Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 2 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous, je

7 vous prie, donner le numéro de l'affaire au rôle.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

9 les Juges. Bonjour à toutes les personnes dans le prétoire. Il s'agit de

10 l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et consorts.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Je voudrais

12 d'abord informer les parties que, puisque j'ai omis hier de dire au témoin

13 qu'il lui était interdit de parler de sa déposition à quiconque, je

14 voudrais indiquer, qu'avec l'aide de l'un de nos interprètes, avant

15 l'entrée dans le prétoire, j'ai parlé au témoin pour lui transmettre cette

16 consigne qui est habituellement faite à tous les témoins en fin d'audience.

17 Je l'indique pour le compte rendu d'audience.

18 Monsieur Hasanaj, je tiens à vous rappeler que vous êtes toujours lié par

19 la déclaration solennelle prononcée par vous hier également, déclaration

20 dans laquelle vous indiquiez vous engager à dire la vérité, toute la vérité

21 et rien que la vérité.

22 Monsieur Re, vous avez indiqué hier que vous aviez conclu votre

23 interrogatoire principal, mais que vous n'en étiez pas sûr.

24 M. RE : [interprétation] J'ai encore besoin de quelques minutes, Monsieur

25 le Président.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelques minutes, bien.

27 Monsieur Hasanaj, M. Re va encore vous interroger pendant quelques minutes.

28 Veuillez procéder, Monsieur Re.

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1 LE TÉMOIN: ZYMER HASANAJ [Reprise]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 Interrogatoire principal par M. Re : [Suite]

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Hasanaj. Il y a encore quelques

5 questions que j'aimerais vous poser cet après-midi.

6 R. Bonjour.

7 Q. Bonjour. Hier, vous avez expliqué aux Juges de la Chambre l'existence

8 d'une expression albanaise que vous avez appelée un adage, qui est le

9 suivant : "Les enfants mangent les fruits des arbres, et les parents ont

10 les dents cariées."

11 Hier, le Juge assis au centre devant vous, c'est-à-dire le président de la

12 Chambre, M. le Juge Orie, vous a demandé si vous pourriez expliquer le sens

13 de cette expression afin que chacun dans le prétoire puisse la comprendre.

14 R. Oui. J'ai dit cela, et ce que je voulais dire, c'est que je pensais à

15 mon fils et que je suis confronté à de nombreux défis. Je suis venu ici

16 dans ce prétoire pour témoigner. Voilà ce que je voulais dire. Parce que si

17 mon fils ne s'était pas trouvé à l'endroit où il s'est trouvé et n'avait

18 pas vu ce qu'il a vu, M. Balaj aurait su qui était la personne concernée et

19 il le sait aujourd'hui.

20 M. RE : [interprétation] Est-ce que c'est une explication satisfaisante,

21 Monsieur le Président ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai posé la question hier --

23 d'ailleurs un interprète à la fin de l'audience m'a fourni une explication

24 spontanément au sujet de cette expression, en m'indiquant que l'origine de

25 cet adage vient du fait que les enfants se mettent à cueillir des fruits

26 dans les arbres et les mangent avant que les fruits en question ne soient

27 mûrs. Ensuite les parents doivent s'occuper des problèmes dentaires de

28 leurs enfants, ceci étant une conséquence du comportement des enfants.

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1 Voilà ce qui m'a été expliqué. Je pense que le problème est réglé de façon

2 satisfaisante. Le témoin a expliqué ce que cela signifiait pour lui, et

3 cela correspond semble-t-il à l'origine de cet adage.

4 Vous m'avez compris, Monsieur Le Témoin ? C'est bien ainsi que vous

5 comprenez l'origine de cet adage ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

8 M. RE : [interprétation] J'aimerais l'affichage sur les écrans d'un

9 paragraphe de la déclaration écrite du témoin grâce au système Sanction.

10 Q. Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 20, vous parlez d'une

11 personne dont le nom est Ahmet Ukaj, en disant que cet homme était très

12 préoccupé, qu'il était très perturbé, et qu'il vous avait indiqué que

13 Galani était une des personnes présentes dans la forêt qui avaient tué une

14 femme. Cette femme est celle que nous connaissons maintenant sous le nom de

15 Sanije Balaj. Ma question est simplement la suivante : Est-ce que vous avez

16 un lien de parenté avec Ahmet Ukaj ? Si oui, quel est ce lien de parenté ?

17 R. Nous sommes cousins. Nous venons du même village, à savoir Vranoc e

18 Vogel. Et au moment dont nous parlons, nous sommes allés ensemble à

19 l'endroit en question. Il assurait la protection de mon fils pendant que

20 nous nous rendions sur place, car il avait peur que quelqu'un ne le prenne

21 pour cible. Je crois me rappeler qu'il est resté sur place à peu près une

22 heure après mon départ. Et lorsqu'il est revenu et qu'il m'a rejoint, il

23 était très préoccupé, très ému, et a dit ces mots devant moi.

24 Q. Au paragraphe 17 de votre déclaration écrite, vous parlez de Hysen Ukaj

25 et de Sokol Tolaj. Hysen Ukaj est également un de vos cousins, mais quel

26 est son lien de parenté avec Ahmet Ukaj ?

