ou dans le village de Pozare ?

12 Q. Non, dans le village de Gllogjan.

13 R. Lorsque nous sommes arrivés à Glodjane, lorsque la voiture est tombée

14 en panne, lorsque ce groupe dont je vous ai parlé est sorti, ceux qui

15 étaient venus de Pozare avec nous sont repartis à Pozare. Ils nous ont plus

16 parlé. Mais ils avaient l'air satisfaits.

17 Q. A l'endroit où la voiture est tombée en panne, c'est aussi l'endroit où

18 tous les incidents dont vous nous avez parlé pour Gllogjan se sont

19 produits, l'endroit même où la voiture est tombée en panne, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. A deux cents ou trois cents mètres à l'extérieur de Glodjane.

21 Mais, cela correspond quand même, je crois, au secteur de Glodjane.

22 Q. C'est sur la route qui nous permet à accéder à Gllogjan, à 200 cents ou

23 300 cents mètres à l'extérieur du village, de l'autre côté de Gllogjan, par

24 rapport où vos amis, les Stojanovic vivaient, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est exact. De Rznic à Glodjane, c'était peut-être à 500 mètres,

26 pas nécessairement à 300 mètres. Je n'ai pas mesuré.

27 Q. Donc, 500 mètres avant Gllogjan ?

28 En fait, vous n'avez pas répondu à ma question. Quand vous parlez de

Page 1043

1 "500 mètres", vous parlez de 500 mètres mais de Gllogjan, ce n'est pas à

2 l'intérieur de Gllogjan, mais à l'extérieur ?

3 R. De Rznic à Glodjane, de l'entrée de Glodjane, c'est à peu près à 500

4 mètres, quand on va de Rznic à Glodjane.

5 Q. Nous allons examiner la distance sur la carte, mais si ce que vous

6 dites est exact, cela veut dire qu'en fait, quand on vous a intercepté,

7 c'était plus près d'Irzniq que de Gllogjan ? Vous nous dites de 200 à 300

8 mètres, à peu près au milieu, entre les deux localités, enfin plus près

9 d'Irzniq que de Gllogjan, c'est bien cela ?

10 R. Je ne peux pas vous donner le kilométrage exact, mais je suis sûr que

11 c'est à 2 kilomètres de Rznic à l'entrée même de Glodjane. Mais vu le

12 nombre de fois que j'ai emprunté cette route, ce serait Glodjane.

13 Q. Oui, mais en tout cas, c'est la route qui est à l'opposé de la route

14 qui mène à la maison des Stojanovic ?

15 R. A ma connaissance, cette route va de Rznic à la maison des Stojanovic.

16 Il y a peut-être une autre route.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'ai l'œil sur

18 l'horloge. Est-ce que vous pourriez dans les minutes à venir, trouver un

19 moment idoine pour nous interrompre.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

21 Q. On vous a amené vous-même et Novak Stijovic dans un bâtiment, en fait,

22 c'était le bâtiment le plus proche de l'endroit où la voiture est tombée en

23 panne, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Avant que nous ne fassions une pause, j'aimerais en terminer de

26 l'examen de cette partie de mon contre-interrogatoire. J'aimerais qu'on

27 avance un petit peu dans le temps, et qu'on passe au moment où vous nous

28 avez expliqué que vous êtes allé voir votre père, que vous avez, là,

Page 1044

1 récupéré une arme, ensuite, vous avez été intercepté par trois hommes, et

2 que vous connaissiez l'un d'entre eux, qui s'appelait Caus. Est-ce que vous

3 vous souvenez cette partie de votre récit ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que Caus portait un uniforme quand vous l'avez rencontré ?

6 R. Autant que je m'en souvienne, il n'était pas en uniforme.

7 Q. Est-ce que les deux autres hommes qui étaient avec lui ou l'un d'eux

8 était en uniforme quand ils vous ont arrêté à cet endroit ?

9 R. Dans ce village de Bandera, au croisement, ces trois hommes étaient là

10 et ils ne portaient pas d'uniforme.

11 Q. Est-ce qu'ils étaient armés, autant que vous ayez pu le voir ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'ils vous ont stoppé en vous visant avec leurs armes, en vous

14 mettant en joue, et en vous ordonnant de vous arrêter, comme cela s'est

15 passé à Pozhare ?

16 R. Oui. Ils m'ont mis en joue, enfin deux d'entre eux, et Caus m'a fait

17 signe, m'indiquant qu'il convenait que je m'arrête.

18 Q. Vous nous avez expliqué qu'ensuite vous l'aviez accompagné jusqu'à

19 Pozhare, et alors que vous étiez là, et encore une fois, régnait une

20 certaine confusion, puisque la moitié des gens que vous aviez vus au

21 carrefour de Pozhare disaient qu'ils fallaient vous laisser poursuivre

22 votre chemin, les autres n'étaient pas d'accord; c'est bien cela ?

23 R. Oui. Caus disait qu'il fallait qu'on me permette de poursuivre mon

24 chemin pour aller chercher l'autre fusil.

25 Q. Oui, mais les gens de Pozhare, c'est-à-dire les gens qui précédemment

26 vous avaient stoppé, sur ce groupe-là, il y avait la moitié qui était prêt

27 à vous laisser continuer et les autres voulaient vous arrêter là. Est-ce

28 que vous vous souvenez avoir déclaré cela ?

