Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 2 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Déclaration liminaire de la Défense]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Monsieur Karadzic, veuillez

  7   continuer. Veuillez prévoir votre déclaration de façon à laisser une

  8   dizaine de minutes à la fin de cette audience pour une décision orale de la

  9   Chambre, s'il vous plaît.

 10   L'ACCUSÉ [interprétation] Merci, Excellences.

 11   Comme nous l'avons vu hier, à un rythme effréné ou incroyable que l'on

 12   observait en Croatie, des mesures choquantes étaient introduites tous les

 13   mois et avaient des conséquences sur les Serbes. La situation était la

 14   même. Avant d'arriver à la déclaration d'octobre qui a été adoptée par le

 15   HDZ et le SDA et par leurs députés, contrairement aux méthodes de

 16   fonctionnement des sessions de l'assemblée, et contrairement également aux

 17   dispositions de la constitution de Yougoslavie et de Bosnie-Herzégovine, je

 18   souhaiterais également ajouter que le SDS a été le dernier parti ethnique a

 19   être constitué. Nous l'avons fait, mais quelque peu en reculant, car nous

 20   ne pensions pas qu'une démocratie ethnique était une manière appropriée

 21   d'avancer, mais nous en avons été forcés par les événements.

 22   Les élections ont eu lieu du 18 novembre, et chaque parti nationaliste a

 23   gagné, pour ainsi dire, puisque les électeurs ont adopté des

 24   différenciations ethniques basées sur les peurs qu'ils éprouvaient, mais

 25   également pour les ambitions dont ils n'avaient pas bénéficié auparavant en

 26   Yougoslavie. Le gouvernement a été constitué en janvier 1991, et la

 27   première campagne pour une Bosnie-Herzégovine indépendante a commencé en

 28   janvier, même si M. Izetbegovic s'était engagé à rester en Yougoslavie en

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  1   janvier. Mais en février, M. Izetbegovic a constitué un conseil secret pour

  2   la défense des Musulmans, même s'il était président du conseil public pour

  3   la défense de la Bosnie-Herzégovine.

  4   Les Serbes ont fait part de leur protestation durant la première campagne

  5   d'indépendance. Une fois que M. Izetbegovic avait constitué ce conseil qui

  6   a ensuite joué le rôle de commandement de l'armée secrète du SDA, le public

  7   serbe n'a pas protesté contre cela, même si nous savions que les choses

  8   évoluaient dans ce sens.

  9   En février, nous avons essayé d'adopter une déclaration sur la souveraineté

 10   et l'indépendance. Les Serbes ont protesté et ont imposé leur veto et ont

 11   porté cette question devant le Conseil de la Défense nationale. Nous avons

 12   annoncé que nous allions travailler sur des communautés de municipalités,

 13   parce que les municipalités peuvent adopter des décisions différentes sur

 14   la base de leurs intérêts économiques.

 15   La Ligue des Patriotes a été constituée le 31 mars, et le

 16   commandement Suprême disposait de son armée. Les Serbes étaient fortement

 17   préoccupés. Les Serbes employés dans les forces de police et au niveau du

 18   MUP, même s'ils n'étaient pas membres du SDS parce que nous ne pensions pas

 19   qu'il devrait avoir d'affiliations politiques au sein de la police, ceux-ci

 20   ont donc essayé d'éviter qu'il y ait des abus de pouvoir de la police et

 21   ont informé le public de ce qui se passait. C'était la première fois que,

 22   d'une certaine manière, nous avons rencontré des malentendus avec notre

 23   vice-ministre que nous avions nommé à ce poste.

 24   Par conséquent, en mars 1991, une seconde tentative a été adoptée

 25   pour une déclaration d'indépendance. Après ces consultations avec nos

 26   partenaires, nous avons usé de notre veto et nous avons continué les

 27   consultations avec les municipalités. La déclaration sur la souveraineté de

 28   la Bosnie-Herzégovine sera votée avec ou sans les Serbes, c'est ce que M.

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  1   Izetbegovic a dit en 1991. Par conséquent, tout cet esprit de fraternité,

  2   d'unité était maintenant terminé, et les abus de pouvoir de la police ont

  3   redoublé. La police était composée de quantité de criminels, et vous avez

  4   entendu hier au vu de ma conversation avec le vice-ministre durant laquelle

  5   nous avions décidé de ne pas incorporer de nouveaux membres dans les forces

  6   de police, contrairement à eux.

  7   Le personnel du SDA au sein de la police gardait énormément

  8   d'éléments secrets de la part des Serbes. En fait, il ne les informait pas

  9   de toutes les activités illégales dans lesquelles ils étaient impliqués.

 10   C'est la première séparation qui s'est opérée au sein du MUP en mai 1991,

 11   et ceci a eu des conséquences sur la division de fait du MUP. Par

 12   conséquent, notre personnel n'avait aucune connaissance ni aucun impact sur

 13   les événements.

 14   Les régions autonomes serbes ont été proclamées, mais rien ne s'est

 15   produit. Ces régions existaient au cas où quelque chose se passerait, et si

 16   les communications étaient coupées de façon à ce que le peuple ne soit pas

 17   coupé du contact avec leurs dirigeants, il y aurait besoin de dirigeants

 18   régionaux pour les mener.

 19   En juin 1991, une décision a été prise concernant l'indépendance de

 20   la Slovénie et de la Croatie. M. Tudjman, M. Izetbegovic ont conclu un

 21   accord secret pour attaquer la JNA et la Yougoslavie. Cette conspiration et

 22   ce pacte secret seront confirmés ici grâce aux éléments qui seront

 23   présentés par l'Accusation, mais nous disposons également de nos propres

 24   sources d'information en la matière.

 25   On commence déjà à parler de régionalisation, et nous pensions que

 26   l'on devait commencer à fonctionner de cette manière parce que ce n'était

 27   plus une plaisanterie. Toutes les mesures que nous avons prises nous ont

 28   été imposées. Ce n'était pas nos objectifs. Nous avons fait ceci parce que

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  1   nous en avions été forcés. Si nous ne prenions pas ces mesures, nous

  2   allions activer ces plans.

  3   Les journaux allemands, comme, par exemple, "Frankfurter Zeitung" et

  4   "Die Welt" ont écrit des articles sur la Yougoslavie en disant qu'ils se

  5   moquaient des accords de Saint-Germain, de Versailles, et de Trianon, ainsi

  6   que la conférence de Paris. Ils faisaient référence aux accords qui avaient

  7   mis fin à la Première Guerre mondiale.

  8   Je vous rappellerais qu'en 1979 et 1978, alors que Tito était encore

  9   en vie, Josef Strauss a ressemblé l'élite européenne à Munich et a essayé

 10   de les persuader de déclarer que la Yougoslavie était morte et enterrée,

 11   grâce au général Gallois qui avait acquis cette information. Ce général

 12   était une personnalité exceptionnelle qui n'était pas d'accord avec cela ni

 13   à l'époque ni maintenant.

 14   En juin, les Serbes ont proposé leurs idées en langue serbe et en

 15   langue anglaise. Maintenant, je me demande pourquoi l'Accusation ne

 16   mentionne pas cet accord. Cet accord n'est pas du tout mentionné. Je me

 17   demande pourquoi ils n'ont pas voulu prendre connaissance de la position

 18   des Serbes en ce qui concerne la Yougoslavie et la Bosnie-Herzégovine. La

 19   raison était la suivante : il s'agissait d'une période importante, la crise

 20   redoublait et les Serbes avaient proposé une solution pour la Yougoslavie

 21   et pour la crise en Bosnie. Cette proposition excluait toute possibilité

 22   d'entreprise criminelle commune. Donc, ceci devrait être exclu de l'acte

 23   d'accusation.

 24   Au début du mois de juillet, les organisations de Bosnie musulmane,

 25   dirigées par Adil Zulfikarpasic et Muhamed Filipovic, qui avaient quitté le

 26   SDA lorsqu'ils avaient entendu parler de ce pacte secret qui était conclu

 27   derrière le dos de tous les membres du parti et dans le dos allemand de

 28   tout le peuple musulman. Filipovic et Zulfikarpasic, qui étaient des hommes

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  1   politiques expérimentés et des dissidents de longue date ayant une certaine

  2   stature, avaient besoin d'un peu de temps pour faire avancer leurs

  3   différents pions. Ceci a mené M. Causevic, après qu'il quitte le SDA, de

  4   dire à M. Izetbegovic : Pensez-vous que les Serbes sont des idiots et

  5   qu'ils ne voient pas ce que vous êtes en train de faire ?

  6   Du côté des Serbes, ils étaient ravis de cette proposition concernant

  7   l'accord entre les Musulmans et les Serbes, et ils ont décidé d'abandonner

  8   toutes les contre-mesures qui avaient été envisagées. Ces contre-mesures

  9   avaient pour objectif, en fait -- il s'agissait de mesures de rétorsion qui

 10   avaient pour objectif de lutter contre les violations des droits

 11   constitutionnels.

 12   M. Zulfikarpasic et moi-même, nous nous sommes réunis avec M. Izetbegovic,

 13   et nous lui avons dit : Ecoutez, regardez ce qui se passe. En fait, il a

 14   dit à M. Zulfikarpasic : Veuillez continuer vos activités parce que les

 15   Serbes ne nous font plus confiance.

 16   En juillet et août 1991, nous avons travaillé sur cet accord historique

 17   entre les Musulmans et les Serbes. Nous avons eu des réunions conjointes

 18   avec beaucoup de tensions, mais les dirigeants du SDA et du MBO se

 19   rendaient dans des zones sensibles telles que Trebinje et tenaient des

 20   rallyes politiques là-bas. Mais tout le monde était satisfait, tant les

 21   Serbes que les Musulmans. Nous nous sommes rendus à Zvornik, qui était

 22   également une zone sensible, qui a d'ailleurs explosé ultérieurement. Les

 23   gens étaient enchantés. Nous avions des salles de sport qui étaient

 24   bondées, et ils étaient ravis de voir un changement s'opérer dans les

 25   relations entre les Serbes et les Musulmans. Par conséquent, durant cette

 26   période de six mois, nous n'avons pas appliqué de mesures de rétorsion que

 27   nous avions envisagées parce que nous sommes arrivés à un accord avec les

 28   Musulmans.

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  1   Vers la fin du mois d'août, d'un seul coup M. Izetbegovic n'a plus soutenu

  2   cet accord, alors que le Pr Koljevic et le Pr Filipovic, qui étaient issus

  3   de la faculté de philosophie, et qui étaient habilités par M. Zulfikarpasic

  4   et par moi-même de continuer leurs activités, avaient présenté l'accord au

  5   public avec pour objectif de détendre la situation en Bosnie-Herzégovine.

  6   Ils ont expliqué que la Bosnie était un Etat tripartite, avec les

  7   Bosniaques, les Croates et les Musulmans, et ils nous ont convaincus qu'il

  8   n'y avait aucun problème. Même s'il y avait des conflits en Croatie qui

  9   faisait rage, ils nous ont dit que ce type d'accord éviterait que ceci

 10   traverse la frontière et affecte la Bosnie.

 11   Le MBO et M. Filipovic ont été considérés comme des traîtres par la nation

 12   musulmane. Donc tous ces subterfuges pour essayer de tromper les Musulmans

 13   et les Serbes avaient pour objectif de vouer à l'échec politique le MBO,

 14   était en fait une victoire, et de cette manière, dès le lendemain la

 15   tension a augmenté. C'était une victoire à la Pyrrhus. La tension, donc, a

 16   monté en Bosnie-Herzégovine, ainsi que du côté serbe, notamment dans la

 17   Région autonome de la Krajina, sans pour autant nous demander quoi que ce

 18   soit, la Région autonome de la Krajina a été décrétée. Nous avons des

 19   interceptions téléphoniques à ce sujet, et nous pouvons toujours les

 20   présenter à cette Chambre de première instance si elle le souhaite.

 21   Après cela, M. Izetbegovic s'est retiré, nous avons adopté une déclaration

 22   de l'assemblée dont les éléments de base étaient tout d'abord que toutes

 23   les options devaient être traitées sur un pied d'égalité; deuxièmement,

 24   qu'il ne fallait pas imposer une solution qui émanerait d'une partie ou

 25   d'une autre. Une solution devait être trouvée qui serait acceptable pour

 26   tous, sans que l'on impose quoi que ce soit, et toutes ces options devaient

 27   être légitimes. Ceci a détendu quelque peu la situation, mais ça n'a pas

 28   duré plus d'un mois.

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  1   A la mi-octobre, nous avons eu cette célèbre séance de l'assemblée où la

  2   constitution a été abordée, une séance a été convoquée de manière illicite,

  3   et tous les députés serbes, du moins 83 de ces députés, 72 députés du SDS

  4   ainsi que les autres députés des partis multiethniques ont quitté

  5   l'assemblée. Du côté serbe, il a été annoncé qu'à moins que ces décisions

  6   soient révoquées dans la semaine, les Serbes allaient constituer leur

  7   propre assemblée avec une autonomie propre.

  8   Il s'agit d'un moment charnier pour l'Accusation et pour l'acte

  9   d'accusation. Dans le paragraphe 34 du mémoire préalable au procès,

 10   l'Accusation déclare que les dirigeants des Serbes de Bosnie ont établi, le

 11   24 octobre 1991, une assemblée séparée. Comme M. Karadzic l'a expliqué aux

 12   délégués, il s'agissait d'une décision historique qui avait mis à bas

 13   toutes les dernières illusions que les Serbes auraient pu avoir. Ceci les

 14   aidera à reconnaître le bon grain de l'ivraie et ils ne pourront plus

 15   jamais être menacés par des forces internes.

 16   Donc M. Karadzic a fait part de cette opinion et nous avons abandonné

 17   toutes nos illusions. Nous savions exactement qui étaient nos ennemis, qui

 18   étaient nos amis, nous savions exactement d'où venait la menace. Par

 19   conséquent, en novembre 1991, encore une fois dans le paragraphe 34 du

 20   mémoire préalable au procès, on peut lire qu'immédiatement avant le

 21   plébiscite du SDS, d'après lequel les Serbes avaient confirmé qu'ils

 22   voulaient rester en Yougoslavie, Karadzic a invité les autorités

 23   municipales à constituer leur propre pouvoir dans leurs zones respectives.

 24   "Veuillez faire preuve d'énormément d'énergie pour mener à bien cette

 25   politique et pour asseoir votre position, et préparez-vous à une

 26   restructuration et à une régionalisation basées sur les municipalités."

 27   C'est une citation de mes propos par l'Accusation. Mais ceci n'a pas la

 28   signification qui lui a été prêtée par le bureau du Procureur. Je voudrais

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  1   vous rappeler, d'ailleurs, qu'entre le 24 octobre, lorsque les Serbes se

  2   sont rendu compte de la direction que prenait le SDS, ou que voulait faire

  3   emprunter le SDS au pays ou à la nation, les Serbes ont accepté, avant le

  4   début de la guerre, plusieurs possibilités ou options de paix, et ils

  5   étaient disposés à abandonner leur propre assemblée. Donc les Serbes ont

  6   constitué leur assemblée comme une dernière ligne de défense. Si toute

  7   autre mesure échouait, dans ce cas-là ils constitueraient leur assemblé.

  8   Dans les paragraphes 195 et 196 du jugement dans l'affaire Krajisnik, la

  9   Chambre de première instance a mentionné que si l'ancien système s'était

 10   écroulé, le gouvernement central devait prendre des mesures de façon à

 11   éviter que tout tombe en déliquescence. Et ce qui est mentionné ici, c'est

 12   qu'il fallait préparer ses propres territoires si le gouvernement central

 13   ne jouait plus son rôle et les municipalités n'avaient plus personne à qui

 14   se fier. Si le gouvernement central allait rendre des ordres qui allaient à

 15   l'encontre de la survie du peuple, dans ce cas-là nous devions nous

 16   organiser. Nous avions à prendre en compte des circonstances

 17   extraordinaires.

 18   Je pense que tous les documents internationaux corroborent ce que j'avance,

 19   à savoir qu'il est préférable d'avoir toute autorité quelconque plutôt

 20   qu'aucune autorité. Le désordre est vraiment la pire des solutions.

 21   Le SDS ne représentait plus les Serbes. Tous les Serbes étaient présents,

 22   et ils avaient prévu un plébiscite en novembre 1991, en essayant de voir ce

 23   que le peuple attendait de M. Izetbegovic. Est-ce qu'on allait prendre les

 24   mesures qui correspondaient aux souhaits du peuple, ou est-ce que d'autres

 25   mesures allaient être prises ?

 26   La question du référendum portait sur la Yougoslavie. Il s'agissait

 27   d'un référendum ethnique et, par conséquent, les autres ont pu voter, et en

 28   fait, entre 40 et 60 000 Musulmans et Croates ont voté, et ils ont voté en

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  1   faveur de la Yougoslavie.

  2   Je dois dire que l'Accusation n'est pas vraiment honnête en disant

  3   qu'il s'agissait d'un bulletin de vote jaune. Je ne sais pas quelle était

  4   la couleur du bulletin de vote, mais c'était écrit en alphabet latin, alors

  5   que la plupart des Serbes utilisent l'alphabet cyrillique, mais c'était

  6   imprimé en alphabet latin de façon à ce que tout le monde trouve ceci plus

  7   plaisant.

  8   Donc, le 20 décembre, le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,

  9   contrairement aux positions et aux opinions de tous les ministres et les

 10   vice-ministres serbes qui étaient membres du gouvernement, a rendu une

 11   décision demandant à la Communauté européenne de reconnaître une Bosnie-

 12   Herzégovine indépendante. Il n'y avait pas de conditions préalables qui

 13   avaient été prises. La décision n'a pas été prise de manière appropriée.

 14   Par conséquent, cette décision n'aurait pas pu découler d'un référendum

 15   puisque moins des deux tiers des personnes qui avaient voté, avaient voté

 16   en faveur de cela. Ceci ne pouvait pas être adopté par le biais de

 17   l'assemblée, puisqu'il fallait plus des deux tiers. Ça ne peut pas être le

 18   gouvernement qui demande l'indépendance. Ça peut être simplement

 19   l'assemblée, sur la base d'un vote des deux tiers des députés.

 20   Nous allons attirer votre attention sur tous les détails de cette

 21   assemblée, parce que cette assemblée est souvent exploitée.

 22   Ils ont demandé que cette demande d'indépendance soit annulée, ou

 23   qu'en contre-mesure ou en mesure de rétorsion, on proclame la province de

 24   Bosnie-Herzégovine.

 25   Consultons maintenant cette carte. Cette carte remonte à 1991. Les

 26   populations serbes sont en bleu. Ça n'a pas beaucoup changé. Après le

 27   génocide de la Deuxième Guerre mondiale, les Serbes ont continué à vivre

 28   dans leur majorité sur les deux tiers de territoire de la Bosnie-

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  1   Herzégovine, mais malheureusement ils n'avaient qu'un tiers. Jusqu'à la

  2   Deuxième Guerre mondiale, ils étaient le groupe majoritaire.

  3   Le SDA a refusé de retirer cette demande, et ils ont poursuivi leurs

  4   mesures.

  5   Du 20 décembre jusqu'au 9 janvier, ils ont eu 20 jours. Le 29

  6   janvier, la République serbe a été proclamée, mais comme toutes les mesures

  7   serbes, ceci devait être traité comme une possibilité. Ça ne fonctionnait

  8   pas vraiment. Donc l'Accusation n'a pas raison de dire que nous avions

  9   constitué l'assemblée du peuple serbe pour atteindre certains objectifs.

 10   Nous avions tout à fait raison, puisque nous avons constitué

 11   l'assemblée serbe afin d'éviter au SDA d'atteindre leurs objectifs aux

 12   dépens de notre sécurité et de nos propres souhaits. Nous pouvons le voir

 13   sur la base de toutes les mesures provisoires qui avaient été prises,

 14   comme, par exemple, l'assemblée qui s'est tenue les 24 et 25 janvier, où

 15   Karadzic et Cengic -- il s'agit de Muhamed Cengic du SDA. Ce n'est plus le

 16   MBO. Le MBO a toujours été en faveur d'atteindre un accord avec les Serbes.

 17   Mais le vice-président du SDA, M. Cengic, nous l'avons mentionné hier, a

 18   conclu un accord avec moi. Ceci est très connu. Nous avons été d'accord

 19   pour que le gouvernement arrive à cette régionalisation dans les 15 jours,

 20   et les Serbes ont voté pour le référendum. Quelles que soient les mesures

 21   qu'ils aient prises, ils ont voté, et ceci a donné une certaine légitimité

 22   au référendum.

 23   M. Izetbegovic a lancé ce référendum, puisque Cengic a dit

 24   publiquement que c'était M. Izetbegovic qui avait autorisé cette manière de

 25   fonctionner, mais ça n'a, en fait, duré que deux heures. Avec le MBO,

 26   l'accord a duré deux mois; alors qu'en fait, il n'avait duré que deux

 27   heures.

 28   Que s'est-il passé ? En février, la conférence commence. Même si nous

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  1   avons reçu des visites d'observateurs de l'Union européenne, nous avons eu

  2   l'ambassadeur Lord Carrington, et entre les 22 et 23 février, ce que l'on

  3   arrive à obtenir c'est un accord sur trois Bosnies. Les Serbes ont dit :

  4   "Très bien. Nous allons quitter la Yougoslavie. Nous allons quitter la

  5   Yougoslavie, nous allons rester dans le cadre de ces frontières de la

  6   Bosnie-Herzégovine, une fois qu'elles seront reconnues, à condition que

  7   nous obtenions cette unité à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine, et que

  8   la Bosnie soit un Etat décentralisé, composite, où les Serbes, les Croates

  9   et les Musulmans disposeront de ces garanties et de sécurité, les sécurités

 10   comme, par exemple, dont disposaient les républiques de Yougoslavie, même

 11   si ceci était à un niveau inférieur."

 12   Les 22 et 23 février, une décision a été prise de façon à ce que les

 13   différentes unités constituantes à venir disposent de leur propre pouvoir,

 14   comme notamment d'avoir la possibilité de disposer de forces de police

 15   souveraines et autonomes, et qu'il y aurait un devoir de responsabilité

 16   vis-à-vis du gouvernement et de l'assemblée.

 17   Etant donné que nous avions déjà une expérience en la matière, hier

 18   nous avons dit que nous avions trouvé un accord sur dix points, et M.

 19   Izetbegovic, le lendemain, nous a déclaré que nous n'étions tombés d'accord

 20   sur pas un seul de ces points. Nous avions dit que si nous tombions sur dix

 21   questions, dans ce cas-là, demain nous passons au point numéro 11. Nous ne

 22   pouvons pas revenir au premier point. Donc, nous avons adopté le principe

 23   comme quoi aucun accord n'était conclu tant que tous les points avaient

 24   fait l'objet d'un accord, et ensuite nous pouvions passer à autre chose.