27 R. Hysen Ukaj a un lien de parenté plus proche avec Ahmet. Par rapport à

28 moi, il est à peu près la même chose. Ils sont tous les deux du même

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1 village que moi. Sokol Tolaj est un homme qui avait quitté son village en

2 raison de la guerre, et qui était venu s'installer dans notre village. Je

3 suis rentré à la maison avec Sokol, quant à Hysen et Ahmet, ils sont restés

4 sur place.

5 Q. Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 22, vous indiquez

6 également que Shaban Balaj, qui a témoigné hier, s'est rendu au domicile de

7 Mete Krasniqi et que la famille Balaj a dit à Mete : "C'est toi qui a

8 emmené la fille. Je te dis qu'il faut la ramener."

9 Est-ce que Mete Krasniqi est décédé ?

10 R. Mete Krasniqi est mort peu après la guerre et la famille Balaj, plus

11 précisément Shaban Balaj personnellement, est allé chez Mete Krasniqi pour

12 demander qu'on lui rende le corps de sa sœur.

13 Q. Hier je vous ai interrogé au sujet de l'attaque serbe contre votre

14 village le 29 mai, et je vous ai demandé quel était le nombre d'hommes de

15 chaque côté. Je veux dire du côté serbe d'une part, du côté de l'UCK

16 d'autre part. Vous avez dit : "Nous étions très peu nombreux."

17 Je sais que pas mal de temps s'est écoulé depuis les faits, mais j'aimerais

18 que vous disiez aux Juges de la Chambre de première instance à peu près

19 combien vous étiez. Quel est donc le nombre qui correspond à la phrase

20 "nous étions très peu nombreux" ?

21 R. Je l'ai déjà dit hier, mais peut-être l'avez-vous mal compris. Comme je

22 l'ai dit, nous étions très peu nombreux et nous n'avions pas été mobilisés

23 pour opposer une résistance aux Serbes. Nous étions très peu nombreux à

24 faire partie de l'UCK, et notre principale préoccupation était la sécurité

25 de nos familles, la nécessité de déplacer nos familles dans un lieu sûr le

26 plus rapidement possible.

27 Q. Mais ce qui m'intéresse, ce sont les nombres. Quand vous dites "très

28 peu nombreux", est-ce que vous pensez à cinq, dix, quinze, cent, deux

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1 cents, trois personnes ? Combien à peu près ? Combien y avait-il de

2 combattants de l'UCK ?

3 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne pourrais pas vous donner un nombre

4 exact. Je suppose que les Juges de la Chambre souhaiteraient un nombre

5 exact, mais je suis incapable de le donner. Nous étions à peu près dix ou

6 quinze. Nous voulions simplement partir pour un lieu sûr.

7 Q. Ce groupe de dix à quinze hommes dont vous faisiez partie, quelles

8 étaient les armes dont il disposait ?

9 R. Nous avions des armes légères, des armes d'infanterie. Il y avait ici

10 ou là un fusil semi-automatique ou une kalachnikov, mais en tout cas,

11 surtout des armes légères. Qu'aurions-nous pu faire avec de telles armes ?

12 Q. Vous rappelez-vous si vous aviez un uniforme ?

13 R. Je n'avais pas d'uniforme. Mais il y en avait d'autres qui en avaient.

14 Q. J'aimerais vous faire préciser une de vos réponses d'hier.

15 Vous décriviez ce qu'avaient fait les Serbes. Et vous avez dit: "Ils ont

16 mis le feu au village, à plus de la moitié des maisons du village. Ils ont

17 tué certaines personnes comme je l'ai dit. Ils ont tué des bêtes. Ils ont

18 détruit tout ce qu'ils pouvaient détruire. Comme je l'ai déjà dit, quatre

19 personnes ont été brûlées."

20 Au compte rendu d'audience, il est indiqué que vous avez parlé de quatre

21 personnes brûlées. Est-ce que vous parliez de maisons ou de personnes ?

22 R. Je ne parlais pas de maisons. Je parlais de personnes qui ont été

23 brûlées à l'intérieur des maisons incendiées. Trois personnes ont été tuées

24 par l'incendie, donc brûlées, et une quatrième personne a été tuée par un

25 obus tiré par un char. Il était dans la forêt de Lugu i Isufit. C'est là

26 qu'il a été tué. Il s'appelait Ymer Kukaj [phon].

27 Q. Combien de pertes y a-t-il eu de part et d'autre parmi les soldats ? Je

28 veux parler de l'UCK d'un côté et des Serbes de l'autre.

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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est peut-être aller un peu loin de parler

4 de pertes militaires pour parler de l'UCK. La question pourrait consister à

5 demander au témoin combien il y a eu de victimes, et de faire l'addition,

6 mais telle qu'elle est posée --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être pourriez-vous dire de

8 votre côté et du côté adverse.

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, pourriez-vous vous exprimer

11 ainsi ? Il est possible qu'il y ait eu plus de deux parties impliquées. Je

12 pense que cela pourrait être compris ainsi.

13 Pourriez-vous nous dire, Monsieur le Témoin, quel a été le nombre de

14 victimes ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] De notre côté, du côté albanais, il y a eu

16 quatre victimes qui ont été brûlées dans leurs maisons, pour trois d'entre

17 elles, et la quatrième a été abattue. Mais il y a eu d'autres dommages

18 également si l'on tient compte du bétail qui a été tué et des récoltes

19 détruites. Je ne sais pas quel a été le nombre des victimes du côté des

20 Serbes. On ne pouvait pas le savoir parce qu'on ne s'approchait pas

21 suffisamment des Serbes pour leur poser la question.

