Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 21 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Monsieur Tieger, vous avez un nouveau membre dans votre équipe, n'est-ce

  8   pas ?

  9   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Madame,

 10   Messieurs les Juges. En effet, M. Julian Nicholls est à ma gauche

 11   aujourd'hui et s'est ajouté à l'équipe avec donc M. Reid, qui en faisait

 12   déjà partie.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.

 14   Bonjour, Monsieur Nicholls.

 15   Je demanderais au témoin de bien vouloir prononcer sa déclaration

 16   solennelle.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 18   Mais avant cela, je voudrais me présenter. Je m'appelle Peter Robinson, et

 19   je suis ici pour participer à la Défense de M. Karadzic.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Toutes mes excuses, Maître Robinson. Je

 21   vous remercie. Vous êtes le bienvenu.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc je demanderais au témoin de

 24   prononcer la déclaration solennelle.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je déclare

 26   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

 27   vérité.

 28   LE TÉMOIN : KDZ064 [Assermenté]

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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  3   Je crois savoir que ce témoin s'est vu accorder des mesures de protection,

  4   et plus précisément l'octroi d'un pseudonyme et la déformation de ses

  5   traits sur les écrans vidéo, mais pas déformation de la voix, n'est-ce pas,

  6   Monsieur Nicholls ?

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, Monsieur le Témoin, chaque fois

  9   que quelqu'un s'adressera à vous pendant la durée de votre déposition, ce

 10   sera en utilisant le pseudonyme qui vous a été accordé, à savoir KDZ064, et

 11   votre visage ne sera pas montré sur les écrans vidéo. Je crois comprendre

 12   que tout ceci vous a déjà été expliqué, n'est-ce pas ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et on m'a dit que l'Accusé avait une

 15   question préliminaire à évoquer devant la Chambre. Souhaitez-vous le faire

 16   en présence du témoin ou pas ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 18   Juges, bonjour. J'ai déjà annoncé la dernière fois qu'il y avait un point

 19   que je tenais à tirer au clair à l'époque, et vous m'avez dit que cela

 20   pouvait se faire à la prochaine audience. Donc ceci peut se faire avant ou

 21   après l'entrée du témoin ou la sortie du témoin du prétoire.

 22   Mais je pense que ce serait bien de le faire avant le début du contre-

 23   interrogatoire.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ces conditions, Monsieur Nicholls,

 25   je vous demanderais de bien vouloir commencer.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Interrogatoire principal par M. Nicholls :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  M'entendez-vous bien ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  D'accord. Comme je vous l'ai déjà dit, les choses se passeront

  5   aujourd'hui un peu différemment de ce qui s'est passé lorsque vous avez

  6   déjà témoigné devant ce Tribunal. Nous allons d'ailleurs nous appuyer sur

  7   votre déposition antérieure, et j'aurai quelques questions à vous poser

  8   avant cela.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Parlons d'abord de la fiche de pseudonyme,

 10   qui ne doit pas être diffusée sur les écrans. Il s'agit du document 65 ter

 11   numéro 90178.

 12   Q.  Monsieur, je vous demanderais de bien vouloir prendre connaissance du

 13   nom et prénom qui sont inscrits sur cette fiche, sans prononcer un mot à

 14   haute voix, et de confirmer simplement après en avoir pris connaissance

 15   qu'il s'agit bien de vos nom et prénom.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je vous remercie. Nous en avons terminé.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Et je demande le versement au dossier

 19   de ce document 65 ter, à conserver sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

 22   pièce P767, à conserver sous pli scellé.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Monsieur Nicholls, vous pouvez procéder.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 26   Q.  Monsieur, je vais maintenant vous poser quelques questions au sujet de

 27   la déposition que vous avez déjà faite devant ce Tribunal de façon à

 28   obtenir le versement au dossier de certaines déclarations venant de vous.

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  1   Pouvez-vous confirmer devant la Chambre de première instance que vous

  2   avez entendu l'enregistrement audio de l'intégralité de votre déposition

  3   dans l'affaire Popovic, ainsi de votre déposition dans l'affaire Milosevic,

  4   et notamment l'enregistrement du contre-interrogatoire qu'a conduit M.

  5   Milosevic à l'époque.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous remercie. Pouvez-vous également confirmer devant la Chambre de

  8   première instance que si les mêmes questions qui vous ont été posées à

  9   l'époque -- excusez-moi. Il y a un point que j'ai omis de mentionner.

 10   Pouvez-vous confirmer, Monsieur, que lorsque vous avez entendu ces

 11   enregistrements audio, vous êtes convaincu qu'ils constituaient un

 12   enregistrement fidèle de votre déposition ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Si l'on vous posait aujourd'hui les mêmes questions que celles

 15   qui vous ont été posées lors de vos deux dépositions antérieures, vos

 16   réponses demeureraient-elles les mêmes ? Etes-vous en mesure de confirmer

 17   cela ? A l'exception de quelques éléments d'information complémentaires qui

 18   précisent la situation d'un de vos frères ? Nous y viendrons dans quelques

 19   instants.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 23   Juges, je demande le versement au dossier de la déclaration du témoin qui

 24   constitue le document 65 ter numéro 90112, à conserver sous pli scellé

 25   puisqu'elle comporte des éléments de déposition fournis à huis clos partiel

 26   pour certains d'entre eux, mais nous disposons de la version publique de ce

 27   document, qui est le numéro 90112A.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous demandez le versement au dossier de

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  1   ces documents.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un point à tirer au clair. Lorsque

  4   plusieurs comptes rendus d'audience existent, la Chambre a rendu une

  5   ordonnance selon laquelle vous êtes appelé à ne produire qu'un seul de ces

  6   comptes rendus multiples, voire éventuellement d'une déclaration

  7   préliminaire amalgamée du témoin. Donc sur le plan technique, ce que vous

  8   êtes en train de faire constitue une infraction à l'ordonnance, donc c'est

  9   la première question que je voudrais vous poser. Deuxième question à

 10   présent, pourquoi uniquement cette partie du contre-interrogatoire ?

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais vous expliquer cela, Monsieur le

 12   Président. Je n'avais aucunement l'intention d'enfreindre une quelconque

 13   ordonnance.

 14   La déclaration que nous avons là est, pour l'essentiel, une déclaration

 15   amalgamée. L'objectif consistant à verser uniquement la partie du contre-

 16   interrogatoire conduite par M. Milosevic dans l'affaire Milosevic, ceci est

 17   dû au fait que dans cette partie du contre-interrogatoire, le témoin a

 18   répondu de façon assez prolongée et détaillée sur un point qui, peut-être,

 19   fait double emploi par rapport à sa déposition dans l'affaire Popovic. Mais

 20   en tout cas, il n'y a que peu de double emploi entre les deux comptes

 21   rendus d'audience, celui de l'affaire Popovic et celui de l'affaire

 22   Milosevic.

 23   M. Milosevic, dans son contre-interrogatoire, s'est concentré

 24   principalement sur un autre sujet que celui abordé dans l'affaire Popovic,

 25   et c'est la raison pour laquelle nous demandons le versement du contre-

 26   interrogatoire dans ce cas particulier, contrairement à ce qui se fait

 27   d'habitude.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez une observation,

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  1   Monsieur Karadzic ou Maître Robinson ?

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] La Défense estime que ce point est un

  3   point très important, et comme vous le vérifierez en temps utile, la

  4   Défense se concentrera très précisément sur cette partie du contre-

  5   interrogatoire, même s'il fait partiellement double emploi. Mais en tout

  6   état de cause, je vais devoir concentrer mon attention sur cette partie

  7   particulière de la déposition du témoin, et plus tard, j'adresserai une

  8   requête à la Chambre pour lui demander un certain nombre de modifications

  9   par rapport à certains éléments dont traitera ce témoin, parce que le

 10   contre-interrogatoire est concentré principalement sur une question.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous

 13   me permettez rapidement --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE NICHOLLS : [interprétation] Je pensais que M. Karadzic

 16   estimerait que ce point est important, et c'est la raison pour laquelle je

 17   l'ai inclus également dans le compte rendu de l'affaire Popovic.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 19   [La Chambre de première instance se concerte] 

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces déclarations sont donc admises au

 21   dossier en tant que déclaration unique amalgamée.

 22   Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le

 24   document 65 ter numéro 90112 devient la pièce P768, à conserver sous pli

 25   scellé, et le document 90112A devient la pièce P769.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Monsieur Nicholls, à vous.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

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  1   maintenant donner lecture d'une brève synthèse de la déposition du témoin.

  2   Le témoin est né dans la municipalité de Zvornik et y a grandi. Au

  3   début du mois de mars 1993, lui-même et sa famille ont été chassés de

  4   Kamenica par les forces serbes de Bosnie. A ce moment-là, son épouse et ses

  5   enfants sont partis pour Tuzla. Quant à lui, il s'est enfuit vers Konjevic

  6   Polje. Il est resté à Konjevic Polje six jours.

  7   Les forces serbes de Tumace ont alors ouvert le feu sur Konjevic

  8   Polje, et le témoin a pris la fuite vers Prevane. Il est resté à Pervane

  9   trois [comme interprété] jours, avant de partir pour Srebrenica avec ses

 10   frères, et ils sont restés tous ensemble à Srebrenica jusqu'à la chute de

 11   l'enclave le 11 juillet 1995.

 12   La veille du 11 juillet ont été des journées de panique, selon les

 13   mots du témoin, dans l'enclave du témoin. Le 11 juillet, étant donné

 14   l'avance des forces serbes vers l'enclave, toute la population de

 15   Srebrenica a pris la fuite; certains partant vers Potocari, d'autres vers

 16   les bois environnants. Le témoin et l'un de ses frères se sont regroupés

 17   avec des milliers d'hommes musulmans dans le voisinage du village de

 18   Sunsjari et ont entamé leur marche vers Tuzla. Un des frères du témoin, un

 19   handicapé, a choisi de partir vers Potocari. Ce frère a réussit à rejoindre

 20   les territoires musulmans libres.

 21   Le témoin a passé la nuit du 11 juillet à Sunsjari en même temps que

 22   15 à 20 000 autres hommes musulmans, d'après son estimation personnelle.

 23   Le 12 juillet, ce groupe d'hommes musulmans s'est mis en route depuis

 24   Sunsjari en une longue colonne qui a pris la direction de Tuzla. Il y avait

 25   là 4 à 500 hommes armés, des hommes musulmans armés, qui faisaient partie

 26   de cette colonne et qui se trouvaient, pour la plupart, en tête de colonne.

 27   Plus tard cet après-midi-là, le témoin s'est retrouvé dans le dernier

 28   groupe au bout de la colonne avec son frère; lui et son frère n'étant pas

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  1   armés.

  2   Il a passé la nuit du 12 au 13 juillet dans les bois en compagnie des

  3   autres membres de la colonne. Le 13 juillet, le lendemain donc, les forces

  4   serbes de Bosnie ont utilisé des mégaphones pour appeler les personnes dans

  5   la colonne et dans les bois à se rendre. A peu près à ce moment-là, le

  6   témoin a vu deux hommes musulmans se suicider, l'un d'entre eux l'ayant

  7   fait à l'aide d'une grenade et l'autre en se tirant une balle dans la tête.

  8   Cet après-midi-là aux environs de 15 heures, lui-même et d'autres ont

  9   décidé de se rendre aux soldats serbes qui les appelaient à le faire. Ces

 10   prisonniers, qui se sont retrouvés au nombre d'un millier environ, de plus

 11   d'un millier selon l'estimation faite par le témoin, ont été alignés en

 12   rang dans une prairie à Sandici non loin de la route reliant Bratunac à

 13   Konjevic Polje. Il y avait là des femmes, des jeunes filles et des jeunes

 14   garçons parmi les prisonniers dans la prairie de Sandici.

 15   Une douzaine de jeunes hommes âgés de moins de 15 ans ainsi que des

 16   femmes et des jeunes filles ont reçu l'autorisation de monter à bord

 17   d'autobus qui emmenaient des femmes et des enfants depuis Srebrenica vers

 18   un autre lieu en empruntant la route Bratunac-Konjevic Polje pour faire

 19   partir toutes ces personnes hors de Potocari. Cet après-midi-là, le général

 20   Mladic est arrivé dans la prairie de Sandici et a parlé aux prisonniers,

 21   auxquels il a promis qu'ils seraient échangés. Les prisonniers ont applaudi

 22   le général Mladic lorsqu'il a dit cela. Plus tard dans la soirée, un grand

 23   nombre de camions et d'autobus sont arrivés à Sandici. Les prisonniers sont

 24   montés à bord de ces autobus et de ces camions et ont été emmenés vers

 25   Bratunac.

 26   Le témoin a passé la nuit du 13 au 14 juillet à Bratunac à

 27   l'intérieur du camion à bord duquel il avait été placé. Le camion était

 28   garé devant des bâtiments, des garages qu'on appelait les garages de Vihor.

