Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 4 juin 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

7 Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous, s'il vous plaît, appeler la

8 cause.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

10 Messieurs les Juges, c'est l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush

11 Haradinaj et consorts.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

13 Maître Harvey, êtes-vous prêt à poursuivre le contre-interrogatoire de ce

14 témoin ?

15 M. HARVEY : [interprétation] Je le suis, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Témoin 6, je dois vous rappeler

17 que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez

18 faite au début de votre déposition, à savoir que vous allez dire la vérité,

19 toute la vérité, rien que la vérité.

20 Maître Harvey, c'est à vous.

21 LE TÉMOIN: TÉMOIN SST7/6 [Reprise]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 Contre-interrogatoire par M. Harvey : [Suite]

24 Q. [interprétation] Bonjour, Témoin 6.

25 R. Bonjour.

26 Q. Lorsque nous nous sommes interrompus vendredi, je vous ai posé des

27 questions concernant les visites que vous avez faites à Jagodina, je

28 voudrais qu'on reprenne là ce matin.

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1 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

2 avec l'aide de mes collègues, j'ai réussi à préparer une carte pendant le

3 week-end. Il n'a pas été possible de la télécharger dans le système e-

4 court, mais je vois que vous l'avez reçue. Peut-être que le témoin pourrait

5 également avoir un exemplaire et le mieux serait peut-être de la placer sur

6 le rétroprojecteur. Voilà, nous l'avons maintenant à l'écran.

7 Serait-il possible de déplacer l'image un tout petit peu, encore un tout

8 petit peu. Voilà c'est parfait. Merci beaucoup.

9 Q. Alors, Témoin 6, voyez-vous la carte sur l'écran devant vous ?

10 R. Oui.

11 Q. Regardez le bas de la carte, voyez-vous Djakovica qui est indiqué ?

12 Peut-être que -- est-ce que vous le voyez là ?

13 R. Non, je ne peux pas le voir encore.

14 M. HARVEY : [interprétation] Peut-être que Mme l'Huissière pourra vous

15 aider. C'est presque tout à fait en bas entre le tiers et la moitié en

16 partant du centre. Voilà. Oui. Vous-même --

17 R. [inaudible]

18 Q. Excusez-moi. Je n'ai pas obtenu la traduction de cela.

19 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait répéter sa réponse, s'il vous

20 plaît.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter

22 ce que vous venez de dire parce que les interprètes ne vous ont pas

23 entendu.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu. Je peux voir Djakovica sur la

25 carte.

26 M. HARVEY : [interprétation]

27 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Est-ce que vous voyez Beograd

28 tout en haut, dans le coin gauche de la carte ?

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1 R. Oui, je peux le voir.

2 Q. Maintenant, prenez une ligne dans la direction du sud-ouest de

3 Beograd. Pouvez-vous trouver Jagodina sur la carte ?

4 R. Oui.

5 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande le microphone pour Me Harvey.

6 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi.

7 Je vais demander maintenant que l'on déplace un petit peu cette image de

8 façon de façon à ce qu'on puisse voir l'échelle qui figure au bas de la

9 carte, encore un petit peu. Oui, nous y sommes. Je vous remercie beaucoup.

10 Q. Témoin, est-ce que vous voyez en bas dans le coin droit il y a une

11 échelle pour 100 kilomètres ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que la distance par

14 la route entre Djakovica et Jagodina est de l'ordre de 250 kilomètres ?

15 R. Je ne sais pas quelle est cette distance.

16 Q. Vous avez fait cette route en voiture, n'est-ce pas ? Vous conduisiez ?

17 R. Oui, mais je n'ai pas noté le kilométrage.

18 Q. Combien de fois avez-vous fait ce voyage à Jagodina, avez-vous fait cet

19 itinéraire, Monsieur ?

20 R. Une fois seulement.

21 Q. Quand vous y êtes allé l'an dernier, c'était pour faire renouveler

22 votre permis de conduire, votre permis de conduire serbe et pour obtenir

23 certains documents de voyage, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, je suis allé chercher certains papiers officiels pour les citoyens

25 et pour renouveler mon permis de conduire.

26 Q. Y avait-il une autre raison pour laquelle vous êtes allé là-bas l'an

27 dernier ?

28 R. Mes frères voulaient avoir leurs documents de nationalité parce qu'ils

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1 travaillent à l'étranger et ils en avaient besoin pour pouvoir les

2 présenter au consulat de Suisse. Ils en avaient besoin.

3 Q. Vous auriez pu obtenir les mêmes documents à Pristina, non ?

4 R. Non.

5 Q. Pourquoi ?

6 R. Parce que nous ne sommes pas encore un Etat.

7 Q. Vous pouvez obtenir les documents de voyage à Pristina, ne pouvez-vous

8 pas ? Vous pouvez obtenir un visa de Schengen ?

9 R. Non. Je suis allé là-bas pour obtenir ces documents de façon à

10 renouveler les passeports yougoslaves pour eux.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre question, Maître Harvey, pour ce

12 qui est d'obtenir des visas et des documents de voyage est un peu confuse.

13 Pour autant que je sache, au point de vue juridique si vous voulez demander

14 un visa, c'est-à-dire la possibilité d'entrer dans un pays déterminé, il

15 faut se mettre en rapport avec les autorités de ce pays-là ou de cette

16 région-là. Par exemple, si je voulais aller aux Etats-Unis, j'aurais besoin

17 d'un visa -- je n'en n'ai plus besoin pour le moment, mais je devrais aller

18 au consulat des Etats-Unis tandis que si vous voulez avoir un nouveau

19 passeport, je m'adresserais à mes propres autorités. Dire que vous pouvez

20 obtenir des documents de voyage à Pristina, n'est-ce pas, si vous pouvez

21 obtenir un visa de Schengen, ceci pour moi est un peu troublant parce que

22 ça pourrait également être troublant pour le témoin.

23 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi pour toute confusion possible. Je

24 vais voir comment je peux essayer de représenter les choses.

25 Q. Est-ce que les autorités suisses, c'est-à-dire le gouvernement suisse a

26 un consulat à Jagodina ?

27 R. Je ne sais pas.

28 Q. Donc vous n'alliez pas à Jagodina pour obtenir des documents ou des

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1 visas qui auraient été délivrés par les autorités suisses, n'est-ce pas ?

2 R. Non.

3 Q. Combien de passeports avez-vous en tant que titulaire ?

4 R. Un seul, un passeport yougoslave.

5 Q. Combien de permis de conduire avez-vous, s'il vous plaît ?

6 R. Je n'ai que celui de la MINUK.

7 Q. Je croyais que vous nous aviez dit que vous étiez allé à Jagodina pour

8 obtenir un permis de conduire à cet endroit ?

9 R. Oui, mais ils ne me l'ont pas donné. Ils ont dit : Revenez dans trois

10 mois, je ne suis pas allé le chercher.

11 Q. Alors dites-nous, s'il vous plaît, quels sont les documents que vous

12 étiez allé chercher pour vos frères pour la Suisse et que vous deviez

13 prendre à Jagodina ?

14 R. Les documents prouvant la citoyenneté yougoslave de façon à ce que

15 leurs passeports puissent être renouvelés en Suisse.

16 Q. Quel est le bureau auquel vous êtes allé à Jagodina ?

17 R. Je suis allé au centre du SUP de Gjakove.

18 Q. Est-ce que c'est l'unique fois que vous êtes allé à ce bureau-là ?

19 R. Oui.

20 M. HARVEY : [interprétation] Madame la Greffière, peut-être qu'avant que

21 je ne poursuive, nous pourrions donner une cote à cette carte, une cote

22 pour identification, si vous le permettez, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, je ne vois pas

24 d'inconvénients à ce qu'elle reçoive une cote; en même temps, elle nous a

25 aidé à savoir approximativement où on en est. Cela mis à part, c'est une

26 carte comme toute autre carte, n'est-ce pas, Maître Harvey ?

27 M. HARVEY : [interprétation] Je suis entre vos mains, Monsieur le

28 Président. Je pense que c'est probablement le cas. Le compte rendu

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1 évidemment se comprend sans commentaires, la seule raison pour laquelle je

2 souhaite la présenter puisque le témoin a indiqué qu'il ne connaît pas la

3 distance en kilomètres entre Gjakove et Jagodina --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ça va.

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira

6 de la pièce à conviction numéro D113.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

8 Il n'y a pas d'objections contre son admission ?

9 A ce que je comprends vous souhaitez cette pièce pour qu'elle soit déposée,

10 Maître Harvey ?

11 M. HARVEY : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La D113 est admise et versée comme

13 élément de preuve.

14 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie.

15 Q. Maintenant, nous passons à votre audition à Jagodina. Il y a là une

16 déclaration sous serment faite au commandant du SUP à Jagodina; c'est bien

17 cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez juré dans cette déclaration de dire la vérité, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que peut-être

22 cela pourrait être utile de présenter à l'écran le document 3D010174, ceci

23 pourrait aider le témoin -- peut-être que ça n'aidera pas le témoin parce

24 que nous n'avons pas de traduction dans une langue qu'il comprend,

25 malheureusement.

26 Q. Pendant que ceci va être présenté, Témoin 6 --

27 M. LE JUGE ORIE : [hors micro]

28 [interprétation] Maître Harvey, je veux poser une question : la Chambre a

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1 reçu des exemplaires des déclarations, comme d'habitude. Je remarque que

2 l'original que nous avons reçu n'est pas exactement le même que la

3 traduction plus avant sur nos écrans pour le moment. Bien sûr, je n'ai pas

4 vérifié l'intégralité de cela, mais j'ai été frappé par le fait que, sous

5 la date du 11 juillet 2006, dans mon original je vois quelque chose qui,

6 dirait-on, ressemble beaucoup à IKM Jagodina, Jagodina qui n'apparaît pas

7 sur la traduction. Bien entendu, je ne suis pas à même de vérifier

8 intégralement les traductions, mais il me semble qu'il y a là -- je ne sais

9 pas si vous avez le même original, c'est-à-dire, on voit entre autres qu'il

10 y a une empreinte digitale au bas du document.

11 M. HARVEY : [interprétation] J'ai sur mon document tout ce que vous avez

12 sur le vôtre, Monsieur le Président, et avant que nous n'allions plus

13 avant, peut-être que puisque ce document risque de révéler davantage qu'il

14 ne le faudrait pour ce qui est du public --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois qu'il faudrait --

16 M. HARVEY : [interprétation] -- aller en audience à huis clos partiel.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- aller en audience à huis clos

18 partiel.

19 M. HARVEY : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

21 partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

9 Poursuivez, Maître Harvey.

10 M. HARVEY : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

11 Q. Cette déclaration a été recueillie à Jagodina, vous venez juste de le

12 confirmer, Témoin ?

13 R. Oui.

14 Q. Elle a été recueillie au bureau du SUP, le secrétariat de l'Intérieur

15 qui en principe exerce l'autorité sur le ressort de Gjakove/Djakovica ?

16 R. Je suis allé chercher ces documents. Je ne sais pas autre chose à ce

17 sujet.

18 Q. Qu'est-ce que vous avez compris concernant ce bureau à Jagodina ? Est-

19 ce qu'il délivre des documents pour des personnes qui vivent à Gjakove ou à

20 Djakovica ?

21 R. C'est exact. La plupart des gens allaient là-bas pour obtenir leurs

22 documents et j'y suis allé moi aussi.

23 Q. Il n'y pas de bureau du SUP actuellement, ni l'an dernier à Gjakove,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Non, il n'y en pas.

26 Q. Dans votre déclaration vous avez dit que vous étiez allé au SUP de

27 Gjakove à Jagodina de façon à obtenir un permis de conduire et vous avez

28 dit : "Je souhaiterais faire une déclaration lorsque," et vous avez indiqué

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1 la date du 21 juin 1998, je cite à nouveau "avec ma famille". Ensuite vous

2 avez poursuivi en décrivant les événements qui ont eu lieu en juin 1998.

3 Dans cette déclaration, vous avez donné la date du 21 juin, vous avez dit

4 au Tribunal, ici en fait, que c'était le 13 juin, est-ce que vous pourriez

5 expliquer cette erreur ?

6 R. Ce n'est pas trop loin dans mon esprit. Je ne crois pas que le fait

7 d'avoir donné une date erronée soit un grand problème.

8 Q. Aviez-vous des documents sur vous lorsque vous avez -- enfin, quelque

9 chose qui vous aiderait à vous rappeler les événements lorsque vous avez

10 fait cette déclaration ?

11 R. Non.

12 Q. Je vais vous rappeler un certain nombre de passages précis dans le

13 document et, à la toute dernière ligne de la page de la traduction que nous

14 avons devant nous, vous avez dit en décrivant le barrage de l'UCK sur la

15 route, vous avez dit : "Il y avait 20 Albanais devant moi, des deux côtés

16 en uniforme de camouflage, certains d'entre eux avaient des uniformes noirs

17 et je sais qu'il était exactement 13 heures."

18 Est-ce que vous rappelez avoir dit cela dans votre déclaration ?

19 R. Il se peut que j'aie dit cela. Je n'en suis pas très sûr.

20 Q. Là encore vous pensez peut-être que ça ne fait pas beaucoup de

21 différence, mais vous avez dit aux enquêteurs de ce Tribunal-ci en 2002

22 qu'il y avait dix personnes, dix Albanais qui étaient là; c'est maintenant

23 20. Est-ce que vous essayez d'exagérer le nombre ou est-ce que vous avez

24 tout simplement oublié ?

25 R. J'ai dit ici qu'il y en avait dix, mais il y en avait davantage. Je

26 leur ai donné le nombre minimum.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît,

28 c'est peut-être pas d'une importance primordiale, mais c'est une question

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1 qui nécessite quelques éclaircissements. Je pense que si la première

2 déclaration du témoin doit lui être présentée, il faudrait lui présenter la

3 déclaration exacte. Dans la déclaration de novembre 2002, il a dit

4 "approximativement dix" et non pas dix précisément.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Harvey.

6 M. HARVEY : [interprétation] Je suis reconnaissant à mon confrère et c'est

7 tout à fait exact.

8 Q. Vous avez dit aux autorités en Serbie qu'il y en avait 20, est-ce que

9 vous pensez que c'était peut-être plus que 20 ?

10 R. Je ne sais pas. J'étais entouré par des membres de l'UCK lorsque

11 j'étais dans la voiture et je ne sais pas s'ils étaient plus de 20.

12 Q. Comment est-ce que vous avez été en mesure de dire qu'il était

13 exactement 13 heures, une heure de l'après-midi ?

14 R. C'était vers cette heure-là. C'était il y a neuf ans. Maintenant je ne

15 peux pas vous dire exactement, je peux vous dire les choses plus ou moins

16 maintenant parce qu'il y a neuf ans qui se sont écoulés. Ce n'est pas comme

17 si ça s'était passé il y a une semaine.

18 Q. Témoin, je suis certain que tout le monde comprend bien cela. Ce que

19 j'essaie de savoir c'est comment vous avez pu dire aux autorités du S-U-P,

20 du SUP il y a un an qu'il était exactement 13 heures ?

21 R. C'était à peu près cette heure-là.

22 Q. Lorsque vous avez fait votre déclaration aux autorités du SUP, vous

23 avez utilisé comme nom le nom complet de Nenad Remistar pour ce qui est de

24 l'agent de police de la circulation qui avait été arrêté par l'UCK. Est-ce

25 que vous connaissiez son nom complet à l'époque ?

26 R. Non.

27 Q. Comment se fait-il que son nom complet ait été consigné dans cette

28 déclaration ? Est-ce que ça été fait par les autorités du SUP ?

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1 R. Ils connaissaient son nom de famille, moi je ne le savais pas.

2 Q. Vous êtes en train de nous dire qu'ils étaient en train de vous dicter

3 ce qu'il fallait mettre dans la déclaration ?

4 R. Non, ils ont juste noté son nom de famille. Je ne connaissais que son

5 prénom, Nenad. C'est eux qui ont consigné son nom de famille.

6 Q. Vous ont-ils dit autre chose à propos de cette personne mis à part quel

7 était son nom de famille ?

8 R. Non.

9 Q. Un peu plus loin dans votre déclaration, après que vous ayez décrit le

10 fait qu'on vous a détenu dans cette pièce pendant deux mois, vous dites :

11 "J'ai appris par la suite que pendant que j'étais en prison, il y avait

12 deux frères qui dirigeaient les choses. L'un s'appelait Lahi Brahimaj, son

13 surnom était Maxhupi, l'autre c'était Nazmi Brahimaj. Ils venaient tous les

14 deux de Jablanica."

15 Vous dites que vous avez appris par la suite, pouvez-vous nous expliquer ce

16 que vous voulez dire par cela ?

17 R. Quand j'ai été emprisonné et ensuite pendant quatre semaines, je ne

18 connaissais le nom de personne, mais après ma libération j'ai vu leurs

19 photos et j'ai su qui c'étaient.

20 Q. Pouvez-vous nous dire où vous avez vu leurs photos ?

21 R. Enfin ce n'est pas leurs photos, c'est leurs visages que j'ai vus parce

22 qu'ils venaient tous les jours.

23 Q. Non. Je vais lire votre dernière réponse et je vais vous demander la

24 question à nouveau. Votre réponse a été la suivante : "J'étais en prison et

25 pendant quatre semaines je ne connaissais le nom de personne, mais après

26 que j'ai été libéré, j'ai vu leurs photos et j'ai su de qui il s'agissait."

27 Donc je vous repose ma question : après votre libération, où avez-

28 vous vu ces fameuses photos de ces personnes et où avez-vous appris leurs

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1 noms ?

2 R. Pendant deux semaines j'avais un peu plus de liberté et j'ai vu leurs

3 visages et j'ai entendu leurs noms, mais je n'ai rien dit.

4 Q. Vendredi, en réponse à une question de M. Di Fazio, vous avez dit la

5 chose suivante --

6 M. HARVEY : [interprétation] Malheureusement, je n'ai pas le compte rendu

7 exact sous les yeux. Il s'agit de la page 33 du compte rendu, mais tel

8 qu'il était encore vendredi.

9 Q. Je cite : "Après ma libération, je voulais trouver leurs noms. Je

10 savais à quoi ils ressemblaient."

11 Je vous pose la question à nouveau : après votre libération, même après

12 votre libération, vous ne connaissiez toujours pas le nom de ces personnes

13 que vous venez quand même de mentionner par leurs noms ici, dans ce

14 prétoire ?

15 R. Oui, je connaissais leurs noms, mais il est vrai que dans ma

16 déclaration je n'ai pas dit absolument tout ce que je savais.

17 Q. Tout d'abord, revenons en arrière. Quand vous a-t-on montré leurs

18 photos pour la première fois ?

19 R. On ne m'a pas montré la moindre photo de ces personnes; je les ai vues

20 en chair et en os.

21 Q. Monsieur, êtes-vous en train de nous dire la vérité ? Ces réponses que

22 vous nous faites ici dans ce prétoire, sont-elles vraies ?

23 R. Oui, je dis la vérité.

24 Q. Je vais revenir à une réponse que vous avez donnée il y a peu de temps.

25 "J'étais en prison et pendant quatre semaines je ne connaissais le

26 nom de personne. Ce n'est qu'après ma libération que j'ai vu leurs photos

27 et que j'ai su de qui il s'agissait."

28 Je vous demande pour la troisième fois où exactement et quand

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1 exactement on vous a montré leurs photos et à quel moment vous avez appris

2 leurs noms ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey, vous nous dites

4 par la deuxième fois : "On vous a montré des photos," or, le témoin lui

5 nous a dit qu'il avait vu des photos; c'est tout à fait différent.

6 M. HARVEY : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Il y a en

7 effet une différence assez subtile, mais quand même importante.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous savez qu'ici nous sommes

9 assez pointilleux.

10 Poursuivez.

11 M. HARVEY : [interprétation]

12 Q. Vous avez entendu ce que nous a dit le Président, vous avez vu

13 leurs photos et vous avez ainsi trouvé leurs noms. Pouvez-vous nous dire où

14 vous avez vu les photos et comment vous avez trouvé leurs noms ?

15 R. Je n'ai pas vu de photos de ces personnes. Je les voyais tous les

16 jours en chair et en os, j'ai appris leurs noms quand j'ai entendu

17 quelqu'un s'adresser à eux par leurs noms.

18 Q. Je vais vous affirmer une chose, Monsieur le Témoin : quand vous

19 avez été libéré de Jablanica, on vous a dit que vous étiez libre de partir,

20 vous êtes immédiatement allé au QG de la sécurité d'Etat à Djakovica. Vous

21 vous êtes rendu immédiatement à la Sûreté d'Etat ?

22 R. De quelle année parlez-vous ?

23 Q. Mais en quelle année avez-vous été libéré de Jablanica ?

24 R. Le 25, c'était en 1988.

25 Q. Nous avons eu 1988 en réponse à ma question. Je pense qu'il s'agit d'un

26 lapsus et ça devait être 1998.

27 L'INTERPRÈTE : Non, le témoin a bien dit : "1988."

28 M. HARVEY : [interprétation] Je ne voulais pas contester ce que disaient

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1 les interprètes, je redemande donc au témoin :

2 Q. S'il s'agit de 1998 ou de 1988 ?

3 R. De 1998.

4 Q. Quand vous avez quitté Jablanica, vous vous êtes immédiatement rendu au

5 QG de la Sûreté d'Etat à

6 Djakovica, n'est-ce pas, vous y êtes allé directement ?

7 R. Non. J'y suis allé après cinq jours pour obtenir des documents, pour

8 obtenir une carte d'identité, enfin un duplicata de ma carte d'identité et

9 de mon permis de conduire.

10 Q. On va revenir à la déclaration que vous avez faite en 2006 à Jagodina.

11 Dans cette déclaration, voici ce que vous leur avez dit, je cite : "Quand

12 j'ai été libéré, j'ai été rendre compte de ce qui m'était arrivé au chef de

13 la Sûreté d'Etat, Camovic. J'ai marché depuis Jablanica, et sur la route

14 j'ai vu des Rom qui étaient en charrette tirée par des chevaux. Mais de

15 Djakovica jusqu'à mon arrivée à Camovic, je n'ai parlé à personne. Les Rom

16 m'ont fait monter à bord de leur charrette de Grgoc à Crmljane, ensuite de

17 là je suis allé à Djakovica à pied pour rendre compte à Camovic de ce qui

18 m'était arrivé."

19 Nous allons prendre les choses par étape. Vous êtes d'accord avec moi pour

20 dire que ce qui a été écrit à Jagodina l'an dernier, c'est que vous avez

21 bel et bien dit aux autorités serbes là-bas que vous aviez quitté Jablanica

22 à pied, que vous avez réussi à être pris en stop si je puis dire à bord

23 d'une charrette tirée par un cheval pour une partie du chemin, ensuite vous

24 avez continué à pied jusqu'à Djakovica et vous avez fait rapport de ce qui

25 vous était arrivé à Camovic, et tout cela le même jour ?

26 R. Non. Ils se sont trompés quand ils l'ont écrit. Je n'ai jamais dit

27 cela.

