Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 3 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander au greffier de citer

  6   l'affaire inscrite au rôle.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, merci. Affaire IT-95-5/18-T, le

  8   Procureur contre Radovan Karadzic.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Bonjour à tous. La Chambre siège

 10   au complet aujourd'hui. Elle se compose de moi-même, du Juge Howard

 11   Morrison à ma droite, du Juge Melville Baird à ma gauche, et nous avons à

 12   ma gauche Mme le Juge Lattanzi, juge de réserve.

 13   Nous allons procéder à des débats administratifs pour déterminer les

 14   modalités de poursuite du procès, mais je vais demander d'abord aux parties

 15   de se présenter. Commençons par l'Accusation.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Alan

 17   Tieger, Hildegard Uertz-Retzlaff, et Iain Reid au nom de l'Accusation.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 19   Monsieur Karadzic, je suppose que vous suivez les débats dans une langue

 20   que vous comprenez ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Votre Excellence.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Je ne vais pas répéter

 23   cette question à l'avenir au cours des prochaines audiences. Si jamais vous

 24   rencontrez des difficultés, si vous avez du mal à suivre les débats dans

 25   une langue que vous comprenez, vous me le direz.

 26   Je constate que vous êtes seul à l'audience, et je suppose que vous

 27   continuez à assurer vous-même votre défense ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est cela, Votre Excellence.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  2   La semaine dernière, étant donné l'absence de M. Karadzic à

  3   l'ouverture du procès, et le fait qu'il a décidé de rester absenté des

  4   débats au moment de la déclaration liminaire de l'Accusation en dépit de

  5   mises en garde répétées de la part de la Chambre de première instance, j'ai

  6   annoncé que la Chambre allait annoncer sa décision sur les modalités de

  7   poursuite du procès après avoir entendu les parties aujourd'hui. J'ai

  8   soulevé plusieurs questions précises, et j'ai demandé aux parties de les

  9   examiner afin de nous faire part de leur position. Je vais les répéter.

 10   Première question : poursuites des débats en l'absence de l'accusé et

 11   en l'absence d'un conseil le représentant.

 12   Deux : commission d'office d'un conseil représentant l'accusé et les

 13   rôles divers que peut assumer un tel conseil commis d'office à l'avenir et

 14   au fur et à mesure du procès.

 15   Troisième question : désignation d'un amicus curiae.

 16   Quatrième question : report éventuel du procès pour donner le temps à

 17   un conseil commis d'office de préparer le dossier.

 18   Cinquième question : d'autres suggestions quant aux façons dont

 19   pourrait se poursuivre le procès si l'accusé décidait de rester absent des

 20   débats.

 21   Avant d'entamer de façon plus détaillée ces discussions, je voudrais

 22   m'adresser à vous, Monsieur Karadzic. Etes-vous décidé à rester absent des

 23   débats, est-ce que ça veut dire que vous ne serez pas demain présent à

 24   l'audience lorsque l'Accusation commencera la présentation de ses moyens ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, vos Excellences,

 26   je n'ai absolument aucune volonté de boycotter ce procès. A mes yeux et aux

 27   yeux des personnes qui me représentent, et aux yeux aussi de tout le peuple

 28   là-bas, c'est un procès particulièrement important. C'est d'ailleurs la

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  1   dernière possibilité d'atteindre la vérité, et la chose est tout à fait

  2   possible dans le cadre du fonctionnement de ma défense. Cependant, si cette

  3   Chambre de première instance avait existé dès le début, elle saurait à

  4   combien de reprises j'ai demandé que me soient communiqués les documents

  5   nécessaires dans les délais voulus. D'ailleurs, des ordonnances ont même

  6   été rendues par M. le Juge Bonomy dans ce sens.

  7   Je ne veux pas boycotter mon procès, mais je ne peux pas accepter de

  8   participer à quelque chose qui dès le début démarre mal et qui viole mes

  9   droits fondamentaux, en particulier les droits qui sont prévus à l'article

 10   21 du Statut de ce Tribunal s'agissant des droits de la défense.

 11   Ce procès ne peut pas bien commencer et se terminer bien si on attend

 12   de moi que dans un délai de cinq mois, c'est-à-dire à partir du 18 mai,

 13   j'ai pris connaissance des 700 000 pages que j'ai reçues de l'Accusation,

 14   700 000 pages au moins dont je dois prendre connaissance pour pouvoir

 15   réfuter ce que le Procureur s'apprête à vous présenter ici.

 16   Donc, je vous prie de tenir compte de cela. Je m'apprête à présenter

 17   deux autres requêtes qui mettent en cause la compétence du Tribunal dans

 18   les jours qui viennent, mais je prie toutes les personnes présentes dans ce

 19   prétoire, et en particulier les membres de la Chambre, de ne pas considérer

 20   ce geste de ma part comme un manque de respect personnel, car la situation

 21   est telle que je serais vraiment un criminel si j'acceptais de pénétrer

 22   dans un procès pour lequel je ne suis pas prêt. Je ne peux remettre en

 23   cause aucun des éléments qui vont être présentés par le Procureur, étant

 24   donné le nombre trop important de documents dont je n'ai pas pu prendre

 25   connaissance. Il faut tenir compte du nombre important de municipalités,

 26   des 23 000 éléments de preuve, 400 000 pages de documents relatives aux

 27   municipalités, le nombre énorme de témoins, et les millions de pages que

 28   constituent ces documents, ainsi que des 300 jours de diffusion nécessaires

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  1   pour prendre connaissance de tous les enregistrements vidéo et audio. La

  2   plupart de ces documents sont en anglais, donc il faut tenir compte du fait

  3   que l'anglais n'est pas ma langue la plus efficace.

  4   Je demande aux Juges de la Chambre de se poser la question de savoir ce

  5   qu'il faudrait mettre en œuvre pour que ce procès soit un bon procès ? Aux

  6   yeux de la Chambre, aux yeux du peuple là-bas, à mes yeux à moi et aux yeux

  7   de mes collaborateurs, ce procès ne peut pas être un bon procès s'il n'est

  8   pas équitable, et il ne peut pas être équitable si je ne suis pas prêt.

  9   Je vous prierais de bien vouloir prendre compte du fait que le

 10   Procureur, depuis le début de ce procès, a une démarche très grave qu'il

 11   est en train de mettre en œuvre. J'ai adressé plusieurs centaines de pages

 12   de communiqués à la Chambre et au Procureur. J'ai également communiqué des

 13   documents, ce qui revête une autre forme. Ceci montre bien que j'ai

 14   travaillé de façon sérieuse avec la plus grande attention. J'ai parfois

 15   abandonné la promenade quotidienne dont je bénéficie au quartier

 16   pénitentiaire pour pouvoir continuer mon travail.

 17   Donc, moi-même et mes collaborateurs, nous faisons tout et nous

 18   voulons faire tout à l'avenir pour être prêts dans les plus brefs délais.

 19   Et Mme Uertz-Retzlaff, sans doute parce que je n'ai pas été assez clair, a

 20   cru comprendre que dans une lettre que j'avais adressée au Procureur, je

 21   disais que je viendrais lorsque je serais prêt. Je crois que j'ai bien

 22   indiqué que j'étais prêt à venir avant l'expiration d'un délai de dix mois

 23   dès lors que je serais prêt, autrement dit avant la fin de ce délai. Donc,

 24   je présente mes excuses à tous ceux qui ont pu mal comprendre mon propos.

 25   C'est la seule condition pour que je sois prêt; car sinon, quelle sera la

 26   qualité de ce procès si la Défense n'est bas de bonne qualité ?

