Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 15 février 2010

  2   [Audience de Règle 54 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 36.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Je vais demander au Greffier d'audience de citer l'affaire inscrite

  8   au rôle.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Mme et MM. les Juges.

 10   Affaire IT-95-5/18-T, le Procureur contre Radovan Karadzic.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame.

 12   Vos Excellences, Madame et Messieurs, nous sommes ici afin de discuter de

 13   plusieurs requêtes concernant des ordonnances déposées par l'accusé. Il en

 14   reste sept. Elles concernent la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la France,

 15   l'Allemagne, l'Iran, l'Italie et les Pays-Bas. L'accusé et les Etats en

 16   question ont déposé des écritures concernant ces requêtes. A la suite d'une

 17   Conférence de mise en état qui s'est tenue le 28 janvier, la Chambre de

 18   première instance a jugé opportun d'attendre les représentants de ces Etats

 19   et l'accusé au cours de l'audience que nous tenons aujourd'hui. Les

 20   représentants des sept Etats concernés ont été invités à assister à

 21   l'audience; cependant, à la suite de nouvelles écritures déposées par

 22   l'accusé, il a été décidé qu'il n'était pas nécessaire que les

 23   représentants de l'Italie soient présents à l'audience. De même, le 10

 24   février, les Pays-Bas ont informés la Chambre que, s'agissant des deux

 25   documents qu'il s'agissait encore de fournir à l'accusé, il y en aurait un

 26   qui serait fourni avant la tenue de la présente audience, et que les Pays-

 27   Bas prenaient des dispositions en urgence pour régler la deuxième question.

 28   Du coup, les représentants des Pays-Bas n'ont pas à participer à l'audience

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  1   d'aujourd'hui.

  2   En fin, le 13 février, vendredi dernier, la Bosnie-Herzégovine a informé la

  3   Chambre de première instance qu'en raison, je cite, "D'obstacles d'ordre

  4   technique," elle n'a pas été en mesure d'organiser l'envoie de ces

  5   représentants à l'audience prévue aujourd'hui. La Chambre souhaite exprimer

  6   sa déception devant cette décision, elle tient à rappeler que des

  7   audiences, qui se tiennent en application de l'article 54 bis, se tiennent

  8   dans l'intérêt des Etats plutôt que dans l'intérêt des parties au procès.

  9   En effet, cette audience permet que les Etats soient entendus avant que la

 10   Chambre ne décide de la question de savoir s'il doit y avoir productions

 11   forcées par cet Etat à une des parties au procès. Etant donné que la Bosnie

 12   n'a pas saisi l'occasion qui lui était offerte, la Chambre va examiner la

 13   requête déposée par l'accusé en ce qui concerne la Bosnie sans avoir

 14   entendu cette dernière. Aujourd'hui, nous avons la présence de l'accusé, du

 15   ministère public du bureau du Procureur, et des représentants de la

 16   Croatie, de la France, de l'Allemagne et de l'Iran. Je tiens à remercier

 17   les représentants de ces pays au nom de tous les Juges de la Chambre je les

 18   remercie d'assister à l'audience et d'y participer.

 19   J'aimerais d'abord vous présenter les membres de la Chambre de première

 20   instance. Moi, je suis le Juge O-Gon Kwon de la Corée du sud. A ma droite

 21   se trouve le Juge Howard Morrison du Royaume-Uni; à ma gauche, vous avez le

 22   Juge Melville Baird de Trinidad et Tobago; et à ma droite, Mme le Juge

 23   Lattanzi qui est Juge de réserve.

 24   Je vais maintenant demander à chaque représentant de se présenter avant que

 25   soit consigné au dossier de l'audience leur identité et aussi le pays qu'il

 26   représente ici. Je vais suivre l'ordre alphabétique.

 27   Commençons par la Croatie, si vous voulez bien.

 28   M. PARO : [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- que vous branchiez votre micro,

  2   Monsieur, s'il vous plaît. Monsieur l'Ambassadeur, on me dit que c'est la

  3   toute première fois dans l'histoire du Tribunal que nous avons cinq langues

  4   qui sont interprétées simultanément; nous allons donc vous demander de ne

  5   pas oublier de ménager une pause.

  6   M. PARO : [interprétation] Merci. Je m'appelle Josip Paro, je suis

  7   Ambassadeur de Croatie.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur l'Ambassadeur.

  9   Pour la France.

 10   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président. Jean-Luc Florent, directeur

 11   adjoint des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

 12   Mme DE MATHA : Merci, Monsieur le Président. Ginette de Matha, chargée de

 13   mission auprès du directeur des affaires juridiques au ministère des

 14   Affaires étrangères.

 15   Mme RENAULT : Merci, Monsieur le Président. Céline Renault, chargée de

 16   mission auprès du ministère de la Défense français direction des affaires

 17   juridiques.

 18   M. VILLEMAIN : Merci, Monsieur le Président. Jacques Villemain, conseiller

 19   juridique de l'Ambassade de France à La Haye.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Pour l'Allemagne, ce sera.

 22   M. LAUFER : [interprétation] Thomas Laufer, Ambassadeur de la République

 23   fédérale d'Allemagne au Pays-Bas.

 24   M. TRAUTMAN : [interprétation] Sebastian Trautman. Je viens du ministère de

 25   la Justice de Berlin.

 26   Mme ACHILLES : Merci, Monsieur le Président. Je m'appelle Susanne Achilles.

 27   Je suis deuxième secrétaire de l'Ambassade allemande au Pays-Bas.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

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  1   Pour l'Iran, ce sera.

  2   M. ESFAHANINEJAD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mahmoud

  3   Esfahaninejad, je suis délégué des affaires juridiques en l'ambassade.

  4   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Ali Mokhberolsafa, et je représentant

  5   la République islamique d'Iran ici, conseiller juridique.

  6   M. SABERI ANSARI : [interprétation] Je suis conseiller juridique de

  7   l'ambassade d'Iran à La Haye, et je m'appelle Saberi Ansari, Behzad.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois que vous êtes de nouveau seul,

  9   Monsieur Karadzic, si j'ai bien compris aucun de vos conseilleurs

 10   juridiques ne va être présent avec aujourd'hui.

 11   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Auriez-vous l'obligeance de recommencer

 13   maintenant que votre micro est branché ?

 14   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous recevons

 16   l'interprétation ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cela fonctionne mieux maintenant ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Auriez-vous l'obligeance de répéter ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 20   Juges, Vos Excellences, je vous adresse mes salutations.

 21   Jusqu'à la fin de ce procès, la situation sera la même, s'agissant de mes

 22   collaborateurs. Je ne dispose actuellement que de deux collaborateurs dont

 23   l'un se trouve à La Haye, et leur présence n'est pas indispensable à mes

 24   yeux pour cette partie de notre travail.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 26   Je vais demander à l'Accusation de présenter les personnes qui la

 27   représentent.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

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  1   Messieurs les Juges. Alan Tieger et Mme Uertz-Retzlaff au nom de

  2   l'Accusation.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

  4   Avant de commencer l'examen des requêtes, il y a quelques questions de

  5   procédure à régler.

  6   Vous le savez, comme l'a indiqué l'ordonnance portant calendrier délivrée

  7   le 11 février vendredi dernier, chacune des requêtes des personnes accusées

  8   va faire l'objet d'un examen distinct et seuls les représentants de l'Etat

  9   concerné seront présents dans ce prétoire en présence, bien entendu, de

 10   l'accusé et du bureau du Procureur. Ceci signifie qu'à la suite de mon

 11   propos liminaire, je vais demander aux représentants de quitter cette salle

 12   d'audience, à l'exception des représentants de l'Allemagne, qui seront les

 13   premiers à être entendus. Une fois cette discussion terminée - nous parlons

 14   ici des requêtes concernant l'Allemagne - les représentants de cet Etat

 15   quitteront le prétoire et c'est alors que les représentants de la France

 16   pourront entrer et nous aborderont chacune des questions la concernant.

 17   Pendant la présentation de ces arguments, les représentants de l'Etat qui

 18   est ou des Etats qui ne sont pas dans le prétoire peuvent s'installer dans

 19   la galerie du public et suivre les débats. De cette façon, ils verront et

 20   entendront tout ce qui se dit, à moins qu'on ne passe à huis clos partiel

 21   pour aborder des questions confidentielles. A ce moment-là, le son ne sera

 22   pas entendu en dehors du prétoire.

 23   On m'a dit aussi qu'il y avait deux pièces réservées aux témoins à

 24   l'arrière de la salle d'audience, pièces dans lesquelles les représentants

 25   de l'Etat qui va succéder à ceux qu'on entend pour le moment seront, s'ils

 26   le souhaitent, bien sûr.

 27   Point suivant. Toute requête éventuelle demandant un huis clos partiel ou

 28   complet. Etant donné que la plupart des écritures déposées sont publiques

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  1   et qu'aucun d'un Etat n'a évoqué des questions de confidentialité dans la

  2   correspondance, nous avons décidé d'avoir des débats publics tant qu'une

  3   question particulière n'exige pas le passage à huis clos partiel. Ce sont

  4   les représentants concernés qui doivent demander à la Chambre,

  5   éventuellement, de passer à huis clos partiel, demande qui sera examinée

  6   par la Chambre et qui décidera de son opportunité.

  7   Si la Chambre décide de passer à huis clos partiel ou à huis clos complet,

  8   ceux qui suivent les débats dans la galerie du public n'entendront pas ce

  9   qui se dit dans le prétoire et l'audience ne sera pas diffusée à

 10   l'extérieur de ce prétoire. De plus, des parties du compte rendu d'audience

 11   qui concernent les moments qui se tiennent à huis clos partiel ne seront

 12   pas communiquées au public. Effectivement, seuls les parties et l'Etat

 13   concerné recevront une copie du compte rendu d'audience, en tout cas, pour

 14   ce qui se dit à huis clos partiel.

 15   Je relève aussi que, le 10 février 2010, l'Allemagne a déposé une

 16   signification d'objection et elle rappelait qu'à son avis, cette requête

 17   faite par l'accusé ne devrait pas se voir donner droit car l'accusé n'a pas

 18   réuni les conditions imposées par l'article 54 bis. Je le dis en présence

 19   de tous les représentants des Etats en guise de préliminaire pour vous

 20   expliquer comment s'applique la procédure visée à l'article 54 bis;

 21   cependant, si la Chambre décidait de faire droit à cette requête,

 22   l'Allemagne demande un délai raisonnable, lui permettant de voir s'il y a

 23   des documents qui sont des secrets défenses ou qui posent des problèmes

 24   pour la sécurité du pays. Dès lors que ces documents seraient identifiés,

 25   l'Allemagne demanderait plusieurs mesures de protection, en application de

 26   l'article 54 bis (F). Etant donné qu'il s'agit de mesures qui ne

 27   s'appliqueraient que si la Chambre faisait droit à la requête, la Chambre

 28   n'estime pas nécessaire de passer à huis clos partiel pour les besoins de

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  1   l'audience d'aujourd'hui. L'essentiel de cette discussion concernera les

  2   conditions posées par l'article 54 bis. Ce ne sera pas l'examen détaillé de

  3   documents spécifiques. Mais je le répète, si les représentants d'un Etat

  4   donné estiment qu'il faut aborder un sujet particulier à huis clos partiel,

  5   ces représentants doivent le dire à la Chambre.

  6   Je ne sais pas si les représentants ici présents ont déjà des questions

  7   portant sur la procédure ou si vous en avez, posez-les maintenant.

  8   En l'absence de questions, il y a une autre question à aborder. Vous le

  9   savez, la Chambre a invité l'Accusation à cette audience. Si l'accusé ou un

 10   autre représentant souhaite évoquer un sujet particulier ou un document ex

 11   parte; sinon, l'Accusation sera présente pendant toute la durée de

 12   l'audience et pourra en examiner le compte rendu. J'aimerais savoir s'il y

 13   a des objections à la présence de l'Accusation de la part de représentants

 14   des Etats ou de l'accusé. Apparemment, pas.

 15   Enfin, avant de commencer l'examen de ces questions, je vous rappelle que

 16   nous sommes censés siéger ce matin seulement, et nous entendrons tous les

 17   représentants des Etats présents et nous entendrons l'accusé. Je vous

 18   exhorte à vous concentrer sur les principaux points de litige, plutôt que

 19   de reprendre des arguments déjà présentés par écrit, dans vos écritures ou

 20   correspondances. Vous devez présenter vos arguments à la Chambre et les

 21   parties auront, bien sûr, le loisir de répondre en tant que de besoin. Bien

 22   entendu, étant donné que la Bosnie a décidé de ne pas envoyer de

 23   représentant, nous avons une marge de manœuvre supérieure par rapport au

 24   calendrier défini le 11 février. Nous pouvons avoir davantage de temps que

 25   nous donnerons aux participants s'ils en ont besoin.

 26   Je rappelle aussi que nous avons décidé de commencer par l'Allemagne, car

 27   dans les questions évoquées dans cette requête sont tout à fait différentes

 28   des autres requêtes. Puis nous entendrons la France. Nous ferons ensuite

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  1   une pause après laquelle la Croatie et l'Iran seront entendus. Pendant

  2   chaque volet d'audience, nous demanderons à l'accusé de présenter ses

  3   arguments, surtout sur la question de savoir si le dossier a progressé

  4   depuis la dernière Conférence de mise en état. Par la suite, nous donnerons

  5   la parole aux représentants de l'Etat, qui pourra ainsi présenter ses

  6   arguments. L'accusé aura l'occasion de répondre. La Chambre pourra

  7   éventuellement poser des questions, elle aussi.

  8   Nous ferons une pause de dix minutes maintenant, de façon à permettre aux

  9   représentants et des pays autres que ceux de l'Allemagne de quitter le

 10   prétoire. Mais je ne sais pas si vous avez des questions à poser auparavant

 11   sur la procédure. Si vous en avez, posez-les maintenant, s'il vous plaît.

 12   Vous n'en avez pas. L'Allemagne pourra parler dans sa propre langue. Nous

 13   avons des interprètes qui travaillent à partir de l'allemand.

 14   Mais nous allons maintenant faire une pause de dix minutes.

 15   --- L'audience est suspendue à 9 heures 55.

 16   --- L'audience est reprise à 10 heures 06.

 17   LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

 18    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous souhaite une fois de plus, bien

 19   le bonjour, Monsieur l'Ambassadeur Laufer.

