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1 Le mardi 26 juin 2012
2 [Plaidoiries]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je salue toutes les personnes dans le
7 prétoire et à l'extérieur du prétoire. Monsieur le Greffier, veuillez citer
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
10 de l'affaire IT-04-84bis-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz
11 Balaj, et Lahi Brahimaj.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. La
13 présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par l'Accusation.
14 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Paul Rogers pour
15 l'Accusation, M. Aditya Menon, Mme Kravetz, et notre commis à l'audience,
16 Mme Pedersen.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. La Défense de M.
18 Haradinaj.
19 M. EMMERSON : [interprétation] Ben Emmerson représentant les intérêts de
20 Ramush Haradinaj, accompagné de Rod Dixon, Andrew Strong, Kerrie Rowan, et
21 Annie O'Reilly.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
23 Pour M. Balaj.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Gregor Guy-
25 Smith, accompagné de Collenn Rohan, Holly Buchanan, Gentian Zybery, et
26 Ramon Barquero.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
28 Et M. Brahimaj.
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1 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Richard Harvey,
2 accompagné de Paul Troop, Beonisch, et Sylvie Kinabo.
3 Messieurs les Juges, puis-je soulever une simple question avant que nous ne
4 commencions. Je crois que vous en avez peut-être été informé. J'étais
5 quelque peu préoccupé hier. Car la Chambre de première instance a dit
6 qu'elle souhaitait ou qu'elle ne souhaitait pas imposer des restrictions de
7 temps sur un quelconque des conseils lorsqu'ils présenteront leurs
8 arguments, ce dont je leur suis gré, mais je sais que les Juges de la
9 Chambre souhaitent en terminer aujourd'hui.
10 Comme le dernier conseil à prendre la parole et présenter ses arguments en
11 tant que dernier conseil, je n'ai aucune garantie de quiconque, et je ne
12 peux pas en avoir, et je ne peux pas vous présenter de garantie non plus,
13 au niveau du temps. Mais il se peut que nous ayons besoin, si vous pouvez
14 accepter cela siéger un peu plus longtemps que les heures prévues
15 aujourd'hui pour avoir une audience un peu plus longue pour m'assurer qu'au
16 nom de M. Brahimaj, je ne suis pas empêcher de faire les arguments qui, à
17 mon sens, convient en ce qui le concerne. Je vais essayer d'être précis. Je
18 ne vais pas essayer de m'étendre trop, mais je souhaite faire approfondir
19 les questions.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'entends bien. Ceci a une incidence
21 non seulement sur vous et les Juges de la Chambre, mais nos interprètes
22 également ainsi que d'autres membres du personnel. Je ne sais pas si ces
23 personnes sont prêtes à faire droit à votre demande; sinon, nous allons
24 être obligés de siéger demain.
25 M. HARVEY : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson.
27 M. EMMERSON : [interprétation] Lorsque nous nous sommes arrêtés hier après-
28 midi, j'avais présenté des arguments et j'avais fait référence à la
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1 déposition de Rrustem Tetaj dans le cadre du premier procès ainsi que du
2 témoin protégé dans ce procès-ci eu égard à M. Skender Kuqi et
3 l'intervention de M. Haradinaj lorsque la détention de M. Skender Kuqi a
4 été portée à l'attention de M. Haradinaj comme ceci a été établi par la
5 déposition de M. Rrustem Tetaj. Donc sur le voyage en direction de
6 Jabllanice qui est difficile, il fallait donc y parvenir et faire des
7 remontrances à la personne en question lorsqu'il est arrivé, c'est ce que
8 nous avons entendu lorsqu'il a entendu parler du traitement infligé à M.
9 Kuqi et il a demandé sa remise en liberté immédiate, vous vous souviendrez
10 peut-être que le témoin protégé a dit ceci que : Ce type de choses nuit à
11 nos tribunaux, et vous allez peut-être penser qu'il s'agit là d'un détail
12 d'une grande importance. Comme je vous l'ai dit hier, M. Haradinaj
13 commandait les personnes qui avaient choisi de le suivre, et sa popularité
14 ainsi que l'appui dont il jouissait, et la cause qu'il représentait est
15 quelque chose -- et dont il jouissait au sein de la communauté dépendait de
16 sa réputation, et dans cette mesure, on peut penser que les mauvais
17 traitements infligés aux personnes détenues, ou les allégations de torture
18 et autres sévices de personnes en détention pourraient avoir l'effet tout à
19 fait inverse, de ce que M. Haradinaj s'était mis à construire, à savoir un
20 consensus au sein de la communauté dont il faisait part au sein de ces
21 forces de volontaires. Donc passez la première fois qu'il apparaît de façon
22 active au niveau des éléments de preuve, et des deux autres témoins. Il y a
23 deux autres témoins.
24 Le second est le Témoin numéro 3, et d'après lui, c'est quelqu'un qui s'est
25 évadé de Jabllanice les 17 et 18 juillet. Il a dit, dans sa déposition et
26 avec force détail, qu'il avait été replacé en détention, à la fin, par Lahi
27 Brahimaj, verrouillé, ou, en tout cas placé dans le coffre de la voiture et
28 M. Brahimaj l'a déposé à Glodjan où, au départ, il avait été maltraité par
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1 un soldat en particulier à cet endroit-là, et ensuite deux jeunes garçons
2 qui, d'après lui, semblaient être des frères ou le frère de M. Haradinaj,
3 est entré dans la pièce, a fait en sorte que ce mauvais traitement cesse
4 sur le champ et a commencé à le traiter de manière différente.
5 A ce moment-là, un homme qui pensait être Ramush Haradinaj, le commandant
6 de Glodjan c'est certain est entré dans la pièce où il s'était trouvé, et
7 il vous a dit -- il a dit aux Juges qu'il a été interrogé par M. Haradinaj
8 sur la manière dont il était arrivé là. On l'a ensuite proposé -- on lui a
9 proposé de la nourriture, des cigarettes, un lit pour la nuit, on lui a dit
10 qu'il pouvait passer la nuit à cet endroit-là s'il le souhaitait, mais
11 qu'il devait s'écarter de la fenêtre, car il risquait d'être touché par un
12 obus ou un tireur embusqué serbe. En d'autres termes, dès que M. Haradinaj
13 est arrivé sur les lieux, a-t-il dit aux Juges, son traitement était tout à
14 fait convenable, sa présence à cet endroit tout à fait volontaire et on lui
15 a accordé son soutien ? Je vais vous lire un court extrait. Il a posé cette
16 question :
17 "Lorsqu'il vous est avéré manifeste que lui, M. Haradinaj, ne savait pas
18 qui vous avait emmené là ou ce dont vous étiez accusé ?"Page du compte
19 d'audience 1718 [comme interprété], à partir de la ligne 11 :
20 "Réponse : A mon sens, il n'était pas au courant, parce que c'était une
21 question de temps. Lorsque M. Lahi Brahimaj m'a emmené du magasin, il n'y a
22 eu aucun moment pour en parler avec d'autres personnes. Je n'en suis pas
23 tout à fait certain, mais je suis sûr que lui, M. Haradinaj, n'était pas au
24 courant.
25 Question : Et lui avez-vous dit que vous êtes accusé par M. Brahimaj d'une
26 trahison en quelque sorte et que telle était l'accusation contre lui ?
27 Réponse : Il m'a demandé quel était mon nom, d'où je venais, qui vous a
28 amené ici et pourquoi. Je lui ai donné mon nom, je lui ai donné mon nom de
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1 famille, le nom de mon village, et il m'a demandé : Pourquoi êtes-vous ici
2 ? J'ai dit que c'était au sujet d'un fusil automatique qu'on me
3 reprochait."
4 Autrement dit, une allégation en vertu de quoi le Témoin numéro 3 aurait
5 volé un fusil automatique qui aurait dû être remis à l'UCK. La question se
6 poursuit :
7 "… il a demandé si je connaissais quelqu'un chez qui je pouvais dormir à
8 Glodjan, et j'ai dit que je ne connaissais personne.
9 Question : Donc, si nous marquons une pause à cet endroit-là, nous allons
10 revenir à la question de savoir où cette personne devait dormir dans
11 quelques instants. Il venait de le dire : Je vous demande quel est votre
12 nom, d'où venez-vous, pourquoi êtes-vous ici et qui vous a amené ici ? Donc
13 il a répondu en disant qu'il avait donné son nom de famille, le nom de son
14 village, pourquoi êtes-vous ici ? Et, moi, j'ai répondu qu'il a été
15 question d'un fusil automatique. Donc je marque une pause ici. Lui avez-
16 vous dit que c'est Lahi Brahimaj qui vous avait emmené ici ?
17 Réponse : Oui.
18 Question : Comment a-t-il réagi lorsque vous lui avec dit cela ?
19 Réponse : Il a fait ce bruit, 'shh,' ce qui est consigné au compte rendu
20 d'audience sous la forme 'sssh.' Cela lui semblait incompréhensible, me
21 semble-t-il.
22 Question : Quel était ce bruit ? Pourriez-vous le décrire aux fins du
23 compte rendu d'audience ?"
24 M. le Juge Moloto intervient en disant que ceci est décrit sous la forme de
25 'shh,' et ensuite c'est consigné sous la forme p-o-w [comme interprété],
26 "pwow."
27 "… et donc il était en colère, en colère parce que c'est les mauvaises
28 choses, c'était -- étaient arrivées.
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1 Question : En colère contre qui pensez-vous ?
2 Réponse : Bien sûr que Lahi, parce que Lahi m'avait emmené à cet endroit-
3 là."
4 Donc, encore une fois, ce témoin-là, dans sa déposition manifestement,
5 n'étaye pas la proposition que son mauvais traitement était dû à une
6 entreprise criminelle commune. A l'instar de Skender, Kuqi lorsque son
7 traitement a été porté à l'attention de M. Haradinaj, sa réponse consistait
8 à dire que rien de la sorte ne devait jamais se reproduire, car ceci
9 nuisait à notre cause. Donc, au point 2 [comme interprété], lorsque le
10 témoin numéro 3 informe M. Haradinaj du fait qu'il a été maltraité et
11 détenu par Lahi Brahimaj, à la manière dont ceci a été décrit, et bien la
12 réaction de M. Haradinaj était la suivante, il était en colère en raison
13 des choses qui étaient arrivées et en colère contre M. Brahimaj.
14 Ceci n'étaye en rien l'entreprise criminelle commune. Au contraire, cela
15 prouve qu'une telle entreprise criminelle commune n'existe pas. Je le
16 réitère, je ne reprends pas la question de la responsabilité des
17 commandements quand bien même ceux-là auraient existé sur le terrain. Ceci
18 ne parvient pas du tout à répondre aux critères retenus dans le cadre d'une
19 entreprise criminelle commune, lorsqu'il y a une intervention de la part de
20 M. Haradinaj, ceci -- l'expression même des personnes qui en ont été les
21 témoins oculaires, au contraire ceci est le signe d'une attitude qui est
22 contre le mauvais traitement des individus qui avaient été détenus à
23 Jabllanice.
24 Je vais maintenant regarder un cours extrait vidéo montré en présence du
25 témoin numéro 3 qui nous montre comment il a réagi au traitement infligé
26 par M. Haradinaj.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 "… ceci se fonde sur les éléments de preuve qui ont déjà été donnés, je
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1 vais donc vous soumettre quelques courtes idées et vous demandez à y
2 répondre, sans s'étendre là-dessus.
3 Tout d'abord, vous avez compris qu'on allait vous donner un lit --"
4 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
5 L'INTERPRETE : Numéro de l'intercalaire, s'il vous plaît.
6 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
7 Est-ce que vous disposez de cela, Messieurs les Juges ?
8 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
9 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que quelqu'un peu régler cette
10 question, s'il vous plaît ?
11 L'INTERPRETE : Les interprètes souhaitent avoir le numéro de
12 l'intercalaire, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson, les interprètes
14 souhaitent avoir le numéro de l'intercalaire de ce compte rendu, s'il vous
15 plaît.
16 M. EMMERSON : [interprétation] C'est l'intercalaire numéro 8.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 "Question : … donc vous êtes resté ici de votre -- vous pouvez rester ici
20 de votre plein gré si vous le souhaitez ?
21 Réponse : C'est exact, c'est exact. C'est vrai.
22 Question : Vous avez été rassuré, on vous a indiqué que vous seriez en lieu
23 sûr, qu'on vous emmènerait chez les membres de votre famille le lendemain
24 matin, c'est exact ?
25 Réponse : D'après ces deux jeunes hommes qui ont empêché un garçon blond de
26 me frapper, j'ai commencé à me sentir rassuré.
27 Question : On vous a donné de la nourriture, des cigarettes et un endroit
28 relativement sûr pour passer la nuit.
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1 Réponse : Oui, c'est exact.
2 Question : Alors à un moment donné plus tard dans la soirée, on vous a
3 demandé de vous rendre en bas pour aller rencontrer le commandant, c'est
4 exact ?
5 Réponse : Oui, c'est exact.
6 Question : Et donc on s'attendait à ce que vous passiez la nuit là, je
7 crois que vous avez dit vers 11 heures on vous a appelé pour vous demander
8 de vous rendre en bas, c'est exact ?
9 Réponse : Oui, c'est exact.
10 Question : Et vous avez dit à M. Rogers hier, peut-être c'est tout à fait
11 compréhensible dans le contexte de la déposition que vous avez donnée, que
12 vous avez eu peur lorsqu'on vous a demandé de vous rendre à l'étage
13 inférieur, mais lorsque vous y êtes arrivé, l'homme qui d'après était M.
14 Haradinaj vous a dit : Oubliez ce qui est arrivé. Rentrez chez vous et chez
15 les vôtres et oubliez tout. Vous êtes libre.
16 Est-ce exact ?
17 Réponse : C'est exact. C'est ce qu'il m'a dit. Bien sûr, si j'avais
18 su auparavant pourquoi il m'avait demandé de me rendre en bas, je n'aurais
19 pas eu peur. Et avant de descendre, j'avais peur. Mais lorsque je me suis
20 rendu en bas, il m'a dit que je devais retrouver ma famille, que je n'avais
21 rien à voir avec cela, que j'étais libre.
22 Question : Il vous a demandé de n'avoir aucun contact avec l'UCK en
23 général, n'est-ce pas ?
24 Réponse : Il a dit : Oui, tenez-vous à l'écart. Tenez-vous à l'écart
25 de ce qui est arrivé. Rentrez chez vos parents, rentrez dans votre famille.
26 Question : Est-ce que je peux vous poser cette question-ci, témoin ?
27 Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que vous vouliez dire ceci :
28 Que vous alliez rentrer en toute sécurité dans votre famille et que plus
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1 rien de mal n'allait vous arriver ?
2 C'est bien ce que cet homme qui d'après vous était M. Haradinaj vous
3 a dit ?
4 Réponse : Oui. Lorsqu'il a prononcé ces paroles et lorsque j'ai vu
5 les personnes qui sont venues me chercher, je savais que cet homme ne me
6 ferait jamais de mal. En réalité, je n'ai jamais eu peur de M. Haradinaj.
7 Je ne le connaissais pas. Il ne me connaissait pas, et même maintenant je
8 n'ai pas peur de lui. Si c'est ce qu'il vous promettait à ce moment-là que
9 plus rien de mal n'allait vous arriver, c'est bien ce qui s'est produit,
10 n'est-ce pas, plus rien ne vous ai jamais arrivé après cela, n'est-ce pas ?
11 Réponse : C'est exact, on ne m'a fait aucun mal, aucune menace. Je n'ai
12 aucun contact avec eux.
13 Question : Serait-il exact de dire qu'une fois qu'on vous avait porté à
14 l'attention de M. Haradinaj, qu'à partir de ce moment-là, vous étiez en
15 sécurité ?
16 Réponse : Oui, oui, c'est effectivement ce qui est arrivé. Je n'ai jamais
17 eu de problème."
18 M. EMMERSON : [interprétation] Je souhaite consigner alors je n'ai pas
19 l'intention de commenter ceci beaucoup hormis la remarque suivante : Il est
20 tout à fait clair d'après la déposition du témoin numéro 3, que
21 l'intervention de M. Haradinaj, en ce qui le concernait, n'est pas
22 seulement incohérent ou ne coïncide pas avec l'existence ou plutôt la
23 participation de M. Haradinaj à une entreprise criminelle commune dans le
24 cadre du traitement de ce témoin, il s'agit au contraire d'une preuve
25 officielle de la situation inverse.
26 Alors je souhaite maintenant passer à la troisième et dernière
27 déposition pertinente qui concerne la participation de M. Haradinaj en
28 l'espèce, à savoir, les observateurs militaires des Nations Unies, la MOCE,
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1 évoqué par M. Rogers. J'ai résumé hier, ce qui était arrivé par rapport à
2 cela, et à quel moment ceci s'est passé, et j'ai indiqué que l'Accusation
3 souhaitait se reposer sur cet échange, semble attester de la propensité
4 [phon] et ou du fait que M. Haradinaj est enclin à la violence et que ceci
5 est tout à fait exagéré. M. Pappas avec son interprète, Kastriot, et deux
6 autres moniteurs des observateurs militaires des Nations Unies. Kastriot et
7 une autre personne s'étaient rendus dans une Land Rover blanche sur la
8 ligne des confrontations que vous avez vu hier, Messieurs les Juges, que
9 l'on a pu voir en fait dans la séquence vidéo de la BBC, lorsque les forces
10 serbes ont occupé Glodjan, ce qui a provoqué une destruction à grande
11 échelle et un déplacement en masse de la population. Il y avait -- à
12 l'origine ils ont été arrêtés par des hommes armés au moment où ils
13 s'approchaient d'Irzniq. Ils ont été emmenés à un QG de l'UCK. Il y a eu
14 une confrontation au cours de la quelle l'interprète a été frappé, et
15 l'interprète a ensuite dit à M. Pappas que ces hommes armés qui n'ont pas
16 été identifiés les soupçonnaient d'être des espions à la solde des Serbes.
17 Comme l'a dit la déposition, ils disposaient de téléphone satellite et des
18 cartes.
19 Au bout de 25 minutes, il a dit que M. Haradinaj est arrivé sur les
20 lieux, leur a posé des questions, mais comme M. Pappas a dit à la dernière
21 Chambre de première instance, que la situation ou la manière dont il se
22 comportait était tout à fait différente, lorsqu'il cherchait à obtenir des
23 informations. Une fois que M. Haradinaj est arrivé, tout était beaucoup
24 plus civilisé. Je répète, une fois que M. Haradinaj est arrivé, tout était
25 beaucoup plus civilisé. Page du compte rendu d'audience T4132, pièce P318.
26 Une fois que M. Pappas avait expliqué qu'il s'agissait d'un groupe de
27 la MOCE, M. Haradinaj était tout à fait ouvert, tout à fait compris de quoi
28 il s'agissait. On l'a laissé venir de la ligne de front pour s'occuper de
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1 cette escapade quelque peu incontrôlée de la MOCE. Il les a raccompagnés
2 jusqu'à leur voiture pour voir si, oui ou non, ils cachaient des armes,
3 leur a dit qu'ils pouvaient partir et qu'ils devaient être escortés en
4 toute sûreté pour qu'ils puissent quitter le secteur, et M. Pappas a
5 indiqué qu'au cours de cet échange, M. Haradinaj était tout à fait calme et
6 qu'il était aimable et poli.
7 Je vais m'arrêter un instant là-dessus. Ce que nous avons en fait,
8 c'est une déclaration 92 ter de M. Pappas. Mais dans le premier procès, il
9 avait tout d'abord signé une déclaration consolidée beaucoup plus longue,
10 dans lequel un passage expliquait le comportement de M. Haradinaj, et ce
11 passage, malheureusement, n'a pas figuré dans la déclaration 92 ter. Il a
12 donc été interrogé sur le passage en question qui ne figure pas dans la
13 déclaration 92 ter dont vous disposez, Messieurs les Juges. Il s'agit
14 d'éléments pertinents en l'espèce, à savoir que M. Haradinaj est enclin à
15 la violence, mais ceci a échappé à l'Accusation, car si l'Accusation
16 s'était concentrée là-dessus, il était difficile par la suite pour
17 l'Accusation de présenter des arguments qu'ils ont présentés.
18 Alors je souhaite que nous regardions un court extrait de cela pour
19 voir ce que M. Pappas ou M. Haradinaj avait à dire.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
22 "Question : …la teneur de votre déclaration consolidée où vous parlez
23 de cette question --"
24 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
25 M. EMMERSON : [interprétation] Intercalaire numéro 9.
26 [Diffusion de la cassette vidéo]
27 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
28 "Question : … et je vais vous demander de confirmer qu'il s'agit de bien de
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1 votre déposition, parce que ceci ne figure pas dans leur déclaration écrite
2 qui a été versée au dossier en l'espèce. Une citation, et je lis un extrait
3 de la deuxième moitié du paragraphe 22 de la déclaration consolidée du
4 témoin, et ensuite :
5 'Il était tout à fait calme, et il contrôlait la situation. Et de manière
6 aimable, il a commencé à nous interroger l'un après l'autre, il était poli.