22 M. RE : [interprétation]

23 Q. Monsieur, les quatre hommes qui ont été tués étaient-ils

24 combattants de l'UCK ou étaient-ils des civils ?

25 R. Aucun d'entre eux n'était combattant de l'UCK. Ils étaient tous des

26 civils. Il y avait une femme et trois hommes.

27 Q. J'aimerais maintenant vous montrer deux photographies et vous demander

28 si vous pourriez reconnaître la zone dans laquelle ces deux photographies

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1 ont été prises.

2 D'abord, le document 2070 de la liste 65 ter, page 2.

3 Est-ce que vous voyez bien cette photographie sur votre écran ou est-

4 ce que vous souhaiteriez que je vous fasse remettre une copie papier ?

5 R. Je vois sur l'écran.

6 Q. Reconnaissez-vous cet endroit ?

7 R. Je pense que c'est l'endroit où s'est déroulée l'attaque contre Vranoc.

8 Je crois que c'est un endroit sur la colline.

9 Q. Est-ce bien l'endroit appelé Lugu i Isufit où vous êtes allé avec

10 certains membres de votre famille le jour où Sanije Balaj a été tuée ? Est-

11 ce bien cet endroit que l'on voit sur cette photographie ?

12 R. Oui, c'est ça. C'est cette zone, oui. Ce n'est pas la colline dont je

13 parlais il y a un instant, parce que la colline, c'était l'endroit où les

14 Serbes avaient pris position. Ce qu'on voit ici à l'écran, c'est le secteur

15 désigné sous le nom de Zarki Pojas.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. RE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce document,

18 Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P925, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

23 Pas d'objections ?

24 Donc ce document est admis en tant que pièce à conviction. Je vous

25 remercie.

26 Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

27 M. RE : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche sur les

28 écrans le document 2070 de la liste 65 ter, page 1.

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1 Q. Dans votre déclaration écrite, vous faites référence à l'existence

2 d'une source dans le secteur de Lugu i Isufit. Est-ce que sur cette

3 photographie on voit la source dont vous parlez dans votre déclaration

4 écrite, c'est-à-dire le lieu approximatif où Sanije Balaj a été tuée ?

5 R. On ne voit pas exactement la source sur cette photographie, mais c'est

6 bien le secteur. C'est le secteur en question.

7 M. RE : [interprétation] J'en demande le versement au dossier également,

8 Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y aurait-il des objections à ce que ces

10 deux documents soient versés au dossier sous la même cote, en tant qu'une

11 seule et même pièce à conviction ?

12 M. RE : [interprétation] Pas du côté de l'Accusation, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections du côté de la Défense ?

15 Non.

16 Cette photographie va rejoindre la précédente qui constituait, si je

17 ne me trompe, la pièce P925. Les deux photographies font désormais partie

18 de la pièce P925 admise en tant que pièce à conviction.

19 M. RE : [interprétation] Je suis arrivé au terme de mon interrogatoire

20 principal.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Emmerson, êtes-vous prêt à

22 contre-interroger le témoin ?

23 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Hasanaj, vous allez

25 maintenant être d'abord contre-interrogé par Me Emmerson, conseil de M.

26 Haradinaj.

27 Veuillez procéder, Maître Emmerson.

28 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

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1 Q. [interprétation] Monsieur Hasanaj, j'ai une ou deux questions à vous

2 poser à partir de la partie du prétoire réservée à la Défense.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hasanaj, peut-être pourriez-

4 vous regarder du côté de Me Emmerson, qui est debout et vous interroge en

5 ce moment.

6 Q. Bonjour. Une ou deux questions simplement à vous poser, si vous me le

7 permettez. Votre village était bien le village de Vranoc e Vogel, n'est-ce

8 pas ?

9 R. Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande l'aide de Mme l'Huissière

11 pour obtenir que le témoin se rapproche du micro situé devant lui.

12 M. EMMERSON : [interprétation]

13 Q. L'autre partie du village de Vranoc était désignée sous le nom de

14 Vranoc e Madhe, n'est-ce pas ? M-a-d-h-e.

15 R. Oui.

16 Q. Din Krasniqi habitait-il à Vranoc e Vogel ou à Vranoc e Madhe ?

17 R. A Vranoc e Madhe.

18 Q. Connaissez-vous un homme qui s'appelait Cufe Krasniqi, en tout cas à

19 l'époque ?

20 R. Oui.

21 Q. Je vous remercie. Il y a dans votre déposition - je fais référence à la

22 page 8 720, ligne 17 du compte rendu d'audience - vous avez dit que ce

23 n'était "pas Ramush Haradinaj qui avait nommé Din Krasniqi au poste qu'il

24 occupait, mais c'est la population qui l'avait élu."

25 Or, comme vous le savez certainement, nous avons entendu la

26 déposition de Shaban Balaj qui a dit la même chose. Nous avons également

27 entendu la déposition d'un homme qui répondait au nom de Cufe Krasniqi, qui

28 a indiqué que c'était lui qui avait proposé que Din Krasniqi devienne

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1 commandant. Vous rappelez-vous comment se sont déroulées les élections dans

2 le village, qui a élu Din Krasniqi à son poste ?