Page 1045

1 R. Ils sont un petit peu disputés. Il y en avait un qui voulait m'amener à

2 Glodjane avec le fusil que j'avais donné et les autres, dont Caus, disait

3 qu'il faillait que j'aille à Decani pour chercher l'autre fusil. J'ai remis

4 le fusil à Caus. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite, je ne sais pas

5 s'il a gardé le fusil ou pas.

6 Q. On y reviendra après la pause. Mais pour résumer l'essentiel de ce que

7 vous nous avez dit, c'est que dans tous ces incidents vous n'avez pas été

8 en mesure de déterminer qui commandait, le tableau que vous brossez pour

9 nous - et je ne le conteste nullement, je vous pose simplement des

10 questions - c'est celui d'un groupe désorganisé d'habitants des villages

11 locaux qui étaient armés, sans qu'il existe de système digne de ce nom de

12 commandement, de contrôle; certains étant en uniforme et d'autres en civil.

13 Est-ce bien exact ?

14 R. Vous savez comment cela se passe. Je ne peux pas vous parler de ce que

15 je n'ai pas vu. Si j'avais vu quelqu'un qui était au commandement, qui

16 commandait, qui disait : Garde à vous, droite, gauche, je ne sais pas,

17 peut-être qu'il y avait un chef, un commandant là, mais en tout cas ils se

18 disputaient, ils discutaient. Je ne peux pas vraiment maintenant vous dire

19 s'il y avait quelqu'un qui commandait, quelqu'un qui était responsable.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Le moment serait-il bien choisi pour faire

21 la pause ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout à fait.

23 Je vais demander à l'huissier de bien vouloir s'occuper du témoin, le

24 faire sortir du prétoire.

25 [Le témoin quitte la barre]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, le personnel de la

27 Chambre a reçu une copie des informations qui vous ont été remises par

28 l'Unité chargée des cartes. Vous avez déclaré que la carte que vous avez

Page 1046

1 utilisée avait une échelle de un au cent millième. Or, l'Unité chargée des

2 cartes nous a expliqué que l'échelle de la carte originale, qui a ensuite

3 été élargie ou pas, c'est que l'échelle originale était au un cent

4 millième, donc inutile de nous dire quelle était l'échelle de la carte

5 originale. C'était ce que j'étais en train de dire.

6 Donc, l'information que vous avez communiquée n'est pas exacte. Pour

7 votre information, je vous signale que la véritable échelle de cette carte,

8 étant donné qu'on avait forcé bien un élargissement de l'image, est du un

9 soixante millième, un soixante millième, si cela peut vous être utile. Cela

10 correspond absolument à l'échelle des photographies ou de la carte

11 satellitaire photographique. Je voudrais vous demander d'être un plus

12 précis à l'avenir.

13 M. RE : [interprétation] Ces informations n'auraient pas dû être

14 communiquées à la Chambre comme cela avait été fait. Ce que M. Dutertre a

15 dit, c'est que demain nous communiquerons à la Chambre une carte avec sur

16 cette carte l'échelle bien précisément indiquée. J'ai demandé à l'Unité --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais M. Dutertre nous a dit la chose

18 suivante : "Cette carte que nous avons utilisée tout le temps" et il

19 parlait des pièces P10, P11 et P12, "était une échelle au un cent millième.

20 C'est l'information qui m'a été communiquée par mes enquêteurs, par

21 l'intermédiaire de l'Unité chargée des cartes donc, et le message qui nous

22 a été envoyé par l'Unité chargée des cartes, c'est qu'en faisant du copier-

23 coller, d'une carte originale ou de cartes originales qui étaient au un

24 cent millième, on a ensuite procédé à des élargissements, des réductions et

25 cetera. Donc maintenant, l'échelle, ce n'est pas du un cent millième, ce

26 n'est plus cela.

27 Donc pourquoi nous dire que l'échelle est un cent millième -- en

28 dehors du fait que vous allez nous demander une autre carte demain. Je n'ai

Page 1047

1 pas demandé de nouvelles cartes. Je demande simplement quelle est

2 l'échelle. Je ne veux pas recevoir ici des documents supplémentaires, des

3 papiers supplémentaires. Je demande simplement qu'on réponde à la question

4 que j'ai posée moi-même à M. Dutertre.

5 M. RE : [interprétation] Nous allons vous finir les informations précises

6 et correctes. Est-ce qu'il ne serait pas utile que la Chambre de première

7 instance dispose d'une carte dans le système du prétoire électronique, avec

8 l'indication de l'échelle, pour indiquer ce que représente 1 kilomètre, 2

9 kilomètres, 3 kilomètres ?

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous l'avez déjà fait.

11 M. RE : [interprétation] Mais c'est ce que je souhaite faire. Je souhaite

12 fournir ce document à la Chambre de première instance.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je crois que vous l'avez déjà fait

14 en nous fournissant la carte Google, la photographie satellitaire. Il y a

15 l'échelle là-dessus.