7 Il a commencé par Penti, qui semblait être en état de choc, qui avait peur,
8 qui a eu peur de la manière dont les choses avaient évolué, entre
9 parenthèses (Penti était venu rendre visite à notre équipe juste ce jour-
10 là, et ceci lui était arrivé.) Il a vérifié ses papiers, et ensuite il y a
11 eu une courte discussion. Je me souviens qu'il a demandé à Penti une
12 question à propos du lac en Finlande, il s'agissait d'un différend entre
13 lui et les Russes, et Penti lui a répondu. Après Penti, il a posé quelques
14 questions en albanais à l'interprète, je ne suis pas au courant de la
15 teneur de cet échange. Après Kastriot, il s'est tourné vers moi, et m'a
16 demandé où je vivais, et ce que je faisais à la maison. Il m'a dit qu'il
17 n'y avait aucun problème avec les Grecs même si la politique de mon pays a
18 provoqué des sentiments hostiles chez de nombreux camarades. Il m'a dit
19 qu'il s'était rendu en Grèce à plusieurs reprises et qu'il avait beaucoup
20 d'amis albanais qui y vivaient, certains d'entre eux étaient venus au
21 Kosovo se battre avec lui. Et je lui ai expliqué quelles étaient les
22 circonstances qui ont fait que nous étions arrivés là, à savoir notre
23 présence à Rznic. Je lui ai expliqué quels étaient notre mandat, et
24 l'objectif de notre présence à Kosovo. Il semblait avoir compris et être
25 convaincu de nos explications. Après il s'est entretenu en français et en
26 anglais avec Kaufmann'.
27 "Un peu plus loin, paragraphe 26, je suis ceci au compte rendu d'audience.
28 'Après cela, le commandant nous a raccompagnés jusqu'à notre voiture. Il a
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1 commencé à fouiller la voiture de fond en comble, à l'intérieur et à
2 l'extérieur. Il nous a demandé si nous avions des fusils, nous avions
3 répondu par la négative. Après cela, il nous a dit que nous étions libres
4 de partir. Il nous a proposé une escorte pour quitter la région, et nous
5 étions d'accord avec cela. Ensuite il a donné l'ordre aux trois hommes en
6 uniforme noir, y compris Idriz Balaj, qui nous avait arrêtés avant cela, de
7 nous escorter pour que nous puissions quitter Gllogjan'.
8 Pour finir, deux lignes au bas du paragraphe 26 :
9 'L'ensemble de l'incident a duré une heure et demie environ sous le
10 pilonnage incessant de l'artillerie serbe.'
11 Tout d'abord, je vais vous demander de confirmer qu'il s'agit là bien
12 de votre déposition ?
13 Réponse : Oui.
14 Question : Et ensuite, une ou deux questions supplémentaires. D'après
15 cette description, l'impression que vous aviez de M. Haradinaj, c'est que
16 cet homme est resté calme pendant toute la durée de cet échange et qui
17 s'est comporté de façon raisonnable à votre égard; est-ce exact ?
18 Réponse : C'est exact.
19 Question : Malgré le fait que le village de Glodjan et de Rznic
20 étaient lourdement pilonnés et que les Serbes étaient en train de se
21 rapprocher rapidement ?
22 Réponse : Oui. Ces villages étaient pilonnés. Je ne sais pas quelle
23 était -- si les Serbes étaient très proches ou pas, quelles étaient les
24 estimations à cet égard.
25 Question : Et d'après la vidéo que vous avez vue hier vous savez
26 qu'ils ont occupé Glodjan ?
27 Réponse : Oui.
28 Question : Alors, pour qu'un commandant quitte la ligne de front, et
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1 quitte le lieu des combats pour s'occuper d'un groupe d'observateurs qui
2 avait décidé de traverser la ligne de front, parce qu'il s'agissait ici --
3 pour faire créer une diversion parce qu'ils souhaitaient protéger la vie
4 des personnes et avaient quitté la zone de conflit ?
5 Réponse : Ah, bien, si vous voulez exprimer ainsi, oui.
6 Question : Malgré tout, une fois qu'il ait établi sa bonne foi, non
7 seulement il vous a rendu vos documents mais vous a assuré que vous
8 pourriez partir en toute sécurité --"
9 "M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
10 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
12 M. EMMERSON : [interprétation]
13 "Question : Donc non seulement il vous a assuré et vous a rendu vos
14 documents, on vous a dit que vous pourriez quitter en toute sécurité la
15 région, encore une fois, de faire diversion quitter les soldats sur la
16 ligne de front parce qu'ils voulaient garantir votre protection ?
17 Réponse : Oui, tout à fait."
18 M. EMMERSON : [interprétation] Alors, comment un Procureur responsable
19 peut-il faire valoir cet incident pour prouver la participation présumée à
20 une entreprise criminelle commune de M. Haradinaj dans le mauvais
21 traitement des prisonniers ?
22 Des trois incidents, l'intervention de M. Haradinaj dans le cas de Skender
23 Kuqi, son intervention dans le cas du Témoin numéro 3, et son intervention
24 dans le cas des observateurs militaires européens de la MOCE s'agit-il là
25 des seuls exemples de sa participation à quelque incident que ce soit outre
26 la confrontation -- sa confrontation avec les soldats du FARK que je vais
27 aborder à la fin de mes arguments, alors nous allons laisser de côté la
28 diversion des FARK et la laisser à la place qu'il leur revient, ces trois
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1 incidents sont les seuls éléments de preuve des agissements quels qu'ils
2 soient de M. Haradinaj, agissements pertinents, et que nous disent-ils ? Eh
3 bien, une entreprise criminelle commune ? Je ne le pense pas.
4 Alors, qu'en est-il de cette allégation mal ficelée disant que c'est
5 simplement parce que c'était un commandant populaire au sein de l'UCK qu'il
6 était nécessairement coupable ? Finalement, en tout, revient à cela. Et
7 nous devons vous placer cela dans son propre contexte.
8 M. Rogers a essayé d'écarter les éléments de preuve très cohérents qui ont
9 été présentés à cette Chambre de première instance démontrant qu'il n'y
10 avait pas de commandement vertical, pas de structure verticale, et ce, même
11 après le 23 juin. Maintenant ce que nous --
12 Ce à quoi nous sommes confrontés ce sont des abstractions et des
13 généralités. Mais essayons de nous pencher sur des points concrets, et il
14 n'y a pas de points concrets sur lesquels peut se reposer M. Rogers pour
15 étayer sa cause, mais voyons un peu les éléments de preuve. Tout d'abord,
16 la déposition de Skender Rexhametaj, M. Rogers s'appuie là-dessus pour
17 faire valoir que sa relation avec M. Haradinaj était telle qu'il doit être
18 tenu responsable de ce qui s'est passé à Jabllanice.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
21 "Question : … jusqu'au 23 juin, jusqu'à cette réunion-là, vous
22 personnellement vous n'avez jamais reçu d'ordre de la part de Ramush
23 Haradinaj. C'est ce que vous nous avez dit, vous étiez des commandants de
24 sous-zones de rang identique même s'il était votre coordinateur, c'est ce
25 que vous nous avez dit hier, vous n'avez jamais reçu d'ordre de sa part
26 avant le 23 juin. Vous vous souvenez d'avoir dit cela hier ?
27 Réponse : Oui. Je me souviens, et je le maintiens. Je vous ai dit que
28 tout ce qui a été fait a été fait sur la base de …
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1 Question : Essayez juste de vous concentrer bien sûr la question. Je
2 vais vous soumettre que c'était le cas également après le 23 juin, à savoir
3 que vous n'avez jamais reçu d'ordre de la part de Ramush Haradinaj vous
4 enjoignant à faire ou à ne pas faire quoi que ce soit sur le plan militaire
5 au sein de votre sous-zone même après la date du 23 juin.
6 Réponse : Oui. Les sous-zones et les responsabilités des commandants
7 de celles-ci étaient toujours en place à partir de ce moment-là. Nous avons
8 continué de nous employer à rendre fonctionnelles les positions et les
9 responsabilités même après le 23 juin.
10 Question : Et en pratique, après le 23 juin la relation entre les
11 commandants des sous-zones, pratiquement, elle était toujours une relation
12 horizontale ?
13 Réponse : Oui. Oui, elle est restée horizontale en réalité, cela
14 signifie que personne ne pouvait donner d'ordre aux autres. Tout ce faisait
15 par consensus, et la situation est restée la même."
16 M. EMMERSON : [interprétation] Donc, avant le 23 juin, nous savons de
17 manière incontestée que Jabllanice était placée entièrement à l'extérieur
18 des quatre sous-zones qui avait été établi le 26 mai et à partir de la date
19 du 23 juin la relation entre les commandants, que ce soit à l'intérieur ou
20 à l'extérieur de cette sous-zone, donc à savoir entre ceux qui
21 constituaient la zone opérationnelle de la plaine de Dukagjin reste
22 horizontale en réalité donc "cela signifiait que personne ne pouvait donner
23 d'ordre à personne d'autre." Donc M. Rogers lorsqu'il établit sa
24 comparaison avec le commandement des armées conventionnelles, il ne va pas
25 jusqu'au bout. La conclusion logique est que ce n'était pas une armée
26 qu'elle n'avait pas de d'hiérarchie vertical du tout précisément parce
27 qu'elle reposait sur un principe de consensus établi enter les volontaires,
28 des gens, vous avez entendu qu'ils fonctionnaient selon les principes de
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1 loyauté à leurs propres villages et aux personnalités imminentes qu'ils
2 écoutaient dans le village. Donc il était nécessaire de discuter de tout,
3 de prendre toutes les décisions par consensus, et à aucun moment, il n'a
4 été dit que des décisions ont été prises de placer en détention de rouer de
5 coup, de tuer des gens à Jabllanice, ou d'y créer un centre de détention.
6 Donc M. Rogers dit, oui, très bien, mais nous avons dans le premier
7 procès le Témoin Zymer Hasanaj, qui nous dit que Ramus Haradinaj a nommé le
8 commandant de Vranoc. Vous vous rappellerez, Vranoc est près de Baran, et
9 c'est un de ces villages qui ont été attaqués pendant l'offensive du mois
10 de mai. M. Rogers nous dit que, d'après Zymer Hasanaj, Ramus Haradinaj a
11 nommé le chef de Vranoq, Din Krasniqi, mais cela ne correspond à
12 l'affirmation que nous avons, à savoir que les villages élisaient leur
13 propre commandant.
14 M. ROGERS : [interprétation] L'autre paragraphe, s'il vous plaît, la
15 référence.
16 M. EMMERSON : [interprétation] C'est dans votre propre mémoire, mais il me
17 faudra un instant pour le retrouver.
18 Donc voyez maintenant ce que M. Hasanaj a effectivement dit, la
19 déclaration 92 ter donc.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
22 "Question : Est-ce qu'il y avait un commandant, commandant qui dirigeait
23 les gens qui se considéraient eux-mêmes comme faisant partie de l'UCK, en
24 avril 1998, dans votre village ?
25 Réponse : Nous n'avions pas de commandant, à ce moment-là, nous avions
26 quelqu'un qui avait la possibilité de contacter les gens, d'être une sorte
27 de représentant, on pourrait dire. C'est comme cela que ça se passait.
28 Question : Au paragraphe 4, vous dites que Ramus Haradinaj est souvent venu
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1 à Vranoc, y compris pour annoncer la nomination de Din Krasniqi, au poste
2 de commandant de la région de Baran, de Lugui Baran; est-ce que vous
3 connaissez personnellement Ramus Haradinaj ?
4 Réponse : Oui, je connais personnellement Ramus Haradinaj. Après
5 l'offensive contre Vranoc, Ramus Haradinaj n'a pas nommé Din Krasniqi. Ce
6 sont les gens qui l'ont élu."
7 M. EMMERSON : [interprétation] Donc pour répondre à la question de M.
8 Rogers, au paragraphe 30 de son mémoire, donc ce passage qui a été présenté
9 par M. Re au témoin, peut être utilisé, a été donc présenté et le témoin a
10 contredit, donc n'a pas accepté cette proposition.
11 Donc je voudrais à présent que l'on présente la pièce P78, c'est une carte
12 --
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez cité le paragraphe 30 de ce
14 mémoire, 30.
15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Et vous verrez aussi la note de bas de
16 page 102.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois la note de bas de page, mais
18 je n'y vois pas exactement quel est le lien entre la note et le paragraphe
19 lui-même.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Mais vous avez les derniers mots du
21 paragraphe 30, où il est dit que M. Haradinaj a une influence sur
22 l'élection des chefs, et nous avons cette note de bas de page qui constitue
23 une référence à la déclaration de M. Hasanaj, qui a déclaré que Haradinaj
24 était venu annoncer la nomination de Din Krasniqi en tant que commandant.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Parce qu'en fait les éléments de preuve nous
27 disent de manière tout à fait répétée et cohérente que c'était toujours les
28 villages qui élisaient leur représentant, leur commandant.
Page 2874
1 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
2 M. EMMERSON : [interprétation] Donc P78, s'il vous plaît, vous l'avez en
3 noir et blanc. Donc nous avons les quatre sous zones et la sous zone qui se
4 situe autour de Glodjan, qui est commandée par M. Haradinaj --
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est lequel numéro ?
6 M. EMMERSON : [interprétation] Le numéro 1.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
8 M. EMMERSON : [interprétation] Et vous voyez que c'est un secteur vaste.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il est difficile de lire à l'écran.
10 M. EMMERSON : [interprétation] Moi, je vois plutôt bien à l'écran. Vous
11 deviez plutôt appuyer sur le bouton qui vous montre les choses en temps
12 réel, le "live feed".
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est beaucoup mieux. Merci.
14 M. EMMERSON : [interprétation] Donc c'est le 26 mai, la réunion de cette
15 date-là. La sous zone numéro 1, autour de Glodjan, donc c'est la carte de
16 M. Tetaj; la sous zone 2, Irzniq, commandée par Rrustem Tetaj; la sous zone
17 3, autour de Dasinovac; et puis nous avons la sous zone sous le
18 commandement de Shemsedin Cekaj, qui a aussi déposé en l'espèce sur la
19 structure horizontale et les liens horizontaux qui existaient. Donc
20 Jabllanice se situe bien à l'extérieur de la structure des sous zones. Donc
21 nous savons qu'à partir du début de la période couverte par l'acte
22 d'accusation, et ce, jusqu'au 23 juin, même formellement Jabllanice se
23 situe complètement hors ces tentatives d'établir une coordination entre ces
24 zones le long de la ligne de front, et même après le 23 juin, nous le
25 savons d'après les témoignages et les éléments de preuve que nous avons
26 reçus. Il n'y avait pas de relation de commandement que M. Rogers essaie de
27 nous présenter. Donc que nous disent les témoins à ce sujet, prenons
28 l'intercalaire 13, un bref extrait de la déposition de M. Tetaj, pièce
Page 2875
1 P521.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
4 "Question : … nous allons parler du procès-verbal de la réunion qui s'est
5 passée à Jabllanice, le 23 juin. Mais avant cela, nous voyons d'après les
6 zones que vous avez annotées sur cette carte, qu'à la fin du mois de mai,
7 ces sous zones ne comportaient pas de secteurs qui se situeraient à l'ouest
8 de la route principale; est-ce que cela est exact ?"
9 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson, en fait ce que
14 j'entends dans l'extrait vidéo, je devais le voir dans la transcription,
15 mais je ne le vois pas à l'intercalaire 13.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-être que nous n'avons pas exactement le
17 même endroit dans l'extrait. Donc c'est bien la transcription qui porte le
18 numéro 3720 ?
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, tout à fait.
20 M. EMMERSON : [interprétation] A moins que je ne me trompe, ça doit être ce
21 passage-là.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors essayons de voir.
23 [Diffusion de la cassette vidéo]
24 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
25 "Question : Je vais donc revenir plus en détail au procès-verbal de
26 la réunion qui s'est déroulée à Jabllanice, le 23 juin. Mais avant cela,
27 nous voyons à partir des zones que vous avez indiquées sur cette carte,
28 qu'au moment, donc à la fin du mois de mai, ces zones ne comprennent aucun
Page 2876
1 secteur se situant à l'ouest de la route principale; est-ce que cela est
2 exact ?
3 Réponse : Oui.
4 Question : Et de toute évidence Jabllanice non plus n'en fait partie ?
5 Réponse : Jusqu'à ce que l'on crée l'état-major de Dukagjin, Jabllanice
6 constituait une zone séparée, elle n'était pas incluse dans les autres
7 quatre sous-zones, n'en faisait pas partie.
8 Question : Justement, c'est ce que je voulais vous demander. Vous avez dit
9 que jusqu'au -- la traduction nous dit 'jusqu'à ce que le premier état-
10 major de Dukagjin soit créé.' Donc je veux que ce soit tout à fait clair.
11 Est-ce que vous êtes en train de nous dire que jusqu'à la réunion du 23
12 juin lorsqu'on a créé l'état-major de la plaine de Dukagjini, que jusqu'à
13 ce moment-là, Jabllanice ne faisait pas partie de ce groupement coordonné ?
14 Est-ce exact ?
15 Réponse : C'est exact. C'est exact."
16 M. EMMERSON : [interprétation] Et je voudrais que l'on parcourt maintenant
17 une série de dépositions. Prenons l'intercalaire 14.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je dois poser une petite question,
19 s'il vous plaît. Dans l'intercalaire 11, la zone dont parle Hasanaj, de
20 quelle sous-zone s'agit-il là ?
21 M. EMMERSON : [interprétation] Vranoq. Donc vous voyez Baran, Baran ne fait
22 pas partie des sous-zones, il est à l'extérieur également. Donc si vous
23 prenez Baran, il est juste en haut à droite de la sous-zone 4. En fait
24 Baran est à l'extérieur, mais Vranoq, si vous regardez juste en bas au sud
25 de Vranoq, c'est au bout de cette limite de cette sous-zone 3 dans la zone
26 de Shemsedin Cekaj.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
28 M. EMMERSON : [interprétation] Donc je voudrais parcourir ces passages
Page 2877
1 rapidement. Intercalaire 14, c'est la déposition de Skender Rexhametaj sur
2 les modalités de fonctionnement des relations entre les différents
3 villages. Donc essayons de voir cela rapidement.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
6 "Question : Alors seriez-vous d'accord avec moi pour confirmer que
7 l'une des raisons pour lesquelles un commandement d'une sous-zone en
8 particulier ne pouvait pas imposer ses volontés à une autre sous-
9 zone, que c'était parce que tout le monde était là parce qu'il était
10 volontaire, que tout le monde opérait sur un principe de volontariat
11 et tout devait en fait faire l'objet d'un consensus ?
12 Réponse : Oui.
13 Question : Mais hier au début de votre déposition vous nous avez
14 parlé de manière un peu plus détaillée de quelque chose, à savoir que ces
15 zones, que ces localités, villes et villages, où il y a eu nomination de
16 commandants, étaient très fiers, très jaloux culturellement de leur
17 indépendance et se voulaient indépendants l'un de l'autre. Est-ce que vous
18 pouvez confirmer cela ?
19 Réponse : Est-ce que vous pouvez répéter votre question ?
20 Question : Une autre raison pour laquelle tout devait se passer par
21 voie de consensus c'est parce que d'un point de vue culturel au Kosovo
22 occidental - et vous nous en avez parlé hier - ces villes où il y avait une
23 concentration de l'activité de l'UCK étaient très fières de leur
24 indépendance et protégeaient leur indépendance les uns vis-à-vis des
25 autres. Ils n'accepteraient pas, ils ne voudraient pas que le chef d'une
26 autre localité vienne leur dire ce qu'il fallait faire parce que cela
27 signifierait qu'il y avait rupture de consensus, n'est-ce pas ?
28 Réponse : Oui, c'est exact, parce que ces gens qui ont été nommés ont
Page 2878
1 été nommés grâce au choix, à la volonté de la population locale et il y
2 avait plusieurs tours à cela comme je l'ai mentionné. Donc, si quelqu'un
3 d'autre venait se présenter pour commander, et bien ils trouveraient que ce
4 n'était pas fondé, que ça n'avait pas lieu d'être. Donc je pense qu'ils ne
5 l'acceptent pas. Je pense que les gens ne l'aimeraient pas, parce qu'ils
6 nous faisaient confiance, je pense que nous avons bien travaillé compte
7 tenu des circonstances réelles qui prévalaient.