 25   Et puis, l'assemblée a pris une décision. L'assemblée serbe et le

 26   Conseil des ministres, le 28 février, ont décidé que les préparations

 27   étaient en place pour constituer le MUP serbe. Pourquoi immédiatement après

 28   l'accord ? Parce que nous avons observé des abus de pouvoir massifs de la

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  1   police en Bosnie. Ils semaient le désordre. Nous pouvions voir cela, comme

  2   des témoins de l'Accusation l'ont d'ailleurs dit. La police et la partie

  3   musulmane de la police, le SDA et la Ligue des Patriotes ne faisaient plus

  4   qu'un, et on ne pouvait plus faire de distinction entre les différentes

  5   institutions, mais nous reviendrons à ces abus.

  6   Donc, le 28 février et le 1er mars, un référendum a été organisé. Les

  7   Serbes n'y ont pas participé, mais ils n'ont pas empêché que ce référendum

  8   ait lieu. Nous avions notre propre plébiscite en novembre. Mais s'ils

  9   voulaient avoir un référendum impliquant deux groupes ethniques, on pouvait

 10   laisser ceci se passer.

 11   Mais le 1er mars, des criminels, des criminels très connus, qui

 12   étaient maintenant devenus des militants de la Ligue des Patriotes, qui

 13   avaient tué les membres d'un groupe participant à un mariage devant la

 14   vieille église, et qui avaient écrit des graffitis contre les Serbes le

 15   lendemain, étaient présents. Cette vieille église avait été construite

 16   durant l'occupation turque. L'anecdote dit que le sultan avait dit : Vous

 17   pouvez construire une église qui sera aussi grande que la peau d'un bœuf.

 18   Les Serbes avaient coupé la peau de ce bœuf, mais cette peau était, en

 19   fait, pas plus épaisse qu'un fil, et ils avaient délimité l'endroit où

 20   l'église serait construite. Le sultan leur a dit que ça ne devait pas être

 21   plus haut que le minaret le plus bas de toutes les mosquées. Ils ont donc

 22   construit cette église en souterrain en partie. Par conséquent, il faut, en

 23   fait, descendre pour arriver dans l'église. Je pense qu'il faudrait que

 24   vous y alliez un jour, à Sarajevo. Il faut descendre. Une partie du

 25   bâtiment est en souterrain. C'est une église qui est très chère au cœur des

 26   Serbes.

 27   Quoi qu'il en soit, les Musulmans ont essayé de prétendre qu'il ne

 28   s'agit pas d'une église active. Mais ça a toujours été une église qui

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  1   fonctionnait, et même à l'époque des Turcs, même les Turcs ne l'ont pas

  2   touchée.

  3   Donc, un jeune homme est tué à cet endroit. Une balle atteint, par

  4   hasard, Nikola Gardovic, qui est le père d'un jeune ecclésiastique de cet

  5   église, et le lendemain déjà cet homme apparaît à la télévision, il est

  6   montré comme un héros, et il dit : "Oui, j'ai tiré sur l'autre. Pourquoi

  7   est-ce qu'il arborait un drapeau serbe ?" Les drapeaux serbes étaient

  8   arborés même à l'époque des Turcs au moment d'un mariage. Ce n'était pas un

  9   signe de nationalisme. C'était le fait de porter une bannière religieuse et

 10   c'était la coutume.

 11   Alors le 2 mars, on voit des enfants circuler dans Sarajevo. Koljevic,

 12   Krajisnik et moi-même étions en train de négocier à Belgrade. Nous n'étions

 13   pas sur place. Des barrages sont érigés un peu partout, et ils restent en

 14   place pendant plusieurs jours. Le SDS négocie effectivement avec la

 15   présidence de Bosnie-Herzégovine au sujet de ces barrages, et la cellule de

 16   Crise dirigée par l'homme qui vient d'être arrêté à Londres, M. Ejup Ganic,

 17   qui était membre de la présidence. C'est un Yougoslave qui s'est retourné

 18   contre la Yougoslavie.

 19   Donc dans une situation comme celle-là qui était marquée par une

 20   forte tension, le 18 mars, un accord est atteint, l'accord dit de Lisbonne.

 21   Le plan de paix Cutileiro est adopté, et il stipule que cette partie du

 22   territoire de la Bosnie-Herzégovine sera réorganisée avec création de trois

 23   unités internes correspondant respectivement aux Serbes, aux Croates et aux

 24   Musulmans, et nous fêtons tous l'événement.

 25   Je voudrais vous rappeler que M. Ajanovic a été celui qui l'a fêté le plus,

 26   en déclarant que 80 à 85 % de tous les Musulmans se trouvant dans l'unité

 27   constitutive leur correspondant, et que 20 % seulement de Serbes et de

 28   Croates peupleront leurs unités constitutives respectives, les Serbes pour

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  1   leur part craignaient le pire; 50 % à peu près des Serbes se trouvaient

  2   dans l'unité revenant aux Serbes, alors que les autres étaient répartis un

  3   peu partout en Bosnie. Même à ce moment-là et après, personne n'a évoqué un

  4   éventuel échange de population ou quelque expulsion que ce soit.

  5   Le 24 mars, le SDA a abrogé sa participation à l'accord. Je vous

  6   rappelle que le 18 mars, Ajanovic avait dit que si les Serbes refusaient

  7   cet accord, ce serait encore un geste insensé de leur part, et que ce

  8   serait la preuve qu'ils optaient pour la guerre. Une semaine après la

  9   signature de l'accord, ce sont les Musulmans qui ont retiré leur signature

 10   de cet accord de Lisbonne.

 11   M. Ajanovic déclare à ce moment-là : Nous avons fait cela pour gagner

 12   du temps, pour attendre la reconnaissance internationale du pays.

 13   Peut-être pourrions-nous nous pencher sur la diapositive que l'on

 14   voit maintenant. Diapositive précédente, en fait. Voilà ce qu'on peut y

 15   lire, je cite :

 16   "Si l'assemblée serbe rejette le plan Cutileiro, il deviendra tout à fait

 17   clair qu'ils sont contre la paix en Bosnie, et on saura parfaitement bien

 18   qui essaie de ruser avec la Communauté européenne et le président de la

 19   conférence." C'est Lord Carrington qui prononce ces propos.

 20   Alors, Excellences, ceci est un aveu : Celui qui retire sa signature est

 21   coupable. C'est exactement ce que les Musulmans ont fait une semaine plus

 22   tard.

 23   "Le SDA a accepté au départ le plan Cutileiro parce que c'était de sa part

 24   un jeu politique visant à obtenir la reconnaissance internationale de

 25   l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine et de sa souveraineté, et parce que

 26   le SDA était responsable de l'échec des négociations. Le SDS, le HDZ, et la

 27   Communauté européenne étaient favorables à ce que la Bosnie-Herzégovine

 28   demeure dans ses frontières actuelles avec toutefois une transformation de

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  1   ses territoires."

  2   Voilà ce que l'on a estimé inadmissible, et le 18, le 19, le SDA déclare

  3   qu'il s'agit d'une tromperie de la part des Serbes, il déclare qu'il est

  4   clair que les Serbes souhaitent abuser de la Communauté européenne, que

  5   c'est à eux qu'il faut reprocher la guerre. Finalement, Izetbegovic admet

  6   que c'est ce qu'il s'apprête à faire, et que par conséquent il veut la

  7   guerre. Le peuple serbe et les partis politiques serbes n'ont qu'à se

  8   plier. Nous quittons la Yougoslavie. C'est la concession la plus pénible

  9   que nous avons dû faire. Les frontières intérieures vont demeurer en l'état

 10   pour peu que nous obtenions nos unités constitutives. Voilà ce que

 11   l'ambassadeur Cutileiro a écrit en 1995, lorsque la guerre était déjà

 12   terminée. C'est ce qu'il écrit au sujet des propos qui ont pu être tenus au

 13   sujet de l'accord de Lisbonne. Voilà donc ce qu'écrit l'ambassadeur

 14   Cutileiro, il estimait qu'il devait faire connaître sa position au monde

 15   entier, mais les choses ne se sont pas passées tout à fait comme il le dit.

 16   Je cite :

 17   "Après plusieurs séries de pourparlers, un accord s'est conclu sur les

 18   principes d'arrangements constitutionnels de la Bosnie-Herzégovine qui

 19   étaient les nôtres et qui ont été acceptés par les trois partis (musulman,

 20   serbe et croate) à Sarajevo le 18 mars 1992. Ceci a continué jusqu'à ce que

 21   les Musulmans retirent leur signature de l'accord. S'ils n'avaient pas agi

 22   ainsi, la question bosniaque aurait pu être réglée plus tôt avec une vie et

 23   une possession de territoires concernant principalement les Musulmans. En

 24   toute justice, le président Izetbegovic et ses assistants ont été

 25   encouragés à saboter cet accord et à se battre pour un Etat bosniaque

 26   intégré par des outsiders bien intentionnés qui pensaient qu'ils en

 27   savaient plus que lui."

 28   Alors voilà le moment où nous pouvons nous demander ce que Karadzic ou le

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  1   SDS pouvaient faire, ou ce que 1 500 000 de Serbes en Bosnie-Herzégovine

  2   pouvaient faire. Ils ont tout accepté. Ils ont tout accepté à condition que

  3   leur survie ne soit pas mise en cause. Ils ont accepté que l'unité

  4   constitutive qui leur revienne soit la plus mauvaise, que ce soit celle qui

  5   était la moins apte à satisfaire les exigences du peuple serbe, mais ils

  6   ont tout accepté et ils l'ont fait uniquement parce qu'ils y voyaient la

  7   seule chance de préserver la paix. La seule chose que l'on attendait d'eux,

  8   manifestement, c'est ce que le président Tudjman a dit à la délégation

  9   américaine. Il a dit que les Serbes devaient quitter la Bosnie, il n'a pas

 10   dit que les Musulmans devaient quitter la Republika Srpska, il a dit que

 11   les Serbes devaient quitter la Bosnie. Voilà ce qu'il a dit.

 12   Il me faut maintenant revenir à cette noce et au meurtre qui s'y est

 13   produit ainsi qu'à l'érection des barrages routiers. Ils sont en général

 14   interprétés par les médias occidentaux comme étant un signe de partialité.

 15   Les médias affirment que ces barrages ont été érigés parce que les

 16   Musulmans voulaient l'indépendance. Ceci n'est pas vrai. Pas vrai du tout.

 17   Nous n'avons pas empêché ceci de quelque façon que ce soit.

 18   Voyons les choses d'un peu plus près. Sur cette carte, tout ce qui est bleu

 19   montre les endroits où nous étions au pouvoir parce que c'étaient des

 20   endroits peuplés majoritairement par des Serbes, les zones en bleu.

 21   Personne dans ces secteurs n'aurait pu organiser un référendum si nous y

 22   avions été opposés. Donc nous n'avons rien empêché. Par conséquent, il

 23   n'est pas vrai que les barrages ont été érigés à cause du référendum. Ils

 24   ont été érigés à cause de l'assassinat, parce qu'un jeune homme, bien connu

 25   comme criminel, je l'indique au passage, a pris sur lui en se sentant dans

 26   son droit de tirer sur des gens qui participaient à un mariage serbe et

 27   d'assassiner quelqu'un, et ensuite il a été fêté par sa communauté ethnique

 28   comme un héro. Il n'a pas été arrêté pendant longtemps. Je pense que

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  1   finalement il a été liquidé après la guerre, il y a trois ou quatre ans

  2   dans un café quelque part, mais personne n'a rien fait pour l'arrêter à

  3   l'époque des faits. Donc c'était le 24 et le 25 mars, et le SDA s'est donc

  4   retiré de la réunion.

  5   Le 25 mai -- regardez un peu le rythme des événements. Nous ne parlons plus

  6   d'un mois ou de quelques semaines comme c'était le cas en Croatie. C'est un

  7   choc qui arrive après l'autre, un jour après l'autre. Nous en sommes

  8   arrivés au 25 mars, les forces armées de Croatie, le Corps de la Garde

  9   nationale, le MUP, on ne sait même plus qui agissait là-bas, ont été

 10   transférés de Croatie vers la Bosnie-Herzégovine à Bosanski Brod, où ils

 11   ont rencontré deux unités paramilitaires illégales qui dépendaient d'un

 12   parti, donc c'étaient des formations d'un parti politique. Ces hommes

 13   chantaient, tiraient des coups de feu de temps en temps, je pense

 14   particulièrement à un certain Petrovic à qui ont a tué son fils dans une

 15   station d'essence, ces hommes n'avaient pas le droit de tirer, mais dès

 16   qu'ils voyaient quelqu'un, ils tiraient au hasard et tuaient quelques

 17   personnes. Personne n'a arrêté ces hommes, surtout pas la police de Bosnie-

 18   Herzégovine ou l'armée populaire yougoslave parce que ces forces étaient en

 19   train de se battre déjà en Croatie, et le 26 mars, les choses se sont

 20   poursuivies dans le village voisin.

 21   La même chose s'est passée, même chose que lors de la noce dont j'ai déjà

 22   parlé. Personne n'a arrêté les auteurs de ces actes, personnes n'a rien

 23   fait. Le 26 mars il y a eu le massacre des Serbes de Sijekovac, dans ce

 24   malheureux village de Sijekovac, un tiers de la population avait fui

 25   pendant la Seconde Guerre mondiale, un tiers de la population avait été

 26   converti, un tiers avait été tué, mais certains ne sont jamais revenus.

 27   C'étaient des Catholiques, bien entendu.

 28   Alors la partie adverse dit que la police était chargée d'assurer la

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  1   sécurité de la population. Elle affirme que nous avions suffisamment de

  2   policiers. Pourquoi est-ce que nous n'avons pas recruté les forces de

  3   réserve ? Bien sûr, c'est le ministre qui doit autoriser la mobilisation

  4   des réservistes pour qu'ils entrent en action.

  5   Nous leur avons rétorqué à cette question de savoir pourquoi les forces de

  6   police de réserve n'avaient pas été mobilisées. Leur réponse a été : On ne

  7   pouvait pas le faire. Il fallait qu'un ordre soit donné. Mais aucun ordre

  8   n'a été donné. Il n'y avait rien qui séparait les assassins et le peuple

  9   serbe, les civils serbes. Il n'y avait aucun garde-fou, et l'assemblée

 10   serbe a été forcée de créer ce garde-fou le 27 mars, c'est-à-dire le

 11   lendemain de l'assassinat et 13 mois après la mise en place par le SDA en

 12   février 1991 d'une instance beaucoup plus puissante qui était le Conseil de

 13   sécurité nationale, conseil consultatif par rapport à l'assemblée du peuple

 14   serbe de Bosnie-Herzégovine. Or, le Procureur traite de cette question au

 15   paragraphe 66 de son mémoire préalable au procès dans les termes suivants,

 16   je cite :

 17   "Cette instance a été créée par l'assemblée le 27 mars 1992, avec Karadzic

 18   qui en était le président. Bien que destiné au départ à être un organe

 19   consultatif, le Conseil de sécurité nationale s'est transformé

 20   immédiatement en organe exécutif très semblable à une cellule de Crise

 21   serbe centralisée qui exécutait des ordres très semblables à ceux qui

 22   venaient de la présidence. Par conséquent, en tant que président du SNB,

 23   Karadzic a exercé son pouvoir sur les instances d'Etat des Serbes de

 24   Bosnie, c'est-à-dire sur les forces serbes bosniaques ainsi que sur les

 25   autorités au niveau de la république, au niveau régional, et au niveau

 26   municipal. Le SNB dans des situations où le gouvernement serbe prenait des

 27   décisions relatives à des questions stratégiques et militaires en ordonnant

 28   par exemple l'activation des états-majors de Crise dans certaines

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  1   conditions, nommait également les commandants de la Défense territoriale,

  2   organisait la défense des positions serbes, et a ordonné une mobilisation

  3   complète. Par ailleurs, le SNB a pris d'importantes décisions politiques

  4   telles que la nomination de ministres et l'adoption de certains textes de

  5   loi."

  6   Alors, bien entendu, le fait que le Procureur synthétise les choses les

  7   déforme un peu, car tout ceci ne s'est passé qu'après que la guerre ait

  8   éclaté. Jusqu'à l'éclatement de la guerre, ce Conseil de sécurité nationale

  9   était un organe consultatif, comme l'indique son titre. Puisqu'il

 10   n'existait aucune autre instance de ce genre, aucun autre commandement,

 11   aucune autre formation de ce genre, l'assemblée serbe a décidé que par le

 12   biais de cette instance consultative, des ordres seraient donnés à la

 13   police pour assurer la survie de la population. Cette décision a été prise

 14   le 28 février, donc le MUP serbe a été organisé conformément aux décisions

 15   de la conférence. Toutefois, il n'avait pas été créé encore officiellement

 16   et ne fonctionnait pas encore, car pour cela il fallait l'accord des deux

 17   autres parties.

 18   Bien entendu, dans un paragraphe de son mémoire, le Procureur déclare que

 19   Stanisic et Mandic ont agi ainsi de leur propre chef. Or, c'était une

 20   décision prise par l'assemblée serbe sur la base des résultats de la

 21   conférence sur la Bosnie-Herzégovine tenue à Lisbonne sous la présidence de

 22   l'ambassadeur Cutileiro, car c'était bien l'ambassadeur Cutileiro qui

 23   assurait la présidence de cette conférence.

 24   Alors nous arrivons maintenant à la date du 1er avril. Des accords et des

 25   décisions sont en train d'être pris au sein des forces de police au sujet

 26   de la répartition des moyens qui étaient partagés jusque-là sur une base

 27   équilibrée. Le Procureur voit dans ce fait un acte criminel, or il était

 28   tout à fait normal d'agir ainsi puisqu'on a une entité qui se divise en

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  1   deux, une organisation qui se divise en deux. Il faut bien qu'un équilibre

  2   soit établi pour savoir ce qui appartient à l'un et à l'autre de façon à ce

  3   que la loi et l'ordre puissent continuer à être respectés. Un accord est

  4   obtenu sur ce plan. Le 1er avril, les extrémistes musulmans attaquent

  5   Bijeljina. Ce ne sont pas des extrémistes serbes, ceci a été établi par de

  6   nombreux témoignages entendus devant ce Tribunal, quelqu'un a parlé d'un

  7   homme sur un cheval qui voulait jeter une grenade contre un café serbe.

  8   Ceci est un geste totalement injustifiable. Ils affirment que dix à 12

  9   jours plus tôt, les Serbes avaient provoqué un incident, qu'un Serbe avait

 10   provoqué un incident dans un café musulman. Mais la police a arrêté ce

 11   Serbe et l'a envoyé à Tuzla, donc sur territoire musulman. Ils l'ont

 12   escorté jusque-là et l'ont remis aux autorités. Donc ce geste était

 13   injustifiable.

 14   C'était un ordre venu de Sarajevo qui voulait que Bijeljina soit le cœur

 15   d'un problème, de façon à ce que le pouvoir et l'autorité puissent être

 16   renversés à Bijeljina. Le Procureur déclare dans son mémoire préalable au

 17   procès que la prise forcée de Bijeljina par les Serbes, et cetera, et

 18   cetera, on voit ça dans un des paragraphes du mémoire préalable au procès.

 19   Mais tout ce que dit l'Accusation est absolument absurde. Il est absurde de

 20   dire que la municipalité de Bijeljina était à prédominance serbe et que les

 21   autorités étaient constituées par le Parti démocratique serbe, et que tout

 22   fonctionnait dans ce sens là-bas.

 23   J'aimerais souligner un point en revenant un peu en arrière, au paragraphe

 24   66 dont nous avons déjà donné lecture, ce paragraphe où le Procureur

 25   affirme que le conseil avait tout pouvoir sur les forces serbes. Quelles

 26   forces serbes et quels organes républicains existaient à ce moment-là ?

 27   Voilà la question qu'il faut se poser. Il n'y en avait pas, c'est ça la

 28   réponse. Il y avait l'assemblée serbe qui fonctionnait en tant qu'assemblée

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  1   parlementaire. Il n'y avait aucun organe exécutif. A l'époque, le chaos

  2   régnait un peu partout, y compris dans les régions autonomes serbes et les

  3   forces serbes en dehors de la Défense territoriale qui existait dans toutes

  4   les municipalités jusqu'au 20 mai n'existaient pas.

  5   Le Procureur par ailleurs affirme qu'après la crise, la crise de Bijeljina

  6   qui a duré deux jours, donc le Procureur affirme qu'Arkan a été appelé en

  7   renfort depuis Belgrade, mais il omet de dire qu'il y avait une crise et

  8   des combats à Bijeljina qui ont duré pendant toute une nuit, et qu'Arkan

  9   n'est arrivé qu'après. Alors pourquoi est-ce que quelqu'un a appelé Arkan à

 10   l'aide ? Ce n'est pas que je justifie cela, je ne le condamne pas non plus

 11   d'ailleurs. Tout ce que je veux dire c'est qu'il faut parler de la vérité.

 12   Sijekovac se trouve à une centaine de kilomètres de Bijeljina et il est

 13   clair que tout le monde dans la région savait ce qui s'était passé à

 14   Sijekovac, donc les gens de Bijeljina ont craint de subir le même sort que

 15   ceux de Sijekovac.

 16   Je vous rappellerais, nous avons la carte qui le montre sur laquelle

 17   nous nous pencherons en temps utile. Mais en tout cas, je vous rappelle que

 18   dans toute la Bosnie, le 1er avril, il n'y avait que des Serbes qui étaient

 19   tués. Alors que le Procureur estime que j'étais responsable pendant toute

 20   cette période et m'accuse d'avoir pratiqué une politique menant à la

 21   guerre, nous voyons sur cette carte si nous regardons les limites des

 22   villages et les lieux-dits et hameaux qui étaient en feu. Nous voyons que

 23   les actes de ce genre étaient commis exclusivement contre les Serbes et que

 24   des barrages ont été érigés dans ces secteurs. Des postes de contrôle. Il y

 25   avait des assassinats. Les gens se faisaient passer à tabac, ils étaient

 26   intimidés. Mais cela ne visait que les Serbes jusqu'au début de la guerre,

 27   ou plus précisément, jusqu'au 1er avril.

 28   Alors le Procureur continue en disant que c'est Biljana Plavsic du

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  1   SDS qui s'est rendue à Bijeljina. Je ne vois pas pourquoi je devrais me

  2   défendre contre des accusations de ce genre. C'est tout à fait inconvenant.

  3   Biljana Plavsic était à Bijeljina en tant que membre de la présidence de

  4   l'Etat. Il y avait là-bas une délégation de l'Etat à laquelle participait

  5   Fikret Abdic, qui était membre du SDS. Il y avait aussi Jerko Doko, un

  6   Croate, qui n'était pas membre du SDS. Alors pourquoi est-ce que le

  7   Procureur se focalise sur Biljana Plavsic et pas sur les autres membres de

  8   la présidence comme Abdic, et cetera, lorsqu'il s'agit de dire qu'il y

  9   avait aide et encouragement ? Bien, le Procureur fait cela avec ceux qui

 10   l'aident dans son travail parce qu'il est partial et qu'il veut aller dans

 11   le sens de la thèse qu'il défend. Biljana Plavsic était une responsable de

 12   l'Etat qui était sur place dans le cadre d'une délégation d'Etat.

