Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 14 novembre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 32.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, voulez-vous bien

6 citer le numéro de l'affaire.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

8 de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Haradinaj et consorts.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière. La Chambre

10 explique le retard du début de l'audience à cause du fait qu'un grand

11 nombre de documents ont dû être digérés, et que parfois il est préférable

12 de faire cela avant que la séance ne commence.

13 Alors, je voudrais très brièvement aborder un certain nombre de

14 questions de procédure. Ce sera très court, pour la première heure. Ça ne

15 nous prendra pas trop de temps. Mais il faut que nous passions à huis clos

16 partiel pendant un instant.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

18 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

17 La Chambre de première instance aimerait maintenant faire une déclaration

18 concernant la requête du Procureur visant à admettre la déposition du

19 Témoin 1 et la verser au procès-verbal en vertu de l'article 92 quater du

20 Règlement de procédure et de preuve du Tribunal. La Chambre de première

21 instance a étudié cette requête, et la Chambre a pris la décision suivante

22 au sujet de cette requête. Voilà quel en est l'essentiel : seulement

23 quelques parties de la déposition seront versées au dossier. La décision de

24 la Chambre de première instance fera l'objet d'une lecture par écrit, et

25 cette décision écrite indiquera précisément quelles sont les parties qui

26 seront versées au dossier, et donnera aussi les raisons expliquant cette

27 décision. Néanmoins, la Chambre de première instance -- ou pardon, les

28 parties auront peut-être besoin de rechercher certaines orientations pour

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1 ce qui est du témoignage à venir de M. Versonnen. Donc, je vous tiens à

2 vous informer d'ores et déjà, et ce n'est pas là la décision, c'est juste

3 une explication succincte de l'essence de cette décision. Donc les parties

4 sont informées que la Chambre versera au dossier les parties de la

5 déclaration du Témoin 1 qui ont trait directement à l'enlèvement allégué de

6 ce témoin et de son épouse. Cela n'inclura pas nécessairement tous les

7 détails des mauvais traitements dont la description figure dans cette

8 déclaration, mauvais traitements infligés ce jour -- ou plutôt dans le

9 courant de cette nuit-là.

10 De surcroît, les parties sont informées que la Chambre de première instance

11 dans un certain égard n'a pas encore pris de décision finale, à savoir dans

12 quelle mesure ces parties de la déclaration qui traitent du travail forcé,

13 du creusement de tranchées, donc pour voir si cela doit être versé au

14 dossier ou non. Voici qui conclut cette déclaration, et là encore je tiens

15 à souligner qu'il s'agit juste de donner des orientations aux parties, et

16 voici pourquoi nous faisons cette déclaration, car nous voulons que cette

17 déclaration soit rédigée par écrit dans le détail.

18 Maintenant que nous avons traité de cela, je passe à un autre point de

19 procédure qui concerne la date butoir à laquelle la Défense doit répondre

20 au P1212, qui concerne le rapport de "Human Rights Watch". Nous avons

21 invité la Défense à présenter son argumentaire, mais nous n'avons pas

22 encore donné de date butoir. La date butoir sera jeudi à l'issue des

23 travaux, si vous en êtes d'accord. Je vois qu'il n'y a pas d'opposition,

24 donc la date butoir est fixée à jeudi cette semaine, à la fin des débats, à

25 l'issue de l'audience.

26 La question suivante concerne la pièce 1228. Il s'agit de la pièce Dunjic,

27 si je puis l'appeler ainsi. La Chambre aimerait savoir s'il y a une

28 objection contre le versement au dossier de la pièce P1228.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien que l'on

2 revienne à cela un petit peu plus tard dans le courant de l'après-midi ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il s'agit d'une photographie, et

4 donc je note que vous reviendrez sur ce sujet cet après-midi.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Parce que nous voulons vérifier cette pièce

6 d'abord.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. J'en passe maintenant -- oui,

8 c'est une photographie, une photographie de deux dames.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Vous pouvez d'ores et déjà enregistrer qu'il

10 y a fort peu de raisons que l'on formule une objection.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

12 Donc je passe maintenant au point suivant, qui concerne le P1181, qui

13 a été téléchargée à nouveau, mais maintenant dans une version un petit peu

14 réduite et qui figure maintenant dans le prétoire électronique dans le

15 cadre 65 ter et portant le numéro 2173. Nous ne parlons pas ici de

16 l'admission de cette pièce au dossier, mais nous souhaitons donner à la

17 Défense la possibilité de vérifier que tous les éléments du P1181 figurent

18 bel et bien maintenant dans cette nouvelle version qui a été téléchargée,

19 pour voir si tous les documents qui ont été présentés ont été enlevés et

20 pour voir s'il n'y a pas eu de nouveaux éléments qui auraient été rajoutés.

21 Ainsi nous pourrions procéder, une fois que vous donnez cette confirmation,

22 en remplaçant le P1181 par cette nouvelle version légèrement réduite,

23 version téléchargée.

24 La question suivante que j'aimerais rapidement aborder a trait aux

25 discussions concernant la communication de preuve.

26 Concernant le témoin à venir, Monsieur Guy-Smith, la Chambre a reçu

27 des copies de deux lettres que vous aviez voulu envoyer au Procureur, une

28 avant que vous en ayez reçu la traduction en anglais, la deuxième après

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1 avoir reçu la traduction en anglais. Il semble que ce soit des éléments de

2 preuve à décharge. La Chambre ne l'a pas vue, et je crois que notre

3 dernière décision à cet égard est que s'il s'agissait d'éléments de preuve

4 à charge, il fallait que l'accord de la Défense soit obtenu avant la

5 communication à la Chambre.

6 Je ne sais pas de quoi il s'agit. Je sais aussi, pour des raisons

7 purement pratiques, je voudrais savoir et voir avec la Défense si la

8 Défense estime que lorsque nous aurons reçu en quelques lignes la teneur de

9 cette information, est-ce que ces éléments peuvent être communiqués à la

10 Chambre, comme cela est précisé dans le Règlement ?

11 Maître Guy-Smith.

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, en effet, je crois qu'il convient de

13 communiquer ces éléments à la Chambre de première instance en vertu de

14 l'article du Règlement --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- parce qu'il y aura aussi d'autres points

17 de discussion.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux considérer que

19 l'original est en allemand ?

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] En effet.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Et comme précédemment, quand c'était en

23 allemand, nous n'étions pas en mesure de fournir une traduction, mais

24 j'imagine que ce n'est pas un problème. Je ne pense pas.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, pas du tout, car nous avons un Juge

26 qui lit l'allemand.

27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous avons une traduction en anglais dont

28 il convient de vérifier la fiabilité.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait aussi que cette traduction

2 soit transmise à la Chambre, même si nous n'avons pas encore eu le temps de

3 vérifier. S'il y a des erreurs manifestes, on pourra les remarquer.

4 Maître Emmerson.

5 M. EMMERSON : [interprétation] A un moment donné, je voudrais aborder - à

6 un moment qui vous semble opportun - dans le contre-interrogatoire, il

7 faudra qu'il y ait un discussion au sujet de ce document, et il se peut que

8 si la Chambre de première instance a la possibilité de prendre connaissance

9 de cela lorsque nous faisons la première pause, à ce moment-là on pourra

10 traiter de cette question après l'interrogatoire principal.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 Donc, le document en allemand et la traduction en anglais devraient

13 être mis à disposition lors de la prochaine pause, n'est-ce pas, Monsieur

14 Re ?

15 M. RE : [interprétation] Oui, elle est déjà en train de vous parvenir par

16 voie électronique.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

18 Enfin, il y a une version qui vient d'être révisée, d'après ce que

19 les juristes de la Chambre ont pu constater, concernant la déclaration du

20 Témoin 01 [comme interprété], dans le cadre du 92 ter avec les expurgations

21 requises. La première impression que nous avons, c'est que la version en

22 B/C/S a bel et bien aussi été expurgée. Il semble que ce soit le cas. Par

23 conséquent, la Défense peut le consulter dans le cadre du 65 ter, numéro

24 1720, de manière à ce que vous soyez préparés si cela arrive au stade où

25 nous devons verser la pièce au dossier dans le cadre du 92 ter.

26 Monsieur Re.

27 M. RE : [interprétation] Je comprends que quelqu'un du bureau du Procureur

28 s'est entretenu avec quelqu'un de la Chambre, avec un des juristes, pour

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1 vérifier la concordance des versions --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

3 M. RE : [interprétation] -- et --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et il s'agit de donner l'occasion à

5 la Défense de vérifier que la nouvelle version correspond bien à la version

6 qui fait l'objet de l'accord. C'était bien ça qu'on avait dit.

7 Maintenant que nous avons traité de tout cela, je pense que nous

8 pouvons inviter le Procureur à appeler son prochain témoin à la barre.

9 M. RE : [interprétation] Le prochain témoin est Avni Krasniqi. Avant de le

10 faire entrer dans le prétoire, la question est de voir comment nous

11 présentons l'interrogatoire. Je crois que nous avions une heure dans

12 l'interrogatoire principal, mais ça c'est avant qu'il ait été assigné à

13 comparaître et qu'il ait été mis en accusation. J'avais l'intention de le

14 présenter dans le cadre du 92 ter, sur la base d'une déclaration qu'il a

15 faite au Kosovo le 30 janvier 2006 en tant que suspect. Dans le cadre 92

16 ter, il faut que ce soit une déclaration, une déclaration faite sous forme

17 de questions-réponses, à partir du moment où cela est vérifié et signé par

18 le témoin, que le témoin atteste ces dires.

19 J'ai cru comprendre que la Défense a une objection à cette manière de

20 procéder. Je crois que cela peut être admissible si le témoin signe le

21 document. Je n'ai pas encore eu la possibilité de m'entretenir avec le

22 témoin. J'espérais que le témoin recevrait une copie. Nous avons essayé

23 d'obtenir une copie par le bureau de la Défense et de l'aide juridique au

24 témoin dans l'Unité de Détention ce matin en Albanie il y a quelques

25 heures. Son avocat, M. Pestman, aussi devait le donner. Je vais voir si la

26 Chambre peut admettre cette partie, si le témoin adopte cette forme

27 d'interview.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Nous sommes contre l'utilisation de cet

2 entretien en tant que suspect dans le cadre du 92 ter, parce que cela ne

3 correspond pas à la procédure. C'est une déclaration faite par écrit et il

4 s'agit d'un compte rendu donné par le témoin dans le cadre de ces débats

5 devant le Tribunal.

6 Au moment où cet entretien a eu lieu avec M. Krasniqi, il était

7 suspect. M. Krasniqi faisait l'objet d'une enquête pénale par la MINUK,

8 parce qu'il était accusé de complicité dans l'enlèvement et la mort de

9 Sanije Balaj. Cela suit les discussions qui ont eu lieu ce matin avec le

10 procureur public concernant la possibilité qu'il soit considéré témoin

11 coopérant, et qu'il puisse bénéficier d'une immunité et qu'il puisse donner

12 un témoignage dans la cour qui soit différent de la teneur de l'entretien

13 initial.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donnez-moi un instant.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, on vous a expliqué les

17 objections et j'ai consulté mes collègues pour voir s'il était nécessaire

18 de voir s'il y avait d'autres objections. D'autres objections de la Défense

19 ?

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'est exact.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au moment où le suspect a été

22 interviewé, les circonstances étaient telles que la Chambre estime qu'il

23 n'est pas approprié d'utiliser la déposition qui a été recueillie et

24 couchée sur le papier à l'époque. Donc, vous êtes invité à obtenir les

25 éléments que vous recherchez oralement.

26 M. RE : [interprétation] Oui, alors, je voudrais juste dire une petite

27 chose. La seule raison qui fait que nous essayons d'utiliser cette

28 déclaration écrite plutôt que le compte rendu, c'est parce que nous

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1 n'avions pas de compte rendu en albanais. C'était juste pour cela, mais

2 nous pouvons aussi procéder par voie orale.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur --

4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si vous me permettez un instant pour que

5 j'en réfère avec mes collègues avant que l'on appelle le témoin, et qui a

6 trait à des points soulevés par M. Re. Un instant.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Accordé.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

9 [Le conseil de la Défense se concerte]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci de m'avoir donné le temps de

12 m'entretenir avec mes confrères. Nous pouvons faire entrer le témoin, si

13 vous le voulez bien.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

15 Madame l'Huissière, est-ce que vous voulez bien faire entrer le témoin dans

16 le prétoire, je vous prie.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il restait une question qui se posait

19 sur le point de savoir si le conseil de la Défense de M. Krasniqi pouvait

20 être présent. La situation dans laquelle M. Krasniqi se trouve

21 actuellement, c'est-à-dire qu'il est accusé dans une procédure pour outrage

22 et étant témoin dans l'affaire Haradinaj, et le fait qu'il est également en

23 détention au quartier pénitentiaire, crée une situation dans laquelle la

24 Chambre autorise le conseil de la Défense a être présent également, mais

25 son rôle, bien sûr, doit être limité à conseiller son client sur toute

26 question de procédure qui pourrait se poser tel que le droit à garder le

27 silence, à ne pas répondre aux questions, à moins qu'il n'y soit contraint

28 par la Chambre. Ensuite, bien sûr, les réponses, dans ce cas-là, ne

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1 pourraient pas être utilisées contre lui s'il y était contraint. Ces types

2 de questions ne visent pas le fond de sa déposition, bien entendu.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une question qui vient juste d'être

4 évoquée par les membres de la Chambre de première instance en ce qui

5 concerne la présence du conseil de la Défense. Il y a à la base de cela,

6 une situation dans laquelle il se trouve personnellement, qui,

7 personnellement, me cause des préoccupations au plan de la procédure, en ce

8 qui concerne la meilleure méthode pour procéder.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce que je suggère, c'est ceci :

10 c'est que si le conseil de la Défense souhaite se consulter avec son client

11 sur toute question de ce genre qui pourrait se poser à la suite de son

12 interrogatoire en tant que témoin, à ce moment-là, il pourra me faire

13 savoir clairement qu'il souhaite évoquer un problème ou une question, soit

14 auprès de la Chambre, soit auprès de son client, et à ce moment-là, nous

15 demanderons à M. Krasniqi d'enlever ses écouteurs. Puis M. Pestman aura la

16 possibilité d'expliquer pourquoi il y a nécessité à ce moment-là

17 d'intervenir, dans la mesure où, bien entendu, cela pourrait être expliqué

18 en public. A ce moment-là, nous verrons comment ceci évolue, que sera la

19 suite. Mais nous allons prendre une approche extrêmement prudente, parce

20 que M. Pestman n'est pas ici pour intervenir dans l'interrogatoire du

21 témoin sur tout autre motif qu'en ce qui concerne la position juridique

22 complexe du témoin ou de l'accusé dans laquelle se trouve l'accusé.

23 Est-ce que M. Pestman est déjà dans la salle d'audience ? Si ce n'est pas

24 le cas, je voudrais dire que M. Pestman devra s'asseoir à un endroit qui ne

25 permette pas un contact oculaire direct avec le témoin.

26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi. Vous

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1 comparaissez aujourd'hui en tant que témoin devant cette Chambre, mais

2 témoin qui a l'obligation de répondre aux questions qui lui seront posées.

3 A moins que les réponses que vous fassiez à ces questions ne risquent de

4 vous incriminer, de vous accuser vous-même, auquel cas, à ce moment-là, le

5 témoin peut s'adresser à la Chambre et demander s'il a l'obligation de

6 répondre à la question. Mais si vous répondez à une question, et là encore

7 vous êtes censé y répondre, à moins qu'il n'y ait un motif particulier pour

8 ne pas le faire, si vous répondez à des questions, il faut que ce soit

9 pleinement conforme à la vérité, ce qui veut dire la vérité, rien de moins,

10 et rien que la vérité.

11 La déclaration solennelle que vous allez devoir faire à cet effet figure

12 sur un texte qui va maintenant vous être présenté par Mme l'Huissière. Je

13 voudrais vous inviter à faire cette déclaration solennelle, s'il vous

14 plaît.

15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, la lire à haute voix.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que je dois lire

17 ceci ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devez faire une déclaration

19 solennelle selon laquelle vous direz la vérité, toute la vérité et rien que

20 la vérité, et je vous invite à lire à haute voix le texte qui vous est

21 présenté, et ce sera votre déclaration solennelle.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Déclaration solennelle. Je déclare

23 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

24 vérité.

25 LE TÉMOIN: AVNI KRASNIQI [Assermenté]

26 [Le témoin répond par l'interprète]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

28 Monsieur Krasniqi.

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1 Monsieur Pestman, vous êtes présent dans cette salle d'audience. Vous êtes

2 conseil de la Défense pour M. Krasniqi dans une autre affaire dont connaît

3 le Tribunal. La Chambre vous autorise à être présent. Votre rôle,

4 toutefois, doit se limiter strictement aux questions qui pourraient de par

5 leurs réponses constituer une incrimination du témoin par lui-même. Par

6 conséquent, si votre client a besoin d'avis sur un point précis ou si vous-

7 même vous estimez qu'il y a nécessité de le conseiller sur ces questions,

8 vous pouvez à ce moment-là vous adresser à moi. Et si vous le faites, vous

9 n'aurez qu'à me faire signe. A ce moment-là, je demanderai à M. Krasniqi de

10 retirer ses écouteurs, et c'est alors que vous pourrez expliquer pourquoi

11 cette nécessité impérieuse existe à ce moment-là, et si nécessaire, cela

12 pourra être dit en audience à huis clos partiel, à ce moment-là, vous

13 pourrez expliquer à la Chambre; et la Chambre prendra une décision sur le

14 point de savoir si oui ou non vous êtes autorisé à vous consulter avec M.