 20   La Chambre note que les questions, qui découlent de la requête déposée par

 21   l'accusé en ce qui concerne l'Allemagne, sont quelque peu différentes de ce

 22   dont nous allons débattre avec les autres pays. Pourquoi ? C'est parce que

 23   l'Allemagne dit qu'elle n'a pas à fournir à l'accusé des documents qu'il

 24   demande dans sa requête. Car selon elle, elle relève pour ce qui des

 25   catégories 1 à 7, au motif que ces documents ne sont pas pertinents ni

 26   nécessaires pour les besoins de l'accusé au cours du procès qui lui est

 27   intenté, alors que c'est là une des conditions posées par l'article 54 bis.

 28   Dans sa réponse du 28 septembre 2009, l'accusé s'appuyant sur une décision

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  1   de la Chambre d'appel qui disait qu'un Etat ne peut pas contester la

  2   compétence ou la pertinence du document requis. La Chambre estime,

  3   cependant, que cette décision de la Chambre d'appel est interprétée de la

  4   façon suivante : c'est la Chambre de première instance qui en dernière

  5   instance va décider de la pertinence et du caractère nécessaire d'un

  6   document demandé par l'accusé, et une fois que la Chambre a décidé qu'un

  7   tel document est pertinent et nécessaire, un Etat ne saurait contester ces

  8   qualités du document. Par conséquent la Chambre pense qu'il est utile

  9   d'entendre les Etats sur les questions de pertinence et de nécessité ou du

 10   caractère nécessaire, avant de se prononcer sur ces questions. C'est la

 11   raison pour laquelle la Chambre a ordonné à l'Accusation de déposer des

 12   arguments écrits sur la question de la pertinence.

 13   Ceci étant, Monsieur Karadzic, avez-vous des observations sur ce point ? Si

 14   vous n'êtes pas du même avis, veuillez nous dire pourquoi. Veuillez dire à

 15   la Chambre pourquoi elle n'a pas à entendre l'Allemagne sur la question du

 16   caractère nécessaire ou de la pertinence.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne m'oppose pas à ce que l'on entende les

 18   arguments présentés par les Etats qui n'ont pas fourni d'emblée les

 19   documents demandés. Toutefois, les arguments, que je développerais pour ma

 20   part, démontreront clairement que ces documents sont indispensables. Ce

 21   sont des documents qui sont indispensables à plus d'un titre, dans la

 22   présente affaire. Car ils serviront à démontrer non seulement ce qui s'est

 23   passé sur le terrain et avec qui la partie serbe a eu affaire, à quelle

 24   force armée elle était confrontée et à quelle force armée de grande

 25   dimension elle était confrontée. Mais ces documents démontreront également

 26   que les Etats membres des Nations Unies ont enfin, les embargos décrétés

 27   par les Nations Unies, et que ceci constitue de la part des Etats membres

 28   des Nations Unies une preuve de partialité assez significative. Par

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  1   conséquent ils démontreront que la partialité, la neutralité nécessaires

  2   n'ont pas été respectées et que les Etats membres des Nations Unies

  3   concernés n'étaient aucunement une partie neutre, mais étaient bien du côté

  4   de l'une ou l'autre des parties belligérantes.

  5   Je souhaite que nous entendions Son Excellence, M. l'Ambassadeur, et je

  6   remercie, M. l'Ambassadeur ainsi qu'à ses collaborateurs d'être présents

  7   ici aujourd'hui. Pour ma part, je suis prêt à présenter les arguments

  8   relatifs à la pertinence et à l'aspect indispensable de tous les documents

  9   demandés par la Défense. Je suis également prêt à confirmer que nous avons

 10   tout fait pour les Juges de la Chambre n'aient pas ce travail

 11   supplémentaire à accomplir, mais nous estimons que l'audience d'aujourd'hui

 12   a une importance très grande pour faire éclater la vérité au sujet de ce

 13   qui s'est passé pendant toute la guerre ainsi que la vérité sur le

 14   comportement de certains Etats concernés. Bien entendu, il n'est pas

 15   question de penser à une quelconque possibilité de faire éclater la vérité

 16   en l'absence des documents demandés.

 17   Je suis prêt, eu égard à chacune des requêtes prises séparément d'en

 18   démontrer le caractère indispensable et essentiel.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Monsieur l'Ambassadeur, vous avez la parole.

 21   LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE L'ALLEMAGNE

 22   M. LAUFER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

 23   Juges, effectivement, dans la lettre du 25 septembre 2009, et du 10 février

 24   2010, à deux reprises dès lors, nous avons demandé à la Chambre de rejeter

 25   la requête de l'accusé, car à notre avis, que ces requêtes ne remplissent

 26   pas les conditions posées par l'article 54 bis. Par conséquent, on accuse

 27   M. Karadzic notamment de génocide, entre autres, infraction et crime, et

 28   nous ne comprenons pas pourquoi nous devrions, dans ce cadre, fournir ces

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  1   documents. Nous maintenons ce que nous avons dit et nous demandons à la

  2   Chambre de limiter la procédure aux événements survenus pendant la guerre;

  3   sinon, ça va devenir une espèce de forum politique ici, ce n'est plus un

  4   Tribunal parce qu'on ne devrait pas revenir aux éléments politiques qui se

  5   sont déroulés entre 1991 et 1995.

  6   Voilà, par conséquent, nous avons procédé à toutes les vérifications

  7   nécessaires, nous avons vraiment essayé de voir s'il y avait des documents

  8   concernés par la demande de l'accusé, mais surtout quand on voit ces

  9   catégories 1 à 7, nous ne pensons pas qu'il existe de tels documents. Bien

 10   sûr, il y a eu des conférences, des réunions concernant des documents mais

 11   ce sont des documents qui concernent la sécurité nationale, le secret

 12   défense ou la protection d'états tiers. Il ne nous est pas autorisé de

 13   communiquer de tels documents.

 14   La question se pose aussi du parlement allemand, qui est un organe

 15   démocratique de la République fédérale d'Allemagne. C'est un organe, une

 16   institution autonome, indépendante. Vous avez reçu une lettre de M.

 17   Altmaier, lettre dans laquelle il fournit des explications à ce propos. Il

 18   y a une commission du contrôle parlementaire qui va se réunir dans six ou

 19   huit semaines, et qui va aborder une fois de plus cette question. A ce

 20   moment-là, nous aurons peut-être davantage d'informations de la part de

 21   cette commission.

 22   Si la Chambre devait faire droit à la requête de l'accusé pour ce qui est

 23   des catégories 1 à 7, nous l'avons déjà dit, dans notre lettre du 10

 24   février, il nous faut un délai supplémentaire pour examiner la question et

 25   pour savoir s'il y a des documents que le gouvernement fédéral aurait le

 26   droit de fournir, documents qui seraient pertinents, et dès lors devraient

 27   être communiqués. Pour le moment, d'après l'examen que nous avons effectué

 28   jusqu'à présent, aucun document n'est concerné. En ce qui concerne

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  1   l'article 54 bis du Règlement de procédure et de preuve, je pense qu'il

  2   faut le répéter, mais soyons clairs, pour veiller à une procédure efficace

  3   - et je crois que c'est dans l'intérêt aussi du bureau du Procureur - il

  4   faut que la communication se limite à des documents factuels, car ici, nous

  5   ne parlons pas de la situation politique qui régnait à l'époque en Bosnie-

  6   Herzégovine.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

  8   Monsieur Karadzic, souhaitez-vous répondre ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   Je suis en désaccord complet avec ce que vient de dire son Excellence, M.

 11   l'Ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne. En Bosnie-Herzégovine,

 12   les événements qui sont survenus à l'époque ne sont pas survenus dans le

 13   vide. Ils ont été le résultat de circonstances particulières. Toutes les

 14   parties concernées ont eu un effet sur ces événements. Nous avions là-bas

 15   les Croates, les Musulmans et la communauté internationale. Nous étions

 16   donc quatre partis concernés. Dans le cadre de la communauté

 17   internationale, il y avait un certain nombre d'Etats bien déterminés qui

 18   ont envoyé sur place leurs forces et leurs représentants qui travaillaient

 19   pour eux-mêmes, pour leur gouvernement, car pour ce qui nous concerne, nous

 20   n'avons donné l'autorisation à aucun Etat de travailler sur place dans son

 21   propre intérêt. Nous avions également sur place les Etats membres de l'OTAN

 22   et une partie du personnel de ces Etats de l'OTAN travaillait pour l'OTAN,

 23   et donc pour leur intérêt propre.

 24   Eu égard au génocide, en général, même si actuellement, la notion de

 25   génocide semble avoir été élargie, il est en général question de génocide

 26   en rapport avec Srebrenica. Des armes parties d'Allemagne ont été

 27   introduites illégalement en Bosnie-Herzégovine et ce fait ne peut pas ne

 28   pas avoir de signification. Des témoins représentants d'un certain nombre

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  1   de pays vont venir ici, pays membres des Nations Unies, pour témoigner et

  2   dire qu'ils ont enfreint l'embargo imposé par les Nations Unies sur la

  3   vente d'armes en Bosnie-Herzégovine.

  4   Je suis prêt, s'agissant de tous ces témoins, à faire connaître ma

  5   position. Je ne vais pas prononcer le nom de ce monsieur qui représentante

  6   le B and D [comme interprété], de façon à ce que nous ne passions pas à

  7   huis clos partiel, mais ce que ce monsieur a fait au sein de la Mission des

  8   observateurs militaires internationaux, est significatif. Or, il était bel

  9   et bien membre des services secrets allemands, le B and D. Ceci ne peut pas

 10   passer inaperçu. Nous ne pouvons nous contenter de nous occuper de savoir

 11   si là-bas, quelqu'un a tué quelqu'un d'autre. C'était une guerre et bien

 12   sûr, il y avait des gens qui tuaient d'autres personnes. Mais l'Allemagne a

 13   entendu parler de ce qui se passait bien avant le début de la guerre. Elle

 14   a même entendu dire qu'il y avait 300 à 400 000 victimes à l'issue de cette

 15   guerre. Est-ce que nous devons nous satisfaire du fait que le nombre de

 16   victimes est trois fois moins important ? Je pense que oui. Mais il est

 17   absolument impossible de se faire une idée complète de la situation, il est

 18   absolument impossible de mener à bien un procès équitable qui aboutira à un

 19   jugement équitable en l'absence des éléments qui figurent dans ces

 20   documents. L'Allemagne est un pays qui a joué un rôle particulièrement

 21   important et en conséquence, je ne vais pas ici détailler aujourd'hui ce

 22   que des fonctionnaires allemands ont fait déjà à l'époque de Tito. Déjà, à

 23   l'époque de Tito, les pays dont je parle avaient déjà prévu ce qui allait

 24   se passer en Yougoslavie et en particulier en Bosnie-Herzégovine. Mais en

 25   sus de cela, certains pays étrangers ont activement œuvré à l'écroulement

 26   de la Yougoslavie et aux événements dont nous parlons ici. Enfin, ce n'est

 27   pas le cœur du débat. Je reviens sur ce qui est le plus important, à savoir

 28   le fait que ces documents sont absolument d'une importance capitale. Sept

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  1   ou huit requêtes ont été envoyées par moi et si l'ensemble des documents

  2   demandés n'est pas fourni, cela ne sera pas juste. Monsieur le Président,

  3   si vous m'en donnez la possibilité, je peux expliquer à M. l'Ambassadeur

  4   d'Allemagne pourquoi ces documents ont une telle importance.

  5   En effet, nous ne nous contentions pas de nous battre contre des

  6   représentants du monde entier qui avaient en particulier des fantassins

  7   dans les armées musulmanes. Non seulement un grand nombre de résolutions

  8   des Nations Unies ont été violées, notamment celle sur l'embargo --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, sérions

 10   [imperceptible] les problèmes. Commençons par ce point 8, la catégorie 8,

 11   dont vous venez de parler précisément. L'Allemagne a fait valoir qu'elle

 12   n'était parvenue à trouver aucun document concernant cette huitième

 13   catégorie. Avez-vous quelque chose à dire à ce propos-là ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si nous parlons bien de la même chose, il

 15   s'agit des transcriptions de déclarations et d'écoutes téléphoniques

 16   relatives à des conversations téléphoniques auxquelles j'ai participé.

 17   L'Allemagne est en possession de nombreux documents de cette nature, dont

 18   certains ont un rapport avec Srebrenica et avec mon activité. L'Allemagne

 19   disposait de représentants des services du Renseignement qui lui a permis

 20   d'être très bien renseignée. Moi, j'ai trouvé un document de ces services

 21   de sécurité qui m'exculpe [phon]. Mais je m'intéresserais beaucoup à avoir

 22   le reste pour savoir ce qu'il en est des autres documents. Il importe de

 23   partir du principe que l'Allemagne est en possession de ces documents, car

 24   l'Allemagne avait une présente importante sur place, aussi bien par le

 25   biais de la FORPRONU que par d'autres moyens. L'existence de ces deux

 26   autres moyens, nous allons la démontrer, ici.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des documents concrets

 28   appuyant cette allégation que vous faite, selon laquelle l'Allemagne a

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  1   davantage de documents relevant de cette catégorie ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eu égard à ce point particulier, le point 8,

  3   non. Mais ce serait absolument incroyable que l'Allemagne, qui a été l'un

  4   des acteurs les plus importants des événements survenus dans les Balkans ne

  5   soit en possession de rien dans cette catégorie. Mais pour les autres

  6   catégories, bien sûr, j'ai de quoi dire.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour justifier la pertinence, vous dites

  8   notamment que ces documents sont pertinents au regard du chef 11, la prise

  9   d'otages. Qu'avez-vous à dire pour appuyer cette information disant que les

 10   personnels des Nations Unies étaient des combattants ? Ou donc, en quoi

 11   est-ce pertinent par rapport aux charges retenues contre vous au chef 11 de

 12   l'acte d'accusation ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, la Défense s'apprête ici à

 14   remettre en cause le fait que les représentants des forces internationales

 15   dont le commandant commandait les forces présentes sur place, et les

 16   bombardements. La Défense va donc contester le fait que ces hommes auraient

 17   pu être considérés comme des otages. La Défense va également contester

 18   l'intervention de ces forces considérées comme des civils. Je parle en

 19   particulier des pompiers et d'hommes de ce genre, qui se trouvaient sur le

 20   terrain. Nous démontrerons leur présence mais ce que je tiens à dire, c'est

 21   que s'agissant de la prise d'otages qui fait l'objet du chef d'accusation

 22   numéro 11, elle a eu lieu à un moment de panique.