 13   Le 3 avril, se produit l'attaque sur Kupres. La carte, s'il vous

 14   plaît, encore une fois. Bon. C'est une attaque qui a été lancée par les

 15   forces croates, forces croates locales, et forces régulières venues de

 16   Croatie. Kupres était un secteur sensible où il y avait 52 % de Serbes,

 17   40 % à peu près de Musulmans, et 8 -- ou plutôt, 40 % de Croates et 8 % de

 18   Musulmans. Donc c'est un endroit particulièrement sensible, et c'est un

 19   incendie énorme qui s'allume là-bas avec cet incident. On le voit sur la

 20   carte, Kupres est ici. Pour les Croates de Bosnie centrale, cet événement

 21   est très significatif car Kupres se trouve dans un lieu montagneux qui

 22   relie la Bosnie centrale à la côte dalmate, et c'est là que les combats se

 23   déroulent pendant plusieurs jours, à Kupres et dans les villages

 24   environnants. L'attaque est très importante. Elle provoque de nombreuses

 25   victimes du côté des Serbes. Mais ce n'est pas encore la guerre. Et les

 26   Serbes n'ont aucune police pour les protéger, la police travaillant contre

 27   eux, et l'armée populaire yougoslave n'a pas le temps, étant donné la

 28   situation à Knin, de protéger cette population dans ce secteur.

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  1   Le 4 avril, M. Izetbegovic proclame la mobilisation générale. Chacun

  2   sait que les Serbes ont refusé de répondre à cette mobilisation parce

  3   qu'ils savaient ce que faisait la police et qu'ils savaient ce que faisait

  4   la Ligue patriotique, et ils savaient ce que faisaient aussi les Bérets

  5   verts. Et donc les Serbes ne souhaitaient pas rejoindre les unités qui

  6   étaient en train de se former, car ils avaient peur et ils pensaient qu'ils

  7   risquaient d'être tués.

  8   Karadzic en appelle à Izetbegovic et lui demande d'abandonner l'idée

  9   de la mobilisation. Chacun est au courant de cela. Karadzic dit : Mais

 10   pourquoi proclamer la mobilisation ? Nikola Koljevic et Biljana Plavsic

 11   sont opposés à la mobilisation. Lui n'est pas président de la Bosnie-

 12   Herzégovine; il est président de la présidence, d'une présidence

 13   collective. Donc il n'a pas le droit d'agir ainsi, et je lui dis tout cela

 14   publiquement. Nous avons d'ailleurs une séquence vidéo qui le montre. Je

 15   lui dis que c'est un acte insensé. Les gens sont armés. Personne ne pourra

 16   maîtriser l'usage que les gens feront de leurs armes, et vous décidez

 17   maintenant la mobilisation générale pour légaliser la distribution de

 18   fusils parmi la population. Ceci correspond presque à une déclaration de

 19   guerre. Nous avons d'ailleurs une séquence vidéo de tout cela.

 20   Donc je dis qu'il s'agit d'une erreur, qu'il faudrait retarder la

 21   mobilisation au moins jusqu'à la tenue de la conférence qui devrait se

 22   réunir plus tôt que prévu, et essayer d'aller vers la paix au lieu

 23   d'accélérer les choses pour se jeter à corps perdu dans la guerre. Le 5

 24   avril dans la matinée, l'appartement de ma famille est touché par des

 25   balles tirées d'un fusil mitrailleur, et nous avons des témoins qui peuvent

 26   attester du fait qu'ils attendaient pour nous tuer. Mais nous étions au

 27   rez-de-chaussée, et ils n'ont pas réussi.

 28   Le 5 avril, Izetbegovic et moi-même -- ou bien, étais-je avec Brkic,

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  1   je ne m'en souviens plus tout à fait. Mais en tout cas, nous allons à la

  2   station de télévision en compagnie du général Kukanjac pour lancer un appel

  3   pour la paix. Dans le même temps, la veille, le MUP serbe avait reçu

  4   autorisation de se rendre dans l'école du ministère de l'Intérieur au-

  5   dessus de Grbavica. Donc le 5 avril, alors que nous étions à la télévision,

  6   le MUP serbe tombe dans une embuscade, ses officiers sont victimes de cette

  7   embuscade, et deux jeunes gens magnifiques des forces spéciales serbes sont

  8   tués. Les 30 autres hommes qui sont venus à leur secours sont emmenés

  9   quelque part, et les deux jeunes gens dont je viens de parler sont tués

 10   plus tard.

 11   Le 5 et le 6 avril dans la soirée, la terreur se déchaîne à Sarajevo.

 12   C'est la pire nuit que la population a vécue, avec des tirs de snipers à

 13   partir de toutes les tours de la ville, les Snipers étant membres de

 14   l'unité des Bérets verts. Un policier est tué au poste de police conjoint -

 15   il s'appelle Petrovic - par les Musulmans, donc c'est une nuit terrible

 16   pour les Serbes à Sarajevo.

 17   Les Serbes se retirent dans les secteurs qui leur reviennent. Ils

 18   essaient d'organiser la défense de ces secteurs et de leurs familles ainsi

 19   que de la population qui y réside, et c'est ainsi que se forme la ligne de

 20   démarcation dans la ville. Il ne s'agissait pas d'un siège, ce n'était pas

 21   une ligne séparant deux groupes d'assiégés, mais c'était une ligne qui

 22   séparait deux parties différentes de la ville.

 23   Alors, durant le procès Milosevic, le témoin Eve-Anne Prentice de

 24   Grande-Bretagne a confirmé que la ville n'était pas en état de siège, mais

 25   que c'était une ville divisée. George Kenney, du département d'Etat, qui

 26   connaissait bien la situation chez nous, a dit de son propre chef, sans que

 27   l'Accusation le lui ait demandé, sans que la Défense ne lui ait demandé non

 28   plus, qu'il était faux de dire que Sarajevo était une ville assiégée

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  1   comparable, par exemple, à Leningrad. Sarajevo était une ville divisée

  2   comme Beyrouth, avec une partie de la population qui vivait dans un

  3   quartier, et l'autre dans l'autre. A Beyrouth, c'est de notoriété publique,

  4   après les heures de travail, les tirs commençaient vers 3 heures de

  5   l'après-midi.

  6   Le 12 avril, l'ambassadeur Cutileiro arrive. A ce moment-là, Vance

  7   était déjà à Sarajevo. Nous signons un accord de cessez-le-feu avec M.

  8   Cutileiro. Pendant les pourparlers avec M. Cutileiro et Cyrus Vance, nous

  9   établissons qu'il importe d'accélérer la définition exacte des trois unités

 10   constitutives parce que c'est le seul moyen pour mettre fin à la guerre.

 11   Donc si quelqu'un savait que son village allait se trouver dans une unité

 12   constitutive déterminée, ce quelqu'un ne ressentirait pas le besoin de se

 13   battre. Mais l'après-midi de ce même jour, Hasan Efendic, qui commandait

 14   alors la Défense territoriale, émet cette directive bien connue pour la

 15   mise en alerte des troupes, qui en traduction signifie que toutes les

 16   cibles serbes bosniaques vont être attaquées.

 17   Le 22 avril, l'accusé que vous avez devant vous annonce un programme

 18   destiné à mettre un terme aux hostilités et à poursuivre la recherche d'une

 19   solution politique viable pour l'ex-Yougoslavie. C'est un moment tout à

 20   fait important, et pendant ce procès, nous verrons que c'est la position

 21   des Serbes de Bosnie qui se trouve inscrite dans ces documents. Les

 22   positions serbes ont été exprimées à l'assemblée serbe. Une disposition de

 23   ces textes indique qu'un député ne peut être tenu responsable de son

 24   discours. Toutefois, une assemblée n'est pas destinée à ce que des gens

 25   viennent simplement s'exprimer oralement, mais elle doit émettre des textes

 26   législatifs, adopter des résolutions, des déclarations, des décisions, des

 27   conclusions et des recommandations.

 28   Donc sept documents, au moins, ont été produits par l'assemblée dans

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  1   cette période, et le débat libre est le meilleur moyen d'arriver à la

  2   production de tels documents.

  3   Le bureau du Procureur affirme qu'un député furieux, ou en tout cas

  4   en colère, qui avait été blessé par quelque chose qui s'était passé pendant

  5   la guerre, a dit quelque chose à l'assemblée, et notamment que Karadzic ne

  6   voulait pas de lui. Le président n'avait pas obligation d'assister aux

  7   séances de l'assemblée. J'y ai assisté souvent, mais pas toujours, et le

  8   président en particulier n'est pas un professeur d'école qui impose la

  9   discipline aux députés. Ce n'était pas mon rôle et ce n'était pas non plus

 10   mon droit. Mais je suis tout à fait capable de déterminer ce qui peut avoir

 11   un sens positif ou négatif sur l'adoption d'un texte de loi ou d'une

 12   décision, donc de temps en temps j'intervenais pour essayer d'influer sur

 13   le résultat des débats.

 14   Par ailleurs, des milliers de documents ont été officiellement

 15   adoptés par l'assemblée et publiés au journal officiel, or le bureau du

 16   Procureur n'a pas été capable de découvrir un seul document qui pourrait

 17   être un document à charge contre moi, même si je ne suis personnellement

 18   responsable d'aucun document. Parce que je participe aux débats, je défends

 19   une position dans un sens ou dans l'autre, et ensuite le document est

 20   adopté par voie de vote collectif. Je ne suis pas le seul responsable même

 21   si je m'appelle Karadzic.

 22   Le Procureur n'a choisi pas un seul document sur l'ensemble de ces

 23   textes de loi, décisions, de nombreux documents où il n'en choisit pas un

 24   seul pour reprocher à l'accusé ici présent une violation de textes, qu'ils

 25   soient nationaux ou internationaux.

 26   Ainsi nous avons vu le rythme des événements à partir des élections

 27   jusqu'au 12 avril, à savoir depuis les élections jusqu'à la guerre.

 28   Voyons à présent brièvement ce qui en est du paragraphe 78 du mémoire

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  1   préalable de l'Accusation où il est affirmé que :

  2   "Même avant la première session inaugurale, Karadzic et la direction

  3   auraient planifié que l'assemblée joue un rôle dans la capture des

  4   territoires auxquels aspiraient les Serbes."

  5   Donc nous sommes là le 24 octobre, nous quittons l'assemblée afin

  6   d'exercer une pression sur le SDA pour qu'ils renoncent à ces projets

  7   belliqueux, dont le Procureur affirme non, non, non. Ils constituent

  8   l'assemblée -- c'est l'année 1991. Parce que c'est à l'aide de celle-ci

  9   qu'ils vont s'emparer des territoires.

 10   S'il vous plaît, voyons ce qui en est de la carte, revenons à cette carte

 11   de nouveau, la carte du découpage ethnique. Quels sont les territoires que

 12   se proposent de conquérir les Serbes ? Leurs propres territoires. Si l'on

 13   vous illustrait le tracé des lignes de front -- je ne sais pas comment on

 14   peut procéder. Est-ce qu'on pourrait avoir la carte, s'il vous plaît.

 15   Pour ce qui est des territoires serbes, serbes depuis des siècles, pour

 16   préserver la paix, les Serbes sont prêts à renoncer à certains d'entre eux.

 17   Vous avez pu voir comment cela se présente sans le front, et je vais vous

 18   montrer à présent la situation avec les lignes de front.

 19   Le Procureur affirme pour sa part que le 24 octobre nous avons réuni cette

 20   assemblée afin d'agir par son truchement pour -- est-ce que c'est possible

 21   ? Quel est le support, excusez-moi, pour cette carte ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est, soit si vous appuyez sur le

 23   bouton vidéo, soit sur celui du rétroprojecteur.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc nous voyons à présent comment se présente

 25   cette carte. Les forces serbes, d'après notre législation, chacune des

 26   municipalités est dotée d'une Défense territoriale, et le président de la

 27   municipalité est le commandant de cette Défense territoriale. La doctrine

 28   de Tito du peuple armé doit être expliquée ici. Il faut comprendre des

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  1   choses, à l'aide de cette doctrine, qui autrement ne pourraient pas être

  2   élucidées. La Bosnie-Herzégovine a ses forces armées qui sont entraînées,

  3   instruites, et cetera, et vous avez un peuple qui se rend sur ses

  4   frontières pour s'y protéger pour qu'on ne le massacre pas.

  5   Plus ou moins pendant toute la durée de la guerre, la ligne de front s'est

  6   maintenue dans ce tracé que vous avez à présent sous les yeux. Excellences,

  7   je vous invite à examiner la partie centrale. S'il y a eu une avancée serbe

  8   continue, cela nous aurait profités parce que nous aurions raccourci les

  9   lignes de front, et cela nous aurait permis de garder des hommes en

 10   réserve. En revanche, si les forces croato-musulmanes avaient avancé, cela

 11   les aurait affaiblies vu que leurs lignes de front se seraient étendues.

 12   Donc du point de vue stratégique, on aurait été renforcés par une avancée.

 13   Donc on aurait quasiment pu prendre la Bosnie, et vous verrez ce qui en est

 14   du cas plus particulier de Sarajevo.

 15   L'Accusation affirme que cette assemblée que nous avons créée pour nous

 16   défendre contre une violence constitutionnelle, que nous l'avons créée pour

 17   nous emparer des territoires qui nous appartiennent de toutes les manières.

 18   Nous ne débordons pas notre territoire ethnique pour nous emparer de quoi

 19   que ce soit. Puis du côté de Prijedor ou en Bosnie orientale, vous avez des

 20   Musulmans, et partout où il y avait 12 ou 30 000 Serbes, Croates ou

 21   Musulmans, il était prévu de créer un canton comme en Suisse. Les cantons

 22   ne doivent pas nécessairement être reliés physiquement, territorialement.

 23   Donc il me faut maintenant me défendre également contre cette allégation-

 24   là, à savoir le 24 octobre, pas plus que le 27 mars, ou le 6 avril ou le 10

 25   mai, il n'y avait pas de forces armées serbes. On ne les a eues que le 20

 26   mai, sans compter la Défense territoriale, puisque toute entreprise avait

 27   des armes, toute entreprise avait une Défense territoriale. C'est bien la

 28   doctrine du peuple armé. Notre situation n'est pas comparable à celle dans

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  1   vos pays ou dans d'autres pays du monde, donc pour comprendre notre cas

  2   particulier, il faut comprendre que chaque entreprise, chaque société avait

  3   des forces armées et son dépôt d'armes. Et bien sûr, cela s'applique à plus

  4   forte raison aux municipalités.

  5   Je pense que nous pouvons passer outre à présent. Je ne sais pas si je suis

  6   parvenu à bien vous illustrer le rythme endiablé des événements qui se sont

  7   succédés contre les intérêts serbes, contre la population serbe qui n'est

  8   pas armée, qui n'est pas organisée, qui ne s'est dotée que d'une assemblée

  9   et qui n'a que ses députés à sa disposition, et ces députés d'ailleurs en

 10   partie siègent au parlement commun et en partie l'ont quitté pour protéger

 11   leur peuple contre son propre Etat, contre sa police, contre la terreur

 12   exercée par cet Etat.

 13   Je souhaite à présent présenter un aperçu sur les activités de la police.

 14   Le SDS, pourquoi s'est-il adressé à l'ambassadeur Cutileiro pour que les

 15   unités constitutives puissent se doter de leur police ? Bien entendu, la

 16   police est partout d'ailleurs dans tous les pays du monde décentralisée et

 17   à des échelons très bas, à savoir au niveau de la municipalité. Aux Etats-

 18   Unis d'Amérique, vous avez la police d'une ville, la police du district, la

 19   police de l'Etat, et puis la police fédérale, et c'est bien ce que nous

 20   avons revendiqué à ce moment-là.

 21   Nous voyons à présent quels ont été les agissements de cette police

 22   commune, de cette police qui comptait des employés serbes qui y occupaient

 23   leurs postes grâce à la répartition à l'issue des élections, donc des

 24   postes qui ont été remportés lors des élections.

 25   Cette police commune, d'emblée, que fait-elle ? Elle se lance à la conquête

 26   des positions pour les Musulmans, et donc le SDA est complètement dominé

 27   par les Musulmans, les Bérets verts, la Ligue patriotique, tout est placé

 28   sous le commandement du SDA. Le numéro un de la police, de cette police

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  1   commune de Bosnie-Herzégovine est un homme d'église, Hasan Cengic.

  2   Le 11 juillet, à titre d'exemple, nous sommes en train de négocier

  3   avec Zulfikarpasic et Filipovic sur l'accord historique serbo-musulman et

  4   qui a bénéficié du soutien d'Alija Izetbegovic :

  5   "C'est à ce moment-là que le SDA, donc le 11 juillet 1991, émet des

  6   instructions afin d'envoyer des candidats du centre d'éducation du MUP en

  7   Croatie", cette instruction porte le numéro 12583 en 1991.

  8   De quoi s'agit-il plus précisément ? C'est de manière secrète, dans

  9   le dos de l'adjoint du ministre, qui est un Serbe, donc dans le dos de

 10   Stanisic qui est le chef de la police de la ville de Sarajevo, dans sa

 11   propre institution donc, en cachette, on met sur pied des groupes multiples

 12   de policiers qui seront dépêchés en Croatie, qui à ce moment-là lancent la

 13   guerre contre la Yougoslavie. Ils sont envoyés pour instruction, pour

 14   entraînement, donc pour répéter la même chose qui a déjà été accomplie par

 15   la Croatie.

 16   Et je continue. Vous verrez bien la marque de leur comportement. Nous

 17   avons ici M. Hasan Cengic; son père a constitué la première unité armée de

 18   Foca en 1990, en août 1990 avant les élections, avant la ligue patriotique.

 19   Donc son fils, Hasan Cengic, prend le contrôle de la police. "Et

 20   conformément à l'accord entre les responsables du MUP de Bosnie et de

 21   Croatie, et en application des instructions portant sur l'emploi des

 22   candidats de la police au centre d'éducation du MUP croate, le SDA de

 23   Sarajevo recommande le candidat ci-dessus mentionné pour suivre un stage

 24   dans votre centre."

 25   Donc c'est la lettre d'accompagnement qui arrive avec la liste

 26   d'agents spéciaux musulmans qui vont être formés à Zagreb. Et cette lettre

 27   n'est signée par personne au sein de la police, elle est signée par l'homme

 28   du SDA, preuve que la partie musulmane de la police et le SDA ont

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  1   complètement fusionné. Et donc nos hommes quittent les rangs de la police.

  2   En fait ils ne le font pas à ce moment-là en juillet 1991, ils auraient dû.

  3   Je poursuis. La police place sur écoute le parti qui est au pouvoir,

  4   des citoyens, des hommes politiques, le secteur police du SDA, j'entends.

  5   Nous entendrons d'innombrables conversations interceptées ici qui ne me

  6   posent aucun problème, cela nous permettra de voir quels ont été les

  7   agissements de la police. Et j'ai demandé d'ailleurs ces derniers jours que

  8   l'on me communique les interceptions qui ont été enregistrées entre

  9   Izetbegovic, Silajdzic, Ganic, et d'autres interlocuteurs lorsque, en toute

 10   naïveté, ils plaçaient tout le monde sur écoute, mais en fait ça ne

 11   s'adressait pas à tout le monde. Seul les Serbes ont toujours été écoutés.

 12   Alors, voyons ce que le SDA a fait jusqu'à ce moment-là. Le SDA a mis

 13   sur pied son aile militaire, appelé la Ligue patriotique. Le SDA a armé

 14   celle-ci. Le SDA a entravé la nomination des hommes du SDS dans les rangs

 15   du MUP de Bosnie. Le SDA a remplacé, renvoyé un grand nombre d'employés

 16   serbes au sein du MUP de Bosnie. Le SDA a envoyé des hommes de la police

 17   musulmane au MUP de Croatie au moment où la Croatie est en guerre. Le SDA A

 18   mené à bien une mobilisation illégale des forces de réserve du MUP de

 19   Bosnie-Herzégovine. Le SDA a intercepté illégalement les conversations

 20   téléphoniques de la direction serbe.

 21   Ceci n'est qu'un aperçu qui illustre les agissements de nos

 22   partenaires de la coalisation au pouvoir. A l'époque, le SDS n'est pas un

 23   parti de l'opposition, c'est un parti qui est au pouvoir. Et d'ailleurs

 24   sans qu'il y ait eu au préalable une décision du tribunal, ils n'étaient

 25   pas autorisés à place qui que ce soit sur écoute. Inutile d'ajouter que le

 26   SDS ainsi que le peuple serbe dans sa totalité était bien au courant de

 27   tout cela, mais il n'y avait pas de preuve manifeste, donc aucun moyen d'en

 28   parler, de rendre cela public. D'ailleurs, même cela est arrivé parfois que

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  1   les médias en parlent, mais on accusait la partie serbe à ce moment-là

  2   d'envenimer les relations entre les groupes ethniques.

  3   Nous allons entendre à présent une conversation entre l'accusé ici

  4   présent et l'adjoint du ministre, qui est un Serbe, qui n'est pas membre du

  5   SDS, mais qui est un candidat serbe car, entre autres, il est leur candidat

  6   pour exercer un contrôle, pour défendre les intérêts serbes. Et la

  7   démocratie c'est, entre autres, une affaire de contrôle. Je souhaite que

  8   l'on entende cela.

  9   L'INTERPRÈTE : L'interprète lit les sous-titres. Conversation téléphonique

 10   entre Radovan Karadzic et Vitomir Zepinic.

 11   [Diffusion de la cassette audio]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Karadzic : Alija peut seulement prendre une décision d'inviter les

 14   Musulmans à rejoindre la Défense territoriale, et dans son entourage il y a

 15   des gens qui sont prêts à commencer la guerre. Ils préparent la guerre, ils

 16   ont organisé un état-major, il y a un grand nombre de personnes armées, des

 17   préparatifs pour la guerre, de l'instruction d'entraînement pour bloquer

 18   les casernes. Et en fait ils s'apprêtent à lancer la guerre. Ils veulent

 19   agir contrairement à la loi même si on leur a démontré qu'ils ne pouvaient

 20   pas mener cela à bien. On leur a dit qu'il fallait appliquer la procédure

 21   constitutionnelle. Ils n'ont aucune chance au sein du système

 22   constitutionnel, ils essaient de nous tromper, de tricher, mais les Serbes

 23   ne vont pas accepter cela.

 24   Zepinic : Izetbegovic se voit offrir une chance de mener à bien ce qui n'a

 25   jamais été acquis, à savoir ce qui est son précédent, à savoir de créer un

 26   état islamique en Europe.

 27   Karadzic : L'Europe ils n'ont pas besoin de nous. Ils créeraient un état

 28   sans nous, mais l'Europe ne les reconnaîtrait pas."

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  1   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ça c'est le 17 juin 1991, ma conversation avec

  3   notre plus haut représentant dans les rangs de la police, et il viendra

  4   confirmer cela, même si cela n'aurait pas véritablement besoin de

  5   confirmation.

  6   Est-ce que le moment de la pause est venu ?

  7   Donc de toute évidence, le MUP est le pilier le plus fort sur lequel

  8   s'appuie la politique belliqueuse du SDA.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, le moment de la suspension est-il

 11   venu ? Je suis prêt à poursuivre.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, nous suspendrons pendant 20

 13   minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 13.

