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1 Le lundi 25 juin 2012
2 [Réquisitoires]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans le
7 prétoire et à l'extérieur du prétoire.
8 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
10 de l'affaire IT-04-84bis-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz
11 Balaj et Lahi Brahimaj.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La présentation des parties, s'il vous
13 plaît, à commencer par l'Accusation.
14 M. ROGERS : [interprétation] Paul Rogers, avec Mme Aditya Menon, Barbara
15 Goy, Daniela Kravetz, et notre commis à l'affaire Line Pedersen.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et pour Haradinaj ?
17 M. EMMERSON : [interprétation] Pour M. Haradinaj, Ben Emmerson, Rodney
18 Dixon, Andrew Strong, et Kerrie Rowan.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Gregor Guy-
21 Smith, Colleen Rohan, Holly Buchanan, Gentian Zyberi, et Ramon Barquero,
22 représentant les intérêts de M. Balaj.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. Brahimaj.
24 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Pour M.
25 Brahimaj, Paul Troop, Luke Boenisch, Sylvie Kinabo, représentant les
26 intérêts de M. Brahimaj.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Harvey. Nous
28 savons tous pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour entendre les
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1 réquisitoires et plaidoiries des parties.
2 Monsieur Rogers, c'est à vous.
3 M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie, Messieurs les Juges.
4 Messieurs les Juges, pour votre information, je pense prendre entre une
5 heure et deux heures pour présenter mes arguments. Et, Messieurs les Juges,
6 j'ai essayé de faire en sorte que la plus grande partie de mes arguments
7 puissent être entendus en audience publique. Cela étant dit, il y a une
8 brève question que je souhaite aborder à huis clos partiel avant de
9 présenter mes arguments.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis
11 clos partiel, s'il vous plaît.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
13 clos partiel. Je vous remercie.
14 [Audience à huis clos partiel]
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11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur Rogers, c'est à vous.
14 M. ROGERS : [interprétation] Messieurs les Juges, dans mes arguments, je
15 vais vous présenter la partie générale de la thèse contre l'accusé.
16 Ensuite, j'aborderai les crimes de Jabllanice. Et troisièmement, je vais
17 faire quelques remarques sur l'évaluation de la déposition des témoins en
18 général, et je parlerai des questions particulières eu égard au Témoin 3 et
19 au témoin protégé. Quatrièmement, je vais aborder la question de la
20 responsabilité pénale de l'accusé. Et, cinquièmement, je finirai par
21 conclure avec quelques brèves remarques sur la peine.
22 Messieurs les Juges, je vais parler de cet aperçu général de l'affaire qui
23 nous intéresse, les crimes qui font l'objet du présent acte d'accusation,
24 pour lesquels les trois accusés, Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi
25 Brahimaj sont pénalement responsables, se sont produits dans le cadre de
26 l'élimination violentes de l'opposition par l'UCK auquel l'UCK a souscrit.
27 L'accusé était un officier supérieur et un commandant respecté au sein de
28 l'UCK. Ensemble, avec les autres commandants ils ont procédé à
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1 d'élimination de l'opposition en maltraitant, torturant, et tuant les
2 personnes soupçonnées d'être des opposants à la prison de Jabllanice. Il
3 s'agissait d'une petite installation située dans un petit bâtiment sur une
4 petite parcelle de terrain aux abords du village de Jabllanice. En raison
5 de sa taille, pour ce qui est des personnes qui s'occupaient de cet
6 endroit, il est impossible de dire qu'ils n'étaient pas au courant de ce
7 qui s'y passait.
8 La coopération étroite entre les trois accusés, renforcée par les liens
9 familiaux très étroits entre Haradinaj et Brahimaj, leur ont permis d'aider
10 et d'encourager à continuer à utiliser la prison de Jabllanice pendant
11 toute la durée de l'acte d'accusation pour poursuivre cette entreprise
12 illégale.
13 Ramush Haradinaj était, pendant tout ce temps, un commandant de l'UCK fort
14 respecté dans le secteur de Dukagjin au Kosovo occidental. Sa maison
15 familiale se trouvait à Glodjan. Sa défense exemplaire de cet endroit en
16 mars 1998 contre l'attaque concertée des forces serbes lui a valu le statut
17 d'un quasi-Dieu dans la région.
18 Comme l'a dit Cufe Krasniqi, un soldat de l'UCK, page 54, paragraphes 40 à
19 43 :
20 "Cet incident a rendu Ramush Haradinaj très populaire au Kosovo." Citation
21 à nouveau : "L'attaque de Glodjan était la première victoire publique de
22 l'armée de la guérilla de l'UCK. Et après cet incident, le village de
23 Glodjan est devenu le QG de l'UCK le plus important et le plus respecté
24 après Jabllanice." Et pour finir : "Glodjan était reconnu comme l'endroit
25 vers lequel convergeait l'ensemble de l'UCK sur le territoire de Peja et
26 Decan, et Ramush Haradinaj était le commandant populaire des forces de
27 l'UCK dans le secteur de Dukagjin."
28 Non loin de Glodjan se trouvait la maison de l'oncle maternel de Ramush
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1 Haradinaj, Lahi Brahimaj. Lui-même était un commandant puissant de l'UCK
2 qui se trouvait dans un endroit plus éloigné et plus sûr de Jabllanice.
3 Idriz Balaj commandait une unité spéciale connue sous le nom des Aigles
4 noirs. C'était le lieutenant de confiance de Ramush Haradinaj, également
5 connu sous le nom de Togeri, ce qui signifie lieutenant.
6 En tant que lieutenant de confiance de Haradinaj, Balaj était un lien
7 important entre Brahimaj et Haradinaj. En qualité de commandant des Aigles
8 noirs redoutés, une unité placée sous le commandement immédiat de Ramush
9 Haradinaj, Balaj rendait directement compte à Haradinaj. On les voyait
10 régulièrement ensemble avec Haradinaj. Il était considéré comme quelqu'un
11 de très proche de Haradinaj, un avis que partageaient à la fois ceux qui
12 faisaient partie de l'UCK et les hommes des services de renseignement
13 serbes. Cette relation était si étroite que des soldats de l'UCK avaient
14 besoin d'une autorisation spéciale de Haradinaj pour rendre visite à Balaj
15 et à ses Aigles noirs. Zoran Stijovic disait de Balaj qu'il était, en
16 somme, le garde du corps de Ramush Haradinaj. Il a dit : "Lui et son groupe
17 étaient en permanence au côté de Ramush Haradinaj." A la page 122, 9 073 du
18 compte rendu d'audience.
19 Même si les accusés menaient une guerre, en partie, pour assurer le
20 contrôle du secteur de Dukagjin, dès le départ ils ont poursuivi cet
21 objectif aux moyens, à la fois d'une action militaire légitime et d'une
22 action illégitime et illégale, qui prenait pour cible les civils et les
23 personnes soupçonnées d'être des espions et des collaborateurs de ces
24 opposants de l'UCK. Pour que la responsabilité au terme de l'entreprise
25 criminelle commune puisse être retenue, il suffit que l'objectif soit
26 atteint par des moyens criminels.
27 Je vais par la suite aborder la question de la position qu'occupait
28 l'accusé et sa responsabilité.
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1 Haradinaj, par le biais de sa position d'autorité qui découlait du respect
2 qui lui était voué en tant qu'héro et commandant et par le biais des liens
3 familiaux étroits, a pu influer sur le comportement d'autrui, et, en
4 particulier, son oncle, Lahi Brahimaj; Idriz Balaj; et les soldats placés
5 sous leur commandement individuel. Le fait qu'il est cautionné et soutenu
6 l'élimination des membres de l'opposition par des moyens illégaux, doublé
7 de sa position d'autorité et du respect dont il jouissait, a permis
8 d'encourager de façon positive les auteurs des crimes commis à Jabllanice.
9 Le fait de ne pas avoir utilisé ou exercé son autorité et son influence
10 pour faire cesser les mauvais traitements, et, en particulier, après avoir
11 officiellement assumé le commandement du centre en juin 1992 [comme
12 interprété], tout en continuant à réprimer l'opposition et en interdisant
13 toute activité politique d'un quelconque parti ou d'une quelconque
14 association à caractère politique, en ordonnant à la police militaire
15 d'éradiquer les collaborateurs sous le signe de son appui constant des
16 objectifs répressifs de l'UCK. En qualité de commandant à partir du juin
17 1998, il avait l'obligation de protéger ces personnes qui étaient sous la
18 garde ce ses subordonnés.
19 Lahi Brahimaj a joué un rôle central dans l'application des régimes
20 oppressifs qui appliquait la torture, les mauvais traitements, les sévices,
21 ainsi que les meurtres, dans la prison de Jabllanice. Il commandait cette
22 installation, et les soldats qui se trouvaient à l'intérieur, et sa
23 position influente au sein de l'UCK et de sa famille, en même temps que sa
24 participation personnelle à la commission directe des crimes contre les
25 victimes cités dans l'acte d'accusation, y compris et notamment le fait
26 d'ordonner et d'inciter à commettre les meurtres, ne peut laisser planer
27 aucun doute quant à sa responsabilité pénale en vertu de l'acte
28 d'accusation et constitue la preuve la plus claire de la poursuite qui
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1 était la sienne des objectifs répressifs de l'UCK.
2 La présence régulière d'Idriz Balaj à la prison de Jabllanice, sa
3 commission directe des crimes, et son goût évident pour la violence telle
4 que pouvait le démontrer sa réputation d'un homme redouté, son comportement
5 envers les différentes personnes au cours des incidents occasionnés par le
6 FARK et exposés dans notre mémoire aux paragraphes 80 à 84, ainsi que son
7 objet assigné et sa présence continue à Jabllanice pour "tuer des gens",
8 comme l'attestent les témoins protégés, montrent également qu'il était
9 engagé dans cette répression illégale de l'opposition pendant toute la
10 durée de l'acte d'accusation dans le secteur de Dukagjin. Et il a ainsi
11 encouragé les autres.
12 L'intention qu'il partageait avec les trois accusés aux fins
13 d'éliminer les collaborateurs, les espions et les opposants de tous bords
14 est tout à fait évidente. A cette fin, dans le contexte du conflit armé,
15 ceci comprenait la torture, les mauvais traitements et les meurtres.
16 Les accusés ont travaillé étroitement ensemble. A Jabllanice et à
17 Glodjan, pendant toute la période en question, ils ont coopéré étroitement
18 ensemble. Pjeter Shala et Skender Rexhametaj ont témoigné et ont dit que
19 les combattants de Jabllanice ont fourni leur aide à Glodjan pour éteindre
20 les flammes dans la base de Haradinaj en mars 1998. Mémoire en clôture, 28,
21 29. Zoran Stijovic a dit dans sa déposition que Haradinaj et d'autres
22 combattants se sont retirés de Glodjan pour aller s'abriter à Jabllanice.
23 P121, paragraphe 41; P151, page 3; et P31, page 2.
24 L'appui mutuel que fournissaient ces bases familiales s'est avéré très
25 précieux pendant toute la durée des conflits et a permis aux forces de
26 l'UCK d'agir de façon coordonnée et cohérente.
27 Lorsque Haradinaj a consolidé son commandement au niveau des deux quartiers
28 généraux en juin 1998, il a donné des ordres pour marquer la poursuite de
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1 ces mesures visant à prendre pour cible les opposants de l'UCK. Il a donné
2 des ordres - P349 et P190 - instruisant la police militaire à traquer les
3 collaborateurs et à donner des ordres aux commandants de l'UCK ainsi qu'à
4 la population dans son ensemble pour empêcher toute activité, sous peine
5 d'emprisonnement, qui pouvait être préjudiciable à leur guerre. P196.
6 L'UCK, dans lequel ces accusés occupaient des postes d'influence, a pris le
7 contrôle au moyen de différentes stratégies.
8 Je souhaite maintenant demander à pouvoir passer à huis clos partiel.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que la Chambre peut passer à
10 huis clos partiel, s'il vous plaît.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
12 clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui,Monsieur Rogers.
11 M. ROGERS : [interprétation] L'identification des collaborateurs, des
12 espions et des personnes considérées comme étant des opposants était au
13 cœur de la stratégie de l'UCK aux fins de prendre le contrôle du territoire
14 pour lequel ils se battaient. En tant qu'organisation décente, elle avait
15 besoin de se distinguer, d'être reconnue et d'être acceptée. Même si les
16 stratégies comprenaient le fait de faire régner la peur et de faire
17 appliquer un régime brutal de torture, de traitement cruel et de meurtre
18 qui prenait pour cible les personnes soupçonnées d'être des traîtres, des
19 espions, des collaborateurs et toutes personnes qui n'appuyaient pas l'UCK.
20 Le témoin protégé a dit que :
21 Le fait de ne pas rejoindre l'UCK était risqué pour lui parce qu'ils
22 souhaitaient que ces personnes soient placées sous leur contrôle.
23 La déposition cohérente des témoins en l'espèce montre que cette
24 stratégie brutale a été mise en œuvre à Jabllanice et dans d'autres
25 endroits du secteur de Dukagjin. Cela peut être démontré par les exemples
26 suivants : les affrontements entre l'UCK et les soldats du FARK, par
27 exemple, lorsque Ramush Haradinaj a attaqué et tiré sur les soldats FARK,
28 et Idriz Balaj, avec d'autres personnes, a attaqué et frappait d'autres
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1 soldats du FARK; ces événements se sont déroulés le 4 juillet 1998. En
2 atteste également l'attaque contre les frères Stojanovic et d'autres
3 personnes à Glodjan et l'élimination de Zenun Gashi. Pour d'autres détails,
4 Messieurs les Juges, veuillez vous reporter aux paragraphes 79 à 85 de
5 notre mémoire. Et, bien évidemment, en attestent la torture, le traitement
6 cruel et le meurtre de victimes cités dans l'acte d'accusation à
7 Jabllanice, où sont cités les différents crimes.
8 Les communiqués de presse de l'UCK de l'époque qui datent d'avant le
9 conflit armé ainsi qu'après le conflit armé, où les meurtres des
10 collaborateurs ont été annoncés ainsi que la mise en place de listes
11 noires, ne laissent planer aucun doute quant au sort réservé aux personnes
12 soupçonnées d'être des collaborateurs. Encore une fois, nous vous demandons
13 de vous reporter, Messieurs les Juges, aux paragraphes 52 à 61 de notre
14 mémoire.
15 Le fait que des listes noires existaient avant l'unification
16 officielle du commandement de Ramush Haradinaj à Glodjan et Jabllanice et
17 que les ressources partagées entre les deux commandements étaient utilisées
18 pour prendre pour cible les opposants; par exemple, en mai 1998, Faton
19 Mehmetaj de Glodjan et Pjeter Shala de Jabllanice ont interrogé Rrustem
20 Tetaj, qui était soupçonné de collaboration, montre que l'unité idéale
21 entre les accusés et la mise en commun de leurs ressources pour arriver à
22 cette fin étaient également la preuve que leur intention est partagée.
23 Le 4 mars 1998, avant le début du conflit armé, le but de l'UCK qui
24 visait à tuer les personnes considérées comme étant des traîtres a été
25 annoncé lors d'un communiqué qui déclarait : "Mort aux ennemis et aux
26 traîtres." J. Krasniqi, P65, page 37, annexe 8, et P67.
27 Cet objectif a été réitéré lorsque, le 6 juillet 1998, Jakup
28 Krasniqi, alors porte-parole de l'UCK et qui faisait partie de l'état-major
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1 général de l'UCK, a réitéré cet objectif en des termes très clairs. Il a
2 envoyé un avertissement très clair à l'intention de la population dans leur
3 ensemble déclarant que les collaborateurs, je cite : "Nous les tuerons
4 s'ils continuent à s'engager sur la mauvaise voie." P67, référence 3 559 à
5 63. L'accusé a certainement été au courant de cet avertissement.
6 Evidemment, le fait de tuer ses opposants était si profondément ancré
7 dans les secteurs de Jabllanice et de Dukagjin que l'euphémisme "homélie à
8 Drenica" signifiait tuez-les et était connu des soldats de l'UCK. Ces
9 menaces ont été exécutées à Jabllanice.
10 Je vais maintenant aborder les crimes.
11 Avant de commencer mon résumé, et il s'agit effectivement d'un résumé
12 car les détails figurent dans notre mémoire et je ne veux pas répéter ce
13 qui figure dans notre mémoire parce que vous disposez de mon mémoire. Mais
14 avant de commencer, je souhaite clairement indiquer que l'Accusation n'a
15 pas l'intention de se reposer sur la déposition du Témoin 81. Il demande
16 aux Juges de la Chambre d'écarter cette déposition car elle n'est pas
17 fiable et de considérer que cette déposition ne fait pas partie du dossier.
18 La Chambre devrait, bien sûr, toujours évaluer le reste des éléments de
19 preuve, et ce, de façon indépendante, sans tenir compte de cette
20 déposition-là.
21 Je vais maintenant parler des crimes commis à Jabllanice.
22 Les éléments de preuve dans leur majorité en l'espèce confirment au-
23 delà de tout doute raisonnable qu'il y avait une prison à Jabllanice entre
24 au moins le mois d'avril 1998 et le mois de septembre 1998; que des
25 personnes soupçonnées d'être des espions, des collaborateurs serbes, ou de
26 toute autre manière étant des personnes qui n'appuyaient pas l'UCK, y ont
27 été détenues; et que ces personnes comprenaient le Témoin 3, le Témoin ,
28 Jah Bushati, Skender Kuqi, Pal Krasniqi, Naser Lika, Ivan Zaric, Agron
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1 Berisha, Burim Betja, ainsi que d'autres personnes citées nombreuses dans
2 l'acte d'accusation ont été violemment frappées et torturées, et que
3 certaines de ces personnes ont été tuées; Lahi Brahimaj et sa famille ont
4 été au cœur de ses mauvais traitements et de ces sévices; Idriz Balaj a
5 torturé et fait subir des sévices aux personnes qui ont été détenues;
6 Ramush Haradinaj a appuyé et encouragé, et de toute autre manière contribué
7 à ces crimes.
8 Messieurs les Juges, il ne peut y avoir aucun doute sur le fait qu'entre
9 avril et septembre 1998, ceux qui n'ont pas appuyé les idéaux et les
10 objectifs de l'UCK ont été torturés, maltraités et assassinés dans les
11 locaux à Jabllanice, connus plus communément sous le nom de quartier
12 général, la caserne et la prison. Les éléments de preuve cohérents des
13 différents témoins en l'espèce identifient cet endroit et ces bâtiments de
14 Jabllanice comme étant l'endroit où se trouvait la prison.
15 Jabllanice était un endroit sûr et à l'abri qui convenait à une
16 prison. Un endroit difficile d'accès, Jabllanice n'était pas occupé par les
17 forces serbes avant le mois d'août 1998. Et non pas au mois de mai 1998,
18 comme vous laissait entendre la Défense Haradinaj, au paragraphe 34 de leur
19 mémoire, où ils citent deux rapports de combat de la VJ de la 125e Brigade
20 motorisée, datés des 20 et 22 mai 1998, pour affirmer que les forces serbes
21 avaient occupé Jabllanice au mois de mai, mais ni l'un ni l'autre de ces
22 documents ne cite Jabllanice. La zone où s'est déroulée l'attaque est
23 Grabanice, et les villages qui se trouvent bien à l'est de Jabllanice.
24 Messieurs les Juges, vous vous souvenez peut-être du fait que l'attaque de
25 Grabanice a eu lieu vers le 20 mai 1998, et ce qui est intéressant c'est
26 que ces rapports de combat de la VJ de l'époque contiennent également des
27 références à des enlèvements de Serbes, et un nombre croissant "d'écoutes
28 téléphoniques d'enlèvements et d'attaques contre la population civile" ou
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1 même des "terroristes", comme il a été dit de l'UCK, P115.
