Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 996

  1   Le mardi 13 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 29.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour.

  6   Je veux demander à M. le Greffier de citer l'affaire inscrite au

  7   rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Affaire IT-

  9   95-5/18-T, le Procureur contre Radovan Karadzic.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   Je veux demander aux parties de se présenter.

 12   Commencez par l'Accusation.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Alan

 14   Tieger et Iain Reid au nom de l'Accusation.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 16   Monsieur Karadzic, veuillez présenter les membres de votre équipe.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Vos Excellences. A mes côtés il y a

 18   mon conseiller juridique, M. Marko Sladojevic. J'espère que M. Robinson

 19   ultérieurement viendra se joindre à l'équipe. Nous nous attendions à

 20   l'obtention d'un peu plus de temps. Il a d'autres obligations, mais il est

 21   certainement chargé de toutes les questions juridiques.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 23   Maître Harvey.

 24   M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. J'ai

 25   aujourd'hui l'aide d'Eric Tully, le commis à l'affaire. Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Harvey.

 27   Je constate que nous n'allons pas chaque jour demander aux parties de

 28   se présenter, mais s'il y a quelqu'un de nouveau dans une équipe, l'équipe

Page 997

  1   en question présentera cette personne aux Juges.

  2   Nous allons bientôt entendre le premier témoin à charge, mais auparavant il

  3   y a plusieurs questions à régler. Tout d'abord, je constate que nous sommes

  4   censés siéger trois jours par semaine, et ceci pendant tout le mois

  5   d'avril. Cette semaine nous tiendrons audience le mardi, le mercredi et le

  6   jeudi, c'est exceptionnel, mais la semaine prochaine ce sera mercredi,

  7   jeudi et vendredi, et la semaine d'après, lundi, mardi et mercredi.

  8   Nous aurons chaque jour deux pauses, nous aurons donc trois volets

  9   d'audience, les deux premiers étant de 80 minutes chacun, et le dernier de

 10   75 minutes. Lorsque nous siégerons le matin, nous avons déjà constaté, nous

 11   aurons une première pause de 20 minutes et une deuxième pause de 30

 12   minutes. Lorsque nous siégeons l'après-midi, comme c'est le cas

 13   aujourd'hui, nous aurons deux pauses de 25 minutes chacune. Ainsi, la

 14   première pause se fera à 15 heures 35, la deuxième à 17 heures 20.

 15   Deuxième chose, je rappelle aux parties que nous avons le greffier qui

 16   tient compte du temps utilisé et qui relèvera le temps consacré ou utilisé

 17   par chaque partie, y compris par la Chambre. Chaque mois il sera rédigé un

 18   rapport que pourront consulter et commenter les parties avant que ce

 19   rapport ne soit rendu définitif.

 20   Nous allons maintenant rendre une décision orale concernant le rôle que va

 21   jouer Me Harvey. La Chambre de première instance rappelle la décision

 22   qu'elle a rendue le 5 novembre 2009, peu de temps après l'ouverture du

 23   procès, à la lumière du refus de M. Karadzic qui avait indiqué qu'il

 24   n'assisterait pas à l'audience. La Chambre a constaté que M. Karadzic a, de

 25   façon systématique et essentielle, entravé le déroulement de la justice. Il

 26   a fait cela tant qu'il a estimé qu'il n'était pas prêt, en dépit de la

 27   décision confirmée par la Chambre d'appel qui disait qu'il avait eu

 28   suffisamment de temps pour se préparer. Nous parlons aussi des

Page 998

  1   avertissements donnés par la Chambre de première instance.

  2   En dépit de ces conclusions, la Chambre n'a pas limité le temps que

  3   M. Karadzic avait pour se représenter, pour se défendre lui-même, mais la

  4   Chambre a dit au greffier qu'il devait désigner un conseil qui pourrait

  5   intervenir au cours du procès si la Chambre en venait à considérer qu'il

  6   était dans l'intérêt supérieur de la justice d'assurer la représentation et

  7   la défense de M. Karadzic grâce à un conseil. Le greffier a désigné Me

  8   Harvey qui, avec une équipe, s'est tout de suite mis à l'œuvre pour prendre

  9   connaissance du dossier et pour intervenir, si ceci s'avère nécessaire.

 10   Depuis le 5 novembre, la Chambre de première instance a suivi la

 11   façon dont M. Karadzic a entrepris la préparation de sa défense et du

 12   procès. La Chambre note en particulier que M. Karadzic a présenté son

 13   propos liminaire au début mars, qu'il a continué de déposer des requêtes et

 14   à répondre aux requêtes de l'Accusation, et de façon responsable.

 15   Par conséquent, la Chambre, pour le moment, n'estime pas nécessaire

 16   de désigner Me Harvey en tant que conseil de M. Karadzic pendant le procès.

 17   Il sera conseil d'appoint, présent à l'audience, il pourra, si la Chambre

 18   le demande, répondre sous forme d'argument, et continuera la préparation du

 19   dossier de façon à intervenir à quelque moment que ce soit pour prendre en

 20   main la défense de M. Karadzic. Sous peu, la Chambre va rendre une

 21   ordonnance écrite qui énoncera ces fonctions que je viens de présenter.

 22   Maître Harvey, êtes-vous satisfait de ces instructions et est-ce que vous

 23   voyez maintenant clairement le rôle qui vous revient, du moins pour le

 24   moment ?

 25   M. HARVEY : [interprétation] Oui, pour le moment c'est tout à fait utile.

 26   Merci, Monsieur le Président. Mon équipe comprend mieux ce qui l'attend,

 27   parce que jusqu'au moment nous étions sur des charbons ardents.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

Page 999

  1   Je vais maintenant aborder le reste de la requête de l'Accusation qui

  2   demandait des instructions s'agissant de la recevabilité des arguments et

  3   déclarations de l'accusé déposée le 23 février 2010. Cette requête est

  4   toujours en partie pendante.

  5   Le 1er et le 2 mars, M. Karadzic a présenté son propos liminaire. Il

  6   se défendait seul en application de l'article 84 du Règlement. A l'époque,

  7   j'ai relevé qu'ultérieurement, il aurait l'occasion de prononcer une

  8   déclaration sans être sous serment, en application de l'article 84 bis du

  9   Règlement et de ses dispositions.

 10   Pour que tout soit clair, Monsieur Karadzic, je voudrais vous

 11   rappeler ceci : vous avez le droit de garder le silence pendant toute la

 12   durée du procès. Vous n'êtes pas obligé de déposer, vous n'êtes pas obligé

 13   d'interroger des témoins, ni de présenter d'arguments juridiques.

 14   Cependant, il vous est loisible de présenter une déclaration en application

 15   de l'article 84 bis, ou, le moment venu, de présenter vos moyens, et à ce

 16   moment-là, vous feriez l'objet d'un contre-interrogatoire par l'Accusation.

 17   J'aimerais maintenant vous demander si vous avez l'intention d'invoquer

 18   l'article 84 bis pour faire cette déclaration avant d'entendre le premier

 19   témoin.

 20   [Le conseil de la Défense se concerte]

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] En ce moment-ci, je n'ai pas l'intention ni de

 22   faire ce type de déclaration ni de témoigner en ma défense. Mis à part ce

 23   fait, la défense, c'est encore loin d'où on en est. Je vais d'abord me

 24   pencher sur les éléments à charge de l'Accusation. En tout état de cause,

 25   je suis d'avis à présent que je ne ferai pas ce type de déclaration.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karadzic.

 27   Ceci étant, la Chambre estime qu'elle a réglé les questions évoquées

 28   dans la requête déposée par l'Accusation qui demandait des instructions

Page 1000

  1   quant à la recevabilité des requêtes et déclarations de l'accusé en date du

  2   23 février, du moins pour le moment, ce qui veut dire que cette requête n'a

  3   plus lieu d'être, n'est plus pendante.

  4   J'ai maintenant à l'ordre du jour la question de la procédure à

  5   suivre s'agissant de la procédure visée par l'article 92 ter. Je rappelle

  6   aux parties quelle est cette procédure lorsque viennent à la barre des

  7   témoins en l'application de l'article 92 ter du Règlement, ce qu'avait dit

  8   l'ordonnance des Juges de la Chambre sur la procédure à suivre. Un bref

  9   résumé doit être lu, qui va reprendre la déposition de témoins pour ce que

 10   ceci soit acté au dossier de l'instance avant que des questions ne soient

 11   posées aux témoins. Après avoir analysé les notifications fournies jusqu'à

 12   présent par l'Accusation en application de l'article 92 ter, la Chambre

 13   sait que l'Accusation va demander le versement de pièces connexes par le

 14   truchement de ces témoins 92 ter qui sont évoquées dans des déclarations

 15   écrites ou les comptes rendus d'audience des témoins, qui ne vont pas,

 16   cependant, peut-être être mentionnées pendant la procédure orale à

 17   l'audience. L'article 92 ter ne devrait pas, à notre avis, être utilisé

 18   comme moyen pour faire verser au dossier un nombre considérable de

 19   documents qui ne seraient pas soumis aux témoins dans ce prétoire.

 20   Parallèlement, nous reconnaissons que parfois peuvent se présenter des

 21   circonstances qui font qu'il est nécessaire qu'un témoin discute oralement

 22   de documents qu'il mentionne dans un compte rendu d'audience précédent ou

 23   dans une déclaration préalable. Par conséquent, il faudra réagir au cas par

 24   cas en fonction des circonstances. Mais la Chambre attend de l'Accusation

 25   qu'elle soit claire dans ce prétoire et qu'elle dise quels seront les

 26   documents qu'elle veut verser par un témoin 92 ter, en donnant le numéro de

 27   la liste 65 ter de cette pièce, par exemple, ou encore en faisant référence

 28   aux notifications de l'article 92 ter, ce qui permettra à l'accusé de

Page 1001

  1   présenter éventuellement des objections, après quoi la Chambre pourra

  2   statuer. Et en tant que de besoin, le Greffe sera invité à donner une cote

  3   aux documents ainsi versés.

  4   Parlons maintenant du temps consacré au contre-interrogatoire des

  5   témoins.

  6   Monsieur Karadzic, conformément à l'ordonnance rendue la semaine

  7   dernière par les Juges, vous nous avez donné une estimation du temps dont

  8   vous aurez besoin pour les premiers témoins. S'agissant du premier de ces

  9   témoins, M. Ahmet Zulic, l'Accusation dit qu'elle aura besoin d'une heure

 10   d'interrogatoire principal. Vous, vous demandez quatre heures de contre-

 11   interrogatoire. Pour le second témoin, Sulejman Crncalo, excusez-moi si je

 12   prononce mal, l'Accusation dit avoir besoin de 30 minutes pour son

 13   interrogatoire principal. Vous demandez cinq heures de contre-

 14   interrogatoire. S'agissant du troisième témoin, KDZ-64, l'Accusation dit

 15   avoir besoin d'une heure pour son interrogatoire principal. Quant à vous,

 16   vous demandez quatre heures de contre-interrogatoire. S'agissant du

 17   quatrième témoin, M. l'Ambassadeur Okun, l'Accusation dit qu'elle aura

 18   besoin de trois heures. Vous, vous en demandez 14. Pour les témoins à

 19   venir, vous demandez encore plus de temps pour votre contre-interrogatoire.

 20   La Chambre l'a déjà dit, elle n'imposera aucune limite en matière de

 21   temps, en tout cas pas pour le moment, s'agissant du contre-interrogatoire.

 22   Mais bien sûr, il faut que ce contre-interrogatoire porte sur des questions

 23   pertinentes. Mais la Chambre espère que vous allez agir de manière

 24   responsable et que vous allez être réaliste pour savoir ce qui est

 25   raisonnable et ce qui ne l'est pas. A notre avis, ces estimations que vous

 26   avez données nous posent problème. Vous aurez sans doute besoin d'autant de

 27   temps que l'Accusation n'en a eu pour son interrogatoire principal.

 28   Effectivement, étant donné que beaucoup de ces témoins présenteront des

Page 1002

  1   documents écrits, vous aurez peut-être besoin de deux fois plus de temps

  2   que l'Accusation. Et parfois, il y aura telle ou telle situation

  3   exceptionnelle qui fait que vous aurez éventuellement besoin d'encore plus

  4   de temps. Mais ne pensez pas que vous allez obtenir le temps que vous avez

  5   indiqué à chaque fois.

  6   Je vous rappelle ici que c'est l'Accusation qui a la charge de la

  7   preuve en l'espèce. Vous, vous avez pour rôle de contester ce qu'avance

  8   l'Accusation pour semer un doute raisonnable dans l'esprit des Juges. Si

  9   vous n'agissez pas de façon responsable, la Chambre devra se demander

 10   quelle mesure prendre. Elle pourrait, par exemple, vous imposer des

 11   restrictions en matière de temps lorsque vous allez contre-interroger les

 12   témoins.

 13   J'ai une dernière question d'intendance, elle concerne le premier témoin.

 14   Les notifications visées par l'article 92 ter, concernant le premier

 15   témoin, M. Zulic, M. Tieger, ont été déposées le 24 février. C'était un

 16   document confidentiel en raison des mesures de protection qui étaient alors

 17   en vigueur pour le témoin. La Chambre a levé toutes les mesures de

 18   protection depuis dans sa décision du 26 février. Ceci étant, et à moins

 19   que les parties ne motivent ou ne justifient une raison qui ferait qu'il ne

 20   faudrait pas agir de la sorte, la Chambre va maintenant faire de la

 21   notification concernant M. Zulic déposée le 24 février un document public.

 22   Je ne sais pas si les parties ont d'autres questions d'ordre administratif

 23   à soulever pour le moment. Si ce n'est pas le cas --

 24   oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais certainement me féliciter de pouvoir

 26   terminer avant, ou plutôt, dépenser le moins de temps possible pour le

 27   contre-interrogatoire de tout témoin. Le fait est, cependant, que ce

 28   système juridique est tout à fait nouveau pour nous, et nous ne sommes pas

Page 1003

  1   très habitués à cela. Ce qui m'intéresse, et ce que je vais demander, je

  2   vais demander un conseil de la part des Juges de la Chambre pour ce qui est

  3   des cas de figure où il s'avérerait que le témoin n'est pas crédible. Et si

  4   un témoin ou un témoignage est rejeté à part entière, je n'aurai pas à

  5   insister. Mais si ce n'est pas le cas, il reste dans bon nombre de

  6   déclarations une quantité considérable de dires qui ne prêtent pas à

  7   conséquence mais qui sont inexacts.

  8   Alors, si partant de chacune de ces déclarations je risque d'être

  9   condamné, je demande à soumettre à un contre-interrogatoire le témoin sur

 10   ce sujet. Donc cela dépendra de la mesure du sérieux du témoin interrogé.

 11   Il faudrait que ce soit considéré par les Juges de la Chambre pas comme

 12   étant une chose exacte et vraie. Parce que pour tout le reste, j'ai relevé,

 13   quand je relèverais, par exemple, sur les visages des Juges de la Chambre

 14   un témoignage ou des signes disant qu'il n'est pas crédible, je

 15   n'insisterai plus. Mais il arrive dans d'autres systèmes qu'on le constate

 16   tout de suite. Donc je n'aurai aucun intérêt à le garder plus longtemps

 17   dans le prétoire. Je vais sans doute demander des conseils de la part des

 18   Juges de la Chambre pour savoir s'il convient de continuer ou si le témoin

 19   est disqualifié, donc s'il reste des éléments qui ne sont pas contrecarrés

 20   que je poursuivrai.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est à vous qu'il revient de

 22   contester la crédibilité des témoins, et c'est à la Chambre que revient

 23   l'obligation de déterminer le poids à accorder à ces dires.

 24   Faisons entrer le premier témoin.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

 26   Le premier témoin est un témoin des faits de la municipalité de Sanski

 27   Most. L'Accusation appelle à la barre M. Ahmet Zulic.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Sutherland. [Le

Page 1004

  1   témoin est introduit dans le prétoire]

  2   M. JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zulic, je vais vous demander de

  3   prononcer la déclaration solennelle.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   LE TÉMOIN : AHMET ZULIC [Assermenté]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

  9   vous asseoir.

 10   Vous allez bientôt commencer votre déposition, mais j'aimerais vous dire

 11   ceci : tout d'abord, je vous remercie d'être venu déposer aujourd'hui en ce

 12   procès. La Chambre de première instance comprend que c'est la troisième

 13   fois que vous venez à La Haye. Nous espérons que vous comprenez pourquoi

 14   nous n'avons pas pu vous entendre les fois précédentes. Ce n'est pas facile

 15   de revenir sans cesse à La Haye. Nous le comprenons parfaitement. Vous avez

 16   dû prendre toutes sortes de dispositions pour répondre à la convocation. Je

 17   tenais à vous exprimer notre profonde gratitude d'être venu aujourd'hui

 18   déposer en ce procès.

 19   Vous avez la parole, Madame Sutherland.

 20   Interrogatoire principal par Mme Sutherland :

 21   Q.  [interprétation] Veuillez décliner votre identité, Monsieur le Témoin.

 22   R.  Je m'appelle Zulic Ahmet.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur

 24   le Président, je vais reprendre les conditions posées par l'article 92 ter.

 25   Q.  Le 22 février 2010, vous avez signé une version consolidée de votre

 26   déclaration, n'est-ce pas ?

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le numéro 90111, peut-il être

Page 1005

  1   affiché à l'écran.

  2   Q.  C'est bien votre signature qu'on voit en bas de page, en bas de

  3   la première page, Monsieur Zulic ?

  4   R.  Oui.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la page

  6   37 du document.

  7   Q.  Vous confirmez que c'est une déclaration qui vous a été relue en

  8   bosniaque, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Confirmez-vous que cette version consolidée de votre déclaration

 11   reflète bien ce que vous avez déjà dit et que si on vous demandait ou vous

 12   posait les mêmes questions aujourd'hui sous serment, vous y répondriez de

 13   la même manière ?

 14   R.  Oui.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande que cette version soit versée

 16   au dossier, Monsieur le Président. Il s'agit du numéro de la liste visée

 17   par l'article 65 ter 90111.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle sera la cote, Monsieur le

 19   Greffier ?

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P7817 [comme

 21   interprété].

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] En raison des questions que vous avez

 23   évoquées, nous avons maintenant versé dans le système du prétoire

 24   électronique une version qui porte le numéro 90111A, car il y a certains

 25   passages de cette déclaration qui avaient été abordés dans les procès

 26   Krajisnik ou Milosevic à huis clos partiel, ou ça avait été dit en audience

 27   publique, mais la Chambre en question avait demandé une expurgation desdits

 28   passages.

Page 1006

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de ces précisions.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Avant d'aborder les pièces connexes, je

  3   dois vous demander une autorisation.

  4   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il faudra une cote séparée,

  8   une autre cote pour cette version révisée ou expurgée. Ce sera donc la

  9   pièce 718, n'est-ce pas ?

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Madame Sutherland.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il y a un document mentionné au

 13   paragraphe 137, et ça avait été par inadvertance omis de notre liste 65

 14   ter. Je dois donc vous demander officiellement l'autorisation de modifier

 15   cette liste 65 ter. L'Accusation peut y ajouter le numéro 22038. Il s'agit

 16   ici d'un document qui est, en fait, une liste de noms de 372 personnes

 17   arrêtées et placées en détention. Ça fait 12 pages en B/C/S, une liste

 18   manuscrite, et neuf pages en anglais. Là la page est dactylographiée. On

 19   trouve au numéro 266 de cette liste le nom du témoin, et ce document est

 20   mentionné dans le document qui est devenu la pièce P717.

 21   Et c'est en fin du mois d'octobre 2009 alors que nous faisions une

 22   recherche que nous avons trouvé ce document, qui a aussitôt été ajouté à la

 23   liste des documents qu'il fallait ajouter à la liste qui a été déposée le

 24   14 décembre 2009. Mais il y a eu une erreur administrative, ce qui fait que

 25   ce document a été retiré de la liste, ce document communiqué à l'accusé en

 26   février 2010 dès que l'erreur a été décelée. Je vais demander le versement

 27   de toutes les pièces qui sont mentionnées dans ladite déclaration du témoin

 28   et qui sont reprises dans une liste versée en annexe de la déclaration et

Page 1007

  1   mentionnées dans la notification en vertu de l'article 92 ter déposée par

  2   l'Accusation le 24 février 2010. Je peux vous donner le numéro de ces

  3   pièces si vous le voulez.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. S'agissant

  5   de ladite liste, qui l'a dressée ?