 15   --- L'audience est reprise à 10 heures 46.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons l'évolution des événements, les contacts

 18   de l'accusé ici présent avec le Serbe le plus haut placé dans les rangs de

 19   la police, qui n'est pas membre du SDS, qui s'y trouve grâce à ses

 20   compétences techniques. Et que dit-il, il dit :

 21   "Au sein du MUP, nous sommes privés de cadres, en particulier dans la

 22   Sûreté de l'Etat. On a le droit de rien faire ici à titre individuel.

 23   L'ensemble du collège doit se rassembler, et il faut leur dire : Tel ou tel

 24   poste est libre et nous vous proposons un candidat pour ce poste. S'il vous

 25   plaît, arrêtez de faire ces choses-là à titre privé."

 26   Que dit ici le président du parti au pouvoir; il dit que les Serbes

 27   employés du MUP doivent exiger d'avoir le droit de choisir leur homme, mais

 28   ce n'est pas Radovan Karadzic qui exige cela. Il n'exige pas la nomination

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  1   de tel ou tel homme, il exige que les Serbes dans les rangs du MUP aient la

  2   possibilité d'avoir le dernier mot dans le choix des hommes, et non pas le

  3   parti.

  4   Donc c'est le 22 juillet :

  5   "A présent dites-leur de prendre les choses au sérieux. Dites-nous,

  6   est-ce que vous savez ce qu'il en est de la situation à Prijedor dans

  7   l'après-midi du vendredi. Ils ont nommé un homme. Là vous avez un Musulman,

  8   qui est le commandant, vous avez un Musulman qui est le maire de la ville,

  9   et vous avez à la place du chef de la défense territoriale un Musulman

 10   également."

 11   Donc lorsque les Serbes omettaient de nommer leur homme à un poste

 12   qui leur revenaient, les Musulmans le faisait, et là vous avez les bases

 13   qui sont jetées pour le bain de sang qui aura lieu à Prijedor, et on verra

 14   bien comment cela se produira.

 15   Là, nous en sommes en date du 17 septembre 1991, nous avons Karadzic et

 16   Plavsic :

 17   "Aujourd'hui nous allons probablement les rencontrer", et je dis, "Il n'y

 18   aura pas d'entretien, pas de pourparlers, tant qu'ils n'auront pas arrêté

 19   de décider où seront affectés les employés serbes au sein du MUP. Donc ils

 20   n'auront pas arrêté de prendre des décisions qui nous concernent. Nous

 21   allons extraire notre parti du MUP, nous allons répartir le MUP d'après les

 22   cantons. Et ils sont en train de nous démontrer que ce sont eux qui vont

 23   décider comment nous allons vivre et travailler là-bas."

 24   Voyez-vous, ce n'est plus à titre hebdomadaire ou mensuel qu'on se réunit,

 25   la situation évolue d'heure en heure.

 26   Et nous avons ici une conversation entre l'accusé ici présent et le chef du

 27   parti en Bosanska Krajina, le Dr Vukic.

 28   [Diffusion de la cassette audio]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Il y a des forces en Bosnie-Herzégovine qui

  2   savent qu'elles ne peuvent pas parvenir à ce qu'elles souhaitent sans la

  3   guerre, il leur faut une raison pour décrocher la guerre, pour pourvoir le

  4   reprocher à quelqu'un d'autre. Il ne faut pas leur fournir cette raison

  5   pour déclencher la guerre, et c'est la chose la plus importante. Et

  6   d'ailleurs, la législation et toutes les lois sont de notre côté."

  7   [Fin de la diffusion de cassette audio]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je précise

  9   qu'Izetbegovic veut faire la guerre, et Babic lui emboîte le pas. Nous

 10   sommes en train de parler de Milan Babic qui s'est souvent trouvé dans la

 11   Krajina puisque ce n'était pas loin pour lui. Et je dois dire que ces

 12   estimations et ces agissements ont été très difficiles pour nous. Et voilà

 13   ce qui est dit :

 14   "Dites aux hommes de Krajina que j'ai dit à Alija Izetbegovic qu'il

 15   prépare la guerre, qu'il demande de l'aide pour la guerre, et apportez-lui

 16   cette réponse. "Il y a des forces en Bosnie qui savent qu'elles ont besoin

 17   d'un prétexte pour la guerre et que cela viendra d'en haut. Et nous, nous

 18   ne devons pas fournir ce prétexte. Et d'ailleurs, le droit constitutionnel

 19   et le droit de manière général sont de notre côté. Donc le message en

 20   substance que nous adressons est le suivant : Ne faisons rien qui pourrait

 21   être interprété comme une invitation à la guerre."

 22   [Diffusion de la cassette audio]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Les Musulmans se détournent des intentions belliqueuses d'Alija

 25   Izetbegovic. Ils ont la république. Ils ont la Yougoslavie. Personne de bon

 26   sens n'ira faire la guerre. Alija voudrait la guerre pour modifier cela, et

 27   maintenant Alija ne peut pas expliquer à la population musulmane pourquoi

 28   il veut la guerre. La seule chose dont il a besoin maintenant est un

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  1   prétexte pour la guerre."

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci est une conversation entre M. Koljevic,

  3   qui est membre de la présidence, et M. Karadzic, où nous sommes favorables

  4   à ce qu'on empêche les irresponsables de fournir un prétexte pour la

  5   guerre. Donc nous faisons ce que nous pouvons sur ce plan également pour

  6   empêcher que la guerre n'éclate.

  7   Et voyons les paragraphes 109 et 110 du mémoire préalable, comment l'accusé

  8   ici présent est-il présenté ici.

  9   "Depuis le tout début du conflit, le MUP a joué un rôle important dans le

 10   cadre de l'établissement de l'autorité et la préservation de l'autorité des

 11   Serbes de Bosnie sur le territoire et la mise en œuvre de l'objectif

 12   criminel commun. Suite à ces prises de contrôle, le MUP s'est mis à la tête

 13   de toute une série d'actions, d'entreprises, à savoir de désarmer,

 14   d'arrêter, de procéder à des razzias, de détenir, de rouer de coups, de

 15   tuer et d'expulser les Musulmans et les Croates.

 16   "Pendant des mois avant la division, Karadzic a envisagé cette séparation

 17   au sein du MUP comme une composante essentielle du partage de la Bosnie-

 18   Herzégovine et la réalisation de l'objectif final, à savoir 'de se séparer

 19   des Musulmans et des Croates.'"

 20   Voilà comment le Procureur évoque les intentions de Karadzic, à savoir de

 21   créer ce MUP distinct et d'entraver ainsi l'entente entre les Serbes et les

 22   Musulmans. Et le Procureur, tout simplement, cherche par là à reconstituer

 23   l'état des intentions serbes en se fondant sur le comportement serbe, mais

 24   qui n'est qu'une réponse, une réaction. Donc c'est tout à fait

 25   inacceptable. C'est tout à fait impossible de déduire nos intentions

 26   initiales en jugeant d'après nos réactions. Mais c'est le SDA qui décide

 27   des réactions des Serbes, et pas les Serbes. Et la situation est à

 28   l'identique depuis les élections, depuis février. Donc nous sommes

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  1   constamment dans cette position où nous nous voyons dicter nos gestes par

  2   eux, si je puis dire. Donc nous réagissons.

  3   Voyons maintenant comment s'est soldée cette tentative que nous avions de

  4   séparer notre police. En fait, nous voulions que toutes les entités soient

  5   dotées de leur propre police. Voyons ce qu'il en est des dispositions du

  6   plan de l'accord de Lisbonne -- ou plutôt, du plan de Cutileiro.

  7   "Déclaration de principe pour de nouvelles dispositions qui seront prises

  8   sur le plan constitutionnel pour la Bosnie-Herzégovine.

  9   "(D) Les unités constitutives.

 10   "Point 3 : Les services civils, la police, le système judiciaire local et

 11   toute garde nationale qui serait créée par une entité constitutive

 12   reflèteraient la proportionnalité de la composition nationale de ladite

 13   unité constitutive."

 14   L'ambassadeur Cutileiro et la Communauté européenne nous ont conféré le

 15   droit de nous doter de notre propre police. Et le 28 février, suite à cela,

 16   l'assemblée a décidé que nous allions mettre sur pied notre propre police,

 17   mais c'est uniquement le 1er avril que nous avons procédé à le faire. Et

 18   donc nous avons été forcés à faire cela, on nous a forcés la main. Or,

 19   aujourd'hui, le Procureur me le reproche. Selon lui, mon objectif était

 20   d'atteindre, je ne sais pas quoi, à quel moment, mais en fait, ce n'est pas

 21   vrai. Mon comportement était conditionné par l'attitude du SDA.

 22   Et jusqu'à ce moment-là, à tout moment, nous étions au courant du plan

 23   secret entre Izetbegovic et Tudjman de lancer la guerre, et d'ailleurs,

 24   pendant la deuxième moitié de 1991, on demande à Izetbegovic pourquoi il ne

 25   lance pas la guerre contre la Yougoslavie. Et il répond : Si, si, je vais

 26   le faire, mais j'attends le bon moment, donc c'est le moment où on

 27   l'encourage. Et puis à la mi-octobre, toute possibilité d'une solution

 28   pacifique disparaît.

Page 943

  1   Le bureau du Procureur se base sur certains éléments principaux, et à

  2   partir de ces éléments principaux, il voudrait asseoir la responsabilité et

  3   la culpabilité des Serbes. Un des éléments dans les chefs d'accusation du

  4   bureau du Procureur figure dans les Variantes A et B des versions papier de

  5   ce document. Malheureusement, ceci n'a pas été créé au sein du SDS. Nous

  6   n'en avons pas parlé. Nous ne l'avons pas adopté. Il n'y a aucune trace de

  7   ceci. Et si ceci s'était passé, il y aurait eu des traces, puisque tous nos

  8   comptes rendus de réunions ont été saisis. Lorsque nos différents officiers

  9   se sont rendu compte de ce que Martin Spegelj recommandait aux Croates,

 10   lorsqu'ils ont vu, à Sarajevo, que leurs appartements étaient identifiés et

 11   que des assassins pourraient sonner à leur porte et les tuer en leur tirant

 12   une balle dans l'estomac, ils ont préparé certaines directives de façon à

 13   avoir ce qui était nécessaire pour éviter qu'une guerre se produise.

 14   Aucun parti politique et aucune personne comme Karadzic n'aurait pu faire

 15   quoi que ce soit. C'était le désordre qui régnait. Personne ne savait

 16   vraiment que faire. Maintenant, essayons de voir ce que mentionne ce

 17   document.

 18   Dans le paragraphe 36 du mémoire préalable au procès, il est mentionné :

 19   "Le 20 décembre 1991 ou aux environs du 20 décembre, à une réunion au

 20   Holiday Inn de Sarajevo, Karadzic a distribué aux leaders de la

 21   municipalité des instructions concernant la constitution d'un centre

 22   clandestin, les cellules de Crise serbes (Variantes A et B). Il s'agissait

 23   d'instructions confidentielles constituées pour avoir comme rôle principal

 24   d'être les instruments par le biais desquels Karadzic et les autres membres

 25   des instances serbes de Bosnie pourraient asseoir leur contrôle sur les

 26   territoires et pourraient chasser les non-Serbes."

 27   Regardez ce qui apparaît dans ce paragraphe. Il s'agit d'officiers en

 28   retraite qui ont fourni cela en disant :

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  1   "Dans la mise en œuvre de toutes ces mesures, il faudra s'assurer du

  2   respect des droits nationaux et des autres droits des membres de tous les

  3   peuples et nous devrons nous assurer leur application dans les autorités

  4   administratives, seront constituées par l'assemblée du peuple serbe dans la

  5   municipalité."

  6   Encore une fois, il faut replacer ceci dans le contexte de la conférence,

  7   il s'agit, bien sûr, de la conférence de Lisbonne, et du plan Cutileiro.

  8   Nous savions que le SDA allait essayer de s'affranchir de cela en menant la

  9   guerre. Ceci était envisagé pour éviter la guerre et le désordre et pour

 10   s'assurer que personne ne soit blessé.

 11   Il va sans dire que les intérêts des autres sont pris en compte, notamment

 12   pour ces officiers qui sont en faveur de cette fraternité et de l'unité.

 13   Un autre élément essentiel de l'Accusation réside dans ces objectifs

 14   stratégiques. Ces objectifs stratégiques n'ont pas été adoptés. En fait,

 15   ils ont été mentionnés lors de l'assemblée du 12 mai et ils auraient été

 16   une plate-forme pour la conférence lorsqu'il aurait été clair qu'on aurait

 17   élu une présidence, et il y aurait donc cette présidence tripartite avec

 18   Mme Biljana Plavsic, M. Nikola Koljevic, et le troisième étant moi-même.

 19   Nous avons donc présenté quelle serait notre position par rapport à

 20   la Communauté européenne afin de continuer à nous efforcer de résoudre la

 21   crise par des moyens pacifiques. Etant donné qu'une guerre faisait rage,

 22   nous ne pouvions plus avoir des enclaves non reliées, non reliées les unes

 23   aux autres, puisqu'en fait, les populations ne pourraient pas quitter ces

 24   enclaves si elles n'étaient pas reliées. Quelque chose a donc changé au

 25   niveau de nos objectifs -- ou plutôt, notre position a changé en ce qui

 26   concerne les négociations avec la Communauté européenne.

 27   Un mois plus tard, à savoir en juin ou en juillet, la présidence a

 28   rendu une décision. Les objectifs stratégiques n'ont pas encore été rendus

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  1   publics, mais une décision a été prise de les rendre publics et de les

  2   envoyer à la Communauté européenne -- ou plutôt, aux négociateurs avec une

  3   carte. Donc il ne s'agit pas de documents secrets. Il s'agit d'un jugement

  4   tout à fait injuste concernant Krajisnik.

  5   "Ce serait incorrect de placer ces objectifs sur un piédestal, comme

  6   l'Accusation le fait, pour ensuite avoir des déclarations qui seraient

  7   publiées dans le journal officiel de la République des Serbes de Bosnie. Si

  8   on trouvait des significations cachées et insidieuses, c'est parce qu'il

  9   faut les replacer dans le contexte d'événements qui s'en sont suivis. Une

 10   lecture anachronique des objectifs du mois de mai n'est pas uniquement non

 11   recommandable, mais elle va totalement à l'encontre du but recherché. Une

 12   lecture anachronique des instructions de décembre est également tout à fait

 13   mal à propos. Les instructions et les objectifs n'ont peut-être pas

 14   beaucoup d'utilité ni de substance, mais ils symbolisent une nouvelle

 15   autorité centrale qui s'était constituée à une époque où l'ordre ancien

 16   s'était désintégré."

 17   Ceci montre bien que nous avions le droit de nous réorganiser lorsque

 18   l'ancien système était en train de s'écrouler et, en fait, ce système qui

 19   se désintégrait avait pour objectif de nous détruire.

 20   Donc ce paragraphe aborde deux éléments essentiels de l'acte

 21   d'accusation contre moi. Et l'Accusation a tort au titre de ces deux

 22   éléments essentiels, même au vu du jugement qui a été prononcé précédemment

 23   et du jugement final qui n'a pas fait l'objet d'un appel. Mais l'Accusation

 24   continue à arguer que ceci pourrait être utilisé contre moi.

 25   Maintenant, essayons de voir, pour conclure sur ce point, comment

 26   Lord Owen perçoit la situation. Lord Owen était plutôt anti-Serbe lorsqu'il

 27   est arrivé, parce qu'il disposait d'informations erronées qui lui avaient

 28   été transmises. Et en fait, il a été très rapidement surpris. Il y avait

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  1   d'ailleurs d'autres personnes des Nations Unies qui pensaient que les

  2   Serbes faisaient preuve de brutalité et ils ont changé d'opinion. C'est ce

  3   que David Owen dit dans son livre "L'odyssée des Balkans."

  4   "L'image des Musulmans de Bosnie non armés n'avait pas changé même lorsque

  5   Alija Izetbegovic avait admis ouvertement à la télévision que le

  6   gouvernement de Bosnie avait fait entrer par contrebande par le biais de

  7   filières secrètes : 30 000 fusils ainsi que des mitraillettes, des armes à

  8   concurrence de 20 millions, des mines à concurrence de 37 000, 4 600

  9   roquettes antichars, 20 000 grenades, 90 000 uniformes et 12 000 paires de

 10   bottes."

 11   Et je dirais également que, d'après les sources musulmanes, à Sarajevo, 80

 12   000 mines avaient été fabriquées. Il y a également une usine qui fabriquait

 13   plus de 80 000 obus de mortiers ou mines. Mais l'Accusation persiste à

 14   penser que sur la base de notre réaction, c'est-à-dire pris par la panique

 15   et en essayant de nous défendre, l'Accusation considère que nous avions

 16   prévu ceci bien à l'avance, alors qu'en fait, nous avons réagi au défi qui

 17   avait été lancé par Hasan Cengic et par d'autres, ceux qui, en fait,

 18   avaient déterminé un objectif en fonction de la déclaration islamiste comme

 19   prétexte de désordre. Mais nous ne pouvons pas attendre des prétextes

 20   naturels, nous devons construire les nôtres.

 21   Le SDS, dans des conditions régulières, aurait réagi différemment et

 22   aurait pu accepter les accords qui avaient été proposés. Mais ce qui se

 23   serait passé dans des circonstances régulières serait totalement différent.

 24   Comment aurait-il pu prévoir de séparer les parties de Bosnie-Herzégovine

 25   qu'il considérait comme étant serbes ? L'Accusation ne mentionne pas du

 26   tout cela et elle déclare comment le SDS a pu s'engager dans ces actions

 27   qu'ils ont menées.

 28   Alors qu'en fait, cette répartition ethnique était tout à fait exacte

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  1   pour le SDA également. En fait, nous avions un panachage ethnique en

  2   Yougoslavie et nous n'étions, en conséquence, pas en faveur d'un retrait de

  3   la Yougoslavie. Nous voulions asseoir nos positions en Bosnie. Mais nous

  4   avons une population qui est mixte, vous voyez.

  5   Et maintenant, j'aimerais passer à la séance très connue qui s'est

  6   tenue le 24 janvier, et l'accusé ici présent a affirmé que l'accord avec

  7   Cengic concernant la régionalisation devrait être accepté et que ceci

  8   pourrait être réalisé en l'espace de 15 jours, c'est-à-dire d'ici à la fin

  9   du mois de janvier. Et voilà ce que j'ai dit : J'ai dit que nous pouvons

 10   nous imaginer ce qui peut se passer si, Dieu nous garde, il y avait un

 11   désordre qui s'opérait entre les différents groupes ethniques et si une

 12   guerre religieuse voyait le jour en Bosnie-Herzégovine. Vous avez les

 13   Serbes qui quitteraient les zones musulmanes, les Musulmans qui

 14   quitteraient les zones serbes, les Croates qui se rendraient dans leurs

 15   propres régions. Les villes tomberaient, et ce serait un bain de sang. Et

 16   où serions-nous ? Nous aurions les Serbes dans des régions serbes, des

 17   Musulmans dans des régions musulmanes et des Croates dans des régions

 18   croates; une totale homogénéité.

 19   Et donc ce que nous devrions faire, c'est s'asseoir autour de la même

 20   table de négociations et apposer nos signatures, parce que sans trois

 21   signatures, il ne pouvait y avoir d'accord en Bosnie-Herzégovine. Et c'est

 22   la preuve : le 24 janvier, l'accusé ici présent a dit que c'était clair

 23   pour tous qu'il n'y avait pas de situation qui pouvait relever du fait

 24   accompli. Mais ici il s'agit de janvier 1992, c'est-à-dire un mois avant le

 25   référendum.

 26   Alors, comment peut-on parler d'entreprise criminelle commune dont

 27   l'accusé fait l'objet d'un chef d'accusation ? Ici, nous disons  qu'à moins

 28   d'arriver à un accord, nous ne pourrons arriver à rien. Et puis, il y a une

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Page 949

  1   autre partie de cette séance où l'accusé a dit : Essayons d'éviter que la

  2   situation ne soit plus sous contrôle. Si nous nous livrons au désordre et

  3   au chaos, nous ne pourrons plus arriver à rien.

  4   Ce sont donc les éléments qui nous ont guidé afin d'obtenir de la

  5   part de l'ambassadeur Cutileiro notre force de police, et ceci a été

  6   accepté.

  7   Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur un autre élément.

  8   Regardons Sarajevo à proprement parler. Vous voyez la zone du grand

  9   Sarajevo. La ligne en bleue est serbe, et où vous voyez marqué "HVO", cela

 10   représente la zone où nous avons donc le HVO, où vous avez les Musulmans et

 11   où vous avez nous-mêmes. Donc nous sommes, en fait, encerclés. Vous voyez

 12   le siège de la ville.

 13   Je vais me lever pour vous montrer ceci sur la carte.

 14   Vous voyez la zone du grand Sarajevo. Nous expliquerons cela un peu

 15   plus tard, mais vous avez les territoires serbes qui sont sous le contrôle

 16   des Serbes. Pas tous, mais certains le sont.

 17   Vous avez une partie du territoire serbe qui est encerclée par les

 18   forces musulmanes et croates. Donc nous sommes également victimes d'un

 19   siège. Vous avez le centre-ville à proprement parler, nous sommes une ville

 20   divisée. Vous voyez que les Serbes sont autour de Sarajevo.

 21   Mais revenons à la carte de la composition ethnique.

 22   Cette carte a été établie par le même institut que celui qui a établi

 23   la carte de la Bosnie, mais il s'agit de la ville de Sarajevo. Vous voyez

 24   le centre-ville avec une ligne blanche très mince, et vous avez en bleu les

 25   parties où les Serbes étaient en majorité, puis en bleu clair vous avez une

 26   majorité relative de Serbes.

 27   Vous voyez la ville de Sarajevo, totalement serbe. Comme vous pouvez

 28   le voir, c'était la propriété de la famille Pavlovic. Lorsque les Turcs

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  1   sont arrivés, la famille a été décimée, mais les Serbes ont continué à

  2   vivre autour de Sarajevo, et pendant très longtemps ils étaient la

  3   population majoritaire à Sarajevo.

  4   Lorsque la guerre a éclaté, les Serbes sont arrivés à protéger cette zone

  5   dans le centre-ville.

  6   Est-ce que l'on pourrait agrandir cette partie de la carte pour voir la

  7   ligne de front, s'il vous plaît. Je n'arrive pas à voir cet agrandissement

  8   sur mon écran. Voilà.

  9   Maintenant, nous pouvons voir que les Serbes étaient arrivés à protéger une

 10   partie de la ville, et il s'agit du quartier de Grbavica sur la rive gauche

 11   de la rivière. Puis vous avez sur la rive droite un quartier que les Serbes

 12   n'étaient pas arrivés à défendre, et il n'y avait pas une seule personne

 13   vivante. Deux cents cinquante personnes sont tombées dans les mains de M.

 14   Izetbegovic et ont été tuées. La maison de M. Mladic était là-bas, mais

 15   heureusement, sa famille est arrivée à s'échapper, mais la totalité de la

 16   zone a été détruite.