 27   Voilà quelle est ma position, et je demande à chacun de la prendre au

 28   sérieux, car cette Défense a été menée depuis le début de façon très

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  1   sérieuse, et a dû faire face uniquement à des obstacles. Je me dois de dire

  2   ici que depuis le début, ma Défense s'est heurtée uniquement à des

  3   obstacles.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous ne faites

  5   que répéter ce que vous avez déjà dit à la Chambre de première instance

  6   ainsi qu'à la Chambre d'appel lorsque vous avez parlé de la façon dont vous

  7   voyez le temps qui vous avait été accordé en vue de la préparation du

  8   procès. La présente Chambre et la Chambre d'appel ont examiné avec beaucoup

  9   de soin les arguments que vous avez présentés, et ont décidé que vous aviez

 10   bénéficié de suffisamment de temps pour vous préparer. A l'évidence, vous

 11   n'êtes pas d'accord avec les décisions rendues. Cependant, et je vous l'ai

 12   déjà dit, c'est la Chambre de première instance, et non pas l'accusé, qui

 13   détermine si un procès est prêt à commencer, compte tenu de toutes les

 14   circonstances présentes, et pour veiller à l'équité ainsi qu'à la rapidité

 15   du procès.

 16   La Chambre de première instance comprend bien que vous travaillez

 17   d'arrache-pied et reconnaît vos efforts; elle observe, cependant, que le

 18   Juge de la mise en état précédent, M. le Juge Bonomy, vous a dit plus d'une

 19   fois que vous devriez consacrer les ressources dont vous disposez et que

 20   vous deviez vous concentrer sur la préparation même du procès. En fin de

 21   compte, je dois vous rappeler une fois de plus qu'il est vraiment de votre

 22   intérêt d'assister et de participer pleinement au procès pour que justice

 23   soit rendue.

 24   Ceci étant dit, j'entame l'examen de ce qui est à l'ordre du jour. Je vais

 25   d'abord me tourner vers l'Accusation et lui demander de présenter ses

 26   arguments sur les questions que j'ai posées.

 27   Vous avez la parole, Madame Uertz-Retzlaff.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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  1   Avant de commencer, permettez-moi de relever, aux fins du dossier, que nous

  2   sommes maintenant au quatrième jour du procès. Ce que je vais dire

  3   aujourd'hui suivra l'ordre suivant : tout d'abord, je présenterai des

  4   remarques liminaires sur le droit qu'a la Chambre de contraindre M.

  5   Karadzic à assister aux audiences; puis j'envisagerai deux options

  6   concernant le déroulement éventuel du procès.

  7   Le premier scénario verra s'il est possible de commencer par la déclaration

  8   liminaire de M. Karadzic et les trois premiers témoins à charge en peu de

  9   temps. Ceci sera associé à la désignation d'un conseil d'office. Deuxième

 10   scénario, ce serait de désigner un conseil si M. Karadzic décidait qu'il ne

 11   pouvait pas commencer le procès sous peu, dans un délai bref.

 12   J'aurai quelques remarques supplémentaires pour répondre aux questions que

 13   la Chambre a posées aux parties.

 14   Notre objectif global doit être de veiller à l'équité et à la rapidité du

 15   procès, conformément à l'article 20 du Statut. Dans le cadre de cet

 16   objectif, on ne saurait permettre à M. Karadzic de manipuler la procédure

 17   en prenant la décision de ne pas assister aux audiences. La Chambre d'appel

 18   pénale de Nouvelle-Galles du Sud en Australie le disait :

 19   "Un procès en première instance ne peut dégénérer en raison de

 20   manipulation, étant le fait de l'accusé, pour en arriver à une situation où

 21   le procès est à la merci de l'accusé. Ceci serait contre l'intérêt de

 22   l'opinion publique et de l'intérêt supérieur de la justice, car ceci

 23   saperait la confiance qu'a l'opinion publique dans le système pénal."

 24   Je citais là l'affaire de la Reine contre BK, en l'an 2000.

 25   Remarque liminaire, M. Karadzic, en étant présent aujourd'hui,

 26   assiste donc au procès à toutes fins utiles. Mais si à l'avenir la Chambre

 27   estime qu'il convient de décider d'une comparution forcée de M. Karadzic,

 28   la Chambre en a parfaitement le pouvoir, il n'y a aucun doute là-dessus, la

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  1   comparution forcée serait donc décidée.

  2   Et on peut aussi utiliser la force pour être sûr qu'il sera présent à

  3   l'audience dans le prétoire. Ça tient au fait que M.

  4   Karadzic est privé de liberté. Il a été arrêté et transféré au quartier

  5   pénitentiaire des Nations Unies où il se trouve depuis en détention

  6   préventive, précisément pour veiller à ce qu'il comparaisse pour répondre

  7   des chefs d'accusation retenus contre lui.

  8   Le fait que M. Karadzic a le droit d'être présent à son procès, c'est un

  9   droit auquel il peut décider de renoncer, et ceci ne nie pas le fait qu'il

 10   a aussi l'obligation d'être présent. Je peux vous présenter d'autres

 11   arguments à l'appui de ce point si ceci vous aide et je le ferais plus

 12   tard.

 13   D'abord, prenons la première option pour voir comment le procès pourrait se

 14   dérouler. Première étape à franchir, l'Accusation suggère que la Chambre de

 15   première instance examine la question de savoir si le procès peut se

 16   poursuivre sans trop attendre et pourrait entendre la déclaration liminaire

 17   de M. Karadzic ainsi que les trois premiers témoins à charge prévus par

 18   l'Accusation à cet égard.

 19   La Chambre voudra peut-être demander à M. Karadzic ceci : y a-t-il la

 20   moindre raison pour laquelle M. Karadzic, dans quelques jours, ne pourrait

 21   procéder à sa déclaration liminaire sachant qu'il aura la possibilité

 22   d'étoffer cette déclaration par une déclaration supplétive lorsqu'il

 23   présentera ses moyens à décharge ? Selon lui de combien de temps aurait-il

 24   besoin pour préparer sa déclaration liminaire ? S'il affirme avoir toujours

 25   besoin d'une période de temps considérable pour se préparer, et même à une

 26   déclaration liminaire, il devrait motiver ce qu'il dit.

 27   Question suivante : à son avis, de combien de temps a-t-il besoin pour se

 28   préparer au contre-interrogatoire des trois premiers témoins à charge ? Je

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  1   constate que nous avons deux témoins qui sont prévus et qui pourraient

  2   commencer leur déposition demain. Etant donné que ces trois premiers

  3   témoins sont des témoins des faits, si M. Karadzic affirme avoir besoin de

  4   plus de quelques jours pour se préparer au contre-interrogatoire de ces

  5   témoins, il devrait justifier cette affirmation.

  6   A supposer que le procès peut, en l'espace de peu de temps, se poursuivre

  7   avec la déclaration liminaire de M. Karadzic et ces trois premiers témoins

  8   factuels, la Chambre va peut-être vouloir emprunter cette voie. Elle

  9   pourrait alors entendre, en tant que de besoin, les demandes faites par M.

 10   Karadzic pour avoir de brèves interruptions du procès au fil du procès, à

 11   supposer, bien sûr, qu'il justifie chacune de ces demandes de suspension.

 12   Cependant, la Chambre devrait envisager avec le plus grand sérieux de

 13   choisir et de désigner un conseil d'appoint. Un tel conseil d'appoint

 14   pourrait commencer à prendre connaissance du dossier sans jouer un rôle

 15   actif dans les débats qui sont les nôtres. La désignation d'un conseil

 16   d'appoint chargé d'une telle fonction ne va en aucune façon limiter ni

 17   réduire les droits qu'a M. Karadzic à se défendre seul. Un conseil

 18   d'appoint n'aurait un rôle actif dans les débats que s'il devient

 19   nécessaire de limiter ou de mettre fin au droit qu'a M. Karadzic d'assurer

 20   lui-même sa propre défense à l'avenir. A ce moment-là, le conseil d'appoint

 21   pourrait intervenir en peu de temps.

 22   Mais si M. Karadzic participe aux débats, n'a pas de comportement

 23   obstructionniste, à ce moment-là, il n'est pas nécessaire d'avoir un

 24   conseil d'appoint et il n'aura aucun rôle à jouer dans ce procès.

 25   Pourquoi désigner un conseil d'appoint ? Afin de s'acquitter de cette

 26   fonction de réserve. C'est assez semblable à la désignation d'un quatrième

 27   juge, un juge de réserve, lorsqu'on a un procès d'une telle complexité et

 28   d'une envergure telle.