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Cette liste -- excusez-moi. Oui, nous

  7   avons trouvé ceci au poste SJB de Sanski Most. C'est une liste manuscrite

  8   reprenant des noms avec des colonnes, à savoir des données concernant des

  9   personnes placées en détention. On retrouve le nom, la date de naissance et

 10   le numéro d'identité de ces personnes.

 11   C'est un document que nous avons reçu du juge Adil Draganovic, qui est de

 12   Sanski Most.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne savez dès lors pas qui a établi

 14   cette liste ?

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous parlais de la liste des pièces,

 18   qui sont au nombre de 14, en fait, 15 si vous ajoutez celle-ci dont je vous

 19   ai demandé l'addition; 04797, 04798, 04799, 04800, 04801, 04811, 05702,

 20   13164, 19136, 19148, 20277, 20278, 2079 [comme interprété], 22038 et 40043.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous dites de ces pièces qu'elles sont

 22   toutes indispensables et qu'elles font partie intégrale de la déclaration

 23   consolidée ?

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous en demandez maintenant le

 26   versement ?

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections, Monsieur

Page 1008

  1   Karadzic ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Ceci est une surprise pour moi, comme il

  3   peut en survenir des surprises s'agissant de la liste qu'on m'a communiquée

  4   hier. Il y a 700 ou 800 noms qui ont été apportés par le témoin lui-même

  5   lorsqu'il a fait le voyage. La Défense doit véritablement demander du temps

  6   pour pouvoir se prononcer à ce sujet. Il me semble, toujours est-il, que

  7   l'Accusation a eu suffisamment de temps à sa disposition pour proposer des

  8   pièces au versement et de ne pas nous prendre par surprise.

  9   [La Chambre de première instance se concerte] 

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre a lu en diagonale ces

 11   différentes pièces. Elle estime qu'elles sont toutes pertinentes, à

 12   l'exception du point 22038, là où nous avons des doutes quant à la valeur

 13   probante. Mais en ce qui concerne la liste des personnes, de l'avis de la

 14   Chambre, elle n'a aucune valeur probante dans la mesure où nous ne

 15   connaissons pas l'identité de la personne qui a établi cette liste, qui l'a

 16   dressée. A l'exception de cette pièce, toutes les autres pièces sont

 17   versées au dossier.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

 19   KWON : [interprétation] Etant donné le nombre de documents concernés qui

 20   sont devenus des pièces, nous allons demander au Greffe de donner une cote

 21   à chacune de ces pièces, et ceci sera rendu public pour toutes les parties

 22   et la Chambre vu l'impératif de l'oralité et de la publicité des débats.

 23   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent] 

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais maintenant lire un court résumé

 26   de la déposition du témoin.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] M. Zulic est né et a grandi dans le

Page 1009

  1   village de Podrijezje dans la municipalité de Sanski Most, il y a vécu

  2   toute sa vie jusqu'en 1992. Après le début de la guerre en Croatie en 1991,

  3   il a constaté qu'il y avait de plus en plus de propagandes antimusulmanes à

  4   la radio et à la télévision. Des postes de contrôle tenus par l'armée, la

  5   police militaire, et la police régulière ont été érigés sur les routes. Au

  6   départ ces postes de contrôle étaient utilisés pour contrôler l'identité de

  7   tout le monde, quelle que soit la nationalité, mais à partir de 1992 seuls

  8   les non-Serbes ont été contrôlés.

  9   En avril 1992, une présidence de Guerre serbe a été établie dans la

 10   municipalité qui comptait le président de la municipalité, Nedeljko Rasula.

 11   Vers le 18 avril 1992, les polices serbes et musulmanes se sont séparées,

 12   et c'est vers cette date qu'on a exigé des Musulmans et des Croates de

 13   restituer tout uniforme de l'ancienne JNA et des armes qu'ils pouvaient

 14   avoir en leur possession. Le témoin a entendu dire à la radio que les

 15   forces serbes avaient attaqué le poste de police musulman qui se trouvait

 16   dans le sous-sol de la municipalité de Sanski Most.

 17   Le 13 mai 1992, M. Zulic a vu des familles serbes dans des camions

 18   militaires et sur des tracteurs qui partaient pour la montagne. Ce même

 19   jour, les forces serbes dans le village de Podlug, près de la ville de

 20   Sanski Most, a utilisé des mortiers et des canons antiaériens pour tirer

 21   sur le village de Trnovo.

 22   Nedeljko Rasula a plus tard annoncé à la radio que tous les Musulmans

 23   et tous les Croates devaient restituer les armes qu'ils avaient encore. Il

 24   a dit que l'armée serbe allait garantir la paix et la sécurité.

 25   Le témoin a entendu dire que des armes avaient été distribuées par

 26   l'armée à des civils serbes de Bosnie vers mai 1992. Et c'est pendant la

 27   deuxième quinzaine de mai 1992 que la liberté de mouvement des non-Serbes a

 28   encore été plus limitée par des postes de contrôle.

Page 1010

  1   Le 26 mai 1992, de nouvelles annonces ont été faites à la radio

  2   ordonnant à tous les Musulmans de rendre leurs armes. Deux ou trois heures

  3   plus tard, deux mortiers sont tombés sur le village de Pobrijezje. Le

  4   témoin a vu cinq ou six obus d'artillerie atterrir sur le quartier de

  5   Mahala, où habitaient surtout des Musulmans, dans la ville de Sanski Most.

  6   Le lendemain, le 27 mai, des troupes régulières et des réservistes

  7   ont rassemblé la population de Mahala au terrain de football de Krkojevci.

  8   Le 28 mai 1992, l'artillerie serbe a tiré des obus sur Mahala. Des

  9   maisons ont été incendiées, quatre ou cinq à la fois. Le beau-père de M.

 10   Zulic, grabataire, a été brûlé vif dans sa maison à Mahala. Les villages de

 11   Hrustovo et Vrhpolje, qui étaient surtout Musulmans, ont aussi été attaqués

 12   par l'artillerie des forces serbes de Bosnie, et plus de 300 civils ont été

 13   tués.

 14   Le 18 juin 1992, la police serbe a arrêté le témoin chez lui et l'a

 15   placé en détention à Betonirka, trois garages qui se trouvaient dans la

 16   cimenterie de la ville de Sanski Most, à quelque 100 ou 150 mètres du SUP,

 17   qu'on appelle aussi le bâtiment du SJB.

 18   M. Zulic a été détenu à Betonirka jusqu'au 17 juillet 1992. Au cours

 19   de cette période, il s'y trouvait avec 30 autres détenus dans un des petits

 20   garages. Le témoin décrit les interrogatoires, les passages à tabac qu'il a

 21   subis à Betonirka et au bâtiment de la SJB. Il en reparlera aujourd'hui à

 22   l'audience.

 23   Le 22 juin 1992, M. Zulic a été sorti du garage pour être emmené non

 24   loin de Betonirka où quelque 20 hommes ont été forcés de creuser leurs

 25   propres "graves". Seuls trois ont rescapé à cela. Les autres ont été

 26   égorgés ou abattus. Rasula était présent sur les lieux du crime pendant que

 27   ces hommes étaient assassinés. Le témoin a survécu à cet incident, s'étant

 28   rescapé grâce à l'intervention de Rasula.

Page 1011

  1   Le 7 juillet 1992, Zulic et 63 autres détenus ont dû embarquer à bord

  2   d'un camion alors que la chaleur était étouffante ce jour-là. Avant de

  3   monter dans le camion, les détenus ont été passés à tabac violemment,

  4   brutalement. Il y avait une bâche sur le camion. Plusieurs hommes ont perdu

  5   la vie en allant à Manjaca, le voyage ayant duré plusieurs heures. Le

  6   témoin vous en reparlera aujourd'hui.

  7   Lorsqu'ils sont arrivés au camp de Manjaca, le chef du camp a refusé

  8   d'accepter les morts, et les six détenus très déshydratés qui montraient à

  9   peine encore quelques signes de vie. Des détenus ont dû charger ces

 10   personnes sur un camion. Trois détenus qui étaient encore en bon état ont

 11   dû monter dans le camion qui rentrait à Sanski Most.

 12   Il est resté plus de quatre mois à Manjaca dans des conditions où il

 13   était passé à tabac. Il a vu des gens mourir au camp de Manjaca. Il en

 14   reparlera.

 15   Il a été transféré après à Karlovac, en Croatie, en novembre 1992, et

 16   le témoin a été arrêté. Mais à partir du moment où il a été arrêté au mois

 17   de juin jusqu'au moment où il a été libéré en novembre, il a perdu 35

 18   kilos. Il avait 90 kilos lorsqu'il est arrivé, et il n'en pesait plus que

 19   50. Et il a maintenant une incapacité permanente en raison des violences

 20   subies.

 21   Avant que sa femme ne quitte la municipalité de Sanski Most en

 22   décembre 1992, elle a signé une déclaration par laquelle elle renonçait à

 23   tous leurs biens, document qui permettait aux autorités serbes d'en

 24   bénéficier. Elle a aussi dû payer de l'argent à Banja Luka au bureau serbe

 25   chargé de la réinstallation pour pouvoir quitter la région. 

 26   J'aurais besoin maintenant d'une heure.

 27   Q.  J'ai quelques questions qui concernent certains des sujets que vous

 28   évoquez dans votre déclaration préalable.

Page 1012

  1   Tout d'abord, j'aimerais que vous disiez aux Juges où se trouvent

  2   plusieurs endroits.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pour ce faire, je vais vous montrer deux

  4   cartes. Il y a d'abord le numéro 65 ter 19148, une carte de l'ex-

  5   Yougoslavie. Peut-on voir le milieu de la carte pour voir la Bosnie-

  6   Herzégovine.

  7   Q.  Monsieur Zulic, nous voyons ici la Bosnie. Dans quelle région se trouve

  8   Sanski Most ?

  9   R.  Au nord-ouest de la Bosnie. C'est au nord-ouest, entre Prijedor, Bihac

 10   et Banja Luka. Si possible, je veux bien vous le montrer. C'est assez petit

 11   ici.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Peut-on faire un plan rapproché pour voir

 13   le nord-ouest de la Bosnie.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, c'est tout petit les lettres. Voilà,

 15   revenez vers Banja Luka, plus vers la droite. Est-ce que vous voulez que je

 16   vous montre de la main ou --

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Vous pouvez utiliser le stylet.  

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà Sanski Most.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 20   Q.  Vous venez d'indiquer un lieu qui se trouve au sud de Prijedor, à

 21   l'ouest par rapport à Banja Luka; c'est bien cela ?

 22   R.  Oui. Banja Luka, c'est ici. Prijedor, c'est là.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement du document 1914.

 24   C'est un document 65 ter. Il s'agissait du document 19148.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous l'avez déjà versé.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, je n'avais pas remarqué. Je

 27   vais demander que soit affiché désormais le document de la liste 65 ter qui

 28   porte le numéro 19136. Vous avez ici le plan de la ville de Sanski Most.

Page 1013

  1   Peut-on voir la carte de plus près.

  2   Q.  Monsieur Zulic, comment s'appelait votre village ?

  3   R.  Pobrijezje.

  4   Q.  Vous le voyez sur ce plan ?

  5   R.  Je le vois. J'ai déjà bougé le plan.

  6   Q.  Vous indiquez Pobrijezje, qui se trouve dans la partie nord-ouest de la

  7   ville de Sanski Most, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et Pobrijezje se trouve à quelle distance du centre-ville ?

 10   R.  A 2 000 mètres à peu près de Sanski Most.

 11   Q.  Dans votre déclaration, la pièce P719 [comme interprété], à la page 20,

 12   vous relatez un incident survenu à Kriva Cesta. Est-ce que vous pourriez

 13   nous indiquer Kriva Cesta sur cette carte, sur ce plan.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il faudra peut-être prendre un peu

 15   de recul pour voir l'ensemble de la ville.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il faut déplacer la carte dans ce sens-

 17   là, vers le haut. Par ici.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de

 19   prendre du recul pour voir l'ensemble et déplacer un petit peu le plan.

 20   Encore un peu. Encore un peu vers le haut. Je demande au Greffe de nous

 21   faire un plan plus éloigné. C'est bon maintenant.

 22   Q.  Est-ce qu'on voit maintenant où se trouve Kriva Cesta ?

 23   R.  Mais c'est couvert justement par cette photo.

 24   Q.  Quelle photo ?

 25   R.  La photo numéro 3. Ça se trouve là. Là, il y a une route, et c'est

 26   juste derrière.

 27   Q.  Vous indiquez une partie qui se trouve au sud-est par rapport à Sanski

 28   Most et qui se trouve juste au-dessus du lit de la Sana; c'est bien ça ?

Page 1014

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Nous n'aurons plus besoin de ce

  4   plan.

  5   Parlons du moment où les armes devaient être restituées. Ceci est

  6   évoqué aux paragraphes 22 à 30 et au paragraphe 45 de la déclaration du

  7   témoin, je vous le précise, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Q.  Vous avez dit que plusieurs fois on a fait des annonces intimant aux

  9   gens de rendre leurs armes. Mais ça s'est passé comment exactement ?

 10   R.  Ils ont fait savoir par la radio qu'il fallait restituer toutes les

 11   armes, les armes en possession légale et illégale. Donc les chasseurs qui

 12   avaient des fusils de chasse, ceux qui possédaient des pistolets, tout cela

 13   devait être apporté à la communauté locale de Krapina [phon]. Et le dénommé

 14   Dragan Adzic était censé le prendre. Et tout ce qu'il a ramassé, il l'a

 15   emporté, lui.

 16   Q.  Mais quand a-t-on commencé à faire ces annonces ?

 17   R.  Ces annonces ont commencé dès le tout début, lorsque l'autorité serbe a

 18   pris le pouvoir. Vers le 18 avril, il y a eu un début d'annonce, mais après

 19   c'est devenu plus fréquent. Et après le 13 mai, vers le 13 mai, ça c'est

 20   fait régulièrement. On convoquait tout le temps.

 21   Q.  Quelle était la fréquence de ces annonces ?

 22   R.  Bien, c'était toutes les deux ou trois heures, toutes les quatre

 23   heures, selon le temps laissé par les autres rapports présentés pour

 24   publier cette annonce.

 25   Q.  Et qui faisait ces annonces ?

 26   R.  Des fois c'est les journalistes. Dragan Despot, qui est journaliste,

 27   puis après c'était Rasula Nedeljko. Des fois c'était le président de la

 28   cellule de Crise. Suite à ça, les Musulmans faisaient des déclarations.

Page 1015

  1   Ceux qui avaient été arrêtés ont été forcés de prier les citoyens à

  2   restituer leurs armes, notamment ceux qui étaient à la tête du parti, Redjo

  3   Porbegovic [phon], Biscevic. C'était diffusé à plusieurs reprises, mais le

  4   texte venait à être modifié. Quand moi j'ai été emprisonné à Betonirka, il

  5   venait des gens qui apportaient des textes. Les journalistes venaient avec

  6   un micro à la main pour enregistrer et pour publier ensuite. J'ai été

  7   présent lorsqu'ils ont été obligés de le faire. Le texte, lui, venait à

  8   être modifié.

  9   Q.  Monsieur Zulic, nous allons reparler plus tard de Betonirka. Parlons

 10   des attaques faites sur les villages et les lieux-dits dans la municipalité

 11   de Sanski Most. C'est évoqué au paragraphe 23. Il s'agit de Trnovo; 31 à

 12   35, Mahala; et paragraphe 36 s'agissant de Hrustovo et Vrhpolje.

 13   Vous relatez notamment l'attaque lancée sur le quartier de Mahala. Il y

 14   avait combien de foyers musulmans à peu près à Mahala ?

 15   R.  Je ne sais pas vraiment, mais il y avait aussi des maisons serbes à

 16   Mahala. Il devait y avoir quelque 500 maisons au total.

 17   Q.  Et qui était la population majoritaire ?

 18   R.  La population musulmane était majoritaire.

 19   Q.  Dans votre déclaration, vous dites que l'attaque a commencé le 28 mai

 20   1992. Avez-vous été témoin de cette première attaque ?

 21   R.  Oui. De l'endroit où j'étais né et où j'ai vécu, je pouvais voir de là

 22   l'arrivée des obus, leur chute et explosion. On voyait notamment les

 23   maisons qui avaient pris feu.

 24   Q.  Qui est-ce qui a attaqué ce lieu ?

 25   R.  C'est l'armée serbe d'occupation, je parle de la JNA et des unités

 26   paramilitaires serbes très variées : il y avait des Chetniks à Seselj, il y

 27   avait des Aigles Blancs, il y avait d'autres encore. Je ne sais trop vous

 28   donner les noms. Je vais probablement en omettre parce que je n'arrive pas

Page 1016

  1   à me souvenir de tous.

  2   Q.  Est-ce qu'il y a eu une résistance quelconque face à cette attaque ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Savez-vous s'il y a eu des tués durant l'attaque ?

  5   R.  Parmi les Musulmans, oui, mais pas pendant l'attaque. Après l'attaque,

  6   il y a eu des gens qui ont été abattus. Dans une maison, on en a abattu

  7   cinq ou six. Je ne sais pas vous donner le chiffre exact. Je sais qu'on a

  8   abattu trois femmes, la fille d'Ivo Uzar - je ne sais pas son nom - puis,

  9   Nafija Nalic, puis deux frères Vojnikovic tués dans cette maison. Eux, ils

 10   se trouvaient dans la cave. Je le sais parce qu'il est venu la mère de

 11   Vojnikovic, et il y avait des gens qui étaient venus s'abriter dans la

 12   maison. Ils n'ont pas eu le temps d'aller à l'endroit ou à l'espèce de

 13   polygone où on avait convoqué tout le monde à venir.

 14   Q.  Monsieur Zulic, est-ce qu'il y a des gens qui sont restés à Mahala ?

 15   R.  Dans la Mahala il est resté ceux qui ne pouvaient pas se déplacer, ceux

 16   qui n'ont pas entendu qu'il fallait partir, ou tout simplement ceux qui

 17   s'étaient abrités des pilonnages et n'ont pas eu le temps de s'en aller.

 18   Ils sont descendus au sous-sol, et ceux-là ont été abattus lorsque

 19   l'infanterie est arrivée pour procéder, comme ils disent, au nettoyage. Il

 20   y avait parmi eux mon beau-père, malheureusement.

 21   Q.  Dans votre déclaration, vous parlez de quelque 1 200 réfugiés de Mahala

 22   qui sont arrivés dans votre village, c'étaient surtout des femmes, des

 23   enfants, des personnes âgées. Paragraphes 37 et 38 de votre déclaration.

 24   Quelle était l'appartenance ethnique de ces personnes qui sont ainsi

 25   arrivées dans votre village ?

 26   R.  C'étaient tous des Musulmans, il y avait 2 ou 3 % de Croates aussi.

 27   Q.  Qu'était-il advenu des hommes du village de Mahala ?

 28   R.  Ils ont été internés dans la salle de gym, dans la salle de sport à

Page 1017

  1   Sanski Most.

  2   Q.  Comment se fait-il qu'ils se sont retrouvés dans cette salle de sport ?

  3   R.  Comme cela est dit dans ma déclaration, ils ont d'abord emmené les gens

  4   vers le stade, puis ils ont séparé les hommes et les femmes. Ils ont dit

  5   aux femmes d'aller à Probrijezje, et les hommes, ils les ont fait monter à

  6   bord de bus, ou ils les ont fait marcher pour arriver jusqu'à la salle de

  7   sport, et les femmes ont été emmenées à bord d'autocars vers Pobrijezje,

  8   les femmes et les enfants.

  9   Q.  Quand vous dites "ils", vous parlez de qui ?

 10   R.  La JNA et l'armée serbe.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je veux maintenant diffuser une séquence

 12   audio. Il s'agit du numéro 13164 de la liste 65 ter ERN T000-058-1-A. C'est

 13   mentionné au paragraphe 45 de votre déclaration. Peut-on partir du moment

 14   indiqué au compteur comme étant 5:13 jusqu'à 5:35. C'est la première voix

 15   masculine dans la transcription en B/C/S, qui se trouve à la page 3 en

 16   anglais. Est-ce qu'il est possible d'afficher ceci dans le système du

 17   prétoire électronique. C'est la première séquence. Je le dis pour les

 18   interprètes. Cette transcription a été fournie avant l'audience. Il s'agit

 19   du numéro 13064 [comme interprété] dans la liste 65 ter.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agissant des séquences dans la liste

 21   de documents déjà versée, je constate qu'on n'a pas demandé le versement.

