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1 Le mardi 22 novembre 2011
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
6 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
8 Messieurs les Juges. Affaire IT-04-84bis-T, le Procureur contre Haradinaj,
9 Balaj, et Brahimaj.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
11 Les parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît ?
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Daniela
13 Kravetz; je représente le bureau du Procureur avec Aditya Menon, Andrej
14 Micovic, et Line Pedersen, notre commise à l'affaire.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
16 Pour M. Haradinaj.
17 M. EMMERSON : [interprétation] Bonjour. Ben Emmerson pour Ramush Haradinaj,
18 avec Rodney Dixon, Annie O'Reilly et Andrew Strong.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Emmerson.
20 Pour Idriz Balaj.
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Gregor Guy-
22 Smith, avec Colleen Rohan, Chad Mair, Gentian Zyberi, Holly Buchanan, et
23 notre stagiaire, William Fife, pour M. Balaj.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
25 Pour M. Brahimaj.
26 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour. Je suis Richard Harvey pour Lahi
27 Brahimaj, avec M. Paul Troop et Luke Boenisch.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
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1 Passons à huis clos.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
3 [Audience à huis clos]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
15 Bonjour, Monsieur. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais bien.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous vous sentez bien ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous n'alliez pas bien faites-le
20 savoir, s'il vous plaît, n'hésitez pas, n'hésitez pas à nous le dire.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Kravetz, vous avez la parole.
23 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 LE TÉMOIN: 81 [Reprise]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 Interrogatoire principal par Mme Kravetz : [Suite]
27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
28 R. Bonjour.
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1 Q. Monsieur, hier, à la fin de l'audience, nous parlions de votre premier
2 séjour au village de Jabllanice, et plus précisément, nous avons parlé de
3 ce moment, où un jeune Serbe et deux Roms ont été sortis de la maison que
4 vous avez vue, où vous étiez entré donc où on les a fait sortir dans la
5 cour; vous vous en souvenez ?
6 R. Oui.
7 Q. Monsieur, quand ces deux Roms et ce Serbe, ces jeunes hommes sont été
8 sortis dans la cour, qui était dans la cour à ce moment-là ?
9 R. Il y avait moi-même, mon camarade qui était avec moi, Maxhup, Idriz
10 Gashi, et un autre homme, l'un des gens du village.
11 Q. Et ces trois jeunes hommes où est-ce qu'on les a placés dans la cour ?
12 R. C'est juste devant la porte, devant la porte de cette maison. Peut-être
13 à un mètre et demi, deux mètres.
14 Q. Devant la maison, derrière la maison, ou précisément ?
15 R. Devant la maison.
16 Q. Monsieur, alors que s'est-il passé avec ces trois jeunes hommes
17 lorsqu'on les a sortis dans la cour ?
18 R. Au bout de quelque temps, au bout de dix ou 15 minutes, quand on s'est
19 déjà tous trouvés dehors, M. Ramush Haradinaj est arrivé, et à ce moment-
20 là, il était le commandant principal de la zone de Dukagjini et il est
21 arrivé avec Toger. Ramush Haradinaj ne se portait pas vraiment très bien à
22 ce moment-là, et c'est la première fois que je l'ai vu en tant que
23 commandant.
24 Q. Aviez-vous déjà eu l'occasion de le voir précédemment ? Ramush
25 Haradinaj.
26 R. Oui, je l'ai rencontré. Comme vous le savez, je suis né en Allemagne,
27 j'ai vécu en Suisse, et ce monsieur, lui aussi, il est venu travailler
28 comme ouvrier saisonnier en Suisse, donc je l'ai rencontré en Suisse mais
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1 pas en tant que commandant juste comme un saisonnier.
2 Q. Lorsque vous parlez de "cet homme" de ce "monsieur," vous pensez à qui
3 ?
4 R. Je pense à Ramush Haradinaj.
5 Q. Combien de temps s'est-il passé entre votre rencontre avec Ramush
6 Haradinaj, et à ce moment-là, où vous l'avez vu à Jabllanice ?
7 R. A peu près deux ans.
8 Q. Donc vous l'avez rencontré quand vous avez travaillé tous les deux
9 comme des saisonniers; est-ce que vous avez eu une autre occasion de le
10 rencontrer --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que je peux vous interrompre ?
12 Mme KRAVETZ : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaite que l'on passe à huis clos
14 partiel, s'il vous plaît.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur, je vous demandais la chose suivante, vous avez rencontré M.
7 Haradinaj quand vous avez travaillé tous les deux comme saisonniers, et
8 est-ce que vous l'avez vu en d'autres occasions avant de le revoir à
9 Jabllanice ? Attendez, s'il vous plaît, que j'ai terminé de travailler
10 avant de parler vous-même pour que l'on respect les mesures de protection.
11 R. Je l'ai rencontré dans un bar, parce qu'il y a des bars albanais en
12 Suisse, des endroits où tous les Albanais se rencontrent, comme un café,
13 une brasserie, et c'est là que je l'ai croisé plusieurs fois.
14 Q. Vous nous avez dit que vous l'avez vu arrivé dans cette enceinte, sur
15 cette propriété où vous vous êtes trouvé à Jabllanice, et que s'est-il
16 produit quand il est arrivé ?
17 R. Ecoutez, dans la mesure où je m'en souvienne, parce qu'il s'est passé
18 beaucoup de temps. Il est venu, nous avons tous salué, puisqu'il était plus
19 haut gradé que nous, et après, je me souviens qu'il aurait appelé Maxhup :
20 "Teqe," l'a-t-il appelé, par respect, c'est une forme de respect. C'est là
21 qu'ils se sont salués, et c'est là que l'interrogatoire a commencé.
22 Q. Je vais vous arrêter là, avant que l'on en parle. Vous avez également
23 parlé de Toger; est-ce que vous connaissez le vrai nom de cette personne ?
24 R. C'est Idriz Balaj.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame le Procureur, je voudrais
26 préciser un point. Un instant, s'il vous plaît.
27 Monsieur, vous avez dit qu'au moment où ces deux jeunes Roms ont été sortis
28 dans la cour, vous étiez là, vous-même, ainsi que votre camarade Maxhup
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1 également et Idriz Gashi et un villageois. Alors, maintenant j'aimerais
2 savoir la chose suivante : à ce moment-là, où se trouvaient les six
3 personnes avec qui vous étiez arrivé dans ce village ? Parce que vous nous
4 avez dit que vous êtes arrivé dans cette maison, et vous n'avez plus parlé
5 d'eux, alors où est-ce qu'ils se sont trouvés, eux ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans les parages. Ils étaient dans les parages
7 à parler aux villageois. Nous étions tous au même endroit, dans cette même
8 localité, et à peu près au même endroit, dans les parages.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Eux aussi, donc, ont vu ce qui se
10 passait là, ils faisaient partie du groupe, donc ils n'étaient pas
11 nécessairement très près de vous, à côté de vous, mais ils ont vu.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, oui, normalement qu'ils l'ont vu,
13 puisque nous étions tous au même endroit. Nous n'étions pas serrés les uns
14 contre les autres, mais nous étions en train de circuler tous dans cette
15 même cour.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc il est exact de dire qu'en plus
17 des personnes que vous avez déjà mentionnées comme étant présentes au
18 moment où on a sorti ces jeunes hommes dans la cour, nous devrions aussi
19 ajouter à cela vos camarades, qui eux étaient arrivés avec vous dans ce
20 village, les six.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Naturellement parce qu'ils étaient avec moi.
22 Ils sont arrivés avec moi. Donc nous étions tous dans cette cour, comme je
23 viens de le dire à l'instant. Nous n'étions pas nécessairement à deux
24 doigts l'un de l'autre, mais nous étions tous dans cette même cour.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous demande pas qui se tenait à
26 côté de vous. Je vous demande qui était présent ce jour-là, et si je vous
27 le demande, c'est parce que vous n'avez pas mentionné leur présence,
28 Monsieur; vous comprenez ? Ne me dites pas que tous les autres que vous
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1 avez mentionnés étaient justes à côté de vous, Maxhup, était-il juste à
2 côté de vous, par exemple ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Très près, il était près de moi.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et le villageois ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous étions ensemble, là.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer, Monsieur, puisque je
8 vois que nous étions dans cette même cour. Donc la même cour dans un espace
9 de trois à quatre mètres, cela ne veut pas dire que l'on se touchait
10 physiquement, mais ça veut dire qu'on était dans un même espace. Maxhup
11 était juste devant moi, il y avait ce camarade à moi qui était juste à
12 côté, les autres circulaient dans la cour. On n'était pas coude contre
13 coude.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et les six ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est justement ce que je suis en train
16 d'expliquer, ils se tenaient là dans les parages.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] J'ai une question, pour préciser
18 aussi.
19 Monsieur le Témoin, vous avez dit deux fois que "votre camarade" était avec
20 vous. C'est l'un des six ou c'est quelqu'un de plus ou d'autre ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'un des six.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
23 Mme KRAVETZ : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous en prie.
25 Mme KRAVETZ : [interprétation]
26 Q. Monsieur je vous ai demandé si vous saviez comment s'appelait l'homme
27 que vous avez appelé Toger. Vous avez dit que c'était Idriz Balaj. Est-ce
28 que vous avez eu l'occasion de voir M. Idriz Balaj avant de le voir à
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1 Jablanica ?
2 R. Non, c'est la première fois.
3 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande que l'on remplace coude contre coude
4 par au coude à coude.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation]
6 Q. Comment est-ce que vous avez pu identifier cet homme ? Comment est-ce
7 que vous avez su qui c'était ?
8 R. Mais partout où on va, les gens se présentent. Nous avions le même
9 uniforme, c'est normal que les gens se présentent par leurs noms.
10 Q. Idriz Balaj, qu'a-t-il dit lorsqu'il s'est présenté ?
11 R. Il a dit qu'il était Idriz, et que son surnom, sobriquet, était Toger,
12 et qu'il était le commandant de l'Unité spéciale.
13 Q. Est-ce qu'il a dit de quelle unité il était le commandant ?
14 R. De l'Unité l'unité spéciale.
15 Q. Savez-vous laquelle c'était ?
16 R. Je le sais, c'est l'Unité des Tigres, et à cette époque-là, elle se
17 trouvait surtout dans la zone de Dukagjini.
18 Q. Qu'est-ce que vous permet de connaître -- de savoir le nom de cette
19 unité ?
20 R. Mais tous les soldats, qui ont été là, savent les noms des unités, ils
21 savent quel est le nom de chacune des unités.
22 Q. Donc vous nous avez dit que Ramuz Haradinaj est arrivé, que les soldats
23 l'ont salué, et que s'est-il passé par la suite, que s'est-il passé une
24 fois que M. Toger ou Idriz Balaj est arrivé sur cette propriété ?
25 R. On a commencé à se dire bonjour, comme d'habitude, et puis, quand il a
26 vu ces deux Tsiganes, il a commencé à les interroger comme on les
27 interrogeait toujours comme d'habitude, où sont les forces serbes, où sont
28 vos forces, où sont vos positions.
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1 Q. Vous dites : "Lorsqu'il a vu ces Tsiganes, il a commencé à les
2 interroger," là, vous parlez de qui ? Qui est le "il" ?
3 R. C'est Ramuz Haradinaj, parce que l'on sait que Ramuz Haradinaj n'a
4 jamais aimé les Roms. D'ailleurs, déjà en Suisse lorsqu'on l'entendait
5 parler dans le bar, comme je l'ai dit, on savait qu'il n'aimait pas
6 vraiment les Roms. Il était connu pour cela. Il en -- il lui en parlait en
7 albanais en lui disant: S'il te plait, ne nous tue pas, parce qu'on n'a
8 rien fait. Je suppose que c'est ce qui l'a agacé, et il s'est mis à dire :
9 "Pourquoi m'appelez-vous comme ça, "Bace" ? C'est ce qu'ils ont dit ?
10 Dites-nous où sont vos forces serbes et où sont vos positions."
11 Q. Bace, qu'est-ce que cela signifie ?
12 R. Bace, c'est un homme en vue, âgé, que l'on respecte. C'est ainsi qu'ils
13 appellent -- donc, c'est le terme qu'ils utilisent dans ce type de
14 relation.
15 Q. Lorsque vous dites "ils l'appelaient Bace," les "ils," c'est qui ?
16 R. Ce sont les deux Roms.
17 Q. Qui appelaient-ils "Bace" ?
18 R. Ramush Haradinaj.
19 Q. Revenons un petit peu en arrière. Vous avez dit que c'était quelque
20 chose de connu, que Ramush Haradinaj n'a jamais aimé les Roms. Mais d'où
21 savez-vous cela ? Qui vous l'a dit ? Comment l'avez-vous entendu ?
22 R. Mais c'est quelque chose qu'on disait. Ramush Haradinaj était très
23 respecté, et puis, un de mes proches, dont je ne voudrais pas donner le
24 nom, s'est trouvé dans son unité. Donc, nous avons eu l'occasion d'en
25 parler et il m'a dit qu'il haïssait beaucoup les Roms, sans même parler de
26 Serbes.
27 Q. Est-ce que vous pouvez répéter ? Une partie de votre réponse n'a pas
28 été entendue par les interprètes.
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1 R. J'ai dit que l'un de mes parents, un parent proche, était membre de son
2 unité, et que j'ai eu l'occasion d'en parler avec lui, et parce qu'on m'a
3 demandé -- vous m'avez demandé comment je savais qu'il n'aimait pas les
4 Roms, et naturellement, comme on était des parents proches, on en a parlé,
5 et il m'a dit que son commandant ne pouvait pas supporter les Roms, qu'il
6 les haïssait, et que pour ce qui est des Serbes, c'était encore pire.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
8 plaît, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
23 Madame Kravetz.
24 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur, vous nous avez dit que lorsque M. Haradinaj a vu les deux
26 Tziganes, il a commencé à les interroger. Est-ce qu'il y avait qui que ce
27 soit d'autre qui a pris part à cet interrogatoire ou est-ce qu'il a été le
28 seul à interroger les deux Roms ?