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  1   Prenons maintenant la deuxième option. Si M. Karadzic persiste à

  2   refuser d'être présent aux débats - et apparemment, c'est le cas - la

  3   Chambre de première instance devrait envisager de mettre fin au droit qu'il

  4   a d'assurer lui-même sa défense et devrait lui imposer un conseil. L'objet

  5   même de la création de ce Tribunal ne doit pas être anéanti par un accusé

  6   qui veut se défendre seul. Dans une telle donne, en persistant à refuser à

  7   participer aux débats, il aura ainsi renoncé à son droit. Ce qui veut dire

  8   que le procès pourra se poursuivre en son absence pour autant qu'on lui

  9   impose un conseil chargé de défendre ses intérêts.

 10   Le TPIR, la Chambre d'appel l'a confirmé dans l'affaire Barayagwiza :

 11   "…lorsqu'on a un accusé sous la garde du Tribunal, lorsqu'un tel

 12   accusé décide de s'absenter des audiences, il est dans l'intérêt supérieur

 13   de la justice de lui désigner un conseil, surtout pour garantir l'exercice

 14   effectif d'un droit consacré à l'article 20 du Statut."

 15   Je citais là l'arrêt Nahimana, paragraphe 109.

 16   Le refus persistant de M. Karadzic à assister aux audiences et de se

 17   conformer aux ordonnances de la Chambre de première instance, aussi bien la

 18   Chambre d'appel pour ce qui est de l'ouverture du procès, constitue un

 19   motif valable faisant que son droit à assurer sa propre défense pourrait

 20   être arrêté. M. Karadzic ne s'est pas présenté au moment de la déclaration

 21   liminaire de l'Accusation, et il a persisté à boycotter la procédure. Ce

 22   n'est pas un terme qu'il veut employer, mais ça revient à cela. Et ceci,

 23   tout récemment, a été confirmé dans la lettre qu'il vous a envoyée,

 24   Monsieur le Juge Kwon, le 1er novembre, et le confirme même aujourd'hui

 25   aussi.

 26   Si M. Karadzic compte sur cette position, s'il dit qu'il lui faudra

 27   plusieurs mois avant d'être prêt et s'il refuse de participer, c'est agir

 28   d'une façon telle que son droit à se défendre lui-même constitue une

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  1   position obstructionniste et persistante s'agissant de la conduite de ce

  2   procès. Rappelez-vous la décision de la Chambre d'appel le 1er novembre

  3   2004, paragraphe 13 dans l'affaire Slobodan Milosevic, ce genre de droit

  4   peut être limité en certaines circonstances.

  5   Il y a aussi la décision de la Chambre d'appel du 8 décembre 2006

  6   dans l'affaire Seselj, paragraphe 25. La conclusion, c'est que la Chambre

  7   avait le droit d'imposer un conseil à M. Seselj, étant donné le

  8   comportement de ce dernier, qui comprenait notamment le fait de "refuser de

  9   comparaître à l'audience pour se représenter."

 10   La jurisprudence du Tribunal est conforme à l'article 45 ter du Règlement

 11   de procédure et de preuve, qui autorise une Chambre à commettre un conseil

 12   d'office pour représenter les intérêts de l'accusé lorsque le commande

 13   l'intérêt supérieur de la justice. Dès lors qu'un conseil est imposé, le

 14   procès peut se poursuivre, même en l'absence de M. Karadzic. M. le Juge

 15   Kwon a déjà prononcé une mise en garde en bonne et due forme envers M.

 16   Karadzic, et s'il persiste dans son refus à se présenter, on peut lui

 17   imposer un conseil, a-t-il été dit. Remarque du 27 octobre 2009, vous avez

 18   dit, Monsieur le Juge Kwon, à M. Karadzic que s'il insistait pour refuser

 19   de comparaître aux audiences, la Chambre va peut-être décider de poursuivre

 20   le procès en son absence et de lui commettre un conseil chargé de le

 21   défendre pendant le reste de la procédure en application de l'article 45

 22   ter.

 23   Vous avez indiqué également que vous vouliez entendre M. Karadzic sur

 24   ce point, et c'est la raison de notre présence ici aujourd'hui. Monsieur le

 25   Président, vous avez réitéré cette mise en garde à son égard à la fin de

 26   l'audience d'hier. Vous avez déclaré que c'était la troisième journée

 27   consécutive de son absence dans ce prétoire, en dépit des nombreuses mises

 28   en garde dont il avait fait l'objet, et que c'était une tentative

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  1   d'obstruction au procès qui ne saurait être tolérée.

  2   Et vous avez répété, le matin précédent, que si M. Karadzic

  3   continuait d'agir de la sorte, la Chambre allait peut-être décider de lui

  4   désigner un conseil le représentant. Vous lui avez conseillé de mener une

  5   réflexion approfondie sur cette question avant de présenter ses arguments.

  6   Conformément à la décision du 20 octobre 2006 de la Chambre d'appel dans

  7   l'affaire Seselj, paragraphe 25, la Chambre aurait le droit d'imposer un

  8   conseil et de poursuivre le procès en l'absence de M. Karadzic. Etant donné

  9   que M. Karadzic est présent à l'audience aujourd'hui, et ceci associé aux

 10   événements qui se sont déroulés auparavant, il ne fait aucun doute que M.

 11   Karadzic sait que le procès se poursuivra par la présentation de moyens à

 12   charge; que s'il continue de refuser d'être présent, il renonce par là à

 13   son droit; que son absence délibérée constitue une obstruction persistante

 14   et matérielle à la poursuite du procès et peut signifier qu'il n'aura plus

 15   le droit à se représenter; et qu'on peut dès lors lui imposer un conseil,

 16   ce qui sera fait pour veiller à ce qu'une bonne défense soit assurée en son

 17   nom.

 18   Dès lors qu'un conseil est imposé parce qu'il y a ce comportement

 19   obstructionniste de M. Karadzic, M. Karadzic n'aurait plus le droit de

 20   faire valoir dans l'avenir son droit à assurer sa défense comme bon lui

 21   semble. Un accusé qui a perdu le droit d'assurer sa défense ne saurait

 22   simplement décider de le reprendre ce droit quand ceci lui convient, en

 23   promettant plus tard de mettre fin à son comportement obstructionniste en

 24   dépit de mises en garde déjà prononcées contre lui.

 25   Si un conseil a été désigné et s'il était possible de renverser cette

 26   décision à tout moment, la nécessité d'avoir une mise en garde envers

 27   l'accusé pour lui donner l'occasion de changer d'attitude pour renverser

 28   cette décision serait vidée de sens. Ce serait contraire aussi au concept

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  1   général qui veut que le droit à se représenter seul doit être affirmé, donc

  2   assumé et endossé en temps voulu.

  3   Je vous rappelle la décision Krajisnik du 18 août 2005, paragraphes

  4   22 à 35, et article 45(F), qui exige qu'un accusé doit avertir le Greffe de

  5   sa décision d'assurer lui-même sa défense à la première occasion possible.

  6   Si, à l'avenir, M. Karadzic décide qu'il veut assister aux audiences et

  7   qu'il veut participer à sa défense, à ce moment-là on pourrait se demander

  8   dans quelle mesure il conviendrait de lui faire droit. Mais indépendamment

  9   de tout rôle qu'il pourrait jouer plus tard dans ce prétoire, le conseil

 10   commis d'office continuerait d'avoir la primauté en matière de

 11   responsabilité pour ce qui est de la défense de l'accusé.

 12   Je vous ai présenté ces deux options et, ce faisant, j'ai déjà répondu en

 13   partie aux cinq questions que vous aviez posées, Monsieur le Juge Kwon, à

 14   l'attention des parties. J'ajouterais à ce début de réponse la chose

 15   suivante : tout d'abord, la question de la poursuite du procès en l'absence

 16   de l'accusé et en l'absence de tout conseil le représentant. L'Accusation

 17   n'exclut pas la possibilité qu'il y ait des circonstances permettant la

 18   poursuite du procès en l'absence de l'accusé aussi bien qu'en l'absence

 19   d'un conseil le représentant; cependant, nous n'avons pas connaissance de

 20   la réalité d'une telle situation. Mais l'Accusation estime qu'étant donné

 21   les circonstances de ce procès, l'intérêt supérieur de la justice commande

 22   l'imposition d'un conseil si M. Karadzic décide de s'absenter des débats.