3 R. Je vous ai dit hier que je suis originaire de Vranoc e Vogel, dans la

4 municipalité de Deqan. Mais par la suite, après l'élection de Din Krasniqi

5 à son poste, j'ai rejoint l'état-major de Vranoc e Madhe. Din Krasniqi a

6 été élu commandant du village à ce moment-là.

7 Q. Il a été élu, n'est-ce pas, par les villageois du secteur ?

8 R. Oui, par les villageois.

9 Q. Je vous remercie. Il y a encore un point que j'aimerais vous demander

10 de préciser, si vous me le permettez. C'est un point qui a un rapport avec

11 le récit qui vous a été fait par votre fils Durim le jour où vous êtes allé

12 dans le secteur de Lugu i Isufit.

13 Dans votre déclaration écrite en l'espèce, vous avez dit être rentré

14 chez vous ce jour-là et avoir d'abord parlé à votre épouse, puis à votre

15 fils au sujet de ce dont votre fils avait été témoin oculaire, n'est-ce pas

16 ?

17 R. Exact.

18 Q. J'aimerais obtenir une précision au sujet d'un point particulier. Nous

19 sommes en possession d'une déclaration écrite de témoin qui a été faite par

20 votre fils Durim devant des représentants du bureau du Procureur de ce

21 Tribunal. Dans cette déclaration écrite, il dit que ce ne sont pas un homme

22 et une femme qu'il a vus sortir d'une voiture, mais deux hommes, qui sont

23 sortis d'une voiture et qui ont essayé de contraindre une femme à en

24 sortir. Je vois dans votre déclaration écrite de témoin au paragraphe 16

25 que vous dites que le garçon vous a dit qu'alors qu'ils étaient sur le

26 chemin du retour, ils ont vu deux hommes accompagnés d'une femme et qu'il a

27 vu ces deux hommes en train de contraindre la femme à sortir d'un véhicule.

28 Est-ce bien ceci que vous avez en mémoire ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Oui, je vous remercie.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Emmerson. J'ai

6 une question à vous poser. Est-ce que j'ai raté quelque chose que vous

7 auriez dit ? Auriez-vous dit que le témoin savait que Shaban Balaj a

8 témoigné, et que dans sa déposition il avait dit la même chose. Je n'ai pas

9 fait attention à ce qu'a répondu le témoin --

10 M. EMMERSON : [interprétation] Non, excusez-moi. Ce que j'ai indiqué, c'est

11 que le témoin assis dans le prétoire aujourd'hui savait sans doute que

12 Shaban Balaj avait témoigné.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, cela ne concerne pas tout le

14 monde.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est donc --

17 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que le fait est avéré qu'il a dit

18 dans l'interrogatoire principal avoir entendu cela de Shaban Balaj.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est maintenant au compte rendu

20 d'audience.

21 Maître Guy-Smith.

22 Me Guy-Smith est le conseil de la Défense de M. Balaj, Monsieur Hasanaj, et

23 il va vous poser des questions également.

24 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

26 R. Bonjour.

27 Q. J'ai quelques petites questions à vous poser qui portent sur la

28 déposition faite par vous hier. Vous avez dit hier que vous saviez qu'Idriz

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1 Balaj avait été incarcéré pour la première fois. Ma question est la

2 suivante : était-ce suite au procès qui s'est déroulé au Kosovo en 2002, le

3 procès de Dukagjin ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous entendez

5 l'interprétation, Monsieur Hasanaj ? Parce que --

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous dans ce cas répondre à la

8 question, je vous prie ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connaissais pas Idriz Balaj avant, mais

10 après la guerre j'ai entendu qu'Idriz Balaj et Togeri étaient une seule et

11 même personne, et c'est ce que j'ai dit dans ma déclaration écrite. Mais je

12 ne le connaissais pas, je ne l'ai jamais rencontré, je ne sais rien de lui.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci répond à votre question,

15 Maître Guy-Smith ?

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce n'est pas une réponse directe à ma

17 question. Je pourrais la reposer pour que le témoin réponde aussi à ma

18 question. Mais je pense que sa réponse existante résout le problème -- je

19 peux reposer la question.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que --

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument. Pas de problème.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai encore des interrogations à

23 l'esprit.

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pas de problème.

25 Q. Après la guerre, M. Balaj a été impliqué dans un procès qui s'est

26 déroulé à Dukagjin. Est-ce que vous savez qu'il a été concerné par ce

27 procès ?

28 R. J'ai simplement entendu dire qu'il avait été incarcéré. Je n'en sais

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1 pas plus.

2 Q. Lorsque vous avez indiqué hier qu'après sa première incarcération, il

3 s'était passé quelque chose, vous parliez du fait qu'il avait été incarcéré

4 suite au procès de Dukagjin, à ce qui s'était passé durant ce procès,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Exact. Certainement.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci encore une fois.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith.

9 Maître Harvey.

10 M. HARVEY : [interprétation] Je n'ai pas de questions pour ce témoin. Je

11 vous remercie.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Re. Est-ce que vous avez

13 des questions supplémentaires à poser au témoin ?

14 M. RE : [interprétation] Oui, j'ai un sujet à aborder dans les questions

15 supplémentaires.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'aimerais d'abord demander une

17 précision au témoin sur un autre point. Je ne sais pas si vous aurez

18 ensuite besoin de questions supplémentaires.