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1 R. Il y avait Toger et il y avait Maxhup.
2 Q. Toger, alors, que faisait-il pendant ce temps-là ?
3 R. Toger, pour prouver que -- enfin, comme on faisait partie de deux
4 unités -- deux unités qui étaient déployées dans deux zones différentes,
5 les deux étaient des Unités spéciales. Alors, pour se prouver, il a dit :
6 "C'est comme cela qu'on traite les ennemis et les espions." Il a pris un
7 couteau à ce moment-là, et il lui a coupé l'oreille, et simplement pour me
8 prouver qu'il était plus fort que moi. Ça, à l'époque, je n'arrivais pas à
9 le comprendre. Mais pour me démontrer qu'il était bien loyal à cette Unité
10 spéciale dont il était commandant, donc, il a coupé une oreille à l'un des
11 Tziganes.
12 Q. Alors, vous avez fait référence à cette personne comme répondant au
13 surnom de Maxhup, donc, M. Brahimaj; en fait, qu'est-ce qu'il a fait
14 pendant cet interrogatoire ?
15 R. Pendant l'interrogatoire, Maxhup les a également passés à tabac, parce
16 qu'ils n'étaient pas particulièrement disposés à parler. Comment puis-je
17 vous l'expliquer ? Il avait, en fait, une batte de baseball.
18 Q. Maxhup, ou Lahi Brahimaj, que faisait-il avec cette batte de baseball ?
19 R. Il est frappé -- il est frappé avec la batte de baseball pour essayer
20 d'obtenir le plus de renseignements possibles.
21 Q. Qui a-t-il frappé ?
22 R. L'un des Tziganes ainsi que le Serbe.
23 Q. Alors, nous allons, dans un premier temps, nous intéresser à ce jeune
24 homme, ce jeune homme serbe, où est-ce qu'il l'a frappé ?
25 R. Il l'a roué de coups, il l'a frappé sur tout le corps.
26 Q. Est-ce qu'il a été le seul à frapper ce garçon ou est-ce que d'autres
27 personnes l'ont fait également ?
28 R. Vous savez, vous m'avez posé ces questions un peu -- un peu trop vite.
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1 Je voulais vous relater cela de façon un peu plus détaillée. Donc, excusez-
2 moi. Mais avant le début de l'interrogatoire, lorsque je vous ai dit que
3 Ramush Haradinaj leur posait des questions, à deux ou trois reprises, il a
4 frappé en fait cet homme deux ou trois fois. Il est tombé par terre, et ils
5 l'ont relevé.
6 Q. Lorsque vous dites : "Il a frappé l'homme," à quel homme faites-vous
7 référence ?
8 R. Je parle du Serbe.
9 Q. Pour que tout soit bien clair, Monsieur, vous parlez du garçon serbe,
10 jeune homme serbe. Vous êtes donc en train de nous dire que Ramush
11 Haradinaj a interrogé ce garçon ou ce jeune homme serbe ?
12 R. Oui. Je vous l'ai dit, et je le répéterais d'ailleurs, lorsqu'il est
13 arrivé, les Roms ont commencé à plaider leur cause, d'abord ils se sont
14 adressés à lui avec tout ce respect, et puis leur a dit : "Où sont vos
15 chars maintenant ?" "Où sont vos forces ?" Il a commencé à les frapper une
16 ou deux fois.
17 Q. Lorsque vous dites : "Il les a frappés," est-ce que vous faites
18 référence aux jeunes hommes serbes ou aux Roms ? J'essaie tout simplement
19 de comprendre, Monsieur.
20 R. Non, comme je vous l'ai dit, il y a un petit moment, là, je vous parle
21 du Serbe. Il a demandé à ce jeune serbe : "Où sont vos forces serbes, où
22 sont vos chars, où sont vos postes de contrôle ?" Et il l'a frappé.
23 Q. Il a posé les mêmes questions aux deux Roms; c'est cela ?
24 M. EMMERSON : [interprétation] C'est très, très important, étant donné les
25 tergiversations, alors il est extrêmement important que Mme Kravetz ne pose
26 pas de question aussi direct, aussi directrice puisque là les propos ne
27 sont pas tenus de façon cohérente lorsqu'il est question de circonstance.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Kravetz.
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1 Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une
2 question directrice. Bon, je peux essayer de préciser la situation. Nous
3 pouvons recommencer et je peux demander au témoin en fait de nous relater -
4 -
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous n'allons pas retenir cette
6 objection.
7 Poursuivez.
8 Mme KRAVETZ : [interprétation]
9 Q. Est-ce que vous pouvez nous relater ce qui s'est passé très, très
10 clairement et nous allons procéder par étape, et ce, pour que les Juges
11 puissent comprendre exactement ce que vous relatez ? Donc vous nous dites
12 que vous avez vu M. Ramush Haradinaj au moment où il est arrivé dans cet
13 endroit. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'est passé après son
14 arrivée, accompagné de M. Balaj dans cette enceinte donc ? Je m'excuse,
15 bon, il va falloir que vous répétiez certainement, mais je voudrais que
16 tout soit absolument limpide.
17 R. Je vais vous dire ce que j'ai vu et comment j'ai vu tout ce qui s'est
18 passé. Comme je vous l'ai déjà dit, au départ, nous sommes sortis, mon
19 camarade et moi-même; les autres étaient déjà dans la cour, y compris les
20 prisonniers d'ailleurs, le Serbe et les deux Roms. Quelqu'une demi-heure
21 après peut-être, Ramush Haradinaj est arrivé accompagné de Toger. Donc nous
22 nous sommes salués. Puis l'interrogatoire a commencé. Où sont les forces
23 serbes, où sont vos espions, où sont vos postes de contrôle ? Alors les
24 Roms, ils ont véritablement commencé à l'implorer, ils lui disaient, comme
25 je vous l'ai déjà dit : "Ne nous tuez pas." Bon, il a posé une ou deux
26 questions au Serbe : "Où sont les postes de contrôle serbes ?" Bon, il
27 était plutôt hérité. Le jeune homme, le garçon, il était tellement effrayé
28 qu'il n'arrivait même pas à parler et il était en larmes, et j'ai eu
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1 l'impression en fait qu'il l'avait frappé surtout parce qu'il était
2 absolument hérité parce qu'il ne parlait pas.
3 Q. Lorsque vous dites" : "Il l'a frappé," à qui faites-vous référence
4 lorsque vous dites : "Il l'a frappé" ? Je vais vous poser -- une petite
5 minute, je vous prie. Donc vous relatez -- vous êtes en train de relater
6 votre histoire, mais pour que tout soit clair, est-ce que vous pourriez
7 nous dire à chaque fois si vous parlez du jeune Serbe ou si vous parlez de
8 l'un ou de l'autre des Roms, juste pour que nous comprenions bien, n'est-ce
9 pas ?
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez également lui
11 demander avec quoi il l'a frappé ?
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui.
13 Q. Donc je vous demanderais également qui frappait, qui donnait les coups,
14 et avec quoi, pour que tout soit bien clair ? Donc expliquez-nous ce qui
15 s'est passé.
16 R. Comme je vous l'ai dit, Ramush Haradinaj a demandé au jeune Serbe où se
17 trouvaient ses forces, où se trouvaient leurs chars, voilà c'est le genre
18 de questions qu'il a posées. Puis, bon, le Serbe il était probablement
19 pétrifié, c'est probablement la raison pour laquelle il n'a pas répondu aux
20 questions. Comme je vous l'ai dit, il lui a donné un coup de poing avec son
21 poing et il l'a fait une ou deux fois.
22 Q. Merci. Maintenant, c'est clair. Que s'est-il passé après que Ramush
23 Haradinaj a donné donc ce ou ces coups de poing -- ce coup de poing au
24 jeune Serbe ?
25 R. Comme je vous l'ai déjà dit et je vais le répéter, pour prouver ce
26 qu'il valait -- ce dont il était capable - et là, je parle de Toger, parce
27 que lui faisait partie d'une Unité spéciale, et moi, j'appartenais à une
28 autre Unité spéciale - donc je suppose qu'il voulait montrer ce dont il
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1 était capable, et les Roms, ils étaient en train de l'implorer, de lui
2 demander pitié, de lui demander de leur épargner la vie. A un moment donné,
3 il a sorti son couteau et il a coupé, il a tranché l'oreille de l'un des
4 Roms.
5 Q. Bien. Que s'est-il passé après ce geste de Toger, après qu'il a coupé,
6 tranché l'oreille de l'un des Roms ?
7 R. Alors, au moment où cela s'est passé, donc son uniforme était recouvert
8 de sang, et il y avait donc Maxhup qui les avait frappés tous les deux avec
9 la batte de baseball. Alors, moi, je me souviens - je m'en souviens
10 véritablement, cela est gravé dans ma mémoire, parce que j'étais un jeune
11 soldat au sein de l'UCK - et là, j'ai véritablement eu très peur, parce que
12 je ne savais pas ce qui allait se passer, et Toger m'a dit : "Voilà, voilà
13 comment on traite les ennemis et les espions." Au moment où il lui a
14 tranché l'oreille, il l'a poignardé une ou deux fois au niveau du tronc et
15 l'homme s'est écroulé par terre.
16 Q. Vous nous avez donc parlé du jeune Serbe et de l'un des Roms. Est-ce
17 que -- qu'est-il advenu de l'autre Rom qui se trouvait toujours dans la
18 cour ?
19 R. Je vous avais également parlé de son sort. Je ne sais pas si vous
20 l'avez bien compris. Maxhup l'a frappé avec la batte de baseball.
21 Q. Combien de fois est-ce que Maxhup a frappé avec sa batte de baseball ce
22 jeune homme Rom ?
23 R. Ecoutez, plusieurs fois, vous savez cela fait 13 ans que ces faits se
24 sont déroulés. Je ne me souviens pas de tous les détails et je ne me
25 souviens du nombre de fois où il l'a frappé. Mais il l'a frappé au moins
26 deux fois. Est-ce que je pourrais -- est-ce que nous pourrions faire une
27 pause, je vous prie, si possible ?
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, oui, cela ne me pose pas de problème.
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1 Je sais que le témoin a quelques petits problèmes, donc cela ne pose pas de
2 problème à moi.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Très bien.
4 Est-ce que nous pouvons repasser à huis clos, je vous prie.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
6 Président.
7 [Audience à huis clos]
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26 [Audience publique]
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
28 Nous allons donc faire une pause. La Greffière d'audience nous indiquera le
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1 moment où le témoin sera prêt à revenir dans le prétoire.
2 L'audience est levée.
3 --- La pause est prise à 9 heures 49.
4 --- La pause est terminée à 10 heures 07.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que nous ne demandions le huis
6 clos, j'aimerais poser une question aux parties. J'aimerais indiquer que la
7 Chambre de première instance vient de recevoir ce document de la Section
8 des Victimes et des Témoins, document qui confirme que seul le personnel de
9 la Section des Victimes et des Témoins était à côté du témoin pendant la
10 pause, et personne d'autre.
11 Je souhaiterais maintenant que la Chambre passe à huis clos. Si vous
12 souhaitez consulter le document en question, je vous en prie, vous pouvez
13 le faire maintenant.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos,
15 Monsieur le Président.
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24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière
26 d'audience.
27 Lorsque les stores seront remontés, vous aurez la parole, Madame Kravetz.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Kravetz, j'aimerais demander
2 une précision. A la ligne 17 -- donc, page 17, plutôt, lignes 6 et 7, le
3 témoin a répondu à une question et a dit ce qui suit :
4 "Comme je vous l'ai dit, Maxhup a frappé l'un ou l'autre avec la batte de
5 baseball." Donc, là, nous parlions des jeunes Roms, et puis, à la ligne 17
6 et 18, vous lui avez posé une question, vous lui avez demandé :
7 "Combien de fois est-ce que Maxhup a frappé avec sa batte de baseball cet
8 autre garçon ou cet autre jeune homme Rom ?"
9 Alors, là, je ne sais plus si nous parlons de l'un ou de l'autre, des deux
10 ou juste d'un Rom. Est-ce que vous pourriez préciser ?
11 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, j'avais remarqué ceci, et j'allais
12 justement -- je me proposais de demander une précision.
13 Mais est-ce que je peux lui demander un peu plus tard --
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais, oui, je vous en prie.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] -- parce que je veux un peu remonter le fil
16 de son récit.
17 Q. Donc, Monsieur, avant que nous ne parlions du passage à tabac de ces
18 deux Roms, j'aimerais revenir au jeune homme serbe. Vous avez dit que
19 Ramush Haradinaj lui a donné un coup de poing à deux reprises. J'aimerais
20 savoir si les autres personnes qui participaient à cet interrogatoire ont
21 frappé ce jeune Serbe également ?
22 R. Comme je vous l'ai dit, c'était Ramush Haradinaj. Vous m'avez demandé
23 comment tout cela avait commencé, et je vous ai dit que c'était Ramush
24 Haradinaj qui avait frappé le Serbe une ou deux fois, qu'il lui avait donné
25 une ou deux fois un coup de poing.
26 Q. Et je vous ai demandé s'il y avait d'autres personnes qui ont fait quoi
27 que ce soit à ce jeune Serbe, à part Ramush Haradinaj, bien entendu, parce
28 que vous nous avez dit qu'il y avait d'autres personnes qui étaient
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1 présentes.
2 R. Oui. Bien sûr que les autres ont participé au passage à tabac
3 également. Je vous ai expliqué de façon très très claire que c'était Ramush
4 qui avait commencé, qui avait tout commencé, en lui assenant donc ces coups
5 de poing, puis ensuite il a été suivi par Toger. Je vous ai expliqué très
6 très clairement que Maxhup avait frappé le Rom avec la batte de baseball,
7 et lorsque je dis -- lorsque je dis "le Rom," je ne pensais pas les Roms.