28 Q. Vous nous dites que vous avez attendu cinq jours avant d'aller au QG de

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1 la Sûreté d'Etat ?

2 R. Je suis d'abord allé chez le médecin parce que je ne me sentais pas

3 bien, ensuite je suis allé chercher mes documents. Eux, ils ont écrit ce

4 qu'ils voulaient. Je n'ai absolument jamais dit ce que vous venez de me

5 lire.

6 Q. A la fin de cette déclaration que vous avez faite en 2006 à Jagodina se

7 trouvent les mots suivants : "Une notice officielle a été relue au citoyen

8 en application de l'article 226, paragraphe 5 du ZKP, et le citoyen n'a

9 soulevé aucune objection."

10 Quand vous avez fini de faire votre déclaration, ils vous l'ont relue,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Non.

13 Q. L'avez-vous lue vous-même ?

14 R. Non. Je ne sais pas lire le serbe.

15 Q. L'avez-vous signée ?

16 R. Oui.

17 Q. Avez-vous apposé vos empreintes digitales sur ce document ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand vous l'avez signée, quand vous y avez apposé vos empreintes

20 digitales, est-ce que vous vous êtes bien rendu compte qu'en faisant ces

21 deux actes, vous étiez en train de confirmer que tout ce qui était dans

22 cette déclaration était véridique ?

23 R. Non, je ne savais pas ce qui était consigné dans le document.

24 Q. Vous ne leur avez pas demandé de vous le relire ?

25 R. Non.

26 Q. Quand ils ont écrit qu'ils vous l'avaient relu, c'était donc un

27 mensonge ?

28 R. C'est eux qui savent.

Page 5300

1 Q. Retournons maintenant en 1998. La Sûreté de l'Etat, le DB, était-ce

2 bien l'organe qui délivrait les permis de conduire ?

3 R. De quoi parlez-vous ?

4 Q. Je parle de cette administration qui se trouvait à Djakovica.

5 R. En quelle année ?

6 Q. En 1998, l'année où vous vous êtes trouvé justement à Jablanica.

7 R. Je m'y suis rendu après cinq jours pour obtenir des papiers.

8 Q. Avez-vous bel et bien entendu ma question ?

9 R. Je n'ai peut-être pas bien compris votre question.

10 Q. Reprenons. Nous allons revenir à 1998. J'aimerais savoir si à ce

11 moment-là le DB, c'est-à-dire l'organe de Sûreté d'Etat, est

12 l'administration en charge de donner des permis de conduire à Gjakove ?

13 R. Oui.

14 Q. Ce n'est pas plutôt au SUP de donner ce type de papier ?

15 R. De toute façon ils étaient logés exactement dans le même bâtiment.

16 Q. Oui, mais le chef de la Sûreté d'Etat n'est pas la personne chargée de

17 donner des permis de conduire et ne donnait pas des permis de conduire en

18 1998, ou était-ce le cas ?

19 R. Non. Ce sont ses employés qui s'en occupent.

20 Q. Mais en 2006, vous avez dit aux autorités de Jagodina que vous étiez

21 allé rendre compte à Camovic de ce qui vous était arrivé à Jablanica,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Non, c'est eux qui l'ont ajouté.

24 Q. Essayons de comprendre. Vous connaissiez Camovic par son prénom, Streok

25 ?

26 R. Sret.

27 Q. Je suis désolé, c'est donc Sret. Ça faisait pratiquement 20 ans que

28 vous le connaissiez en 1998, n'est-ce pas ?

Page 5301

1 R. Oui. C'était un enseignant à l'école.

2 Q. Au cours de ces 20 ans vous le voyiez régulièrement ?

3 R. Non, pas tout le temps.

4 Q. Pour ce qui est de juillet 1998, pouvez-vous nous dire quelle était la

5 dernière fois que vous aviez vu Sret en juillet 1998 ?

6 R. Quand je suis parti de Jabllanice.

7 Q. Et avant de quitter Jablanica, à quand remontait votre dernière

8 rencontre ?

9 R. Je ne sais pas. Ça faisait longtemps. Beaucoup de temps s'est écoulé

10 depuis tout cela, je ne sais plus.

11 Q. Prenons les choses dans l'ordre. Vous êtes d'accord pour dire qu'en

12 juillet 1998, après avoir quitté Jablanica, vous êtes allé le voir ?

13 R. Je l'ai rencontré dans un café.

14 Q. Où se trouvait ce café ?

15 R. Dans l'hôtel Pashtrik.

16 Q. Pourquoi l'avez-vous rencontré à l'hôtel Pashtrik ?

17 R. C'est là que je l'ai trouvé, je l'ai rencontré.

18 Q. Que lui avez-vous dit quand vous l'avez justement trouvé ?

19 R. Rien. Il m'a demandé : Comment cela s'est passé à Jabllanice ? Je lui

20 ai dit qu'ils avaient pris mes papiers d'identité et il m'a dit : Dans ce

21 cas-là, vient demain, apporte les documents nécessaires et on te fera des

22 duplicata.

23 Q. Je vais vous relire votre réponse. Je vous ai demandé : "Que lui avez-

24 vous dit quand vous l'avez rencontré ?"

25 Vous avez répondu : "Rien. Il m'a demandé comment c'était à

26 Jabllanice."

27 Vous aviez l'impression qu'il savait déjà que vous aviez été à Jablanica

28 quand vous l'avez rencontré au café de l'hôtel Pashtrik ?

Page 5302

1 R. Oui.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] La façon dont les questions sont formulées

3 ainsi que les réponses pourraient laisser la possibilité de mauvaise

4 interprétation -- enfin, je ne sais pas très bien à quoi cela pouvait

5 aboutir, mais je trouve qu'il n'y a pas assez de -- ce n'est pas très

6 clair. On ne sait pas vraiment s'ils se sont rencontrés par hasard ou s'il

7 avait organisé cette rencontre. Il suffit de poser une question pour que

8 cela soit évident.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. Harvey a bien compris et

10 il va poser cette question.

11 M. HARVEY : [interprétation]

12 Q. Mais avant de poser cette question, j'aimerais que vous répondiez à ma

13 première question. Quand vous avez vu M. Camovic à l'hôtel Pashtrik, vous

14 aviez l'impression qu'il savait déjà ce qui vous était arrivé à Jabllanice

15 d'après ce qu'il vous a dit ?

16 R. Oui, il le savait.

17 Q. Le savait-il parce que vous en auriez parlé à quelqu'un d'autre au sein

18 de la Sûreté d'Etat ou alors le savait-il pour d'autres raisons ? Qu'en

19 est-il, à votre avis ?

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 Q. Quand vous avez rencontré Camovic -- mais vous êtes allé à l'hôtel

28 Pashtrik parce que vous saviez que vous aviez de grande chance de le

Page 5303

1 rencontrer à cet endroit-là ?

2 R. Non. J'y suis allé pour prendre un café et je l'ai vu.

3 Q. Vous étiez-vous rendu à Djakovica ce jour-là pour obtenir un duplicata

4 de votre permis de conduire pour résoudre un peu vos problèmes de papier ou

5 vous y êtes allé juste pour boire un café ?

6 R. Je suis allé à l'hôtel Pashtrik pour prendre un café. Mes documents,

7 pour ça je suis allé au SUP de Gjakove. C'est loin de Pashtrik. Ce n'est

8 pas le même endroit.

9 Q. Mais quand vous vous êtes rendu à l'hôtel Pashtrik, est-ce que vous

10 étiez déjà passé par le SUP de Gjakove ?

11 R. Non.

12 Q. Très bien. Donc, vous vous êtes d'abord rendu à l'hôtel Pashtrik. Vous

13 y êtes-vous rendu en vous attendant à voir M. Camovic dans cet

14 établissement ?

15 R. Non. Je suis allé pour boire un café et je l'ai rencontré par hasard.

16 Q. Vous étiez seul ?

17 R. Oui.

18 Q. M. Camovic était-il seul lui aussi ?

19 R. Non. Il était accompagné de trois de ses amis que je ne connaissais

20 pas.

21 Q. C'est lui qui vous a hélé ou êtes-vous allé le voir directement ?

22 R. Je suis allé le voir parce que je le connaissais.

23 Q. Vous vous êtes assis pour boire votre café à leur table ?

24 R. Oui, je les ai trouvés, ils étaient là, on a pris le café ensemble. Je

25 suis resté une demi-heure et je suis parti seul, ils étaient encore dans le

26 café.

27 Q. Pendant une demi-heure vous lui avez raconté ce qui vous était arrivé à

28 Jablanica; c'est cela ?

Page 5304

1 R. Non, je ne lui ai pas parlé pendant une demi-heure, je lui ai parlé

2 pendant dix minutes à peu près. Il m'a demandé comment c'était, ce que

3 j'avais enduré. Je lui ai dit que c'était épouvantable, que l'UCK n'avait

4 pas été tendre, que j'avais été maltraité, qu'ils avaient pris ma voiture.

5 Et il m'a dit : Apporte des photos et demain on fera un duplicata de tes

6 documents.

7 Q. L'avez-vous revu le lendemain ?

8 R. Non.

9 Q. L'avez-vous vu à nouveau pour en reparler ?

10 R. Non, je ne l'ai plus rencontré après cela. J'ai pris mes photos, je les

11 ai apportées là-bas et deux jours plus tard j'ai eu mon duplicata.

12 Q. Avez-vous vu un officier de la Sûreté d'Etat ou un officier de police

13 qui se serait appelé Pavle Zuvic ?

14 R. Oui.

15 Q. Où l'avez-vous vu ?

16 R. Quand je suis allé chez le médecin, sur le chemin du retour en rentrant

17 de chez le médecin c'était un policier de réserve et je l'ai rencontré. Il

18 m'a demandé : Comment c'était ? As-tu vu Nenad ? J'ai dit : Oui. On a été

19 ensemble pendant une nuit, on a été ligoté et torturé, puis après je ne

20 l'ai plus revu. C'est tout ce dont j'ai parlé avec lui.

21 Q. Où avez-vous vu ce Pavle Zuvic exactement ?

22 R. Au dispensaire de l'usine de textile, juste en partant du dispensaire

23 j'avais fait 200 mètres et je l'ai rencontré.

24 Q. Il était en service ou alors est-ce que vous l'avez rencontré par

25 hasard dans la rue ?

26 R. Il était à bord d'une voiture civile. Il était en civil.

27 Q. Avez-vous fait partie de la police de réserve ?

28 R. De qui parlez-vous ?

Page 5305

1 Q. De vous.

2 R. Non. On était 40 dans ma famille. Je n'avais pas du tout le temps

3 d'aller servir en tant que policier de réserve. J'étais à la maison.

4 J'étais occupé à travailler dur pour entretenir toute cette famille.

5 Q. Lors de votre entretien avec Sret Camovic, pourriez-vous nous dire en

6 quelle langue vous avez parlé ?

7 R. En albanais.

8 Q. Avait-il l'air d'avoir envie de savoir qui était responsable des

9 tortures que vous aviez endurées à Jablanica ?

10 R. Non, il n'a pas posé la question, pourtant il connaissait mieux cet

11 endroit que moi.

12 Q. Comment savez-vous qu'il connaissait cet endroit ?

13 R. Parce qu'il était au courant de tous les détails.

14 Q. Comment le saviez-vous ?

15 R. Il connaissait les noms mieux que moi, les noms des personnes que

16 j'avais vues là-bas lors de mon emprisonnement.

17 Q. Donc c'est lui qui vous a dit quels étaient leurs noms ?

18 R. Non, non.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Ce n'est pas du tout ce que le témoin a dit.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était une question de M. Harvey. Il a

21 suggéré quelque chose de façon quand même très directrice --

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Peut-être que j'ai mal compris. Je pensais

23 que d'après la réponse, M. Harvey tirait une conclusion, mais s'il ne

24 s'agit que d'une suggestion, je n'ai rien à dire.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez reformuler

26 votre question, Maître Harvey.

27 M. HARVEY : [interprétation]

28 Q. Donc Sret Camovic connaissait les noms beaucoup mieux que vous, les

Page 5306

1 noms des personnes que vous avez vues pendant votre incarcération. C'est ce

2 que vous êtes en train de nous dire maintenant; c'est cela ?

3 R. Il connaissait le terrain parce que je ne lui ai pas demandé de

4 prénoms, de noms de famille. Il savait tout ce qui se passait dans la

5 municipalité de Gjakove. Il connaissait chaque maison, chaque famille, tout

6 le monde. Il était plus âgé que moi.

7 Q. Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Il connaissait les noms mieux

8 que vous; c'est ce que vous venez de nous dire, n'est-ce pas ?

9 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je m'excuse, Maître Harvey, de vous

10 interrompre. Est-ce que vous parlez de Sret Camovic maintenant ?

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une petite seconde, je vous prie.

12 Monsieur le Témoin 6, une petite seconde, je vous prie.

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que vous parlez de Pavle Zuric

14 maintenant ou de Sret Camovic ?

15 M. HARVEY : [interprétation] Je m'excuse si j'ai induit tout le monde en

16 erreur.

17 Q. Je parlais de Sret Camovic, et si j'ai bien compris vos réponses, vous

18 nous avez dit que Sret Camovic connaissait les noms beaucoup mieux que

19 vous. Est-ce que c'est bien ce que vous venez de nous dire ?

20 R. Non. J'ai dit qu'il connaissait bien le terrain, qu'il travaillait dans

21 la municipalité de Gjakove. Moi-même je suis un villageois. Je ne

22 connaissais pas tout le monde. Lui, il connaissait tous les villages de la

23 municipalité de Gjakove, il les connaissait beaucoup mieux que moi.

24 Q. Monsieur, nous avons votre réponse. Je ne vais pas entrer dans une

25 polémique avec vous. Il est vrai, n'est-ce pas, que Sret Camovic

26 connaissait des noms de personnes à Jablanica et il vous a dit qu'il

27 connaissait ces noms, n'est-ce pas ?

28 R. Non, non.

Page 5307

1 Q. En tant que chef de la Sûreté d'Etat, est-ce qu'il vous a posé des

2 questions, est-ce qu'il vous a posé des questions à propos des personnes

3 qui vous ont torturé, comme vous nous l'avez dit, des personnes qui vous

4 ont torturé à Jablanica ?

5 R. Non, il ne m'a pas posé cette question.

6 Q. Il ne souhaitait pas obtenir de renseignements sur leur comportement,

7 ça ne l'intéressait pas ?

8 R. Non, il ne m'a pas posé de questions.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, je souhaiterais élucider

10 une question un peu plus en détail.

11 Monsieur le Témoin 6, nous parlions de Sret Camovic et du fait qu'il

12 connaissait des personnes, et vous avez dit il y a une à deux minutes, je

13 pense que c'est de lui que vous parliez à ce moment-là, vous avez dit : "Il

14 connaissait les noms mieux que moi, les noms des personnes que j'avais vues

15 là-bas pendant mon incarcération."

16 Qu'entendiez-vous exactement et précisément quand vous avez dit cela ?

17 Parce que par la suite les réponses que vous apportez semblent indiquer

18 qu'il ne connaissait pas les noms de ces personnes. Est-ce que vous

19 pourriez dans un premier temps nous indiquer ce que vous entendiez lorsque

20 vous avez fait cette première réponse ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le chef, il connaissait la région de

22 Gjakove. Je n'ai pas dit qu'il connaissait tous les prénoms et les noms de

23 famille. Il connaissait le terrain. Il connaissait les familles. Il savait

24 qui venait de quelle famille.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais lorsque vous lui avez parlé, est-ce

26 qu'il vous a semblé qu'il savait qui étaient les personnes que vous aviez

27 vues pendant votre emprisonnement ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il ne m'a absolument pas posé de

Page 5308

1 questions à leur sujet. Pour ce qui est de savoir s'il les connaissait ou

2 non, je n'en sais rien, parce qu'il ne m'a pas posé cette question.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Harvey.

4 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Q. Voyez-vous, Monsieur, vous avez dit à ce Tribunal qu'il y avait un

6 certain nombre de personnes qui se trouvaient à Jablanica avec vous et qui

7 étaient des personnes qui faisaient l'objet de tortures systématiques, vous

8 avez mentionné Nenad, un officier de police; vous avez mentionné un

9 Bosniaque qui travaillait pour Elektro à Decani; vous avez mentionné trois

10 Monténégrins; vous avez également mentionné un Musulman albanais qui était

11 corpulent ou gros, qui avait la quarantaine, et qui a été livré dans le

12 coffre d'une Mercedes et qui venait de Zahaq; vous avez mentionné Pal

13 Krasniqi; vous avez mentionné un autre homme, un Albanais catholique de

14 Grabanica.

15 Monsieur, est-ce que vous êtes en train de nous dire que Sret Camovic

16 savait tout ce qu'il fallait savoir à propos de toutes ces personnes ?

17 R. Non, non, il ne m'a pas posé de questions. Cette personne de Grabanica

18 d'ailleurs n'est pas catholique.

19 Q. Nous allons revenir là-dessus ultérieurement, mais ce que j'essaie de

20 comprendre, Monsieur, c'est comment est-ce que vous pouvez avoir une

21 conversation avec le chef de la Sûreté d'Etat qui n'est absolument pas

22 intéressé par toutes ces personnes qui, d'après vous, vous ont torturé à

23 Jabllanice. Est-ce que vous lui avez dit que vous avez vu des personnes se

24 faire torturer là-bas ?

25 R. Non, non. Il ne me l'a pas demandé. Il ne m'a pas posé de questions à

26 leur sujet.

27 Q. Et vous, vous n'avez pas pensé qu'il serait peut-être important de lui

28 relater cela ?

Page 5309

1 R. C'était important, mais la situation était telle que je ne lui ai rien

2 dit et il ne m'a pas posé de questions.

3 Q. Est-ce que c'est le même jour ou après que vous êtes allé essayer de

4 régler le problème de votre permis de conduire ?

5 R. Deux jours après, je suis allé m'occuper de mes papiers. J'ai amené les

6 photographies et j'ai obtenu mon permis de conduire ainsi que ma carte

7 d'identité.

8 Q. Est-ce que vous avez vu des officiers de la Sûreté d'Etat lorsque vous

9 êtes allé là-bas pour obtenir votre permis de conduire et votre carte

10 d'identité ?

11 R. Non, non. Il ne s'agissait que de femmes qui travaillaient dans ces

12 bureaux. Il n'y avait pas d'officiers.

13 Q. Avez-vous peut-être essayé de parler à quelqu'un de la Sûreté d'Etat

14 lorsque vous y êtes allé là-bas deux jours plus tard ?

15 R. Non.

16 Q. Donc, en dépit de tout ce qui vous a été fait et en dépit de tout ce

17 qui a été fait d'après vos dires à ces autres personnes, la seule chose qui

18 vous intéressait c'était de renouveler votre permis de conduire. Est-ce que

19 nous comprenons bien vos propos, Monsieur ?

20 R. La guerre a commencé et je n'ai pas eu le temps de leur raconter quoi

21 que ce soit.

22 Q. Qu'entendez-vous, la guerre a commencé vous n'avez pas eu le temps de

23 leur raconter quoi que ce soit ?

24 R. Je vous le dis maintenant, ici.

25 Q. Vous avez eu le temps de siroter un café pendant une demi-heure avec M.

26 Camovic. Vous avez eu le temps d'y aller deux jours plus tard pour

27 renouveler votre permis de conduire. Vous avez eu le temps d'aller chez le

28 médecin. Vous avez eu le temps de parler avec Pavle Zuvic. Qu'entendez-vous

Page 5310

1 lorsque vous dites la guerre a commencé et je n'avais plus le temps ?

2 R. Mais c'est parce qu'ils ne m'ont pas demandé : Comment vas-tu ? Où

3 étais-tu ? Donc, je ne leur ai rien dit. Enfin, je ne leur ai donné aucune

4 réponse, ensuite j'ai dû faire la déclaration que vous avez vue plus tard

5 lorsque j'y suis allé.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

7 M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le témoin a dit qu'il avait

9 eu une conversation de dix minutes avec Camovic. Qu'il y était allé pendant

10 une demi-heure, mais qu'il lui avait parlé pendant dix minutes; c'est la

11 page 21, ligne 9. Ceci étant dit, et je fais abstention de ce que je viens

12 de dire, je me demande s'il est véritablement légitime que vous indiquiez

13 au témoin : Alors vous avez eu le temps d'aller voir le médecin, il se peut

14 qu'il ait été motivé par d'autres raisons. Donc, je pense que la précision

15 est avant tout nécessaire; puis deuxièmement, lorsque vous dites : Vous

16 avez eu le temps d'aller prendre un café ou d'aller voir le médecin, vous

17 suggérez plus ou moins qu'il s'agit de choses semblables, ce qui n'est pas

18 le cas.

19 M. HARVEY : [interprétation] Je n'essaie absolument pas de sous-estimer ou

20 de minimaliser ce genre de questions, absolument pas ou de leur ôter une

21 certaine importance. Toutefois, je répondais parce que le témoin avait dit

22 : "La guerre a commencé et je n'ai eu le temps de ne rien leur dire." Je

23 voulais juste tout simplement savoir à combien de jours il pensait en

24 disant cela et je voulais savoir ce qu'il voulait entendre lorsqu'il disait

25 la guerre a commencé, ce qui ne l'a pas empêché de faire d'autres choses.

26 Q. Monsieur, j'aimerais vous poser cette question. Vous n'avez jamais

27 relaté aux autorités serbes quoi que ce soit à propos de ce qui s'est passé

28 pour vous ou pour les autres personnes qui se trouvaient à Jablanica avec

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1 vous, à l'exception de ce qui est arrivé à Nenad Remistar. C'est bien exact

2 ? Vous n'avez jamais fourni d'informations ou de renseignements aux

3 autorités serbes ?

4 R. Ils m'ont posé des questions à son sujet, donc je leur ai parlé de lui.

5 Q. Lorsque vous dites "ils" de qui parlez-vous maintenant en ce moment,

6 Monsieur ?

7 R. A Jagodine, lorsqu'ils m'ont posé des questions.

8 Q. Vous avez également dit à un enquêteur du bureau du Procureur -- vous

9 connaissez Pekka Haverinen, n'est-ce pas ?

10 R. Je ne m'en souviens pas. Je n'en sais rien. Ils étaient nombreux et je

11 ne connais pas leurs noms.

12 Q. Est-ce que vous souvenez alors que vous avez été interrogé le 17 et 18

13 janvier 2003, je vais vous présenter ce que vous avez dit à ce moment-là,

14 ce sera très bref.

15 M. HARVEY : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit de la

16 déclaration du 17 et 18 janvier, deuxième page de cette déclaration,

17 quatrième paragraphe, les paragraphes ne sont pas numérotés d'ailleurs.

18 Q. Voilà ce que vous avez dit : "Après ma libération, j'ai entendu de la

19 part d'un officier serbe que Nenad avait été tué mais que son corps n'avait

20 pas été jeté comme beaucoup d'autres dans le lac de Radoniq, mais peut-être

21 quelque part dans la montagne dans la zone autour de Peje ou de Kline."

22 Premièrement, Monsieur, vous souvenez-vous avoir relaté cela à un enquêteur

23 du bureau du Procureur ?

