Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-10-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 18 mars 1999

4 La conférence de mise en état est ouverte à 9 heures 25.

5 M. le Président. - Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

6 Monsieur le Greffier, vous donnez l'indication de l'affaire présentement

7 inscrite dans notre rôle et vous vous assurez de la présence de l'accusé

8 dans le prétoire, s'il vous plaît.

9 M. Abtahi. - Il s'agit de l'affaire IT-95-10-T.

10 M. le Président. - Merci. Vous faites entrer l'accusé, s'il vous plaît.

11 Je voudrais que les parties s'identifient. Je salue bien sûr nos

12 interprètes. Je salue les conseils de l'accusation qui vont peut-être se

13 désigner, même si nous nous connaissons.

14 M. Nice (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, je m'appelle

15 Me Nice et je travaille avec M. Tochilovsky pour l'accusation.

16 M. le Président. - Côté défense ?

17 M. Greaves (interprétation). - Au nom de la défense, Monsieur le

18 Président, nous avons ici Me Londrovic et Me Greaves.

19 M. le Président. - Je salue l'accusé. Nous sommes réunis ici en conférence

20 de mise en état publique pour discuter du calendrier de l'affaire Jelisic

21 à la lumière d'un certain nombre d'événements, notamment l'indisponibilité

22 de notre collègue, le Juge Riad, et de l'élaboration d'un calendrier.

23 Je mets au débat tout de suite un projet d'ordonnance dans lequel nous

24 avons pensé qu'il serait peut-être bon pour palier aux différents

25 événements qui ont affecté la composition de cette Chambre et permette

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1 d'assurer, ce qui est le propre même des standards internationaux en

2 matière procédurale et en matière de justice, à savoir des procès les plus

3 rapides et les plus justes, en tout cas les plus rapides possible,

4 d'essayer de faire en sorte que nous puissions accélérer cette procédure.

5 Il s'agit de l'intérêt de l'accusé. Au-delà de l'intérêt de l'accusé, il

6 s'agit de l'intérêt même, de la lisibilité, de la transparence et de la

7 crédibilité de notre institution internationale à laquelle, j'en suis bien

8 persuadé, aussi bien du côté de la défense que du côté de l'accusation,

9 nous sommes tous attachés. Dans ces conditions et avant de décider, nous

10 avons décidé de nous concerter avec vous avant de prendre une décision

11 que, par ailleurs, nous pourrions prendre de façon plus directe.

12 Nous avons constaté une opposition de la part de la défense qu'elle nous

13 expliquera sur laquelle nous nous pencherons après avoir recueilli les

14 observations du Procureur. Ce calendrier se présenterait comment ?

15 Monsieur Olivier Fourmy, nous en avons parlé, mais comme le débat est

16 public, le calendrier serait rebâti sous une forme qui scinderait nos deux

17 procédures, puisque comme chacun le sait ici, l'accusé a plaidé non

18 coupable pour le génocide et coupable pour tous les autres chefs

19 d'accusation.

20 Notre idée primitive était effectivement d'unir dans une seule et même

21 procédure les aspects proprement contentieux, ceux relatifs au génocide,

22 et l'aspect sentenciel qui serait commun au génocide et aux chefs

23 d'accusation.

24 Dans un projet d'ordonnance, nous avons motivé les raisons pour lesquelles

25 nous pourrions peut-être scinder.

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1 Je vais donner la parole au juriste de la Chambre pour qu'il rappelle très

2 rapidement l'économie de ce projet avant de donner la parole à chacune des

3 parties. Monsieur Fourmy, voulez-vous bien intervenir ?

4 M. Fourmy. - Merci Monsieur le Président. Effectivement, dans l'ordonnance

5 portant le calendrier en date du 12 mars 1999, vous avez souhaité

6 organiser cette conférence de mise en état afin qu'il puisse être débattu

7 de l'opportunité de procéder à une décision sur la peine concernant les

8 seuls éléments pour lesquels l'accusé, Goran Jelisic, a plaidé coupable à

9 la suite de l'accord intervenu entre l'accusation et la défense, qui porte

10 sur la quasi totalité des incriminations portées, à l'origine, à

11 l'encontre de M. Jelisic, sous réserve de quelques modifications et à

12 l'exception notable du crime de génocide pour lequel l'accusé a plaidé non

13 coupable.

14 Lors de la recomparution initiale du 29 octobre, la question avait été

15 rapidement évoquée de savoir comment il serait procédé à l'examen de

16 l'affaire, dans la mesure où, théoriquement, d'après le Règlement de

17 procédure et de preuve, lorsqu'un accusé plaide coupable, la Chambre

18 demande au Greffe de fixer une date d'audience pour statuer sur la peine.

19 Compte tenu qu'il y avait deux parties, l'une pour laquelle l'accusé avait

20 plaidé coupable et, l'autre, pour laquelle l'accusé avait plaidé non

21 coupable, la Chambre, après avoir entendu les parties, avait constaté

22 qu'elle ne statuerait pas même sur la culpabilité de l'accusé pour le

23 plaidoyer de culpabilité et donc, a fortiori, encore moins sur la peine

24 éventuelle qui lui serait infligée repoussant cela à la fin de la

25 procédure sur le crime de génocide.

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1 Cette proposition avait reçu, à l'époque, l'agrément des parties. C'est

2 dans ces conditions que le procès pour le crime de génocide a commencé au

3 mois de décembre. Il se trouve que depuis le Juge Riad a dû, pour des

4 raisons médicales, s'absenter du Tribunal et que cette absence se prolonge

5 puisque l'on espère que le Juge Riad pourra reprendre sa place parmi les

6 Juges et dans ce Tribunal aux environs du début du mois de mai 1999.

7 C'est dans ces conditions que la Chambre a souhaité organiser cette

8 conférence de mise en état pour réévaluer la situation et discuter avec

9 les parties de l'opportunité d'avoir une décision séparée en ce qui

10 concerne le plaidoyer de culpabilité de manière à ce que l'accusé,

11 M. Goran Jelisic, puisse savoir quelle peine, selon la Chambre et en

12 fonction des éléments apportés par les parties, lui serait imputée.