2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la prison de Jabllanice se
3 situe sur une petite parcelle de terrain et ne comportait que deux
4 bâtiments. Nous devrions pouvoir voir cela à l'écran dans un instant. Je ne
5 sais pas si vous pouvez voir.
6 Vous vous en souviendrez, et peut-être que nous devrions nous
7 rappeler l'aspect de cet endroit. Voici de quoi cela se compose. C'est très
8 simple. C'est une enceinte très simple qu'ils ont; quatre pièces, une cave,
9 et puis au dôme à l'arrière, un bâtiment allongé. Vous avez entendu parler
10 de ce bâtiment où se trouvent une cuisine et un bureau. Et puis, nous avons
11 une entrée qui donne sur la route, au bout du village. Ce n'est pas une
12 enceinte très importante, pas beaucoup de bâtiments. C'est un endroit
13 isolé, tout simple, tout petit.
14 Ce n'est pas le type d'endroit, comme cela le soulignent les Défenses
15 Balaj et Brahimaj dans leurs mémoires, où il serait possible de ne pas
16 savoir ce qui s'y passe. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et
17 vous comprenez pourquoi. En effet, la réputation de cette prison était
18 telle que les villageois du coin étaient au courant de son existence, ainsi
19 que les services de renseignements serbes. Je vous renvoie de niveau au
20 paragraphe 90 de notre mémoire en clôture. Vous y trouvez de plus amples
21 détails.
22 Nous pouvons enlever l'image.
23 Les personnes interceptées, kidnappées et détenues dans cette prison
24 témoignent de l'intolérance et de la brutalité indiscriminée des
25 combattants de l'UCK envers les Albanais, les Roms, les Gitans et les
26 Serbes.
27 L'UCK tolérait si peu ceux qui étaient suspectés d'être ses opposants
28 qu'il suffisait de suspecter quelqu'un pour que ces civils innocents soient
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1 sans aucun égard embarqués dans des coffres de voitures, transportés à la
2 prison pour être accusés, roués de coups pendant des jours entiers. Même
3 ceux tels Pal Krasniqi, qui est mentionné au chef 5, qui s'est rendu à la
4 prison pour s'engager dans les rangs de l'UCK, eh bien, il a suffi qu'on le
5 soupçonne pour qu'il soit placé en détention et qu'il soit soumis à des
6 sévices, et en l'occurrence, il a même perdu la vie.
7 Alors ceux qui étaient détenus là étaient détenus dans des conditions
8 qui correspondraient à détention d'animaux. Ils se souillaient, ils
9 dormaient dans leur propre excrément, urine, les conditions étaient
10 contraires à toute condition humaine. Ils étaient humiliés.
11 Nous avons des témoignages réitérés des personnes détenues et rouées
12 de coups dans la prison, qui placent Lahi Brahimaj au cœur de ces mauvais
13 traitements. Lui et d'autres auteurs ont bénéficié d'un soutien et d'un
14 encouragement des membres de la famille, y compris les frères Nazmi et
15 Naser Brahimaj, et Ramush Haradinaj, qui est son neveu maternel, et ils ont
16 reçu l'assistance et l'encouragement du lieutenant Idriz Balaj, à qui
17 Haradinaj faisait confiance.
18 Nous avons des preuves du système de sévices à Jabllanice, et qui
19 s'étendent au printemps 1998, tout au long de l'été de cette année jusqu'à
20 ce que les forces serbes ne prennent Jabllanice en août 1998.
21 Au printemps 1998, Jah Bushati, qui était un civil musulman albanais
22 kosovar a été enlevé par des membres de l'UCK près de Zhabel. Un autre
23 témoin protégé confirme qu'il a vu Bushati à la prison de Jabllanice, qu'il
24 a été sérieusement couvert de coups et qu'on l'a suspecté d'être un espion
25 serbe. Shefqet Kabashi confirme que Jah a été détenu et roué de coups par
26 Lahi Brahimaj. Il a subi des blessures graves et il s'est trouvé dans une
27 condition atroce qui a été confirmé par deux autres témoins protégés.
28 En mai 1998, comme visé au chef 1, Ivan Zric, Agron Berisha et Burim
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1 Betja, trois jeunes hommes innocents qu'on décrit selon les différents
2 témoins comme étant des enfants ou de jeunes garçons qui sont simplement
3 allés faire moudre leur maïs, comme ils le faisaient régulièrement, eh
4 bien, ils ont eu le malheur de croiser des soldats de l'UCK. Ils ont été
5 enlevés, accusés d'être des espions. Ils ont été amenés à Jabllanice,
6 accusés de nouveau d'être des espions, roués de coups par Lahi Brahimaj,
7 Idriz Balaj et d'autres, torturés, terrifiés, humiliés. Idriz Balaj a
8 assaini des coups à tous les trois, et il a tranché l'oreille de l'un de
9 ces garçons. Les victimes appelaient à l'aide leur mère, ils urinaient dans
10 leurs vêtements, et, d'après notre témoin protégé, ils ont été réduits en
11 [inaudible], ils étaient complètement couverts des bleus. Et puis Lahi
12 Brahimaj, Idriz Balaj ont donné l'ordre de les amener à Drenica, et c'est
13 un euphémisme qui a été confirmé par Shefqet Kabashi ainsi que par le
14 témoin protégé, comme quoi il a été confirmé que cette expression
15 signifiait qu'ils allaient être tués. Et les trois ne seront jamais revus
16 et leurs corps n'ont jamais été retrouvés.
17 Egalement, vers mai 1998, les victimes mentionnées au chef numéro 2 ont
18 disparu entre Dollovo et Grabanice. Ils se sont retrouvés, d'après nous,
19 dans la prison de Jabllanice, d'où se perd leur trace. Ils n'ont jamais été
20 revus.
21 En juin 1998, le Témoin 6, victime du chef 3, un civil albanais kosovar de
22 confession catholique, a été enlevé pendant qu'il se déplaçait avec sa
23 famille, il a été emmené à la prison de Jabllanice et il y a été roué de
24 coups sans pitié pendant des jours. Il avait un pistolet et une
25 photographie d'un policier à la retraite albanais en uniforme, et ça a
26 suffi pour qu'il soit détenu. Pendant six semaines, il a été détenu à
27 Jabllanice. Lahi Brahimaj l'a accusé d'être un espion et a participé à des
28 séances de passage à tabac. Le Témoin 6 décrit ces séances de coups de la
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1 manière suivante :
2 "Ils m'ont battu avec des battes de baseball, avec des poings, ils
3 m'assénaient des coups de poing. Pendant deux semaines, je n'était
4 absolument pas conscient de ce qui m'arrivait. Je ne savais pas où était
5 mon visage, où était ma nuque. J'étais tout enflé à cause de ces coups."
6 P84, page du compte rendu d'audience 5 217.
7 Pendant qu'il était détenu à la prison, le Témoin 6 a déclaré également que
8 les victimes du chef d'accusation 4, à savoir Nenad Remistar, avec qui il
9 était détenu, eh bien, qu'il a fait l'objet de mauvais traitements. Il a vu
10 qu'il a reçu -- qu'il a vu Nazmi Brahimaj lui asséner des coups de batte de
11 baseball. Il a disparu et son corps n'a jamais été retrouvé. Un Bosniaque
12 qui semblait travailler pour une compagnie de distribution d'électricité
13 entre les mains des Serbes, et c'était son seul crime apparemment, ainsi
14 que trois Monténégrins, ont été les victimes. Tous ces trois ou quatre ont
15 été emmenés et ils n'ont jamais été revus après avoir été battus par des
16 battes de baseball et reçu des coups de couteau.
17 Vers le 13 juillet 1998, Lahi Brahimaj a arrêté le Témoin numéro 3,
18 victime du chef d'accusation 5, un Musulman albanais kosovar. Lahi Brahimaj
19 l'a emmené à la prison de Jabllanice, et c'est là qu'il l'a accusé d'être
20 un partisan serbe. Le Témoin 3 a reçu des coups de batte de baseball et de
21 bâton. Il a été battu si gravement qu'il ne pouvait pas tenir debout.
22 Brahimaj a également ordonné à ses camarades et soldats de l'UCK de
23 s'entraîner en assénant des coups au Témoin 3. Vous vous souviendrez peut-
24 être ce témoignage.
25 A un moment donné, Lahi Brahimaj a remis un revolver au Témoin 3 et
26 lui a dit : "Prends ça, tue-toi, parce que je ne veux pas me salir les
27 mains avec ton sang." Témoin 3, pages du compte rendu d'audience 1 567 et
28 68.
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1 Pendant qu'il était détenu, le Témoin 3 a vu Skender Kuqi et Pal
2 Krasniqi, les deux civils, les deux Albanais kosovars et les deux victimes
3 mentionnées au chef d'accusation numéro 5. Il a été attaché à ces hommes.
4 Eux aussi ont reçu des coups très graves. Le Témoin 3 décrit Kuqi comme
5 recevant des coups cinq ou six fois par jour de la part de Naser Brahimaj.
6 Le Témoin 6 a également vu Kuqi complètement enflé à cause des coups qu'il
7 avait reçus. Le témoin protégé a vu également dans quel état atroce se
8 trouvait Skender Kuqi. Il l'a vu arriver dans le coffre de sa propre
9 voiture, tout comme le Témoin 6.
10 Donc nous affirmons que cela a dû se passer vers le 13 juillet 1998.
11 Le Témoin 3 a confirmé que c'était à peu près le début de son martyr, page
12 1 669 du compte rendu d'audience. Il y a également le Témoin 6 qui a
13 déclaré que c'était à peu près deux semaines avant qu'il ne soit libéré et
14 il a confirmé que sa date de libération était le 25 juillet 1998. Pièce
15 P84, page 5 255 du compte rendu d'audience, il a déclaré que c'était vers
16 deux semaines avant qu'il ne soit relâché, donc vers le 13 juillet ou
17 légèrement avant cela, qu'il a vu cet homme, Kuqi, arriver dans le coffre
18 d'une Mercedes. Pièce P84, compte rendu d'audience 2 531 [comme
19 interprété]. Et cela a été confirmé par le témoin protégé. Plus tard, il a
20 découvert qu'en fait c'était la voiture qui appartenait à la victime même,
21 donc une Mercedes.
22 Shefqet Kabashi, un soldat de l'UCK basé à Jabllanice, a également vu
23 Skender Kuqi détenu à la prison. Lahi Brahimaj a dit à Kabashi que Kuqi
24 était un espion serbe qui travaillait pour la Sûreté de l'Etat serbe. Le
25 témoin protégé a également entendu Lahi Brahimaj et Nazmi Brahimaj accuser
26 Kuqi d'être un collaborateur serbe. Nous affirmons que cela ne constitue
27 pas une coïncidence, que le nom de Skender Kuqi se retrouve sur la liste
28 noire des personnes recherchées, liste que faisait circuler l'UCK vers le
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1 12 juillet 1998. Je vous renvoie à la pièce D212, pages 13 à 14.
2 Kuqi et Krasniqi ont essayé de s'évader avec le Témoin 3, mais les deux ont
3 été repris. Le Témoin 6 ainsi que le témoin protégé, ainsi que Shefqet
4 Kabashi, entre eux, donc les deux confirment que Kuqi et Krasniqi ont été
5 repris, qu'on les a remis à la prison et qu'ils ont été roués de coups sans
6 pitié.
7 Je souhaite que l'on passe très brièvement à huis clos partiel, s'il vous
8 plaît.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
10 plaît, brièvement.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
12 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, reprenez, Monsieur Rogers.
24 M. ROGERS : [interprétation] Le fait que Kuqi ait été placé en détention et
25 qu'il ait essayé de s'évader, c'est quelque chose qui se trouve confirmé
26 par Rrustem Tetaj. Kuqi a reçu des coups si sévères qu'il en est mort par
27 la suite.
28 Le témoin protégé a vu Kuqi dans un état si grave - vous vous souviendrez
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1 son témoignage - qu'il a cru qu'il était mort. La Défense, bien sûr,
2 conteste cela, faisant valoir que Kuqi n'était pas mort à ce moment-là.
3 Mais tandis que la Défense essaie d'insister sur la manière dont le témoin
4 décrit l'état du corps de Kuqi, eh bien, nous estimons qu'il est simplement
5 en train de faire part de son opinion qui se fonde sur l'état absolument
6 atroce du corps de Kuqi.
7 Le Témoin 3 a réussi à s'évader, mais il a été repris quelques jours
8 plus tard par Lahi Brahimaj. Celui-ci l'a forcé à monter dans le coffre
9 d'une voiture. Nous avons entendu sa déposition faisant part d'une
10 exécution feinte qu'on lui a imposée.
11 Alors, je voudrais maintenant parler de Pal Krasniqi. Vers le 10
12 juillet 1998, Pal Krasniqi était parti à Jabllanice pour rejoindre les
13 rangs de l'UCK, mais il a été arrêté en tant qu'espion serbe. Il a été
14 placé en détention avec le Témoin 3 et Kuqi dans la prison de Brahimaj à
15 Jabllanice. Le Témoin 3 a vu Krasniqi et Kuqi, il a vu qu'on les a roués de
16 coups sans arrêt avec des battes de baseball. Le Témoin 6 décrit également
17 l'état de ces deux hommes comme étant "atroce". Krasniqi ne pouvait pas
18 tenir debout et il se souillait dans les vêtements qu'il portait.
19 Krasniqi a été détenu pendant assez longtemps, jusqu'après le 25 juillet
20 1998 au plus tôt, puisque c'est le jour de la libération du Témoin 6, et il
21 se rappelle Krasniqi encore en vie à ce stade-là dans la prison.
22 Le 11 septembre 1998, le corps de Pal Krasniqi a été trouvé dans le canal
23 qui mène au lac Radoniq, une zone qui est sous le contrôle de l'UCK.
24 D'après les éléments que nous avons, nous affirmons qu'il a dû être exécuté
25 par l'UCK à un moment donné qui a suivi le moment où il a été vu pour la
26 dernière fois en vie, à savoir le 25 juillet 1998.
27 A présent, je souhaite me pencher sur le chef d'accusation numéro 6, et
28 j'ai besoin de passer à huis clos partiel brièvement.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
2 plaît.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
4 [Audience à huis clos partiel]
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24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
26 Greffier.
27 Monsieur Rogers.
28 M. ROGERS : [interprétation] Vous avez peut-être la sensation que les
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1 éléments de preuve les plus importants en l'espèce sont fournis par ceux
2 qui ont fait l'objet de sévices en prison. Si l'on les prend ensemble, l'on
3 se rendra compte qu'ils nous décrivent un système de sévices qui a été mis
4 en place par les membres de l'UCK à Jabllanice et au-delà. Lorsqu'on les
5 prend séparément et lorsqu'on les prend ensemble, vous vous rendrez compte
6 qu'ils sont en fait conformes à la chronologie des événements.
7 Ce qui m'incite à faire quelques observations sur la crédibilité des
8 témoins, et je voudrais ensuite faire quelques observations sur la
9 déposition du témoin protégé.
10 Tout d'abord, quelques remarques d'ordre général. Peut-être que cela n'est
11 pas absolument nécessaire, mais que cela ne sera pas non plus superflu.
12 De toute évidence, nous avons vu quelques différences dans les récits
13 que nous avons entendus. Beaucoup de temps s'est écoulé, cependant, depuis
14 les événements de 1998 et 2012, 14 années, et ces différences tout à fait
15 naturelles dans les récits, sont peut-être augmentées au vu du fait que les
16 témoins ne connaissent pas cette procédure que nous avons ici devant le
17 Tribunal et aussi qu'ils sont appelés à s'exprimer dans une langue qui
18 n'est pas la leur. Inévitablement, le temps y a apporté aussi son taux de
19 déformation, mais tandis que certains détails peut-être se sont perdus, les
20 témoins, en fait, au fond, se rappellent les principaux événements assez
21 clairement.
22 Peut-être qu'il y a une certaine confusion dans l'esprit des témoins
23 sur quelques dates ou sur quelques événements spécifiques, mais vous allez
24 vous pencher sur d'autres éléments de témoignage pour comparer cela. Vous
25 allez pouvoir prendre en compte aussi le stress et la peur des témoins
26 albanais kosovars lorsqu'ils viennent déposer en l'espèce.
27 Vous constaterez que pour la plupart des témoins les plus importants,
28 ils ont bénéficié de mesures de protection. Ces mesures ont été mises en
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1 place suite à une appréciation objective des questions de sécurité et de ce
2 qui était nécessaire pour les protéger. S'il y a eu réinstallation d'un
3 témoin, eh bien, c'est dû à une appréciation indépendante de la nécessité
4 de le faire.
5 S'agissant du témoin protégé maintenant, en particulier, vous vous
6 rappellerez la durée de sa déposition et les conditions difficiles de sa
7 déposition, ainsi que de son comportement. Il a déposé pendant plusieurs
8 jours dans des circonstances difficiles. Vous allez voir, vous allez vous
9 demander dans quelle mesure son angoisse a peut-être diminuée au cours de
10 sa déposition lorsque vous allez examiner les discordances de sa déposition
11 au début de son témoignage.
12 Vous vous rappellerez comment il a parlé de ce qu'il a vu et de l'effet que
13 cela a eu sur lui, en particulier pour ce qui est de son récit relatif aux
14 événements qui concerne les trois jeunes hommes. Il a été contre-interrogé
15 de manière tout à fait approfondie, et pendant ce contre-interrogatoire il
16 a été accusé d'avoir monté de toutes pièces son récit et d'agir par
17 l'espoir de gain financier.
18 Vous vous rappellerez comment il a répondu, et vous vous rappellerez aussi
19 comment cela a été reproché au Témoin 3 de manière analogue et comment il a
20 répondu. Les deux témoins ont rejeté ces accusations.
21 Et je voudrais maintenant que l'on voit cela de plus près à huis clos
22 partiel, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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12 [Audience publique]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier
14 d'audience.
15 Monsieur Rogers.
16 M. ROGERS : [interprétation] Messieurs les Juges, aucun de ces hommes ne
17 souhaitait quitter leurs familles et leurs foyers, car leur cœur est
18 toujours au Kosovo, là où avaient résidé leurs pères et leurs ancêtres. Ils
19 ont vécu, ils ont été au sein de leurs familles élargies, comme le veut la
20 culture albanaise. Maintenant, ils vivent très loin de tout cela. Ils ont
21 été arrachés à leur culture qu'ils avaient appris à aimer et à connaître.
22 Tout comme leurs épouses et leurs enfants. Alors, d'aucuns ont dit qu'ils
23 avaient souhaité échanger tout cela pour des mensonges, qu'ils avaient
24 voulu se compromettre par des mensonges si énormes que le retour chez eux
25 n'est pas possible.
26 Messieurs les Juges, la réalité est plutôt, en fait, qu'ils ont justement
27 troqué, échangé leurs foyers, leurs familles, leurs survies, leur gagne-
28 pain, parce qu'à leurs yeux, l'honnêteté, l'intégrité et la vérité étaient
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1 beaucoup importantes, beaucoup plus importantes, d'ailleurs, que leur
2 propre sécurité, plus importantes que leurs foyers, que leurs amis, et que
3 les endroits où ils habitaient, et ce, pour répondre à une cause beaucoup
4 noble qui consiste à faire ce qui est juste.
5 Messieurs les Juges, je pense que vous serez en mesure d'accorder un poids
6 positif à ces circonstances lorsque vous évaluerez la fiabilité de ces
7 témoins.
8 J'aimerais maintenant faire quelques remarques précises à propos du témoin
9 protégé. Dans un premier temps, je parlerai de certains éléments relatifs
10 au chef numéro 1; deuxièmement, je parlerai du nombre d'arrestations; puis,
11 je ferai référence à Skender Kuqi; ainsi que le Témoin 6; et finalement, au
12 Témoin 3 et à Shefqet Kabashi. Et je présenterai ensuite quelques remarques
13 d'ordre général à propos de l'utilisation des documents qui n'ont pas été
14 retenus comme éléments de preuve, et je conclurai par quelques remarques à
15 propos de l'évaluation des éléments de preuve vus de façon globale.