 17   Maintenant, Excellences, regardez cela. Les Serbes ne contrôlent que les

 18   quartiers dans lesquels ils habitent dans cette ville, c'est-à-dire le

 19   centre-ville et les zones environnantes, ou les faubourgs. Et ces

 20   territoires serbes sont assujettis au siège musulman, puisque nous sommes

 21   encerclés par les armées musulmanes et croates.

 22   J'aimerais maintenant que l'on mette l'accent sur la municipalité de

 23   Hadzici, dans la partie en bas à gauche. Est-ce que l'on pourrait agrandir

 24   la carte au niveau de la municipalité de Hadzici. C'est sur l'autre carte,

 25   s'il vous plaît, en bas à gauche. L'Accusation dit que les Serbes ont pris

 26   le contrôle de Hadzici puisqu'ils étaient en majorité. C'est vrai que nous

 27   étions présents, mais la zone en vert, c'est la municipalité de Hadzici, et

 28   les Serbes n'étaient pas en contrôle. Les Serbes ne contrôlaient que les

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  1   parties serbes de Hadzici. Dans toute la Bosnie-Herzégovine, lorsqu'il est

  2   mentionné que les Serbes avaient pris le contrôle de telle ou telle

  3   municipalité où ils étaient en minorité, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas

  4   exact. Tous ce que les Serbes contrôlaient, c'était la partie serbe de la

  5   municipalité.

  6   Puis il y a également "Hrasnica", c'est le numéro 5. La moitié de Hrasnica

  7   était la municipalité d'Ilidza. Les Serbes ne contrôlaient que la moitié de

  8   la municipalité d'Ilidza. Ils n'ont jamais essayé de prendre le contrôle de

  9   la municipalité de Hrasnica. Est-ce que vous pouvez le voir ? Je crois que

 10   de l'autre côté de Hrasnica, vous avez Lukavica, Dobrinja, et cetera.

 11   En fait, nous n'avons pas contrôlé des parties musulmanes; alors que les

 12   Musulmans ont contrôlé des parties importantes habitées par les Serbes, et

 13   personne n'était encore en vie à la mi-mai, puisque les personnes avaient

 14   dû quitter ces régions ou ces zones.

 15   On peut dire, effectivement, que Sarajevo faisait l'objet d'un siège, mais

 16   la vérité est que la ville était divisée. Il y avait la ville à proprement

 17   parler, et les zones environnantes. Sur la carte, nous pouvons voir la

 18   ville à proprement parler, nous voyons les lignes de front qui sont

 19   séparées de 100 à 200 mètres, et quelquefois il n'y a que 50 mètres qui les

 20   séparent -- 15 mètres.

 21   Si vous voulez que je me lève en utilisant la carte.

 22   C'est la ville. J'ai passé 50 ans de ma vie à Grbavica. Vous avez la

 23   rivière Miljacka, vous avez la population majoritaire ici.

 24   L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on pourrait donner un micro à l'accusé, s'il

 25   vous plaît.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous

 27   pourriez reprendre, mais en utilisant un micro, s'il vous plaît.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant nous voyons la ligne de front, et la

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  1   ligne de front suit les deux lignes qui sont l'une à côté de l'autre. La

  2   ligne rouge, vous avez les lignes de front musulmanes et serbe qui sont

  3   l'une à côté de l'autre. Lorsque quelqu'un dit que les Serbes ont bombardé,

  4   et vous entendrez des témoins de l'Accusation qui le diront, tout ce qu'ils

  5   peuvent dire c'est la direction d'où venaient ces bombardements.

  6   Maintenant, qui peut vraiment dire, si vous regardez cette carte, quels

  7   étaient les objectifs légitimes dans la vieille ville ? Quels étaient les

  8   objectifs légitimes que la partie serbe pouvait cibler ? J'aimerais que

  9   l'on se concentre sur cette zone. Nous n'avons pas encore la carte

 10   complète, mais nous l'obtiendrons un peu plus tard dans l'affaire. Vous

 11   voyez les écoles, les maternelles qui avaient été transformées en bâtiments

 12   militaires.

 13   Vous avez la maternelle qui s'appelle Pcelica, dans la zone Markovic,

 14   c'était le poste de commandement de la 105e Brigade. Vous avez également

 15   une autre maternelle. C'était un quartier où vous aviez trois fois plus de

 16   soldats que le Corps de Sarajevo-Romanija. Ici, vous avez le commandement

 17   de la 105e Brigade de Montagne, et vous avez également l'école primaire

 18   Razija Omanovic. Là, vous avez la vieille ville qui remonte à l'époque

 19   turque, et nous avons essuyé des pertes dans cet endroit. Vous pourrez voir

 20   que nous avons également eu des tirs de mortier sur cette rive, et c'est

 21   probablement de là que l'on a tiré sur Markale, parce que c'était la

 22   direction de provenance des obus qui ont touché cette partie de la ville.

 23   Je crois que vous avez ceci sur la liste. C'est dans la zone de Bistrik.

 24   Les positions de tir, le quartier de Bistrik, la rue Bistrik, vous aviez

 25   une batterie de mortiers. Il s'agit, en fait, d'une ville sur une colline

 26   sur laquelle les positions s'étaient constituées. Nous étions derrière,

 27   vers le sud. Si vous tenez cette position, vous pouvez ouvrir les tirs dans

 28   toutes les parties de la ville.

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  1   Maintenant, regardons cette partie assez escarpée de la ville. Ici, on voit

  2   quelles sont les cibles légitimes. Cela représente 10 % des cibles

  3   légitimes, 10 % que ce que nous allons montrer comme étant les cibles

  4   légitimes, et nous allons vous montrer comment on a abusé des hôpitaux, des

  5   écoles, des maternelles qui ont été transformés en bâtiments militaires.

  6   Ici, vous avez la 152e Brigade, vous avez une école étrangère dans la rue

  7   Miskin, et c'est là où il y a une explosion le 27 mai 1992.

  8   Ici, vous avez le poste de commandement de la police militaire. Ici, nous

  9   avons Bascarsija, qui est le centre de la vieille ville. Plus en aval -- si

 10   l'on peut agrandir la partie qui est sur la gauche. Est-ce que l'on peut

 11   passer à Skenderija, de l'autre côté de Skenderija. Nous avons la rue

 12   Dositejeva. Un peu plus sur la gauche, s'il vous plaît. En aval. Ici, vous

 13   avez le poste de commandement de la 105e Brigade, c'est le bâtiment Sipad,

 14   c'est un bâtiment civil qui a été transformé en bâtiment militaire. Du toit

 15   de ce bâtiment, ils ont ouvert le feu, et nous, nous avons riposté, mais

 16   ils ont considéré qu'il s'agissait d'un bombardement non sélectif de la

 17   ville par l'armée serbe.

 18   Il s'agit ici d'une base logistique. C'est la base que l'on appelait

 19   Dositejeva numéro 2. Il s'agit d'une flotte d'hélicoptères dans le centre

 20   de Sarajevo. Il s'agit d'une cible militaire légitime de tout premier

 21   ordre.

 22   Ici, nous voyons le quartier de Marin Dvor, qui est dans la vieille ville.

 23   Juste à côté, vous avez l'hôtel Holiday Inn, où les journalistes étrangers

 24   séjournaient. Dans ce quartier, vous avez eu la scène de tous ces

 25   événements et de tous ces bombardements. Par exemple, si vous regardez la

 26   cathédrale catholique, c'était la base logistique de la 105e Brigade. A

 27   côté de l'église, vous avez une rue qui va vers le pont Vrbanja, et vous

 28   avez une position de tir, une position de tir au mortier qui est à l'angle

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  1   de cette rue. Donc, vous voyez cette position de tir qui est vraiment dans

  2   le centre de la ville.

  3   Puis, vous avez des PAM de calibre 12.7 qui étaient utilisées dans le

  4   centre de la ville. Vous avez les positions de tirs embusqués ici, à

  5   l'angle de ces rues.

  6   Maintenant, nous allons voir le nombre d'écoles et de maternelles qui

  7   ont été utilisées -- ou plutôt, abusées. Vous avez ici la faculté à

  8   Vrbanja. Nous l'avons vue il y a quelques secondes.

  9   Puis vous avez le bâtiment du musée qui avait également une position

 10   de tir. Nous avons essuyé des tirs provenant de cette position, et nous

 11   avons dû riposter et nous avons utilisé des PAM 12.7.

 12   Ici, il y a des cibles qui étaient tout à fait légitimes. Nous

 13   savions qu'il s'agissait de cibles légitimes, il s'agissait de positions de

 14   tir de la 101e, et vous aviez également un atelier de réparation pour les

 15   blindés.

 16   Pour ce qui est du bâtiment de l'institut de transport, qui était,

 17   encore une fois, une cible légitime, vous avez un poste de commandement

 18   avancé, et vous avez un atelier de réparation également. Il fait référence

 19   ici à des cibles légitimes. Mais de l'autre côté, le bureau du Procureur

 20   pense que même si nous savions de quoi il s'agissait, nous devions dire

 21   qu'il fallait ouvrir le feu au niveau d'un atelier. Ce n'est pas comme ceci

 22   que cela est fait.

 23   L'hôpital de Kosevo maintenant, vous verrez que le Procureur confirmera que

 24   sur le site de cet hôpital de Kosevo, ils ont fait des trous en tirant avec

 25   leurs armes, et ensuite ils ont appelé la presse. Vous voyez ici, 150e

 26   Brigade de Montagne, le QG, hôpital de Kosevo.

 27   Parlons maintenant de l'université de culture physique, autrement dit,

 28   l'institution éducative supérieure dont il a été fait un usage abusif, car

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  1   ce bâtiment de la faculté hébergeait la 105e Brigade de Montagne.

  2   Ecole primaire Vuk Karadzic. Je suis sûr qu'elle a changé de nom

  3   aujourd'hui. Il s'agit d'un aïeul à moi, né en Serbie, qui a révolutionné

  4   la culture serbe et l'orthographe serbe.

  5   Je crois que tout cela suffit à présent. J'aimerais énumérer à votre

  6   intention maintenant, rapidement, ce que l'on peut dire au sujet de

  7   Sarajevo. Sarajevo est construite entièrement sur de la terre appartenant

  8   aux Serbes. De tout temps, cette ville a été une ville serbe. Certains

  9   lieux-dits autour de Sarajevo sont depuis des siècles des hameaux serbes

 10   peuplés majoritairement de Serbes jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, et

 11   depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des quartiers majoritairement

 12   peuplés de Serbes, et d'autres, non.

 13   Avant le début de la guerre dont nous parlons, dans le cadre de la

 14   conférence relative à la Bosnie-Herzégovine, la ville de Sarajevo et ses

 15   diverses municipalités n'ont pas fait l'objet de propositions de la part de

 16   la partie serbe relatives à une partition de la ville, puisque nous

 17   défendions l'option d'une cantonisation à la Suisse de la Bosnie-

 18   Herzégovine. Donc, nous demandions une transformation de la ville de

 19   Sarajevo, correspondant un peu à ce qui s'est passé à Bruxelles. Comme vous

 20   le savez, sans doute mieux que moi, à Bruxelles il existe 18 municipalités,

 21   et toutes ces municipalités sont soit flamandes soit wallonnes. Aucune

 22   d'entre elles n'étant mixte. C'est de cette façon que l'on évite les

 23   conflits, ce qui est encore plus important lorsqu'on parle de peuples

 24   balkaniques auxquels il est exigé de se mêler les uns aux autres au sein

 25   d'un melting-pot, alors que des tensions importantes les opposent, et que

 26   cette proposition peut déboucher sur des problèmes importants. Donc, la

 27   demande qui était faite était de transformer Sarajevo en une seule

 28   municipalité pour faire disparaître au moins une des causes de tensions.

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  1   Sur la carte que je vous ai montrée, vous verrez que lorsqu'on parle

  2   d'armée, l'armée n'est pas une armée professionnelle. Ce sont des gens qui

  3   habitent à 50 mètres de là. Ils n'ont nulle part où fuir. Ce sont des

  4   hommes qui sont obligés de se battre à 50 mètres de leur maison. Ils

  5   rentrent chez eux, à la maison, pour dormir. Ils n'ont pas de casernes.

  6   C'est une armée populaire dont nous parlons. Ce n'est pas une armée de

  7   métier. C'étaient des hommes qui n'avaient jamais imaginé qu'ils allaient

  8   se battre pour défendre Sarajevo. Si la guerre avait été évitée, Sarajevo

  9   aurait été transformée en une ville comportant plusieurs municipalités, et

 10   chaque municipalité aurait vaqué à ses propres affaires.

 11   Sur toute la Bosnie-Herzégovine, une "gérimanderisation" [phon] a eu

 12   lieu. Gerry Mander [phon] était un grand maître de la manipulation des

 13   urnes au moment des élections. Il était capable de créer des unités

 14   électorales destinées à ce que le parti le plus faible qui s'était porté

 15   candidat puisse l'emporter, et ce phénomène de "gérimanderisation" était

 16   très présent dans l'ex-Yougoslavie, et notamment en Bosnie-Herzégovine. De

 17   sorte que Hrasnica a été rattachée à Ilija pour que les Serbes n'aient pas

 18   de municipalités leur appartenant. L'endroit où habitait M. Krajisnik était

 19   une municipalité à une certaine époque, et juste avant la guerre, nous en

 20   avons fait une municipalité, mais autrement ce n'en était pas une. Donc

 21   l'essor électoral des Serbes s'est arrêté grâce à ce phénomène de

 22   "gérimanderisation".

 23   Nous démontrerons à quel point ce phénomène a été appliqué dans toute la

 24   Bosnie pour que des secteurs serbes soient rendus totalement inoffensifs.

 25   Donc le projet relatif à Sarajevo, c'était une réorganisation

 26   administrative destinée à ce que les municipalités soient de toute façon

 27   réduites en taille. Parce que jusque-là, les municipalités étaient énormes,

 28   et cela a donné lieu au développement de phénomènes de corruption un peu

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  1   partout. Donc même si la guerre n'avait pas eu lieu, même si la crise

  2   n'avait pas éclaté, il aurait fallu réduire la taille des municipalités.

  3   Sarajevo comportait dix municipalités avant la guerre. Les Serbes ne

  4   contrôlaient que les municipalités serbes, et là où les Musulmans avaient

  5   la majorité, ils ne contrôlaient que les quartiers serbes de ces

  6   municipalités musulmanes. Revenons donc à la carte et voyons de nouveau la

  7   ligne de front. Bien.

  8   A gauche, on voit Pale, puis on voit Renovica. Cette municipalité de Pale,

  9   municipalité musulmane dont nous n'avons jamais essayé de nous emparer pour

 10   en prendre le contrôle. C'est à l'extrême droite.

 11   La partie de la ville contrôlée par les soldats et la police du SDA

 12   était sous le contrôle du 1er Corps de l'ABiH, devenu plus tard la 12e

 13   Division. Ses effectifs équivalaient à 35 000 et pouvaient aller jusqu'à 80

 14   000 hommes. Ils avaient leurs cibles légitimes qui étaient des écoles

 15   maternelles; une école primaire; le café de Pira; Isakovic [phon];

 16   Ferhadija, qui est une école de langues étrangères; le siège de la police

 17   militaire sur la rue du Maréchal Tito; Sipad, qui était également une

 18   entreprise, une installation civile. Et puis, des immeubles d'habitations

 19   qui étaient bien connus par Carrington et les gens qui l'entouraient et

 20   qui, semble-t-il, était une cible légitime puisqu'elle était habitée par

 21   des soldats en armes, elle hébergeait des mortiers et d'autres armes de

 22   combat mortelles. Puis, il y avait le pont de Vrbanja qui abritait un nid

 23   de mortiers. Donc pendant le procès, nous allons établir très précisément

 24   et dire l'entière vérité sur toutes ces cibles et l'endroit où elles

 25   étaient situées.

 26   Les Nations Unies vont voir que ce ne sont jamais les Serbes qui ont

 27   commencé les combats à Sarajevo. Nous n'avons cessé de dire : Attendons que

 28   l'on obtienne une solution politique dans le but seul et unique de sauver

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  1   la vie des habitants.

  2   Les Musulmans se sont vantés d'avoir, à l'intérieur de cette ligne qui se

  3   trouvait dans la ville, établi un front de 42 kilomètres de long. A la fin

  4   de la guerre, ils se vantaient d'avoir étendu ce front jusqu'à une longueur

  5   de 60 kilomètres. Si vous pensez que lorsqu'on parle de combats on parle de

  6   combats de rue et qu'il s'agit, dans le cadre de cette guerre urbaine,

  7   d'avancer quelques mètres par quelques mètres, prolonger le front de 22

  8   kilomètres vous montre bien qui était à l'origine des attaque à Sarajevo et

  9   qui se contentait de se défendre.

 10   En Bosnie et à Sarajevo, les Serbes n'ont jamais exprimé le désir de

 11   capturer des territoires. C'est tout à fait le contraire qui a eu lieu. Les

 12   Serbes étaient prêts à faire des concessions dans l'intérêt de la paix.

 13   Nous n'avons jamais agi dans cette ville dans un sens contraire à nos

 14   intérêts, et notre intérêt, c'était de redonner vie au processus de paix et

 15   d'obtenir trois signatures au bas d'un accord de paix dans le cadre d'une

 16   solution pacifique à la crise. Notre intention n'a jamais été de bombarder

 17   ou de pilonner. Nous le prouverons ici, nous prouverons que les tueries en

 18   masse ont résulté d'une stratégie de ruse dirigée par Sefer Halilovic, et

 19   ce, dans le cadre de l'application de la politique mise au point par

 20   Izetbegovic. Les trucs qui ont été mis en œuvre avaient pour but de faire

 21   venir les troupes étrangères et d'obtenir une intervention étrangère. Ce

 22   que les jeunes musulmans voulaient ne pouvait être obtenu qu'en semant la

 23   terreur ou par voie d'intervention étrangère. Le SDA n'a pas réussi à

 24   obtenir ce qu'il voulait par la voie de la terreur, donc il s'est efforcé

 25   de maintenir la terreur pour faire venir les forces étrangères. Tous les

 26   médiateurs vous diront que ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine l'a été

 27   par la partie musulmane, dont le but était d'attirer l'OTAN et les pays

 28   occidentaux dans la guerre à leur côté.

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  1   Je suis tout à fait persuadé, indépendamment de la réforme du droit

  2   international, que les principes fondamentaux sont toujours respectés. Il

  3   nous suffira donc de prouver que si des civils ont été tués, il importe -

  4   et nous l'exigeons de l'Accusation - que l'Accusation le démontre. Donc si

  5   les Musulmans eux-mêmes ont tiré aussi sur leur propre population, il faut

  6   que la preuve en soit apportée, et c'est sur l'Accusation que repose la

  7   charge de cette preuve.

  8   On parle de représailles de notre part, et je vois que dans une lettre le

  9   général Milovanovic répond aux observateurs internationaux qui nous

 10   reprochent le nombre d'obus que nous aurions tirés pour répliquer à une

 11   attaque. Ils ne nous reprochent pas l'attaque, mais le nombre d'obus tirés.

 12   Je n'ai pas vérifié quelle était la qualité des armements de part et

 13   d'autre, mais j'ai répondu au général comme si la chose était exacte, et

 14   j'ai expliqué pourquoi ce genre de représailles avait lieu. Or, il s'est

 15   avéré que la réalité, c'est que quelqu'un qui disposait d'effectifs réduits

 16   et qui craignait pour l'avenir était en droit de tirer en représailles.

 17   Vous verrez qu'à la date du 20 juillet, nous disons qu'il faut réduire le

 18   nombre des obus, mais que si cela doit se faire, il faut qu'une brigade

 19   vienne de Krajina, car sinon, les effectifs présents sur place pourront

 20   être totalement neutralisés. Donc on nous dit : Réduisez le nombre d'obus

 21   tirés. Nous disons : D'accord pour réduire le nombre d'obus tirés, mais

 22   dans ce cas il faut que la Brigade de Krajina vienne en renfort, car ce

 23   n'est pas une guerre menée par une armée, c'est une guerre populaire. Là où

 24   des effectifs du SDA prennent position, il ne reste plus, ne serait-ce,

 25   qu'un chat en vie. Toute vie est détruite.

 26   Or, la guerre a duré à Sarajevo à peu près 1 200 jours, ce qui est un

 27   nombre à peu près équivalent de jours à celui de l'apocalypse, 1 260 jours.

 28   Cette guerre s'est prolongée parce qu'il n'y avait pas d'armée

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  1   professionnelle. Vous verrez dans la présente affaire que les Croates de

  2   Bosnie confirment que des unités pouvaient entrer et sortir de Sarajevo à

  3   leur gré, et vous entendrez des représentants de l'ABiH qui vous diront

  4   qu'ils quittaient Sarajevo et revenaient en ville comme ils le voulaient.

  5   S'agissant de la circulation dans la ville de Sarajevo, au début de la

  6   guerre, j'ai proposé que Sarajevo soit une ville ouverte sous la protection

  7   des Nations Unies. Izetbegovic n'a pas accepté cette proposition. Pour lui,

  8   il était important de pouvoir faire pression et faire du chantage à la

  9   communauté internationale pour susciter les émotions, donc il lui fallait

 10   une ville fermée.

 11   Nous avons dit qu'il ne fallait pas qu'il y ait de restrictions sur

 12   la circulation des civils, que ces restrictions ne concernent que les

 13   transports militaires. Mais les transports d'aide humanitaire ont été

 14   bloqués, pourquoi, parce que cela faisait monter les prix et que les

 15   Musulmans ont gagné beaucoup d'argent dans ce trafic.

 16   Regardez un peu les zones sous le contrôle de l'armée dirigée par le

 17   SDA. Vous verrez que pas une goutte d'eau, pas un mètre cube de gaz, pas un

 18   kilowatt d'électricité n'a été reçu par ce quartier sans que ces aides ne

 19   passent par les territoires serbes. Donc ce que les Musulmans ont reçu, ils

 20   l'ont toujours reçu après que l'aide en question soit passée par les

 21   territoires serbes. Nous n'avons jamais privé ce quartier de ce dont ils

 22   avaient besoin. Comment peut-on parler de ville terrorisée ? Parce que

 23   lorsque nous n'avions pas assez d'eau, nous partagions notre eau avec eux.

 24   Le peu d'eau que nous avions, nous le partagions avec eux, même si nous

 25   n'en avions pas assez.

 26   Et il existe une lettre qui a été citée ici, j'écris à mes généraux

 27   qui se fâchent en disant que nous laissons passer l'aide humanitaire à

 28   destination exclusive des Musulmans sans que les Serbes n'en reçoivent quoi

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  1   que ce soit ou en tout cas avec des Serbes qui en recevaient peut-être un

  2   tiers ou un quart. Et nous répondons en disant les civils ne sont pas nos

  3   ennemis, nous n'allons pas les priver de vivres ou de quoi que ce soit

  4   d'autre.

  5   Excellences, dans cet endroit que je vous montre entre Hrasnica et

  6   cet étroit passage sur le front se trouve l'aérodrome que nous avons remis

  7   entre les mains des Nations Unies en juin ou juillet 1992. Sur cet aéroport

  8   ont atterri plus de 10 000 vols d'aide humanitaire. Il n'y a pas eu un seul

  9   incident provoqué par la partie serbe en dehors des moments où eux tiraient

 10   sur les avions pour que la faute retombe sur nous.