8 Question : Alors maintenant, pour conclure, dans votre déposition
9 dans son ensemble, nous avons parlé de six sous-zones, quatre sont marquées
10 sur la carte que je vous ai montrée, la carte de Rrustem Tetaj, vous nous
11 avez parlé de la partie ouest de la route autour de Voksh, sous-zone 5, et
12 la zone autour de Jabllanice, on en parle parfois en disant Dushkaja.
13 Réponse : Oui.
14 Question : Et après le 23 juin jusqu'à la fin du mois de septembre,
15 il était impossible, n'est-ce pas, pour un quelconque commandant de ces
16 zones de rentrer dans une autre zone et de dire aux gens ce qu'il fallait
17 qu'ils fassent et de leur donner un ordre pour qu'ils fassent quelque chose
18 ?
19 Réponse : A moins qu'on l'ait demandé, autrement ce n'était pas
20 possible.
21 Question : Et telle était la situation en dépit de ce désir que nous
22 voyons à l'écran, en dépit de ce projet qui devait être réalisé, qui était
23 souhaité, et que vous avez à l'écran ?
24 Réponse : Oui."
25 M. EMMERSON : [interprétation] Donc ces aspirations, ce projet, se trouvent
26 dans le procès-verbal de la réunion du 23 juin. Alors prenons maintenant
27 l'intercalaire 15, 15 et 16, c'est M. Zyrapi. 15 et 16. Donc M. Zyrapi
28 montrera clairement quels sont les éléments culturels sur lesquels repose
Page 2879
1 cette indépendance.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
4 "Question : Donc excusez-moi pour cette distraction, Monsieur Zyrapi,
5 nous allons essayer de voir ce qu'il en est des relations entre les bases
6 de pouvoir militaire qui ont été associées aux principales familles du
7 Kosovo occidental. Et vous nous avez dit qu'il serait absurde de faire
8 valoir que soit la famille Brahimaj, soit la famille Haradinaj pouvaient
9 imposer à Jashari ce qu'il fallait faire dans leur enceinte et vous nous
10 avez dit qu'il serait absurde, n'est-ce pas, de faire valoir que les
11 Brahimaj pouvaient dire aux Haradinaj ce qu'il fallait faire ou ne pas
12 faire ?
13 M. MENON : Mais c'est toujours le même problème. Il n'y a pas de
14 fondement pour poser cette question à ce témoin en particulier. Il n'est
15 pas clair comment il peut commenter sur cette famille en particulier, enfin
16 sur leur lien, lien entre les Haradinaj et les Brahimaj.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
18 M. EMMERSON :
19 "Question : Il serait absurde, n'est-ce pas, Monsieur Zyrapi, de faire
20 valoir qu'en mars 1998 la famille Haradinaj pouvait imposer sa volonté ou
21 sa discipline sur ce qui se faisait ou ne se faisait pas par les Brahimaj à
22 Jabllanice ?
23 Réponse : Non."
24 M. EMMERSON : [interprétation] Donc ce "non" que nous avons dans le compte
25 rendu d'audience pourrait éventuellement être mal interprété ou être ambigu
26 vu qu'il y a eu cette interruption par M. Menon, et donc la question est de
27 savoir : Serait-il absurde de faire valoir ? Et en fait le témoin confirme
28 qu'il serait absurde de faire valoir cela. Et donc voyons maintenant la
Page 2880
1 suite.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
4 "Question : Monsieur Zyrapi, donc je vais vous soumettre que en mars
5 1998 aucune de ces trois familles n'avait l'autorité, la possibilité
6 d'imposer leur volonté sur une autre famille. Cela est exact, n'est-ce pas
7 ?
8 Réponse : Je n'étais pas là pendant cette période-là pour pouvoir
9 vous en parler, mais d'expérience je vous dirais qu'effectivement, c'est
10 correct.
11 Question : Je vous remercie."
12 M. EMMERSON : [interprétation] Fin de visionnage. Donc prenons maintenant
13 ce qui vous a été cité hier par M. Rogers à l'appui de certains éléments de
14 preuve relatif au commandement. Donc M. Krasniqi, qui a déposé pendant le
15 premier procès, je voudrais prendre ici deux passages qui sont très brefs.
16 Tous les deux au fond. Il dit, dans sa déposition, que ces commandements
17 sont séparés, distincts pas seulement après le 23 juin mais jusqu'à la fin
18 du mois de juillet; donc jusqu'à peu avant l'offensive d'août. Alors le
19 premier intercalaire sera l'intercalaire 17, pièce P514.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
22 "Question : Lorsque vous avez répondu aux questions sur ces relations
23 entre les différents centres de pouvoir pendant la période après le 11
24 juillet hier, vous en avez parlé, vous avez dit qu'ils n'était pas liés
25 entre eux. Vous avez dit : 'A Glodjan, il y avait Ramush. A Prapaqan, il y
26 avait Tahir. Les deux agissaient de manière indépendante, ce qui veut dire
27 que nous n'avions pas les moyens et les possibilités de communiquer les uns
28 avec les autres.' Et vous avez dit ensuite : 'Toutefois, s'il y avait un
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1 problème, si nous voulions envoyer des informations, on envoyait un
2 coursier, une estafette, afin de demander de l'aide.' Et puis vous avez dit
3 : 'Lorsque j'étais à Baran, si j'avais des problèmes, j'envoyais un soldat
4 avec un véhicule afin de demander de l'aide. J'envoyais à Ramush, à Lahi,
5 ou à Tahir, à celui qui était le plus proche.'
6 Et je voulais comprendre --" "-- En fait, je voulais comprendre cette
7 réponse un peu mieux. Est-ce que vous êtes en train de dire à la Chambre de
8 première instance qu'à partir de l'endroit où vous étiez à Vranoq, l'un
9 quelconque de ces trois commandants en fait de votre point de vue étaient
10 en train d'opérer complètement de manière autonome et vous pouvez les
11 contacter directement, vous adressez à eux directement ?
12 Réponse : Oui. Ce n'était pas important à l'époque. Si un village
13 était attaqué, tous les villages se portaient volontaires pour l'aider.
14 Donc, par exemple, lorsque l'attaque a commencé sur Jabllanice, je
15 demandais à d'autres villages de venir en aide, parce que Ramush ne pouvait
16 pas venir de Glodjan là où je me trouvais. Donc les villages qui pouvaient
17 aider envoyaient des volontaires pour aider.
18 Question : Vous semblez nous décrire une structure qui est plutôt
19 horizontale, elle n'est pas verticale, cette structure de commandement.
20 Est-ce que vous accepteriez cette description que je vous fais ?
21 Réponse : Oui, c'est vrai. C'était comme ça. C'est effectivement
22 comme ça que les choses se présentaient. C'est le village qui était le plus
23 proche de l'attaque qui venait en aide."
24 M. EMMERSON : [interprétation] Maintenant l'intercalaire 18.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
27 "Question : Alors pour que tout soit clair, il y avait eu une offensive
28 serbe extrêmement importante, une grande bataille qui a eu lieu à Loxha à
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1 la fin de la première semaine de juillet. Est-ce bien exact ?
2 Réponse : Non, non pas lors de la dernière semaine du mois de juillet, cela
3 s'est passé plus tôt.
4 Question : Non, non, il se peut qu'il y ait eu un problème de traduction.
5 Moi, je vous parlais de la fin de la première semaine du mois de juillet
6 c'est ce que je vous ai dit.
7 Réponse : Oui, à la fin de la première semaine.
8 Question : [aucune interprétation]
9 Réponse : Je pense que vous avez raison. Cela s'est passé vers le 5 ou 6.
10 Question : Il y a eu une autre grande offensive serbe dans cette région à
11 une semaine environ de la cérémonie de prestation de serment, n'est-ce pas
12 ?
13 Réponse : Oui. Oui, oui, effectivement.
14 Question : … il est tout simplement important de bien comprendre la
15 chronologie des événements. Alors, regardez cette carte vous nous avez dit
16 qu'elle nous permettait de comprendre les lieux importants après le 10 ou
17 12 juillet, et nous pouvons voir que vous avez décrit Jabllanice comme
18 étant le QG de l'état-major, et Glodjan, pour ce qui est de Glodjan vous
19 dites qu'il s'agit d'un QG de l'état-major. Alors, j'aimerais bien
20 comprendre votre point de vue vous étiez officier sur le terrain à Baran,
21 et est-ce que c'est ainsi que vous les considériez ils étaient donc
22 indépendants l'un de l'autre ces deux QG, mais ils étaient égaux, il n'y en
23 avait pas un qui était plus important que l'autre ?
24 Réponse : Oui. A ce moment-là, c'est ainsi que les choses fonctionnaient.
25 Ils étaient indépendants. Et il en avait de même pour nous. De toute façon
26 nous n'avions pas de moyen et nous opérions chacun de façon indépendante."
27 M. EMMERSON : [interprétation] Donc cela est extrêmement important parce
28 qu'il nous dit que même après la fin de la bataille le 12 juillet, ils ont
Page 2883
1 conservé leur indépendance. Donc cela c'est trois semaines, trois semaines
2 après le procès-verbal de la réunion du 23 juin, et il décrit que cette
3 situation persiste après le 12 juillet. Alors, bien entendu, il s'agit de
4 la période où Pal Krasniqi, Skender Kuqi, le Témoin 3 et le Témoin 6, ont
5 été détenus à Jabllanice donc quelques jours après la tentative d'évasion
6 dont vous avez entendu parler.
7 Donc voilà nous nous trouvons dans cette situation, l'Accusation n'a
8 absolument aucun élément sur lequel elle peut s'appuyer, et en fait elle
9 utilise des éléments de preuve, en fait, c'est une zone assez dangereuse,
10 Cela a fait déraper l'Accusation parce que cela ne se fonde sur absolument
11 rien. Alors vous aviez donc la réputation, l'horrible réputation de M.
12 Balaj avec la peur qu'il provoquait chez les gens, et c'est cela qui est
13 utilisé. Alors que dans le cas de M. Haradinaj, c'est tout à fait le
14 contraire qui est dit. Il avait une excellente réputation M. Haradinaj, il
15 était extrêmement [inaudible] de la population et, par conséquent, donc il
16 doit être coupable. Voilà le grand risque de ce genre de dérapage de
17 raisonnement, mais voyons pour être très juste ce que M. Rogers vous
18 indique. Il essaie d'utiliser le témoignage de personnes de l'ouest du
19 Kosovo qui estimaient, qui pensaient que Ramush Haradinaj était un héro de
20 guerre qui les avait protégés, un homme en fait qui n'avait pas l'habitude
21 de brutaliser les gens, un combattant digne de ce nom, et l'Accusation en
22 fait essaie d'utiliser cela comme élément de preuve pour vous inviter à
23 conclure qu'il y a bel et bien eu entreprise criminelle commune.
24 Alors j'aimerais maintenant que nous nous intéressions à l'intercalaire 19.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
27 "Question : Est-ce que Ramush est venu vous trouver -- trouver votre
28 brigade à une ou deux reprises, et est-ce qu'il était accompagné de Sali
Page 2884
1 Veseli et Idriz Balaj ?
2 Réponse : Ramush est venu, certes, mais Balaj n'était pas à ses
3 côtés. En tout cas, je ne l'ai pas vu. Il n'était pas présent. Sali lui est
4 venu seul et Ramush d'ailleurs est également venu seul.
5 Question : Quel était l'objectif, le but de cette cérémonie de
6 prestation de serment en juillet 1998 ?
7 Réponse : Le but de la visite, en fait, il est venu parce que nous
8 lui avions demandé quelque chose. Nous avions un grand nombre de soldats
9 qui voulaient se rallier à l'armée de Libération du Kosovo, l'ALK, et nous
10 voulions en fait qu'ils prouvent leur allégeance et nous voulions qu'il
11 soit présent lors de cette cérémonie pour qu'il puisse constater lui-même
12 ce que faisaient ces jeunes hommes et pourquoi est-ce qu'ils voulaient
13 véritablement se rallier à l'ALK.
14 Question : Mais lorsque vous dites 'i' vous faites référence à Ramush
15 Haradinaj ?
16 Réponse : Oui, bien sûr, à Ramush. Nous l'avons invité et nous
17 voulions qu'il fasse partie de cette cérémonie solennelle, qu'il fasse
18 partie, qu'il participe à cette cérémonie de prestation de serment pour les
19 nouveaux membres de la brigade.
20 Question : Mais pourquoi est-ce qu'il était si important que Ramush
21 participe à cela ? Pourquoi est-ce que cela avait son importance pour vous
22 ?
23 Réponse : C'était important parce que les gens l'aimaient. Les gens
24 voulaient le voir, les gens voulaient être proches de lui apprendre à le
25 connaître, parce que pour eux, Ramush c'était véritablement une idole,
26 d'ailleurs c'est toujours le cas.
27 Question : Mais est-ce qu'ils voyaient, est-ce qu'ils le percevaient
28 comme un commandant puissant, un commandant fort ?
Page 2885
1 "M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais en fait que M. Re n'intervienne
2 pas comme il le souhaitait, et n'essaie pas de faire dire au témoin
3 certaines choses, en lui posant des questions directrices. Ce n'est pas la
4 façon de procéder, qu'il pose ses questions de façon non directrice, et
5 voyons quelles sont les réponses qu'il obtiendra.
6 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, pouvez-vous reformuler
7 cette question, poser une autre question au témoin ?
8 M. RE :
9 Question : Vous avez dit il y a un moment que les gens considéraient Ramush
10 comme un véritable idole. Pourquoi est-ce qu'ils le considéraient comme
11 cela ?
12 Réponse : Ecoutez, je n'en sais rien, c'est ce que pensaient les gens, ils
13 avaient véritablement confiance en Ramush. Ils pensaient que c'était
14 quelqu'un qui avait sacrifié sa propre famille pour protéger l'ensemble de
15 la population. C'est pour cela qu'ils lui avaient donné quasiment ce statut
16 d'idole. Mais il n'était pas prêt seulement à se sacrifier lui-même, mais à
17 sacrifier toute sa famille.
18 Question : Et que disaient ces personnes à propos du style de commandement
19 de Ramush ?
20 Réponse : Ramush n'avait pas le temps de commander partout. Les dirigeants
21 lui faisaient confiance. Ils pensaient que si Ramush allait là-bas, il y
22 n'aurait eu aucun problème, les gens. Vous savez les gens. Vous savez c'est
23 quelque chose, c'est un phénomène qui s'est développé parmi la population,
24 c'est ainsi, c'est comme cela que les gens l'aimaient."
25 M. EMMERSON : [interprétation] M. Rogers vous a donné lecture d'un extrait
26 de la déposition de Skender Rexhametaj, à propos de la question donc de
27 l'autorité de M. Haradinaj. Il vous a donné lecture d'un extrait, et je
28 vais vous en donner lecture de deux, parce qu'il faut que cela soit placé
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1 dans le juste contexte. Alors, premièrement, intercalaire 20, voilà ce que
2 M. Rogers vous a lu lors de son intervention.
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
5 "Question : Monsieur, alors je vais vous répéter la question. Est-ce
6 que les soldats de l'ALK, dans la zone de Dukagjin, respectaient l'autorité
7 de Ramus Haradinaj, et en fait, je fais référence à la période précédent le
8 23 mai 1998 et après le 23 mai."
9 Excusez-moi, je pense que j'ai fait une erreur. Je vous avais dit
10 qu'il s'agissait de l'intervention 20, en fait, il s'agit donc du compte
11 rendu d'audience de la déposition de M. Rexhametaj, lors du procès. Il
12 s'agit de la page 1097.
13 Je vais vous donner lecture de ce compte rendu d'audience. Il s'agit
14 de M. Menon, qui pose une question à propos donc du compte rendu d'audience
15 pour M. Rexhametaj, et voilà ce qu'il dit :
16 "La quatrième phrase et la version albanaise de ma déclaration
17 devraient correspondre à la version anglaise, qui est comme suit : 'Avant
18 le 23 juin, il avait déjà une autorité de facto dans la zone de Dukagjin'.
19 Et je ne pense pas en fait qu'il y ait quelque litige à propos de qui
20 représente -- est représenté par cet 'il' il s'agit bien de Ramus
21 Haradinaj. Mais est-ce que vous pourriez me dire ce que vous entendez par
22 ce terme 'autorité' ?
23 Réponse : Ce que j'entends c'est qu'il faut prendre en considération
24 la résistance, la résistance qu'il a opposée avec sa famille. Cet incident
25 en fait s'est propagé dans tout le pays, et a eu énormément d'écho. Et à la
26 suite de cela, Ramus a été respecté pour cette résistance, résistance qu'il
27 a opposée pour protéger sa famille et son village, et au fil du temps, en
28 fait il a véritablement acquis une grande notoriété. Tout le monde, la
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1 plupart des gens le connaissaient, avaient énormément de respect pour lui,
2 parce que comme je l'ai déjà dit, il avait opposé cette résistance et
3 protégé sa famille et son village. Voilà, voilà ce que j'entends par cela.
4 Question : … poursuivez.
5 Réponse : Ce que je viens de dire c'est que de ce fait, les gens le
6 respectaient, et si vous êtes respecté, vous bénéficiez d'une certaine
7 autorité. Je n'entends pas une autorité de droit, mais j'entends par cela
8 l'autorité d'une personne qui avait su protéger sa famille, son village, et
9 son peuple. Voilà comment je pense."
10 M. EMMERSON : [interprétation] Donc le terme "autorité" n'a pas été
11 utilisé à bon escient par l'Accusation dans son réquisitoire. Ce n'est pas
12 l'autorité, c'est tout à fait une forme d'autorité en fait à laquelle il
13 faisait référence, les gens respectaient M. Haradinaj pour ce qu'il avait
14 fait. Regardez ce qui est dit à l'intercalaire 21, page 1099.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
17 "Question : Je vais répéter la question. Est-ce que vous pourriez nous dire
18 si les soldats de l'ALK dans la zone de Dukagjin respectaient l'autorité
19 qui émanait de Ramus Haradinaj ? Et je fais référence à cette période qui
20 précède le 23 mai 1998, ainsi qu'après le 23 mai 1998, ou plutôt, non,
21 excusez-moi, après le 23 juin 1998, devrait-on voir.
22 Réponse : La population le respectait toujours. Vous savez, la population
23 souffrait, le peuple souffrait, et il les a défendus, et il les défendait,
24 c'est pour cela qu'ils le respectaient.
25 Question : Oui, mais je vous avais posé une question à propos des soldats
26 de l'ALK, Monsieur.
27 Réponse : Toute la population --
28 Question : Merci.
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1 Réponse : Toute la population voulait être défendue, et c'est ce qui a été
2 fait. Ils l'ont tenu cette défense.
3 Question : Merci. Est-ce que vous pourriez nous indiquer, Monsieur,
4 pourquoi M. Haradinaj a été nommé commandant de la zone de Dukagjin ?
5 Pourquoi est-ce qu'il a été nommé commandant officiellement le 23 juin 1998
6 ? Pourquoi est-ce qu'il a été choisi ?
7 Réponse : Parce que nous avons proposé son nom.
8 Question : Pourquoi est-ce que vous avez proposé son nom ?
9 Réponse : Peut-être que nous n'étions pas sûrs que nous, les autres,
10 pouvions en fait peut-être assumer cette responsabilité. C'est pour cela
11 que nous avons proposé son nom, car il avait prouvé et démontré ce qu'il
12 pouvait faire. Et donc nous avons proposé son nom. Ramush aurait pu
13 refuser, mais il a assumé cette responsabilité en acceptant notre
14 proposition et en montrant son respect pour nous. Donc de son plein gré, il
15 a accepté cette tâche, il aurait pu la refuser.
16 Question : Monsieur, lorsque vous dites 'il avait prouvé ou montré ce qu'il
17 pouvait faire, est-ce que vous pourriez préciser ce que vous entendez par
18 cela, Monsieur ?
19 Réponse : Je l'ai déjà dit plus tôt, il avait démontré qu'il était un bon
20 soldat, un bon dirigeant, un bon chef, et une personne qui rassemblait, qui
21 pouvait rassembler la population autour de lui. Et c'est la raison pour
22 laquelle nous avons décidé que Ramush devrait être un coordinateur pour les
23 sous zones un peu plus tôt. C'est la même logique qui a été utilisée par la
24 suite. Il y avait cinq officiers de métier, et nous aurions tous pu assumer
25 cette responsabilité mais nous avons proposé son nom et il n'a pas hésité.
26 Il a accepté et respecté notre volonté et notre proposition qui consistait
27 à le nommer chef.