24 R. Oui.

25 Q. [hors micro]

26 M. HARVEY : [interprétation] Je m'excuse.

27 Q. Qui était l'officier de police serbe qui vous a relayé cette

28 information ?

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1 R. Pavle.

2 Q. Quand, d'après vous, vous a-t-il transmis cette information ?

3 R. Le jour où je suis allé chez le médecin, je sortais du cabinet du

4 médecin et je l'ai rencontré. Je l'ai rencontré pendant trois ou quatre

5 minutes dans la rue. C'est ce qu'il m'a dit à ce moment-là. Il m'a dit

6 alors : Je ne sais pas si son corps a été emmené à la montagne ou

7 transporté dans le lac.

8 Q. Je crois comprendre d'après la déclaration que vous avez faite à M.

9 Haverinen -- j'essaie comprendre en fait ce que vous avez dit. Vous êtes

10 allé chez le médecin et nous comprenons, d'après la déclaration du médecin,

11 que cela s'est passé le 30 juillet 1998, cinq jours après que vous êtes

12 parti de Jabllanice. Vous êtes d'accord avec cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous avez dit à M. Haverinen le 18 janvier 2003 que Pavle Zuvic vous

15 avait dit que : "Nenad avait été tué mais que son corps n'avait pas été

16 jeté dans le lac de Radoniq comme beaucoup d'autres."

17 Etes-vous d'accord pour dire que vous avez bel et bien fait cette

18 déclaration, Monsieur ?

19 R. Il se peut que j'aie dit cela, mais il se peut que ce soit les

20 traducteurs qui se soient trompés. Je n'en sais rien. Il y a des erreurs

21 dans la traduction.

22 Q. Alors, il se peut que nous devions vous demander d'examiner le document

23 original. Est-ce que vous avez relu et réexaminé votre déclaration en

24 Albanais, cette déclaration que vous aviez faite à l'enquêteur; est-ce que

25 vous l'avez relue ?

26 R. Je ne l'ai vue que plus tard.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

28 M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

Page 5313

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux absolument pas exclure

2 entièrement qu'il y ait une certaine confusion qui règne.

3 Monsieur le Témoin 6, votre déclaration est une déclaration qui a été

4 faite en janvier 2003 et il n'y est pas indiqué que vous savez quoi que ce

5 soit à propos du lieu où le corps de Nenad a été jeté, mais dans cette

6 déclaration tout ce que nous pouvons trouver c'est que vous avez entendu de

7 la part d'un policier serbe que son corps n'avait pas été jeté dans le lac

8 Radonjic mais peut-être ailleurs. Est-ce que c'est bien ce que vous avez

9 entendu de la part de ce policier ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-il vrai que vous n'avez aucune

12 connaissance vous-même à propos de l'endroit où le corps a été jeté ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, je ne le sais pas.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Harvey.

15 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie pour cette précision,

16 Monsieur le Président.

17 Q. Monsieur, Monsieur le Témoin, ce n'est pas que je suis si intéressé de

18 savoir si vous savez où le corps a été jeté. Ce que j'aimerais savoir c'est

19 que vous avez eu une conversation le 30 juillet 1998 avec Pavle Zuvic et il

20 vous a dit que le corps de Nenad n'avait pas été jeté dans le lac Radoniq

21 comme beaucoup d'autres. Est-ce que c'est bien ce que vous êtes en train de

22 nous dire maintenant6 ?

23 R. C'est ce qu'il m'a dit et je ne sais rien d'autre à ce sujet.

24 Q. Après votre visite chez le médecin le 30 juillet 1998, vous n'avez plus

25 eu de conversation avec des membres de la police serbe ou avec des membres

26 de la Sûreté d'Etat à propos de votre expérience de Jablanica; c'est bien

27 ainsi que les choses se sont passées, jusqu'en 2006 bien entendu ?

28 R. C'est exact. Je n'avais pas de contacts avec eux.

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1 Q. Avez-vous jamais fait une déclaration pour le comité international de

2 la Croix-Rouge à propos de la disparition de Nenad ?

3 R. Ils m'ont posé des questions et je leur ai donné mes réponses.

4 Q. Est-ce que vous souvenez de la date où cela s'est passé ?

5 R. Non, non, je ne m'en souviens pas.

6 Q. Est-ce que vous souvenez si cela s'est passé peu de temps après votre

7 départ de Jabllanice ou est-ce que cela s'est passé plusieurs années après

8 ?

9 R. Je ne comprends pas votre question.

10 Q. Lorsque vous avez parlé aux représentants du comité international de la

11 Croix-Rouge, est-ce que cela s'est passé disons entre six mois et une année

12 après votre départ de Jabllanice ou est-ce que cela s'est passé plusieurs

13 années après votre départ de Jabllanice ?

14 R. Je ne sais pas si cela s'est passé en 2002 ou en 2003, c'est là que

15 j'ai commencé à faire cette déclaration pour les représentants de la

16 communauté internationale.

17 Q. Pour revenir, Monsieur, à la déclaration plutôt que vous avez faite à

18 Zoran Nikic à Jagodina, on vous cite comme ayant dit : "J'ai parlé de ce

19 qui s'est passé et de ce qui est arrivé au policier Remistar aux enquêteurs

20 du TPIY à Prizren en 2000 et à Pristina en 2001."

21 Est-ce que ces dates sont exactes, Monsieur ?

22 R. Je ne me souviens pas de l'année en question, mais je sais que cela

23 s'est passé à Prizren, effectivement.

24 Q. Vous avez également dit d'après la déclaration, vous avez dit donc à

25 Zoran Nikic à Jagodina : "Je ne connais pas d'autres noms hormis les deux

26 frères mentionnés ci-dessus," bien entendu, il s'agit de Lahi Brahimaj et

27 Nazmi Brahimaj, "et d'ailleurs, je n'ai pas pu apprendre leurs noms. Je

28 sais que j'aimerais connaître leurs noms, et je sais qu'il y en a un qui

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1 est à La Haye maintenant."

2 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela dans votre déclaration et est-

3 ce que vous vous souvenez avoir dit qu'hormis ces deux noms vous ne

4 connaissiez pas les autres noms ?

5 R. La question portait sur ces deux personnes.

6 Q. Vous n'avez pas en mesure de donner d'autres noms, à part ces deux noms

7 que vous avez donnés en 2006, n'est-ce pas ?

8 R. Seulement ces deux noms.

9 Q. Par exemple, vous ne vous souveniez pas du nom de Hamza Brahimaj ?

10 R. Non, non, je ne m'en souvenais pas à l'époque.

11 Q. Vous ne vous souveniez pas du nom de Gani Brahimaj ?

12 R. Je ne me souvenais pas de son nom non plus. Je ne pouvais pas me

13 souvenir de tout.

14 Q. J'aimerais que vous nous aidiez, je vous prie, à essayer de comprendre

15 combien de personnes se trouvaient avec vous à Jabllanice, et ce, pendant

16 cette durée de six semaines. Premièrement, vous êtes arrivé à Jabllanice

17 l'après-midi du 13 mai [comme interprété] ; est-ce que cela est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Si vous avez été appréhendé et arrêté vers 13 heures et que, d'après ce

20 que vous nous avez dit, vous avez été détenu pendant environ deux heures

21 sur le côté de la route, cela nous donne 15 heures, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, peut-être un peu plus tard, vers 16 heures.

23 Q. Puis vous avez conduit et vous êtes passé par toute une série de

24 villages jusqu'au moment où votre femme et vos enfants sont sortis du

25 véhicule, ensuite vous avez poursuivi votre chemin jusqu'à Jabllanice.

26 J'aimerais savoir s'il faisait déjà nuit lorsque vous êtes arrivé à

27 Jabllanice ou est-ce qu'il faisait encore jour, n'oublions pas que c'était

28 le mois de juillet ?

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1 R. Non, non, il faisait encore jour.

2 Q. Quelle heure était-il environ, 18 heures, plus tard, un peu plus tard,

3 un peu plus tôt ?

4 R. Non, c'était plus tôt que 18 heures.

5 Q. Vous avez dit à ce Tribunal que vous-même ainsi que Nenad avez été

6 emmenés dans le bâtiment qui se trouvait juste à la gauche juste après le

7 portail, et ce, lorsque vous êtes arrivé à Jabllanice. Est-ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous avez passé la nuit dans ce bâtiment; c'est cela ? C'est là qu'on

10 vous a gardé ?

11 R. C'est exact.

12 Q. A un moment donné le jour suivant, on vous a emmené dans la maison ?

13 R. Oui.

14 Q. Et on vous a placé dans la pièce qui se trouvait à la gauche de la

15 porte d'entrée de la maison, donc dans la partie avant de la maison ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Donc là pour le moment vous êtes dans la pièce avec Nenad; c'est bien

18 cela ?

19 R. Non.

20 Q. Est-ce que Nenad se trouvait dans une pièce différente ?

21 R. Non. En fait, ils m'ont emmené dans cette pièce, et lui, je ne sais pas

22 où ils l'ont emmené. Ils l'ont emmené ailleurs.

23 Q. Je vois. Donc vous étiez tout seul dans cette pièce et vous ne saviez

24 pas où il était ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous l'avez vu à nouveau après qu'on vous a emmené dans

27 cette pièce ? Est-ce que vous avez compris ma question ?

28 R. Non.

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1 Q. Avez-vous revu Nenad après qu'on vous ait emmené dans cette pièce ?

2 R. [aucune interprétation]

3 M. HARVEY : [interprétation] J'ai entendu le témoin dire "jo" ce qui veut

4 dire non ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Juste un instant, si Me Harvey continue, je

7 remarque l'heure. Il y avait une question que je voulais évoquer avec les

8 Juges, peut-être que ça pourrait prendre une seconde ou deux, je me

9 demande, si à ce moment-là, nous pourrions faire la suspension de séance.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, alors --

11 M. HARVEY : [interprétation] Oui, le moment me convient bien, celui-ci ou

12 un autre, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, nous ne pouvons pas demander

14 au témoin de quitter la salle d'audience tant que les stores n'auront pas

15 été descendus.

16 M. EMMERSON : [interprétation] La façon la plus rapide pour le faire, ce

17 serait de demander au témoin d'enlever ses écouteurs.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, ça suffira.

19 Témoin 6, retirez vos écouteurs pour un moment.

20 M. EMMERSON : [interprétation] C'est juste un point très mineur, Monsieur

21 le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Je voulais simplement être sûr de ma

24 position pour savoir si c'est bien exact en ce qui concerne les questions

25 et les réponses. Pour autant que nous le sachions, tout au moins, il n'y a

26 pas d'élément de preuve direct de la mort de Nenad Remistar en l'espèce, je

27 pensais tout simplement que certaines des questions et des réponses partent

28 de l'hypothèse ou semblent partir d'une hypothèse que ça pourrait être le

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1 cas.

2 M. HARVEY : [interprétation] Non, je suis tout à fait prêt à clarifier

3 toute erreur d'interprétation qui pourrait y avoir. Je suis aussi --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'il y ait ou non des éléments de

5 preuve directs, ou est-ce qu'il y en aura, parce que la Chambre ne le sait

6 pas, tout au moins avec ce témoin, lorsqu'il a parlé, je crois de la mort

7 de Nenad Remistar, c'était toujours par ouï-dire.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, oui, vu la façon dont les questions ont

9 été posées et ont été répondues, je voulais tout simplement que l'on

10 clarifie la position parce que, bien sûr, nous avons tous vu les éléments

11 de preuve que l'Accusation a présentés dans le cadre de cet acte

12 d'accusation, et il y en a évidemment que vous n'avez pas encore vus --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. EMMERSON : [interprétation] -- et, par conséquent, l'observation que je

15 voudrais faire est basée non seulement sur les éléments de preuve qui ont

16 déjà été présentés mais --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Egalement sur ce que vous pensez qui

18 sera présenté.

19 M. EMMERSON : [interprétation] -- oui, nous pensons que ce sera présenté

20 comme élément de preuve.

21 M. HARVEY : [interprétation] Pourrais-je répondre brièvement, Monsieur le

22 Président ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez.

24 M. HARVEY : [interprétation] Je voudrais qu'il soit absolument clair que

25 nous n'avons absolument aucun renseignement qui suggère que Nenad Remistar

26 est mort ou est mort de mort de violente, certainement je ne souhaitais pas

27 que l'une quelconque de mes question soit interprétée comme reconnaissant

28 cela ou l'admission de cela. Je m'occupe simplement de ce que le témoin a

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1 pu dire comme étant des éléments par ouï-dire, ou de troisième --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui. Par conséquent, lorsque vous

3 dites que nous n'avons absolument aucune information qui suggère que cela

4 pourrait le cas, c'est peut-être un peu trop fort parce que nous avons la

5 déposition de ce témoin qui dit qu'il a entendu parler de cela. Par

6 conséquent -- mais nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il s'agit de

7 ouï-dire jusqu'à présent et quant à savoir si c'est de seconde ou de

8 troisième main ceci dépend de la source par laquelle --

9 M. HARVEY : [interprétation] Effectivement.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je veux simplement évoquer la question pour

12 des éclaircissements afin que -- il ne s'agit pas nécessairement de

13 demander des éclaircissements à ce témoin-ci.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'était ça le point que vous

15 vouliez évoquer ?

16 Ensuite nous suspendrons la séance. Je suppose qu'on pourrait peut-

17 être demander au témoin de remettre ses écouteurs.

18 Témoin 6, il y a une question de procédure qu'il nous faut discuter, mais

19 nous allons maintenant suspendre la séance et nous reprendrons à 11 heures.

20 Est-ce que Me Harvey pourrait nous donner une indication du temps qu'il lui

21 est encore nécessaire ?

22 M. HARVEY : [interprétation] Ce sera certainement pour l'ensemble du volet

23 de l'audience suivante. Je ne peux pas avec certitude exclure la

24 possibilité que ça ne débordera pas sur le troisième volet, mais j'en aurai

25 certainement fini avec ce témoin aujourd'hui.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais y a-t-il d'autres conseils de

27 la Défense également.

28 Maître Emmerson --

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'attendrais à quelque chose comme 40

2 minutes.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A 40 minutes.

4 Maître Guy-Smith.

5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Quinze minutes à une demi-heure.

6 M. DI FAZIO : [interprétation] Jusqu'à présent très peu de questions

7 supplémentaires.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Jusqu'à présent.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Quelques minutes tout au plus.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je serai tout à fait prêt à tenir la

12 Chambre au courant au fur et à mesure que l'on progresse.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Moi aussi. Il se peut que certaines des

15 questions que j'avais à l'esprit aient déjà été posées à ce moment-là.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président --

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Juste une question logistique si vous le

21 permettez. Est-ce que l'Accusation pourrait en toute sûreté se fonder sur

22 l'idée que nous n'avons pas besoin de faire venir le témoin suivant tout au

23 moins avant la fin du prochain volet de l'audience. Je vois que les

24 conseils de la Défense opinent.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et en même temps, vous avez dit

26 qu'il faudrait certainement un prochain volet peut-être un peu plus. La

27 Chambre souhaiterait vivement savoir s'il s'agit ou non de la totalité du

28 temps pour aujourd'hui que nous allons passer avec ce témoin. Par

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1 conséquent, essayons de voir si nous pouvons commencer au moins avec le

2 prochain témoin. Je ne pense pas qu'on puisse l'avoir pendant une heure,

3 mais tout au moins on pourrait avoir un commencement qui durerait une demi-

4 heure avec le prochain témoin. Bien entendu, l'interrogatoire principal

5 ayant été présenté d'une façon qui n'était pas directive, par conséquent

6 l'équilibre entre l'Accusation et la Défense est toujours un petit peu

7 différent.

8 J'insiste beaucoup pour que les parties trouvent la façon la plus efficace,

9 enfin non, je ferai des commentaires sur ce point tout à l'heure.

10 Nous allons maintenant suspendre et nous reprendrons à 11 heures.

11 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige pour la dernière intervention --

12 Oui, et même temps je vous ai entendu, vous avez dit qu'il vous faudrait au

13 moins le prochain volet d'audience peut être plus, la Chambre voudrait

14 vraiment qu'on ne passe pas toute l'audience à entendre ce témoin-ci.

15 Essayez de voir si nous pourrions commencer le témoin suivant. Je ne dis

16 pas une heure, mais au moins une demi-heure.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

18 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être pourrais-je

20 très brièvement vous présenter un nouveau collègue qui vient de joindre

21 l'Accusation, Mme Antoinette Issa. C'est-elle qui va poser des questions

22 pour l'interrogatoire principal du prochain témoin, je voulais simplement

23 en informer la Chambre de première instance puisque vous allez voir ce

24 nouveau visage.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Di Fazio.

26 Je souhaite la bienvenue à Mme Issa.

27 Maître Harvey, est-ce que vous êtes prêt ?

28 M. HARVEY : [interprétation] Au nom de la Défense, nous souhaitons la

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1 bienvenue à Mme Issa également.

2 Monsieur le Président, deux corrections rapides si vous le permettez. Je

3 m'étais trompé à la page 33 lorsque j'ai dit au témoin que nous parlions du

4 mois de juillet lorsqu'il a été d'abord emmené pour la première fois à

5 Jabllanice. Bien entendu, j'aurais dû dire le mois de juin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 M. HARVEY : [interprétation] Je pense que ceci est clair pour tous. Il y

8 avait également un point à la page 29 lorsque le témoin -- lorsqu'on lui a

9 demandé combien de temps il avait parlé avec Pavle Zuvic lorsqu'il l'a

10 rencontré dans la rue. On me dit que le compte rendu dit que - nous avons

11 eu certains problèmes technologiques ici - on me dit que le compte rendu

12 dit trois à quatre minutes, mais en fait ce que le témoin a dit c'était dix

13 minutes. Ce n'est pas un point essentiel, mais --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je me souviens qu'au moins cela a

15 été traduit comme trois ou quatre minutes. Mais maintenant je regarde cette

16 page --

17 M. HARVEY : [interprétation] La page 29, je crois.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La page 29. Laissez-moi juste vérifier.

19 Oui, il s'agit bien de la ligne 20.

20 Témoin 6, vous nous avez dit que vous aviez rencontré Pavle lorsque vous

21 sortiez du cabinet du médecin. Il y a quelques doutes sur la durée, le

22 temps que vous avez passé lorsque vous l'avez vu. Pourriez-vous nous dire

23 combien de temps cela a duré ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas regardé l'heure qu'il était, nous

25 étions juste-là en train de parler. Je ne peux pas vous dire exactement,

26 cinq ou dix minutes peut-être, mais le point important c'est que nous avons

27 parlé. Nous nous sommes entretenus.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous vous êtes rencontré brièvement en

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1 passant, vous avez une conversation qui a duré au moins quelques minutes;

2 c'est bien cela ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je ne peux pas être très précis en ce qui

4 concerne les minutes ou la durée.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça va bien.

6 Veuillez poursuivre, Maître Harvey.

7 M. HARVEY : [interprétation]

8 Q. Ce qui est plus important, à l'évidence, c'est ce qui a été dit par le

9 Témoin 6. Témoin 6, vous nous avez dit que pendant cette conversation Pavle

10 Zuvic vous avait dit qu'il croyait que Nenad Remistar avait été tué à

11 Jabllanice. C'est bien cela, c'est cela qu'il vous a dit ?

12 R. Oui. C'est ce qu'il m'a dit.

13 Q. Il ne vous a pas dit comment il le savait, comment il l'avait appris et

14 qui le lui avait appris ?

15 R. Non. Il ne me l'a pas dit et je ne lui ai pas demandé.

16 Q. Il vous a dit que son corps n'avait pas été jeté près du canal Radoniq;

17 c'est bien cela ?

18 R. Il ne l'a pas dit.

19 Q. Il ne vous a pas dit que le corps n'avait pas été jeté près du canal

20 dans le lac Radoniq, excusez-moi.

21 R. Non, non, il ne l'a pas fait.

22 Q. Est-ce qu'il vous avait dit qu'il croyait qu'il avait été jeté quelque

23 part dans les montages près de Peje ou de Klina ?

24 R. Oui. C'est ce qu'il m'a dit. Il avait été enterré au bord d'une rue --

25 une rue, mais je ne sais pas à quel endroit ?

26 Q. Il ne vous a pas dit quelle était sa source d'information pour cela ?

27 R. Non.

28 Q. Il ne vous a pas dit si c'était seulement une rumeur ou quelque chose

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1 qu'il avait lui-même découvert ?

2 R. Je ne sais pas où il a obtenu ce renseignement.

3 Q. Je vous remercie. Pour en revenir au temps que vous avez passé à

4 Jabllanice et le point de savoir qui se trouvait avec vous lorsque vous

5 vous trouviez dans cette pièce que vous avez décrite dans cette maison. A

6 quelle heure dites-vous qu'on vous a amené dans cette pièce ?

7 R. C'était dans l'après-midi. Il faisait encore jour.

8 Q. Vous comprenez bien ce que je veux dire par la pièce dans la maison ?

9 R. Oui.

10 Q. Ceci c'est différent du premier bâtiment auquel on vous a amené lors de

11 la première nuit, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. Dans la pièce qui est située, une fois que vous êtes entré dans la

13 cour, du côté gauche. Nous y sommes restés toute la nuit, et on nous a

14 battus et torturés, j'avais perdu connaissance, moi et Nenad. Je ne sais

15 pas l'heure qu'il était lorsqu'ils nous ont emmenés dans une autre pièce

16 qui se trouvait encore une fois à gauche d'un bâtiment comportant quatre

17 pièces, ensuite je ne sais pas ce qui s'est passé pour Nenad après cela.

18 Q. Il se peut qu'il y ait un problème avec la traduction, mais ce que je

19 vois à l'écran c'est que vous avez dit : "Je ne sais pas l'heure qu'il

20 était lorsqu'ils nous ont emmenés dans une autre pièce, là encore du côté

21 gauche d'un bâtiment comportant quatre pièces, ensuite je ne sais pas ce

22 qui est arrivé à Nenad après cela."

23 Est-ce qu'ils vous ont emmenés tous les deux dans cette autre pièce qui se

24 trouvait du côté gauche du bâtiment comportant quatre pièces ?

25 R. Non, moi seulement. Il n'était pas là.

26 Q. Et ceci c'était au bout de 24 heures; c'est cela que vous déclarez ?

27 R. Oui.

28 Q. Alors vous êtes resté seul dans cette pièce pendant -- est-ce que

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1 c'était deux semaines ou --

2 R. Oui.

3 Q. -- trois semaines, trois semaines et demie ?

4 R. Deux semaines, je crois, approximativement deux semaines. Je ne sais

5 pas exactement. Je n'étais pas capable de distinguer la nuit du jour parce

6 que j'étais enfermé dans cette pièce et je n'étais pas capable de savoir

7 l'heure qu'il était et de savoir si c'était le jour ou la nuit. J'étais

8 enfermé et battu.

9 Q. Il s'agit d'une pièce qui a bien une fenêtre ?

10 R. Oui, une.

11 Q. Que voulez-vous dire lorsque vous dites que vous ne pouviez pas savoir

12 si c'était le jour ou la nuit ?