 23   Ceci correspond à la décision Barayagwiza, que je vous ai déjà citée.

 24   Point suivant, c'est la question de la possibilité de désigner un amicus

 25   curiae, ami de la Chambre. On a peine à comprendre comment une telle

 26   désignation servirait l'intérêt de la justice étant donné les circonstances

 27   de ce procès. Si M. Karadzic est absent de l'audience, un conseil devrait

 28   être désigné et qui sera chargé de le défendre pendant le procès. La

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  1   désignation d'un amicus curiae ne saurait en rien remplacer un conseil

  2   commis d'office. A quoi sert un amicus curiae ? Il a une fonction

  3   supplémentaire si vous avez un accusé qui se défend seul et qui exerce ce

  4   droit à assurer lui-même sa propre défense. Je vous rappelle l'affaire

  5   Milosevic, l'affaire Slobodan Milosevic, et l'ordonnance invitant à la

  6   désignation d'un amicus curiae en date du 30 août 2001, où on avait

  7   précisément cette situation qui avait été abordée.

  8   Point suivant, je parlerai du report du procès de façon à permettre à un

  9   conseil de préparer le dossier. Première option, option que je détaille

 10   dans mes écritures d'aujourd'hui, à savoir le procès qui se poursuit en

 11   présence de M. Karadzic assurant lui-même sa défense et participant aux

 12   audiences, dans ce cas, il n'y aurait pas nécessité de retarder de façon

 13   importante la suite du déroulement du procès. Un conseil pourrait être

 14   nommé sans aucune nécessité de reporter le procès.

 15   Au terme de la deuxième option, dans le cas où un conseil serait

 16   nommé pour représenter les intérêts de M. Karadzic, il y aurait

 17   inévitablement un certain report de la procédure, car le conseil aurait

 18   besoin de se familiariser avec le dossier. Mais ce report peut être

 19   considéré, dans les circonstances actuelles, comme un prix raisonnable à

 20   acquitter pour garantir que la suite du procès pourra se dérouler avec la

 21   célérité nécessaire et avec intervention d'un conseil.

 22   Messieurs les Juges, je peux, si vous le souhaitez, vous dire quelques mots

 23   supplémentaires quant à la capacité de la Chambre à contraindre M. Karadzic

 24   à assister aux audiences, mais je ne sais pas si vous préféreriez que je

 25   traite de ce point plus tard. Je peux aussi vous présenter des observations

 26   complémentaires quant au rôle exact d'un amicus curiae, si vous souhaitez

 27   que je le fasse maintenant. Si tel n'est pas le cas, je suis arrivé au

 28   terme de la présentation des propos du Procureur.

Page 688

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Combien de temps vous faudrait-il si

  2   vous deviez faire des arguments complémentaires sur le fait d'obliger

  3   quelqu'un à assister à l'audience ?

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Cinq minutes, je pense.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Personnellement, ceci m'intéresse. Si

  6   vous voulez bien être brève, s'il vous plaît.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Le droit d'un Juge de la Chambre à

  8   obliger un accusé à venir à l'audience est quelque chose qui est tellement

  9   basique que ceci n'est pas toujours exprimé dans le Règlement de procédure

 10   et de preuve. Quoi qu'il en soit, ceci est quelque chose qui sous-tend bon

 11   nombre de dispositions du Règlement de procédure et de preuve de ce

 12   Tribunal, et je vais en citer quelques-uns. C'est le 40 bis (F), qui fait

 13   état d'un accusé et de sa comparution initiale et indique :

 14   "Un suspect assisté de son conseil viendra sans délai devant les

 15   Juges."

 16   L'article 62 déclare que :

 17   "L'accusé comparaîtra devant la Chambre de première instance ou d'un

 18   Juge sans délai et sera formellement mis en accusation."

 19   L'article 64 autorise un accusé à être détenu.

 20   L'article 65(C) autorise une Chambre de première instance de fixer

 21   les conditions de mise en liberté provisoire de façon à assurer la présence

 22   de l'accusé au procès.

 23   L'article 83 autorise l'emploi de restrictions telles que des

 24   menottes et le transfert de l'accusé jusqu'au prétoire.

 25   Dans le monde entier, les juges ordonnent très souvent que les

 26   accusés auxquels on reproche des crimes viennent devant la chambre, qu'ils

 27   en aient l'envie ou non. En France, par exemple, en Allemagne, aux Etats-

 28   Unis et en Autriche, si l'accusé ne comparaît pas devant les juges, il peut

Page 689

  1   y être contraint, et on peut lui contraindre par la force ou il peut y

  2   avoir une injonction à comparaître. Si vous souhaitez que je cite

  3   différentes règles de ces pays, je peux le faire, également différents

  4   textes de jurisprudence. Pour ce qui est de la France, l'article 320 du

  5   Code de procédure pénale :

  6   "Si l'accusé ne se conforme pas à la citation à comparaître, le

  7   président peut demander à ce qu'il vienne se présenter devant les juges de

  8   la chambre par la contrainte. Si l'accusé résiste, ceci sera lu à

  9   l'audience. Et malgré son absence, la procédure se poursuivra."

 10   Il y a nonobstant deux autres dispositions de l'article du Code de

 11   procédure pénale français.

 12   En Allemagne, paragraphes 230 et 231 du Code de procédure pénale; 230

 13   déclare que :

 14   "Aucune audience ne sera retenue contre l'accusé qui ne se présente

 15   pas.

 16   "S'il n'a pas suffisamment d'excuses et s'il manque à son obligation

 17   de se présenter, à ce moment-là il y sera contraint. Il pourrait même y

 18   avoir un mandat d'arrestation."

 19   Au paragraphe 231 :

 20   "Un accusé qui s'est présenté et qui a comparu ne peut pas s'absenter

 21   de l'audience. Le président de la chambre peut prendre des mesures

 22   nécessaires pour empêcher son absence. Il se peut également que l'accusé

 23   soit en détention et qu'il y ait interruption de l'audience.

 24   "Si l'accusé, néanmoins, s'absente ou ne comparaît pas lors de

 25   l'audience principale, l'audience principale peut en conclure à son absence

 26   qu'il peut y avoir néanmoins poursuite…"

 27   Pour le chapitre 446 :

 28   "Selon la jurisprudence, l'accusé n'est pas en droit de s'absenter

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  1   d'une audience, même s'il y a eu interruption d'audience, parce que les

  2   juges de la chambre ont l'obligation et la possibilité de le contraindre à

  3   être présent à l'audience, et de le faire venir à l'audience si cela

  4   s'avère nécessaire, par la force."

  5   J'ai quatre décisions qui émanent des Etats-Unis et qui comportent des

  6   références similaires. Je ne sais pas si, Madame et Messieurs les Juges,

  7   vous souhaitez entendre ces derniers. Je peux vous les lire. Il s'agit des

  8   Etats-Unis contre Cannatella, et les Etats-Unis contre Moore. Il s'agit de

  9   la Chambre d'appel fédérale des Etats-Unis, décision rendue par cette

 10   dernière :

 11   "En général, on doit pouvoir obliger un accusé à être présent tout au

 12   long d'un procès conformément à l'article 43(a)."

 13   Dans la décision 597 F.2a27 [comme interprété]. Et dans l'affaire

 14   Moore :

 15   "Il n'y a pas de violation si l'accusé n'assiste pas à son procès …

 16   l'accusé ne peut pas faire valoir le droit d'être absent conformément à

 17   l'article 43 lorsqu'il s'agit d'une procédure pénale."

 18   L'affaire contre Gardner, il s'agit de la Chambre d'appel de New

 19   York. Celle-ci déclare que :

 20   "Pour qu'une audience pénale puisse se dérouler normalement, il est

 21   requis que le juge soit en droit de dire quelle sera la place de l'accusé

 22   dans le prétoire, et si à aucun moment il sera debout ou assis, et avoir

 23   quelque chose sur la tête ou non. Il doit avoir le pouvoir à tout moment de

 24   pouvoir voir le prisonnier qui est dans le prétoire, ainsi que le jury et

 25   les témoins."