 11   Donc 10 000 avions transportant de l'aide humanitaire, est-ce que

 12   cela indique une ville terrorisée ? Nous tenions l'aérodrome et nous

 13   l'avons remis aux Nations Unies. Des milliers de convois d'aide humanitaire

 14   sont entrés dans Sarajevo en passant par le territoire serbe. Les documents

 15   du général Wahlgren, de M. Akashi et d'autres vous montreront que des

 16   incidents se sont produits uniquement lorsque ces convois se sont rendus

 17   responsables d'irrégularités. M. Akashi le confirme, de même que d'autres

 18   représentants des Nations Unies qui disent : Les Serbes ne posent aucun

 19   problème vis-à-vis des convois, mais si on fait du trafic dans le cadre de

 20   ces convois, c'est-à-dire que ces convois transportent des biens qui n'ont

 21   pas été déclarés, alors on les arrête.

 22   Et ça, c'est tout à fait logique. Le responsable -- celui qui vérifie le

 23   convoi voit une liste d'un certain nombre de produits. S'il trouve d'autres

 24   produits dans le convoi, il arrête le convoi. Maintenant, créer un incident

 25   lié à un convoi humanitaire dans l'intérêt de CNN ou d'autres médias, ça,

 26   c'est autre chose, parce que si un responsable n'est pas prévenu du passage

 27   du convoi, il n'est pas autorisé à le laisser passer. Si le convoi doit

 28   passer par un pont et que ceci a été annoncé et que le convoi, finalement,

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  1   passe par un autre pont, il ne va pas passer. C'est logique.

  2   Sarajevo, c'est notre ville; 157 000 habitants déclarés et

  3   30 000 Yougoslaves, qui étaient pratiquement tous Serbes, vivaient dans

  4   cette ville. Donc Sarajevo était une ville serbe. Moi, j'ai vécu dans cette

  5   ville parce que je l'ai choisie. J'aimais cette ville, je l'aime encore

  6   aujourd'hui, et je ne cesserai jamais de l'aimer. Nous avons une partie de

  7   la ville qui est à nous. Si notre proposition était de déclarer Sarajevo

  8   ville ouverte, il n'y aurait eu aucun problème. S'il avait été accepté de

  9   transformer Sarajevo en plusieurs municipalités dont certaines seraient

 10   musulmanes, certaines serbes et certaines croates, vous voyez en brun la

 11   municipalité de Stupni Do Brod [phon], à côté d'Ilidza, qui est une

 12   municipalité croate. Dans ce cas, nous aurions vécu dans la paix. Mais les

 13   Musulmans voulaient 100 % de la Bosnie, 100 % du pouvoir, 100 % de la

 14   ville, et c'est à cause de cette volonté que nous en sommes arrivés là où

 15   nous en sommes arrivés. Or, le Procureur estime que nous n'avions pas le

 16   moindre droit de nous protéger. Il estime que nous n'avions pas le moindre

 17   droit de nous défendre.

 18   J'aimerais maintenant soumettre à votre attention un passage du livre du

 19   général Rose, qui dit :

 20   "Les Français étaient bien informés du fait que les troupes musulmanes dans

 21   la ville ont ouvert le feu sur certains habitants. Cela était davantage la

 22   règle que l'exception. Au brigadier Hajla Rahovic [phon], surnommé

 23   l'Italien, et au général Jovan Divljak, j'ai dit que le premier examen du

 24   cratère de la bombe explosée à Markale a montré que cet obus avait été tiré

 25   du côté musulman. Hajla Rahovic m'a regardé avec animosité. J'ai ajouté que

 26   l'angle d'arrivée de l'obus démontre que cet obus a été tiré d'une distance

 27   très faible, voire même que l'obus aurait été installé sur place et activé

 28   sur place."

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les interprètes n'ont

  2   pas la transcription de ce passage, donc pourriez-vous ralentir la lecture,

  3   je vous prie.

  4   L'ACCUSÉ KARADZIC : [interprétation] Toutes mes excuses.

  5   Je lui ai demandé ensuite pourquoi ils avaient mis de côté des fragments de

  6   cet obus après explosion avant l'arrivée des forces des Nations Unies sur

  7   le lien de l'incident.

  8   Et vous verrez, Excellences, que le Procureur que vous avez ici dans la

  9   salle a cité un certain nombre de représentants des Nations Unies à titre

 10   de témoins, mais qu'il ne citera pas les hommes qui sont arrivés les

 11   premiers sur place. Nous ne les entendrons pas. Le Procureur va citer à la

 12   barre un homme qui est arrivé sur place 40 minutes après l'incident en août

 13   1995, et un autre qui est arrivé sept jours après l'incident de 1994. Et

 14   lorsque nous demandons à ces personnes quel était le meilleur moment pour

 15   enquêter sur les incidents, ils répondent dans les quelques minutes qui

 16   font suite aux incidents. Donc le premier arrivé sur place après l'incident

 17   a les meilleures chances de trouver les indices les plus valables quant aux

 18   causes de l'incident.

 19   Or, le Procureur a totalement ignoré les personnes arrivées sur les lieux

 20   de l'incident en premier, car manifestement, leurs déclarations ne plaisent

 21   pas au bureau du Procureur.

 22   Lord David Owen, dans le livre dont il est l'auteur, "L'odyssée

 23   balkanique", indique que :

 24   "Le gouvernement bosnien a empêché le départ de sa population par des

 25   difficultés bureaucratiques et en érigeant des barrages routiers. On

 26   racontait qu'il était interdit de partir à tout homme dont l'âge se situait

 27   entre 18 et 45 ans, ainsi qu'aux femmes dont l'âge variait entre 18 et 60

 28   ans, car ces personnes étaient indispensables à la défense de la ville.

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  1   Mais en fait, la raison principale de tout cela était différente.

  2   Le siège serbe émouvait le monde entier dans le cadre de cette guerre de

  3   propagande. Il était donc absolument indispensable que les vieillards et

  4   les enfants restent dans la ville pour justifier cette arme de propagande

  5   la plus efficace qui était à leur disposition. Ils ne voulaient pas réduire

  6   l'efficacité de cette arme de propagande afin d'attirer les Américains dans

  7   la guerre.

  8   Donc l'objectif poursuivi était d'attirer dans la guerre l'OTAN et les

  9   Américains. Voilà tout ce que j'avais à dire au sujet du pilonnage de

 10   Sarajevo.

 11   Et le général Rose dit à un certain moment : Il serait plus facile s'ils

 12   s'abstenaient de tirer sur leur propre population dans la ville. La guerre

 13   se terminerait plus vite.

 14   Tout cela, ce ne sont pas des indications. Ce sont des preuves de ce qui

 15   s'est passé in dubio pro reo. Ce sont des preuves qu'eux ont fait ce genre

 16   de choses. Vous avez vu la séquence vidéo d'hier, vous avez vu le marché

 17   complètement désert. Et dans ces conditions, je ne comprends pas très bien

 18   pourquoi le général Galic a été condamné à vie, et encore moins pourquoi

 19   des actes d'accusation ont été dressés contre Milosevic, contre moi-même,

 20   et contre d'autres. Donc dans des circonstances de ce genre, nous ne

 21   pouvons ne pas dire qu'il serait préférable que le Procureur se penche une

 22   nouvelle fois de façon très détaillée sur l'acte d'accusation et qu'il

 23   prenne conscience de combien il est dommageable que ces procès soient aussi

 24   nombreux contre une partie, qui a été sur la défensive pendant tout le

 25   temps, une partie qui attendait une solution politique. Combien il est

 26   dommageable que cette partie soit présentée comme la principale partie

 27   belligérantes, comme la partie agressive, comme une partie terroriste qui a

 28   agi contre une ville dont 80 % des habitants serbes ont été expulsés vers

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  1   les banlieues.

  2   Je crois que si le Procureur se penchait avec attention sur les documents

  3   disponibles, il ne se contenterait pas de retirer son acte d'accusation

  4   contre moi, mais demanderait même que soit révisé les jugements contre mes

  5   généraux de façon à ce que soit sauvé l'idéal de la justice internationale,

  6   et que soit sauvée la réputation de tribunaux comme celui-ci.

  7   L'idéal de la justice internationale est en grave danger de

  8   compromission. Si ces procès se poursuivent, je prouverai ce qui s'est

  9   passé en Bosnie-Herzégovine. Vous verrez que c'est en grande partie la

 10   communauté internationale qui a été responsable de tout cela. Avant tout le

 11   SDA, mais le SDA n'aurait pu commettre des actes de ce genre sans le plein

 12   appui et le plein soutien de l'étranger, car les Croates et plus tard les

 13   intégristes musulmans, qui sont censés être la population musulmane,

 14   n'avaient pas choisi cela. Ceci aurait pu donc ne pas se passer.

 15   L'idée des intégristes c'était de créer un Etat ottoman plutôt qu'un

 16   Etat démocratique. Vous vous rappellerez Silajdzic et les autres, qui en

 17   ont été les seuls bénéficiaires. Je veux dire, ils auraient pu imposer un

 18   régime de ce genre et en être les seuls bénéficiaires.

 19   Est-ce que je peux poursuivre --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer encore cinq

 21   minutes, mais si vous le souhaitez, nous pouvons faire la deuxième pause

 22   maintenant.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pensais que j'en avais peut-être assez dit

 24   au sujet des généralités relatives à Sarajevo, car pendant le procès nous

 25   allons revenir en détail sur Sarajevo.

 26   La Défense que j'assure n'est pas d'accord avec la démarche adoptée

 27   par le bureau du Procureur qui consiste à affirmer que des Serbes ont tué

 28   des Musulmans. Nous voulons déterminer exactement ce qui s'est passé. Je ne

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  1   dispose pas encore des documents de médecine légale relatifs à Markale 1 et

  2   Markale 2, pas plus qu'au sujet de l'incident des gens qui faisaient la

  3   queue pour le pain à Vasa Miskin. Pour les autres incidents, je suis

  4   convaincu que comme Markale 1 et Markale 2 il n'y a pas eu de victimes

  5   civiles du tout. Il peut s'agir de cadavres qui ont été placés sur place.

  6   D'ailleurs, les représentants des Nations Unies viendront ici dire qu'ils

  7   ont été prévenus par les prédécesseurs des postes qu'ils ont occupés,

  8   d'être très prudents par rapport à ce genre de possibilité de placer des

  9   cadavres après coup dans certains lieux un peu partout dans la ville de

 10   Sarajevo afin d'accuser la partie serbe des actes présumés commis.

 11   Comment est-ce que nous allons traiter de tout cela si nous ne

 12   pouvons pas compter sur une enquête objective menée par un juge

 13   d'instruction, objective, si nous ne pouvons pas compter sur qui que ce

 14   soit d'autre que sur les représentant du bureau du Procureur pour s'occuper

 15   de tout cela. Nous ne pouvons compter que sur vous. La Chambre de première

 16   instance va empêcher que des trucs de ce genre ou des actes consistant à

 17   mettre des cadavres après coup sur place puissent être pris en compte et

 18   demeurent dans l'histoire comme une expression de la vérité.

 19   Nous avons vu hier ce qui s'est passé à Markale. C'est un désir que nous

 20   avons et qui ne peut être satisfait qu'avec de grandes difficultés. Si vous

 21   avez une pensée droite, vous constaterez que les Serbes ne sont pas

 22   responsables de ces actes. Nous avons vu que tout cela a été orchestré.

 23   Mais rendez-vous compte ce qu'il en est pour la population sur place, les

 24   Serbes et les Musulmans ? Nous n'allons pas aujourd'hui parler de

 25   Srebrenica. Nous allons voir quels sont ces mythes falsifiés, quelles sont

 26   ces fausses victimes, nous allons aller au cœur des questions. Nous allons

 27   voir ce qui s'est passé pour que l'avenir puisse s'ouvrir sans ces semences

 28   de haine et de souffrance pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous

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  1   verrons qui a orchestré tout cela.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant faire la deuxième

  3   pause, 20 minutes.

  4   --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence.

  8   Afin de résumer -- ou plutôt, afin de reprendre une présentation

  9   chronologique factuelle par rapport à la première entreprise criminelle

 10   commune. Je souhaiterais appeler votre attention sur certains faits qui

 11   feront l'objet d'une présentation aisée, d'une démonstration pendant la

 12   présentation des moyens qui est devant nous, et je n'aurai aucune

 13   difficulté à démontrer ces points.

 14   Prenons, pour commencer, l'expulsion forcée des Croates et des

 15   Musulmans de Bosnie. Cela n'a jamais fait partie de nos intentions, et

 16   encore moins a-t-on élaboré de projet afin d'y parvenir. Depuis deux jours,

 17   j'ai énuméré toute une série de propositions formulées par la partie serbe,

 18   des propositions soit émanant des Serbes soit ayant été acceptées par les

 19   Serbes et qui excluent l'existence de toute entreprise criminelle commune,

 20   en particulier toute expulsion éventuelle de Croates ou de Musulmans de la

 21   Republika Srpska.

 22   Nous avons toujours affirmé que nous prenions une vie commune avec les

 23   Croates et les Musulmans. Nous les avons priés de rester au sein de la

 24   Yougoslavie, mais nous ne pouvions pas accepter un régime islamiste en

 25   Bosnie pour nous, et il ne fait aucun doute que tel serait le régime mis en

 26   place par eux sur la base de la déclaration islamiste dont l'auteur est M.

 27   Alija Izetbegovic.

 28   Je me permets de rappeler que sur cinq plans de paix, l'accusé ici présent

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  1   en a accepté quatre. Nous avons réduit à leur plus simple expression nos

  2   aspirations et nos objectifs afin d'éviter la guerre. Permettez-moi à

  3   présent de rappeler un fait qui, lui aussi, est gravé dans le marbre. Il ne

  4   s'est pas produit qu'une conférence sur la Bosnie-Herzégovine ne soit pas

  5   en cours au moins depuis février 1992. Voyons que fait la partie musulmane,

  6   que fait la partie serbe.

  7   La partie serbe négocie de bonne foi, elle propose des mesures de

  8   protection, des mesures de réserve, si jamais les négociations ne devaient

  9   pas aboutir. Le Procureur estime que nous n'avions pas le droit d'avoir ces

 10   mesures de précaution. Ils disent : Karadzic, il a négocié, certes, mais il

 11   avait toujours des solutions de réserve. Mais quel homme politique serais-

 12   je si je n'avais pas de solutions de réserve, tout en sachant qui j'ai en

 13   face, qui est mon interlocuteur.  Mes options de réserve n'étaient pas ma

 14   priorité. Ma priorité, c'étaient bien les dispositions envisagées dans le

 15   cadre des négociations.

 16   A l'inverse, à l'opposé, c'est de mauvaise foi que les Musulmans ont

 17   négocié. D'ailleurs, les traces de cette attitude reste. Donc vous avez là

 18   une inversion des thèses lorsqu'on nous reproche ce qu'ils ont fait. Dieu

 19   seul nous a sauvés dans cette situation, pendant que nous étions les seuls

 20   à agir de bonne foi, et nous a permis d'avoir quelques solutions de réserve

 21   pour parer au plus pressé si jamais les négociations n'aboutissaient pas.

 22   Voyons maintenant un petit peu l'exemple de ce qui s'est produit dans les

 23   différentes municipalités. Les négociations portant transformation des

 24   municipalités ont été entamées dans deux ou trois municipalités, dont une

 25   avec les Croates, dont d'autres avec les Musulmans.

 26   A partir du moment où l'Accusation affirme qu'à partir du moment où

 27   ils ont pris le contrôle dans une municipalité, de qui a-t-on pris le

 28   contrôle ? De nous-même, puisque nous étions majoritaires. De toute façon,

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  1   je pense que c'est le paragraphe 105 du mémoire préalable au procès, si

  2   cela m'est resté en mémoire. Ils disent ils se mettaient à licencier les

  3   Musulmans employés dans la police et cetera.

  4   Mais en fait, qu'en est-il de la réalité des choses. Vous avez les

  5   municipalités serbes de Sanski Most, de Kljuc, de Prijedor, et cetera, et

  6   cetera, mais pour Bijeljina, il n'est pas dit que c'est une "municipalité

  7   serbe", ou Banja Luka ou Pale encore. Pourquoi ? Parce que les conditions

  8   ne sont pas réunies pour que ce soit une municipalité musulmane. Donc à

  9   partir du moment où une municipalité est qualifiée de serbe, il y a un

 10   accord, à savoir il y aura là création également d'une municipalité

 11   musulmane. Donc, les policiers musulmans se rendront au travail dans le

 12   poste de police musulman, et les Serbes au poste de police serbe. Là, on

 13   nous dit les Serbes ont licencié. Non, ils n'ont licencié personne.

 14   Mais pourquoi les Musulmans n'ont-ils pas été licenciés de Bijeljina, de

 15   Gradiska, de Banja Luka ? Où que ce soit ailleurs où il n'y avait pas de

 16   municipalité serbe ? Je ne parle pas seulement de policiers, je parle de

 17   toutes les autres institutions, donc les institutions qui existent dans la

 18   structure municipale. A chaque fois qu'il y a eu cela, il y a eu des

 19   négociations et des accords pour que chacun se dote de son institution.

 20   Vous verrez, à partir du moment où il y a municipalité serbe, le service

 21   est scindé en deux et la municipalité en deux. Mais à partir du moment où

 22   il n'y a pas de municipalité serbe, que ce soit Banja Luka, ou Bijeljina ou

 23   qui a-t-on licencié, vous verrez un Musulman de Bijeljina qui a travaillé

 24   dans la police, et jamais personne ne lui a fait de tort. Il n'a pas été

 25   tué.

 26   Il y a eu des morts, bien entendu, du côté musulman et du côté serbe de

 27   Bijeljina, mais du côté des Musulmans, les seuls morts sont ceux qui se

 28   sont emparés d'un fusil. Vous avez vu la lettre de Rabija Subic qui

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  1   s'adresse à Izetbegovic, et elle l'invite à traduire dans les faits les

  2   accords passés à Vlasenica et à Bratunac entre les Musulmans et les Serbes,

  3   à étendre cela sur la totalité du territoire en disant qu'ils ne se

  4   gêneront pas, ils ne feront pas de mal les uns aux autres.

  5   Donc, ce sont des accords qui ont cherché à préserver la paix et qui

  6   excluaient tout déplacement de population, mais le SDA y a mis fin

  7   brutalement sans hésiter de recourir à la violence, et dès le 12 avril, en

  8   fait, ils ont lancé un appel à la mobilisation. Le SDA lance cet appel le

  9   12 avril, et à partir de ce moment-là, toute la population apte à combattre

 10   se mobilise. C'est une mobilisation générale, donc de 16 à 65 ans, et on la

 11   décrète dès le 4 avril. D'après leurs affirmations, d'après leurs

 12   documents, plus de 75 % de ces effectifs n'ont pas d'uniforme pendant toute

 13   la première année de la guerre. Lorsque quelqu'un péri en civil, cela ne

 14   veut pas dire qu'il était civil.

 15   Les Musulmans n'avaient pas d'uniforme, n'ont pas fait leur service.

 16   Pendant toute une année qui a précédé, ils ont saboté le service, et c'est

 17   la raison pour laquelle ils ont fait la guerre en  civil. Lorsqu'ils

 18   l'emportent, ils fêtent la victoire et leurs alliés fêtent avec eux. Mais

 19   quand ils perdent de quelque part, ils se plaignent d'être victime de

 20   l'agression. A Kotor Varos, à Sanski Most, à Kljuc, vous avez la population

 21   serbe comme musulmane du cru.

 22   Vous verrez ici un témoin originaire de Prijedor. L'avocat dans l'affaire

 23   Kovacevic lui a posé une question où il lui a demandé : Mais comment est-ce

 24   que vous avez osé ? Enfin, ils étaient mieux organisés, une armée mieux

 25   structurée. Mais comment avez-vous osé faire face à une telle armée ? Puis

 26   le témoin répond : Mais je n'avais pas le choix. C'est l'ordre que j'ai

 27   reçu de Sarajevo.

 28   Là, vous verrez plusieurs modus operandi. Vous avez Visegrad et Zvornik.

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  1   Visegrad ne fait pas partie de mon acte d'accusation. Pendant plus d'une

  2   année vous avez une terreur qui s'exerce contre les Serbes, des viols de

  3   jeunes filles, puis vous avez aussi le procès qui est intenté à Ivo Andric,

  4   le prix Nobel, Ivo Andric qui est un Catholique, mais ça ne l'empêche pas

  5   d'être Serbe. Son monument est vandalisé en 1991.

  6   Vous savez que les Serbes fêtent leurs fêtes religieuses. Vous avez

  7   un Serbe qui invite deux amis musulmans pour sa fête, et à la fin de cette

  8   cérémonie, les Serbes se font tuer parce qu'ils fêtent quelque chose qui

  9   n'est pas acceptable dans un milieu musulman. Vous avez, pendant toute

 10   l'année 1991, des pèlerins qui se font arrêter, qui ne peuvent pas circuler

 11   librement. Vous avez des Musulmans qui empêchent la JNA d'agir partout où

 12   ils le souhaitent.

 13   A Zvornik, à Karakaj, dans toutes les parties serbes de la

 14   municipalité, on nous dit que c'est nous qui contrôlions ces parties-là.

 15   Non, à Zvornik, nous contrôlions surtout les parties serbes. Mais si vous

 16   pensez à tout le reste, vous verrez que la municipalité n'a pas une

 17   majorité musulmane. Mais quand les Serbes ont fini par revenir, par se

 18   remettre debout, là, on nous dit que c'est une agression.

 19   A Prijedor, la situation était comparable. Vous aviez un accord qui

 20   était passé, puis tout d'abord, le 12 avril, ils ont été perdants. Puis,

 21   ils ont reçu un nouvel ordre, Kljuc, Sanski Most, Prijedor, Bosanski Novi,

 22   toute la vallée de la Sana, ils ont reçu l'ordre, après le 20 mai, au

 23   départ de la JNA, qu'il fallait qu'ils attaquent. Dans la vallée de la

 24   Sana, ils disposaient d'une brigade d'élite de la Ligue patriotique, et la

 25   vallée de la Sana, elle s'est mise debout sur ordre venu de Sarajevo.

 26   Je ne suis pas encore tout à fait prêt à interroger les témoins qui

 27   viendront déposer au sujet de Sanski Most, mais il y a des villages qui ont

 28   connu un sort terrible, puis d'autres qui n'ont absolument pas connu de

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  1   conflits. Ceux qui ont vécu des conflits, ils avaient jusqu'à 900

  2   combattants. C'est ce que vous pouvez trouver dans les livres de Musulmans

  3   : Dès que nous avons lancé une offensive, nous avons été avertis. Mais vous

  4   savez, nous avions mis sur pied des mesures de défensive. Nous avons monté

  5   la garde, mais à partir du moment où ils se sont mis à tuer la population

  6   dans les villages serbes, là, le conflit était inévitable.