15 Krasniqi. Est-ce que la procédure est claire ?

16 Monsieur Krasniqi, vous allez d'abord être interrogé par M. Re, qui est le

17 représentant de l'Accusation dans cette affaire dans laquelle vous déposez,

18 et il s'agit de l'affaire contre M. Haradinaj, M. Balaj et M. Brahimaj.

19 Monsieur Re, c'est à vous.

20 Interrogatoire principal par M. Re :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi. Est-ce que votre nom est

22 bien Avni Krasniqi ?

23 R. Oui. Bonjour.

24 Q. C'est bien Avni Krasniqi ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous êtes bien né le 18 mai 1969 ?

27 R. Oui.

28 Q. Est-ce que vous êtes bien né à Vranoc, au Kosovo ? Est-ce que vous

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1 habitez toujours là-bas ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que votre profession c'est bien mécanicien automobile ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous avez fait une déposition le 16 mai de cette année dans

6 un procès au Kosovo contre Idriz Gashi, également connu sous le nom de

7 Galan, pour le meurtre de Sanije Balaj ?

8 R. Oui.

9 Q. Je voudrais que ce soit bien clair que je vais simplement vous poser

10 des questions sur ce qui s'est passé là-bas. Je ne vous pose pas de

11 questions concernant l'affaire dans laquelle vous êtes vous-même accusé.

12 Est-ce que vous comprenez cela ?

13 R. Pourriez-vous répéter cela, s'il vous plaît ?

14 Q. Je ne vais pas vous poser de questions concernant les accusations

15 d'outrage au Tribunal. Je vais simplement vous poser des questions

16 concernant ce qui s'est passé au Kosovo en 1998, et en particulier en ce

17 qui concerne Sanije Balaj. Est-ce que vous comprenez cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Je souhaiterais que vous confirmiez que depuis votre arrivée à La Haye,

20 je crois que c'était samedi, vous n'avez eu aucun contact avec qui que ce

21 soit du bureau du Procureur, c'est-à-dire mon bureau, sauf quand vous nous

22 avez vus en salle d'audience il y a plusieurs jours lors de votre

23 comparution initiale ?

24 R. Vous voulez dire avant que je ne vienne ici ?

25 Q. Non, depuis que vous êtes arrivé ici samedi. Je voudrais que vous

26 confirmiez à la Chambre que vous n'avez parlé à personne du bureau du

27 Procureur.

28 R. C'est ce jour-là où j'ai comparu en salle d'audience moi-même.

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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, mais comme nous sommes dans

2 une position quelque peu unique, dans la mesure où M. Krasniqi est

3 représenté par un conseil et il a pu y avoir des conversations entre le

4 bureau du Procureur et le conseil qui auraient été communiquées à M.

5 Krasniqi, et s'il y a eu des communications de M. Krasniqi par son conseil

6 avec le bureau du Procureur, à ce moment-là son conseil agit en qualité

7 d'agent pour le bureau du Procureur. Il faudrait peut-être clarifier ce

8 point.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, bien sûr, vous pouvez

10 demander des éclaircissements sur ce point, mais ce n'est pas une question

11 que M. Re a posée au témoin pour le moment lui-même, et je peux également

12 imaginer -- parce que je considère que peut-être que vous souhaiteriez être

13 informé de toute question de ce genre si ça avait eu lieu. A ce moment-là,

14 bien sûr, vous pourriez poser des questions au témoin ou peut-être essayer

15 de l'apprendre d'une autre manière qui ne prenne pas du temps d'audience.

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je m'en rends compte.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais dans la mesure où nous avons déjà reçu

19 une communication tardive et qu'il se peut bien qu'il y ait d'autres

20 communications tardives, ceci pourrait être un problème relevant de

21 l'article 68 du Règlement, et il y a cette question d'intermédiaire ou

22 d'agent qui existe, et je pensais que je devais évoquer la question

23 maintenant, avant que quiconque puisse dévier en quoi que ce soit par

24 rapport à ce que pouvait être l'intention, puisque nous nous trouvons en

25 fait dans une situation tout à fait unique.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'en suis conscient. Je pense que ceci

27 pourra être évoqué devant la Chambre sur le point de savoir s'il faut se

28 renseigner avant la déposition du témoin. Mais certainement je comprends

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1 que vous souhaiteriez apprendre ceci, et certainement il y aurait une façon

2 de le savoir.

3 Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

4 M. RE : [interprétation] Ma question visait simplement le point de savoir

5 si le témoin avait parlé à qui que ce soit du bureau du Procureur avant de

6 venir en salle d'audience, et j'attendais une réponse sur ce point.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je comprends cela.

8 Monsieur Krasniqi, peut-être que vous êtes un peu perturbé dans votre

9 concentration. Ce que vous a demandé M. Re, c'est de savoir si depuis que

10 vous êtes arrivé à La Haye vous avez eu des conversations avec un membre

11 quelconque du bureau du Procureur, ou si vous les avez simplement vus en

12 salle d'audience.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai seulement vu mon avocat.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et personne du bureau du Procureur, je

15 comprends, n'est-ce pas, d'après votre réponse ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai rencontré quelqu'un du Tribunal le

17 premier jour lorsque je suis venu ici.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'était pas quelqu'un du

19 bureau du Procureur, si j'ai bien compris.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas la question. Je ne sais

21 pas ce que vous voulez dire par là.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de résoudre ceci dans toute la

23 mesure du possible en nous mettant d'accord, Me Guy-Smith aura peut-être

24 d'autres questions également.

25 Maître Emmerson.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions poursuivre la

27 déposition du témoin, et lorsqu'il y aura suspension de séance, peut-être

28 que pendant quelques minutes, un peu plus longtemps que d'habitude, nous

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1 pourrions nous enquérir auprès de M. Re pour avoir une communication

2 complète.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que ce serait une façon

4 pratique de traiter la question.

5 Veuillez poursuivre, Monsieur Re, et revenons à l'essentiel.

6 M. RE : [interprétation] Bien que j'indique qu'il n'y a aucune question de

7 communication qui se pose.

8 Q. Monsieur Krasniqi, retournons, s'il vous plaît, en 1998, en mai 1998.

9 Est-ce que vous habitiez Vranoc en mai 1998 ?

10 R. Oui.

11 Q. Et où travailliez-vous à ce moment-là ?

12 R. Jusqu'à un mois avant que Vranoc ne soit attaqué, je travaillais, oui.

13 Q. Quand est-ce que Vranoc a été attaqué ?

14 R. Vranoc a été attaqué le 29 mai.

15 Q. Que faisiez-vous au cours du mois précédent l'attaque de Vranoc ?

16 R. J'avais ma société privée.

17 Q. Vous avez dit que vous avez travaillé jusqu'à un mois avant cela.

18 Quelle est l'importance de cela ? Je voudrais savoir ce que vous faisiez au

19 cours du mois précédent l'attaque de Vranoc.

20 R. Comme je l'ai dit, j'avais ma société privée. J'avais des camions et je

21 transportais du gravier et du sable pour des travaux de construction, pour

22 construire des canaux ou des choses de ce genre.

23 Q. Est-ce que vous étiez à la FARK ou à l'UCK avant que votre village ne

24 soit attaqué ?

25 R. Avant que notre village ne fût attaqué, il y avait une organisation qui

26 a été effectuée avant que le village ne soit attaqué. Il y avait des

27 volontaires qui formaient du personnel qui devait défendre la population

28 civile.

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1 Q. Est-ce que vous étiez l'un de ces volontaires ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous aviez des armes ?

4 R. Pour le moment pendant que nous formions ce personnel, nous n'avions

5 pas d'armes. Des armes, je crois, sont arrivés dix ou 15 jours plus tard

6 après cela.

7 Q. Approximativement quand est-ce que vous avez formé ce personnel, vous

8 et les personnes qui étaient avec vous ?

9 R. C'était au mois de mai, le 14 ou le 15 mai, je n'en suis pas sûr.

10 Q. Combien de personnes ont participé à la formation de ce personnel ou de

11 cet état-major ?

12 R. La formation de ce personnel, en fait, c'est tout le village, tous les

13 habitants du village étaient prêts à se protéger.

14 Q. Du point de vue des nombres, vous voulez parler de combien de personnes

15 ?

16 R. Il y avait un grand nombre de personnes, mais je ne sais pas exactement

17 combien, parce que nous n'avions pas de listes. Mais il y avait de nombreux

18 volontaires.

19 Q. Et lorsque vous dites "nombreux", vous voulez parler de 10 ? 50 ? Une

20 centaine ? Un millier ? Quel chiffre ?

21 R. De 20 à 25 personnes.

22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

23 M. RE : [interprétation]

24 Q. Vous avez dit que c'était dix ou 15 jours après que ce personnel

25 ait été formé -- avait des armes. Quel type d'armes était-ce et d'où

26 venaient-elles ?

27 R. C'étaient des armes qui venaient d'Albanie. Il y avait des personnes

28 qui étaient autorisées à aller là-bas et à ramener des armes.

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1 Q. De quel sorte d'armes s'agissait-il ? Comment savez-vous qu'elles

2 venaient d'Albanie ? En d'autres termes, quelles étaient les personnes qui

3 étaient autorisées à aller là-bas et à les rapporter ?

4 R. Les gens allaient là-bas volontairement. Ils étaient autorisés à aller

5 chercher ces armes et à les rapporter de façon à protéger et à aider la

6 population civile.

7 Q. Est-ce que vous êtes allé vous-même en Albanie pour chercher des armes

8 ?

9 R. Non.

10 Q. Quelle sorte d'armes ont été ramenées à votre village ? Quel type

11 d'armes ? Quelle quantité, s'il vous plaît ?

12 R. Des Kalachnikovs. Nous les appelions des Kalasha.

13 Q. Et il y avait des munitions pour ces armes ?

14 R. Oui. Pas beaucoup, ce qu'ils ont pu rapporté pour ces armes.

15 Q. Et y avait-il des armes lourdes, des armes plus lourdes que cela ? Est-

16 ce que vous en aviez aussi ?

17 R. Non, il n'y avait pas d'armes lourdes.

18 Q. Chacune de ces 20 à 25 personnes dont vous avez parlé comme étant des

19 volontaires, est-ce que chacune a reçu une Kalachnikov ?

20 R. Il n'y en avait pas suffisamment pour aller et venir avec, donc

21 certains avaient reçu des armes, d'autres pas.

22 Q. Aviez-vous à ce moment-là des uniformes ?

23 R. Non.

24 Q. Qui organisait le fait d'apporter des armes aux villages ?

25 R. Je ne sais pas qui s'occupait de l'organisation. Je sais que ces armes

26 venaient d'Albanie, qu'elles avaient été prises là-bas.

27 Q. Qui était le commandant de votre état-major de village ?

28 R. Din Krasniqi.

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1 Q. Savez-vous à qui il rendait compte, qui était son chef ?

2 R. Din avait de bonnes relations avec Ramush Haradinaj.

3 Q. Est-ce que vous dites qu'il rendait compte à Ramush Haradinaj, que

4 c'était son supérieur ?

5 R. Din était le chef de ce personnel, et il était obligé d'avoir des

6 contacts avec Ramush.

7 Q. Quel contact était-il obligé d'avoir avec Ramush ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Est-ce que cet état-major, ce personnel de votre village, a obtenu des

10 armes avant ou après que votre village ne soit attaqué le 29 mai ?

11 R. Une partie des armes se trouvait là avant l'attaque de Vranoc; après

12 l'attaque, d'autres armes sont arrivées.

13 Q. Qui a attaqué votre village, est-ce que c'était des Serbes ?

14 R. Oui.

15 Q. Qu'ont-ils fait ?

16 R. Ils ont attaqué à 5 heures du matin, et ils ont incendié et brûlé 42

17 maisons. Ils ont également brûlé mon excavatrice. Quatre civils ont été

18 tués. Il y a eu également des blessés.

19 Q. Dans votre déclaration du 30 janvier de l'an dernier, vous avez dit 22

20 maisons. Est-ce que nous vous avons bien entendu, 42 ou 22 ?

21 R. Non, c'était 22. J'ai vu que j'avais fait erreur. J'avais dit 42, mais

22 c'était 22.

23 Q. Pourriez-vous décrire l'attaque ? Qu'est-ce que les Serbes ont fait ?

24 Vous dites qu'ils ont incendié un certain nombre de maisons, et votre

25 excavatrice, et que des civils également ont eu à en pâtir. Comment ont-ils

26 attaqué ?

27 R. Ils ont attaqué au point précis où se trouvait le gros de nos gardes,

28 Gani Krasniqi, Astrit Krasniqi et Komir Krasniqi, qui protégeaient la

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1 population parce qu'ils étaient là, ils gardaient la population civile,

2 parce que la population civile pouvait s'échapper.

3 Q. Est-ce que ces gardes étaient armés des Kalachnikovs dont vous avez

4 parlé tout à l'heure ?

5 R. Oui, bien sûr. Oui.

6 Q. Donc ils ont riposté lorsque les Serbes ont attaqué ?

7 R. Non.

8 Q. Mais alors, comment ont-ils répondu à l'attaque serbe, c'est-à-dire ces

9 gardes, qu'ont-ils fait ?

10 R. Leur réaction a été de sonner l'alarme et d'aviser la population que

11 nous étions en train d'être attaqués, et que quiconque entendait qu'une

12 attaque était lancée, ils commençaient à partir.

13 Q. Avant que les Serbes attaquent, est-ce que l'état-major du village

14 était en train de contrôler le village de Vranoc, votre village?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que ce personnel qui s'occupait de la défense du village a

17 résisté à l'attaque serbe le 29 mai; et dans l'affirmative, de quelle

18 manière ?

19 R. Il n'y a pas eu de résistance au sens propre du terme, parce que les

20 armes et les munitions que nous avions étaient insuffisantes pour pouvoir

21 réagir contre l'ennemi.

22 Q. Est-ce qu'il y avait eu un poste de police ou un poste gouvernemental

23 serbe dans votre village ?

24 R. Non, non.

25 Q. Quand est-ce que les fonctionnaires serbes ou les officiels serbes ont

26 quitté votre village ?

27 R. Le jour même, vers 2 ou 3 heures.

28 Q. Il y a un moment vous avez dit que l'état-major du village ou le

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1 personnel du village contrôlait le village avant l'attaque serbe. Alors, ce

2 que je vais vous demander, c'est : avant qu'il ait pris le contrôle du

3 village, cet état-major du village, quand est-ce que les fonctionnaires

4 serbes ou les officiels serbes ont quitté le village ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

6 M. EMMERSON : [interprétation] C'est que --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Un instant, s'il vous plaît.

8 Une seconde.

9 M. EMMERSON : [interprétation] C'est un peu comme la question : quand avez-

10 vous arrêté de battre votre épouse.

11 M. RE : [interprétation] Bien --

12 M. EMMERSON : [interprétation] Ça fait une hypothèse dans la question selon

13 laquelle il y avait des fonctionnaires serbes dans le village qui, à ce

14 moment-là d'après ce que je comprends, il n'y a pas de déposition en ce

15 sens.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

17 M. RE : [interprétation]

18 Q. Est-ce qu'il y avait des fonctionnaires serbes dans votre village à un

19 moment quelconque avant le mois de mai 1998 ?

20 R. Non.

21 Q. Vous avez décrit le fait que les Serbes attaquaient le village le 29

22 mai. Combien de temps a duré cette attaque, que s'est-il passé, combien de

23 temps est-ce que cela a duré et que s'est-il passé après ?

24 R. L'attaque s'est poursuivie jusque vers midi. Certains habitants du

25 village sont arrivés d'autres villages comme volontaires pour venir nous

26 aider. L'un deux était Rrustem Tetaj, qui est venu nous aider avec

27 quelques-uns de ses soldats.

28 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, Rrustem Tetaj et ses soldats ont résisté aux

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1 Serbes ce jour-là ?

2 R. Je ne les ai pas vus lorsqu'ils sont arrivés. Je les ai vus plus tard.

3 Q. Savez-vous quoi que ce soit concernant la question de savoir s'ils ont

4 résisté aux Serbes ce jour-là, c'est-à-dire s'il y a eu combat entre les

5 Serbes et Rrustem Tetaj et ses soldats ?

6 R. Rrustem est venu après l'attaque, vers midi. C'est à ce moment-là qu'il

7 est arrivé.

8 Q. Où se trouvaient les Serbes à ce moment-là lorsque Tetaj et ses hommes

9 sont arrivés ?

10 R. Les Serbes étaient dans le village avec leurs machines.

11 Q. Mais est-ce qu'il y a eu affrontement entre Rrustem Tetaj et ses hommes

12 d'une part et les Serbes après son arrivée ?

13 R. Je ne sais pas.

14 Q. Combien de temps est-ce que les Serbes sont restés dans le village ?

15 R. Jusqu'à 2 heures ou 3 heures.

16 Q. De l'après-midi ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que c'était des policiers serbes, ou est-ce que c'était des

19 militaires, ou est-ce que c'était un peu des deux ?

20 R. Il y avait des gens de l'armée, des paramilitaires, des policiers. Ils

21 étaient tous ensemble.

22 Q. Les avez-vous vus de vos propres yeux ?

23 R. Oui.

24 Q. Quel type d'armes portaient-ils ?

25 R. Ce jour-là, je n'ai pas pu reconnaître de loin toutes ces armes, mais

26 ils avaient des chars et des véhicules blindés transport de personnel,

27 enfin des véhicules militaires. Je n'ai pas pu reconnaître quelles étaient

28 les armes de poing ou armes légères qu'ils avaient.