19 Questions de la Cour :

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hasanaj, la Chambre a lu votre

21 déclaration écrite, et il y a un détail sur lequel j'aimerais vous

22 interroger. Au paragraphe 2 de cette déclaration écrite, vous dites : "Nous

23 nous considérions membres de l'UCK, mais nous n'avions pas de commandant en

24 bonne et due forme. Nous avons reçu quelques armes, ainsi que des

25 équipements militaires avec des insignes de l'UCK au moment où un QG a été

26 créé à Vranoc e Madhe, c'est-à-dire aux environs du 15 avril 1998."

27 Vous dites également au paragraphe 3 de votre déclaration écrite : "Nous

28 avons pour la première fois reçu quelques armes lorsque j'ai envoyé deux

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1 hommes de mon village accompagnés de sept ou huit autres de Vranoc e Madhe

2 en Albanie."

3 Vous dites que cela se passait peu de temps après l'attaque des Serbes

4 contre votre village le 29 mai. Donc vous indiquez, n'est-ce pas, que vous

5 avez reçu pour la première fois des armes à la fin du mois de mars,

6 quelques armes, et vous dites que vous avez reçu pour la première fois des

7 armes en provenance d'Albanie, mais uniquement après l'attaque du 29 mai.

8 Je crois comprendre en lisant votre déclaration écrite que vous

9 indiquez avoir reçu quelques armes, peu nombreuses, pour la première fois

10 au mois de mars 1998, et qu'ensuite, après l'attaque du 29 mai, vous avez

11 reçu pour la première fois des armes en quantité plus importante, dont vous

12 dites dans votre déclaration écrite qu'elles provenaient d'Albanie où vous

13 aviez envoyé un certain nombre d'hommes.

14 Est-ce que je vous ai bien compris ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est vrai. Souhaitez-vous

16 que je m'explique plus en détail ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais ce qui me posait question,

18 c'était que vous avez utilisé l'expression "pour la première fois" à deux

19 reprises. Donc je suis bien en droit de comprendre que lorsque vous

20 utilisez les mots "pour la première fois" initialement c'est pour indiquer

21 que vous n'aviez que très peu d'armes; et lorsque vous utilisez "pour la

22 première fois" dans le paragraphe 3 de votre déclaration écrite, c'est pour

23 indiquer que c'était la première fois que vous aviez envoyé des hommes

24 chercher des armes en Albanie. A ce moment-là, vous les décrivez en parlant

25 de kalachnikovs, mortiers, roquettes antichars, fusils à lunette, et

26 cetera.

27 Est-ce bien de cette façon que je dois comprendre ce que l'on peut

28 lire dans votre déclaration écrite ?

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1 R. Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de cette précision.

3 Monsieur Re, à vous.

4 Nouvel interrogatoire par M. Re :

5 Q. [interprétation] Monsieur Hasanaj, j'aimerais vous demander des

6 précisions au sujet d'une réponse que vous avez faite à une question de Me

7 Emmerson. Il vous a interrogé au sujet de l'élection de Din Krasniqi au

8 poste qu'il occupait par les villageois.

9 Pourriez-vous, je vous prie, relire ce qui figure dans votre

10 déclaration écrite au paragraphe 4, dont je demande d'ailleurs l'affichage

11 grâce au système électronique Sanction sur les écrans, pendant que le

12 témoin prend connaissance du texte sur copie papier.

13 Vous voyez dans la deuxième phrase du paragraphe 4, vous dites : "Ramush

14 est venu annoncer la nomination de Din Krasniqi au poste de commandant du

15 secteur à la mi-avril." Et vous ajoutez : "Ces représentants avaient été

16 envoyés à partir de notre village à Gllogjan pour demander l'accord de

17 Ramush vis-à-vis de cette nomination."

18 La raison pour laquelle ils sont allés à Gllogjan ne se trouve-t-elle pas

19 dans la phrase suivante du texte, où nous lisons : "Ramush était ressenti

20 comme le commandant de zone dans la vallée de Dukagjin, ce qui signifie

21 qu'il donnait des ordres aux commandants des villages."

22 R. Peut-être que je me suis livré à une conjecture. Je ne me rappelle pas

23 cela de façon très précise. Je sais seulement que Din Krasniqi a été élu

24 par les villageois, et que c'était dans la commune de Peje. Les trois

25 hommes qui ont été envoyés à Gllogjan, ça c'est quelque chose dont j'ai

26 entendu parler. J'ai entendu dire que trois hommes avaient été envoyés

27 auprès de Ramush Haradinaj. Mais je ne suis pas sûr de savoir s'ils l'ont

28 effectivement rencontré ou pas, et si la question liée à Din Krasniqi a été

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1 résolue au cours d'une rencontre avec lui.

2 Q. Vous rappelez-vous qui étaient ces trois hommes ?

3 R. Ces trois hommes, je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas du

4 tout. Je crois qu'il s'agissait peut-être -- mais ce n'est qu'une

5 supposition, de Din Krasniqi et de quelqu'un d'autre. Je ne suis pas sûr.

6 Q. Quand vous dites avoir entendu dire qu'ils étaient allés rencontrer

7 Haradinaj, est-ce qu'à peu près à ce moment-là vous avez entendu dire aussi

8 que Din Krasniqi était devenu commandant ?