  7   Donc, vous avez la terreur qui est mise en place, les Serbes qui

  8   s'enfuient, puis après, ils reviennent et ils protègent leurs foyers.

  9   Parfois ils remportent la victoire dans une partie de la ville, ou dans

 10   toute la ville. Ou une autre solution, c'était de procéder à une division,

 11   à un dédoublement des municipalités, mais eux, ils ne tenaient pas parole.

 12   Soit on perdait, soit on l'emportait. Mais si on l'emportait, on nous en

 13   accuse. A Sanski Most, alors que les Serbes le contrôlaient, vous aviez 12

 14   000 Musulmans qui sont restés. Susnjar est un mont où 5 300 Serbes ont été

 15   tués en l'espace d'une seule journée. Mais comment est-ce qu'on peut

 16   accepter de vivre sans mesures de précaution, à partir du moment où vous

 17   avez été témoin d'un tel cas. Ça, c'est un exemple tristement célèbre de

 18   ces 5 300 victimes. Comment cela se fait que des milliers de Musulmans

 19   vivent sans être inquiétés, et vous en avez quelques centaines qui sont à

 20   Manjaca, parce que ceux-là ont combattu.

 21   Prenez le cas de Prijedor, par exemple. Les autorités ont diffusé une

 22   annonce le 23 mai, quand ils ont décidé de lancer une attaque. Ils ont tiré

 23   sur un véhicule, il y avait quatre Serbes, deux Croates. Il y a eu des

 24   blessés, donc grièvement blessés ou blessés légers, dans ce véhicule.

 25   Lorsqu'ils disent qu'ils ont été attaqués, c'est vraiment ridicule comme

 26   explication. Vous verrez cela.

 27   Les autorités, que font-elles ? Les Musulmans vont lancer une attaque

 28   sur Prijedor, et c'est ce qu'ils font. A la radio, ils disent les civils ne

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  1   doivent pas circuler librement tant qu'on n'en a pas terminé avec les

  2   terroristes, mais vous verrez, effectivement, ce qu'en diront nos témoins.

  3   Omarska et Keraterm, ce ne sont pas des camps. Ce sont des centres

  4   d'enquête des instances régulières de l'Etat. Le Procureur, il a à sa

  5   disposition, qu'il ne m'a pas communiqué, 3 000 documents qui gardent la

  6   trace des enquêtes menées à Keraterm et à Omarska; 1 500 détenus de

  7   capturés en deux jours. Vous aurez les interceptions croates, et vous aurez

  8   la capture massive de combattants, de civils qui se sont ingérés, mais qui

  9   n'ont pas fait la guerre. Omarska et Keraterm : 41 % d'entre eux n'ont pas

 10   pris part au combat, et on les a libérés. Et ils se retrouvent à Trnopolje

 11   par la suite, là ils sont en sécurité, parce qu'on n'avait pas suffisamment

 12   de policiers pour garder toutes les maisons individuelles. A Trnopolje, on

 13   a pu en avoir suffisamment pour assurer la sécurité. D'ailleurs, c'est ce

 14   qu'ils affirment dans le documentaire. Donc, 41 % de capturés et de détenus

 15   à Omarska et à Keraterm ont été relâchés après une première enquête. Eux,

 16   ils sont Musulmans au même titre que les autres. Pour ceux qui ont été

 17   jugés d'être des combattants, les 59 %, ils ont été détenus, tandis que les

 18   41 %, on les a relâchés.

 19   Premièrement, j'exige que le Procureur me remette ces

 20   3 000 documents d'enquête, et d'autre part, qu'on examine un petit peu la

 21   manière dont on a procédé pour mener à bien ces enquêtes. Ce sont des

 22   instances officielles de l'Etat, ce n'est pas une justice partiale d'un

 23   parti politique. D'ailleurs, voyons comment cela se fait que sur 1 500

 24   personnes qui ont été capturées, que 41 % aient été relâchés par la suite.

 25   Cela démontre que l'argument de l'Accusation ne tient pas la route, à

 26   savoir que l'on a gardé en détention les personnes qui n'avaient aucune

 27   responsabilité aux événements.

 28   Pour ce qui est d'autres déplacements ou des déportations, nous

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  1   démontrerons ici, avec des documents que nous a fournis le Procureur à

  2   l'appui, que les civils de part et d'autre ont été ceux qui ont demandé de

  3   partir. Les Serbes, il aura fallu payer des sommes colossales pour qu'on

  4   les laisse partir à Sarajevo ou en Bosnie centrale. En Bosnie centrale, par

  5   moments, les Croates nous ont aidés pour les laisser partir, parce qu'ils

  6   s'enfuyaient, et par moments, effectivement, nous avons également secouru

  7   les Croates pour qu'ils puissent partir.

  8   Pour ce qui est de Srebrenica et de Zvornik, le général Morillon, il a

  9   essuyé des pressions constantes du côté musulman, comme serbe, parce que

 10   les Musulmans demandaient : Emmenez les civils à Tuzla. Les Serbes

 11   disaient, en revanche : Oui, mais laissez les Serbes ressortir de Tuzla à

 12   leur tour, parce qu'ils n'y sont pas bien, ils y souffrent. Donc, Morillon

 13   a témoigné de cette pression dont il a fait l'objet. Il a fait en sorte que

 14   les Musulmans puissent se rendre à Tuzla. Mais malheureusement, les

 15   Musulmans n'ont pas laissé les Serbes repartir de Tuzla, et c'est ainsi

 16   qu'on cherchait à ternir l'image du SDS auprès de son peuple.

 17   Dans le carnet de bord de Nikola Koljevic, nous pouvons trouver une autre

 18   preuve, à savoir les Musulmans de Trebinje, en passant par Biljana Plavsic,

 19   ont demandé d'avoir la permission de partir de Trebinje, et cela m'a mis en

 20   rage quand j'ai vu cela. S'ils ont des problèmes, qu'ils se fassent

 21   protéger par la police. Ils sont partis, parce qu'ils ont reçu l'ordre de

 22   le faire du SDA. En trois mois, il a fallu que le SDA demande Trebinje et

 23   qu'il se plaigne du nettoyage ethnique. Mais ce sont des jeux tout à fait

 24   transparents. Rien ne les empêchait de vivre tranquillement.

 25   M. Koljevic, qui a été vice-président de la république, une âme noble, un

 26   homme très responsable qui entretenait d'excellentes relations avec les

 27   Musulmans, originaire de Banja Luka, il vivait à Sarajevo, de quoi

 28   témoigne-t-il ? Il dit que sur deux organisations internationales les plus

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  1   présentes sur le terrain, le CICR et l'UNHCR, et les deux les plus

  2   respectées, il dit qu'ils m'ont demandé de laisser partir les Musulmans,

  3   les Croates de Banja Luka, de les laisser partir dans un pays tiers. Bien

  4   sûr je me suis mis en colère. Je ne voulais pas accepter cela. Mais

  5   finalement, j'ai accepté que cinq camions puissent partir tous les jours,

  6   et non pas 80, comme il voulait. Donc si quelqu'un se sent menacé, s'il

  7   demande le regroupement familial, si c'est comme ça qu'il le présentait, on

  8   va le laisser partir.

  9   Mais si vous ne voulez pas faire confiance à mon témoin, M. Koljevic,

 10   un témoin de l'Accusation emploie les mêmes propos pour vous dire

 11   exactement la même chose. Et le Procureur, quant à lui, vous dira que nous

 12   avons opéré un nettoyage ethnique dans la Krajina bosniaque. Mais la

 13   FORPRONU a été utilisée pour que ces gens puissent partir en Croatie.

 14   C'était leur exigence. Et je vous ai dit qu'il y a eu des municipalités qui

 15   les empêchaient de partir, que ces municipalités essayaient de dresser des

 16   obstacles, entraver ces départs, mais on ne fait pas ça lorsqu'on s'enfuit

 17   sans demander son reste.

 18   Vous savez, les Serbes, c'est comme ça qu'ils ont dû s'enfuir, 

 19   complètement désemparés. En revanche, c'est de manière tout à fait

 20   organisée que les Musulmans partaient. Je vais pouvoir démontrer tout cela

 21   ici. Donc la Krajina bosniaque -- d'ailleurs le ministre croate, qui est un

 22   ministre au gouvernement de la Republika Srpska, il vient de dire ces

 23   jours-ci à la presse : "Mais je n'ai jamais quitté la Republika Srpska. Et

 24   ceux qui sont partis, ils m'en voulaient." Donc ses propres croates qui ont

 25   quitté Doboj, par exemple, en guise de protestation pour pouvoir s'en

 26   vanter par la suite, ils sont partis. Or, ils nient le fait qu'il lui

 27   aurait été impossible de cohabiter avec les Serbes.

 28   Voilà. Donc nous allons contester cela, et j'espère pouvoir démontrer que

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  1   les affirmations de l'Accusation ne sont pas valables. Nous allons

  2   démontrer que parmi les Musulmans qui n'ont pas combattu, aucun n'a connu

  3   de problèmes. Et vous verrez qui sont ceux qui se sont retrouvés dans les

  4   prisons, et en règle générale, c'étaient des extrémistes.

  5   Je souhaite à présent changer de sujet, et je voudrais parler de

  6   Srebrenica et de l'élimination des Musulmans de Srebrenica par un meurtre

  7   organisé contre les Musulmans, hommes, femmes et enfants.

  8   Ici, il n'y a pas de jeunes hommes comme le Procureur se plaît à

  9   dire. Par ailleurs il dit, hommes et "jeunes hommes", et comme ça, cela

 10   donne une image encore plus négative des Serbes. Mais ces jeunes hommes

 11   âgés de 16 ans ou plus, ils étaient enrôlés dans les unités armées.

 12   Et pour qu'il n'y ait pas de tu quoque, et il n'y en a pas, je

 13   voudrais dire qu'il y a eu une terreur atroce imposée dans toute cette

 14   région par les Musulmans à l'encontre des Serbes. On a tiré dans le dos de

 15   l'armée, et aucune armée du monde n'est tenue d'accepter cela. Des villages

 16   entiers ont été rasés. Lors des fêtes orthodoxes, il y avait des attaques

 17   lancées. Et il est facile de démontrer que l'accusé ici présent, à chaque

 18   fois qu'il y a une fête musulmane ou catholique, il a toujours demandé que

 19   les orthodoxes fassent preuve de modération. Or, nous, nous avons été

 20   victimes, nous avons été tués systématiquement. Prenez Kravica en 1993,

 21   lors de nos fêtes, donc huit ou neuf mois après le début de la guerre, un

 22   peuple innocent a été massacré, qui s'apprêtait à faire la fête. Pour

 23   quelle raison ? Sans aucune raison. Ça été une attaque lancée sur des

 24   civils absolument sans fondement.

 25   Et je demanderais au bureau du Procureur d'apporter une preuve fiable

 26   du nombre de morts, femmes tuées serbes ou musulmanes, enfants serbes ou

 27   musulmans, et quels ont été les lieux où ces victimes ont péri. Mais ce

 28   sont dans les villages serbes qu'on a tué des Musulmans, c'est au moment où

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  1   les Musulmans attaquaient des villages serbes que les deux populations ont

  2   péri. Et on verra sans aucun doute possible qui s'est livré à quels actes

  3   pendant cette guerre.

  4   Avant de parler plus précisément de Srebrenica, je voudrais parler

  5   des directives 4 et 7. Je ne voudrais pas du tout rentrer maintenant dans

  6   la question de ma signature sur ces deux directives, mais quelle est la

  7   substance de la phrase prononcée par le général Mladic lorsqu'il dit qu'ils

  8   doivent quitter la zone avec la population. Mais de quoi s'agit-il ?

  9   La population veut partir. Donc le 3 novembre, à Kotor Varos, les

 10   Musulmans se soulèvent et ils demandent qu'on laisse repartir leur

 11   population. Moi, je l'approuve, et Mladic, qui ne sait pas ce que j'ai

 12   décidé, dit : Non, non, ils ne peuvent pas laisser partir les civils pour

 13   qu'eux restent à combattre en profondeur de notre territoire.

 14   Deux semaines plus tard, Mladic émet la directive numéro 4 qui

 15   concerne la Bosnie orientale et dit la même chose, à savoir qu'ils doivent

 16   partir avec les civils ou alors ils peuvent abandonner leurs armes et

 17   rester vivre en qualité de civils sur place.

 18   On a un problème avec le compte rendu d'audience ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il va falloir voir ce qui se passe.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je vais préciser les choses. La

 21   directive numéro 4. Dans cette directive, il y a une phrase qui est reprise

 22   dans les directives ultérieures, et notamment dans la directive numéro 7,

 23   et cette phrase que le procureur m'impute à moi et qu'il impute à Mladic se

 24   lit comme suit : Nous aurions ordonné à l'armée et aux civils de

 25   disparaître de certains secteurs. Or, les choses ne se sont pas passées

 26   ainsi. Mladic a dit que les combattants devaient partir avec les civils. Il

 27   n'a pas dit que les civils devaient partir avec les combattants. Ici même

 28   nous allons apporter la preuve du fait que les civils ont demandé et ont

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  1   reçu l'autorisation de partir. Et Mladic à ce moment-là a dit : Vous devez

  2   partir avec les civils. Dans cette directive, Mladic ne dit pas que l'armée

  3   doit partir et emmener avec elle les civils, mais le contraire. Puisque les

  4   civils partent, l'armée n'a qu'à partir avec eux.

  5   Donc deux semaines avant la directive numéro 4, nous avons vécu cet

  6   incident de Kotor Varos qui se transforme en modèle pour le comportement

  7   serbe. Si les civils veulent partir ils peuvent partir, mais vous, ne

  8   restez pas ici sans les civils pour nous tirer dans le dos. Partez vous

  9   aussi avec les civils. Le sens même des directives 4 et 7 consiste à

 10   autoriser les civils qui veulent partir à partir en Bosnie orientale avec

 11   Morillon et à Kotor Varos avec les présidences de guerre des municipalités.

 12   Les civils ne cessaient de demander de partir, donc Mladic, il dit : Oui,

 13   les civils peuvent partir, partez donc. Mais l'armée, excusez-nous,

 14   pourquoi est-ce que les soldats resteraient sur place, alors qu'ils

 15   pourraient continuer à nous tuer pendant que les civils traversent tout le

 16   pays. Voilà le fondement même de la directive numéro 4 et de la directive

 17   numéro 7 qui est interprété ici par le bureau du Procureur comme étant à la

 18   base de la condamnation et de l'exécution d'un certain nombre de personnes.

 19   Ce n'est pas du tout le cas. La base de tout ce n'était pas la volonté de

 20   l'armée de partir et le fait que les civils devaient l'accompagner, mais le

 21   contraire, à savoir que les civils voulaient partir, et dans cette

 22   directive, il est indiqué que l'armée doit accompagner les civils et ne pas

 23   rester sur place pour nous tirer dans le dos.

 24   Maintenant, je vais passer rapidement sur la période qui précède

 25   1995. Srebrenica et Zepa sont décrétées zones protégées en 1993, après que

 26   moi-même j'ai mis un terme à l'avancée de l'armée serbe. Nous avons subi

 27   des attaques constantes dans la période précédente. Ils n'attaquaient pas

 28   seulement l'armée. Ils tendaient des embuscades et il leur est même arrivé

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  1   de tuer les personnes civiles à bord d'un autobus. Donc il était impossible

  2   de tolérer cela plus longtemps. Les négociations ne menaient à rien. Ils

  3   recevaient leurs ordres de Sarajevo, ils provoquaient l'armée serbe partout

  4   où ils le pouvaient et les combats faisaient rage dans le secteur autour de

  5   Zvornik, Kamenica, dans la direction de Srebrenica, combats qu'ils ont

  6   perdus. Nombre d'entre eux sont allés à Srebrenica.

  7   Il y avait une propagande gigantesque au sujet de Cerska, et la même

  8   chose au sujet de Srebrenica. Des rivières de sang coulaient, et les Serbes

  9   étaient censés égorger les gens.

 10   Le général Morillon a voulu entrer dans Cerska pour voir de ses yeux ce qui

 11   s'y passait, et il a rendu compte qu'il n'y avait aucun combat à Cerska, et

 12   encore moins de massacre. C'est la raison pour laquelle nous avons ordonné

 13   une enquête au sujet de Srebrenica, parce que la même propagande que celle

 14   qui avait eu lieu Cerska a eu lieu deux ans plus tard à Srebrenica.

 15   J'ai donc mis un terme à l'avance de notre armée vers Srebrenica, et

 16   j'ai même ordonné de ne pas enquêter. Srebrenica a été déclarée zone

 17   protégée. Je voulais éviter tout acte de vengeance.

 18   Les zones qui n'étaient pas protégées sont restées au sein de notre

 19   territoire entre Skelani et Milici, et cetera. Mais pendant toute cette

 20   période, le secrétaire général des Nations Unies n'a pas considéré que Zepa

 21   et Srebrenica étaient des zones protégées. Il parlait de fortins, de

 22   centres armés. Or, les Serbes se battaient et étaient tués tous les jours

 23   autour de ces fortins. Au Conseil de sécurité, des rapports étaient

 24   adressés quotidiennement au sujet de ce qui se passait dans cette région.

 25   D'ailleurs, c'est la raison sans doute pour laquelle le Procureur a admis

 26   que l'action qui s'est menée était une action légitime, mais notre action

 27   n'avait pas pour but de nous emparer de Srebrenica.

 28   Dans tous les pourparlers, dans tous les plans de paix, nous avons

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  1   accepté que Srebrenica et Zepa soient même reliées à Gorazde et qu'un

  2   canton soit créé dans ce secteur, donc que Zepa et Srebrenica deviennent

  3   musulmanes. Donc nous n'avions pas une seconde l'idée de nous emparer de

  4   ces deux lieux. Lorsque nos soldats sont revenus dans les frontières des

  5   zones protégées, nous nous sommes rendu compte tout d'un coup qu'ils

  6   avaient quittés Srebrenica. A ce moment-là, j'ai accepté que nos soldats

  7   entrent dans Srebrenica, qu'ils démantèlent les bandes, qu'ils rétablissent

  8   l'ordre et la paix, qu'ils assurent la garde de ces lieux. Il y a des

  9   rapports à ce sujet; Tolimir en particulier évoque ce fait.

 10   Quand nous sommes entrés à Srebrenica, il n'y avait pas de civils et il n'y

 11   avait pas de soldats non plus. Il n'y avait personne. L'armée avait pris la

 12   fuite vers la forêt. Le pouvoir civil avait rendu son pouvoir et les

 13   militaires étaient partis dans les forêts pour se battre à partir des

 14   forets. Quant aux civils, ils n'ont pas été chassés par les Serbes hors de

 15   leurs maisons, mais ils ont été emmenés par les Nations Unies.

 16   J'ai des témoins qui viendront parler, y compris des Musulmans, qui

 17   déclareront qu'ils ont quitté les villages, pas Srebrenica en tant que tel,

 18   mais les villages, et qu'ils ont été emmenés dans le but de faire partir

 19   les hommes vers Tuzla et les civils vers Potocari pour être transférés

 20   ensuite par les Nations Unies vers Kladanj et des territoires sous contrôle

 21   musulman. C'était une surprise incroyable que de nous voir entrer dans

 22   Srebrenica et ce fut une surprise incroyable de voir qu'il n'y avait plus

 23   aucun civil dans les maisons. Et ce fut une surprise incroyable de voir

 24   qu'aucun civil ne voulait rester dans ce lieu.

 25   Le Procureur ici insiste pour dire qu'il s'est agi d'une déportation sous

 26   la contrainte, alors que nous disposons de toutes sortes de preuve qui

 27   montrent que tel n'a pas été le cas et que ceci n'a pas été planifié.

 28   Nous n'avions aucun moyen à notre disposition lorsque nous avons entendu

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  1   dire qu'ils ne voulaient rentrer dans leurs maisons, mais qu'ils voulaient

  2   être transférés vers Kladanj et Tuzla sous contrôle musulman. Nous avons

  3   encore cherché à organiser des camions et des autobus parce que nous

  4   craignions des actes de vengeance. La masse était énorme, cette masse de

  5   population, et si quelqu'un avait jeté une grenade au milieu, ça aurait été

  6   un massacre complet. Donc il n'y a eu aucun tué jusqu'au 17. Il y a eu un

  7   mort qui est mort sous les tirs d'un Musulman qui avait un fusil. Mais

  8   c'est à ce moment-là que l'incident commence.

  9   Le témoin principal de l'Accusation contre moi, s'agissant de Srebrenica,

 10   le défunt Deronjic, qui suscite tous les espoirs de l'Accusation et qui est

 11   cité à comparaître au titre de l'article 92 bis du Règlement, témoigne, en

 12   réalité, en ma faveur. Il déclare qu'à deux reprises, le 13 dans la soirée

 13   et le 14 dans la matinée, un certain colonel, qui était prêt à assassiner

 14   des prisonniers de guerre, a été empêché de le faire. Le 13 au soir et le

 15   14 au matin, il lui a été dit : "Si tu agis ainsi, je vais appeler le

 16   président." C'est ce que lui a dit le soldat le 13 au soir, et l'homme

 17   s'est arrêté.

 18   Je vous en prie, la langue ici pose problème, j'ai parlé de "prisonniers de

 19   guerre". Je n'ai pas parlé de "détenus". Vous verrez plus tard quand on dit

 20   échange de prisonnier. Chez nous, prisonnier de guerre n'est pas un

 21   prisonnier tout court. Le mot "zarobejnik" [phon] signifie "prisonnier de

 22   guerre". Zarobejnik, c'est un détenu qui est là pour des faits de guerre.

 23   Et "zatforejnik" [phon], c'est le mot pour un détenu, pour un prisonnier

 24   normal. Donc j'ai parlé de prisonniers de guerre. Ça aussi c'est un

 25   problème de terminologie qui est important. On n'a pas besoin de dire

 26   "Ratni zarobejnik" pour dire prisonnier de guerre. "Zarobejnik" à lui seul

 27   indique qu'il s'agit d'un prisonnier qui est emprisonné pour des raisons de

 28   guerre, alors que le "zatforejnik" est emprisonné pour d'autres raisons.

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  1   Merci à celui qui a effectué le contrôle du compte rendu d'audience.

  2   Donc le 14 dans la matinée, comme le dit dans sa déposition M. Deronjic, je

  3   ne sais pas si ce qu'il raconte au sujet du colonel s'est effectivement

  4   passé comme cela, mais en tout cas il dit lui-même : "Je l'ai rencontré sur

  5   le pont jaune. Il m'a demandé de me servir de l'usine de briques, et j'ai

  6   dit que j'étais en route vers Pale pour voir le président." Et en fait, il

  7   est venu me voir le 14, et cet homme a cessé ce qu'il faisait.

  8   Donc à deux reprises, il arrête l'homme qui est prêt à agir contre les

  9   prisonniers de guerre en employant le nom de Radovan Karadzic. Si Radovan

 10   Karadzic avait ordonné quelque chose d'illégal, le colonel aurait dit :

 11   "Ecoute, toi, petit soldat, boucle-la. Qu'est-ce que tu peux avoir comme

 12   instruction venant de lui ?" Il aurait dit : "Après tout, j'en ai rien à

 13   faire de ton chef. Moi, j'ai mon propre chef."