 22   On n'a que, si vous voulez, des pièces ou des pages de substitution. Vous

 23   allez, je suppose, en temps utile, demander le versement.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Effectivement. Si j'ai bien compris, la

 25   transcription a déjà été versée au système du prétoire électronique, donc

 26   ça s'y trouve déjà, mais il faudra attendre --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais apparemment on n'a que des pages de

 28   substitution. Mais enfin, je vais essayer de les retrouver.

Page 1018

  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Zulic, je vous demanderais d'écouter le son de cette séquence

  5   audio.

  6   [Diffusion de la cassette audio]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Des citoyens d'appartenance ethnique musulmane, logés à Pobrijezje

  9   et Zdena doivent se regrouper devant la salle de sport."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends très mal.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Désolée. Je crois qu'il va falloir

 13   reprendre la diffusion de cette séquence à son début, au point horaire

 14   5:13. La vidéo.

 15   [Diffusion de la cassette audio]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Des habitants d'appartenance ethnique musulmane, logés à Pobrijezje

 18   et Zdena, doivent se regrouper devant la salle de sport à 10 heures

 19   également. Les personnes d'appartenance ethnique musulmane, temporairement

 20   logées à l'entrée de Stari Majdan, doivent se regrouper à 10 heures

 21   exactement, comme cela est signifié dans l'appel des citoyens musulmans de

 22   Pobrijezje et Zdena."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Zulic, est-ce que vous savez pour quelle raison ces

 26   personnes ont été concernées par cet appel ? Toutes mes excuses. Arrêtons-

 27   nous là. J'aimerais que soit diffusé le passage suivant, le passage qui va

 28   jusqu'au point horaire 5:34.

Page 1019

  1   [Diffusion de la cassette audio]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Il n'y a ni électricité ni eau. Les habitants ont pris la fuite. Les

  4   terroristes serbes continuent de détenir environ 400 hommes en captivité

  5   dans la salle de sport. Un certain nombre de Serbes de Sanski Most ont

  6   toutefois apporté leur aide aux réfugiés dans la mesure de ce qu'ils

  7   pouvaient faire en les logeant à leurs domiciles."

  8   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Zulic, vous parlez d'un certain nombre de réfugiés qui sont

 11   arrivés chez vous et qui sont restés. Savez-vous pour quelle raison toutes

 12   ces personnes ont fait l'objet de cet appel, pourquoi on leur a demandé de

 13   se regrouper ?

 14   R.  Il a été demandé à ces personnes de se regrouper à l'extérieur de chez

 15   eux dans le but de les transporter ailleurs, donc de les expulser de leurs

 16   maisons. Un transport a été organisé à leur attention, qui devait passer

 17   par Jajce pour atteindre Sarajevo -- en fait, je ne sais pas du tout

 18   exactement où ils sont allés. Lorsque les réfugiés sont revenus, ils ont

 19   dit qu'ils avaient été interceptés à Jajce, et qu'on leur avait fait

 20   rebrousser chemin.

 21   Q.  Savez-vous où ils ont terminé leur voyage ?

 22   R.  La fois suivante, c'est la JNA qui est arrivée, et je crois que c'était

 23   le jour de Bajram, la fête du Bajram.

 24   Q.  Monsieur Zulic, je vous demandais si vous savez à quel endroit leur

 25   voyage s'est terminé, le voyage de ces personnes.

 26   R.  Leur voyage s'est terminé à Velika Kladusa. On les a fait partir de

 27   Mahala, ces réfugiés, et ils ont fini par arriver à Velika Kladusa; quant à

 28   ceux qui étaient dans la salle de sport, ils ont fini leur voyage à

Page 1020

  1   Manjaca.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

  3   les Juges, j'ai encore quelques questions à poser, après quoi nous pourrons

  4   faire la pause.

  5   Q.  Monsieur Zulic, dans quelle direction se trouve Velika Kladusa par

  6   rapport à Sanski Most ?

  7   R.  Velika Kladusa est au nord-ouest de Sanski Most.

  8   Q.  Et sur quelle rive de la Una se trouve Velika Kladusa ?

  9   R.  Vous me posez de nouveau une question un peu compliquée. Ce que je

 10   sais, c'est que quand on regarde, l'eau coulait vers l'aval. Cela se trouve

 11   sur la droite.

 12   Q.  Dans ces conditions, Sanski Most est bien sur la rive droite de la

 13   rivière, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zulic, nous allons maintenant

 17   faire une pause de 25 minutes. Pendant cette pause, et d'ailleurs pendant

 18   toutes les pauses ultérieures, voire pendant les suspensions d'audience

 19   éventuelles, il vous est fait interdiction de discuter du contenu de votre

 20   témoignage avec qui que ce soit. Vous avez bien compris ce que je vous ai

 21   dit, Monsieur Zulic ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons nos débats à 16 heures.

 24   --- L'audience est suspendue à 15 heures 36.

 25   --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie,

 27   Madame.

 28   Mme SUTHERLAND : [hors micro]

Page 1021

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre micro, Madame.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Zulic, s'agissant de cette séquence audio dont vous avez

  4   entendu l'enregistrement sonore avant la pause, vous rappelez-vous avoir

  5   entendu cette annonce qui était faite aux réfugiés ?

  6   R.  Oui, je l'ai entendue.

  7   Q.  Avez-vous reconnu la voix de la personne qui prononçait cette

  8   annonce ?

  9   R.  Je crois qu'il s'agit de la voix de Dragan Despot, un

 10   journaliste.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous demanderais maintenant

 12   d'écouter la bande-son d'une autre courte séquence audio. Il s'agit de la

 13   même pièce que tout à l'heure, la pièce 65 ter, numéro 13164. Le curseur

 14   horaire de la séquence, de la partie qui m'intéresse, va de 10:41 à 11:02.

 15   Il s'agit du début de la transcription de ce document. Cela se trouve en

 16   page 9 de la version B/C/S. C'est la voix de femme qui est reprise en page

 17   5 de la transcription. Pour les interprètes, j'indique qu'il s'agit de la

 18   séquence indiquée comme numéro 3 sur le document 65 ter, numéro 13164.

 19   [Diffusion de la cassette audio]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Nous en appelons aux habitants de Pobrijezje, pour qu'ils apportent toutes

 22   leurs armes et leur équipement militaire au carrefour au niveau du poste de

 23   contrôle avant 18 heures. Si ce n'est pas fait à exactement 18 heures 10,

 24   nous commencerons à pilonner le village. Si l'ordre n'est pas exécuté, nous

 25   n'assumerons ni sur le plan moral ni sur le plan matériel la responsabilité

 26   des conséquences du pilonnage."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

Page 1022

  1   Q.  Vous rappelez-vous avoir entendu cette annonce qui appelait les

  2   habitants de votre village à rendre leurs armes s'ils en avaient, à défaut

  3   de quoi le village serait pilonné ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Dans quelle condition l'avez-vous entendue ?

  6   R.  A la radio.

  7   Q.  Avez-vous reconnu la voix de la personne qui prononçait cette annonce ?

  8   R.  J'ai entendu une voix d'une femme journaliste. Je la connais, mais je

  9   ne parviens à me rappeler son nom.

 10   Q.  Vous avez dit il y a peu dans votre déposition, vous avez prononcé le

 11   nom d'un homme dont vous avez dit qu'il était là pour recevoir les armes

 12   qu'on lui rendait. Vous rappelez-vous à quel moment cela s'est passé ?

 13   R.  Il est arrivé avant l'attaque de Pobrijezje au mois de mai. Il

 14   s'agissait de Dragan Adzic.

 15   Q.  Est-ce que tous les habitants ont exécuté l'ordre qui était donné ainsi

 16   par annonce ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je vous demanderais maintenant d'écouter une autre séquence audio assez

 19   courte, issue de la même pièce 65 ter, numéro 13164. Il s'agit de la

 20   séquence qui va dans le temps de 14:34 à 15:12. C'est une voix d'homme que

 21   l'on entend, que l'on trouve à la transcription en B/C/S en page 11, et à

 22   la transcription en anglais en page 7. Pour les interprètes, j'indique que

 23   c'est la séquence numéro 4 de cette pièce, dans les documents qui leur ont

 24   été distribués.

 25   [Diffusion de la cassette audio]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Sehovici, Poljak, Sasina, Pobrijezje et Caplje doivent rassembler

 28   toutes les armes obtenues légalement et illégalement auprès des habitants

Page 1023

  1   de ces lieux avant 8 heures demain, et les apporter à 8 heures demain au

  2   poste de sécurité publique de Sanski Most à bord de véhicules motorisés

  3   gardés par cinq hommes. Si cela n'est pas fait, les forces armées serbes

  4   agiront comme elles l'ont fait à Mahala aujourd'hui. Tout déplacement de

  5   nuit est strictement interdit. Tous les habitants sont obligés de rester où

  6   ils se trouvent, parce que la sécurité de personne ne peut être garantie

  7   dans une situation comme celle-ci. Commandement des forces armées serbes."

  8   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 10   Q.  Vous rappelez-vous avoir entendu cette annonce relative aux forces

 11   armées serbes ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Dans quelle condition l'avez-vous entendue ?

 14   R.  A la radio.

 15   Q.  Vous rappelez-vous la voix de la personne qui a prononcé cette annonce

 16   ?

 17   R.  Oui, mais je ne me rappelle pas le nom de cette personne à l'instant.

 18   Q.  Avez-vous reconnu la voix de cette personne ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Qui étaient --

 21   R.  Peut-être pourrais-je me rappeler le nom de la personne dans quelques

 22   minutes. Je vous le dirai à ce moment-là.

 23   Q.  Qui étaient les représentants des forces armées serbes, d'après ce que

 24   vous avez compris à ce moment-là ?

 25   R.  Pour ce qui me concerne, il s'agissait des membres d'unités illégales

 26   qui, comment est-ce que je pourrais le dire, faisaient ce que bon leur

 27   semblait. Il s'y trouvait des Chetniks et même des Aigles blancs, y compris

 28   aussi des soldats d'armées privées. Il y avait aussi des membres de la JNA.

Page 1024

  1   Il y avait des gens de toutes sortes. Cinq ou six types d'armées

  2   différentes étaient représentées dans ces unités, et on ne savait pas qui

  3   commandait -- mais en fait, c'était un certain Dusko Saovic, surnommé

  4   Munja.

  5   Q.  D'après le compte rendu d'audience, nous lisons que vous auriez dit

  6   Munja. Est-ce que c'est bien son surnom ?

  7   R.  Njunja, Njunja. N-j-u-n-j-a. Il y a sans doute eu une faute de frappe.

  8   Q.  Cet homme dont le nom était Dusko Saovic, et qui était surnommé Njunja,

  9   connu également d'après ce surnom, il était le commandant de quoi ?

 10   R.  Des SOS, S-O-S. C'est un sigle, S-O-S.

 11   Q.  J'aimerais maintenant que nous parlions de votre arrestation qui a eu

 12   lieu le 18 juin 1992, et de la détention que vous avez vécue à partir de

 13   cette date jusqu'au 7 juillet 1992. J'indique à l'attention des Juges de la

 14   Chambre et de l'accusé que ceci se trouve aux paragraphes 46 à 74. Je

 15   demanderais l'affichage du document 65 ter, numéro 04178, pour que nous le

 16   voyions à l'écran. C'est une photographie.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 04798, n'est-ce pas ?

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est une

 19   photo qui a été prise dans un des lieux de détention.

 20   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez procéder, Madame.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Zulic, nous attendons que la photo apparaisse à l'écran, et à

 24   ce moment-là je vous demanderais de bien vouloir dire aux Juges de la

 25   Chambre ce que montre cette photographie.

 26   R.  Elle montre les garages de Betonirka, les garages dans lesquels nous

 27   avons été enfermés, moi-même avec d'autres personnes.

 28   Q.  Dans lequel de ces trois garages avez-vous été placé en détention ? Je

Page 1025

  1   vous demande de bien vouloir nous l'indiquer sur la photographie.

  2   R.  Quand je regarde l'écran, qui est sur ma droite, j'étais enfermé dans

  3   le garage numéro 1, comme on l'appelait.

  4   Q.  C'est celui qui se trouve à l'extrémité droite de la photographie ?

  5   R.  Oui, le dernier garage sur la droite.

  6   Q.  Combien de personnes à peu près ont été enfermées en même temps que

  7   vous dans ce garage ?

  8   R.  Entre 30 et 90.

  9   Q.  Les conditions de détention que vous décrivez dans votre déclaration

 10   écrite, et je ne vais pas vous demander de les rappeler à l'instant même,

 11   mais à quelle distance se trouvait ce bâtiment du bâtiment du SUP ou du SJB

 12   ?

 13   R.  A environ 150 mètres à vol d'oiseau.

 14   Q.  Vous avez déclaré par écrit que pendant votre détention à Betonirka

 15   vous avez été frappé. A combien de reprises avez-vous reçu des coups ?

 16   R.  Je sais que j'étais passé à tabac pendant seulement trois nuits, les

 17   nuits où un certain Tonci était de garde. Je n'étais pas frappé. Lui ne

 18   touchait à un cheveu de personne. Ça, c'est un fait.

 19   Q.  Dans quel lieu vous trouviez-vous lorsque vous avez reçu des coups ?

 20   R.  C'était un bâtiment qui se trouvait derrière les garages qu'on voit sur

 21   cette photographie, les garages que j'ai montrés. C'était un bâtiment qui

 22   faisait partie de la société Betonirka. C'est là qu'ils nous emmenaient

 23   pour nous rouer de coups, en soirée. Pendant la journée, ils nous

 24   emmenaient au poste de police.

 25   Q.  Qui vous a roué de coups dans ces bâtiments ? Mais d'abord, je vous

 26   demande qui vous a infligé des coups dans le bâtiment situé derrière les

 27   garages de Betonirka ?

 28   R.  Toute personne, n'importe qui, le premier arrivé. Des gardes, par

Page 1026

  1   exemple, ou des enfants qui rentraient de l'école, des gens qui rentraient

  2   chez eux après avoir passé un moment au café. Cela commençait à 10 heures

  3   du soir, et cela se prolongeait, et je peux vous dire quel genre de mots

  4   ils prononçaient, ils disaient, par exemple, que les enfants qui sortaient

  5   de l'école pouvaient s'entraîner au karaté sur nous. Nous devions faire des

  6   pompes, par exemple, puis deux hommes arrivaient qui nous rouaient de coups

  7   de pied sur tout le corps. L'un d'entre eux faisait cela, alors que l'autre

  8   utilisait une matraque pour nous frapper sur le crâne jusqu'à ce que nous

  9   tombions dans l'inconscience. Et une fois qu'on s'évanouissait, il y a

 10   certaines choses qui se passaient que je préfère ne pas évoquer en public

 11   dans cette salle d'audience. Mais si nous passons à huis clos partiel, je

 12   peux vous dire ce qui nous arrivait.

 13   Q.  Monsieur Zulic, il n'est pas nécessaire de nous le dire à l'instant.

 14   Ceci figure dans un paragraphe de votre déclaration écrite, paragraphe 70.

 15   Je l'indique à l'intention des Juges de la Chambre.

 16   Monsieur Zulic, qui vous a infligé des coups pendant la journée dans le

 17   bâtiment du poste de sécurité publique, le SJB ?

 18   R.  C'étaient les officiers de police présents en place.

 19   Q.  Vous avez dit qu'il vous est arrivé de perdre connaissance. Quelles

 20   autres blessures vous ont été infligées ? Quelles autres séquelles avez-

 21   vous gardées de ces passages à tabac ?

 22   R.  Bien, j'ai souffert de fractures, j'ai eu des côtes fracturées, et six

 23   ou sept vertèbres lésées. Puis j'ai une cicatrice au bras. Ils m'ont gravé

 24   le signe de la croix dans le bras quand j'ai refusé de faire des pompes. A

 25   ce moment-là, ils m'ont aussi piétiné les mains de sorte que mes doigts ont

 26   été cassés.

 27   Q.  Est-ce que vous avez reçu des soins médicaux en raison des blessures

 28   que vous avez subies ?

Page 1027

  1   R.  Non. Et la plaie que j'avais dans le dos s'est infectée. Les médecins

  2   ont dû intervenir avec une lame de rasoir pour la traiter à Manjaca.

  3   Q.  Les autres prisonniers de Betonirka ont-ils également reçu des coups ?

  4   R.  Il y a un seul homme qui était présent à Betonirka qui n'a pas été

  5   frappé. Il était là pendant toute la période où j'étais là également. Il

  6   s'appelle Bekir. En tout cas, c'est le nom qu'on utilisait pour s'adresser

  7   à lui, Bekir. C'est le seul qu'ils n'ont pas frappé. Tous les autres, ils

  8   les faisaient sortir pour leur asséner des coups.

  9   Q.  Quand vous parlez de l'endroit où vous vous trouviez à Betonirka, vous

 10   voulez parler du garage numéro 1, n'est-ce pas ? Quand vous parlez des

 11   personnes détenues en même temps que vous, c'était dans ce garage, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Oui. Je ne sais pas ce qui est arrivé dans les deux autres garages,

 14   mais on entendait des bruits qui indiquaient - comment est-ce que je peux

 15   dire - on entendait pendant la nuit, toute la nuit, des cris, des

 16   hurlements, ce qui indiquait qu'ils venaient chercher des prisonniers dans

 17   ces autres garages également. En tout cas, c'est la conclusion que j'ai

 18   tirée.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

 20   numéro 04797. C'est une photographie.

 21    Q.  Monsieur Zulic, que nous montre cette photographie ?

 22   R.  L'intérieur d'un garage. En fait, c'est le garage numéro 1. On le voit

 23   parce qu'il y a cette fenêtre dans le mur de droite.

 24   Q.  Vous avez dit qu'un garage pouvait abriter entre 30 et 90 personnes,

 25   mais est-ce que c'était un garage uniquement ou les trois garages ?

 26   R.  Un garage. Au moment où 90 personnes arrivaient à se trouver ensemble

 27   dans un garage, on organisait un transport pour Manjaca. Donc on laissait à

 28   ce moment-là dans un garage une vingtaine de personnes et on recommençait à

Page 1028

  1   le remplir avec des nouveaux arrivants. Ensuite, on transportait les gens

  2   jusqu'à Manjaca, et cetera, à répétition.

  3   Q.  J'aimerais -- j'en ai terminé avec la photographie. Je vous remercie.

  4   J'aimerais maintenant que nous parlions d'un événement survenu le 22 juin

  5   1992.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et j'indique à l'intention des Juges que

  7   cet événement est évoqué aux paragraphes 75 à 85 de la déclaration du

  8   témoin, déclaration écrite.

  9   Q.  Monsieur Zulic, vous donnez tous les détails d'un certain nombre de

 10   meurtres dans votre déclaration écrite, donc je vais simplement me

 11   contenter de vous poser quelques brèves questions sur ce sujet. Ici

 12   aujourd'hui, vous avez déclaré avoir vu Rasula et d'autres responsables

 13   assis à une table de pique-nique au moment où un certain nombre d'hommes

 14   ont été tués. Quelles ont été les conditions dans lesquelles vous avez fait

 15   la connaissance de Rasula ?

 16   R.  Rasula était l'un de mes enseignants à l'école. Il a été mon professeur

 17   pendant quatre ans.

 18   Q.  Donc en 1992, vous le connaissiez depuis à peu près combien d'années ?

 19   R.  Depuis plus de 30 ans.

 20   Q.  J'aimerais que nous parlions maintenant de l'événement survenu le 7

 21   juillet 1992, date à laquelle vous avez été transporté à bord d'un camion

 22   jusqu'au centre de Manjaca, au lieu de détention de Manjaca.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pour la gouverne des Juges de la Chambre

 24   et de l'accusé, j'indique que cet événement est décrit aux paragraphes 86 à

 25   105 de la déclaration écrite de M. Zulic.

 26   Q.  Monsieur Zulic, quelle est la distance approximative qui sépare Sanski

 27   Most de Manjaca ?

 28   R.  A vol d'oiseau, il y a peut-être une quinzaine de kilomètres, mais si

Page 1029

  1   l'on prend la route de contournement, la distance est de 80 kilomètres,

  2   sans doute. Vraiment, je ne sais pas exactement.

  3   Q.  Mais si vous prenez cette route, il vous faut à peu près combien de

  4   temps pour couvrir cette distance ?

  5   R.  La route n'est pas de bonne qualité, donc il fallait au maximum deux

  6   heures.

  7   Q.  Vous avez dit dans votre déclaration écrite que selon votre estimation,

  8   vous avez quitté Betonirka aux environs de 10 ou 11 heures du matin et que

  9   vous êtes arrivés au camp de Manjaca aux environs de 9 heures, 9 heures et

 10   demie du soir. Ceci figure au paragraphe 93 de votre déclaration écrite.