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  1   Pendant la nuit, certains prisonniers ont été emmenés hors de ces camions

  2   garés à cet endroit-là. Les soldats criaient le nom de certains prisonniers

  3   de certains villages, et ceux qui répondaient devaient descendre des

  4   camions. Le témoin a entendu des bruits de coups, des cris, des coups de

  5   feu qui étaient tirés, et les prisonniers en question n'ont plus jamais été

  6   revus et ne sont pas revenus dans les camions. Le témoin lui-même n'a pas

  7   vu un prisonnier quelconque se faire abattre par balle puisqu'il était à

  8   l'intérieur du camion, mais il a entendu des bruits tout autour de lui.

  9   Le lendemain, 14 juillet, les camions et les autobus ont quitté Bratunac en

 10   un long convoi, composé de 20 à 30 véhicules d'après ce que le témoin a vu,

 11   et ce convoi s'est dirigé vers le nord, c'est-à-dire vers Zvornik en

 12   passant par Konjevic Polje. A Divic, un village situé au sud de Zvornik, le

 13   témoin a vu un blindé transport de troupes blanc des Nations Unies. Le

 14   convoi de véhicules a poursuivi sa route vers Karakaj, au nord de Zvornik,

 15   puis a tourné à gauche en prenant de façon générale la direction de Tuzla.

 16   Le témoin espérait, ainsi que ceux qui l'accompagnaient, qu'on les emmenait

 17   à Tuzla pour participer à un échange de prisonniers. Mais au lieu de cela,

 18   le convoi d'autobus et de camions a pris la direction d'Orahovac et s'est

 19   arrêté à l'école primaire d'Orahovac. Le blindé transport de troupes des

 20   Nations Unies était garé là dans la cour de l'école, et le témoin s'est

 21   rendu compte que les soldats serbes de Bosnie s'étaient emparés de ce

 22   blindé.

 23   Le témoin et des centaines et des centaines d'autres hommes musulmans,

 24   ainsi que quatre jeunes gens âgés de 10 à 14 ans, ont été placés dans le

 25   gymnase de l'école primaire d'Orahovac, qui, peu à peu, s'est rempli de

 26   prisonniers. Lui-même et les autres prisonniers ont été contraints de se

 27   dévêtir en partie et de laisser certains de leurs vêtements en pile dans le

 28   gymnase. Le témoin a reçu l'ordre d'enlever sa veste et de la laisser sur

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  1   place --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, vraiment. Quoi qu'il en soit, si

  5   vous souhaitez entendre ceci pour un effet spectaculaire et théâtral, les

  6   détails peuvent être présentés, pas de problème pour moi, mais cela prendra

  7   beaucoup de temps, et cela constitue un témoignage cumulatif compte tenu du

  8   fait --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic. Ceci est

 10   inacceptable. Ce qui est en train d'être lu est le résumé de la déposition

 11   d'un témoin, c'est un texte qui est lu par l'Accusation à votre profit et

 12   au profit du public, ainsi qu'au profit des Juges de la Chambre. Ceci ne

 13   fait pas partie d'une déposition. Vous aurez amplement la possibilité de

 14   contre-interroger ce témoin le moment venu, donc je vous prierais de ne pas

 15   interrompre ce résumé de la déposition du témoin par l'Accusation. Vous

 16   pourrez contre-interroger le témoin plus tard, si vous le souhaitez.

 17   Monsieur Nicholls, veuillez poursuivre.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Le gymnase, donc, était plein de monde, et le témoin et les autres

 20   prisonniers ont dû s'asseoir les uns sur les autres au fur et à mesure

 21   qu'il se remplissait. Il faisait très chaud ce 14 juillet, et les

 22   prisonniers ont reçu un peu d'eau, mais pas assez pour tout le monde. Or,

 23   ils avaient très soif.

 24   Depuis le moment où a commencé sa détention dans la prairie de

 25   Sandici et jusqu'à son évasion finale, le témoin n'a reçu de l'eau qu'à

 26   quelques rares occasions, mais rien à manger. Et il a remarqué qu'aucun des

 27   autres prisonniers ne recevait de quoi manger non plus et que les blessés

 28   ou les malades ne recevaient pas de soins médicaux. Le témoin a également

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  1   constaté qu'à aucun moment les prisonniers n'ont été enregistrés, aucune

  2   liste de leurs noms n'a été dressée, ils n'ont pas non plus été comptés par

  3   leurs gardes.

  4   Ils sont restés à l'école d'Orahovac pendant quelques heures, et de

  5   temps en temps les gardes tiraient des coups de feu dans les murs et le

  6   plafond pour que les prisonniers ne bougent pas. Certains officiers sont

  7   arrivés dans les locaux de l'école, les prisonniers ont reçu l'ordre de se

  8   mettre debout en rang, face à l'une des extrémités du gymnase, et c'est à

  9   ce moment-là à peu près que l'un des prisonniers s'est opposé à cela et a

 10   dit que ces hommes ne devraient pas être tués. Les gardes ont emmené ce

 11   prisonnier à l'extérieur, ils ont tiré un coup de feu, que le témoin a

 12   entendu, et l'homme n'est jamais revenu. Ensuite, un autre prisonnier a été

 13   emmené et également un autre coup de feu a été entendu. Ce prisonnier n'est

 14   pas revenu non plus.

 15   Lorsque les officiers ont quitté les lieux, les soldats ont commencé

 16   à former des groupes de prisonniers pour les emmener dans une petite pièce

 17   à côté du gymnase où on leur donnait un verre d'eau avant de leur bander

 18   les yeux. C'est une garde femme qui leur donnait ce verre d'eau. Et une

 19   fois les yeux bandés, ils étaient emmenés à l'extérieur et montaient à bord

 20   de camionnettes. Et le témoin estime qu'une trentaine de prisonniers

 21   pouvaient tenir dans l'une de ces camionnettes.

 22   Les prisonniers entendaient dire qu'on les emmenait vers le camp de

 23   Bijeljina alors qu'ils montaient dans les camions. Mais ces camions se

 24   contentaient de couvrir une distance très courte jusqu'à un champ à

 25   Orahovac où on disait aux prisonniers de descendre des camions. Les hommes

 26   étaient alignés en rang et abattus. Le témoin a réussi à survivre en

 27   faignant d'être mort parce que plusieurs cadavres étaient entassés au-

 28   dessus de son corps. Il a remarqué que toutes les 10 à 15 minutes un

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  1   nouveau camion plein de prisonniers arrivait, et tous les prisonniers

  2   étaient tués dans les mêmes conditions.

  3   Ces tueries ont continué pendant des heures. Après la nuit tombée, un

  4   engin lourd est arrivé, il avait ses phares allumés, et les choses se sont

  5   continuées. Le témoin n'a pas bougé. Il a entendu certains des bourreaux

  6   parler les uns avec les autres et utiliser le nom de leur chef. Le témoin a

  7   reconnu le premier nom et a reconnu la voix du chef de ces bourreaux. Il

  8   déclare qu'il s'agit de quelqu'un qu'il connaissait du village d'Orahovac

  9   avec lequel il avait travaillé. Ce chef a dit aux autres soldats de

 10   recueillir toutes les munitions disponibles et de se rendre dans un champ

 11   non loin de là pour continuer à tuer les gens. Les soldats sont donc partis

 12   et ont continué à tuer des prisonniers dans le champ situé non loin de là.

 13   Plus tard au cours de la nuit, alors que les soldats étaient un peu

 14   distraits, le témoin a pu s'enfuir vers les bois. Et alors qu'il courrait,

 15   il s'est retourné à un certain moment, il s'est trouvé à l'arrière du lieu

 16   d'exécution et a vu que la plus grande partie du champ était couverte de

 17   cadavres. Il a aussi remarqué que tous les prisonniers n'étaient pas morts.

 18   Il entendait des bruits qui provenaient en particulier d'un homme blessé.

 19   Après ces journées très difficiles, il dit s'être caché et avoir finalement

 20   réussi à rejoindre la sécurité dans un territoire tenu par les Musulmans.

 21   C'est la fin du résumé de la déposition de ce témoin.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, j'ai encore quelques petites questions à vous poser; cela

 25   vous va ?

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais que nous passions à huis clos

 27   partiel pour quelques questions de contexte.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   M. NICHOLLS : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur, je voudrais à présent vous poser quelques questions au sujet

 20   des événements survenus le 11 juillet 1995. J'aimerais que vous nous disiez

 21   en particulier ce qui vous est arrivé à vous et à vos deux frères ce jour-

 22   là.

 23   Alors, vous avez dit dans votre déposition que le 11 juillet, vous-même et

 24   vos frères, et même toute la population présente à Srebrenica a quitté

 25   Srebrenica. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre pour quelle raison

 26   vous avez décidé de quitter Srebrenica ce jour-là ?

 27   R.  Il nous fallait partir parce que les forces serbes nous menaçaient.

 28   Radovan Karadzic menaçait depuis plus d'un an de se venger sur les

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  1   habitants de Srebrenica.

  2   Q.  Mais qu'est-ce qui vous inquiétait si vous restiez à Srebrenica ? Pour

  3   quelle raison exacte êtes-vous partis ?

  4   R.  Nous sommes partis parce que nous avions peur et, d'ailleurs, ce que

  5   nous craignions nous est arrivé en route.

  6   Q.  Sans prononcer son nom, je vous rappelle que l'un de vos frères,

  7   d'après ce que vous avez dit dans votre déposition, est parti pour Potocari

  8   et a réussi à rejoindre un lieu sûr. Pouvez-vous nous dire rapidement

  9   comment il a accompli cela, ce qu'il vous a dit lui-même quant aux

 10   conditions dans lesquelles il a quitté Potocari ?

 11   R.  Oui. Lorsqu'il est arrivé à Potocari, ils avaient déjà commencé à

 12   séparer les gens, et un soldat serbe lui a dit : Monte dans ce camion. Lui,

 13   il avait deux béquilles, il a dit : Je ne peux pas monter. Et il y en a un

 14   autre qui, à ce moment-là, d'une voix beaucoup plus ferme, m'a dit à moi :

 15   Bien, voilà, là-bas, il y a un autobus, et je suis monté dans l'autobus, et

 16   lui a réussi à s'échapper.

 17   Q.  D'accord.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais un

 19   huis clos partiel pour quelques petites questions.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   Nous sommes maintenant à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation]

 27   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Je n'ai plus de questions à vous poser pour

 28   le moment.

Page 1299

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nicholls.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que j'ai bien compris votre

  3   décision précédemment. Je souhaite demander le versement des pièces que je

  4   n'ai pas présentées au témoin, mais qui constituaient une partie de son

  5   témoignage dans l'affaire Popovic.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La liste a été fournie à l'accusé.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous une objection à élever,

  9   Monsieur Karadzic, ou Monsieur Robinson ? Qui élèvera les objections ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, d'après votre

 11   ordonnance, je ne réagirais qu'à partir du moment où M. Karadzic me l'aura

 12   demandé. Donc c'est lui qui, normalement, prendra la parole.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. Nous n'avons pas

 15   d'objection, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. La Chambre a parcouru

 17   la liste, tous les documents sont pertinents et ils ont une valeur

 18   probante, et nous estimons qu'ils sont tous à la fois indispensables et

 19   constituent partie intégrante du témoignage. Nous allons donc en accepter

 20   le versement.

 21   Nous avons cinq pièces. Est-ce que nous pouvons avoir une cote sur-le-

 22   champ.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 65 ter 02869 deviendra pièce à

 24   conviction P770; document suivant deviendra pièce P771; document 65 ter

 25   2870 deviendra pièce 772; pièce 02872 deviendra pièce P773; et document

 26   02875 deviendra pièce P774.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Une pièce de plus, qui n'a pas la même

Page 1300

  1   importance. Il s'agit de la pièce 65 ter 21965. C'est la feuille comportant

  2   le pseudonyme lors d'une déposition préalable, qui constitue une partie du

  3   dossier.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 21965.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais nous n'avons pas encore attribuée

  7   une cote à part.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P775, sous pli scellé.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Karadzic, il

 10   vous appartient de contre-interroger le témoin à présent, mais ne perdez

 11   pas de vue que l'identité du témoin est protégée. A chaque fois qu'il y a

 12   un risque de révéler son identité, vous devriez demander que l'on passe à

 13   huis clos partiel. M'avez-vous compris ?