 26   Une autre affaire, Copeland contre Walker, de la Cour fédérale qui déclare

 27   que :

 28   "Même si un accusé a le droit d'abandonner son droit de présence à

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  1   l'audience compte tenu de circonstances particulières, à savoir des

  2   problèmes de santé graves, il n'a néanmoins pas le droit de 'déroger de

  3   façon sélective à cette obligation d'être présent ou absent selon son gré,

  4   si cela peut lui procureur un quelconque avantage sur un plan

  5   stratégique.'"

  6   Et pour finir, l'Autriche, la partie 239 du Code de procédure pénale :

  7   "La principale audience commencera au moment où l'affaire est citée,

  8   et l'accusé apparaîtra sans menottes. Néanmoins, s'il est en détention dans

  9   la phase préalable au procès, il doit être accompagné d'un garde."

 10   Voici les références dont nous disposons. J'ai également un autre

 11   exemple à vous citer qui vient de la Chambre des Lords du Royaume-Uni qui a

 12   décrété que :

 13   "Pendant de nombreuses années, le droit en Angleterre et au Pays de

 14   Galles a reconnu le droit à un accusé d'assister à son procès et, dans des

 15   procès lorsqu'il y a acte d'accusation, ces derniers ont imposé à l'accusé

 16   l'obligation d'assister."

 17   Il s'agit de l'affaire contre Jones en 2002, décision du 20 février

 18   2002.

 19   Pour finir, je souhaite faire une remarque sur ce même thème. Les

 20   Juges de ce Tribunal ont le pouvoir d'obliger les témoins à venir

 21   comparaître, voire même les victimes de crimes. Bien que ceci n'arrive que

 22   rarement et seulement après que d'autres mesures pour faciliter la présence

 23   d'un témoin ont été épuisées, le fait est que les Juges de ce Tribunal ont

 24   délivré des mandats d'arrêt contre des témoins qui ont refusé de venir

 25   assister pour s'assurer que justice soit faite. Si la justice peut exiger

 26   la présence des victimes ou d'autres témoins lorsque cela s'avère

 27   nécessaire, il est clair que la justice peut obliger l'accusé à être

 28   présent.

Page 692

  1   Monsieur le Président, voilà ce que je voulais dire à propos de cette

  2   question.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Uertz-

  4   Retzlaff.

  5   Si un accusé que l'on a fait venir par la force ne prend pas part aux

  6   débats et ne coopère pas avec la procédure en cours, y a-t-il une

  7   différence par rapport à une situation où les débats peuvent se poursuivre

  8   en l'absence de l'accusé ?

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est quelque chose que nous

 10   avons déjà abordé, à savoir si c'était possible pour nous - après que

 11   l'accusé soit contraint à venir - et qu'il déclare qu'il n'ait pas envie de

 12   faire droit à son droit à se représenter lui-même, ceci n'aurait pas

 13   d'incidence. Il n'y aurait pas de différence.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour revenir à quelques points

 15   mineurs, tout d'abord, que vous avez évoqués, je suis surpris de constater

 16   que vous avez dit qu'il s'agit du premier jour du procès. Moi, je dirais

 17   qu'il s'agit du troisième jour du procès.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] A ce moment-là, je me suis mal

 19   exprimée. Ce que je voulais dire, en fait, c'est que c'était le quatrième

 20   jour.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oh.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il me semble avoir dit au départ

 23   qu'il s'agit du quatrième jour du procès.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est bien que cette correction soit

 25   faite, s'il vous plaît.

 26   Pour ce qui est de la première option que vous avez citée, si cette option

 27   devait être retenue, cela dépend uniquement de la volonté de l'accusé, à

 28   savoir s'il l'accepte ou pas.

Page 693

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, nous avons jugé qu'il serait

  2   utile de savoir combien de temps serait nécessaire dans le cas où M.

  3   Karadzic s'y conformerait. Quelles seraient ses

  4   réponses ? De combien de temps aurait-il besoin pour trois témoins des

  5   faits incriminés ou s'il a besoin de temps pour faire une déclaration

  6   liminaire ? Nous avons estimé qu'il s'agit là d'éléments d'information

  7   importants qui aideraient les Juges de la Chambre.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour ce qui est de la deuxième option,

  9   comment envisagez-vous la situation où un conseil commis ne peut pas

 10   coopérer ou ne peut pas recueillir les instructions de l'accusé du tout ?

 11   Comment envisagez-vous alors la situation ? Comment le conseil peut-il

 12   conduire la défense ?

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En réalité, une décision a été rendue

 14   dans l'affaire Milosevic, la Chambre de première instance dans l'affaire

 15   Milosevic, qui a abordé ce point-là très précisément. C'est une décision

 16   sur les requêtes du conseil commis d'office pour un retrait. Ceci date du 7

 17   décembre 2004. Cette décision déclarait que -- je vais vous la trouver. Il

 18   a été dit que dans un tel cas le conseil de la Défense doit agir dans le

 19   meilleur intérêt de l'accusé. C'est ce qui est dit dans cette décision. Je

 20   ne la trouve pas pour le moment.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que les Juges de la Chambre

 22   seront à même de retrouver la décision.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, ceci est dit de façon

 24   très claire, parce que le conseil, dans ce cas, était l'ancien amicus

 25   curiae, Me Kay, et c'est, en réalité, lui qui a soulevé ce point. Il a

 26   surtout insisté sur le fait qu'il n'obtiendrait pas d'instructions, et

 27   c'était, en réalité, la réponse des Juges de la Chambre à cette situation-

 28   là, autrement dit, qu'il devrait agir dans le meilleur intérêt de l'accusé.

Page 694

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Uertz-Retzlaff.

  2   Alors, pour ce qui est de la troisième ou de la quatrième question, combien

  3   de temps exigerait le conseil nommé pour se familiariser avec l'affaire ?

  4   Vous avez dit qu'il faudrait estimer un certain temps. A votre avis, ceci

  5   correspondrait à quel temps, un temps raisonnable, combien de temps sera

  6   nécessaire ?

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je pense que cela dépend pour

  8   beaucoup de qui est désigné en tant que conseil commis d'office, parce que

  9   si c'est un conseil commis qui connaît déjà cette affaire, dans ce cas,

 10   quelques mois seraient nécessaires. Ou s'il s'agit de quelqu'un qui connaît

 11   en partie cette affaire, à ce moment-là, il me semble que ce serait

 12   l'affaire de quelques mois. Mais c'est difficile à dire en l'absence

 13   d'information supplémentaire sur les circonstances.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lorsque vous avez déposé des écritures

 15   par rapport à la première option, vous avez parlé de ce conseil d'appoint

 16   ou de ce conseil commis d'office. Est-ce que vous ne pensez pas que ce

 17   conseil-là aurait besoin d'un certain temps pour se préparer ?

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, notre position par rapport

 19   au conseil d'appoint est la suivante : autrement dit, qu'un conseil d'appui

 20   pourrait tout préparer et se mettre au courant pendant que l'accusé assure

 21   sa propre défense. Et dans ce cas, il ne serait pas dans l'obligation

 22   d'intervenir tout de suite. Mais si le cas se présente, évidemment la

 23   question se pose. Est-il disposé à ce moment-ci à le faire ou non ? En tout

 24   cas, pour ce qui est de la procédure en l'état actuel des choses, c'est une

 25   situation que nous ne pouvons pas anticiper, qu'il y ait un délai

 26   nécessaire pour le conseil d'appoint. Il s'agit de savoir, tout d'abord, si

 27   M. Karadzic est disposé à faire une déclaration liminaire et s'il est prêt

 28   à entendre les trois témoins portant sur les faits incriminés.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Deuxième et dernière question en ce qui

  2   me concerne, vous n'excluez pas la possibilité de poursuivre le débat en

  3   l'absence de l'accusé ainsi qu'en l'absence de tout conseil pour le

  4   représenter ?