 11   R.  D'après moi, c'est ce qui s'est passé. Nous sommes arrivés assez tard.

 12   Mais il y avait encore un peu de soleil. Le soleil ne s'était pas encore

 13   complètement couché. Donc ça correspond à peu près à l'heure que j'ai

 14   indiquée, car c'est à peu près à cette heure-là que le soleil se couche

 15   d'habitude.

 16   Q.  Donc pour couvrir une distance de 80 kilomètres environ par route, il a

 17   fallu, au moyen de transport à bord du camion où vous vous trouviez, dix ou

 18   11 heures à peu près; c'est ça ?

 19   R.  Bien, franchement, je n'ai pas calculé, mais si on prend ce qui a été

 20   dit, c'est à peu près ça.

 21   Q.  Pourriez-vous rapidement décrire aux Juges de la Chambre les conditions

 22   qui régnaient à l'intérieur du camion à bord duquel vous vous trouviez ce

 23   jour-là ?

 24   R.  Ce camion était un camion bâché. La bâche était fermée, et il était

 25   absolument impossible de ménager la moindre ouverture, en particulier à

 26   l'arrière. Il y avait le point d'échappement qui laissait échapper pas mal

 27   de fumée, fumée qui pénétrait à l'intérieur du camion. Donc il y a des gens

 28   qui n'ont pas supporté. Ces gens-là avaient subi des coups avant d'être

Page 1030

  1   placés à bord du camion, après quoi on les a entassés dans le camion, et

  2   ils sont donc morts pendant le trajet jusqu'à Manjaca. Parce que même à

  3   l'air libre, on a besoin de trois mètres cube d'air pour respirer

  4   normalement, or les conditions dans le camion n'étaient pas normales du

  5   tout. Puis il y avait une soif terrible. J'ai donc d'abord bu du Pitralon,

  6   après quoi j'ai été contraint de boire ma propre urine parce qu'on ne nous

  7   a pas donné d'eau. Les conditions étaient inhumaines.

  8   Q.  Comment est-ce que ces conditions ont opéré sur les prisonniers à bord

  9   du camion ?

 10   R.  Elles ont eu des conséquences très négatives. Je me rappelle en

 11   particulier un cas qui m'est resté gravé dans la mémoire. Il y avait les

 12   deux frères, Nedzad et Ahmed, il leur a fallu dix minutes pour mourir, ce

 13   qui, moi, m'a paru une éternité. Et il y a d'autres hommes qui sont morts

 14   en silence, simplement parce qu'ils n'ont pas eu assez d'air pour respirer.

 15   Q.  J'aimerais que nous parlions maintenant de votre détention à Manjaca,

 16   qui a duré jusqu'au 14 novembre 1992, à peu près.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'indique aux Juges de la Chambre et à

 18   l'accusé que cette détention est évoquée aux paragraphes 106 à 137 de la

 19   déclaration écrite du témoin.

 20   Q.  Monsieur Zulic, vous avez déclaré que vous aviez été enfermé dans une

 21   des étables. Combien d'hommes, à peu près, ont été enfermés dans la même

 22   étable que vous ?

 23   R.  Entre 600 et 800 personnes, à peu près.

 24   Q.  A quelle fréquence receviez-vous des vivres et de l'eau ?

 25   R.  Nous recevions très peu d'eau, très rarement. Une fois par jour, on

 26   avait la quantité que je vous montre ici dans mon verre, qui nous était

 27   distribuée pour deux hommes et même, quelquefois, pour trois hommes. Quant

 28   à la nourriture, une miche de pain était divisée en 44 morceaux avant de

Page 1031

  1   nous être distribuée. Donc nous recevions de quoi manger parfois une fois

  2   par jour, parfois deux fois par jour. Il y avait du pâté de foie qui nous

  3   était distribué, 100 grammes de pâté de fois distribué entre quatre hommes,

  4   et c'est tout, avec 1/44e d'une miche de pain, tout ça, jusqu'à l'arrivée

  5   de la Croix-Rouge internationale.

  6   Q.  Comment l'eau vous était-elle distribuée ?

  7   R.  Quelqu'un venait nous voir pour apporter de l'eau. Il y avait deux

  8   hommes qui s'engageaient dans la haie constituée par les gardes, et on

  9   donnait une certaine quantité d'eau à distribuer, à répartir entre trois

 10   hommes. Donc deux décilitres, à peu près. On appelait ça Lima, un petit pot

 11   de deux décilitres d'eau, du genre des petits pots qui sont utilisés pour

 12   faire des gâteaux. Mais ça, il fallait diviser cette quantité entre deux ou

 13   trois hommes.

 14   Q.  J'aimerais vous montrer une séquence vidéo à présent, dont je vais

 15   demander la diffusion, et je vous demanderais de reconnaître certaines des

 16   images que l'on pourra y voir. Il s'agit du document 65 ter numéro 40043A.

 17   La séquence va de 2 heures 38 à 2 heures 54. C'est elle qui m'intéresse.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] On voit ici des hommes en train de

 20   distribuer de l'eau. Je demande un arrêt sur image. Je peux vous montrer où

 21   je me trouvais sur cette image. Je me vois, moi, sur la droite, avec ce

 22   tee-shirt blanc.

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 24   Q.  Vous indiquez que vous aviez un tee-shirt blanc.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous êtes bien la première personne que l'on voit sur cette

 27   image, qui est un arrêt sur image à 2 heures 53 ?

 28   R.  Non, non. Ça, ce n'est pas moi. Moi, je suis le deuxième au-dessus de

Page 1032

  1   la croix, la croix qu'on voit, de couleur rouge. Donc je ne suis pas le

  2   premier. Je suis celui qu'on voit avec un tee-shirt blanc le long du mur de

  3   droite.

  4   Q.  Comme vous l'avez dit, le long du mur de droite, en dessous de cet

  5   élément qui fait comme une croix sur le mur; c'est bien cela ?

  6   R.  Oui. C'était une structure métallique en forme de croix.

  7   Q.  Vous êtes légèrement penché en avant, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Merci.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai plus besoin de cette

 11   séquence. Merci.

 12   Q.  A quelle fréquence avez-vous été interrogé ou roué de coups à

 13   Manjaca ?

 14   R.  Franchement, je n'ai pas été très souvent frappé. C'est seulement

 15   une fois que j'ai été envoyé, je ne compte même pas les coups occasionnels

 16   que j'ai reçus ici et là. Quand j'ai permis à la délégation de la Croix-

 17   Rouge de m'examiner - ils étaient venus de Genève - après ça, ils m'ont

 18   pratiquement tué à force de coups qu'ils m'ont donnés à moi et à deux

 19   autres hommes.

 20   Q.  Vous dites que vous avez presque été tué par ces coups. Quelles

 21   sont les blessures que vous avez subies lors de ce passage à tabac ?

 22   R.  Bien, pour l'essentiel, j'ai reçu des blessures graves. On les

 23   voit de nos jours encore sur moi. Si je venais à vouloir vous montrer, il

 24   faudrait que j'enlève mes vêtements.

 25   Q.  Dans quelques instants, je vais vous demander de décrire les blessures

 26   que vous avez subies. Mais revenons à ce passage à tabac qui vous avait été

 27   infligé, parce que vous aviez autorisé la Croix-Rouge à vous examiner.

 28   Cette nuit-là, après avoir subi ce violent passage à tabac, qu'est-ce qui

Page 1033

  1   vous est arrivé ?

  2   R.  Quelqu'un m'a fait entrer dans le bâtiment, cette espèce d'étable. Je

  3   ne sais trop vous dire ce que c'était. J'ai ressenti de terribles douleurs.

  4   J'ai eu de l'eau dans les poumons, qui s'est formée.

  5   Q.  Et le lendemain matin, qu'est-ce qui est arrivé ?

  6   R.  Le lendemain matin, il est venu subrepticement un infirmier. Il m'a

  7   donné des médicaments et il m'a dit de boire cela. Et le matin d'après,

  8   j'ai vu, quand on a fait sortir les autres - qu'on ait été tabassé ou pas,

  9   il fallait qu'on sorte, il fallait que l'on aille dehors - et là, j'ai vu

 10   quand ils ont ramassé les morts. Il y avait Esad Filipovic et Omer Bender.

 11   Q.  On voit au compte rendu d'audience Esad Filipovic et Omer Bender. Est-

 12   ce que c'est bien les bons noms de ces deux personnes ?

 13   R.  Filipovic, peut-être. C'était Esad Bender et Omer Filipovic. J'ai peut-

 14   être interverti les prénoms. Bender et Filipovic, c'est bon. Ils sont tous

 15   les deux originaires de Kljuc. Il y en avait un qui s'appelait Bender, et

 16   l'autre qui s'appelait Filipovic. Ça, j'en suis sûr. Excusez-moi, c'est

 17   parce qu'il s'est passé 18 ans depuis. Je sais qu'il y en a un qui

 18   s'appelait Filipovic et l'autre s'appelait Bender.

 19   Q.  Vous avez dit que vous aviez vu le moment où ces corps avaient été

 20   emportés. Ces deux hommes sont-ils morts ?

 21   R.  Oui, ils sont morts après avoir été tabassés.

 22   Q.  Parlons maintenant de votre transfert, du moment où vous avez quitté le

 23   camp de Manjaca. Paragraphe 138 de votre déclaration.

 24   Je le dis à l'attention des Juges de la Chambre de première instance.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Madame Sutherland. Pourriez-

 26   vous poser une question au témoin pour avoir une précision. Il avait dit

 27   qu'il avait autorisé la Croix-Rouge à l'examiner. Pourriez-vous avoir une

 28   précision.

Page 1034

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

  2   Q.  Pourriez-vous répondre à la question posée par le Président de la

  3   Chambre.

  4   R.  Oui. Il est arrivé la Croix-Rouge internationale. Personne ne voulait

  5   se laisser examiner, exception faite de nous trois. Le chef, le directeur

  6   du camp avait affirmé que personne n'avait été battu, tabassé, et que tous

  7   étaient venus de Sanski Most, qu'on était arrivés en bonne santé et que

  8   nous étions tous des prisonniers de guerre. Moi, j'ai autorisé l'examen

  9   pour démentir ce qu'il a dit. Parce que les prisonniers de guerre,

 10   d'habitude, ne peuvent pas le dire, mais les autres n'étaient pas venus

 11   tout seuls. Ils étaient venus en compagnie de membres de la police

 12   militaire, ceux mêmes qui nous avaient tabassés et qui nous avaient gardés.

 13   Donc, ceux qui nous avaient gardés nous avaient régulièrement tabassés, et

 14   c'est pour cela je tenais à faire le jour sur la vérité. Tout le reste dans

 15   la vie ne m'intéresse plus. Je ne suis intéressé que par la vérité, et je

 16   me suis laissé examiner pour bien montrer que le commandant avait menti.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Zulic.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ceci est mentionné aussi au paragraphe

 19   132 [comme interprété] de la déclaration.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. J'en avais pris connaissance.

 21   Poursuivez.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 23   Q.  Vous avez dit que vous avez été emmenés à Karlovac. Où se trouve

 24   Karlovac ?

 25   R.  En Croatie.

 26   Q.  Comment vous y a-t-on emmenés ?

 27   R.  A bord d'autocars.

 28   Q.  Qui a organisé le transport par autocars ?

Page 1035

  1   R.  Les autocars ont été assurés par les autorités serbes de l'époque et la

  2   Croix-Rouge internationale.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire le nombre approximatif d'hommes qui ont été

  4   emmenés ce jour-là en même temps que vous ?

  5   R.  Ce jour-là, environ 1 800 à 2 000 personnes ont été transférées.

  6   C'étaient les personnes en bas âge et ceux qui avaient plus de 45 ans ou

  7   plus de 40 ans, enfin. Il ne faut pas me prendre au mot.

  8   Q.  Pourriez-vous nous dire combien d'enfants mineurs il y avait dans ce

  9   groupe ?

 10   R.  Je ne me souviens pas du nombre des mineurs, mais je sais qu'il y a eu

 11   des mineurs à être restés derrière moi, parce que quand je suis parti, j'ai

 12   enlevé mon pull-over, j'en avais un, et je l'ai laissé à cet enfant. Je

 13   savais que je m'en allais, et il faisait quand même déjà froid à Manjaca,

 14   ce qui fait que je le lui ai donné.

 15   Q.  A votre connaissance, est-ce qu'on a filmé votre arrivée à Karlovac, et

 16   est-ce que ce reportage a été diffusé ?

 17   R.  Je ne sais vraiment pas. Il y a eu quelqu'un pour filmer et ça été

 18   diffusé, mais je ne l'ai pas su sur le coup. J'ai su après la guerre que

 19   les journaux avaient publié la chose, parce qu'à ce moment-là je n'avais eu

 20   l'occasion ni de suivre la radio ni la télévision.

 21   Q.  Dans quel état physique étiez-vous à votre arrivée à Karlovac ?

 22   R.  Nul. Je dirais très mauvais état. Même un an après la sortie, je

 23   n'étais pratiquement pas en mesure de faire 1 000 mètres en guise de

 24   promenade.

 25   Q.  La dernière question que je vais vous poser est celle-ci : à la suite

 26   de ces violences dont vous avez été la victime, est-ce que vous souffrez

 27   encore de séquelles aujourd'hui, de séquelles permanentes ?

 28   R.  Mais physiquement, je suis tout à fait incapable, inapte. Ce qui me

Page 1036

  1   rattrape maintenant encore, c'est ce fardeau psychologique qui fait son

  2   travail. Je sais maintenant ce que je vais ressentir une fois rentré à la

  3   maison, parce qu'à chaque fois je subis ce type d'effet et je le re-subis à

  4   chaque reprise.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

  6   Président.

  7   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et

  9   Messieurs les Juges, nous parlons des incapacités subies par l'accusé [sic]

 10   --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez du témoin, bien sûr.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] -- se trouvent mentionnées au paragraphe

 13   139. Je n'ai pas d'autres questions posées à ce témoin.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je précisais, vous avez dit

 15   "l'accusé". Je pense que vous parliez du "témoin", n'est-ce pas ?

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Je

 17   m'en excuse.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 19   Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Votre Excellence.

 21   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 22   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, j'ai pas mal de questions, et je

 23   pense qu'il en est bon nombre où nous tomberons rapidement d'accord. Je

 24   crois qu'on peut répondre par un oui ou par un non à ce type de questions,

 25   ce qui fait que ce qui vous est désagréable, j'espère qu'on en finira avant

 26   que l'heure prévue, et je ne vais j'espère pas avoir à demander à

 27   l'Accusation de vous faire revenir parce que je n'ai pas eu suffisamment de

 28   temps pour mes préparatifs. Mais il y a un élément où nous sommes d'accord

Page 1037

  1   à part entière, et la Défense est reconnaissante à toute personne qui

  2   contribue à la diffusion de la vérité, et nous ne voulons faire que révéler

  3   la vérité.

  4   Vous avez témoigné dans plusieurs affaires et vous avez fait plusieurs

  5   déclarations pour ce qui est de circonstances variées. Je ne vais pas dire

  6   que vous êtes un témoin préféré, mais en tout état de cause j'ai

  7   l'impression qu'on tient à vous en tant que témoin. Est-ce que vous

  8   connaissez tous les événements qui sont produits à Sanski Most ?

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 11   Oui, Madame Sutherland.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Objection quant à la question ou la façon

 13   dont elle est posée. Est-ce que M. Karadzic pourrait s'abstenir de nous

 14   livrer son avis, ses réflexions sur l'Accusation, et pourrait-il se

 15   contenter de poser une question.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, merci, mais attendez, j'attends

 17   quelque chose. Oui, j'allais poser la même question.

 18   Contentez-vous de poser une question, Monsieur Karadzic.

 19   Monsieur Zulic, est-ce que vous pouvez répondre à cette question ? La

 20   question était de savoir si vous étiez conscient de l'évolution de la

 21   situation des événements survenus à Sanski Most.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans 90 % des cas, j'étais au courant. Il y a

 23   peut-être 10 % ou peut-être même 20 % de choses que je ne sais pas, mais ce

 24   que je sais, ce que j'ai entendu à la radio, je le sais. Pour ce qui est du

 25   reste, c'est ce qui s'est passé au-delà de Sanski Most, loin de Sanski

 26   Most, ça, vraiment, je ne le sais pas.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'accuse, mais il y a peut-être une façon

 28   malhabile de faire. C'est la première fois que j'interviens en tant que

Page 1038

  1   conseil de la Défense; je m'y ferai.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Je voulais dire que vous étiez pareillement apprécié par les Serbes et

  4   par les Musulmans, et que vous étiez un membre estimé, considéré par la

  5   communauté musulmane et que vous connaissiez les représentants les plus en

  6   vue du peuple musulman ?

  7   R.  Je ne dirais pas que je les connaissais. Je connaissais un Rasula

  8   Nedeljko et je connaissais autant Fajko Biscevic. Je connaissais Vrkes, je

  9   connaissais autant Adil Draganovic. Cela signifie que je ne faisais partie

 10   d'aucun parti. J'étais avec toutes les personnes en communication sur pied

 11   d'égalité jusqu'à la guerre.

 12   Q.  Donc c'étaient des contacts humains, pas politiques ?

 13   R.  Jamais politiques. Je ne faisais jamais partie de quelque parti que ce

 14   soit. Je n'ai pas été communiste à l'époque. Je n'ai pas été membre de

 15   quelque parti que ce soit du tout.

 16   Q.  Merci. Alors vous pourriez nous dire qu'est-ce que vous avez fait comme

 17   classe secondaire ?

 18   R.  J'ai fait une école de mécanique.

 19   Q.  Merci. Alors, vous avez travaillé dans une mine --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie.

 21   Monsieur Zulic et Monsieur Karadzic, vous savez que vous parlez la même

 22   langue, et n'oubliez pas qu'il y a des interprètes. Il faut donc ménager

 23   une pause entre la question et la réponse. Est-ce que vous auriez

 24   l'obligeance de répéter la dernière partie de votre réponse.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez nous indiquer quelle est l'école

 27   secondaire que vous avez terminée ?

 28   R.  L'école technique de mécanique.

Page 1039

  1   Q.  Merci. Quel type d'élève étiez-vous ?

  2   R.  Moyen.

  3   Q.  Vous avez travaillé dans la mine de Kamengrad, et vous avez eu pas mal

  4   de succès. Vous êtes devenu chef de la production, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous aviez deux frères ou un frère au fait ?

  7   R.  J'avais quatre -- enfin, nous étions quatre, je veux dire. J'avais

  8   trois frères, et c'était moi le quatrième.

  9   Q.  Où vivaient-ils, eux ?

 10   R.  Pas loin de chez moi.

 11   Q.  Est-ce que quelqu'un a travaillé à la mine avec vous ?

 12   R.  Oui, un frère.

 13   Q.  Et le père et les deux autres frères, ils faisaient autre chose, n'est-

 14   ce pas ? Que faisaient-ils, eux ?

 15   R.  L'un travaillait à Sip, et l'autre travaillait comme artisan peintre,

 16   et mon père, lui, avait eu une attaque et il était immobilisé, mais il

 17   travaillait à la mine en tant que cheminot.

 18   Q.  Quand est-ce qu'il a eu cette attaque cérébrale ?

 19   R.  En 1978 ou 1980.

 20   Q.  Vous connaissiez pas mal de gens à Kamengrad, à la mine, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce qu'il y aurait eu des gens que vous ne connaissiez pas ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est l'intérêt de cette question,

 24   Monsieur Karadzic ? Comment pourrait-il répondre à ce genre de question

 25   s'agissant de personnes qu'il ne connaisserait pas ? Passez à autre chose,

 26   s'il vous plaît.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, les noms que le témoin mentionnait

 28   à des circonstances très variées ce sont des noms très importants. Ce sont

Page 1040

  1   les acteurs des événements cruciaux, et c'est la raison pour laquelle

  2   j'avais estimé nécessaire de procéder de la sorte. Mais je veux bien passer

  3   à autre chose.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous avez connu Zijad Okanovic [phon], et que faisait-il ?

  6   R.  Oui. Zijad Okanovic, c'était un ingénieur dans les mines et il était

  7   directeur de la production.

  8   Q.  Est-ce que vous connaissiez le directeur de la production, un dénommé

  9   Salim, dans le puits de la mine ?

 10   R.  Oui, oui.

 11   Q.  Vous avez également connu un collègue qui était directeur de

 12   l'exploitation en surface, un certain Aklim [phon].

 13   L'INTERPRÈTE : Si l'interprète a bien entendu le nom.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous avez connu Enes Vejzovic ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous avez connu Sanja, la secrétaire du directeur ?