13 R. Mais parce qu'elle était barrée par des planches, des morceaux de bois

14 qui condamnaient cette fenêtre.

15 Q. Donc est-ce que votre déposition c'est que vous n'avez jamais quitté

16 cette pièce pour une raison quelconque pendant toute la durée de ces deux

17 semaines ?

18 R. Non.

19 Q. Est-ce que ceci veut dire, non, vous n'avez pas quitté la pièce, ou

20 est-ce que ça veut dire, non, vous ne dites pas que vous n'avez pas quitté

21 la pièce ?

22 Je vais vous poser la question de façon plus claire. Est-ce qu'on

23 vous a jamais fait sortir de cette pièce pendant ces deux semaines, par

24 exemple, pour vous rendre aux toilettes.

25 R. Une fois par semaine parce qu'on ne m'a rien donné à manger; par

26 conséquent, je n'avais pas besoin d'y aller plus souvent.

27 Q. Qui vous faisait sortir de la pièce pour vous escorter jusqu'aux

28 toilettes ?

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1 R. Il y avait des personnes qui étaient là qui ne m'étaient pas connues.

2 Q. Est-ce que vous dites absolument la vérité lorsque vous dites qu'on ne

3 vous a fait sortir qu'une fois par semaine pour aller aux toilettes ?

4 R. Je ne suis pas sorti plus souvent, je ne suis pas allé parce que, comme

5 je l'ai dit, je ne recevais rien à manger ou à boire. J'étais malade.

6 J'étais souvent inconscient.

7 Q. Vous seriez d'accord, n'est-ce pas, sur le fait que même si la fenêtre

8 était obturée par des planches, ce serait quand même encore possible de

9 voir la lumière dans les intervalles, n'est-ce pas ?

10 R. On pouvait voir un peu de lumière, mais il y avait une autre couche en

11 quelque sorte, je ne sais pas, peut-être une sorte de garage qui vous

12 empêchait de voir clairement.

13 Q. J'essaie seulement d'examiner votre déclaration selon laquelle : "Je ne

14 pouvais pas dire s'il faisait jour ou s'il faisait nuit," je suis en train

15 d'essayer d'examiner avec vous si vous étiez dans un tel état à cause de ce

16 que vous aviez éprouvé que vous exagéreriez ou que vous soyez en train de

17 mentir au Tribunal. Est-ce que vous dites que vous ne pouviez pas dire s'il

18 y avait de la lumière à l'extérieur à aucun moment pendant cette période de

19 deux semaines ?

20 R. On pouvait voir de la lumière dans les interstices, mais pas assez pour

21 vraiment dire ce que c'était.

22 Q. Est-ce que vous aviez une montre ?

23 R. J'en avais une, mais ils me l'ont prise. Ils m'ont pris ma montre et

24 ils m'ont pris mes sous-vêtements. J'étais pratiquement nu. Mon tee-shirt

25 et mes pantalons étaient déchirés et ils ont pris ma montre ou plutôt je

26 devrais dire qu'ils me l'ont volée et ils me l'ont rendue au bout de quatre

27 semaines.

28 Q. Ainsi ils vous l'ont rendue ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et vous êtes en train de nous dire qu'on ne vous a jamais donné même

3 une goutte d'eau pendant deux semaines ?

4 R. Ils nous apportaient très peu d'eau dans ces récipients de verre, pas

5 dans un verre véritable. Je ne sais pas où ils prenaient l'eau. Elle était

6 très sale.

7 Q. Vous venez de dire : "Ils nous apportaient très peu d'eau…"

8 J'avais compris, Monsieur le Témoin, que pendant ces deux semaines vous

9 étiez entièrement seul dans cette pièce. Est-ce que je me trompe ?

10 R. Oui, moi-même, je veux dire moi.

11 Q. Témoin, j'examine votre première déclaration faite aux enquêteurs du

12 Tribunal que vous avez faite en novembre 2002, à la page 5, dernier

13 paragraphe de cette déclaration, on lit ceci : "Pendant la période où j'ai

14 été détenu, je recevais un morceau de pain tous les jours et de l'eau à

15 boire."

16 Je ne suggère pas, Témoin, que c'était un régime idéal, mais est-il

17 exact que vous receviez un morceau de pain tous les jours et de l'eau à

18 boire ?

19 R. Ils l'apportaient, mais je n'étais pas capable de manger ou de boire

20 quoi que ce soit.

21 Q. Vous avez aussi dit lorsque vous avez fait votre déclaration à Zoran

22 Nikic l'an dernier que : "De temps à autre, ils me donnaient du saucisson,

23 du salami, du pain, des haricots."

24 Est-ce que c'est vrai ?

25 R. Non.

26 Q. Alors vous dites "non". Ils ne vous ont jamais donné de salami ou des

27 haricots ?

28 R. Non.

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1 Q. Est-ce que vous pouvez imaginer un motif pour lequel le fonctionnaire

2 du SUP, à qui vous avez fait cette déclaration l'an dernier, mettrait

3 brusquement ceci dans votre déclaration si ça n'a jamais eu lieu ?

4 R. Je ne sais pas ce qu'ils ont écrit là. J'ai donné beaucoup moins de

5 détails. Je ne sais pas ce qu'ils ont écrit là.

6 Q. Ou est-ce que la vérité n'est pas que vous exagérez et vous déformez ce

7 qui s'est exactement passé à Jabllanice devant ce Tribunal parce que vous

8 voulez porter préjudice à mon client, Lahi Brahimaj ?

9 R. Ce que je vous dis, Maître, est vrai. Ce que vous me demandez, qu'est-

10 ce que vous me demandez, je ne le sais pas parce que ces personnes m'ont

11 enlevé et m'ont fait ce qu'ils m'ont fait et ceci est vrai. Toutefois, neuf

12 années se sont écoulées, et depuis lors les choses peuvent être présentées

13 de façon un peu différente parfois, mais les personnes qui sont là vivantes

14 c'est la raison pour laquelle je suis ici pour témoigner contre elles. Je

15 ne suis pas ici pour vous dire si j'ai mangé ou pas mangé des haricots ou

16 du pain.

17 Q. Bien, Monsieur --

18 M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin, si vous ne vous rappelez pas

20 quelque chose, bornez-vous à nous le dire. Néanmoins, vous êtes ici pour

21 répondre à toutes les questions qui vous sont posées. Par conséquent, la

22 question est la suivante : est-ce qu'on vous a donné quelque chose à manger

23 et à boire et qu'est-ce que vous avez reçu à manger ou à boire ? C'est la

24 question que Me Harvey veut élucider, c'est ça qu'il souhaite savoir. Il

25 vous a posé ces questions d'une autre façon à un autre moment et vous avez

26 donné des renseignements qui n'étaient pas exactement les mêmes que ceux

27 que vous donnez aujourd'hui; c'est-à-dire, une première fois vous avez dit

28 que vous receviez du pain et de l'eau tous les jours; une autre fois c'est

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1 consigné sur le papier où vous dites que vous avez reçu du salami ou des

2 haricots. Alors dites-nous, s'il vous plaît, c'était approximativement une

3 période de six semaines. Est-ce que les aliments au début et l'eau étaient

4 les mêmes plus tard ? Est-ce qu'il y a eu un changement de régime ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils nous donnaient un morceau de pain et de la

6 confiture. Lorsque je me suis senti un peu mieux pour manger et pour boire

7 au cours des deux dernières semaines, il est arrivé que nous mangions du

8 pain et des haricots. J'étais avec Gani Brahimaj; nous étions ensemble.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Harvey.

10 M. HARVEY : [interprétation]

11 Q. Bien, ça je vais y venir dans un petit moment. J'essayais avec votre

12 aide, Témoin 6, d'établir combien de temps vous êtes resté seul dans cette

13 pièce après que Nenad ait été emmené et avant que ce Bosniaque et ces trois

14 Monténégrins n'arrivent. Vous rappelez-vous combien de temps cela a duré

15 approximativement ?

16 R. A peu près deux semaines.

17 Q. [hors micro]

18 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

19 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi. Merci.

20 Q. Comment avez-vous appris que ce Bosniaque travaillait à l'usine Elektro

21 à Decani ? Est-ce que vous avez parlé de ça avec lui ?

22 R. Ce sont les soldats qui lui ont dit : Tu as travaillé pour la Serbie à

23 Elektrokosova. Je n'ai pas parlé avec lui de cela parce qu'il ne parlait

24 pratiquement pas l'albanais.

25 Q. Je crois que vous nous avez dit qu'il parlait un peu albanais et que

26 vous aviez eu un peu de conversation avec lui, n'est-ce pas vrai ?

27 R. Oui, il a parlé, mais je ne le comprenais pas parce qu'il mélangeait

28 continuellement l'albanais et le serbe.

Page 5331

1 Q. Vous nous avez également dit que les trois Monténégrins que vous avez

2 vus, vous ne les connaissiez pas précédemment; est-ce exact ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Est-ce que ceci veut dire qu'en fait vous connaissiez le bosniaque,

5 vous l'aviez connu avant ?

6 R. Non.

7 Q. Est-ce que vous avez jamais appris quels étaient leurs noms ?

8 R. Non.

9 Q. Combien de jours et combien de nuits vous êtes-vous trouvés ensemble

10 dans la même pièce ?

11 R. Trois ou quatre jours, pas davantage.

12 Q. Est-ce que vous-même vous leur avez dit votre nom ?

13 R. Non.

14 Q. Au bout de trois ou quatre jours, est-ce qu'on les a emmenés ?

15 R. Ils ont été emmenés et on ne les plus a ramenés. Je ne sais pas où on

16 les a emmenés.

17 Q. Mais pendant ces trois ou quatre jours vous êtes restés tous ensemble

18 pendant tout le temps, pendant 24 heures dans cette pièce; est-ce exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Pendant cette période, vous dites qu'ils avaient été battus, qu'ils

21 avaient reçu des coups et des coups de couteau partout sur le corps; est-ce

22 exact ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Qui était présent quand ceci avait lieu ?

25 R. Je ne les connaissais pas. Je ne sais pas qui.

26 Q. Combien de personnes participaient à cela ?

27 R. Il y avait un homme qui avait ce couteau. Ils sont venus un par un.

28 Quelqu'un lui a donné des coups de pied et des coups, un autre lui a donné

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1 des gifles, quelqu'un d'autre a utilisé une batte de baseball.

2 Q. Pourriez-vous décrire quelles sont les personnes qui ont fait cela ?

3 R. Je ne peux pas vous les décrire.

4 Q. Je vous suggère que c'est parce que ceci n'a jamais eu lieu. Vous ne

5 l'avez jamais vu; ça n'a jamais eu lieu, en fait vous êtes en train de

6 l'inventer, n'est-ce pas ?

7 R. Non, je ne l'invente pas. Les choses se sont passées telles que je les

8 ai décrites, mais je ne connaissais pas ces personnes.

9 Q. Tous ont reçu des coups de couteau, le Bosniaque et les trois

10 Monténégrins ?

11 R. Le Bosniaque en avait reçu plus que les trois autres.

12 Q. Vous étiez présent pendant tout ce temps-là, mais en revanche personne

13 ne vous a donné de coups de couteau à vous ?

14 R. En effet.

15 Q. Parce que s'ils vous avaient donné des coups de couteau vous auriez des

16 cicatrices et on pourrait les voir, n'est-ce pas ?

17 R. Je peux vous montrer les séquelles de mes blessures que l'on m'a

18 infligées avec la batte de baseball. Je suis sur place et je peux vous

19 montrer les séquelles.

20 Q. On va y revenir. Mais après trois ou quatre jours, le Bosniaque et les

21 trois Monténégrins ont été emmenés. Et vous avez dit que peu de temps

22 après, un Musulman albanais, vous l'avez décrit comme étant étoffé, assez

23 gros, d'environ 40 ans, est arrivé de Zahaq et il est arrivé sur place dans

24 le coffre d'une Mercedes­ C'est bien cela ?

25 R. Je ne sais pas où il a été arrêté. Il venait de Zahaq et comme je l'ai

26 dit, il est arrivé dans le coffre de sa propre voiture. C'était avant ma

27 libération, une ou deux semaines avant ma libération. Je n'avais aucune

28 liberté de déplacement. Je l'ai vu quand il est sorti du coffre.

Page 5333

1 Q. C'est quelque chose qui s'est passé au cours de deux dernières semaines

2 de votre présence à Jabllanice ?

3 R. Non, environ quatre semaines avant que je puisse partir.

4 Q. Je veux m'assurer qu'on se comprend bien. Vous êtes en train de nous

5 dire que c'est arrivé quatre semaines avant votre libération ou quatre

6 semaines depuis votre incarcération.

7 R. Quatre semaines après mon arrivée. J'avais un petit plus de liberté à

8 ce moment-là. Je pouvais sortir dans la cour, c'est ainsi que j'ai vu les

9 choses de mes yeux.

10 Q. Avez-vous vu la Mercedes arriver ?

11 R. Oui.

12 Q. L'avez-vous vu sortir du coffre ?

13 R. Oui.

14 Q. A-t-il été placé dans la même pièce que vous, c'est-à-dire, la pièce

15 qui se trouvait sur le devant de la maison, à gauche de la porte d'entrée ?

16 R. Non. Il était dans une autre pièce, une pièce qui était à droite.

17 Q. Avez-vous pu vous entretenir avec lui pendant son séjour ?

18 R. Non.

19 Q. Qui vous a appris qu'il venait de Zahaq ?

20 R. J'avais parlé à Pal Krasniqi.

21 Q. Cet homme de Zahaq, pouvez-vous nous dire combien de temps en tout il

22 est resté à Jabllanice ?

23 R. Deux jours.

24 Q. Quand il est arrivé, avez-vous vu dans quel état il se trouvait ?

25 R. Oui.

26 Q. Pouvait-il se tenir debout ?

27 R. Non. Il était allongé sur le sol dans la pièce.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Désolé d'interrompre, mais je regarde la

Page 5334

1 page 49, ligne 21. La réponse du témoin a été traduite comme étant : "J'ai

2 parlé à Pal Krasniqi." C'était en réponse à une question qui était la

3 suivante : "Mais comment avez-vous appris qu'il venait de Zahaq."

4 Si j'ai bien compris quand on a dit : "J'avais parlé," je ne comprends pas

5 comment il peut faire référence à cette conversation puisque je dois savoir

6 s'il a parlé à Pal Krasniqi après l'arrivée de l'homme de Zahaq ou avant

7 son arrivée.

8 M. HARVEY : [interprétation] De toute façon, je vais y revenir et je vais

9 éclaircir ce point. Je tiens à rassurer mon éminent confrère. Je ne vais

10 pas vous laisser dans le doute.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, allez-y.

12 M. HARVEY : [interprétation]

13 Q. Quand vous dites qu'il ne pouvait pas se tenir debout, cet homme de

14 Zahaq, vous nous avez dit aussi qu'il était allongé dans la pièce qui se

15 trouvait de l'autre côté de la porte d'entrée. C'est bien cela, il gisait ?

16 R. Parfois on m'ordonnait de lui donner de l'eau pour qu'il puisse boire.

17 Q. C'est au moment où vous travailliez à la cuisine ?

18 R. Non.

19 Q. Donc, c'est arrivé à Jabllanice avant que ne commence la période où

20 vous avez pu travailler dans la cuisine ?

21 R. C'était au cours de la période où j'avais un peu plus de liberté de

22 déplacement. C'est à ce moment-là qu'il est arrivé.

23 Q. Essayons de nous pencher sur le déroulement des choses. Vous avez été

24 détenu pendant environ quatre semaines avant que l'on ne vous accorde un

25 peu de liberté. C'est bien cela ?

26 R. Oui. Après quatre semaines de détention, on m'a accordé un peu plus de

27 liberté. J'ai pu me déplacer un peu plus librement.

28 Q. Donc, il y a eu ce moment-là où vous avez eu plus de liberté, ensuite à

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1 un stade ultérieur, vous avez travaillé à la cuisine ?

2 R. Mais non, je ne travaillais pas à la cuisine. Je faisais la vaisselle.

3 Q. Certains d'entre nous appelleraient ça du travail, mais j'y reviendrai.

4 Vous dites que cet homme de Zahaq n'est resté que deux jours, mais pendant

5 le temps qu'il a passé sur place, y a-t-il eu d'autres personnes qui ont

6 été amenées ?

7 R. Oui.

8 Q. Combien, s'il vous plaît ?

9 R. Il y avait Pal Krasniqi, puis un autre qui venait de Grabanica, mais je

10 ne connais pas son nom.

11 Q. Mais Pal et cet individu de Grabanica, ils sont arrivés ensemble ?

12 R. Non, ils sont arrivés à des moments différents.

13 Q. Qui est arrivé en premier ?

14 R. Pal.

15 Q. Pal est-il arrivé avant cet homme de Zahaq ou après ?

16 R. C'est l'homme de Zahaq qui est arrivé en premier, un jour avant Pal.

17 Q. En ce qui concerne l'individu de Grabanice, pouvez-vous nous dire quand

18 il est arrivé par rapport à l'arrivée de l'homme de Zahaq ?

19 R. Deux ou trois heures après; je l'ai vu quand il est arrivé.

20 Q. Soyons clairs, c'est deux ou trois heures après Pal ou deux à trois

21 heures après l'homme de Zahaq ?

22 R. Deux à trois heures après Pal.

23 Q. Mais vous connaissiez déjà Pal, n'est-ce pas ?

24 R. Non.

25 Q. Comment avez-vous appris son nom ?

26 R. Quand je lui ai apporté de l'eau et du pain, je lui ai demandé quel

27 était son nom et je lui ai demandé d'où il venait.

28 Q. Se trouvait-il dans la même pièce que l'homme de Zahaq ?

Page 5336

1 R. Oui, tous les deux étaient battus, Pal et l'homme de Zahaq. L'homme de

2 Zahaq avait été aussi passé à tabac la veille, et ce jour-là, tous les deux

3 on les a battus en permanence.

4 Q. Quand vous dites "en permanence," est-ce que cela veut qu'il y avait un

5 soldat, voire deux soldats qui sont restés avec eux en permanence toute la

6 journée ?

7 R. Parfois, il y en avait un qui était à la porte, parfois il ne leur

8 tapait pas dessus, mais les soldats rentraient dans la pièce l'un après

9 l'autre et les frappaient. C'était leur programme.

10 Q. J'aimerais que l'on comprenne ce que vous avez dit. Vous dites :

11 "Parfois il y en avait un qui était à la porte, parfois ils ne les

12 battaient pas." Mais les soldats rentraient dans la pièce l'un après

13 l'autre.

14 Cela signifie qu'il y avait toujours soit un soldat qui montait la garde à

15 la porte ou un soldat à l'intérieur de la pièce en train de les passer à

16 tabac, voire une troisième possibilité, par moments ils étaient seuls sans

17 présence d'aucun soldat ?

18 R. Parfois il n'y avait pas de soldats. La porte était fermée à clé et il

19 n'y avait pas de soldats. C'est arrivé.

20 Q. L'homme de Grabanice, pouvez-vous nous dire où il se trouvait ?

21 R. Dans la même pièce que Pal et que l'homme de Zahaq.

22 Q. Lui aussi a fait l'objet d'un passage à tabac ?

23 R. Non.

24 Q. Comment le savez-vous ?

25 R. Parce qu'il était marié à quelqu'un de Jabllanice et la famille de sa

26 femme a appris ce qui s'était passé, elle est venue, la famille est

27 intervenue et il a ainsi échappé aux passages à tabac.

28 Q. Il est arrivé le deuxième jour du séjour de l'homme de Zahaq, bien que

Page 5337

1 Pal ait été battu aussi, cet homme de Grabanice, lui, n'a pas été battu;

2 c'est bien cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous êtes rentré dans cette pièce et vous avez vu dans quel état se

5 trouvait cet homme de Zahaq ?

6 R. Oui, quand je lui apportais un peu d'eau à boire, c'est à ce moment-là

7 que je pouvais le voir.

8 Q. Etait-il capable de boire de l'eau ?

9 R. Non, je devais le faire boire.

10 Q. Quand vous le faisiez boire, est-ce qu'il a réussi à avaler l'eau avec

11 votre aide ?

12 R. Parfois je laissais l'eau dans la carafe dans la pièce et c'est Pal

13 Krasniqi qui l'aidait à boire.

14 Q. Vous dites que "parfois" vous faisiez cela, mais cela veut dire que

15 vous êtes venu le voir dans cette pièce plus d'une fois ?

16 R. Je n'y suis allé que quand je devais lui apporter de l'eau ou du pain,

17 mais je n'allais dans la pièce. J'allais à la porte.

18 Q. Mais vous rentriez quand même dans la pièce ?

19 R. Non.

20 Q. Vous venez de nous dire en réponse à ma question et je vous demandais

21 s'il était capable de boire de l'eau et vous avez dit : "Non, j'ai dû

22 l'aider à boire."

23 Alors, vous avez réussi à l'aider à boire, oui ou non ?

24 R. J'ai laissé la carafe à l'intérieur de la pièce près de la porte et

25 c'était Pal qui la prenait. Quant à savoir s'il a bu ou non, ça je n'en

26 sais rien.

27 Q. Pouvez-vous nous parler de l'état dans lequel se trouvait l'homme de

28 Zahaq ? D'abord est-ce qu'il gisait ?

Page 5338

1 R. Oui. Il gisait.

2 Q. Mais ses yeux étaient-ils ouverts ?

3 R. Non, il avait les yeux fermés. Il était gros et il ne pouvait plus

4 ouvrir ses yeux de toute façon parce qu'il avait des hématomes à cause des

5 passages à tabac.

6 Q. Quelle partie de son corps était gonflée -- enfin pouvez-vous nous dire

7 d'où ses traits étaient gonflés ?

8 R. Il était gros déjà et à cause des sévices il était tellement boursouflé

9 de partout que j'avais l'impression que ses habits allaient éclater.

10 Q. Avez-vous assisté à des sévices ? L'avez-vous en train de se faire

11 battre ?

12 R. Oui, quand il est sorti du coffre de la voiture, là ils l'ont battu.

13 Nazmi, Lahi et les personnes dont j'ai déjà parlées dans ma déclaration.

14 Après cela, quand il a essayé de s'échapper, il a été rattrapé, non

15 seulement lui mais aussi Pal Krasniqi aussi. C'est l'autre de Grabanice qui

16 a ouvert la fenêtre et qui a essayé de s'échapper par la fenêtre. Il

17 n'était pas battu, donc il pouvait s'enfuir, il pouvait courir alors que

18 les deux autres qui avaient été passés à tabac ne pouvaient plus courir.

19 Q. Vous venez de nous dire, et ça c'est pour la première fois, qu'il avait

20 été battu par Nazmi, Lahi et les personnes que vous aviez mentionnées dans

21 votre déclaration. Je vous affirme, tout d'abord, que Lahi n'était pas

22 présent lorsque cette personne est arrivée à Jabllanice et qu'au mieux vous

23 faites une erreur en disant cela.