16 La Défense a attaqué le témoin protégé, a dit de cette personne qu'elle
17 n'était pas fiable, qu'elle n'avait pas présenté des témoignages cohérents
18 --
19 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, mais si M. Rogers commence à
20 faire des références, je pense qu'il faudrait qu'il nous indique à quelle
21 Défense il fait référence, parce qu'il n'est pas certainement en train de
22 résumer des propos présentés par l'équipe de Défense de M. Haradinaj.
23 M. ROGERS : [interprétation] Je m'exprime de façon générale. Il a été
24 attaqué, il a été dit de lui qu'il ne présentait pas des témoignages
25 homogènes, qu'il n'était pas fiable, qu'il était contradictoire et qu'il
26 n'avait aucun soutien. Mais en vérité, il faut savoir que les éléments de
27 preuve qu'il présente sont tout à fait cohérents, et sans oublier, en fait,
28 le soutien apporté par d'autres témoins surtout lorsqu'on considère que 14
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1 années se sont écoulées depuis qu'ils ont été témoins de tous ces
2 événements.
3 J'aimerais dans un premier temps, donc, parler du chef numéro 1, puisque je
4 vais parler maintenant des cinq questions que j'ai mentionnées. Et je vais
5 d'abord présenter trois éléments, ensuite nous devrons passer à huis clos
6 partiel. Alors, il faut savoir dans un premier temps, qu'il est absolument
7 indubitable d'après les éléments de preuve, que les trois jeunes hommes qui
8 correspondent au chef numéro 1, qui étaient âgés de 22, 15 et 16 ans, sont
9 partis du village de Dollc sur une charrette tirée par un cheval. Ils sont
10 ensuite allés à Grabanice pour y faire moudre leur maïs. Et troisièmement,
11 ils ne sont jamais revenus.
12 Et j'aimerais maintenant que nous passions à huis clos partiel, je
13 vous prie.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Est-ce que nous pouvons
15 passer à huis clos partiel.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
17 partiel.
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19 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'aimerais dire à propos de la dernière
20 remarque de M. Rogers que c'est l'exemple parfait, s'il en fut, de la façon
21 dont l'on modifie la charge de la preuve, et, en plus, on présente un
22 argument qui ne peut absolument pas être retenu et autorisé.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
24 M. ROGERS : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que nous allons faire une
26 pause, et nous reviendrons à 16 heures.
27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 34.
28 --- L'audience est reprise à 16 heures 01.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Rogers, je vous en
2 prie.
3 M. ROGERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Messieurs les Juges, est-ce que nous pouvons passer brièvement à huis clos
5 partiel.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Nous allons passer à huis clos
7 partiel.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
9 partiel.
10 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Rogers.
15 M. ROGERS : [interprétation] J'étais en train de vous parler de certaines
16 questions relatives à la crédibilité du témoin protégé, et je voulais dire
17 à propos de Shefqet Kabashi ce qui suit, car il y a certains membres de la
18 Défense qui ont avancé ou suggéré que de façon absolument -- sans aucun
19 élément de preuve, sans que cela ne se fonde sur quoi que ce soit, que le
20 témoin protégé et Shefqet Kabashi avaient été de connivence et avaient été
21 complices pour ce qui était de présenter des éléments de preuve. Alors, là,
22 nous, nous voyons des éléments de preuve qui se recoupent; eux, ils voient
23 une certaine connivence.
24 Et pourtant, ce que nous avançons, c'est que nous, nous voyons un
25 certain sentiment d'honnêteté, une fiabilité et une crédibilité.
26 Je vais maintenant vous parler de l'utilisation qui a été faite de
27 documents non versés au dossier et de certains documents qui ont été admis
28 et versés au dossier dans un objectif très, très précis.
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1 La Défense a fait référence à des éléments de preuve qui n'avaient
2 pas été admis pour parler de la véracité de ces éléments de preuve, et ce,
3 afin de récuser le témoin protégé. Mais il s'agit de questions tout à fait
4 secondaires. Parce qu'il faut savoir que le fait de présenter un document à
5 un témoin ne fait ni plus ni moins que donner la possibilité au témoin de
6 présenter des observations. C'est la réponse apportée par le témoin qui est
7 définitive. Le document, quant à lui, n'a aucune valeur et aucun poids ne
8 peut lui être accordé à moins qu'il ne soit entériné par le témoin.
9 Et puis, on fait référence aux déclarations hors audience de Fadil Fazliu
10 et Nazir Fazliu. Il s'agit de documents relatifs à un contentieux
11 professionnel et aux dossiers de la mission au Kosovo. Mais ces documents,
12 en fait, n'ont aucune valeur intrinsèque à moins que les éléments de preuve
13 permettent de déterminer la véracité quant à la teneur de ces documents
14 qui, de toute façon, ont été réfutés par le témoin.
15 Et je vais vous donner un autre exemple de l'utilisation qui n'est
16 pas autorisée de déclaration hors audience. Vous avez, par exemple, Ramush
17 Haradinaj qui fait référence à des documents qui n'ont pas été versés au
18 dossier, et ce, afin de récuser la déclaration d'un témoin, paragraphe 185,
19 note en bas de page 474. Il fait également référence au jugement lors de la
20 première affaire pour essayer de déterminer les questions qui sont
21 pertinentes en l'espèce, telles que, par exemple, la politique au sein de
22 l'ALK pour cibler les collaborateurs. Paragraphe 175, note en bas de page
23 446.
24 Ce que nous avançons, c'est qu'il faut faire fi de ces déclarations
25 hors audience, de ces déclarations et documents non admis et non versés au
26 dossier et de conclusions qui ont été tirées par une Chambre différente.
27 Et pour conclure, en ce qui concerne l'évaluation des éléments de preuve de
28 manière générale, nous aimerions, avec tout le respect que nous vous
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1 devons, Messieurs les Juges, vous rappeler que la Chambre de première
2 instance ne va statuer sur les faits qui devraient être résolus, mais
3 seulement ceux qui sont importants et qui découlent des chefs d'accusation
4 figurant dans l'acte d'accusation. Bien sûr, forts de votre expérience
5 collective lorsque vous passerez aux délibérations, vous pourrez évaluer
6 les éléments de preuve des dépositions de témoins et vous pourrez décider
7 de savoir si l'Accusation s'est acquittée de son rôle et de son devoir.
8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais maintenant parler
9 de la responsabilité des accusés en ce qui concerne l'entreprise criminelle
10 commune.
11 Pour commencer, je vais parler de Lahi Brahimaj. Il était au centre de
12 l'organisation des activités de l'UCK basée à Jabllanice et à partir de
13 Jabllanice. Il répondait au surnom de Maxhup, en tant que commandant, et il
14 était commandant du plus ancien QG de l'UCK. Avec d'autres membres de la
15 famille, y compris Nazmi et Naser, Lahi Brahimaj a, en fait, administré son
16 propre style de justice.
17 Lahi Brahimaj dirigeait la prison où des actes de mauvais traitement
18 et de maltraitance étaient commis. C'est dans cette prison qu'il a
19 interrogé régulièrement les prisonniers en les accusant d'être des traîtres
20 ou des espions, et il se livrait à des passages à tabac brutaux et à
21 d'autres passages à tabac en utilisant des bâtons et d'autres objets, ainsi
22 qu'en les frappant à l'aide de coups de pied ou à l'aide de poing. Il a
23 également encouragé d'autres personnes à se livrer à des mauvais
24 traitements et d'autres actes de maltraitance contre des détenus dans sa
25 prison, ce qui, en fait, donnait l'exemple à suivre, et il a également
26 empêché l'arrêt de ces actes de brutalité. J'en veux pour preuve les
27 paragraphes 235 à 239 de notre mémoire.
28 Les Témoins 3, 6 et Shefqet Kabashi, ainsi que le témoin protégé, ont tous
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1 confirmé la présence quasi-constante de Lahi Brahimaj à proximité de
2 Jabllanice et sa participation au passage à tabac de nombreux prisonniers.
3 Le Témoin 6 a déclaré qu'il avait été détenu pendant six semaines, entre la
4 mi-juin et le 25 juillet 1998. Il a dit : "Il ne se passait pas deux jours
5 sans que l'on voie Lahi Brahimaj là-bas". C'est la pièce P84, et page du
6 compte rendu d'audience T5218. Le Témoin 75 a confirmé également la
7 présence régulière de Lahi Brahimaj au centre de détention, et compte tenu
8 du fait que de nombreux témoins oculaires ont vu Lahi Brahimaj à Jabllanice
9 durant la période couverte par l'acte d'accusation, vous pouvez en déduire
10 ce qu'il est nécessaire d'en déduire. Et je fais référence au paragraphe 23
11 de notre mémoire.
12 Idriz Balaj était le commandant des Aigles noirs redoutés. Il était
13 également un visiteur régulier de Jabllanice. Le Témoin 75, Shefqet
14 Kabashi, ainsi que le témoin protégé ont tous confirmé sa présence à
15 plusieurs reprises durant la période couverte par l'acte d'accusation.
16 Idriz Balaj, avec Lahi Brahimaj et d'autres membres de la famille Brahimaj,
17 ainsi que d'autres soldats de l'UCK ont battu et torturé sauvagement Ivan
18 Zaric, Agron Berisha et Burim Betja et ont donné l'ordre de les tuer. En
19 tant que commandant haut gradé, son comportement et son manquement à
20 empêcher la commission de ces crimes brutaux a, en fait, contribué à la
21 commission d'autres crimes.
22 De nombreux témoins, y compris Stijovic, le Témoin 77 ainsi que
23 Shefqet Kabashi, ainsi que d'autres témoins - et j'en veux pour preuve les
24 paragraphes 16 à 19 et 80 à 84 de notre mémoire - ont confirmé la
25 réputation de Balaj qui faisait montre d'une violence excessive. Les
26 Témoins 77 et 29, ainsi que des soldats des forces armées de la République
27 du Kosovo, ont fait état de son extrême violence. (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé). Un autre
5 soldat de l'UCK de Jabllanice a également confirmé que Balaj avait
6 participé au passage à tabac de détenus au QG de Jabllanice.
7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous pouvez fermement rejeter
8 la suggestion que Balaj ne pouvait pas avoir été présent à la prison. Les
9 dépositions de Shefqet Kabashi, le témoin protégé, et du Témoin 75 ont tous
10 confirmé que Balaj avait été vu là-bas. Ylber Haskaj semble mentionner le
11 contraire, mais il a une raison très valable de témoigner en faveur de
12 Balaj, compte tenu de son étroite relation qu'il entretenait avec Balaj, et
13 ceci est confirmé à la pièce 40, paragraphe 29, où il dit qu'il a
14 énormément de respect pour Balaj et qu'il lui rendait visite dès qu'il le
15 pouvait, et qu'il était en contact régulier avec lui, et qu'ils avaient des
16 contacts téléphoniques depuis qu'il est à La Haye.
17 Et pour ce qui est des contributions de Balaj, je vous demande de vous
18 référer aux paragraphes 229 à 234 de notre mémoire.
19 Haradinaj et Balaj travaillaient en étroite collaboration et ont été vus
20 ensemble à plusieurs reprises, tel que ceci est mentionné par les incidents
21 liés au FARK, la confrontation entre Idriz Balaj, Ramush Haradinaj et les
22 soldats des FARK à la caserne de Prapaqan. Le mémoire, paragraphes 80 à 84.
23 La présence de Balaj et Idriz les 23 et 24 mai avec Ramush Haradinaj,
24 lorsque Lahi Brahimaj a parlé aux villageois de Grabanice. Et de plus,
25 c'est Balaj qui est parti à Glodjan. D'ailleurs, ils ont été observés sur
26 place par de nombreux témoins durant la période couverte par l'acte
27 d'accusation.
28 Est-ce que l'on pourrait passer rapidement à huis clos partiel, s'il
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1 vous plaît.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
4 clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
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16 (expurgé)
17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
19 Veuillez continuer, Monsieur Rogers.
20 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
21 Rrustem Tetaj a confirmé que Balaj était présent lorsque Tetaj a rencontré
22 Ramush Haradinaj pour la première fois en avril 1998 - c'est la pièce P76,
23 et page T3620 - et lorsque l'état-major régional à Glodjan a été constitué
24 vers la fin du mois de mai 1998.
25 Tout ceci est tout à fait cohérent avec les observations du témoin
26 protégé ainsi que d'autres qui étaient présents à Jabllanice.
27 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est clair que durant toute
28 cette période Ramush Haradinaj suscitait le respect chez ces pairs et parmi
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1 la population. Les hiérarchies militaires strictes n'existaient pas à cette
2 époque, et, par conséquent, c'était par une forme de respect populaire que
3 l'autorité existait.
4 Tout ceci était nécessaire pour asseoir son autorité, à savoir que
5 l'on reconnaissait qu'une personne qui donnait des instructions avait
6 suffisamment de poids pour dégager ce respect et de façon à ce que ces
7 ordres soient respectés. Il s'agit donc au moins d'une position d'influence
8 importante qui permet d'encourager ou de décourager un comportement donné.
9 Le commandement officiel n'est pas un ingrédient nécessaire pour
10 décider que l'on a contribué à la commission de crimes et que ceci donc est
11 considéré comme une intention commune. Une pluralité de personnes et une
12 contribution importante sont nécessaires. Et, Monsieur le Président,
13 Messieurs les Juges, ces contributions en ce qui concerne Ramush Haradinaj
14 sont présentées dans notre mémoire aux paragraphes 205 à 239 [comme
15 interprété].
16 Peut-on rapidement passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allons-y.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
19 [Audience à huis clos partiel]
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12 [Audience publique]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Monsieur Rogers, continuez.
14 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 Ramush Haradinaj, le neveu de Lahi Brahimaj, et un membre-clé des groupes
16 naissant de l'UCK Dukagjin, était un dirigeant respecté basé à Glodjan. Ce
17 respect a été renforcé lors de l'attaque de la maison familiale à Glodjan
18 en mars 1998, où il a subi des combats intenses de la part des Serbes et il
19 a pu y repousser.
20 Il est mentionné dans -- ce témoin mentionne, donc :
21 "Compte tenu de la résistance dont il avait fait preuve, cet incident a, en
22 fait, été relaté dans tout le pays, il a été arrivé à asseoir cette
23 résistance et à protéger sa famille et son village. Depuis ce jour-là, il
24 est devenu célèbre. Tout le monde le connaissait, il avait gagné le respect
25 de tous parce que, comme je l'ai dit, il était arrivé à résister et il
26 avait protégé sa famille et son village".
27 Il continue en disant :
28 "Donc, compte tenu de ce que je viens de dire, les gens le respectaient, et
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1 si vous faites l'objet de respect, vous faites objet également d'une
2 certaine autorité. Et je ne parle pas d'autorité légale, mais je parle
3 d'autorité qui émanait d'une personne qui était arrivée à protéger sa
4 famille et son village ainsi que son peuple. C'est ainsi que je comprends
5 les choses".
6 Sa réputation dans toute la région était déjà bien assise dès avril-mai
7 1998. Le Témoin 76 l'a décrit comme le Lord de Dukagjin. D'autres
8 déclaraient que "Ramush vivait sur terre et que Dieu vivait au paradis".
9 On peut le voir également parce que les commandants qui avaient été
10 formés dans les rangs de l'armée des sous-zones qui avaient été constituées
11 en 1990 avaient élu Ramush Haradinaj en tant que dirigeant. Alors, ils
12 avaient bien sûr, apparemment, accepté le fait qu'il s'agissait de
13 structures orientales, tel que Me Emerson l'a dit, mais en même temps, ils
14 avaient décidé de nommer comme dirigeant une personne, à savoir Haradinaj,
15 qui avait beaucoup moins d'expérience et de formation militaire qu'eux. Et
16 nous pensons que ceci montre bien qu'il suscitait un profond respect de la
17 part des populations civiles, mais également de la part des dirigeants
18 militaires.
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Ramush Haradinaj avait la même
20 intention que Lahi Brahimaj et Idriz Balaj de commettre des actes de
21 cruauté, de mauvais traitements, et de torture, et de tuer ceux qui étaient
22 opposés à l'UCK.
23 Les trois accusés ont travaillé de concert avec les autres
24 commandants locaux pour libérer le Kosovo et ce que l'UCK appelait "les
25 occupants". Et ils sont arrivés à éliminer les opposants et ceux qui les
26 soutenaient avec pour objectif de gagner le contrôle du territoire du
27 Kosovo. Dans cette zone, on le mentionne dans l'acte d'accusation, c'est-à-
28 dire la zone Dukagjin, et ces objectifs avaient pour objectif d'être mis en
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1 œuvre en partie par la commission de crimes.
2 Ramush Haradinaj a utilisé des moyens criminels pour arriver à ces fins, et
3 ceci est clair d'après l'appui et l'encouragement qu'il a reçus des
4 personnes qui lui étaient proches et d'autres personnes basées à Jabllanice
5 dès le départ, et suite à ses actions également dans toute la zone à partir
6 de juin 1998. Une de ses premières actions vers la fin du mois de juin 1998
7 était de continuer à mener cette stratégie en promulguant des
8 réglementations contenant des instructions à l'intention de la police
9 militaire. C'était la première branche d'application de la loi de l'UCK,
10 une organisation qui, cependant, ne fonctionnait pas dans le cadre d'une
11 structure juridique que l'on pouvait reconnaître. Monsieur le Président,
12 Messieurs les Juges, vous pouvez voir tous les détails de cela aux pièces
13 P349 et P190. Ce sont ces puristes qui avaient "pris les mesures visant à
14 débouter tous ceux qui travaillaient contre l'armée de l'UCK et de mener
15 des enquêtes et de découvrir tous ceux qui collaboraient avec l'ennemi".
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous vous souviendrez que la
17 police militaire existait bien avant la présence de ces ordres. Paragraphes
18 62 à 68.
19 Nous pensons que Ramush Haradinaj a continué à utiliser la police
20 militaire pour éliminer l'opposition, et cela faisait partie d'un objectif
21 qui avait déjà été identifié. Rrustem Tetaj l'explique à la pièce P77,
22 paragraphe 29, que Faton Mehmetaj, qui travaillait en étroite collaboration
23 avec Ramush Haradinaj durant la période couverte par l'acte d'accusation et
24 en mai et en juin 1998, il était basé au niveau du QG de Glodjan, et il
25 avait fait diffuser des listes noires parmi les gardes villageoises. En mai
26 1998, Tetaj avait été arrêté et interrogé par Mehmetaj et par Pjeter Shala
27 après avoir son nom inscrit sur cette liste. Shala avait été nommé au sein
28 de la police militaire par Lahi Brahimaj à partir du QG de Jabllanice.
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1 Il s'agit donc d'un autre exemple d'une étroite collaboration entre
2 l'UCK basée à Glodjan et le QG de Jabllanice, donc, pour utiliser Mehmetaj
3 dans le cadre de l'état-major régional de Glodjan sous la direction de
4 Ramush Haradinaj et Shala à partir de l'état-major de Jabllanice sous la
5 direction de Brahimaj.
6 L'objectif clair d'éliminer l'opposition était partagé par Ramush
7 Haradinaj, Lahi Brahimaj et Idriz Balaj pendant toute la période couverte
8 par l'acte d'accusation. Les instructions de Ramush Haradinaj à l'intention
9 de la police continuent à cibler les opposants qui étaient soupçonnés,
10 comme les instructions de Ramush Haradinaj qui ont été publiées le 24 juin
11 1990 [comme interprété] à l'intention des commandants de l'UCK et de la
12 population afin "d'éviter toute activité qui irait au détriment de notre
13 guerre" sous peine d'emprisonnement pour opposition à l'ordre. P196. Le
14 fait qu'il existait des listes noires avant l'unification officielle du
15 commandement de Ramush Haradinaj, qui couvriraient donc les QG de Glodjan
16 et Jabllanice et les ressources partagées des deux commandements pour
17 identifier les opposants montrent bien ces idéaux unifiés entre les trois
18 accusés et leur intention commune.