 19   R.  Du quel directeur ?

 20   Q.  Le directeur général, Todorovic, sa secrétaire ? Je pense qu'il

 21   s'appelait Todorovic. Enfin, on y reviendra. Est-ce que vous avez connu

 22   Redzo Kurbegovic, et dites-nous ce qu'il faisait ?

 23   R.  Redzo Kurbegovic -- enfin, j'attends le compte rendu. Oui, Redzo

 24   Kurbegovic, je l'ai connu. Pour autant que je le sache, il était directeur

 25   de l'entreprise communale chargée du chauffage.

 26   Q.  Est-ce que vous avez connu Ismet Sarcevic, et dites-nous ce qu'il

 27   faisait, lui ?

 28   R.  Il était, pendant un certain temps, juge, et par la suite il est devenu

Page 1041

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1042

  1   avocat; ça, je le sais.

  2   Q.  Comment s'appelait le président du Parti de l'Action démocratique à

  3   Sanski Most, et est-ce que c'est quelqu'un que vous aviez connu ?

  4   R.  Je ne sais pas si c'était Faik Biscevic ou -- je crois que c'était Faik

  5   Biscevic, le premier président du SDA.

  6   Q.  Est-ce que vous avez connu son fils ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Il y a deux Bisevic. Il y en a qui est mort, Faik, lui, il est décédé ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et qui était dentiste parmi eux ?

 11   R.  C'était le fils cadet. Les deux autres ont été tués à Manjaca.

 12   Q.  Est-ce que vous avez connu Suad Sabic ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ces jours-ci, après la guerre je veux dire, il était procureur public à

 15   Sanski Most, n'est-ce pas ? Est-ce que vous avez connu Mirzet Karabeg et,

 16   si oui, dites-nous ce qu'il faisait ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Il avait quelle fonction ?

 19   R.  Ma foi, je ne sais pas.

 20   Q.  Est-ce qu'il était président du conseil exécutif de la municipalité ?

 21   R.  Il se peut que oui, mais je n'ai pas eu de contact avec lui. Je ne l'ai

 22   jamais fréquenté.

 23   Q.  Et Emir Seferovic, l'avez-vous connu, et si oui que faisait-il ?

 24   R.  Emir Seferovic, je connais un Emir Seferovic. Je ne sais pas auquel

 25   vous faites référence.

 26   Q.  Parlons de celui que vous connaissez.

 27   R.  Il était artisan, tourneur ajusteur.

 28   Q.  Et Arif Hukanovic, l'avez-vous connu ?

Page 1043

  1   R.  J'ai entendu parler de cet homme, mais je ne sais pas vous dire quelles

  2   étaient ses fonctions.

  3   Q.  Et Hasib Kamber ?

  4   R.  Hasib Kamber, c'est un voisin à moi.

  5   Q.  Que faisait-il, lui ?

  6   R.  Il faisait de la politique.

  7   Q.  Dans quel parti ?

  8   R.  Que sais-je ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je dois vous

 10   expliquer que je n'étais membre d'aucun parti. Je sais qu'il faisait de la

 11   politique. De là, à savoir ce qu'il faisait, vraiment, je ne sais pas. Je

 12   sais qu'il a été tué.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous avez connu Husein Kovacevic ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que M. Zulic

 16   a raison. Quelle question voulez-vous poser exactement ? Posez-la

 17   directement, sans détour.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, juste un nom encore.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Adil Draganovic. Connaissez-vous ce Adil Draganovic, et que faisait-il

 21   ?

 22   R.  Oui, je l'ai connu. Il était juge avant la guerre, et après la guerre

 23   il était juge aussi. Puis maintenant, il est devenu avocat.

 24   Q.  C'était un juge dans la Sharia, ou est-ce qu'il jugeait pour les Serbes

 25   et les autres ?

 26   R.  De quel juge de Sharia ou de tribunal de Sharia parlez-vous ?

 27   Q.  Non, moi je vous pose la question.

 28   R.  Non, on ne laissera pas passer. On veut me tendre des pièges, et moi,

Page 1044

  1   je ne vais pas autoriser la chose. Je vais vous dire, quand mon père est

  2   mort - et mon père et ma mère se sont mariés, c'est une chose importante

  3   pour moi de le dire, et vous allez comprendre pourquoi, parce qu'on parle

  4   du droit de la Sharia - quand mon père est mort, je suis allé me faire

  5   passer l'assurance. Il s'était marié suivant la Sharia dans l'Etat de

  6   Bosnie-Herzégovine. Par la suite, ça n'a pas été reconnu comme tel. Par

  7   conséquent, Adil ne pouvait pas être juge en matière de Sharia parce que ce

  8   n'était pas reconnu. Donc j'aurais peut-être dû déposer plainte contre mon

  9   feu père pour que ma mère continue à bénéficier de son assurance. Et ça

 10   c'est à propos de ce droit en matière de Sharia.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, toute réponse est bonne. Ne vous en préoccupez pas.

 12   Moi, je voulais juste savoir si c'était un juge dans un tribunal ordinaire.

 13   R.  Dans un tribunal ordinaire.

 14   Q.  Parfait.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zulic, je comprends ce que vous

 16   ressentez. Essayez quand même de répondre aux questions qui vous sont

 17   posées.

 18   Poursuivez, Monsieur Karadzic. Quelles autres questions avez-vous à poser ?

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que l'une quelconque de ces personnes aurait participé au

 21   conflit armée, voire à l'armement des Musulmans ?

 22   R.  Je ne le sais pas. Moi, personne ne m'a armé. Je me suis acheté une

 23   arme moi-même. Qui est-ce qui a participé à cela, je n'en sais rien.

 24   Q.  Vous aviez - et je crois que vous les avez encore - quatre enfants.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et à l'époque, ils avaient entre 9 et 18 ans.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Aviez-vous, à l'époque, des petits-enfants ?

Page 1045

  1   R.  Non.

  2   Q.  En avez-vous maintenant ?

  3   R.  Dieu merci, six.

  4   Q.  Quand est-ce que vous avez eu votre premier petit-enfant ?

  5   R.  En 1994.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En quoi est-ce que ceci est pertinent,

  7   Monsieur Karadzic ? N'oubliez pas ce que je vous ai dit au début de

  8   l'audience. Essayez de vous concentrer sur les questions qui sont

  9   véritablement pertinentes. Poursuivez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, il s'agit ici de la crédibilité du

 11   témoin. Il a omis d'indiquer quelles sont les souffrances qu'il a dû

 12   consigner à son journal pour épargner la chose à ses petits-enfants. Or, il

 13   n'a pas eu de petits-enfants en 1994. Il était déjà en liberté. A l'époque

 14   où il a tenu son journal à jour, il n'avait pas de petits-enfants. Donc de

 15   l'avis de la Défense, c'est pertinent.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Posez une question, s'il vous plaît.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous avez connu ou connaissez Zilhad Kljucanin ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  C'est un écrivain, un poète ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Il ne l'est pas ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Il l'était.

 25   R.  Il ne l'a jamais été. Ne racontez pas de bêtises.

 26   Q.  Bon. Avez-vous connu Hazim Akmadzic ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Est-ce que vous savez que Kljucanin a rédigé un livre sur les

Page 1046

  1   événements de Sanski Most ?

  2   R.  Ce n'est pas Zilhad mais Nilhad.

  3   Q.  Ça, on déterminera la chose très facilement. Vous avez parlé d'un

  4   policier appelé Tonci, qui a été plutôt correct, ou qui a été, dirais-je,

  5   bon à l'égard des Musulmans. Est-ce que vous reconnaîtriez cet homme ?

  6   R.  Peut-être le reconnaîtrais-je maintenant, et peut-être pas, parce qu'il

  7   s'est passé 18 ans depuis, et il a donc 18 ans de plus qu'avant. 

  8   Q.  Où réside-t-il maintenant ?

  9   R.  Je n'en sais rien.

 10   Q.  Mais n'avez-vous pas dit qu'il avait été tué parce qu'il avait aidé les

 11   Musulmans ?

 12   R.  J'ai dit que j'ai entendu dire qu'il avait été tué, mais de là à savoir

 13   s'il est vivant ou pas, je ne le sais. On m'a transmis que c'était

 14   quelqu'un qui avait été tué.

 15   Q.  Bon. Merci.

 16   Vous avez indiqué que vous n'étiez membre d'aucun parti. Comment

 17   avez-vous fait pour résister ? Est-ce qu'on vous a demandé d'être membre

 18   d'un parti ou pas ?

 19   R.  J'ai résisté à ce type de tentation en 1966 déjà lorsque je devais

 20   devenir membre du parti communiste. Je ne le voulais pas, parce qu'il me

 21   semblait qu'il fallait que je parle d'un langage qui n'était pas le mien.

 22   Je savais que c'était de la politique mal aimée, Madame et Monsieur le

 23   Juge, et je devais forcément avoir la même opinion que mon président. Or,

 24   c'est ce que je ne voulais pas, justement.

 25   Q.  Fort bien.

 26   Vous nous dites que personne parmi les Musulmans - dans cette

 27   déclaration consolidée faite par vous, au paragraphe 15, pièce 718 - vous

 28   dites qu'aucun Musulman n'a résisté et qu'il n'y avait pas eu de Défense

Page 1047

  1   territoriale à Sanski Most ?

  2   R.  La Défense territoriale existait jusqu'au 18 avril 1992, jusqu'à ce que

  3   les paramilitaires et la JNA d'occupation ne les aient désarmés, et donc

  4   supprimés. Je ne pense pas savoir que quiconque aurait organisé - du moins

  5   pas dans mon village - une résistance. Tout ce qui s'est fait, s'est fait

  6   pratiquement de façon spontanée. Il n'y avait pas de commandant, de

  7   commandement, et choses de ce type, parce que s'il y avait eu cela, les

  8   choses se seraient passées autrement.

  9   Q.  Cette résistance spontanée, de quoi avait-elle l'air ?

 10   R.  Il n'y a pas eu de résistance spontanée, bon sens. Monsieur le

 11   Président, Madame, Monsieur les Juges, il n'y a pas eu de résistance

 12   spontanée. Nous montions la garde dans le village, mais nous avions conclu

 13   un accord - c'est dit dans ma déclaration écrite - avec les Serbes, à

 14   savoir que nous allions tenir ensemble ces patrouilles. Mais lorsque nous

 15   arrivions pour monter la garde, les Serbes disaient : Vous, vous n'avez

 16   qu'à vous occuper de vos propres patrouilles et, nous, nous allons faire

 17   pour les nôtres.

 18   Donc nous nous étions entendus avec les Serbes pour organiser des

 19   patrouilles conjointes, et c'est à l'occasion de ces patrouilles qu'on

 20   utilisait ces armes, ces fusils de chasse qu'on indique pour les Musulmans.

 21   Q.  Merci. Je vous serez gré si dans la majorité des cas vous pouviez

 22   répondre par oui ou par non, ou en tout cas, que vous répondiez bien aux

 23   questions que je vous pose. Les Juges, pour leur part, vous en poseront

 24   sûrement d'autres. Y avait-il des Bérets verts à Sanski Most ?

 25   R.  Non.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin le

 27   document D110.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1048

  1   Q.  Est-ce que vous voyez ce titre, "Les traîtres Musulmans" ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Etes-vous d'accord que ce que nous avons là est un journal musulman,

  4   "Walter".

  5   R.  Oui, à peu près.

  6   Q.  Bon, c'est écrit sur la page, il s'agit de "Walter".

  7   R.  Si c'est écrit, c'est écrit.

  8   Q.  Vous voyez dans le coin gauche, nous lisons les mots, "Déclaration de

  9   Suad Sabic". A l'instant, le curseur était situé juste sur cette

 10   inscription. Vous voyez qu'on a le mot "suite" ?

 11   R.  Je vois.

 12   Q.  Permettez-moi de prononcer quelques mots pour que les Juges comprennent

 13   mieux de quoi il s'agit. Nous sommes ici en 1997. Il y a un certain

 14   "Walter" - son nom figure en haut de l'article - qui publie en plusieurs

 15   articles la déclaration de Suad Sabic qui, au moment dont il est question

 16   ici, était le procureur public de Sanski Most en 1997. Suad Sabic décrit

 17   les événements survenus à Sanski Most s'agissant principalement de

 18   l'organisation militaire et de la distribution ou de l'acquisition d'armes.

 19   Donc, je vous demanderais de bien vouloir lire le premier encadré à gauche,

 20   celui où on voit les mots, président du conseil exécutif :

 21   "Karabeg Miszet qui, en sa qualité de chef du conseil exécutif de la

 22   mairie, exécutait un certain nombre de missions importantes à la mairie. Il

 23   a eu à intervenir lorsqu'il a été question de choisir le directeur du PBS,

 24   à savoir de la Banque commerciale de Sarajevo, et de choisir un certain

 25   nombre d'autres personnes occupant des postes très importants au niveau

 26   municipal…"

 27   Est-ce que c'est ce qui est écrit ici ?

 28   R.  Si c'est écrit, c'est écrit. Mais je ne vois pas quel rapport j'ai avec

Page 1049

  1   ça.

  2   Q.  Mon seul objectif est de faire éclater la vérité sur la base de ce que

  3   vous dites. Vous n'avez aucune autre responsabilité ici.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avant de poser au

  5   témoin des questions au sujet de ce document, il serait bon que vous disiez

  6   à l'avance aux Juges de quoi traite ce document pour commencer, et quel est

  7   la nature de la déclaration qu'a donnée cet homme, et devant qui il a fait

  8   cette déclaration.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Toutes mes

 10   excuses. Cette déclaration a été faite par Suad Sabic pendant la guerre,

 11   plus précisément le 25 août 1992, aux organes officiels du poste de police

 12   de Banja Luka. Oui, oui, il s'agit du poste de sécurité de Sanski Most et

 13   des services de Sécurité de Banja Luka.

 14   Dans cette déclaration, il dit tout ce qui se passait dans les

 15   communautés locales musulmanes avant la guerre et au début de la guerre, et

 16   a dit qu'après la guerre il a été nommé au poste de procureur public à

 17   Sanski Most, donc dans la même localité mais qui, désormais, faisait partie

 18   de la Fédération croato-musulmane, puisque c'était après la guerre. Et

 19   "Walter" publie ce qu'il publie ici dans ce journal en accusant cet homme

 20   d'être un traître aux Musulmans, parce qu'il a communiqué aux autorités

 21   publiques certaines choses indésirables.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc ce que nous avons ici sous les yeux

 23   est une publication due à un certain "Walter" ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Exact. "Walter" publie un document que l'armée

 25   musulmane a découvert dans les locaux du poste de sécurité publique au

 26   moment où les Musulmans ont pris le contrôle de Sanski Most. Ils ont trouvé

 27   ce document. Ils l'ont transmis à des journalistes, donc à un journal, et

 28   il qualifie cet homme de traître aux Musulmans.

Page 1050

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous n'êtes pas en possession de

  2   cette déclaration faite en 1992 ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Manifestement, ce document est resté dans les

  4   locaux de la police de Sanski Most. L'armée musulmane a investi les lieux

  5   et a communiqué ce document à un certain moment au journal que nous voyons

  6   là pour publication.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais alors, quelle est la question que

  8   vous posez au témoin, M. Zulic ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, il figure ici des noms qui ont fait

 10   l'objet de questions de ma part posées il y a quelques instants. Et dans sa

 11   déclaration consolidée, numéro 718, le témoin emploie un mot pour qualifier

 12   certaines de ces personnes. Il ne les appelle pas extrémistes, mais il les

 13   appelle membres de l'élite intellectuelle de la communauté musulmane de

 14   Sanski Most. Donc c'est tout à fait pertinent, car on retrouve dans ce

 15   document tous les noms qui ont fait l'objet de mes questions tout à

 16   l'heure.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il y a quelques instants, le témoin

 18   a déclaré ne rien savoir au sujet de l'armement des Musulmans. Donc quel

 19   est l'objectif que vous poursuivez en répétant ces questions ? Est-ce que

 20   vous pourriez établir un lien direct entre vos questions et le témoin ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Zulic, les caractères sont très petits, donc permettez-moi de

 24   vous donner lecture du passage et de vous poser ma question.

 25   "Pendant le fonctionnement des accords interpartis, s'agissant de

 26   choisir les cadres de certaines entités, j'avais à l'idée la nomination du

 27   procureur public, parce que le président du conseil exécutif devait être

 28   remplacé mais je n'avais pas à l'esprit un candidat en particulier. Il

Page 1051

  1   était envisagé que ce remplacement du commandant de la Défense territoriale

  2   Nijazevic soit effectué par le commandant de polie Enver Burnic, parce que

  3   certains n'étaient pas contents de son travail."

  4   Il faudrait que je vous rappelle quelque chose. Dans une partie de votre

  5   déclaration écrite, vous avez dit que le Parti démocratique serbe, le SDS,

  6   avait remporté la majorité à Sanski Most, n'est-ce

  7   pas ? Ceci est-il exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que le SDS était le seul à exercer le pouvoir à Sanski Most, ou

 10   est-ce qu'il a partagé le pouvoir avec les Musulmans et les Croates ?

 11   R.  Je ne sais pas qui était au pouvoir. Tout cela pour moi était

 12   identique.

 13   Q.  D'accord. Très bien. Mais est-ce que vous niez le fait que le président

 14   du conseil exécutif était un Musulman, que le chef du poste de police était

 15   un Musulman, et que le président du tribunal était un Musulman ainsi que le

 16   commandant de la Défense

 17   territoriale ?

 18   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas qui était quoi et qui faisait quoi. Je

 19   ne saurais rien ni affirmer ni nier. Comment est-ce que je peux vous

 20   expliquer la situation ? Je sais qu'Enver Burnic, c'est certain, était le

 21   chef de la police, puis Karabeg - et cet autre homme, je cherche son nom,

 22   le commandant de la Défense territoriale Nijaz --

 23   Q.  Halilovic ?

 24   R.  Oui. Il était commandant de la Défense territoriale ou pas, je ne le

 25   sais pas vraiment. Je n'en suis pas sûr. Peut-être qu'il l'était, peut-être

 26   qu'il ne l'était pas. Je ne voudrais pas nier quelque chose ou affirmer

 27   quelque chose sans le savoir.

 28   Q.  Très bien. Mais quoi qu'il en soit, il s'agit d'éléments de notoriété

Page 1052

  1   publique. Et qu'en est-il de Draganovic, est-ce que vous savez qu'il

  2   présidait le tribunal ? Est-ce que ceci est bien le cas ?

  3   R.  Oui. J'ai toujours dit ce que je savais. C'est mon devoir de dire ce

  4   que je sais devant cette Chambre de première instance. Donc lorsque je sais

  5   quelque chose, je peux vous le dire.

  6   Q.  Très bien.

  7   [Le conseil de la Défense se concerte]

  8   M. KARACZIC : [interprétation]

  9   Q.  Très bien. Je vais essayer d'aller assez vite. Je ne vais pas vous lire

 10   tout l'article, mais certains extraits de cet article paru dans ce journal

 11   musulman qui est paru le 16 mai 2001. Il y est écrit que :

 12   "Les cellules de Crise ont été créées aussi bien au niveau central

 13   qu'au niveau local à Sanski Most, parmi les Musulmans, de façon à ce que le

 14   peuple puisse s'organiser, s'armer, et que soit assuré le fonctionnement du

 15   pouvoir souverain en Bosnie-Herzégovine, pouvoir qui a été choisi par les

 16   Musulmans."

 17   Savez-vous qu'il existait une cellule de Crise musulmane ?

 18   R.  Je ne sais pas.

 19   Q.  Un peu plus loin, nous lisons que :

 20   "Les pourparlers avec le Parti démocratique serbe ont eu lieu avec

 21   pour seul objectif de faire durer les choses et de gagner du temps."

 22   Est-ce que vous savez cela ?

 23   R.  Tout ce que j'ai fait, c'est entendre la transmission à la radio d'une

 24   séance du conseil municipal. Mais des pourparlers, non, cela n'a pas été

 25   dit dans cette émission de radio. Nous, simples mortels, n'avions pas accès

 26   à ce genre d'information.

 27   Q.  Ici, il est dit que :

 28   "Au niveau du MUP, donc au niveau du ministère de l'Intérieur de la

Page 1053

  1   Bosnie-Herzégovine, en passant par Ismet Sarcevic, des contacts ont été

  2   établis, des contacts directs avec le commandant musulman de la Défense

  3   territoriale, Hasan Efendic --

  4   R.  Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges --

  5   Q.  Mais dites simplement si vous êtes au courant ou pas.

  6   R.  Je ne sais pas exactement ce qu'on me demande. Peut-être serait-il

  7   préférable d'interroger soit Sabic ou Ismet Sarcevic.