24 R. Non, il était là. C'est tout ce que j'ai à dire.

25 Q. Je regarde votre déclaration - corrigez-moi si je me trompe - mais dans

26 cette déclaration vous ne faites aucune référence à ces individus, à qui

27 vous avez fait référence soi-disant dans votre déclaration. Ensuite la

28 première fois que vous parlez de l'homme de Zahaq c'est en novembre 2002.

Page 5339

1 Vous ne parlez absolument pas du passage à tabac. Pensez-vous que vous vous

2 seriez trompé ?

3 R. Non, je n'ai pas fait d'erreur, peut-être que le traducteur a oublié de

4 le consigner.

5 Q. Dans votre deuxième déclaration, c'est la première fois que vous parlez

6 de cette tentative d'évasion --

7 M. HARVEY : [interprétation] Il s'agit de la page 3 de la déclaration qui a

8 été faite le 17 et le 18 janvier 2002.

9 Q. Vous dites et je cite :

10 "Maintenant, je me souviens aussi que cet Albanais," donc il s'agit

11 de l'Albanais de Zahaq, "a essayé de s'enfuir de la prison avec deux autres

12 prisonniers."

13 Donc lors de votre première déclaration, vous aviez totalement oublié

14 cet événement, cette tentative d'évasion ?

15 R. Je n'ai pas compris votre question.

16 Q. Lorsque vous avez fait votre première déclaration, à l'enquêteur du

17 bureau du Procureur en novembre 2002, vous avez négligé de parler d'une

18 tentative d'évasion. Vous n'avez même pas abordé le sujet.

19 R. J'ai sans doute oublié. J'ai oublié d'en parler à l'époque.

20 Q. Maintenant je regarde votre deuxième déclaration en date de février

21 2003. Vous ne parlez absolument pas d'un passage à tabac qui lui aurait été

22 infligé lorsqu'il est arrivé, au sortir du coffre de la voiture -- non, je

23 vais en revenir à Pal Krasniqi, si je puis. Comme l'a fait remarquer Me

24 Emmerson --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, j'essaie de m'y

26 retrouver. J'essaie de trouver cette déclaration en date de février 2003.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que c'est une erreur. Il s'agit en

28 fait de janvier 2003. Il y en a une autre qui est de février 2004.

Page 5340

1 M. HARVEY : [interprétation] J'en suis désolé.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut être précis, Maître Harvey.

3 M. HARVEY : [interprétation] Mais je le serai.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous rentrez vraiment dans les détails.

5 Nous ne sommes pas contre que l'on rentre dans les détails, mais vous êtes

6 en train de nous dire, par exemple, que le témoin a travaillé dans la

7 cuisine alors que le témoignage du témoin est qu'à la fin de son séjour il

8 était avec Gani et que c'est là que Gani était un cuisinier. On parle de

9 cuisine, mais d'une cuisine de fortune, ensuite les personnes s'évadent.

10 Vous rentrez toujours dans les détails. Vous voulez peut-être être très

11 précis, certes, mais les Juges se demandent s'il est vraiment si utile de

12 rentrer dans de tels détails, puisque que parfois vos questions nous

13 semblent peu utiles.

14 M. HARVEY : [interprétation] Mais je vous entends bien. J'essaie de faire

15 ce que j'ai fait avec les documents qui me sont donnés. Il n'y a pas

16 uniquement les déclarations du témoin et j'essaie de vérifier si le témoin

17 est crédible, oui ou non.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, oui. On comprend bien où vous

19 voulez en venir. Allez-y.

20 M. HARVEY : [interprétation] Je vais essayer quand même de ne pas couper

21 les cheveux en quatre.

22 Q. Monsieur le Témoin, vous nous dites que vous vous êtes entretenu avec

23 Pal Krasniqi et que vous avez pris de sa bouche que l'autre homme venait de

24 Zahaq. Pourriez-vous nous dire exactement quand vous avez parlé à Pal

25 Krasniqi à propos de tout cela ?

26 R. Deux semaines avant ma libération ou un peu avant. C'est quand j'avais

27 un peu plus de liberté de déplacement. Vous pouvez parler de la cuisine. Ce

28 n'est pas du tout une cuisine comme on pourrait avoir ici dans ce bâtiment.

Page 5341

1 C'était dans un pré. C'était une cuisine de fortune dans un pré, on pouvait

2 bien voir les alentours. On pouvait voir tous les alentours à des milliers

3 de mètres.

4 Q. Quand vous êtes-vous entretenu avec Pal Krasniqi ? Quand est-ce qu'il

5 vous a dit que l'autre homme venait de Zahaq ?

6 R. Dans la cour, quand lui aussi on l'a autorisé à aller dans la cour. Je

7 lui ai demandé d'où venait cette autre personne et il m'a répondu : Il est

8 de Zahaq, mais il ne savait rien d'autre.

9 Q. C'était lors du premier jour que Pal a passé là ou du deuxième jour ?

10 R. Non, non, après un petit moment quand il a pu marcher et sortir.

11 Q. L'homme de Zahaq était-il encore là à ce moment-là ?

12 R. Non. Il avait été envoyé à l'hôpital à Gllogjan ou Decane. C'est ce que

13 j'ai entendu.

14 Q. Vous l'avez entendu de la part de qui ?

15 R. Je parlais avec Gani Brahimaj souvent. Il travaillait comme cuisinier.

16 On était proches, et je parlais avec lui.

17 Q. Mais quelle était la distance entre la maison de Gani Brahimaj et

18 l'endroit où vous étiez détenu ?

19 R. Il y avait environ 40 à 50 mètres.

20 Q. Vous vous êtes rendu dans la maison de Gani Brahimaj ?

21 R. Non.

22 Q. Si vous ne vous y êtes pas rendu, alors comment pouvez-vous savoir où

23 cette maison se trouvait ?

24 R. C'est lui qui me l'a dit.

25 Q. Pouvez-vous nous dire où on cuisait le pain qui était destiné aux

26 soldats se trouvant dans la caserne ?

27 R. Là où il y a le mur en béton, le mur blanc en béton; avant c'était

28 couvert et il y avait un four là, c'est là que Gani faisait cuire le pain.

Page 5342

1 Q. Vous l'avez aidé à cuire et à préparer le pain ?

2 R. Non, non.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, juste pour le témoin.

4 Monsieur le Témoin 6, le bruit que vous entendez maintenant ce n'est qu'un

5 petit test de sécurité au Pays-Bas, ne vous inquiétez pas si vous entendez

6 ce bruit.

7 Poursuivez, Maître Harvey.

8 M. HARVEY : [interprétation] Ce n'est pas seulement le témoin qui l'entend.

9 Je suis ravi aussi de l'entendre.

10 Q. Monsieur, quelle est la distance du domicile de Nazmi Brahimaj par

11 rapport à la caserne ?

12 R. Je ne connais pas bien Jabllanice. Le jour où je suis parti, j'ai pu

13 voir qu'à partir de l'endroit où j'étais détenu en prison que cela pouvait

14 être à une distance de 200 mètres, 250 mètres. C'est lorsque je suis allé

15 chercher les papiers et la voiture, mais ils ne m'ont pas donné la voiture.

16 Q. Donc vous êtes sorti de la caserne pour obtenir les papiers de Nazmi

17 Brahimaj. C'est cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Et vous avez marché jusqu'à sa maison ?

20 R. Les documents qu'ils m'ont donnés, qu'ils avaient gardé ma voiture pour

21 des raisons militaires par exemple, cela s'est passé le dernier jour. Et

22 c'est ce jour-là que je me suis rendu compte de la distance qui séparait sa

23 maison du lieu de détention.

24 Q. Mais comment avez-vous trouvé sa maison ?

25 R. Un soldat est venu avec moi.

26 Q. Comment est-ce que vous saviez où se trouvait la maison de Gani ?

27 R. Ce soldat m'a dit : Voilà où se trouve sa maison et son bureau, parce

28 que je ne le savais pas auparavant.

Page 5343

1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je m'excuse, mais de quelle maison

2 parlez-vous ? Vous parlez maintenant de la maison de Gani à nouveau; c'est

3 cela ?

4 M. HARVEY : [interprétation] Oui, oui, la maison --

5 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Mais ce n'est pas l'adresse dont il

6 était question auparavant ?

7 M. HARVEY : [interprétation]

8 Q. La maison où vivait Gani Brahimaj, vous saviez où elle était, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez pu faire un croquis, une carte et un croquis à l'intention

12 des enquêteurs en novembre 2002, et sur ce croquis vous avez montré la

13 distance entre la caserne, la maison de Gani Brahimaj ainsi que celle de

14 Nazmi Brahimaj ?

15 R. Ils me l'ont montrée sur l'ordinateur, ensuite j'ai dessiné ce croquis

16 et j'ai indiqué les distances.

17 Q. Donc, vous vous souveniez bien de la distance entre ces différents

18 bâtiments, et ce, même si trois années et demie s'étaient écoulées depuis

19 votre départ de Jabllanice. Est-ce exact ?

20 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question, je vous prie ?

21 Q. Vous vous souveniez très bien de la distance entre ces trois bâtiments,

22 à savoir la caserne, la maison de Gani et la maison de Nazmi alors que plus

23 de trois années s'étaient écoulées depuis votre départ de Jabllanice.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, je vous en prie. Est-ce

25 que le témoin pourrait peut-être nous dire ce qu'on lui a montré sur

26 l'ordinateur avant que vous ne lui posiez des questions à propos de ce dont

27 il se souvient ?

28 Est-ce que vous pourriez nous dire, je vous prie, Monsieur, parce que vous

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1 avez dit : "Ils me l'ont montrée sur l'ordinateur, ensuite j'ai dessiné ce

2 croquis." Qu'est-ce qu'ils vous ont montré exactement sur l'ordinateur ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] La maison où j'ai été détenu, cette prison et

4 d'autres maisons qui se trouvaient sur la carte. Maintenant, si vous me

5 posez la question, je ne sais pas où se trouvent ces maisons, si elles ont

6 été détruites, si elles ont été reconstruites parce que je ne suis plus

7 jamais retourné à Jabllanice, donc je ne connais pas très bien Jabllanice.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'ils vous ont montré des

9 photographies de ces maisons ou est-ce qu'ils vous ont montré une carte ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont montré -- ou plutôt ils m'ont

11 demandé de dessiner une sorte de croquis pour leur expliquer la distance

12 entre les différentes maisons. Ils m'ont dit : Si vous allez de Jabllanice

13 vers Gjakove, je leur ai montré où est-ce qu'il fallait aller. Vous avez

14 les maisons sur la gauche, la mosquée qui est un peu plus loin sur la

15 droite.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'ils vous ont montré des

17 photographies de ces maisons également ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ils m'ont montré une photographie de

19 Jabllanice, du village du Jabllanice.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites une photo, vous

21 entendez quoi exactement ? Une photographie, une photographie aérienne, une

22 carte ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils m'ont montré toute une photo de l'endroit

24 qui s'appelle Jabllanice, il n'y avait pas de croquis. Il n'y avait que des

25 maisons les unes à côté des autres.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cette photo, est-ce qu'elle a été

27 prise -- est-ce qu'il s'agissait d'une photographie aérienne prise d'un

28 avion ou est-ce qu'il s'agissait d'une photographie qui avait été prise

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1 alors que le photographe se trouvait présent sur le terrain ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. C'est une photographie aérienne.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Harvey.

4 M. HARVEY : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, est-ce que

5 nous pourrions avoir, je vous prie, le document 3D162 [comme interprété].

6 Je souhaiterais que ce document soit affiché sur nos écrans et j'aimerais

7 ensuite que nous puissions prendre le croquis qui normalement devrait se

8 trouver à la page 11 de ce document. Vous avez comme numéro qui se trouve

9 inscrit en haut, le numéro U0031302 [comme interprété]. Premièrement,

10 puisque nous avons maintenant ce document affiché à l'écran, je pourrais

11 peut-être demander au témoin s'il peut nous dire s'il s'agit de sa

12 déclaration ?

13 Q. Monsieur, est-ce que vous reconnaissez ce document comme un exemplaire

14 de la déclaration que vous avez faite le 26 et le 28 novembre 2002 ? Vous

15 voyez qu'il y a votre nom qui figure à l'écran ainsi que la date en bas de

16 page -- ou la date plutôt après votre nom ?

17 R. Je ne m'en souviens pas parce que j'ai fait beaucoup de déclarations.

18 M. HARVEY : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, je ne sais pas

19 si nous pourrions peut-être avoir les autres pages de ce document ?

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Il s'agit de la 11e page. Je sais que les

21 numéros ERN ne sont pas forcément une source d'orientation très utile, mais

22 il s'agit de la 11e page.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je m'excuse mais il n'y a que dix

24 pages.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai le document original, huit

26 pages, avec une version anglaise. Maître Harvey, vous avez fait référence

27 au numéro ERN, les trois derniers chiffres sont les chiffres 391 et vous

28 souhaitez avoir quoi ?

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1 M. HARVEY : [interprétation] Le 392.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 302 ?

3 M. HARVEY : [interprétation] Non, 392.

4 M. DI FAZIO : [interprétation] J'espère que je ne vais induire personne en

5 erreur, j'ai fait des notes, j'ai un petit mémo, il s'agit de la pièce 777

6 pour la liste 65 ter. J'espère que cela sera utile.

7 M. HARVEY : [interprétation] Je vous suis extrêmement reconnaissant,

8 Monsieur Di Fazio [comme interprété]. Nous verrons si nous pouvons

9 maintenant trouver le document avec l'aide de Mme la Greffière d'audience.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, on l'impression que tous les

11 addenda n'ont pas été repris dans la version électronique. Si nous ne

12 trouvons pas la version électronique, nous pourrions peut-être faire en

13 sorte de placer sur le rétroprojecteur le croquis. Ainsi le témoin pourra

14 le consulter.

15 M. HARVEY : [interprétation] Ce sera peut-être la solution la plus rapide à

16 ce problème.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. HARVEY : [interprétation] Je vous suis extrêmement reconnaissant,

19 Monsieur le Président, d'avoir suggéré cette solution.

20 J'ai une copie sur laquelle il n'y absolument pas d'annotations. Est-ce que

21 l'on pourrait retourner le document dans le sens contraire des aiguilles

22 d'une montre.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas que ce document soit

24 diffusé à l'intention du public.

25 M. HARVEY : [interprétation] Oui, oui. Je vous remercie, Monsieur le

26 Président, je suis très reconnaissant de nous avoir rappelé cela. Je crois

27 comprendre de Mme Trapani que nous avons un numéro de référence 3D010193.

28 Q. Monsieur, vous voyez le croquis que vous avez dessiné en novembre 2002

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1 et que vous avez d'ailleurs signé, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. A quoi fait référence le numéro 1 qui se trouve sur ce document ?

4 R. A l'endroit où j'ai été détenu pendant six semaines.

5 Q. On voit qu'il y quelque chose d'écrit à la gauche de cet endroit que je

6 ne peux pas lire. Est-ce que vous pourriez nous en donner lecture, Monsieur

7 ?

8 R. A la gauche ?

9 Q. Oui. Vous avez un encadré où il y a le 1, puis juste à gauche il y a

10 quelque chose qui est écrit et j'ai l'impression que le mot commence par B

11 en fait. Alors à quoi correspond ce mot ?

12 R. C'est un 3, ce n'est pas un B. L'encadré dont vous nous parlez c'est

13 l'encadré numéro 3. Ce qui se trouve sur la droite, c'est la mosquée.

14 Q. Monsieur, je souhaiterais que vous regardiez le côté droit du croquis.

15 Il y a un encadré avec le chiffre 1 et juste au-dessus, vous avez le

16 chiffre 200. Vous le voyez cela ?

17 R. Oui, je le vois.

18 Q. Donc, vous avez cet encadré où il y a 1 et juste à la gauche il y a un

19 mot qui est écrit. Est-ce que vous pourriez nous dire ce à quoi cela

20 correspond ? Premièrement, est-ce qu'il s'agit bien de votre écriture ?

21 R. Oui, c'est "la prison."

22 Q. Bien. Puis, vous avez le chiffre 200, ensuite au-dessus un autre

23 encadré avec un 2 et ce qui ressemble à Ibrahimaj écrit à côté. Est-ce que

24 cela indique la distance de 200 mètres entre le bâtiment numéro 1 et le

25 bâtiment numéro 2 ?

26 R. Oui, c'est exact. C'est peut-être une distance plus ou moins importante

27 que 200 mètres, mais c'est environ cela.

28 Q. Le carré qui se trouve entre le 1 et le 2, à quoi est-ce qu'il

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1 correspond ce carré que vous avez dessiné ?

2 R. Je n'en sais rien. Peut-être que c'est la maison de Gani Brahimaj.

3 Q. Le chiffre trois à quoi correspond-il, le chiffre 3 qui se trouve sur

4 la partie droite du croquis ?

5 R. C'est la mosquée.

6 Q. Est-ce que c'est bien le mot que vous avez écrit en dessous, c'est le

7 mot qui veut dire mosquée ce que vous avez écrit en dessous ?

8 R. Oui.

9 Q. La mosquée ne se trouvait pas à cet endroit pendant la guerre, n'est-ce

10 pas ?

11 R. La mosquée était là avant la guerre. Elle existait, mais elle n'avait

12 pas de minaret. Maintenant je ne sais pas s'ils l'ont réparée parce que je

13 ne suis plus jamais retourné à Jabllanice. Mais lorsque je suis arrivé là-

14 bas, lorsqu'ils m'ont emmené à la prison, je l'ai vue. Lorsque je suis allé

15 à la maison des Brahimaj pour obtenir des papiers, je l'ai vue également.

16 Q. Oui, mais la réalité, Monsieur, c'est que vous aviez toute latitude

17 pour vous déplacer dans ce village pendant quasiment tout le temps que vous

18 avez passé à Jabllanice, n'est-ce pas ?

19 R. Pendant les deux semaines que j'ai mentionnées, j'ai dit que je

20 disposais de plus de liberté, j'aurais pu m'échapper mais je ne voulais pas

21 courir ce risque. Je voulais voir de quel genre de personnes il s'agissait.

22 Je voulais voir quelle était leur intégrité, leur comportement moral.

23 Q. Vous êtes en train de nous dire que c'est parce que vous étiez curieux

24 que vous n'êtes pas parti ?

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Le témoin a dit qu'il ne voulait pas courir

26 de risques ce qui signifie qu'il y avait des conséquences; puis il a dit en

27 deuxième temps qu'il voulait voir à quel genre de personne il avait

28 affaire.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que j'aurais pensé la même

2 chose, Monsieur Di Fazio, en entendant la question parce que si l'on

3 suggère que c'est ce qu'a dit le témoin on ne reprend pas l'intégralité de

4 sa réponse. Mais voyons ce que le témoin a à nous dire.

5 Monsieur, Me Harvey vous a demandé si c'était la curiosité qui vous a fait

6 rester là-bas alors que vous auriez pu quitter cet endroit.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais eu la possibilité de partir mais je ne

8 suis pas parti.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais Me Harvey vous a demandé si

10 c'est la curiosité qui vous a fait rester là-bas.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas très bien votre question,

12 Monsieur le Président.

13 M. HARVEY : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que la

14 dernière réponse est la réponse qui me satisfait. Je peux tout à fait

15 l'accepter et passer à autre chose. Il avait dit : "J'avais la possibilité

16 de partir mais je ne l'ai pas fait."

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites donc. Poursuivez.

18 M. HARVEY : [interprétation]

19 Q. Monsieur, je vais vous expliquer de façon très claire ce que j'opine

20 par rapport aux blessures que vous indiquez avoir reçues. Voilà ce que je

21 suggère. Je pense que vous avez exagéré de façon tout à fait déraisonnable

22 tout ce que vous avez raconté à propos des passages à tabac, des exactions,

23 des sévices, des blessures. Vous avez également exagéré la période de votre

24 détention à Jabllanice alors que vous faisiez l'objet d'une enquête. Vous

25 comprenez ce que j'avance, je suis en train de vous dire que vous êtes en

26 train d'exagérer de façon absolument tout à fait déraisonnable sans tenir

27 compte de la réalité. Vous avez exagéré ce que vous est arrivé et je vais

28 entrer dans les détails de ce que j'avance phase par phase.

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1 R. Je vous ai relaté mon expérience. Vous pouvez me dire ce que vous

2 voulez, Maître, mais je vous ai raconté et relaté ce par quoi je suis

3 passé, quelles sont les blessures que j'ai reçues et toute la souffrance

4 que cela représentait pour moi.

5 Q. Premièrement, vous me dites qu'à votre arrivée à Jabllanice, on vous a

6 fait sortir de la voiture et que vous avez été passé à tabac et roué de

7 coups et roué de coups jusqu'au moment où les soldats, qui vous rouaient de

8 coups, étaient complètement épuisés. Vous continuez à vous en tenir à cette

9 version des faits ?

10 R. Ils ont changé les soldats. Eux, ils faisaient cela chacun leur tour.

11 J'ai perdu connaissance à cause de toutes ces tortures.

12 Q. Vous nous avez dit qu'ils vous ont passé à tabac et qu'ils vous ont

13 roué de coups avec tout ce qui leur tombaient sous la main et vous avez

14 même fait référence à des battes de baseball. Vous continuez à vous en

15 tenir à cela ?

16 R. Oui, tout à fait. Ils ont utilisé tout ce qui leur tombait sous la

17 main, des battes de baseball, des bâtons, et cetera.

18 Q. Et tout cela s'est passé la première nuit de votre arrivée ? Pour le

19 moment, je ne parle que de cette première nuit, nous aborderons le reste

20 par la suite.

21 R. Oui, la première nuit, oui.

22 Q. Ils vous ont roué de coups et ils vous ont fait subir ces exactions

23 pendant toute la nuit ?

24 R. Ils nous ont frappés de façon continue.

25 Q. Je voulais m'assurer que nous comprenions bien. Ils vous ont frappés et

26 roués de coups à partir du moment où vous êtes arrivés jusqu'à l'aube,

27 pendant toute la nuit ? C'est ce que vous êtes en train de nous dire ?

28 R. J'ai perdu connaissance. Parfois je reprenais connaissance, parfois je

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1 replongeais, vous savez lorsque vous n'êtes pas véritablement conscient de

2 ce qui vous arrive, vous perdez la notion du temps. Peut-être que trois

3 jours se sont écoulés.

4 Q. Vous nous dites que peut-être trois jours se sont écoulés avant que

5 vous ne soyez déplacé du premier bâtiment où vous étiez jusqu'à cette pièce

6 qui se trouve dans la maison. C'est maintenant ce que vous êtes en train

7 d'avancer à notre égard de façon sérieuse ?

8 R. Ce que je vous dis c'est que j'avais perdu connaissance et que je suis

9 absolument incapable de vous dire s'ils m'ont roué de coups pendant la

10 nuit, le matin, jusqu'à une certaine heure. Je ne peux pas vous le dire.

11 C'est pour cela que je vous dis que peut-être que trois jours se sont

12 écoulés. Je n'en sais rien.

13 Q. Mais hier vous nous avez dit qu'on ne vous a jamais présenté de raisons

14 pour expliquer ce traitement et ce passage à tabac. Vous continuez à vous

15 en tenir à ce que vous avez dit ?