16 M. RE : [interprétation] Oui, mais la carte que montre M. Dutertre au

17 témoin, ce n'est pas celle-là où est indiqué ce que représente 1, 2, ou 3

18 kilomètres, et cetera. Si nous fournissons la même carte avec ces

19 indications, tout le monde pourra tout de suite calculer, au lieu de se

20 demander s'il s'agit d'une échelle au un cent millième, ou un vingt-cinq

21 millième, et cetera. Donc, on aura directement l'échelle en kilomètres.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais l'Unité chargée des cartes,

23 l'unité cartographique, vous a déjà informé vous-même et M. Dutertre qu'un

24 carreau représente 1 kilomètre. Donc, qu'on élargisse ou non, ce carreau

25 représente toujours 1 kilomètre. Nous avons déjà l'information dont nous

26 avons besoin, à savoir -- et j'ai vérifié, c'est-à-dire un carreau sur la

27 carte, cela représente un kilomètre carré. Alors, ensuite qu'on procède à

28 un élargissement ou pas, c'est la même chose. Donc inutile de nous fournir

Page 1048

1 des documents supplémentaires, des papiers supplémentaires, parce que

2 l'Unité cartographique, ce dont elle vous a informé, nous le savons déjà.

3 Mais les informations qui m'ont été fournies n'étaient pas exactes.

4 Parce qu'en raison de la modification de la taille de la carte, de son

5 redimensionnement [phon], il ne s'agissait plus d'une carte au un cent

6 millième, et tandis que les carreaux, même si ce n'est plus un centimètre,

7 comme dans la carte originale, tout carreau que l'on voit sur cette carte

8 numéro 7, cela représente 1 kilomètre carré. Donc cela, nous le savons.

9 Nous avons tout ce dont nous avons besoin.

10 M. RE : [interprétation] J'essaie simplement de vous aider. Je ne sais pas

11 les informations qui vous ont été fournies. J'essaie simplement de faire de

12 mon mieux pour aider la Chambre.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, c'est simplement une réaction de ma

14 part au fait que M. Dutertre m'avait dit que l'échelle était du un cent

15 millième, alors que ce n'était pas le cas. Voilà.

16 M. RE : [interprétation] Mais je crois qu'il ne le savait pas. Je crois que

17 les informations vous ont été communiquées ensuite. M. Smith, notre

18 assistant, a reçu un e-mail pendant l'audience.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, je vais voir.

20 D'après mes informations, le bureau du Procureur, c'est-à-dire M.

21 Smith…

22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après mes informations, M. Smith a été

24 informé de la chose suivante : S'agissant de la carte 7 et de la carte C

25 qui se trouve dans le classeur e-court, il s'agit du résultat de la

26 combinaison de quatre cartes. Dans l'original, on voit que la carte est à

27 une échelle de un cent millième. Un centimètre sur cette carte correspond à

28 1 kilomètre sur le terrain. Donc, un centimètre carré sur la carte, c'est-

Page 1049

1 à-dire un carreau en couleur violette, correspond à 1 kilomètre carré dans

2 la réalité. Les zones qui ont été utilisées pour faire ce montage ont été

3 redimensionnées pour préparer les cartes 6 et 7, mais toujours avec ce

4 carroyage. Donc, même si ces carreaux ne font pas tout à fait un centimètre

5 de longueur, ne font plus tout à fait cette dimension, ils continuent à

6 représenter un kilomètre carré en réalité.

7 Voici les informations qui m'ont été communiquées, qui ont été envoyées au

8 bureau du Procureur. Donc, cette carte n'est plus une carte au un cent

9 millième parce qu'on a redimensionné la carte. Si cela n'est pas exact,

10 dites-moi qui m'a fourni de mauvaises informations. Je vous ai lu un

11 message qui m'a été envoyé, et dont j'ai compris qu'il avait été aussi

12 envoyé au bureau du Procureur.

13 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ne perdons pas plus de temps sur ce

15 point, mais je n'aime pas tellement recevoir de mauvaises informations.

16 L'information fausse qui m'a été communiquée, c'est que cette carte était

17 au un cent millième. Quoi qu'il se soit passé, cette information n'était

18 pas exacte.

19 Monsieur Dutertre.

20 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, j'ai retransmis l'information que j'ai

21 vue sur un e-mail, et je n'ai pas pu vérifier moi-même la pertinence de

22 cette information. J'ai simplement tenté de vous fournir cette information

23 au plus tôt. Je suis désolé s'il y avait un manque de pertinence quant au

24 contenu de cette information. Je suis désolé pour le temps que nous nous

25 consacrons à ce point.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la Chambre souhaiterait, si la

27 Défense ne s'y oppose pas, recevoir un exemplaire de cet e-mail, parce que

28 si jamais je vous ai accusé à tort d'avoir fourni des informations qui vous

Page 1050

1 ont pourtant été fournies, donc je suis trompé, mais je voudrais savoir si

2 peut-être vous avez mal interprété des informations qui vous ont été

3 fournies.

4 Donc, je voudrais savoir si je vous ai accusé injustement de m'avoir fourni

5 de fausses informations. Donc, pendant la pause j'aimerais que vous

6 procédiez à une vérification pour voir si je vous dois des excuses.

7 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 13 heures 10.

8 --- L'audience est suspendue à 12 heures 47.