19 Les activités qui ont continué à Jabllanice jusqu'en juillet 1998
20 sont mentionnées par les Témoins 3, 6, et le témoin protégé, entre autres,
21 qui montrent bien ce qui est advenu à ceux qui étaient considérés comme
22 étant des opposants à l'UCK.
23 Ramush Haradinaj était un visiteur régulier à Jabllanice durant toute
24 la période couverte par l'acte d'accusation. Et d'ailleurs, au moins le 23
25 juin 1990 [comme interprété], Haradinaj, à partir de ce moment-là, avait le
26 commandement, de droit et de facto, de toute la structure de Jabllanice.
27 Lahi Brahimaj était donc devenu ensuite le commandant en second. Les
28 dépositions du témoin protégé confirment que Haradinaj, même avant sa
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1 nomination officielle en juin, était le commandant suprême. Et compte tenu,
2 en fait, de la région qui était limitée du point de vue géographique, il
3 aurait été impossible de ne pas savoir ce qui se passait là-bas.
4 Et nous savons, d'après les dépositions du témoin protégé, que Ramush
5 Haradinaj était présent à Jabllanice les 23 et 24 mai 1998, ou dans cette
6 période-là après l'attaque sur Grabanice lorsque 20 ou 30 villageois de
7 Grabanice étaient également présents. A ce moment-là, Lahi Brahimaj, c'est-
8 à-dire durant cette réunion, Lahi Brahimaj menaçait donc ces villageois et
9 leur disait qu'ils devaient combattre; sinon, ils n'auraient nulle part où
10 aller au Kosovo. Durant cette réunion, d'après la déposition d'un témoin
11 protégé, Ramush Haradinaj a été présenté aux villageois qui étaient
12 rassemblés en utilisant son nom, à savoir Ramush Haradinaj, et en le
13 présentant comme étant le commandant de la zone de Dukagjin. Balaj était
14 également présent avec Haradinaj.
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la seule raison pour laquelle
16 il était présent, il a été présenté aux villageois d'un village au nord de
17 Jabllanice, c'est-à-dire que d'un point de vue géographique, il était loin
18 de Glodjan, ça ne peut que signifier que l'on voulait montrer l'unité de
19 l'UCK et que l'on voulait montrer la position importante qu'occupait Ramush
20 Haradinaj en termes de commandement et d'autorité dans la zone, et de
21 montrer qu'il soutenait visiblement son oncle et son camarade de combat de
22 l'UCK, Lahi Brahimaj. Ceci, donc, est tout à fait cohérent avec sa position
23 importante d'autorité à l'époque.
24 Le fait qu'il avait été nommé commandant de l'état-major régional de
25 Dukagjin à l'époque est étayé par la déposition de Rrustem Tetaj, un
26 commandant d'une sous-zone qui était présent durant la réunion qui s'est
27 tenue aux environs du 23 mai 1998, lorsque les sous-zones ont été créées et
28 lorsque Ramush Haradinaj a été nommé en tant que commandant de l'état-major
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1 régional de Glodjan qui couvrait la zone de la plaine de Dukagjin.
2 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suggère pas que
3 Jabllanice à proprement parler faisait partie officiellement de l'état-
4 major régional de Dukagjin à l'époque. Ceci s'est produit plus tard. Mais
5 le fait qu'il avait déjà été nommé en tant que commandant de l'état-major
6 régional de Dukagjin aux environs du 23 mai 1998 est un fait.
7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avançons ici, et bien sûr,
8 ce sera à vous, le moment voulu, de déterminer que c'était vraiment le cas,
9 mais nous pensons fermement que le 23 ou le 24 mai, les victimes
10 mentionnées au chef d'accusation numéro 1 ont également dû être présentes à
11 Jabllanice, à la prison, lorsque Ramush Haradinaj s'y est rendu.
12 Nous savons d'après la déposition du témoin protégé que ces victimes
13 ont été aperçues à la prison de Jabllanice peu de temps après cette réunion
14 qui s'est tenue aux environs du 23 ou 24 mai, donc c'est après
15 l'arrestation à Bucan, et que ces victimes sont sorties du sous-sol de la
16 prison où elles étaient détenues. Compte tenu de l'exiguïté du site en
17 question, et des liens étroits familiaux et de l'étroite collaboration
18 entre Lahi Brahimaj et Ramush Haradinaj, et des objectifs unis des accusés
19 pour éliminer ce qui était perçu comme l'opposition dans la zone, il est
20 clair que Ramush Haradinaj a pu savoir que des victimes étaient détenues
21 là-bas.
22 Compte tenu de son poste important et du respect de l'autorité dont
23 il jouissait, le fait qu'il n'est pas intervenu et qu'il soutenait les
24 mauvais traitements signifiaient un encouragement aux auteurs de ces
25 crimes.
26 Dans son mémoire de fin de procès, Ramush Haradinaj parle des différents
27 moments où le témoin protégé a vu Ramush Haradinaj. Je parle ici de
28 l'action du 23-24 mai lorsque Lahi Brahimaj a présenté Ramush Haradinaj en
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1 tant que commandant de la zone de Dukagjin.
2 Nous pensons que d'après ce témoin il est évident, et il est évident
3 également pour d'autres témoins, que Haradinaj avait un poste qui lui
4 conférait une autorité suffisante au sein de l'UCK et dans la zone locale,
5 compte tenu également des liens familiaux très importants à Jabllanice et
6 avec Lahi. Le fait que les crimes aient continué à être commis à Jabllanice
7 lorsque Ramush Haradinaj était commandant montre qu'il a continué à
8 soutenir l'élimination de l'opposition par des moyens illicites. Le rôle
9 direct Lahi Brahimaj et d'Idriz Balaj dans la commission de ces crimes
10 montre bien leur engagement à atteindre un objectif commun. L'encouragement
11 très clair de la commission des crimes par Haradinaj peut être identifié,
12 entre autres, par l'adoption d'une politique visant à cibler des opposants
13 potentiels et par le fait qu'il ne prenait aucune mesure visant à punir
14 ceux qui avaient joué un rôle dans la commission de crimes.
15 Lorsqu'il a vu Skender Kuqi, et on a tous accepté qu'il l'avait vu,
16 il l'a vu au centre de détention. D'autres, tels que le témoin protégé, le
17 Témoin 6 et Pal Krasniqi étaient également détenus là-bas. Par conséquent,
18 il est impossible qu'il n'ait pas pu les voir, notamment étant donné qu'il
19 s'était occupé de Kuqi. Cependant, rien n'a été fait pour le devenir des
20 autres détenus. Personne n'a été puni et leur détention s'est poursuivie.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous mentionnons ceci aux
22 paragraphes 205 à 228, si vous voulez donc avoir toute une liste des
23 contributions qui, selon, nous sont celles de Ramush Haradinaj.
24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous aimerions également vous
25 référer aux autres éléments de formes de responsabilité contre chacun des
26 accusés qui figurent aux paragraphes 248 à 266 de notre mémoire.
27 Enfin, et très rapidement, je voudrais passer maintenant à la peine
28 demandée.
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1 L'Accusation avance que le rôle que chaque accusé a joué dans la
2 commission de ces crimes, compte tenu de leur gravité, la peine minimale ou
3 plancher qui devrait être imposée serait une peine de 20 ans de prison pour
4 chacun des accusés. En ce qui concerne Lahi Brahimaj, Monsieur le
5 Président, Messieurs les Juges, évidemment, vous calculerez cette peine en
6 donnant un crédit à M. Brahimaj compte tenu du temps qu'il a déjà purgé
7 pour les crimes pour lesquels il a déjà été condamné suite à son
8 comportement à Jabllanice.
9 Ceci met un terme à notre réquisitoire, Monsieur le Président, Messieurs
10 les Juges.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Rogers.Maître
12 Emmerson, c'est à vous.
13 [Plaidoiries]
14 M. EMMERSON : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est la première fois
15 aujourd'hui que ce Tribunal ou tout autre tribunal pénal international a
16 organisé la réouverture du procès sur l'ensemble des éléments de preuve que
17 l'Accusation souhaitait présenter après que l'accusé ait été finalement
18 acquitté sur la base des éléments de preuve présentés lors du procès
19 initial, et à bien d'autres égards il s'agit d'une affaire, ici, tout à
20 fait unique. Donc, avant que d'aborder mes arguments dans le détail, si
21 vous me le permettez, je vais parler un petit peu de la manière dont nous
22 sommes arrivés à notre raisonnement.
23 Cela fait plus de sept ans maintenant que Ramush Haradinaj a été mis
24 en accusation pour la première fois. A l'époque, il était premier ministre
25 par intérim au sein de gouvernement autoproclamé créé sous les auspices de
26 la MINUK au Kosovo, la Mission des Nations Unies au Kosovo. Il était perçu
27 comme un excellent dirigeant politique, un homme à même d'assurer
28 l'édification du Kosovo et qui recueillait l'appui de toute la communauté
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1 internationale. Et ce qui est encore plus important, c'est quelqu'un qui
2 s'était engagé à protéger les droits des minorités serbes qui se trouvaient
3 dans des poches à l'intérieur des frontières du Kosovo après la guerre.
4 Ainsi, il représentait une menace politique éventuelle aux yeux des
5 Serbes qui, à l'époque, s'étaient engagés à empêcher que le Kosovo ne
6 puisse faire sécession et arriver à son indépendance et qui s'étaient
7 engagés sans faire de compromis à rechercher la déposition de ses
8 dirigeants politiques.
9 Il est de notoriété publique que les représentants officiels de haut
10 rang ont présenté différents arguments au bureau du Procureur en ce sens
11 pour que M. Haradinaj soit poursuivi en justice. Les crimes allégués contre
12 lui dans l'acte d'accusation d'origine étaient fondés sur un dossier
13 d'éléments de preuve qui a été rassemblé par les services de Renseignements
14 serbes ainsi que la RDB, une organisation qui, comme tout un chacun le sait
15 - à la fin de nos arguments, nous allons vous le démontrer - était passée
16 maître dans le domaine de la manipulation des éléments de preuve. Il est
17 remarquable de constater qu'à l'intérieur de ce procès, et en particulier à
18 l'extérieur de ce prétoire, un homme respecté et un homme d'honneur, M.
19 Ramush Haradinaj, premier ministre de surcroît et serviteur de l'Etat, ait
20 été présenté par le bureau du Procureur lors du procès initial comme, et
21 comme il a été dit par la Chambre de première instance, quelqu'un sur
22 lequel on a pu mener des enquêtes. Ce sont les services de Renseignements
23 serbes qui ont mené ces enquêtes.
24 Cela est maintenant au dossier, ce sont des documents publics qui
25 indiquent que les avocats qui ont nommé Carla Del Ponte dès le départ ont
26 indiqué qu'il n'y avait pas d'affaire contre M. Haradinaj et lui ont
27 conseillé de ne pas le mettre en accusation. Elle l'a dit elle-même. Et
28 elle a dû changer son équipe de juristes plus d'une fois avant de pouvoir
Page 2801
1 trouver une équipe qui soit disposée à le poursuivre. Pour finir, elle l'a
2 fait. Elle a réussi à créer une équipe qui s'est mise au devoir
3 d'interroger ou d'enquêter sur cette affaire contre Ramush Haradinaj. Mais
4 lorsque ceci a été fait lors du premier procès, comme on pouvait s'y
5 attendre, ceci s'est effondré. Et comme on pouvait s'y attendre, ceci avait
6 effectivement été prévu par les deux équipes d'avocats qu'elle avait
7 nommées à l'origine pour le poursuivre.
8 Messieurs les Juges, vous arriverez peut-être à la conclusion
9 qu'après avoir entendu les éléments de preuve dans leur espèce, et en
10 tenant compte des passages qui ont été versés au dossier et qui émanent
11 d'autres affaires, que certains des crimes allégués dans cet acte
12 d'accusation ont effectivement été commis. Et vous pourrez en conclure que
13 certains de ces crimes avaient été commis à Jabllanice. Mais pour ce qui
14 est des questions de savoir si Ramush Haradinaj est en cause, et c'est la
15 seule question qui se pose, est de savoir s'il a participé, autorisé ou
16 approuvé ces crimes ou s'il a été partie à une entreprise criminelle
17 commune qui favorisait la commission de ces crimes.
18 Rien ne laisse entendre et il ne pourrait pas y avoir d'élément au vu
19 des éléments de preuve que Ramush Haradinaj ait eu un quelconque contrôle
20 opérationnel au quotidien à Jabllanice. Rien ne permet de croire et rien ne
21 permettrait de croire au vu des éléments de preuve, que Ramush Haradinaj
22 ait jamais commis d'acte illégal à Jabllanice. Rien ne permet de laisser
23 entendre au vu des éléments de preuve qu'il ait jamais été présent à
24 Jabllanice au moment où les crimes allégués dans cet acte d'accusation ou
25 d'autres actes ont été commis.
26 Dans ce contexte, je vais maintenant avancer l'argument téméraire suivant :
27 c'est qu'aucune personne qui a assisté à cette réouverture du procès ne
28 peut avoir un quelconque doute sur l'issue de ce procès en ce qui concerne
Page 2802
1 Ramush Haradinaj. Il est apparu aux yeux de tous que dès le départ la thèse
2 de l'Accusation reposait sur deux témoins-clés qui constituaient les
3 piliers centraux de la thèse de l'Accusation, le Témoin 81 et le témoin que
4 je vais décrire sous le nom du Témoin X, qui est le témoin protégé de M.
5 Rogers et qui était en réalité protégé. Donc les deux éléments-clés qui
6 sont au cœur de la thèse de l'Accusation étaient le Témoin 81 et le Témoin
7 X. M. Rogers lui-même en a parlé à plusieurs reprises et a dit qu'il
8 s'agissait de témoins vitaux, essentiels dans l'affaire contre Ramush
9 Haradinaj, et ce, dès le début. Il s'agissait de témoins cruciaux. Et sans
10 eux, la thèse ne pouvait être défendue.
11 Bien évidemment, ces deux personnes étaient protégées, bénéficiaient
12 de mesures de protection, et donc pouvaient déposer sans crainte, et ces
13 deux témoins sont des témoins sur lesquels l'Accusation s'est fondée sans
14 équivoque dès le départ pour étayer une allégation qui est précisée par
15 l'acte d'accusation comme étant essentielle à sa thèse, à savoir que M.
16 Haradinaj était à la fois présent et a participé directement aux crimes
17 odieux qui constituent le fondement du premier chef d'accusation dans
18 l'acte d'accusation, à savoir le meurtre et le fait d'avoir défiguré trois
19 jeunes garçons adolescents. Ceci est essentiel à la thèse de l'Accusation.
20 Messieurs les Juges, vous vous souviendrez qu'au moment où j'ai présenté ma
21 thèse, j'ai dit que ces éléments de preuve ne pourraient absolument pas
22 être retenus. Cela n'est absolument pas possible parce que cet homme qui
23 est assis derrière moi est un homme d'honneur, et un homme d'honneur ne
24 serait pas là les bras ballants alors que des crimes aussi épouvantables
25 étaient commis sous ses yeux. Donc je vous ai laissé entendre que ces
26 éléments de preuve ne pourraient aucunement être retenus, et c'est ainsi
27 que les choses se sont passées.
28 Le Témoin 81 est venu de son plein gré à La Haye. Il semblerait qu'il
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1 y ait été poussé par les autorités serbes. A savoir, encore une fois, un
2 exemple de la décision de l'Accusation à se fonder sur les renseignements
3 fournis par les services de Renseignements serbes qui avaient mis en cause
4 un premier ministre qui avait été élu de façon démocratique dans un Etat
5 indépendant qui venait d'émerger au Kosovo.
6 Dans son élément de preuve -- lorsqu'il est venu déposer, c'était si
7 manifestement malhonnête de sa part parce qu'il a imaginé tous ces éléments
8 de preuve, et ce, de toutes pièces. Il a passé 15 [comme interprété] jours
9 à se contorsionner comme un serpent autour d'un bâton. C'était douloureux à
10 voir. Et c'était un spectacle édifiant pour toutes les personnes qui ont
11 été le témoin de ceci à l'intérieur et à l'extérieur du Tribunal. C'était
12 un témoin qui dégoulinait des mensonges si visqueux et qui se prélassait
13 dans la fange de la malhonnêteté qu'il avait besoin d'aller se laver les
14 mains en quittant le prétoire. Ceci faisait froid dans le dos que de voir
15 un témoin qui pouvait mentir si facilement, et ce, de façon aussi répétée
16 et avec force de détails et qu'un Procureur responsable pouvait se fonder
17 sur de tels éléments et qui constituaient, en réalité, la pierre angulaire
18 de sa thèse.
19 Cela ne surprend personne, donc, que M. Rogers a finalement adopté la
20 position qui était la sienne aujourd'hui. Le premier témoin star contre M.
21 Haradinaj -- avant que je n'en parle, M. Rogers a dit qu'il allait
22 simplement prendre la première carte qui se trouvait dans son jeu de 52
23 cartes, qu'il n'avait pas l'intention de se déposer sur la déposition du
24 Témoin 81. J'enjoins les Juges de la Chambre à écarter les éléments de
25 preuve qui sont aussi peu fiables et à les traiter comme s'ils ne faisaient
26 pas partie du compte rendu d'audience.
27 Mais c'est, malgré tout, M. Rogers qui a décidé de présenter ces
28 éléments-là. Je vous demande enfin de vous souvenir du témoin sur lequel
Page 2804
1 s'est fondée l'Accusation et de maintenir en détention un homme sur la base
2 d'éléments de preuve qui sont si manifestement fabriqués de toutes pièces
3 que vous avez été conduits à ne plus vous reposer sur ces éléments de
4 preuve malgré l'énormité et la gravité des allégations qui sont faites.
5 M. ROGERS : [interprétation] Ceci est absolument inconvenant. Je demande à
6 ce que les remarques personnelles de genre ne soient pas énoncées dans le
7 cadre d'un réquisitoire, et je demande à ce que M. Emmerson cesse.
8 M. EMMERSON : [interprétation] J'espère que -- M. Rogers préfère peut-être
9 que je le tourne différemment. Il a besoin d'endosser la responsabilité
10 pour une décision prise par l'Accusation de se fonder sur un témoin qui n'a
11 rien pu prouver. M. Rogers, personnellement, a indiqué qu'il n'était
12 absolument pas fiable. Combien de temps les Juges de la Chambre ont-ils
13 pris pour se rendre compte que ce témoin ne connaît pas le sens du mot
14 vérité ? Néanmoins, M. Rogers a passé des jours à l'interroger, et il a
15 pris cette décision simplement pour mettre ces paroles-là dans sa bouche.
16 Il s'agissait d'un témoin vital sur lequel se fonde l'ensemble de cette
17 affaire. Donc, pardonnez-moi, je trouve ça difficile d'entendre ces propos
18 -- c'est de sa responsabilité, ceci a été dit publiquement et il faut le
19 condamner publiquement. Pas simplement parce que nous arrivons à la fin de
20 cette affaire et de le dire en passant que c'est important. Il faut savoir
21 si le témoin a dit la vérité ou non, et donc il faut y consacrer du temps.
22 Pardonnez-moi. Il s'agit d'un témoin qu'il faut simplement écarter et ne
23 pas aborder les autres éléments de preuve en ce qui le concerne.
24 Alors, je vais maintenant parler du Témoin X, qui est le deuxième Témoin X
25 qui au départ ne voulait pas venir témoigner à La Haye et que l'on a fait
26 venir pour parler des crimes épouvantables cités au chef numéro 1. Et à
27 l'origine, il n'avait pas voulu venir témoigner dans le cadre de ce procès.