28 Question : Lorsque vous dites que Ramus Haradinaj était quelqu'un qui
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1 pouvait rassembler les gens autour de lui, qu'entendez-vous par cela,
2 Monsieur ?
3 Réponse : Ce que j'entends c'est qu'ils savaient comment respecter les
4 autres. C'était un excellent communicateur. Il était raisonnable. Donc
5 c'était une personne qui rassemblait, voilà ce que j'entendais. Il était
6 tout à fait à même de parler des problèmes que les gens avaient avec ces
7 personnes. Il était à l'écoute de leurs préoccupations et c'est pour cela
8 qu'il avait cette réputation."
9 M. EMMERSON : [interprétation] Et puis un tout dernier passage que
10 j'aimerais --
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais est-ce que vous ne pensez
12 pas que le moment serait venu de faire la pause ?
13 M. EMMERSON : [interprétation] C'est juste que j'arrive à la fin de ce
14 thème donc je peux tout à fait, effectivement, faire la pause maintenant ou
15 en terminer avec cela. Alors vous voyez --
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est bien, allez-y.
17 M. EMMERSON : [interprétation] Regardez ce dernier passage où il est dit
18 que M. Haradinaj rassemblait les gens autour de lui parce qu'il était
19 raisonnable, il savait comment les respecter et il était à l'écoute de
20 leurs préoccupations.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, nous l'avons entendu, vous venez
22 de le dire. Donc qu'est-ce que vous voulez présenter avant la pause ?
23 M. EMMERSON : [interprétation] Intercalaire 22. Il s'agit du premier procès
24 de M. Hasanaj.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
27 "Question : Paragraphe 5, vous avez fait référence à une expression :
28 'Dieu au paradis et Ramush sur la terre,' entendant qu'il jouissait d'une
Page 2891
1 très grande autorité. Puis ensuite vous avez dit : 'Il n'y avait personne
2 qui lui était supérieur.'
3 Et je souhaiterais que vous indiquiez à la Chambre de première instance,
4 aux Juges, ce que vous entendez lorsque vous avez dit que 'personne n'était
5 supérieur' à Ramush.
6 Réponse : Je l'ai dit -- j'ai dit ceci parce que -- parce que chaque fois
7 qu'il y avait une attaque serbe jusqu'au moment ou l'ALK s'est engagée dans
8 la guerre, lorsque ce nom est devenu connu, ce nom -- le nom de Ramush
9 Haradinaj, en fait c'est moi qui ai parlé de cette expression, 'Dieu au
10 paradis et Ramush sur la terre.'
11 Question : Mais qu'entendez-vous lorsque vous dites que personne ne lui
12 était supérieur ?
13 Réponse : Je pensais que -- en fait je me demandais comment est-ce que nous
14 pourrions opposer une résistance à l'ennemi. Moi, je ne savais pas qu'il
15 était difficile de résister. En fait, il y a eu très peu de résistance.
16 Question : Ecoutez, je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre votre
17 réponse. Je vous ai demandé pourquoi est-ce que vous pensiez que personne
18 ne lui était supérieur. Qu'entendez-vous par 'supérieur à' Ramush ?
19 Réponse : Après qu'il a commencé à être connu, je ne sais d'ailleurs pas
20 comment cela a été traduit, mais le fait est que c'est moi qui ai fait
21 cette description. C'était mon point de vue personnel.
22 Question : Oui, mais qu'entendez-vous par cela ? C'est tout ce que je
23 souhaite savoir : Qu'entendez-vous lorsque vous dites que 'personne ne lui
24 était supérieur', 'personne n'était au-dessus de lui' ?
25 Réponse : Parce que c'était un homme bon et il est bon -- enfin ce que je
26 veux dire c'est que le peuple, la population l'aime. La population
27 albanaise le tient en très haute estime."
28 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie. Et nous pouvons
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1 effectivement faire la pause.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons faire la pause et nous
3 reviendrons à 10 heures 45.
4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 22.
5 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Emmerson.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Je souhaiterais maintenant aborder les
8 éléments de preuve que vous avez entendu et qui portent sur les personnes
9 qui ont été détenues à Jabllanice et j'aimerais que nous nous intéressions
10 à ce qu'elles ont dit à propos du fait d'avoir vu ou de ne pas avoir
11 d'ailleurs Ramush Haradinaj à cet endroit et j'aimerais également en venir
12 à ce qui a été déduit de cela.
13 Alors, dans un premier temps, vous avez entendu les dépositions des Témoins
14 75 et 76 qui s'exprimaient à propos de la détention de membres de leurs
15 familles qui ont-ils avancé ont été détenus à plusieurs reprises, ils ont
16 été détenus pendant une période assez longue jusqu'à la fin du mois de mai
17 et ils se sont rendus donc à cet endroit à plusieurs reprises et ont vu
18 différents membres de l'état-major, et ils ont tous les deux indiqué qu'ils
19 n'avaient jamais vu M. Haradinaj à Jabllanice pendant leurs visites. Page 1
20 845 du compte rendu d'audience et vous avez la pièce P304, il s'agit du
21 Témoin 76, paragraphe 13 de la déclaration 92 ter.
22 Le Témoin 75 a déclaré que c'était Lahi Brahimaj qui était le responsable à
23 Jabllanice pendant la période où il se trouvait là et il a précisé en fait
24 que M. Haradinaj n'était pas à ce moment-là encore commandant de la zone de
25 Dukagjin.
26 Vous avez la déposition de Shefqet Kabashi qui a été versée au dossier,
27 déposition dans l'affaire Limaj. Il avait indiqué qu'il avait été basé à
28 Jabllanice en tant que soldat de l'ALK, et ce, tout le temps à partir du
Page 2893
1 mois d'avril jusqu'au mois de septembre 1998, et lors de sa déposition, il
2 indique, pendant toute cette période, Lahi Brahimaj était la personne qui
3 avait le statut, la position la plus élevée, personne n'était au-dessus de
4 lui pour commander Jabllanice, et il n'indique jamais que pendant cette
5 période il aurait vu M. Haradinaj il ne l'a jamais vu à Jabllanice.
6 Alors nous savons en fait qu'il a assisté à deux réunions officielles. Nous
7 savons qu'il est intervenu au nom de Skender Kuqi, et nous savons, en fait,
8 d'après le Témoin 80, qu'il s'est rendu au moins une fois alors que -- et
9 c'est à ce moment-là qu'il a été entouré d'autres personnes et qu'il y
10 avait des villageois présents à l'état-major. Mais Kabashi ne l'a jamais
11 vu.
12 Alors M. Rogers essaie de nous faire croire que M. Haradinaj se rendait
13 régulièrement, mais si nous en tenions à la déposition de ces témoins, ce
14 n'est pas quelque chose que l'on peut en déduire.
15 Qu'en est-il du Témoin 3 ? Le Témoin 3, qui nous a indiqué qu'il a été bel
16 et bien détenu à Jabllanice pendant une longue période, qu'il s'est
17 échappé, qu'il a été rattrapé et reconduit là-bas. Bien entendu, il a
18 rencontré Ramush Haradinaj pour la première fois lorsqu'il est arrivé à
19 Glodjan, et après cela, comme nous pouvons le constater, rie ne lui ait
20 arrivé. En d'autres termes, il n'avait pas vu M. Haradinaj à Jabllanice.
21 Qu'en est-il du Témoin 6 ? Le Témoin 6, d'ailleurs, qui a son importance
22 parce que comme vous le savez, il a été détenu pendant six semaines du 13
23 juin, qu'à partir du 13 juin, et sa déposition a été versée au dossier. Il
24 indique qu'une journée après l'évasion du 18 ou du 19 juillet, il avait la
25 possibilité de circuler librement à l'intérieur de cette base ou de cette
26 propriété. En d'autres termes, il travaillait dans la cuisine, et il avait
27 toute la latitude pour se déplacer dans cette propriété, bien qu'il ait
28 toujours été détenu. Donc ce n'est pas qu'il était incarcéré, enfermé dans
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1 une pièce dont il n'aurait pas pu sortir et n'aurait surtout vu personne.
2 Donc il pouvait voir tous ceux qui arrivaient et qui sortaient à cet
3 endroit. Je vais vous lire la page 5 391. Il s'agit de sa déposition dans
4 le premier procès. On lui demande quand que Skender Kuqi est allé à
5 l'hôpital, et il dit :
6 "Réponse : Je n'en sais rien. Je ne l'ai pas vu. Mais lorsque j'ai amené du
7 pain à Pal Krasniqi, Skender Kuqi n'était plus là.
8 Question : Est-ce que cela aurait se passer après une ou deux journées de
9 cette tentative d'évasion que vous décrivez ?"
10 Il dit :
11 "Peut-être une journée après.
12 Question : Et à partir de ce moment-là, il n'y avait qu'une personne, à
13 savoir Pal Krasniqi; est-ce bien exact ?
14 Réponse : Oui.
15 Question : Vous ne pouviez toujours pas partir et quitter cet endroit, mais
16 vous pouviez donc déambuler dans la cour et laver, faire la plonge, n'est-
17 ce pas ? Est-ce bien exact ?
18 Réponse : Oui, c'est exact."
19 Et puis un peu plus loin :
20 "Question : Une toute dernière question à propos de la chronologie des
21 événements. Est-ce que vous savez combien de temps après que vous avez pu
22 bénéficier de cette liberté relative combien de temps après que cet homme
23 de Zahaq est arrivé ?
24 Réponse : Un ou deux jours après, mais je ne peux pas être plus précis.
25 Question : Merci. Alors, j'aimerais vous présenter un ou deux extraits,
26 Témoin 6, il s'agit de la déclaration de témoin que vous avez fournie en
27 février et en mars 2004. Il s'agit de la déclaration que vous avez faite,
28 on vous a montré plusieurs rangées de photographies, on vous a -- et parmi
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1 toutes les photographies se trouvait une photographie de Ramush Haradinaj.
2 Donc je ne vais pas l'afficher à l'écran mais je vais vous donner lecture
3 de l'extrait de la déclaration de témoin que vous avez signée et je vous
4 demanderais de certifier que cela est exact. On vous a montré cette
5 photographie qui se trouvait parmi toute une rangée de photographies et il
6 y avait donc la photographie de M. Haradinaj et voilà ce que vous avez dit,
7 et je cite votre déclaration au paragraphe 3, voilà ce que vous dites :
8 'Je peux reconnaître Ramush Haradinaj. Je dois dire qu'après la guerre il y
9 avait eu plusieurs émissions de télévision, des articles de presse et donc
10 je connaissais son visage à ce moment-là, mais à cette époque-là je ne le
11 connaissais pas, pendant la guerre je ne le connaissais pas, et je ne me
12 souviens pas l'avoir vu à Jabllanice à la prison de l'ALK.'
13 Question : J'aimerais vous demander de confirmer que c'est bien ce que vous
14 avez déclaré dans votre déclaration.
15 Réponse : Oui."
16 Donc le Témoin 6 et non pas le Témoin 3. Là, je dis 3 maintenant. Le Témoin
17 6, disais-je, pouvait se déplacer en toute liberté dans cet endroit donc
18 qui était protégé de murs à partir 18 juillet, il dit qu'il n'a jamais vu
19 Ramush Haradinaj. Donc tout ce que nous avons c'est la théorie de M. Rogers
20 qui se livre à des conjectures c'est le seul élément de preuve que
21 l'Accusation peut indiquer comme pour donner un lien avec Ramush Haradinaj
22 et la théorie est comme suit : Alors, vous avez entendu la déposition du
23 témoin protégé et d'après cette déposition les trois garçons ont été
24 arrêtés et ont été conduit à Jabllanice avant les attaques menées par les
25 forces serbes à Grabanice, et vous pouvez être sûrs et certains que lorsque
26 le témoin protégé a vu Ramush Haradinaj entouré par un groupe d'hommes à
27 l'intérieur du QG de l'état-major vous pouvez être sûrs que cela s'est
28 passé après l'attaque menée contre Grabanica, probablement une semaine
Page 2896
1 après. Ce qui signifie qu'ils ont certainement dû être détenus pendant
2 toute cette période à Jabllanice, alors que même le témoin protégé n'a
3 jamais dit les avoir vus ce jour-là à cet endroit, mais l'Accusation nous
4 dit mais M. Haradinaj devait savoir qu'ils étaient présents là-bas, et
5 l'Accusation ensuite veut nous faire croire, de ce fait, a participé à
6 l'entreprise criminelle commune.
7 Enfin c'est ce que je crois comprendre de la façon dont M. Rogers nous a
8 présenté ses moyens à charge.
9 Alors, au moment [inaudible] commençons, voilà, ce que l'on peut répondre :
10 Certes d'aucuns peuvent véritablement admiré cette intelligence juridique
11 et le fait qu'il a fait preuve d'un grand esprit d'invention pour essayer
12 d'élaborer toute cette thèse à partir de déductions qui vous invitent
13 d'ailleurs à dégager vous-même, mais il faut -- il n'empêche que cela c'est
14 un véritable château de sable.
15 Premièrement, encore faudrait-il que vous compariez, lisiez la déposition
16 du témoin protégé avec beaucoup de circonspection, parce qu'il y a de
17 nombreuses incohérences pour ce qui est des dates, et des événements. Au
18 paragraphe 211, par exemple, où il est indiqué :
19 "Il est absolument sûr et certain que et je pense au chef numéro 1 que les
20 victimes ont été exécutées après la visite de Haradinaj."
21 Alors simplement tout cela est déduit de façon que l'on voulait faire
22 passer comme rationnel à partir de la lecture de la déposition d'un témoin
23 protégé. Il indique de façon très catégorique que lorsqu'on lui a posé une
24 question directe à propos du moment où ces deux incidents se sont produits
25 il s'agit des incidents où vous aviez donc les 20 ou 30 villageois cela
26 s'est passé donc avant que l'incident au cours duquel l'oreille a été
27 tranchée. Page 2 414. Il insiste et met cela en exergue pour indiquer de
28 façon très, très claire que cet incident avec les villageois a eu lieu
Page 2897
1 après l'attaque serbe contre Grabanice mais que l'incident au cours duquel
2 les garçons, les jeunes gens ont été arrêtés et détenus s'est passé avant
3 cela.
4 Alors, voilà, je peux faire valoir et classe mythe en posant toute une
5 question : Nous avons les éléments de preuve, nous avons ces éléments de
6 preuve à propos du moment où les garçons ont été emmenés à Jabllanice; est-
7 ce que vous le savez quand est-ce que cela s'est passé ? La question est
8 posée au témoin et il dit non. Et non, c'est un point, c'est tout.
9 Nous en avons terminé avec cette histoire, parce qu'à moins que
10 l'Accusation ne puisse prouver au-delà de tout doute raisonnable quelle est
11 la date à laquelle les jeunes gens ont été conduits à Jabllanice, s'ils ne
12 peuvent pas obtenir cela, ils ne peuvent pas commencer à vous demander de
13 tirer une conclusion suivant laquelle ils étaient très probablement là le
14 jour où M. Haradinaj était présent avec les 20 à 30 villageois. Mais en
15 fait, de toute façon, le témoin protégé ne les a pas vus à cet endroit, les
16 jeunes hommes, alors pourquoi est-ce que M. Haradinaj aurait lui dû les
17 voir ? Parce que le témoin protégé et M. Haradinaj se trouvaient dans le
18 même bâtiment, le bâtiment de l'état-major, dans un autre endroit à
19 Jabllanice. Comment est-ce que M. Rogers peut ne serait-ce que suggérer que
20 M. Haradinaj devait savoir qu'ils étaient présents alors que le témoin
21 protégé ne le sait pas ? Donc il s'agit d'une théorie qui ne se fonde sur
22 rien de concret, parce qu'ils ne savaient pas qu'ils étaient présents à ce
23 moment-là.
24 Je vais vous inviter, Messieurs les Juges, à examiner tout cela avec
25 beaucoup de soin, de bien voir à chaque fois que le témoin essaie de
26 préciser des dates, des occasions. Vous verrez qu'il y a toute une série
27 d'incohérences. Par exemple, il y a une référence qui est faite à un
28 village qui s'appelle Bucan dans cette zone -- en fait je souhaiterais
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1 passer à huis clos partiel pour ce faire.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel,
3 s'il vous plaît ?
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier
23 d'audience.
24 Maître Emmerson, les Juges de la Chambre ont dit qu'ils n'imposeraient pas
25 en fait de limite de temps.
26 M. EMMERSON : [interprétation] J'en arrive à ma conclusion.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait savoir en
28 fait combien de temps vous allez encore utiliser ?
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Environ une vingtaine de minutes.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vingt minutes.
3 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous savez que nous devons
5 partager de manière équitable les prises de parole.
6 M. EMMERSON : [interprétation] Nous devrions réfléchir à avoir une séance
7 demain.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais ma préférence serait que l'on
9 termine aujourd'hui.
10 M. EMMERSON : [interprétation] Alors je vais essayer de procéder
11 rapidement.
12 Je voudrais parler donc de la déposition de Zoran Stijovic parce que M.
13 Rogers a dit que les documents qui avaient été fournis par M. Stijovic ont
14 été donnés aux Juges de la Chambre "pour ce qu'ils valaient." Il a dû en
15 fait concéder cela parce qu'au cours du temps, M. Stijovic a reconnu, d'une
16 manière ou d'une autre, mais il a vraiment fallu lui tirer les verres du
17 nez que les documents qu'il fournissait étaient souvent des documents
18 anonymes et que les méthodes qui lui avaient permis d'obtenir ces documents
19 semblaient en fait être synonyme de chantage et que la possibilité réelle
20 en fait de la méthode utilisée ne pouvait pas exclure la torture.
21 Mais M. Rogers a cité la déposition de M. Stijovic pour laisser penser
22 qu'il y avait une association très étroite entre les activités de M.
23 Haradinaj et de M. Balaj. Donc je voudrais en fait vous citer quelques
24 brefs passages de la déposition vidéo de M. Stijovic dans le premier procès
25 et ensuite dans ce deuxième procès, parce que vous verrez que dans ce
26 nouveau procès sa déposition a changé.
27 Tout d'abord à l'onglet numéro 23, il s'agit donc d'une déposition prise
28 dans le premier procès où il commence donc à expliquer quelle était la
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1 méthodologie de ces services secrets donc de la RDB et comment ils avaient
2 pu glaner les documents qui ont ensuite été utilisés par l'Accusation comme
3 élément de preuve et pour étayer leur thèse.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
6 "Réponse : … je vais donc utiliser le terme 'une source humaine,'
7 cela signifie qu'il s'agit d'un être humain qui fournissait des
8 informations. Je pense que ceci évitera toute autre confusion et tout autre
9 malentendu à l'avenir.
10 Question : Vous avez mentionné 200 personnes au sein de l'UCK
11 auparavant, est-ce qu'il s'agissait de sources humaines, comme vous les
12 appelez ?
13 Réponse : Oui.
14 Question : Et ce type de personne était récompensé de quelle manière
15 par la Sûreté de l'Etat ?
16 Réponse : La motivation qui était celle de ces personnes lorsqu'elles
17 travaillaient dans le cadre des services de sûreté était diverse, comme
18 partout ailleurs. La motivation principale était l'argent. Mais souvent une
19 autre motivation était d'ordre politique, ils n'étaient pas d'accord avec
20 certaines activités qui étaient menées. Troisième raison ou motivation,
21 c'était en fait d'identifier quelqu'un qui pouvait être compromis de cette
22 manière. Si nous avions des informations compromettantes, nous pouvions
23 utiliser donc le chantage. Et j'utilise ce terme parce qu'en fait c'est
24 ainsi que l'on définit ce genre de pratique partout dans le monde, et là,
25 il s'agissait évidemment principalement d'informations qui n'avaient pas
26 été pleinement vérifiées, et de personnes qui faisaient usage d'un
27 pseudonyme. On ne les mentionnait que par ce pseudonyme dans les différents
28 rapports. Si vous le souhaitez, je peux vous expliquer notre méthodologie
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1 et vous expliquez comment nous entrions en contact avec ce type de
2 personnes.
3 Question. Si cela peut aider les Juges de la Chambre.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'en remets à vous, Monsieur Re.
5 M. RE : [interprétation] Je suppose que la Défense, de toute façon, doit
6 poser cette question, donc je vais prendre les devants.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Effectivement, je préférais entendre ce que
8 le témoin à dire en ce qui concerne le chantage, et ceci dans le cadre d'un
9 interrogatoire principal.
10 M. LE JUGE ORIE: [interprétation] D'accord.
11 M. EMMERSON : [interprétation] En live maintenant.
12 Vous voyez que M. Stijovic utilisait le terme de chantage, et vous voyez
13 qu'il s'agissait d'un outil très puissant, c'était un chantage très
14 efficace, et voyons comment il explique toujours dans ce premier procès.