16 R. Non.

17 Q. Ils ne vous ont jamais posé de questions ?

18 R. Oui, ils m'ont posé des questions. Ils m'ont dit : Tu étais avec des

19 Serbes, parce qu'eux-mêmes d'ailleurs ils passaient leur temps, jour et

20 nuit, avec des Serbes, et ils m'ont accusé d'être avec des Serbes, alors

21 que je n'étais qu'un agriculteur.

22 Q. Vous étiez un agriculteur qui avait un pistolet. Que faisiez-vous de ce

23 pistolet ?

24 R. Rien. Mon père avait ce permis pour avoir un pistolet, après quelques

25 années j'ai changé les papiers, les documents, et le pistolet est devenu

26 mon pistolet sur le papier -- dans les documents.

27 Q. Vous conduisiez une voiture et vous aviez un pistolet sur vous. Lorsque

28 vous êtes arrivé au barrage routier serbe, est-ce que la police serbe vous

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1 a fouillé ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce qu'ils vous ont demandé de leur présenter vos papiers ?

4 R. Non. Ils m'ont arrêté. Ils m'ont vu. J'étais avec ma famille et ils

5 m'ont dit de ne pas emprunter cette route et j'ai rebroussé chemin.

6 Q. Ils ne vous ont pas demandé de présenter votre permis de conduire ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous connaissiez l'un des officiers de police serbe qui vous

9 ont arrêté ?

10 R. Non.

11 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit de rebrousser chemin parce qu'il y avait le

12 risque de trouver sur votre chemin un barrage routier de l'UCK ?

13 R. Ils m'ont dit : Vous ne devriez pas emprunter cette direction avec

14 votre famille. Vaut mieux que vous rentriez chez vous. Ce n'est pas très

15 bon de conduire dans ce secteur. Donc, j'ai dû rebrousser et repartir en

16 direction de mon foyer.

17 Q. Lorsque vous avez été arrêté au barrage routier de l'UCK, vous avez été

18 fouillé là, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Ils ont trouvé le pistolet sur vous; c'est exact ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Vous leur avez dit que vous aviez un permis de port d'armes. Est-ce que

23 vous leur avez montré ce permis ?

24 R. Ils ont pris mon pistolet avec le permis.

25 Q. Pourquoi est-ce que vous aviez avez vous dans la voiture un pistolet ?

26 R. Mais je l'avais, j'avais le permis de port d'armes, donc j'avais cette

27 arme.

28 Q. Est-ce que c'était un pistolet de la police ?

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1 R. Oui.

2 Q. A qui est-ce que la police donnait ces pistolets, aux policiers

3 réservistes ?

4 R. Lorsque la police albanaise était là, j'avais eu la permission et

5 j'avais également eu cette permission lorsque la police serbe est arrivée.

6 Q. Est-ce que vous aviez un album photographique dans votre voiture

7 lorsque vous avez été arrêté ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous aviez des photographies ?

10 R. Seulement de "Hil". Oui, j'avais une photo, une seule photo avec un

11 ami.

12 Q. La traduction que nous voyions à l'écran est : "Seulement de Hil." Est-

13 ce que Hil est le nom de cet ami ?

14 R. Que dites-vous ?

15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je pense qu'ici il s'agit d'un

16 malentendu. Je pense que c'était seulement une pellicule. C'est ce que

17 j'avais compris.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semblait aussi avoir entendu cela.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'avais parlé d'une pellicule photo.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Q. Vous aviez une photographie de vous-même avec un ami. Est-ce que cet

23 ami était officier de police ?

24 R. Oui, c'était un officier de police à la retraite.

25 Q. Vous connaissiez un certain nombre d'officiers de police, n'est-ce pas,

26 Monsieur le Témoin numéro 6 ?

27 R. Non.

28 Q. Lorsque vous êtes entré dans l'hôtel Kadett, vous y avez trouvé des

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1 photographies, n'est-ce pas ?

2 R. De la personne dont la voiture avait été arrêtée.

3 Q. Et dès que vous avez vu ces photographies, vous avez reconnu cette

4 personne, n'est-ce pas ? Vous avez reconnu qu'il s'agissait de Nenad ?

5 R. Oui, son nom était Nenad. Il travaillait comme policier affecté à la

6 circulation. J'ai pu le reconnaître parce que lorsque je suis allé à

7 Gjakove, je l'avais vu.

8 Q. Vous ne l'avez pas simplement vu, vous saviez dans quel village il

9 habitait, un village qui était proche de Klina, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Comment saviez-vous qu'il habitait ce village ?

12 R. Le policier albanais me l'avait dit. Il m'avait dit d'où il était.

13 Q. Excusez-moi, quel policier albanais vous a dit cela ?

14 R. Son nom est Zokan Kuqi.

15 Q. Quand avez-vous eu cette conversation avec Zokan Kuqi ?

16 R. J'avais des contacts avec lui, des contacts fréquents. Il était un

17 commandant dans notre secteur. Deux ans avant le début de la guerre, il est

18 parti à la retraite, c'était celui qui le connaissait le mieux, m'a-t-il

19 dit.

20 Q. Est-ce que c'est celui qui se trouvait sur la photographie avec vous ?

21 R. Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

23 M. HARVEY : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde la pendule. En même temps, je

25 voudrais demander des éclaircissements.

26 Vous avez dit que vous aviez une photographie avec vous où se trouvait un

27 ami, un policier à la retraite. Sur cette photographie, est-ce que ce

28 policier à la retraite était en uniforme ou en civil ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] En uniforme.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

3 Maître Harvey, pourriez-vous maintenant nous dire quelque chose concernant

4 le temps qu'il vous faut encore ?

5 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est difficile. Je

6 vais mettre à profit la prochaine suspension de séance pour voir ce que je

7 peux faire pour limiter le nombre de questions. Mais vous vous rendrez

8 compte, Monsieur le Président, que ce témoin répond sur un nombre important

9 de victimes que l'on impute à mon client et je sais que vous vous rendrez

10 compte, Monsieur le Président, que jusqu'à présent j'ai été très

11 silencieux. Mais il y a des questions sur lesquelles je ne peux pas passer

12 légèrement et j'essaie d'aller dans les détails en les gardant à un minimum

13 raisonnable, j'ai déjà retranché pas mal de ce que je voulais demander et

14 j'essaie là encore de rationaliser les choses autant que je peux. Je vais

15 essayer de raccourcir cela pendant la suspension qui vient.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. HARVEY : [interprétation] Je pense que d'une façon réaliste j'aurais

18 besoin d'encore 40 minutes.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre -- oui, Monsieur --

20 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que je pourrais également dire que

21 j'ai réfléchi aux estimations du temps nécessaire que je vous avais donné

22 avant la suspension et je pense que je pourrais réduire cela à 25 minutes.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui veut toujours dire que nous ne

24 pourrons pas en finir aujourd'hui, à moins que, Maître Guy-Smith, à moins

25 que vous ne passiez de moins huit ou à moins dix.

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas si je peux descendre jusqu'à

27 moins huit, mais peut-être que je pourrais aller à plus trois.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Harvey, bien entendu, je

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1 vois également que M. Di Fazio demande la parole.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je veux simplement dire que mes questions

3 supplémentaires ne vont représenter que quelques minutes, quelques minutes

4 de plus, peut-être huit minutes en tout.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, la Chambre va examiner la

6 question de savoir si on peut vous accorder les 40 minutes que vous dites

7 vouloir, en tenant pleinement compte du fait que jusqu'à maintenant vous

8 n'avez pas pris beaucoup de temps pour le contre-interrogatoire. En même

9 temps, vous ne l'avez pas pris, mais c'était sur la base d'une entente

10 parmi les membres des conseils de la Défense sur le partage du temps. Donc,

11 il est reconnu que vous avez raison et en même temps je voudrais quand même

12 donner cette nuance.

13 Nous allons suspendre la séance et nous reprendrons à 1 heure moins

14 cinq.

15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, la Chambre vous prie de

18 finir en 30 minutes.

19 M. HARVEY : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour accepter votre

20 invitation, Monsieur le Président.

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4 [Audience à huis clos partiel]

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14 [Audience publique]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

16 Veuillez poursuivre, Maître Harvey.

17 M. HARVEY : [interprétation]

18 Q. Lorsque vous avez quitté Jabllanice, Pal allait et venait et il pouvait

19 marcher, sa santé s'améliorait, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Il avait la liberté que vous aviez eue d'aller et venir sur le terrain

22 de la caserne; c'est bien cela que vous nous avez dit ?

23 R. Oui.

24 Q. [hors micro]

25 L'INTERPRÈTE : Microphone pour Me Harvey.

26 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi.

27 Q. Lorsque vous vous êtes rencontrés à Jabllanice, y avait-il d'autres

28 personnes que vous pourriez décrire comme étant des prisonniers qui étaient

Page 5361

1 encore détenus à la caserne ?

2 R. Non, seulement Pal.

3 Q. Combien de soldats approximativement étaient à la caserne lorsque vous

4 vous y trouviez ?

5 R. Moi, je ne sais pas quoi vous dire à ce sujet.

6 Q. Pourrait-on dire plus de 50 ou moins de 50 ?

7 R. Deux ou trois d'entre eux venaient vous frapper, puis dix ou 15 autres

8 venaient. Il y avait des gens qui venaient et qui repartaient. Il y avait

9 toujours des mouvements de ce genre. Je ne sais pas quoi vous dire.

10 Q. Des chiffres différents à des moments différents pendant que vous étiez

11 là. Quel est le nombre le plus grand que vous pourriez dire

12 approximativement, si vous vous rappelez, pendant que vous étiez à la

13 caserne, à un moment quelconque où vous vous trouviez là ?

14 R. Quand ils partaient vers l'Albanie pour se procurer des armes, ils

15 pouvaient être jusqu'à 100 ou 200 qui se trouvaient là. C'est ce que j'ai

16 vu lorsqu'ils venaient pendant les repas.

17 Q. Comment savez-vous qu'ils allaient en Albanie pour se procurer des

18 armes ?

19 R. Ils parlaient entre eux, et j'ai également posé des questions à Gani.

20 Il m'a dit qu'ils y allaient pour chercher des armes.

21 Q. Vous avez bien dit à l'un des enquêteurs du Tribunal -- enfin, du

22 bureau du Procureur, ceci : "Je travaillais à la cuisine également au cours

23 des deux dernières semaines de mon emprisonnement."

24 Maintenant, pour commencer, est-il exact que vous avez dit que vous

25 travailliez à la cuisine pendant deux semaines; est-ce exact ?

26 R. Je ne travaillais pas dans la cuisine. Je faisais la vaisselle dans le

27 pré à l'extérieur.

28 Q. Je vais vous demander maintenant comment il s'est fait que vous avez

Page 5362

1 fait votre première déclaration au bureau du Procureur ? Comment se sont-

2 ils mis en rapport avec vous, ou comment vous-même vous êtes-vous mis en

3 rapport avec eux ?

4 R. Ce serait une longue histoire à vous raconter.

5 Q. S'il faut que ce soit long, il faudra que ce soit long. Essayons de la

6 réduire au minimum. Quand a eu lieu la première prise de contact avec vous

7 et est-ce que c'est par vous ou vers vous ?

8 R. La police albanaise.

9 Q. Qui de la police albanaise vous a approché ?

10 R. Ils sont venus à la maison. Ils ont démoli la porte, ils ont trouvé des

11 balles pour le pistolet que l'UCK m'avait pris, et ils m'ont demandé de

12 leur remettre à nouveau ce pistolet; je voulais parler de la police

13 albanaise. Ils avaient également avec eux des soldats espagnols de la KFOR,

14 force au Kosovo. Ils voulaient que je leur donne le même pistolet qui déjà

15 m'avait été pris. Je ne voulais pas leur dire quoi que ce soit. Ils

16 continuaient d'insister, alors je leur ai montré les documents qu'on

17 m'avait donnés, les papiers qu'on m'avait donnés à Jabllanice, et c'est

18 comme cela que tout a commencé.

19 Q. Quand dites-vous que ceci a eu lieu ?

20 R. Immédiatement après la guerre et également en 2002. On m'a fouillé, on

21 a fouillé chez moi deux fois.

22 Q. Quand pour la première fois vous a-t-on demandé de rencontrer des

23 enquêteurs du bureau du Procureur ? Quand est-ce qu'on vous a, pour la

24 première fois, demandé cela ?

25 R. Ils sont venus, ils m'ont demandé si j'étais telle et telle personne.

26 J'ai dit que oui, j'ai expliqué les choses et nous avons continué.

27 Q. Ma question, Monsieur le Témoin, était : quand est-ce que ceci a eu

28 lieu ?

Page 5363

1 R. En 2002.

2 Q. Où est-ce que cela a eu lieu ?

3 R. A Prizren.

4 Q. Comment se fait-il que vous ayez été à Prizren ?

5 R. On m'avait convoqué pour que je puisse faire une déclaration.

6 Q. Est-ce que vous avez été appelé par téléphone ?

7 R. Non, ils sont venus chez moi et nous avons parlé. Tout était oral.

8 Q. Qui est venu ?

9 R. Je ne les connaissais pas, mais ils étaient dans une voiture de la

10 MINUK ou peut-être un véhicule du HCR.

11 Q. Combien étaient-ils ?

12 R. Une seule personne.

13 Q. Est-ce que c'est la même personne que celle qui vous a interrogé à

14 Prizren ?

15 R. Je ne sais pas son nom. Je ne peux pas m'en souvenir.

16 Q. Je ne vous demande pas son nom. Ce que je vous demande c'est : est-ce

17 que c'est la même personne que celle qui est venue chez vous, la même

18 personne qui vous a interrogé lorsque vous êtes allé à Prizren ?

19 R. Non, non c'était une autre.

20 Q. Combien de temps après cette personne soit venue chez vous êtes-vous

21 allé à Prizren ?

22 R. Environ une semaine plus tard, mais je n'en suis pas sûr. Je ne suis

23 pas sûr à 100 %.

24 Q. Est-ce qu'ils sont venus chez vous pour vous conduire à Prizren ou est-

25 ce que vous avez dû y aller seul dans votre propre voiture ?

26 R. J'y suis allé en car.

27 Q. Combien de jours êtes-vous resté à Prizren ?

28 R. Je n'y suis pas resté plusieurs jours, j'y suis resté deux ou trois

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1 heures.

2 Q. Etait-ce la seule fois que vous vous êtes rendu à Prizren pour faire

3 cette déclaration ?

4 R. Non, je suis allé à deux reprises.

5 Q. Vous êtes allé dans un bureau pour rencontrer l'enquêteur, j'imagine ?

6 R. Oui.

7 Q. Pouvez-vous nous dire combien de personnes il y avait dans ce bureau

8 lors de l'audition ?

9 R. Il n'y avait qu'une personne.

10 Q. Vous étiez présent, il y avait l'enquêteur. Y avait-il un interprète ?

11 R. Oui.

12 Q. Donc cela fait déjà trois personnes dans la pièce. Y en avaient-ils

13 d'autres ?

14 R. Non.

15 Q. Lors des questions qui vous ont été posées par l'enquêteur, pouvez-vous

16 me dire si cet enquêteur prenait des notes à l'aide d'un ordinateur ?

17 R. Je ne me souviens pas.

18 Q. Ce matin vous avez dit aux Juges que l'on vous a montré une photo sur

19 un ordinateur. Donc vous vous souvenez qu'il y avait un ordinateur ?

20 R. C'est la photo que j'ai contresignée.

21 Q. J'aimerais savoir si vous vous souvenez qu'il y avait un ordinateur ?

22 R. Je ne m'en souviens pas. Il y avait un ordinateur, mais je ne sais pas

23 s'ils s'en servaient.

24 Q. Vous souvenez-vous s'il y avait un magnétophone ?

25 R. Non, il y avait juste l'interprète qui interprétait, c'est tout ce que

26 je sais.

27 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il y avait une caméra vidéo dans la

28 pièce ?

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1 R. Je ne le sais pas. Je n'en n'ai pas vu.

2 Q. Pendant que vous parliez avec l'enquêteur, est-ce que l'enquêteur

3 prenait des notes sur un bloc ?

4 R. Oui, il y avait un bloc et il écrivait à la main sur ce bloc.

5 Q. Vous souvenez-vous que vous êtes par la suite allé à Pristina pour

6 regarder un certain nombre de photographies ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez vu des photographies dans le bureau de l'enquêteur à

9 Pristina. C'était toujours les mêmes enquêteurs, n'est-ce pas ?

10 R. Non, ce n'était pas la même personne. Je n'ai jamais vu la même

11 personne deux fois.

12 M. HARVEY : [interprétation] Peut-être pourrions-nous afficher la

13 pièce 3D010092.

14 Q. En attendant qu'elle s'affiche, j'ai des questions à vous poser,

15 Monsieur le Témoin. Quand vous êtes allé voir cette série de photographies,

16 il y avait un enquêteur, mais vous ne vous souvenez pas de cette personne,

17 mais vous vous souvenez quand même qu'il y avait des photographies à

18 regarder ?

19 R. Oui, j'ai regardé les photographies. Il faudrait que je les aie à

20 nouveau sous les yeux pour les commenter parce que sinon je ne m'en

21 souviens pas.

22 Q. Nous allons voir de quoi vous vous souvenez. Vous souvenez-vous qu'on

23 vous ait montré des panneaux, chaque panneau affichant environ huit

24 photographies de personnes différentes ? Est-ce que vous vous souvenez

25 qu'on vous a montré ces panneaux, ces panneaux sur lesquels il y avait huit

26 photographies représentant huit personnes différentes. On vous a demandé si

27 vous pouviez reconnaître quelqu'un sur ces photographies ? Vous vous en

28 souvenez de cela ?

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1 R. Oui.

2 Q. Que vous a-t-on dit à propos de ces panneaux de photos ? Que vous a dit

3 l'enquêteur ?

4 R. J'ai reconnu les personnes qui étaient à Jabllanice, les soldats. Il y

5 a d'autres personnes que je n'ai pas reconnues. Chaque fois que je

6 reconnaissais quelqu'un, je le faisais savoir.

7 Q. Mais ce n'est pas ma question. Je voudrais savoir ce que l'enquêteur

8 vous a demandé de faire exactement ?

9 R. Rien. Il ne m'a donné aucun ordre.

10 Q. Avant de vous montrer ces panneaux de photos, vous a-t-il expliqué ce

11 qu'il comptait faire ?

12 R. Non.

13 Q. Vous a-t-il donné des consignes à propos de ce que vous voudriez faire,

14 ce qu'il convenait que vous fassiez si vous veniez à reconnaître une des

15 personnes qui était sur ces panneaux ?

16 R. Non.

17 Q. Maintenant j'aimerais que vous reveniez en arrière. Avant que vous

18 n'alliez à Pristina pour voir l'enquêteur, mais après avoir été libéré de

19 l'endroit où vous étiez détenu à Jabllanice, dans cette période avez-vous

20 jamais vu une photo de Nazmi Brahimaj ?

21 R. Non.

22 Q. Au cours de vos conversations avez des officiers de police, est-ce

23 qu'on vous aurait montré à un moment ou à un autre des photographies en

24 présentant les personnes qui se trouvaient à Jabllanice ?

25 R. Une conversation avec quel membre de la police ?

26 Q. La police serbe à Gjakove.

27 R. Non. Quand j'étais à Gjakove, ils ne m'ont jamais montré quoi que ce

28 soit.

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1 Q. La police de la MINUK vous a-t-elle montré des photographies ?

2 R. Non.

3 Q. Mis à part l'enquêteur du bureau du Procureur, y a-t-il eu personne

4 d'autre que cette personne-là qui vous aurait montré une série de photos à

5 un moment ou à un autre ?

6 R. Ils m'ont demandé si je connaissais les personnes en regardant leurs

7 photographies et j'ai dit oui quand j'en reconnaissais -- il y en a

8 certains que j'ai reconnus et d'autres que je n'ai pas reconnus.

9 Q. Ma question n'était pas celle-là. Je voulais savoir si, mis à part cet

10 enquêteur, d'autres personnes vous auraient montré des séries de photos

11 portant sur Jabllanice ?

12 R. Non.

13 Q. Très bien. Quand on vous a montré ces panneaux où il y avait des

14 photos, pouvez-vous nous dire comment vous vous teniez ? Vous étiez debout

15 ? Vous étiez assis à une table ?

16 R. J'étais assis.

17 Q. Vous étiez assis et pouvez-vous nous dire où se tenait l'enquêteur qui

18 vous donnait les panneaux avec les photos ?

19 R. Il était en face de moi.

20 Q. Donc il était assis de l'autre côté de la table en face de vous ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous a-t-on demandé d'apporter des annotations sur ces panneaux de

23 photographies ?

24 R. Pouvez-vous répéter votre question.

25 Q. Vous a-t-on demandé d'annoter d'une manière ou d'une autre les panneaux

26 sur lesquels étaient ces photographies ?

27 R. On m'a juste demandé si je reconnaissais la moindre personne, et si

28 oui, je notais avec un chiffre.

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1 Q. Donc l'enquêteur vous a dit : Si vous reconnaissez quelqu'un inscrivez

2 un chiffre ?

3 R. Non.

4 Q. Alors, expliquez-vous. Que vous a demandé exactement l'enquêteur, que

5 vous a-t-il demandé de faire par rapport à cette série de photos ?

6 R. Il y avait sous chaque photographie des numéros et je disais : ce

7 numéro-là c'est telle personne en donnant le nom.

8 Q. L'enquêteur vous a-t-il demandé d'apposer une marque le long de la

9 photo que vous aviez reconnue ou d'écrire votre nom sur cette photo,

10 d'annoter d'une manière ou d'une autre le panneau où se trouvaient ces

11 photographies ?

12 R. J'ai regardé les photos et j'ai signé au niveau du numéro représentant

13 la personne que j'avais reconnue.

14 Q. Quand vous avez fait cela, qu'a dit l'enquêteur, si tant est qu'il a

15 dit quoi que ce soit ?

16 R. Rien. Il n'a rien dit.

17 Q. Mis à part ces panneaux de photos, on vous a aussi montré des photos

18 individuelles pour voir si vous pourriez reconnaître des personnes qui

19 auraient été détenues à Jabllanice en même temps que vous, des gens comme

20 Pal Krasniqi, par exemple ?

21 R. Je ne m'en souviens pas.

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4 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

10 M. HARVEY : [interprétation] Je souhaiterais que l'on montre au témoin sans

11 montrer au public la pièce 787 de la liste 65 ter. Est-ce que nous

12 pourrions la voir à l'écran, je vous prie.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'on vous a montré cet ensemble de

14 photos, Monsieur le Témoin 6 ?

15 R. Oui, oui.

16 Q. Je ne veux pas que vous nous donniez de nom maintenant, mais est-ce que

17 vous vous souvenez avoir reconnu et identifié le numéro 2 de cet ensemble

18 de photographies ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous avez dit qu'il s'agissait de quelqu'un que vous

21 connaissiez lorsque vous étiez à l'école ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Est-ce que vous aviez dit --

24 M. HARVEY : [interprétation] Ou plutôt peut-être qu'il vaut mieux être très

25 prudent et repasser à partiel pour cette question.