28 Il ne souhaitait pas venir à La Haye --
Page 2805
1 M. ROGERS : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que nous pouvons
2 passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis
4 clos partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
6 clos partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
11 Greffier.
12 Maître Emmerson.
13 M. EMMERSON : [interprétation] Alors, je vais maintenant passer au deuxième
14 témoin star qui a été appelé par M. Rogers comme un témoin essentiel à sa
15 thèse et qui répondait à l'allégation essentielle qui consistait à dire que
16 M. Haradinaj était présent et a participé aux crimes allégués au chef
17 numéro 1.
18 Comme vous le savez, Messieurs les Juges, le témoin que nous appelons le
19 Témoin X ne souhaitait pas se rendre à La Haye pour témoigner. Et donc,
20 après avoir tenté d'obtenir sa déposition, la Chambre de première instance
21 ainsi que tous les avocats dans cette affaire se sont rendus dans un
22 endroit éloigné hors siège pour entendre sa déposition. Après quelque
23 hésitation, il a fourni son récit. Il a parlé des crimes qui ont fait
24 l'objet du chef numéro 1 et du chef numéro 6 de l'acte d'accusation, et ce,
25 avec force détails, et il a dit que Ramush Haradinaj n'avait rien à voir ni
26 avec l'un ni avec l'autre. Il a insisté à de maintes reprises pour dire que
27 quoi qu'ait consigné l'Accusation eu égard à des déclarations incohérentes
28 qu'il avait signées et qui n'ont pas été versées au dossier, le récit qu'il
Page 2811
1 fournissait aux Juges de la Chambre sous serment correspondait à la vérité.
2 Il n'était manifestement pas timide lorsqu'il s'agissait de faire des
3 allégations sur la commission de crimes à Jabllanice ou à propos de membres
4 haut gradés de l'Armée de libération du Kosovo. Il a fait de très graves
5 allégations sous serment contre M. Balaj, M. Brahimaj et d'autres personnes
6 qu'il a citées. Il ne me revient pas de répondre de ces allégations ou de
7 faire des commentaires dessus. Cela revient à d'autres. Mais pour ce qui
8 est de M. Haradinaj, sa déposition était claire et cohérente, et M. Rogers,
9 en réalité, a accepté cela. Le Témoin X n'a jamais vu M. Haradinaj à aucune
10 de ces occasions à Jabllanice où il a vu des crimes qui ont été commis et
11 il ne prétend jamais avoir vu M. Haradinaj entrer dans l'enceinte de
12 l'endroit où ces crimes présumés ont été commis. Il ne l'aurait vu que dans
13 un bâtiment dont il donne le nom et qui se trouve au centre de Jabllanice.
14 Une fois, il a aperçu, vers le 23 ou 24 mai, M. Haradinaj, dit-il, au
15 QG de l'UCK à Jabllanice. Mais d'après sa déposition, si l'on estime que la
16 date est celle de la fin mai, il est clair qu'il était -- et il vous l'a
17 dit, Messieurs les Juges, qu'il n'a pas eu de contact direct avec M.
18 Haradinaj. M. Haradinaj était tellement entouré de gens qu'il avait du mal
19 à le voir et il ne savait pas ce que faisait Haradinaj à cet endroit-là. Il
20 ne lui a pas été présenté comme étant le commandant, malgré ce qu'a dit M.
21 Rogers, parce qu'il n'a jamais été commandant à Jabllanice. Et Jabllanice
22 ne faisait pas partie d'un commandement conjoint, mais plutôt, Lahi
23 Brahimaj a dit au Témoin X que l'homme qui se trouvait au centre de la
24 foule était Ramush Haradinaj, et c'est tout pour ce qui est de cette
25 première occasion.
26 Alors, pour ce qui est du deuxième exemple, il dit avoir vu M.
27 Haradinaj qui faisait des remontrances à Lahi Brahimaj sur le mauvais
28 traitement de Skender Kuqi. J'y reviendrai un peu plus tard, mais le Témoin
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1 X a dit qu'il a vu, après que les blessures de M. Kuqi lui aient été
2 infligées, que M. Haradinaj est arrivé sur les lieux et qu'il y avait un
3 problème entre M. Haradinaj et M. Brahimaj. Il dit qu'il a constaté que M.
4 Haradinaj était très préoccupé par rapport à ce qui était arrivé à Skender
5 Kuqi, et il a dit que M. Haradinaj insistait auprès de Lahi Brahimaj pour
6 qu'il lui fournisse une explication. Il lui a dit : "Pourquoi lui as-tu
7 fait cela ?"
8 Si cela est vrai et si l'Accusation présente ce témoin qui n'est pas
9 qualifié, d'après eux, comme étant un témoin susceptible de dire la vérité,
10 et ce qui est encore plus important eu égard à ce détail et cet exemple de
11 faire des remontrances par rapport à ces blessures qui ont été infligées,
12 et ceci est corroboré par un autre témoin, Rrustem Tetaj, qui était
13 également présent et dont je vais aborder la déposition un peu plus tard,
14 donc si cela est vrai, il est difficile de croire qu'il s'agit de la
15 réponse d'un commandant qui était partie à une entreprise criminelle
16 commune aux fins de maltraiter et de tuer les détenus de Jabllanice. Ceci
17 ne permet même pas d'étayer une allégation de responsabilité pénale qui
18 impliquerait une intervention de ce type où un commandant avec un lien ténu
19 avec l'armée devrait agir ainsi. Donc, en réalité, les éléments de preuve
20 prouvent tout à fait l'inverse de ce qu'avance la thèse de l'Accusation.
21 Donc, d'après les éléments de preuve, et le seul élément de preuve
22 dont on dispose à propos de M. Haradinaj repose sur le deuxième témoin star
23 de l'Accusation, les deux piliers de la thèse de l'Accusation. Pour autant
24 que cela soit utilisé pour se fonder sur une thèse pour accuser M.
25 Haradinaj, eh bien, ceci s'est tout simplement effondré au moment où
26 l'Accusation a abandonné son Témoin 81, lorsque le Témoin 81 est venu dire
27 la vérité sur Ramush Haradinaj. Donc l'ensemble de la thèse de l'Accusation
28 s'est totalement effondré. Peut-être que vous ne l'avez pas repris sur ce
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1 point lorsque M. Rogers a présenté son argument. Il n'a pas dit que
2 l'ensemble de sa thèse s'était effondré. Il souhaite maintenant se reposer
3 sur l'entreprise criminelle commune, une thèse subsidiaire, ou qu'il essaie
4 de mettre sur pied -- il essaie, en filigrane, d'y indiquer quelles sont
5 les dates, et il veut présenter le Témoin X pour que la Chambre de première
6 instance puisse faire des déductions à partir de cela.
7 Le fait est que l'Accusation a dû abandonner son allégation-clé qui
8 constituait la pierre angulaire de sa thèse contre M. Haradinaj, à savoir
9 qu'il était présent et qu'il a participé aux crimes odieux qui figurent au
10 chef d'accusation numéro 1. Si c'eut été le cas, évidemment, il aurait pu
11 être condamné au chef 1, car tout commandant qui aurait été le témoin de
12 cela sans réagir serait accusé de ces actes. Mais il n'y a pas un seul
13 élément de preuve pour attester de cela, et c'est tout à fait l'inverse en
14 ce qui concerne les éléments de preuve présentés par l'Accusation.
15 Donc, malgré les tentatives faites par M. Rogers de se reposer sur
16 des éléments de preuve mal définis et nébuleux pour indiquer que M.
17 Haradinaj ait participé d'une manière assez indéfinie à l'entreprise
18 criminelle commune, M. Rogers a, en fait, admis qu'il n'avait pas d'élément
19 de preuve dans son mémoire écrit ou que les éléments fournis par
20 l'Accusation coïncident avec un acquittement.
21 Aux paragraphes 202 et 243 du mémoire en clôture de l'Accusation, il
22 propose une thèse subsidiaire, une analyse subsidiaire de leur propre
23 thèse, et les éléments de preuve sur lesquels il se fonde, à savoir que les
24 éléments de preuve permettent de montrer d'après l'acte d'accusation, et
25 ce, au-delà de tout doute raisonnable, que M. Brahimaj et M. Balaj ont
26 participé à l'entreprise criminelle commune avec les autres membres de la
27 famille de Brahimaj ainsi que d'autres soldats de l'UCK pour commettre les
28 crimes qui figurent dans cet acte d'accusation sans que M. Haradinaj ait
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1 été une partie à cet accord. En d'autres termes, l'Accusation laisse
2 entendre, et les termes sont tout à fait clairs, puisqu'il s'agit d'un
3 élément subsidiaire à sa thèse, à savoir que M. Haradinaj n'est pas
4 coupable. Aux paragraphes 202 et 243.
5 Cette concession est inévitable et elle est juste, mais elle peut
6 également être perçue comme une reconnaissance implicite de la part de
7 l'Accusation du verdict rendu contre M. Haradinaj et qui est quasi-
8 inévitable. Comment l'Accusation peut-elle dire que les éléments de preuve
9 concordent et vous dire d'une même voix qu'elle peut prouver sa culpabilité
10 au-delà de tout doute raisonnable ?
11 Messieurs les Juges, à la fin du premier procès, la thèse de l'Accusation
12 contre M. Haradinaj a été mortellement touchée, et la Chambre de première
13 instance, au vu des éléments de preuve dont elle disposait, l'a à juste
14 titre acquitté. A la fin de cette réouverture de procès, la thèse de la
15 Défense [comme interprété] n'est pas simplement mortellement touchée, mais
16 fort heureusement est simplement disparue dans le fossé, ce qui rassure bon
17 nombre de personnes au Kosovo.
18 Cela ne signifie pas nécessairement qu'il a été erroné d'ordonner la
19 tenue d'un nouveau procès. En fait, la conséquence de cette décision a été
20 de prolonger cette agonie d'incertitude pour M. Haradinaj et pour sa
21 famille. Bien sûr, cela l'a privé de sa liberté pour très longtemps et a
22 privé le Kosovo de son dirigeant politique le plus efficace pendant la
23 période-clé de son histoire, et c'est exactement ce que souhaitaient les
24 autorités serbes, bien entendu.
25 Mais un objectif très important a été finalement atteint par cette
26 décision dans l'affaire contre M. Haradinaj. A la fin du premier procès, il
27 y avait des gens, c'était certain, qui ne souhaitaient pas ce procès dans
28 un premier temps, c'étaient ceux qui n'étaient pas prêts à reconnaître le
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1 verdict, et nous le savons, c'est monnaie courante au sein de la communauté
2 diplomatique, au sein de la communauté judiciaire, devant les tribunaux
3 pénaux internationaux. De manière réitérée, les responsables serbes
4 briefaient les médias et d'autres, faisant valoir que ce jugement
5 d'acquittement a été obtenu de manière incorrecte, injuste, que les
6 éléments de preuve pertinents n'ont pas pu être présentés. Au moins, on ne
7 pourra jamais dire chose pareille de ce nouveau procès. La Chambre de
8 première instance a entendu absolument tous les éléments de preuve. Elle a
9 cherché à présenter, à entendre, à être saisie de tous les éléments.
10 L'Accusation a eu l'autorisation de citer tous les témoins qu'elle a
11 souhaité.
12 Tous les témoins de l'Accusation, que l'Accusation a souhaité citer,
13 ont finalement été entendus d'une manière ou d'une autre. Il y a eu des
14 reports d'audience pendant des mois et des mois afin d'entendre les
15 dépositions des témoins qui n'étaient pas disponibles immédiatement, en
16 dépit de toutes les difficultés que cela a représenté. La Chambre de
17 première instance a fait tout ce qu'elle a pu pour rendre service à
18 l'Accusation pour qu'elle -- elle est allée au bout du monde,
19 littéralement, pour pouvoir entendre la déposition des témoins. Donc
20 personne ne pourra critiquer ce nouveau procès d'avoir omis de présenter
21 des éléments de preuve.
22 Lorsque M. Haradinaj aura été déclaré innocent, non coupable, cette
23 fois-ci, comme il doit l'être, eh bien, on ne pourra pas remettre en
24 question l'équité de ce jugement. Et je vais vous demander dans votre
25 jugement non seulement de préciser que l'Accusation n'a pas pu démontrer sa
26 cause, mais aussi d'aller au-delà, d'aller au-delà, de préciser tout ce qui
27 par le biais des témoins biaisés au cours des sept années de procès n'a pas
28 été démontré, à savoir que mon client est innocent des crimes qui lui sont
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1 reprochés. Donc le mensonge que M. Haradinaj a été complice dans ces
2 crimes, dans la commission des crimes de guerre, finalement a été entendu
3 devant cette Chambre de première instance. Mais tous les coins obscurs de
4 la cause de l'Accusation ont finalement été exposés à la lumière du jour,
5 tous les témoins évasifs ont pu être interrogés et contre-interrogés, tous
6 ces témoins que les autorités serbes ont remis à l'Accusation, en essayant
7 d'obtenir la déclaration de culpabilité de M. Haradinaj. Donc au cours de
8 ces deux procès, nous avons pu bénéficier de la présentation des preuves
9 devant des Juges indépendants, et finalement la vérité a pu être entendue.
10 Et cette vérité constitue la conclusion des éléments de preuve qui, tous,
11 convergent vers une même conclusion, la conclusion qui a été atteinte par
12 toute une série de Procureurs expérimentés du bureau du Procureur, qui ont
13 dit d'ores et déjà en 2005 à Carla Del Ponte qu'il n'y avait pas de cause
14 contre Ramush Haradinaj. Et parlons-en, parlons du Témoin 81. Quelle honte.
15 Ils lui ont dit, ceux qui ont été ses conseillers d'emblée, que ces
16 éléments de preuve ne constituaient même pas l'ombre d'une preuve contre M.
17 Haradinaj, comme quoi il aurait commis ou approuvé la commission de crimes
18 déshonorants contre des prisonniers vulnérables, non il s'est conduit, il a
19 été guidé par des principes nobles; il a été une figure très populaire au
20 Kosovo. C'est quelqu'un qui a fait preuve de courage, qui a déployé des
21 efforts, qui s'est sacrifié, lui et ainsi que des membres de sa famille,
22 pour protéger son peuple. Il adorait le Kosovo, il est populaire à cause de
23 ses qualités en tant que soldat.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, s'il vous
25 plaît - excusez-moi de vous interrompre - est-ce que vous pourriez arrêter
26 d'appuyer sur votre crayon.
27 M. EMMERSON : [interprétation] Ce que l'Accusation cherche à faire
28 conclure, en s'appuyant donc sur cette image très positive qu'avait M.
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1 Haradinaj auprès de sa population, c'est que d'une certaine manière c'était
2 une brute qui aurait intimidé une population entière. Mais la réalité est
3 toute contraire. Il est aimé, il est populaire à cause de ses qualités de
4 soldat et d'homme politique. On ne devient pas un dirigeant aimé et
5 populaire parce qu'on commet des crimes contre des civils vulnérables. Et
6 les gens le savent. Ils connaissent la différence.
7 Tous les héros de guerre ne sont pas des criminels de guerre. M.
8 Haradinaj est un homme intègre, qui s'est battu de manière honorable.
9 Je vois l'heure, nous devrions peut-être faire une pause.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous reviendrons à
11 17 heures 45. Merci.
12 --- L'audience est suspendue à 17 heures 14.
13 --- L'audience est reprise à 17 heures 45.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson.
15 M. EMMERSON : [interprétation] Comme, Messieurs les Juges, le savent,
16 l'acte d'accusation en l'espèce couvre la période de l'année 1998, c'est le
17 moment où l'UCK essayait de se constituer.
18 Pendant la première moitié de l'année 1998, l'UCK était constitué
19 d'un petit nombre de combattants déterminés tout comme M. Haradinaj, avec
20 un nombre toujours croissant de volontaires qui n'étaient pas formés, pas
21 entraînés, qui étaient mal équipés. Et, un élément important qui émerge des
22 éléments de preuve que nous avons entendus est la structure de cette
23 organisation naissante. Elle a été décrite pendant le premier procès par le
24 colonel Crosland, l'attaché militaire de l'ambassade britannique à
25 Belgrade. Donc c'était une structure qui était surtout horizontale plutôt
26 que verticale.
27 Et on sait parfaitement que l'UCK ne saurait absolument pas être
28 comparé à une force militaire conventionnelle, et n'avait absolument pas
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1 une structure de commandement comme l'ont les forces conventionnelles. M.
2 Rogers l'a affirmé précédemment lui-même, les hiérarchies militaires au
3 sens strict du terme n'étaient simplement pas encore en place. Et c'est la
4 raison pour laquelle sans aucun doute l'Accusation n'a jamais formulé ces
5 chefs d'accusation au titre de l'article 7(3), donc ces accusations contre
6 M. Haradinaj.
7 La réalité est qu'il n'y avait pas de structure de commandement
8 effectivement en place pendant la période couverte par l'acte d'accusation.
9 La plupart de ceux qui ont combattu dans les rangs de l'UCK étaient des
10 villageois, qui revenaient simplement à leurs occupations régulières en
11 tant qu'agriculteurs lorsqu'ils ne combattaient pas. Donc c'était en fait
12 des agriculteurs, ils n'avaient pas d'uniforme pour la plupart d'entre eux,
13 ils n'avaient pas suffisamment d'armes. Vous avez entendu parler de cela eu
14 égard à un village qui a été attaqué par les Serbes; il y avait quatre
15 hommes qui devaient se servir d'une seule et même arme. Ils n'avaient
16 absolument pas de technologie moderne militaire, absolument pas de systèmes
17 de transmission moderne. C'étaient simplement des combats asymétriques avec
18 un nombre croissant de civils d'un côté, une sorte de garde patriotique,
19 qui a pris des armes pour défendre leurs propres villages, leurs
20 communautés, face à une armée serbe bien supérieure. Il n'y avait pas du
21 côté albanais d'armée professionnelle, pas de conscription, pas de
22 commandement unifié, rien qui pourrait être comparable à une armée
23 conventionnelle, pas d'autorité centralisée.
24 Et M. Haradinaj, donc c'est l'homme qui a survécu à l'attaque serbe
25 du 24 mars, donc c'est lui en fait qui devient de fait le commandant de
26 ceux qui cherchent à le suivre, qui décident de le suivre.
27 Et donc ce deuxième procès, nous nous sommes en fait polarisés avant tout
28 sur les détails très noirs de tout ce qui s'est passé à l'intérieur d'une
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1 petite enceinte située à Jabllanice. Les crimes visés à l'acte
2 d'accusation, en fait, ne concernent que les événements qui se sont
3 produits à l'intérieur de ces quatre murs. Mais afin d'essayer d'établir un
4 lien entre M. Haradinaj, le commandant qui se situe aux côtés opposés de la
5 zone Dukagjini, le Procureur en fait a fait un choix très sélectif
6 d'éléments pour, en fait, s'appuyer sur une analyse beaucoup plus large des
7 relations de commandement au sein de l'UCK et pour nous montrer que M.
8 Haradinaj, en fait, était censé exercer une influence sur ceux de
9 Jabllanice. Donc, ce que je vais essayer c'est un peu de changer d'angle de
10 vue maintenant. Je voudrais qu'on ait une vue d'ensemble du conflit au
11 Kosovo occidental pendant la période visée à l'acte d'accusation pour que
12 nous comprenions quelle est l'importance de ces crimes qui ont été commis à
13 l'intérieur de cette petite enceinte. Comment est-ce qu'ils correspondent à
14 la réalité des événements au moment où M. Haradinaj, en fait, est déployé à
15 l'autre côté de cette même région.
16 Alors, une vue d'ensemble serait la meilleure façon de faire voler en
17 éclat ce mythe qui essaie laborieusement de propager l'Accusation. Donc
18 lorsqu'ils affirment que --
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous êtes en train de nous dire que M.