8 Alors, je ne pensais pas devoir préciser cela. J'entendais les deux Roms.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur, mais est-ce que
10 vous pourriez essayer de bien écouter les questions qui vous sont posées ?
11 Essayez de répondre aux questions qui vous sont posées, car, là, vous
12 passez du Serbe au Rom. On vous a posé une question à propos du Serbe. Vous
13 avez dit à la Chambre que Ramush Haradinaj avait frappé le Serbe, avait
14 donné des coups de poing une ou deux fois au Serbe. Mais la question qui
15 vous a été posée était comme suit : A propos du Serbe -- pour ce qui est du
16 Serbe, outre Ramush Haradinaj, est-ce que d'autres personnes ont frappé le
17 garçon, le jeune Serbe ? Là, nous ne parlons pas des Roms.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que Ramush avait commencé et que les
19 autres lui ont emboîté le pas --
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais cela, je l'ai entendu. Mais
21 lorsque vous dites que "les autres l'ont fait également," vous ne répondez
22 pas à la question qui vous est posée, car la question qui vous a été posée
23 était comme suit : Est-ce que d'autres personnes ont frappé le jeune Serbe
24 ? Au lieu de nous dire "quelqu'un y a participé," il faut nous dire X, Y et
25 Z l'ont fait ou personne n'a touché à ce jeune Serbe.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie de m'excuser si je n'ai pas été
27 très clair. Les autres ont emboîté le pas de Ramush Haradinaj, et je parle
28 de Toger, de Maxhup, d'Idriz Gashi, ainsi que d'autres qui étaient
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1 également présents. C'est ce que je voulais dire.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis désolé, mais je n'ai pas pu
3 obtenir la réponse que vous souhaitiez, Madame Kravetz.
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question de
5 suivi ?
6 Q. Vous dites que : "Les autres ont emboîté le pas de Ramush Haradinaj, et
7 ont participé à la maltraitance."
8 La maltraitance de qui ? Je vous pose une question précisément concernant
9 ce jeune homme serbe. Je voudrais savoir si d'autres personnes ont
10 participé à la maltraitance dont a été victime ce jeune homme serbe; est-ce
11 que vous pourriez nous aider à ce sujet ?
12 R. J'ai dit qu'après les coups de poing proférés par Ramush Haradinaj, il
13 s'est rapproché de moi. Je suppose qu'il trouvait que c'était dégradant de
14 battre quelqu'un. Ensuite Toger lui a emboîté le pas, Maxhup également l'a
15 fait avec une batte de baseball. Donc, le même type de maltraitance qu'a
16 subi le Serbe a également été subi par le Rom.
17 Q. Vous parlez du "type de maltraitance;" est-ce que vous pourriez nous
18 donner plus d'éléments à ce sujet ?
19 R. Je parle, en fait, de coups qui étaient proférés contre ces -- contre
20 le Serbe -- contre le jeune homme serbe et contre le Rom.
21 Q. Mais qui a continué à battre le jeune homme serbe ?
22 R. Toger, comme je l'ai dit. Mais les choses ne se passaient pas comme
23 cela, ce n'est pas -- ce n'était pas que chacun battait ce jeune homme l'un
24 après l'autre. Ils lui ont donné des coups tous à la fois. Ils ne
25 s'arrêtaient pas de le faire.
26 Q. Lorsque vous dites Toger, vous avez parlé de Toger, quand je vous ai
27 demandé qui avait continué à le battre. J'aimerais savoir exactement ce
28 qu'a fait Toger contre ce jeune homme serbe.
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1 R. Toger l'a battu. Quand je dis "l'a battu," je veux dire qu'il lui a
2 donné des coups de poing.
3 Q. A quel endroit sur son corps ?
4 R. Sur tout le corps.
5 Q. A peu près, combien de fois lui a-t-il donné des coups de poing, à ce
6 jeune homme serbe ?
7 R. Un certain nombre de fois. Je n'ai pas vraiment fait le compte, mais à
8 plusieurs reprises.
9 Q. Est-ce que d'autres personnes qui étaient présentes, mis à part
10 Haradinaj et Toger, ont battu le jeune homme serbe ?
11 R. Oui, Idriz Gashi.
12 Q. Alors, qu'a fait Idriz Gashi à ce jeune homme serbe ?
13 R. Comme les autres, il l'a frappé de coups de poing, comme les autres.
14 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, vous m'aviez dit que
15 vous vouliez faire une pause. Je voulais savoir simplement si vous vouliez
16 vraiment faire la pause maintenant ou si vous vouliez que je continue.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense qu'il est préférable de faire
18 la pause maintenant.
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Très bien.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
21 Est-ce que l'on pourrait repasser à huis clos.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
23 Juges, nous sommes à huis clos.
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8 [Audience publique]
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 Nous allons donc faire notre première pause, et nous reviendrons dans cette
11 même salle d'audience à 10 h 45.
12 --- L'audience est suspendue à 9 heures 49.
13 --- L'audience est reprise à 10 heures 07.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos, s'il
15 vous plaît ?
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
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25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Madame Kravetz.
27 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. 0onsieur le Témoin, j'aimerais revenir à l'incident que nous
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1 avons abordé avant la pause. Je voulais simplement vous expliquer pourquoi
2 je voulais revenir sur cet incident. C'est pour obtenir des précisions de
3 façon à ce que les Juges comprennent très bien ce que vous avez vu durant
4 cet incident. Vous nous avez dit que vous avez vu donc Toger frapper le
5 jeune homme Serbe, et vous avez dit : "Quand je dis frapper, je veux dire à
6 coups de poing."
7 Mis à part cela, est-ce que Toger a fait quelque chose d'autre ?
8 R. J'ai dit qu'il l'avait frappé, il lui avait donné des coups de
9 poing, un certain nombre de fois.
10 Q. Oui, mais je vous demandais si mis à part donc les coups de poing, il
11 avait --
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. Le témoin a déjà répondu au
13 moins pour la quatrième fois.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Kravetz.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'essaie simplement d'obtenir une précision.
16 Cette réponse n'était pas vraiment verbale. Il n'a pas vraiment répondu à
17 la question, parce que ma question était de savoir si en plus d'avoir donné
18 des coups de poing. Toger avait fait quelque chose d'autre. Il avait donc
19 simplement dit qu'il l'avait frappé à coups de poing un certain nombre de
20 fois. Je voulais simplement obtenir une précision.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
22 Nous ne retenons pas cette objection.
23 Mme KRAVETZ : [interprétation]
24 Q. Je reviens à la question, Monsieur le Témoin. Je sais que cela vous
25 donne des impressions que l'on revient sur les mêmes éléments, et cela peut
26 paraître répétitif, mais nous voulons vraiment que tout soit très clair.
27 Donc, mis à part avoir frappé à coups de poing le jeune homme, est-ce que
28 Toger a infligé quoi que ce soit d'autre au jeune homme ?
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1 R. Oui, effectivement, il lui a infligé quelque chose d'autre.
2 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire cela, s'il vous plaît ?
3 R. Je vais vous dire ce qu'il lui a fait, d'ailleurs, il a fait la même
4 chose aux Roms -- à un des Roms. Il l'a fait également aux Serbes.
5 Q. Est-ce que vous pouvez être un peu plus clair, puisque vous dites :
6 "Qu'il lui a infligé la même chose qu'il a infligée à un des Roms" ?
7 R. Il lui a infligé la même chose, à l'aide de son couteau.
8 Q. De quoi parlez-vous ? Je sais que cela peut paraître difficile pour
9 vous que vous avez énormément du mal à parler de cela, mais je voudrais que
10 vous puissiez expliquer aux Juges ce que vous avez vu et ce qu'il a fait
11 donc à l'aide de son couteau.
12 R. Il a donc également utilisé son couteau et il lui a coupé l'oreille et
13 il l'a également poignardé à plusieurs reprises sur le devant du corps de
14 ce jeune homme.
15 Q. Lorsque vous dites qu'il lui a coupé l'oreille, est-ce que vous
16 pourriez décrire exactement l'ampleur de la blessure qui était infligée à
17 ce jeune homme serbe ?
18 R. En fait, il lui a complètement sectionné l'oreille, et je ne sais pas
19 combien de coups de couteau il a donnés, peut-être cinq fois, six fois, six
20 coups de couteau. Vous savez, j'étais jeune, et moi, j'avais peur, donc je
21 n'ai pas vraiment fait le compte des coups de couteau qu'il lui a donnés.
22 Mais il était, ce jeune homme était donc très grièvement blessé, il ne
23 pouvait plus se tenir debout.
24 Q. Un peu plus tôt dans votre déposition, lorsque je vous ai demandé si
25 quelqu'un d'autre, mis à part Toger, avait battu le jeune homme serbe, vous
26 nous avez dit qu'Idriz Gashi l'avait également battu en lui donnant des
27 coups de poing, comme l'ont fait tous les autres également."
28 Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous entendez par "tous les
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1 autres," de qui parlez-vous, qui d'autre a également battu ce jeune homme
2 serbe ?
3 R. Je vous ai dit que Maxhup ainsi que les soldats du cru qui étaient
4 présents, il y en avait quelques-uns qui étaient présents, ont également
5 participé à ce passage à tabac. Comme je vous l'ai dit avant la pause, ce
6 n'est pas qu'ils faisaient ceci tour à tour, ils le battaient tous
7 ensemble.
8 Q. Qu'est-ce qu'a fait Maxhup au jeune homme serbe ?
9 R. Maxhup l'a battu à l'aide d'une batte de baseball comme il l'avait fait
10 contre un des Roms, et il l'a battu jusqu'à ce que ce jeune homme ne puisse
11 plus se tenir debout et qu'il tombe à terre.
12 Q. Je voudrais revenir à une réponse que vous nous avez donnée. A la page
13 17, lorsque vous parliez de Maxhup et vous avez dit que Maxhup avait battu
14 une personne et une autre personne à l'aide d'une batte de baseball. Vous
15 nous avez dit donc que Maxhup avait battu ce jeune homme serbe. Donc je
16 voudrais savoir de qui vous parliez, lorsque vous parlez de cette autre
17 personne qui avait également été battue à l'aide d'une batte de baseball; à
18 qui pensiez-vous, de façon à que tout soit très clair ?
19 R. C'était le Rom. Ils étaient là-bas -- les trois étaient là-bas, et il
20 les battait sans discernement. Donc il commençait par l'un et puis il
21 passait à l'autre et puis au troisième, et le troisième, là, c'était le
22 Serbe.
23 Q. Que pour que soit très clair, vous dites qu'il les battait avec quel --
24 avec quoi les battait-il ? A-t-il -- avec quoi a-t-il battu les deux Roms ?
25 R. Je vous l'ai dit, avec une batte de baseball.
26 Q. Ce passage à tabac de ces trois jeunes hommes a duré combien de temps ?
27 R. Je dirais 30 minutes, 45 minutes, après ils ne pouvaient plus rester
28 debout. Ils étaient tombés à terre, ils ne pouvaient plus se relever.
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1 Q. J'aimerais savoir si vous, et les soldats qui s'étaient rendus à
2 Jablanica, aviez participé à ce passage à tabac ?
3 R. Non. Nous n'étions pas là pour passer qui que ce soit à tabac ou pour
4 battre qui que ce soit. Nous étions des invités. Nous étions là pour prêter
5 notre soutien, pour fournir des escortes; il n'en avait pas beaucoup de
6 toute façon et nous n'avons pas participé. Tout ceci était nouveau pour moi
7 et pour certains de mes camarades et nous avions un peu peur.
8 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Nazmi Brahimaj ?
9 R. Oui.
10 Q. Qui est cette personne ?
11 R. C'est le frère de Maxhup.
12 Q. Comment êtes-vous venu à connaître cette personne ?
13 R. Je l'ai vu alors qu'on était là-bas.
14 Q. Est-ce que vous pourriez être plus précis ? Vous venez de nous dire
15 quand nous étions là-bas; est-ce que vous pourriez nous dire exactement où
16 vous l'avez vu ?
17 R. A Jabllanica, dans cette maison, c'est là où nous avons eu la
18 possibilité de nous rencontrer.
19 Q. Quand cette rencontre s'est-elle produite dans cette maison à
20 Jabllanica ?
21 R. Quand nous sommes arrivés ce soir-là, et peut-être une dizaine de
22 minutes avant l'arrivée de Maxhup, il s'est présenté, en disant qu'il était
23 commandant du village.
24 Q. Vous avez dit que vous l'avez rencontré dès votre arrivée dans cette
25 maison, est-ce que vous l'avez revu durant votre séjour dans cette maison
26 dans le cadre de votre première visite à Jabllanice ?
27 R. Après cette première rencontre je l'ai peut-être revu une autre fois
28 dans cette cour, si je me souviens bien.
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1 Q. Est-ce qu'il était dans la cour lorsque l'interrogatoire a eu lieu,
2 l'interrogatoire de ces trois jeunes hommes qui ont également été battus ?
3 R. Il était dans la cour, mais je ne peux pas dire qu'il a participé au
4 passage à tabac parce que ce n'est pas le cas.
5 Q. Monsieur le Témoin, lorsque je vous ai demandé ce que Toger avait fait
6 au jeune homme serbe, vous m'avez dit qu'il avait sorti un couteau et qu'il
7 avait coupé son oreille et qu'il avait donné des coups de couteau au niveau
8 de la poitrine; ensuite est-ce que Toger a infligé quoi que ce soit d'autre
9 à ce jeune homme serbe ?
10 R. Je vous prie, de m'excuser, beaucoup de temps s'est écoulé et je ne me
11 souviens pas de tout. Treize ans se sont écoulés donc je ne me peux pas
12 m'en souvenir.