9 [Le témoin vient à la barre]

10 --- L'audience est reprise à 13 heures 14.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je n'ai pas reçu

12 l'information souhaitée, mais je ne vais pas consacrer le temps de la

13 Chambre à cette question davantage.

14 Maître Emmerson, veuillez poursuivre.

15 M. EMMERSON : [interprétation]

16 Q. Monsieur Radosevic, vous avez décrit les attaques le long de la route

17 près de Gllogjan déjà. Je souhaite vous demander ceci : d'après la

18 description que nous avez faite, on a l'impression que Novak Stijovic a été

19 attaqué en premier; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez dit que cela avait été au moment où vous avez perdu le

22 contrôle de vous-même, que vous êtes intervenu vous-même, physiquement,

23 personne jusqu'à ce moment-là n'avait essayé de vous attaquer; c'est

24 exact ?

25 R. A ce moment-là, ils ne m'ont pas frappé. Ce n'est qu'au moment où il

26 est tombé par terre, et à ce moment-là, je l'ai protégé et je leur ai

27 montré mon dos pour éviter qu'ils ne frappent davantage sa tête et son

28 corps.

Page 1051

1 Q. Lorsque le premier coup a été porté sur Novak Stijovic, vous étiez à

2 quelle distance de lui, s'il vous plaît ?

3 R. A 1 mètre environ, 1 mètre. Un mètre environ.

4 Q. Parce que vous nous avez dit que personne n'a fait du mal à votre mère

5 et que personne n'a essayé de vous faire du mal avant le moment où vous

6 êtes intervenu vous-même ?

7 R. Monsieur, je ne suis pas intervenu physiquement dans le sens où je

8 souhaitais me battre avec eux. Je ne pouvais pas simplement les laisser

9 frapper mon ami. Peut-être qu'ils souhaitaient me frapper aussi, ou lui

10 simplement, je ne sais pas. J'ai simplement essayé de le protéger. Ensuite,

11 ils ont commencé à me frapper. Ils ne pouvaient plus le frapper, parce que

12 je m'étais interposé entre les deux. Je me suis retourné et c'est mon dos

13 qui leur faisait face, c'était pour éviter qu'ils frappent davantage mon

14 ami. C'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à me frapper.

15 Q. Oui, je comprends bien. Avez-vous entendu parler de quelque chose ou

16 savez-vous pourquoi c'est Novak Stijovic qui a fait l'objet des coups et

17 que c'était lui et non pas les trois autres ?

18 R. Non.

19 Q. Je vais vous poser cette question-ci : je vais vous lire un extrait de

20 la déclaration que vous avez faite le 26 janvier 2002 dans le cadre de

21 cette affaire. Je ne souhaite pas que ceci soit montré à l'écran, à moins

22 que vous ne le demandiez, cela se trouve à la page 6, c'est le cinquième

23 paragraphe. Vous avez dit qu'au moment où vous étiez interrogé et où on

24 vous frappait, vous avez dit ceci : "Ils me posaient des questions sur

25 l'endroit où se trouvait mon arme, qui était le commandant de police, et

26 qui leur avait tiré dessus."

27 Je vais vous le relire. "Ils me posaient des questions sur l'endroit

28 où se trouvait mon arme, qui était le commandant de la police à Decani, et

Page 1052

1 qui leur avait tiré dessus."

2 Lorsqu'ils vous posaient ces questions-là - tout d'abord, vous souvenez-

3 vous avoir dit ceci aux enquêteurs du bureau du Procureur ?

4 R. J'ai effectivement dit qu'ils m'avaient passé à tabac. Je leur ai parlé

5 du nombre de personnes. Je me souviens leur avoir dit qu'ils m'avaient

6 frappé parce qu'ils souhaitaient savoir où étaient les armes, où se

7 trouvait la police, ce genre de chose.

8 Q. L'extrait que je viens de vous lire vient de votre propre déclaration

9 de témoin, Monsieur Radosevic, celle que vous avez signée. Vous nous avez

10 dit avoir eu un entretien avec l'Accusation. C'est la déclaration qui,

11 d'après vous, correspond à la version exacte des événements. Est-ce que

12 vous comprenez ?

13 R. Oui.

14 Q. Bien. Pendant qu'on vous posait des questions sur qui leur avait tiré

15 dessus, d'après vous, on faisait allusion à quoi ?

16 R. Pourriez-vous préciser, s'il vous plaît, qui leur avait tiré dessus ?

17 Q. Vous avez dit au bureau du Procureur qu'on vous avait posé des

18 questions, et que parmi les questions qui vous avaient été posées par les

19 hommes dans la rue étaient celle-ci : "Qui leur avait tiré dessus ?" On

20 vous demandait de leur dire qui leur avait tiré dessus. Je vous demande,

21 s'il vous plaît, de bien vouloir nous dire ce que l'on entendait par cela

22 et ce que vous avez compris ?

23 R. C'est une question qui portait sans doute sur l'incident que vous venez

24 d'évoquer, à savoir l'incident au cours duquel cet homme a été tué --

25 L'INTERPRÈTE : Le nom a échappé à l'interprète.

26 R. -- je ne sais pas qui cela peut être d'autre. Je ne sais pas si c'était

27 vraiment la police ou pas. Ils disaient que c'était la police.