13 Le calendrier n'a pas été déterminé en l'absence de décision de la Chambre

14 au moment de la rédaction de l'ordonnance du 12 mars. Mais, l'idée serait

15 de profiter aussitôt que possible du retour du Juge Riad -quelque chose

16 qui se passerait courant mai- pour, peut-être, essayer d'obtenir une

17 décision éventuelle. Si c'était le sens de la décision de la Chambre sur

18 l'organisation des travaux, une décision sur le plaidoyer de culpabilité

19 courant du mois de juin permettrait encore une fois à l'accusé,

20 M. Goran Jelisic, de connaître très précisément la position de la Chambre

21 en ce qui concerne les crimes pour lesquels il a plaidé coupable. Merci

22 Monsieur le Président.

23 M. le Président. - C'est moi qui vous remercie. Peut-être pourrions-nous

24 d'abord entendre le Procureur et nous entendrons ensuite la défense

25 puisque nous savons d'ores et déjà que la défense est opposée à cette

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1 idée.

2 M. Nice (interprétation). - L'accusation n'a pas d'objection à ce que la

3 Chambre se dirige vers l'idée de deux peines, de deux déclarations de

4 peine. Mais nous allons entendre les arguments de la défense. Quelle que

5 soit la décision qui sera prise au sujet du prononcé de la sentence dans

6 le cadre du plaidoyer de culpabilité, l'accusation prierait la Chambre, à

7 présent ou en temps utile, de terminer les travaux liés au plaidoyer de

8 culpabilité conformément à l'article 62 du Règlement.

9 Je crois comprendre que ceci ne devrait pas faire l'objet de controverses,

10 c'est-à-dire que la défense ne devrait pas élever d'objections. Pour le

11 moment, c'est tout ce que je peux dire dans ce cadre, mais j'aimerais

12 toutefois rappeler une préoccupation de l'accusation qui, je crois, est

13 partagée par tous. A savoir qu'il conviendrait d'accorder la plus grande

14 priorité à la détermination relative au plaidoyer de culpabilité par

15 rapport au génocide. Je crois que c'est cela la première priorité.

16 J'ai dit de façon informelle et ce, très récemment, que j'avais une autre

17 proposition à faire compte tenu des problèmes de calendrier auxquels se

18 trouve confrontée la Chambre. Ma proposition pourrait permettre de réduire

19 un peu ces difficultés. Peut-être serait-ce le moment d'en parler à

20 présent ou sinon je peux le faire un plus tard dans la matinée.

21 M. le Président. - Vous le ferez un peu plus tard dans la matinée. Peut-

22 être allons-nous entendre M. le Juge Rodrigues. Etes-vous d'accord, avant

23 d'entendre les nouvelles propositions de l'accusation, que l'on entende la

24 défense sur le projet d'ordonnance du calendrier ?

25 M. Greaves (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Il y a

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1 plusieurs points que j'aimerais évoquer eu égard aux dispositions que vous

2 venez de présenter, Monsieur le Président, et eu égard au prononcé de la

3 sentence.

4 La première objection que nous avons réside dans le fait que la Chambre de

5 première instance actuelle ne se compose que de deux Juges et n'a donc pas

6 compétence pour fixer une date de prononcé de la sentence. J'aimerais vous

7 renvoyer si vous me le permettez, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges, à deux articles du Règlement qui portent sur la question du

9 prononcé de la sentence.

10 Le premier de ces articles est l'article 62-6 qui stipule ce qui suit :

11 "La Chambre, en cas de plaidoyer de culpabilité, agit conformément à

12 l'article 62 bis."

13 La formulation de cet article est obligatoire. Cet article n'est pas un

14 article discrétionnaire, il exigeait de vous, Messieurs les Juges, en cas

15 de plaidoyer de culpabilité, que vous vous conformiez aux dispositions de

16 l'article 62 bis.

17 Si nous nous conférons à l'article 62 bis, nous voyons que tout ce qui

18 doit se passer dans le cadre d'un plaidoyer de culpabilité y est

19 développé. Dans la dernière partie de cette disposition, nous y lisons ce

20 qui suit : "La Chambre de première instance peut déclarer l'accusé

21 coupable et donne instruction au greffier de fixer la date de l'audience

22 consacrée au

23 prononcé de la sentence."

24 J'ai souligné que les termes de "Chambre de première instance", car

25 d'après nous, il ne peut s'agir que d'une Chambre dans sa composition

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1 complète, c'est-à-dire composée de trois Juges si elle doit prononcer une

2 sentence.

3 Nous faisons également remarquer que cet article n'est pas obligatoire…

4 M. le Président. - … Je vous interromps tout de suite. Il n'a jamais était

5 question de statuer sur la sentence de M. Jelisic. Ce n'est peut-être pas

6 la peine de perdre notre temps sur l'interprétation de cet article sur

7 lequel il est absolument évident.

8 L'objet de ce débat, aujourd'hui, n'est pas du tout de savoir si ce sera

9 M. Rodrigues et M. Jorda qui vont statuer sur le sort de M. Jelisic. Il va

10 de soi que cela ne pourra être qu'au mois de mai quand le Juge Riad sera

11 rentré. Même la déclaration de culpabilité, la dernière phrase de

12 l'article 62 bis sera prise à trois. Essayons donc d'accélérer.

13 Sur la première objection, je vous dis tout de suite que nous sommes

14 d'accord avec vous s'il s'agit d'un texte tout à fait clair et lisible.

15 Deuxième objection, s'il vous plaît.

16 M. Greaves (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Nous avons

17 maintenant un certain nombre d'objections à formuler quant au fond de

18 l'affaire sur laquelle notre client a plaidé coupable, c'est-à-dire toute

19 la question du génocide.

20 Au cours de ce procès de génocide, nous avons l'intention de citer un

21 certain nombre de témoins dont certains ne parleront que des faits, et

22 d'autres ne parleront que de points liés à la sentence. Mais dans leur

23 majorité, ces témoins sont des témoins auxquels nous avons l'intention de

24 demander de témoigner aussi bien sur les faits que sur les points qui

25 peuvent faire l'objet de controverse et qui sont liés à la sentence.

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1 C'est au sujet de ces témoins que nous avons les plus grandes

2 préoccupations, et ce, à deux titres. D'abord, parce que si une audience

3 se tient, eu égard à la sentence, un témoin qui

4 est par censé parler aussi bien de la sentence que de points de faits se

5 verra contraint de témoigner deux fois : à l'audience portant prononcé de

6 la sentence et une deuxième fois durant le procès.