  5   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Comme je l'ai dit, nous ne pouvons

  6   pas exclure cette possibilité complètement, mais la proposition que nous

  7   soumettons est la suivante : nous pensons que c'est l'intérêt de la justice

  8   qui le commande, à savoir l'imposition d'un conseil. Nous n'excluons cette

  9   possibilité.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, la dernière question

 11   que j'ai à vous poser porte sur un point de droit qui a été traité par la

 12   Chambre d'appel dans l'affaire Milosevic et qui fait mention de principes

 13   de proportionnalité. Comment arriveriez-vous à trouver un compromis, à

 14   savoir comment concilier l'option numéro 2 avec ce principe-là ?

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Bien entendu, la Chambre de première

 16   instance doit recourir à la manière la moins invasive de procéder. Mais

 17   dans la situation qui nous intéresse où M. Karadzic a dit : "Je n'assiste

 18   pas," je ne vois comment nous pouvons procéder différemment pour surmonter

 19   cette situation. Plus tard, lorsque M. Karadzic comparaît devant les Juges,

 20   à ce moment-là, la question qui se pose aux Juges de la Chambre, c'est

 21   celle-ci : comment peut-on départager les rôles entre le conseil commis

 22   d'office et M. Karadzic.

 23   Mais pour l'instant, lorsque M. Karadzic dit : "Je ne viens pas à

 24   moins d'être suffisamment préparé," et comme je comprends cela ceci prendra

 25   un certain nombre de mois, je ne vois pas comment un autre moyen peut être

 26   utilisé ou comment un conseil pourrait nous permettre de surmonter cette

 27   situation-là. Donc, si nous imposons un conseil maintenant qui reprendrait

 28   tout en main, à mon avis, ceci est proportionnel, parce que, d'après nous,

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  1   il n'y a pas d'autre moyen.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Donc je vais maintenant me tourner vers l'accusé. Monsieur Karadzic,

  6   avez-vous d'autres arguments à présenter sur ces questions ou autres

  7   commentaires à faire sur la façon dont le procès doit se dérouler ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Merci, Votre Excellence. Je voudrais

  9   également répondre à ce que j'ai entendu de la partie adverse, et je le

 10   ferai. Pour commencer, ma présence aujourd'hui à cette audience n'est en

 11   aucun cas une manipulation. J'assiste à la dernière journée du planning qui

 12   avait été prévu par les Juges. Etant privé de liberté, je suis privé de vie

 13   familiale et de vie quotidienne normales, mais je ne suis pas privé de mes

 14   droits. Donc le fait d'être privé de liberté n'est pas synonyme, à mes

 15   yeux, de suppression du droit à la défense. D'ailleurs, ce droit est

 16   inscrit et compris dans le Statut de ce Tribunal.

 17   Par ailleurs, je suis d'accord que l'accusé ne doit pas manipuler la

 18   procédure, mais l'Accusation ne doit pas être autorisée à le faire non

 19   plus. Or, le Procureur est en train de manipuler la procédure, et je suis

 20   en regrets en disant cela d'être obligé d'attaquer M. Tieger et Mme Uertz-

 21   Retzlaff. En effet, l'Accusation ne m'a communiqué aucun document pertinent

 22   depuis neuf mois. Aucune décision d'aucune Chambre de première instance ne

 23   peut modifier le fait que je n'ai disposé que de cinq mois pour me

 24   préparer. Avec tout le respect que je dois à chacun, cinq mois, et pas

 25   plus. J'ai été inondé d'un nombre gigantesque de documents, et l'Accusation

 26   n'était pas prête à commencer le procès. Elle a sans doute pensé que

 27   l'accord Holbrooke serait respecté et que je ne serais pas prêt à répondre

 28   aux poursuites intentées contre moi. C'est la raison pour laquelle la

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  1   Chambre de première instance l'a dit à quelques reprises.

  2   Et Lord Bonomy a repris cela dans des termes tout à fait

  3   convaincants, que l'Accusation doit commencer son travail de façon

  4   rationnelle et convenable, s'agissant notamment de son obligation de

  5   communication des pièces.

  6   Par ailleurs, je ne peux pas être d'accord avec les énumérations des

  7   différentes fonctions d'un tel ou d'un tel système qui viennent d'être

  8   faites. Et avec les décisions prises dans différents systèmes judiciaires,

  9   je ne vois pas comment nous pourrions nous emparer d'une décision

 10   judiciaire autrichienne pour l'appliquer ici. Le système appliqué ici est

 11   tout à fait différent. On n'a absolument rien à voir avec les autres

 12   systèmes judiciaires dans le monde, et on est d'ailleurs très éloignés du

 13   système judiciaire que je connais moi-même. Donc en agissant de la sorte,

 14   le Procureur passe par la petite porte pour essayer de modifier le code

 15   utilisé dans cette procédure, et ceci ne cesse de me surprendre.

 16   Maintenant, s'agissant des questions qui ont été posées ici et qui

 17   pourraient avoir un rapport avec moi, en tout cas des questions qui

 18   semblent exiger de ma part une réponse, voilà ce que je tiens à dire :

 19   c'est avec bonheur que je me prépare au procès dont nous parlons ici. J'ai

 20   une vision très claire de ce qui a été affirmé de façon erronée ici jusqu'à

 21   présent, car en dépit de la présence des avocats et d'un grand nombre de

 22   professionnels compétents, c'est une réalité que nombreux ont été les

 23   accusés qui ont été condamnés à tort ici. Ceci n'est sans doute pas dû à

 24   autre chose qu'au fait que les équipes de Défense ne sont pas parvenues à

 25   présenter de la façon dont ces éléments auraient dû être présentés, les

 26   éléments favorables à la défense.

 27   Pourquoi devrais-je être moi-même contraint à plonger avec une

 28   préparation aussi imparfaite dans le procès immédiatement ? Je ne peux pas,

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  1   pour ma part, convoquer des témoins à tout instant. Les trois premiers

  2   témoins vont venir et ils repartiront et je ne suis pas encore prêt à les

  3   contre-interroger. J'ai toujours de gros problèmes sur le terrain. Mes

  4   collaborateurs n'ont pas d'argent, personne ne leur paye la moindre somme,

  5   alors que ces sommes ont été acceptées officiellement. Ceci crée des

  6   obstacles importants. Il importe au plus haut point que je sois au courant

  7   de tout ce qui a un rapport avec la réalité des faits, sinon je ne pourrai

  8   pas assurer correctement ma défense, et je crains fort que la partie

  9   adverse ne concrétise le danger réel qu'il y a à ce que la crédibilité de

 10   ce Tribunal soit réduite à néant. Si j'étais entre les mains du Procureur,

 11   aucun droit ne serait respecté s'agissant de moi. Je n'aurais pas le droit

 12   de me défendre, je n'aurais pas le droit de m'absenter, je n'aurais aucun

 13   droit.

 14   Aucun accusé ne peut se préparer en un temps aussi réduit. Quarante-

 15   cinq mille documents, voilà ce que je dois étudier, examiner. Voilà le

 16   nombre de documents dont je dois apprécier l'influence sur le terrain. Donc

 17   je ne peux pas être prêt à prononcer mon propos liminaire avant le début de

 18   l'audition des trois témoins dont il a été question. Or, il faut que je

 19   sois prêt avant le début de l'audition des témoins. Je suis tout à fait

 20   convaincu que pendant le procès je subirai toutes sortes de surprises de la

 21   part de la partie adverse et, bien sûr, il me restera les week-ends et

 22   quelques suspensions d'audience pour réagir à cela. Maintenant, un report

 23   du procès, cette éventualité n'aurait aucun sens et ne m'apporterait rien.

 24   Elle ne risquerait que de me confronter à une confusion mentale encore plus

 25   grande.

 26   M. Krajisnik, rappelez-vous, a été très malheureusement servi par son

 27   conseil de la Défense, c'est une réalité. Pourquoi ? Eh bien, parce qu'il

 28   n'a pas eu la possibilité, par conséquent, d'assurer à son avantage une

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  1   défense convenable. D'ailleurs, la Chambre d'appel l'a effectivement

  2   confirmé.