15 Donc il s'agit maintenant de l'international numéro 26.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
18 "Question : … avec les informations j'aimerais savoir si ceci a eu
19 des conséquences sur la fiabilité des informations que vous avez reçues par
20 le biais de ces personnes qui avait une moralité douteuse.
21 Réponse : La qualité de ces informations dans une atmosphère où vous
22 aviez des principes patriarcaux qui prédominaient, lorsqu'on trouvait par
23 exemple un cas d'adultère entre membres d'une même famille, ceci pouvait
24 être compromettant pas uniquement pour la personne concernée mais pour la
25 totalité de la famille, et ceci pouvait en fait avoir des conséquences
26 telles que des revanches ancestrales qui sont très usitées au Kosovo-
27 Metohija. Et c'était donc un très bon moyen de recrutement d'une personne,
28 et plus on pouvait contrôler cette personne et plus cette personne était
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1 donc utile."
2 M. EMMERSON : [interprétation] Quelque chose semble s'être passé entre le
3 premier procès et le nouveau procès, parce que M. Stijovic ne semble pas
4 vraiment aider ce terme de chantage durant le nouveau procès. On peut
5 maintenant revenir à l'onglet numéro 25.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
8 "M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voulais vous demander, Monsieur
9 Stijovic, dans cet exemple d'A et de B, donc tout ce que vous nous avez
10 expliqué ici, cette situation, en un mot comment résumez-vous cela, comment
11 définissez-vous cette pratique ?
12 LE TEMOIN : [interprétation] J'appelle cela un choix, une possibilité soit
13 vous travaillez pour nous, soit nous publierons toutes ces pratiques
14 immorales auprès de vos amis.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
16 L'INTERPRETE : Correction de l'interprète : Les relations immorales entre
17 la femme A et celle de B.
18 LE TEMOIN : [interprétation] On peut appeler ceci du chantage. Ca vient de
19 me revenir à l'esprit. J'essaie de trouver un autre terme approprié en
20 serbe, mais je ne suis pas en mesure de le faire.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne vous demande pas comment moi, je
22 définirais cela. Je vous demande comment vous, vous le définiriez en un
23 seul mot.
24 LE TEMOIN : [interprétation] Chantage.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci."
26 M. EMMERSON : [interprétation] Donc il s'agit de soudoyer des gens ou de
27 les assujettir à du chantage. Mais M. Rogers semble également se fier à des
28 éléments qui pourraient être de la torture. En fait, dans le contre-
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1 interrogatoire de M. Stijovic, dans le premier procès lorsqu'il avait en
2 fait versé au dossier des dépositions de deux témoins, Bekim et Naser
3 Kalamashi, en ce qui concerne des crimes qui semblaient être rapprochés à
4 l'UCK dans la région de Dukagjin, ces deux témoins avaient été interrogés
5 par le bureau du Procureur, et avaient fait des déclarations au bureau du
6 Procureur en disant qu'ils avaient été torturés dans les locaux de poste de
7 police de Gjakove, pour faire cette déclaration qui ensuite avait été
8 fournie par l'Accusation, par M. Stijovic.
9 C'était dans le nouveau procès, non, non c'était dans le premier procès. En
10 fait je crois que c'est dans le premier procès. Nous verrons ceci dans un
11 instant de toute façon. Donc peut-être que c'était dans un autre procès.
12 Tout d'abord, je voudrais présenter assez long d'une allégation de torture,
13 et voyez comment il répond, parce qu'il faut se souvenir, il y a très
14 longtemps qu'il a fait ces déclarations comme étant des déclarations
15 fiables qui avaient été obtenues par le service de Renseignements serbe, et
16 l'Accusation les a également présentées en plus de ce témoin en considérant
17 qu'il s'agissait d'éléments de preuve fiables. Donc je voudrais maintenant
18 que l'on passe à l'onglet numéro 26.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRETE : [voix sur voix]
21 "M. EMMERSON : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait revenir à la
22 déclaration, s'il vous plaît, et je vous demande que l'on se concentre sur
23 le paragraphe 15, qui est en bas de la page, une fois que les hommes ont
24 été déshabillés et passés à tabac :
25 Question : Nous devions monter à bord de camion et à mi-chemin en direction
26 de Gjakove, la police est arrivée, elle nous a demandé en fait de monter à
27 bord des jeeps de la police, et on était emmené à Djakovica. Ensuite ils
28 nous ont cantonné dans le sous-sol des locaux du SUP pour les trois jours à
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1 venir, et la police venait dans le sous-sol et nous interrogeait. Les
2 entretiens ont eu lieu dans un bureau, au quatrième ou cinquième étage.
3 J'ai été arrêté là-bas, et j'ai été cantonné là-bas avec 11 autres
4 villageois.
5 'Lorsque je vais interviewer par --'
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous allez lire la totalité ?
7 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, parce que ceci a été traduit pour le
8 témoin.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord.
10 M. EMMERSON : [interprétation]
11 'Question : … lorsque je faisais l'objet d'interrogatoire, en langue serbe,
12 on nous disait pourquoi est-ce que vous nous avez menti en nous disant que
13 vous n'étiez pas membre de l'UCK ? Est-ce que vous aviez une arme ? Nique
14 ta mère. Ensuite les questions étaient seulement en langue serbe, et la
15 personne qui interrogeait était toujours la même personne mais ne prenait
16 pas de notes écrites.
17 Et durant ces interrogatoires, mis à part la personne qui
18 interrogeait, il y avait toujours également deux autres civils qui me
19 frappaient à l'aide de bâte de base-ball, et ceci sur tout le corps. Le 6
20 septembre, c'est-à-dire le jour qui a suivi la déclaration mentionnée, je
21 me souviens qu'un homme, moi, je ne me souviens pas s'il était en uniforme
22 ou en habit civil, mais il est venu au sous-sol et nous a demandé de -- il
23 nous a ordonné de signer un document. Nous lui avons demandé s'il y avait
24 un traducteur qui pouvait nous lire ce que nous devions signer, et l'homme
25 a répondu : vous verrez un traducteur. Ensuite, on a été à nouveau roué de
26 coups, et on a été forcé de signer un document sans pour autant pouvoir en
27 connaître le contenu.
28 'En octobre 2006, le TPY m'a lu une déclaration qui figurait dans les
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1 archives du TPY. Et comme j'ai déjà dit, et comme j'ai déjà dit c'est peut-
2 être la même déclaration que celle que j'ai signée dans les locaux du SUP à
3 Djakovica, parce que je n'ai jamais signé d'autre document, mis à part
4 celui-ci. Mais je voudrais en fait avoir une objection en ce qui concerne
5 le fait que je n'ai signé qu'une seule page. Mais la déclaration avec le
6 contenu que j'ai relu aujourd'hui était composée de quatre pages. Je dirais
7 qu'il n'y a rien de vrai, je n'ai pas mentionné quoi que ce soit qui est
8 mentionné dans la déclaration ci-dessous …'
9 Maintenant, si je vous ai bien compris, Monsieur Stijovic, vous
10 n'avez aucune connaissance des circonstances qui entouraient la détention
11 de cette personne, n'est-ce pas ?
12 Réponse : Tout d'abord, je ne sais pas s'ils avaient été détenus ou
13 pas, je n'ai pas d'information à ce sujet.
14 Question : Mais comme je l'ai dit, il y a une déposition d'un
15 officier haut gradé du SUP de Djakovica, faisant état du fait qu'ils
16 étaient détenus ainsi que la déclaration que je vous ai lue. Mais la
17 question que je pose c'est si ces informations sont puisées dans la
18 déclaration sur laquelle vous vous êtes fié, vous ne savez pas s'ils ont en
19 fait été torturés ou pas, n'est-ce pas ?
20 Réponse : Je ne [inaudible] pas. Mais si vous me le permettez,
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais dire quelques mots.
22 Question : Mais est-ce qu'il s'agit d'une réponse à ma question ? Je
23 pensais que vous aviez répondu à ma question. Vous avez dit que vous
24 n'étiez pas au courant; est-ce exact ? Enfin, il y a un instant vous nous
25 avez dit que vous ne saviez pas si ces personnes étaient détenues, Monsieur
26 Stijovic. Est-ce que vous le saviez ou que vous ne le saviez pas ?
27 Réponse : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit d'une
28 question complexe. Je ne peux pas répondre par oui ou par non à cette
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1 question, Si vous me le permettez je souhaiterais dire quelques mots, peut-
2 être que tout cela sera plus clair, avec tout le respect que je dois,
3 Maître Emmerson.
4 Question : Mais avant de faire, Monsieur Stijovic, il s'agit d'une question
5 très simple ce n'est pas une question complexe, une question qui nécessite
6 un oui ou un non. Est-ce que vous savez comment ces personnes étaient
7 détenues ces 11 hommes y compris Naser Kalamashi entre le 3 et le 6
8 septembre 1998 ? Est-ce que vous savez comment ces personnes ont été
9 traitées durant ces trois jours, oui ou non ?
10 Réponse : Non.
11 Question : Merci. Donc lorsque vous avez résumé le contenu de cette
12 déclaration et vous avez déclaré que son contenu était fiable, en fait,
13 vous ne savez pas si ses propos étaient fiables ou pas, n'est-ce pas ?
14 Réponse : Non.
15 Question : Merci."
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose que ceci constitue la fin
17 de votre contre-interrogatoire ?
18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Vous serez ravi, Monsieur le Président,
21 Messieurs les Juges, de savoir que c'est la dernière vidéo que je vais
22 présenter avant de mes propos de clôture, mais ceci en fait est la base des
23 documents que M. Rogers a choisi de vous présenter. Au début du procès,
24 ceci vous a été présenté pour que cela vaille, et à la fin du procès, ce
25 soit cité dans le réquisitoire et dans les mémoires en clôture.
26 Encore une fois, lorsque l'on est Procureur dans des affaires très graves,
27 on doit également prendre ses responsabilités.
28 M. Rogers m'a également cité dans son réquisitoire en disant qu'il faisait
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1 référence à un document qui n'avait pas été versé au dossier. Et je vais
2 vous dire en fait de quel document il s'agit et pourquoi en fait ce n'est
3 pas un point qui pourrait constituer une objection parce qu'en fait il
4 s'agit d'une des allégations que M. Stijovic a avancé et qui est utilisée
5 par M. Rogers.
6 Nous avons vu qu'il a été mentionné qu'il y avait une liste noire de l'UCK,
7 mais nous [inaudible] qu'il s'agissait en fait déjà pas d'une liste noire
8 et pas une liste de l'UCK, mais des FARK, il s'agit d'une liste des
9 personnes manquantes ou portées disparues et des personnes qui étaient
10 ciblées. Donc la première liste, qui a été présentée par l'Accusation, est
11 une liste qui avait été trouvée par la police serbe lorsqu'ils ont fait une
12 descente sur la maison familiale de M. Haradinaj le 24 mars, et il se base
13 là-dessus. Mais d'où obtient-il cette liste ? Il obtient ceci de la
14 déclaration du Témoin Stijovic, et M. Stijovic, dans sa déclaration, en
15 tant que témoin, mentionne le fait que dans la maison en question. Il a
16 trouvé une liste d'Albanais qui étaient soupçonnés de coopération avec les
17 forces serbes. Page du compte rendu d'audience 570, ligne 13. Ceci est basé
18 sur sa déclaration au titre de l'article 92 portant sur la perquisition de
19 la propriété familiale d'Haradinaj le 24 mars qui est décrite dans ce
20 document. Il s'agit de la pièce P121, paragraphe 42.
21 Alors la décision de la précédente Chambre de première instance était que
22 tout aspect de la déclaration 92 ter de M. Stijovic qui n'est pas étayée
23 par des éléments de preuve documentaires et devait simplement être ignorée.
24 Nous allons ensuite passer en revue un grand nombre de documents, et je
25 pense que ces documents n'ont qu'un endroit idéal, c'est la corbeille à
26 papier. N'est sur la base de ces documents qu'on a posé des questions au
27 témoin, mais ce rapport n'a pas été versé au dossier dans le premier procès
28 et l'Accusation n'a pas souhaité verser au dossier de ce nouveau procès.
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1 Donc cela signifie que ces allégations ne sont pas fondées. Elles restent
2 infondées, et il n'y a pas d'éléments qui ont une valeur probante. Mais ce
3 qui est encore plus important, c'est que le rapport à proprement parler et
4 la raison pour laquelle ce rapport n'a pas été accepté au versement dans le
5 premier procès mentionne qu'il y a une liste de noms d'Albanais, mais le
6 MUP, d'ailleurs, les forces de police qui l'ont trouvé ne savaient pas s'il
7 s'agissait d'une liste de membres de l'UCK ou de cibles de l'UCK.
8 Alors, si ceci n'est pas une des preuves à charge mais qui induise en
9 erreur, je ne sais pas ce qui en serait. On avance qu'il s'agissait d'une
10 liste noire.
11 Quant aux communiqués de l'UCK maintenant. L'Accusation se base sur les
12 communiqués de l'UCK. Nous abordons ceci dans les paragraphes 174 à 176 de
13 notre mémoire pour résumer. L'homme, qui l'a rédigé, Jakup Krasniqi, il a
14 déposé dans le premier procès, et sa déposition a été versée au dossier. Il
15 a dit qu'il ne disposait pas d'information et qu'il n'avait pas eu de
16 conversation à quelque moment que ce soit avec Ramush Haradinaj et que ça
17 ne reflète pas la politique adoptée par Ramush Haradinaj. Ca a été en fait
18 rédigé par l'état-major général et on vous a expliqué qu'il s'agissait, en
19 fait, cette instance qui était à proximité dans la frontière albanaise mais
20 qui ne s'est pas vraiment réunie. Il s'agissait d'outils de propagande qui
21 avaient pas mal de mensonges à l'intérieur, et de plus, rien ne mentionnait
22 M. Haradinaj. Rien n'a été vu par M. Haradinaj, avant qu'il soit diffusé,
23 et aucun de ces documents n'a été signé par M. Haradinaj, n'étaient basés
24 sur des informations émanant de M. Haradinaj. De toute façon, ça couvre une
25 période qui n'est pas couverte par l'acte d'accusation et aucun de ces
26 documents n'émane de M. Haradinaj et ne peuvent pas refléter une politique
27 qu'il aurait adoptée ou qu'il aurait encouragée. Ces documents n'ont aucune
28 valeur, et c'est la raison pour laquelle la précédente Chambre de première
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1 instance les a considérés comme tels.
2 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci m'amène à aborder
3 trois points en conclusion.
4 Tout d'abord, il y a deux domaines restant qui n'ont aucune raison d'être
5 dans cette affaire et auxquels se sont fiés l'Accusation. Il s'agit
6 d'allégations qui n'ont même pas été mentionnées dans la première affaire
7 parce qu'elle -- en fait, elle n'avait aucune pertinence en ce qui concerne
8 les allégations concernant Jabllanice. Tout d'abord, il y a cette
9 allégation consistant à dire que les FARK avaient été activement exclus par
10 M. Haradinaj et qu'il y avait eu cette confrontation qui avait eu lieu
11 brièvement après leur arrivée. Nous en avons parlé par le menu dans notre
12 mémoire. Mais en quelques mots, ceci n'avait absolument rien à voir avec
13 Jabllanice. Il s'agissait d'une confrontation entre deux forces qui étaient
14 encore en conflit l'une avec l'autre ou une contre l'autre, et les forces
15 en question étaient en fait sortis de leur zone de responsabilité et se
16 retrouvaient face à face avec les forces avec lesquelles elles étaient en
17 confrontation. Le témoin lui-même a accepté compte tenu des règles
18 d'engagement, ils auraient pu être tués sur place, mais c'était un conflit,
19 même si c'était regrettable, qui a été résolu très rapidement par la suite
20 lorsque les deux forces ont accepté une répartition des fonctions, et vous
21 vous souviendrez des dépositions dans le contre-interrogatoire des témoins
22 en question. Ceci n'a absolument rien à voir avec le fait que l'on aurait
23 maltraité des détenus à Jabllanice ou que l'on aurait maltraité ou torturé,
24 ou tué des civils. Il s'agit d'un conflit entre de groupes de soldats. Ceci
25 est à des milliers d'années lumières de ce qui figure dans l'acte
26 d'accusation et ça ne figure pas dans le jugement du premier procès parce
27 que c'était considéré comme non pertinent.
28 Pour ce qui est maintenant de ce qu'avance M. Stojanovic, encore une fois,
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1 très rapidement, avant le début d'un conflit armé, vous avez des réponses
2 spontanées des villageois de Glodjan, ensuite à cette rude attaque du 24
3 mars, et le fait qu'ils avaient compris que la maison de M. Stojanovic
4 était utilisée comme un point militaire par les forces serbes à partir
5 duquel ils avaient lancé les attaques. Il n'y a aucun élément de preuve qui
6 laisse penser que M. Haradinaj était présent et les éléments de preuve
7 présentés dans le premier procès ont été considérés comme non fiables, et
8 il n'y a aucun élément de preuve qui laisserait penser que M. Haradinaj
9 aurait participé ou aurait encouragé cela. Quelle que soit la position à
10 l'époque, il s'agissait d'un acte de revanche spontanée par une communauté
11 qui avait été ravagée par une attaque terrible quelques jours auparavant.
12 Il ne faut pas oublier qu'il s'agissait d'un autre Prekaz, c'est-à-dire des
13 enfants, qui avaient été tirés à bout portant, et en réponse à une famille
14 serbe, avaient utilisé -- avaient accepté que l'on utilise leurs maisons
15 pour lancer une attaque à partir de là. Donc ceci n'a rien à voir en
16 réalité avec Jabllanice.
17 Deux derniers commentaires, si vous me le permettez, Monsieur le Président,
18 Messieurs les Juges. Tout d'abord, je vous ai dit un peu plus tôt que vos
19 juristes vont devoir se pencher sur toutes les notes en bas de page du
20 mémoire en clôture de l'Accusation parce que, malheureusement, je dois vous
21 dire que dans la grande majorité des cas, les notes n'étayent pas les
22 citations. Et d'ailleurs, dans de nombreux cas, cela contredit ce qu'avance
23 l'Accusation. Je ne vais pas passer en revue tout cela parce que cela
24 prendrait trop de temps, mais nous avons préparé une liste des exemples les
25 plus flagrants lorsque vous passerez en revue ces notes en bas de page.
26 Enfin, si vous me le permettez, j'ai commencé ma plaidoirie en
27 parlant de Ramush Haradinaj en tant que soldat, en tant qu'homme politique.
28 En tant que soldat, il a lutté dans une guerre honorable, et c'est la
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1 raison pour laquelle il jouit de la popularité dont il jouit. En tant
2 qu'homme politique, il est arrivé à une situation de consensus. Il a
3 encouragé un gouvernement de coalition avec la LDK et il était connu pour
4 le fait qu'il visait à protéger toutes les minorités, y compris les Serbes
5 qui étaient restés sur le territoire ainsi que d'autres minorités
6 nationales. Il s'agissait d'un gouvernement d'unité nationale. Ce qui est
7 très important, c'est que cela constitue sa politique et cela a toujours
8 constitué sa politique, c'est-à-dire la protection des civils, et les
9 éléments de preuve sont très clairs en la matière. Ce qui est très triste
10 dans cette accusation et qui dure depuis sept ans, ce n'est pas uniquement
11 triste à titre personnel pour M. Haradinaj et pour sa famille, c'est
12 également très triste pour le Kosovo, parce que le Kosovo n'a pas un
13 dirigeant qui aurait pu mener à bas la corruption et qui aurait pu
14 permettre d'incorporer le Kosovo dans la communauté internationale, et ils
15 n'ont pas pu bénéficier de cela lorsque Carla Del Ponte a essayé de
16 continuer à mener ces enquêtes, même si on avait dit qu'il n'Y avait pas en
17 fait vraiment quoi que ce soit dans le dossier. M. Rogers utilise des
18 éléments de preuve qui sont fournis Zoran Stijovic et qui sont utilisés, et
19 il m'a en fait critiqué après pour essayer de redresser le tir.
20 Je voudrais conclure, si vous me le permettez, en vous rappelant,
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'à la fin du mémoire vous
22 avez les déclarations, tout d'abord du représentant spécial du secrétaire
23 général de la MINUK, qui était celui qui dirigeait le Kosovo durant la
24 période où Ramush Haradinaj était premier ministre, et il s'agit donc de
25 qui a travaillé pour les Nations Unies pendant 30 ans et qui était tout
26 d'abord basé à Sarajevo, puis ensuite en Macédoine et ensuite qui a été
27 représentant spécial du secrétaire général au Kosovo de 2004 à 2006, et il
28 a décrit M. Haradinaj en ces termes :
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1 "J'ai été impressionné par sa performance en tant que premier ministre.