13 Q. Pas de problème, je comprends.
14 Que s'est-il passé ? Qu'est-il advenu du jeune homme serbe et des
15 deux jeunes Roms, à l'issue de leur passage à tabac ?
16 R. Après avoir été battus et après être tombés à terre, Ramush Haradinaj a
17 dit" : "Envoyez-les à Adem Bace à Drenica," et je peux vous expliquer ce
18 que signifie cette phrase. J'avais eu -- reçu une formation et nous avait
19 expliqué ce que cela signifiait. Lorsque quelqu'un dit : "Envoyez-les à
20 Adem Bace à Drenica," cela veut dire en fait : Tuez-les.
21 Q. Je crois que je vous ai déjà posé cette question mais je voudrais que
22 ce soit très clair, lorsque vous parlez de "Bace," qu'est-ce que cela
23 signifie ? Lorsque vous dites "Adem Bace," qu'est-ce que cela signifiait ?
24 R. Bace c'est quelqu'un qui est respecté. C'est un sage d'un certain âge,
25 et on s'adresse à lui en l'appelant Bace. C'est donc quelqu'un qui est
26 respecté dans sa communauté.
27 Q. Dans cette expression que vous venez de nous expliquer, est-ce que vous
28 savez ce que signifie Adem ? De qui s'agit-il ?
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1 R. Bien sûr. Tout soldat sait exactement ce que cela signifie. Adem cela
2 signifie le commandant de légende Adem Jashari.
3 Q. Savez-vous pour cette expression donc : "Envoyez-le chez Adem Bace à
4 Drenica," est-ce que vous savez pourquoi cette expression a été utilisée ?
5 R. Je vous ai expliqué. Nous avions fait des exercices en Albanie, et on
6 nous avait dit que, lorsque quelqu'un disait : "Envoyez-les à Bace, Adem,"
7 lorsqu'un de vos supérieurs vous dit ça, cela signifie : "Tuez-le."
8 Q. Qui vous a expliqué la signification de cette expression ?
9 R. C'est durant les exercices et la formation que nous avons reçus en
10 Albanie. C'est là qu'on nous a expliqué ce que cela signifiait.
11 Q. Pour être clair, est-ce que vous savez pourquoi cette expression était
12 utilisée lorsqu'on voulait dire que quelqu'un devait être tué, pourquoi
13 utiliser cette expression plutôt qu'une autre ?
14 R. C'est une formule qui est utilisée, mais je ne sais pas vraiment
15 comment vous l'expliquer. Je ne sais pas d'où elle vient. Mais la
16 signification de cette formule, c'est que quelqu'un doit être tué. Etant
17 donné qu'Adem Jashari avait été déjà tué à l'époque, et bien, Adem Jashari
18 était, en fait, déjà dans son cercueil. Donc : "Envoyez-les chez Adem
19 Jashari," ça veut dire envoyez-les en direction du tombeau ou du cercueil
20 d'Adem Jashari, et je pense que -- enfin, pour moi, c'est toujours comme
21 cela que j'ai compris cette expression.
22 Q. Après que Ramush Haradinaj se soit exprimé ainsi, c'est-à-dire qu'il
23 vous ait dit : "Envoyez-les chez Adem Bace à Drenica," que s'est-il passé ?
24 R. Les soldats du cru ont donc emporté le jeune Serbe et les deux Roms, et
25 ils les ont envoyés dans une autre maison qui était à une centaine de
26 mètres de l'endroit où nous nous trouvions. Je ne savais pas, en fait, la
27 fonction de cette maison à l'époque; après, j'ai su qu'il s'agissait d'un
28 hôpital, et quelques minutes plus tard, ils nous ont dit : "Allez-y,
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1 fournissez une escorte aux soldats du cru."
2 Q. Avant de passer à autre chose, je voudrais revenir un peu en arrière :
3 Après que Ramush Haradinaj ait dit : "Emmenez-les chez Adem Bace à Drenica,
4 est-ce que vous avez entendu qui que ce soit qui était présent dire quelque
5 chose d'autre ?
6 R. Je ne m'en souviens pas.
7 Q. Vous nous avez dit que ces trois jeunes hommes avaient été envoyés dans
8 une maison à proximité de l'endroit où vous vous trouviez, et qu'après,
9 vous avez su qu'il s'agissait d'un hôpital. De façon à ce que tout soit
10 très clair, qui exactement les a emmenés dans un hôpital ?
11 R. Les soldats du cru, de Jabllanice, c'est-à-dire les villageois qui
12 étaient en uniforme.
13 Q. Est-ce que vous étiez en présence de ces villageois lorsque ces trois
14 jeunes hommes ont été envoyés à l'hôpital, ou du moins, ont été envoyés
15 dans un endroit qui, par la suite, vous avez su que c'était un hôpital ?
16 R. Oui, pour être plus précise, c'est Maxhup qui nous a dit que nous
17 devions les suivre et c'est ce que nous avons fait, nous les avons suivis.
18 Q. "Où se trouvait cette maison, cette maison qui, par la suite -- pour
19 laquelle par la suite, vous avez su qu'il s'agissait d'un hôpital ? Dans
20 quel village se trouvait-elle ?
21 R. A Jabllanice. C'était dans le même village.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez la distance que vous avez parcouru à
23 pied, de l'endroit où les interrogatoires ont eu lieu et où les passages à
24 tabac ont eu lieu jusqu'à cette maison ?
25 R. Il nous a fallu quelques minutes à pied. Ce n'était pas loin du tout.
26 Q. Comment saviez-vous que cet endroit était utilisé comme un hôpital ?
27 R. Comme je vous l'ai déjà dit - donc, je vais le répéter - je ne le
28 savais pas de prime abord. Mais étant donné que nous n'étions pas de la
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1 région, nous avons parlé avec les habitants du cru, ils nous ont expliqué
2 qu'il y avait un hôpital qui avait été établi dans cette maison.
3 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais savoir si Mme Kravetz pourrait
4 obtenir une précision auprès du témoin, parce qu'il parlait du fait : "Nous
5 étions étrangers."
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Kravetz.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je peux préciser cela.
8 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit : "Nous étions étrangers, nous
9 n'étions pas de la région." Vous parlez -- vous dites "nous," de qui
10 parlez-vous ?
11 R. Je parle de moi et de mes camarades.
12 Q. Au total, vous étiez combien, vous et vos camarades ?
13 R. Au total, nous étions six, six au total. Comme je l'ai expliqué au
14 début de ma déposition, nous sommes arrivés à six, moi et mes six
15 camarades.
16 Q. Combien de personnes du cru étaient présentes et accompagnaient ces
17 trois jeunes hommes ?
18 R. Quatre ou cinq -- sept, pardon. Je vous prie de m'excuser. Au total, il
19 y avait sept villageois, et nous, nous étions six.
20 Q. Les deux jeunes Roms et le jeune Serbe étaient dans quel état
21 lorsqu'ils ont été transportés de l'endroit où le passage à tabac a eu lieu
22 jusqu'à l'endroit qui officiait en tant qu'hôpital ?
23 R. Ils étaient en piètre état.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'aimerais savoir, pour que tout soit très
25 clair, étant donné qu'on essaie de comprendre ce qui s'est passé,
26 j'aimerais savoir si, au total, donc, il y avait 13 personnes qui ont
27 accompagné ces trois jeunes hommes.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je crois que le témoin a donné cette
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1 réponse, à la page 36, lignes 13 à 14. Cela semble assez clair, mais si,
2 Monsieur le Président ou Messieurs les Juges, vous souhaitez obtenir des
3 précisions, je pourrais, bien sûr, le faire.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je crois que c'est une question de
5 calcul mental.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai jamais été bon en calcul mental. Je
7 voulais simplement m'assurer qu'au total, ils étaient bien 13.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Kravetz, est-ce que vous
9 pourriez peut-être demander au témoin s'il connaissait les noms de certains
10 des villageois qui étaient présents ?
11 Mme KRAVETZ : [interprétation] Bien sûr.
12 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissez les noms des villageois
13 qui faisaient partie du groupe qui ont accompagné les deux Roms et le jeune
14 Serbe à l'hôpital ?
15 R. L'un d'entre eux s'appelait Idriz Gashi.
16 Q. Est-ce que vous connaissez les noms d'autres villageois ?
17 R. Je ne m'en souviens pas.
18 Q. Je vous ai demandé dans quel état se trouvaient les deux jeunes Roms et
19 le jeune Serbe lorsqu'ils ont été accompagnés à l'hôpital. Vous avez dit
20 qu'ils étaient en piètre état. Est-ce que vous pourriez développer plus
21 avant lorsque vous dites qu'ils étaient "en piètre état ?"
22 R. Ils avaient le corps ensanglanté, ils avaient été battus. Voilà ce que
23 je veux dire.
24 Q. Est-ce qu'ils étaient capables de marcher ?
25 R. Non.
26 Q. Comment ces trois jeunes hommes ont pu se rendre jusqu'à l'hôpital s'il
27 était en mesure de marcher ?
28 R. Je vous ai dit que les soldats du cru me les ont transportés et deux
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1 personnes portaient chacun des trois jeunes gens.
2 Q. Est-ce que ces trois jeunes gens étaient encore en vie lorsque le
3 groupe est arrivé à l'hôpital, ou la maison qui tenait lieu d'hôpital ?
4 R. Oui, ils étaient tous les trois encore en vie lorsqu'ils sont arrivés à
5 l'hôpital.
6 Q. Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital avec ces trois
7 jeunes gens ?
8 R. Nous avons attendu dehors. Ce sont les soldats du cru qui les ont
9 acheminés ou transportés à l'intérieur. Après environ un quart d'heure, ils
10 les ont fait ressortir.
11 Q. Est-ce que les trois jeunes gens étaient encore en vie lorsqu'ils les
12 ont fait ressortir de l'hôpital ?
13 R. Non. Ils n'étaient plus en vie.
14 Q. Je comprends que ce soit difficile d'en parler, prenez votre temps.
15 R. Est-ce que je peux avoir une petite pause ?
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai pas d'objection. Je m'en remets à
17 vous, Monsieur le Président.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous devons lever
20 l'audience ou est-ce qu'il suffira de quelques instants pour que vous
21 puissiez recommencer -- vous puissiez vous ressaisir.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Continuez. Continuez. Ce n'est pas grave.
23 Mme KRAVETZ : [interprétation]
24 Q. Nous pouvons faire une pause si vous le voulez. Les Juges vous
25 demandent simplement combien de temps il vous faudrait --
26 R. Cinq à dix minutes, si cela est possible; sinon, continuons; qu'est-ce
27 qu'on peut faire ?
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos, s'il vous plaît.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
2 [Audience à huis clos]
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11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous pourrions peut-être tout
13 simplement faire notre pause.
14 L'audience est suspendue.
15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 18.
16 --- L'audience est reprise à 11 heures 31.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourrons-nous passer à huis clos, s'il
18 vous plaît ?
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
20 [Audience à huis clos]
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1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
4 Madame Kravetz.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Témoin, avant la pause, vous nous avez dit que, lorsque ces trois
7 jeunes hommes ont été sortis de l'hôpital, ils n'étaient plus en vie. Alors
8 qu'avez-vous fait des corps de ces trois jeunes hommes ?
9 R. Quand ils les ont sortis, ils étaient sur des - comment on appelle ça -
10 c'est comme des brancards, vous savez, c'est ces choses qu'on utilise pour
11 les secours, les secouristes, ils mettent les gens, les patients. C'était
12 vert -- c'est de couleur verte, et ils les ont apportés.
13 Q. Qui les a apportés à l'extérieur, sur ces brancards ?
14 R. C'étaient des soldats du coin, les mêmes qui les avaient fait entrer à
15 l'hôpital, ce sont eux qui les ont portés à l'extérieur.
16 Q. Que s'est-il passé après que ces trois jeunes hommes aient été sortis
17 de l'hôpital, sur les brancards ?
18 R. Il y avait devant nous un des soldats du coin, et il nous a dit de
19 partir, donc, nous, nous -- de marcher, devons-nous mettre en marche, et
20 nous avons pris le chemin, nous sommes partis.
21 Q. Mais lorsque vous dites, "nous."
22 R. Moi-même, mes camarades, et les sept que j'avais mentionnés
23 précédemment.
24 Q. Où est-ce que vous êtes allé de l'hôpital ?
25 R. Nous sommes partis vers le lac.
26 Q. C'était quel lac ?
27 R. A l'époque, je ne le savais pas, je ne savais pas comment il
28 s'appelait. C'est un lac, j'ai appris plus tard comment il s'appelait, et
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1 je l'ai appris parce que nous en avons parlé entre nous. J'ai appris que le
2 nom de ce lac était le lac Radoniq. Un des soldats du coin nous a dit qu'il
3 fallait qu'on aille au lac; c'est comme ça que j'ai su où on allait.
4 Q. Est-ce que vous savez combien de temps vous avez marché pour arriver du
5 village de Jabllanica au lac en question ?
6 R. Environ une heure et demie, deux heures, c'est assez loin.
7 Q. Donc, pendant que vous alliez au lac, qui portait les trois jeunes
8 hommes ?
9 R. C'étaient les soldats du cru, du coin.
10 Q. Vous-même, et les six hommes qui faisaient partie de votre groupe, et
11 qui sont venus avec vous à Jabllanica, pourquoi est-ce que vous avez
12 accompagné les soldats du coin au lac ?
13 R. Mais nous étions une Unité spéciale, nous devions surveiller leur
14 déplacement et les escorter.
15 Q. Est-ce que vous savez comment vous êtes arrivé au lac du village de
16 Jabllanice ?
17 R. C'est en passant par des champs, il y avait des buissons, parce qu'on
18 ne pouvait pas emprunter la route, parce que l'armée serbe était sur la
19 route. Donc on est passé par les champs jusqu'à ce qu'on arrive à - je ne
20 sais pas, si je me souviens bien - à un espace de canal.