 23   La communauté internationale avait des représentants qui portaient

 24   l'uniforme. Ils étaient sur place et ils étaient actifs. La population a

 25   considéré qu'il s'agissait de combattants appartenant à une des parties

 26   belligérantes et c'était bien le cas, nous le démontrerons d'ailleurs. Donc

 27   la perception, c'est quelque chose de très important, bien sûr, mais elle

 28   est d'autant plus importante qu'elle se fonde sur quelque chose. Si cette

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  1   perception est fondée, dès lors que nous aurons démontré tout ce que l'une

  2   des parties belligérantes a fait contre l'autre partie belligérante, alors

  3   il ne peut pas y avoir d'objectivité. Il s'agit là d'une violation grave du

  4   principe de neutralité dans le contexte dont nous parlons.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le dernier commentaire que vous venez de

  6   formuler m'amène à la question de la crédibilité des témoins

  7   internationaux. Vous dites que ces documents sont pertinents, pour pouvoir

  8   voir si de tels témoins sont dignes de foi. Pensez-vous à des témoins

  9   internationaux précis ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je préférerais ne pas prononcer leur nom, il

 11   s'agit de deux ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique qui ont soutenu la

 12   violation de l'embargo sur les armes en Bosnie-Herzégovine, et ils étaient

 13   en contact avec l'état croate, et par le biais de l'Etat croate avec l'Etat

 14   iranien. Ce qui leur a permis de transférer des quantités énormes

 15   d'équipement militaire et d'armes à l'une des parties belligérantes, je

 16   veux parler de la partie musulmane. Donc comment est-ce que ces hommes

 17   pourraient être considérés comme neutres et objectifs alors qu'ils

 18   n'étaient pas sur place ?

 19   L'un de ces ambassadeurs va venir ici nous dire ce qu'il a l'impression que

 20   quelqu'un lui a dit. Il sera davantage question ici, Monsieur le Président,

 21   de la culpabilité des Serbes sur la base de mot plutôt que, sur la base

 22   d'acte, aucun acte uniquement des mots. Voyez-vous, il est impossible pour

 23   l'ambassadeur d'un pays, qui a été mêlé à des violations de l'embargo sur

 24   les armes, un pays qui a été mêlé et intéressé à la prolongation de la

 25   guerre, et à l'intensification de cette guerre, il est impossible à un

 26   représentant de ce genre de se montrer objectif et neutre lorsqu'il

 27   s'exprimera ici, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons nous en tenir là sur ce

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  1   point.

  2   Enfin, j'aimerais évoquer la question de Srebrenica. Oui, un instant, s'il

  3   vous plaît. Oui, Monsieur l'Ambassadeur Laufer.

  4   M. LAUFER : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

  5   permettez, j'aimerais, cependant, intervenir pour prendre position après ce

  6   qu'a dit l'accusé, parce qu'elles sont si significatives et typiques les

  7   façons dont il évalue des documents, surtout pour ce qui est le chef

  8   d'accusation, et là, effectivement pour les catégories 8 et 11. Parce qu'il

  9   part du principe de l'idée selon laquelle il y a des personnes, que bien

 10   sûr, il ne peut pas donner, auraient des connaissances précises et personne

 11   ne peut le prouver; et utiliser ceci pour faire toute sorte de déclarations

 12   ou des recherches maintenant pour nous imposer, enfin, des recherches très

 13   coûteuses et approfondies dans nos services, ne nous semble pas approprier

 14   au regard de ce qui est affirmé.

 15   Pour ce qui est du point 11, il parle d'une enquête parlementaire qui

 16   devrait avoir pour objet d'examiner le comportement d'agents du service du

 17   Renseignements. Le Bundestag, le parlement a déjà dit qu'il n'existe aucun

 18   document à ce propos qu'il pourrait donner à l'accusé. Alors maintenant il

 19   affirme qu'il a des documents qui viendraient d'une discussion interne, qui

 20   aurait été couchée sur papier, tout ceci est vraiment très poreux pour

 21   ainsi dire, et s'il en a, ce sont des documents très confidentiels.

 22   Nous n'avons personnes vraiment vu son comportement, envie de répondre de

 23   façon approfondie à ces demandes. Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, soyons clair,

 25   vous parlez du numéro 11, vous parlez du paragraphe numéro 11 de la requête

 26   déposée par l'accusé. On ne parle pas de catégorie ou du point du document

 27   11.

 28   M. LAUFER : [interprétation] Je parlais du numéro 8. Un instant, s'il vous

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  1   plaît.

  2   Oui, effectivement il s'agit du point 7, mais je me suis trompé, j'ai parlé

  3   du point 11, parce que j'avais une autre mouture du document sous les yeux.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

  5   l'Ambassadeur.

  6   Examinons maintenant la question de Srebrenica.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelques mots ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soyez bref, s'il vous plaît.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je préférerais que l'on ne se limite pas au

 10   point 8 de ma requête, car les points 1 à 7 sont beaucoup plus importants,

 11   dirais-je. Le gouvernement autrichien nous a renvoyé sur l'Allemagne.

 12   L'Allemagne aurait inspecté les archives du TWRA, qui est une association

 13   caritative, et dans ce cas-là, elle a certainement dû découvrir des

 14   documents. Il est impossible qu'elle n'ait pas découvert de documents suite

 15   à cette recherche. Donc je demanderais, je vous prie, que l'on se penche

 16   également sur des points précédents de ma requête, pas seulement sur le

 17   point 8, car les points précédents sont particulièrement importants pour

 18   donner à l'accusé la possibilité de se défendre convenablement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que le gouvernement allemand

 20   est tout à fait au courant à la demande que vous avez faite.

 21   Maintenant revenons à Srebrenica. A cet égard, je me tourne vers le bureau

 22   du Procureur. J'ai quatre questions à lui poser, même si ceci a déjà été

 23   évoqué dans des écritures déposées par le bureau du Procureur. L'Accusation

 24   peut-elle répondre aux questions suivantes : est-ce qu'elle conteste les

 25   quatre faits suivants ? Premier fait, Srebrenica n'était pas démilitarisé;

 26   deuxième fait, les forces de l'ABiH dans l'enclave de Srebrenica ont lancé

 27   une attaque alors qu'elles se trouvaient à l'intérieur de l'enclave;

 28   troisième fait, il y a eu contrebande d'armées, introduction clandestine

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  1   d'armes dans l'enclave; et enfin quatrième fait, les forces de l'armée de

  2   Bosnie-Herzégovine se trouvant dans l'enclave de Srebrenica étaient des

  3   cibles militaires légitimes.

  4   Monsieur Tieger, s'il vous plaît.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. A ma

  6   connaissance, l'Accusation a déjà répondu à ces questions dans ses

  7   écritures précédentes. Elle évoquait le mémoire préalable au procès,

  8   éventuellement son propos liminaire aussi, les faits ayant été établis dans

  9   des procès précédents et elle a -- en tout cas, comme nous l'avons dit dans

 10   des écritures, elle n'affirme pas que l'enclave eut été démilitarisée, nous

 11   dit si l'Accusation ne conteste pas qu'il y avait des armes dans l'enclave

 12   qui avaient été introduites de façon clandestine après qu'on ait déclaré

 13   Srebrenica une enclave une zone de sécurité et effectivement que l'enclave

 14   n'était pas démilitarisée et il y a eu des attaques qui se sont poursuivies

 15   une fois que l'enclave a été déclarée zone de sécurité. Donc je ne pense

 16   pas que cette question soit d'un point de litige. Nous l'avons dit à

 17   maintes reprises, plus d'une fois.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je voulais faire toute la lumière

 19   sur le point 4. Vous le dites dans votre mémoire aux points 1 à 3, mais je

 20   ne me souviens pas -- je n'ai pas l'impression que vous avez déjà parlé du

 21   point 4, je le répète, est-ce que les forces de l'ABiH de l'enclave de

 22   Srebrenica était des cibles militaires légitimes.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne pense pas

 24   que nous eussions jamais dit que des forces militaires n'auraient pas été

 25   des cibles militaires légitimes, donc c'était bien implicitement.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 27   Vu ce qu'admet et ce que vient de répéter l'Accusation, pourriez-vous

 28   expliquer à la Chambre pourquoi il vous semble nécessaire de demander la

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  1   production de tous ces documents ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je respecte pleinement les positions qui

  3   viennent d'être prises sur ces quatre points par l'Accusation, en effet

  4   cela nous permettra éventuellement de décider immédiatement aujourd'hui que

  5   les décisions prises par moi ou par l'armée Republika Srpska eu égard à des

  6   actions militaires visant Srebrenica étaient légitimes, et ce point ne

  7   devrait plus figurer dans l'acte d'accusation.

  8   Toutefois il est toujours présent dans l'acte d'accusation, alors il y a

  9   une autre question qui se pose d'où venaient ces armes, nous savons que ces

 10   armes venaient de Tuzla. Nous savons qu'à Tuzla, il n'y avait aucune usine

 11   d'armement donc ces armes ont bien dû arriver de quelque part jusqu'à

 12   Tuzla, et à partir de Tuzla, il importe que nous suivions le trajet de ces

 13   armes, afin de voir quelles sont les forces qui étaient opposées à nous,

 14   quelles sont exactement les forces qui nous ont poussé et contraints à nous

 15   battre aussi longtemps pour des questions sans intérêt qui auraient pu être

 16   réglées dès le mois de mars 1992 si chacun d'entre nous avait respecté

 17   l'accord de Lisbonne et le plan Cutileiro. Par conséquent, ce qu'il faut

 18   que nous fassions c'est de voir exactement ce qui s'est passé, et ce qui

 19   est un fait c'est que, dans l'acte d'accusation, figure toujours le fait

 20   que je suis responsable d'avoir lancé une action contre Srebrenica et Zepa,

 21   même s'il est tout à fait clair que nous ne prévoyions pas d'entre à

 22   Srebrenica. Ce que nous voulions c'était de renvoyer les membres de l'armée

 23   ennemie dans leurs villages. Il a été dit par l'Accusation, que des

 24   attaques avaient effectivement eu lieu, ces attaques ont été atroces, vous

 25   souvenez-vous verrez quelle a été la nature de ces actions. Les soldats du

 26   Bataillon néerlandais ont témoigné en disant que les hommes de l'ABiH

 27   revenaient avec des colliers d'oreille des combattants serbes autour du

 28   cou. On ne peut pas imaginer ce qui s'est passé là-bas et il est

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  1   particulièrement important de confirmer tous ces faits, la réalité de ces

  2   faits et d'examiner Srebrenica sous un angle juste.

  3   Par conséquent, tous ces documents ont une très grande importance il est

  4   également très important de se poser la question de savoir comment les

  5   représentants de tous les pays concernés aient visé pourraient être des

  6   témoins objectifs lors du présent procès.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, on peut -- c'est une

  8   chose de dire qu'il est peut-être légitime de faire la guerre, mais nous

  9   sommes face à une donnée tout à fait différente quand on s'interroge sur la

 10   façon de la mener cette guerre. J'aimerais vous rappeler que l'objet de ce

 11   procès qui vous est intenté c'est devoir si vous êtes déclaré en fin de

 12   procès coupable des chefs d'accusation retenus contre vous dans l'acte

 13   d'accusation. Donc vous n'êtes pas -- ce n'est pas une occasion qui vous

 14   est donnée de faire un livre blanc de tous les événements survenus au cours

 15   de cette période. Vous vous rappelez que vous avez à répondre de certaines

 16   accusations précises consignées dans les chefs d'accusation de l'acte

 17   d'accusation.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Votre Excellence. Je m'efforcerai de

 20   m'en tenir --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais dire que cette admission, que nous

 25   venons d'entendre sur les quatre points évoqués de la part de l'Accusation,

 26   quatre points qui concernent les enclaves, ces admissions concernent le

 27   comportement de l'armée de Bosnie, c'est-à-dire de l'armée musulmane. Ce

 28   sont des concessions utiles qui vont certainement réduire le fardeau qui

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  1   pèse sur la Défense eu égard à la démonstration d'un certain nombre de

  2   faits. Mais ce qui est un fait également c'est que les sources de ces armes

  3   qui arrivaient chez nous, on les trouve dans un grand nombre de pays qui

  4   apportent leur soutien à ce Tribunal et qui me considèrent responsable d'un

  5   grand nombre de choses, leurs représentants vont témoigner ici, en faveur

  6   de l'Accusation, à moins que je ne dois même les citer à la barre. Je

  7   considère que, s'agissant du comportement de l'ABiH, les choses qui

  8   viennent d'être admises par l'Accusation ont une très grande importance,

  9   toutefois s'agissant de comprendre le déroulement de notre guerre. Depuis

 10   l'approvisionnement en armes, jusqu'à la distribution, et le transport de

 11   ces armes en Bosnie-Herzégovine, ce qui, bien sûr, a entraîné la poursuite

 12   de la guerre, car il y a longtemps que la guerre aurait été terminée si une

 13   des parties belligérantes n'avait pas été en mesure de recevoir tout ce

 14   qu'elle voulait recevoir.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 16   J'aimerais adresser une brève question à l'Allemagne. Même si la pratique

 17   et les critères d'examen diffère selon le pays, le fait qu'un pays adopte

 18   tel ou tel dispositif ne signifie pas pour autant qu'il sera adopté par un

 19   autre pays. Mais pour garder une certaine cohérence, s'agissant de la

 20   sixième catégorie, Monsieur l'Ambassadeur, je ne vais pas la lire juste --

 21   pour parer à toute éventualité mais il semblerait que certains pays aient

 22   fourni des documents relevant de cette catégorie à l'accusé ou à la Chambre

 23   de première instance.

 24   Alors qu'est-ce qui préoccupe l'Allemagne ? Est-ce que c'est la sécurité du

 25   pays, le secret défense, ou est-ce que c'est votre droit national qui

 26   interdit ce type de coopération avec la Défense ?