7 Et puis, ces témoins manifestent une très grande anxiété à se présenter

8 devant le Tribunal. Vous savez parfaitement bien, Messieurs les Juges,

9 quelles sont les préoccupations importantes de tout le monde en ex-

10 Yougoslavie quant aux répercussions possibles d'une déposition devant ce

11 Tribunal. C'est un problème tout à fait réel qui se vit au quotidien.

12 Le problème est sans doute plus grave lorsque nous parlons de Brcko, qui

13 est précisément le site du procès de génocide qui va se dérouler ici,

14 étant donné les tensions qui existent dans la région, notamment en raison

15 des dernières décisions prises quant au statut futur de cette

16 municipalité.

17 Certains témoins que la défense a l'intention de citer font partie d'une

18 communauté, et d'autres font partie de l'autre communauté. De nombreux

19 témoins serbes ont à travailler dans les territoires de la Fédération et

20 sont donc particulièrement inquiets par rapport à leur déposition ici.

21 Nous craignons -et nous pensons que cette crainte est tout à fait

22 justifiée- qu'il s'avérera impossible d'obtenir que des témoins viennent

23 déposer deux fois devant ce Tribunal. Si un seul témoin devait se voir

24 décourager de témoigner aussi bien sur la sentence que sur les faits, cela

25 constituerait un préjudice significatif pour l'accusé.

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1 Et la deuxième raison, pour laquelle nous avons quelques inquiétudes est

2 la suivante : les témoins ont les plus grandes chances de témoigner au

3 sujet de questions qui ont une pertinence dans les faits, mais qui peuvent

4 avoir une influence aussi bien sur la sentence que sur le jugement des

5 faits. Autrement dit, un témoin qui sera appelé ici pour parler des faits,

6 peut, dans ses propos, avoir une influence sur le prononcé de la sentence.

7 Le fait de tenir une audience de prononcé de la sentence permettra à

8 l'accusation

9 d'entendre des éléments de preuve fournis par la défense et portant sur

10 les faits avant la fin de la présentation des témoins de l'accusation.

11 Nous pensons que cela ne serait pas conforme au règlement et que cela

12 donnerait à l'accusation un avantage considérable, inéquitables si

13 l'accusation se voyait donc dans l'impossibilité d'entendre une partie

14 importante des témoins de la défense avant la fin des témoignages de

15 l'accusation.

16 Nous pensons donc que tous les arguments que nous venons d'évoquer

17 militent fermement en faveur des objections de la défense. Nous pensons

18 qu'il y a de très importantes raisons pour ne pas poursuivre dans la voie

19 d'une audience de prononcé de la sentence distincte.

20 Un autre point dont nous aimerions parler est le suivant : les éléments

21 qui ont déjà été prononcés dans cette Chambre de première instance

22 constituent, d'après ce que nous avons pu comprendre, une partie

23 importante du dossier de l'accusation. Il est possible que certains des

24 éléments de preuve de l'accusation puissent aider l'accusé en matière de

25 circonstances atténuantes. L'accusé plaide coupable dans un certain nombre

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1 de cas, mais s'il y a une audience de sentences distinctes, il ne

2 bénéficiera pas de l'avantage des circonstances atténuantes qui pourraient

3 résulter d'une décision inverse. Nous pensons que c'est là un élément qui

4 donnerait un aspect inéquitable au procès.

5 Et puis, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous aimerions

6 revenir plus précisément sur la partie génocide.

7 M. le Président. - Je n'ai pas très bien compris votre dernière objection.

8 Vous dites que l'accusé peut plaider coupable si des circonstances

9 atténuantes lui étaient reconnues ? Cela ne lui serait pas à son

10 avantage ? Je ne comprends pas très bien. Vous pouvez me répéter

11 l'argument ? Excusez-moi.

12 M. Greaves (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je vais

13 m'expliquer à nouveau. L'accusation a l'intention de citer à la barre un

14 certain nombre de témoins, et comme cela vient d'être proposé, cela

15 pourrait se faire après le prononcé de la sentence dans le cadre du

16 plaidoyer de culpabilité de notre client. Il est possible que ces témoins

17 qui seront entendus après la déclaration de la sentence présentent des

18 dépositions qui pourraient avoir une influence positive sur les

19 circonstances atténuantes pour l'accusé, par rapport aux questions pour

20 lesquelles il a plaidé coupable.

21 Or, s'il a déjà été prononcé coupable dans le cadre du plaidoyer de

22 culpabilité, cela signifie qu'il sera privé de l'avantage des

23 circonstances atténuantes puisque celles-ci n'apparaîtront qu'après le

24 prononcé de la sentence de culpabilité. Nous disons que, si notre client

25 est privé de cet avantage, cela créerait un désavantage potentiel pour

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1 lui.

2 J'espère que je me suis mieux expliqué cette deuxième fois.

3 M. le Président. - Certainement. C'est moi qui aurais certainement dû

4 faire plus attention. Excusez-moi, Maître Greaves, poursuivez.

5 M. Greaves (interprétation). - Ce que je voulais encore dire, c'est la

6 chose suivante : l'accusé plaide coupable sur un certain nombre de points

7 qui font partie des éléments avancés par l'accusation pour prouver le

8 génocide. Nous disons que ce serait illogique et artificiel de tenter de

9 séparer ces deux aspects de la question, car ces deux aspects, à notre

10 avis, vont ensemble. Donc tenter de prononcer une sentence partielle par

11 rapport à l'un des aspects de la question dont l'accusation dit qu'il

12 s'agit de génocide, et bien sûr tout dépend du fait que notre accusé sera

13 ou ne sera pas condamné de génocide, nous disons que cette séparation est

14 illogique.

15 Nous affirmons donc que, pour qu'une sentence soit prononcée de façon

16 correcte, il convient que l'accusé ne soit condamné qu'une seule fois pour

17 l'ensemble des crimes commis par lui. Notamment lorsqu'il y a un rapport

18 aussi étroit entre les questions sur lesquelles il plaide coupable et les

19 questions sur lesquelles il n'est pas encore condamné, il risque d'être

20 condamné plus tard.