 14   Avec cette mise en garde, je vous demande de commencer.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Une

 16   chose que je souhaite énoncer avant de commencer mon contre-interrogatoire,

 17   avec votre autorisation, j'attire votre attention sur ce qu'a déclaré Mme

 18   Uertz-Retzlaff le 17 août 2009 lors d'un Conférence de mise en état. Page

 19   156 --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, au lieu de faire une

 21   déclaration, pourriez-vous commencer par poser vos questions au témoin.

 22   Contentez-vous de poser vos questions. Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] La seule chose que je souhaitais dire c'est que

 24   la deuxième partie de Srebrenica à partir de 95, c'est quelque chose qui

 25   nous a surpris, parce que nous pensions que nous allions venir à cela à la

 26   fin. C'est tout ce que je voulais dire.

 27   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

Page 1301

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  De par le passé, vous avez donné cinq déclarations ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez pris part à l'élaboration de deux rapports, et vous êtes venu

  5   témoigner quatre fois.

  6   R.  Cinq.

  7   Q.  Cinq.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je vous remercie. Pourrait-on dire que, d'une part, cela a été, certes,

 10   fatiguant, mais que d'autre part, vous avez réussi à faire votre travail en

 11   tant que témoin et que vous êtes fier de ce que vous avez dit ?

 12   R.  Ecoutez, je voudrais dire la vérité. Je ne veux pas que ma réussite

 13   tienne, en fait, que je dise des mensonges.

 14   Q.  Est-ce que vous vivez aujourd'hui là où vous viviez avant ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous vivez dans la fédération ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Pas dans la Republika Srpska ?

 19   R.  Non.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Objection.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] J'élève mon objection à deux titres.

 25   Premièrement, il convient de ne pas révéler au public l'information sur le

 26   lieu de résidence du témoin; et deux, cela n'a pas de pertinence seulement.

 27   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 28     M. TIEGER : [interprétation] Je me permets d'intervenir, parce que je

Page 1302

  1   vois le rythme qu'avance la série question et réponse et cela m'inquiète;

  2   les deux parlent la même langue.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie de nous avoir averti de

  4   cela.

  5   Avançons.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Mais j'ai plutôt demandé où

  7   il ne vivait pas que le contraire, s'agissant du témoin.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc, Monsieur le Témoin, j'aimerais savoir pourquoi vous avez souhaité

 10   bénéficier des mesures de protection puisque vous êtes un témoin qui a

 11   réussi à ce point -- je ne dirais pas un des témoins préférés de

 12   l'Accusation, l'Accusation n'aime pas qu'on le dise, mais pourquoi avez-

 13   vous voulu être protégé ?

 14   R.  Vous savez pourquoi. Parce qu'il y a de vos partisans, de vos acolytes,

 15   et je ne voudrais pas qu'ils sachent que j'ai été témoin. Je voudrais dire

 16   la vérité. Je ne voudrais pas dire ne serait-ce qu'un seul mot de trop. Ils

 17   voudraient se débarrasser de moi, ces gens-là.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes au courant ne serait-ce qu'un seul témoin qui a

 19   été liquidé par mes partisans ?

 20   R.  Ecoutez, je ne m'intéresse pas à ce qui arrive aux autres et à ce que

 21   font les autres. Moi, je m'occupe de moi-même.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] J'élève une objection portant sur les

 23   raisons pour lesquelles le témoin a demandé des mesures de protection. Dans

 24   toutes les autres affaires, les Chambres ont jugé qu'il était utile

 25   d'accorder les mesures de protection dont il a bénéficié à chaque fois de

 26   par le passé.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je n'ai pas voulu intervenir.

 28   Avançons. Mais avant de continuer, est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

Page 1303

  1   garder à l'esprit le fait que l'on interprète et est-ce que vous pouvez,

  2   s'il vous plaît, faire une petite pause après chaque question.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, d'accord. D'accord.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc passons à ce qui vous intéresse,

  5   Monsieur Karadzic.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pendant plus de 18 ans vous avez travaillé à Belgrade ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous vous rendiez dans votre localité à quelle fréquence ?

 11   R.  Parfois je venais une fois par semaine, parfois toutes les deux

 12   semaines, ça dépendait un peu des samedis libres que j'avais.

 13   Q.  Et vous restiez le temps du week-end chez vous ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  A Belgrade, voyiez-vous les gens originaires du même coin que vous ?

 16   R.  Que pensez-vous par là ? Vous parlez de mes compatriotes, des Serbes,

 17   des Croates, de qui ? Ils étaient tous mes compatriotes, des Bosniens.

 18   Q.  Je pense aux Bosniens qui portent le même nom de famille que vous.

 19   R.  Mais ce nom de famille existe partout en Bosnie-Herzégovine. On le

 20   trouve partout.

 21   Q.  On verra à ça à l'écran plus tard, ce à quoi je pense. J'aimerais

 22   savoir si vous suiviez les événements qui se déroulaient en Bosnie. Est-ce

 23   que vous les suiviez depuis Belgrade ?

 24   R.  Uniquement quand il y a eu la guerre à Bijeljina. La guerre n'avait pas

 25   encore commencé partout à ce moment-là.

 26   Q.  Vous êtes arrivé le 3 avril, c'est ça ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Et pour quelle raison ?

Page 1304

  1   R.  Mais c'était le Bajram.

  2   Q.  Oui. Etiez-vous au courant des événements politiques, des tensions ?

  3   Est-ce que vous appreniez cela à Belgrade ?

  4   R.  On n'apprenait pas grand-chose à Belgrade.

  5   Q.  Vous n'êtes pas venu défendre votre village ?

  6   R.  Je suis venu parce que c'était notre fête, notre Bajram, et je dois

  7   dire que je suis obligé de défendre mon village. Tous les citoyens,

  8   Monsieur Karadzic, sont tenus de défendre leur village et leur pays. Il n'y

  9   a pas un seul citoyen qui soit Serbe ou Croate ou Rom, ils étaient tous

 10   tenus de défendre leur pays. Il n'y avait pas de région ethniquement pure.

 11   Q.  Et vous défendriez Kamenica contre qui ?

 12   R.  Que ce soit un Musulman ou un Serbe, on défend son pays, quel que soit

 13   l'ennemi.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, je comprends tout à fait vos

 15   sentiments, mais j'aimerais que vous vous calmiez un petit peu. Si vous

 16   avez besoin d'une petite pause pour souffler --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas la pause, ce sont les

 18   questions de quoi il s'agit. On défend son pays, quelle que soit la nation,

 19   quoi que ce soit. Fikret Abdic, lui aussi il était Bosnien, mais les nôtres

 20   ont dû se défendre contre lui, parce que lui il tuait les siens. Donc qui

 21   que ce soit qui attaque, Messieurs, il faut défendre son pays.

 22   M. KARADZIC : [interprétation] 

 23   Q.  Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 25   Je vous prie d'accepter le fait que la Défense a le droit de poser ses

 26   questions. Donc essayez de répondre au mieux. Si vous ne le savez pas, vous

 27   pouvez dire que vous ne le savez pas.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je pense que

Page 1305

  1   c'est ça la réponse. On défend le pays contre l'ennemi, que l'ennemi vienne

  2   de l'intérieur ou de l'extérieur, peu importe.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, attendez un petit peu

  4   après la question avant de répondre. Cela, je vous le demande pour les

  5   Juges de la Chambre et pour les interprètes.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, savez-vous qu'au titre du plan Cutileiro, votre

 10   région devait devenir un canton musulman, une entité musulmane ?

 11   R.  Je ne le sais pas. Peut-être que parmi les hommes politiques on le

 12   savait, mais ne me posez pas cette question-là, je ne suis pas un

 13   politicien.

 14   Q.  Mais vos hommes politiques, ils l'ont accepté, donc ils devaient le

 15   savoir ?

 16   R.  Je pense que non, qu'ils n'ont pas accepté, mais je ne veux rien

 17   affirmer à ce sujet. Je ne sais pas.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut afficher la carte de

 19   Cutileiro. Si on ne peut pas l'afficher dans le prétoire électronique, est-

 20   ce qu'on pourrait la placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si vous

 22   souhaitez montrer la région d'où est originaire le témoin, il nous faut

 23   passer à huis clos partiel.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que la carte de

 25   Cutileiro est de notoriété publique. 1D883 est la cote de cette pièce.

 26   00883. Il n'est pas nécessaire de diffuser la carte au public.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   M. KARADZIC : [interprétation] Je souhaite montrer cela à M. le Témoin.

Page 1306

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ne montrez pas. Excusez-moi. Non,

  2   non. Je n'accepte pas cela.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous avons la carte qui

  4   s'affiche.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, je ne l'accepte pas du tout. Toi, tu as

  6   peut-être partagé quelque chose avec Cutileiro, mais nous, nous n'avons

  7   rien partagé.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez votre région

 10   ici ?

 11   R.  Ma région, c'est toute la Bosnie-Herzégovine. Je vois que tu me

 12   dessines des cartes, que tu me traces des cartes. Un Cutileiro, un Français

 13   qui t'a donné cela, et toi, tu le respectes comme l'écriture sainte.

 14   Q.  Mais nous ne sommes pas les seuls en Bosnie.

 15   Est-ce que Rastosnica vous appartient également ?

 16   R.  Mais la Bosnie-Herzégovine est à nous. Je sais où est Rastosnica. Je

 17   sais à peu près. Elle est serbe. Si c'est un village serbe, c'est un

 18   village serbe. Si c'est un village musulman, c'est un village musulman. On

 19   ne cherchait pas à chercher qui que ce soit de village. Mais toi, tu

 20   voulais nous jeter en dehors de Bosnie-Herzégovine. Toute la Bosnie, ça,

 21   c'était quelque chose que tu accepterais, mais sans nous.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Monsieur le Témoin, calmez-

 23   vous, s'il vous plaît. Contentez-vous de répondre aux questions.

 24   Monsieur Karadzic, lorsque le témoin --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous comprenez, moi,

 26   depuis le 3 avril 1992, je vivais en Bosnie-Herzégovine. Je connais la

 27   situation. Ils voulaient nous chasser. Qu'on leur donne toute la Bosnie-

 28   Herzégovine, oui, mais sans les Musulmans et les Croates. Ils ne voulaient

Page 1307

  1   que les Serbes dedans.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous allons prouver le contraire, très

  3   précisément.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Je voudrais que vous nous montriez votre localité.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, arrêtez-vous.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je sais où est ma localité. Enlève ça de

  8   l'écran.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais là encore

 10   vous demander de bien vouloir vous contenter de répondre aux questions.

 11   C'est la meilleure façon pour vous d'aider les Juges de la Chambre.

 12   Monsieur Karadzic --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, je ne veux pas,

 14   vous comprenez, je ne veux pas regarder cette carte. Que Karadzic

 15   l'examine, la regarde, mais moi, je ne veux pas. Nous avons la carte de la

 16   Bosnie-Herzégovine, nous avons ses frontières internationalement reconnues,

 17   la Republika Srpska, l'Herceg-Bosna, tout ça ne nous intéresse pas. Seule

 18   la Bosnie nous intéresse. Elle n'appartient ni aux Croates, ni aux

 19   Musulmans, ni aux Serbes. Elle appartient à tous ses citoyens. Et Karadzic,

 20   lui, il veut que la Bosnie-Herzégovine appartienne qu'à un seul peuple.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, je vous ai dit que l'accusé et

 22   la Défense a le droit de vous poser des questions. Si vous ne le savez pas,

 23   dites que vous ne le savez pas. S'il vous plaît, entendez bien ce que je

 24   vous dis --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je lui ai dit de ne pas mettre cette

 26   carte. La carte, je ne la reconnais pas. Cette carte ne m'intéresse pas. Si

 27   elle vous intéresse, Monsieur le Président, je vous en prie, je vous en

 28   prie, je ne vais pas vous en empêcher. Mais je ne veux pas la voir sur mon

Page 1308

  1   écran. Si j'avais une écharpe, je la cacherais pour ne pas la regarder.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que cela ne

  3   sert pas à grand-chose de poser des questions sur la carte puisque le

  4   témoin a déjà dit qu'il n'en savait rien de la carte du plan Cutileiro.

  5   Vous pouvez peut-être procéder autrement avec cette carte et non pas par le

  6   truchement de ce témoin. Je vous incite, Monsieur Karadzic, à passer à

  7   autre chose.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Tout à fait. Mais

  9   la chose importante, c'est de dire que nous avons accepté que sa localité

 10   ne ferait pas partie d'un canton serbe.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais, Monsieur Karadzic, vous aurez

 12   l'occasion d'avancer cela, mais concentrez-vous maintenant sur les

 13   questions à poser à ce témoin plutôt que de faire des déclarations.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. 65 ter, à présent, 19139 de

 15   l'Accusation. Est-ce que l'on peut afficher cette pièce de l'Accusation,

 16   s'il vous plaît.