 27   M. LAUFER : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons aucune

 28   raison de ne pas vous pouvoir coopérer avec une partie opposée, quelle

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  1   qu'elle soit. J'insiste sur ce point. De quoi s'agit-il ? Il faut

  2   effectivement dire que les requêtes sont vagues. L'accusé veut simplement

  3   tout recevoir. Il veut tout avoir qui concerne cette problématique. A ce

  4   moment-là, on peut voir les agences de presse, on peut leur demander tout

  5   ce qu'ils ont reçu en guise de dépêches ou d'articles. Il n'y a pas de

  6   mécanisme de sélection qui nous permettrait de faire un Tribunal rigoureux

  7   dans cette masse de documents, pour voir ceux qui sont nécessaires et qui

  8   auraient une certaine pertinence. Qu'est-ce que nous avons vu, jusqu'à

  9   présent ? Rien que ce qui prouve aux gouvernements et aux services

 10   gouvernementaux qu'il n'y a pas d'autre voie. Peut-être que les

 11   universités, les agences de presse, d'autres instituts ont ce genre

 12   d'informations, mais nous, pas.

 13   D'autre part, alors, même au cas où il y aurait des documents sur ce point,

 14   ils seraient vraiment du plus haut degré de sécurité de confidentialité, ce

 15   qui fait que nous ne sommes pas autorisés à les fournir. J'ai déjà présenté

 16   ces deux arguments et je pense qu'à notre avis, nous ne devons pas aller

 17   plus loin. Il faut nous en tenir là. Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 19   La Chambre va délibérer sur le siège.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est.

 22   Est-ce que vous avez d'autres questions à évoquer, Monsieur l'Ambassadeur ?

 23   Si tel est le cas, le moment est venu de le faire.

 24   M. LAUFER : [interprétation] Je vous propose, Monsieur le Président, de

 25   donner la parole à M. le Procureur Trautman pour évoquer un des points qui

 26   ont été abordés. Bien sûr, pour autant que vous lui en donniez la

 27   permission.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien entendu.

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  1   Monsieur Trautman, vous avez la parole.

  2   M. TRAUTMAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Permettez-moi de rappeler ceci, parce que les documents concernant

  4   notamment les événements de Srebrenica, et comme l'a dit le bureau du

  5   Procureur, il y a une question. La question qui se pose est de savoir s'il

  6   y avait des activités militaires à Srebrenica, et l'accusé en personne,

  7   dans sa requête au point 9, donne une explication dans laquelle il dit --

  8   il indique que des archives de Bosnie indiqueraient dans quelle mesure des

  9   mesures ont été amenées à Srebrenica. Ou pour le dire de façon plus

 10   précise, mais en fait, la requête ne dit rien sur ce propos. En effet,

 11   celle-ci ne fait que rappeler la question de savoir s'il y a des armes qui

 12   ont été amenées en Bosnie-Herzégovine avec l'aide d'effectifs allemands ou

 13   de l'OTAN. Mais en fait, la question, c'est de savoir quand même si des

 14   armes sont parvenues à Srebrenica, pour autant qu'il y en ait eu.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   Monsieur Karadzic, avez-vous d'autres éléments à soulever en ce qui

 17   concerne l'Allemagne ?

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Malheureusement, je me dois de vous faire part

 19   de ma déception.

 20   Prenons un exemple de cette étude du gouvernement néerlandais, pour

 21   commencer. Cette étude a confirmé que les membres de la FORPRONU venant de

 22   Turquie et de Malaisie ont introduit en contrebande pour 15 millions de

 23   dollars d'armes en passant par la TWRA --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le moment ne se prête pas à la

 25   répétition de ce que vous avez déjà dit. Je pense que le moment est venu

 26   d'inviter les représentants de la France --

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais puis-je dire un mot, Monsieur, Votre

 28   Excellence, une phrase plutôt ?

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  1   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je regrette de me voir contraint de dire ce que

  3   je vais dire. Mais je prierais son Excellence, M. l'Ambassadeur

  4   d'Allemagne, de ne pas perdre de vue que le secrétaire d'Etat Christopher,

  5   le président Clinton, Lord Carrington ainsi que les hauts fonctionnaires

  6   français ont reconnu l'Allemagne comme étant hautement responsable des

  7   événements survenus dans notre pays. Pourquoi dois-je le dire ? Je dois en

  8   arriver là pour montrer l'importance du rôle joué par l'Allemagne dans la

  9   crise que nous avons vécue. Je ne comprends pas pourquoi les documents qui

 10   pourraient être utiles ici et qui seraient utilisés sans nuire à personne

 11   ne sont pas fournis par l'Allemagne.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur

 13   Trautman, Madame, je vous remercie d'être venus dans ce Tribunal. Vous

 14   pouvez disposer. 

 15   M. TIEGER : [interprétation] Permettez-moi d'évoquer un élément pour

 16   répondre rapidement à certains des commentaires avant le départ des

 17   représentants de l'Allemagne. Si je le fais, c'est simplement pour réagir à

 18   un des points évoqués par M. l'Ambassadeur, qui montrait le hiatus entre la

 19   question soulevée par l'accusé et la question de l'introduction d'armes

 20   dans le pays, la question de savoir si ces armes sont parvenues jusqu'à

 21   Srebrenica. On pourrait faire un amalgame entre ce qui s'est passé à

 22   l'époque et avec ce dont l'accusé peut être accusé par la suite.

 23   Il a parlé de perceptions, de comment on a perçu certaines personnes,

 24   la question de la prise d'otages, la question de savoir comment on a perçu

 25   le fait qu'il y aurait eu des armes dans l'enclave de Srebrenica avant

 26   qu'une opération militaire soit lancée. Ces documents n'ont rien à voir,

 27   les documents demandés n'ont rien à avoir avec cette perception. Donc,

 28   c'est ce qui était connu à l'époque. Donc, la question, c'est la différence

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  1   qu'il y a entre les documents demandés et ce qui était connu. Alors il faut

  2   éviter de se trouver dans une situation où l'accusé dirait, Voilà, ah, si

  3   j'avais su, si j'avais su qu'il y avait à l'époque des documents demandés

  4   secrets, à ce moment-là, j'aurais pu avoir des raisons de lancer une

  5   opération militaire légitime, ou j'aurais pu avoir une meilleure idée du

  6   statut des personnes qui ont été prises en otage. Donc je ne voudrais pas

  7   que vous deveniez la proie d'une erreur en ce sens. Il faut faire cette

  8   distinction. Il y a la question de la perception et de ce qui était connu à

  9   l'époque, et non pas de ce que l'accusé va peut-être chercher à prouver

 10   plus tard, ultérieurement, en invoquant des documents qu'il n'avait pas,

 11   manifestement, à l'époque.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous remercie.

 13   Mais je voudrais une précision de la part de la régie. Est-ce que

 14   nous pourrons continuer l'audience pendant 50 minutes sans avoir de pause.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est

 16   faisable.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, soyez bref, s'il vous

 18   plaît.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais dire qu'à nos yeux, le fait que

 20   des armes et de nouveaux équipements arrivés à Srebrenica n'est aucunement

 21   un secret. C'est la raison pour laquelle il y a eu enfreinte des accords

 22   relatifs à l'enclave, car des armes arrivaient dans l'enclave. Par

 23   ailleurs, quatre documents communiqués par le gouvernement bosniaque

 24   confirment bien ce fait et concernent uniquement l'arrivée de ces armes

 25   dans l'enclave de Zepa et de Srebrenica. Ces documents ne concernent pas le

 26   trajet ultérieur des armes. Mais M. l'Ambassadeur a posé la question de

 27   savoir si ces armées étaient arrivées. Le gouvernement bosniaque a confirmé

 28   l'arrivée de ces armes et nous étions au courant tout le temps. Car c'est à

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  1   l'aide de ces armes que l'ennemi tuait nos hommes, et pour ce qui nous

  2   concerne, nous parvenions tout de même à détruire certaines de ces armes.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Ce sera tout pour l'Allemagne.

  4   Permettez-moi de vous remercier une fois de plus d'être venus.

  5   Maintenant, j'invite les représentants de la France à entrer dans le

  6   prétoire.

  7   FRANCE

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Messieurs les représentants de

  9   la France. Bonjour, Monsieur Florent, Monsieur Villemain.

 10   Monsieur Karadzic, dans votre mémorandum du 8 janvier de cette année, et

 11   lors de la dernière Conférence de mise en état, vous avez indiqué avoir

 12   reçu un document de la France, mais que vous pensiez que la France dispose

 13   de plus de documents qui devraient vous être remis également. Je comprends

 14   que vous êtes d'accord avec l'application des conditions de l'article 70,

 15   par rapport aux documents que vous avez reçus. Je souhaite entendre de

 16   vous, s'il y a eu des évolutions depuis.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Depuis ce jour-là, il ne s'est rien passé.

 18   Comme vous le savez, j'ai écrit le 2 juin, le 30 juin ainsi qu'au début du

 19   mois de janvier, 7 ou 8 janvier. J'ai écrit donc à la France. Je considère

 20   que la France est un acteur particulièrement important dans la crise que

 21   nous avons vécue. Elle avait des forces significatives qui étaient

 22   présentes sur place, notamment dans la région de Sarajevo, elle était

 23   présente à plus d'un titre. Feu M. le Président Mitterrand est même venu à

 24   l'aéroport de Sarajevo, ce pourquoi nous nous sommes reconnaissants, car il

 25   a montré qu'il était possible d'atterrir sur cet aéroport, de sorte que par

 26   la suite, 10 000 vols d'aide humanitaire ont atterri à Sarajevo, ce qui a

 27   permis d'améliorer considérablement la situation en Bosnie-Herzégovine.

 28   Des généraux, comme par exemple, le général de Lapresle et d'autres étaient

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  1   présents, c'étaient des généraux importants, qui connaissaient parfaitement

  2   tous les aspects de la situation. Je considère que s'il importe que je

  3   mette en exergue tel ou tel paragraphe, je peux le faire sans difficulté.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Je vais maintenant donner la parole aux représentants de la France.

  6   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président. A titre tout à fait

  7   liminaire, je souhaiterais rappeler que la France et son gouvernement ont

  8   toujours coopéré et continueront coopérer avec votre Tribunal à la création

  9   duquel notre pays a activement contribué en tant que membre du Conseil de

 10   sécurité. Donc qu'il soit bien clair d'emblée qu'en ce qui nous concerne,

 11   nous avons parfaitement confiance de cette obligation de coopération qui

 12   s'impose à nous en application du Statut du TPY et du Règlement de preuve

 13   et de procédure, mais également en ce qui concerne les règles de droit

 14   français qui sont applicables d'une manière générale en matière de

 15   communication de documents et qui ne peuvent pas selon nous, être

 16   complètement ignorées au cas présent.

 17   S'agissant des demandes nombreuses, insistantes voire exorbitantes de

 18   l'accusé adressées à la France, nous avons déjà fourni, me semble-t-il, un

 19   certain nombre de réponses. Je crois comprendre que ces réponses n'ont pas

 20   l'air de satisfaire l'accusé. Mais en ce qui nous concerne, nous n'avons

 21   pas grand-chose, Monsieur le Président, à ajouter par rapport à ce que nous

 22   avons déjà communiqué d'une manière ou d'une autre à l'accusé par

 23   l'intermédiaire du Tribunal.

 24   Comme vous le savez, parmi les demandes de l'accusé, on peut sérier trois

 25   catégories de documents. D'une part, des documents qui en raison de leur

 26   diversité, de leur amplitude et pour certains de leur caractère vague ont

 27   nécessité, nécessitent toujours des recherches documentaires pour s'assurer

 28   de l'existence éventuelle de tels documents. Relevaient de cette catégorie,

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  1   les demandes listées aux points, 1, 3, 4, 5 et 11, ainsi que le point 10

  2   tel que formulé dans la demande de l'accusé relayée par votre Chambre. Les

  3   autorités françaises avaient procédé à un examen de ces demandes, en

  4   faisant des recherches à cet effet, et elles ont aux termes de cet exercice

  5   trouvé un document concernant une réunion des ministres de la défense

  6   français, américains et allemands à Key West, les 4 et 5 mars 1995,

  7   documents qui ont été transmis à l'accusé par note verbale du 7 décembre

  8   2009, et pour lequel nous avions sollicité une protection au titre de

  9   l'article 70 du Règlement de preuve et de procédure.

 10   Donc en ce qui concerne cette catégorie de documents, nous n'avons rien

 11   d'autre à ce stade, et d'une manière générale, à apporter à l'accusé.

 12   Ensuite, il y avait un certain nombre de demandes qui selon nous, étaient

 13   adressées à tort à la France puisqu'il s'agissait de documents qui

 14   concernent des organisations internationales notamment la FORPRONU voire

 15   des états tiers, voire des ONG. Nous considérons que dès lors que ce sont

 16   des documents qui ne sont pas français et qui n'appartiennent pas à la

 17   France, puisque par définition ce sont des documents par exemple, des

 18   Nations Unies ou de tel ou tel état, il n'appartenait pas à la France

 19   évidemment de fournir de tel document dont elle n'a pas la possession. Il

 20   s'agissait des demandes listées aux points 2, 7, et 8 ainsi que du point 9

 21   de la demande présentée par l'accusé.

 22   Enfin, Monsieur le Président, il y a toute une série de demandes qui

 23   touchent directement à la description, l'emplacement des activités, les

 24   rapports des services de renseignements français. Alors à ce sujet, nous

 25   avons été particulièrement clairs, et je continuerais à l'être sur cette

 26   ligne aujourd'hui, nous considérons qu'il ne nous appartient pas de

 27   transmettre à l'accusé et au Tribunal des documents qui portent sur la

 28   façon dont sont organisés les services de renseignements français et la

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  1   divulgation sous quelle forme que ce soit des documents établis par eux. La

  2   communication de tels éléments aurait en effet pour conséquence de révéler

  3   la nature et l'étendue des capacités de la France en matière de

  4   renseignements ainsi en quel lieu et de quelle manière ces services sont en

  5   mesure d'opérer. Ceci reviendrait au principe selon lequel les intérêts en

  6   matière de sécurité nationale peuvent justifier la non communication de

  7   pièces. C'est la raison pour laquelle en application à la fois de l'article

  8   54 bis du Règlement de procédure et de preuve de votre Tribunal, mais aussi

  9   aux règles françaises pertinentes qui répriment notamment et qui

 10   incriminent la divulgation d'informations considérées comme secrètes que

 11   nous ne sommes pas en mesure de fournir ces documents.