21 Nous sommes conscients bien entendu de l'importance qu'il y a de procéder

22 à un

23 procès rapide. Cette disposition prévoyant la rapidité est prévue dans le

24 Statut et dans le Règlement de procédure et de preuve et elle est très

25 importante. Mais son objet principal est le suivant, si vous me permettez

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1 d'y revenir.

2 Cette disposition existe pour garantir que, si quelqu'un est en détention

3 et a plaidé non coupable, son procès se déroule rapidement, de façon à ce

4 qu'il soit remis en liberté rapidement en cas d'acquittement. Mais il

5 convient d'établir une distinction entre cette situation et la situation

6 dans laquelle se trouve l'accusé qui est ici aujourd'hui. L'accusé qui est

7 ici aujourd'hui a plaidé coupable, et rationnellement, il est prévisible

8 qu'il sera condamné et qu'il sera donc en détention beaucoup plus

9 longtemps que la durée prévisible d'un quelconque procès.

10 L'objectif de principe qui fait que cette disposition de rapidité existe

11 dans les textes s'avère tout à coup beaucoup moins significatif. Le procès

12 en effet aura lieu, le procès sera sans aucun doute achevé dans le cadre

13 de la durée de la peine qui lui serait infligée en toute vraisemblance,

14 dans le cadre du plaidoyer de culpabilité.

15 Puis, dernier point, l'accusé est très axé sur son procès pour génocide.

16 En tant que conseils, nous devons passer un temps considérable à ses côtés

17 pour essayer de l'aider sur cette question. Ce qui nous inquiète beaucoup,

18 c'est que le fait d'évoquer, dès à présent, le problème de la sentence

19 risque notamment, au vu des circonstances que je viens de décrire, d'avoir

20 sur l'accusé une influence débilitante.

21 J'espère que l'accusé m'excusera de le dire en public. Il souffre de temps

22 en temps de stress considérable. Et comme certains le savent sans doute,

23 il est sous surveillance constante dans les locaux pénitentiaires eu égard

24 à son état.

25 Nous sommes donc très inquiets quant au fait que le prononcé d'une

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1 sentence pourrait écarter son esprit en grande partie de l'intérêt de son

2 procès et dégrader son état de santé.

3 Nous estimons, et nous le disons ici, qu'il faudrait que les Juges évitent

4 cela à tout prix. Cela serait très négatif, cela rendrait la tâche de

5 chacun ici beaucoup plus difficile si l'accusé devait se trouver dans un

6 état de santé instable.

7 Pour toutes ces raisons, nous disons, avec le respect que nous devons au

8 Tribunal, qu'il ne serait pas approprié de passer au prononcé de la

9 sentence actuellement. Il serait plus approprié, si l'accusé est condamné

10 de génocide, de traiter l'ensemble des aspects du problème comme un tout,

11 plutôt que d'aborder les différents aspects du problème de façon

12 ponctuelle.

13 Mon conseil principal, Me Londrovic, aimerait s'adresser à la Chambre pour

14 vous parler des pratiques de l'ex-Yougoslavie en matière de prononcé de

15 sentence, notamment lorsque les plaidoyers de l'accusé étaient différents.

16 Bien entendu, il importe que, Messieurs les Juges, vous preniez en compte

17 la pratique en vigueur dans l'ex-Yougoslavie. C'est pourquoi j'aimerais

18 passer la parole à mon confrère Me Londrovic si vous m'en accordez

19 l'autorisation.

20 M. le Président. - Maître Londrovic ?

21 M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

22 tenant compte des dispositions du Règlement du Tribunal international dans

23 lesquelles il est stipulé que ce Tribunal tiendra compte des pratiques en

24 vigueur en ex-Yougoslavie, eu égard au prononcé des sentences, je

25 m'exprime ici.

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1 En ce qui concerne la législation yougoslave, elle se trouve mentionnée

2 dans le Code de Procédure pénale, texte juridique repris après le

3 démantèlement de la Yougoslavie par la Republika Srpska, par la Fédération

4 de Bosnie dans le cadre de l'Accord de paix de Dayton. C'est donc un texte

5 actuellement en vigueur et appliqué dans l'ensemble de la Bosnie-

6 Herzégovine.

7 Cette disposition est prévue dans l'article 348.2 où nous lisons : "Si

8 l'accusation prévoit plusieurs actes criminels dans une sentence, donc une

9 sentence unique, il sera décidé quelle est la partie de l'accusation qui

10 est acceptée ou si l'accusé est déclaré coupable sur

11 l'ensemble ou si l'accusé est remis en liberté".

12 Cela signifie que lorsque l'acte d'accusation porte sur plusieurs actes

13 criminels, le Tribunal ne prononce qu'une seule sentence. Et que dans

14 cette sentence, en fonction des éléments de preuve apportés, il peut

15 théoriquement y avoir aussi bien sentence de culpabilité que sentence

16 d'innocence, que sentence de non-lieu. Mais, en tout cas, la sentence est

17 toujours unique.

18 Dans le Code de Procédure Pénale yougoslave, il n'existe pas de

19 possibilité de prononcer deux sentences au sujet d'un seul et même acte

20 d'accusation. Merci.

21 M. le Président. - Merci, maître Londrovic. Je voudrais dire, avant de

22 repasser la parole au Procureur : la première objection, nous l'écartons,

23 elle ne tient pas, Maître Greaves. Je n'y reviens pas.

24 La deuxième objection pourrait être surmontée -ce sont des suggestions que

25 je fais, bien évidemment- sur le fait que la difficulté pour les témoins

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1 pourrait être résolue d'une manière très simple. Quand le témoin viendra

2 ici pour la sentence, nous pourrions peut-être l'écarter pour les entendre

3 dans le cadre du génocide.

4 La troisième objection consiste à dire que l'accusation aurait une sorte

5 d'avantage à entendre certains témoignages avant. Là, j'attends que

6 Me Nice apporte ses observations.

7 La quatrième objection sur les éléments déjà prononcés, les circonstances

8 atténuantes, c'est une objection que je vous ai fait répéter, mais je

9 pense que, normalement, l'accusation a le devoir, d'ores et déjà, de

10 fournir tous les éléments de preuve à décharge. Je ne crois pas que ce

11 soit une objection qui tienne.