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1 Q. Quel était leur nombre à votre avis, combien pensez-vous en avoir vu

2 sur place ?

3 R. Un grand nombre.

4 Q. Pourriez-vous donner une estimation ? Est-ce que ce serait 10, 20, 100,

5 500 ?

6 R. Je pense qu'il devait y avoir 150 soldats et policiers en tout.

7 Q. Après cette attaque et après que les maisons aient été incendiées et

8 brûlées et que des personnes aient été tuées, est-ce que les Serbes ont

9 quitté le village ?

10 R. Oui.

11 Q. A ce moment-là, est-ce que le village s'est retrouvé sous le contrôle

12 de l'état-major du village après le départ des Serbes ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous nous avez dit que vous étiez devenu un des volontaires. Je

15 souhaite savoir comment ceci se faisait officiellement et savoir comment

16 vous êtes devenu membre de l'UCK ou du FARK. Je souhaite que vous en

17 parliez aux Juges de la Chambre, et comment les gens se sont armés.

18 R. Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît. Ça n'est pas

19 très clair pour moi.

20 Q. Avez-vous fait partie de l'UCK ou du FARK ?

21 R. Au début, je faisais partie de l'UCK. Les commandants se sont mis

22 d'accord à ce moment-là et j'ai rejoint le FARK.

23 Q. Pourriez-vous nous donner quelques dates, s'il vous plaît, lorsque vous

24 faisiez partie de l'UCK, ensuite vous avez rejoint le FARK.

25 R. J'ai rejoint le FARK après que la caserne militaire ait été mise en

26 place, mais je ne connais pas les dates.

27 Q. C'était à la caserne militaire de Barane, c'est cela ?

28 R. Oui, une caserne était à Baran et l'autre était à Prapaqan.

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1 Q. La caserne de Barane se trouvait dans l'école, c'est cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous dites ne pas connaître les dates. Qu'en est-il des saisons ?

4 C'était l'été ? L'automne ? Le printemps ?

5 R. C'était le mois de juillet je crois, si je ne me trompe pas.

6 Q. Quelle était votre mission ou votre rôle ?

7 R. D'aucuns avaient été choisis pour être des soldats et d'autres pour

8 être des policiers militaires. Le commandant de la police était Hasan Gashi

9 et la police militaire avait pour obligation de contrôler l'armée de façon

10 à ce que les soldats respectent les règles de discipline.

11 Q. Vous dites avoir rejoint la police militaire ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous portiez un uniforme ?

14 R. Oui.

15 Q. Cela ressemblait à quoi ? Pourriez-vous nous le décrire, s'il vous

16 plaît.

17 R. C'était un uniforme bigarré, c'était un uniforme allemand. Certaines

18 personnes portaient des uniformes différents, différents du mien. Tous les

19 soldats de l'armée ne portaient pas le même uniforme, parce qu'il n'y avait

20 pas suffisamment d'uniformes pour tout le monde.

21 Q. Combien de personnes faisaient partie de la police militaire dans

22 l'unité dans laquelle vous étiez ?

23 R. Je ne connais pas le chiffre exact. Bien, je dirais 15 ou 20.

24 Q. Qu'en est-il des emblèmes ou des blasons, et si oui à quoi

25 ressemblaient-ils ?

26 R. Les insignes étaient des insignes de l'UCK.

27 Q. Vous-même, vous portiez un insigne de l'UCK ?

28 R. Je ne me souviens pas si je le portais sur mon uniforme, mais je me

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1 souviens bien d'avoir eu un insigne sur ma casquette.

2 Q. Quelles armes utilisiez-vous, vous qui faisiez partie de la police

3 militaire, qu'est-ce qu'on vous a remis comme armes ?

4 R. Des Kalachnikovs.

5 Q. Cette unité de la police militaire que vous avez évoquée, est-ce

6 qu'elle était basée dans la caserne militaire de Baran ?

7 R. Cette unité de la police militaire était cantonnée dans l'école rouge,

8 la Shkolla e Kuqe, c'est là où se trouvait la caserne, mais la police

9 militaire se trouvait à un endroit différent par rapport à la caserne.

10 Q. A quelle distance et dans quel bâtiment se trouvait le bâtiment dans

11 lequel se trouvait la police militaire ?

12 R. Nous l'appelons Shkolla e Kuqe, ce qui est l'école rouge.

13 Q. Qui commandait la caserne, à savoir les soldats et la police militaire

14 qui s'y trouvaient en juillet 1998 ?

15 R. Nazif Ramabaja, Musa Draga et Esat Ademi étaient à Baran, alors que le

16 commandant de la police c'était Hasan Gashi.

17 Q. Nazif Ramabaja était-il le commandant ?

18 R. A la caserne militaire de Baran, oui.

19 Q. Simplement, pourriez-vous nous décrire très brièvement quelles étaient

20 vos obligations en tant qu'officier de police militaire ?

21 R. Je n'étais pas officier, j'étais simplement policier.

22 Q. Que faisiez-vous en tant que policier militaire -- en tant que policier

23 ?

24 R. Notre tâche consistait à contrôler l'armée. Les soldats n'avaient pas

25 le droit de faire ce qu'ils voulaient. Tel était notre rôle.

26 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

27 M. RE : [interprétation]

28 Q. Je vais maintenant vous poser des questions à propos de Sanije Balaj.

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1 Aviez-vous un lien de parenté avec Sanije Balaj ?

2 R. Oui.

3 Q. Quel était ce lien de parenté que vous aviez avec Sanije Balaj ?

4 R. Pour autant que je sache, mon père est un cousin de son oncle du côté

5 maternel.

6 Q. Vous la connaissiez bien ?

7 R. Je la connaissais d'avant. Je connaissais toute sa famille.

8 Q. Vous voulez dire que vous vous tutoyez, vous connaissiez son prénom;

9 c'est cela, et vice versa ?

10 R. Je connaissais Sanije Balaj, je connaissais son frère, je connaissais

11 Shaban Balaj, ainsi que ses parents proches, je les connais.

12 Q. Je vais maintenant vous poser quelques questions sur ce qui est arrivé

13 à Sanije Balaj. Je souhaite que vous parliez aux Juges du fait de l'avoir

14 vue à la caserne militaire et de ce qui s'est passé; d'accord ?

15 R. Je vous demande de bien vouloir répéter la question, s'il vous plaît.

16 Q. Je vais vous poser des questions à propos de Sanije Balaj et sur ce qui

17 lui est arrivé; d'accord ? Je souhaite que vous reveniez au jour où vous

18 l'avez vue à la caserne militaire. Je souhaite que vous commenciez par le

19 début. Où étiez-vous lorsque vous l'avez vue la première fois ce jour-là ?

20 R. Certains d'entre nous, nous étions plusieurs policiers assis en train

21 de boire des boissons non alcoolisés et nous avons vu deux policiers qui

22 avaient emmené Sanije Balaj et ils l'accompagnaient à l'intérieur de la

23 caserne. Ils l'emmenait quelque part dans la caserne voir Nazif Ramabaja,

24 je suppose, mais je ne sais pas où ils l'ont emmenée.

25 Q. Quand ceci s'est-il passé ?

26 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là, quand ?

27 Q. En 1998 ? Quand était-ce ?

28 R. Oui, oui.

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1 Q. Quand en 1998 ? Vous dites que vous étiez un policier militaire,

2 c'était au mois de juillet. Et par rapport au moment où vous avez commencé

3 à travailler comme un policier militaire, c'était quand par rapport à cela

4 ?

5 R. Cela a dû être au mois d'août. Cela était certainement au mois d'août.

6 Q. Et le jour ?

7 R. C'était dans l'après-midi.

8 Q. Qui étaient les deux policiers qui ont emmené Sanije Balaj à la caserne

9 ?

10 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne sais pas qui l'a arrêtée et qui l'a

11 emmenée à cet endroit-là. La personne qui l'a interrogée était Cufe

12 Krasniqi. Et ce dont je peux parler c'est sur ce qui s'est passé après son

13 interrogatoire et après cela.

14 Q. Avec qui étiez-vous lorsque vous avez vu que l'on l'emmenait dans la

15 caserne ?

16 R. J'étais avec des soldats, Hysen Ukaj, Ahmet Ukaj, Nexhat Gashi, et

17 d'autres dont je ne rappelle pas le nom. Certains d'entre eux ont été tués.

18 Q. [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Le témoin vient de donner le nom de deux

21 personnes. Je souhaite avoir une précision sur le deuxième nom, eu égard à

22 la déposition d'hier. En tout cas, à la façon dont je peux le lire au

23 niveau du compte rendu d'audience.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. M. Ahmet Ukaj, c'est la même personne de Vranoc qui est née en 1958 et

26 qui a témoigné ici hier ? S'agit-il bien de la même personne ?

27 R. La date que vous avez citée est 1958. Je ne pense pas qu'il s'agisse du

28 même Ahmet.

Page 10725

1 Q. Il me semblait avoir dit 1968. En tout cas, au compte rendu cela

2 apparaît comme 1958, mais il me semble avoir dit 1968.

3 R. Dans ce cas, oui, 1968.

4 Q. C'est bien le même Ahmet Ukaj qui faisait partie de la police

5 militaire; c'est cela ?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Où était Sanie Balaj ainsi que ces deux autres policiers ? D'où

8 venaient-ils lorsque vous les avez vus se diriger vers la caserne ?

9 R. Il y avait un kiosque ou quelque chose comme une petite boutique où

10 nous achetions diverses choses, de la nourriture, des boissons, des

11 cigarettes, et ils l'ont emmenée dans cette direction-là jusqu'au moment où

12 ils se sont dirigés vers l'école où se trouvait la caserne militaire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, une des questions

14 précédentes qui a été posée par Me Emmerson me trouble toujours. En fait,

15 il vous a demandé s'il s'agissait bien de la même personne. Etant donné que

16 la date de naissance a été corrigée et qu'il s'agit de 1968, je crois que

17 cette personne sait qu'il doit s'agir de quelqu'un qui doit avoir une

18 quarantaine d'années.

19 Vous laissez entendre l'idée que le témoin serait au courant du fait

20 qu'il était témoin dans ce prétoire. Est-ce que nous pouvons vérifier cela

21 et savoir si effectivement il sait que cette personne a témoigné dans ce

22 prétoire, parce que simplement la seule information dont nous disposons,

23 c'est le fait qu'il ait 40 ans, et ceci n'est peut être pas un fondement

24 très sûr qui nous permet d'en déduire des conclusions.

25 Veuillez préciser, s'il vous plaît.

26 M. RE : [interprétation]

27 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous entendu la question posée par le Président

28 de la Chambre, savez-vous que ce Ahmet Ukaj, qui est né en 1968, est venu

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1 témoigner hier dans ce prétoire et c'est celui qui vient de Vranoc, et il

2 s'agit toujours de la même personne dont nous parlons ?

3 R. Oui. Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de deux questions. La

5 première; êtes-vous au courant du fait qu'il est venu déposer ? Etiez-vous

6 au courant ? Saviez-vous cela ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai vu à la télévision hier soir.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

9 Veuillez poursuivre.

10 M. RE : [interprétation]

11 Q. Vous avez dit que vous saviez que Sanije Balaj a été interrogée par

12 Cufe Krasniqi. Comment savez-vous cela ?

13 R. A l'endroit où nous étions assis, nous étions devant l'école. Cufe

14 était à l'intérieur avec elle dans une pièce, et je ne sais pas ce dont ils

15 ont parlé. Je ne sais pas comment il l'a interrogée.

16 Q. Savez-vous comment elle a quitté cette pièce ?

17 R. Oui. Lorsque Idriz Gashi, Galani, est venu, il est allé à l'intérieur.

18 Il a parlé avec Cufe. Je ne sais pas ce dont ils ont parlé. Galani ensuite

19 est sorti dehors accompagné de Sanije Balaj.

20 Q. Revenons un petit peu en arrière. Saviez-vous que c'était Idriz Gashi,

21 Galani, avant ce jour-là ?

22 R. Oui.

23 Q. Idriz Gashi, Galani, l'avez-vous vu entrer dans l'école ?

24 R. Oui.

25 Q. Dites aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu.

26 R. J'ai vu Idriz Gashi entrer dans le bureau dans lequel Cufe était avec

27 elle.

28 Q. D'où venait-il lorsqu'il est entré dans ce bureau ?

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1 R. Il a arrêté la voiture au niveau du kiosque ou de la petite boutique.

2 Il s'est arrêté à cet endroit-là pendant deux ou trois minutes. Quelqu'un

3 lui a dit qu'une personne avait été arrêtée et lorsqu'il a entendu cela il

4 est allé à l'intérieur. Il est entré par la petite porte de l'école. C'est

5 là que se trouvait l'entrée, par une petite porte. Je ne l'ai pas vu entrer

6 dans le bureau, parce que l'entrée se trouvait de l'autre côté, mais je

7 l'ai vu.

8 Q. Savez-vous pourquoi il s'est rendu dans ce bureau ?

9 R. Non, je ne le sais pas.

10 Q. Vous l'avez vu sortir de ce bureau ?

11 R. Lorsqu'il est sorti avec Sanije Balaj.

12 Q. Veuillez nous décrire ce que vous avez vu lorsqu'il est sorti avec

13 Sanije Balaj.

14 R. Il est sorti avec Sanije Balaj. Il avait un petit calepin, qui

15 ressemblait à un petit calepin blanc, et il nous insultait. Il nous disait

16 : Comment pouvez-vous autoriser une personne qui est suspecte et qui est

17 interrogée, car cette personne a dans son calepin des noms de criminels, de

18 criminels serbes. Nous connaissions ces noms, parce que c'était des

19 policiers de Peje. Je me souviens de certains de ces noms, mais nous avons

20 gardé le silence et nous n'avons rien dit.

21 Q. Vous souvenez-vous de quelques-uns de ces noms maintenant ?

22 R. Certains d'entre eux, je me souviens de certains d'entre eux, du

23 policier serbe, comme Salipur [phon], Borelovici [phon], et je ne connais

24 pas les noms de famille, pardonnez-moi, mais il y avait cinq ou six noms

25 non-serbes qu'il a nommés, mais je me souviens de ces deux-là. Ce sont les

26 deux dont je me souviens le mieux.

27 Q. Est-ce qu'il vous a montré ces noms dans le calepin ou est-ce qu'il

28 vous a simplement dit que ces noms figuraient dans le calepin ?

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1 R. Il a montré le calepin du doigt et il a dit : Regardez les noms et

2 regardez les numéros de téléphone. Mais nous ne pouvions pas les voir. On

3 ne pouvait pas voir ce qui avait été écrit dans le calepin de l'endroit où

4 nous étions.

5 Q. Où se trouvait Sanije Balaj lorsqu'il vous a parlé à ce moment-là et il

6 vous a dit qu'il vous lançait des injures ?

7 R. Elle était derrière lui.

8 Q. Y avait-il quelqu'un d'autre avec lui ?

9 R. Non.

10 Q. Etait-il armé ?

11 R. Oui.

12 Q. Quel type d'arme portait-il ?

13 R. Une Kalachnikov et un pistolet.

14 Q. Portait-il un uniforme ?

15 R. Oui.

16 Q. Veuillez nous décrire son uniforme.

17 R. Ce jour-là il portait un uniforme noir. Il avait une casquette, un

18 couvre-chef, mais ce dernier n'était pas noir. Il était d'une autre couleur

19 et arborait l'insigne de l'UCK.

20 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pardonnez-moi, est-ce que je vous ai

21 bien compris ? Vous avez parlé d'"un uniforme noir" ou de "l'uniforme

22 noir." Lequel des deux avez-vous dit ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce jour-là, l'uniforme qu'il portait était

24 noir, mais sa casquette, son couvre-chef, n'était pas noir. Ce dernier

25 était d'une couleur différente.

26 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.

27 M. RE : [interprétation]

28 Q. Vous dites qu'il arborait un insigne de l'UCK. Quel était son rôle ou

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1 sa position dans la hiérarchie de l'UCK ?

2 R. Il était commandant de Lugu i Drinit. Il a dit que c'était Ramush

3 Haradinaj qui l'avait nommé à ce poste-là, ainsi que Sali Veseli, et nous

4 le respections en tant que tel. C'était le commandant de Lugu i Drinit.

5 C'était un bon commandant et il a lui-même contribué à tout ceci. Regardez

6 ce qui s'est passé après.

7 Q. Quelle était la position occupée par Ramush Haradinaj à ce moment-là ?

8 R. A ce moment-là, Ramush Haradinaj commandait Dukagjini Plain. Pendant un

9 court laps de temps, Tahir Zemaj était commandant et ensuite Ramush

10 Haradinaj a repris le commandement à nouveau.

11 Q. Sanije Balaj est restée combien de temps dans l'école avant que vous ne

12 le voyiez ressortir en présence d'Idriz Gashi ?

13 R. Elle est restée dans la caserne pendant une heure environ, une heure,

14 une heure et demie, parce que son cousin l'attendait pour l'emmener à la

15 maison.

16 Q. Est-ce qu'elle est partie accompagnée de son mari [comme interprété]

17 pour rentrer à la maison ?

18 R. Non. Elle attendait son cousin. Son cousin devait l'emmener à la

19 maison, mais les choses, comme vous le savez, malheureusement se sont

20 produites différemment.