28 M. EMMERSON : [interprétation]

Page 1053

1 Q. Donc ils vous disaient que la police, le 24 mars, avait tiré sur et

2 avait tué des personnes à Gllogjan. C'est cela qu'ils disaient ?

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. D'après votre réponse, ils vous demandaient qui était responsable, qui

5 avait tiré, qui avait tué des civils à Gllogjan le 24 mars ? C'est ce que

6 vous dites en somme ?

7 R. Honnêtement, je ne sais pas. Je ne sais pas qui était responsable de ce

8 qui s'est passé le 24 avril. Est-ce que vous pourriez préciser cela, s'il

9 vous plaît ?

10 Q. Je ne vous demande pas qui était responsable; je vous pose une question

11 sur quelque chose que vous avez dit vous-même au bureau du Procureur dans

12 une déclaration que vous avez signée dans le cadre de cette affaire. Vous

13 leur avez dit que les hommes qui étaient en train de vous passer à tabac

14 dans la rue vous posaient des questions et vous ont demandé qui leur tirait

15 dessus, et d'après vous, ils faisaient allusion à l'incident du 24 mars. La

16 question que je vous pose est celle-ci : est-ce qu'ils vous demandaient qui

17 était responsable d'avoir tiré sur des civils le 24 mars ?

18 R. Oui. Ils m'ont posé la question. Ils m'ont demandé qui faisait partie

19 de la police, ce genre de questions-là.

20 Q. Ils vous demandaient aussi qui était le commandant de la police à

21 Decani, n'est-ce pas ? Parce que c'est ce que vous avez dit au bureau du

22 Procureur.

23 R. Oui, oui.

24 Q. Vous saviez qui était le commandant de la police à Decani. C'est ce que

25 je vous suggère, car c'est votre cousin, c'était Zoran Nikic, n'est-ce pas

26 ?

27 R. Oui.

28 Q. C'était bien votre cousin, n'est-ce pas ?

Page 1054

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 1055

1 R. Cela, c'est un parent éloigné. Ce n'est pas un parent proche. Ce n'est

2 pas un cousin.

3 Q. Ce n'est pas un cousin. Vous en êtes tout à fait sûr ?

4 R. C'est un de mes parents, mais c'est un parent éloigné. Ce n'est pas un

5 parent proche. C'est un parent éloigné.

6 Q. Soyons précis. Vous venez de dire que ce n'était pas un de vos cousins.

7 Donc, je souhaite que ceci soit bien clair. Est-ce que vous souhaitez

8 dissimuler aux Juges de cette Chambre les rapports qui étaient les vôtres

9 avec la police de Decani ?

10 R. Non, Monsieur. J'ai déjà expliqué aux Juges qu'il y a un lien de

11 parenté entre nous, mais que c'est un parent éloigné. Ce n'est pas un

12 cousin. Nous sommes apparentés, mais c'est un parent éloigné.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut connaître le

14 lien de parenté, je crois, que sinon, on pourrait continuer à ad vitam

15 eternam. J'entends bien un cousin pourrait être l'ancêtre de l'un de vos

16 oncles ou de vos tantes. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus ? Est-ce que

17 c'est bien ce qui répond à cette acception du terme ou est-ce que je suis

18 en train de mélanger ou de confondre différents éléments ici ?

19 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est exact.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce bien l'enfant d'un de vos oncles

21 ou tantes, autrement dit des frères ou sœurs de votre père ou de votre

22 mère ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quel est son

25 lien de parenté si vous dites que - est-ce que vous avez les mêmes grands-

26 pères, ou quand vous dites que c'est un de vos parents, vous dites que

27 c'est un parent éloigné, si vous le savez, bien sûr ? Pourriez-vous nous le

28 dire quel est le lien de parenté, précisément ?

Page 1056

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, ceci remonte à

2 l'époque où ils étaient au Monténégro. Lorsque les frères sont partis dans

3 différentes directions, ceci remonte à 200 ans environ, les Nikic et les

4 Radosevic avaient des liens de parenté, mais il y a très longtemps. Nous

5 n'avons plus de liens de parenté à l'heure actuelle. J'ai beaucoup de

6 respect pour lui, mais ce n'est pas un parent proche. En tout cas, à mon

7 sens, ce n'est pas un parent proche. Un parent proche pour moi, c'est un

8 oncle, une tante et leurs enfants. C'est ce que j'estime être un parent

9 proche.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé d'un ancêtre commun et

11 vous pensez qu'on devrait tenter de retrouver un ancêtre commun qui remonte

12 à plus d'un siècle; c'est cela ? Ce serait sans doute arrière, arrière,

13 arrière, arrière, arrière-grand-père; c'est cela ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, quelque chose comme cela. La famille

15 s'est séparée et chacun est parti dans une autre direction.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas de grand-père en

17 commun ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, même pas l'arrière-grand-père.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci semble faire la clarté sur ce

20 point-là.

21 Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions montrer le

23 document de la Défense marqué aux fins d'identification, document numéro

24 1484. Pardonnez-moi, c'est 1507. Je ne vous ai pas donné le bon numéro.

25 Cela devrait être le numéro 1507.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, cela serait la

27 pièce numéro combien … ?