  8   Q.  M. Suad Sabic affirme que le SDA de Sanski Most avait un lien au niveau

  9   régional avec le SDA de Prijedor et de Kljuc et que le président du SDA de

 10   Sanski Most, Faik Biscevic, avait un lien avec la Croatie, et que c'est

 11   grâce à ce contact qu'il obtenait des armes et des explosifs. Est-ce que

 12   vous étiez au courant de cela ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Est-ce que vous affirmez que cet homme, Suad Sabic, aurait pu être au

 15   courant de cela ?

 16   R.  Comment est-ce que je pourrais confirmer cela ? Comment est-ce que je

 17   pourrais savoir ce qu'il savait ou ne savait pas ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, passez à votre

 19   question suivante.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  M. Suad Sabic affirme qu'une voiture de police appartenant au chef du

 22   poste de police de Sanski Most, Enver Burnic, avec Ismet Sarcevic et Adil

 23   Draganovic, est allée à un endroit où de l'argent qui était transporté à

 24   bord de ce véhicule a pu servir à acquérir des armes, donc que ces hommes

 25   sont allés à bord de cette voiture jusqu'à un endroit où étaient regroupées

 26   les armes du SDA et qu'ils ont obtenu des armes. Est-ce que vous auriez

 27   peut-être entendu parler de cela ? Je ne parle pas nécessairement de la

 28   période qui a précédé votre détention, mais est-ce que peut-être vous

Page 1054

  1   auriez ensuite, y compris, entendu Burnic vous dire quelque chose sur ce

  2   sujet lorsque vous étiez en prison ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Il ne s'est pas vanté, il ne vous a pas dit qu'il avait accompli des

  5   actes de ce genre ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Mais c'est ce même Burnic qui dirigeait la "milicija" locale, n'est-ce

  8   pas, le poste de police ?

  9   R.  Si vous pensez à Enver Burnic, alors c'est bien lui.

 10   Q.  C'est exact, c'est bien lui. Donc M. Sabic poursuit en disant qu'à

 11   Sanski Most, avant le début du conflit, au moins un millier d'armes ont été

 12   recueillies auprès des Musulmans de Sanski Most, un millier de fusils. Est-

 13   ce que vous saviez cela ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Vous avez acquis, pour votre propre compte et en utilisant votre argent

 16   personnel, un fusil mitrailleur M-84, n'est-ce pas, connu sous le surnom de

 17   mort des Serbes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que cette arme vous a coûté chère ?

 20   R.  Non, 500 marks allemands, avec dix balles. Je l'ai achetée à un Serbe.

 21   Q.  Puisque nous sommes sur ce sujet, vous avez dit que c'est à Humrovci,

 22   n'est-ce pas -- ou quel était le nom du lieu que vous avez évoqué,

 23   Husinovci ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  C'était dans un café ?

 26   R.  Oui, le café Mirage.

 27   Q.  Husinovci est une localité pratiquement à 100 % musulmane, n'est-ce pas

 28   ?

Page 1055

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Donc comment est-ce que ce Serbe ivre a osé pénétrer dans une localité

  3   presque entièrement musulmane pour proposer une arme à l'achat dans cette

  4   période de crise ?

  5   R.  Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est ma

  6   responsabilité de répondre. Il n'y avait pas de crise, parce que je dois

  7   vous expliquer ce qui se passait pour que vous puissiez bien comprendre la

  8   situation. Husinovci et Suhaca sont deux villages. La JNA, l'armée

  9   régulière, est arrivée à Suhaca, l'armée d'occupation s'est installée là

 10   pour protéger les Serbes et leur distribuer des armes et les aider, en

 11   réalité. Et cette armée était sous la conduite du capitaine Zeljaja, et cet

 12   homme est arrivé et a dit, Monsieur, vous allez avoir besoin de ceci. On

 13   était déjà au mois d'avril. J'ai vu tout cela de mes propres yeux. Il a

 14   déclaré qu'il avait auparavant -- qu'il s'était battu sur les fronts de

 15   Croatie et qu'il pouvait se déplacer en toute liberté. Il pouvait entrer

 16   dans tous les cafés musulmans s'il le souhaitait. Il n'y avait pas de crise

 17   qui vaille, comme l'a dit M. Karadzic. Contrairement à ce qu'il a dit, nous

 18   n'étions pas en crise. Il n'y avait pas de crise. Juste après le 15 ou le

 19   13 mai, et jusqu'au début du pilonnage des localités musulmanes, ces

 20   soldats étaient considérés - comment est-ce que je pourrais le dire --

 21   Q.  Monsieur Zulic, je dois vous interrompre --

 22   R.  Mais je n'ai pas fini, Monsieur Karadzic --

 23   Q.  Bien, d'accord, mais alors je devrais demander aux Juges de la Chambre

 24   de m'accorder un temps supplémentaire --

 25   R.  Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il m'a posé une

 26   question. Il m'a demandé d'expliquer comment cet homme a eu le courage de

 27   circuler dans le village, et j'essaie d'expliquer. Jusqu'au 15 mai, il n'y

 28   avait pas de conflit. Maintenant, ce qui se faisait sur le plan politique

Page 1056

  1   en coulisse, je ne le sais vraiment pas, mais je sais que ces soldats se

  2   déplaçaient en toute liberté, pouvaient entrer dans tous les cafés et

  3   circulaient partout où ils le voulaient dans ces localités.

  4   Q.  Puis-je poursuivre ? Monsieur Zulic, je cite vos propres propos, vos

  5   propres mots. Vous avez parlé du 15 mai 1992, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Mais à un autre endroit de votre déclaration, vous avez affirmé que la

  8   crise avait commencé avec la proclamation de l'indépendance de la Slovénie,

  9   qui avait été le point de départ de tout ce qui s'est passé ensuite, aussi

 10   bien de ce qu'on pouvait dire dans les médias que de la dégradation des

 11   rapports interethniques sur le plan humain, et de la méfiance, et cetera,

 12   et cetera. C'est vous qui l'avez dit, pas moi.

 13   R. Oui, c'est ainsi que la situation s'est développée d'après les médias.

 14   Il y avait une méfiance qui se généralisait. Mais ce que j'ai dit c'est que

 15   les Serbes et les Musulmans continuaient à se fréquenter. Ils s'asseyaient

 16   aux terrasses des cafés ensemble jusqu'au début des bombardements, des

 17   pilonnages, et c'est ce que je n'ai cessé de dire tout le temps. Je sais ce

 18   que j'ai dit. Je n'ai pas dit que les Serbes n'avaient pas le courage

 19   d'entrer dans un café tenu par des Musulmans ou que les Musulmans n'avaient

 20   pas le courage d'entrer dans un café tenu par les Serbes.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, nous allons

 23   maintenant faire la deuxième pause de 25 minutes.

 24   --- L'audience est suspendue à 17 heures 24.

 25   --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Une chose, Monsieur le Président.

 28   Plusieurs documents de la Défense n'ont pas de traduction correcte. En tout

Page 1057

  1   cas, c'est ce qui a été repris dans le prétoire électronique. Est-ce qu'on

  2   peut y remédier de façon à ce que nous ayons la bonne traduction le plus

  3   vite possible. Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Votre demande a été communiquée à

  5   Défense, n'est-ce pas ?

  6   Mme SUTHERLAND: [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  8   Veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic. Mais je

  9   vous rappelle qu'il est inutile de revenir sans cesse sur des points à

 10   propos desquels le témoin n'a aucune connaissance, parce que la question

 11   que vous posez ce n'est pas un élément de preuve. Poursuivez.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Votre Excellence. Ce que je voudrais,

 13   c'est de vous demander fort aimablement de m'accorder quelques minutes une

 14   fois que le témoin sera parti à la fin de l'audience d'aujourd'hui pour

 15   vous expliquer quelles sont au juste mes intentions, et je ne peux le dire

 16   qu'en l'absence du témoin.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Zulic, dans votre déclaration, aux paragraphes 30, 32 et 41,

 19   vous affirmez qu'il n'y a pas eu de Bérets verts à Sanski Most. Or, moi, je

 20   me propose à présent de demander un document de la Défense, 1D30, à

 21   l'affichage électronique, et je demande les pages 1 à 5 pour vous demander

 22   de vous pencher dessus et de faire en sorte que nous le commentions

 23   ensemble. Alors, est-ce qu'on peut nous montrer le document D130, document

 24   de la Défense. On peut d'abord rester quelques instants à la page 1.

 25   Monsieur Zulic, est-ce qu'il est bien dit ici que Zilhad Kljucanin et Hazim

 26   Akmadzic ont bien rédigé un livre intitulé : "C'est un crime que d'oublier

 27   un crime, Sanski Most en guerre, de 1992 à 1995". Et c'est publié en 1998.

 28   C'est écrit tout à fait en bas.

Page 1058

  1   R.  Oui. Zilhad Kljucanin, je peux le dire. Mais je sais que Zilhad

  2   Kljucanin, Madame, Monsieur les Juges, je sais que ce n'est pas Zilhad,

  3   c'est Nihad, son frère, qui l'a rédigé. Nihad. Et lui, il se trouve à

  4   Sarajevo. Et lui, il est écrivain de par sa profession, alors que Zilhad,

  5   il est économiste juriste.

  6   Q.  Bon. Je ne veux pas contester et me disputer à ce sujet. C'est une

  7   copie de l'original du livre. Je voudrais maintenant que nous quittions

  8   cette première page de garde et que nous nous référions aux pages 1 à 5,

  9   tant pour ce qui est des variantes de la version serbe que de la version

 10   anglaise.

 11   Monsieur Zulic, je me propose de donner une version abrégée. Les Bérets

 12   verts, pour ce qui est de Sanski Most, ont été organisés à Vrhpolje,

 13   Hrustovo, Trnovo, et Kamengrad. Passez-nous la page d'après, je vous prie.

 14   Ça se rapporte à la Bosnie tout entière, et cela n'est pas si pertinent

 15   pour ce qui est de ce témoin-ci. Alors, page suivante, je vous prie.

 16   Ici, dans la partie cernée on voit :

 17   "En parallèle avec les unités régulières de la JNA et des formations

 18   paramilitaires chetniks, à l'initiative de certains individus et du Parti

 19   de l'Action démocratique, on a commencé à collecter des armes pour former

 20   de petits groupes de frappe au combat sous le patronat de l'organisation

 21   'Bosna Zelena Beretke', Bérets verts. Un tel groupe est intervenu dans la

 22   même ville, alors que des groupes autres ont été rapidement organisés à

 23   Vrhpolje, Trnovo, Hrustovo, et Kamengrad."

 24   Vous le voyez ?

 25   R.  Oui, je le vois. 

 26   Q.  "Vrhpolje c'était quelque chose de spécifique."

 27   Ça, c'est la phrase qui suit et dont on voit le début, tout en bas. Alors :

 28   "Vrhpolje, par bien des égards, constitue un élément spécifique."

Page 1059

  1   Veuillez tourner la page, s'il vous plaît.

  2   On voit à la page d'après - je vais être bref.

  3   "La collecte des fonds pour l'achat d'armement a commencé en fin 1991. Les

  4   armes ont été achetées de façon intense pendant les mois de janvier et

  5   février 1992. D'après les propos d'Ifet Hukanovic --" Vous connaissez Ifet

  6   Hukanovic ?

  7   R.  Je ne le connais pas en personne. J'en ai entendu parler.

  8   Q.  Alors, "Ifet Hukanovic, l'un des organisateurs des achats d'armes est

  9   l'un des hommes-clés pour ce qui est de la résistance des habitants de

 10   Vrhpolje. Il a été commencé avec les entraînements de façon intense, en

 11   parallèle avec les premières frappes de l'agresseur sur Sarajevo", n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  Ça, je ne le sais pas.

 14   Q.  "Les événements d'avril de 1992 ont été accueillis par les habitants de

 15   Vrhpolje avec quelque 300 villageois armés, essentiellement des hommes

 16   jeunes, en parallèle avec l'évolution des événements qui ont suivi

 17   l'occupation de Sanski Most, dont il va être question dans un chapitre à

 18   part. Il a été procédé à des préparatifs intenses en vue d'une résistance.

 19   Et dès le début du mois d'avril, on a bloqué les voies de circulation en

 20   direction du village. Autour du village, on a posé des gardes armés et il y

 21   a eu des patrouilles qui ont été désignées pour surveiller le déplacement

 22   de l'ennemi et contrôler le territoire tout entier."

 23   Monsieur, est-ce que vous en savez quelque chose, ou est-ce que vous

 24   continuez à nous affirmer qu'il n'y a pas eu de Bérets verts ?

 25   R.  J'affirme ce que j'ai vu, à savoir qu'il n'y a pas eu de Bérets verts.

 26   Pour ce qui est de Vrhpolje, il y a eu des hommes en armes. Ça, j'en ai

 27   entendu parler après la guerre. J'ai entendu parler d'une résistance. Mais

 28   les Bérets verts, je ne les ai pas vus, et je ne peux pas parler de ce que

Page 1060

  1   je n'ai pas vu. Je ne peux pas en parler puisque nous, on avait des

  2   déplacements limités.

  3   Q.  Merci.

  4   R.  Attendez que je termine, parce que si on laisse inachevées des phrases,

  5   on a l'impression que je dis des choses à tort et à travers. Nous autres,

  6   Musulmans, en avril déjà, on a eu des déplacements limités.

  7   Q.  On y viendra.

  8   R.  Et Vrhpolje, c'est à 15 kilomètres de Sanski Most. Trnovo c'est de

  9   l'autre côté de la rivière Sana, ce qui fait que je ne peux pas vraiment

 10   parler de ces localités. S'il y en a eu, je veux bien, mais je sais que

 11   dans mon village il n'y en a pas eu.

 12   Q.  Monsieur Zulic, vous n'avez pas à vous défendre. Je ne vous mets pas en

 13   accusation. Ce que je veux dire, c'est que vous n'avez pas dit : Je ne sais

 14   pas. Aux paragraphes 30, 32 et 41, vous dites qu'il n'y en a pas eu. Vous

 15   ne dites pas que vous ne saviez pas.

 16   R.  J'ai dit qu'il n'y en avait pas dans mon village. Ne déformez pas la

 17   vérité de mes propos. Il n'y en a pas eu en ville, il n'y a pas eu de

 18   combat. A Vrhpolje, oui.

 19   Q.  Alors, écoutez --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Monsieur Karadzic.

 21   Monsieur Zulic, voudriez-vous avoir votre déclaration préalable sous les

 22   yeux ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais ce qui est écrit dans ma déclaration.

 24   J'affirme à chaque fois qu'il n'y a pas eu de Bérets verts. Ceux qui ont

 25   organisé quelque chose là-bas, à ma connaissance - je dis bien à ma

 26   connaissance, comprenez-le bien - je ne sais pas, parce que je n'étais pas

 27   partie prenante pour ce qui est des formations militaires, je n'étais

 28   intégré à aucune espèce d'armée régulière.

Page 1061

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  2   Si vous souhaitez à un moment donné relire ce que vous avez déclaré

  3   dans votre déclaration préalable, n'hésitez pas à le dire.

  4   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je voudrais vous rappeler, Monsieur, dans votre déclaration consolidée

  8   718, paragraphe 30.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on fasse en sorte que le témoin

 10   reçoive cette page-là.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous -- 

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Nous n'avons pas la version B/C/S de ce

 13   document. Peut-être que grâce au prétoire électronique, il pourra le voir à

 14   l'écran.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il faudra lui lire exactement le passage

 17   précis.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas de traduction --

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, il faudra que ce soit la

 20   cabine d'interprétation qui interprète ces propos.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je peux en donner lecture, Madame et

 22   Messieurs les Juges, si vous le permettez.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais lire en anglais, et qu'on traduise au

 25   témoin.

 26   "Le 26 mai 1992, une nouvelle annonce a été faite à la radio, à radio Sana,

 27   disant que les Musulmans devaient restituer et rendre toutes leurs armes et

 28   que les Bérets verts, dont les noms ont été lus, devraient eux aussi se

Page 1062

  1   rendre. Il y avait parmi eux Osman Talic, Nihad Kljucanin, Redzo

  2   Kurbegovic, Fudo Kurbegovic, Vahid Badnjevic, Mehmed Derviskadic, Asim

  3   Bajric, entre autres. Il n'y a jamais eu de Bérets verts à Sanski Most. Il

  4   n'y avait pas non plus des membres de l'armée musulmane à Sanski Most non

  5   plus; ça aurait été impossible. C'est plus tard que j'ai entendu dire qu'il

  6   y avait quelques Musulmans armés autour de Vrhpolje et qu'il y avait eu des

  7   affrontements. Je n'ai aucune connaissance personnelle me permettant de

  8   dire que l'un quelconque des Musulmans qui viennent d'être cités aurait

  9   participé à une résistance armée. Au contraire, ces personnes ont été

 10   sélectionnées, parce que c'étaient des intellectuels musulmans de premier

 11   plan et des gens affluents."

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Voyons maintenant ce qu'on dit au 32 de votre déclaration. C'est la

 14   date du 26, 27 mai. Vous serez d'accord avec moi pour dire que ce sera une

 15   date importante.

 16   [Le conseil de la Défense se concerte]

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Comme ça nous est resté frais en mémoire, là au niveau du 30 vous avez

 19   retenu les noms ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous affirmez encore que c'est des intellectuels du groupe

 22   ethnique musulman et qu'ils n'ont pas fait ce qu'on leur a attribué ici ?

 23   R.  Pour autant que je le sache, c'étaient des intellectuels musulmans.

 24   Q.  Oui, mais certains d'entre eux avaient assumé des fonctions publiques,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Redzo Kurbegovic, oui. Fajdo Badnjevic [phon], Osman Talic, eux ils

 27   n'ont accompli aucune fonction. Osman avait un magasin d'électricien. Je ne

 28   sais pas s'il a exercé des fonctions. L'autre, il avait un restaurant à

Page 1063

  1   lui. Pour ce qui est du troisième, je ne sais pas quelles étaient ses

  2   fonctions. Vraiment pas. Mehmed Derviskadic, c'était un médecin.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que le document D131 de la

  4   Défense nous soit montré sur nos écrans. C'est le même livre, mais nous

  5   sommes en train de vouloir vous montrer la page 5 de ce même document.

  6   C'est la continuation de ce que nous dit la page 4. Mais restons dans

  7   l'encadré rouge en version serbe.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  "Kamber a réussi à se procurer une certaine quantité d'explosifs

 10   en fin 1991 et début 1992. En plus de ces deux-là, sont intervenus en

 11   collecte de fonds et achats d'armes, il y a eu encore Emir Seferovic, Mesud

 12   Begic Sudo, Redzo Kurbegovic" - c'est le Redzo que vous avez mentionné -

 13   (expurgé) "Enver Hurlic, Nedzad Muhic, Faik

 14   Biscevic, Mirzet Karabeg," c'est le président du conseil exécutif de notre

 15   municipalité commune, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne sais pas s'il était président du conseil exécutif ou -- j'ai déjà

 17   dit que je ne savais pas.

 18   Q.  Excusez-moi. Puis on dit : "…Husein Efendi Kovacevic". C'est l'imam.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc il l'a fait lui aussi. Puis "Arif et Ifet Hukanovic" --

 21   R.  Mais posez-moi votre question.

 22   Q.  Je vous poserai ma question. Je n'ai pas fini avec les noms. "Rifet

 23   Bahtic" -- au compte rendu il manque Husein Efendi Kovacevic, qui était le

 24   prêtre, l'imam musulman local, et le témoin a confirmé que c'était le

 25   hodza, l'imam. Rifet Bahtic, Ilijaz Kuselj, Ismet Sarcevic, Nihad

 26   Kljucanin, Osman Talic, Fikret Majdankic et Adem Krehic. Est-ce que vous

 27   les connaissez ?

 28   R.  Certains oui, certains non.

Page 1064

  1   Q.  Vous avez entendu parler d'eux quand même ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ce qu'il importe ici, c'est de souligner le fait qu'à Sanski Most il

  4   n'était pas clairement indiqué de quelle façon et comment utiliser les

  5   groupes armés des Bérets verts, d'abord parce que les communications

  6   étaient rendues difficiles avec le centre régional et le centre de

  7   Sarajevo. Donc il y avait un centre régional pour la Krajina et il y avait

  8   un centre au niveau de la république qui se trouvait à Sarajevo. La raison

  9   de ces communications difficiles, il fallait la rechercher dans les

 10   contrôles renforcés de la part de l'armée et de la police. Vous avez dit

 11   vous-même qu'il y a eu des contrôles et que l'armée avait contrôlé tout un

 12   chacun, et on voit maintenant pourquoi.