20 Haradinaj, d'après ce que nous avons entendu, ne s'est jamais rendu sur
21 place dans cette enceinte ?
22 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Il n'y a pas de preuve ou
23 d'élément de preuve présentés ici que M. Haradinaj se soit jamais rendu
24 dans cette enceinte où étaient détenus les prisonniers, d'ailleurs, à
25 Jabllanice.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Je vous ai mal compris.
27 M. EMMERSON : [interprétation] C'est un point très important.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Le seul élément qui le montre se rendant au
2 QG de l'UCK dans la maison familiale de Brahimaj, montre qu'il est allé
3 donc dans cette maison familiale et non pas dans l'enceinte où étaient
4 détenus les prisonniers.
5 Donc, nous n'avons absolument pas de preuve qu'il n'a été jamais présent là
6 où les crimes ont été commis, et on a pas démontré qu'il s'y soit rendu. Il
7 était à des kilomètres de distance par un terrain très accidenté, et il a
8 essayé péniblement de s'opposer aux forces serbes là-bas. Donc, je vais
9 essayer maintenant de résumer un peu les pierres de touche de cette pièce.
10 Donc je vais peut-être m'intéresser un petit peu rapidement au contexte
11 politique. Pendant la décennie qui a précédé le conflit qui a éclaté au
12 début de 1998, nous avons vu apparaître, se manifester un certain nombre de
13 dirigeants politiques albanais, des Kosovars de souche, et nous avons
14 entendu parler de la Ligue démocratique du Kosovo, la LDK, constituée en
15 1989, sous la direction d'Ibrahim Rugova, et vous avez entendu parler
16 également de l'attitude pacifique de la LDK qui cherchait à prôner une
17 solution non violente, donc qui cherchait la voie du dialogue avec
18 Belgrade. Et c'est particulièrement pertinent en l'espèce. Vous vous
19 rappellerez un témoin - et je ne vais pas en parler en audience publique -
20 un témoin qui a témoigné à huis clos - et il vous a dit que dans son
21 village les gens supportaient surtout Rugova et sa LDK, et il a dit que
22 c'est pour cette raison que Lahi Brahimaj ne les aimait pas, et qu'ils ont
23 été punis ainsi que ceux de Jabllanice. Je veux simplement vous démontrer
24 qu'il n'y a absolument pas d'élément de preuve démontrant que Ramush
25 Haradinaj, qui agissait de l'autre côté de la zone de Dukagjin, considérait
26 que la LDK constituait un adversaire politique pour lui. D'ailleurs, quand
27 il est devenu premier ministre kosovar, il a formé un gouvernement de
28 coalition avec la LDK de Rugova.
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1 Puis vous avez une autre tendance politique au Kosovo qui s'est
2 articulée, c'était le Mouvement populaire kosovar, qui prônait une
3 résistance directe aux Serbes par voie de soulèvement armé, y compris, et
4 c'était par organisation de poches de résistance armée qu'ils ont procédé.
5 Mais c'est uniquement à la fin de 1997, donc quelques mois avant le début
6 de la période couverte par l'acte d'accusation, que l'Armée de libération
7 kosovar, l'UCK, se manifeste pour la première fois publiquement au Kosovo.
8 Et cela vous donne une idée de la durée de son existence.
9 Alors, le président Milosevic et ses partisans, à ce moment-là, avaient
10 décidé à procéder à l'étape suivante dans leurs plans pour le Kosovo, à
11 savoir ils allaient détruire les villages albanais qui étaient perçus comme
12 constituant le cœur de la résistance armée, résistance opposée au régime
13 serbe. Et au début de l'année 1998, on commence donc avec le début de la
14 mise en œuvre de ce plan par Belgrade.
15 Et nous avons les premières attaques serbes qui se produisent fin
16 février, début mars 1998. Le 28 février 1998, les Serbes lancent une
17 attaque sans avertissement aucun sur deux villages dans la région de
18 Drenica; Kiroz et Likoshan. Donc, ils attaquent en ouvrant le feu de
19 manière indiscriminée contre les civils, hélicoptères, véhicules blindés
20 militaires, des mortiers, des mitrailleuses sont utilisées. A la fin de la
21 journée, nous avons 26 Albanais, y compris une femme enceinte, qui ont été
22 tués, et parmi eux il y en a beaucoup qui ont été tués quasiment à bout
23 portant. Et 12 de ces personnes, au moins, ont été tuées après avoir été
24 arrêtées par la police serbe. Donc ça, ça a été le premier jalon.
25 Puis le 5 mars 1998, juste trois semaines avant l'attaque sur
26 l'enceinte Haradinaj, les forces serbes ont attaqué la famille à Adem
27 Jashari. Après que les forces spéciales de la police ont pilonné l'enceinte
28 de la famille Jasari, les forces terrestres sont entrées, investies
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1 l'endroit et simplement ont tiré sur tous ceux qui respiraient encore.
2 Cinquante-huit personnes ont été tuées dont 18 femmes et 10 enfants qui
3 avaient moins de 16 ans. Et à peu près au même moment, il y a eu une
4 attaque qui a été lancée contre le village de Laushe. En tout, 80 Albanais
5 de souche, donc Albanais kosovars ont été tués dans ces opérations
6 brutales, y compris non seulement des femmes mais aussi des enfants en bas
7 âge et des personnes âgées. Et il est tout à fait évident quel impact cela
8 pouvait avoir sur la population albanaise à la campagne, donc vivant au
9 Kosovo occidental. Et d'ailleurs, nous avons compris que c'est un sentiment
10 d'insécurité, une situation très instable, donc, qui est amorcée à partir
11 de ce moment-là pour tous ceux qui vivent dans les endroits isolés et qui
12 ont la sensation de pouvoir être des victimes suivantes.
13 Et ça c'est le contexte dans lequel trois semaines plus tard, en mars
14 1998, se produit à Glodjan ce qui est le premier événement majeur, donc, au
15 début de la période couverte par l'acte d'accusation.
16 Les forces serbes avancent dans les jours qui précèdent le 24 mars,
17 avancent vers leur cible suivante, à savoir la famille Haradinaj de
18 Glodjan. Donc ce seront les Jashari, numéro 2, et le colonel Crosland, qui
19 se trouve sur place à l'époque et qui a vu comment les forces serbes ont
20 apporté des renforts, a déposé à cet effet et il nous a parlé de cette
21 arrivée massive de militaires et de policiers dans la zone autour de
22 Glodjan. Et il était clair à ses yeux que quelque chose allait se produire
23 et que les forces serbes étaient en train de se rassembler pour lancer une
24 nouvelle attaque de taille. Et alors, c'est ce qui se passe dans la matinée
25 du 24 mars, essentiellement. La tactique appliquée par les Serbes est en
26 fait la même que ce qui s'était passé à Prekaz, mais cette fois-ci à
27 Glodjan on est prêt à tous les accueillir, et en fait c'est une résistance
28 farouche qui leur est opposée par M. Haradinaj et ses frères.
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1 Et donc, les forces serbes - et il est important de le savoir - les
2 forces serbes se sont déployées et ont ouvert le feu sur l'enceinte
3 Haradinaj depuis la propriété qui se trouve juste à côté, à savoir il y a
4 une ferme qui est la propriété de leur voisin le plus proche, à savoir la
5 famille serbe de Glodjan, les Stojanovic. Parce qu'en fait, l'Accusation
6 avance quelque chose à propos de ce qui est advenu de cette famille
7 Stojanovic. Mais vous avez certainement entendu dire que quelques jours
8 après le 24 mars, cette famille a été attaquée par les villageois de
9 Glodjan qui croyaient à tort ou à raison et probablement d'ailleurs à
10 raison que la famille Stojanovic avait relayé des informations ou des
11 renseignements aux forces serbes afin de leur permettre de lancer cette
12 opération foudroyante.
13 Mais lorsque les tirs ont commencé, en fait, les éléments de preuve
14 démontrent que les hommes de la famille Haradinaj ont riposté. Et en fait,
15 ils se déplaçaient d'une fenêtre à l'autre pour donner l'impression qu'ils
16 étaient beaucoup plus nombreux qu'ils ne l'étaient en réalité. Ils ont
17 réussi à avoir suffisamment de tirs pour permettre et à donner un appui feu
18 aux femmes et aux enfants de la famille qui ont pu s'échapper par
19 l'arrière, et ils ont réussi à tenir à distance les forces serbes jusqu'à
20 pouvoir eux-mêmes, lorsque la nuit fut tombée, s'échapper.
21 Et M. Haradinaj a été très sérieusement blessé lors de cette attaque.
22 Et au cours de cette journée, les forces serbes avaient utilisé des
23 armes lourdes, notamment un Praga 30 millimètres, de véhicules blindés
24 ainsi que des hélicoptères militaires à Glodjan. La police militaire est
25 entrée dans le village. Il y a eu des combats de tirs rapprochés. De
26 nombreux civils ont été rassemblés, raflés, détenus, de grandes parties du
27 village ont été détruites, et trois adolescents du village ont été tués par
28 les forces serbes alors qu'ils essayaient de s'enfuir pour se protéger.
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1 Des rapports ont suggéré que des enfants en âge scolaire ont été
2 utilisés par les forces serbes comme étant des boucliers humains et qu'un
3 couple de personnes âgées a été bombardé chez eux. Des attaques simultanées
4 ont été lancées contre les villages avoisinants, notamment le village
5 d'Irzniq. Ces villages, en fait, étaient complètement vides, parce que la
6 population civile s'était enfuie à ce moment-là.
7 Finalement, les forces serbes ont fini par se retirer sans parvenir à
8 massacrer la famille Haradinaj comme ils avaient massacré la famille des
9 Jashari. Et M. Rogers a raison lorsqu'il a dit un peu plus tôt que la
10 survie de la famille Haradinaj, envers et contre tous, est devenue très,
11 très rapidement le symbole, un symbole pour la population albanaise, le
12 symbole suivant lequel il était tout à fait possible de résister aux forces
13 serbes et de gagner. Il a raison, M. Rogers, lorsqu'il avance que cela est
14 à l'origine du sentiment de popularité pour M. Ramush Haradinaj, car pour
15 eux, c'était le signe que quelqu'un était tout à fait prêt et disposé à les
16 protéger contre les Serbes. Et il y a un témoignage qui a été admis dans le
17 cadre du premier procès et suivant lequel la population du Kosovo
18 occidental l'adorait et continue, d'ailleurs, à l'adorer.
19 Alors, vous avez donc cette première attaque vouée à l'échec du 24
20 mars, qui est le premier grand jalon de la période couverte par l'acte
21 d'accusation, mais en fait, ce ne fut pas la seule attaque militaire serbe
22 à ce moment-là dans cette partie occidentale du Kosovo, car il faut savoir
23 qu'il y a eu trois grandes offensives serbes entre mai et septembre. La
24 première de ces offensives se situe vers la fin du mois de mai, la deuxième
25 à la fin du mois de juillet et au début du mois d'août, et la troisième au
26 début du mois de septembre. Et je vais, si vous m'y autorisez, en parler
27 brièvement, parce qu'elles vous permettront de comprendre les priorités
28 militaires de M. Haradinaj et d'autres personnes qui se trouvaient donc sur
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1 la ligne de front ou dans la partie occidentale de la zone de Dukagjin, et
2 cela nous permettra de mieux évaluer les moyens à charge qui ont été
3 présentés par rapport à ce qui se passait véritablement sur le terrain, car
4 vous verrez que l'Accusation fait très souvent référence à cette zone
5 placée sous le contrôle de l'ALK.
6 Alors, j'aimerais que nous commencions par nous intéresser à cette
7 première offensive serbe de la deuxième quinzaine du mois de mai. Elle a
8 été lancée dans la région de Dukagjin, et nous avons une carte qui vous
9 permettra de mieux comprendre ce dont il s'agit. Vous voyez donc au bas de
10 la carte la zone bleue, le lac Radoniq. Vous avez Peje en haut, au nord. Et
11 vous avez en fait l'axe routier Peje-Gjakova, qui se trouve du côté gauche,
12 quasiment perpendiculaire, donc. Donc, vous avez eu dans un premier temps
13 quelques attaques à l'ouest de cette route, donc tout près de la frontière
14 albanaise, puis les forces albanaises [comme interprété] ont attaqué un
15 village qui s'appelle Grabanice dont M. Rogers a parlé un peu plus tôt. Et
16 cette attaque a eu lieu le 19 et le 20 mai. Est-ce que nous voyons
17 Grabanice sur cette carte ? Bien. Donc, la date de cette attaque est
18 extrêmement essentielle, car M. Rogers essaie d'étoffer ses arguments qui
19 gravitent autour de cette date.
20 M. ROGERS : [interprétation] Pour que je comprenne bien, est-ce qu'il
21 s'agit d'une pièce qui a été versée au dossier ? Si c'est le cas, est-ce
22 que nous pourrions avoir la cote de ce document, P ou D, ou est-ce que
23 c'est juste un document que vous vous proposez d'utiliser maintenant ?
24 M. EMMERSON : [interprétation] Non, non, je pense que c'est une carte
25 versée au dossier dans le premier procès. Donc, je pense que c'est une
26 carte utilisée lors du premier procès. Donc, si elle a été versée au
27 dossier, bien entendu je vais vérifier et je vous fournirai la cote de la
28 carte.
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1 Mais je vous disais donc que vous avez cette attaque contre Grabanice
2 le 19 et le 20 mai. Un certain nombre de civils ont été tués avant que
3 Grabanice ne soit vaincue par les Serbes et un certain nombre de personnes
4 -- enfin, la population locale, plutôt, l'ensemble de la population locale
5 qui s'enfuit pour essayer de trouver refuge dans les villes et villages
6 avoisinants, certains étant d'ailleurs allés à Jabllanice.
7 Alors, le 25 mai, les forces spéciales serbes ont attaqué les
8 villages de Lybeniq et de Strelle, des bâtiments ont été brûlés, 11
9 villageois perdent la vie. Le 28 mai, les forces serbes continuent leur
10 progression vers le sud-ouest à partir de Peje et lancent des attaques dans
11 les zones autour de Vranoq et de Baran. Ces dates, ainsi que les noms de
12 ces villes, sont extrêmement importantes, car Baran devait par la suite
13 devenir l'endroit où se trouvait la caserne des FARK commandée par le
14 Témoin 17. Le Témoin 17 était le commandant de la caserne des FARK à Baran,
15 et cela a son importance parce que lorsque nous allons étudier certains des
16 documents qui ont été utilisés par M. Rogers, qui nous a indiqué qu'il
17 s'agissait de listes -- de listes noires, de listes de cibles -- de
18 personnes visées dressées par l'ALK, en fait, il s'agit de documents qui
19 ont été compilés par le Témoin 17.
20 M. ROGERS : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos
21 partiel, rapidement.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je souhaiterais que la Chambre
23 passe à huis clos partiel.
24 Monsieur Rogers.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
26 partiel.
27 [Audience à huis clos partiel]
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17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
19 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous parlais donc de l'attaque du 28 mai
20 contre Vranoq et Baran.
21 Nous avons, le même jour, des attaques semblables contre Junik,
22 Cerrebreg, Preljep, et à Isniq également, ainsi qu'à Rastavica.
23 Alors, Messieurs les Juges, il faut savoir que pendant toute cette
24 période, à savoir le mois de mai et le mois de juin, les forces serbes
25 continuent à exercer des pressions constantes sur tous les villages
26 entourant Glodjan, et ils bombardent régulièrement à partir de trois
27 endroits élevés vers le sud. Ils avaient l'appui d'une unité de police
28 paramilitaire qui procédait à des incursions sur le terrain. Et nous allons
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1 vous présenter ces trois endroits, mais il faut savoir, en fait, que ces
2 trois endroits formaient en quelque sorte un arc autour du côté sud du lac
3 Radoniq.
4 Et avant que nous regardions ce document, je vous dirai que la
5 deuxième grande offensive serbe a été lancée à la fin du mois de juillet et
6 au début du mois d'août dans la région de Dukagjin. Les villages attaqués
7 lors de cette phase de la campagne incluaient, notamment, Junik, Rastavica
8 et Prejlep. Le 2 août, les forces serbes sont entrées dans Jabllanice et
9 l'ont investie. Gramocel est tombé le 8 août, et le village de Shaptej et
10 Rastavica sont tombés aux mains des Serbes le 9 août. Les forces serbes ont
11 alors - et vous allez voir, Messieurs les Juges, les différents lieux - les
12 forces serbes se sont alors déplacées vers Glodjan et Irzniq et ont pris le
13 contrôle de Glodjan le 12 août.
14 Et c'est une date qui a son importance pour deux raisons :
15 premièrement, parce que l'Accusation l'a beaucoup utilisée et s'est
16 beaucoup appuyée lors de ses arguments sur la déposition de M. Achilleas
17 Pappas, membre de la Mission d'observation de l'Union européenne dont le
18 groupe d'observateurs avait justement été détenu par des soldats de l'ALK
19 le 11 août à Irzniq, alors que les forces serbes se rapprochaient. Ils
20 avaient été arrêtés parce qu'ils avaient conduit à partir de Pec, seuls,
21 sans armes, dans cette zone de conflit autour de Glodjan, une décision
22 particulièrement imprudente s'il en fut.
23 M. Haradinaj a été appelé alors qu'il se trouvait sur la ligne de
24 front pour essayer de régler le problème. Mais apparemment, l'Accusation
25 s'appuie pour cet incident pour étayer une allégation suivant laquelle M.
26 Haradinaj avait tendance à brutaliser les civils, et cela, donc, pour
27 renforcer l'argument suivant lequel il faisait partie de cette entreprise
28 criminelle commune alors qu'il avait été appelé pour essayer de régler la
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1 situation. Et, en fait, d'après les éléments de preuve fournis par M.
2 Pappas, vous verrez et vous comprendrez que lorsque M. Haradinaj est
3 arrivé, nous voyons que c'est tout à fait l'inverse de ce que propose
4 l'Accusation qui s'est passé, parce qu'à partir du moment où M. Haradinaj
5 est arrivé, c'est ce que M. Pappas nous a dit, alors qu'on l'avait fait
6 venir de la ligne de front pour régler le problème d'un groupe de personnes
7 qui de façon tout à fait irréfléchie et irresponsable avaient conduit et
8 étaient arrivées droit dans une zone de conflit, il les a traités de façon
9 extrêmement professionnelle et a fait en sorte qu'ils puissent repartir à
10 une époque où ils devaient quand même être plutôt sous pression.
11 Donc je vous demanderais de ne pas l'oublier. Et regardez les trois
12 positions qui avaient été investies par les forces serbes à partir du 24
13 mars.
14 Donc vous avez les commandants militaires serbes qui étaient
15 stationnés dans cet endroit, dans ces villages autour de Glodjan, et cela a
16 la forme d'un sabot de cheval. Ces villages étaient constamment sous
17 surveillance. Je vais vous donner le nom de ces villages. Il s'agit de Suka
18 Babolloq, Suka Bitesh et Suka Cermjan.
19 Alors, pour reprendre les propos de Branko Gajic, qui était le chef du
20 renseignement militaire pour la VJ, propos qui ont été retenus comme
21 élément de preuve dans le cadre du premier procès, les troupes qui étaient
22 stationnées sur ces trois endroits qui étaient surélevés près de Glodjan
23 faisaient fonction "d'arrête dans la gorge" de l'ALK.