  3   Je vérifie ce qui est écrit dans mes notes.

  4   Alors, j'ai des collaborateurs fantastiques, des collaborateurs venus du

  5   monde entier, qui travaillent bénévolement. Je n'ai donc pas besoin d'être

  6   aidé par des juristes. Mes collaborateurs ont travaillé la partie juridique

  7   du dossier d'une façon tout à fait parfaite. Vous pouvez le constater à la

  8   lecture des comptes rendus d'audience. Donc je n'ai pas besoin de juristes,

  9   j'ai simplement besoin de temps, car aucun avocat ne pourra se préparer

 10   dans un temps inférieur à celui dont mon équipe de Défense a besoin sous ma

 11   direction. Il est certain que la seule chose qui me manque, c'est du temps.

 12   Si les Juges de la Chambre estiment qu'un procès peut se dérouler en

 13   l'absence de conseil et en l'absence d'accusé, si c'est ce que le Procureur

 14   pense lui aussi, qu'on m'envoie la condamnation par la poste et que le

 15   procès se déroule par courrier. Je ne cesse de travailler. Ce que je veux

 16   absolument, c'est que le procès ait lieu et que ce procès soit exemplaire.

 17   Je ne m'esquive pas par rapport à cette volonté. Je veux un procès

 18   exemplaire. Mais, réellement, rien ne peut masquer le fait que le Procureur

 19   n'a commencé à me communiquer des pièces que le 18 mai, et que ces

 20   communications ne se sont pas faites comme elles auraient dû se faire.

 21   Si le Procureur a décidé de se servir uniquement de 30 000 pages au

 22   lieu des 40 000 qu'il m'a envoyées, qu'il me dise quelles sont les 15 ou 20

 23   000 pages qu'il ne va pas utiliser, par exemple. Car je suis certain qu'il

 24   y aura des milliers de pages que le Procureur ne va pas utiliser. Alors,

 25   pourquoi est-ce que moi on m'inonde de plus de 40 000 pages que je me dois

 26   d'examiner ? Ça, c'est une manipulation de la part du Procureur, pas de la

 27   part de la Défense, et je ne vois pas pourquoi le Procureur aurait

 28   davantage le droit à des manipulations du procès que la Défense ne pourrait

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  1   en avoir elle-même.

  2   Ce sont des faits, c'est une réalité, je n'ai pas besoin de juristes

  3   supplémentaires. Regardez la liste de tous ceux qui m'apportent leur

  4   concours. Vous trouverez dans cette liste des noms de juristes très

  5   éminents d'Australie, d'Afrique du Sud, de Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas,

  6   de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, ce sont des professionnels

  7   fantastiques, de Norvège aussi. J'espère n'avoir oublié personne. Mais ce

  8   qui est un fait inéluctable, c'est que dans un délai de cinq mois, je n'ai

  9   pas eu la possibilité de traiter de tous ces documents. D'ailleurs,

 10   personne d'autre n'aurait pu accomplir cet exploit. Est-ce que je dois être

 11   la victime de la stratégie mise en place par le Procureur ? Est-ce que

 12   n'importe quel accusé doit être victime d'une stratégie émanant du

 13   Procureur ? Non, ce n'est pas une nécessité. Ce procès, c'est indéniable, a

 14   une importance énorme pour le peuple là-bas. C'est aussi un procès qui a

 15   une énorme importance étant donné le précédent qu'il va créer pour

 16   l'avenir.

 17   Et ne parlons même pas, cela n'a pas d'importance, de l'importance

 18   qu'il a pour moi personnellement. Mais en tout cas, il a une importance

 19   capitale pour ce Tribunal, car si à l'issue de ce procès la crédibilité du

 20   TPIY est démolie, elle le sera à tout jamais. Et ce ne sera pas à cause

 21   d'un accusé assurant lui-même sa défense, mais à cause du Procureur, car

 22   depuis le mois de septembre, si j'avais été informé dans le détail de la

 23   nature exacte de l'acte d'accusation, si j'avais pu recevoir les documents

 24   nécessaires dès le début de ma présence ici, j'aurais été prêt. Mais la

 25   réalité, c'est que j'ai passé neuf mois en prison, confronté à des

 26   documents sans aucune valeur, avec un acte d'accusation qui parlait de 45

 27   municipalités, puis de 39 et maintenant de 27. Mais en dépit de la

 28   réduction du nombre de municipalités, l'ampleur des accusations n'est pas

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  1   réduite. Le nombre de témoins a été réduit de façon très limitée, mais pas

  2   de façon considérable. Le Procureur, autrement dit, n'a absolument pas à

  3   modifier un iota de ce qu'il a l'intention de présenter aux Juges. La

  4   portée, l'ampleur, la dimension du procès reste identique, absolument

  5   identique.

  6   Donc, Madame, Messieurs les Juges, je considère que la solution qui

  7   poserait le moins de problèmes et qui coûterait le moins cher serait

  8   d'accorder un certain délai à l'accusé assurant lui-même sa défense.

  9   Lorsque nous commencerons, je ne demanderai pas que le Procureur prononce

 10   une nouvelle déclaration liminaire. Je partirai du principe que quatre

 11   jours de procès ont déjà eu lieu. Mon objectif n'est pas de créer le

 12   moindre obstacle. La seule chose que je dis, c'est que j'ai nécessité

 13   d'examiner dans le détail le dossier. Je bénéficierai d'une aide active de

 14   la part de mes collaborateurs sur le plan juridique. Mais s'agissant des

 15   faits, personne ne peut mieux que moi traiter de ces faits, aucun juriste,

 16   aucun avocat.

 17   Je sais exactement ce qui s'est passé et je sais exactement quels

 18   sont les documents et les éléments de preuve qu'il faut présenter à la

 19   Chambre en rapport avec les faits. Donc, à mon avis, la solution la moins

 20   douloureuse et celle qui poserait le moins de problèmes serait de demander

 21   au Procureur de bien vouloir tenir compte du fait que cela fait à peine

 22   cinq mois que je commence à recevoir des documents communiqués, et la faute

 23   n'en incombe ni à la Chambre ni à la Défense, mais bien à l'Accusation.

 24   Donc il faut décider, me semble-t-il, que l'accusé doit bénéficier

 25   d'un certain temps, rien d'autre. Il y a des gens, je le répète, qui ne

 26   font rien d'autre de leur vie que d'être sur le terrain pour m'apporter

 27   leur concours et travailler dans mon intérêt. Ces gens doivent pouvoir

 28   avoir la possibilité de se rendre sur les lieux, de voyager, de rencontrer

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  1   les témoins, de vérifier les faits et de se mettre au travail.

  2   Et même pour ces juristes, le problème ne réside en rien d'autre

  3   qu'un manque de temps, car c'est une réalité, c'est un fait que cela fait

  4   cinq mois à peine que nous avons tous commencé à travailler. En cinq mois,

  5   personne ne peut prendre connaissance des 1 300 000 pages du dossier du

  6   Procureur. Je ne parle même pas du nombre de documents qui sont présentés

  7   par la Défense au moment de la présentation de ces moyens. C'est 2 000 000

  8   de pages dont je dois prendre connaissance au total, avec toutes les

  9   requêtes qui ont été présentées depuis, pour pouvoir répliquer aux

 10   arguments de l'Accusation. Je n'évoque même pas ce que j'aurais moi-même

 11   ajouté à ce nombre de pages pour présenter mes propres arguments. Ce n'est

 12   pas de l'obstruction de ma part. Je ne vois pas qui pourrait faire mieux

 13   que moi.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'estime que c'est un

 15   petit peu malheureux que vous ne répétez que vos arguments précédents. Il y

 16   a deux points que je souhaite vérifier avec vous. Il ne s'agit absolument

 17   pas d'un piège. La Chambre de première instance ne se livre pas à ce genre

 18   de jeu, et que cette audience est consacrée à des questions administratives

 19   de façon à pouvoir voir comment nous poursuivrons. Je souhaite également

 20   insister sur le fait que c'est vous, en tant que personne, M. Karadzic,

 21   dont on fait le procès ici. Il ne s'agit pas de personne ou de toute autre

 22   personne qui a déjà été condamnée. Il ne s'agit pas ici de refaire les

 23   procès de toutes ces personnes-là. Comme je vous l'ai dit un peu plus tôt,

 24   et comme M. le Juge Bonomy vous l'a dit, veuillez vous concentrer, s'il

 25   vous plaît, et consacrer vos ressources à votre procès, et concentrez-vous

 26   sur vous-même.