9 R. Din Krasniqi est devenu commandant, et bien sûr on supposait que cela

10 s'était fait avec l'accord de Ramush. Mais je n'étais pas présent. Je n'ai

11 rien vu moi-même. Pour vous dire la vérité, je n'étais pas présent, je n'en

12 suis pas sûr.

13 Q. Je vous remercie, Monsieur Hasanaj.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a encore besoin de

15 poser des questions au témoin.

16 Monsieur Hasanaj, nous avons ainsi terminé votre témoignage devant la

17 Chambre. J'aimerais vous remercier d'être venu. Vous avez fait un long

18 voyage pour venir ici à La Haye et pour répondre aux questions posées par

19 les deux parties ainsi que par les Juges de la Chambre, je vous souhaite un

20 très bon retour chez vous.

21 Madame l'Huissière, est-ce que vous voulez bien escorter M. Hasanaj en

22 dehors de la Chambre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite vous remercier, Monsieur le

24 Président, Messieurs les Juges. Je souhaite remercier le Tribunal

25 international et j'espère qu'il y aura justice et que les innocents seront

26 reconnus en tant que tels. J'espère que je puis m'exprimer ainsi.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Notre attente, s'il y a justice, c'est

28 que les coupables soient punis et que les non coupables soient acquittés.

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1 C'est ce qu'essaie de faire cette Chambre, bien sûr.

2 Merci encore une fois de vos paroles, et je vous demande de suivre

3 Mme l'Huissière.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, ai-je bien compris que

7 votre témoin ne sera disponible que demain ?

8 M. RE : [interprétation] Mme le Professeur Lecomte ne peut venir que

9 demain. Elle est présente devant une chambre à Paris pour témoigner.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, nous ne faisons pas

11 concurrence aux tribunaux français.

12 Cela veut dire que vous avez beaucoup de temps pour faire en sorte

13 qu'il y ait un accord donné par la Défense en ce qui concerne la

14 déclaration conformément à l'article 92 ter pour jeudi prochain, je

15 présume.

16 Maître Emmerson.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je ferai en sorte que tout soit très

18 clair pour le compte rendu d'audience. Je n'anticipe pas qu'il y ait des

19 mesures d'accord particulièrement importantes. Je pense que toutes les

20 parties recherchent une décision formelle de la part de la Chambre.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr, en ce qui concerne les

22 déclarations en application de l'article 92 ter, normalement une décision

23 est prise une fois que l'on a demandé le versement de ces déclarations au

24 dossier. Bien sûr, nous allons nous préparer pour tout sur la base de la

25 présentation d'une déclaration conformément à l'article 92 ter, ainsi que

26 les annexes. Cela va prendre un certains temps et beaucoup de travail.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre est tout à fait au courant de

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1 tout cela. Nous faisons de notre mieux.

2 Je ne sais pas s'il y a une utilité à avoir des audiences à 7 heures

3 du matin ou à 10 heures du soir. Bien sûr, on vous informera de ce besoin

4 s'il y en a. Cela pourrait être à 9 heures du soir ou à 6 heures du matin,

5 je n'en sais rien.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souhaite juste --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous allons regarder de

8 plus près avant d'exprimer notre avis en ce qui concerne l'utilité d'une

9 telle procédure.

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suggère que dans l'état actuel d'accord

11 entre les parties, 4 heures du matin serait plus approprié. J'ai comme

12 l'impression qu'il n'y aura pas d'accord trouvé ici, Monsieur le Président,

13 et je voulais juste que vous le sachiez.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Si je puis m'exprimer aussi, je pense que la

15 raison pour laquelle nous avons fait cette demande de façon formelle en ce

16 qui concerne la présentation de la requête est parce que cela à voir avec

17 une question concernant un certain nombre de témoins pour lesquels des

18 documents ont été présentés et ensuite retirés et représentés, ensuite

19 clarification avait été donnée qu'il n'y avait pas demande de versement des

20 documents comme preuves. Voilà. Et avec tout le respect que je vous dois,

21 je pense que cette preuve soulève une question de principe, et il faudrait

22 trouver une solution formelle qui pourrait être envisagée par toutes les

23 parties dans la préparation et la réconsidération de leur position.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je voulais juste --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien. En même temps,

27 je pars du principe que la Défense sait très bien que souvent, pour la

28 Chambre, il est prématuré de donner une décision finale en ce qui concerne

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1 l'admissibilité ou non de certaines pièces, étant donné qu'on a besoin

2 d'examiner absolument toutes les preuves ensemble. Etant donné que la

3 Chambre ne sait pas quelles preuves seront présentées, il est parfois

4 difficile de donner une décision définitive en ce qui concerne la question

5 d'admissibilité.

6 Nous réservons notre position en ce qui concerne l'évaluation de cette

7 preuve.

8 Mais bien sûr --

9 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je vous dire que je pense que dans

12 cette situation nous exhortons MM. les Juges de faire preuve de plus de

13 robustesse dans leur démarche parce que c'est une question d'essayer

14 d'imposer une certaine discipline intellectuelle en ce qui concerne la

15 façon de présenter certaines pièces. Si on regarde la façon dont la

16 déclaration a été préparée, ainsi que les annexes, il s'agit de preuves qui

17 devraient et doivent être disponibles à la Chambre en temps voulu, étant

18 donné qu'il s'agit de preuves de la véracité du contenu de cette

19 déclaration. Et avec tout le respect que je vous dois, je demanderais que

20 la Chambre regarde ce dossier de très près et demande à l'Accusation

21 d'indiquer précisément la base sur laquelle chaque document est présenté.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Emmerson, il n'y a aucun

23 doute en ce qui concerne ce qui est exprimé dans vos arguments écrits, dans

24 les 3 200 mots. La Chambre est tout à fait au courant de tout cela.