2 C'était un vrai leader. Il a travaillé dur, il entretenait de bonnes
3 relations avec tous les citoyens et les partis politiques du Kosovo, ainsi
4 que la communauté internationale et la MINUK. Il a été particulièrement
5 effectif lorsqu'il s'agissait de suivre le progrès sur la mise en œuvre des
6 critères appliqués en matière de répartition multiethnique et pour
7 poursuivre la démocratie et faire respecter la loi au Kosovo, ce qui avait
8 été établi par la communauté internationale, parce que c'était important
9 lorsqu'il s'agissait de diriger le Kosovo et de le faire venir à la table
10 des négociations pour déterminer le statut du Kosovo. A cet égard, la
11 situation et le traitement des minorités étaient très importants pour les
12 Serbes au Kosovo et revêtaient une importance toute particulière. En tant
13 que premier ministre, M. Haradinaj a pris plusieurs initiations pour
14 communiquer avec les Serbes du Kosovo par le biais d'actions qu'il avait
15 prises personnellement ou en enjoignant les membres du gouvernement et les
16 citoyens du Kosovo à faire de même."
17 M. Haradinaj a également consenti aux visites du président Tadic et
18 du premier ministre en Serbie au moment où il était premier ministre. Il a
19 dit qu'il était disposé à les voir. Je --
20 M. ROGERS : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, mais ces
21 déclarations n'ont pas été versées au dossier. Elles figurent en annexe.
22 Pardonnez-moi, en même temps, que la déclaration, qui a été présentée lors
23 de nos plaidoiries, aucune objection n'a été soulevée à cet égard. Un
24 instant, s'il vous plaît. Je veux savoir s'ils ont été versés au dossier ou
25 pas.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Ceci est extrêmement injuste. Je vous
27 demande de bien vouloir rendre une décision là-dessus.
28 L'INTERPRETE : Poursuite de l'intervention de Me Emmerson.
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1 M. EMMERSON : [interprétation] -- demandant aux membres du gouvernement et
2 des citoyens de faire de même. Il a décrit la résignation de M. Haradinaj
3 comme quelque chose de volontaire. Il était prêt à se rendre à La Haye,
4 décision qui a été prise par M. Haradinaj car il reconnaissait que si le
5 Kosovo souhaitait être traité comme un état et accueilli dans la famille
6 des nations, son premier ministre devait se comporter comme un chef d'état
7 et donner l'exemple et venir ici et assister à son procès. Malheureusement,
8 les poursuites ont été inéquitables.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les Juges de la Chambre admettent
11 cette déclaration.
12 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
14 M. EMMERSON : [interprétation] "La même après-midi où il a reçu l'acte
15 d'accusation, M. Haradinaj a informé à toutes les personnes concernées
16 qu'il allait démissionner. Il s'est organisé pour la reddition des deux
17 autres personnes mises en accusation. Il a appelé au calme au Kosovo et,
18 dans ma déclaration, j'ai fait de même. Tout en regrettant le départ de ce
19 premier ministre capable, je l'ai tari d'éloges en raison de sa coopération
20 avec ce Tribunal. J'ai été -- j'ai trouvé regrettable de ne plus pouvoir
21 travailler avec cet ami. Pourquoi de gens ont paru surpris parce qu'un ami
22 est quelqu'un auquel je peux faire confiance et --"
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'allais vous assurer, Messieurs, que
24 nous avons lu le passage suivant.
25 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous me permettez de faire
26 figurer au compte rendu d'audience un court passage ? Un général Klaus
27 Reinhardt, de la défense des armées allemandes, commandait la KFOR, la
28 force d'intervention des Nations Unies au Kosovo au moment où Haradinaj
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1 était premier ministre, et il dit ceci :
2 "M. Haradinaj est un homme très intelligent et fort honnête auquel je
3 faisais pleinement conscience [comme interprété]. Je recherchais ses
4 conseils. Il ne m'a jamais déçu, il n'a jamais usurpé ma confiance. J'ai
5 apprécié sa personnalité convaincante. Cet homme charismatique est un homme
6 extrêmement fiable, ainsi que son humour. C'est un très bon leader qui
7 s'est donné pour tâche de changer les mauvaises conditions de vie au Kosovo
8 et de mettre un terme aux combats ethniques parmi les peuples du Kosovo.
9 C'était un homme qui avait une vision, il souhaitait avoir un meilleur
10 avenir pour les différents groupes ethniques au Kosovo, et en particulier
11 c'était le seul dirigeant kosovar albanais qui a toujours insisté sur
12 l'importance de la réconciliation entre les Serbes et les autres minorités
13 pour permettre à tous les réfugiés de se réinstaller au Kosovo. Il n'a pas
14 dit cela pour me plaire, mais parce qu'il était tout à fait convaincu que
15 les luttes internes ne se termineraient jamais au Kosovo si cela ne se
16 produisait pas car il souhaitait que pays ait la chance d'avoir un meilleur
17 avenir et un avenir pacifique."
18 C'est ce sur quoi s'est fondé la thèse de l'Accusation du début à la fin et
19 qui ne tient absolument pas la route parce que ceci aurait privé le Kosovo
20 de [inaudible]. Nous vous demandons, Monsieur Rogers du bureau du Procureur
21 -- nous vous demandons que vous montriez la porte à M. Rogers et au bureau
22 du Procureur.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Emmerson.
24 Monsieur Guy-Smith.
25 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]
27 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je puis demander à Me Emmerson de donner
28 le pupitre, s'il vous plaît.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Emmerson.
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Comme vous le savez, il s'agit d'un procès
3 à nouveau que le terrain sur lequel nous nous engageons n'est pas un
4 terrain vierge; les condamnations et les acquittements ont eu lieu à propos
5 de ces hommes en se fondant sur les dépositions de témoins qui, jusqu'à
6 présent, nous espérons, vous permettront de vous pencher dessus, c'est dans
7 le détail. Donc, il y a peu de doute pour qu'un examen approfondie du
8 premier procès et nous pensons qu'il faudra que vous regardiez peut-être
9 les véritables dépositions qui auront été entendues dans le cadre de ce
10 premier procès.
11 Il est important de se souvenir de quelque chose, et c'est quelque chose
12 qui a été oublié à propos du premier procès après lequel un acquittement
13 complet a été accordé à M. Balaj, cet homme qui avait une réputation
14 épouvantable. Aucune preuve concrète n'a pu être présentée à son encontre,
15 car l'Accusation n'a pas pu prouver sa thèse contre lui. Dans ce procès-ci,
16 encore une fois, dès le départ, nous devons être très clairs, l'Accusation
17 n'a pas prouvé sa thèse contre lui au-delà de tout doute raisonnable.
18 Encore une fois, il est en droit de se voir accorder un acquittement. Vous
19 pouvez utiliser ce que vous voulez, M. le Procureur, parler de sa
20 réputation au civil soit telle, cela ne change rien au fait que les
21 éléments de preuve qui ont été présentés font défaut dans le premier procès
22 ainsi que dans le deuxième procès, et pour finir au moment des conclusions.
23 J'ai beaucoup réfléchi à une partie de mes arguments, et à un moment donné
24 j'ai pensé que c'était quelque chose qu'il valait peut-être mieux éviter.
25 Après avoir entendu les remarques d'hier et après avoir encore une fois
26 réexaminer les dépositions de certains témoins, en particulier aujourd'hui,
27 j'estime avoir le devoir de rappeler à tout un chacun qu'il ne s'agit pas
28 d'un match de boxe; il s'agit d'un tribunal, et dans un tribunal il y a un
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1 certain nombre d'obligations qui reviennent aux parties et, en particulier,
2 à l'Accusation. Devoirs et obligations. Car l'Accusation ne représente pas
3 une partie ordinaire lorsqu'il y a un différend. Lorsqu'il s'agit de
4 poursuites pénales, il ne s'agit pas pour l'Accusation de gagner son
5 procès; ce qui est important, c'est que la justice soit rendue, donc le
6 Procureur est un servant de la loi.
7 Il y a deux possibilités, soit une déclaration de culpabilité, soit qu'un
8 innocent souffre si le contraire est prononcé, il peut poursuivre en toute
9 équité et avec vigueur. Mais s'il assène des coups violents, il n'est pas
10 en droit d'asséner des coups malveillants, il doit donc s'abstenir
11 d'utiliser des méthodes erronées qui pourraient conduire à une condamnation
12 erronée. Je vais répéter cela. Il lui revient autant de s'abstenir
13 d'utiliser des méthodes erronées qui sont calculées pour conduire à une
14 condamnation erronée, et autant qu'il ait utilisé des moyens légitimes pour
15 voir aboutir une décision juste.
16 Il s'agit d'une citation d'une affaire aux Etats-Unis rendue par la Cour
17 suprême qui s'appelle Burger contre les Etats-Unis. Une citation qui met en
18 lumière les devoirs d'un Procureur et, en particulier, dans un procès
19 pénal. Ce critère est peut-être trop élevé; c'est possible. Il a, en tout
20 cas, mis en avant dans ce Tribunal, Tribunal pénal de l'ex-Yougoslavie,
21 Règlement du Procureur depuis 1999, les codes de conduite professionnels ou
22 de codes déontologiques pour les personnes exerçant la charge de Procureur,
23 paragraphe 2, alinéa E :
24 "Dans le cours des enquêtes et de la conduite du procès, de l'affaire
25 préalable au procès et du procès, ainsi que des procès en appel, le
26 Procureur adoptera les critères les plus élevés de conduite
27 professionnelle. Un Procureur doit toujours se conformer à l'esprit du
28 Statut et de Règlements de procédure et de preuve qui sont pertinents :
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1 "(E) faire preuve de respect et de franchise devant le Tribunal, mais pas à
2 faire des déclarations erronées à propos d'éléments factuels devant le
3 Tribunal ou proposer des éléments de preuve dont le Procureur sait
4 sciemment qu'ils sont faux ou inexacts.
5 "Dans le cas où le Procureur apprend qu'une déclaration présentée au
6 Tribunal est incorrecte, que des éléments de preuve qui ont été présentés
7 sont erronés, le Procureur en question devra prendre les mesures
8 nécessaires pour en informer le Procureur dès que possible."
9 Il a été admis que, lorsque les éléments de preuve sont présentés de façon
10 incorrecte ou lorsqu'on induit en erreur les Juges à propos de
11 déclarations, ceci mène à des élections qui ne sont pas acceptables, et
12 ceci est très important dans l'affaire qui nous intéresse, parce que de
13 telles déductions ont été faites à partir d'un comportement donné. Alors
14 comment choisit, décide-t-on, de faire ce choix ? Il est important de
15 décider de quelle manière il faut lire ou entendre les éléments de preuve
16 qui vous ont été présentés. Jusqu'à présent, on vous a présenté des
17 éléments de preuve. L'Accusation vous a présenté des éléments de preuve par
18 le biais de chantage, de corruption, ou de tentative de corruption, de
19 torture, et il y a eu de fausses déclarations ou des déclarations erronées,
20 et je vais commencer par cela, par les déclarations erronées, et plus
21 particulièrement à propos de la personne d'Idriz Balaj.
22 Paragraphe 18 de leur mémoire, je cite :
23 "C'était comme un secret, un secret de polichinelle, tout ce qui est arrivé
24 à Dukagjin n'a pas été prouvé. On a dit que ceci avait été fait par Togeri
25 (c'est ce que nous avons entendu dire et c'est ainsi que cela est arrivé).
26 Tout ce qui était mal, qui était arrivé, avait été attribué à Togeri."
27 En réalité, c'est ce qu'avait dit cet homme, et c'était tout de même
28 une déclaration qui pose problème. Mais ceci ne représente pas l'ensemble
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1 de la citation, parce que nous avons ce qui [inaudible] contenus entre
2 parenthèses n'ont pas été cités. C'était comme un secret, un secret de
3 polichinelle. Tout ce qui était arrivé à Dukagjin, si ceci n'a pas été
4 prouvé, tout le monde a dit que ceci avait été fait par Togeri; cependant,
5 il ne s'agit là que de ouï-dire, et rien n'a été confirmé. C'est ce que
6 nous avons appris, et c'est ainsi que cela s'est passé. Tout ce qui est
7 arrivé de mal avait été attribué ou a été attribué à Togeri. Là, nous avons
8 des déclarations fort différentes.
9 Il y a autre chose qui a été dit dans le même contexte ou dans le même
10 cadre. Je souhaite dire autre chose que Togeri n'était pas quelqu'un que la
11 population connaissait. Il est venu apporter son concours pendant la
12 guerre. Certaines personnes ont cité son nom en raison de cela.
13 Dans les remarques qui ont été faites hier, et qui ont également été citées
14 dans le mémoire, au paragraphe 46, note en bas de page 156, ceci concerne
15 la déposition de John Crosland. Ceci est utilisé en tant que citation pour
16 établir le fait que l'UCK a été impliqué dans le meurtre de six Albanais
17 considérés comme étant réputés -- considérés comme étant des sympathisants
18 serbes.
19 M. John Crosland en réalité n'a pas dit cela mais il a dit la chose
20 suivante : Il s'agit d'un autre exemple encore et les exemples sont
21 multiples de ce genre de chose. L'élément suivant, P9, page 1822, une
22 question est posée, encore une fois, il s'agit de la même question.
23 Avez-vous vu les corps vous-même ?
24 Réponse: Nous avons vu le corps mais il n'y a pas eu de preuve concluante
25 sur la manière dont ces corps étaient arrivés là, qui les avait tirés
26 dessus et qui avait tiré sur qui. Cela faisait partie de la situation
27 plutôt fluide, à ce moment-là, en 1998 et 1999.
28 Pour ce qui est de la déposition qui a été reçue dans ce procès, eh bien,
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1 cette déposition indiquait ou le témoin indiquait qu'il ne savait pas
2 comment les corps étaient arrivés là, qui leur avait tiré dessus. Pensez-
3 vous que ceci induisait en erreur, qu'on met on vous suggère cette idée que
4 cette déposition là permettait d'étayer ce point-là, à savoir, que l'UCK
5 avait tué des gens parce qu'il s'agissait de sympathisants serbes, parce
6 que c'est ce qu'on vous demande de déduire. Il s'agit d'une déduction fort
7 importante ici pour l'Accusation. Mais c'est encore pire que ça en réalité.
8 Penchez-vous un instant dessus, si nous voulons parler de la question des
9 sympathisants serbes, et surtout si nous voulons parler d'Idriz Balaj qui,
10 comme il est allégué a pris pour cible des collaborateurs et des
11 sympathisants.
12 P53. Cufe Krasniqi, qui évoque plus particulièrement la question d'un
13 collaborateur.
14 "Question : Il a reçu l'autorisation de Ramush Haradinaj, et de
15 Togeri; est-ce exact ?"
16 A commencer par la page 5840 :
17 "Réponse. Eh bien, nous parlons de Sali Shkreli, qui était un
18 collaborateur des Serbes, en même temps que sa famille. Il a été interrogé
19 après que la police se soit retirée du poste de police de Gallapek.
20 Gallapek a indiqué qu'il souhaitait faire partie de l'UCK pour pouvoir
21 protéger son village. Il est venu nous voir pour nous dire cela. Ramush,
22 Togeri et quelle qu'étaient les autres personnes qui l'accompagnaient, lui
23 ont dit qu'il était libre de se déplacer dans la région. Je n'ai pas vu ce
24 document-là, il m'a dit qu'il était libre de se déplacer dans la région.
25 Des soldats lui ont également dit qu'il était libre de ses mouvements. Qui
26 lui a donné cette autorisation-là, je ne le sais pas.
27 "Question : Mais les informations que vous nous avez données
28 consistaient à dire qu'il pouvait se déplacer librement dans la région, et
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1 que c'était Ramus Haradinaj, Togeri qui lui avaient dit, n'est-ce pas ?
2 Réponse. Oui, c'est exact."
3 Ensuite il poursuit.
4 Ce n'est pas l'image qui a été brossée d'Idriz Balaj. Il ne s'agit pas non
5 plus des éléments de preuve présentés par l'Accusation, à propos de Togeri,
6 un homme qui est un collaborateur disposait des connaissances nécessaires,
7 et aux yeux de M. Togeri, mérite d'être condamné à la peine capitale, l'a
8 autorisé à se déplacer dans la région et à être libre.
9 Que peut-on donc en déduire ? S'il y a une quelconque déduction qu'il
10 faille déduire puisque nous parlons de preuve indirecte, je crois que nous
11 avons tous la réponse. La conclusion qu'il faut tirer à partir de preuves
12 indirectes est une conclusion qui, s'il s'agit de déterminer la
13 culpabilité, et bien, la seule conclusion possible est la suivante : Nous
14 disposons de preuves concrètes et irréfutables qui proposent une analyse
15 complètement différente de ce qui a été proposé. J'ai toujours estimé qu'il
16 était bon de douter avant que de prendre une décision pour éviter de
17 m'exposer au malheur de commettre une erreur si je n'avais pas douté
18 auparavant. Une citation qui parle de la raison pour laquelle il est bon de
19 douter --
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous interromps, parce que je crois
21 que vous allez aborder un nouveau sujet.
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais m'arrêter maintenant, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons lever
25 l'audience et faire une pause d'une demi-heure.
26 --- L'audience est suspendue à 12 heures 00.
27 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Juste avant que Me Guy-Smith
2 n'intervienne, M. Haradinaj l'a accepté, à savoir je dois m'absenter pour
3 le reste de l'audience d'aujourd'hui. Je suis pris ailleurs. Je ne voudrais
4 pas vous manquer de respect en aucune manière, mais je suis pris ailleurs.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je vous remercie. Vous en avez
6 parlé brièvement avant de commencer votre plaidoirie.
7 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.
9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bon voyage, Maître Emmerson.
10 Nous étions en train de parler de la question de doute, de doute
11 raisonnable, et je pense qu'il est important de s'y pencher vu la nature et
12 la qualité des éléments de preuve qui ont été soumis à la Chambre pendant
13 dans ce procès. Bien entendu, je sais que MM.les Juges connaissent non
14 seulement parfaitement la mission elle-même mais également l'importance de
15 cette notion dans un procès pénal, donc je ne vais pas m'étendre dessus. Ce
16 serait tout à fait inutile.
17 Il a été dit - et je pense que c'est à juste titre - que la nature de ce
18 doute est telle que des hommes ou des femmes raisonnables incités par ce
19 doute éviteraient à agir s'ils doutent donc de cette manière sur des
20 questions importantes, des questions qui portent à conséquence. C'est un
21 doute qui est raisonnable à la lumière des éléments de preuve présentés
22 après avoir comparé de manière attentive et examiné l'ensemble des éléments
23 qui ont été présentés à la Chambre. Au-delà de toute doute raisonnable,
24 c'est une exigence qui repose sur les épaules de l'Accusation, à savoir
25 elle doit présenter des preuves qui empêchent toute hypothèse raisonnable
26 autre que celle de la culpabilité, toute hypothèse qui serait contraire à
27 une autre conclusion raisonnable ou raisonnée.
28 C'est à l'Accusation d'assumer son obligation, de démontrer les choses au-
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1 delà de tout doute raisonnable, et c'est cette obligation qui est la sienne
2 depuis le début jusqu'à la fin du procès. Il n'y a jamais d'inversion de la
3 charge de la preuve, et cela est important parce que je tiens à souligner
4 qu'à aucun moment il ne devrait y avoir cette inversion de la charge de la
5 preuve. Il ne nous appartient pas de démontrer que nous ne sommes pas
6 coupables.
7 Et ce qui va de pair avec la notion de doute raisonnable, c'est une autre
8 chose importante, à savoir l'égalité des armes et l'équité. C'est le
9 principe qui existe dans tous les systèmes judiciaires, à savoir non
10 seulement la justice doit-elle être rendue, mais l'on doit s'apercevoir que
11 la justice est rendue, et cela est tout particulièrement important en
12 l'espèce dans le contexte dans lequel nous agissons aujourd'hui, et il en a
13 déjà été question. Nous partageons le point de vue qui est celui de
14 considérer que la Chambre a fait l'impossible pour répondre à toutes les
15 requêtes et toutes les demandes de l'Accusation pour garantir un procès
16 équitable. La Chambre a remué ciel et terre pour pouvoir entendre tous les
17 éléments de preuve.