 12   Au total, et comme je l'ai dit de manière liminaire, les autorités

 13   françaises souhaitent, comme c'est leur habitude, coopérer avec votre

 14   Tribunal mais elle estime au cas présent qu'elle a rempli les obligations

 15   qui lui étaient imposées par l'article 29 s'agissant de la demande qui a

 16   été formulée par l'accusé.

 17   Merci, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Florent.

 19   Pour être très clair, je souhaite vous demander si vous dites telle est

 20   votre position qu'il n'y a pas d'autre document eu égard aux catégories 1,

 21   3, 4, 5, et 11, et 10 en partie ? Donc le document que vous avez communiqué

 22   à l'accusé est le seul document; c'est exact ? C'est le seul qui puisse

 23   être communiqué à l'accusé.

 24   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président. C'est effectivement ce que j'ai

 25   indiqué. C'est le seul document qui nous a été possible de communiquer au

 26   Tribunal. Merci.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc la question que je vous pose si

 28   vous ne faites pas plus de recherche complémentaire concernant d'autres

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  1   documents; c'est bien le cas, vous ne faites plus de recherche ?

  2   M. FLORENT : Nous n'avons pas de recherche en cours.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, eu égard à la

  4   catégorie numéro 5, qui fait état de la réunion à Key West, est-ce que vous

  5   êtes satisfait des éléments qui vous ont été remis par les autorités

  6   françaises ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mes collaborateurs sont en train d'analyser ce

  8   document pour le comparer avec des renseignements reçus à partir d'autres

  9   sources. C'est donc ultérieurement que nous pourrons nous prononcer sur ce

 10   point; mais quoi qu'il en soit, nous sommes, bien sûr, reconnaissants de ce

 11   que nous avons reçu.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me tourne maintenant à nouveau vers

 13   M. Florent. Eu égard aux points 6, 9, et 10 en partie, au terme de laquelle

 14   la France a dit qu'elle ne pouvait pas communiquer ces éléments-là pour des

 15   raisons de sécurité. Je me demande si la France pourrait présenter un

 16   argument à cet égard plus précis, compte tenu de la jurisprudence du

 17   Tribunal à cet égard, à savoir si les Etats peuvent refuser de fournir des

 18   documents pour des raisons de sécurité nationale.

 19   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président. S'agissant des raisons

 20   pour lesquelles nous ne sommes pas en mesure de communiquer d'éventuels

 21   documents puisque je n'ai pas dit que de tels documents existaient. Je ne

 22   me suis basé sur le plan des principes. J'ai expliqué que la seule

 23   fourniture éventuelle, si ces documents existent, de tels documents

 24   auraient pour effet de donner des informations importantes et sensibles sur

 25   le fonctionnement des services de Renseignement français. C'est la raison

 26   pour laquelle nous considérons d'une part que ceci touche directement la

 27   sécurité nationale, et qu'en application à la fois des Règles du Tribunal

 28   et des Règles françaises, nous considérons que nous n'avons pas

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  1   l'obligation de les communiquer. Ensuite nous ne sommes pas convaincus que

  2   des renseignements de ce style seraient de nature à disculper l'accusé.

  3   Merci, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dernier point, pour ce qui est des

  5   documents qui proviennent comme il est allégué de parties de tiers, comme

  6   les documents de la FORPRONU, puis-je vous demander si ces documents-là

  7   sont en possession du gouvernement français ?

  8   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président. Parmi les documents

  9   sollicités par l'accusé en ce qui concerne la catégorie des documents que

 10   vous venez de mentionner, je citerais quelques exemples. Le point 2, les

 11   rapports des 15 -- des 14 et 15 février 1995 établis par le général de

 12   Lapresle à l'intention de M. Akashi, représentant spécial des Nations

 13   Unies, concernant de livraison d'armes à Tuzla. Il est clair à la seule

 14   lecture de cette demande que c'est un rapport dont les autorités françaises

 15   n'étaient pas destinataires et donc n'ont pas connaissance puisque c'est un

 16   rapport qui a été fait certes par un général français, M. de Lapresle, mais

 17   qui servait au titre de la FORPRONU. C'est un rapport qui était adressé à

 18   M. Akashi et donc c'est un rapport qui était entièrement interne aux

 19   Nations Unies. Donc il n'y a aucune raison que cette demande, par exemple,

 20   soit adressée à la France.

 21   Nous considérons que c'est le cas également en ce qui concerne le

 22   point numéro 7, puisqu'on nous demande tous rapports, mémorandums, ou

 23   correspondance concernant le recours au personnel de la FORPRONU, aux

 24   observateurs militaires de l'ONU, au personnel du HCR ou d'organisations

 25   non gouvernementales en Bosnie entre avril 1992 et août 1995 en vue de

 26   fournir les armes et des munitions des équipements militaires aux Musulmans

 27   de Bosnie. Là encore, la réponse est la même. De même en ce qui concerne le

 28   paragraphe numéro 8. Donc nous considérons que sur ces différentes

Page 776

  1   demandes, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, M. Karadzic

  2   s'est trompé de destinataire. Merci, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- en fait précisé cela, vous

  4   n'avez pas nié l'existence de tels documents, n'est-ce pas ?

  5   M. FLORENT : Monsieur le Président, je ne sais pas si c'est un

  6   problème de traduction. J'ai simplement indiqué que ce sont des documents

  7   qui étaient internes aux Nations Unies, qui n'étaient pas destinés à la

  8   France. Donc je ne vois pas à quel titre la France aurait connaissance de

  9   documents purement internes au système des Nations Unies. Merci.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-être que je puis vous être utile

 13   en ce qui concerne le point 2 de la demande de la France. Bon nombre des

 14   demandes qui ont été envoyées aux différents Etats sont des demandes qui

 15   ont également été envoyées à l'Accusation, et l'Accusation a fourni les

 16   deux éléments cités ici au point 2, et par conséquent, il n'est pas utile

 17   pour qu'un autre Etat fasse des recherches à cet égard. Par conséquent,

 18   l'accusé, et toutes les fois que nous lui communiquons quelque chose, nous

 19   précisons quelle est la demande sur laquelle cela porte. S'il vérifie, il

 20   verra de lui-même qu'il a reçu un bon nombre de documents déjà de

 21   l'Accusation et donc il ne serait pas utile de se le procurer d'une autre

 22   source. Cela est très clair, par exemple, le point 2, mais cela est

 23   exactement très clair par rapport à d'autres points également documents qui

 24   ont été demandés aux Etats, il a reçu un certain nombre de documents déjà.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc outre le point 2, pourriez-vous

 26   nous aider, s'il vous plaît, Mme Uertz-Retzlaff, aider à mieux comprendre

 27   quels sont les autres documents par rapport aux autres points que l'accusé

 28   a déjà reçus de l'Accusation jusqu'à ce jour ?

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  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Lorsque nous avons déposé notre

  2   réponse complémentaire à la demande de Karadzic sur le report du procès,

  3   nous avons inclus l'annexe C' et dans l'annexe C, vous voyez clairement

  4   quelles sont les demandes qui ont été envoyées à l'Accusation. Il y a une

  5   liste complète qui figure dans cette annexe, et dans l'annexe A, vous

  6   trouverez également ce que nous avons fourni. Pour ce qui est de la France,

  7   je dois dire que nous avons également fourni des documents par rapport au

  8   point 5. Nous avons communiqué des documents par rapport au point 7. Nous

  9   avons communiqué des éléments par rapport au point 9. Voilà les éléments

 10   que nous avons pu communiquer en ce qui concerne la France, à savoir s'il

 11   existe d'autres documents ailleurs, je ne sais pas. Cela, nous ne sommes

 12   pas en mesure de le savoir, mais si l'accusé peut vérifier, il peut

 13   vérifier ce qu'il a reçu par rapport à différents points. Il pourrait

 14   aisément voir si c'est nécessaire ou non d'obtenir les mêmes documents

 15   d'une autre source ou s'il lui faut des documents complémentaires ou

 16   supplémentaires par rapport à un point donné, à un sujet donné.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez nous remettre ceci par écrit,

 18   s'il vous plaît. Indiquez quels documents ont été communiqués par

 19   l'Accusation à l'accusé. Vous pourriez indiquer par rapport à quels

 20   éléments cela correspond, eu égard à la demande de l'Accusation et les

 21   requête sur les ordonnances contraignantes à propos de tous les Etats.

 22   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Ecoutez, il y a énormément

 23   d'éléments. Cela prendra du temps. Mais nous pouvons le faire assez

 24   rapidement parce qu'il y a beaucoup de documents.

 25   Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans l'intervalle, j'aimerais demander à

 27   M. Karadzic : Pour ce qui est du point 6, à titre d'exemple, vous demandez

 28   des documents qui sembleraient indiquer la présence de personnel français

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  1   au sein des différents organes internationaux; pourriez-vous nous expliquer

  2   ceci, s'il vous plaît ? Quelle est la pertinence de ces documents par

  3   rapport aux charges qui pèsent sur vous dans l'acte d'accusation ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation]  Oui, merci, votre Excellence.

  5   J'aimerais dire d'emblée et j'ai ici sous les yeux le mémoire préalable au

  6   procès, il est écrit que l'entreprise criminelle commune liée à Srebrenica

  7   dépend grandement du fait que des armes auraient été présentes à

  8   Srebrenica. Est-ce que l'Accusation peut ici dire que Srebrenica était

  9   démilitarisée ? Est-ce que cette action était légitime ou pas ? Ça, c'est

 10   la première chose que j'aimerais entendre.

 11   Deuxièmement, la France a été un pays ami de la Serbie. Donc, ce que je

 12   vais dire, je le dis à contrecoeur. Mais, Votre Excellence, nous avons

 13   donné notre accord pour que les Nations Unies soient présentes en Bosnie-

 14   Herzégovine; cependant, certains Etats - et je dirais même la majorité des

 15   Etats occidentaux et des Etats membres de l'OTAN - ont abusé de cette

 16   possibilité et ont été présentes là-bas dans l'intérêt de l'OTAN et de leur

 17   gouvernement respectif. Je comprends bien que la question du fonctionnement

 18   des services secrets de la République française soit un secret d'Etat et je

 19   respecterai ce principe. D'ailleurs, l'article 54 bis et l'article 70 du

 20   Règlement, je les respecterai également. Mais je vous en prie, non

 21   seulement certains Etats avaient là-bas des représentants de leurs services

 22   de Renseignements, et ce, illégalement, sans notre accord, mais en outre,

 23   ces Etats ont envoyé des représentants sur place pour éliminer des tireurs

 24   embusqués et autres actes similaires. Ce n'est pas anodin, et ceci a un

 25   rapport direct avec la catégorie 6 de ma requête. Il y a, bien sûr, aussi

 26   la question du marché de Markale. Les Français sont arrivés les premiers à

 27   Markale et il y a eu d'autres incidents autour de Sarajevo. Il y a eu

 28   également les actes de tirs embusqués de la part de certains hommes à

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  1   Sarajevo. Les Français étaient sur place et ont des documents qui

  2   démontrent que c'est bien la partie musulmane de la Bosnie-Herzégovine qui

  3   tuait sa propre population et qui a prolongé la guerre en Bosnie-

  4   Herzégovine. Alors, où est la pertinence ? Comment est-ce que nous pouvons

  5   imaginer ici, faire éclater la vérité et obtenir un jugement valable si ne

  6   nous disposons pas de ces éléments de preuve. Quatre entreprises

  7   criminelles communes me sont imputées. Je suis en mesure de démontrer que

  8   tout cela est faux, que tout est erroné. Mais comment est-ce que je

  9   pourrais démontrer des les tout à fait évidents, car nous savons que la

 10   France est en possession de documents qui pourraient nous permettre de le

 11   démontrer.

 12   M. l'Ambassadeur d'Allemagne a dit que je pourrais utiliser des articles de

 13   presse. Non. Les articles de presse peuvent dire que tel et ou tel pays est

 14   en possession de quelque chose ou que telle personne sait ou a quelque

 15   chose par devers elle. Mais cela ne nous suffit pas. Nous avons besoin de

 16   documents à soumettre au Tribunal, documents qui pourront être authentifiés

 17   et auront donc une valeur. Croyez-moi. La présence de ces Etats sur place,

 18   certains de ces Etats avaient en parallèle une présence significative de

 19   forces du Renseignement et même de forces secrètes sur notre territoire,

 20   des représentants qui étaient là secrètement, masqués, qu'il s'agisse de

 21   représentants des Nations Unies ou de représentants d'organisations

 22   humanitaires.

 23   Vous verrez ici qu'en fait, tout ce qui s'est passé a été montré sous un

 24   faux jour. Qu'il s'agisse des Nations Unies, qu'il s'agisse des forces

 25   internationales, qu'il s'agisse de tous les représentants, y compris

 26   d'organisations humanitaires, chacun avait quelque chose à cacher par le

 27   truchement de sa présence sur place. L'ambassadeur de France a confirmé que

 28   le service de Renseignement français était présent là-bas en son nom propre

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  1   et que la France sait pas mal de choses à ce sujet. Donc, j'aimerais et je

  2   demande à la France de mettre à ma disposition, à la disposition de la

  3   Défense les documents relatifs à cela.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai une question que je souhaite

  5   clarifier et poser aux représentants de la France.

  6   Lorsque vous avez dit que vous n'étiez pas en mesure de communiquer des

  7   documents qui avaient trait aux catégories 1, 3, 4, 5 et 11, à mon sens,

  8   cela n'était pas tout à fait clair. Je ne sais pas très bien ce que ça

  9   voulait dire. Est-ce que vous dites qu'il y a davantage de documents, mais

 10   que vous n'êtes pas mesure de les communiquer, ou qu'il n'y a plus de

 11   documents qui relèvent de ces catégories-là ?

 12   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président.

 13   Ce que j'ai indiqué, c'est que nous avons des recherches à l'époque où nous

 14   avions été saisis de cette demande de l'accusé relayée par votre Tribunal

 15   et qu'au terme de ces recherches, nous avons communiqué un document, le

 16   document mentionné au paragraphe 5, donc nous n'avons pas d'autres

 17   documents à communiquer.

 18   Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous donner la parole, Monsieur

 22   Karadzic, après avoir donné la parole aux représentants français, s'ils

 23   souhaitent aborder une autre question maintenant.

 24   M. FLORENT : Merci, Monsieur le Président.

 25   Non, je n'ai pas d'autres questions ou d'autres commentaires à faire. Nous

 26   avons, bien évidemment, écouté avec attention les propos tenus par l'accusé

 27   et nous préférons ne pas faire de commentaires sur de tels développements.