21 Q. Alors est-ce que vous pouvez nous décrire ce canal, s'il vous plaît ?
22 R. C'est un canal qui mène au lac. Je pense -- je ne suis pas sûr si mes
23 souvenirs sont bons - il y a un escalier en béton, au tout début, et après,
24 il est étroit. Je n'ai pas très -- mais je peux me rappeler effectivement
25 qu'il y avait un escalier où on faisait couler l'eau, je suppose et en bas,
26 il y avait comme des déchets qu'ils avaient jetés là.
27 Q. Lorsque vous êtes arrivé au canal, qu'avez-vous fait ?
28 R. Alors à partir de canal, sur une dizaine de mètres sur la gauche, on a
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1 continué d'avancer, et puis en bas, il y avait un petit chemin de terre,
2 donc pas goudronné, et on a -- donc on a pris ce chemin là pour aller au
3 lac.
4 Q. Est-ce que vous avez atteint le lac lui-même ou est-ce que vous êtes
5 arrêté avant ?
6 R. Nous avons continué jusqu'au lac. Si je me souviens bien, on a traversé
7 un cours d'eau, je me souviens, sur la droite il y avait quelques maisons,
8 il fallait qu'on les évite pour qu'on ne nous voie pas. Donc je m'en
9 souviens.
10 Q. Est-ce que vous vous êtes arrêté où que ce soit en allant du village de
11 Jabllanica au lac ?
12 R. Bien sûr, il a fallu qu'on fasse des pauses pour -- parce que c'était
13 très difficile, très lourd de porter les corps. Donc il a fallu qu'on se
14 repose, qu'on s'arrête, qu'on vérifie s'il y a de l'armée, des soldats dans
15 les parages. Il se pouvait qu'il y avait de l'armée ou de la police, ce
16 n'est pas comme se rendre à la noce.
17 Q. Alors qu'avez-vous fait au moment où vous êtes arrivé au lac ?
18 R. Quand on a atteint le lac, naturellement on nous a dit de vérifier ce
19 qui se passait dans les parages, surveiller pour qu'il n'y ait pas de
20 visiteur.
21 Q. Alors que s'est-il passé après cela, quand vous êtes arrivé au lac ?
22 R. Je vous ai dit, on surveillait pour qu'il n'y ait personne qui vienne
23 là où on était, et puis, il y avait les soldats du coin qui étaient là. Je
24 ne sais pas comment vous expliquez, là où commence le lac, c'est un petit
25 peu comme ça, et c'est là qu'ils ont jeté.
26 Q. Qui a jeté les corps là-bas ?
27 R. Je vous ai dit, c'étaient les soldats du coin.
28 Q. Savez-vous pourquoi on a jeté les corps à cet endroit ?
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1 R. Je ne sais pas. Vraiment, je ne sais pas. Je n'osais pas et je ne
2 pouvais pas leur poser la question, je ne pouvais pas leur demander
3 pourquoi les avez-vous balancer. Ce n'était pas à moi de poser les
4 questions.
5 Q. Dans ce groupe y avait-il quelqu'un qui vous a expliqué pourquoi vous
6 êtes allé jusqu'au lac pour jeter les corps ?
7 R. Mais ce n'était pas nécessaire de donner des explications. C'était un
8 petit peu plus loin que le village et c'était un endroit adapté, bien
9 choisi pour lancer, pour jeter les corps. On n'allait pas les garder au
10 village, donc s'il fallait une autre explication.
11 Q. Une fois qu'on a jeté les corps à cet endroit qu'est-ce qui s'est passé
12 ?
13 R. On a rebroussé chemin, et pendant le trajet, l'un des soldats du coin -
14 - en fait, on se parlait, on n'avançait pas sans mot dire. Donc, il m'a dit
15 que -- il m'a montré en fait l'endroit où ils avaient déjà jeté d'autres
16 corps et précédemment donc on est entré.
17 Q. Vous dites : "Il y a un autre endroit où on a jeté de la même façon,"
18 qu'entendez-vous par là ?
19 R. Pendant qu'on rentrait au village donc sur le chemin de retour, c'était
20 -- on a emprunté le même chemin naturellement, et donc sur la droite, il y
21 a le chemin et puis sur la gauche en direction des maisons de Jablanica. Il
22 y en a un qui m'a dit à 200 ou 300 mètres d'ici à peu près, il a commencé à
23 me raconter comment ils ont jeté d'autres corps là pour qu'ils ne soient
24 pas tous jetés au même endroit, donc c'était sur la gauche, par rapport au
25 lac dans le lit de la rivière. Quand on va vers le village sur la gauche,
26 et quand on se rend au lac, ce serait sur la droite, à droite du chemin, et
27 il a dit que là aussi on avait jeté des corps avant.
28 Q. Vous dites que : "Ce n'était pas le même endroit où ils les ont jetés,"
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1 mais quand vous dites qu'"ils ont jeté," qu'ils les ont jetés quoi ?
2 Qu'ont-ils jeté ?
3 R. Mais je vous ai dit, des corps. Donc on reprend. Donc, à partir du lac,
4 là où on a jeté des corps, pendant que nous avons surveillé la situation.
5 Nous avons repris le chemin pour rentrer, donc on a commencé à se parler,
6 et puis, là, il a été dit : à gauche, donc là où il y a la rivière, donc
7 quand on se dirige vers Jabllanica, c'est sur la gauche donc il y a ce
8 ruisseau à gauche, on a jeté également des corps.
9 Q. Qui aurait jeté des corps à cet autre endroit que vous venez de nous
10 décrire ?
11 R. Ça, je n'ai pas pu poser la question. Un soldat du coin a dit" : "Nous
12 avons jeté," mais il n'a pas donné les noms de ceux qui l'ont fait. J'étais
13 mal placé pour poser des questions, je n'allais pas lui dire : "Mais dis-
14 moi maintenant qui sont ceux qui ont fait ça, qui ont jeté ces corps."
15 Q. D'accord. Vous avez donc jeté les corps à cet endroit et que s'est-il
16 passé par la suite ?
17 R. Mais justement je viens de vous expliquer qu'on est revenus, et que
18 nous avons parlé en route entre nous et qu'il m'a expliqué qu'à gauche du
19 chemin, quand on va vers le village, c'est-à-dire quand on va vers ce canal
20 en béton qui est creusé dans le lit du ruisseau de la rivière, que c'est
21 sur la gauche que ça a été jeté, c'est ce qu'il m'a dit pendant que nous
22 revenions.
23 Q. Et vous êtes revenu dans quel village ?
24 R. Au village de Jabllanice.
25 Q. Lorsque vous êtes revenu à Jabllanice, qu'avez-vous fait ?
26 R. Nous nous sommes reposés un petit peu et ensuite nous sommes repartis
27 vers une autre zone.
28 Q. Donc est-ce que j'ai bien compris, que vous avez quitté le village ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous êtes parti ce même jour ?
3 R. Oui, le même jour.
4 Q. Vous nous avez dit à un moment donné que Ramush Haradinaj a donné
5 l'ordre qu'ils soient emmenés à Adem Bace à Drenica et vous avez quitté
6 l'enceinte, alors qu'est-il arrivé à M. Haradinaj ?
7 R. Ecoutez, il faut bien comprendre qu'il s'agit de Adem Jashari, qui est
8 Bace, juste pour que ce soit très clair. Il ne s'agit pas de quelqu'un qui
9 s'appelle Adem Bace. Je n'ai pas revu Ramush par la suite.
10 Q. Lahi Brahimaj, est-ce que vous l'avez revu ?
11 R. Ils sont partis ensemble.
12 Q. Vous dites "Ils sont partis avec lui," qui sont les ils ?
13 R. Toger et Maxhup.
14 Q. Où sont-ils partis ?
15 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas allé avec eux et je ne les ai pas
16 suivis. Je ne sais pas où ils sont allés.
17 Q. Monsieur, hier nous avons parlé de votre arrivée au village de
18 Jabllanica et de cette maison que vous avez décrite, et vous avez dit qu'on
19 vous a emmené dans la cave où vous avez vu des personnes détenues dans la
20 cave. Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à ces autres personnes qui
21 étaient détenues à cet endroit ?
22 R. Je ne sais pas. Je ne les ai plus revues, donc je ne sais pas, donc
23 vous pensez là aux personnes âgées.
24 Q. Oui, là je parle de ces autres personnes donc en plus du jeune Serbe et
25 des deux Roms.
26 R. Je ne sais pas, je ne les ai plus revus, donc je ne sais pas ce qui est
27 advenu d'eux.
28 Q. Est-ce que vous savez pour cette maison que vous avez vue où vous êtes
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1 entré dans la cave est-ce que vous savez qui étaient la personne la plus
2 haute placée dans cette maison ?
3 R. Oui. C'était Maxhup. Quand je dis que c'était lui, c'était "lui" l'ôte
4 du lieu, c'était lui qui était de ce village-là.
5 Q. Est-ce que vous savez pourquoi le jeune homme serbe et les deux Roms
6 ont été interrogés et ont été roués de coups de la façon dont vous l'avez
7 décrit ?
8 R. Non, je ne sais pas, c'était un interrogatoire. Comme d'habitude il y a
9 eu plusieurs interrogatoires qui ont eu lieu à plusieurs reprises comme ça
10 quand on a capturé quelqu'un on lui demandait où sont les forces ennemies,
11 où se trouve l'ennemi. Du moins c'est comme ça que je le vois.
12 Q. Pourquoi dites-vous que c'est naturel que l'on interroge les gens quand
13 on les a capturés, qu'on les interroge sur ces choses-là ?
14 R. Mais pour apprendre un maximum sur l'ennemi. Quand on est soldat, bien
15 sûr que l'on veut savoir où ils sont pour que -- pour ne pas se trouver
16 piégés dans une embuscade -- enfin, c'est tout à fait normal dans chaque
17 guerre. C'est normal de demander où sont ces forces, où il est et pour que
18 -- je ne sais pas comment vous expliquer ça. Quand on est soldat, on
19 souhaite connaître la position de son ennemi, on veut savoir par où on peut
20 passer, d'où on peut s'attendre à une attaque, c'est tout à fait normal.
21 Q. Ces deux Roms et ce Serbe qui ont été interrogés et roués de coups,
22 est-ce qu'ils étaient en uniforme pendant que vous étiez témoins de cet
23 incident ?
24 R. De qui, très précisément, parlez-vous ? Excusez-moi, je ne vous ai pas
25 bien suivi.
26 Q. Le jeune Serbe et les deux Roms, pendant que vous avez vu cette scène
27 où ils ont été interrogés et battus, est-ce qu'ils étaient en uniforme ?
28 R. Non. C'était des civils, comme moi maintenant.
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1 Q. Monsieur le Président, avant la pause, est-ce que nous pourrions très
2 rapidement passer à huis clos partiel, juste pour quelques questions.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
4 plaît.
5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
12 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais que nous passions à
14 huis clos, je vous prie.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos,
16 Messieurs les Juges.
17 [Audience à huis clos]
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20 (expurgé)
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24 (expurgé)
25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
27 Oui, Madame Kravetz.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 Q. Monsieur, vous nous avez parlé de votre premier déplacement vers le
2 village de Jabllanice. Est-ce que vous vous êtes rendu une deuxième fois,
3 en 1998 ?
4 R. Je souhaiterais avant de répondre à cette question revenir sur un
5 élément, si vous m'y autorisez.
6 Q. Oui, je vous prie.
7 R. Ecoutez, j'ai un peu le trac, en fait. C'est la première fois que je me
8 trouve devant un Tribunal. Donc, excusez-moi, j'ai mélangé un peu les
9 unités parce que je vous ai parlé de l'Unité des Tigres, les Tigres, ici,
10 les Tigres, par là-bas, mais, en fait, ce n'était pas ainsi que les choses
11 se passaient. Je peux vous dire -- moi, je peux vous dire comment
12 s'appelait notre unité et je peux vous dire comment leur unité s'appelait.
13 Mme KRAVETZ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions à huis clos -- à
14 huis clos partiel pour obtenir cette précision.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
17 partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation]
13 Q. Monsieur, donc, vous nous avez parlé de votre premier déplacement vers
14 le village de Jabllanice et j'étais en train de vous demander, donc,
15 lorsque nous avons repris l'audience si vous vous y étiez rendu une
16 deuxième fois en 1998.
17 R. Oui. Oui, oui, j'y suis allé une deuxième fois.
18 Q. Alors, combien de temps s'était écoulé entre le premier et le deuxième
19 déplacement à Jabllanice ?
20 R. Deux, trois semaines peut-être. Peut-être un peu plus, d'ailleurs. Je
21 ne m'en souviens pas précisément.
22 Q. Est-ce que vous y êtes allé seul ou est-ce que vous étiez accompagné
23 d'autres personnes ?
24 R. Non, j'étais avec d'autres.
25 Q. Alors, qui étaient ces personnes, avec combien d'autres personnes êtes-
26 vous allé là-bas ?
27 R. Je m'y suis rendu avec les mêmes compagnons, mes compagnons. Nous
28 appartenions à la même unité, et là, enfin, où que nous allions, nous y
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1 allions ensemble.
2 Q. A quelle heure de la journée êtes-vous arrivé au village de Jabllanice
3 ?
4 R. C'était tôt le matin. Donc, c'était les premières heures de la journée.
5 Q. Pourquoi est-ce que vous êtes allé au village de Jabllanice une
6 deuxième fois ?
7 R. Le commandant nous a donné l'ordre de nous rendre là-bas et de les
8 aider.
9 Q. Lorsque vous dites "le commandant," vous ne mentionnez pas de nom, mais
10 dites-nous juste si vous parlez de votre commandant ou d'un autre
11 commandant.