21 Q. Est-ce que vous pourriez parler aux Juges de la Chambre sur ce qui

22 s'est passé, vous avez dit que les choses ne se sont passées ainsi. Iber

23 Krasniqi, était-il là ?

24 R. Iber ?

25 Q. Oui, Iber Krasniqi.

26 R. Non.

27 Q. Qu'en est-il de Cufe Krasniqi, était-il là lorsqu'elle est sortie de ce

28 bâtiment accompagnée d'Idriz Gashi ?

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1 R. Cufe était à l'intérieur du bâtiment avec Sanije Balaj lorsque Idriz

2 Gashi est venu. Idriz Gashi est allé à l'intérieur. Je ne sais pas, parce

3 que je n'étais pas là. Je ne peux pas vous dire ce dont ils ont parlé. Mais

4 ce que je sais, c'est qu'Idriz Gashi et Sanije Balaj sont sortis. A savoir

5 si Cufe est allé en direction de l'école, je ne le sais pas, parce que

6 depuis l'endroit où nous étions, nous ne pouvions pas voir cela.

7 Q. Après qu'Idriz --

8 M. RE : [interprétation] Je m'en remets à vous.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons commencé tardivement,

10 donc si vous pouvez trouver un moment opportun pour faire la pause --

11 Soit. Nous allons faire la pause maintenant et reprendre à 16 heures 20.

12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 56.

13 --- L'audience est reprise à 16 heures 23.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, vous pouvez poursuivre.

15 M. RE : [interprétation]

16 Q. Avant la pause, vous avez dit que Sanije Balaj était à

17 l'extérieur avec Idriz Gashi et attendait que son cousin l'amène chez elle.

18 J'essaie juste de savoir si, pour vous, elle était libre de partir à ce

19 moment-là ? Avez-vous eu ce sentiment-là ?

20 R. Non. Sanije Balaj est restée à l'intérieur avec Cufe Krasniqi. Lorsque

21 Gashi est arrivé, Sanije Balaj est restée à l'intérieur, car elle avait

22 l'autorisation de rentrer chez elle.

23 Q. Voilà ce que j'essaie de savoir. Lorsque vous avez dit que vous les

24 avez vus dehors, est-ce que vous avez vu Cufe Krasniqi dire quoi que ce

25 soit quant à savoir si elle avait l'autorisation de rester ou de partir ?

26 R. Nous étions à l'extérieur, lorsqu'on a appris qu'elle était autorisée à

27 rentrer chez elle, et que ses parents l'attendaient pour la ramener chez

28 elle, mais en fait elle est restée à l'intérieur avec Cufe, dans le bureau

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1 de la police.

2 Q. Est-ce que vous savez si Cufe l'a libérée ?

3 R. Oui, nous savions qu'elle avait été libérée.

4 Q. Vous saviez que Cufe l'avait libérée ?

5 R. Je ne sais pas qui l'avait libérée de la caserne militaire, Nazif

6 Ramabaja ou quelqu'un d'autre, ça, je ne le sais pas.

7 Q. Est-ce que vous savez si Cufe a joué un rôle dans cette libération ?

8 R. Je ne sais pas.

9 Q. Essayons de revenir là où nous étions à l'extérieur, lorsque vous étiez

10 à l'extérieur, que s'est-il passé après qu'Idriz Gashi avec ce calepin

11 commence à vous insulter en donnant des noms de policiers serbes qui

12 figuraient dans ce calepin, que s'est-il passé à ce moment-là ?

13 R. Nous sommes sortis, Sanije Balaj, et il avait ce calepin avec lui, et

14 il a dit : Comment est-ce que vous permettez cette libération et de

15 retourner à la maison ? Et il a lu les noms des policiers serbes.

16 Q. Ensuite qu'avez-vous fait, qu'a fait Idriz Gashi et qu'a fait Sanije

17 Balaj ?

18 R. Sanije Balaj était derrière Idriz Gashi. Et Idriz Gashi m'a ordonné de

19 l'emmener au quartier général de Gllogjan, et j'ai obéi à cet ordre, et

20 nous nous sommes rendus à Gllogjan.

21 Q. Le quartier général de Gllogjan est le quartier général de quoi ?

22 R. Il s'agissait du commandement de Ramush Haradinaj.

23 Q. Pourquoi est-ce qu'Idriz Gashi vous a ordonné d'emmener Sanije Balaj au

24 quartier général de Ramush Haradinaj à Gllogjan ?

25 R. Je ne sais pas.

26 Q. Pourquoi avez-vous obtempéré à cet ordre ?

27 R. Parce que je ne pouvais pas dire non, car il était mon supérieur, et

28 qu'il fallait bien que j'obéisse à ses ordres, et que toute autre personne

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1 qui aurait eu le même ordre aurait fait la même chose que moi.

2 Q. Mais quel était son supérieur hiérarchique ?

3 R. Vous voulez savoir à qui il rendait des comptes ? Vous voulez répéter

4 la question ?

5 Q. Idriz Gashi avait un supérieur hiérarchique. Vous dites que vous deviez

6 obéir à ses ordres ?

7 R. Il rendait des comptes au commandement de l'UCK.

8 Q. Vous avez dit tout à l'heure que Ramush Haradinaj était commandant de

9 la zone de Dukagjini. Est-ce que Galani a été placé sous les ordres de

10 Ramush Haradinaj ou était-il sous les ordres de quelqu'un d'autre ?

11 R. Il était un supérieur militaire, il avait été nommé à ce poste, et il

12 rendait des comptes à Ramush Haradinaj et Sali Veseli, et nous respections

13 cela. Nous ne savions pas à qui il devait rendre des comptes précisément ou

14 avec qui il avait des contacts, car nous étions dans le commandement de

15 Baran.

16 Q. Qui l'a nommé à ce poste, le savez-vous ?

17 R. Non, nous ne savions pas cela.

18 Q. Est-ce qu'il a dit pourquoi il fallait que vous ameniez Sanije Balaj au

19 quartier général de Ramush Haradinaj à Gllogjan ? Vous a-t-il donné la

20 raison pour laquelle vous deviez aller là-bas ?

21 R. Non. Il n'a donné aucune raison. Et quant à savoir si elle serait

22 envoyée à Ramush Haradinaj ou à d'autres membres de l'état-major de

23 Gllogjan, on n'a jamais demandé pourquoi ou comment.

24 Q. Il y a un petit moment vous avez dit : "J'ai obéi aux ordres, ensuite

25 nous sommes allés à Gllogjan."

26 Est-ce que vous êtes arrivés à Gllogjan ?

27 R. Non. Probablement cela n'a pas été bien compris. Je ne suis pas allé à

28 Gllogjan. Il a envoyé une voiture pour qu'elle soit emmenée à Gllogjan.

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1 Q. Je ne comprends pas votre dernière réponse. Est-ce que vous voulez bien

2 la clarifier ? Vous avez dit : "Il a envoyé une voiture pour qu'elle soit

3 amenée à Gllogjan." Qui est ce "il" ?

4 R. Bien. Il m'a donné l'ordre d'emmener la voiture et de conduire Sanije

5 Balaj et Idriz Gashi à Gllogjan.

6 Q. Y avait-il une voiture ?

7 R. Oui, c'était la voiture de la police militaire.

8 Q. Quel genre de véhicule ?

9 R. Il s'agissait d'une Golf rouge.

10 Q. Qui est entré dans le véhicule ?

11 R. Moi-même, Sanije Balaj et Idriz Gashi.

12 Q. Qui était au volant ?

13 R. Moi-même.

14 Q. Où était Sanije Balaj et où était Idriz Gashi dans la voiture ?

15 R. Sanije Balaj était assise à l'arrière de la voiture, et Idriz Gashi

16 était dans le siège du passager à l'avant.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. RE : [interprétation]

19 Q. Est-ce que vous vous êtes dirigé vers Gllogjan depuis Baran ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que Sanije Balaj savait que vous l'emmeniez au quartier général

22 de Ramush Haradinaj à Gllogjan ?

23 R. Oui.

24 Q. Savait-elle pourquoi on l'emmenait là-bas ?

25 R. Non, probablement parce qu'elle allait être interrogée, enfin, je ne

26 sais pas pourquoi.

27 Q. Y a-t-il un rapport avec le calepin qu'Idriz Gashi, Galani, avait, et

28 qui comportait les noms des policiers serbes, y avait-il un rapport entre

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1 cela et le fait de l'emmener à Gllogjan aux fins d'être interrogée ?

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Il s'agit d'une spéculation.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous voulez répéter la question ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être d'une manière, mais ce n'est

5 pas une spéculation qui est recherchée.

6 M. RE : [interprétation]

7 Q. Est-ce que vous savez s'il y a un rapport entre le calepin, les noms

8 serbes et le voyage à Gllogjan aux fins d'une interrogation au quartier

9 général de Ramush Haradinaj ?

10 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais en dehors du fait que c'est une

11 question qui est orientée --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde --

13 Maître Guy-Smith.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est une question directive. Nous essayons

15 d'arriver à un certain point, mais nous n'en sommes pas encore là.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, Monsieur Re. Il s'agit bien

17 d'une question qui est directive. Est-ce que vous voulez la reformuler ?

18 M. RE : [interprétation]

19 Q. Vous avez dit qu'elle allait sans doute être interrogée. Sur quoi est-

20 ce qu'elle allait être interrogée, d'après ce que vous saviez ?

21 R. On allait l'interroger au sujet du calepin avec les noms des policiers

22 serbes. Je suis sûr qu'il y avait sans doute un rapport avec ce calepin.

23 Q. Sur le chemin entre Vranoc et le quartier général de Ramush Haradinaj,

24 vous êtes allés jusqu'où ?

25 R. Nous avons fait 3, 4, peut-être 5 kilomètres, je ne sais pas

26 exactement. Je conduisais la voiture. C'était une route qui n'était pas

27 goudronnée. Cela nous a pris environ une vingtaine de minutes, quoique je

28 n'en aie pas la certitude.

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1 Q. Est-ce que vous vous êtes arrêtés ?

2 R. Oui. Alors que j'étais au volant et que je me dirigeais vers Gllogjan,

3 on m'a dit : Arrêtez la voiture ici. J'ai donc arrêté la voiture. Il a

4 parlé à Sanije Balaj. Ils sont sortis du véhicule. Au bout d'environ 40

5 minutes -- pardon, après quelque 40 secondes, nous sommes arrivés au moment

6 où nous avons entendu des coups de feu.

7 Q. Où êtes-vous arrêtés ? A quel endroit vous êtes-vous arrêtés ?

8 R. Nous étions à Lugu i Isufit, comme on l'appelle, dans les montagnes de

9 Vranoc.

10 Q. Est-ce que vous savez pourquoi est-ce qu'on vous a ordonné d'arrêter la

11 voiture à cet endroit-là ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Ils sont sortis de la voiture et au bout de 40 secondes vous avez

14 entendu des coups de feu. Vers quel endroit se sont-ils dirigés ?

15 R. Non, je ne suis pas sorti de la voiture. Je suis resté à l'intérieur.

16 Seuls Idriz Gashi et Sanije Balaj sont sortis de la voiture.

17 Q. Est-ce que Sanije Balaj est revenue ?

18 R. Non. J'avais du mal à croire que ceci pouvait se produire.

19 Q. Vers quel endroit se sont-ils dirigés ?

20 R. Ils sont allés dans la direction des montagnes.

21 Q. Y avait-il des arbres, des plantes, des buissons, des éléments

22 géographiques distincts ?

23 R. Il s'agissait d'une zone montagneuse et je ne savais pas quel était

24 l'objectif pour l'emmener là-bas. C'était l'ordre qu'il avait donné. Ils

25 sont sortis de la voiture, et au bout de 40 secondes j'ai entendu trois

26 coups de feu, et lorsqu'il est revenu de la montagne, j'ai dit : Qu'avez-

27 vous fait ? Il m'a regardé d'une drôle de manière. Il avait l'air très

28 confus. Il a dit : Ne t'inquiète pas, mais si tu dis quelque chose, tu

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1 auras le même sort.

2 Q. Vous avez entendu des coups de feu. Avec quoi était-il armé ?

3 R. Il avait une kalachnikov et un pistolet blanc.

4 Q. Que faisait-il avec le pistolet quand il est revenu ?

5 R. La cartouche était toujours là, et lorsqu'il est monté dans la voiture,

6 il a juste laissé son pistolet descendre doucement.

7 Q. Les coups de feu que vous avez entendus, s'agissait-il de coups de feu

8 de Kalachnikovs ou de pistolet ?

9 R. Du pistolet.

10 Q. Y avait-il d'autres personnes aux alentours ?

11 R. Nous avons vu quelques bergers accompagnés de leurs animaux, mais ils

12 étaient très loin. Je ne sais pas qui d'autre il y aurait pu y avoir dans

13 cette zone-là.

14 Q. Y avait-il des enfants ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous souvenez-vous combien ?

17 R. Non.

18 Q. Que s'est-il passé quand il est rentré dans la voiture et qu'il a dit :

19 Ne racontez cela à personne ou vous aurez le même sort ? Qu'avez-vous fait

20 ensuite ? Où êtes-vous allés ?

21 R. Après cela, je l'ai emmené à Baran et j'ai laissé la voiture à l'état-

22 major. J'ai pris ma propre voiture, je suis rentré chez moi. J'étais très

23 inquiet, très énervé. Je suis rentré chez moi me reposer.

24 Q. Vous vous souvenez, en revenant un peu en arrière, lorsque Idriz Gashi

25 a parlé aux enfants, les enfants dont vous avez dit qu'ils se trouvaient

26 aux alentours lorsqu'il est revenu après avoir tiré sur Sanije Balaj ?

27 R. Est-ce que vous voulez bien répéter la question.

28 Q. Vous souvenez-vous si Idriz Gashi a parlé à un des enfants en allant

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1 avec Sanije Balaj ou en revenant après ?

2 R. Je ne me souviens pas avant ou après, mais je me souviens qu'il leur a

3 crié après et qu'il leur a dit : "Allez-vous-en." Mais je ne me souviens

4 pas si c'était avant ou après.

5 Q. Que portait Sanije Balaj à ce moment-là ?

6 R. Elle portait une jupe courte qui était blanche et noire; elle avait des

7 chaussures blanches, mais je ne me souviens pas d'autre chose au sujet de

8 ses vêtements ni des couleurs, parce que je n'ai pas porté grande

9 attention.

10 Q. Je vais vous montrer une photographie et vous demander si vous pouvez

11 nous en parler.

12 M. RE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P804; c'est la cinquième

13 photographie.

14 Q. Lorsqu'on la montrera à l'écran, est-ce que vous pouvez me dire, en

15 attendant, s'il avait un sac à main ou si elle portait un accessoire.

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'elle l'a emmené avec elle lorsqu'elle a accompagné Galani ?

18 R. Non.

19 Q. Vous avez maintenant une photographie d'une robe. S'agissait-il de la

20 robe qu'elle portait à ce moment-là ?

21 R. Probablement. C'était peut-être cela.

22 Q. Est-ce que ça lui ressemble ?

23 R. Oui, c'était bien noir et blanc. Ça ressemble à cela.

24 Q. Mais qu'en est-il du calepin ? Où se trouvait le calepin ? Qu'avait

25 fait Galani du calepin qu'il avait auparavant ?

26 R. Galani avait pris le calepin avec lui, je ne sais pas ce qu'il en est

27 advenu.

28 Q. Vous dites que vous êtes rentré chez vous. Que s'est-il passé ensuite,

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1 après cela ?

2 R. J'ai emmené Galani à Baran. J'ai repris ma voiture. Je suis rentré chez

3 moi pour me reposer, car j'étais inquiet, confus, et c'est pourquoi je suis

4 rentré chez moi.

5 Q. Est-ce que vous savez où s'est rendu Galani après cela ?

6 R. Non, je ne sais pas où Galani est allé. Mais après, j'ai entendu dire

7 qu'il avait rencontré Mete et qu'ensuite il avait EU une dispute avec lui

8 et que Mete lui avait demandé : Où avez-vous laissé cette personne ? Il a

9 dit qu'il l'avait envoyée à Gllogjan, ensuite il s'est querellé avec lui

10 parce qu'elle n'a pas pu revenir à la caserne militaire.

11 Q. Mete, s'agit-il de Mete Krasniqi ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce Mete qui vous a relaté cela ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Désolé d'interrompre, mais c'est une

16 question qui est très orientée. Ce serait utile que M. Re fasse ressortir

17 les connaissances qu'a le témoin de cet échange tout particulièrement.

18 M. RE : [interprétation] C'est ce que j'étais en train de faire.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais d'une manière en effet

20 orientée. Vous pouvez poursuivre, Maître.

21 M. RE : [interprétation] Bien. Je n'avais pas conscience de cela.

22 Q. Quel était votre relation avec Mete Krasniqi ?

23 R. Mete est mon frère.

24 Q. Est-il décédé ?

25 R. Il a été tué après la guerre.

26 Q. Mete vous a dit d'après ce que vous venez de dire qu'il s'était

27 querellé avec Galani. Quand vous a-t-il dit cela ? Quand vous a-t-il dit

28 qu'ils avaient eu cette dispute ?

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1 R. Mete s'était disputé avec Galani au sujet du meurtre de Sanije Balaj,

2 parce qu'ils se sont disputés, Galani avait dit un moment donné, je l'ai

3 tué et il n'y a plus rien à faire.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que l'objection était que le fait

5 que M. Re mettait des mots dans la bouche du témoin pour dire que c'était

6 son frère Mete qui lui avait parlé de cette conversation. Voilà pourquoi je

7 porte une objection. Est-ce que l'on peut essayer de voir quelle est la

8 base de la connaissance du témoin au sujet de la conversation entre Mete et

9 Galani ?

10 M. RE : [interprétation]

11 Q. Si ce n'est pas clair, Monsieur Krasniqi, qui vous a parlé de cette

12 querelle entre votre frère Mete et Galani ?