18 Alors, maintenant, en fonction de votre système judiciaire d'origine, l'on
19 pourrait se demander si c'est quelque chose que l'Accusation a le droit de
20 faire ou non, mais ce serait plutôt un débat théorique, et nous n'allons
21 pas nous lancer dans ce type de débat aujourd'hui. Mais s'agissant de la
22 question qui est de savoir si l'on a bien vu que la justice était rendue,
23 je pense que c'est un élément très important en l'espèce, et je pense que
24 c'est un des points majeurs. J'entame maintenant dans le contexte du doute
25 raisonnable, dans le contexte de la charge de la preuve. Donc, en termes de
26 fiabilité, en termes de fiabilité d'éléments de preuve sur lesquels vous
27 devez vous pencher, sur la base desquels vous allez rendre votre jugement.
28 Alors, voyons maintenant ce qui en est du critère de la preuve.
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1 Alors, comment nous allons définir le critère de la preuve au-delà de tout
2 doute raisonnable, nous ne devons jamais le perdre de vue, parce que, pour
3 que l'on puisse invalider un verdict, cela dépendra de la fiabilité des
4 documents ou des éléments de preuve sur lesquels vous avez jugé, donc il
5 vous faut rendre votre jugement sur des bases saines parce que s'il y a une
6 incertitude sur les bases sur lesquelles vous allez vous reposer, en fait,
7 dans ce cas-là, un aspect fondamental du procès pénal n'a pas été respecté.
8 Donc, je parle là de la fiabilité des éléments de preuve. Vous êtes
9 les Juges du fait. Quel est notre degré de tolérance pour le risque d'un
10 jugement erroné. Un jugement ne sera pas rendu de manière saine s'il est
11 fondé sur quelque chose qui n'est pas fiable. Je voudrais prendre un
12 instant, parce que je vais maintenant vous parler de la déposition d'un
13 témoin que nous avons appelé le Témoin X depuis quelque temps. Je vais en
14 revenir à cela plus tard, mais il a été dit qu'un témoin qui manque de
15 scrupules ne peut être que celui qui défend la cause de l'Accusation.
16 Je ne voudrais pas qu'il y ait un doute quelconque sur le Témoin X,
17 nous affirmons que soit il s'agit d'un menteur soit de quelqu'un qui n'est
18 en la possession de ses capacités psychiques, et sa déposition, d'après
19 nous, n'est pas fiable.
20 Alors vous avez demandé à quel moment sont-ils arrivés à Jabllanice,
21 lorsque vous avez interrogé sur les allégations qui sont contenues dans le
22 chef d'accusation numéro 1. Permettez-moi de vous poser cette question à
23 mon tour. Ma question serait la suivante : ce sont-ils jamais en réalité
24 trouvés à Jabllanice ? Je reviendrai à cela plus tard. Je voudrais
25 m'intéresser plus en détail à cette question.
26 Mais à présent c'est la notion qui m'intéresse, et je vais vous donner
27 lecture d'un extrait du jugement qui a été rendu pendant le premier procès,
28 et je vous assure que j'agirai par précaution. Le paragraphe 14.
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1 "Plusieurs fois, seul un témoin a déposé au sujet d'un incident
2 reproché aux accusés. La Chambre d'arrêt a estimé que la déposition d'un
3 seul témoin sur un fait substantiel, en principe, n'exige pas de
4 corroboration."
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, vous lisez le paragraphe
6 14 de quel texte ?
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Du jugement du premier procès.
8 "En ces occasions, la Chambre de première instance fait preuve de
9 précautions particulières en prenant en considération l'ensemble des
10 circonstances pertinentes à la déposition du témoin, y compris tout motif
11 qui oriente la déposition du témoin ainsi que d'autres facteurs
12 mentionnés."
13 Nous trouvons une autre précaution au paragraphe 121.
14 "La Chambre de première instance a entendu beaucoup d'éléments de
15 preuve sur la situation qui prévalait au Kosovo, à savoir des tensions qui
16 existaient, et ce, bien avant la période couverte par l'acte d'accusation,
17 à savoir les autorités serbes et la minorité serbe du Kosovo se situaient
18 d'un côté et puis les Albanais kosovars de l'autre côté, opposés en tant
19 qu'adversaires. Cette situation était telle que nous devons faire preuve de
20 précautions lorsque nous allons déterminer ceux qui étaient à l'origine des
21 actes de violence contre les victimes de tel ou tel groupe ethnique ou
22 affiliation. Si nous n'avons pas d'éléments de preuve pour démontrer le
23 contraire, la Chambre de première instance admet la possibilité qu'il y
24 avait une animosité entre les groupes opposés qui aurait pu causer les
25 individus appartenant à l'un ou l'autre groupe à se rendre ou à se livrer à
26 des agissements violents par courroux personnel ou motivation personnelle,
27 plutôt que dans le cadre de structures organisées."
28 Bien entendu, je réagis là par rapport à la position adoptée par
Page 2928
1 l'Accusation en disant qu'une structure a existé sur place, une structure
2 organisée, et que c'est dans le cadre du fonctionnement de cette structure
3 que ces crimes ont été commis.
4 Alors, maintenant, je voudrais revenir un instant aux affirmations
5 qui ont été faites par l'Accusation dans leur mémoire. Et je prends le
6 paragraphe 18, la note de bas de page 58.
7 "Tetaj a entendu que des membres des Aigles noirs de Balaj qui
8 voulaient quitter l'unité ou qui ont été chassés de l'unité ont été
9 exécutés pour les empêcher de parler des activités criminelles auxquelles
10 se livrait l'unité."
11 Alors Tetaj, effectivement, a entendu dire cela, mais il donne plus
12 d'explications dans sa déposition. Ce qu'il dit c'est que la personne qui
13 lui en a parlé, à savoir un homme appelé Berisha --
14 L'INTERPRETE : Prénom inaudible pour l'interprète.
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] –- a essayé de justifier le fait qu'il ait
16 quitté la zone de guerre, le fait qu'il soit parti, et qu'en fait, cela a
17 incité le témoin à se demander si l'affirmation était vraie ou non, vu donc
18 par qui cela a été dit.
19 Alors un autre sujet qui revient dans le mémoire et qui occupe une place
20 importante et qui a occupé une place importante dans le réquisitoire de M.
21 Rogers hier concerne cette réputation de quelqu'un qui inspirait la peur,
22 et comme quoi cela aurait été la réputation d'Idriz Balaj et des Aigles
23 noirs. Et là encore, nous avons le paragraphe 18 qui en parle. Tetaj a dit
24 dans sa déposition que les Aigles noirs de Balaj étaient réputés d'être
25 brutaux.
26 Nous devrons nous attarder un petit peu là-dessus, mais nous avons la
27 version intégrale de cette conversation qui commence page 3 676. Il s'agit
28 de la pièce P75. Voici une réponse :
Page 2929
1 "Ecoutez, il faut que j'explique autre chose. Avant Togeri, il y a eu un
2 autre homme, Uka, et c'était avant Togeri, et lui il est parti. Togeri est
3 venu un peu plus tard, et lorsque vous m'avez demandé qui m'a interrogé, il
4 y avait un autre homme qui s'appelait Uka, et il a pris part à beaucoup de
5 choses qui sont aujourd'hui imputées à Togeri."
6 Alors, nous savons qui est Uka; c'est Pjeter Shala, l'homme qui est
7 vêtu en noir et qui porte une épée :
8 "Question : Toger et ces hommes, est-ce qu'ils étaient considérés comme
9 étant brutaux ?
10 "Réponse : Il était plus dynamique. A l'époque, c'est comme ça qu'on
11 présentait Togeri. Tout ce qui se passait, les pires choses qui se
12 passaient là-bas, on les attribuait à Togeri, même si peut-être il ne
13 s'était pas trouvé sur les lieux. Donc il n'y a rien de particulier que
14 j'aurais vu de mes propres yeux. Donc je vous demande à vous, Messieurs les
15 Juges, et aussi à l'Accusation, de me demander de parler des choses que
16 j'ai vues de mes propres yeux.
17 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire qui
18 présentait Togeri de cette manière-là ? Est-ce que vous pouvez nous dire de
19 qui ça venait ?
20 "LE TEMOIN : [interprétation] Il y a eu des rumeurs dans tous les villages
21 qui se propageaient disant que Togeri était à l'origine de tout cela. Mais
22 je ne peux rien confirmer parce que je n'ai rien vu, rien de ce genre-là.
23 On a fait des observations allant dans ce sens. Mais quant à la réalité des
24 choses à ce qui s'est passé vraiment, je ne sais pas. Il est vrai qu'il
25 était plus dynamique et il était plus sérieux dans sa manière de parler.
26 C'est probablement à cause de cela que les gens sont arrivés à cette
27 conclusion. Il y a eu beaucoup de rumeurs qui couraient, comme quoi il
28 aurait fait ceci et comme quoi il aurait fait cela. Mais je n'ai rien vu,
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1 rien de la sorte. Donc je ne peux pas le confirmer.
2 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'il était plus
3 dynamique. Alors, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous entendez par
4 là plus précisément ?
5 "LE TEMOIN : [interprétation] Il était plus enthousiaste. Il était cool,
6 mais il était comme cela, simplement, naturellement. Et cette image dont
7 parlaient les gens, c'était quelque chose qu'ils s'étaient créés, eux, dans
8 leur esprit. Et je ne sais pas comment.
9 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et je voudrais vous interroger au sujet
10 d'Astrit Berisha. C'est une dernière chose que je vais vous demander. Je
11 vous en ai parlé il y a un instant. Vous avez confirmé en répondant à M. Re
12 que vous avez parlé à un homme, un 'Tirana', qui s'appelait Astrit Berisha.
13 "LE TEMOIN : [interprétation] Oui, j'ai mentionné cela hier.
14 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez demandé pourquoi
15 Berisha n'était pas au Kosovo.
16 "LE TEMOIN : [interprétation] Oui.
17 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez confirmé que Berisha
18 vous a dit que Toger avait tué tous les membres de sa famille [comme
19 interprété] qui souhaitaient partir. C'est ce que Astrit Berisha vous a
20 dit.
21 "LE TEMOIN : [interprétation] Oui. Pour ce qui est du retrait de la
22 FARK du Kosovo, oui, comment cela s'est produit, ça affaiblit
23 considérablement les unités qui sont restées dans la plaine de Dukagjin, et
24 puis ça a affecté le moral, le moral des hommes. Donc les gens qui sont
25 partis, ils peuvent confirmer qu'il a essayé de justifier pourquoi ils sont
26 partis, pourquoi ils se sont retirés. Et je ne pense pas que ce qu'il a dit
27 était vrai. Parce que si quelqu'un vient pour m'aider, si quelqu'un vient
28 pour m'apporter son soutien, je vais essayer de ne rien faire pour être sûr
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1 que tout le monde devient membre des Aigles noirs. Donc ils ne pourraient
2 pas tuer tout le monde. Ca ne fait pas de sens. Donc il dirait, j'étais un
3 officier. J'avais participé. Il m'a parlé simplement parce qu'il était
4 faible.
5 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous avez parlé à l'enquêteur
6 du bureau du Procureur de ce que vous avez dit à Astrit Berisha, est-ce que
7 vous avez expliqué à l'époque qu'il a essayé de justifier les raisons pour
8 lesquelles il a fui le conflit ?
9 "LE TEMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas. Et ils n'ont pas
10 insisté sur ces questions. Ils m'ont simplement demandé ce que j'avais
11 entendu et avec qui j'étais en contact. Et puis, au fur et à mesure, qu'ils
12 me posaient des questions on en est venu à cela à ce que j'ai dit."
13 Ligne 75. Page 3 813.
14 Alors, hier, on nous a dit qu'il ne fallait pas faire confiance à
15 Ylber Haskaj, parce que Ylber Haskaj était un ami d'Idriz Balaj. Il lui
16 était loyal. Il l'a appelé par téléphone à La Haye. Mais je voudrais que
17 l'Accusation me réponde à une question ou je voudrais que vous vous
18 penchiez sur cette question : en quoi est-ce que Haskaj n'ait pas digne de
19 foi ?
20 Pièce P40. Ylber Haskaj. Sa déposition qui a été versée par
21 l'Accusation. Paragraphe 8 de celle-là.
22 "A l'été 1998, j'étais membre des Aigles noirs et Shemsedin Cekaj
23 arrivé dans mon village, Irzniq. Je ne suis pas sûr de la date exacte. Je
24 ne suis pas sûr de ses fonctions non plus."
25 Au point 9.
26 "Je suis venu rejoindre les rangs des Aigles noirs parce que j'ai
27 entendu parler d'un groupe d'élite qui était en train de se constituer. Je
28 voulais vraiment rejoindre cette unité."
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1 Point 10.
2 "C'est le jour de la création des Aigles noirs que j'ai rejoint ce
3 groupe. Si ma mémoire est bonne, les Aigles noirs ont été constitués le 14
4 mai 1998. Un rassemblement a été organisé à Irzniq, on a invité les gens à
5 rejoindre les rangs de cette Unité spéciale. Et beaucoup de gens sont venus
6 suite à cet appel. A peu près 500 personnes étaient présentes pendant la
7 première réunion ou rassemblement qui s'est tenu dans un champ près de ma
8 maison au centre d'Irzniq. Comme il faisait noir, je n'ai pas pu voir ni
9 reconnaître la personne qui a présidé ce rassemblement, donc je ne sais pas
10 exactement qui c'était. Mais sur les 500 personnes qui se sont présentées à
11 ce moment-là, environ 120 sont devenus effectivement membres des Aigles
12 noirs. Je suis moi-même resté membre de cette unité à partir de la date de
13 sa création, donc le 14 mai jusqu'à peu près la fin du mois de juillet. Le
14 nombre des Aigles noirs a décru après les premiers quelques jours, et puis
15 à partir de ce moment-là on était à peu près 35. Il n'y avait pas de
16 commandant adjoint ou de commandant d'unité. Si mes souvenirs sont bons, le
17 seul commandant de l'unité était Balaj, à partir du tout début, c'était
18 lui, le commandant des Aigles noirs, or est-ce que c'est ça que vous ne
19 devriez pas prendre pour la vérité; est-ce que ça que vous devriez rejet ou
20 est-ce que c'est plutôt le paragraphe 12 ? L'objectif de la création de
21 cette unité était d'avoir une force de réaction rapide qui serait aussi
22 bien entraînée que possible, elle serait prête à réagir en toute occasion
23 soit pour mener à bien les activités de combat ou pour venir en aide à la
24 population civile. Et même si c'était basé à Glodjan, même si nous étions
25 basés à Glodjan, l'unité en fait devait être appelée à agir partout dans la
26 zone opérationnelle de Dukagjin, et pratiquement nous avons surtout été
27 actifs dans la zone, la municipalité de Becan [phon], et dans le environs.
28 Et puis peut-être le paragraphe 14, c'est cela que vous devriez
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1 rejeter. Comme je l'ai noté déjà, comme je l'ai déjà dit, on a les Aigles
2 noirs ont été bien entraînés, enfin devaient suivre un entraînement assez
3 dur. Donc il y avait beaucoup de gens qui ont laissé tomber. Moi, j'étais
4 physiquement en forme, j'étais très actif en plusieurs sports quand j'étais
5 jeune, et j'étais un bon karaté.
6 Et ou peut-être le paragraphe 15. C'est Idriz Balaj qui nous donnait,
7 qui nous confiait nos missions. A chaque fois qu'il y avait ne serait-ce
8 qu'une arme qui ouvrait le feu dans la municipalité de Becan, vous pouvez
9 l'entendre. Par conséquent, si l'on entendait que les forces serbes
10 attaquaient un village, on y allait pour essayer de le défendre.
11 Ou le 19, encore nous n'avions pas les mêmes uniformes que le reste
12 de l'UCK. C'était un uniforme noir. J'ai reçu un uniforme spécial, une
13 arme, au QG des Aigles noirs, quelque chose après avoir rejoint l'unité, et
14 c'était un fusil avec un viseur télescopique, comme les armes des tireurs
15 d'élite. J'étais formé à utiliser cette arme, et aussi parfois on me
16 donnait une arme automatique ou un 22. Et lorsque j'ai quitté les Aigles
17 noirs, à la fin du mois de juillet, en fait j'étais très démoralisé. Notre
18 unité avait été pendant quelque temps dans le village de Voksh, dans la
19 zone 5, de l'autre côté de la carte que vous avez vue aujourd'hui, "Slup et
20 Drenovc."
21 Et puis, le témoin continue, et il parle de la mort d'un de ses
22 camarades. Il a été blessé - c'est ce qu'il dit au paragraphe 23 :
23 "Après ma blessure, je me suis remis et les Aigles noirs étaient
24 revenus du champ de bataille dans la Région de Voksh. J'ai dit au
25 commandant Balaj que je voulais quitter l'unité. Il a accepté ma décision.
26 Donc il n'a pas tué Ylber Haskaj, n'est-ce pas ? Un jeune homme
27 blessé, démoralisé, à la suite de la perte des membres de sa famille va
28 trouver son commandant, dans des circonstances très difficiles. C'est une
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1 Unité spéciale, c'est une petite unité, c'est une unité extrêmement bien
2 entraînée. C'est une unité qui est nécessaire, et il demande l'autorisation
3 de pouvoir partir, et cette autorisation lui est donnée. Est-ce que c'est
4 ce que nous sommes censés croire ou ne pas croire ? Ou peut-être que nous
5 ne sommes pas censés croire l'affirmation importante qui a été avancée
6 suivant laquelle Balaj a exécuté tous les membres des Aigles noirs, comme
7 cela est indiqué au paragraphe 36 ?
8 L'enquêteur a lu la liste des anciens Aigles noirs, et on m'a demandé
9 de faire des observations à propos de ce que je connaissais. Alors je ne
10 vais pas vous donner lecture de tous les noms, cela commence bien entendu
11 par la lettre A et cette liste se termine avec la lettre P.
12 Dans le mémoire, nous trouvons une affirmation, une affirmation
13 relative à la brutalité de M. Balaj et à sa réputation d'homme redoutable.
14 Cette affirmation est dans le meilleur des cas sujette à caution. Au vu des
15 éléments de preuve qui vous ont été présentés par l'Accusation, par
16 l'équipe de l'Accusation et dans les pièces de l'Accusation, lors de
17 l'interrogatoire principal de M. Ylber Haskaj, la question suivante lui a
18 été posée, il a répondu de la façon suivante, il s'agit de la page 10336.
19 "Question : Monsieur Haskaj, vous avez passé une période assez courte
20 lors de votre entraînement, avant d'aller vous battre à Voksh, n'est-ce pas
21 ?
22 Réponse : Oui.
23 Question : Donc il n'y a que quelques jours qui se sont écoulés avant ces
24 attaques, et vous et les membres des Aigles noirs, et notamment M. Balaj,
25 vous êtes allé à Voc dans le cadre d'une intervention pour exécuter en fait
26 vos tâches en tant qu'Unité spéciale d'Intervention; est-ce exact ?
27 Réponse : Oui.
28 Question : Lorsque vous allez à Voc, et lorsque je parle de Voksh, je parle
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1 également de Drenovc et Slup, parce que ce sont dans ces villages, n'est-ce
2 pas, que les combats ont eu lieu, et vous deviez y aller pour vous y
3 battre, n'est-ce pas ?
4 Réponse : Oui.
5 Question : Mais vous ne vous êtes pas battu dans la zone d'Irzniq, et je
6 vous rappelle le document P78, que nous avons vu un peu plus tôt. Il ne
7 faut pas oublier que Irzniq est proche de Glodjan, qui est la sous zone
8 numéro 1, alors que Drenovc est de l'autre côté. Quelque temps après en
9 juillet, vous avez été blessé, n'est-ce pas ?
10 Réponse : Je ne suis allé qu'une fois là-bas.
11 Question : Lorsque vous avez combattu à Voc, Drenovc et Slup, en juin ainsi
12 que pendant le mois de juillet à l'exception du moment où vous avez dit
13 vous-même que vous étiez revenu, votre commandant, Idriz Balaj, combattait
14 à vos côtés, n'est-ce pas ?
15 Réponse : Oui.
16 Question : Et lorsque vous avez cessé de combattre avec les Aigles noirs,
17 page 10338, vous êtes rentré dans le village pour y travailler, et pour
18 monter la garde, à Irzniq, n'est-ce pas ?
19 Réponse : Oui.
20 Question : Et vous étiez placé sous le commandement de Tetaj ?
21 Réponse : Oui, je sais qu'il était revenu dans le village un peu plus tôt.
22 Question : Les Aigles noirs étaient toujours là après votre retour.
23 Ils étaient là sur le terrain lorsqu'ils ne livraient pas bataille; est-ce
24 que cela est vrai ?