24 Donc, regardez les positions adoptées par les militaires serbes. Vous
25 avez donc Suka Babolloq, vous avez donc -- et cela, c'est pour la zone
26 Glodjan-Irzniq.
27 Si vous prenez la vue à partir de Suka Bitesh, donc là c'est vers
28 l'est, il y avait des forces serbes qui étaient également stationnées à cet
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1 endroit, et vous voyez, en fait, ils voyaient Glodjan, et puis ils voyaient
2 Irzniq un peu plus loin. Et vous avez le schéma numéro 5 qui vous montrera
3 la vue à partir de Suka Cermjan, donc de l'autre côté du lac, où vous avez
4 Glodjan et Irzniq qui sont encore dans leur point de mire. Et puis,
5 finalement, le schéma numéro 6 qui vous montre la vue à partir de la rive
6 sud du lac, vous voyez donc Glodjan et Irzniq toujours, et vous avez Suka
7 Bitesh. Donc, si vous reprenez le schéma numéro 5, vous constaterez que
8 cela leur donnait la possibilité de maîtriser le terrain, d'observer tous
9 les mouvements dans ce secteur et de déployer à la fois des artilleries de
10 longue portée, des troupes, et il y a des éléments de preuve du premier
11 procès qui nous ont permis de comprendre que c'est justement ce qu'ils ont
12 fait pendant toute la période retenue par l'acte d'accusation.
13 Donc, comme M. Gajic l'indique si bien avec son analogie de l'arrête dans
14 la gorge, le but des commandants militaires serbes était littéralement
15 d'étouffer, d'étrangler l'ALK à Glodjan, de complètement limiter leur
16 capacité à opérer, de leur rendre la tâche extrêmement difficile lorsqu'ils
17 se déplaçaient sur le terrain et de pouvoir les cibler lorsqu'ils se
18 déplaçaient. Et c'est la raison pour laquelle vous avez entendu à quel
19 point il était difficile de se déplacer entre la ligne de front à Glodjan
20 et le village de Jabllanice où les crimes allégués ont eu lieu. Alors,
21 certes, les distances n'étaient pas immenses, mais il était absolument
22 impossible de se déplacer en utilisant les routes principales ou en le
23 faisant pendant la journée.
24 Alors il fallait, en fait, passer par le nord, contourner le lac,
25 puis ensuite passer par l'est où vous aviez donc trois postes de
26 surveillance qui étaient élevés. Et n'oubliez pas que les Serbes
27 disposaient de matériel de vision, qu'ils avaient des armes de longue
28 portée ainsi que des forces de police paramilitaire qui pouvaient se
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1 déployer extrêmement rapidement et qu'ils pouvaient utiliser dès que
2 quelqu'un pénétrait dans leur ligne de vision.
3 Donc, pour aller de Glodjan à Jabllanice, ou vice versa, les soldats de
4 l'ALK devaient se déplacer furtivement, en se cachant, lentement, pour
5 éviter les troupes qui étaient cantonnées sur ces lieux élevés. Et vous
6 avez M. Bizlim Zyrapi et d'autres qui ont décrit comment cela se faisait.
7 En règle générale, ces déplacements avaient eu lieu pendant la nuit. Ils
8 n'empruntaient pas les routes principales, mais des routes secondaires où
9 ils passaient à travers champs sur des terrains accidentés, et en plus il
10 fallait que les phares ne soient pas allumés, les phares de leur véhicule.
11 Donc ce n'était pas véritablement des déplacements que les gens faisaient à
12 moins qu'ils n'aient d'excellentes raisons pour ce faire. Et vous pourrez
13 peut-être comprendre puisqu'il a été dit pendant ce procès que M. Haradinaj
14 ne s'est rendu à Jabllanice qu'à quatre reprises. Il n'a fait donc ce
15 déplacement qui était si difficile que quatre fois pendant neuf mois,
16 pendant toute la période reprise par l'acte d'accusation. Donc, quatre fois
17 en neuf mois.
18 Mais cela vous permet d'avoir le cadre parce que l'Accusation dit de
19 façon assez fantaisiste qu'il doit être considéré comme responsable pour
20 les événements qui se sont déroulés à Jabllanice, qui se trouvait hors de
21 sa zone de commandement, alors qu'il n'y était même pas et qu'il n'y a même
22 pas d'élément de preuve indiquant qu'il a fermé les yeux sur ce qui s'y est
23 passé.
24 J'aimerais maintenant vous permettre de comprendre l'intensité de la
25 campagne menée par les Serbes sur la ligne de front, où se trouvaient M.
26 Haradinaj et d'autres, donc du côté ouest de la région de Dukagjin.
27 Car, en fait, on retrouve à chaque fois le même modus operandi pour
28 les deux offensives d'été. Premièrement, les villages sont entourés avec
Page 2834
1 force véhicules blindés et artillerie lourde.
2 Puis, il y avait une deuxième phase, une phase destructrice, de
3 bombardements, alors que les civils étaient encore dans le village. Puis,
4 la police paramilitaire de sinistre réputation entrait dans le village à
5 pied et tirait sur les gens qui étaient encore dans les villages. Ils
6 pillaient tous les biens des Albanais, tuaient le bétail et incendiaient
7 tout ce qui leur tombait sous la main, qu'il s'agisse d'écoles, de bottes
8 de foin ou de bâtiments, et les maisons étaient pillées. Et c'est ce que,
9 par euphémisme, ils appelaient des opérations de nettoyage.
10 Dans bien des cas, les villages ont été complètement rasés. Ces
11 opérations serbes se caractérisaient, et ce, de façon absolument invariable
12 par l'utilisation de la force excessive de façon tout à fait indiscriminée,
13 et aucune distinction n'était établie entre les combattants et les civils.
14 L'objectif était de nettoyer de façon ethnique la zone de toute sa
15 population albanaise et d'empêcher coûte que coûte leur retour.
16 Alors, j'aimerais maintenant que nous nous intéressions à deux éléments de
17 preuve. J'ai donné aux Juges de la Chambre un jeu de documents auxquels
18 j'aimerais faire référence directement. Mais plutôt que de vous faire lire
19 ces papiers, j'aimerais vous montrer les vidéos de ces témoins qui
20 déposent, le premier étant le colonel Crosland qui décrit ce qu'il a vu. Il
21 décrit en fait cette attaque qui se passe dans la partie occidentale du
22 Kosovo. Il s'agit de la pièce P508. J'aimerais donc que nous puissions
23 visionner ce passage.
24 M. ROGERS : [interprétation] J'aimerais savoir s'il y a déformation de
25 traits, avant que cela ne commence.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Pour la déposition du colonel Crosland, il y
27 a déformation de la voix mais non pas du visage.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
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1 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
2 "Question : Alors, dans l'une de vos déclarations, voilà ce que vous
3 dites, et je cite : 'J'ai vu moi-même entre 200 et 300 villages incendiés,
4 brûlés, pendant les années 1998 et 1999. Les récoltes étaient brûlées de
5 façon tout à fait aléatoire. Les commerces tels que les stations d'essence
6 et les magasins étaient pillés. Dans des villes telles que Decani, Pec et
7 Djakovica, les zones albanaises ont été complètement incendiées. Et cela
8 incluait des dégâts pour les mosquées. Il y a certains villages qui ont été
9 pillés et brûlés à trois reprises au moins. La population civile est partie
10 et n'est revenue que lorsqu'elle pensait qu'elle pouvait le faire en toute
11 sécurité.'
12 Vous avez fait d'autres déclarations qui indiquaient en fait la même chose.
13 Alors, avant que vous nous parliez de la population civile qui partait et
14 qui revenait, est-ce que vous pourriez résumer à l'intention des Juges
15 comment ces opérations ont été effectuées, avec quelles forces et quelles
16 forces faisaient quoi ?
17 Réponse : Donc la déclaration porte sur 200 à 300 villages, Monsieur le
18 Juge, et je l'ai fait dans plusieurs rapports établis pendant les années
19 1998 et 1999, et ce, afin d'essayer de convaincre la communauté
20 internationale et les différents protagonistes qui étaient intéressés, pour
21 les convaincre, disais-je, que le comportement des forces de sécurité
22 serbes n'était absolument pas acceptable par rapport à la situation dans
23 laquelle se trouvait le Kosovo. Il a été question de nettoyage ethnique --
24 alors, je ne suis pas autorisé à utiliser ce terme, parce que lorsqu'on
25 parle de nettoyage ethnique il y a une connotation juridique.
26 Question : Ce n'est pas ce que je vous ai demandé de faire. Je vous
27 ai demandé de décrire ce que vous avez vu.
28 Réponse : Eh bien, j'ai vu, et cela est indiqué dans ce paragraphe,
Page 2836
1 exactement ce que Me Emmerson a lu.
2 Question : Quelle sont les troupes qui ont participé et quels ont été leurs
3 rôles pour ce qui est de la destruction, des incendies et des pillages des
4 groupes que nous avons décrits, la VJ, la SAJ, les PJP, les JSO, les
5 paramilitaires ? Qui faisait quoi lorsque vous vous trouviez au Kosovo ?
6 Réponse : Toutes ces formations ont participé à cette destruction de
7 villages, de commerces, de magasins, de récoltes, de maisons, de mosquées,
8 et cetera.
9 Question : Est-ce que vous avez vu des biens ou des propriétés se
10 faisant piller ?
11 Réponse : Oui, tout à fait.
12 Question : Et qui était responsable de ces pillages, est-ce qu'il
13 s'agissait d'hommes portant l'uniforme ou d'hommes en civil ?
14 Réponse : J'ai vu des hommes portant l'uniforme le faire.
15 Question : Et qu'est-ce qu'ils prenaient des maisons des gens ?
16 Réponse : A Rakovina, sur la route qui vient de Djakovica, j'ai vu un PJP
17 qui avait une brouette avec une télévision dedans.
18 Question : Et lorsqu'ils pillaient les maisons, est-ce qu'ils les brûlaient
19 après les avoir pillées ?
20 Réponse : Ecoutez, cela se faisait en continu. C'était un projet --
21 excusez-moi, c'était ce qui se passait dans la plupart des opérations.
22 En fait, moi, j'ai mentionné ce fait à plusieurs reprises en 1998, je
23 l'ai mentionné au général Ojdanic notamment et à d'autres personnes. J'ai
24 indiqué justement que le comportement des forces de sécurité serbes était
25 tel qu'il propulsait, en quelque sorte, la population albanaise entre les
26 mains de l'Armée de libération du Kosovo, qu'ils le veuillent ou non
27 d'ailleurs. Et le comportement de nombreux soldats était tel que les forces
28 de sécurité serbes nous ont tiré dessus - et lorsque je dis 'nous', c'est
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1 moi-même et certains de mes collègues - et ce, à plusieurs reprises.
2 Question : Et pour que nous comprenions précisément ce qui s'est passé,
3 est-ce que vous les avez vus tirer sur des animaux, brûler des récoltes ou
4 détruire des récoltes ?
5 Réponse : Oui.
6 Question : Et pourquoi est-ce qu'ils tuaient le bétail et détruisaient le
7 foin de ces animaux pour l'hiver ?
8 Réponse : Eh bien, vous venez juste de mentionner le mot 'hiver'. Il faut
9 savoir que pendant l'année 1998, alors que de plus en plus de personnes,
10 essentiellement des Albanais mais des Serbes également, fuyaient leurs
11 domiciles, le problème était de savoir comment ces personnes allaient
12 survivre pendant l'hiver alors que toutes leurs récoltes avaient été
13 brûlées, tous leurs vivres avaient été détruits et tout leur bétail tué."
14 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
15 M. EMMERSON : [interprétation] Voilà un passage de la déposition du colonel
16 Crosland. Je pense en fait qu'il s'agit de l'intercalaire numéro 2 dans
17 votre jeu et de la pièce P508. Et je poursuis la diffusion.
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
20 "Question : J'aimerais vous indiquer quelque chose et j'aimerais vous
21 demander des observations. Vous avez dit à plusieurs reprises que le rôle
22 de la VJ lors de ces opérations mixtes était de faire en sorte de
23 bombarder, en d'autres termes, il s'agissait d'une phase destructrice de
24 bombardement avant le début des incendies, bien que vous ayez dit que sur
25 le terrain il y avait de nombreux officiers de la VJ qui aient participé à
26 mettre le feu, n'est-ce pas ?
27 Réponse : Oui, malheureusement, cela semble être exact. D'après ce que je
28 comprends, en 1998, des tirs indirects ont été fournis en quelque sorte par
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1 la VJ, par son artillerie, lors des opérations du MUP. Malheureusement, en
2 1999, nous avions dû partir à cause de la campagne de bombardement de
3 l'OTAN, et il semblerait que la VJ, là, a participé de façon un peu plus
4 directe à ce type d'action.
5 Question : Je pense que vous avez dit hier - et il me semble que vous vous
6 êtes corrigé ou peut-être que c'était une erreur, et si tel était le cas,
7 le moment est venu de nous le dire - je pense que hier vous nous avez dit
8 que lorsque vous conduisiez et que vous êtes passé par Prilep et Irzniq
9 alors que vous alliez vers le canal, vous avez assisté à une opération
10 totalement destructrice qui était menée à bien sur le terrain par la VJ et
11 par les forces du MUP, n'est-ce pas ?
12 Réponse : Oui, je pense que c'est exact. Il y avait des chars qui étaient
13 responsables de cette destruction également.
14 Question : Pour revenir à ma question, est-ce que la participation de la VJ
15 dans ce type d'opération aurait pu se passer sans l'autorité et
16 l'approbation de Bozidar Delic et Dragan
17 Zivanovic ?
18 Réponse : A mon avis, non."
19 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
20 M. EMMERSON : [interprétation] Bozidar Delic et Dragan Zivanovic étaient,
21 bien entendu, les commandants de la VJ cantonnés dans la zone. Il y en
22 avait un qui était responsable pour le déploiement des troupes dans les
23 trois zones que je vous ai présentées, ces trois zones élevées.
24 Et lorsque le colonel Crosland décrit comment les PJP et la VJ mènent
25 une opération mixte et pillent à Prilep et à Irzniq, il a, bien entendu, vu
26 cela se passer dans ces villages qui se trouvent de part et d'autre de
27 Glodjan, et vous voyez comment il indique que ces villages ont été rasés
28 littéralement.
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1 Donc, voilà le type d'opération auquel devait faire face M.
2 Haradinaj. Et je vous ai dit un peu plus tôt que le jour où M. Pappas et
3 son groupe d'observateurs de l'Union européenne ont été très brièvement
4 détenus, et M. Rogers insiste lourdement là-dessus, les forces serbes
5 étaient en train de se rapprocher de Glodjan et autour d'Irzniq et étaient
6 prêtes à lancer la toute dernière offensive par laquelle Glodjan est tombé
7 aux mains des Serbes le 12 août. Et cela a fini par forcer M. Haradinaj à
8 abandonner son QG à Glodjan le 12 août, et cela l'a forcé également à
9 démissionner en tant que commandant de la zone de Dukagjin pendant une
10 certaine période, et il a été remplacé par Tahir Zimaj, qui était à
11 l'époque commandant des FARK.
12 Et le 11 et le 12 - en fait, une équipe de reportage de la BBC se
13 trouvait à Glodjan et à Irzniq et ils ont filmé des images de l'assaut
14 qu'ont mené les forces serbes. Et ceci représentera beaucoup plus que des
15 mots, ce qui s'est passé sur place. C'était donc la situation dans laquelle
16 se trouvaient M. Pappas et son groupe. Ils sont arrivés directement dans le
17 vif de cette situation le 11 août. C'est à l'intercalaire numéro 3, à
18 l'attention des interprètes, si je ne m'abuse, et c'est la pièce D97.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
21 "Les Serbes savent qu'ils ont l'avantage et ils ont l'intention de
22 l'utiliser. Cette fois-ci, c'est le village de Glodjan qui est en flammes,
23 qui a été bombardé et qui a dû se soumettre sous le feu des mitraillettes.
24 Et de l'autre côté, l'UCK a pu avoir un accès exclusif à leur nouvelle
25 ligne de front. Mais ils sont nerveux. Certains de ces hommes viennent de
26 ce village. Ils savent ce qui s'est passé là-bas, et ils sont maintenant
27 directement dans la direction de l'offensive serbe. L'attente est donc
28 tendue. Mais il est déjà clair qu'ils ne vont pas devoir attendre bien
Page 2840
1 longtemps. Les obus tombent maintenant sur Irzniq. Et très peu de choses
2 peuvent être faites par l'UCK contre une artillerie. Tout ceci se passe
3 alors que les deux parties essaient de trouver une proposition de paix avec
4 l'aide de la communauté internationale. Malgré la diplomatie
5 internationale, la situation sur le terrain n'a pas changé. Les Serbes
6 continuent leur offensive, l'UCK continue à défendre ses villages et ses
7 communautés. Les Serbes, bien sûr, ne le voient de cette manière. Ils
8 insistent pour dire que ce sont les rebelles qui constituent le problème,
9 et sans eux beaucoup de destructions auraient pu être évitées. Ici, il
10 s'agit de la police paramilitaire qui est en combat avec l'UCK. Dans
11 d'autres endroits, il s'agit en fait d'unités très armées de l'armée de
12 Yougoslavie. Les Serbes ont dit qu'ils considèrent ceci comme une opération
13 de nettoyage. Pour l'UCK, il s'agit d'une bataille pour la survie. Et il y
14 a plus de 200 000 personnes qui sont sans abris suite à ce conflit. Les
15 agences humanitaires espéraient que ces personnes pourraient rentrer dans
16 leurs villages. Mais ce qui s'est passé aujourd'hui signifie que cela est
17 fort peu probable. Jeremy Cook, BBC News, Irzniq, au Kosovo."
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
20 j'espère que ceci vous donne une bonne idée de ce qui se passait durant la
21 période couverte par l'acte d'accusation pour ce qui est, bien sûr, des
22 mouvements de M. Haradinaj. En même temps, j'espère que ceci aura replacer
23 dans son contexte certaines des déductions assez fantaisistes que
24 l'Accusation souhaiterait que vous fassiez. Mais je reviendrai un peu plus
25 dans les détails un peu plus tard. Mais ce que j'aimerais faire également,
26 c'est de maintenant arriver à ma conclusion en ce qui concerne donc les
27 différents chefs d'accusation.
28 Je voudrais donc identifier cinq ou six points-clés concernant
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1 l'offensive, les crimes commis et l'organisation telle qu'elle existait, et
2 je parle de l'organisation de l'UCK. Et je vais donc aborder les aspects-
3 clés qui figurent aux paragraphes 19 et 21 de notre mémoire en clôture.
4 Entre mars et mai, au vu des menaces, des défenses rudimentaires ont surgi
5 de manière spontanée dans de nombreux villages du Kosovo occidental. Le 26
6 mai 1998, les dirigeants de certains villages dans la zone du Kosovo
7 occidental se sont réunis pour la première fois afin de coordonner leurs
8 efforts. Ca, c'est la réunion du 26 mai qui a été mentionnée par M. Rogers.
9 Et donc, les états-majors régionaux ont été constitués avec cinq sous-zones
10 ou sous-sections.Messieurs les Juges, vous avez vu les cartes de ces cinq
11 sous-zones ou sous-sections, et vous vous souviendrez des différentes
12 personnes responsables. Mais pour les besoins de notre affaire, Jabllanice
13 se trouvait bien loin de ces zones. Donc le 26 mai 1998, les états-majors
14 régionaux ont été constitués avec ces cinq sous-zones. Jabllanice n'a pas
15 été intégré dans cette structure et a continué à fonctionner comme de par
16 le passé, c'est-à-dire un regroupement indépendant de combattants de l'UCK
17 hors de cette structure qui avait été constituée le 26 mai 1998.
18 Ce n'est que le 23 juin que la zone de Dukagjin, du commandement
19 opérationnel, a été constituée, c'est-à-dire Jabllanice a été donc
20 incorporée de cette manière. Messieurs les Juges, vous avez le compte rendu
21 de la réunion à Irzniq qui parle de l'incorporation de Jabllanice dans une
22 structure commune pour les besoins d'amélioration et de coordination des
23 opérations. C'est la pièce P190. Ce qui est important, et pour que ce soit
24 très clair, c'est qu'avant le 23 juin, Jabllanice n'était même pas
25 coordonnée avec les quatre autres sous-zones ou sous-sections.