13 R. Il y avait aussi d'autres policiers au moment de cette querelle. Il n'y

14 avait pas que Mete et Galani. Il y a eu un débat, et pourquoi est-ce

15 qu'elle a été tuée de cette manière. Tout ceci a fait l'objet de grande

16 discussion. Ensuite il a dit, je l'ai tuée, que reste-t-il à faire

17 maintenant ? Si quelqu'un pose des questions à son sujet, vous pouvez

18 donner mon nom et dire à ces gens qui l'a tuée.

19 Q. Qui vous a dit cela ?

20 R. C'est comme ça que cela s'est passé.

21 Q. Qui vous a parlé de cette querelle entre votre frère Mete et Galani ?

22 Etait-ce votre frère ? Etait-ce quelqu'un d'autre ? Etait-ce un ensemble de

23 personnes qui vous a relaté cette querelle ?

24 R. C'est un ensemble, plusieurs personnes qui avaient entendu parler de

25 cela. Voilà comme comment ça s'est passé, et Galan aussi a parlé de la

26 présence de la police à ce moment-là. Il avait dit qu'il l'avait tuée, et

27 que si quelqu'un posait la question de savoir qu'il l'avait tuée, dites mon

28 nom. Il ne l'a pas dit uniquement dans la présence de Mete, il y avait

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1 aussi d'autres policiers qui étaient présents. Je ne sais pas qui était là

2 du côté des policiers.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, je crois que le

4 problème est le suivant. Vous décrivez une situation où votre frère et

5 Galani se querellent en présence de policiers. Est-ce que vous-même étiez

6 présent à ce moment-là ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors qui vous a dit que cela s'était

9 produit ? Etait-ce une personne ou plusieurs personnes qui vous ont relaté

10 cet événement ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque Mete est rentré à la maison, il m'a

12 raconté cela, que c'est comme ça que ça s'était passé pourquoi Galani

13 l'avait tuée. Ensuite il m'a dit comment ça s'était passé et comment il

14 l'avait tuée.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il eu quelqu'un d'autre qui vous a

16 dit la même chose ou était-ce lui et lui seul qui vous a raconté cela ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était Mete, mais je l'ai aussi entendu

18 dire par d'autres personnes, mais je ne me souviens pas qui faisait partie

19 du groupe de policiers qui était là au moment où cette conversation avait

20 eu lieu.

21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Moi aussi j'ai une petite question à

22 poser au témoin, M. Krasniqi. Vos propos ont été traduits comme suit :

23 "Lorsque Mete est rentré à la maison, il m'a parlé de cela, que cela

24 s'était passé comme cela, et pourquoi Galani l'avait tuée." Est-ce qu'il

25 vous a dit la raison pour laquelle Galani l'avait tuée ou le fait que

26 Galani l'avait tuée ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'il est rentré, il voulait -- alors bon,

28 il y avait la dispute avec Galani. Il m'a dit : Galani m'a dit ceci et

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1 cela, et l'endroit où elle avait été tuée. C'est ce que Mete a essayé de

2 savoir, si elle était morte ou pas, si elle avait tuée ou pas.

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

4 M. RE : [interprétation]

5 Q. Plus tôt, vous avez parlé d'une personne de Sali Veseli. Y a-t-il eu

6 mention de son nom dans le contexte des choses que vous avez dites ?

7 R. Galani a mentionné cela à Baran, en présence de la police, et à bien

8 d'autres endroits il a dit qu'il l'avait tuée sur les ordres de Sali

9 Veseli. Je ne sais pas de qui cet ordre avait émané, et d'où il était venu

10 pour la tuer.

11 Q. Où a eu lieu cette discussion à laquelle vous faites référence entre

12 Mete, votre frère, Mete Krasniqi, et Galani ? Où cette querelle s'est-elle

13 tenue ?

14 R. Je ne sais pas si cela s'est passé à Vranoc ou à Baran. Je n'en ai pas

15 la certitude.

16 Q. Que s'est-il passé concernant l'enterrement du corps ? Avez-vous

17 participé à cet enterrement ?

18 R. Oui.

19 Q. Comment avez-vous participé ?

20 R. Iber Krasniqi et Galani sont venus en voiture. Ils m'ont emmené et nous

21 sommes allés l'ensevelir. Iber Krasniqi nous a emmenés à l'endroit. Galani

22 et moi-même étions là. Galani était armé cette nuit-là. Je suis allé, il

23 m'a montré l'endroit où elle a été tuée. Il a dit : "Voilà, c'est là, nous

24 devons l'enterrer." C'est Ukaj ou peut-être Zymer Ademi, je ne sais plus

25 exactement. Je ne me souviens du nom de famille. Ademi, ou peut-être aussi

26 deux autres personnes, mais je ne les connais pas.

27 Q. Alors, cela était combien de temps après qu'Idriz Gashi ait tiré sur

28 Sanije Balaj ? Quand vous êtes-vous rendu sur place ? Etait-ce le même jour

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1 ou était-ce un autre jour ?

2 R. Je ne m'en souviens pas exactement. S'agissait-il du jour même ou un

3 autre jour -- peut-être que c'était plus tard au crépuscule, peut-être à 7

4 ou 8 heures du soir, je ne m'en souviens pas.

5 Q. Vous dites Hysen Ukaj, Ahmet Ukaj et quelqu'un d'autre, peut-être est-

6 ce Ademi, étaient là ainsi que deux autres personnes. Qu'ont fait ces

7 personnes ?

8 R. Nous sommes allés l'enterrer, et un enfant leur avait dit qu'il y avait

9 eu meurtre, et maintenant je me rappelle que nous sommes allés l'enterrer

10 le soir même, dans la même nuit. Puis, ils sont venus pour voir qui avait

11 été tué. A l'époque quand ils étaient venus, Galani était là avec une

12 Kalachnikov et la pointait contre eux, pointait une Kalachnikov contre eux

13 et il a dit : Stop, arrêtez-vous.

14 Q. Où vous trouviez-vous au moment où il pointait la Kalachnikov vers eux

15 et criait stop ? Excusez-moi, en disant : Stop.

16 R. J'étais en train d'enterrer Sanije Balaj.

17 Q. Et alors, qu'avez-vous fait ?

18 R. A ce moment-là il a donné l'ordre à Ahmet Ukaj de venir nous aider pour

19 l'enterrer, de façon à ne pas détruire le corps ou quoi que ce soit

20 d'autre.

21 Q. Vous avez dit que vous étiez en train d'enterrer le corps. De quelle

22 manière avez-vous procédé ? En creusant une fosse, je veux dire, par

23 exemple ?

24 R. Oui.

25 Q. Avec quoi ?

26 R. Avec une pelle.

27 Q. Et d'où avez-vous pris cette pelle ?

28 R. La pelle se trouvait dans la voiture. Iber et Galani avaient cette

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1 pelle dans la voiture.

2 Q. Pourquoi est-ce que vous êtes allé avec eux pour enterrer ce corps ?

3 R. Parce qu'ils m'ont emmené. Galani a dit : Il faut que tu viennes, et

4 donc nous sommes allés.

5 Q. Où est-ce qu'ils sont passés vous prendre ?

6 R. Ils sont passés me prendre chez moi.

7 Q. Donc revenons maintenant à la question de l'enterrement. Vous dites que

8 Galani a ordonné à Ahmet Ukaj de venir vous aider. Qu'est-ce qu'Ahmet Ukaj

9 a fait ?

10 R. Ahmet Ukaj est venu et il m'a aidé, et nous l'avons enterré. Puis nous

11 avons quitté les lieux et nous sommes allés chacun de notre côté pour

12 rentrer chez soi.

13 Q. Est-ce que Galani vous a aidé à enterrer ce corps ?

14 R. Non.

15 Q. Pourquoi pas ?

16 R. Parce qu'il ne m'a pas aidé.

17 Q. Bien. Est-ce que vous êtes retourné sur les lieux ? Etes-vous retourné

18 sur les lieux ?

19 R. Mais comment -- non, pas ce jour-là. Mais je ne comprends pas votre

20 question très bien.

21 Q. Vous dites que vous avez aidé à enterrer le corps. Lorsque vous l'avez

22 enterré, quelle était la profondeur de cette fosse ? Effectivement, comment

23 était-elle enterrée ?

24 R. Ce n'était pas une fosse profonde. Ça faisait 30 à 40 centimètres de

25 profondeur, pas plus profond que ça. Le sol était mou, et nous avons pris

26 de la terre d'à côté pour la recouvrir ensuite.

27 Q. Vous dites que vous avez entendu des coups de feu et que le corps était

28 là et qu'elle portait les vêtements que vous avez identifiés. Où est-ce

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1 qu'elle avait reçu ce coup de feu ?

2 R. Je ne l'ai pas vu.

3 Q. Vous dites que vous avez aidé à l'enterrer.

4 R. Oui, il faisait nuit. C'était très difficile de voir d'où provenaient

5 les coups de feu. C'était dans une forêt, c'était au milieu des arbres.

6 Q. Bien. Donc vous êtes parti de là. Vous êtes rentré chez vous. Vous

7 dites que vous n'y êtes pas retourné le jour même. Est-ce que vous êtes

8 retourné à cet endroit où elle a été enterrée ?

9 R. Seulement le jour où nous sommes allés pour la réensevelir.

10 Q. Comment --

11 R. Pour la ressortir de cette fosse.

12 Q. Mais combien de temps après le jour où vous l'avez ensevelie pour la

13 première fois est-ce que vous êtes retourné pour la réenterrer ?

14 R. Au bout de trois jours, pour autant que je puisse m'en souvenir.

15 Q. Comment est-ce que vous êtes retourné pour la réensevelir.

16 R. Nous nous trouvions à l'école, Iber Krasniqi et moi-même ainsi que

17 d'autres policiers, de nombreux autres policiers, et Idriz Gashi est venu

18 avec Togeri et deux autres personnes que je ne connaissais pas. Il a pointé

19 son doigt vers moi et il m'a dit : Viens ici. Pour des raisons de sécurité,

20 j'ai dit à Iber Krasniqi de m'accompagner, et nous sommes ensuite allés et

21 nous avons déterré le corps avec deux autres personnes, puis nous l'avons

22 placé dans la jeep de Toger.

23 Q. Bien. Vous dites que vous étiez dans la cour de l'école et qu'Idriz

24 Gashi est venu avec Toger. De quelle manière sont-ils venus ?

25 R. Ils sont arrivés dans une jeep qu'ils ont garée devant le bâtiment de

26 l'école. Puis Galani s'est adressé à moi et m'a dit : Viens ici. Et quand

27 j'y suis allé, il m'a dit : Il faut emporter ce corps et le mettre

28 ailleurs. Donc, j'ai pris avec moi Iber Krasniqi pour qu'il m'aide, pour

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1 des raisons de sécurité, puis nous l'avons emmené dans une couverture.

2 Q. Bien. Retournons un instant en arrière. J'y reviendrai. Vous avez dit

3 qu'il y avait une jeep. Qui était -- Toger et Idriz Gashi sont arrivés dans

4 une jeep. C'était la jeep qui appartenait à qui ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. De quelle couleur était-elle ?

7 R. Noire.

8 Q. Qui la conduisait ?

9 R. Togeri.

10 Q. Aviez-vous vu cette jeep par le passé ?

11 R. Non.

12 Q. Pourquoi avez-vous pris Iber Krasniqi avec vous pour des raisons de

13 sécurité ? Quelle était votre inquiétude ? Qu'est-ce qui vous préoccupait ?

14 R. J'étais préoccupé parce que je pensais qu'il valait mieux qu'Iber

15 Krasniqi soit présent. Ça vaudrait mieux qu'il soit là pour voir ce qui va

16 se passer.

17 Q. Mais vous avez dit que vous aviez des craintes pour votre sécurité.

18 Pourquoi ? Qu'est-ce que c'était ?

19 R. Il fallait qu'il vienne avec moi pour voir ce qui se passerait ou s'il

20 se passerait quelque chose, s'il m'arriverait quelque chose.

21 Q. Bien. Alors, retournons maintenant au point où nous en étions il y a un

22 instant. Je voudrais, s'il vous plaît --

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait se

24 rapprocher un peu du microphone.

25 M. RE : [interprétation]

26 Q. Vous avez dit que Toger vous a conduit avec Iber Krasniqi et Idriz

27 Gashi pour retourner à l'endroit où se trouvait le corps. Qu'est-ce que

28 vous avez fait ? Vous avez dit il y a un instant que vous aviez une pelle

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1 ou une pelle-bêche. Est-ce que vous aviez cette pelle lorsque vous êtes

2 retournés sur les lieux ?

3 R. Oui. Cette pelle -- en fait, je ne m'en souviens pas très bien. Je ne

4 sais pas si c'était une pelle ou si on enlevait la terre avec nos mains. En

5 fait, je ne m'en souviens pas bien.

6 Q. Il y avait une couverture. Qu'avez-vous fait avec cette couverture ?

7 R. Nous avons placé le corps dans cette couverture, puis nous l'avons

8 placé sur la remorque de la jeep.

9 Q. Où était Toger -- non, arrêtez-vous. Je retire ma question.

10 Qui a déterré ce corps ? Qui vous a aidé ?

11 R. C'était moi et Iber Krasniqi et deux autres personnes que je ne

12 connaissais pas. Toger restait assis dans la jeep.

13 Q. Pourquoi êtes-vous allé avec eux pour déterrer ce corps et le mettre

14 dans la jeep que Toger conduisait ? Quelle était la raison pour laquelle on

15 déterrait ce corps ?

16 R. La raison, vraiment, je ne la connaissais pas. Je ne savais pas

17 pourquoi on faisait cela. Mais simplement Idriz Gashi avait dit qu'on

18 allait le mettre à un autre endroit, juste à un endroit plus sûr. Et je

19 pense que c'était ça la raison.

20 Q. Sur l'ordre de qui est-ce que ceci était fait ?

21 R. C'était ordonné par Galani.

22 Q. Quels étaient les rapports entre Galani et Toger ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Est-ce qu'Idriz Gashi vous a dit pourquoi Toger était là ?

25 R. Non.

26 Q. Vous avez dit il y a un moment qu'Idriz Gashi avait dit qu'on allait

27 l'envoyer à un autre endroit juste pour que ce soit un endroit plus sûr.

28 Quel était cet endroit plus sûr où ils ont emmené ce corps ?

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1 R. Je ne sais pas à quel endroit ils ont emporté ce corps.

2 Q. Que vous a-t-on dit qui pouvait vous donner une idée de savoir quel

3 était cet endroit plus sûr ?

4 R. Je ne sais pas. Nous sommes allés à Vranoc, et après ça je ne sais pas

5 quelle direction ils ont prise.

6 Q. Bien. Donc nous en sommes arrivés au point où ce corps était placé dans

7 une couverture. Où exactement, dans la jeep, est-ce qu'il a été placé ?

8 R. Dans le coffre de la jeep.

9 Q. Bien. Où êtes-vous tous allés en partant de là avec ce corps ? A ce que

10 je comprends -- est-ce que c'était bien Toger qui conduisait la jeep ?

11 R. Oui. Puis, on nous a envoyé à Vranoc, et je ne sais pas où eux sont

12 allés après cela.

13 Q. Bien. Vous vous trouvez dans une voiture avec Toger, Idriz Gashi, Iber

14 Krasniqi, deux personnes que vous ne connaissez pas, et un corps dans le

15 coffre. Et vous êtes tous allés à Vranoc; c'est bien cela ?

16 R. Idriz Gashi est resté à Baran, tandis que moi et Iber Krasniqi, on nous

17 a donné l'ordre de monter dans la jeep et Toger se trouvait là avec deux

18 autres personnes, tandis qu'Idriz Gashi est resté à Baran, nous, on nous a

19 renvoyés à Vranoc, et je ne sais pas où ils sont allés après cela.

20 Q. C'est moi qui ai fait un lapsus. Excusez-moi. Est-ce que Toger vous a

21 reconduit à Vranoc ou est-ce que vous y êtes retourné seul ?

22 R. Nous avons été conduits à Bistrica. On nous a, à ce moment-là, laissés

23 à cet endroit-là, et je ne sais pas où après cela il est allé après cela.

24 Q. Quelle route est-ce que Toger a empruntée après vous avoir déposé à

25 Bistrica ?

26 R. Il y a là un carrefour où il nous a déposés, et il y a une route qui va

27 à Baran et une autre qui conduit jusqu'à chez-nous. Toutefois, je ne sais

28 pas vraiment s'ils ont pris la direction de Gllogjan ou de Baran. Ça,

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1 vraiment, je ne le sais pas.

2 Q. Qui était responsable lorsque Toger vous a conduits dans sa jeep et

3 attendait dans la voiture lorsque vous-même et les autres, vous êtes allés

4 pour déterrer ce corps ?

5 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a une mauvaise présentation de ce qui

8 a été dit dans la déposition en utilisant le possessif.

9 M. RE : [interprétation] La jeep, excusez-moi.

10 Q. Qui était responsable lorsque Toger vous a conduits là-bas dans la

11 jeep, cette jeep noire, pour prendre ce corps, vous a reconduits, et a

12 continué sa route avec le corps dans le coffre ?

13 R. Qui était en charge, qui était responsable ? Idriz Gashi était en

14 charge.