28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, ce sera la pièce D5,

Page 1057

1 marquée aux fins d'identification.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

3 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais que l'on consulte la quatrième

4 page, paragraphe 18, quatrième page sur sept.

5 Q. C'est un extrait d'une déclaration dans laquelle, Monsieur

6 Radosevic, vous décrivez le moment où vous avez découvert la dépouille de

7 votre père.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne sais pas si l'on pourrait faire

9 apparaître le paragraphe équivalent en serbe. Nous n'avons pas de version

10 serbe. Bien.

11 Q. Je vais vous donner lecture. Nous avons une traduction en albanais.

12 Bien. Peut-être qu'il serait plus simple que je donne lecture de ce passage

13 et que vous écoutiez l'interprétation.

14 Vous dites : "J'étais présent lorsque le corps de Slobodan Radosevic et de

15 Milos Radunovic ont été localisés par la police en septembre 1998. J'étais

16 avec Zoran Nikic, mon cousin."

17 J'aimerais comprendre, Monsieur Radosevic, pourquoi tant ici que dans

18 les notes relatives à un entretien que vous avez eu avec le Procureur le 7

19 mars, vous avez choisi de qualifier M. Nikic de cousin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais avoir cette version originale

21 sous les yeux, parce que la Chambre n'ignore pas que ce genre de

22 difficultés a déjà été rencontré par le passé sur ce type de problèmes.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que si l'original est en

25 albanais --

26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je pense que ce document a été lu au

27 témoin en serbe avant qu'il y appose sa signature. En d'autres termes --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela complique encore davantage les

Page 1058

1 choses.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on revenir à la première

4 langue, celle d'origine véritablement.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Nous pensons, et nous allons vérifier, bien

6 entendu, que cette déclaration a été prise en anglais, ensuite relue au

7 témoin en serbe, et qu'ensuite elle était traduite en albanais aux fins de

8 la procédure. Voilà. En fait, nous sommes finalement très proche de

9 l'original.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Mais je ne pense pas que

11 le témoin soit exprimé en anglais lors de cet entretien, donc il peut y

12 avoir eu deux ou trois traductions, les unes après les autres. D'abord, il

13 a fallu coucher le tout sur le papier, ensuite il a fallu le lire et

14 ensuite le faire traduire.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que j'ai compris la situation,

16 Monsieur le Président. C'est une déclaration qui est le résultat d'un

17 entretien qui a eu lieu entre un enquêteur anglophone et ce témoin par le

18 biais de l'interprète.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suppose.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Ensuite, il a été pris en anglais et relu au

21 témoin en serbe par l'interprète, si nous avons bien compris. Ensuite la

22 déclaration a été signée.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Faites comme vous voulez, mais

24 n'oubliez pas qu'il pourrait y avoir des explications autres que celles que

25 vous souhaitiez obtenir de la part du témoin.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends, oui.

27 Q. Monsieur Radosevic, il me semble que vous avez été entendu également

28 par M. Dutertre, qui est de l'autre côté de ce prétoire, le 7 mars, et que

Page 1059

1 cet entretien portait sur votre déclaration et a eu lieu par vidéolien.

2 Nous avons le compte rendu de cet entretien, et s'agissant du paragraphe

3 dont je viens de vous donner lecture, vous dites : "Mon cousin Zoran Nikic,

4 chef de la police de Decani, a été informé que les corps avaient été

5 retrouvés, et cetera."

6 J'aimerais que les choses soient tout à fait claires ici, et j'aimerais que

7 vous ayez la possibilité de tirer ceci au clair. Lorsque vous avez parlé de

8 Zoran Nikic, avez-vous dit que c'était votre cousin ? Puisque c'est

9 précisément la teneur du compte rendu dressé par M. Dutertre.

10 R. Nous nous entendions bien, mais c'est autre chose. Zoran Nikic m'a dit

11 que mon père avait été retrouvé. C'est de lui qu'est venue l'information ou

12 du chef ou du commandant en second. Ce n'est pas un simple policier qui

13 aurait pu me dire qu'ils avaient trouvé mon père et préciser l'endroit où

14 ils l'avaient trouvé.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'aimerais poser une

16 question au témoin.

17 Monsieur, lorsque vous avez parlé à ceux qui vous ont posé des

18 questions et que vous avez décrit votre lien avec M. Nikic, vous souvenez-

19 vous quel terme vous avez utilisé pour décrire le lien de parenté, ou en

20 tout cas, le lien qui vous unissait avec M. Nikic ? Vous souvenez-vous du

21 terme que vous avez utilisé dans votre propre langue ? Pouvez-vous nous

22 dire quel est le terme que vous avez utilisé, si toutefois vous vous en

23 souvenez ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont demandé ce qu'il était pour moi, et

25 j'ai dit un parent, un ami. Par parent j'entendais un parent éloigné. Nous

26 avons un lien de respect mutuel qui remonte à il y a longtemps. Je ne

27 comprends pas pourquoi le conseil me crible de questions sur ce point.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pourrais peut-être me tourner vers

Page 1060

1 les interprètes. Le terme qu'utilise le témoin, est-ce un terme qui puisse

2 être compris à la fois comme étant un parent éloigné plutôt qu'un parent

3 proche tel que cousin ? J'écoute l'anglais, donc j'aimerais que la cabine

4 anglaise me réponde --

5 L'INTERPRÈTE : "Relative," le terme utilisé est un terme très générique,

6 "rodzak," cela veut dire "parent," "relative" en anglais. Cela ne précise

7 pas le lien de parenté, on ne comprend pas si c'est un lien éloigné ou

8 proche.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous demande, toujours aux

10 interprètes, s'il serait possible lorsque quelqu'un utilise ce terme-ci

11 que, disons, dans le cadre d'une traduction donnée à la va-vite, ce terme

12 soit interprété comme voulant dire "cousin" ? Est-ce que c'est quelque

13 chose qui serait pensable, disons ?