 28   Merci, Monsieur le Président.

Page 781

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Florent.

  2   Monsieur Karadzic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais -- vous m'entendez ? Oui.

  4   Je souhaiterais simplement indiquer un point.  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président --

Page 782

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je souhaite simplement rappeler à

  4   l'accusé qu'il y aurait peut-être éventuellement des mesures de protection

  5   et il doit faire attention lorsqu'il cite le nom de certains témoins dans

  6   le prétoire. Il a fait très attention lorsqu'il s'agissait d'autres témoins

  7   un peu plus tôt ce matin, et maintenant il cite des noms. Il doit faire

  8   attention à cela. Nous allons également déposer une requête pour qu'il y

  9   ait expurgations.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Mme le Procureur.

 11   Tenez compte de ce qu'a indiqué Mme Uertz-Retzlaff.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vais m'efforcer de ne pas prononcer des

 13   noms. Mais ce qui est un fait c'est qu'un grand nombre de hauts

 14   fonctionnaires français, principalement représentants de l'armée vont être

 15   entendus ici, ils étaient présents à Sarajevo dans le cadre de leur

 16   fonction, ils étaient les premiers à arriver sur place au moment où les

 17   enquêtes ont commencé. Des hauts fonctionnaires français, et le premier

 18   ministre M. Balladur a déclaré qu'il existait des documents - ça c'est une

 19   déclaration publique - il n'est pas nécessaire de faire le silence sur ce

 20   point. Véritablement nous sommes reconnaissants à l'égard de tous les

 21   représentants français qui ont fait preuve de courage et d'une moralité

 22   suffisante pour mettre en exergue un certain nombre de réalités qui étaient

 23   présentées d'une façon différente au niveau international.

 24   Si c'est nécessaire, Monsieur le Président, je peux passer en revue point

 25   par point les différentes catégories de documents que je demande à la

 26   France afin d'en démontrer la spécificité, la pertinence. Je pourrais pour

 27   chacune de ces rubriques démontrer qu'il existe des éléments de preuve. Le

 28   gouvernement hollandais et d'autres auteurs responsables indiquent que ces

Page 783

  1   documents, les documents que nous demandons existent.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Florent, souhaitez-vous

  3   répondre à cela ?

  4   M. FLORENT : Non, je ne souhaite pas répondre directement à cette question.

  5   Je souhaite simplement remercier le représentant du bureau du Procureur

  6   d'avoir rappelé un certain nombre de règles qui semblent avoir été perdues

  7   de vue par l'accusé, je n'y reviendrai pas. Mais je souhaiterais

  8   simplement, pour la clarté du débat, signaler que les généraux français,

  9   auxquels l'accusé vient de se référer, ne se trouvaient pas là-bas au titre

 10   de la France mais au titre de la FORPRONU, et que c'est à ce titre qu'ils

 11   ont agi et que c'est à ce titre qu'ils ont rendu compte à la FORPRONU.

 12   Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Florent. A

 14   moins qu'il y ait d'autres questions que vous souhaitez soulever, ceci met

 15   un terme à l'audience pour ce qui est du gouvernement français. Je vous

 16   remercie d'être venu au Tribunal, et je vous remercie pour votre

 17   contribution.

 18   Nous allons maintenant avoir une pause de 20 minutes, et nous allons

 19   reprendre à 11 heures moins 10 en présence de l'Ambassadeur de Croatie.

 20   --- L'audience est suspendue à 11 heures 31.

 21   --- L'audience est reprise à 12 heures 01.

 22   LA RÉPUBLIQUE DE CROATIE 

 23    M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'heure de midi n'a pas encore frappé.

 24   Je vous dis donc bonjour, Monsieur l'Ambassadeur Paro.

 25   Monsieur Karadzic, lors de la dernière Conférence de mise en état, vous

 26   avez dit à la Chambre que vous aviez reçu 15 documents que vous aviez

 27   demandés à la Croatie. Vous avez ajouté qu'à votre avis, ce n'était qu'une

 28   portion congrue de la totalité des documents que la Croatie serait en

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  1   mesure de vous fournir. Vous avez dit que la Croatie n'avait pas répondu à

  2   votre lettre du 7 janvier, dans laquelle vous demandiez plusieurs documents

  3   supplémentaires.

  4   Est-ce que les choses ont changé depuis la dernière Conférence de mise en

  5   état, s'agissant de votre correspondance avec la Croatie ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je tiens à remercier la

  7   Croatie pour ses preuves de bonne volonté au sujet de certains documents.

  8   Mais depuis la dernière Conférence de mise en état, nous n'avons vu aucun

  9   changement de ce point de vue. J'ajouterais simplement que la Croatie est

 10   l'un des états les plus importants qui subissait les pressions des Etats-

 11   Unis d'Amérique. Elle était inéluctable s'agissant de tout débat portant

 12   sur le transport, le transfert ou la livraison d'armes par divers moyens.

 13   Si c'est nécessaire, je peux entrer dans les détails pour décrire tous les

 14   moyens auxquels il a été fait recours et pour expliquer pour quelle raison

 15   nous sommes convaincus que la Croatie est en possession des documents que

 16   nous demandons.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 18   Monsieur l'Ambassadeur Paro, vous avez la parole.

 19   M. PARO : [interprétation] Monsieur le Président, merci. Je dois dire que

 20   nous n'avons pas connaissance de la requête datant du 7 janvier. Cette

 21   requête, ne nous a pas été transmise par l'ambassade. Alors que l'autre

 22   requête avait été, requête à laquelle nous avions répondu en fournissant 15

 23   documents. J'ai reçu également des instructions du gouvernement, qui me dit

 24   de vous dire que nous sommes prêts à fournir davantage de documents, pour

 25   autant que nous les ayons et pour autant que la requête soit plus précise.

 26   La requête est trop vague, elle ne nous permet pas d'effectuer une requête

 27   efficace de ces documents. Mais nous avons fourni ce que nous avions en

 28   notre possession. Nous n'avons pas pu retrouver d'autres documents, les

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  1   autres documents.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je trouve cela bizarre. Je trouve

  3   bizarre que la requête de l'accusé, en date du 7 janvier ne vous a pas

  4   encore en tout cas n'a pas encore été communiquée à la Croatie. Nous allons

  5   faire une vérification, sans plus tarder, mais auparavant je me tourne vers

  6   l'accusé.

  7   Monsieur Karadzic, êtes-vous satisfait des documents que vous avez reçus

  8   qui concernaient les catégories 7, 9 et 10, parmi les documents que vous

  9   avez demandés à obtenir ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois dire que la Défense est davantage

 11   reconnaissante à la Croatie pour sa bonne volonté que pour les résultats de

 12   ses efforts.

 13   Nous croyons que ces documents pourraient être plus nombreux. Nous serons

 14   spécifiques et précis. Je crois me rappeler que la Croatie n'a fait aucune

 15   observation indiquant que nous aurions été insuffisamment précis. Le 2 juin

 16   et le 30 juin, j'ai adressé un courrier à la Croatie et le 27 juillet, la

 17   Croatie a répondu qu'elle ne possédait pas ces documents. Par la suite, il

 18   a été démontré qu'elle était en possession de ces documents. Donc,

 19   l'objection selon laquelle nous ne serions pas suffisamment précis ou selon

 20   lesquels ces documents ne seraient pas pertinents, ne seraient pas

 21   indispensables, n'existe pas. Rien ne justifie que l'on ne cherche pas ces

 22   documents.

 23   Je tiens à dire que la Croatie a à plusieurs reprises agi de façon très

 24   responsable. Par exemple, lorsque l'armée musulmane a commandé des

 25   roquettes à longue portée, la Croatie a suspecté qu'il pourrait se trouver

 26   parmi ces armes des armes chimiques et que, par conséquent, les roquettes

 27   en question devaient être inspectées. Et la Croatie a demandé aux Etats-

 28   Unis d'envoyer des inspecteurs militaires pour avant la livraison de ces

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  1   armes à l'armée musulmane procéder à l'inspection de ces armes. M.

  2   l'Ambassadeur Holbrooke a reçu cette requête et a répondu positivement. Il

  3   est donc impossible que la Croatie ne dispose pas de ce document. Vous

  4   savez, les roquettes à longue portée survolent la Croatie, dès lors

  5   qu'elles visent un autre Etat. Elles peuvent donc être utilisées également

  6   contre la Croatie. La Croatie s'est donc adressée aux Etats-Unis pour

  7   demander une inspection et cette inspection a eu lieu. Comment pourrait-il

  8   se faire qu'il n'existe aucun document lié à cette inspection ?

  9   Par ailleurs, il y a eu de nombreuses réunions avec MM. les Ambassadeurs

 10   Redmond et Galbraith, avec des officiels, avec M. Granic, ministre de la

 11   Croatie à l'époque; Nikica Valentic, premier ministre, qui s'est rendu en

 12   Iran en mission de pourparlers pour discuter de la façon dont les armes

 13   étaient préparées pour la partie musulmane en Bosnie-Herzégovine. Il est

 14   donc impossible que des documents liés à ces aspects du problème n'existent

 15   pas et j'espère que la Croatie trouvera le moyen et démontrera même un

 16   intérêt certain par rapport à la production de ces documents. Car à

 17   première vue, il semble que la Croatie a apporté une aide importante aux

 18   Musulmans en Bosnie-Herzégovine. Mais ce n'est qu'à première vue car si

 19   l'on y regarde de plus près, on constate que la Croatie s'est contentée de

 20   prolonger la guerre. Ce n'était pas vraiment une aide, bien que la Croatie

 21   avait bel et bien l'intention de s'approvisionner en armes, et toutes les

 22   armes qui sont arrivées à l'aéroport de Tuzla passaient avant l'aérodrome

 23   de Tuzla par la Croatie.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le 27 octobre, la

 25   Croatie disait par écrit que votre requête était trop vague, n'était pas

 26   assez précise, ce qu'a répété ici même M. l'Ambassadeur, il y a quelques

 27   instants.

 28   Je vous demande maintenant si vous avez fourni des éléments permettant que

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  1   vous donniez une demande plus précise.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, dans le document, des dates

  3   précises sont citées. J'ai un petit problème avec mes écouteurs. C'est

  4   l'anglais que j'entends sur le canal 6.

  5   Donc dans ma requête, des éléments très précis au sujet des réunions sont

  6   donnés. Le voyage de M. Nikica Valentic, premier ministre croate de

  7   l'époque, au moment où il s'est rendu en Iran, ils sont cités de façon très

  8   précise. Je crois que la date était à peu près la date du 30 avril 1994. Il

  9   y a aussi les réunions avec M. l'Ambassadeur Redmond et M. l'Ambassadeur

 10   Galbraith, ainsi qu'avec M. Holbrooke. Les noms de deux généraux américains

 11   qui ont fait partie de l'équipe chargée de l'inspection en Croatie sont

 12   cités également dans ma requête. Donc, il est impossible d'être plus

 13   précis. La seule chose que nous ne savons pas, c'est ce qui a été livré.

 14   Tout le reste est dans le texte.

 15   S'agissant à présent des catégories, le gouvernement croate pourrait nous

 16   dire quels documents elle a en sa possession correspondant à quelle

 17   catégorie et ensuite, nous pourrons poursuivre le débat. Mais les dates

 18   figurent dans la requête.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il y a sept points,

 20   ici. Est-ce que ce sont ceux qui vont remplacer votre demande précédente ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne crois pas, votre Excellence. Je crois que

 22   tous ces éléments sont cumulatifs et qu'il y a nécessité de recevoir

 23   l'ensemble des documents.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande dès lors ceci : Ici,

 25   vous faites une demande supplémentaire sur sept points. Je ne parle pas

 26   ici, je ne doute pas qu'ils ne soient pas suffisamment précis. Mais ici,

 27   enfin, je pense que la Croatie disait que c'étaient des documents

 28   mentionnés ou la demande précédente, adressée à ce pays qui n'était pas

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  1   d'après elle suffisamment précise. Quels sont les éléments supplémentaires

  2   que vous auriez fournis aux autorités croates, leur permettant de trouver

  3   plus précisément ces documents ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est bien le cas, étant donné que

  5   les dates, les lieux et les protagonistes sont cités pour chaque événement.

  6   Février-mars 1995, Tuzla, par exemple. Ensuite réunion avec Akashi, donc un

  7   général français et Akashi ont fait savoir que des avions ont été vus le 15

  8   février à Tuzla, et puis, la correspondance entre la France, les Nations

  9   Unies et d'autres Etats est mentionnée, ainsi que l'arrivée de

 10   représentants turcs, et le voyage de représentants croates et musulmans en

 11   Turquie en rapport avec l'approvisionnement en armes pour les Musulmans.

 12   Pour la Chine, nous en avons parlé par ailleurs. Excusez-moi, je me perds

 13   un peu dans mes papiers. Mais, en tout cas, nous voyons la date du 31 mars,

 14   10 février au 31 mars. Donc, neuf à dix jours. C'est une période très

 15   délimitée et c'est au cours de ces neuf à dix jours qu'un certain nombre de

 16   choses sont survenues. La France, c'est certain, est informée de l'avion de

 17   transport de troupes C-30 qui a atterri à l'aérodrome de Tuzla. Il y a

 18   également d'autres modalités d'entrée illégale d'armes et la France en est

 19   certainement informée. Elle est également informée de la réunion qui a eu

 20   lieu le 29 avril 1994, entre M. l'Ambassadeur Galbraith et M. l'Ambassadeur

 21   Redmond, d'une part, et le président Tudjman, d'autre part, où l'influence

 22   des Etats-Unis s'est exercée pleinement. La Croatie est tout à fait au

 23   courant de tout cela. Il y a eu protestation et suite à la protestation,

 24   une livraison d'armes destinées à l'aérodrome n'y est pas parvenue. Par la

 25   suite, les Etats-Unis d'Amérique ont modifié leur position et ont désormais

 26   apporté leur soutien et encouragé l'Iran et la Croatie dans leurs

 27   intentions. Nikica Valentic était à Téhéran aux environs du 30 avril. Ali

 28   Akbar Velayati, ministre des affaires étrangères iranien, s'est trouvé, le

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  1   7 mai 1994, à Zagreb. L'organisation Merhamet est censée être une

  2   organisation humanitaire mais en réalité c'est une organisation qui a pour

  3   but de masquer -- de cacher la contrebande d'armes. Merhamet avait une base

  4   importante à Zagreb et travaillait grandement à partir de la Croatie. Donc

  5   nous avons tous ces éléments qui montrent que la Croatie avait une bonne

  6   connaissance des faits et qu'elle était mêlée aux événements. Les

  7   transports d'armes en provenance de l'Iran passaient par la Croatie,

  8   l'aérodrome de réception était l'aérodrome de Tuzla, d'autres modalités de

  9   contrebande d'armes passaient par les Nations Unies et par des

 10   organisations humanitaires. La Croatie en était informée. La Croatie, par

 11   ailleurs, en est informée. La Croatie, par ailleurs, est très bien informée

 12   de ce qui s'est passé au marché de Markale. La Croatie avait mis sur écoute

 13   toutes mes conversations elle avait un très bon service spécialisé en la

 14   matière et elle nous a écouté pendant une grande partie de la guerre.