25 Nous allons réexaminer la question.

26 En même temps, Monsieur Re, vous savez très bien qu'il y a eu ces

27 objections qui ont été soulevées. Est-ce que cela vous poussera peut-être à

28 retirer certaines parties de la preuve ? Je ne suis pas en train de

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1 suggérer que ce serait votre inclination, mais dans ce cas-là, bien sûr,

2 cela nous aiderait de le savoir.

3 M. RE : [interprétation] L'Accusation, bien sûr, est toujours disposée à

4 négocier et, bien sûr, nous allons faire une suggestion tout à fait

5 raisonnable. Mais il faut que les Juges de la Chambre se rendent compte de

6 tout ce que cela implique. Plus il y a d'objections de la part de la

7 Défense en ce qui concerne la déclaration et ses annexes, plus cela risque

8 de porter sur la question de la pertinence, surtout en ce qui concerne la

9 valeur des preuves contre l'accusé. Dans ce cas-ci, la Défense de M.

10 Haradinaj, de toute façon, a soumis à peu près 53 pages de preuves

11 extrêmement détaillées. Il s'agit de preuves probatoires contre les trois

12 accusés qui ne devraient pas être admises au dossier.

13 Alors, vous allez vous poser la question de savoir pourquoi est-ce

14 qu'ils ont déployé tant d'effort pour supprimer ces preuves probantes

15 contre les trois accusés --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de ne pas -- je crois que la

17 Défense est en train d'essayer de s'occuper au mieux des intérêts des

18 accusés.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Si on peut aller encore plus loin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une suggestion en ce qui concerne ce que

21 vous avez mentionné, Monsieur Re -- mais il ne s'agit pas de négocier,

22 c'est une question de principe. On ne peut pas questionner ou mettre en

23 cause la fiabilité des preuves. C'est ainsi que j'ai compris la position de

24 la Défense.

25 M. RE : [interprétation] Bien sûr, nous l'avons bien compris.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

27 M. RE : [interprétation] La position est la suivante : tout ce que nous

28 avons choisi et inclus dans la déclaration -- et n'oublions pas qu'il

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1 s'agit de la déclaration de l'analyste en chef du Service secret serbe au

2 Kosovo au moment dont nous parlons, et qu'il y avait de leur côté réception

3 de renseignements de partout au Kosovo, et surtout à l'intérieur de l'UCK.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

5 M. RE : [interprétation] Et cetera. C'est pour cela que nous avons choisi

6 ces informations parce qu'il s'agit d'une corroboration des allégations

7 dans les chefs d'accusation et tout ce qui concerne les preuves dont la

8 Chambre est déjà au courant.

9 L'objection de la Défense concerne certaines preuves qui se

10 trouvaient dans les annexes. Nous savons très bien qu'il s'agit d'une

11 corroboration, et il y a un effet cumulé de tous les éléments qui peuvent

12 être compris comme corroboration du dossier de l'Accusation.

13 Nous savons très bien que l'on ne peut pas dire que vous faites 100 %

14 confiance à absolument tout ce qui figure dans les annexes. Mais si l'on

15 prend toutes les preuves, tous les éléments d'information dans l'ensemble,

16 les ordres militaires, les déclarations, l'évidence, les preuves, et

17 cetera, on doit tout regrouper. Il y a un effet cumulé.

18 On sait très bien que l'on ne peut pas faire 100 % confiance

19 absolument à tout ce qui est dans les déclarations, mais voilà, il s'agit

20 de plusieurs pièces dans un puzzle.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que les positions sont

22 parfaitement claires --

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne crois pas -- excusez-moi.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne crois pas -- je ne pensais pas que

26 nous allions présenter mes arguments en ce qui concerne cette requête

27 aujourd'hui, mais encore une fois, si l'on regarde les commentaires que

28 vient de faire M. Re, je lui demanderais de définir et d'indiquer

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1 clairement pour toutes les parties de la Chambre les annexes qui sont

2 importantes en ce qui concerne la présentation et la justification de leur

3 vérité. Je pense qu'il serait utile pour tout le monde, en ce qui concerne

4 la possibilité d'avoir des négociations par la suite, de savoir ce qui est

5 fiable et ce qui n'est pas fiable du point de vue de l'admissibilité.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je répondre rapidement ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'essaie pas de répondre au point général

9 soulevé par M. Re en ce qui concerne le fait que la Défense soulève des

10 objections pour démontrer qu'il s'agit de preuves de valeur probante. Tout

11 à fait le contraire --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne vous inquiétez pas, Maître Emmerson.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Non. Je ne m'inquiète pas.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre est bien sûr en mesure

15 d'interpréter toutes sortes d'observations, que ce soit de la Défense ou de

16 l'Accusation.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Permettez-moi tout simplement de dire la

18 chose suivante : les remarques faites par M. Re en ce qui concerne

19 l'information corroborative est un très bon exemple de ce pourquoi il est

20 essentiel que ces questions soient réglées. J'ai regardé les informations

21 et je pense qu'on ne peut pas parler en tout état de cause de corroboration

22 systématiquement, mais cela peut concerner des individus qui sont cités

23 comme victimes, mais cela donne dans les arguments de l'Accusation une

24 explication des circonstances de leur décès allégué, ce qui ne figure pas

25 dans le témoignage qui est utilisé dans le cadre de cette affaire.