 13   "Il y avait la surveillance, la sécurité de l'Etat et de la sécurité

 14   militaire, notamment dans les segments de la République de Bosnie-

 15   Herzégovine où il y avait des activités politiques très manifestes pour ce

 16   qui est d'une prise de conscience ethnique, d'appartenance ethnique des

 17   Bosniens."

 18   L'auteur en est un Musulman, enfin, deux Musulmans. L'un est

 19   originaire de Sanski Most. Au moins un est de Sanski Most, et peut-être les

 20   sont-ils tous les deux.

 21   Vous nous dites qu'il n'y a pas eu d'organisation de Bérets verts, qu'en

 22   dites-vous maintenant ?

 23   R.  D'abord ça, je n'en sais rien. Moi, je vous dis quelles sont mes

 24   connaissances, et de façon permanente j'affirme que je ne faisais partie

 25   d'aucune espèce d'organisation, Madame, Messieurs les Juges. Donc je ne

 26   faisais pas partie de cette grande élite. Et si j'avais eu des armes, je ne

 27   les ai pas reçues ni du SDA, mais j'ai acheté cela avec mon argent. Ça n'a

 28   pas été donné par la JNA. La JNA distribuait les armes aux Serbes.

Page 1065

  1   Q.  Non. Je ne vous ai pas posé cette question. Je ne vous mets pas en

  2   accusation.

  3   R.  Mais comment voulez-vous que je sache ? Je ne l'ai pas vu. Je ne peux

  4   pas confirmer avoir vu, par exemple, un Béret vert. Je sais ce que c'est

  5   qu'un Béret vert. Je ne suis pas daltonien.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, la Chambre va

  7   surveiller pour voir si le témoin répond bien à vos questions, mais sinon

  8   vous n'avez pas à l'interrompre. Il faut que vous le laissiez terminer.

  9   Oui, Maître Sutherland.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il faudra une expurgation du compte rendu

 11   d'audience. Page 66. Nous avons indiqué un courrier électronique au

 12   greffier pour indiquer quel est le passage à expurger.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, faites attention,

 14   s'il vous plaît, lorsque vous mentionnez ou parlez d'un témoin protégé.

 15   Ce sera fait, Madame Sutherland.

 16   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Qui est-ce qui est protégé ? Excusez-moi. Ça

 18   n'a pas été fait de façon intentionnelle.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, s'il vous plaît.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Je voudrais expliquer seulement, je n'affirme pas que vous avez été de

 22   cela, Monsieur, je n'affirme pas que vous le saviez. Mais dans votre

 23   déclaration, vous avez parlé de façon catégorique, comme si vous le saviez.

 24   Vous avez dit : "Il n'y en avait pas," or il faut qu'on jette de la lumière

 25   sur cet élément-là. Vous ne pouvez pas dire qu'il n'y en a pas eu, donc,

 26   or, de façon très explicite et autoritaire, vous avez dit qu'il n'y en a

 27   pas eu. Dans un document de la Défense, à savoir 1D31, page 6, affichage

 28   électronique, il est dit que --

Page 1066

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir cette page sur nos

  2   écrans, s'il vous plaît.

  3   M.KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Il est dit que les agents du renseignement avaient eu vent de

  5   l'armement et de l'organisation des Musulmans qui se produisait à Sanski

  6   Most. C'est le même document, 1D31. Maintenant, ce que je demande, c'est la

  7   page 6.

  8   R.  Est-ce que je peux répondre au sujet de ce Sanski Most ? M. Karadzic

  9   dit que j'avais affirmé de façon explicite. Je répète pour la troisième

 10   fois que je n'ai pas vu et je ne sais pas s'il y a eu des Bérets verts.

 11   C'est une autre chose maintenant que de savoir qu'un livre a été publié

 12   après la guerre; c'est tout à fait autre chose, de là à savoir ce que les

 13   uns ou les autres ont écrit. M. Karadzic, de façon tenace, essaie de mettre

 14   des propos dans ma bouche et me faire dire que j'étais au courant. Je ne

 15   peux pas confirmer des choses que je n'ai pas vues. Il n'y a pas eu dans

 16   mon village de Bérets verts à être passés. Donc moi, je ne les ai pas vus.

 17   Je n'étais membre d'aucune espèce d'organisation. Je n'étais membre

 18   d'aucune résistance organisée, et je l'ai confirmé. Je n'étais membre

 19   d'aucun parti. Je ne faisais pas de la politique, et je ne voudrais pas que

 20   l'on débatte de ces noms. Mais ces noms, moi, je les connais à peu près

 21   tous, et on commence maintenant à énumérer aussi, je peux vous énumérer des

 22   Serbes que je connaissais. Parce que Sanski Most est une ville de 30 000

 23   habitants, mais le noyau de la ville c'était 5 ou 6 000 personnes, ce qui

 24   fait qu'on se connaissait pratiquement tous. Les Serbes, les Croates, les

 25   Musulmans, on se connaissait tous entre nous. Mais nous ne savions pas à

 26   l'époque qui était Serbe, Musulman ou Croate. Nous, on se connaissait plus

 27   par nos surnoms que par nos noms de famille. Je vous demande, à cet effet,

 28   de faire en sorte que ce type de chose qu'on vise à me reprocher ne me soit

Page 1067

  1   pas reproché. Je veux bien parler de ce qui s'est passé avec moi, ce que

  2   j'ai fait. Ce que Mijac [phon] a fait et ce que Redzo Kurbegovic avait fait

  3   derrière les coulisses, je ne le sais pas. Ils ne me présentaient pas de

  4   rapports, ces gens-là. S'ils m'avaient présenté des rapports, je vous

  5   l'aurais rapporté, pour sûr, moi-même.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Zulic.

  7   Monsieur Karadzic, veuillez passer à la question suivante.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Votre Excellence. Je voudrais que le

  9   témoin se sente rassuré je ne l'accuse d'avoir rien fait. Il avait dit que

 10   ce n'était pas possible, or cette déclaration a été versée au dossier et la

 11   chose doit être expliquée. Est-ce qu'il ne sait pas ou est-ce qu'il

 12   l'affirme qu'il sait que cela n'avait pas été possible.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'affirme que cela n'avait pas été possible.

 14   Personne ne portait un béret vert sur la tête, je vous l'affirme. Parce

 15   qu'au mois de juin, on avait placé - en 1991 je veux dire - des postes de

 16   contrôle, et l'armée, la JNA de l'époque, contrôlait à ces barrages

 17   routiers.

 18   A partir de janvier 1992, c'est plutôt l'armée serbe et la police

 19   serbe qui avaient repris la chose, parce que les Musulmans et les Croates

 20   ont été éloignés de ces postes de contrôle. Tous les véhicules étaient

 21   contrôlés. Tous étaient contrôlés. Qui faisait quoi, je ne le sais pas.

 22   Mais moi, je n'ai jamais vu de béret vert. Pour la première fois j'ai vu un

 23   couvre-chef vert était lorsque je suis allé vers l'Allemagne. J'ai vu un

 24   douanier allemand à la frontière entre l'Autriche et l'Allemagne, et c'est

 25   là que j'ai dit : Voilà un béret vert. Ça c'est ce que je vous dis et ce

 26   que je vous affirme. C'est là que j'ai vu un couvre-chef. Quand on dit

 27   béret vert, c'est un couvre-chef de couleur verte.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux continuer, Monsieur le

Page 1068

  1   Président ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je voudrais que vous passiez à un

  3   autre sujet.

  4   M.KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Nous avons une page 6 de ce document. Je vous rappelle une fois

  6   de plus que vous n'avez pas à vous défendre. Je ne m'attaque pas à vous. Je

  7   m'attaque à des affirmations que vous avez faites, pas à vous. Au

  8   paragraphe 19, vous dites qu'il n'y a pas eu de résistance organisée du

  9   tout. Or moi, je dois démontrer qu'il y en a eue, parce que votre

 10   témoignage est très important. Penchons-nous sur cette page 6 de ce

 11   document, et il est dit, dans le cadre rouge :

 12   "S'agissant de cette période, il se peut que la chose la plus

 13   importante ait été les activités de leurs instances du renseignement," il

 14   parle de la JNA, "et cela illustre avec combien de sérieux ils s'étaient

 15   préparés. En effet, à partir du tout début des préparatifs à la résistance

 16   armée, tous les militants et organisateurs étaient sous le contrôle directe

 17   des agents du renseignement serbes."

 18   Alors là, la JNA c'était la seule force armée légitime et légale qui

 19   prend soin du fait de savoir qui est-ce qui possède des armes, où est-ce

 20   qu'il y a organisation des uns ou des autres sur des bases illégales. Il

 21   serait bon maintenant de voir ce qu'en disent les agents du renseignement

 22   serbes dont nous parle ce passage. Or, il s'agit ici d'un document de la

 23   Défense qui est le D18 -- 1D8, pardon, ID8.

 24   Mme SUTHERLANLD : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le

 25   Président, d'intervenir.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   Mme SUTHERLANLD : [interprétation] Est-ce que M. Karadzic pouvait

 28   s'abstenir de faire des commentaires. Est-ce qu'il ne pourrait pas plutôt

Page 1069

  1   poser des questions.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il l'a lui-même reconnu, il n'a

  3   pas encore l'habitude. Espérons qu'il va affiner ses compétences au fil du

  4   temps.

  5   Gardez-le à l'esprit. Est-ce que nous avons le document évoqué, le

  6   document 1D8 ?

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Ici, nous voyons un rapport qui vient d'un de ces agents du

  9   renseignement de la JNA. La date c'est celle du 7 mars 1992. C'est à cette

 10   date-là que la JNA se trouvait encore en Bosnie. Je vais vous lire ceci :

 11   "D'après des informations qui ont été vérifiées, dans la région de Sanski

 12   Most, plusieurs individus ont été observés qui portaient l'uniforme des

 13   Bérets verts à proximité de Sanski Most et qui circulaient librement dans

 14   les zones habitées. Chacun de ces hommes portait l'insigne du croissant et

 15   de l'étoile au béret, était équipé de fusil automatique et était assez

 16   agressif. Parmi ces Bérets verts mentionnés, il y avait notamment les

 17   frères Arif et Izet Huranovic de Vrhpolje, qui étaient à l'avant-plan de

 18   ces activités.

 19   "A Donji Kamengrad, il y avait eu un rassemblement, et quelque 500 civils

 20   armés ont été observés, parmi lesquels des membres des Bérets verts qui ont

 21   dit que les personnes devaient attaquer le village serbe de Suhaca. D'après

 22   des estimations réalistes, il y avait environ 3 000 de citoyens musulmans

 23   qui détenaient des fusils à canon long, qui faisaient partie du SDA et des

 24   formations armées du SDA. Les principaux responsables des activités du SDA

 25   sont Ismet Sarcevic, un avocat, un juriste."

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)  Il n'y en avait un autre qui était président du

 28   tribunal. Il y avait aussi Revzid Kurbegovic, président du conseil du SDA;

Page 1070

  1   Mirzet Karabeg, président du conseil exécutif de Sanski Most; et Enver

  2   Burnic, commandant de la police de Sanski Most. N'est-il pas juste de dire

  3   que nous avons ici des institutions conjointes, alors que nous sommes

  4   encore à la date du 7 mars ? En d'autres termes, avant la date de la

  5   signature de l'accord de Lisbonne, et un mois avant que la guerre n'éclate

  6   ?

  7   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas grand-chose de tout cela, mais ce que

  8   vous dites de la JNA, vous disiez que c'était la seule armée régulière, à

  9   mes yeux c'était et c'est toujours une force d'occupation. A cette date-là,

 10   ces unités de la JNA occupaient la Bosnie-Herzégovine. C'était une armée

 11   qui occupait un autre Etat, parce que la Bosnie-Herzégovine était reconnue

 12   comme Etat le 1er mars 1991, c'est une première chose.

 13   Puis il dit ici, il parle de 3 000 Musulmans qui attaqueraient le

 14   village de Suhaca. Comment pourraient-ils, tous ces gens, attaquer le

 15   village de Suhaca quand il y avait toute une unité serbe, une unité tout

 16   entière, qui était basée dès janvier 1992 à Suhaca ? Je pense qu'il y a

 17   quelque chose qui cloche ici.

 18   Puis je ne sais pas qui est l'auteur de ce rapport, parce que vous

 19   savez, Madame et Messieurs les Juges, quelqu'un a écrit sur moi, a dit dans

 20   un rapport que moi, j'allais abattre et égorger des Serbes. Donc on a écrit

 21   des choses sur moi, des choses qui n'étaient pas vraies. Si vous voyez ce

 22   rapport ici, je ne peux pas vous dire qui l'a écrit. Qui est-ce Milos qui

 23   l'aurait écrit ?

 24   Q.  Je peux donner une explication.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer quelques

 26   instants à huis clos partiel ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je peux demander au témoin

Page 1071

  1   d'enlever ses écouteurs.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Monsieur Zulic --

  3   [Audience à huis clos partiel]

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 1072

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19   [Audience publique]

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je pourrais donner une explication

 21   avant de revenir en audience publique. Je m'excuse. Je m'excuse, c'est moi

 22   qui ai fait cette erreur, effectivement.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce qu'on était revenu en audience

 24   publique, il faudra repasser à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

 

Page 1073

  1   [Audience publique]

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais lorsque j'ai cité le nom, je me suis rendu

  3   compte en le faisant que cette personne, c'était peut-être aussi un témoin

  4   protégé. Voilà.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne perdez pas ceci de vue à l'avenir.

  6   Nous sommes maintenant en audience publique.

  7   Monsieur Zulic, toutes ces questions concernaient des mesures de protection

  8   accordées à quelqu'un d'autre, pas à vous. Ça n'avait rien à voir avec

  9   vous. Désolé de ce petit problème.

 10   Nous allons maintenant reprendre le fil des débats.

 11   Monsieur Karadzic, poursuivez, s'il vous plaît.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation] 

 14   Q.  Vous voyez, vous mentionnez Suhaca, mais au paragraphe 18 de votre

 15   déclaration, vous dites que les forces serbes n'étaient à Suhaca qu'en

 16   avril 1992, partant de cette information. Elles sont allées là pour assurer

 17   la protection de la population, ce qui veut dire qu'après l'information du

 18   3 mars -- et là, je veux rectifier quelque chose : ce n'est pas le 1er

 19   mars, mais le 6 avril que la Bosnie a été reconnue, et la JNA était la

 20   force armée légitime jusqu'au 19 mai, en vertu d'un accord.

 21   R.  Mais je ne sais pas si c'était une force légitime. Ça, je ne sais pas.

 22   Mais pour ce qui est du mois d'avril, non, ils sont arrivés avant. Il y

 23   avait même des réservistes de Serbie-et-Monténégro, de Bosanski Novi,

 24   aussi. Le Serbe qui m'a vendu l'arme, lui, il venait de Bosanski Novi.

 25   Q.  Très bien. Revenons au paragraphe 18 de votre déclaration. Vous avez

 26   dit qu'à la fin du mois d'avril, les réservistes étaient arrivés à Suhaca.

 27   Je vous rappelle, ils étaient venus en vertu de cet accord. Ils sont

 28   arrivés pour protéger la population, parce qu'on s'attendait à une attaque.

Page 1074

  1   R.  D'abord, cette information était inexacte, elle était fausse. Je vais

  2   vous expliquer. Ils sont venus -- ils venaient de n'importe quel village --

  3   mais écoutez, je vais vous dire quelque chose. Ils voulaient apporter des

  4   armes dans ces villages, ce qu'ils ont fait. Ils ont apporté des armes et

  5   ils les ont données aux Serbes. Alors, comment savaient-ils où la

  6   population était mixte et où elle ne l'était pas ? Comment pouvaient-ils

  7   être sûrs qu'ils n'allaient pas faire une erreur et donner ces armes aux

  8   Musulmans ? Pour le savoir, on avait mis une chandelle allumée à la fenêtre

  9   lorsque les rideaux étaient relevés. Je l'ai vu lorsqu'on a fait une

 10   distribution d'armes lors de la fête de Bajram. Je l'ai vu de mes propres

 11   yeux à Todorovica Sokak. Je voulais me mettre dans la file parce que

 12   j'aurais pu avoir une arme pour rien. Je n'aurais pas eu à débourser 500

 13   marks, mais je ne l'ai pas fait parce que j'avais peur qu'ils me

 14   reconnaissent, et Dieu sait ce qu'ils m'auraient fait s'ils m'avaient

 15   reconnu.

 16   Q.  Monsieur Zulic, là vous ajoutez des choses à ce que je dois faire. Vous

 17   prolongez ce travail, parce que maintenant vous faites des affirmations et

 18   elles ne sont pas justes. Maintenant, vous affirmez savoir quelque chose

 19   qui compromet non seulement la procédure en l'espèce, mais aussi présente

 20   une image différente de ce qui s'est passé sur le terrain. Je vous rappelle

 21   qu'ici ce n'est pas un faux rapport. Ici, nous avons une cote du Procureur.

 22   C'est le Procureur qui a saisi ce document. Ce n'était pas un document

 23   destiné aux médias. C'est un rapport secret établi par un agent du

 24   renseignement, du service du Renseignement.

 25   R.  Oui, mais qu'est-ce que c'est comme document ?

 26   Q.  Ecoutez, passons à autre chose.

 27   Vous l'avez dit vous-même plusieurs fois. Vous l'avez répété. Vous avez dit

 28   que vous connaissiez tout le monde à Sanski Most, et vous connaissiez la

Page 1075

  1   plupart des gens dont j'ai donné le nom. Ecoutez, nous allons tirer au

  2   clair une chose. Lorsque les réservistes sont arrivés à Suhaca, lorsque ce

  3   rapport a été rédigé, pour ce faire nous allons examiner un autre document,

  4   ou plus exactement, nous allons voir ce que vous avez dit --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, parce que Mme Sutherland

  6   voulait intervenir.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce document

  8   a été saisi au CSB de Banja Luka. Je demanderais à M. Karadzic de ne pas

  9   donner son avis sur l'identité de l'officier du renseignement ou du service

 10   pour lequel il travaillait, parce qu'il ne connaît pas cet élément

 11   d'information.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] O.K. Passons à autre chose.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le 7 mars, la Yougoslavie existait toujours en

 14   Bosnie. Il n'y avait pas encore de Republika Srpska. Alors, était-ce un

 15   agent du renseignement militaire ou un agent civil, ils travaillaient de

 16   toute façon pour les services de la Sûreté de l'Etat.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez à la question suivante, ou

 18   plutôt, au sujet suivant.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Effectivement, passons au sujet suivant.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Zulic, au paragraphe 23 de votre déclaration consolidée, vous

 22   déclarez que le 13 mai 1992, les Serbes sont partis de Sanski Most en

 23   direction des montagnes.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Très bien.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher le document 1D30, il a déjà

 27   été montré, mais j'aimerais qu'on montre maintenant la

 28   page 5. Voici donc la page 5 sur nos écrans.

Page 1076

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  On peut y lire que :

  3   "Un affrontement entre formations armées musulmanes sont entrées en

  4   conflit avec l'armée serbe les 14 et 15 avril -- ou plutôt, les 14 et 15

  5   mai 1992, et qu'il se trouvait là environ 300 combattants musulmans armés.

  6   Cette unité était commandée par le défunt Arif Hukanovic, 'rahmetli,'" ce

  7   qui veut dire décédé ou défunt. "Le commandant de la compagnie était Beco

  8   Buljubasic. Sahid Keranovic, le commandant des Bérets verts, était Ifet

  9   Hukanovic."

 10   Alors, précisons bien un point. C'est que cette unité était plus vaste que

 11   les Bérets verts, et qu'au sein même des Bérets verts, il y avait une unité

 12   distincte qui était une espèce de formation avancée. Donc cette formation

 13   était à ce moment-là stationnée à Vrhpolje et comptait des effectifs

 14   respectables, et l'agresseur dans le secteur a évité d'entrer directement

 15   en conflit dans ce secteur qu'il contrôlait. Manifestement, l'ennemi a mené

 16   toutes les opérations dont il est question ici dans l'intention de

 17   neutraliser cette unité. Par conséquent, les premiers affrontements se

 18   produisent entre les 14 et 15 mai 1992. Les forces stationnées à Vrhpolje,

 19   dans les environs de l'école, opposent une résistance très ferme à

 20   l'agresseur, et l'ennemi est contraint de battre en retraite. Il se voit

 21   infliger des pertes importantes, et on peut partir du principe -- parce que

 22   vous avez dit qu'au mois de mai les Serbes avaient fuient vers les

 23   montagnes, n'est-ce pas, à la date du 13, à partir de Sanski Most ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors, vous voyez ce qu'il en est ici. Il y a eu des affrontements, des

 26   combats, des effectifs respectables de toutes ces formations armées

 27   musulmanes dans un seul village, 300 combattants dans un seul village. Est-

 28   ce que vous prétendez toujours qu'il n'y a pas eu de résistance armée ou

Page 1077

  1   aucune opposition armée au sein de cette unité des Bérets verts ?