15 Q. Qui était en charge dans la voiture lorsque Toger vous a conduits dans

16 la jeep pour déterrer le corps, puis ensuite est reparti après vous avoir

17 déposés ? Qui était responsable ou en charge à ce moment-là ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Cette question appelle à des spéculations,

20 pour commencer.Elle part également de l'hypothèse que quelqu'un était

21 responsable d'un véhicule. M. Re a plus d'une fois obtenu des

22 renseignements selon lesquels une personne nommée -- autant que cela

23 concerne ce témoin, dénommée Toger conduisait la jeep.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça ne -- Monsieur Re, vous pouvez

25 poser la question.

26 M. RE : [interprétation]

27 Q. Veuillez répondre à la question, Monsieur Krasniqi. Qui était

28 responsable ?

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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non. Excusez-moi. Je présente mes excuses,

2 mais cela aussi, ça part d'une hypothèse. Ça suppose des faits qui n'ont

3 pas fait l'objet d'une déposition, à savoir que quelqu'un était en charge

4 ou responsable, donc c'est également une question directrice.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Guy-Smith, votre objection

6 est rejetée.

7 Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais que suis-je sensé répondre ?

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Répondre à la question qui vous a été

10 posée. La question qui vous a été posée, c'est que quand vous étiez dans le

11 véhicule, la question était de savoir s'il y avait quelqu'un et, dans

12 l'affirmative, qui prenait des décisions ou donnait des instructions ou --

13 je veux dire, pouvait à tout moment dire de tourner à gauche ou à droite. Y

14 avait-il quelqu'un qui disait d'aller à gaucher ou à droite, ou est-ce que

15 c'était le conducteur qui, en silence, décidait où aller ? Pouvez-vous nous

16 dire comment les choses se sont passées ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Galani, lorsqu'il a été déposé à Galan,

18 l'ordre était que Togeri devait emmené le cadavre, et ensuite, c'est moi

19 qui ait conduit à partir de cet endroit jusqu'au lieu du crime.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites : "L'ordre était…" Est-ce que

21 quelqu'un donnait un tel ordre ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Galani a donné cet ordre.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Est-ce que Galani accompagnait Toger, pour autant que vous le sachiez,

26 lorsque Toger est reparti avec le corps dans le coffre de la jeep ?

27 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas. Ce que je ne sais pas, je ne peux

28 pas vous le dire.

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1 Q. Quel est le nom de Toger ?

2 R. A l'époque, on ne le savait pas.

3 Q. Le savez-vous maintenant ?

4 R. Non. Je le sais maintenant.

5 Q. Mais qu'est-ce que c'est ?

6 R. Le nom est Idriz Balaj.

7 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu dire ce qui était arrivé à ce corps

8 après qu'Idriz Balaj, Toger, l'ait emmenée dans la jeep ?

9 R. Non -- après que ce cadavre ait été emmené de cet endroit, ensuite les

10 relations entre Galani et Mete n'étaient plus ce qu'elles étaient

11 auparavant. Je n'ai jamais eu de bonnes relations avec ces personnes non

12 plus par la suite, et je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.

13 Q. Quelle était votre impression et le sentiment des autres soldats à

14 l'égard de Toger, qui était Idriz Balaj, au moment où vous avez emmené Iber

15 Krasniqi avec vous pour des raisons de sécurité ?

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection sur la question de la pertinence

17 quant au sentiment.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Indépendamment de cela, quant à

19 savoir quel est le sentiment ou les impressions des autres, Monsieur Re, ça

20 n'est pas quelque chose que le témoin pourrait nous dire. Je pense qu'il

21 pourrait lui-même nous dire comment il a vu que réagissait les autres, ça,

22 c'est une question pertinente. Donc veuillez poser cette question-là au

23 témoin.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Comment les autres personnes ont-elles réagi ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et bien sûr le témoin, parce qu'il

27 faisait aussi partie de la question.

28 M. RE : [interprétation]

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1 Q. Comment est-ce que vous-même avez réagi à l'égard de Toger ?

2 R. Bien, nous n'avons rien fait.

3 Q. Vous avez dit que vous aviez emmené quelqu'un avec vous pour des

4 questions de sécurité lorsque vous êtes allé avec lui dans sa jeep.

5 R. Oui --

6 Q. Excusez-moi, la jeep.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je demande à élever une objection.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est "la" jeep, au lieu de

9 "sa" jeep ? C'est corrigé maintenant. Y a-t-il une autre correction, Maître

10 Guy-Smith ?

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a dit comment -- il a déjà dit comment

12 il avait réagi à Toger, donc cette question a été posée et il a répondu. Il

13 n'a rien fait. Comment a-t-il réagi à l'égard de Toger, il n'a rien fait.

14 Donc, je sais précisément ce que M. Re est en train d'essayer de lui faire

15 dire, mais il a déjà obtenu sa réponse.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Re est autorisé à poser la question

17 sous une forme différente, comme il l'a fait.

18 Monsieur Re, vous pouvez répéter la question.

19 M. RE : [interprétation]

20 Q. La question était : vous dites que vous aviez emmené quelqu'un avec

21 vous pour des raisons de sécurité lorsque vous êtes allé avec Toger dans la

22 jeep noire.

23 R. Oui.

24 Q. Qu'avez-vous dit à la Chambre de première instance, avez-vous dit

25 pourquoi vous aviez senti la nécessité d'emmener quelqu'un avec vous pour

26 des raisons de sécurité lorsque vous êtes allé avec Toger dans la jeep

27 noire pour déterrer le corps ?

28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, vraiment à ce stade,

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1 je dois élever des objections, et il faut qu'on arrête la transcription

2 pour revenir en arrière, parce que la référence a été faite précédemment en

3 ce qui concerne cette question des raisons de sécurité où --

4 M. RE : [interprétation] Je retire ma question.

5 Q. Il y a un moment, vous avez dit que vous aviez emmené Iber Krasniqi

6 parce que -- enfin, vous avez dit : "Parce qu'il devait venir là-bas avec

7 moi et voir ce qu'il se passerait ou quelque chose qui pourrait m'arriver."

8 Que pensiez-vous et que craigniez-vous qu'il pourrait vous arriver si vous

9 n'aviez pas emmené Iber Krasniqi avec vous ?

10 R. Oui, je l'ai emmené avec moi juste pour des raisons de sécurité. Je

11 voulais qu'il soit avec moi sur place. C'est la seule raison pour laquelle

12 je l'ai fait venir avec moi.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce n'est pas, Monsieur Krasniqi, ce

14 n'est pas une réponse à la question qui vous est posée. La question fait

15 que si vous emmenez quelqu'un pour des raisons de sécurité, d'habitude

16 c'est qu'on a eu une idée des motifs pour lesquels on a besoin de sécurité

17 à ce moment-là. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez pensé qu'il

18 serait bon d'avoir quelqu'un sur place pour votre sécurité ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je croyais lorsque Galan est descendu de la

20 voiture et m'a donné l'ordre de monter seul dans le véhicule, je ne me

21 sentais pas en sûreté. Je ne voulais pas m'y trouver seul, et j'ai dit à

22 Iber Krasniqi, tu viens avec moi à cet endroit.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la raison. C'est ça que j'ai répété

25 plusieurs fois.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, vous dites que vous ne vous

27 sentiez pas en sécurité, pas en sécurité à cause de quoi ou à cause de qui

28 ? Pourriez-vous nous expliquer ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Simplement, je ne me sentais pas en

2 sûreté. C'est la raison pour laquelle je l'ai amené avec moi.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors y avait-il une sorte de sentiment

4 diffus de manque de sécurité ? Est-ce que c'est ça que vous dites dans

5 votre déposition ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

8 M. RE : [interprétation]

9 Q. Est-ce que vous aviez peur ou non de quelqu'un qui se trouvait dans la

10 jeep ?

11 R. Non. En fait je sentais un malaise, je me sentais mal à l'aise, et je

12 voulais simplement avoir quelqu'un avec moi.

13 Q. Quels étaient les rapports entre Toger et Ramush Haradinaj ?

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Connaissez-vous quelqu'un du nom d'Aslan ?

16 R. Non.

17 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un du nom de Zenun Gashi ?

18 R. Zenun Gashi. Zenun Gashi, oui.

19 Q. Et comment connaissiez-vous Zenun Gashi ?

20 R. Il avait travaillé dans les forces de police de l'ex-Yougoslavie, et

21 souvent nous le voyions sur la route ou dans le village. Il était dans le

22 village de Baran, et je ne peux pas dire que je ne le connaissais pas.

23 Q. Lorsque vous dites qu'"il était dans le village de Baran", se trouvait-

24 il au quartier général militaire, y est-il jamais trouvé lorsque vous

25 travaillez là à Baran ?

26 R. Je ne sais pas.

27 Q. Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?

28 R. C'est seulement lorsqu'il était policier. Pour ma part -- enfin, je

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1 l'ai vu quand il était en uniforme.

2 Q. Savez-vous ce qui lui est arrivé, ce qui est advenu de lui ?

3 R. Non.

4 Q. Et qu'est-il advenu de Kemal Gashi ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce que vous le connaissiez ? Est-ce que vous savez qui il était ?

7 R. Non.

8 Q. Est-ce que vous avez jamais vu des Rom dans la caserne militaire à

9 Baran lorsque vous vous y trouviez ?

10 R. Non, il n'y avait que des soldats. Il y avait des Rom qui étaient des

11 soldats en uniforme.

12 Q. Est-ce que vous connaissiez quelqu'un du nom de Selim Kelmendi [phon]

13 de Kosuric ?

14 R. Non.

15 Q. Est-ce qu'il y avait quelqu'un du nom de Ramush de Kosuric ?

16 R. Je ne sais pas.

17 Q. Je voudrais qu'on vous montre une photographie. C'est la pièce P925. Il

18 y a donc deux photographies que je souhaite vous montrer, et je vais vous

19 demander si vous reconnaissez les lieux. La première photographie montre un

20 homme qui est en train de prendre une photographie près d'un cours d'eau

21 boueux, et on voit à l'arrière-plan des arbres. Est-ce que c'était

22 l'endroit où Sanije Balaj a été tuée par balle, où son corps a été enterré,

23 puis réenterré, réenseveli -- non, excusez-moi, exhumé ? Excusez-moi.

24 R. Oui, mais cette photographie a été prise après la guerre, pas au moment

25 où ça a eu lieu, parce qu'à ce moment-là, cet endroit-là était couvert

26 d'arbres, était couvert par les bois.

27 M. RE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant passer à la

28 deuxième photographie, s'il vous plaît.

Page 10757

1 Q. Est-ce qu'elle montre bien le secteur boisé où Sanije Balaj a été

2 emmenée et où elle a été tuée et son corps a été enterré ?

3 R. Oui, cette photographie montre une partie de cet endroit à partir du

4 lieu où la photographie a été prise.

5 Q. Bien. Alors maintenant, vous avez fait une déclaration le 30 janvier

6 2006 en qualité de suspect à l'un des procureurs internationaux, M. Robert

7 Dean, au Kosovo. Je vous ai déjà posé des questions concernant Toger et le

8 sentiment ou les réactions à l'égard de Toger. Vous avez dit quelque chose

9 dans cette déclaration concernant les impressions, sentiments et réactions

10 à l'égard de Toger. Est-ce que vous vous rappelez ce que vous avez dit là ?

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître --

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne suis pas sûr. Je ne sais pas si M. Re

13 cherche ou non à discréditer son témoin maintenant --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] -- ou est-ce qu'il essaie de faire autre

16 chose ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais peut-être que ceci pourrait

18 nous aider si nous savions quelle est la partie de cette déclaration à

19 laquelle vous --

20 M. RE : [interprétation]

21 Q. Au bas de la page 19, le numéro est R0628908 et --

22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose ?

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y. La question était de

25 savoir si vous rappelez ce que vous avez dit au moment où vous avez fait

26 votre déclaration.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas comment vous comprenez ceci.

28 J'ai répété ceci plusieurs fois. Je l'ai emmené parce que je ne me sentais

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1 pas en sécurité. J'avais peur. C'est pour ça que j'ai pris Iber Krasniqi

2 avec moi. Et je me rappelle avoir dit la même chose dans cette déclaration.

3 J'ai probablement dit que j'avais peur, ou peut-être j'ai exprimé les

4 choses telles que vous présentez les choses maintenant.

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. Ce qui m'intéresse dans ce vous avez dit, c'est que vous aviez peur de

7 quelque chose dans cette déclaration. Est-ce que c'est quelque chose que

8 vous avez oublié, est-ce qu'en relisant le passage, ceci vous aiderait à

9 vous rafraîchir la mémoire ?

10 R. Je l'ai évoqué à plusieurs reprises déjà. J'avais peur, et je ne

11 voulais pas partir seul avec eux, il y avait ces trois personnes, et c'est

12 la raison pour laquelle j'ai emmené Iber Krasniqi avec moi, c'est parce que

13 j'avais peur.

14 Q. Dans votre déclaration, vous dites que vous aviez peur d'une personne.

15 Je vous demande si vous avez oublié, et si de relire cette déclaration vous

16 permettrait de vous rafraîchir la mémoire, pour confirmer ce que vous avez

17 dit et ce dont vous aviez peur ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

20 M. RE : [interprétation] Il ne s'agit pas de récuser un témoin.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a indiqué qu'à un certain nombre de

22 reprises, il se souvenait de ce qu'il avait dit dans sa déclaration --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non --

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Par conséquent -- excusez-moi, Monsieur le

25 Président. Si vous me permettez de terminer.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit.

27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Par conséquent, M. Re, ce qu'il fait à ce

28 stade est tout à fait inadmissible pour un certain nombre de raisons. La

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1 première étant qu'il s'agit d'une question directrice; la seconde, c'est

2 qu'on a déjà posé la question et on y a déjà répondu. Il a obtenu une

3 réponse à sa question. Le témoin a indiqué que ce n'était pas un oubli de

4 mémoire ou quelque chose de la sorte. Il a indiqué que cet oubli porterait

5 sur une autre question, mais ce n'est pas ce qui a été fait. Il a indiqué

6 qu'il se souvient bien de sa déclaration, et c'est bien ce qu'il a dit. M.

7 Re est en train de laisser entendre maintenant qu'il a oublié quelque chose

8 de précis, parce qu'il a oublié quelque chose de précis, et que c'est ainsi

9 que fonctionne sa mémoire, et que s'il veut la lui faire rafraîchir, ceci

10 est tout à fait inadmissible. Rafraîchir la mémoire correspond à récuser un

11 témoin.

12 M. RE : [interprétation] Il n'a pas répondu à la question. Vous avez

13 oublié, donc s'il pouvait la lire.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On n'a pas répondu à la question de

15 façon claire, Maître Guy-Smith. Le témoin a parlé non pas de ce qu'il avait

16 dit à l'époque, mais il a à maintes et maintes reprises rappelé ce qu'il

17 avait dit aujourd'hui dans sa déposition. La seule question est de savoir,

18 attendez, voyons --

19 Monsieur Krasniqi, vous avez entendu M. Re vous demander si oui ou non vous

20 vous souvenez de ce que vous avez dit à l'époque lorsque vous avez fait

21 votre déclaration qui est à la disposition des parties en présence. M. Re a

22 indiqué que vous avez précisé une personne en particulier et que vous aviez

23 peur. Vous vous rappelez avoir dit quelque chose de la sorte à l'époque ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire précisément ce

26 que vous avez dit à l'époque sur la personne dont les gens pouvaient avoir

27 peur ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, Togeri.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

2 M. RE : [interprétation]

3 Q. Pourquoi avez-vous dit que des gens auraient peur de Togeri ?

4 R. Les gens avaient peur de lui.

5 Q. Et pourquoi avaient-ils peur de lui ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Un peu plus tôt, j'ai évoqué -- comment saviez-vous que les gens

8 avaient peur de lui ?

9 R. C'est ce qu'on disait. Ils avaient peur. Peut-être qu'ils n'avaient

10 aucune raison d'avoir peur, mais je ne sais pas.

11 Q. Qui sont ces gens dont vous parlez, il s'agit de civils, ou de

12 militaires, ou d'un ensemble des deux ?

13 R. Des choses que l'on disait lorsque les gens se retrouvaient et qu'ils

14 parlaient. Ils disaient des choses de cet ordre-là, qu'ils avaient peur.

15 Q. Pourquoi avaient-ils peur de Toger ? Quelles raisons avançaient-ils ?

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que nous sommes maintenant --

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a répondu à la question.

19 M. RE : [interprétation]

20 Q. Pour revenir à Zenun Gashi. Quelle était son origine ethnique ?

21 R. Il était Rom.

22 M. RE : [interprétation] J'ai terminé mon interrogatoire principal.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

24 Il est maintenant proche du moment où nous devons faire la pause. Je sais

25 que Me Harvey souhaite s'adresser aux Juges de la Chambre pendant quelques

26 instants en l'absence du témoin. Je souhaite savoir dans quel ordre vous

27 allez contre-interroger ce témoin après la pause.

28 Maître Emmerson.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Je vais contre-interroger ce témoin en

2 premier.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. C'est vous qui serez le premier.

4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Et je viendrai après, à moins que Me Harvey

5 ne souhaite passer avant moi.

6 M. HARVEY : [interprétation] Non. Me Harvey ne souhaite pas passer avant.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, est-ce que vous pourriez nous

8 donner une estimation de temps ?

9 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que ceci prendra un petit peu de

10 temps entre Me Guy-Smith et moi-même. Peut-être que je pourrais vous donner

11 quelques précisions après la pause, mais je pense qu'il est inconcevable de

12 terminer aujourd'hui, comme on nous l'a demandé. Ce serait difficile.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis d'accord avec cette estimation.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, nous allons faire une

16 pause. Nous avons une question de procédure que nous devons évoquer, et la

17 Chambre souhaite entendre les parties. Par conséquent, je vous demande de

18 bien vouloir suivre Mme l'Huissière qui va vous raccompagner.