25 Réponse : Oui.
26 Question : Et en fait, en tant qu'unité, les Aigles noirs quittaient et
27 revenaient dans cette zone, à partir du moment où vous, vous êtes revenu en
28 juillet, en fonction des besoins et en fonction des batailles qui ont été
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1 livrées de juillet et jusqu'à l'offensive du mois de septembre, n'est-ce
2 pas ?
3 Réponse : Oui.
4 Question : Vous avez indiqué dans votre déclaration qu'il n'y avait pas de
5 commandant adjoint ou de sous commandant, c'est ce que nous avons lu un peu
6 plus tôt. Et en fait, vous avez dit que c'était Toger qui dirigeait
7 l'unité, n'est-ce pas ?
8 Réponse : Oui.
9 Question : En fait, c'était toujours le premier présent dans la bataille et
10 le dernier a quitté le champ de bataille. C'est quelqu'un qui ne restait à
11 côté, aux côtés de ses soldats et qui n'hésitait pas les responsabilités ou
12 ces responsabilités de combattants, n'est-ce pas ?
13 "Réponse : Oui, c'est vrai."
14 Alors, que devez-vous ne pas croire dans cette déclaration, parce qu'en
15 fait, cela se fonde ou repose ou s'appuie sur le film que vous avez vu
16 hier, le film de la bataille. Mais il faut dire qu'il n'est pas le seul,
17 qu'il n'est pas le seul, disais-je, à avoir reconnu les Aigles noirs,
18 Toger, Idriz Balaj.
19 Là, je me fonde sur la déposition de Rrustrem Tetaj, et cela commence
20 à la page 3 807.
21 "Question : …vous nous avez dit que Toger était le chef des Aigles noirs,
22 qui était un groupe de jeunes hommes dont l'âge était compris entre 25 et
23 30 ans ?
24 "Réponse : Oui.
25 "Question : Et vous nous avez dit, en fait, que vous savez qu'il avait
26 participé à des actions, et ce que j'entends par 'actions', c'était en fait
27 qu'il s'agissait de combats avec les Serbes dans un certain nombre de
28 villages différents ?
Page 2938
1 "Réponse : Oui. Je suis d'accord avec les chiffres que vous mentionnez. Il
2 s'agissait de volontaires, de jeunes hommes extrêmement audacieux, et
3 c'étaient des volontaires qui se reliaient à Togeri pour accomplir cette
4 tâche.
5 Ils portaient des vêtements noirs, et eux portaient des vêtements
6 noirs pour qu'on puisse faire la différence entre eux et les autres. Il
7 avait des insignes de l'ALK sur ces vêtements.
8 "Question : Est-ce que vous pourriez nous dire, à propos des endroits que
9 je vais mentionner, là où les Aigles noirs ont participé aux combats de
10 Voksh ?
11 "Réponse : Oui.
12 "Question : Baballoq ?
13 "Réponse : Oui.
14 "Question : Prilep ?
15 "Réponse : Oui.
16 "Question : Shaptej ?
17 "Réponse : Shaptej ?
18 "En fait, je n'en suis pas sûr.
19 "Question : Rastacive ?
20 "Réponse : …oui.
21 "Question : Junik ?
22 "Réponse : Oui.
23 "Question : Carrabreg ?
24 "Réponse : Oui.
25 "Question : Sllup ?
26 "Réponse : Savez, Sllup, Lloqan, Voksh, ils sont très proches les uns des
27 autres.
28 "Question : Glodjan ?
Page 2939
1 "Réponse : …ils ne pouvaient pas.
2 "Il y avait d'autres forces qui se trouvaient là, et ils n'avaient
3 pas besoin d'eux. Ils n'avaient pas renforts à Glodjan.
4 "Question : Loxha ?
5 "Réponse : Vous voulez dire Loxhe, oui.
6 "Question : Vous avez indiqué un peu plus tôt que les Aigles noirs
7 correspondait à un groupe de jeunes hommes très, très audacieux…
8 "Réponse : …c'était une petite unité comparée à la région, et un tout
9 petit groupe qui était engagé dans des actions, ce n'était pas l'ensemble
10 du groupe. C'étaient des personnes volontaires, des volontaires, des
11 personnes particulièrement audacieuses et téméraires, et qui ont participé
12 à cela. Ils ne voulaient pas porter les uniformes noirs.
13 "Question : La responsabilité des Aigles noirs consistait, entre
14 autres, à assurer le renfort dans les villages lorsque les Serbes
15 arrivaient, n'est-ce pas ?
16 "Réponse : Oui. C'était leur responsabilité en cas d'actes ou
17 d'attaques de la part des Serbes. Ils étaient présents. C'était, en fait,
18 une cause de fierté pour la population de voir que l'unité était présente.
19 Donc le groupe donnait son soutien lorsqu'il y a eu, par exemple, cette
20 attaque contre un village, tel que Carrabreg, Laushe, Prilep. Les gens
21 voulaient avoir le soutien des Aigles noirs. En fait, c'était plus qu'un
22 soutien moral; il s'agissait également de cette unité qui leur apportait ce
23 soutien moral.
24 "Question : Mais outre ce soutien moral, cela correspondait à un
25 véritable appui militaire, parce que ces jeunes hommes, l'unité de Toger
26 disposait d'armes, avait été formée pour pouvoir combattre de façon
27 efficace et effectif contre les forces serbes ?
28 "Réponse : Je ne nie pas cela, c'est tout à fait véridique."
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1 Je vous ai parlé un peu plus tôt, assez brièvement, d'un autre fait.
2 Je vous ai dit, en fait, qu'Idriz n'est pas originaire de cette zone. Donc,
3 il est le chef de l'unité spéciale, de cette unité spéciale, cette unité
4 qui participait à des combats très, très lourds, et c'était un étranger, en
5 quelque sorte, et potentiellement, il y avait certaines difficultés.
6 Alors, la question qui est posée est comme suit :
7 "Idriz Balaj n'est pas originaire de cette zone, n'est-ce pas ?
8 "Réponse : Eh bien, je dirais ouvertement que j'ai eu des contacts
9 avec Idriz. Mais, en fait, je le connaissais sous le nom de Toger. Vous
10 savez que c'était quelqu'un qui n'était pas originaire de cette région, les
11 gens ne le connaissaient pas dans la région. Et d'ailleurs, il ne
12 connaissait pas les gens des villages avoisinants.
13 "Question : Fort bien. Alors, un homme qui répondait au nom de Toger,
14 qui n'était pas originaire de cette région, ne pensez-vous pas, en fait,
15 que cela pouvait être un couteau à double tranchant pour lui en quelque
16 sorte ? Ce que j'entends, c'est qu'il faisait du bon travail, comme vous
17 nous l'avez dit. Son unité aidait la population, leur apportait un soutien,
18 comme vous nous l'avez dit, mais c'était un étranger dans la région, dans
19 une région où il y avait très peu d'étrangers, n'est-ce pas ?
20 "Réponse : Oui, c'est vrai. C'est vrai qu'il vit là-bas, il est
21 arrivé pour défendre les villages, ainsi que les villageois, et je le
22 remercie d'avoir fait cela. Et je dois dire qu'il a apporté énormément de
23 soutien à la population. En fait, c'est l'espoir qui a fait vivre en
24 quelque sorte l'unité de Toger et qui a fait en sorte que les gens n'aient
25 pas abandonné la partie. Les gens se sentaient beaucoup plus en sécurité,
26 même lorsque les forces serbes les ont attaqués.
27 "Question : Mais une partie de la réalité était toutefois, en fait,
28 que s'il y avait eu une défense véritable ils auraient dû faire face à une
Page 2941
1 réaction beaucoup plus importantes de la part de l'armée serbe, qui serait
2 arrivée avec plus de canons, de soldats, et de chars ?
3 "Réponse : Oui, oui, tout à fait. Nous, nos forces, notre effectif
4 grandissait. Il y en avait de plus en plus, mais les effectifs des forces
5 serbes grandissaient également.
6 "Donc, en réalité, lorsque Toger et les Aigles noirs étaient
7 présents, il y avait des combats, il y a eu des pertes également."
8 Donc, en fait, la réponse qu'il a donnée était que :
9 "Les forces serbes auraient moins été présentes, étaient moins
10 présentes lorsqu'il y avait les unités des Aigles noirs. Il faut savoir que
11 même s'il y a eu des décès et des victimes, personne n'aurait pu
12 véritablement deviner ce qui allait se passer.
13 "Il a participé à des actions, non seulement Toger, mais il y a
14 d'autres soldats qui ont participé. Personne ne pensait qu'il reviendrait
15 de ces combats sain et sauf. Voilà, voilà ce que je pourrais dire."
16 Alors, vous voyez en fait que cela vous donne un autre descriptif de
17 la situation. Parce qu'il s'agit d'éléments de preuve qui, de façon très
18 adroite et très habile, ont été omis lors de la présentation des moyens à
19 charge, parce que, bien entendu, cela ne correspond pas à la théorie qu'ils
20 avancent.
21 Au paragraphe 49, note en bas de page 171, l'Accusation avance que
22 les victimes de l'ALK comprenait des Serbes ainsi que des Monténégrins de
23 souche qui, comme les Serbes, étaient considérés comme des ennemis de
24 l'ALK. Alors il y a une première pièce qui est citée où il est question
25 d'extrémistes siptar, et non pas de l'ALK, est la pièce P149. Puis une
26 deuxième pièce est citée, il s'agit de la pièce P442. C'est le journal
27 d'une personne. A la page 6, il n'est absolument pas question de l'ALK, il
28 décrit comment la population s'enfuyait des villages, notamment il y avait
Page 2942
1 des Albanais qui s'enfuyaient également. Ensuite vous avez une autre pièce,
2 P135, qui ne corrobore absolument pas l'idée sur laquelle il s'agissait
3 d'ennemis de l'ALK, comme cela avait été avancé. Et puis vous avez
4 également la déclaration de Zoran Stijovic, dernière pièce, document P121,
5 au paragraphe 22, et qui est en fait -- qui se trouve dans l'annexe 24, qui
6 d'ailleurs n'a pas été présentée comme élément de preuve en l'espèce.
7 Si vous pensez ou si vous croyez, comme l'a indiqué M. Rogers, que le
8 Témoin X dit la vérité, ce qui est le cas d'après M. Rogers, alors vous
9 auriez condamné -- vous condamnerez Idriz Balaj, vous le considéreriez
10 coupable du chef numéro 1 et du chef numéro 6. Mais avant de nous demander
11 et de nous interroger pour savoir s'il dit la vérité ou non, posons-nous
12 plutôt une question et demandons-nous s'il s'est présenté comme un témoin
13 fiable, un témoin digne de foi. Est-ce qu'il est le genre de témoin sur
14 lequel vous vous appuierez pour ce qui est du plus important pour vous dans
15 cette affaire ? Et pour le moment faisons abstraction des accusations
16 dressées contre M. Balaj et voyons cela de façon tout à fait différente.
17 Car il y a une déposition suivant laquelle il a rencontré le président du
18 Kosovo à l'époque et qu'il le rencontrait tous les vendredis, et d'ailleurs
19 il le rencontrait même plus souvent que tous les vendredis. Il venait de
20 chez lui, son foyer se trouvant à 80 kilomètres environ, il devait passer
21 par toute une série de postes de contrôle pour rencontrer le président
22 Rugova, vous croyez cela vous ? Est-ce que c'est une information qui vous
23 semble crédible ? Parce que si vous deviez en l'espèce trancher à propos de
24 ce témoignage, si vous deviez vous prononcer à propos de ce témoignage,
25 est-ce que vous le croiriez ce témoignage ? Je ne le pense pas. Il a
26 témoigné et dit, et je vais utiliser l'art de la litote, mais il a dit en
27 fait qu'il avait des problèmes, pour reprendre cet euphémisme avec
28 [inaudible], parce qu'il voulait en fait constituer une armée beaucoup plus
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1 puissante. C'est étrange comme notion. Est-ce que vous la croyiez ? Est-ce
2 que vous considérez qu'il est fiable ? M. Rogers, quant à lui, adopte un
3 point de vue, il nous dit que nous ne devrions pas tenir compte du fait
4 qu'il est assez imprécis, que nous devrions lui pardonner ses descriptions
5 plutôt embrouillées du moment où les choses se sont passées, de la façon
6 dont les choses se sont passées, parce que, nous dit M. Rogers, beaucoup de
7 temps s'est écoulé depuis. Il nous dit qu'il y a véritablement beaucoup de
8 temps qui s'est écoulé depuis, beaucoup de temps, 14 ans si je ne me
9 trompe.
10 C'est un document qui a été versé sous pli scellé et qui porte sur des
11 informations données en 2002. Donc je suppose en fait que nous devrions
12 passer à huis clos partiel pour l'examiner.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, nous allons passer à huis clos
14 partiel.
15 Une seconde, Maître Guy-Smith.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
17 partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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13 Page 2944 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
11 Oui, Maître Guy-Smith, continuez.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce qui est important ici, c'est qu'en 2002,
13 il y avait des discussions concernant ces différents éléments. C'est ce qui
14 est important 2002.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors que je vous comprenne bien. Vous
16 n'êtes pas en train de dire que ce que vous venez de lire est exact. Vous
17 nous dites que ceci a été consigné en 2002 et c'est différent de ce qui a
18 été consigné comme élément de preuve.
19 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, c'est justement ce que je dis. En tant
20 que Juge de fait, cette Chambre de première instance va devoir déterminer
21 si la déposition de cette personne est fiable. C'est quelque chose que vous
22 devez donc envisager. Cela va totalement à l'encontre de l'argument faisant
23 état du fait qu'énormément de temps s'est écoulé et que, par conséquent,
24 ceci n'est pas exact. Mais ce n'était pas plus important, mais je pourrais
25 rajouter que vous vous souviendrez quand M. Rogers a accepté ou a concédé,
26 qu'en 2006, en ce qui concerne les trois hommes en question, il a donc eu
27 vent qu'ils avaient été enlevés. Donc ce n'est pas lui qui en avait été
28 témoin. Il n'avait pas participé à cet enlèvement. Il ne l'avait pas vécu.
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1 Il en avait simplement entendu parler. Ceci est très différent d'une
2 déposition qu'il avait faite six ans auparavant, et d'avoir eu vent de
3 quelque chose et d'en avoir été témoin oculaire constitue deux événements
4 totalement différents. Parce que lorsque durant sa déposition il a prétendu
5 avoir été témoin oculaire, il s'est donc impliqué dans cet incident. Par
6 conséquent, on peut également dire qu'il a reproduit ce comportement à
7 plusieurs reprises. Par conséquent, je vous invite à deux conclusions.
8 Soit, ce monsieur est un menteur, soit, il a des problèmes psychologiques.
9 Car personne ne peut corroborer ces dires, c'est-à-dire ce qu'il a appelé
10 cet enlèvement ou ce kidnapping.
11 Les éléments de preuve que nous avançons à ce sujet, c'est que le 19 mai,
12 ces trois personnes ont quitté leur village, puisque nous l'avons vu, ou du
13 moins des gens l'on vu, on les a vus donc dans ce village où cet enlèvement
14 s'est soi-disant produit, et personne d'autre n'a vu cela mis à part ce
15 qu'a avancé ce Témoin X. Personne d'autre. Personne n'a corroboré ces
16 dires, à savoir qu'il avance que ces personnes ont été enlevées. Et de
17 plus, ce qui est encore plus important, il y a également cet incident à
18 Jabllanice où on avance qu'Idriz Balaj a tranché l'oreille de quelqu'un, et
19 cela ne s'est jamais produit. Il faut croire les dires du Témoin 3 et
20 seulement ses dires, il faut que ce soit un témoin fiable pour que l'on
21 considère ces dires comme tenant la route.
22 Compte tenu des rumeurs - pardon, j'ai parlé du Témoin 3 et je parlais du
23 Témoin X - je vous prie, de m'excuser. Je disais donc compte tenu des
24 rumeurs qui avaient cours et compte tenu de cet incident marquant, est-ce
25 que cela ne vous paraît étrange que personne mis à part M. X avance avoir
26 eu vent de cette information. Personne -- enfin, je vous prie, de
27 m'excuser. En fait, un autre témoin en a parlé. Je suis désolé. Je ne
28 voudrais pas faire des déramer [inaudible] en même temps. On connaît la
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1 qualité de la déposition de ce témoin et nous savons également quelle est
2 la position de M. Rogers, et ce témoin vous demande en fait de ne pas
3 prendre en compte quoi que ce soit des dires de l'autre personne. Il est
4 facile d'accuser quelqu'un, et lorsqu'il s'agit d'un crime absolument
5 épouvantable et que vous saupoudrez ceci d'une mauvaise réputation, ce
6 n'est pas vraiment très difficile d'en arriver à des conclusions, à savoir
7 de se lancer dans des conjectures en disant que cette personne doit être
8 coupable étant donné que de toute façon ce n'est pas quelqu'un de
9 recommandable, et c'est ce que l'on vous dit ici.
10 De cette manière, nous évitons complètement les incohérences qui figurent
11 dans sa déposition.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant d'oublier --
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Désolé, un instant.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant d'oublier parce qu'il semble que
15 vous passiez à autre chose. Je voudrais vous poser une question. A la page
16 86, ligne 18, vous -- vous avait dit mais ce n'est pas non seulement très
17 important. De plus, vous vous souviendrez que M. Rogers a concédé ce qui
18 avait été dit en 2006, en ce qui concerne la question de ces trois hommes;
19 est-ce que vous êtes en mesure de nous aider une référence à ce sujet, s'il
20 vous plaît ?
21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Une référence.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais savoir où on retrouve ceci
23 dans le compte rendu d'audience. Quand ou comment M. Rogers a accepté ou a
24 concédé ceci.
25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Alors il y a deux aspects, d'abord quand le
26 témoin a déposé, et donc je vous donnerais la référence du compte rendu
27 d'audience, et puis le deuxième point, M. Rogers l'a en fait concédé, hier.
28 Mais si vous le souhaitez, je pourrais vous donner le compte rendu
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1 d'audience.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je vois qu'il semble que même M.
3 Rogers semble être d'accord avec vous également, à savoir qu'il a concédé
4 ce point, hier. Il a fait un signe affirmatif de la tête ou est-ce que je
5 me trompe, Monsieur Rogers ?
6 M. ROGERS : [interprétation] Non, effectivement durant mes propos
7 liminaires, non pardon, mon réquisitoire que le témoin avait dit qu'il
8 avait entendu que ces personnes avaient été envoyées à partir de ce moulin
9 vers un autre endroit, et qu'il les avait observés à cet endroit-là, et il
10 l'a dit durant sa déposition.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Est-ce que vous voulez des références.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si vous les avez, s'il vous plaît,
14 oui.
15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous obtiendrai les références.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Maître Guy-Smith. Vous pouvez
17 continuer, je ne veux pas retarder la fin de votre plaidoirie.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci. C'est la page 2597, page du compte
19 rendu d'audience donc.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
21 L'INTERPRETE : Note de l'interprète, le compte rendu d'audience -- pas de
22 note de l'interprète.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] En fait la page 2598 est encore plus
25 précise ou plus claire parce que c'est une question qui a été posée par M.
26 le Juge Moloto, qui demande : est-ce que vous avez prononcé ces mots, et la
27 réponse est affirmative, puisqu'il dit, oui, effectivement.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous en prie. Nous allons nous arrêter
2 dans quelques minutes, n'est-ce pas ?
3 L'INTERPRETE : Le Président fait un signe affirmatif de la tête.
4 M. GUY-SMITH : [interprétation] Hier, je crois que M. Rogers n'a pas bien
5 saisi un argument que nous avions avancé au nom de M. Balaj, à savoir une
6 conspiration entre les témoins 3 et X ou une connivence entre ces deux
7 témoins. En ce qui nous concerne, il n'y a pas de connivence entre ces deux
8 témoins ou ces deux personnes. En fait ce qui s'est passé, c'est que le
9 témoin X a usurpé ce qu'a vécu le Témoin 3, il a fait sien les propos du
10 Témoin 3, pour se donner plus d'importance. En fait, il est passé d'un
11 témoin d'ouï-dire à un témoin direct, et j'en reparlerais donc demain.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Guy-Smith. Ceci
13 met un terme à notre audience d'aujourd'hui. Nous n'avons visiblement pas
14 terminé, alors qu'on prévoyait terminer aujourd'hui. Je suppose que l'on ne
15 peut faire que reporter la fin de cette audience, demain matin, à 9 heures
16 dans cette même salle d'audience, et nous nous assurons que la section CSMF
17 [phon] prenne les dispositions nécessaires pour que nous puissions siéger
18 demain, dans cette même salle d'audience.
19 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 27 juin
20 2012, à 9 heures 00.
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