12 Je reconnais comme beaucoup plus valable la cinquième objection dans

13 laquelle vous dites qu'il y a une séparation qui vous paraît artificielle.

14 La sixième objection ne tient pas, à mon sens, parce, au contraire,

15 allais-je dire, si l'accusé est fixé sur sa sentence, l'objection consiste

16 à dire que votre client n'aura pas la

17 disponibilité sur le génocide parce qu'il sera axé sur la sentence. C'est

18 un argument qui peut se retourner contre votre propre objection car l'on

19 peut dire le contraire. Au contraire, dès que Jelisic aura été fixé sur sa

20 sentence pour laquelle il a plaidé coupable, il pourra beaucoup plus

21 calmement et en toute sérénité, avec tout le temps devant lui et le temps

22 que vous aurez avec lui, se consacrer à son procès pour génocide.

23 La septième objection me paraît également une objection importante en

24 revanche : c'est effectivement l'état mental de l'accusé.

25 Le juriste de la Chambre, M. Olivier Fourmy, me fait une contre-objection

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1 à ce que je disais sur la possibilité d'entendre les témoins en même

2 temps. Effectivement ce sont, par hypothèse, les témoins de la défense et

3 nous ne pourrions pas les entendre tout de suite, je reconnais que

4 l'objection est valable.

5 Je mets dans la discussion, il y a dans vos sept objections que j'ai

6 recueillies un certain nombre qui, à mon avis, sont surmontables, d'autres

7 méritent discussion.

8 Je voudrais me tourner vers Jelisic. C'est quand même votre procès,

9 Monsieur Jelisic, indépendamment de la confiance tout à fait naturelle que

10 vous faites à vos conseils, le Juge Rodrigues et moi-même aimerions vous

11 entendre sur cette question.

12 Avez-vous bien saisi l'enjeu, la préoccupation des Juges, qui est celle de

13 la rapidité, de vous fixer le plus rapidement possible sur votre sort

14 concernant ce que vous avez retenu comme étant votre culpabilité et

15 ensuite de prendre son temps avec d'autres problèmes ? Je signale à

16 Me Greaves ce qu'il n'a pas mentionné. Il y a d'autres problèmes

17 également, par exemple : où est-ce que s'exécute la peine ? Est-ce que

18 l'on garde M. Jelisic ici ? Je reconnais qu'il y a des objections, il n'y

19 a pas de décisions impérieuses de notre part.

20 D'ailleurs, à ce sujet, Maître Greaves, je tiens à vous dire,

21 contrairement à ce que vous avez pu imaginer, que la Chambre n'a pas été

22 frappée tout à coup d'une lubie juridique dans laquelle elle aurait mis de

23 côté son intelligence, sa clairvoyance, son sens juridique ou

24 judiciaire, pas du tout. Je vous rappelle que vous avez affaire à des

25 Juges qui sont des professionnels et que c'est en tant que professionnels

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1 que nous avons étudié l'ensemble des conditions dans lequel le procès

2 Jelisic pourrait se tenir.

3 Monsieur Jelisic, qu'en pensez-vous, personnellement ?

4 M. Jelisic (interprétation). - Mon point de vue personnel consiste à dire

5 que je soutiens la proposition de mes conseils et que j'aimerais que se

6 poursuive le procès pour génocide car il me paraît très difficile

7 effectivement de faire venir les témoins deux fois pour des raisons

8 particulières. Etant donné que j'ai un état de santé particulier et que je

9 vis de grandes difficultés, ne le prenez pas mal si je vous dis que je

10 crains qu'il ne puisse y avoir de prononcé de deux sentences. Qu'il n'y

11 ait pas le temps.

12 M. le Président. - Votre santé ? Vous êtes inquiet, Monsieur Jelisic ?

13 Parlez nous un peu de vos conditions de détention, de votre état de santé.

14 D'abord de votre état de santé, sauf si vous voulez que l'on fasse cela à

15 huis clos. Il ne s'agit pas de rentrer en détail. Comment vous sentez-vous

16 à l'heure actuelle ?

17 Si vous préférez vous asseoir, vous le pouvez.

18 M. Jelisic (interprétation). - Je n'ai pas entendu la question, je n'ai

19 pas d'interprétation dans les écouteurs.

20 M. le Président. - Je vous demandais quel était votre état de santé, d'une

21 part, comment vous sentez-vous et je disais que si vous préfériez vous

22 asseoir pour répondre, vous pourriez vous asseoir.

23 Est-ce que l'interprétation est assurée pour M. Jelisic ? Vous m'entendez

24 là, Monsieur Jelisic ?

25 M. Jelisic (interprétation). - Oui.

Page 277

1 M. le Président. - Préférez-vous vous asseoir ?

2 M. Jelisic (interprétation). - Ce n'est pas nécessaire, je peux rester

3 debout.

4 M. le Président. - Comment vous sentez-vous ? Vous êtes fatigué ? Comment

5 se passe la détention aussi ? Vous êtes surveillé médicalement ? On

6 s'occupe bien de vous, j'espère. Expliquez-nous cela.

7 M. Jelisic (interprétation). - Tous mes problèmes sont résolus par

8 McFadden avec beaucoup d'attention. C'est le directeur du quartier

9 pénitentiaire. Je n'ai pas pris mes médicaments hier, tant que je n'ai pas

10 su de quoi il serait question au cours de l'audience d'aujourd'hui. Peut-

11 être n'est-ce pas ici le moment ni l'endroit pour que je fasse savoir les

12 éléments de ma défense, mais comme mon avocat a dit qu'il s'agirait d'un

13 procès historique, je pense que ce procès deviendra plus qu'historique

14 lorsque je ferai connaître les éléments de ma défense.

15 Car je sais que, pour l'instant, mon image est plutôt noire, mais il y a

16 d'autres éléments que je voudrais faire connaître, et c'est la raison pour

17 laquelle j'aimerais qu'il n'y ait pas deux sentences.

18 M. le Président. - Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir,

19 Monsieur Jelisic.

20 M. Jelisic (interprétation). - Merci.

21 M. le Président. - J'ai compris qu'il y avait six ou sept objections de la

22 part de la défense, que l'accusé n'est pas d'accord, que sur ces six ou

23 sept objections, comme toujours, certaines sont peut-être simplement plus

24 fortes que d'autres.