19 [Le témoin quitte la barre]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey, il y a quelque chose pour

21 ce qui est de l'heure de comparution du témoin que vous souhaitez évoquer.

22 M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous m'avez

23 demandé de vous répondre lors de la dernière pause, pour ce qui est de

24 l'audition de (expurgé). Je me suis entretenu avec -- pardonnez-moi --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

26 Vous souhaitez répondre à la visioconférence qui est prévue pour le 20

27 novembre, c'est cela ?

28 En tout cas, c'est ce qu'on vous a demandé de faire,

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1 M. HARVEY : [interprétation] En tout cas, c'est ce que vous m'avez demandé

2 --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. La demande portait

4 là-dessus.

5 M. HARVEY : [interprétation] C'est exact. Donc, ce serait le 20.

6 J'ai soulevé une question supplémentaire avec Me Re avant d'entrer dans le

7 prétoire et je me suis entretenu avec mon client. C'est de savoir si le

8 Témoin 30 pourrait peut-être être reprogrammé pour demain.

9 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

10 M. HARVEY : [interprétation] Et de savoir si, dans la mesure où

11 l'Accusation ne pourrait pas reprogrammé le témoin pour demain, est-ce que

12 ceci mettrait un terme à cette question-là ou est-ce qu'il est prévu de

13 l'entendre la semaine prochaine. D'après ce que j'ai compris, M. Re ne

14 souhaite pas laisser partir ce témoin et d'essayer de mettre la main dessus

15 par tous les moyens possible.

16 A ce stade de la procédure, je ne sais pas si ce témoin pourrait être

17 entendu demain ou non. Et si tel n'est pas le cas, de savoir si

18 l'Accusation a l'intention de déposer une demande à cet égard et de

19 l'entendre par liaison satellite la semaine prochaine. Ce sont des

20 questions qui sont très imbriquées les unes dans les autres, en ce qui

21 concerne mon rapport avec mon client, dans la mesure où mon client serait

22 d'accord pour dire qu'il s'agit là des témoins les plus importants de

23 l'affaire contre lui, donc ces derniers seraient entendus pendant la

24 semaine où son conseil principal ne pourra pas être présent dans le

25 prétoire.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien.

27 Monsieur Re.

28 M. RE : [interprétation] D'après les dernières informations que je viens de

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1 recevoir, pouvons-nous passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A huis clos partiel.

3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Juge, nous sommes à huis

4 clos partiel.

5 [Audience à huis clos partiel]

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7 [Audience publique]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

9 Nous allons revenir à 18 heures, et lorsque nous reprendrons l'audience

10 nous serons à huis clos partiel, mais pendant peu de temps.

11 Nous reprenons à 18 heures.

12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.

13 --- L'audience est reprise à 18 heures 02.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer à huis clos partiel, je

15 souhaite demander aux avocats de la Défense de répondre sur le P1181, qui

16 est la pièce qui a été réduite pour qu'ils complètent leur vérification

17 d'ici vendredi, vendredi de cette semaine --

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- dire que -- de vérifier les

20 expurgations de la déclaration 92 ter du Témoin K-69 d'ici vendredi après-

21 midi, s'il vous plaît. C'est une façon plus amicale de traiter du problème

22 de la date butoir, mais cela revient au même.

23 Nous allons donc passer à huis clos partiel.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis

25 clos partiel.

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12 [Audience publique]

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voudrais demander des informations

14 concernant les condamnations préalables du témoin, et j'ai fait cette

15 demande en novembre 2006. Je ne sais pas si la Chambre de première instance

16 est en connaissance de cette lettre, si elle en dispose d'une copie, et si

17 c'était dans la lettre qui a été soumise lors de l'audience de la MINUK.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'était au moment où vous avez fait

19 déposer ce dossier. Vous faites référence à la lettre dans votre

20 correspondance avec M. Re.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] A l'écoute de ce que vient de dire M. Re,

22 je voudrais juste attirer l'attention du Tribunal sur le fait que cette

23 demande concernant le témoin pour qu'il soit rajouté en tant que témoin

24 date de septembre. Donc si l'on prend la supposition faite par M. Re, à

25 savoir qu'ils ont transmis leurs documents dès qu'ils ont su que le témoin

26 devait venir et que donc ils étaient dans une situation, ils avaient ces

27 documents pendant deux mois. Ça c'est une chose. En second lieu, nous

28 aurions eu la possibilité d'aborder ces documents pendant ce laps de temps.

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1 Et troisièmement c'est un problème systémique que nous avons rencontré à de

2 nombreuses reprises dans ce procès. Je veux dire que cela cause de gros

3 problèmes à la Défense, sous toutes réserves.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je demande aux parties de ne pas

5 entrer dans un débat plus long à ce sujet, ce n'est pas pour dire qu'il

6 n'est pas justifié que M. Re a donné ses raisons pour expliquer pourquoi il

7 a communiqué tardivement ces éléments, et vous avez donné des raisons pour

8 lesquelles vous pensez que cela aurait dû être différent, et tout cela est

9 bien maintenant consigné au compte rendu d'audience.

10 Je voudrais que l'on rappelle le témoin pour le contre-

11 interrogatoire.

12 Madame l'Huissière.

13 Oui, il y a une autre question que je souhaite soulever. A la lumière

14 de ce qu'a dit M. Harvey avant la pause, à la lumière de ce qu'il y a un

15 grand nombre d'incertitude. Lorsque je parle d'incertitudes, je ne parle

16 que de celles que l'on connaît aujourd'hui. Je ne parle même pas de celles

17 que l'on rencontrera peut-être demain matin à 10 ou à 11 heures, mais étant

18 donné que toutes ces incertitudes planent aujourd'hui, la Chambre ne statue

19 pas pour l'instant sur la requête concernant la visioconférence, mais

20 permet à M. Re de poursuivre ses préparations à cet égard.

21 [Le témoin vient à la barre]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, vous allez maintenant

23 être contre-interrogé par Me Emmerson, qui est l'avocat de la Défense de M.

24 Haradinaj tout d'abord.

25 Je demande instamment à toutes les parties d'essayer d'être le plus

26 diligent possible et de vraiment cibler sur les questions les plus

27 importantes avant tout.

28 Monsieur Re, la Chambre a noté que la première heure de

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1 l'interrogatoire a couvert une zone sur laquelle nous disposons assez

2 d'éléments de preuve, en particulier au moment où nous manquons précisément

3 de temps, et ce genre de décision a peut-être une incidence sur ce qui va

4 se passer dans un avenir très proche.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y a des doutes concernant la

7 visioconférence, elle est toujours demandée pour le 20 novembre.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais vous demander si c'est

9 nécessaire de contre-interroger eu égard au témoignage donné au Tribunal en

10 mai ou concernant les questions-réponses données par le témoin lors de cet

11 entretien de suspect. Je vais le faire au départ sans montrer les documents

12 à l'écran, mais bien évidemment s'il y a des objections concernant le

13 contenu, à ce moment-là nous ressortirons du document.

14 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

15 Q. [interprétation] Alors, Monsieur Krasniqi, je voudrais être sûr tout

16 d'abord que j'ai bien compris quelle était votre position à partir du 12

17 août, c'est la date, je crois, pour laquelle nous sommes tous d'accord pour

18 dire que c'est la date à laquelle Sanije Balaj a disparu. A ce moment-là,

19 vous étiez membre de la police militaire, d'une unité de police militaire

20 de la brigade de la FARK à Baran; est-ce exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Et votre frère Mete, feu votre frère Mete, était également membre de

23 cette unité de police militaire de la brigade FARK de Baran; est-ce exact ?

24 R. Oui.

25 Q. Et Iber -- je veux juste être sûr, Iber est-il votre frère ou votre

26 cousin ?

27 R. Iber est mon cousin.

28 Q. Iber Krasniqi était aussi membre de la police militaire à Baran; est-ce

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1 exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Je vais maintenant vous montrer un passage de la déclaration que vous

4 avez faite lorsque vous avez été interrogé en janvier 2006 par le procureur

5 au Kosovo. On vous a posé la question du quartier général militaire de

6 Baran, et vous avez dit : "Nazif Ramabaja était le commandant général des

7 militaires et des policiers. Placés sous ses ordres, il y avait Esat Ademi

8 et une autre personne dont le nom de famille était Draga, Musa était son

9 prénom."

10 Est-ce que cela traduit bien votre position et correspond à ce que vous

11 avez dit ?

12 R. Oui.

13 Q. Donc vous obteniez vos ordres de Hasan Gashi, qui était le commandant

14 de la police militaire au quartier général de Baran; est-ce bien exact ?

15 R. Oui.

16 Q. Mais vous étiez tous placés sous les ordres de Nazif Ramabaja ?

17 R. Oui.

18 Q. Maintenant, je voudrais vous poser des questions sur le terme de cette

19 séquence de ces événements et l'enquête qui a été menée concernant la

20 disparition de Sanije Balaj. Tout d'abord, vous savez, n'est-ce pas, qu'il

21 y a eu une enquête qui a été organisée par l'UCK suite à la disparition de

22 Sanije Balaj ?

23 R. Oui, à ce moment-là.

24 Q. Un homme appelé Fadil Nimonaj vous a demandé de venir à un entretien;

25 est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. On vous a posé des questions quant à savoir quel rôle vous y avez joué

28 ?

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1 R. Oui.

2 Q. Au moment où cet entretien a eu lieu, est-ce exact que Galani avait

3 fui, était parti de cette zone, d'après ce que vous saviez ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vais maintenant vous présenter un passage de la déposition que vous

6 avez faite au procès d'Idriz Gashi, et je vais vous poser des questions. Je

7 vais lire lentement pour que cela soit traduit. Vous avez dit --

8 M. RE : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir le numéro de page ?

9 M. EMMERSON : [interprétation] C'est à la page 44 du compte rendu du

10 procès.

11 Q. "Je n'étais pas présent, mais je me souviens lorsque Gani Gjukaj est

12 venu avec Ramush Haradinaj pour savoir ce qui s'était passé. La famille de

13 Sanije voulait savoir où se trouvait le corps et qui l'avait tuée. Je n'y

14 étais pas, mais feu Mete Krasniqi leur a dit qui l'avait tuée…"

15 R. C'est comme ça que ça s'est passé.

16 Q. Merci. Avez-vous entendu Mete, feu votre frère, parler de cette

17 conversation ?

18 R. Oui.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais que l'on montre le document

20 1D140026, c'est une déclaration ou c'est un entretien de Gani Gjukaj qui a

21 été faite par la MINUK, un document de la Défense --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, est-ce que vous

23 souhaitez verser cette pièce au dossier ?

24 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, vous avez besoin d'un

26 numéro.

27 Madame la Greffière.

28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera le numéro D220.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Un document provisoire.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. Bien. Nous avons, je crois, en albanais à l'écran ce document. Nous

4 allons regarder la deuxième page de la traduction. L'original est en

5 albanais. On va lire la traduction en anglais : "Monsieur Gjukaj, que

6 savez-vous de l'enlèvement et du meurtre de Sanije ?"

7 Il répond : "Les membres de la famille de Sanije sont venus me voir le

8 lendemain de son kidnapping et m'ont demandé d'aller au village de Vranoc

9 afin d'obtenir des informations au sujet de ce qui s'était passé. Ils m'ont

10 également déclaré que Mete Krasniqi était impliqué dans cet enlèvement.

11 Deux, trois ou quatre jours après cela -- pardon, deux trois ou quatre

12 jours après que j'ai obtenu cette information, je parlais à Ramush

13 Haradinaj, et après lui avoir dit que Mete Krasniqi avait arrêté Sanije,

14 nous sommes allés à Vranoc où nous avons rencontré Mete. J'ai dit à Mete de

15 quoi il retournait, mais il ne m'a pas donné d'information exacte. Après

16 que Ramush Haradinaj eu insisté en utilisant des termes tels que 'qui vous

17 a laissé arrêter ces gens ? Pourquoi est-ce que vous arrêtez des gens sans

18 raison ?' Et il y a des questions strictes, à savoir 'si elle est vivante,

19 ramenez-là immédiatement, ou si elle est morte, il faut que vous rendiez

20 son corps à sa famille,' pour trouver des personnes qui ont fait cela de

21 manière à attribuer des responsabilités.

22 "Question : Quelle était la réponse de Mete Krasniqi ?

23 "Réponse : Mete a admis que Sanije n'était plus en vie. Pendant cette

24 conversation, Mete a mentionné le nom de la personne qui a tué Sanije, et

25 il s'agissait de Galani."

26 M. EMMERSON : [interprétation] La traduction a-t-elle suivi ?

27 Q. Ma question, Monsieur Krasniqi, est la suivante. Est-ce que cela

28 correspond bien à ce que Mete Krasniqi vous a dit au sujet de cette

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1 discussion avec Gani Gjukaj ?

2 R. Il n'a pas utilisé tous ces mots lorsqu'il m'a parlé, mais il m'a dit

3 qu'ils étaient là, et il m'a dit qui l'avait tuée, c'était vrai.

4 Q. A-t-il demandé instamment d'obtenir des informations au sujet de ce qui

5 s'était passé ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. M. Gjukaj a fait une déclaration du bureau du Procureur au sujet de cet

8 entretien dans lequel il décrit ce qui s'est passé dans le courant de la

9 conversation avec Mete Krasniqi. Il dit qu'après que Mete ait révélé que

10 Galani était impliqué, sa déclaration se poursuit : "Avni Krasniqi ensuite

11 est entré dans la pièce. Avni ne savait pas si Mete avait avoué. Lorsque

12 nous" -- pardon, "lorsqu'il s'est aperçu que nous savions que Galani

13 l'avait tuée, il s'est énervé, et il a aussi admis que Galani l'avait

14 tuée."

15 Est-ce que vous vous souvenez d'une conversation que vous-même avez eu avec

16 Gani Gjukaj ?

17 R. Non, je ne m'en souviens pas.

18 Q. Est-ce que vous nous dites que cette conversation n'a pas eu lieu ? Ou

19 est-ce que vous ne vous souvenez pas si elle a eu lieu ou si elle n'a pas

20 eu lieu ?

21 R. Je ne me souviens pas.

22 Q. Je voudrais maintenant passer à ce que vous avez dit, à savoir que

23 Galani prétendait être une sorte de commandant. Vous nous avez dit dans

24 l'interrogatoire principal que vous ne saviez pas qui l'avait placé à ce

25 poste-là. Alors je voudrais vous demander la chose suivante. Etait-ce

26 Galani lui-même qui prétendait être un commandant ? Est-ce comme cela que

27 vous avez eu cette information ?

28 R. Est-ce que je peux parler ? C'est à moi de répondre ?

Page 10785

1 Q. Je vous repose la question. Est-ce de la bouche de Galani lui-même que

2 vous avez entendu dire qu'il était commandant ? Est-ce lui qui prétendait,

3 autrement dit, qu'il était commandant ?

4 R. Non, tout le monde savait qu'il était commandant de Lugu i Drinit, et

5 pas seulement moi.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que l'on peut passer en audience à

7 huis clos partiel pendant un instant, je vous prie.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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12 [Audience publique]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

14 Poursuivez.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que l'on peut demander à montrer la

16 pièce P172.

17 Q. Vous vous souviendrez, Monsieur Krasniqi, de ce passage que je viens de

18 vous lire concernant le transfert. Je voudrais que vous jetiez un œil à ce

19 document. C'est un document qui est en date du 7 juillet 1998, et qui porte

20 une signature de Ramush Haradinaj. Pour que les choses soient claires, il

21 s'agit d'un document de transfert. En anglais, on parle "d'Idriz Gashi en

22 tant que combattant qui part district de Pec et qui, le 4 juillet, est

23 transféré à sa demande pour servir dans une autre zone. Le combattant

24 susmentionné est prêt à assumer ses responsabilités immédiatement."

25 Est-ce que vous voyez cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Si on regarde l'original en albanais, le terme que l'on utilise pour

28 Idriz Gashi est de "luftetari". Est-ce que ma prononciation est assez

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1 fidèle ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous voulez nous expliquer ce que signifie ce terme ?

4 R. "Luftetar" signifie un combattant de l'armée de libération.

5 Q. Par opposition à un commandant, n'est-ce pas ?

6 R. C'est un combattant. Il n'y a pas de commandant dans ce cas précis.

7 Q. Bien. Une partie importante du témoignage que vous nous avez donné,

8 Monsieur Krasniqi, c'est que tout ce qui s'est passé ce jour-là, le 12

9 août, vous avez dû le faire, car cet homme était votre commandant ou vous

10 aviez l'impression qu'il était chargé du commandement, n'est-ce pas ?

11 R. Non, il n'était pas commandant à Baran. Il était commandant à Lugu i

12 Drinit, et c'est cela même qu'il disait. Nous n'avons jamais demandé qu'il

13 montre une pièce d'identité pour prouver ce qu'il disait. Parce que nous

14 n'avions pas ce droit. Il était le commandant de Lugu i Drinit.