 15   Donc si la Croatie souhaite que nous soyons plus précis au sujet de

 16   certaines catégories de documents demandés qu'elle nous fasse savoir

 17   exactement quelles sont les catégories qui exigent davantage de précision

 18   et nous apporterons cette précision.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais bientôt donner la parole au

 20   représentant de la Croatie, mais auparavant, j'aimerais vous donner un

 21   exemple. Regardons le point 7 de votre première requête. Il dit ceci :

 22   "Tout rapport, mémorandum, télégramme, et correspondance portant sur

 23   la livraison, l'envoie ou l'utilisation d'armes obtenues par les Musulmans

 24   de Bosnie en violation de l'embargo sur les armes décrétées par les Nations

 25   Unies à partir, entre la période allant d'avril 1992 au mois d'août 1995,

 26   armes qui auraient été transportées dans les zones de sécurité des Nations

 27   Unies de Srebrenica, Zepa, et Gorazde."

 28   Est-ce que ce n'est pas un peu vaste ?

Page 791

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] A première vue seulement, votre Excellence,

  2   parce qu'avant l'ouverture de l'aérodrome de Tuzla, la Croatie était un

  3   filtre, un lieu de passage de tous ces armements et au passage, elle

  4   empruntait une certaine partie que ces armes soient destinées aux Croates

  5   de Bosnie-Herzégovine ou aux Musulmans. Donc la Croatie est au courant de

  6   chaque balle, de chaque fusil, de chaque uniforme, de chaque brodequin qui

  7   a été livré en Bosnie-Herzégovine, et elle a des preuves concernant ces

  8   quantités. Parce que, bon, pour l'ouverture de l'aérodrome de Tuzla, peut-

  9   être qu'il y a certains éléments d'information qui manquent à la Croatie,

 10   mais pour les livraisons d'armes la Croatie prélevait un tiers, la moitié,

 11   un quart, donc il est évident qu'elle était au courant.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, nous parlons de

 13   la question de la spécificité du degré de précision. Quels éléments

 14   supplémentaires la Croatie voudrait-elle avoir pour pouvoir mener des

 15   recherches plus précises ? Un exemple, est-ce que les autorités croates ne

 16   pourraient pas faire la même chose que ce qu'elles ont fait lorsqu'elles

 17   ont retrouvé les 16 documents qui venaient d'un site internet lorsqu'elle

 18   recherchait les documents dans sa propre base de données ?

 19   M. PARO : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de recevoir une

 20   copie de la lettre de l'accusé en date du 7 janvier. Après avoir reçu votre

 21   invitation à comparaître à la présente audience, nous voyons maintenant une

 22   référence à cette lettre, plus exactement dans cette invitation, nous avons

 23   vu référence qui a été faite à cette lettre, mais nous n'avons pas

 24   retrouvé, en tout cas nous n'avons pas trouvé d'accusé de réception de la

 25   lettre ici à l'ambassade. Et je peux vous dire que nous n'avons jamais reçu

 26   cette lettre, jamais mon gouvernement ne l'a reçu, impossible, par

 27   conséquent, d'y répondre.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous attendons avec beaucoup

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  1   d'impatience votre réaction, mais il y a aussi quelques éléments de la

  2   requête précédente de l'accusé en souffrance, n'est-ce pas ?

  3   M. PARO : [interprétation] Oui, vous devez savoir quelle a été notre

  4   réponse, nous avons dit que "cette requête, cette demande" de l'accusé

  5   n'était pas assez précise parce qu'on répète à chaque point tous les

  6   rapports, tous les mémorandums, tous les télégrammes, très difficile - ici

  7   je ne parle pas de la lettre du 7 janvier - mais il est difficile en

  8   l'occurrence de faire preuve de précision pour vraiment cerner les

  9   documents recherchés. Parce que quand on dit tous les comptes rendus,

 10   toutes les notes, je lis ici ce qui est écrit, tous les procès-verbaux ou

 11   mémos de réunions qu'auraient eu le ministre Granic et l'ambassadeur

 12   américain Galbraith au cours desquelles il aurait été discuté de la

 13   possibilité d'acheter des armes à l'Iran. Alors où voulez-vous que nous

 14   cherchions, la chose n'est pas aisée, mais il m'est impossible de vous

 15   dire, avec précision, de quels éléments nous avons besoin pour pouvoir

 16   répondre à cette demande difficile à moins d'avoir des précisions.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- sujet connexe, la Croatie dit, dans

 18   ces écritures, que les parties intéressées auront la possibilité

 19   d'effectuer une recherche de ces documents, comme le dit le centre de

 20   documentation croate et celui qui s'occupe de l'histoire de cette guerre.

 21   Vous auriez davantage d'information ?

 22   M. PARO : [interprétation] Pas vraiment.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est ce que dit ce centre de

 24   documentation et de mémoire de la guerre patriotique croate, est-ce que

 25   vous auriez un élément à nous fournir ?

 26   M. PARO : [interprétation] Je pense que ce que dit ce centre est assez

 27   clair. Ce centre de documentation n'a pas ces documents, n'a pas de

 28   document de cette nature, c'est simple.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quand ce centre dit "partie

  2   intéressée," qu'est-ce qu'il veut dire ou qui vise-t-il exactement ?

  3   M. PARO : [interprétation] Bien, sans doute c'est par rapport au ministre

  4   de la Justice, au ministère de la Justice qui a demandé ces documents, non,

  5   excusez-moi. La partie intéressée c'est la Défense.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'avais une autre interrogation, est-ce

  7   que les autorités croates seraient prêts à permettre à la Défense de faire

  8   elle-même la recherche de ces documents ?

  9   M. PARO : [interprétation] Il est dit que ce centre de documentation est

 10   disposé à fournir une liste de documents qu'elle possède, et de transmettre

 11   cela à la Défense, ce que je trouve assez généreux comme offre.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je n'irai pas plus loin.

 13   Mais j'ai une autre question à vous poser, Monsieur l'Ambassadeur, la

 14   Croatie pourrait-elle nous dire si leur reliquat des documents demandés la

 15   Croatie le possède ?

 16    M. PARO : [interprétation] Nous avons simplement dit que nous

 17   n'avions pas ces autres documents demandés, pas à notre connaissance.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'accusé avance un argument à propos du

 19   fait que la Croatie aurait ces documents ? Auriez-vous, pourriez-vous

 20   commenter cela ?

 21   M. PARO : [interprétation] Non, je n'ai pas de commentaire à faire, car

 22   c'est uniquement des suppositions, des affirmations que fait l'accusé ici.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les conditions posées par l'article 70

 24   du Règlement, est-ce que la Croatie veut faire appliquer certaines de ces

 25   conditions aux documents, fournis le 9 novembre ?

 26   M. PARO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez être plus précis ? Vous

 27   parlez de l'article 7 ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, de l'article 70, quelles sont donc

Page 794

  1   les conditions que vous voudriez voir appliquer, quelles sont les

  2   dispositions de l'article 70 ?

  3   M. PARO : [interprétation] Je ne connais pas vraiment cet article. Qu'est-

  4   ce que c'est que l'article 70 du Règlement ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit d'éléments que vous avez

  6   communiqués le 9 novembre, et les autorités croates avaient dit que

  7   c'étaient des documents qui n'étaient plus considérés comme étant secrets,

  8   mais dont l'utilisation devait être limitée. J'aimerais comprendre ce que

  9   la Croatie veut dire par là, quand il dit une utilisation limitée; est-ce

 10   qu'elle demande, ce faisant des mesures de protection ?

 11   M. PARO : [interprétation] Mais manifestement. Nous ne voudrions pas que

 12   ces documents soient portés à la connaissance du public.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   Pourriez-vous nous dire le temps qu'il vous faudra pour répondre à la

 15   lettre que vous venez tout juste de recevoir, celle qui porte la date du 7

 16   janvier ?

 17   M. PARO : [interprétation] Lorsque nous avons reçu une requête demandant

 18   des documents, nous avons demandé à la Chambre de bien vouloir nous

 19   accorder un délai raisonnable. Nous savons que chaque minute compte dans ce

 20   procès, mais je n'ai pas à l'esprit maintenant un délai précis que je

 21   voudrais vous demander pour répondre à cette demande du 7 janvier. Je

 22   voudrais un délai raisonnable, un mois à peu près, car il s'agit de requête

 23   de nature assez générale. Nous l'avons dit dans l'autre réponse, les

 24   archives ne sont pas toujours très bien organisées. Il n'y a pas un

 25   beaucoup d'ordre qui règne quelquefois, et c'est vrai par exemple pour ce

 26   qui concerne la Croatie même. Il nous faudra donc un certain temps pour

 27   répondre.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste pour se consulter.

Page 795

  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il y ait d'autres questions

  3   que vous souhaitez soulever à ce stade, oui, Monsieur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis convaincu qu'il nous faut faire quelque

  5   chose sur cette question. Je comprends la Croatie, mais j'aimerais

  6   éventuellement apporter un peu d'aide. Il nous suffirait qu'un représentant

  7   du gouvernement croate prête serment et se voit menacer de procédure

  8   judiciaire en cas de non exécution et disent que ces documents n'existent

  9   pas, que les décisions dont nous parlons n'ont pas été prises ou qu'ils ne

 10   sont pas en possession de tel ou tel document. La Défense ne peut donner

 11   son accord au fait que les Etats qui ont obligation de coopérer avec le

 12   Tribunal disent simplement qu'ils ne peuvent pas le faire.

 13   Ce courrier du 7 janvier, elle est moins importante dans le paragraphe

 14   concernant ce courrier, sont M. l'Ambassadeur Galbraith, M. l'Ambassadeur

 15   Redmond, et M. le Ministre Granic, ainsi qu'approvisionnement en armes en

 16   provenance de l'Iran. M. Granic sait bien quand le feu vert a été donné, le

 17   18 avril 1994. Le feu vert pour le passage sans encombre des livraisons

 18   d'armes.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, l'ambassadeur Paro a

 20   déclaré ne pas avoir reçu cette lettre. Donc il est inutile d'aborder ceci

 21   dans le détail à ce stade.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord. Mais des mots-clé existent

 23   dans tous les paragraphes. On a le mois qui est mentionné, on voit qu'en

 24   avril 1992 et août 1995 sont des dates importantes et il est dit

 25   pratiquement dans tous les paragraphes que c'est l'aérodrome de Tuzla qui

 26   recevait les armes en provenance de Croatie, et que ces armes étaient

 27   livrées aux Musulmans ou aux Croates de Bosnie. Donc il est impossible

 28   qu'il n'existe pas de document relatif à toutes ces actions.

Page 796

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous

  2   souhaitez répondre à ceci ?

  3   M. PARO : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci met un terme à la partie de

  5   l'audience dédiée à la Croatie. Je pense que les autorités croates feront

  6   de leur mieux pour coopérer avec nous, pour ce qui est de la communication

  7   des documents qui sont demandés par l'Accusation dans sa lettre du 7

  8   janvier. Je vous remercie une nouvelle fois, Monsieur l'Ambassadeur, d'être

  9   venu au Tribunal. Vous êtes libre de quitter le prétoire.

 10   Je souhaite maintenant inviter les représentants de l'Iran.

 11   LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE L'IRAN

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Mokhberolsafa.

 13   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je veux m'assurer que vous puissiez

 15   comprendre, que ceci se passe dans une langue que vous comprenez.

 16   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Oui. Je vais parler anglais.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour l'instant, l'Iran n'a fourni aucun

 18   document à M. Karadzic et, au lieu de cela, a argué du fait que, compte

 19   tenu de l'article 54 bis, les exigences n'ont pas été réunies. Nous ne

 20   sommes pas en mesure de commenter là-dessus puisque vous avez demandé un

 21   temps supplémentaire.

 22   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Oui. 

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En conséquence, la Chambre ne sait

 24   pas très bien si l'Iran continue à faire des recherches au niveau des

 25   documents.

 26   Monsieur Karadzic, dans votre mémo qui est daté du 8 janvier, vous

 27   déclarez que vous attendiez toujours une réponse de la part de l'Iran, et

 28   pendant la dernière Conférence de mise en état, vous avez dit que vous

Page 797

  1   étiez convaincu que l'Iran était en mesure de fournir les documents requis.

  2   Y a-t-il eu des évolutions à cet égard par rapport à l'Iran, depuis ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, votre Excellence.

  4   J'éprouve de la compréhension pour l'Iran, qui a des difficultés

  5   actuellement, puisqu'elle est menacée de sanctions. Mais je pensais

  6   précisément que ceci pourrait être une raison supplémentaire pour que le

  7   gouvernement iranien envoie tous les documents en sa possession. Il n'y a,

  8   en fait, pas eu réponse de la part du gouvernement iranien sur cette partie

  9   de la requête. Depuis trois mois, nous n'avons reçu aucune réponse.

 10   J'ai pour ma part rempli toutes les conditions exigées en matière de

 11   communications de bonne volonté, et vraiment, je ne serais pas allé aussi

 12   loin que demander une injonction contraignante si je n'avais constaté que

 13   l'Iran et les Etats-Unis se sont tout de même pas mal entendu l'un avec

 14   l'autre eu égard à cette violation des obligations qui sont les leurs. Il

 15   serait bon que la Chambre de première instance rappelle aux deux Etats

 16   concernés quelles sont leurs obligations en la matière, en matière de

 17   communications.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais donner la parole à M.