 17   Il n'est pas nécessaire de diffuser cette carte à l'extérieur, que cela

 18   reste uniquement affiché à l'intérieur du prétoire.

 19   Q.  Monsieur, s'agit-il là bien d'une carte de votre municipalité ?

 20   R.  Ça ne m'intéresse pas. Attendez, je vais voir. Ma municipalité, c'est

 21   la municipalité de Zvornik. Je suis protégé, mais je vais te le dire et je

 22   l'ai dit avant. Je suis né à Zvornik, j'y ai grandi quasiment jusqu'à ce

 23   que j'aie 50, 60 ans. Ça ne peut pas être ta municipalité. Elle ne peut

 24   qu'être la mienne. Excusez-moi. Attends, je vais voir de quelle

 25   municipalité il s'agit ici.

 26   Q.  Mais c'est écrit. C'est écrit.

 27   R.  Oui, c'est la municipalité de Zvornik.

 28   Q.  Au sud, s'il vous plaît. Est-ce que vous pourriez nous montrer la

Page 1309

  1   région qui nous intéresse à présent.

  2   R.  Mais ça ne m'intéresse pas. Mais tout t'intéressait. Il n'y avait pas

  3   qu'une chose qui t'intéressait. Tout t'intéressait. Je t'en prie. A

  4   condition qu'il n'y ait plus de Musulmans de Bosnie.

  5   Q.  Par cinq fois, vous avez témoigné, Monsieur le Témoin --

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Karadzic, je

  7   vais vous interrompre.

  8   Vous devez garder à l'esprit le fait que cette information est

  9   importante pour nous, les Juges, Monsieur le Témoin. Que cela vous

 10   intéresse ou non, je comprends, mais nous, cela nous intéresse. Nous avons

 11   besoin de connaître ces choses, de les savoir, pour pouvoir prendre une

 12   décision dans cette affaire. Donc je comprends que cela vous est difficile,

 13   mais je vous prie de bien vouloir accepter le fait que c'est nous qui avons

 14   besoin de ces éléments d'information pour pouvoir bien décider dans cette

 15   affaire.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Juge, ethniquement, on a

 17   nettoyé toute la municipalité de Zvornik. Le savez-vous ? Je pense que pas

 18   un seul Bosnien ne vivait plus dans la municipalité de Zvornik. Donc ce

 19   n'est pas une partie de la municipalité qui l'intéresse ou une autre

 20   partie. Non. Il voulait toute la municipalité. Un grand secteur, Djulici,

 21   Potocari. J'ai une sœur qui est mariée là-bas.

 22   Plus de 700 personnes ont rendu leurs armes, ont dit : "On ne veut

 23   pas de guerre." Ecoutez, ils ont remis les clés de leur voiture en disant :

 24   "On ne veut pas de guerre." L'armée serbe les a tous rassemblés, les femmes

 25   et les enfants. Les femmes, les enfants dans les autocars, dans les camions

 26   pour Tuzla. Plus de 700 personnes ont été abattues. Donc ce qu'ils

 27   voulaient, c'était le nettoyage ethnique, ces gens. Ils ne voulaient pas la

 28   guerre. Donc ce n'est pas une seule partie de la municipalité de Zvornik ou

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  1   une autre partie qu'il voulait ou qui l'intéressait. Non. C'est tout le

  2   territoire de la municipalité.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous êtes un témoin très important. Vos témoignages

  5   ont été incorporés dans plusieurs condamnations ici. S'il vous plaît,

  6   concentrons-nous sur l'objet de votre témoignage et l'Accusation pourra

  7   vous aider. Je souhaiterais que le greffier d'audience aide le témoin à

  8   utiliser le stylet électronique, parce que je voudrais qu'il trace

  9   certaines choses sur la carte.

 10   R.  Non, non, non. Cette carte, je ne la connais pas du tout. Mais qu'est-

 11   ce que tu veux que je te dise au sujet de cette carte ?

 12   Q.  Monsieur le Témoin, cette carte ne m'appartient pas. C'est une carte du

 13   Procureur. C'est une carte géographique sans aucune segmentation ethnique.

 14   R.  Mais que veux-tu que je t'annote sur cette carte ? Qu'est-ce que tu

 15   veux ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

 18   Messieurs les Juges. Je pense que cela nous aiderait de savoir sur quoi

 19   porte exactement la question. Peut-être que je n'ai pas bien compris, mais

 20   on n'a pas entendu une question tout à fait précise, donc la seule question

 21   qu'on a entendue, c'est : "Est-ce que vous pouvez nous montrer la partie

 22   sud," ou quelque chose de cet ordre. Mais est-ce qu'on peut savoir plus

 23   précisément sur quoi porte la question ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne peux pas, Monsieur le Président. Je

 26   ne peux pas, par avance, révéler mes cartes à l'Accusation. Moi, je suis

 27   les déclarations du témoin. C'est là qu'il vivait, c'est là qu'il

 28   travaillait, et c'est là que des événements importants sont survenus

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  1   jusqu'en mars 1993, plus importants et plus intenses que la deuxième partie

  2   de son témoignage. Par conséquent, se sont produites ici des choses très

  3   importantes. Et M. Nicholson [sic] a jugé à cause de cela de verser en

  4   l'espèce un témoignage fait dans l'affaire Milosevic.

  5   Donc je veux savoir maintenant et je veux poser mes questions au témoin là-

  6   dessus, sur quelle était la composition de la population ici.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes vivaient sur le territoire de la

  8   municipalité de Zvornik dans leurs villages. Les Bosniens vivaient dans

  9   leurs villages.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Non, ce n'était pas ma question, et pas non plus votre réponse. Je

 12   voudrais qu'on se concentre sur votre déclaration et vos témoignages et les

 13   localités que vous y avez mentionnées.

 14   R.  Non, non. La carte, je ne veux rien y annoter. Tu me poses des

 15   questions sur ce qui s'est passé et je te dirai tout ce qu'il faut, mais la

 16   carte, je ne veux rien avoir avec elle.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur peut-il donner des instructions au

 18   témoin, peut-il lui rappeler ses obligations et l'aider, s'il le faut ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, mais je n'ai pas besoin qu'on

 20   m'aide. Dans les autres affaires --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme M. le Juge Morrison vient de vous

 22   l'indiquer, la meilleure façon pour vous d'aider les Juges est de répondre

 23   aux questions. C'est ainsi que les Juges recevront des faits qui sont

 24   importants en l'espèce. Votre manque de coopération ne nous est pas très

 25   utile. Donc dans toute la mesure du possible, s'il vous plaît, efforcez-

 26   vous de répondre aux questions. Est-ce que vous reconnaissez ce que l'on

 27   voit s'afficher devant

 28   vous ?

Page 1312

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non, mais la carte, je ne la connais

  2   pas, tu comprends ? Mais je ne veux pas avancer à l'aveuglette sur cette

  3   carte. Moi, le territoire, je connais, mais la carte, je n'en ai rien à

  4   faire.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc si j'ai bien compris votre réponse,

  6   vous ne reconnaissez pas cette carte.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Naturellement. Tout ce qu'il me demandera, je

  8   le lui dirai : Mais les cartes, je n'ai rien à voir. Jamais personne ne m'a

  9   présenté de carte avant. Je ne vois pas où il veut en venir avec la carte.

 10   Qu'est-ce qu'il veut avec cette carte ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous pouvons passer à autre

 12   chose.

 13   Passez à autre chose, s'il vous plaît, Monsieur Karadzic.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

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  7   R.  Où sont-ils, ils vivent là-bas. Comment voulez-vous que je le sache ?

  8   Je ne sais pas.

  9   Q.  Monsieur, vous êtes arrivé le 3 avril 1992. Est-ce que vous savez,

 10   avant que vous ne partiez, ce qui s'est passé avec les Serbes qui étaient

 11   dans votre village ?

 12   R.  Mais partis où ?

 13   Q.  Avant que vous ne quittiez votre village.

 14   R.  D'abord, ils nous ont expulsés de notre village. Est-ce que tu sais ?

 15   Ces 122 Serbes, ils ont incendié six Musulmans dans une forge. Et ça c'est

 16   des voisins. Ce n'étaient pas des gens venus d'ailleurs.

 17   Q.  Monsieur le Témoin, moi, je vous prie de vous concentrer sur ce qui

 18   fait l'objet de votre témoignage. Est-ce que vous savez ce qui s'est passé

 19   avec ces Serbes avant que les Serbes ne viennent dans votre village au mois

 20   de mars 1993 ?

 21   R.  Mais quels Serbes ? Il y avait pas mal de Serbes là. De quels Serbes ?

 22   Q.  Tous les Serbes de votre village ?

 23   R.  Je ne sais pas. Certains sont partis. Cette minorité a quitté, et la

 24   majorité d'entre eux, personne n'y a touché.

 25   Q.  Mais est-ce qu'il y avait --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 27   Monsieur Nicholls.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Par mesure de

Page 1314

  1   sécurité, je pense qu'il faudrait expurger la page 29, lignes 14 à 18,

  2   parce qu'il y a là une description assez précise.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Allons de l'avant.

  4   Veuillez reposer votre question.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur le Témoin, combien de Serbes y avait-il dans vos deux villages

  7   au moment où l'armée serbe est entrée dans ces  villages ?

  8   R.  Lorsque l'armée serbe est entrée dans ces villages-là, ou il y avait un

  9   peu de Serbes, il y en avait pas du tout.

 10   Q.  Où étaient-ils alors ?

 11   R.  Je n'en sais rien. Où est-ce qu'ils étaient ? Ils étaient partis à

 12   Zvornik ?

 13   Q.  Et là où il y avait plus de Serbes, 301 ?

 14   R.  Ils étaient tous là.

 15   Q.  Ils étaient tous là-bas ?

 16   R.  Ils étaient tous là-bas.

 17   Q.  Merci. Vous avez mentionné deux frères, et vous aviez un troisième

 18   frère, mais vous ne l'avez pas mentionné.

 19   R.  C'est cela.

 20   Q.  Est-ce que vous voulez dire, non pas son nom, mais ce qui est advenu de

 21   lui ?

 22   R.  Il est mort.

 23   Q.  Quand ?

 24   R.  En 1992.

 25   Q.  Où est-il mort ?

 26   R.  A Kamenica.

 27   Q.  Comment ?

 28   R.  Il a été tué par un soldat serbe.

Page 1315

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, pouvez-vous répéter

  2   le nom de la localité où votre frère a été tué.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, j'ai dit le nom de la localité, or je

  4   suis témoin protégé.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Mais vous pouvez le dire puisque ce n'est pas encore diffusé.

  7   R.  Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vérifions un peu ce que j'ai dit.

  9   Monsieur Nicholls, est-ce que nous devons passer à huis clos partiel

 10   puisqu'on vient d'entendre le nom de la localité où le frère du témoin a

 11   été tué ?

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne pense pas, Monsieur le Président.

 13   Juste si on ne mentionne que le nom de la localité -- mais peut-être, par

 14   mesure de précaution, vaudrait-il mieux passer à huis clos partiel.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Huis clos partiel, s'il vous

 16   plaît.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Témoin, quand est-ce que ça s'est passé et dans quelles

 28   circonstances cela s'est-il passé ?

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  1   R.  Est-ce qu'on est à huis clos partiel ou est-ce qu'on est en audience

  2   publique ?

  3   Q.  Dites-nous, était-ce pendant des combats et était-il un "sehid", donc

  4   un combattant tombé au combat ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Bon. Ce premier frère, a-t-il des enfants ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  A-t-il des fils ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pouvez-vous nous donner l'un des prénoms des fils qu'il avait ?

 11   R.  Je ne peux pas vous le dire. Il n'a qu'un fils, et il n'a plus d'enfant

 12   du tout.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons

 14   passer une seconde à huis clos partiel pour entendre le prénom de ce fils.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Comment s'appelle le fils --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un peu.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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  7   [Audience publique]

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Vous avez dit dans vos déclarations que votre famille était partie bien

 10   avant vous à Tuzla.

 11   R.  Ma famille est allée à Tuzla le 30 ou le 31 janvier 1993. Donc ce n'est

 12   pas très longtemps avant moi, une quinzaine de jours avant moi, parce qu'il

 13   a fallu que nous partions de là.