12 R. Non. Il s'agissait de notre commandant.
13 Q. Qu'avez-vous fait après votre arrivée dans le village de Jabllanice, la
14 deuxième fois donc, j'entends ?
15 R. Donc, nous sommes allés dans la même maison où nous nous étions déjà
16 rendus la première fois. Alors nous avons retrouvé Maxhup là-bas, nous
17 avons parlé, nous nous sommes reposés -- bon, parce qu'après tout, ce
18 n'était quand même pas un petit déplacement.
19 Q. Vous dites que vous avez parlé avec Maxhup. De quoi avez-vous parlé
20 avec lui ? Vous vous en souvenez ?
21 R. Bon, nous avons parlé d'abord de notre voyage, la façon dont nous
22 étions venus, est-ce que nous avions vu des positions ennemis, des unités
23 ennemies -- enfin, une conversation normale quoi.
24 Q. Alors, après vous être reposés, qu'avez-vous fait ?
25 R. Alors, une fois reposée, Maxhup nous a dit que nous devions accompagner
26 deux Roms et un Serbe à nouveau vers -- jusqu'à un village avoisinant. Il
27 nous a dit donc de les conduire dans ce village.
28 Q. Où étaient ces deux Roms et ce Serbe que vous deviez accompagner ?
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1 R. Dans le sous-sol, dans le sous-sol de -- donc, dans la même pièce où
2 s'était trouvé le groupe précédent.
3 Q. Lorsque vous parlez "du groupe précédent," à quel groupe précédent
4 faites-vous référence ?
5 R. Je parle des jeunes gens dont j'ai parlé un peu plus tôt, à savoir le
6 jeune Serbe, les deux Roms, et puis, les deux personnes un peu plus âgées
7 qu'eux.
8 Q. Est-ce que vous êtes descendu donc dans le sous-sol, vous ?
9 R. Non. Non, non. Moi, non.
10 Q. Que s'est-il passé lorsque Maxhup vous a dit que vous deviez
11 accompagner, escorter, donc, ces deux Roms et ce Serbe jusqu'à un autre
12 village ?
13 R. Les soldats locaux du -- les soldats du -- qui se trouvaient dans le
14 village de Jabllanice les ont fait sortir -- bon, ils nous les ont remis,
15 nous les ont confiés. Lorsque nous sommes partis pour la deuxième fois,
16 lors il faut savoir que, là, Maxhup et les autres soldats, les soldats du
17 cru, avaient capturé un Pinzgauer; donc, ils nous -- et ils l'avaient pris
18 à l'armée serbe, et donc, ils nous l'ont donné, ce véhicule, pour que nous
19 l'utilisions pour nous rendre là où nous devions aller.
20 Q. Là, moi, je vous parle de cette deuxième visite, cette deuxième visite
21 que vous avez faite à Jabllanice. Est-ce que vous savez s'il y avait
22 d'autres personnes détenues dans ce sous-sol -- bon, mis à part ce Serbe et
23 ces deux Roms dont vous parlez ?
24 R. Ecoutez, je ne m'en souviens pas. Moi, je ne sais pas -- je ne sais
25 pas, en fait, ce qu'il en est pour vous, mais moi, je ne peux parler des
26 événements que suivant la chronologie de ces événements. Donc, je -- et de
27 toute façon, je ne peux vous dire que ce dont je me souviens. Moi, je ne
28 sais pas, je ne me souviens pas. S'il y avait des personnes dans ce sous-
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1 sol, je n'ai vu personne puisque je n'y suis pas allé, moi, dans ce sous-
2 sol.
3 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Jabllanice, dans cette maison, donc,
4 lors de cette deuxième visite ?
5 R. Deux, trois, voire quatre heures peut-être.
6 Q. Donc, vous nous avez dit, un peu plus tôt ce matin, que lors de votre
7 première visite, vous avez assisté à un interrogatoire et au passage à
8 tabac d'un jeune Serbe et de deux jeunes Roms. Lors de votre deuxième
9 visite, est-ce que vous avez pu voir s'il y avait des personnes ou est-ce
10 que vous avez vu si des personnes se faisaient interroger par les soldats à
11 Jabllanice ou par quelque d'autre, d'ailleurs ?
12 R. Non, non. Non. Non, non, il n'y avait pas d'interrogatoires. On nous a
13 juste demandés de les conduire vers le village avoisinant.
14 Q. Ces trois personnes, donc, le Serbe et les deux Roms, est-ce que vous
15 les avez conduits jusqu'à ce village qui se trouvait dans les environs ?
16 R. Oui, nous l'avons fait.
17 Q. Pourquoi est-ce que vous avez dû les prendre, enfin les conduire là-bas
18 ?
19 R. Ah, ça, je ne le sais pas.
20 Q. Je ne peux pas vous le dire. Vous savez, lorsque vous êtes soldats vous
21 ne pouvez pas poser des questions au commandement ou au commandant. Vous ne
22 pouvez pas lui demander pourquoi est-ce que je dois faire ceci, ou faire
23 cela. On vous donne des ordres, on vous donne l'ordre d'aider quelqu'un,
24 c'est ce que vous faites vous exécutez les ordres, et lorsqu'on vous dit :
25 "Conduisez-les vers un autre endroit, à un autre endroit," vous le faites.
26 Vous n'êtes pas censé poser des questions et demander pourquoi quand vous
27 êtes soldat.
28 Q. Après avoir conduit ces trois personnes dans le village avoisinant,
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1 qu'avez-vous fait ?
2 R. Ecoutez, si je puis me permettre de vous le dire, vous allez un peu
3 vite en besogne. Moi, j'aurais aimé terminer de vous expliquer ce qui s'est
4 passé. Alors que nous les emmenions vers ce village, l'un des Roms, qui
5 parlait albanais, s'est exprimé et j'ai entendu qu'il appelait l'autre par
6 son nom, son prénom plutôt. Je me souviens qu'il s'appelait Afrim, donc
7 c'était l'un des Roms qui s'appelait Afrim.
8 Q. Quel était l'âge approximatif de ces trois personnes que vous escortiez
9 là-bas ?
10 R. Bon, ils avaient le même âge que les autres, ils était peut-être un peu
11 plus jeunes. Vous savez, je vous ai déjà demandé qu'il ne m'incombait pas
12 de leur demander leur âge, par exemple, ou quoi que ce soit d'autre
13 d'ailleurs.
14 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ces trois personnes avaient été détenues
15 dans cette maison à Jabllanice ?
16 R. Non, je ne le sais pas. Excusez-moi. Mais j'étais un simple soldat, et
17 je peux vous expliquer, à nouveau, que, moi, je n'avais -- je n'étais
18 absolument pas autorisé de poser des questions, je n'avais pas le droit de
19 leur demander pourquoi est-ce que ces personnes ont été emmenées ici,
20 pourquoi est-ce que ces personnes sont prisonnières. Ce n'était pas à moi
21 de poser ce genre de questions. Moi, mon devoir consistait à exécuter les
22 tâches qui m'étaient confiées et ensuite de rentrer dans mon unité.
23 Q. Est-ce que vous avez escorté ces trois personnes tout seul ou est-ce
24 qu'il y a quelqu'un d'autre qui se trouvait avec vous ?
25 R. Moi-même et mes compagnons étaient présents puis il y avait un autre
26 soldat local du coin qui connaissait le chemin justement.
27 Q. Après avoir escorté ces trois personnes donc après les avoir conduites
28 jusqu'à ce village avoisinant, qu'avez-vous fait ?
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1 R. Comme d'habitude, nous sommes rentrés dans notre zone.
2 Q. Pendant la deuxième visite, vous nous avez dit que vous avez rencontré
3 Maxhup et que vous lui avez parlé. Est-ce que vous avez constaté la
4 présence d'autres personnes dans cette maison à Jabllanice, à part Maxhup,
5 bien entendu ?
6 R. Oui, j'ai vu des soldats du coin.
7 Q. Les trois personnes que vous avez escortées, donc les deux Roms et le
8 Serbe, est-ce qu'ils portaient un uniforme spécial ?
9 R. Non. Non, non, non, c'étaient des civils.
10 Q. Monsieur, vous nous avez dit qu'après avoir escorté ces trois personnes
11 vous êtes rentré dans votre zone. Avez-vous visité le village de Jabllanice
12 après cela, est-ce que vous y êtes allé une troisième fois ?
13 R. Oui, j'y suis retourné.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Kravetz, avant que vous ne
15 vous intéressiez à la troisième visite, j'aimerais poser une question au
16 témoin. J'aimerais savoir, Monsieur, si vous connaissez le nom du soldat
17 local qui vous a accompagné lorsque vous escortiez ces trois personnes.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, non, je ne m'en souviens pas.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation]
21 Q. Donc vous nous avez dit que vous êtes allé au village de Jabllanice une
22 troisième fois. Quand est-ce que cette troisième visite à Jabllanice s'est
23 passée ? Combien de temps après la deuxième visite environ ?
24 R. Peut-être un mois, six semaines après, entre un mois et six semaines.
25 Q. Je vous poserais la même question; est-ce que vous y êtes allé tout
26 seul ou est-ce que vous étiez accompagné d'autres personnes ?
27 R. J'y suis allé avec les mêmes compagnons qui m'avaient accompagnés les
28 deux premières fois.
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1 Q. Pourquoi est-ce que vous y êtes allé une troisième fois, dans le
2 village de Jabllanice ?
3 R. Je vous l'ai déjà expliqué nous -- on nous a envoyés là-bas pour les
4 aider parce que, nous, nous venions -- nous étions dans la zone voisine. La
5 zone de Dukagjini et de Drenica se trouvent l'une à côté de l'autre. Donc
6 lorsqu'ils avaient besoin d'aide nous leur apportions cette aide, ils nous
7 demandaient de venir leur prêter main-forte, et c'est pour cela que nous y
8 sommes allés.
9 Q. Qu'est-ce que vous avez fait lorsque vous êtes arrivé dans le village
10 de Jabllanice la troisième fois ?
11 R. La troisième fois lorsque j'y suis allé, donc je suis arrivé dans la
12 même maison, je m'y suis reposé pendant un petit moment. Après une fois
13 reposé, j'ai vu Maxhup à nouveau, enfin je n'étais pas seul, d'ailleurs,
14 j'étais avec mes compagnons. Après une conversation brève, donc comment
15 allez-vous, comment s'est passé le voyage, et cetera, il nous a emmenés au
16 sous-sol pour que nous puissions voir qui était. Alors il y avait deux
17 jeunes Serbes. Il y en avait un qui était plutôt grand, l'autre avait une
18 taille moyenne. Si je ne me trompe, et d'ailleurs il y en avait un qui
19 était blond et qui portait un uniforme, si je ne me trompe pas. Mais bon je
20 suis quasiment sûr qu'il portait un uniforme.
21 Q. Est-ce que vous pourriez décrire cet uniforme que portait cet homme
22 blond, dites-nous, ce dont vous vous souvenez.
23 R. C'était un uniforme militaire, un uniforme de camouflage.
24 Q. Quelle était la couleur de cet uniforme, Monsieur ?
25 R. Vert foncé -- plutôt, vert foncé, oui -- avec ce -- c'est couvert de
26 camouflage et les motifs de l'uniforme de camouflage.
27 Q. Dans quel état se trouvaient ces deux jeunes Serbes que vous avez vus
28 dans le sous-sol ?
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1 R. Excusez-moi. Excusez-moi. Avant de répondre je voudrais ajouter quelque
2 chose parce que j'avais commencé à vous faire une description et à vous
3 dire que, lorsque nous sommes allés dans le sous-sol, et ce n'était pas
4 dans un très bon état, mais d'après les propos de Maxhup et d'un soldat
5 local, il y avait un des deux qui s'appelait soit Senad soit Nenad. Mais je
6 pense que c'était plutôt Senad, et il était officier de police. Ça, c'était
7 celui qui portait l'uniforme, je pense que c'était son nom, bon, il se peut
8 que je me trompe. Je ne plus sûr, en fait, je ne suis absolument pas sûr et
9 certain qu'il s'appelait Senad ou Nenad.
10 Q. Lorsque vous nous dites qu'ils n'étaient pas dans un très bon état,
11 est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous entendez par cela ?
12 R. Ecoutez, ils avaient été roués de coups, ils avaient des -- ils étaient
13 contusionnés, ils étaient sales, voilà ce que je voulais dire.
14 Q. Mais est-ce qu'il y avait d'autres personnes dans ce sous-sol, hormis
15 les deux jeunes Serbes que vous venez de décrire ?
16 R. Oui, moi, j'ai été dans le sous-sol, avec un de mes compagnons.
17 Q. Non, non, je voulais savoir s'il y avait d'autres prisonniers dans le
18 sous-sol, à part ces deux Serbes que vous avez décrits ?
19 R. Ah, excusez-moi, je ne vous avais pas compris. A part ces deux
20 prisonniers, il y avait deux -- des personnes plus âgées, bon c'étaient
21 surtout des hommes, il y avait également des femmes.
22 Q. Alors vous nous dites qu'il y avait des personnes âgées, vous nous
23 dites une ou deux personnes plus âgées, essentiellement des hommes, il y
24 avait également des femmes. Donc combien de personnes il y avait en tout ?
25 R. Je n'en sais rien, parce que je ne les ai pas comptés. Vous savez, je
26 ne suis pas descendu dans le sous-sol pour compter les gens ou pour
27 inspecter les conditions qui prévalaient. Moi, ma mission, elle était bien
28 différente. Comment pourrais-je vous décrire la situation ? Moi, j'étais
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1 là-bas pour porter du courrier, et pendant la conversation, il m'a dit, en
2 fait, j'ai capturé deux jeunes Serbes. Il m'a dit : C'est là que je suis
3 allé les voir. Mais pour ce qui était de savoir combien de personnes il y
4 avait dans ce sous-sol, je n'en sais rien. Ce n'était pas une grande pièce
5 comme ce prétoire, par exemple, et je n'ai pas véritablement accordé au
6 nombre de personnes beaucoup d'attention.