26 En ce qui concerne la décision de la part des Juges par rapport à

27 l'admissibilité de ce matériel, cela doit être évalué du point de vue de la

28 fiabilité et de la valeur probante, et on ne peut faire cela que si

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1 l'Accusation donne une réponse adéquate et dit, par exemple, comment 10 ou

2 12 registres d'entretiens avec des témoins anonymes ou des témoins nommés

3 qui sont indiqués comme étant peu fiables peuvent être considérés par cette

4 Chambre comme fiables. Et l'idée qu'il s'agit de plusieurs pièces dans un

5 puzzle ne fait qu'inviter les Juges à dire, peu importe la valeur,

6 l'important c'est qu'il y en ait beaucoup.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais que la valeur d'une chaîne

8 dépend du maillon le plus faible --

9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mon souci est une question de procédure

10 -- en fait, je comprends que l'idée est de faire évaluer par la Chambre

11 absolument tous les éléments en fin de compte, mais il y a, si l'on regarde

12 le témoignage proposé de M. Stijovic, les résumés de ses déclarations,

13 certaines choses qu'il aurait dites, mais très peu de ces choses-là peuvent

14 être comprises comme prouvant la véracité du contenu. Je pense qu'il faut

15 absolument qu'une décision soit prise.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les positions sont très claires.

17 Monsieur Re.

18 M. RE : [interprétation] Oui. Me Guy-Smith nous a invités à définir les

19 annexes qui sont utilisés par l'Accusation pour défendre notre véracité.

20 On peut dire, par exemple, qu'il y a tous les communiqués de l'UCK,

21 en ce qui concerne leur admission de meurtres de leurs collaborateurs

22 serbes --

23 M. EMMERSON : [interprétation] Il n'y a pas d'objection en ce qui concerne

24 ces communiqués de l'UCK.

25 M. RE : [interprétation] Oui, mais --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il y a une base pour --

27 M. RE : [interprétation] Mais il y a une objection.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et j'ai vu que --

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1 M. EMMERSON : [interprétation] L'objection ne concerne pas ces documents-

2 là.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. RE : [interprétation] Par exemple, l'objection dit qu'il n'y a pas de

5 confirmation de l'authenticité du communiqué ou de la vérité de son

6 contenu. Nous disons que c'est vrai, et surtout lorsque M. Stijovic dit

7 dans sa déclaration : "Oui, j'étais là. J'ai lu des rapports et en fait je

8 savais qu'il y avait deux des personnes tuées par l'UCK dans cet incident".

9 Bien sûr nous disons qu'il s'agit d'un communiqué tout à fait

10 véridique de l'UCK pour dire que l'UCK avait tué des gens. Bien sûr.

11 D'ailleurs il y a d'autres documents du même genre.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce que je suggère est la

13 chose suivante : que les parties qui ont un peu plus de temps cet après-

14 midi essaient de trouver s'il y a un accord, quel que soit son degré. Bien

15 sûr, la Chambre aimerait qu'il y ait large accord, mais nous allons aussi

16 de notre côté consacrer du temps et examiner ces éléments.

17 Le témoin comparaîtra jeudi, ce qui nous donne un jour et demi pour

18 voir dans quelle mesure on peut trouver une solution à ce problème. Et s'il

19 n'y a pas une solution, ce sera aux Juges de prendre une décision.

20 Maître Guy-Smith.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Je souhaite informer la Chambre qu'il

22 y a une autre question qui pourrait être soulevée. Je pense que nous avons

23 entendu deux fois que le professeur Lecomte ne pourra venir que demain

24 étant donné sa participation à un autre procès.

25 Hier nous avons reçu pas mal de documents, plus de 600 pages, d'ailleurs,

26 en ce qui concerne le professeur Lecomte, dont 250 de ces pages sont en

27 français. Je ne sais pas si cela risque de poser des problèmes en ce qui

28 concerne les questions qui seront posées au professeur Lecomte demain. Je

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1 ne sais pas s'il va falloir lui demander de revenir par la suite, mais je

2 ne pense pas qu'il y aura une difficulté à l'entendre demain. Je voulais

3 tout simplement alerter les Juges de la Chambre qu'il y aura éventuellement

4 besoin qu'elle revienne par la suite.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je l'ai bien noté.

6 Je souhaite informer les parties qu'avant d'interrompre l'audience pour la

7 journée, il y a une audience d'intendance le 25 octobre, c'est-à-dire après

8 le jour férié des Nations Unies qui est le 24, et juste avant le 26, un

9 vendredi, où normalement il n'y aura pas audience. Donc le 25 sera la

10 journée réservée pour traiter ces questions d'intendance.

11 S'il n'y a pas d'autres questions d'ordre procédural, nous allons

12 reprendre demain à 14 heures 15, donc demain le 3 octobre, dans la même

13 chambre numéro I.

14 --- L'audience est levée à 15 heures 12 et reprendra le mercredi 3 octobre

15 2007, à 14 heures 15.

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