25 J'ai oublié de parler de ce qu'a dit Me Londrovic. Bien sûr, la pratique

Page 278

1 de l'ex-Yougoslavie est notre référence. Je vous signale que nous avons

2 par ailleurs un texte dans notre Règlement qui prévoit que l'on doit

3 donner une sentence pour chaque chef d'accusation, monsieur Fourmy, il me

4 semble, normalement.

5 M. Fourmy. - Monsieur le Président, c'est en tout cas la pratique jusqu'à

6 maintenant.

7 M. le Président. - Pratique qui peut être contestée, mais je vous le

8 signale. Ce n'est

9 pas en soi absurde de prévoir que nous pourrions avoir deux sentences et

10 confondre ensuite.

11 Monsieur le Procureur, vous avez des réponses à faire à ce qu'a dit la

12 défense et peut-être des propositions que nous souhaitons constructives ?

13 Maître Nice ?

14 Je n'ai pas de traduction. J'entends ce que vous disiez, mais j'aimerais

15 bien avoir l'interprétation. Allez-y maintenant.

16 M. Nice (interprétation). - Donc, je n'ai rien à dire en ce qui concerne

17 l'état de santé de l'accusé. Sauf que, avec tout le respect que je dois à

18 la défense, je souhaite souligner que nous avons tous compris ce que

19 l'accusé vient de dire, lorsqu'il a dit que, peut-être, il n'y aura pas de

20 deuxième sentence. Peut-être que l'avocat pourrait nous expliquer ceci.

21 En ce qui concerne les arguments avancés par mes éminents collègues, bien

22 évidemment, il y a une certaine logique dans certains, ou bien peut-être

23 dans tous ces arguments. Mais il faut équilibrer la logique et le poids de

24 tous ces arguments. Par exemple, en ce qui concerne la difficulté de faire

25 venir les témoins ici deux fois, il s'agit là de quelque chose que la

Page 279

1 Chambre de première instance peut accepter. Il ne s'agit pas là uniquement

2 des témoins de la défense, mais aussi des témoins de l'accusation.

3 Bien évidemment, je ne peux pas vous aider, étant donné que mes éminents

4 collègues sont les seuls qui savent quel est le nombre de témoins que eux

5 vont être cités à la barre. Ils savent également quels sont les dangers

6 potentiels que ces témoins-là risquent d'encourir.

7 Moi, je peux faire une estimation de cette objection et proposer une

8 méthode de travail pour la défense. La défense pourrait demander une

9 audience ex parte devant cette Chambre de première instance, mais de toute

10 façon il revient à la défense de le demander et à la Chambre

11 d'éventuellement accepter ceci.

12 En ce qui concerne l'argument de la défense par rapport.

13 M. le Président. - Audience ex parte ? Je n'ai pas très bien compris, vous

14 pouvez répéter s'il vous plaît.

15 M. Nice (interprétation). - C'est parce que la défense dit qu'il y aura

16 une difficulté si l'on fait venir deux fois les mêmes témoins. Etant donné

17 que, moi, je ne peux pas en parler en parlant de la quantité, étant donné

18 que je ne sais pas quel sera le nombre de témoins cités à la barre, et que

19 je ne sais pas dans quel état se trouvent ces témoins, s'ils expriment

20 leur peur ou quelque chose ainsi.

21 Je ne peux donc pas vraiment aider avec ceci, mais si la défense demande

22 une audience ex parte et si la Chambre accepte ceci, peut-être que la

23 défense pourrait parler de manière plus détaillée et plus ouverte des

24 dangers et des risques que leurs témoins vont peut-être encourir. J'espère

25 que, cette fois-ci, j'ai été suffisamment clair.

Page 280

1 En ce qui concerne l'autre problème, c'est-à-dire que le Procureur

2 entendra les pièces à conviction de la défense d'abord, en ce qui concerne

3 les éléments atténuants, ils doivent être limités. Bien évidemment, il n'y

4 a pas de possibilité de procéder au contre-interrogatoire sauf en ce qui

5 concerne la question cruciale.

6 Donc, si l'on tient compte de ceci, il s'agit là d'une objection qui n'est

7 pas vraiment tout à fait valide.

8 En ce qui concerne la question concernant les témoins de l'accusation qui

9 risquent aussi d'avoir des éléments atténuants dans leurs témoignages, je

10 pense que la base de cette objection-là est valide. Etant donné que si un

11 témoin présente une certaine image, et si ce témoin présente également des

12 éléments favorables à l'accusé, bien évidemment, ceci peut influencer le

13 prononcé de la sentence.

14 Cependant, en ce moment, nous n'avons pas connaissance que les témoins qui

15 vont être cités à la barre vont présenter de genre de preuve. Il existe

16 donc une possibilité peu importante d'une telle situation. A mon avis, la

17 Chambre de première instance devrait conclure

18 qu'il n'y a pas suffisamment de poids dans cette objection.

19 En ce qui concerne le fait qu'il n'est pas logique de prononcer la

20 sentence concernant certains crimes, et de prononcer par la suite une

21 autre sentence pour d'autres crimes, vous avez certainement pris cela en

22 considération. Je pense qu'il serait peut-être effectivement important de

23 prononcer une sentence pour l'accusé.

24 En ce qui concerne les propos de Me Londrovic -si je n'ai pas bien

25 compris, il me corrigera je suppose- si j'ai bien compris, il existe cette

Page 281

1 différence entre les systèmes en ex-Yougoslavie et le système appliqué par

2 ce Tribunal. D'après le système en ex-Yougoslavie, il n'y a jamais eu de

3 possibilité de procéder au prononcé de la sentence tout de suite après la

4 déclaration de culpabilité.

5 Corrigez-moi si j'ai tort, parce que de toute façon entre les deux

6 moments, il y aurait un procès. Dans les deux cas, les juges auraient

7 devant eux le dossier complet. Nous pouvons donc comprendre pourquoi il

8 n'y a pas eu de possibilité d'avoir plusieurs sentences concernant

9 plusieurs chefs d'accusation.