 14   Q.  Et les Serbes, ils étaient où par rapport -- quand je dis les Serbes,

 15   l'armée serbe, par rapport à votre village.

 16   R.  Les Serbes conviaient la population à quitter le village, et les nôtres

 17   qui pouvaient faire passer les hommes, les femmes, les enfants ou des

 18   vieillards ou ceux qui étaient même aptes à combattre, il en est parti

 19   beaucoup des gens, et nous, on s'est retirés vers Konjevic Polje et au-

 20   delà.

 21   Q.  Moi, ce que je dis, Monsieur le Témoin, c'est que c'était une

 22   évacuation planifiée et organisée des civils de vos villages, de votre

 23   région, qui a été réalisée par votre armée, l'ABiH. Que me direz-vous à ce

 24   sujet ?

 25   R.  Non, ce n'est certainement pas le cas. En 1992, l'armée serbe avait

 26   attaqué, toutes nos maisons étaient incendiées, toutes nos mosquées ont été

 27   détruites. Dans mon village, il y en avait quatre mosquées. Et nous avons

 28   tous déménagé. Parce que nos familles étaient encore avec nous, et on est

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  1   passés à la municipalité voisine. Un tout petit hameau était resté au bout

  2   avec peut-être six ou sept maisons, et où il est resté quelques personnes.

  3   Les femmes et les enfants ont dû être évacués au-delà.

  4   Et c'est par la suite que nous avons dû nous organiser pour repousser les

  5   Serbes de notre territoire.

  6   Q.  Merci. Mais restons-en à ce qui fait l'objet de ma question.

  7   R.  Certes.

  8   Q.  Vous n'êtes pas parti avec eux et vous n'êtes pas parti à Tuzla.

  9   Pourquoi ?

 10   R.  Mais vous savez pourquoi. J'ai toujours réfléchi à ce qui s'était passé

 11   avec la population lorsque l'on avait emprisonné les femmes et les enfants.

 12   Il y a eu des femmes et des jeunes filles qui ont été en grand nombre

 13   violées, à Dieu ne plaise. Moi, je suis père de trois enfants, deux filles

 14   et un fils, et j'ai toujours réfléchi si jamais ma fille venait à être

 15   tuée. Je l'enterrerais et j'irais au-delà. Mais à Dieu ne plaise que

 16   quelqu'un en vienne à la violer. Il y a eu, par exemple, des gens qui ont

 17   leurs femmes, leurs filles ou leurs mères de violées, et je ne sais pas si

 18   je pourrais survivre à cette éventualité. Je n'osais pas partir, advienne

 19   que pourrait de moi.

 20   Q.  Mais ne serait-ce pas plutôt parce que vous étiez nécessaire en votre

 21   qualité de soldat, parce que les militaires ont évacué plus de 7 000 civils

 22   et vous, et ce, ça a été fait pour que vous puissiez vous battre plus

 23   facilement, et vous, vous êtes resté vous battre ?

 24   R.  Non. Moi, je n'avais pas de fusil. Nous avions des effectifs, mais nous

 25   n'avions pas d'armes. Nous avions nos corps pour qu'on nous tire dessus

 26   avec des chars, des obusiers, des mortiers. Parce que si on avait eu des

 27   armes, il ne serait pas arrivé ce qu'il nous est arrivé.

 28   Q.  Mais vous étiez quand même un soldat de l'ABiH, n'est-ce pas ?

Page 1319

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que vous aviez des armes froides ?

  3   R.  Quoi ? Un pic, une pelle ? Enfin, vous savez ce que c'était l'arme

  4   blanche ? Parce que si vous n'avez pas de munitions, même votre fusil est

  5   une arme blanche.

  6   Q.  Monsieur, nous allons montrer ici les documents de votre commandement.

  7   Vous avez évité de confirmer le fait que vous étiez soldat de l'ABiH. Vous

  8   venez de le confirmer. Merci.

  9   R.  Je n'ai jamais nié. Excusez-moi. J'ai dit à tout moment que j'étais

 10   soldat. J'étais soldat de la JNA à l'époque, et j'ai été soldat -- enfin,

 11   je n'étais pas un militaire de grand calibre, nous n'avions pas d'armes. Il

 12   fallait que j'aille remplacer, par exemple, un collègue qui montait la

 13   garde.

 14   Q.  Dans vos déclarations, il est écrit le fait que vous n'étiez pas

 15   soldat, puis que vous étiez soldat, puis une fois de plus que vous n'étiez

 16   pas soldat, et dans les déclarations, c'est un fait qu'on peut relever, et

 17   on peut aussi constater que vous étiez membre de la Défense territoriale,

 18   et à la mi-avril, cette Défense territoriale, en 1992, est devenue partie

 19   intégrante de l'ABiH, n'est-ce pas ?

 20   R.  Pendant que j'étais dans mon village, j'étais membre de la Défense

 21   territoriale. Après, lorsque je suis arrivé à Srebrenica, je n'étais pas un

 22   soldat, c'est ce que j'ai dit. J'ai dit que je n'étais pas un soldat.

 23   Par la suite, lorsque je suis retourné au territoire libre, et tout

 24   le monde voulait m'exempter du service, moi, je voulais y aller. Et la fin

 25   de la guerre est venue, donc, de fait, je n'étais pas véritablement un

 26   soldat.

 27   Q.  Merci. Vous êtes en train de nier que le départ de vos civils a été

 28   organisé par votre armée, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Vous ne niez pas ou vous niez ?

  3   R.  Je nie, ce n'est pas exact. La population -- il n'y avait plus de quoi

  4   manger. On n'avait plus où habiter. Parce que quand on incendie la maison

  5   de quelqu'un, nous n'avions pas de clous et on ne pouvait rien prendre des

  6   cendres pour le réutiliser.

  7   Vous aviez bouclé, en 1992, dès le début avril, vous nous aviez

  8   d'abord coupé le courant. On n'avait pas de voie de communication avec une

  9   ville quelconque pour se procurer quoi que ce soit, donc il fallait, par la

 10   force des choses, que la population devait s'en aller. On n'avait rien à la

 11   maison. Enfin, c'est pour pouvoir manger que les gens devaient quitter ces

 12   lieux.

 13   Q.  Merci. Monsieur le Témoin, je tiens à vous rappeler une chose.

 14   L'électricité vous venait de la centrale de Visegrad ?

 15   R.  Je ne sais pas d'où l'électricité nous arrivait, mais je crois que ça

 16   nous arrivait de Zalukovik, et je crois que ça appartenait à Vlasenica.

 17   Enfin, je ne sais pas trop à quoi ça appartenait.

 18   Q.  Mais, Monsieur le Témoin, toute cette région était alimentée par

 19   Visegrad, par des lignes de haute tension, ça passait par Srebrenica, et je

 20   vous affirme à présent que les lignes de haute tension à Srebrenica,

 21   jusqu'à la fin de la guerre, ont été détruites par l'armée d'Oric, et c'est

 22   la raison pour laquelle ni vous ni la Krajina de Bosnie n'aviez

 23   d'électricité.

 24   R.  Non. Au début de la guerre, vous aviez en personne donné l'ordre, je ne

 25   sais pas si c'est vous ou si c'est ceux de Zvornik qui ont donné l'ordre,

 26   de nous couper le courant. Il n'y avait aucune espèce de guerre et de

 27   combat chez nous. Or, nous, on était déjà restés sans électricité.

 28   Q.  Et comment ai-je donné cet ordre ?

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  1   R.  Mais c'était vous l'homme numéro un. On demande toujours à la tête ce

  2   qu'il faut faire. On n'a jamais demandé au pied ce qu'il fallait faire.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, si vous affirmez que c'est moi qui en ai donné

  4   l'ordre, moi, il faut que je tire les choses au clair. Comment et quand ai-

  5   je donné cet ordre ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, allons de l'avant. Passons à

  7   votre question suivante, Monsieur Karadzic.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que votre deuxième frère était également un soldat ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que lui était cuisinier ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pour qui faisait-il la cuisine ?

 14   R.  Pour lui.

 15   Q.  Est-ce qu'il faisait la cuisine pour l'armée ?

 16   R.  Non. Là-haut à Slatina, ils avaient un poste d'observation. Il y avait

 17   la FORPRONU aussi. Eux, ils observaient les déplacements des Serbes parce

 18   que c'était très près des lignes de front, et il faisait la cuisine pour

 19   ceux qui observaient. Il a tout le temps été cuisinier, parce que, de

 20   profession il était boulanger.

 21   Q.  Combien de combattants de votre village avaient finalement rejoint les

 22   rangs des unités de Srebrenica ?

 23   R.  Je ne sais pas combien il y en a eu à avoir rejoint les rangs de

 24   Srebrenica. Quand on est arrivés à Srebrenica, il y a eu signature de cette

 25   démilitarisation. Il n'y avait pas lieu de rejoindre les rangs de quoi que

 26   ce soit.

 27   Q.  Mais si je vous dis que rien que de votre village à vous, il y a eu 500

 28   combattants à avoir rejoints les rangs de là-bas pour renforcer

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  1   considérablement les forces de Naser Oric à Srebrenica, que répondriez-vous

  2   ?

  3   R.  Non, ce n'est certainement pas cela. D'abord, ils n'étaient pas au

  4   total autant sur le territoire de notre municipalité à être allés à

  5   Srebrenica.

  6   Q.  Le total de la population.

  7   R.  De ma municipalité. Je ne parle pas de Srebrenica. Moi, je ne suis pas

  8   de Srebrenica.

  9   Q.  De votre avis, combien de gens de votre municipalité, soldats et civils

 10   confondus, est-il allé à Srebrenica en 1993 ?

 11   R.  Je t'ai dit je ne sais pas. Il en est arrivé beaucoup, mais quand il y

 12   a eu transport de convois de femmes et d'enfants, la plupart des femmes et

 13   des enfants étaient partis. Ceux qui restaient c'étaient des personnes

 14   âgées et des hommes capables de se battre.

 15   Q.  Merci. Je voudrais à présent que nous nous penchions quelque peu sur ce

 16   qui s'est passé dans votre municipalité, c'est-à-dire en premier lieu, dans

 17   votre village à vous. A cet effet, j'aimerais qu'on --

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous sommes en train de

 19   passer à un sujet différent, parce que peut-être pourrions-nous faire la

 20   pause. En attendant, le témoin pourrait quitter la pièce. Je crois que

 21   d'abord il faut descendre les stores. Et l'accusé pourra alors évoquer les

 22   sujets qu'il avait souhaité évoquer.

 23   Monsieur le Témoin, nous allons faire une pause de 25 minutes. Nous allons

 24   reprendre nos activités à 4 heures. Vous pouvez à présent quitter le

 25   prétoire et vous reposer quelque peu.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vos Excellences, je voudrais recommander à

Page 1324

  1   votre attention ce qui a été dit à la conférence du 17 septembre -- non,

  2   août 2009. Page 156, lorsque Mlle Uertz-Retzlaff a dit :

  3   "Ce que je peux dire aussi, c'est que la partie Srebrenica de

  4   l'affaire ne va définitivement pas être à la fin, se trouver à la fin de la

  5   présentation des éléments à charge."

  6   Donc il n'y a pas nécessité d'en parler dès le début du procès.

  7   Alors, je demanderais aimablement que s'agissant de la deuxième partie du

  8   témoignage de ce témoin-ci pour l'année 1995, on le fasse revenir lorsqu'on

  9   parlera de Srebrenica. C'est là que je serais prêt pour ce qui est de le

 10   contre-interroger, et je serais tout à fait prêt à finir aujourd'hui tout

 11   ce qui concerne la partie ou le volet 1993.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous

 13   avez quelque chose à dire à ce sujet ?

 14   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais devoir me

 15   pencher sur le fait de savoir s'il y a confusion ou pas ici, parce qu'il me

 16   semble qu'il est apparent que l'on fait référence à des questions de

 17   procédures de façon générale, ou d'approche générale à l'affaire. Je ne me

 18   souviens pas du contexte précis, mais si toutefois mes souvenirs sont bons,

 19   cela a à voir avec une question qui doit être tranchée dans un délai

 20   particulier. C'est dans ce contexte que Mme Uertz-Retzlaff avait indiqué

 21   que la majeure partie du fardeau des éléments de preuve liés à Srebrenica

 22   serait évoquée dans la phase finale de l'affaire, et c'est à ce moment-là

 23   que nous pourrions revenir à ce volet.Je crois que ce qu'elle a dit se

 24   référait à tout à fait autre chose, et non pas au témoignage de ce témoin.

