LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit: M. le Juge Claude Jorda, Président

M. le Juge Fouad Riad

M. le Juge Almiro Simões Rodrigues

Assistée de: M. Jean-Jacques Heintz, Greffier-adjoint

Décision rendue le: 18 décembre 1998

 

LE PROCUREUR

C/

GORAN JELISIC
RANKO CESIC

___________________________________

ORDONNANCE AUX FINS D’ACCORDER DES MESURES DE PROTECTION

___________________________________

Le Bureau du Procureur:

M. Geoffrey Nice
M. Vladimir Tochilovski

Le Conseil de la Défense:

M. Veselin Londrovic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après "le Tribunal"),

 

VU la requête du Procureur aux fins d’obtenir l’octroi de mesures de protection pour certains témoins en date du 30 novembre 1998, déposée confidentiellement (ci-après "la Requête"),

VU la liste confidentielle de l'Accusation présentée en application de l'article 73 bis B) iv) en date du 19 novembre 1998 et la liste de témoins à charge pour le procès relatif au Chef d'accusation 1 en date du 30 novembre 1998,

VU les articles 20, 21 et 22 du Statut du Tribunal et les articles 75 et 81 D) du Règlement de procédure et de preuve,

 

ATTENDU que le Procureur, dans sa Requête, demande à la Chambre d'accorder certaines mesures de protection en faveur de cinq témoins à charge, au motif que ces témoins, tous musulmans, craindraient des représailles contre leurs proches parents ainsi que contre eux-mêmes à la suite de leurs témoignages auprès du Tribunal,

ATTENDU que le Procureur demande plus spécifiquement les mesures suivantes: l'utilisation d'un paravent; la déformation des traits de leurs visages; l'expurgation des enregistrements et compte rendus d'audience destinés au public et aux médias; l'utilisation de pseudonymes (témoin A, B, C, D, ou E); et l’interdiction des photographies, enregistrements ou croquis des témoins, tout en maintenant que ces témoignages se dérouleraient en audience publique,

ATTENDU néanmoins que les témoins visés par la Requête ont, pour autant que la Chambre puisse en juger, exprimé des craintes légitimes, basées sur des circonstances qui peuvent causer de telles craintes,

ATTENDU que la Chambre note que des mesures similaires ont été appliquées de manière satisfaisante dans d'autres affaires pendantes devant le Tribunal,

ATTENDU que la Chambre est d'avis que les mesures de protection demandées n'enfreignent pas les droits de l'accusé,

ATTENDU que la Chambre estime qu'il n'est pas nécessaire de prendre des mesures spécifiques d'expurgation, compte tenu des règles applicables en la matière et des mesures de protection générale ci-après,

ATTENDU que les audiences sont, conformément à l’article 20 du Statut, en principe publiques,

PAR CES MOTIFS,

FAIT DROIT à la Requête et ORDONNE que pendant les audiences publiques et dans les compte rendus de celles-ci les témoins dont les noms sont mentionnés dans la requête confidentielle soient indiqués par leurs pseudonymes A, B, C, D ou E; qu'un paravent pourra être utilisé et que les traits de leurs visages à l'écran dans l'audience publique seront déformés,

ORDONNE que le Procureur, l'accusé, son conseil et ses représentants ne divulguent pas au public ou aux médias l'identité de ces témoins, non plus que leurs coordonnées, ou quelque donnée permettant de les identifier, ou leus dépositions, sous réserve de besoins rendus strictement nécessaires par la préparation de la défense; que, pendant le temps que ces témoins passeront dans le Tribunal, les photographies, enregistrements ou croquis de ces témoins seront interdits,

ORDONNE au Procureur et à la Défense de tenir une registre indiquant les noms, adresses et qualités de chaque personne à qui est communiqué copie de la déclaration ou de déposition d'un témoin, ainsi que la date à laquelle elle a eu lieu et de remettre ce registre à la Chambre chaque fois que celle-ci en fera la demande,

ORDONNE que le Procureur et la Défense donnent l'instruction que les personnes ayant reçu d’eux copies des déclarations ou des dépositions ne les reproduisent pas, sous peine d'être sanctionnées d'outrage au Tribunal, et les restituent dès qu'elles n'en auront plus l'usage; et ordonne que le Procureur et la Défense vérifient l'application de ladite instruction.

 

Fait le 18 décembre 1998,

A La Haye,

Pays Bas

Fait en français et en anglais, la version française faisant foi.

Juge Claude Jorda

Président de la Chambre de première instance I

[Sceau du Tribunal]