 14   Voilà donc ce que dit le témoin le plus important de l'Accusation, et ce

 15   qu'il dit n'est absolument pas favorable à la thèse défendue par

 16   l'Accusation.

 17   Deronjic dit également dans sa déposition que le 14 il m'aurait dit que

 18   certains officiers avaient l'intention de tuer des prisonniers de guerre et

 19   que je lui aurais répondu tous ces officiers sont fous. Il dit dans sa

 20   déposition que lorsque Deronjic m'a quitté, il a pris place dans sa voiture

 21   et il aurait dit : "Je ne peux pas croire que le président ne sait rien de

 22   tout cela."

 23   Voilà quelle est la thèse de l'Accusation. Moi, je ne me souviens pas qu'il

 24   m'ait dit cela. S'il m'a dit cela, il est possible qu'il ait fait une

 25   allusion que je n'ai pas bien comprise, mais que j'aurais répondu que tous

 26   ces officiers étaient fous, peut-être, parce qu'il y avait pas mal de

 27   tension à l'époque entre le pouvoir civil et les officiers. Nous nous

 28   reprochions toutes sortes de choses les uns aux autres. Mais quand un

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  1   psychiatre dit que quelqu'un est fou, ça l'air d'être un diagnostic, et là

  2   en tout cas, ce n'était pas un diagnostic. C'était un mot lancé en l'air.

  3   Donc l'Accusation ne peut pas utiliser Deronjic contre moi. Or, elle n'a

  4   rien d'autre.

  5   Le gouvernement néerlandais déclare que le rôle joué par Karadzic n'est pas

  6   tout à fait clair. Or, selon la règle du in dubio pro reo, si ce n'est pas

  7   clair, il ne peut y avoir de résultat.

  8   Aucune enquête n'a été menée au sujet de Srebrenica. Je ne vois pas ce que

  9   je pourrais dire au sujet de Srebrenica, car aucune enquête n'a été menée.

 10   Ce qui s'est fait à Srebrenica, c'est un oratoire. Nous sommes encore une

 11   fois en présence d'un mythe. Et sur la stèle qui se trouve là-bas, il est

 12   écrit "Plus de 8 000 Musulmans", or ils n'étaient pas capables d'en

 13   enterrer plus de

 14   2 500. Je ne sais pas d'où vient ce chiffre de 8 000, mais essayez de voir

 15   d'où viennent les Musulmans qui sont censés avoir été enterrés à

 16   Srebrenica. Les noms figures sur la stèle : donc Bratunac, Bijeljina, Han

 17   Pijesak, Rogatica, Foca, Sarajevo, Sokolac, Srebrenica, Srebrenik,

 18   Ugljevik, Visegrad, Vlasenica et Zvornik.

 19   Alors, ils disent que les Serbes ont tué des jeunes gens et des garçons,

 20   des hommes aussi, musulmans, au nombre de 8 320. Plus de quatre ans de

 21   guerre, des morts pendant ces quatre ans de guerre, des morts dans tous les

 22   efforts déployés autour de Srebrenica lorsque des tentatives de percée ont

 23   été effectuées en passant par le territoire serbe. En dépit de tout cela,

 24   ils ne pouvaient pas enterrer plus de 2 000 à 3 000 personnes.

 25   Et les éléments de l'enquête devraient être mis à disposition, car ils

 26   prouverons exactement cela. Voyons ce que dit l'ADN.

 27   J'en suis au stade d'établir la vérité au sujet de Srebrenica. Voyons s'il

 28   y a quelque chose d'illégal, s'il y a eu des tueries illégales, comment les

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  1   choses se sont passées exactement, quelle a été l'importance, l'ampleur des

  2   événements, s'il y en a eu. Mais nous avons le rapport tout de même de la

  3   municipalité musulmane elle-même qui stipule que 37 000 hommes se trouvent

  4   là. Nous avons les déclarations des convois d'aide humanitaire qui ne

  5   pouvaient alimenter qu'un nombre X de soldats. Donc si on fait les

  6   additions des morts naturelles, des morts au combat et de ceux qui ont

  7   réussi à quitter Kladanj et Tuzla, nous identifions toutes ces personnes,

  8   nous déterminons les causes des morts, nous voyons qu'aucune exécution ne

  9   s'est faite par obus. Donc certaines enquêtes ont été faites, il faut

 10   qu'elles soient faites pour que l'avenir, pas pour le bien de Karadzic,

 11   mais pour le bien de l'histoire à venir des populations qui résident dans

 12   cet endroit. Il faut établir qui a tué qui, dans quelles conditions, où et

 13   comment. Mais des procès menés à la va-vite et qui partent du principe que

 14   les Serbes auraient tué tel et tel nombre de Musulmans, j'espère que ce

 15   Tribunal ne sera pas favorable à ce genre de solution. Il faut établir en

 16   bonne et due forme une fois pour toute ce qui s'est exactement passé à

 17   Srebrenica.

 18   Je dois dire que je ne peux pas accuser les Chambres de première instance

 19   de ce Tribunal de n'avoir pas établi cela, parce que dans notre système, ce

 20   sont les juges d'instruction qui sont responsables de l'enquête. Or, les

 21   équipes de Défense n'étaient pas capables de mener une enquête aussi

 22   importante. Il n'y a pas eu d'enquête, et tout simplement, il n'y a donc

 23   aucun moyen de dire exactement ce qui s'est passé en l'absence d'une

 24   enquête en bonne et due forme.

 25   Une fois que les enquêtes seront faites au sujet de Srebrenica, je

 26   demanderais à avoir tous rapports existants, j'ai reçu le consentement de

 27   la Chambre de première instance pour que me soient communiqués tous les

 28   documents disponibles, toutes les informations, et nous pourrons disposer

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  1   d'échantillons d'ADN et voir s'il y a des différences importantes entre ce

  2   qu'il dit aujourd'hui et ce qui le sera à ce moment-là. Si tel est le cas,

  3   tout devrait être examiné à la loupe.

  4   Vous voyez, nous savons que des tombes ont déjà été exhumées en Bosnie-

  5   Herzégovine, un peu partout sur le territoire, ce qui montre qu'il peut y

  6   avoir des corps qui auraient été enterrés en juillet à Srebrenica. Bien

  7   entendu, la mort ne serait-ce que d'une personne a son importance, mais les

  8   chiffres avancés jusqu'à présent sont largement exagérés.

  9   Il me reste 15 minutes, n'est-ce pas ?

 10   J'aimerais dire finalement quelques mots au sujet de l'entreprise

 11   criminelle commune, et plus précisément de la prise d'otage.

 12   Ma forme de défense fondamentale consistera à dire qu'un soldat ne peut pas

 13   devenir un otage. Un otage ne peut être qu'un civil qui n'a participé en

 14   aucune manière à un quelconque combat.

 15   Les personnes qui ont été prises en otage, et j'utilise ce mot, n'étaient

 16   pas des civils, et ils étaient mêlés au combat.

 17   Je dirais d'emblée qu'il me sera facile de démontrer que je n'ai pas le

 18   moindre rapport avec cela. Le témoin de l'Accusation a déclaré que Karadzic

 19   avait appris par les médias, et le monde entier avait appris par les

 20   médias, que les gens étaient paniqués par les bombardements illégaux de

 21   l'OTAN, bombardements illégaux, car il ne s'agissait pas d'un appui aérien

 22   rapproché, qui eut été légitime si une unité des Nations Unies avait été

 23   menacée. Ici, il s'est agi d'un bombardement opérationnel et même

 24   stratégique contre les Serbes de façon à réduire la capacité des Serbes à

 25   se défendre.

 26   Les gens totalement paniqués, les civils, se sont saisis de ces personnes

 27   et les ont retenues à côté d'un pont de façon à éviter que le pont soit

 28   bombardé, car sinon, si le pont était bombardé, ils n'auraient pas pu être

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  1   évacués en raison de la présence du SDA.

  2   Je sais très bien que le général, dans sa première interview, a dit :

  3   Karadzic a appris les choses par les médias. Il a ordonné que les otages

  4   soient immédiatement libérés. Mais il n'y avait plus rien à faire, car les

  5   gens étaient paniqués, et tous ceux qui se sentaient menacés ont fait les

  6   otages.

  7   Pourquoi ces personnes ne sont-elles pas des otages, mais des combattants ?

  8   Nous allons montrer ici que tous les généraux des Nations Unies ont prié

  9   leurs chefs civils de ne pas les mêler au conflit, car, disaient-ils, "cela

 10   nous mettra en danger, nous serons considérés comme étant du côté d'une

 11   partie belligérante." Tous les commandants, tous ces généraux étaient

 12   conscients du fait que si les bombardements visaient les Serbes à

 13   l'initiative des troupes de l'OTAN, les représentants sur place seraient en

 14   danger et seraient mêlés au combat. Et d'ailleurs, ce ne sont pas

 15   uniquement leurs commandants qui seraient mêlés au combat.

 16   Le général Rose nous a permis d'avoir une transcription complète de

 17   ce qu'il a dit à la radio dans laquelle il déclare qu'un jeune homme entend

 18   un avion s'approcher. Il décrit ce qui se passe, il dit : "Je vois l'avion,

 19   je vois l'avion qui tombe," et cetera.

 20   Donc laissons de côté les doutes qui sont les nôtres quant au fait

 21   que ces unités de la FORPRONU faisaient du trafic illégal, puisque à un

 22   certain moment la FORPRONU était surnommée le taxi de l'armée musulmane. La

 23   FORPRONU traversait nos lignes sans s'être annoncée à l'avance, et cetera,

 24   pour trafiquer des armes, des munitions, mais ce n'est pas pour autant que

 25   quiconque les aurait pris en otage. On les a pris en otage quand la

 26   situation est arrivée au point où la population a été bombardée, non pas en

 27   raison d'un appui aérien rapproché, mais en raison de la défense d'un

 28   objectif stragétique.

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  1   Tous les observateurs militaires, nous en avons entendu ici en

  2   qualité de témoins, ont dit que ces hommes étaient des combattants, que

  3   c'étaient des experts, qu'ils étaient totalement mêlés aux événements. Un

  4   homme de ce genre vaut plus qu'une compagnie, parce qu'il a l'expertise

  5   qu'il a. Bien sûr, la première chose que je regrette, c'est qu'ils nous

  6   aient bombardés et provoqué des victimes parmi nous. Et je regrette aussi

  7   que nous ayons répliqué cette façon, mais cet acte ne constitue pas une

  8   prise d'otage. Il s'agissait de personnes qui étaient mêlées au combat

  9   contre nous. Ils ont appelé les avions pour que ces avions nous bombardent.

 10   Ils étaient les représentants sur place de cette attaque aérienne. Et de

 11   telles personnes ne peuvent pas être considérées comme des otages.

 12   Vous verrez donc pendant la présentation des moyens de preuve combien

 13   de soldats étrangers ont été tués par la partie musulmane. Vous verrez que

 14   c'est la partie musulmane qui a tué des soldats de l'armée de l'air

 15   italienne. Après quoi, il y a eu interdiction de survol de la zone.

 16   Vous verrez combien de fois les Musulmans ont pilonné les

 17   convois qui étaient escortés par la FORPRONU à partir du mont Igman. Et

 18   tout ceci sur la base des éléments de preuve qui sont en la possession du

 19   bureau du Procureur et qui sont présentés contre moi. Vous verrez qu'il y a

 20   eu trafic d'armes, qu'il y a eu aide humanitaire énorme qui a été donnée à

 21   ces soldats étrangers. Les Musulmans les ont pilonnés, ont tiré sur eux à

 22   la carabine, aux fusils à lunette, de façon à ce que la faute tombe sur les

 23   Serbes. Et vous ne trouverez qu'un seul cas d'acte de ce genre commis par

 24   un Serbe.

 25   Un lieutenant-colonel qui a fait une crise de nerfs et qui s'est tout d'un

 26   coup mis à tirer tout autour de lui.

 27   Je l'ai convoqué, j'ai convoqué le général Wahlgren, je me suis

 28   excusé, et j'ai remplacé à son poste cet homme dont les nerfs avaient lâché

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  1   précisément parce que la FORPRONU agissait comme elle le faisait, c'est-à-

  2   dire qu'elle traversait nos lignes et faisait toutes sortes de choses

  3   qu'elle n'aurait pas dû faire. Mais le plus important, c'est ce qu'ont dit

  4   les commandants de la FORPRONU : Ne nous mêlez pas à la guerre. Parce que

  5   si vous bombardez les Serbes en dehors de tout appui rapproché aérien, vous

  6   nous mêlerez au combat et nous serons considérés comme étant une partie

  7   belligérante. A partir du moment où les bombardements ont commencé, ils

  8   sont devenus une partie belligérante.

  9   Je ne crois pas avoir grand-chose à ajouter. Mais ce qui est le plus

 10   important, c'est que des soldats qui ont pris partie pour un camp

 11   participant à une guerre ne peuvent pas être considérés comme otages, même

 12   s'ils n'utilisent qu'une arme au laser. A partir de ce moment-là, ces

 13   hommes deviennent des combattants. Ils sont du côté d'un des camps

 14   participant au combat, et le minimum que l'on puisse faire, c'est de les

 15   faire prisonniers de guerre. Bien entendu, il est regrettable que la chose

 16   qui s'est passée se soit passée, mais c'est un peuple au comble du malheur

 17   qui a réagi dans la panique. Je me rappelle les images qui ont été

 18   diffusées un peu partout dans le monde. Et à partir du moment où je l'ai

 19   appris et ai réagi, il n'y avait plus moyen de les remettre en liberté

 20   parce que les bombardements duraient toujours. Or, la population s'est

 21   rendu compte tout d'un coup que ce geste pouvait assurer leur salut.

 22   Excellences, je n'ai pas peur de ce procès. C'est avec un grand

 23   enthousiasme que je me prépare. Malheureusement, je risque de mettre en

 24   danger ma santé, car je passe toute la nuit à travailler, faute de temps.

 25   Et je manque de temps pas seulement parce que mes collaborateurs n'ont pas

 26   été payés pendant combien de temps, trois mois et demi, quatre mois, donc

 27   je n'ai pas pu bénéficier de leur aide, mais aussi parce que l'Accusation

 28   amasse, en dehors de tout esprit sélectif, un nombre incommensurable

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  1   d'éléments de preuve et de documents. Et en dépit de cela, il me semble que

  2   le bureau du Procureur n'a pas de preuve. Donc à l'instar des Marxistes de

  3   chez nous, ils estiment que peut-être la quantité vaut qualité ou que si on

  4   tire sur tous les oiseaux qui volent, on pourra peut-être atteindre le seul

  5   qu'on veut tuer.

  6   Si le Conseil de sécurité ne rend pas une résolution consistant à prendre

  7   en compte l'accord que j'ai conclu avec Holbrooke au sujet de mon immunité,

  8   je suis toujours en train de réfléchir à la question. Je ne sais pas tout

  9   ce qu'il est possible de faire, mais j'y réfléchis. Je pense que ce serait

 10   une bonne chose si la Chambre de première instance restituait au bureau du

 11   Procureur son acte d'accusation en lui demandant d'effacer de l'acte

 12   d'accusation tout ce qui est faux témoignage. Au moins, l'acte d'accusation

 13   pourrait être modifié, son ampleur pourrait être réduite, car il est

 14   impossible d'avancer à titre d'éléments de preuve uniquement de prétendues

 15   intentions de Karadzic. Ce sont d'ailleurs des mots qui ont été utilisés

 16   par des personnes responsables. Je suis un homme politique. Je pense que

 17   l'on ne peut juger que sur la base d'actes et pas d'intentions.

 18   Alors, si le bureau du Procureur refuse de retirer son acte

 19   d'accusation, il peut au moins le réduire pour en isoler les actes qui

 20   peuvent effectivement m'être imputés, et ce serait pour moi une bonne chose

 21   du point de vue du temps que cela me permettrait de gagner, car cela me

 22   permettrait de me préparer à un procès qui pourrait être pris en exemple à

 23   l'avenir. Un procès exemplaire, ce serait bon pour la Défense, mais aussi

 24   pour l'Accusation, qui permettrait de réhabiliter le droit international,

 25   les procédures en cours et le Tribunal pénal international.

 26   Dans un cas de ce genre, je pourrais m'engager jusqu'à la fin mai ou à la

 27   mi-juin, ou même peut-être à la mi-mai, je pourrais m'engager à remettre la

 28   liste des faits qui font l'objet d'un accord de ma part, qui concernent des

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  1   milliers d'actes différents, actes contre lesquels le bureau du Procureur

  2   ne peut rien. Parce que, par exemple, on dit : Les Serbes ont fait ceci et

  3   cela à tel endroit. Or, dans cet endroit vivaient les Serbes. Et puis, on

  4   dit : Les Serbes avaient le contrôle de Hadzici. Or, les Serbes n'avaient

  5   le contrôle que de tout petits hameaux en très petit nombre dans la

  6   municipalité de Hadzici. Ce sont des faits qui devraient être incontestés

  7   et qui pourraient faire l'objet d'un accord entre l'Accusation et la

  8   Défense. Je pourrais, disons, avant le 15 mai ou la fin du mois de mai,

  9   remettre la liste de tous ces faits qui libéreraient la procédure

 10   principale de l'obligation d'examiner de très, très nombreux détails sans

 11   importance. De cette façon, le procès pourrait se réduire à un an, car il

 12   ne resterait qu'un nombre très limité de faits à prendre en compte, des

 13   faits sur lesquels nous pourrions nous concentrer tous ensemble dans ce

 14   prétoire.

 15   Excellences, voilà ce que j'avais à dire. Je pense que ce qui serait

 16   préférable, ce serait de prendre en compte l'accord conclu avec Holbrooke,

 17   parce que cet accord a eu lieu, mais quelqu'un n'a pas respecté sa parole.

 18   Moi, j'ai respecté la mienne.

 19   Et si cet accord n'est pas pris en compte, il serait bon que la

 20   Chambre demande au Procureur de retirer, voire de modifier, l'ampleur de

 21   l'acte d'accusation. Mais je pense qu'il faudrait ensuite réviser un

 22   certain nombre de procès qui ont donné lieu à condamnation de personnes

 23   innocentes, et je montrerai que ces personnes étaient innocentes. Je le

 24   ferai en me fondant sur des faits. Maintenant, si le procès a lieu, je m'y

 25   engagerai. Et si l'on veut que ce procès soit rapide, exemplaire, honorable

 26   pour la justice internationale et les tribunaux internationaux, si l'on

 27   veut que l'idée des jugements ne soit pas condamnée à tout jamais, je

 28   contribuerai comme je l'ai fait jusqu'à présent à ce que cet objectif soit

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  1   atteint par des moyens constructifs. Et ces moyens constructifs, c'est que

  2   je fournirais la liste de tous les faits, très nombreux, qui peuvent donner

  3   lieu à un accord entre les deux parties et qui permettraient donc d'évacuer

  4   de cette masse gigantesque de documents toutes sortes de documents qui

  5   pourrissent le dossier et qui n'ont aucune utilité ou en tout cas une

  6   utilité très réduite pour nous permettre de nous pencher sur les éléments

  7   les plus importants de l'affaire.

  8   Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 10   Voici maintenant une ordonnance qui sera rendue oralement par la Chambre.

 11   Suite à la décision de la Chambre de première instance concernant la

 12   décision concernant la motion de l'accusé pour l'ajournement du procès, qui

 13   a été émise le 26 février 2010, l'accusé, hier, a fait une demande de

 14   certification en appel ainsi que de suspension d'instance. L'Accusation a

 15   répondu à cette demande hier en déclarant qu'ils n'avaient pas l'intention

 16   de s'opposer à l'octroi d'une certification d'appel de la part de la

 17   Chambre de première instance, par contre qu'elle s'opposerait à la

 18   suspension d'audience jusqu'à ce que la Chambre d'appel rende sa décision

 19   en la matière.

 20   Conformément à l'article 73(B) du Règlement de procédure et de preuve, une

 21   Chambre de première instance peut octroyer une certification d'appel si sa

 22   décision "touche une question susceptible de compromettre sensiblement

 23   l'équité et la rapidité du procès ou son issue et que son règlement

 24   immédiat par la Chambre d'appel pourrait concrètement faire progresser la

 25   procédure."

 26   Après avoir considéré les soumissions des parties, cette Chambre de

 27   première instance pense que la question de l'état de préparation de

 28   l'accusé pour participer activement à son procès, à ce stade dans les

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  1   poursuites, qui est déterminé dans la décision de cette Chambre de première

  2   instance sur l'ajournement, porte directement sur l'équité du procès. Et

  3   par conséquent, le premier critère du test de certification en vertu de

  4   l'article 73(B) est rempli dans les circonstances actuelles.

  5   Etant donné qu'une résolution de cette question à tout stade ultérieur

  6   pourrait nécessiter, dans les circonstances précises de cette affaire, un

  7   nouveau procès dans le cas où la décision de la Chambre de première

  8   instance aurait été ensuite considérée comme incorrecte, la Chambre de

  9   première instance est satisfaite du fait que le deuxième critère est

 10   rempli.

 11   Compte tenu du fait que les deux critères du test de certification sont

 12   remplis, la Chambre de première instance pense que c'est dans l'intérêt de

 13   la justice que la Chambre d'appel se connaisse de cette question et, par

 14   conséquent, certifie cet appel par la présente décision.

 15   La Chambre de première instance garde, bien sûr, à l'esprit qu'une

 16   suspension d'instance aurait des conséquences négatives sur les témoins qui

 17   sont déjà venus à La Haye pour comparaître cette semaine et la semaine

 18   prochaine. Cependant, si ces poursuites continuaient demain avec la

 19   comparution des témoins et qu'ensuite la Chambre d'appel rendait une

 20   décision contraire à celle de la Chambre de première instance, les témoins

 21   devraient revenir à La Haye pour une troisième fois et devraient

 22   recomparaître, comme tous les autres témoins qui seraient venus pour

 23   déposer entre la décision actuelle et la décision de la Chambre d'appel.

 24   Après avoir considéré cette question avec beaucoup de soin, la Chambre de

 25   première instance pense que c'est dans les intérêts de la justice que de

 26   surseoir à l'effet de la décision sur l'ajournement jusqu'à ce que la

 27   Chambre d'appel se connaisse de cette question.

 28   La Chambre de première instance regrette les inconvénients causés aux

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  1   témoins qui se sont déjà rendus à La Haye ou qui sont en passe de se rendre

  2   à La Haye, et est convaincue que cette Chambre d'appel va résoudre cette

  3   question rapidement de façon à ce que nous puissions faire comparaître les

  4   témoins aussi rapidement que possible. Cela signifie, en clair, que c'est

  5   dans l'intérêt de tous que les deux parties utilisent tout le temps

  6   disponible avant la décision de la Chambre d'appel pour continuer à

  7   préparer activement ce procès. Par conséquent, étant donné que les

  8   déclarations liminaires de M. Karadzic sont terminées, cette instance sera

  9   ajournée jusqu'à la décision de la Chambre d'appel.

 10   La séance est maintenant levée.

 11   --- L'audience est levée à 13 heures 35 sine die.

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