 25   Cela a été clairement indiqué à une Conférence de mise en état, s'agissant

 26   de la teneur du témoignage de ce témoin, et je ne pense pas que cela porte

 27   préjudice à la Défense.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que la Chambre peut avoir une

Page 1325

  1   idée de la date à laquelle il y a eu communication à l'accusé de

  2   l'information disant que ce témoin allait venir

  3   témoigner ?

  4   M. LE ROBINSON : [interprétation] Ça s'est passé le 9 octobre, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'an passé. Merci. Nous allons

  7   faire une pause de 25 minutes.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais répliquer pendant que le témoin n'est

  9   pas là, et j'ai peut-être deux ou trois petits points à évoquer. Vous aviez

 10   dit que nous allions avoir l'opportunité de le faire, alors je voudrais

 11   qu'on m'autorise.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est du contre-interrogatoire ou

 14   pour ce qui est des éléments à charge faits par l'Accusation au niveau de

 15   Srebrenica, ça a été déjà fait par déclaration, témoignage. Il y a pas mal

 16   de répétitions, pas mal de choses cumulativement faites, et il y a les

 17   faits admis. Ce que nous voudrions, c'est que l'on nous dise toute

 18   l'affaire Srebrenica 1995, parce que nous n'avons pas obtenu le temps que

 19   nous avions réclamé pour nos préparatifs, donc on a dû se référer à ce que

 20   Mme Uertz-Retzlaff a dit. Et compte tenu de nos ressources et de nos

 21   priorités, nous, nous avons laissé Srebrenica 1995 pour plus tard. C'est la

 22   seule raison. Il y a d'autres éléments que je voudrais évoquer brièvement.

 23   Il y a des requêtes de présentés dans ce prétoire -- d'abord, il y a une

 24   très forte cadence, et les exigences sont très fortes.

 25   Je crains fort que les autres services ne sont pas capables de suivre

 26   la cadence. Je tiens à préciser qu'il y a, par exemple, le service de

 27   traduction. Je dois vous dire que j'ai demandé à toute ma famille jusqu'au

 28   Canada de faire de la traduction, parce que je ne m'attends pas à ce que

Page 1326

  1   les documents soient traduits en temps utile. Je n'ai pas toutes ces

  2   ressources. Ma famille traduit gratuitement pour moi. Je n'ai pas de quoi

  3   payer les interprètes ou les traducteurs. Les services du Tribunal

  4   devraient pouvoir suivre les cadences de travail. Et moi, je fais de mon

  5   côté de mon mieux pour que ce procès rende possible l'établissement de la

  6   justice internationale, et je ne compromets en rien le fait ou la nécessité

  7   que la justice internationale se fasse.

  8   Deuxième chose. Ce que j'ai demandé la fois passée, faut-il que je

  9   l'écrive, à savoir que nous soyons autorisés d'avoir encore une personne

 10   ici, parce que M. Tieger, il en a autant qu'il en veut, autant qu'il veut

 11   de personnel. Les gens se relaient. Moi, je voudrais aussi que les

 12   déclarations, au moins les déclarations, me soient communiquées en langue

 13   serbe, parce que mes collaborateurs sur le terrain ne parlent pas

 14   l'anglais. Bon nombre d'entre eux ne parlent pas l'anglais. Voilà. Merci.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On y reviendra après la pause. Pause de

 16   25 minutes.

 17   --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.

 18   --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pendant la pause, les Juges de la

 20   Chambre ont déterminé exactement à quel endroit du compte rendu d'audience

 21   se trouvait le propos de Mme Uertz-Retzlaff pendant la Conférence de mise

 22   en état qui a été évoquée. Ce propos se lit comme suit, je cite :

 23   "Un point, si vous voulez bien. Nous apprécierions qu'une décision soit

 24   rendue au sujet de la requête déposée au titre de l'article 92 bis en vue

 25   de report à une date ultérieure de l'expert tant que tout n'aura pas été

 26   lu. Et je peux dire que la partie Srebrenica de l'affaire, c'est certain,

 27   sera abordée à la fin de la présentation des moyens de l'Accusation. Donc

 28   il n'est pas nécessaire d'être prêt à traiter de cet élément dès le début

Page 1327

  1   du procès."

  2   Voilà ce qu'a dit Mme Uertz-Retzlaff. Etant donné cette déclaration, j'ai

  3   tendance à être d'accord avec l'accusé quant au fait que lui-même et les

  4   Juges de la Chambre ont été conduits à penser par les représentants de

  5   l'Accusation que les éléments relatifs à Sarajevo seraient présentés au

  6   début des moyens de l'Accusation et que les éléments relatifs à Srebrenica

  7   et aux municipalités de façon plus générale seraient traités plus tard.

  8   M. Kadijevic s'est vu répondre, au moment où sa requête a été rejetée,

  9   lorsqu'il a demandé un temps supplémentaire de préparation, qu'il n'avait

 10   pas besoin de tout préparer avant le début du procès et qu'il convenait

 11   qu'il se concentre sur les témoins entendus au sujet de Sarajevo au début

 12   de la préparation de son travail. Donc même s'il avait su que ce témoin-ci,

 13   le Témoin KDZ064 serait entendu au sujet de Srebrenica, même s'il l'avait

 14   su depuis le mois d'octobre de l'année dernière, il aurait encore des

 15   justifications à déclarer qu'il avait consacré tous ses moyens à la

 16   préparation des éléments de preuve relatifs à Sarajevo en premier.

 17   Oui, Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je présume

 19   que la Chambre me donnera la possibilité de développer avant de rendre

 20   quelque décision que ce soit, mais je sais que j'ai interrompu la Chambre.

 21   J'ai pensé que vous en aviez terminé.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je poursuis. Je vous remercie. Ceci

 23   étant dit, la Chambre est déçue de voir de quelle façon procède

 24   l'Accusation qui ne s'en tient pas à ce qu'elle a dit, à savoir que les

 25   éléments relatifs à Sarajevo seraient abordés en premier. Mais

 26   l'établissement d'un calendrier n'étant pour personne une séance exacte, il

 27   importe de faire preuve d'une certaine souplesse dans l'établissement de ce

 28   calendrier. Et la Chambre est d'avis que M. Karadzic devrait poursuivre son

Page 1328

  1   contre-interrogatoire du témoin, et s'il découvre ultérieurement au cours

  2   de la fin de son travail de préparation qu'il y a des éléments relatifs à

  3   Srebrenica qui n'ont pas encore été présentés par lui pour contrer les

  4   arguments de l'Accusation, il pourra déposer une requête, argumenter en vue

  5   de rappel de ce témoin à la barre pour complément de contre-interrogatoire

  6   le cas échéant.

  7   J'aimerais maintenant que nous poursuivons le contre-interrogatoire, et y

  8   compris l'élément de Srebrenica de celui-ci.

  9   Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, Monsieur Tieger ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais j'aimerais si

 11   vous me le permettez commencer par répondre aux commentaires de la Chambre.

 12   Je tiens à souligner qu'il n'y a eu en aucun cas un effort déterminé de la

 13   part de l'Accusation pour induire la Chambre où la Défense en erreur. Et je

 14   maintiens que l'Accusation ne s'est pas écartée de son devoir de

 15   communication avec la Chambre et que les éléments de Srebrenica seront

 16   toujours abordés à la fin des moyens de l'Accusation. Mais la question qui

 17   est apparue dans le cadre de l'application de l'article 65 ter du Règlement

 18   a consisté à se demander s'il était nécessaire de s'occuper d'un aspect

 19   tout à fait particulier et spécifique du dossier Srebrenica un peu plus

 20   tôt. Mme Uertz-Retzlaff a indiqué alors que la question était débattue, que

 21   le gros de la présentation des moyens relatifs à Srebrenica seraient

 22   présenté à un autre moment qu'au début de l'affaire. Donc la question

 23   n'avait pas besoin d'être résolue dans l'immédiat.

 24   Je crois que toute personne qui a participé à la conférence tenue au

 25   titre de l'article 65 ter du Règlement a bien compris ce que je viens de

 26   dire, et je pense que les délais respectés par nous pour informer les

 27   témoins et pour informer l'accusé de la teneur à venir de la déposition

 28   d'un témoin ont permis, comme je l'ai déjà dit, et je sais que la Chambre a

Page 1329

  1   rendu une décision sur ce point. Mais il me faut souligner que la situation

  2   ne se résume pas simplement à ce que nous soyons face à un témoin à

  3   laquelle toute l'information n'a pas été fournie. Pratiquement tout ce que

  4   le témoin était censé dire a été communiqué à l'accusé à l'avance.

  5   Deuxième point si vous me le permettez --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je ne suis pas tout à

  7   fait sûr d'avoir entièrement compris ce que vous avez dit. Qu'entendiez-

  8   vous par "contexte" lorsque vous avez parlé du contexte déterminé par

  9   l'article 65 ter du Règlement ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] La question qui a été soulevée était

 11   tout à fait circonscrite. Etait-il nécessaire de s'occuper de cette

 12   question de l'expert immédiatement ou est-ce que l'on pouvait attendre que

 13   la partie du dossier relative à ce point arrive avant de le faire ?

 14   Autrement dit, est-ce qu'il fallait répondre à certaines questions dès le

 15   début de l'affaire, ou pouvait-on le faire plus

 16   tard ? Etant donné que nous sommes ici face à la question de la

 17   présentation de tous les moyens de preuve, puisque la Défense souhaitera

 18   évidemment être informée de tout avant d'aborder tel ou tel aspect du

 19   dossier, la question est évoquée, et cette question n'a pas grand-chose à

 20   voir si toutefois elle ait quoi que ce soit à voir avec le témoin

 21   particulier qui est ici pour nous parler des événements qu'il a vécus et

 22   vus de ses yeux.

 23   Donc ce qui a été communiqué quant à l'ordre de présentation des

 24   éléments de l'Accusation avait un rapport avec une question évoquée à la

 25   conférence 65 ter à ce moment-là, et il s'agissait en particulier du

 26   calendrier relatif à l'expert et de l'ordre général dans lequel les moyens

 27   de l'Accusation seraient présentés. Voilà ce qui est une façon peut être

 28   plus équitable de présenter les choses.

Page 1330

  1   Donc je dirais que la question de la préparation à l'audition de tel

  2   ou tel témoin n'a pas grand-chose à voir avec cette question de Srebrenica

  3   qui devait être abordée à telle ou telle date dans la présentation des

  4   moyens de l'Accusation. La présentation des moyens se fait en plusieurs

  5   catégories assez vastes, et donc c'est l'ordre de présentation de ces

  6   moyens qui était en cause.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que tout soit clair. Est-ce que vous

  8   avez prévu de présenter les éléments relatifs à Srebrenica plus tard, et

  9   est-ce que votre planification a changé en quoi que ce soit ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez toujours l'intention

 12   d'évoquer tout de même quelques aspects liés à Srebrenica un peu plus tôt

 13   dans la présentation de vos moyens ?

 14   M. TIEGER : [interprétation] Comme nous l'avons indiqué dans le mémoire

 15   préalable au procès et dans notre propos liminaire, il y a manifestement un

 16   rapport entre les différents éléments de l'affaire. Par conséquent, nous

 17   avons dès le début de l'affaire présenté aux Juges des éléments de preuve

 18   qui porteront sur les différents chapitres des moyens de l'Accusation, et

 19   les Juges pourront constater, en tout cas, ils comprendront suffisamment

 20   les rapports existants entre ces différents gros chapitres de la

 21   présentation des moyens de l'Accusation. Mais nous avons l'intention de

 22   présenter tout de même ces grands chapitres dans un ordre déterminé qui n'a

 23   pas changé.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc pour les Juges, il serait bon que

 25   vous vous en teniez à votre projet initial.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Bien compris, Monsieur le Président. Je pense

 27   que la Chambre constatera que l'Accusation s'est efforcée au maximum de

 28   s'en tenir au calendrier d'audition des témoins qu'elle a fourni l'année

Page 1331

  1   dernière au moment de la suspension de l'affaire pour diverses raisons.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc ceci étant dit et entendu, je vous

  3   encourage encore une fois à vous en tenir à ce que vous avez dit

  4   précédemment.

  5   Y a-t-il une autre question que vous souhaitiez évoquer ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous remercie.

  7   L'accusé a évoqué une nouvelle fois la question des déclarations écrites,

  8   et je pense que cette question a été évoquée pour la première fois la

  9   semaine dernière au moment où l'accusé a dit que s'il se souvenait bien, la

 10   décision relative aux traductions ne s'appliquait pas à ce qu'il a qualifié

 11   de déclarations de base. Et il a dit, si je me souviens bien, que tel était

 12   le cas. Je souhaiterais qu'il n'y ait pas de malentendu avec l'accusé, et

 13   je rappelle la décision du 26 mars de l'année dernière sur cette question

 14   qui portait aussi bien sur les déclarations écrites que sur les comptes

 15   rendus d'audience. Donc ceci devrait régler le problème.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur Tieger.