10 Peut-être que je me trompe, mais je ne le pense pas. De toute façon,

11 maître Tochilovsky est avec nous et connaît beaucoup mieux que moi la

12 pratique qui régnait en ex-Yougoslavie.

13 En ce qui concerne l'accusé, qui est prêt à voir la procédure du prononcé

14 de la sentence reportée, bien évidemment, la Chambre de première instance

15 devrait tenir compte de ceci, vu certaines difficultés qui existent. Bien

16 évidemment, la Chambre de première instance souhaite toujours accélérer la

17 procédure et mettre fin à la procédure le plus tôt possible, mais, comme

18 je l'ai dit, ce que vient de dire l'accusé devrait peut-être être pris en

19 considération.

20 Si la Chambre de première instance décide de procéder conformément au

21 règle 62 bis, suite à la déclaration de culpabilité de l'accusé, mes

22 collègues n'ont pas d'objection. Et si la Chambre de première instance

23 souhaite, et je sais qu'elle le souhaite, une procédure rapide, je

24 pense qu'il faut tenir compte de tout cela.

25 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

Page 282

1 M. le Président. - Maître Greaves, excusez-moi, allez-y.

2 M. Greaves (interprétation). - Je souhaitais tout simplement aborder deux

3 sujets dont mon collègue a parlé, en ce qui concerne le plaidoyer formel

4 de culpabilité.

5 Mon collègue, Me Londrovic, et moi-même, nous n'avons rien contre cela,

6 sauf si l'accusé est opposé à cela. Je m'excuse d'ailleurs de ne pas avoir

7 parlé de cela plus tôt. Mon collègue a également parlé de la question de

8 savoir ce que l'accusé souhaitait vraiment dire. Je pense que ce qu'il a

9 voulu dire, il peut me corriger, quand il a dit qu'il n'y aurait pas de

10 deuxième sentence, il a souhaité dire que s'il y a une nouvelle sentence

11 le libérant concernant le chef d'accusation du génocide, dans ce cas-là,

12 il n'y aura pas de deuxième sentence. Il a souhaité soutenir ses avocats.

13 M. le Président. - On va lui demander ce qu'il a voulu dire, car je ne

14 comprends plus du tout, Maître Greaves. Je suis complètement perdu. Nous

15 avons l'accusé ici, je tiens, ainsi que le Juge, des Règles de Procédure

16 la possibilité de demander à l'accusé ce qu'il a voulu dire lorsqu'il a

17 dit qu'il n'y aurait pas de deuxième sentence. Vous dites si vous voulez

18 vous expliquer ou non. Si vous ne le voulez pas, cela ne fait rien, mais

19 on ne va pas faire l'exégèse de la pensée de M. Jelisic, ici, autour de

20 cette table, alors que le principal intéressé qui vient de prononcer cette

21 phrase est ici. Monsieur Jelisic, qu'avez-vous voulu dire quand vous avez

22 dit qu'il n'y aura de deuxième sentence ?

23 M. Jelisic (interprétation). - Peut-être que mes avocats n'ont pas bien

24 compris mes propos. Peut-être s'attendaient-ils à une autre réponse. Mais

25 ce n'est pas ce que je souhaitais dire.

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1 M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, je m'excuse, je

2 pense avoir compris mon client. Si vous souhaitez avoir la réponse à cette

3 question, je souhaite que l'on

4 passe à huis clos.

5 M. le Président. - Vous avez tout à fait raison. Nous passons à huis clos.

6 Je rappelle à M. Jelisic que s'il ne veut pas répondre, il ne répond pas.

7 Nous sommes en conférence de mise en état et M. Jelisic a été interrogé

8 sur ses conditions de détention et son état de santé, et il a prononcé une

9 phrase que je ne comprends pas moi non plus ; donc je suis pour la

10 clarification des choses.

11 M. le Président. - J'attends que M. Jelisic s'explique. Nous prononçons un

12 huis clos partiel.

13 Conférence de mise en état à huis clos partiel.

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14 Conférence de mise en état publique.

15 M. le Président. - Je vais redonner la parole à M. Greaves, s'il veut

16 compléter, puisque nous en étions au deuxième point et après, nous

17 clôturerons.

18 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai rien à ajouter, merci.

19 M. le Président. - Monsieur le Juge Rodrigues n'a rien à ajouter.

20 Maître Londrovic, voulez-vous ajouter quelque chose ?

21 M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

22 je n'ai rien à ajouter. Je suis convaincu que la Chambre de première

23 instance adoptera la meilleure décision et qu'elle tiendra compte du fait

24 que ce procès doit être équitable.

25 M. le Président. - Je me tourne quand même vers M. Olivier Fourmy pour

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1 savoir s'il n'a pas d'autres suggestions ou d'autres observations ?

2 M. Fourmy. - Peut-être M. le Procureur a-t-il quelque chose à déclarer,

3 Monsieur le Président.

4 M. le Président. - Maître Nice ?

5 M. Nice (interprétation). - Je souhaite faire des propositions.

6 M. le Président. - Ah oui, maître Nice, vous aviez annoncé que vous feriez

7 des propositions. J'ouvre mon cahier et je vous écoute.

8 M. Nice (interprétation). - Ma suggestion concerne les difficultés en ce

9 qui

10 concerne l'ordre du jour, l'agenda, le calendrier. Notre proposition est

11 la suivante : dans ce cas précis, les pièces à conviction de l'accusation

12 pourraient être prises par déposition. Il y a certaines circonstances qui

13 pourraient justifier ce genre de procédure, donc par déposition.

14 Je souhaite dire encore quelque chose, et j'espère que je ne vais pas être

15 mal compris. Je souhaite attirer votre attention sur le fait que, lorsque

16 le Juge Riad retournera à ses fonctions -bien sûr, nous ne pouvons pas

17 parler en son nom-, mais peut-être aura-t-il du temps. En ce qui concerne

18 la prise, le recueil de pièces à conviction par déposition, cela pourrait

19 faciliter la procédure et résoudre certaines difficultés concernant les

20 témoins, étant donné que les deux parties se trouvent face à ces

21 difficultés concernant le jour de leur arrivée, etc.