 19   Mokhberolsafa, s'il y a quelque chose qu'il souhaite ajouter par rapport à

 20   ce que vous avez dit déjà dans votre argument. Merci.

 21   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Oui. Je crois qu'il a évoqué la

 22   déclaration du gouvernement iranien en réponse à la requête qui a été

 23   déposée par l'accusé dans le cadre de cette audience. En réalité, pour

 24   gagner du temps, je ne vais pas donner tous les éléments du contexte, ici

 25   et dans quel cadre cette requête a été déposée. Je vais commencer par la

 26   question de savoir si conformément à l'article 54 bis, si ces exigences ont

 27   été remplies.

 28   L'article 54 bis déclare que :

Page 798

  1   "Une partie, qui demande qu'une ordonnance soit rendue conformément à cet

  2   article, doit identifier autant que faire se peut, les documents et les

  3   communications sur lesquels portent cette demande. De surcroît, cette

  4   partie doit clairement prouver que les documents ou informations sont

  5   pertinents par rapport au procès devant la Chambre de première instance et

  6   nécessaires pour qu'il puisse y avoir un règlement équitable. En réalité,

  7   les exigences de cette règle sont une prolification [phon] des principes

  8   introduits par la Chambre d'appel du Tribunal lorsqu'elle a rendu son arrêt

  9   sur la demande de la République de Croatie pour un réexamen de la décision

 10   de la Chambre de première instance du 18 juillet 1997 dans l'affaire contre

 11   Tihomir Blaskic."

 12   Comme le gouvernement de la République islamique d'Iran a indiqué dans ses

 13   notes précédentes remises au Tribunal, sur lesquelles je souhaite attirer

 14   votre attention, le numéro daté du 20 octobre 2009, 320-4/1711, l'accusé

 15   n'aura pas rempli ses obligations à cet égard. Les documents requis et les

 16   éléments d'information sont ambigus, elles sont très vastes de part nature,

 17   et il est difficile de les identifier. Egalement, les documents, s'ils

 18   existent, sont des documents qui ne sont pas pertinents à l'affaire IT-96-

 19   5/18-PT, qui et le procès contre l'accusé.

 20   Malgré tout ceci, je vais maintenant vous décrire brièvement les efforts

 21   entrepris par le gouvernement iranien de façon volontaire pour essayer de

 22   mettre la main sur les documents. Afin de faire preuve d'esprit de

 23   coopération devant ce Tribunal, la République islamique d'Iran a remis à

 24   l'accusé les différents éléments. Je souhaite dire officiellement quels

 25   sont les résultats de nos recherches. Compte tenu des documents recherchés,

 26   des documents requis, la réponse est négative, et rien dans les documents

 27   ne puisse être pertinent eu égard aux charges portées contre l'accusé. Pour

 28   ce qui est de la première partie, catégorie du document qui porte sur une

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  1   longue période qui est commencée du 1er avril 1992 et qui se poursuivait au

  2   31 décembre 1995, aucun document n'a pu être trouvé dans les archives, eu

  3   égard aux éléments présentés par l'accusé.

  4   De surcroît, il est à noter que la République islamique d'Iran n'avait

  5   aucune relation diplomatique avec quelques-uns des Etats mentionnés. Pour

  6   ce qui est de la deuxième catégorie des documents requis, les organes

  7   iraniens pertinents ont répondu en disant qu'il n'y a aucune trace pour ce

  8   qui est des envois et d'aéronefs. Tous les documents relatifs à ces

  9   transbordements ou envois de cargos ont été éliminés après la période en

 10   question, après l'approvisionnement.

 11   Pour ce qui est des dernières catégories, la plupart des documents portant

 12   sur les relations diplomatiques entre la République islamiste d'Iran et la

 13   Bosnie-Herzégovine sont des documents qui ont été examinés de près. Je

 14   souhaite annoncer qu'aucun document, contenant des éléments pertinents dans

 15   cette affaire contre l'accusé, n'a été trouvé.

 16   Je souhaite maintenant faire valoir le fait que les documents ne sont pas

 17   nécessaires pour qu'un jugement équitable soit rendu dans cette affaire. Un

 18   des principes en terme du droit international, c'est la différence entre le

 19   jus ad bellum et le jus ad bellum in bello. La première corps de droit part

 20   sur l'emploi de la force alors que le second régit le comportement ou ce

 21   qui est permissible et ce qui ne l'est pas dans le cadre d'un conflit armé.

 22   Même si on suppose que certains Etats fournissaient des armes aux partis au

 23   conflit armé, ce fait ne permet en rien de justifier la violation grave du

 24   droit international humanitaire. Par conséquent, les documents requis ne

 25   sont pas nécessaires pour rendre un jugement équitable en matière de droit.

 26   Pour conclure, et pour les raisons qui ont été susmentionnées, la

 27   République islamique d'Iran demande à ce Tribunal de rejeter la requête de

 28   l'accusé, conformément à l'article 54 bis de ce Tribunal.

Page 800

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

  2   Mokhberolsafa.

  3   Pour être bien clair, vous faites valoir aujourd'hui non seulement que les

  4   exigences de l'article 54 bis n'ont pas été remplies pour ce qui est de la

  5   pertinence ou de la nécessité, mais vous évoquez également le fait que les

  6   recherches sont maintenant terminées et aucun document n'a été trouvé ?

  7   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Compte tenu des instructions que

  8   j'ai reçues et la déclaration que je viens de faire du Tribunal et il

  9   semble que, d'après les recherches, celles-ci sont terminées et qu'il n'y a

 10   pas de recherche en cours, à l'heure actuelle.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. 

 12   Dans sa requête, l'accusé cite plusieurs publications ou articles à l'appui

 13   de son argument, à savoir que l'argument doit être en possession du

 14   document requis, parce que cet Etat a participé à la fourniture en armes

 15   aux Musulmans de Bosnie. Note en bas de pages, 2 à 8, de la requête de

 16   l'accusé; est-ce que l'Iran peut faire un commentaire sur ces publications

 17   ou articles ?

 18   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] J'ai le regret de devoir vous dire que

 19   l'Iran ne peut pas à l'heure actuelle faire un commentaire. Nous n'avons

 20   pas reçu d'instruction à cet égard, nous ne pouvons pas faire d'autre

 21   commentaire à propos de cette requête. Ceci, je m'en tiens uniquement à la

 22   déclaration que je viens de faire devant les Juges de la Chambre.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dernière question pour vous, Monsieur

 24   Mokhberolsafa, l'Iran a également déclaré qu'elle ne peut pas faire de

 25   commentaire quant au fond de la demande faite par l'accusé; pourriez-vous

 26   vous expliquer sur ce point, s'il vous plaît.

 27   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] D'après les instructions que j'ai

 28   reçues, cette déclaration a été faite au moment où les recherches n'étaient

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  1   pas terminées. Les recherches sont maintenant terminées, et d'après ce que

  2   nous comprenons, aucun document pertinent n'a été trouvé.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Je me tourne maintenant vers M. Karadzic. Regardez les points 2 et 3 de

  5   votre requête, au point 1, la plupart de ces points portent sur les

  6   événements dans le cadre temporel de 1992, 1993 et 1994. Comment la

  7   fourniture en armes au cours de cette période est-elle pertinente eu égard

  8   aux événements de Srebrenica ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je ne suis pas accusé

 10   uniquement en rapport avec les événements de Srebrenica, ici. Je suis mis

 11   en accusation également en rapport avec les actes politiques depuis 1991.

 12   Donc les livraisons d'armes arrivaient bien sûr à Srebrenica aussi, car

 13   Srebrenica était déjà une zone de sécurité alors que les armes continuaient

 14   à y arriver, mais Srebrenica n'est pas le seul endroit où les armes

 15   arrivaient. Monsieur le Président, je tiens à dire que nous ne mettons pas

 16   Iran en accusation. L'Iran n'a pas besoin d'être sous la défensive, ce qui

 17   importe à nos yeux, c'est que si l'Accusation ne modifie pas de façon

 18   radicale l'acte d'accusation, en supprimant des parties de pan entier de

 19   cet acte d'accusation, le Procureur me contraint à présenter des arguments

 20   pour combattre les arguments de l'Accusation.

 21   Je suis convaincu que si le système appliqué ici était le même que celui

 22   qui était appliqué par les tribunaux des Balkans, nous règlerions ce

 23   problème très rapidement, et ce qui se passe ici ne pourrait pas survenir.

 24   J'affirme que le procès qui va s'ouvrir ne peut pas se dérouler

 25   convenablement si nous n'avons pas les éléments de preuve nécessaires qui

 26   ne mettent en rien, en accusation les états propriétaires de ces documents.

 27   Parce que, écoutez, Monsieur le Président, l'Iran a été la source de

 28   livraison d'armes très importante, à bord de bateau et d'avion, et ces

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  1   livraisons énormes n'auraient pas pu se faire si certains états n'étaient

  2   pas au courant, en particulier la Croatie, puisque c'est à partir de la

  3   Croatie que ces armes étaient distribuées et dispatchées un peu partout sur

  4   le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je pense qu'il importe que je

  5   répète un certain nombre de choses.

  6   Premièrement, ces états requis affirment que certains documents en leur

  7   possession appartiennent à des pays tiers, très bien. Mais dans ce cas-là,

  8   qu'ils acceptent de communiquer les documents qui les concernent eux, cela

  9   nous satisfera. Cela nous indiquera au moins où se trouvent les autres

 10   documents. Deuxième point, si les pays requis sont des pays qui ont eu un

 11   rôle important dans la crise que nous avons vécue, je demanderais le plus

 12   aimablement possible à la Chambre de première instance de solliciter des

 13   responsables de très haut niveau de ces états pour qu'ils prêtent serment

 14   avant d'affirmer qu'ils ne sont pas en position de ces documents ou que les

 15   documents requis n'existent pas. Car la coopération le Tribunal est une

 16   obligation, nous coopérons tous ici. Pourquoi est-ce que des Etats qui ont

 17   suivi de très près, nos actes, mes actes, la durée de la guerre, les

 18   événements qui ont marqué cette guerre, ce qui s'est passé en divers lieux

 19   y compris des crimes qui ont été commis et qui n'étaient pas commandés par

 20   les commandants, mais ordonnés par Viennes et d'autres capitales --

 21   pourquoi est-ce que ces Etats devraient être échappés à leur

 22   responsabilité. Je pense que le plus simple ce serait de demander à des

 23   représentants officiels des gouvernements en question de prêter serment

 24   avant d'affirmer ce qu'ils sont prêts à affirmer, mais que leur

 25   responsabilité soit engagée.

 26   Nous avons ici les catégories 1, 2, 3 peut-être que la catégorie 1

 27   est assez peu précise, mais les catégories 2 et 3 sont tout à fait précises

 28   avec les dates, 4 septembre 1992, 1er novembre 1992.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, malheureusement, vous

  2   n'avez pas répondu à ma question. Regardons le point 2, par exemple :

  3   "Les aéronefs iraniens qui ont atterri à Zagreb, à l'aéroport de Zagreb

  4   en Croatie le 4 septembre 1992, le 1er novembre 1992, le 4 mai 1994…"

  5   Dans quelle mesure ceci était pertinent eu égard à votre thèse, même si

  6   ceci a été fait avec le concours des Etats-Unis ou tout autre pays ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, ce sont des êtres humains qui

  8   ont agi ainsi. Ils seront témoins ici. Ces armes sont parties de Zagreb,

  9   d'abord, il s'agit d'une violation des résolutions des Nations Unies,

 10   résolutions flagrantes et dangereuses des résolutions des Nations Unies.

 11   Deuxièmement ces armes arrivaient en Bosnie par le biais de la FORPRONU qui

 12   était une partie belligérante, elle était du côté en tout cas de l'une des

 13   parties belligérantes, et ces armes arrivaient par le truchement d'un

 14   certain nombre d'organisations non seulement Merhamet mais un grand nombre

 15   d'autres organisations humanitaires. Donc l'ensemble de tout cela créait un

 16   motif suffisant pour la Défense pour qu'elle souhaite démontrer que

 17   certaines choses ne sont pas passées de la façon dont l'Accusation affirme

 18   qu'elles se sont passées. Penchez-vous de plus près sur toutes les

 19   allégations provenant du bureau du Procureur, je me demande simplement si

 20   tout cela ne s'était passé; est-ce qu'on aurait pu charger la Serbie de

 21   tous ces faits ? Si nous n'avions pas tué un seul soldat ou un seul civil,

 22   est-ce qu'il est légitime que ces allégations continuent à reposer sur la

 23   Serbie ? Si les objectifs visés étaient des objectifs légitimes, si les

 24   événements dont nous parlons n'avaient pas eu lieu, et ces événements

 25   n'auraient pas eu lieu si des crimes horribles n'avaient pas été commis

 26   dans une zone protégée. Comment est-ce que ce point de l'acte d'accusation

 27   pourrait encore figure à l'acte d'accusation si les choses ne s'étaient pas

 28   passées ainsi. Donc nous estimons qu'il est tout à fait pertinent de

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  1   démontrer comment les choses se sont passées, d'autant plus que nous

  2   voyons, nous allons voir ici défiler des témoins qui vont reprocher pas mal

  3   de choses à la partie serbe, et la partie serbe est donc contrainte de se

  4   défendre. Elle ne peut pas se défendre dans le vide, il faut qu'elle puisse

  5   se préparer. Si le contenu de l'acte d'accusation n'est pas modifié, si

  6   tous les chefs d'accusation demeurent dans l'acte d'accusation, nous devons

  7   absolument obtenir les documents en question.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges vont se consulter un instant,

  9   s'il vous plaît.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, Mokhberolsafa, souhaitez-vous

 12   ajouter quelque chose ?

 13   M. MOKHBEROLSAFA : [interprétation] Non, je ne souhaite rien. Je n'ai rien

 14   à ajouter.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, je vous

 17   remercie, non.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, votre Excellence, j'espère simplement que

 20   la Chambre va protéger mon droit à la défense.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci met un terme à l'audience

 22   d'aujourd'hui donc. Je vous remercie tous beaucoup d'être venus. Les Juges

 23   de la Chambre expriment sa reconnaissance et sa gratitude pour tous les

 24   arguments qui ont été présentés. Nous allons les examiner et nous rendrons

 25   une décision en temps utile. Je vous remercie.

 26   L'audience est levée.

 27   --- L'audience sur requêtes est levée à 12 heures 58.

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