 17   Donc la question de la langue, de l'avis de la Chambre, a été abordée dans

 18   cette décision, ainsi que dans d'autres, et si vous avez quelque chose à

 19   ajouter j'aimerais que vous le fassiez par écrit en déposant une requête

 20   devant la Chambre de première instance.

 21   Quant aux problèmes de traduction et de rémunération des traducteurs ou

 22   toute question similaire, il appartient au Greffe d'en traiter en temps

 23   utile, et c'est seulement lorsque ces problèmes risquent de nuire à

 24   l'équité du procès que la Chambre est appelée à intervenir.

 25   Ceci étant dit, faisons entrer le témoin. Pendant que le témoin entre dans

 26   la salle, encore une question de procédure. Nous avons besoin de ménager

 27   des pauses, car il y a parfois un certain retard de l'interprétation, en

 28   particulier de l'interprétation française, et lors de l'audience

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  1   précédente, des informations confidentielles ont été diffusées. Il faut

  2   donc que nous respections des pauses pour éviter cela.

  3   Monsieur Tieger.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie. Je me rends bien compte de

  5   cela. J'ai oublié de dire une chose qui me semblait évidente. Il y a un

  6   certain nombre de témoins dont la déposition va couvrir des éléments

  7   différents de l'affaire. Et, bien entendu, ils comparaîtront, entre autres,

  8   dans les débuts du procès pour dire ce qu'ils ont vécu, et ce, dont ils ont

  9   été témoin.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Mais ce n'est pas le

 11   cas de ce témoin-ci.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Ce témoin-ci, n'est pas un des témoins

 13   auxquels je pensais en disant cela, mais comme la Chambre le sait, la

 14   déposition de ce témoin-ci couvre non seulement l'année 1995 mais également

 15   d'autres événements. Mais ce que j'avais à l'esprit, c'étaient des témoins

 16   qui seraient cités à la barre pour parler d'un chapitre particulier de

 17   l'affaire et qui auraient quelque chose à dire, des éléments à apporter au

 18   sujet de d'autres chapitres également dans le cadre du chapitre dans lequel

 19   ils sont interrogés.

 20   [Le témoin vient à la barre] 

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Monsieur le Témoin, veuillez vous asseoir.

 23   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans un procès de cette importance, il faut

 25   qu'un système soit respecté. Nous avons parlé de Sanski Most, nous avons

 26   parlé de Pale, nous parlons maintenant de Sarajevo, de Zvornik et de

 27   Srebrenica. Vraiment, l'absence d'un système déterminé ou d'une chronologie

 28   ou d'un ordre particulier dans la présentation des moyens rend le travail

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  1   de préparation beaucoup plus difficile et coûte du temps et de l'argent.

  2   Puis j'ajouterais que je suis toujours inquiet de voir la tendance de

  3   la Chambre à accorder des mesures de protection à des témoins qui ne sont

  4   pas des victimes. Le témoin que vous avez ici n'est pas une victime, c'est

  5   un combattant de l'ABiH, et je ne suis pas autorisé à prononcer le nom de

  6   son village.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, qui n'est pas une victime ? Est-ce

  8   que vous connaissez ma situation personnelle ?

  9   M. KARADZIC : [interprétation] Je suis en train de discuter avec les Juges

 10   de la Chambre. Nous parlerons ensemble vous et moi un peu plus tard.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, votre façon de

 12   contester les mesures de protection accordées par décision de la Chambre

 13   est absolument inacceptable. Par ailleurs, vous avez tout le loisir de vous

 14   pourvoir en appel contre une décision de la Chambre. Mais parler comme vous

 15   venez de le faire pour contester une décision de la Chambre devant le

 16   témoin n'est pas acceptable.

 17   Veuillez continuer, je vous prie.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'avais davantage à l'esprit ce que M.

 19   Tieger venait de dire au sujet de l'avenir. Je n'ai absolument aucune

 20   intention d'insulter qui que ce soit, et en particulier pas le témoin qui

 21   est assis ici.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, je dis que l'organisation en secret sur des bases

 24   paramilitaires des Musulmans à Zvornik a commencé très tôt pendant l'année

 25   1992 et a donné lieu à la création de tout un réseau d'unités, aussi bien

 26   au niveau municipal qu'au niveau régional, dans le cadre de plusieurs

 27   municipalités. Que dites-vous de cela ?

 28   R.  Bien, vous savez ce que je dis de cela, c'est que vous venez d'affirmer

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  1   être une contrevérité notoire. D'abord, nous n'avions pas de quoi nous

  2   organiser. Nous n'avions pas derrière notre dos Slobodan Milosevic qui

  3   pouvait nous envoyer des corps d'armée entiers avec des chars. Parce que je

  4   me souviens très bien, Monsieur Karadzic, du moment où je suis arrivé à

  5   Karakaj en provenance de Belgrade, il y avait des chars à Karakaj. Je ne

  6   sais pas s'il y en avait cinq, dix ou 15, mais ils étaient tous tournés

  7   vers Zvornik. Si nous avions possédé des armes de ce genre, je l'aurais

  8   reconnu. Mais il est certain que tel n'a pas été le cas.

  9   Q.  Merci. Si je vous dis, Monsieur le Témoin, que la formation militaire

 10   présente dans votre village s'appelait 6e Détachement - et vous voyez là

 11   j'ai interdiction de prononcer le nom de son commandant - mais si je vous

 12   dis que c'était un imam, un religieux musulman qui dirigeait cette unité,

 13   vous me direz que ce n'était pas le cas ?

 14   R.  Non, ce n'était pas le cas. Il n'était pas imam. Il était autre chose,

 15   mais pas imam.

 16   Q.  Merci. Si je vous dis que vous possédiez des armes autres que des armes

 17   de chasse, des fusils automatiques qui ont été achetés dans divers endroits

 18   et apportés de façon organisée jusqu'à votre village, que me répondriez-

 19   vous ?

 20   R.  Monsieur Karadzic, nous avions quelques armes, en petite quantité. On a

 21   arrêté chez nous deux soldats qui ont dû remettre les armes qu'ils avaient

 22   sur eux, acquises de façon légale ou illégale. Ils sont venus à ce moment-

 23   là nous dire que nous aussi il fallait que nous remettions nos armes. Je

 24   vais te dire à qui nous avons remis nos armes. Je peux te dire son nom de

 25   famille en entier. Il s'appelle Cecaric, et son prénom, je ne le connais

 26   pas en entier, mais il commencer par "A". Est-ce que son prénom est Andrija

 27   ou Aleksa, je ne sais pas. Mais en tout cas, il signait en écrivant "A"

 28   Cecaric.

Page 1335

  1   Q.  Merci. En votre qualité de soldat, est-ce que vous aviez des tours de

  2   garde ? Est-ce que vous alliez au front et rentriez chez vous de temps en

  3   temps ?

  4   R.  Oui. On montait la garde simplement pour éviter que quelqu'un ne nous

  5   attaque. Ce n'était pas vraiment un front.

  6   Q.  Mais les équipes étaient de quelle durée lorsqu'il y avait des actions

  7   ?

  8   R.  Bien, une équipe durait huit heures, à peu près.

  9   Q.  Ce qui veut dire qu'il y avait sur 24 heures trois équipes; c'est bien

 10   ça ?

 11   R.  Oui, c'est logique.

 12   Q.  Est-ce que pendant ces différentes relèves, les soldats laissaient

 13   leurs armes sur le front ou est-ce qu'ils pouvaient les rapporter chez eux

 14   ?

 15   R.  Bien, il n'y avait pas d'armes. Le peu qu'on avait, on a été obligé de

 16   le rendre. Plus tard, quand ils ont commencé à arrêter les gens chez nous

 17   et à les emmener, les communications ont finalement cessé parce que les

 18   Serbes, eux, ils se baladaient, ils circulaient. Pour eux, il n'y avait pas

 19   de guerre. Parce qu'ils ont toujours circulé librement, et au bout d'un

 20   moment ils ont organisé ce qu'il fallait pour qu'il n'y ait plus de

 21   possibilité de se déplacer.

 22   Q.  Dans votre déposition dans l'affaire Milosevic, la Défense vous a

 23   demandé de quoi vous vous étiez servi pour tuer le grand nombre de Serbes

 24   qui a été tué. Vous avez répondu quoi ?

 25   R.  A ce moment-là, quand il y a eu cette action-là, à ce moment-là on

 26   était encore en train de capturer des soldats et des armes parce qu'ils

 27   n'arrêtaient pas de nous attaquer. Alors, on prenait les armes.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

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  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas encore élevé d'objection,

  2   Monsieur le Président, mais je rappelle que les directives données par vous

  3   indiquent clairement que dès lors qu'il y a citation d'un propos du témoin,

  4   il faut dire au témoin exactement quelle est la page et la ligne du compte

  5   rendu d'audience concernées ou, en tout cas, lui indiquer d'une façon ou

  6   d'une autre où se trouve la citation en question. J'aimerais qu'il soit

  7   demandé à l'accusé de respecter cette directive.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que vous

  9   pourriez ne pas perdre cela de vue, Monsieur Karadzic. Est-ce que vous avez

 10   besoin d'une référence particulière ?

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, nous pouvons poursuivre. Mais c'est la

 12   deuxième fois que cela arrive. J'aimerais qu'à l'avenir il y ait des

 13   références.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Je vous remercie.

 15   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je suis en train de chercher

 17   la référence de cette citation, parce que je n'avais pas prévu de poser

 18   cette question à ce moment-là dans l'ordre de mes questions, la question

 19   relative au fait de savoir s'ils avaient des armes ou pas. Mais je vais

 20   trouver la référence. Je suis en train de la chercher. Je donnerai la

 21   référence de cette citation particulière un peu plus tard.

 22   Quoi qu'il en soit, je demande l'affichage du document 1D00640, document de

 23   la Défense, dont la Défense va demander le versement au dossier.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, pendant que nous attendons l'affichage du document,

 26   voici une question. M. Nicholls a déclaré que votre famille avait été

 27   chassée de votre village vers Tuzla par les Serbes.

 28   R.  Bien sûr, ils ne seraient jamais allés à Tuzla si cela n'était pas

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  1   arrivé. On lui a d'abord incendié sa maison, on a fait brûler tout ce qu'il

  2   y avait dans la maison, tout ce qu'il y avait à manger. Or, les enfants ne

  3   peuvent pas manger de terre. Ils peuvent manger un peu tout et n'importe

  4   quoi, mais pas de la terre.

  5   Q.  Je demande l'affichage de la page 2 de ce document -- non. D'abord,

  6   voyons l'intitulé :

  7   "République de Bosnie-Herzégovine, rapport de l'ABiH, état-major

  8   municipal de Zvornik, rapport au sujet de la situation du point de vue de

  9   l'organisation de la structure et de l'aptitude au combat des unités des

 10   forces armées de Zvornik."

 11   Fait à Sapna le 5 novembre 1992. Vous êtes d'accord avec cela ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Vous n'êtes pas d'accord avec ce qui est écrit ici ?

 14   R.  Non. Sapna, pas du tout. Nous n'avions aucun moyen de communiquer avec

 15   Sapna.

 16   Q.  Mais c'est là que se trouvait l'état-major. C'est cela que je dis.

 17   R.  Non, non. Sapna, pour moi, c'est plus loin que Zvornik. On était très

 18   disséminés.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de la page 2

 20   de ce document.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Deuxième paragraphe surligné, en anglais, nous lisons : "The defense of

 23   Kula Grad", "La défense de Kula Grad". Je cite :

 24   "La défense de Kula Grad, entre le 9 et le 26 avril, a été menée alors que

 25   la JNA était toujours la force armée légale dans la région de Tuzla, au

 26   moment où l'Etat de Bosnie-Herzégovine n'avait pas encore donné un nom à

 27   l'agresseur et ne s'était pas encore organisé ou n'était pas encore prêt à

 28   mener une guerre défensive et de libération. A ce moment-là, Kula Grad

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  1   était le symbole de la résistance à l'agression de la Bosnie-Herzégovine.

  2   La situation à Kula Grad a montré que la résistance était possible même en

  3   présence de tout ce qu'il y avait autour et que l'agresseur était

  4   vulnérable, indépendamment du fait qu'il était armé jusqu'aux dents et

  5   exceptionnellement bien équipé."

  6   R.  Eh bien, elle devait se défendre. Il n'y a pas de question sur ce

  7   sujet.