14 L'INTERPRÈTE : Monsieur le Président, en fait, il y a différents types

15 d'interprétation possibles en ex-Yougoslavie. Je ne sais pas, il est

16 difficile pour nous d'y répondre.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait que vous

18 vous sentiez peu à même d'y répondre. Je n'aurais peut-être pas dû la

19 poser.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé. Ceci pose à nouveau la

21 question. C'était une vidéoconférence, une séance de récolement faite par

22 vidéoconférence. Ceci donc pose toujours la question des enregistrements

23 vidéo et la position de M. Dutertre par rapport à ses notes.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ne rentrons pas sur le terrain

25 favori de Me Guy-Smith. Poursuivons.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Passons à autre chose.

27 Q. Monsieur Radosevic, puis-je vous poser la question

28 suivante : vous avez dit à ces hommes ni vous, ni Novak n'aviez d'armes

Page 1061

1 mais que votre père avait des fusils de chasse, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Cela était-il vrai que ni l'un ni l'autre n'aviez d'armes ?

4 R. Oui, c'est exact. Je n'avais pas d'arme.

5 Q. Et Novak ?

6 R. Si mon souvenir est bon, non. Il n'en avait pas non plus.

7 Q. Parce que lorsque vous êtes revenu après avoir rendu visite à votre

8 père et que l'on vous a intercepté à Pozhare, au carrefour, pour la

9 deuxième fois, vous nous avez dit leur avoir dit que vous alliez récupérer

10 le semi-automatique de Novak. Etait-ce un semi-automatique d'après ce que

11 vous aviez compris que vous alliez chercher ?

12 R. Il a fallu que je trouve un prétexte, et j'ai utilisé comme prétexte le

13 fait que je devais aller chercher cette arme automatique pour sortir de là.

14 J'avais un fusil de chasse, mais j'ai dû mentir pour me sortir de cette

15 situation. J'ai donc dit que j'allais chercher ce fusil de chasse - enfin,

16 si j'avais dit que mon intention c'était d'aller chercher le fusil de

17 chasse, peut-être qu'il ne m'aurait pas laissé partir.

18 Q. En réalité vous alliez chercher le fusil de chasse du père de Novak,

19 mais vous leur avez dit que c'était un semi-automatique; c'est cela ?

20 R. Oui. J'ai dit que je prenais la carabine. Mon père m'a dit : Si tu

21 peux, cours à Decani, ne revient pas à Glodjane. J'ai dit à ces gens à

22 Pozare, j'ai dit que j'allais chercher le fusil. Un homme m'a dit que je ne

23 pouvais pas y aller et un autre m'a demandé quelle arme j'allais chercher

24 et j'ai répondu : Un fusil automatique. J'ai dit tout ce que j'avais à dire

25 pour me sortir de là. J'aurais pu dire que j'allais chercher un canon

26 aussi.

27 Q. Oui, je comprends. Ce que vous nous dites c'est que vous avez menti aux

28 hommes qui se trouvaient au carrefour, à l'intersection, et j'ai compris

Page 1062

1 les raisons que vous avez évoquées. Est-ce que vous vous rendiez à Decan

2 pour aller chercher le fusil de chasse du père de Novak ?

3 R. Je suis allé à Decani. Lorsqu'ils m'ont laissé passer, je suis allé au

4 poste de police pour faire rapport de ce qui m'était arrivé et à partir de

5 là, ils m'ont amené au dispensaire pour que l'on panse mes blessures.

6 Q. Où vivait le père de Novak ?

7 R. A Bandera, près de Ljubarda. Je ne sais pas si c'est Bandera ou

8 Ljubarda, le nom officiel, Je crois qu'officiellement c'est Bandera.

9 Q. Il n'y avait pas d'arme appartenant à cette famille à Decan ?

10 R. Quelle famille ?

11 Q. La famille Stijovic, fils ou père. Il n'y avait pas d'arme à Decan ?

12 R. Je suis passé à la maison en question, mais il n'y avait personne. Est-

13 ce que le fusil était à Bandera ou à Decani, je n'en sais rien. Trois cents

14 mètres plus loin, Caus m'a intercepté.

15 Q. Vous êtes passé à la maison de Bandera, la maison des Stijovic à

16 Bandera, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. L'avez-vous dit à qui que ce soit, avant ce jour, Monsieur Radosevic ?

19 R. Je ne sais plus.

20 Q. Il n'y avait personne ?

21 R. C'est cela.

22 Q. Quel but poursuiviez-vous en vous rendant là-bas ?

23 R. Je voulais trouver quelqu'un pour récupérer un autre fusil qui me

24 permettrait d'aider ma mère et Novak.