26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à partiel,

27 Monsieur le Président.

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23 [Audience publique]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. De toute façon la série de photos

25 n'a pas été montrée. Poursuivez.

26 M. HARVEY : [interprétation]

27 Q. Monsieur, vous avez identifié formellement à la fois Lahi Brahimaj et

28 Nazmi Brahimaj dans les deux séries de photos qui vous ont été montrées.

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1 Toutefois, il y a un certain nombre de questions que je souhaite vous

2 poser. Premièrement, Lahi Brahimaj n'était pas présent le soir lorsqu'on

3 vous a emmené pour la première fois à Jabllanice ?

4 R. Je ne me souviens pas.

5 Q. Deuxièmement, Lahi Brahimaj est allé ou s'est rendu dans la caserne

6 très rarement, de temps à autre seulement, pendant la période de six

7 semaines où vous vous trouviez là-bas, mais il ne s'y rendait pas

8 fréquemment, n'est-ce pas ?

9 R. Il me semble qu'il était présent tous les jours là-bas.

10 Q. Troisièmement, Lahi Brahimaj ne vous a jamais touché lorsque vous vous

11 étiez à Jabllanice ?

12 R. Mais je sais qu'il était là.

13 Q. Quatrièmement --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais obtenir une petite

15 explication.

16 Me Harvey vous a dit -- ou vous a posé la question, vous avez dit : Lahi

17 Brahimaj ne vous a jamais, ne serait-ce qu'une fois, ne vous a jamais

18 touché ? Vous avez répondu : "Je sais qu'il était là," mais la question

19 qu'il vous a posée était de savoir s'il vous avait touché physiquement.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il a --

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais oui il l'a fait. Il m'a fait subir des

23 sévices constamment, lui et son frère.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Harvey.

25 M. HARVEY : [interprétation]

26 Q. Et quatrièmement, c'était ma quatrième question, Monsieur. Il n'a

27 jamais été présent lorsque les autres personnes vous ont fait subir ces

28 exactions ?

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1 R. Je n'ai pas compris votre question.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de la reformuler.

3 Me Harvey vous a demandé si -- attendez, je vais revérifier tout cela. Est-

4 ce que Lahi Brahimaj a jamais été présent lorsque vous avez subi les

5 mauvais traitements d'autrui ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il était présent, lui et Nazmija.

7 M. HARVEY : [interprétation]

8 Q. Monsieur, vous avez dit à cette Chambre de première instance vendredi

9 que les passages à tabac dont vous avez fait l'objet ont occasionné des

10 fractures au pluriel. Est-ce que vous vous en tenez à cela ? Vous avez eu

11 plus qu'une fracture ?

12 R. Quelles fractures ?

13 Q. C'est la question que je vous pose, des fractures osseuses.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être nous

15 donner des précisions, Maître Harvey ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais une fracture et une cicatrice au

17 niveau du bras droit, je ressens encore des douleurs même maintenant.

18 J'avais la peau qui avait été coupée et j'avais des lésions sur mes bras,

19 sur mes jambes, mon corps entier me faisait mal, mes reins, mes poumons.

20 M. HARVEY : [interprétation] Vous m'avez demandé une orientation --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je l'ai trouvée. Je l'ai trouvée entre-

22 temps. Il s'agit de la page 5 210, ligne 8. "J'ai été frappé au niveau des

23 jambes, des bras, j'avais des fractures sur le corps et j'avais des lésions

24 sur le dos."

25 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

27 M. HARVEY : [interprétation]

28 Q. Donc, une fracture ou plusieurs fractures ? De quoi s'agit-il ?

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1 R. D'une fracture, d'une seule fracture.

2 Q. Lorsque vous avez fait votre première déclaration au bureau du

3 Procureur et à son enquêteur les 26 et 28 novembre 2002, voici ce que vous

4 avez dit : "On m'a frappé avec une batte sur les bras, les jambes, au

5 niveau du dos et j'en garde encore des blessures, une petite fracture au

6 niveau de l'épaule droite qui est le résultat de ces passages à tabac."

7 C'est bien ce que vous avez dit à l'enquêteur, n'est-ce pas ?

8 R. Peut-être que la traduction est erronée. J'ai une blessure du côté

9 droit, mais c'est une fracture au niveau du bras gauche.

10 Q. Est-ce que vous avez également une petite fracture à l'épaule droite ?

11 R. Non. Je n'ai que des douleurs.

12 Q. Où avez-vous cette fracture ? Est-ce que vous pourriez nous montrer

13 l'endroit pour que nous voyions ce que vous entendez ?

14 R. Ici, là.

15 M. HARVEY : [interprétation] Le témoin montre son avant-bras gauche près du

16 poignet et c'est la face extérieure de l'avant-bras gauche.

17 Q. Savez-vous comment se fait-il qu'il a été consigné que vous aviez

18 mentionné une petite fracture au niveau de l'épaule droite alors que rien

19 n'a été mentionné à propos de votre avant-bras gauche ?

20 R. La fracture, elle est sur le bras gauche, alors que la blessure, elle,

21 elle était au niveau de l'épaule droite.

22 M. HARVEY : [interprétation] Je vois l'heure, j'en ai presque terminé. Je

23 suis tout à fait conscient que j'ai dépassé --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous n'avez absolument pas tenu

25 compte de mon invitation, et d'ailleurs vous avez même dépassé le temps que

26 j'avais indiqué. Mais avant que je vous donne l'occasion de poursuivre,

27 j'aimerais juste vérifier quelque chose.

28 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience a indiqué

2 les différentes possibilités. Je ne suis plus du tout en mesure de vous

3 indiquer ce genre ce choses, mais je crois comprendre que si nous finissons

4 en une heure - et je pense que cela sera possible; Monsieur Di Fazio, je ne

5 sais pas ce que vous en pensez ? Vous avez encore trois ou quatre minutes

6 pour terminer, Maître Harvey, et nous allons poursuivre maintenant sans

7 pause, mais je ne sais pas ce qu'en pensent les autres, bien entendu.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'y

9 autorisez. J'ai une autre audience qui commence demain et j'ai déjà pris

10 rendez-vous pour voir mon client, c'est un rendez-vous que j'avais déjà

11 pris ce matin --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- et cela a été prévu pour 14 heures 30.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions peut-être

15 prévoir les choses pour que vous puissiez en 15 minutes, avant de partir,

16 terminer ?

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. On peut l'espérer.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis le co-conseil aura encore un autre

19 quart d'heure.

20 Maître Harvey, vous savez je vous exhorte à en terminer rapidement, toutes

21 ces questions à propos d'une petite fracture, d'une grande facture; une

22 fracture c'est une fracture. Poursuivez, je vous accorde encore deux ou

23 trois minutes.

24 M. HARVEY : [interprétation] Ce n'est pas la taille de la fracture, c'est

25 l'endroit où se trouve la fracture et l'exactitude à propos de la fracture

26 --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certes. Je comprends tout à fait,

28 Maître Harvey, et vous avez été assez judicieux pour ne pas demander au

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1 témoin s'il connaissait la taille de la cuisine ici, par exemple. Parfois

2 les gens utilisent des expressions qu'il ne faut pas prendre au pied de la

3 lettre.

4 M. HARVEY : [interprétation] Oui, tout à fait.

5 Q. Monsieur, vous avez utilisé deux fois vendredi une expression pour

6 définir les gens qui se ralliaient à l'UCK, vous les avez définis comme

7 arrogants. Est-ce que c'est ce que vous pensiez en règle générale des

8 personnes qui faisaient partie de l'UCK ?

9 R. Ils étaient ainsi contre moi, c'était ainsi.

10 Q. Vous avez parlé lorsqu'on vous a posé des questions concernant votre

11 propre village et sur la question de savoir si les autres villageois

12 étaient en faveur ou étaient contre l'UCK, vous avez déclaré, je vous cite

13 : "Peut-être que certains des habitants qui étaient arrogants étaient

14 mobilisés." Maintenant ce n'était pas les personnes qui étaient arrogantes

15 à votre égard, c'est juste un terme que vous avez employé pour décrire

16 toute personne qui rejoignait l'UCK, n'est-ce pas ?

17 R. Je nomme de cette manière que ceux qui sont mauvais.

18 M. HARVEY : [interprétation] Je voudrais savoir si on pourrait présenter le

19 P335 à l'écran --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, j'ai vérifié à la fois

21 les sources d'arrogance ici, et pour dire la manière dont vous avez posée

22 la question pour voir si ceci reflétait exactement ce qu'a dit le témoin

23 dans sa déposition vendredi dernier pose des questions. C'est un --

24 Veuillez poursuivre.

25 M. HARVEY : [interprétation] Je vous remercie. Si vous pensez que des

26 questions se posent certainement par rapport à ce que le témoin a dit au

27 sujet des autres habitants de son village, je me permets de dire que j'ai

28 cité cela de façon exacte.

Page 5379

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il y en avait certains qui

2 étaient arrogants, certains d'entre eux, les autres étaient également

3 arrogants et ceci ne qualifie pas des membres de l'UCK et plus tôt il avait

4 dit quelque chose parlant de sa propre arrogance comparée à l'arrogance des

5 autres. Veuillez poursuivre.

6 M. HARVEY : [interprétation]

7 Q. Vous voyez devant vous, Témoin, un document qui vous a été donné par

8 Nazmi Brahimaj, lorsque vous avez quitté Jabllanice. Comme vous pouvez le

9 voir, il est signé clairement de son nom, et donc à partir du 25 juillet

10 vous n'aviez aucune difficulté, à savoir que Nazmi Brahimaj était l'une des

11 personnes qui se trouvait dans ce camp, n'est-ce pas ?

12 R. Je ne comprends pas.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de vous expliquer. Ce que M.

14 Harvey vous dit est ceci : regardez le document que vous avez devant vous

15 où apparaît clairement le nom de Nazmi Brahimaj, vous auriez pu savoir dès

16 le moment où vous avez reçu ce document que le nom de la personne qui a

17 émis ce document était Nazmi Brahimaj ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, vous avez dit que vous avez

20 su quels étaient les noms que plus tard.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Au cours des deux dernières semaines

22 lorsque je me suis trouvé avec Gani Brahimaj et que je lui ai demandé quels

23 étaient les noms et autres choses qui m'intéressaient et il me les a dits.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Harvey.

25 M. HARVEY : [interprétation]

26 Q. Vous étiez en colère qu'ils aient gardé votre voiture, n'est-ce pas ?

27 R. Bien sûr, oui.

28 Q. Cette voiture vous avait coûté, je crois que vous avez dit, 30 000

Page 5380

1 francs suisses; est-ce exact ?

2 R. Oui, c'est exact. Quand je l'ai achetée elle m'avait coûté cela.

3 Q. Nos taux de change varient, mais est-ce que ceci aurait été à peu près

4 l'équivalent de 45 000 dollars américains, à l'époque ?

5 R. Je ne sais pas quel était le taux de change avec le dollar.

6 Q. Donc, vous vous êtes décrit vous-même comme étant un pauvre fermier

7 ayant une grande famille. Est-ce que -- pour commencer, est-ce que vous

8 acceptez cette description, vous n'étiez pas un homme riche ?

9 R. C'est exact.

10 Q. Est-ce que vous avez acheté cette voiture en Suisse ?

11 R. Non, ici, à Prizren. Mes frères m'ont envoyé l'argent. Ils

12 travaillaient à l'étranger et ils m'ont envoyé l'argent, alors j'ai acheté

13 la voiture.

14 Q. Vous étiez également en colère du fait que l'UCK ait conservé votre

15 revolver, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous étiez préoccupé, n'est-ce pas, à l'idée que si la police serbe

18 cherchait à se renseigner pour savoir où se trouvait votre pistolet avec sa

19 licence, vous pourriez avoir de graves problèmes si vous aviez laissé cette

20 arme tomber entre les mains de l'UCK ?

21 R. La police serbe n'a rien dit à ce sujet et ne m'a posé aucune question

22 à ce sujet.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, je vous ai donné quelques

24 minutes. Vraiment maintenant il est temps de poser les deux dernières

25 questions.

26 M. HARVEY : [interprétation]

27 Q. Ce document et l'autre document, celui que Nazmi Brahimaj vous a donné,

28 c'étaient des documents que vous lui aviez précisément demandés, n'est-ce

Page 5381

1 pas ?

2 R. Non, ils me les ont donnés de leur propre mouvement.

3 Q. Est-ce que vous ne lui avez pas demandé un document que vous pourriez

4 montrer à votre femme, à votre famille et à la police, le cas échéant, pour

5 expliquer où vous vous étiez trouvé pendant les six dernières semaines ?

6 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas demandé de documents. Ce sont eux qui m'ont

7 donné les documents. J'ai simplement demandé qu'on me rende la voiture et

8 le revolver. Ils avaient même pris mes chaussures.

9 Q. Est-ce que vous dites que vous êtes allé pieds nus depuis Jabllanice ?

10 R. Quand mon père et ma femme sont venus vers la fin de la période de

11 détention, ils m'ont apporté des vêtements parce que je portais les mêmes

12 vêtements depuis quatre semaines.

13 Q. Je ne vais pas y consacrer du temps, mais vous nous avez bien dit

14 vendredi que : "Nazmi m'avait dit lorsqu'il m'a donné ces documents parce

15 que je lui avais demandé de me donner mes documents et mon portefeuille."

16 C'est bien cela, vous lui avez demandé de vous donner vos documents et

17 votre portefeuille; n'est-ce pas cela?

18 R. Je lui ai demandé des documents, à savoir ma carte d'identité, mon

19 permis de conduire, mon portefeuille. Ce n'est pas ça qu'il m'a donné. Il

20 m'a seulement donné ces deux documents. Je lui ai demandé de me rendre ma

21 voiture et il a dit non, et je suis parti. J'ai donc obtenu ces deux

22 papiers et je suis parti.

23 Q. Et avant de partir, vous avez dit --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, lorsque j'ai dit deux

25 questions --

26 M. HARVEY : [interprétation] C'est ma dernière question.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon --

28 M. HARVEY : [interprétation]

Page 5382

1 Q. Avant de partir, vous lui avez dit qu'il y aurait du sang qui coulerait

2 à cause de cette voiture. Ce que vous faites aujourd'hui, Monsieur le

3 Témoin, c'est que vous êtes en train de tenir cette promesse, n'est-ce pas,

4 cette menace de sang qui coulera. Pour autant que cela vous concerne, il y

5 a une vendetta entre vous et les Brahimaj ?

6 R. Je ne leur ai jamais rien dû.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Etant donné les difficultés qu'a Me Guy-

8 Smith, je vais voir pour le contre-interrogatoire pour lui, si vous le

9 permettez.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

11 Maintenant, je cède à Me Guy-Smith.

12 Maître Guy-Smith, c'est à vous.

13 Témoin 6, vous allez être maintenant être contre-interrogé par Me Guy-Smith

14 --

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourrions-nous aller --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- qui est le conseil de M. Balaj ?

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie.

18 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

19 Q. [interprétation] On vous a demandé il y a un moment --

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

21 partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

23 (expurgé)

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5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

9 M. GUY-SMITH : [interprétation]

10 Q. En ce qui concerne cette personne, lorsque l'enquêteur vous a posé

11 cette question pour savoir si vous connaissiez ce nom, vous avez dit que

12 vous ne connaissiez pas ce nom et que vous ne pouviez pas vous rappeler

13 l'avoir jamais entendu.

14 R. Je ne le connais pas. Je ne me souviens pas.

15 Q. Après avoir dit cela à l'enquêteur, ce qui est la même chose que ce que

16 vous nous dites aujourd'hui, vous avez dit à l'enquêteur qu'on vous avait

17 dit que cette personne avait peut-être été prisonnière dans la même prison

18 de l'UCK à Jablanica, mais que vous ne pouvez pas vous rappeler que son nom

19 ait jamais été mentionné; est-ce exact ?

20 R. Je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas.

21 Q. Quand vous dites : "Je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas." Vous êtes

22 en train de nous dire que vous ne vous souvenez pas avoir jamais entendu

23 mentionner le nom de cette personne ?

24 R. Je ne me souviens absolument de rien.

25 Q. L'enquêteur vous a aussi montré une photographie de cette personne dont

26 on vient de parler, et il vous a demandé si vous vous souvenez avoir vu

27 cette personne à Jablanica, et vous avez répondu : "Après avoir bien

28 regardé cette photographie, je dois dire que je n'ai jamais vu cette

Page 5384

1 personne ni à Jablanica ni ailleurs." Correct ?

2 R. Il n'était pas à Jabllanice. Je l'ai juste vu sur la série de photos et

3 je le connaissais par le passé. Mais je n'ai jamais eu de contact avec lui.

4 Je ne l'avais jamais vu en uniforme.

5 Q. Vous dites : "Je l'ai juste vu en photo, mais je le connaissais par le

6 passé.Je n'ai jamais eu de contact avec lui et je ne l'ai jamais vu en

7 uniforme." L'aviez-vous vu en civil alors à Jabllanice ?

8 R. Non, pas du tout.

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Madame la Greffière, pourrions-nous, s'il

10 vous plaît, afficher la pièce 00785 de la liste 65 ter ?

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'est exactement est

12 cette photo. Je me demande s'il faudrait passer à partiel.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit d'une série de photographies et

14 je pense que c'est la numéro 5 qui doit être jointe à la déclaration de

15 cette personne.

16 Q. Lorsqu'on vous a montré les séries de photographies, et je pense qu'on

17 vous a montré celle-ci, vous avez dit les choses suivantes à propos de

18 cette série photographique bien précise :

19 "On vient de me donner une série de photographies marquée d'un 5,

20 j'ai regardé les photographies avec soin et je crois que la personne dont

21 la photographie est identifiée par un 3 s'appelle --

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais là je pense qu'il faudrait que

23 nous passions à partiel.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à partiel.

25 [Audience à huis clos partiel]

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28 (expurgé)

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1 (expurgé)

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3 (expurgé)

4 [Audience publique]

5 M. GUY-SMITH : [interprétation]

6 Q. Vous poursuivez en disant : "Je ne reconnais personne d'autre et j'ai

7 signé la série de photos qui doit être jointe à ma déclaration."

8 Vous êtes toujours d'accord avec ce que vous avez dit à cette époque-là, la

9 seule personne que vous reconnaissez dans cette série de photographies

10 semble être la même personne qui est le numéro 3 ?

11 R. Oui. Il est de mon village, mais maintenant il habite à Gjakove.

12 Q. Je vous remercie.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, c'est à vous.

15 Témoin 6, c'est maintenant Me Emmerson, conseil de M. Haradinaj, qui va

16 poser des questions.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis désolé, Maître Emmerson, je me

18 dépêche tellement que j'ai oublié de demander que cette pièce soit marquée

19 pour identification et versée au dossier.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je pense que la pièce a

21 besoin d'être versée sous pli scellé.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] En effet.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera donc la pièce numéro D114.

24 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous pouvez y aller.

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis désolé, mais je demande

27 l'indulgence de la Cour, j'ai vérifié avec mon client, il est d'accord pour

28 que nous quittions le prétoire puisque je dois absolument aller voir

Page 5386

1 quelqu'un d'autre.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

3 Monsieur Emmerson, vous avez la parole.

4 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

5 Q. [interprétation] Témoin 6, je vais vous poser juste une ou deux

6 questions au nom de Ramush Haradinaj. Vous avez répondu déjà à beaucoup de

7 questions aujourd'hui, vous avez répondu à énormément de questions vendredi

8 dernier aussi, donc je vais être bref.

9 Tout d'abord, j'aimerais que nous fassions un peu le ménage parmi les dates

10 que vous nous avez données, il y a parfois un peu de confusion dans les

11 dates que vous avez données, et j'aimerais que l'on fasse un peu la lumière

12 là-dessus, puisque parfois - à une ou deux occasions - vous avez donné des

13 réponses un peu différentes. Nous allons nous occuper du déroulement de la

14 chronologie des événements.

15 Tout d'abord, ce matin M. Harvey vous a présenté un document qui

16 reprenait votre déclaration auprès des autorités serbes où il avait été

17 noté que vous aviez été arrêté le 21 juin 1998. Dans votre déposition, vous

18 nous avez dit que vous aviez été arrêté ou détenu le 13 juin. Me Harvey ce

19 matin à la page 10, ligne 10, vous a posé une question comme suit :

20 "Pouvez-vous expliquer pourquoi il y a une erreur ?"

21 Vous avez répondu : "Ça ne fait pas très longtemps quand même. Je ne

22 pense pas que de s'être trompé de date ce soit vraiment si grave que ça."

23 Voici ma première question. Quelle est la bonne date ? Vous avez été arrêté

24 le 13 comme vous l'avez dit lors de votre déposition; ou le 21, comme cela

25 est consigné dans la déclaration auprès des autorités serbes ?

26 R. C'est le 13 qui est la bonne date. Dans la déclaration Jagodine, la

27 date est erronée.

28 Q. Très bien. Continuons sur la chronologie. Vous avez dit qu'à un moment

Page 5387

1 on vous a donné un peu plus de liberté et que vous avez eu plus ou moins le

2 droit de vous déplacer au sein de l'enceinte de Jabllanice. Lorsque vous

3 avez fait référence à cette période de temps lors de votre déposition, vous

4 avez dit que c'était environ deux semaines avant votre libération, mais à

5 une ou deux reprises au compte rendu vous nous avez dit que cela s'était

6 passé environ une semaine et demie avant votre libération. Pourriez-vous

7 nous aider, s'il vous plaît ? On vous a donné un peu plus de liberté deux

8 semaines avant que vous ne soyez libéré, ou une semaine et demie ?

9 R. Une semaine et demie plutôt. C'est à ce moment-là que ma liberté de

10 mouvement était moins restreinte, et c'est à ce moment-là aussi que les

11 membres de ma famille ont pu me rendre visite.

12 Q. Revenons-en maintenant aux quatre premières semaines et demie que vous

13 avez passées en détention; j'aimerais à nouveau que l'on se penche sur le

14 déroulement des choses. Vous avez dit qu'à un moment, pendant une période

15 assez courte, il y avait quatre autres personnes détenues dans la même

16 pièce que vous, un Bosniaque et trois Monténégrins. Quand vous avez déposé

17 à ce propos, la plupart du temps vous avez estimé qu'ils étaient arrivés

18 environ deux semaines après votre arrivée en détention. Mais à une autre

19 occasion, au cours de votre déposition, vous nous avez dit que c'était

20 plutôt trois semaines et demie à quatre semaines après votre arrestation et

21 détention. Pouvez-vous nous aider ?

22 R. Non, c'étaient deux semaines après. Sinon c'est une erreur, parce que

23 deux semaines après mon arrivée, ces personnes sont venues à leur tour.

24 Q. Soyons très précis, disons qu'on donne une marge de manœuvre d'un ou

25 deux jours, cela signifie que ces personnes seraient arrivées aux environs

26 du 27 juin, et auraient quitté l'endroit vers le 30 juin. Est-ce que cela

27 vous paraît correct ?