 27   Je vais maintenant donner la parole à M. le Juge Morrison.

 28   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, votre position

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  1   semble claire d'après la façon dont je comprends ce que vous nous dites.

  2   Vous dites qu'en somme vous ne boycottez pas votre procès, mais que vous

  3   n'avez pas l'intention de commencer avant que votre défense ne soit prête.

  4   Il serait utile pour nous de savoir, et ceci assisterait les Juges de la

  5   Chambre - puisque bien évidemment nous devons tenir compte de toutes les

  6   options qui sont à notre disposition - nous souhaitons savoir si vous

  7   préparez votre présentation de moyens dans un ordre chronologique, ou si

  8   vous respectez l'ordre de l'acte d'accusation ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je me prépare en suivant un

 10   ordre chronologique. Mais c'est un fait, c'est une réalité l'Accusation va

 11   présenter ses témoins dans un ordre qui sera différent. Et un autre fait,

 12   une autre réalité, c'est que je serai incapable de contre-interroger les

 13   témoins si je n'ai pas fait toute la clarté sur les arguments retenus

 14   contre moi. Si je ne sais pas exactement ce qu'on me reproche, si je ne

 15   sais pas exactement quels sont les arguments de l'Accusation. Dans le

 16   mémoire préalable au procès, j'ai 65 documents qui sont retenus contre moi,

 17   mais il peut, j'en suis sûr, en être retenu 65 000 dans la suite de la

 18   procédure. Donc, il faut que je sache exactement à quoi je suis confronté.

 19   Moi-même et mes collaborateurs effectuons un travail très important.

 20   Mes collaborateurs ont déjà interrogé une quinzaine de témoins en vertu des

 21   articles 92 bis et 92 ter. Nous en accepterons un certain nombre qui seront

 22   entendus en application de cet article 92 ter. Je l'indique d'ores et déjà.

 23   Nous avons déjà fait connaître une partie de nos positions. Mais je fais et

 24   nous faisons tout ce qui est dans notre pouvoir.

 25   J'indique simplement encore une fois que je dois savoir exactement ce

 26   qui sera abordé et dit durant la procédure contre moi, car dans le cas

 27   contraire je ne vois pas comment je pourrais assurer ma défense. Je parle

 28   bien de défense. S'il n'y a pas de défense de l'accusé, il n'y a pas de

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  1   procès équitable.

  2   La Chambre de première instance fera bien sûr ce qu'elle pourra pour

  3   protéger mes droits, mais pour que mes droits soient protégés par la

  4   Chambre, il faut que ces droits existent, il faut que je puisse bénéficier

  5   de ces droits.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Question supplémentaire suite à la

  7   première. Pour ce qui est des documents qui vous ont été communiqués, est-

  8   ce que ces documents vous ont été communiqués dans un format qui vous

  9   permet d'en déduire l'ordre chronologique, ou est-ce que vous avez besoin

 10   de tout relire avant que cet ordre chronologique, qui figure dans l'acte

 11   d'accusation, ne paraisse clair à vos yeux ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois tout lire. Evidemment, je regroupe des

 13   thèmes en fonction des municipalités et selon l'ordre chronologique. Mes

 14   collaborateurs, par conséquent, doivent réorganiser complètement ce nombre

 15   immense de documents. Pour l'année 1990 et 1991, le centre, c'est l'aspect

 16   politique de la question. Et bien que ce Tribunal ne poursuive pas en vertu

 17   de la responsabilité d'avoir fait éclaté la guerre, les charges retenues

 18   contre moi m'imputent également des responsabilités par rapport à

 19   l'éclatement de la guerre.

 20   Donc, je dois m'occuper de cette période-là également. Je dois

 21   absolument défendre la normalité de la vie politique de l'époque, qui est

 22   remise en cause par le Procureur de ce Tribunal, car la normalité de cette

 23   vie politique est présentée sans cesse par le Procureur comme une faute,

 24   comme une erreur de notre part de l'avoir mené, cette vie politique

 25   normale. Donc, vous voyez le nombre très complexe de questions que nous

 26   avons résolues en 1990 et 1991, la guerre ayant éclaté le 24, 25 mars 1992,

 27   je vous le rappelle.

 28   Donc, Votre Excellence, il y a là une passerelle très mince que le

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  1   Procureur utilise pour essayer de m'impliquer dans l'éclatement d'une

  2   guerre civile. Si nous avions vraiment voulu expulser les Musulmans des

  3   territoires où nous exercions certains droits, et c'est bien ce que dit le

  4   Procureur --

  5   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La réponse à ma question était

  6   beaucoup plus simple que cela, et je crois que c'était non.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, en effet, il faut absolument que je puisse

  8   prendre connaissance de l'ensemble des documents, de façon à mettre en

  9   place un système. Nous faisons le plus vite possible pour mettre en place

 10   ce système, mais nous sommes confrontés à des montagnes de documents qui,

 11   pour l'instant, ne sont organisés selon aucun système.

 12   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dès lors l'intention, Monsieur

 14   Karadzic, de ne pas du tout assister au procès, même si on décidait de

 15   suivre la première option proposée par l'Accusation ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, Vos Excellences,

 17   pour pénétrer à fond dans la procédure, je dois avoir ce droit fondamental

 18   qui est le mien, ce droit de la défense fondamentale, à savoir la

 19   préparation du procès. Comment pourrais-je participer utilement à un procès

 20   qui, depuis le début, aurait mal commencé et donc ne pourra pas se terminer

 21   convenablement ? Car quelque chose qui commence mal ne peut se terminer

 22   convenablement, malgré la confiance que j'accorde à la Chambre de première

 23   instance. S'il n'y a pas préparation convenable, il ne peut pas y avoir

 24   procès convenable. Je continue pour ma part à travailler à ma préparation.

 25   Quelle que soit la décision de la Chambre de première instance, moi-même et

 26   mes collaborateurs allons continuer à préparer notre défense, et cette

 27   préparation sera, je vous l'assure, réalisée dans des délais beaucoup plus

 28   courts que ceux qui pourraient être nécessités par qui que ce soit d'autre,

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  1   ça je vous l'assure.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va délibérer.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les parties souhaitent-elles soulever

  5   telle ou telle question ?

  6   Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Une seule chose, Monsieur le Président, Madame

  8   et Messieurs les Juges. A moins qu'il était occupé à répéter ce qu'il avait

  9   déjà déclaré, il a fait une première fois puis une deuxième fois

 10   aujourd'hui, il nous a soumis des éléments qu'il a soumis à la Chambre de

 11   première instance et à la Chambre d'appel, et le fait que l'Accusation

 12   n'accepte pas l'invitation qui a été faite de revenir sur les décisions

 13   prises par la Chambre de première instance et par la Chambre d'appel, tout

 14   ceci ne doit pas être compris comme étant une acceptation par l'Accusation

 15   de ce qui a été affirmé, à savoir que la communication serait faite de

 16   façon chaotique, ce qui était en fait la vérité. Si ce n'est pas ce qu'a

 17   dit l'accusé, l'essentiel ici c'est le fait que des arguments étaient

 18   présentés, des décisions étaient prises par la Chambre de première

 19   instance, par la Chambre d'appel, et nous en sommes au point qui nous a

 20   emmenés ici même aujourd'hui, où la Chambre de première instance a tenté

 21   d'obtenir de véritables réponses des deux parties.

 22   Nous avons essayé d'aborder en rapport à vos questions plutôt que de

 23   revenir sur ces questions et autres sujets soulevés par l'accusé.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   La Chambre de première instance va procéder à un examen approfondi et

 26   minutieux de la situation après avoir entendu tous vos arguments. Sa

 27   décision sera rendue par écrit dans le courant de la semaine. Nous annulons

 28   dès lors l'audience qui était prévue demain, et nous reportons le procès en

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  1   attente de la décision de la Chambre de première instance, qui déterminera

  2   la date de reprise des débats et les modalités du déroulement du procès.

  3   L'audience est levée.

  4   --- L'audience est levée à 15 heures 31.

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