7 Q. Mais lorsque vous nous dites qu'il y avait un groupe de personnes, est-
8 ce que vous pensez à une vingtaine de personnes, à une trentaine de
9 personnes, à un nombre plus important, moins important ? Est-ce que vous
10 pourriez de nous donner une idée approximative du nombre de personnes que
11 vous y avez vu ? Avant que vous ne répondiez, Monsieur, comme je vous l'ai
12 déjà expliqué, il faut que vous vous attendiez que je teigne mon
13 microphone. Maintenant, vous pouvez répondre.
14 R. Il y avait environ une dizaine de personnes, neuf, dix, mais je ne les
15 ai pas comptés, donc je ne peux pas vous donner un chiffre exact. Mais une
16 fois de plus, la pièce n'était pas très grande, c'était un sous-sol des
17 plus classiques, dont la superficie était de quatre sur quatre, ce n'était
18 pas véritablement une grande salle. Donc bon ce n'était pas une salle où on
19 aurait pu mettre beaucoup de personnes à l'intérieur.
20 Q. Mais vous nous avez dit que la première fois que vous y êtes allé, vous
21 avez vu qu'il y avait de l'eau dans ce sous-sol. Et la deuxième fois où
22 vous vous êtes rendu dans le sous-sol; est-ce que vous avez vu, est-ce que
23 vous avez constaté qu'il y avait de l'eau également ?
24 R. Ecoutez, je n'y ai pas accordé beaucoup d'attention, comme je vous l'ai
25 déjà dit. Je n'ai pas véritablement regardé pour voir s'il y avait de
26 l'eau. Je ne peux vous dire que ce dont je me souviens. J'ai vu qu'il y
27 avait des tâches de sang sur le mur, donc il y a des choses qui ont attiré
28 mon regard, et de cela, je peux vous en parler. Mais pour ce qui est de
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1 savoir s'il y avait de l'eau la deuxième ou la troisième fois, je n'en sais
2 rien. Bon, il y a une fois où je suis rentré dans ce sous-sol, la deuxième
3 fois, je ne suis pas du tout rentré, la troisième fois, comme je viens de
4 vous l'expliquer, j'y suis rentré.
5 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait des femmes, est-ce que vous vous
6 souvenez plus ou moins de nombre de femmes qui se trouvaient, qui étaient
7 détenues donc dans ce sous-sol ? Voyez ce dont vous vous souvenez, tout
8 simplement.
9 R. Il y avait quelques femmes et un jeune, je ne les ai pas recensés. Je
10 suis désolé. Au total, il y avait neuf ou dix personnes, et il y avait
11 moins de femmes que d'hommes, donc peut-être que c'était trois femmes pour
12 six hommes, je ne sais pas exactement. Je dois dire que je ne m'étais pas
13 concentré là-dessus.
14 Q. Vous nous avez dit que deux de ces personnes détenues dans ce sous-sol
15 étaient Serbes. Est-ce que vous pourriez à déterminer l'appartenance
16 ethnique des autres personnes que vous avez vues là-bas ?
17 R. Non, parce que je ne leur ai pas posé la question, je ne leur ai pas
18 demandé de quel groupe ethnique elles étaient membres, parce que je n'avais
19 pas le droit vraiment de le faire. Donc je ne peux vraiment pas vous aider
20 à ce niveau-là, je ne sais pas.
21 Q. Dans ce cas, comment avez-vous pu déterminer que deux de ces personnes
22 étaient Serbes ? Vous avez dit que deux personnes que vous avez vues dans
23 le sous-sol étaient Serbes ?
24 R. Je vous ai dit que quand je les ai salués, Maxhup m'avait dit
25 auparavant qu'il avait fait prisonniers deux jeunes Serbes. Donc je savais
26 qu'ils étaient Serbes, et puis je pouvais également le déterminer par le
27 biais de leur uniforme.
28 Q. Est-ce que Maxhup ou quelqu'un d'autre vous a expliqué les
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1 circonstances durant lesquelles ces deux Serbes ont été faits prisonniers ?
2 R. Tout ce que je sais c'est qu'ils ont été faits prisonniers. Si je me
3 souviens bien, ils ont été faits prisonniers alors qu'ils étaient à bord
4 d'un véhicule. Ils étaient tous les deux à bord du même véhicule, donc je
5 crois que c'est ainsi qu'ils ont été arrêtés.
6 Q. Vous nous avez dit qu'un de ces deux Serbes était en uniforme.
7 J'aimerais savoir si d'autres personnes qui étaient dans le sous-sol
8 portaient un uniforme ?
9 R. Mis à part cette personne, non, du moins autant que je puisse le
10 déterminer.
11 Q. Qu'avez-vous fait après vous être rendu dans ce sous-sol, où vous avez
12 vu ces personnes ?
13 R. Nous sommes remontés à l'étage, quand je parle de l'étage, je veux dire
14 la pièce qu'ils utilisent comme un bureau. Nous avons terminé ce que nous
15 devions faire, et puis nous sommes repartis.
16 Q. Quand vous dites nous avons terminé ce que nous devions faire,
17 qu'entendez-vous par là ?
18 R. Nous leur avons donné quelque chose dont ils avaient besoin, nous avons
19 donc apporté cela. C'est ce que cela ça signifie.
20 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire ce que vous avez apporté ?
21 R. Non, c'était dans un sac. Un sac que l'on peut porter à la main, mais
22 je n'ai pas vu ce qu'il y avait à l'intérieur du sac.
23 Q. Monsieur le Témoin, durant cette troisième visite, est-ce que vous avez
24 vu si certaines personnes qui étaient détenues dans ce sous-sol avaient été
25 interrogées par des soldats de l'UCK ?
26 R. J'ai oublié, je suis désolé. Mais il y a une chose que je souhaitais
27 vous dire. Lorsque nous sommes donc à l'étage, dans le bureau, c'était donc
28 à droite quand on entrait par la porte principale, la porte de devant,
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1 c'était le deuxième bureau à droite. Maxhup a demandé à un soldat du cru de
2 faire venir l'homme en uniforme, et c'est à ce moment-là que
3 l'interrogatoire a commencé.
4 Q. Est-ce que vous étiez présent durant cet interrogatoire ?
5 R. Oui, pour la plus grande partie, oui -- enfin, j'étais présent pendant
6 quelques minutes.
7 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé durant l'interrogatoire de
8 cet homme en uniforme ?
9 R. L'interrogatoire a été similaire à celui que je vous aie décrit
10 auparavant, c'est-à-dire on demandait où se trouvaient les postes de
11 contrôle, où se trouvaient les postes de police, et cetera. Ce genre de
12 chose donc.
13 Q. Connaissez-vous le nom de la personne qui portait un uniforme et qui a
14 été interrogé dans ce bureau ?
15 R. Je vous ai dit qu'il s'appelait Senad ou Nenad -- probablement plutôt
16 Nenad. Peut-être que je me trompe, mais c'est ce dont je me souviens.
17 Q. Qui a posé les questions durant l'interrogatoire de cette personne ?
18 R. Qui d'autre ? C'était Maxhup, bien sûr. C'est lui qui était responsable
19 de ce genre de chose donc c'est bien sûr lui qui a mené l'interrogatoire.
20 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre était présent dans cette pièce, mis à part
21 Maxhup et vous-même ?
22 R. J'étais présent dans cette pièce ainsi que Maxhup, un soldat du cru, un
23 de ces soldats donc, bien sûr, mon camarade, celui qui m'accompagnait de
24 partout.
25 Q. Pourquoi étiez-vous présent dans cette pièce durant l'interrogatoire ?
26 R. Nous étions présents parce que je me trouvais là par hasard, comme je
27 vous ai dit, je suis remonté à l'étage, j'étais au sous-sol, et je suis
28 allé dans cette pièce pour terminer ce qu'on avait à faire. Sur ces
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1 entrefaites, ils ont amené cette personne dans la pièce et nous sommes
2 restés un peu plus longtemps. Nous étions des novices en la matière donc
3 nous voulions rester un peu plus longtemps pour voir comment ce genre de
4 chose est géré.
5 Q. Vous avez dit : "Pour voir comment ce genre de chose est géré," qu'est-
6 ce que vous entendez par là "ce genre de chose" ?
7 R. Comment on procède un interrogatoire parce que c'est la première fois
8 que nous voyons quelqu'un en uniforme qui était de la partie adverse, il
9 était donc intéressant de voir comment un ennemi est interrogé et comment
10 on arrive à le faire parler.
11 Q. Comment cette personne a donc été interrogée et comment l'a-t-on fait
12 parler ?
13 R. Comme je vous l'ai déjà décrit, aucun ennemi n'a pas donné des
14 informations immédiatement, et Maxhup avait l'habitude d'avoir en sa
15 possession une batte de baseball. On savait qu'il avait l'habitude de
16 passer à tabac ces personnes.
17 Q. Très bien. Mais ce que je vous demandais, c'est comment cette personne
18 a été interrogée, cette personne qui, selon vous, s'appelait, soit, Senad,
19 soit, Nenad et qui était en uniforme; est-ce que vous pourriez nous
20 expliquer comment les choses se sont déroulées ?
21 R. Bien, je vais de le faire. Maxhup on sait que, lui, il utilise une
22 batte de baseball. Il est évident qu'il ne lui a pas proposé un café, il ne
23 lui a pas demandé de s'asseoir. Il l'a battu, il lui a posé des questions
24 sur ces collègues soldats, sur les postes de contrôle, et il voulait savoir
25 où se trouvaient les autres soldats de façon à pouvoir arriver à une
26 entente. Bien sûr, ce n'était pas en fait ces camarades de combat, c'était
27 l'ennemi, donc il a fait usage de sa batte de baseball.
28 Q. Vous dites que Maxhup l'a battu; à quel endroit, à quelle partie du
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1 corps ?
2 R. Sur tout le corps. Je ne peux pas vraiment préciser parce qu'il le
3 battait de manière aléatoire. Je n'ai pas noté plus particulièrement à quel
4 endroit exactement il recevait les coups.
5 Q. Durant de passage à tabac, est-ce que cette personne qui donc faisait
6 l'objet de cet interrogatoire a révélé quoi que ce soit ?
7 R. Cette personne demandait qu'on lui laisse la vie sauve et pleurait.
8 Q. Vous dites qu'on demandait -- que cette personne demandait qu'on lui
9 laisse la vie sauve. Qu'a-t-il demandé exactement ? Qu'est-ce que vous avez
10 entendu ?
11 R. Il disait : "Ne me tuez pas. Je n'ai rien fait de mal." Donc c'est ce
12 genre de chose qu'il disait.
13 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre a participé à ce passage à tabac mis à
14 part Maxhup ?
15 R. Autant que je me souvienne, non. Nous sommes partis au milieu de
16 l'interrogatoire et il fallait que l'on rentre chez nous. Durant la période
17 où nous étions présents, autant que je me souvienne, personne d'autre n'a
18 participé.
19 Q. Est-ce que quelqu'un prenait des notes pour consigner sur papier les
20 réponses de la personne qui faisait l'objet de cet interrogatoire ?
21 R. C'est une question assez étrange. Je dois dire que je n'ai pas vraiment
22 fait attention à cela. Mais, bien sûr, dans toute situation militaire, s'il
23 s'avère nécessaire de prendre des notes, ce sera fait.
24 Q. Combien de temps a duré ce passage à tabac ?
25 R. Je n'ai pas vraiment fait attention au temps qui s'est écoulé. Mais je
26 pense que cela n'a pas duré très longtemps, peut-être 15 minutes, peut-être
27 20 minutes. Mais comme je vous l'ai dit, après cette première séance de
28 passage à tabac, nous sommes partis, nous devions rentrer.
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1 Q. Vous avez dit que vous deviez rentrer, vous êtes rentré au village à
2 Jabllanica ?
3 R. Je vais vous expliquer. Plusieurs mois plus tard, une offensive
4 importante a été lancée par les forces serbes, et nous avons tous quitté
5 les postes que nous occupions. L'offensive a été tellement féroce que nous
6 n'étions pas en mesure de nous défendre. Par conséquent, je ne suis jamais
7 rentré.
8 Q. Je voudrais revenir à l'interrogatoire dont vous avez été témoin. Est-
9 ce que vous pourriez décrire cette personne qui portait un uniforme, et qui
10 faisait l'objet de cet interrogatoire ?
11 R. J'ai dit qu'il était aussi grand que moi, si ce n'est peut-être un peu
12 plus, qu'il était blond, et qu'il était -- et qu'il avait le visage émacié.
13 Q. Est-ce que Maxhup ou quelqu'un d'autre ou les autres soldats vous ont
14 dit ou expliqué depuis combien de temps cette personne était détenue dans
15 le sous-sol à Jabllanica ?
16 R. Non, nous ne lui avions jamais demandé, et il nous a jamais dit depuis
17 combien de temps il était détenu. En tant que soldat, vous ne pouvez pas
18 poser ce genre de question à qui que ce soit. Je n'étais pas là-bas pour
19 demander ce qui se passait. J'étais là pour une mission que l'on m'avait
20 donnée, et ce n'était peut-être pas à moi de demander quoi que ce soit au
21 sujet de cette personne et demander depuis combien de temps cette personne
22 était détenue là-bas. Je suis désolé, mais c'est ainsi que les choses se
23 sont passées. Donc il ne m'a jamais rien dit à ce sujet, et je n'ai jamais
24 posé de questions
25 Q. Mais vous nous avez dit que lorsque vous êtes arrivé là-bas, Maxhup
26 vous avait expliqué qu'il avait fait prisonniers deux Serbes. Est-ce qu'il
27 a mentionné quoi que ce soit concernant le nombre de jours durant lesquels
28 ils avaient été détenus depuis qu'ils avaient été faits prisonniers ?