22 Donc si l'on adopte la procédure par déposition dans une salle d'audience

23 qui reste libre, le calendrier pourrait être assez léger. Il n'y aurait

24 pas tellement de pression et il serait plus facile au Juge Riad de suivre

25 l'affaire. Et vu que nous avons à notre disposition la technologie

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1 nécessaire, nous pouvons l'utiliser alors que, lors du réquisitoire et du

2 plaidoyer à la fin, les deux parties peuvent se référer aux parties les

3 plus importantes de ces dépositions.

4 Je souhaitais parler de ceci avant avec Me Greaves, mais je savais qu'il

5 était absent du pays, donc je n'ai pas pu le faire. Je n'ai pas eu

6 suffisamment de temps pour en parler avec M. Fourmy. Mais c'est notre

7 proposition concernant le calendrier. Si vous considérez que cette

8 proposition est valide, nous pouvons vous soumettre un projet de

9 propositions plus détaillées.

10 Il y a une autre chose que je souhaite mentionner qui concerne les

11 entretiens entre l'accusé et les enquêteurs. Ces entretiens-là, pour le

12 moment, se déroulent en langue originale, et bien sûr ceci est traduit en

13 anglais. Mais je crois que ceci n'est pas traduit en français.

14 Etant donné qu'ici l'on parle du cas dans lequel se trouve l'accusé, les

15 deux parties considéreront certainement que certaines parties de ces

16 entretiens sont très importantes pour atteindre la vérité. Dans certains

17 systèmes juridiques, la plus grande partie des comptes rendus de ces

18 entretiens serait lue devant les Juges.

19 Parfois, l'accusé prendrait le rôle du témoin également. Mais ici, devant

20 ce Tribunal, c'est plus difficile, étant donné que nous travaillons de

21 telle manière que tout est traduit vers deux langues, et étant donné que

22 le Président se trouverait dans une situation défavorable puisque ses

23 collègues auraient l'ensemble du compte rendu en anglais. Il faut donc

24 résoudre ceci d'une manière économique. J'ai déjà parlé de ceci avec

25 M. Fourmy et j'ai mentionné ceci également à M. Greaves.

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1 L'une des propositions est la suivante : si les parties identifient dans

2 le compte rendu les parties souhaitées être lues devant les Juges, dans ce

3 cas-là, nous pouvons organiser d'avance que ces parties-là soient

4 traduites. Et si la Chambre de première instance accepte une telle

5 procédure, dans ce cas-là nous pourrions lire ces parties de ces

6 documents, et nous pourrions nous focaliser sur la partie la plus

7 importante du point de vue de la présentation de nos pièces à conviction.

8 Je souhaite également ajouter que les entretiens sont de très longs

9 entretiens, le compte rendu est un très long document. Ce serait plus

10 efficace que de lire les parties pertinentes en ce qui concerne l'état

11 dans lequel l'accusé se trouve. C'est tout ce que je souhaite ajouter.

12 M. le Président. - Merci, Maître Greaves ?

13 M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, Monsieur le Juge, en

14 ce qui concerne ces deux propositions, je souhaite dire la chose

15 suivante : mon collègue a raison ; nous souhaitons vous dire simplement

16 que nous avons uniquement échangé quelques mots à ce sujet avant l'entrée

17 dans la salle d'audience. Nous n'avons pas pu parler de ce sujet avec

18 notre collègue de la défense et avec l'accusé non plus. Je ne souhaite

19 donc pas faire de commentaires supplémentaires. Et vous pouvez comprendre

20 que je ne veux pas vous donner une réponse concrète.

21 M. le Président. - La difficulté pour les dépositions me paraît être cela.

22 Vous

23 faisiez référence à l'article 71, Maître Nice, je suppose ?

24 M. Nice (interprétation). - Oui.

25 M. le Président. - La difficulté, c'est que l'article 71 que nous avons

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1 déjà utilisé dans cette Chambre lorsqu'un des Juges était dans

2 l'incapacité d'être avec nous, avec l'accord de l'accusé, nous avons dans

3 cette Chambre une conception exponentielle de l'article 71 qui a toujours

4 été acceptée par les parties.

5 La difficulté, je parle sous le contrôle de mon collègue et de M. Fourmy,

6 je ne vois pas quelle circonstance exceptionnelle pourrait justifier que

7 le Juge Riad siège un peu en officier instrumentaire pendant que les deux

8 autres Juges de la Chambre siègent dans une autre affaire.

9 Je ne sais pas si cela aurait une lisibilité très bonne. Monsieur Fourmy,

10 qu'en pensez-vous ?

11 M. Fourmy. - Je crois que Me Nice avait, par anticipation, évoqué la

12 possibilité que la Chambre considère que les difficultés du calendrier

13 constituaient en elles-mêmes les circonstances exceptionnelles visées à

14 l'article 71. Cela dit, il est clair en termes de visibilité que si deux

15 Juges d'une Chambre siègent dans une procédure en audience publique

16 pendant que le troisième siège également, cela peut être difficile.

17 M. le Président. - Je ne sais pas ce qu'en pense le Juge Rodrigues. Nous

18 l'avons fait quand nous avons eu un Juge malade, nous l'avions fait, et

19 pour bien marquer que c'était une procédure particulière, nous siégions en

20 civil.

21 Dans d'autres Chambres, on a repris la robe, et on a utilisé l'article 71.

22 Je suis pour une conception très étendue. Mais là je me pose la question.

23 Si un Juge peut entendre des dépositions, c'est qu'il n'est pas malade. On

24 se heurte toujours à ce problème-là : si un Juge est désigné comme

25 officier instrumentaire, c'est qu'il est capable d'être Juge à temps

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1 complet, et s'il est à temps complet, c'est qu'il doit être avec nous à

2 l'estrade. Voilà sur quoi je butte.

3 Je vous remercie, Maître Nice, d'essayer d'apporter votre contribution à

4 résoudre les problèmes des calendriers de la Chambre.

5 Pas d'observation ? Nous allons donc lever la présente audience.

6 Monsieur le Juge, il vous appartient de clôturer, si vous le souhaitez.

7 Merci beaucoup. Nous clôturons la présente conférence de mise en état.

8 Les Juges, au vu des débats fournis et riches que vous nous avez permis

9 d'établir et de mettre en état, vous donneront une réponse très rapide.

10 La présente conférence est levée.

11 La conférence de mise en état est levée à 10 heures 30.

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