28 R. Je n'ai jamais donné de dates.

Page 5388

1 Q. Oui, c'est moi qui recalcule les dates, puisque vous me dites qu'ils

2 sont arrivés deux semaines après le début de votre détention, cela nous

3 donne quand même le 27 juin.

4 R. Ils sont restés environ trois jours avec moi, et moi j'étais déjà là

5 depuis deux semaines. Je ne peux pas vous donner de dates exactes.

6 Q. Mais je suis sûr que, Messieurs les Juges, sont capables de calculer

7 eux-mêmes la date. Mis à part ces trois jours, il s'ensuit, n'est-ce pas,

8 que pendant quatre semaines et demie, à partir du moment où vous êtes

9 arrivé là jusqu'au moment où on vous a donné plus de liberté, il y avait

10 finalement qu'une seule personne détenue à Jabllanice; et c'était vous-même

11 ?

12 R. Mais il y avait aussi celui de Zahaq aussi, quand il est arrivé.

13 Q. Mais ça, c'était après quatre semaines et demie, quand on vous a

14 accordé un peu plus de liberté.

15 R. Oui, tout à fait.

16 Q. Maintenant, je vais aborder le sujet de cet homme de Zahaq. Vous avez

17 dit à plusieurs reprises lors de votre déposition que cet homme n'était

18 resté que deux jours, j'aimerais voir si l'on peut vérifier cela auprès de

19 vous. En réponse à une question de M. Harvey, vous nous avez dit que

20 c'était le premier des trois hommes que vous avez vu arriver. Vous l'avez

21 même vu descendre d'un coffre de voiture ?

22 R. Oui.

23 Q. Et vous dites que le lendemain, tout d'abord est arrivé Pal Krasniqi,

24 et quelques heures plus tard l'homme de Grabanica, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est vrai.

26 Q. Mais vendredi lors de votre déposition, vous nous avez aussi dit

27 qu'après la tentative d'évasion, l'homme de Zahaq a été emmené à l'hôpital,

28 d'après vous, c'était à Gllogjan, et il a été emmené à l'hôpital le

Page 5389

1 lendemain de la tentative d'évasion. En tout cas, c'est ce dont vous vous

2 souvenez.

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. J'essaie juste de comprendre comment tout cela s'est déroulé, parce

5 qu'il n'y a quand même que deux jours et j'aimerais savoir ce qui s'est

6 passé au cours de ces deux jours. Reprenons les choses au début. Au début

7 arrive l'homme de Zahaq, vous êtes d'accord, au début de ces deux jours, le

8 premier jour ?

9 R. Oui.

10 Q. [hors micro]

11 Ensuite, le deuxième jour, les deux autres hommes arrivent. C'est bien cela

12 ?

13 R. Oui.

14 Q. Cette tentative d'évasion s'est passée le jour même de leur arrivée ou

15 un ou deux jours après ?

16 R. Le même jour, l'après-midi, juste après qu'ils aient été mis en prison,

17 la troisième personne a ouvert la fenêtre et ils ont essayé de s'échapper

18 par la fenêtre, avec Pal Krasniqi et l'homme de Zahaq. Mais l'homme de

19 Zahaq et Pal avaient été battus. Ils n'auraient jamais pu ouvrir la

20 fenêtre, c'est l'autre qui a ouvert la fenêtre, le troisième, et lui il est

21 parti par la fenêtre, il s'est échappé et les autres n'ont pas réussi à le

22 suivre.

23 Q. Je vous demande juste de vous concentrer sur les dates. Je ne vous

24 demande pas les détails de ce qui s'est vraiment passé. Donc la tentative

25 d'évasion a eu lieu le même jour que l'arrivée des deux autres hommes ?

26 R. Oui.

27 Q. Donc, cet homme de Grabanica, il venait juste d'arriver à Jabllanice,

28 il est resté juste quelques heures, puis il s'est échappé, c'est ça ? Est-

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1 ce que c'est exact ? Est-ce que je dois reposer ma question ?

2 R. Oui.

3 Q. Merci. Combien de temps, après la tentative d'évasion, est-ce que

4 l'homme de Zahaq a été emmené à l'hôpital, dans la mesure où vous vous en

5 souvenez ?

6 R. Un jour après, un jour après la tentative d'évasion.

7 M. DI FAZIO : [interprétation] La réponse "oui" qui se trouve à la ligne

8 22, en fait, je ne suis pas sûr si le témoin répond oui à la première

9 question ou à la deuxième question. En d'autres termes, est-ce qu'il s'agit

10 d'une question d'heures ou est-ce que je dois reformuler la question ?

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense en fait qu'il a répondu à la

12 première question. Je comprends tout à fait pourquoi M. Di Fazio veut

13 obtenir la précision.

14 Q. Je m'excuse, Monsieur, je vous dois vous reposer une question que je

15 vous ai déjà posée parce qu'il y a une certaine imprécision dans le compte

16 rendu d'audience. Est-ce que vous vous souvenez que l'homme de Grabanica

17 n'a été à Jabllanice que quelques heures, à savoir quelques heures entre

18 son arrivée et son évasion, c'est ainsi que vous vous souvenez de la

19 chronologie des événements ?

20 R. Ils y sont restés une heure ou deux heures, ensuite tous les trois sont

21 passés par la fenêtre, lui n'avait pas été roué de coup, donc il pouvait

22 tout à fait marcher et il est parti. Alors que les deux autres sont restés

23 dans le pré. Ils étaient beaucoup trop faibles pour pouvoir marcher. Ils

24 n'ont pas pu s'enfuir avec lui.

25 Q. Le lendemain, l'homme de Zahaq a été, d'après vous, emmené à l'hôpital;

26 c'est cela ?

27 R. C'est ce que j'ai appris.

28 Q. Je voulais justement vérifier cela auprès de vous. Vous n'avez pas vu

Page 5391

1 vous-même qu'on l'emmenait à l'hôpital le lendemain ?

2 R. Non.

3 Q. En fait, il aurait pu aller à l'hôpital une journée plus tard ou même

4 deux jours plus tard ?

5 R. Je n'en sais rien. Je ne l'ai pas vu. Mais lorsque j'ai amené du pain à

6 Pal Krasniqi, il n'était plus là.

7 Q. Peut-être que cela se serait passé un ou deux jours après la tentative

8 d'évasion que vous avez décrite ?

9 R. Un jour après.

10 Q. A partir de ce moment-là, pour que nous comprenions bien la situation,

11 il y avait une personne en détention, à savoir Pal Krasniqi; est-ce bien

12 exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous n'étiez toujours pas libre de partir, mais ceci étant dit, vous

15 pouviez déambuler dans la cour, laver les assiettes et les plats, et

16 cetera; est-ce bien exact ?

17 R. C'est exact.

18 Q. Et une toute dernière question à propos de la chronologie avant que je

19 ne vous pose une ou deux autres questions. Est-ce que vous savez combien de

20 temps s'est écoulé après que vous avez bénéficié de cette liberté relative,

21 donc combien de temps après cela est-ce que l'homme de Zahaq est arrivé ?

22 R. Un ou deux jours après. Je ne peux pas véritablement être très précis.

23 Q. Merci. Je voudrais vous citer des extraits; dans un premier temps, il

24 s'agit de votre déclaration de témoin des mois de février et mars 2004. Il

25 s'agit de la déclaration que vous avez faite lorsqu'on vous a montré des

26 séries de photographies, et on vous a montré une série de photographies qui

27 inclut une photographie de Ramush Haradinaj. Je ne vais pas la faire

28 afficher à l'écran, mais je vais tout simplement vous donner lecture du

Page 5392

1 passage de la déclaration de témoin que vous avez signée, et je vais vous

2 demander si cela est exact. Après qu'on vous a montré les photographies, il

3 s'agit d'une série de photographies, et je cite le paragraphe 3 : "Je peux

4 identifier Ramush Haradinaj, son visage m'est devenu familier car après la

5 guerre je l'ai vu dans plusieurs articles de presse et dans des émissions

6 de télévision. Je ne le connaissais pas à l'époque de la guerre et ne me

7 souviens pas en fait l'avoir vu à la prison de l'UCK à Jablanica."

8 Je voudrais, dans un premier temps, que vous confirmiez qu'il s'agit bien

9 là de votre déclaration exacte ?

10 R. Oui.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir le document

12 de la liste 65 ter, 788 ? C'est une photographie qui va être affichée,

13 mais il ne faut pas qu'elle soit diffusée au public, nous allons donc

14 passer à partiel.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à partiel.

16 [Audience à huis clos partiel]

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11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

23 Monsieur Di Fazio, je vous en prie.

24 Nouvel interrogatoire par M. Di Fazio :

25 Q. [interprétation] On vous a posé des questions concernant la personne

26 qui se trouvait détenue avec vous et qui avait été battue, et vous avez dit

27 que c'était un Bosniaque et qu'il travaillait pour -- oui, j'ai retrouvé.

28 Me Harvey vous a posé une question, il vous a demandé : "Comment avez-vous

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1 appris que ce Bosniaque travaillait à l'Elektro à Decani, est-ce que vous

2 en avez parlé avec lui ?"

3 Votre réponse a été : "Les soldats me l'ont dit. Vous aviez donc

4 travaillé avec Elektrokosova. Alors je lui ai parlé de cela parce qu'il ne

5 parlait pratiquement pas Albanais."

6 Est-ce que vous pourriez mettre un peu plus de clarté sur tout cela ? Est-

7 ce que vous pourriez nous dire ce qu'ont dit les soldats à cet homme

8 concernant le fait qu'il travaillait en Serbie ? C'est ça que je voudrais

9 savoir. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez entendu ?

10 R. Pendant qu'ils le frappaient, ils lui disaient : Tu travailles pour la

11 Serbie; tu travailles à Elektrokosova, et tu coupes l'électricité, et ceci

12 pendant que les membres de l'UCK étaient en train de le battre.

13 Q. Je vous remercie. Vous avez dit aujourd'hui dans votre déposition

14 répondant à une question de Me Harvey, on vous a posé la question suivante

15 :

16 "Question : Vous avez dit hier qu'on ne vous a jamais donné de raison

17 pour laquelle vous aviez été battu. Est-ce que vous maintenez cette

18 déclaration ?"

19 Vous avez répondu : "Non.

20 "Question : Est-ce qu'ils vous ont jamais posé des questions ?" Vous

21 avez répondu : "Oui, ils ont répondu à des questions.

22 Ils m'ont dit : Tu as passé du temps en compagnie des Serbes, parce qu'eux-

23 mêmes avaient été avec des Serbes jour et nuit et ils m'ont accusé d'avoir

24 été avec des Serbes. Mais j'étais un fermier."

25 Je ne suis pas intéressé à savoir ce que vous étiez en réalité. Ce que je

26 voudrais savoir, c'est ce qu'ils vous disaient quant au fait que vous vous

27 trouviez en compagnie de Serbes, et qui vous l'a dit ?

28 R. Lahi et Nazmi; d'autres soldats aussi. Ils allaient chercher des biens

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1 en Serbie; des boissons, des aliments à Peje. Lahi et - ils avaient leur

2 magasin, leur magasin - Nazmi, ils m'ont accusé d'être resté avec des

3 Serbes alors qu'eux-mêmes traitaient avec des Serbes pendant la guerre.

4 Q. Bien. Il se peut que c'est ce qu'ils aient fait, mais ce que je

5 voudrais savoir c'est quelle était l'accusation lancée contre vous qui

6 était proférée comme vous l'avez dit par Nazmi et Lahi, qu'est-ce que ça

7 voulait dire ? Veuillez l'expliquer à la Chambre de première instance de

8 façon à ce que les Juges puissent avoir une compréhension de cela. Qu'est-

9 ce que cette accusation : "Tu restes avec les Serbes" voulait dire ou tout

10 au moins comment est-ce que vous l'avez comprise ?

11 R. C'était une accusation lancée contre moi pour me tuer et pour prendre

12 ma voiture, parce que comme je l'ai dit c'était une voiture qui coûtait

13 très cher et que l'UCK voulait me la prendre, ce qu'ils ont fait. Elle

14 coûtait 30 000 francs et ils -- parce que je sais qu'ils avaient tué de

15 nombreuses autres personnes --

16 Q. Bien.

17 R. Trois personnes avec leurs femmes, ils ont disparu à ce jour.

18 Q. Bien. Il se peut que ce soit ainsi, mais concentrez-vous sur la

19 question.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, si je peux vous

21 aider.

22 Témoin 6, je pense que ce que M. Di Fazio voudrait vraiment savoir, c'est

23 quand ils vous ont dit que vous restiez avec des Serbes, il voulait savoir

24 si c'est une allégation selon laquelle vous fréquentiez des Serbes, ou

25 étiez en affaire avec eux, ou si vous appuyiez leurs forces armées ou leurs

26 forces de police. Comment aviez-vous compris ce qui vous était dit et ce

27 dont on vous blâmait ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Eux le savent, moi j'étais

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1 simplement un fermier et je n'avais rien à voir avec eux, ni avec la

2 police, ni avec l'armée. Eux savaient pourquoi ils me blâmaient parce

3 qu'eux sont de Jabllanice, (expurgé)

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, juste à titre d'exemple est-ce

5 qu'il se pourrait que vous aviez une photographie avec vous, quelqu'un, un

6 policier à la retraite en uniforme, ce type de choses, c'est pour cela

7 qu'ils vous auraient blâmé ou est-ce qu'ils vous ont donné des détails

8 complémentaires, ou est-ce qu'ils ont simplement dit que vous aviez passé

9 du temps avec des Serbes ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] A cause de cette photographie sur laquelle

11 j'étais avec cette autre personne, ils sont allés également l'enlever. Ils

12 sont allés chez lui, mais c'est une chose normale que d'avoir une

13 photographie sur laquelle on était avec quelqu'un d'autre. Maintenant j'ai

14 une photo avec des Italiens de la force pour le Kosovo, la KFOR. Je ne

15 pense pas que ceci ait une importance. C'est un signe de bonne volonté.

16 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. HARVEY : [interprétation] Excusez-moi, juste demander la parole sur le

19 fait qu'il faut expurger à la page 116, ligne 12.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'était déjà remarqué.

21 Monsieur Di Fazio, veuillez poursuivre.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

23 Q. Témoin, je ne vous demande pas si ce qu'ils ont dit était vrai ou non.

24 Je ne vous demande pas cela et vous nous avez déjà dit, et nous vous avons

25 entendu fort et clair. Bien. Je ne vous pose aucune question pour ce qui

26 est de savoir si ce qu'ils vous ont dit est vrai. Ce que je vous demande

27 c'est tout simplement ceci : quand il vous a été dit que vous passiez du

28 temps avec les Serbes - oubliez le point de savoir si c'est vrai ou non, ça

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1 ne m'intéresse pas. Ce que je veux savoir c'est comment vous avez compris

2 cette allégation ? Qu'est-ce que c'était que vous étiez censé faire ?

3 Comment avez-vous compris cette phrase ?

4 R. Cette nuit-là lorsqu'ils sont arrivés là, ils ont posé des questions

5 comme ça, puis ils ont continué à me torturer. Puis ensuite, eux, les

6 soldats sont venus et m'ont dit : Tu es un espion de la Serbie. Mais je

7 n'étais pas considéré comme un Albanais pour eux, et même maintenant ils ne

8 me considèrent pas comme un Albanais.

9 Q. Bien. Et précisément que vous ont-ils dit sur le fait que vous étiez un

10 espion de la Serbie ? Pouvez-vous vous rappeler des détails ?

11 R. Comme je viens de le dire, ils essayaient de se moquer de moi. Je ne

12 sais pas pourquoi.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je sais qu'il y a

14 quelques questions que les Juges souhaiteraient poser. Elles ne sont pas

15 nombreuses, mais combien de temps ?

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Je pense que je suis allé aussi loin que

17 j'en avais besoin sur ce point. Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hoepfel a une ou deux questions

21 à vous poser.

22 Questions de la Cour :

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] S'il vous plaît, Témoin, je voudrais

24 vous poser la question suivante : dans la pièce dans laquelle vous étiez

25 détenu au bout des premières 24 heures, quelle lumière aviez-vous en fait

26 et pendant combien d'heures en moyenne par jour ?

27 R. Il n'y avait pas assez de lumière là parce que la fenêtre avait été

28 bloquée par des planches, mais dans les intervalles entre les planches on

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1 pouvait voir peu de lumière.

2 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Y avait-il l'électricité ou une

3 source de lumière ?

4 R. Il y avait le courant électrique, mais il n'y avait d'ampoule. Nous

5 étions dans le noir.

6 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie. La question

7 suivante a trait à votre santé. Vous avez mentionné les problèmes que vous

8 aviez avec vos reins et vos poumons, problèmes que vous avez éprouvés après

9 avoir été relâché de cette détention. Je vais vous poser la question

10 suivante : pour commencer, pouvez-vous brièvement décrire ces problèmes et

11 comment ils ont été causés ?

12 R. Ils ont été causés lorsque j'étais à Jabllanice, parce qu'avant cela je

13 n'avais pas jamais eu de problèmes de santé.

14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une brève

15 description.

16 R. J'avais des douleurs dans tout le corps, aux bras, aux jambes, aux

17 poumons, aux reins; partout, comme je l'ai dit, je ressens des douleurs.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc, elles sont encore là ces

19 douleurs ?

20 R. Oui, oui. Je prends des médicaments.

21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à vous

23 poser.

24 Est-ce que les questions posées par les Juges provoquent des questions qui

25 devraient être posées au témoin.

26 M. HARVEY : [interprétation] Juste un point.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un point.

28 M. HARVEY : [interprétation] Ceci découle de la question posée par M. Di

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1 Fazio. C'est la première fois que le témoin a utilisé le mot "espion," et

2 qu'il a mentionné le fait qu'il aurait été accusé d'être un espion.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, poursuivez.

4 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Harvey :

5 Q. [interprétation] Cette question, Témoin 6, c'est la suivante : alors

6 que vous vous trouvez ici aujourd'hui, est-ce que vous êtes très préoccupé

7 à l'idée que les gens qui se trouvent au Kosovo ne devraient pas penser que

8 vous êtes un espion ? Ça vous préoccupe, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, bien sûr, parce qu'ils pensent que j'étais un espion mais je n'ai

10 jamais été un espion. Je ne m'occupais que de mes propres affaires.

11 Q. C'est en partie pour ces motifs que vous avez dit des mensonges

12 concernant Lahi Brahimaj devant cette Chambre, n'est-ce pas ?

13 R. Je n'ai dit aucun mensonge. J'ai les faits pour prouver ce que j'ai

14 dit.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Harvey.

16 Témoin 6, ceci termine votre déposition devant cette Chambre. Je souhaite

17 vous remercier d'être venu à La Haye pour venir déposer; c'est-à-dire

18 répondre aux questions qui vous ont été posées par les deux parties ainsi

19 que par les Juges de la Chambre, et je vous souhaite un bon voyage de

20 retour chez vous. Il faut que vous attendiez un moment pour que les stores

21 puissent être rabaissés quand vous quitterez la salle d'audience.

22 Attendons que nous ayons fini, Madame l'Huissière.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourrais-je vous dire quelque chose, Monsieur

24 le Président ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si ce n'est pas quelque chose qui

26 vient s'ajouter à votre déposition et si ce n'est pas des commentaires,

27 alors vous pouvez dire quelque chose. Mais nous sommes un peu pressés. Oui.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai une question à poser. Les tortures

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1 auxquelles j'ai été soumis, la voiture qui m'a été volée, que devrais-je

2 faire pour obtenir une indemnisation pour ce que j'ai subi pendant la

3 guerre ? Est-ce moi qui dois vous poser la question ou dois-je m'adresser

4 ailleurs ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin 6, peut-être que c'est une

6 déception pour vous, mais pour le moment vous ne pouvez pas nous parler de

7 cette question. S'il en allait autrement, par exemple, s'il y avait quelque

8 chose dans le Règlement concernant la récupération des biens, et cetera,

9 mais ceci ne serait pas vrai dans tout -- il ne serait pas pleinement vrai,

10 alors vous le sauriez, mais pas par notre Chambre. Sinon, peut-être que le

11 greffe ou la Section chargée des Victimes et des Témoins peut avoir quelque

12 chose à vous dire. En tous les cas, ce que vous avez dit est au compte

13 rendu, on sait que vous demandez notamment que l'on vous rende ce que vous

14 considérez être votre bien, votre propriété. Ceci est parfaitement compris.

15 Donc encore une fois, je vous remercie.

16 Avant que nous levions la séance - Monsieur Di Fazio, je n'ai rien entendu

17 concernant les rapports médicaux et sur leur interprétation.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Vendredi j'avais demandé que les documents

19 soient envoyés immédiatement, les documents pertinents pour traduction à la

20 section CLSS.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] En outre, que cette question soit traitée

23 avec le plus d'urgence possible.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. DI FAZIO : [interprétation] Je sais que j'ai envoyé des courriels à cet

26 effet pour que ces instructions soient appliquées et j'espère que ce sera

27 prêt dès que possible.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le problème n'était pas la traduction

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1 mais la lisibilité des documents. Par conséquent, je ne sais pas -

2 pourrais-je simplement appeler l'attention. Je crois que j'ai appelé

3 l'attention des parties sur une seule ligne du texte, lorsque j'ai dit que

4 ce serait beaucoup plus lisible que ça n'apparaît sur la base de --

5 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai commencé déjà à déchiffrer cela

7 vendredi, ST voulant dire statut ou situation, post voulant dire après.

8 J'ai noté dans l'intervalle que chaque fois que ce médecin veut écrire un A

9 majuscule c'est clairement reconnaissable. Par conséquent, on a

10 l'impression qu'il s'agit d'un O. Quand il y a O fracture, le mot suivant

11 est une "ulnoe" u-l-n-o-e, et je crois que si c'est pour de l'écriture

12 manuscrite il s'agit donc d'un mot ayant trait aux os du bras, de l'avant-

13 bras. "Sinistri" veut dire gauche. Je pense que sans être très expert, avec

14 un peu de bon sens et d'expérience humaine, ceci pourrait conduire les

15 parties à comprendre ce rapport qui pourrait étayer l'idée d'une fracture à

16 l'avant-bras gauche, tout au moins, pour l'un des os de ce bras. Je ne veux

17 pas en discuter pour le moment. Mais puisque ces idées me viennent à

18 l'esprit, je pense que pour des questions de transparence il est bon que

19 les parties soient au courant. Il s'agit probablement du fait que "ulna"

20 est l'un des os de l'avant-bras. C'est ce que peuvent penser les Juges de

21 la Chambre.

22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons la séance jusqu'à demain

24 mardi 5 juin, dans la salle d'audience numéro III, à

25 9 heures du matin, mais pas sans avoir d'abord remercié les interprètes,

26 les techniciens, les sténographes et tous ceux qui nous ont aidés à faire

27 que l'on puisse terminer la déposition de ce témoin aujourd'hui.

28 --- L'audience est levée à 14 heures 49 et reprendra le mardi

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1 5 juin 2007, à 9 heures 00.

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