15 Q. Essayons de voir plus clair. Aidez-nous. Il dormait et prenait ses

16 repas à la maison de Vranoc que vous partagiez avec Mete Krasniqi, n'est-ce

17 pas ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Et dans le passé, donc avant cet incident avec Sanije Balaj, il a

20 emprunté une fourgonnette Mercedes blanche qui appartenait à votre frère

21 Mete, il l'empruntait de temps à autre, n'est-ce pas ?

22 R. Avant cet incident.

23 Q. Vous confirmez qu'il avait procédé de la sorte avant l'incident ?

24 R. Oui, avant l'incident.

25 Q. Un grand nombre de personnes se prétendent commandants alors qu'ils ne

26 le sont pas dans la réalité, en tout cas c'était le cas à l'époque, n'est-

27 ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Nous avons entendu comme élément de la déposition que votre frère Mete

2 avait été appelé commandant, on parlait de lui comme un commandant. Dites-

3 nous, Monsieur Krasniqi, est-ce qu'on lui donnait le nom de commandant

4 Krasniqi ?

5 R. Mete n'était pas un commandant. C'était un policier, il travaillait à

6 la police.

7 Q. Est-ce qu'il prétendait être un commandant, est-ce qu'il demandait aux

8 gens de l'appeler commandant Krasniqi ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Est-ce que vous connaissez Vesel Dizdari ?

11 R. Oui.

12 Q. Il faisait partie de la police militaire à Baran, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Donc il était également sous le commandement de Nazif Ramabaja

15 directement, je crois ?

16 R. Oui.

17 Q. Pourriez-vous nous aider pour voir pourquoi il aurait pu appeler votre

18 frère Mete commandant Krasniqi ?

19 R. Je ne sais pas. J'avais été très peu de temps avec Vesel Dizdari, peut-

20 être que l'ai rencontré deux ou trois fois, mais je n'avais pas de rapport

21 suivi avec lui.

22 Q. Est-ce que votre frère Mete était à même de donner des ordres à

23 d'autres personnes dans la police militaire ?

24 R. Non.

25 Q. Monsieur Krasniqi, en janvier de l'an dernier, c'est-à-dire en janvier

26 2006, vous avez été interrogé par le procureur international au Kosovo, M.

27 Robert Dean, je crois que vous savez, n'est-ce pas, qu'au moment où cette

28 audition a eu lieu le 30 janvier 2006, la MINUK avait commencé une enquête

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1 au pénal en ce qui concernait votre participation à cette question, vos

2 rapports avec cette situation ?

3 R. Oui.

4 Q. Et vous étiez entendu, je crois, deux semaines seulement après que vous

5 ayez été officiellement déclaré suspect, le 16 janvier; c'est bien cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Et juste avant que vous n'ayez été entendu officiellement par M. Dean,

8 vous l'avez rencontré, je crois, dans son bureau; c'est bien cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Et au cours de cette réunion, il vous a parlé de la possibilité que

11 même si vous étiez suspect, il est très possible pour vous d'être déclaré

12 témoin prêt à coopérer, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Il vous a expliqué que ceci aurait pour conséquence de vous donner une

15 immunité pour vous protéger contre des poursuites dans votre participation

16 éventuelle dans la disparition et la mort de Sanije Balaj, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous a-t-on dit que la raison pour laquelle il y avait des soupçons

19 plus particulièrement en ce qui concerne le récit que vous avez fait,

20 c'était que le procureur au Kosovo avait comme renseignements que deux

21 hommes avaient été vus entraînant Sanije Balaj dans les bois, et pas un

22 seul homme ?

23 M. PESTMAN : [interprétation] Est-ce que je pourrais intervenir à ce stade.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. PESTMAN : [interprétation]Je vais intervenir à ce moment.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Krasniqi, pourriez-

27 vous, s'il vous plaît, retirer vos écouteurs un instant.

28 Monsieur Krasniqi, est-ce que vous comprenez l'anglais ? Apparemment

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1 pas.

2 M. PESTMAN : [interprétation] En tous les cas, sûrement pas le mien.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 Maître Pestman, oui, je comprends bien quelle est la question qui se pose.

5 Maître Emmerson, nous sommes près d'un point dans lequel les questions que

6 vous avez présentées au témoin pourraient déclencher une réponse qu'on

7 n'exclurait pas comme ayant également rapport avec le rôle de M. Krasniqi

8 dans ces événements dans lesquels il pourrait en fait s'incriminer lui-

9 même. Je ne dis pas qu'il va le faire, mais tout au moins c'est la question

10 qui se pose.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense, si vous permettez, je comprends la

12 suggestion que nous nous rapprochons de ce domaine, mais je ne crois pas

13 que la question que je viens juste de poser pourrait entraîner cette

14 possibilité parce que la question c'était simplement lui demander s'il

15 avait reçu des renseignements du procureur selon lesquels il y avait la

16 raison pour laquelle il avait été soupçonné. C'étaient simplement des

17 renseignements pour savoir ce qui lui avait été communiqué par le

18 procureur. Mais quoi qu'il en soit, je suis tout à fait prêt à ce que la

19 Chambre de première instance par précaution pour ce témoin à ce stade -- je

20 voudrais tout de même demander si je peux continuer à poser mes questions.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne dis pas ça -- Maître Pestman,

22 vous savez qu'il y a une disposition du Règlement qui fait que si un témoin

23 dit que la réponse qu'il donne pourrait faire, risquerait de l'incriminer

24 ou de l'accuser, il peut s'adresser à la Chambre, et c'est à ce moment-là à

25 la Chambre qu'il appartient de décider si oui ou non il doit répondre à

26 cette question. Mais alors bien sûr c'est au témoin qu'il appartient en

27 définitive de --

28 M. PESTMAN : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que d'après vous ce

2 serait l'approche qui convient de prendre pour le moment, que j'informe le

3 témoin de ses droits en vertu -- je vais trouver la disposition, oui, je

4 crois que c'est 90(E) du Règlement.

5 M. PESTMAN : [interprétation] Je vais jeter un coup d'œil à la

6 disposition qui convient dans un instant. Mais il pourrait être intéressant

7 de savoir si en fait il a eu obtenu ce statut de témoin qui accepte de

8 coopérer ou pas.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça c'est une question qui --

10 M. PESTMAN : [interprétation] Je ne connais pas bien cette procédure

11 --

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je connais la réponse à cette

13 question.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous connaissez la réponse à cela ?

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je connais la réponse à cela.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors permettez-moi -- ceci va être

17 examiné de façon plus approfondie par Me Emmerson lors de son contre-

18 interrogatoire. Mais -- peut-être que -- Maître Emmerson, vous dites que

19 vous connaissez la réponse, pourriez-vous déjà --

20 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, la situation est la suivante.

21 M. Krasniqi était alors entendu en tant que suspect et a donné, a fait un

22 récit au procureur. D'après la procédure qui s'applique en droit du Kosovo,

23 telle qu'elle était, il y avait une période de six mois pendant laquelle

24 une personne pouvait rester suspect à moins que cette période ne soit

25 prolongée et cette période n'a pas été prolongée. Et donc ce statut de

26 témoin acceptant de coopérer est finalement attribué seulement à ceux qui

27 restent suspects lorsqu'ils sont appelés à déposer, qui demeurent suspects.

28 Donc il n'a jamais officiellement reçu le statut de témoin prêt à coopérer.

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1 Il y a eu des discussions à ce sujet avant sa première audition. Et il a à

2 ce moment-là donné une audition, et après la période de six mois --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous comprends bien --

4 pour commencer, laissons un peu de temps.

5 Maître Emmerson, d'après ce que je comprends, est-ce que je comprends bien

6 - et nous parlons là de questions juridiques - que puisque la période de

7 six mois s'était écoulée et qu'apparemment il n'y avait eu d'attente

8 réaliste ou peut-être même une impossibilité d'ordre juridique que M.

9 Krasniqi puisse gagner à nouveau la situation de suspect, il n'était plus

10 nécessaire pour lui de --

11 M. EMMERSON : [interprétation] D'après ce que je comprends, enfin je ne

12 suis pas à même de répondre à la partie médiane de cette question. Je n'ai

13 aucune idée du tout --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. EMMERSON : [interprétation] -- de savoir s'il est ou non possible pour

16 lui de devenir suspect si de nouveaux éléments de preuve devaient se faire

17 jour. Mais ça pourrait bien être le cas, je peux imaginer que devant de

18 nombreuses juridictions ceci se passait, quelqu'un pourrait être déclaré à

19 nouveau suspect. Mais certainement à l'époque où il a déposé au Kosovo dans

20 le procès Idriz Gashi, il n'était pas alors suspect dans une enquête qui

21 était en cours et était appelé à déposer sans avoir le statut de témoin

22 coopérant.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est compris.

24 Monsieur Re, y a-t-il quelque chose à ajouter ?

25 M. RE : [interprétation] Bien, c'était juste une question qui était --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a été témoin de la raison pour

27 laquelle il était soupçonné, mais c'était qu'il y avait des renseignements

28 selon lesquels deux hommes --

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1 M. RE : [interprétation] Avaient été vus en train de traîner --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- avaient été vus --

3 M. RE : [interprétation] Maintenant je demande à Me Emmerson où se trouvent

4 les éléments de preuve qu'il y avait donc ces deux hommes qu'on avait vus

5 en train de traîner. Je lui pose cette question pour qu'il me dise

6 exactement où il est fait mention du fait que ces deux hommes traînaient --

7 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-être que j'ai utilisé ce terme de façon

8 trop vague, et les éléments de preuve sont que le témoin hier il y avait

9 une accusation selon laquelle deux hommes étaient impliqués.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes -- oui.

11 On nous prie à juste titre de ne pas parler en même temps.

12 La question est plutôt de savoir si M. Krasniqi est resté dans la voiture

13 ou a accompagné --

14 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- M. Gashi et Sanije Balaj lorsqu'ils

16 ont quitté --

17 M. EMMERSON : [interprétation] Exactement.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons poursuivre.

19 Monsieur Krasniqi, pourriez-vous remettre vos écouteurs, s'il vous plaît.

20 Monsieur Krasniqi, la dernière question qui vous a été posée concernait le

21 motif pour lequel à l'époque vous aviez été soupçonné d'avoir participé ou

22 d'être mêlé à ce qui s'était passé, à ce qui était arrivé à Sanije Balaj,

23 en plus de ce que vous avez dit dans votre déposition, la raison étant

24 qu'il y avait des renseignements selon lesquels ce n'était pas une seule,

25 mais deux personnes qui accompagnaient Sanije Balaj hors de la voiture et

26 jusque dans le bois.

27 Maintenant, je tiens à vous informer que ce n'est pas nécessairement cette

28 question-ci, mais des questions qui pourraient suivre, si vous y répondez

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1 de façon véridique cela pourrait vous emmener à dire des choses qui

2 pourraient vous incriminer et qui pourraient vous accuser vous-même. Alors

3 je ne sais pas, mais vous êtes le seul qui le sache, si en écoutant et en

4 entendant la question vous estimez que la réponse que vous feriez, puisque

5 vous avez fait une déclaration solennelle qui est de dire la vérité, toute

6 la vérité et rien que la vérité, si vous risquez de vous incriminer et de

7 vous accuser, à ce moment-là vous pouvez vous adresser à moi-même, et dire

8 que pour cette raison vous préférez ne pas répondre à cette question.

9 Si cette situation se produit, les membres de cette Chambre ont le pouvoir

10 de vous ordonner et de vous obliger à répondre à cette question; mais si

11 nous le faisons, alors la réponse à ce que vous faites dans votre

12 déposition après que nous vous ayons ordonné de répondre à cette question

13 ne pourra pas être utilisée comme preuve contre vous dans des poursuites

14 pour la suite pour tout autre délit si ce n'est le faux témoignage. Donc si

15 on vous ordonne de répondre et que vous ne vouliez pas dire la vérité, à ce

16 moment-là vous pourriez faire l'objet d'une enquête et de poursuites pour

17 un faux témoignage.

18 Est-ce que les choses sont bien claires ? Si vous craignez que votre

19 réponse ne risque de vous incriminer, et pour cette raison vous préférez ne

20 pas y répondre, veuillez vous adresser à moi.

21 Oui, Monsieur Pestman.

22 M. PESTMAN : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris que s'il était

23 forcé par la Chambre de répondre à une question, à ce moment-là il

24 bénéficierait d'une immunité de poursuite devant le Tribunal pénal

25 international ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça c'est certain.

27 M. PESTMAN : [interprétation] Mais pas devant une autre juridiction

28 ou autre organe judiciaire, y compris les autorités au Kosovo ?

Page 10795

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je pense qu'à ce stade-ci,

2 les parties me corrigeront si je me trompe, c'est là une question qui n'est

3 pas encore résolue. Par conséquent, je ne peux pas répondre à cette

4 question. Ce que je peux faire c'est expliquer à M. Krasniqi que si nous

5 l'obligeons à faire sa déposition après qu'il nous ait dit qu'il doit

6 bénéficier de cette immunité, en fait, il n'a pas d'immunité de toutes

7 poursuites, mais sa déposition ne peut pas être utilisée contre vous si

8 vous étiez poursuivi devant ce Tribunal. Je dois ajouter à cela qu'il y a

9 quelques incertitudes sur le point de savoir si une telle réponse, une

10 telle déposition pourrait être utilisée ailleurs. Une possibilité, bien

11 sûr, pourrait être que de telles réponses puissent être faites en audience

12 à huis clos partiel ce qui ferait que ça ne serait pas, tout au moins

13 maintenant immédiatement accessible à d'autres juridictions.

14 Donc tout ceci pour vous informer, Maître Pestman. Je ne dis pas que

15 ceci est la solution définitive, mais nous pourrions envisager d'aller en

16 audience à huis clos partiel à cette fin, bien que ça ne soit pas

17 d'habitude le motif pour lequel on va en audience publique à huis clos

18 partiel. Bien sûr, je ne ferais pas cela tant que je n'aurais pas consulté

19 les parties sur cette question, il y a une question juridique.

20 Puis --

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je vois l'heure.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- oui, je regarde la pendule --

23 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais juste dire un point de plus.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. EMMERSON : [interprétation] M. Re m'a demandé de préciser et de

26 clarifier l'utilisation du mot "traîner". Je crois que le témoin a dit -

27 c'est au compte rendu - que deux hommes avaient forcé une femme à sortir

28 d'un véhicule et que deux hommes avaient emmené une femme, donc juste pour

Page 10796

1 être bien au clair --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

3 M. EMMERSON : [interprétation] -- plutôt que de traîner, "forcer" et

4 "emmener" étaient les mots que le témoin a utilisés.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, il est 19 heures. Il

6 est temps maintenant d'en finir pour l'audience d'aujourd'hui. Nous

7 souhaitons vous revoir demain dans l'après-midi à 16 heures moins quart

8 parce que nous allons lever la séance puisqu'il y a une comparution

9 initiale qui est prévue à 14 heures 15, donc il nous faut du temps pour

10 changer les bandes d'enregistrement, et cetera, donc nous reprendrons cette

11 déposition dans cette affaire qu'à 4 heures moins le quart.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne sais pas si la Chambre de première

13 instance souhaite dans ces circonstances donner au témoin les

14 avertissements normaux et habituels ou les modifier en quelque sorte,

15 compte tenu des circonstances actuelles et du fait qu'il est représenté

16 juridiquement.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais faire ce qui est normal,

18 comme vous le dites --

19 M. EMMERSON : [interprétation] Non, c'est que je ne veux pas --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- vu le fait que --

21 M. EMMERSON : [interprétation] -- je voulais juste que les choses soient

22 bien claires --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends.

24 Monsieur Krasniqi, vous avez fait une déposition aujourd'hui. Vous allez

25 continuer demain. Vous ne devez parler à personne de la déposition que vous

26 avez déjà faite ni de la déposition que vous devez encore faire.

27 Maître Pestman, lorsqu'une déposition n'est pas encore achevée, la Chambre

28 estime qu'il ne convient pas qu'un conseil discute de ces questions avec

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1 celui qui à ce moment-là est le témoin. Si, toutefois, il y avait un motif

2 précis et spécifique pour lequel vous auriez besoin de parler à M.

3 Krasniqi, qui ne pourrait pas attendre jusqu'à demain après-midi, vous

4 pourriez à ce moment-là demander une permission de le faire; et là, bien

5 sûr, vous nous diriez pourquoi il y a une nécessité aussi pressante, aussi

6 urgente. Nous examinerions ensuite la question de savoir si nous vous

7 autorisons à vous entretenir avec M. Krasniqi avant qu'il ait conclu sa

8 déposition, après quoi, bien entendu, sous cette condition extrêmement

9 stricte que vous ne parleriez en aucune manière de la déposition ou du fond

10 de cette déposition.

11 M. PESTMAN : [interprétation] Je ne vais pas présenter une telle

12 demande maintenant, mais je ne peux pas exclure que la nécessité ne s'en

13 présente pas demain, nécessité de présenter une telle demande en ce qui

14 concerne son droit de ne pas s'accuser lui-même en ce qui concerne un point

15 particulier.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, là c'est une question qui est

17 juste à la limite. S'il y a une raison précise, si vous avez des vœux

18 spéciaux, de m'informer du fait -- ou d'informer le témoin de ses droits à

19 cet égard, vous pouvez me contacter, tout au moins par le Juriste de la

20 Chambre. Vous pouvez présenter une demande disons -- et à ce moment-là

21 également en envoyer copie aux parties dans ce cas. Oui.

22 Y a-t-il autre chose ? Sinon, encore une fois nos excuses aux

23 interprètes, aux sténographes, mais je les oublie souvent, les techniciens,

24 les gardes de sécurité. Je lève la séance jusqu'à demain, jeudi 15 novembre

25 4 heures moins le quart dans la salle d'audience numéro I.

26 --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le jeudi 15 novembre

27 2007, à 15 heures 45.

28