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1 R. Je ne m'en souviens pas. Je suis vraiment désolé, je ne m'en souviens
2 pas. La seule chose qu'il m'a dit, c'est qu'ils avaient été faits
3 prisonniers, mais je ne me souviens pas qu'il a dit quand ils avaient été
4 faits prisonniers, ni où.
5 Q. Savez-vous ce qu'il est advenu des autres prisonniers que vous avez vus
6 dans ce sous-sol ?
7 R. Je ne sais pas. Nous sommes repartis en direction de notre zone, donc
8 je ne sais pas ce qui est advenu des autres prisonniers.
9 Q. Qu'en est-il de la personne qui a fait l'objet de cet interrogatoire
10 dont vous avez été le témoin ? Est-ce que vous savez ce qui est advenu de
11 cette personne ?
12 R. Non, je ne sais pas. Etant donné que c'était un ennemi, et qu'il
13 portait un uniforme, je suppose que rien de positif ne lui est vraiment
14 arrivé, mais je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. Comme je vous l'ai
15 expliqué, nous avons quitté cet endroit, et nous sommes repartis en
16 direction de notre zone
17 Q. Je voudrais obtenir plus de précision de votre part. vous nous avez dit
18 que cette personne portait un uniforme. Est-ce que vous savez à quelle
19 force cette personne appartenait ? Je ne vous demande pas de me donner des
20 précisions sur son unité, mais peut-être que vous savez à quelle force il
21 appartenait ?
22 R. Je ne peux pas vous le dire quelle était l'unité spécifique dont il
23 était membre. C'était une unité ennemie, c'était une unité serbe donc, mais
24 quant à savoir de quelle unité il s'agissait, que faisait cette unité, je
25 ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que c'était un ennemi pour nous.
26 Q. Je ne vous demande à quelle unité précisément il appartenait, mais
27 simplement si vous savez de quelle force il était issu ?
28 R. C'était un membre des forces armées serbes.
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1 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit après cet interrogatoire, vous
2 êtes reparti en direction de votre zone et que vous n'êtes pas revenu dans
3 la région de Jabllanica, après cela, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est exact.
5 Q. Durant les visites dans cette région, est-ce qu'à un moment donné vous
6 avez été en mesure d'obtenir des informations pour savoir pourquoi ces
7 personnes étaient détenues dans ce sous-sol ?
8 R. Bien sûr, ce n'était pas les membres de notre groupe ethnique, c'est-à-
9 dire ils n'étaient pas Albanais, c'étaient soit des Serbes, soit des Roms,
10 soit des Catholiques. Enfin, je vais vous expliquer, tous ceux qui ne
11 voulaient pas coopérer, qui ne portaient pas l'uniforme étaient soit des
12 personnes handicapées, soit des personnes qui n'étaient pas albanaises, ou
13 c'étaient des collaborateurs à la solde des Serbes.
14 Q. Vous venez de nous dire tous ceux qui ne voulaient pas coopérer.
15 Qu'entendez-vous exactement par là, et coopérer avec qui ?
16 R. Je vous prie de m'excuser. Mais vous venez de me poser une question en
17 me demandant si je savais ce qui était advenu des personnes qui étaient
18 détenues dans cette maison. Donc je vous parle d'un événement précis et le
19 Kosovo est une région très vaste, donc je ne parle pas de la situation
20 générale, je parle des personnes qui étaient dans cette maison et qui ne
21 portaient pas d'uniforme, et c'était facile à déterminer de quel bord il
22 était, soit c'était un espion, parce que c'est ainsi qu'on peut l'appeler
23 soit il ne voulait pas coopérer ou il était d'une appartenance religieuse
24 différente.
25 Q. Mais je voudrais que vous précisiez cela. Vous parlez d'une personne ou
26 deux personnes dans la maison qui ne portaient pas d'uniforme. Est-ce que
27 vous parlez d'une personne bien précise ou est-ce que vous parlez de
28 manière générale de toutes les personnes qui ne portaient pas d'uniforme,
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1 parce que ce n'est pas ressorti très clairement de votre réponse.
2 R. Pour être clair, je parle de la maison dans laquelle nous nous
3 trouvions. Et je ne peux pas parler de ce qui se passait dans le village ou
4 dans les villages, parce qu'il y avait des villages environnants. Donc je
5 ne peux pas dire que tous les villageois qui ne portaient pas d'uniforme
6 étaient soit des espions, soit des personnes qui refusaient de coopérer. Je
7 parle précisément de la situation que j'ai vécue, c'est-à-dire de ce qui
8 s'est passé dans cette maison en question. Je ne peux pas vous dire tout le
9 monde, parce qu'il y avait un village entier, donc je ne peux pas dire que
10 tous ces villageois appartenaient à telle ou telle chose ou faisaient telle
11 ou telle chose, c'est impossible.
12 Q. Je comprends très bien que vous parlez de cette maison que vous avez
13 abordée dans votre déposition, une maison avec un sous-sol, mais je voulais
14 savoir à qui vous pensiez lorsque vous parlez de personnes qui étaient soit
15 des espions, soit des personnes qui refusaient de coopérer ?
16 R. Je parle de ceux qui étaient dans le sous-sol, mais je vais vous
17 expliquer encore une fois. Lorsque je parlais de ceux qui ne portaient pas
18 d'uniforme, je parle des personnes qui se trouvaient dans le sous-sol, au
19 sous-sol, soit lors de la première, soit de la seconde soit de la troisième
20 visite. Je parle donc des personnes qui étaient dans cette maison, pas des
21 maisons au pluriel mais de cette maison dont on a parlé.
22 Q. Pourquoi est-ce que vous nous dites que les personnes qui étaient
23 détenues au sous-sol, et que vous avez vues, étaient soit des espions, soit
24 des personnes qui avaient refusé de coopérer; sur quoi vous basez-vous ?
25 R. Parce que si c'était un villageois sans plus, on ne lui aurait pas
26 attaché les mains, on ne l'aurait pas détenu dans un sous-sol et on ne
27 l'aurait pas passé tabac, et c'est donc sur cette base-là que je pourrais
28 dire de retenir cette personne comme étant soit un espion, soit une
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1 personne qui n'appartenait pas à notre confession religieuse; sinon, cette
2 personne n'aurait rien à faire dans ce sous-sol, les mains attachées et
3 complètement tuméfiées suite à un passage à tabac.
4 Q. Est-ce que vous savez pourquoi, Monsieur le Témoin, des personnes
5 étaient détenues dans cette maison, au sous-sol d'une maison dans le
6 village de Jabllanice ?
7 R. Est-ce que vous pouvez répéter ?
8 Q. Je n'ai pas, en fait, terminé ma question. Est-ce que vous savez
9 pourquoi des personnes étaient détenues au sous-sol dans cette maison, dans
10 ce village de Jabllanice ?
11 R. Ça, c'est facile à déterminer. Le village de Jabllanice est un peu plus
12 loin sur la route principale, et vous aviez une présence d'unités serbes de
13 l'armée et d'unités serbes paramilitaires. C'était dans une zone assez
14 reculée, et c'est la raison pour laquelle cet endroit était mieux approprié
15 que d'autres.
16 Q. Merci. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que vous aviez vu Ramush
17 Haradinaj lors de votre première visite à Jabllanice. Est-ce que vous
18 l'avez vu là-bas lors de vos deux autres visites dans le village de
19 Jabllanice ?
20 R. Non. Parce que deux ou trois jours avant tout cela, M. Ramush Haradinaj
21 est devenu le commandant de toute la zone de Dukagjini, et moi, j'étais du
22 menu fretin, donc, je ne m'attendais pas à le voir là-bas. Ça aurait été un
23 grand honneur de le rencontrer à l'époque, mais je ne l'ai jamais
24 rencontré.
25 Q. Vous avez dit : "Deux ou trois jours avant cela," vous parlez de quand
26 exactement ?
27 R. Tout ceci s'est passé en avril ou en mai 1998. C'est à ce moment-là
28 qu'il est devenu commandant suite à ces faits d'armes et c'est à la suite
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1 de ces combats qu'il est devenu commandant en chef.
2 Q. Je comprends bien. Vous avez mentionné "deux ou trois jours avant
3 cela,", est-ce que vous parlez de deux ou trois jours avant une de vos
4 visites ou est-ce que vous pensez à une autre période ?
5 R. Non, avant le deuxième incident. En fait, pour être plus clair, avant
6 la deuxième visite, et je parle de ma deuxième visite dans le village de
7 Jabllanice. C'est donc de cette période-là que je parlais.
8 Q. Vous nous avez dit que, durant votre première visite, vous avez vu M.
9 Idriz Balaj, connu également sous le nom de Toger. Est-ce que vous l'avez
10 vu également dans cette maison à Jabllanice lors de vos deux autres visites
11 dans le village ?
12 R. Non, je ne l'ai jamais revu. Je ne l'ai vu qu'une fois, lorsqu'il s'est
13 rendu dans ce village, mais après, je ne l'ai pas revu.
14 Q. Vous nous avez parlé également d'un dénommé Idriz Gashi, et vous avez
15 mentionné que vous l'aviez vu lors de votre première visite à Jabllanice.
16 Est-ce que vous l'avez revu lors de vos autres visites à Jabllanice ?
17 R. Oui, je l'ai vu la première fois, et je l'ai vu également la deuxième
18 fois parce qu'il était originaire de ce village. C'était donc un soldat du
19 cru, donc bien sûr, je l'ai revu lors de ma deuxième et de ma troisième là-
20 bas.
21 Q. Vous avez également mentionné une personne répondant au nom de Nazmi
22 Brahimaj, et vous avez dit que vous l'aviez rencontré lorsque vous êtes
23 allé à Jabllanice pour la première fois. Est-ce que vous avez revu Nazmi
24 Brahimaj lors de vos deux autres visites ?
25 R. Je l'ai revu une fois. Je ne sais pas si c'était lors de ma deuxième ou
26 lors de ma troisième visite, mais lorsque Ramush Haradinaj est devenu le
27 commandant en chef de toute la zone, à moins que je ne me trompe, mais je
28 crois que Nazmi Brahimaj est devenu commandant de la zone de Jabllanice,
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1 qui n'est pas une zone aussi importante que celle de Dukagjini. Mais quoi
2 qu'il en soit, à ce moment-là il est devenu commandant de la zone de
3 Jabllanice.
4 Q. Vous nous avez dit lorsque je vous ai demandé qui était le commandant
5 de cette maison - je parle de la maison où dans le sous-sol, il y avait des
6 personnes qui étaient détenues - vous m'avez dit que Lahi Brahimaj était le
7 commandant. Après que Nazmi Brahimaj soit devenu le commandant de la zone,
8 est-ce que vous savez si Lahi Brahimaj est resté le responsable de la
9 maison au sein de laquelle des personnes étaient détenues dans le sous-sol
10 à Jabllanice, ou est-ce que quelqu'un d'autre est devenu responsable, si
11 tant est que vous le sachiez ?
12 R. Vous avez dit "commandant". Il y avait des commandants à différents
13 niveaux, au niveau du peloton, de la compagnie, et cetera, et cetera, en
14 fonction donc de la hiérarchie de l'armée. Le commandant de l'unité qui
15 s'occupait de cette maison, c'était Maxhup, manifestement. Le commandant
16 pour le village -- enfin, pour le village - et j'entends Jabllanice -
17 c'était son frère.
18 Q. Lorsque vous dites le commandant du village, c'était son frère, est-ce
19 que vous pourriez être nous préciser le nom de son frère ?
20 R. Nazmi Brahimaj.
21 Q. Et lorsque vous nous dites qu'il était le commandant du village, est-ce
22 que vous faites référence à la période que vous venez juste de mentionner,
23 lorsque vous nous avez dit il est devenu le commandant de la zone de
24 Jabllanice ou est-ce que vous faites référence à une période précédente ?
25 R. Je fais référence à la même période, à la période dont j'ai parlé.
26 Donc, après la première fois où je m'y suis rendu, donc deux, trois jours
27 avant d'y aller la deuxième fois, et deux ou trois semaines après la
28 première visite, Ramush Haradinaj, là, était devenu le commandant de toute
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1 la zone. Et puis, à ce moment-là, Nazmi Brahimaj, était le commandant du
2 village. Pourquoi, me demanderez-vous ? Eh bien, si vous voulez le savoir,
3 je vous dirais que j'ai eu l'honneur de rencontrer ces deux hommes. Nazmi
4 Brahimaj est un homme fort honorable, qui a été franc et sincère à mon
5 égard, et qui m'a parlé de ces choses-là. Mais je ne veux pas, en fait,
6 faire d'autres observations à ce sujet, parce que c'est quelqu'un qui a un
7 caractère très déterminé.
8 Q. Je vous remercie.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame Kravetz.
11 M. EMMERSON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est. Comme vous le
12 savez, il y a certaines questions que nous devons régler. Je ne sais pas si
13 vous souhaitez les régler maintenant. Moi, si vous m'invitez à le faire
14 maintenant, j'aimerais faire ceci en l'absence du témoin. Donc, j'allais
15 vous inviter, en fait, à lever l'audience.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce que vous pouvez nous en
17 parler demain ?
18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, ça, c'est --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourrez nous -- on
20 pourrait le faire demain.
21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, j'espère que cela sera réglé d'ici à
22 demain.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, vous nous demandez de lever
24 l'audience maintenant. Bien.
25 Très bien. Alors que la Chambre passe à huis clos.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos,
27 Monsieur le Président.
28 [Audience à huis clos]
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19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière
21 d'audience.
22 L'audience est levée. Nous nous retrouverons demain à 14 heures 15.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 36 et reprendra le mercredi 23
24 novembre 2011, à 14 heures 15.
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