25 Q. Vous alliez dans cette maison pour y récupérer le fusil du père de

26 Novak; c'est cela ?

27 R. Oui. C'était en route vers chez moi vers Decani.

28 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires. Quand êtes-vous allé à

Page 1063

1 Bandera, était-ce avant ou après avoir été chez votre père ?

2 R. Lorsque j'ai récupéré l'arme chez mon père, j'ai continué vers Decani.

3 Q. Lorsque vous avez récupéré l'arme chez votre père, vous êtes allé à

4 l'intersection de Pozhare avec Caus, n'est-ce pas ?

5 R. Ce n'est pas Pozare, c'est Bandera, à 300 cents mètres de là à peu

6 près. C'était le nom du village, Bandera. De là, Caus et moi sommes montés

7 dans une voiture, nous avons récupéré le fusil chez moi et nous sommes

8 allés à Pozare.

9 Q. C'est au moment que vous avez été stoppés par Caus que vous êtes allés

10 chez les Stijovic, n'est-ce pas ?

11 R. Non, Monsieur. Avant que Caus ne me stoppe, avant cela, je me suis

12 arrêté chez les Stijovic. Il n'y avait personne. De là, je suis allé à

13 Pozare, ensuite Caus m'a stoppé à l'intersection vers Gornji et Donji Ratis

14 et Ljubarda de l'autre côté.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je vois que l'heure tourne et il me reste

16 encore des questions à poser au témoin, Monsieur le Président. Je pense que

17 le moment est venu de faire la pause, si j'ai bien compris le signal que

18 m'envoie la Chambre.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Emmerson, je regarde la

20 carte attentivement et j'essaie de suivre les itinéraires qu'a indiqués le

21 témoin, comme étant ceux qu'il a empruntés. De mémoire, il me semble qu'il

22 nous a dit qu'il était allé de Glodjane vers Dasinovac. Si j'ai bien

23 compris, c'est là que se trouvait son père. Ensuite, le témoin a dit qu'il

24 s'était rendu de Dasinovac vers Decani. Sur la carte, je vois, mais

25 n'hésitez pas à me corriger si je me trompe, je vois que le dernier

26 village, je ne sais pas si c'est un village mais en tout cas, le dernier

27 nom qui apparaît avec Pozare, c'est Bandera qui est à droite de la route

28 parce qu'il a suivi l'itinéraire sud et non pas l'itinéraire nord qui

Page 1064

1 permet d'aller de Dasinovac à Pozare. J'ai bien compris ?

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je dois vérifier les indications qui

3 figurent sur la carte.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, vous les avez vous aussi.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, effectivement. Vous avez raison.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il me semble qu'il a pris la route

7 indiquée en noir plutôt que la route indiquée en jaune.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela apparaît très clairement sur ma

10 carte.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, effectivement. Bandera c'est sur la

12 route entre Dasinovac et Pozhare, si l'on suit l'itinéraire sud.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout à fait.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, effectivement. Et ce sur quoi

15 j'interroge le témoin, c'est sur le fait qu'apparemment, à notre

16 connaissance, il n'a jamais mentionné cet événement à quelque moment que ce

17 soit jusqu'à aujourd'hui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que vous êtes allé un

19 petit peu plus loin que cela. Vous avez ensuite parlé de Pozare, est-ce que

20 vous y êtes allé, et cetera.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de lever la séance, j'ai une

23 petite question. J'ai cru comprendre que les communications entre l'Unité

24 de cartographie, le bureau du Procureur, le Greffe et les Chambres

25 s'agissant de la carte, ces communications ont été à l'origine de certaines

26 préoccupations, voire même de mécontentements. La Défense est invitée à

27 prendre part à toute communication ultérieure sur la question. Tout du

28 moins, j'aimerais savoir si cela vous intéresse, parce qu'en général la

Page 1065

1 Chambre n'établit pas de conversations particulières sur ces questions-là.

2 J'aimerais savoir si vous souhaitez en être pleinement informé.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à m'en remettre aux

4 Juges de cette Chambre. S'il y a quelque chose qui intéresse directement la

5 Défense, je suppose que vous nous en informerez, et que vous exercerez

6 votre discernement.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Même position.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.

10 M. HARVEY : [interprétation] Je suis mes collèges. Vous ne serez sans doute

11 pas surpris de l'entendre.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parfait.

13 Nous allons lever l'audience jusqu'à 9 heures demain matin.

14 Avant de finir, Maître Guy-Smith, il semblerait que vous soyez

15 debout. Si cela peut attendre demain matin, nous aimerions en parler demain

16 matin, si cela ne peut pas attendre, bien sûr.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'en ai parlé tout au début de l'audience

18 de ce matin, mais si vous voulez j'en reparlerai demain plutôt que tout de

19 suite. Il s'agit encore de questions relatives à la MINUK.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'en ai été informé et nous

21 trancherons sur la question après avoir entendu les arguments demain.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

24 Nous allons lever l'audience et nous nous verrons demain dans ce même

25 prétoire à 9 heures. Merci.

26 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le mercredi 14 mars

27 2007, à 9 heures 00.

28