26 Je passe maintenant à la période du mois de mai-juin, et nous savons que
27 Jabllanice a continué de fonctionner comme une zone distincte, et c'est
28 bien sûr durant cette période que les crimes mentionnés dans les chefs 1,
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1 2, 3 et 4 ont prétendument été commis.
2 Et si l'on avance maintenant jusqu'au 23 juin, c'est-à-dire au moment
3 où M. Haradinaj a été élu commandant de la nouvelle zone de Dukagjin, ou
4 zone opérationnelle de la plaine de Dukagjin, et c'est mentionné dans les
5 paragraphes 100 à 118 de notre mémoire, les éléments de preuve montrent
6 clairement que même après le 23 juin, rien de laisse penser que M.
7 Haradinaj ait été tenu informé des actions de ceux qui se trouvaient à
8 Jabllanice ou qu'il était en fait le commandement effectif au jour le jour
9 ou qu'il contrôlait cette zone.
10 Durant la période du mois de juillet, il est avancé que les crimes
11 mentionnés dans les chefs 5 et 6 de l'acte d'accusation ont été commis,
12 même si le Témoin X a confirmé dans sa déposition que les crimes mentionnés
13 dans le chef 5 ont eu lieu à une date antérieure.
14 Chacune de ces étapes de l'évolution a été ponctuée par des attaques
15 des Serbes nourries avec des effets dévastateurs sur la population civile.
16 Donc, quelle était la situation de l'UCK en termes d'organisation
17 durant cette période ? Eh bien, M. Zyrapi vous a dit dans sa déposition
18 qu'il y avait au moins trois centres indépendants de résistance de l'UCK au
19 Kosovo occidental : la famille Jashari à Prekaz, la famille Haradinaj à
20 Glodjan et la famille Brahimaj à Jabllanice. Aucune de ces familles, il
21 vous a dit, n'avait l'autorité ni la possibilité d'imposer leur volonté sur
22 les autres familles. Et il a confirmé que les Brahimaj ne pouvaient pas
23 dire ce que devaient faire les Haradinaj, et vice versa.
24 L'Accusation a également cité à la barre Skender Rexhametaj qui était
25 un des commandants de l'un des commandements qui avaient été créés le 26
26 mai afin de renforcer le fait que M. Haradinaj avait participé aux chefs
27 d'accusation liés à Jabllanice. Mais en fait, ce témoin a dit que
28 Jabllanice n'était pas incluse dans la première tentative de constitution
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1 d'un état-major régional le 26 mai et qu'en fait, l'état-major de
2 Jabllanice a continué à agir de manière indépendante. Et il a dit que
3 c'était lui, M. Rexhametaj, donc ce témoin, qui avait proposé que des
4 mesures soient prises afin d'incorporer Jabllanice afin d'améliorer la
5 coordination des opérations. Et d'ailleurs, ce qui est très important, il
6 vous a dit, Messieurs les Juges, que même après le 23 juin, c'est-à-dire
7 après l'accord de la création du commandement de la zone de Dukagjin et de
8 la nomination de M. Haradinaj comme commandant, et après l'incorporation de
9 Jabllanice dans cette nouvelle structure, M. Rexhametaj vous a dit,
10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que l'organisation continuait à
11 avoir une structure horizontale, en réalité, même après le 23 juin, que
12 personne ne pouvait vraiment donner des ordres aux autres et que tout
13 devait être fait par le biais de consensus et de consultations, et que les
14 commandants des différentes sous-zones, il l'a dit, ont continué à agir de
15 manière indépendante avec des volontaires qui renforçaient les troupes. Il
16 vous a dit donc que la structure de Dukagjin était en fait un modèle à
17 suivre pour une organisation militaire qui à terme, ils espéraient,
18 pourrait être créée.
19 Voilà donc ce que l'on peut déduire des dépositions des différents témoins.
20 Compte tenu du temps qu'il nous reste, j'aimerais, si vous me le
21 permettez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, passer en revue les
22 trois incidents qui constituent des éléments de preuve durant lesquels M.
23 Haradinaj aurait soi-disant joué un rôle direct. Je ne vais pas pour
24 l'instant parler des confrontations avec les FARK, j'y reviendrai, parce
25 que là je dirais que M. Haradinaj n'a vraiment rien à voir avec cela. Mais
26 il y a trois points-clés dans ces éléments de preuve où il est mentionné,
27 et nous devons donc les consulter de près pour voir quelles déductions
28 logiques on peut tirer.
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1 Tout d'abord, vous avez les éléments de preuve concernant son
2 intervention suite aux graves blessures qui ont mené à la mort de Skender
3 Kuqi. Si vous vous souvenez, Skender Kuqi faisait partie d'une tentative
4 d'évasion de Jabllanice le 17 et le 18 juillet avec le Témoin 3 et Pal
5 Krasniqi. Il était également détenu à Jabllanice, c'est le Témoin 6 qui a
6 confirmé cela. Donc, tout ceci pour replacer ces événements dans leur
7 contexte.
8 Avant de revenir aux éléments de preuve qui déterminent la
9 participation de M. Haradinaj dans ce qui est advenu de Skender Kuqi, je
10 voudrais revenir sur ce qu'a fait M. Rogers. Il a fait une proposition qui
11 est très dangereuse et qui illustre tout à fait la manière dont les
12 éléments de preuve ont été présentés par l'Accusation. Il a mentionné qu'il
13 y avait en fait une liste de personnes cibles qui figuraient sur des listes
14 noires de l'UCK, qui étaient diffusées par l'UCK, et ça incluait le nom de
15 Skender Kuqi. Alors j'aimerais, s'il vous plaît, et cela figure à
16 l'intercalaire numéro 4, mais il y a un numéro de cote. Donc j'aimerais que
17 l'on affiche cette pièce à l'écran, il s'agit de la pièce D146.
18 Malheureusement, ce n'est pas très clair sur les écrans. Est-ce qu'on
19 a peut-être une meilleure version de la version
20 dactylographiée ? Quoi qu'il en soit, Monsieur le Président, Messieurs les
21 Juges, vous avez ceci à votre intercalaire numéro 4. Vous verrez qu'il y a
22 une liste de dix groupes de personnes. Dans certains cas, il s'agit d'une
23 personne. Pour d'autres, il s'agit de groupes de personnes. Ce sont des
24 personnes portées disparues, donc pas nécessairement une liste noire. Donc
25 je vois qu'au compte rendu d'audience il est mentionné "Wanted" en anglais.
26 En fait, c'est des personnes qui étaient soit recherchées, soit portées
27 disparues. Donc "wanted" ou "portées disparues". Vous avez au numéro 5
28 Zenun Gashi. Nous y reviendrons dans quelques instants. Au numéro 8, vous
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1 avez deux femmes qui ne sont pas citées nommément mais qui sont considérées
2 comme des collaboratrices. Donc, au moins, celles-ci sont identifiées comme
3 étant, en fait, des collaboratrices potentielles. Pour les autres, il
4 s'agit de personnes portées disparues, puis au numéro 10 vous avez Skender
5 Sali Kuqi --
6 L'INTERPRETE : Avec une localité mentionnée.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Donc, compte tenu de la hiérarchie qui
8 existait au niveau de l'UCK, le fait que l'UCK recherchait des
9 collaborateurs présumés n'illustre pas une intention criminelle. Ceci
10 semble tout à fait licite dans une situation de conflit interarmées et
11 d'essayer de voir qui sont les personnes qui transmettent les informations
12 à l'ennemi et les détenus. C'est seulement si, après leur détention, ces
13 personnes sont traitées de manière illicite ou ces personnes sont torturées
14 ou tuées ou maltraitées qu'un crime peut être déduit de cette situation.
15 Donc ça, c'est la première chose. Donc le fait qu'il y ait probablement eu
16 une intention à différentes étapes dans ce processus d'identifier des
17 personnes qui auraient pu passer des informations aux Serbes n'est pas un
18 signe d'une intention illicite et ne peut pas être caractérisée par une
19 entreprise criminelle commune. Et ce qui est important pour cette liste,
20 c'est ce que ce n'est pas une liste qui émanait de l'UCK. C'est la raison
21 pour laquelle il est très dangereux de prendre pour argent comptant les
22 éléments de preuve présentés par l'Accusation, parce que, malheureusement,
23 vous reverrez par le menu afin de mes plaidoiries que l'Accusation ne
24 semble pas avoir vraiment eu les dépositions du premier procès parce que
25 cette liste figurait dans un carnet du Témoin numéro 17. Et le Témoin 17
26 était en fait un commandant des FARK à Baran, et on trouve ceci dans le
27 carnet juste après les noms des membres de la police militaire des FARK
28 qu'il venait de nommer. Donc il s'agit d'une liste des FARK et non de
Page 2847
1 l'UCK. Et lorsqu'il a déposé, j'ai procédé au contre-interrogatoire et j'ai
2 demandé donc au témoin si c'étaient des personnes que la police militaire
3 des FARK recherchait, et, en fait, il a répondu qu'il n'avait aucune idée
4 des raisons pour lesquelles il avait établi cette liste.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce qu'il vous a dit qu'il ne
6 savait pas pourquoi il avait établi cela, ou est-ce qu'il vous a dit qu'il
7 ne savait pas qui lui avait donné ces noms ?
8 M. EMMERSON : [interprétation] Eh bien, de toute façon, je vais répondre à
9 votre question en vous demandant de vous référer à l'intercalaire numéro 5
10 dans votre classeur. Vous avez en fait un compte rendu d'audience de la
11 déposition de ce témoin :
12 [Diffusion de la cassette vidéo]
13 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
14 "M. le Juge Orie : Vous arrivez à votre liste, mais ce qui m'intéresse en
15 fait, c'est de savoir quel était l'objectif de cette liste ?
16 M. le Témoin : J'ai consigné les noms sur cette liste par quelqu'un qui
17 m'avait proposé ces noms. Je ne sais pas qui m'a donné ces noms, mais il y
18 a une note à cet effet dans mon carnet.
19 M. le Juge Orie : Oui. Surtout si vous consignez des notes le lendemain,
20 vous ne consignez les notes que si elles sont pertinentes, n'est-ce pas ?
21 M. le Témoin : Je n'étais pas en mesure de faire deux choses à la fois,
22 c'est-à-dire de faire une activité et en même temps d'établir cette liste.
23 Donc j'ai pris des notes, et ensuite j'ai remis ceci au propre dans mon
24 carnet officiel le lendemain. Mais j'ai, en fait, consigné sur ce carnet
25 les événements les plus importants.
26 M. le Juge Orie : Oui, mais ce n'est pas un événement à proprement parler,
27 mais c'est plutôt une activité.
28 M. le Témoin : Je ne vois pas vraiment la différence entre un événement et
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1 une activité. Je ne vois pas comment on pourrait caractériser ceci par le
2 terme d'activité.
3 M. le Juge Orie : Eh bien, il s'agissait en fait de rechercher certaines
4 personnes.
5 Maître Emmerson, continuez.
6 M. Emmerson :
7 Question : Pour être clair, Monsieur le Témoin 17, d'après vous, qui allait
8 retrouver ces personnes ?
9 Réponse : Je ne pensais pas vraiment à cela à l'époque. Ce n'est pas
10 quelque chose qui me préoccupait à l'époque. Ce qui me préoccupait était de
11 constituer une brigade, de trouver des sites, des sites appropriés, et de
12 constituer d'autres structures.
13 Question : Mais vous saviez au moins qu'au moins deux personnes sur cette
14 liste étaient recherchées parce qu'elles étaient accusées d'être
15 collaboratrices ? Ce sont les deux femmes qui sont mentionnées au niveau du
16 numéro 8.
17 Réponse : J'ai pris note d'informations telles qu'elles m'ont été données
18 par une personne donnée.
19 Question : Est-ce que vous pensiez qu'il y avait quelque chose, peut-être,
20 d'inapproprié concernant cette liste qui vous avait été transmise ? Est-ce
21 que vous pensiez, par exemple, que cela signifiait que cela relevait d'un
22 plan visant à commettre des crimes ?
23 Réponse : Non.
24 Question : Par conséquent, est-ce que l'on peut en déduire que vous n'avez
25 jamais présenté cette liste à Ramush Haradinaj en disant : 'Regardez, ces
26 hommes de mon commandement recherchent cette personne qui figure sur cette
27 liste' ?
28 Réponse : Non, effectivement, c'est vrai, je ne lui ai pas présenté cette
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1 liste.
2 M. EMMERSON : [interprétation] Donc, encore un bijou de l'Accusation, à
3 savoir que cette liste n'est pas une liste de l'UCK mais une liste des FARK
4 et ce n'est pas une liste de collaborateurs supposés mais de personnes --
5 on ne sait pas, en fait, d'où cette liste vient ni quel était l'objectif de
6 cette liste, et ça n'a jamais été porté à la connaissance de M. Haradinaj.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pensez que vous
8 pourriez peut-être ralentir un peu ?
9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que je crois que notre
11 sténotypiste a du mal à vous suivre.
12 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai bientôt fini pour aujourd'hui.
13 Donc, M. Rogers dit qu'on peut en déduire que M. Ramush Haradinaj faisait
14 partie d'une conspiration visant pas uniquement à arrêter mais également à
15 détenir Skender Kuqi et également à maltraiter des collaborateurs à
16 Jabllanice dans le cadre d'une entreprise criminelle commune, et ceci est
17 typique de cette approche qui manque de professionnalisme et qui a été
18 utilisée pour présenter des éléments de preuve, et je pense que vous,
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous allez devoir être très,
20 très prudents pour évaluer ces éléments parce qu'il faut que ceci reflète
21 exactement les événements qu'ils sont censés refléter, et les Juges de la
22 Chambre -- enfin, je voudrais être très clair que je ne cherche pas à
23 essayer de faire porter le chapeau à qui que ce soit, mais cela semble
24 être, en fait, l'œuvre de quelqu'un qui n'est pas très expérimenté et qui
25 essaie, en fait, de marquer de mauvais points en essayant d'avoir des
26 éléments parcellaires qui permettront ensuite d'amener à des conclusions
27 qui n'en sont pas. Voilà donc pour ce qui est de cette liste de personnes
28 recherchées, et voilà ce que cela signifie vraiment.
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1 Qu'en est-il maintenant de Skender Kuqi ? Je voudrais maintenant que l'on
2 commence par la déposition du Témoin 80, que vous trouverez à
3 l'intercalaire numéro 6. Cette partie du compte rendu d'audience devra être
4 diffusée à huis clos partiel.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel,
6 s'il vous plaît.
7 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
23 Allez-y, Maître Emmerson.
24 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
25 ce que j'ai mentionné dans les éléments de preuve en audience à huis clos
26 partiel sont corroborés par la déposition de Tetaj dans le premier procès,
27 et ceci vous donne un aspect global de l'intervention de M. Haradinaj, et
28 ceci ne contredit pas uniquement ce qui laisse penser que ce serait une
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1 entreprise criminelle commune, mais ça vous donne une bonne idée de la
2 personne à qui vous avez affaire.
3 Donc, j'aimerais que l'on diffuse la partie de la déposition de
4 Rrustem Tetaj que l'on trouve à l'intercalaire numéro 6 et qui porte la
5 cote P521, et ceci nous amènera à l'issue de l'audience d'aujourd'hui.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
8 "Question : En juillet 1998, est-ce qu'il est venu vous dire quelque
9 chose au sujet de Skender Kuqi ?"
10 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
11 M. EMMERSON : [hors micro]
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.
13 M. EMMERSON : [interprétation] Désolé. Le témoin vient de décrire comment
14 un parent de Skender Kuqi est venu lui dire que M. Kuqi avait disparu.
15 Peut-on revenir au début du passage que je souhaitais diffuser.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
18 "Question : En juillet 1998, est-ce qu'il est venu vous parler de Skender
19 Kuqi ?
20 Réponse : Oui.
21 Question : Que vous a-t-il dit ?
22 Réponse : Il est venu me voir chez moi et il m'a dit que Skender Kuqi avait
23 été enlevé par l'UCK et qu'il était détenu à Jabllanice. Je n'avais pas vu
24 cela auparavant mais j'ai pris note de ce qu'il m'a dit et j'ai contacté
25 Faton Mehmetaj à ce sujet.
26 Question : Et qu'a dit Faton Mehmetaj à ce sujet ?
27 Réponse : Faton Mehmetaj m'a dit que je devais parler à Ramush Haradinaj.
28 Donc je suis allé le voir et je lui ai rapporté les paroles de la personne
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1 qui était venue me voir. Il n'était pas au courant de ce que je lui disais,
2 et ensemble nous sommes allés à Jabllanice.
3 Question : Où avez-vous vu Ramush avant d'aller à Jabllanice ?
4 Réponse : A Jabllanice, nous sommes allés chez Nazmi Brahimaj.
5 Question : Est-ce que c'était le QG local de l'UCK ou un site différent ?
6 M. le Juge Orie : Monsieur Re, je suis un peu surpris par votre
7 question. Vous avez dit : 'Où avez-vous vu Ramush avant d'aller à
8 Jabllanice," et la réponse est : 'A Jabllanice, nous sommes allés chez
9 Nazmi Brahimaj.' Alors --
10 Maître Re : Je n'avais pas beaucoup de temps. C'est la raison pour laquelle
11 j'ai décidé de ne pas développer. Mais si vous le souhaitez, si vous
12 considérez que c'est important, je peux lui poser la question.
13 M. le Juge Orie : Non, mais je suis un peu surpris. Mais maintenant, je
14 comprends mieux pourquoi vous avez considéré que ce n'était pas vraiment
15 pertinent et vous avez décidé de poursuivre cette série de questions.
16 Veuillez continuer.
17 M. Re :
18 Question : Est-ce que c'était le QG de l'UCK où vous êtes allé à
19 Jabllanice ?
20 Réponse : Nous sommes allés là-bas avec Ramush. C'était une maison. La
21 population locale l'appelle 'infor' [phon]. C'est l'état-major local qui se
22 trouvait là-bas.
23 Question : Qui avez-vous vu là-bas, vous et Ramush ?
24 Réponse : Avec Ramush, nous avons rencontré Nazmi Brahimaj.
25 Question : Est-ce que vous lui avez parlé ?
26 Réponse : Oui. Nous avons parlé à Nazmi Brahimaj. Nous n'avions pas
27 beaucoup de temps parce que la situation sur le terrain était très grave,
28 et Ramush lui a dit que cette personne devait être libérée immédiatement,
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1 et ensuite, nous sommes repartis.
2 Question : Est-ce que Nazmi Brahimaj vous a dit à vous et Ramush pourquoi
3 cette personne, pourquoi Skender Kuqi était détenu ?
4 Réponse : Ramush Haradinaj ne savait rien de tout cela avant que je
5 l'informe, et immédiatement après cela, Ramush a donné cet ultimatum. Il a
6 dit que cette personne devait être libérée immédiatement. Il a dit que ce
7 genre de chose ne devait plus se produire parce que ceci minait notre
8 cause."
9 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.
10 "Ramush Haradinaj", je vous cite, "n'en savait rien avant que je l'en
11 informe. Immédiatement après cela, Ramush a donné un ultimatum à savoir que
12 cette personne devrait être libérée immédiatement, et il a dit que rien de
13 ce genre ne devrait se reproduire parce que ceci minait notre cause."
14 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
15 M. EMMERSON : [interprétation] Et cela, c'est ce qu'avance
16 l'Accusation, à savoir qu'il s'agit d'une entreprise criminelle commune,
17 Messieurs les Juges, Messieurs les Juges.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Emmerson. D'après ce que
19 je peux voir, vous en avez terminé pour aujourd'hui.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Effectivement.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La séance est levée jusqu'à demain, 9
22 heures, dans ce même prétoire.
23 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 26 juin 2012,
24 à 9 heures 00.
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