  2   R.  Je répète ce que j'ai déjà dit pour la troisième fois. Vous me parlez

  3   maintenant de Vrhpolje. Vrhpolje se trouve à 15 kilomètres de Sanski Most,

  4   et je pense que vous mélangez un peu les choses. A partir de Sanski Most,

  5   les Serbes ont quitté le village. Et j'ai dit que je me rappelle - je me

  6   rappelle d'ailleurs l'avoir dit très clairement dans ma déclaration écrite

  7   - ils ont quitté le village et j'ai appelé mon directeur, Strbac, pour lui

  8   demander ce qui était en train de se passer. Il m'a dit très littéralement,

  9   et je vais reproduire ses propos - je présente à l'avance mes excuses pour

 10   les mots vulgaires que je vais prononcer - il a dit : Qu'ils aillent se

 11   faire foutre. Ils préparent une attaque sur Sanski Most. Et tous les Serbes

 12   qui souhaitaient rejoindre leurs rangs se trouvaient dans les montagnes.

 13   Ils se sont enfuis dans les montagnes pour pouvoir tirer sur leurs maisons.

 14   Voilà ce que j'ai dit très clairement dans ma déclaration écrite, et tout

 15   cela se passait à 15 kilomètres de Sanski Most. J'ai dit - et si vous lisez

 16   le compte rendu d'audience, vous le verrez également - qu'il y avait une

 17   résistance à Vrhpolje. Donc je ne sais pas quelle était l'armée serbe qui

 18   cherchait un village totalement musulman, ce qu'elle voulait, quel était

 19   son but en agissant ainsi. Plus tard, il s'est avéré que le 28 mai, ils ont

 20   pilonné Sanski Most, et c'est la raison du départ des civils, pour éviter

 21   d'être tués. Je dis cela pour la deuxième ou troisième fois au moins.

 22   Q.  Où se trouve Mahala ?

 23   R.  Mahala se trouve le long de la Sana, à côté du pont de la Sana.

 24   Q.  A quelle distance, à 500 mètres ?

 25   R.  Bien, il y a des maisons qui sont à une distance de 2 kilomètres.

 26   Q.  Dans votre déclaration écrite, paragraphe 32, nous lisons que le 27 mai

 27   1992, l'armée serbe a regroupé la population de Mahala sur le stade de

 28   Krkojevci de façon à ce que l'armée puisse s'occuper des extrémistes ?

Page 1078

  1   R.  Exact.

  2   Q.  Dans ce paragraphe, vous déclarez qu'il n'est pas vrai que les forces

  3   serbes ont attaqué, ce qui ressort très manifestement du document de la

  4   Défense 1D30.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de ce document à

  6   présent. Nous l'avons déjà vu tout à l'heure.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit au

  8   paragraphe 32 de sa déclaration, je cite :

  9   "Le même jour, j'ai également entendu à la radio qu'aucun Béret vert

 10   n'avait attaqué les forces serbes à Hrustovo, ceci est simplement contraire

 11   à la vérité."

 12   Donc je demanderais à ce que le Dr Karadzic mette dans la bouche du témoin

 13   les mots exacts prononcés par lui lorsqu'il cite ses propos.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Sutherland.

 15   Donc nous avons maintenant le document sur nos écrans. Quelle est votre

 16   question ?

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Je vais revenir à Hurstovo. Je vous remercie. Nous parlons de Mahala

 19   ici, Mahala étant une banlieue de Sanski Most.

 20   R.  Ce n'est pas une banlieue de Sanski Most, c'est un quartier de la ville

 21   de Sanski Most.

 22   Q.  Je l'admets. Très bien.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 6 de ce

 24   document, 1D30, s'il vous plaît. Bien. La page vient d'apparaître sur nos

 25   écrans.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Permettez-moi de citer le passage qui commence par, "à savoir que,"

 28   chacun va le trouver, y compris les Juges de la Chambre.

Page 1079

  1   "A savoir que l'évaluation faite par Avdic et Hukanovic consistait à

  2   penser que les actions de combat offensives devaient commencer afin que

  3   l'ennemi se voit infliger des pertes conséquentes en effectifs humains et

  4   en équipement, et c'est dans ces conditions qu'un détachement de Sanica

  5   s'est vu confier la mission de viser dans cette offensive le village de

  6   Korjenovo. Korjenovo était, de façon générale, connu comme un fortin

  7   chetnik. La mission des gens de Vrhpolje consistait à bloquer la route

  8   Sanski Most-Kljuc en bloquant cette route" -- ou plutôt, "le blocage de

  9   cette route était directement supervisé par Arif et Ifet Hukanovic. Le

 10   troisième groupe de cette force se composait d'un détachement renforcé qui

 11   avait pour mission d'attaquer le village de Peci. Le reste du bataillon

 12   était stationné sur des positions plus favorables de façon à pouvoir

 13   effectuer rapidement une manœuvre en cas de nécessité pour apporter son

 14   concours. Cette action a été coordonnée et a commencé le 27 mai 1992 avec

 15   le blocage de la route Sanski Most-Kljuc à l'entrée du village de Gornji

 16   Ramici. Les Chetniks ont immédiatement envoyé sur cette voie de circulation

 17   un groupe de 14 policiers militaires et policiers civils spécialement

 18   entraînés, et à leur arrivée à destination, aux environs de 11 heures, les

 19   combats ont immédiatement commencé lorsqu'il y a eu riposte aux tirs. Le

 20   policier Dusan Duca Stojakovic a été tué et Milos Kecman, policier

 21   militaire, ainsi que Zeljko Despot, ont été blessés."

 22   Est-ce que vous avez le souvenir de cette action ?

 23   R.  Je ne connais pas le village de Ramici. Il est assez loin de Sanski

 24   Most, et c'est la même chose pour Kljuc. Donc je vous dis encore une fois

 25   que je ne suis pas au courant de ces opérations. Tout ce que je sais c'est

 26   que Ramici n'est pas un village serbe. C'était un village dont la

 27   population était mixte. Il y avait quatre maisons serbes et quatre maisons

 28   musulmanes dans ce village. D'ailleurs, si on prend le nom du village,

Page 1080

  1   Ramici, il est fort probable que ce soit, d'après le nom, d'un certain Rami

  2   que le village a reçu ce nom. Or Rami est un nom musulman, ou Rama.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Et ce que M. Karadzic a évoqué tout à l'heure

  5   un peu plus haut, c'était un village serbe, mais je ne sais pas. Ça c'est à

  6   25 ou 30 kilomètres de Sanski Most, de Pobrijezje, en fait, si on veut être

  7   précis. Ce qui veut dire qu'il n'y avait aucun rapport entre cet endroit et

  8   Sanski Most.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Je vous prierais de bien vouloir répondre à ma question --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, même si M. Zulic a

 13   répondu à votre question, l'interprète n'a pas tout entendu, et les Juges

 14   et autres personnes concernées n'ont donc pas entendu l'interprétation de

 15   cette partie de votre question. Pourriez-vous répéter votre question.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma dernière question portait sur cet élément de

 17   preuve que l'on trouve en lisant cet ouvrage dont l'auteur est Musulman. Il

 18   est question dans cet ouvrage d'une opération offensive bien développée. Ce

 19   n'est même pas une action, c'est une opération qui vise Sanski Most et les

 20   villages serbes autour de Sanski Most. Et cette action a commencé par le

 21   blocage de la route non loin du village de Ramici. Et à présent, j'aimerais

 22   demander à M. Zulic --

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Où se trouve le village de Peci ?

 25   R.  Peci et Ramici sont des villages voisins qui sont à 5 kilomètres de

 26   Kljuc. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je vous ai déjà

 27   dit que cela se trouvait à 25 ou 30 kilomètres de Sanski Most. Donc ce sont

 28   des villages qui sont situés plus près de Kljuc que de Sanski Most. Je sais

Page 1081

  1   exactement où se trouvent ces villages. Je le sais, parce qu'à partir de

  2   Peci on descend une pente assez raide pour atteindre Ramici. Ensuite on

  3   passe par Ramici et il faut encore parcourir 3 kilomètres pour arriver

  4   finalement à Sanski Most, qui se trouve à 25 kilomètres de là. Je ne vois

  5   pas ce que Mahala a à voir avec tous ces préparatifs de défense parce que

  6   je ne suis pas un expert militaire. Je ne vois pas ce que pouvait être le

  7   sens de tout cela. Je ne me l'expliquais pas.

  8   Q.  D'accord. Je vais maintenant prendre le paragraphe précédent, deuxième

  9   paragraphe. Je cite :

 10   "Peu après, les gens de Kljuc" --

 11   Alors, est-ce que vous voyez que les habitants de Sanski Most et de Kljuc

 12   ont créé un bataillon ensemble, et que ceci a un rapport avec Ramici et le

 13   village de Peci, et que cela a d'ailleurs également un sens avec Mahala

 14   parce que Mahala, selon ce plan, devait également être attaquée -- ou

 15   plutôt, il était prévu qu'une attaque soit menée à partir de Mahala.

 16   R.  Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je ne suis pas

 17   expert militaire ou analyste militaire. Je n'arrête pas de dire que je ne

 18   suis pas un expert en matière militaire. J'étais un simple soldat, membre

 19   de la marine. Donc je ne vois pas comment est-ce que je pourrais avoir des

 20   connaissances à ce sujet. Si quelqu'un organise une résistance à 30

 21   kilomètres d'un endroit et qu'il fait quelque chose à quoi je n'ai pas

 22   participé, je ne peux pas en parler. Je ne peux parler que de ce que j'ai

 23   vécu moi-même, de ce dont j'ai fait l'expérience personnelle. Quant à cela,

 24   est-ce qu'il veut me mettre certains propos dans la bouche ? Il veut que je

 25   dise que : Oui, les choses se sont passées ainsi, alors que je ne le sais

 26   pas ? Je ne vois pas comment je pourrais répondre à cette question puisque

 27   je ne suis pas expert militaire.

 28   Q.  Bien, reparlons de Sanski Most, Monsieur Zulic. Mahala fait partie de

Page 1082

  1   Sanski Most. Je vous demande si Mahala était armée, si elle abritait des

  2   formations armées, ou s'il n'y avait que des civils à Mahala ?

  3   R.  Pour autant que je le sache, Mahala n'était pas armée. Ceux qui se

  4   trouvaient là étaient des civils. Parce que si de 1 500 maisons, 1 200

  5   hommes civils ont été emmenés à Manjaca, alors je ne vois pas ceux qui

  6   auraient pu rester sur place.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la page 6 de ce

  8   document, 1D31. A l'instant, nous venons de voir la page 5. Il nous faut la

  9   page 6 sur les écrans.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Bien, en page 6, toujours de ce même ouvrage -- ou plutôt, la page 6 du

 12   livre n'est pas cette page-là. Ça, c'est la page 6 du document. Deuxième

 13   encadré :

 14   "Les premiers préparatifs organisés destinés à opposer une résistance à la

 15   nazification [phon] menée par les Serbes dans certains quartiers de la

 16   municipalité de Sanski Most, en passant par Vrhpolje, Trnovo, Hrustovo,

 17   Sehovaca, Kamengrad, ensuite cela a concerné les villages et les banlieues

 18   de Mahala et de Muhic, ces premiers préparatifs ont eu lieu d'une part par

 19   le rétablissement d'un sentiment de sécurité pour les Musulmans d'une part,

 20   et d'autre part, une majorité de Musulmans ne croyaient toujours pas que

 21   les Serbes allaient leur faire du mal. Ceci a, dans une grande mesure,

 22   rendu les préparatifs plus difficiles pour la résistance et a semé la

 23   désunion. Ceci a également rendu plus difficile le travail de propagande

 24   des Serbes qui ont, par leurs actions menées avec talent, donné

 25   l'impression qu'ils se battaient pour le maintien de la Yougoslavie."

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, Monsieur Karadzic. Vous

 27   avez lu trop vite ce passage. Les interprètes n'ont pas pu suivre. Donc

 28   lorsque vous lisez un document, il faut que vous ralentissiez, sans perdre

Page 1083

  1   de vue que les interprètes doivent faire leur travail.

  2   Avant de mettre un point final à votre question, de combien aurez-vous

  3   encore besoin pour entendre ce témoin ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte tenu du fait qu'il est difficile

  5   d'obtenir des réponses de la bouche du témoin, j'aurais besoin de deux ou

  6   trois heures encore, parce qu'il y a encore pas mal de points qui doivent

  7   être éclaircis et que c'est vraiment très important. Donc plutôt trois

  8   heures de deux.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il importe que vous ne perdiez pas de

 10   vue qu'il ne sert à rien de soumettre un document au témoin s'il n'a pas de

 11   connaissances liées à ce qui figure dans le document. Votre question ne

 12   fait pas partie d'un élément de preuve quelconque. Il ne sert à rien de se

 13   contenter de consigner au compte rendu la déclaration faite par vous. La

 14   Chambre va réfléchir à la façon de poursuivre demain, mais nous allons

 15   maintenant en terminer. Nous avons encore deux ou trois minutes. Veuillez

 16   mettre un point final à votre question, et le Juge Morrison aura quelque

 17   chose à vous dire.

 18   Alors, voyons quelle est votre question.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Quand on voit la déclaration préalable de ce

 20   témoin, je parlais de certains paragraphes où il affirme de façon

 21   catégorique certaines choses que je peux contester, et c'est de cela que je

 22   m'occupe.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Ma question était la suivante. Quand vous voyez ceci, est-ce que vous

 25   pensez que vous auriez dû dire : Je ne sais pas dans votre déclaration,

 26   alors que vous avez dit que "c'était impossible" ?

 27   R.  Le premier texte qui parle de ces préparatifs organisés, c'est de cela

 28   que vous voulez parler ? Si vous voulez que je réponde, pas de problème.

Page 1084

  1   Q.  Mais est-ce que vous voyez qu'il est écrit ici, Sanski Most, Hrustovo,

  2   Sehovci, Kamengrad, notamment, ainsi que Vrhpolje ainsi que Mahala et Muhic

  3   ?

  4   R.  Un instant. Maintenant, je vois ce texte, mais donnez-moi le temps de

  5   répondre. Puis ce monsieur écrit fort bien d'ailleurs. Ici, je ne sais pas

  6   qui est ce monsieur. Il dit que certains croient encore que les Serbes ne

  7   vont jamais leur faire de tort. Certains ont continué de le croire, mais

  8   certains pas, ce qui fait qu'il était difficile de préparer une résistance.

  9   Et lorsque j'ai affirmé qu'il n'y avait pas de résistance, ce n'est pas

 10   quelque chose d'absurde que j'ai dit là, parce que moi non plus je ne

 11   pensais pas que ça aurait pu se passer, parce que je travaillais depuis 30

 12   ans, 40 ans, avec certains. Comment voulez-vous que je croie que cette

 13   personne va un jour venir me passer à tabac, me rouer de coups, tout

 14   simplement parce que j'ai écrit dans un registre qu'il est venu travailler

 15   quatre heures, ce qui était la vérité. A Mahala, il n'y a eu aucun

 16   préparatif, quel qu'il soit. Je ne sais pas ce qu'il en était à Kljuc.

 17   Peut-être qu'il y a eu de la résistance à Kljuc.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons nous arrêter ici

 19   aujourd'hui.

 20   M. le Juge Morrison voudrait vous dire quelque chose.

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, manifestement,

 22   c'est seulement au moment où vous avez commencé votre contre-interrogatoire

 23   que nous avons compris comment vous alliez le mener. Auparavant, nous ne le

 24   savions pas. Ce que je suis sur le point de dire, c'est une idée que je

 25   voudrais vous soumettre. Elle devrait vous permettre de faire preuve de

 26   plus de concision. Ce sera plus utile pour vous, mais aussi pour le témoin.

 27   Quel qu'il soit, ce sera utile pour les Juges aussi. Vous avez tendance à

 28   faire ceci.

Page 1085

  1   Tout d'abord - et l'Accusation l'a signalé à fort juste titre,

  2   plusieurs fois - c'est que vous vous livrez à des commentaires. Ça c'est un

  3   défaut que connaissent beaucoup d'avocats de tous bords, et même des

  4   avocats chevronnés tombent dans ce piège. Vous devez faire attention pour

  5   trois raisons. Je dois vous mettre en garde, parce qu'un commentaire ce

  6   n'est pas une question. C'est une première chose. Ce n'est pas non plus un

  7   élément de preuve. Ce que vous apportez dans un commentaire ne peut pas

  8   être considéré comme étant une preuve, quelle qu'elle soit. Troisièmement,

  9   ici, vous êtes aussi bien un accusé qu'un avocat. Donc si vous faites un

 10   commentaire, ce sera peut-être reconnaître aussi certaines choses. Je

 11   prends un exemple. Si un témoin dit quelque chose et vous répondez : C'est

 12   juste. Ce n'est pas simplement une remarque, c'est aussi un commentaire que

 13   vous faites ainsi, commentaire qui peut constituer admission ou

 14   reconnaissance du fait que vous reconnaissez le dire du témoin comme étant

 15   vrai. Et ceci peut semer la confusion. Pourquoi ? Parce qu'il se peut

 16   parfaitement que ce que vous dites ou ce que vous considérez comme étant

 17   juste ne concerne qu'une infime portion de ce que le témoin a dit. Prenez

 18   garde. Faites attention lorsque vous faites des commentaires, parce que

 19   c'est une perte de temps et ce n'est pas vraiment utile pour les Juges.

 20   Deuxième chose : de temps en temps, au moment de votre contre-

 21   interrogatoire, vous devrez poser des questions qui ne sont pas

 22   directrices, qui sont des questions pour répondre de façons diverses pour

 23   obtenir des informations. Et en règle générale, vous allez commencer par

 24   cette question, par des circonstances, qu'est-ce qu'il fait, quand,

 25   comment. Et c'est ce que doit faire tout juriste, à charge ou à décharge.

 26   C'est qu'il doit faire lorsqu'il pose une question au témoin. Mais au

 27   moment du contre-interrogatoire, vous avez de la chance, vous pouvez poser

 28   des questions qui dirigent le témoin. Vous pouvez dire directement à un

Page 1086

  1   témoin ce que vous souhaitez entendre de sa bouche. Bien sûr, vous devrez

  2   être sûr de votre fait avant de vous engager. Mais ceci vous permettrait de

  3   faire de sérieuses économies de temps.

  4   Un exemple hypothétique. Si vous aviez dit au présent témoin : par

  5   exemple, vous ne dites pas qu'il n'y avait pas de Bérets verts à Sanski

  6   Most. Vous dites simplement que vous, vous n'en avez pas vu. Et peut-être

  7   que le témoin aurait simplement dit : Oui. Et vous auriez, en fait, obtenu

  8   ce que vous vouliez, en l'espace de très peu de temps et d'une seule

  9   question, sans insister pendant des heures. Réfléchissez à la question de

 10   savoir si -- ou n'oubliez pas que vous pouvez poser des questions

 11   directrices. Vous avez le droit de le faire, et ça nous permettrait

 12   d'économiser beaucoup de temps. Autre effet des plus favorables, c'est que

 13   vous pouvez, de façon concise, présenter votre thèse. Un Juge pourra, en

 14   fait, comprendre entre les mots en l'espace de dix ou 15 questions ce que

 15   veut prouver l'avocat, que ce soit un juriste à charge ou à décharge. Et

 16   ceci aide tout le monde, pas seulement les Juges. Je vous conseille, dès

 17   lors, de vraiment réfléchir aux modalités de votre contre-interrogatoire,

 18   où vous vous abstiendrez de faire des commentaires, ce qui aura l'avantage,

 19   car c'est votre droit de poser des questions directrices.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Morrison.

 21   Ceci étant dit, nous suspendons l'audience. Elle reprendra demain matin à 9

 22   heures.

 23   --- L'audience est levée à 19 heures 04 et reprendra le mercredi 14 avril

 24   2010, à 9 heures 00.

 25  

 26  

 27  

 28