  8   Q.  Mais ce qui est indiqué ici c'est que la JNA était la force armée

  9   légale à ce moment-là et que vos commandants le savaient parfaitement bien.

 10   R.  Monsieur Karadzic, à partir de 1990, il n'y avait plus de JNA. Il ne

 11   pouvait être question que d'armée serbe. Moi, j'ai servi dans les rangs de

 12   l'ABiH, et nous faisions notre salut comme ceci.

 13   En 1990, la guerre n'avait pas encore éclaté, et lorsque nous

 14   croisions des soldats, nous faisions ce signe-là, Monsieur Karadzic, et ils

 15   nous répondaient comme ceci. L'armée yougoslave n'a jamais salué de cette

 16   façon. Nous nous saluions comme ceci. C'est la façon dont je saluais un

 17   soldat de la JNA. Donc après le début des années 1990, on ne peut plus

 18   parler de JNA. La JNA s'est dissoute dès que le conflit a éclaté en

 19   Slovénie et en Croatie.

 20   Q.  Je vous remercie. Mais ne rentrez pas dans la politique. Nous avons pas

 21   mal de choses à passer en revue. Il serait préférable que nous fassions

 22   tout ce que nous avons à faire aujourd'hui. Et nous allons voir dans

 23   quelles conditions cette armée est devenue majoritairement serbe, comme

 24   vous venez de le dire.

 25   Voyons les documents que nous allons examiner aujourd'hui. A la lecture de

 26   ces documents, il apparaît clairement que nous avons un ordre émanant de

 27   vos dirigeants, et j'aimerais que nous nous concentrions sur le dernier

 28   paragraphe de la première page de ce document. En anglais, le paragraphe

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  1   qui commence par les mots : "From the beginning," dernier paragraphe avant

  2   le début de la page 2 en anglais. Je cite :

  3   "Depuis le début de la guerre jusqu'à aujourd'hui, la résistance de la

  4   région de Kamenica a reposé sur les préparatifs qui avaient été mis au

  5   point, sur la connaissance de la nécessité de combattre dans la région, sur

  6   le QG créé au sein des forces armées et sur les dirigeants des

  7   municipalités.

  8   "Dans ces conditions, les combats ont été menés indépendamment en

  9   coopération avec les états-majors et les unités des forces armées de

 10   Bratunac, Srebrenica et le long de la route Kamenica-Cerska-Srebrenica."

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vois que vous

 12   lisez trop vite. Veuillez ralentir.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses. Je le ferai.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Je cite :

 16   "Les parties habitées du secteur étaient tenues indépendamment. Les routes

 17   provenant de Mali Zvornik et allant vers Ljubovija et Zvornik, Drinjaca

 18   étaient sous contrôle."

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc la Serbie ne pouvait pas aller de Mali Zvornik à Ljubovija alors

 21   que c'était le territoire qu'elle tenait elle-même ?

 22   R.  Comment est-ce qu'on aurait pu faire ça ? Comment est-ce qu'on aurait

 23   pu empêcher la Serbie de se déplacer sur son propre territoire ? Où ça ? Où

 24   est-ce qu'on aurait eu la capacité de faire ce que vous venez de dire ?

 25   Mon village a été coupé du côté de la Drina. Nous, on était au

 26   milieu. Les autres étaient à Sekovici. Nous, on était pris en sandwich

 27   entre deux secteurs.

 28   Q.  Je vous remercie. Mais restons-en à ce que dit le document. Vous l'avez

Page 1340

  1   sous les yeux. Page 2 à présent. En haut de la page 2 de la version serbe,

  2   nous lisons que votre commandant déclare que les secteurs habités de la

  3   région étaient sous son contrôle et que les routes de Zvornik à Ljubovija

  4   et de Zvornik à Drinjaca étaient sous son contrôle. On n'a pas besoin

  5   d'être présent physiquement pour contrôler une route. On peut la contrôler

  6   en pointant des armes sur cette route.

  7   R.  Mali Zvornik part du pont quand on va vers Koviljaca, n'est-ce pas ? Ce

  8   n'est pas un moyen d'aller vers Ljubovija.

  9   Q.  Est-ce qu'on voit la route à partir de Drinjaca ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et qu'en est-il de Kula Grad ?

 12   R.  Kula Grad a été attaquée dès le début du mois d'avril. Kula Grad est

 13   tombée en avril. D'abord, ils n'avaient pas d'armes pour contrôler ce

 14   secteur.

 15   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demanderais de répondre plus brièvement. Je

 16   vous pose mes questions. J'aimerais que vous répondiez brièvement et

 17   précisément pour que nous en terminions de votre audition cette semaine.

 18   Votre rapport stipule qu'ils contrôlaient la route de Zvornik-Drinjaca en

 19   particulier, qui se trouve bien en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 20   R.  Ecoute, laisse toutes ces histoires de côté.

 21   Q.  Mais c'est bien ce que dit votre commandant dans ce document.

 22   R.  Mais laisse toutes ces histoires et toutes ces rumeurs de côté. Ce ne

 23   sont que des rumeurs.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. C'est un

 26   point de détail, mais ce témoin a expliqué quel était son rôle, à savoir

 27   qu'il montait la garde dans son village. Alors, soumettre un rapport de ce

 28   genre à ce témoin et lui opposer ce que dit l'auteur de ce rapport est une

Page 1341

  1   erreur et peut être considéré comme une provocation. Ce n'est pas un

  2   rapport dont l'auteur est le témoin et on ne peut pas assommer le témoin

  3   avec un rapport de ce genre. On ne doit pas le faire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que l'accusé l'a compris.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est un rapport du commandement musulman,

  6   donc je ne m'adressais pas au témoin au titre de lui en tant qu'individu.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je continue la lecture :

  9   "Donc il y a eu, le 9 juillet 1992, plusieurs groupes --"

 10   L'INTERPRÈTE : Nom inaudible.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  "-- le 20 juillet, plusieurs petits groupes avec les policiers et avec

 13   le matériel médical."

 14   Donc j'appelle votre attention sur cette partie de la phrase :

 15   "Tout comme l'évacuation effectuée de 7 500 civils à partir de la première

 16   moitié du mois de juillet jusqu'à la première moitié du mois d'août."

 17   R.  Il est exact qu'ils ont évacué des civils. Ça, c'est vrai, parce que

 18   depuis Kula Grad, Snagovo, Josanica [phon], Liplje, vous avez chassé tout

 19   le monde vers ma localité. Bien sûr, cette localité est toute petite, elle

 20   est pauvre, sans aucune voie d'accès. Il fallait bien évacuer cette

 21   population pour qu'elle ne meure pas de faim.

 22   Q.  Non, ça ne fait que nous rendre les choses plus difficiles. La seule

 23   chose qui m'intéresse c'est de voir que depuis le tout début de la guerre,

 24   en passant par le général Morillon et par d'autres moyens, on a tenté

 25   d'évacuer les civils de ce secteur. On a déployé des efforts pour ce faire.

 26   R.  Monsieur, vous savez que nous nous sommes occupés de nos civils parce

 27   que les obus les tuaient. Nous avons eu plus de civils morts et d'enfants

 28   tués par les obus que de tués par balle, parce que les obus pouvaient

Page 1342

  1   arriver d'une distance de 20 kilomètres, et ce n'était pas le cas pour les

  2   balles.

  3   Q.  Oui, mais est-ce qu'ils auraient été tués s'il n'y avait pas eu de

  4   combats ?

  5   R.  Mais bien sûr que non. Mais comment ça se fait qu'avant l'année 1992 il

  6   n'y a pas eu de morts ? Il y avait des morts dans les accidents de la route

  7   et des gens qui sont tombés des bâtiments, et cetera.

  8   Q.  J'attire votre attention sur le paragraphe qui commence par "La base de

  9   la résistance qui a porté ses fruits". La même chose en anglais : "The

 10   grounds of success for resistance". Je lis :

 11   "On constituait des préparatifs qui avaient été amorcés plus ou moins avant

 12   la guerre et qui se sont traduits par l'activité déployée par un plus grand

 13   nombre de militants, l'armement organisé et la détermination d'opposer

 14   résistance à tout prix. Dans un premier temps, le territoire libre a pu

 15   être préservé en particulier grâce à l'arrivée et aux activités déployées

 16   par le capitaine Hajrudin Mesic, qui, ensemble avec le capitaine Hodzic

 17   Senad et un petit nombre d'organisateurs de la résistance, a réussi à faire

 18   comprendre la nécessité d'opposer une résistance armée et a fait comprendre

 19   les possibilités et l'efficacité d'une lutte de libération. Le capitaine

 20   Hajra a eu une première unité de combat."

 21   R.  Où ça ?

 22   Q.  Zvornik.

 23   R.  Mais Zvornik est grand. Pourquoi tu ne me poses pas des questions sur

 24   ma localité. Hajro Mesic. S'il n'y avait pas eu Hajro Mesic, il y aurait eu

 25   des milliers de victimes en plus. Si on ne vous avait pas arrêté en voyant

 26   à quel point vous avez eu une activité vile, s'il y a en eu 200 000 de

 27   morts, sans nous, il y en aurait eu 500 000 de morts, parce que vous, vous

 28   avanciez pour tuer.

Page 1343

  1   Q.  Monsieur le Témoin, s'il n'y avait pas eu Hajro Mesic, c'est-à-dire

  2   s'il n'y avait pas eu cette politique, aujourd'hui au lieu d'avoir trois

  3   entités, votre village serait aujourd'hui dans la partie musulmane de la

  4   Bosnie, et il n'y aurait pas eu de morts. Et c'est ce que nous démontrerons

  5   dans cette affaire, et je vous prie de ne pas vous lancer dans la

  6   politique, parce que dans ce cas, je vous répondrai de même. Parce que

  7   votre localité, ce que nous avions accepté dès mars 1991, aurait été dans

  8   la partie musulmane, mais vous aviez persuadé votre population que vous

  9   pouviez gouverner les Serbes, et Hajro Mesic et les autres, ils se sont mis

 10   à régner des mois avant le début de la guerre, et c'est ça que je veux

 11   démontrer maintenant.

 12   Donc ma question est la suivante : ces capitaines, ils viennent d'où ? Ils

 13   appartiennent à qui ?

 14   R.  Attendez un instant, Monsieur Karadzic. Si nous n'avions opposé aucune

 15   résistance, comme je viens de vous le dire, nous aurions eu 500 000

 16   victimes. Nous en avons eu 200 000, mais sans aucun doute, nous en aurions

 17   eu un demi million. Vous savez ce qui est arrivé des habitants de

 18   Srebrenica, s'il n'y avait eu 300 000 habitants à Srebrenica, il y en

 19   aurait eu 500 000 de morts. Dieu a préservé une douzaine de personnes, leur

 20   a permis de survivre pour qu'on arrive à prouver ce qui s'était produit.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous devez vous

 22   contenter de poser des questions, et n'essayez pas de tirer des

 23   conclusions. Donc j'aimerais que vous passiez à des questions factuelles et

 24   importantes.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le

 26   Président, mais le témoin a fait des affirmations de nature politique qui

 27   ont une incidence sur les faits aussi. Il y a eu moins de 60 000 morts

 28   parmi les Musulmans et disons 40 000 morts parmi les combattants, donc tous

Page 1344

  1   les chiffres qu'il avance sont différents de ce que l'on sait. Donc je

  2   demanderais au témoin de bien vouloir répondre à mes questions.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Donc ces capitaines, ils étaient capitaines de qui avant le début de la

  5   guerre ?

  6   R.  Mais on sait que c'étaient des capitaines qui étaient des Musulmans.

  7   Mais tu sais, Monsieur Karadzic, que la Bosnie-Herzégovine n'avait pas

  8   d'armée, que nous avions une seule armée, à savoir la JNA. Et toi, Monsieur

  9   Karadzic, depuis le tout début, tu avais des généraux, des chars, des

 10   avions, des obusiers, toutes sortes de canons, donc des armes de tous

 11   calibres. Alors, explique-nous d'où teniez-vous toutes ces armes ?

 12   Expliquez-nous devant ces Juges ?

 13   Q.  Si je devais intervenir en tant que témoin, je l'expliquerais. Alors,

 14   ces capitaines, était-ce des capitaines de la JNA ?

 15   R.  Je ne sais pas. Peut-être que oui.

 16   Q.  Mais de quelle armée ?

 17   R.  Je ne sais pas si avant la guerre ils étaient les capitaines de la JNA.

 18   Ça, je n'en ai aucune idée.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, je suis en train de parler de ce que l'on voit dans

 20   ce rapport. Kamenica, Cerska, Srebrenica, c'est de ce triangle qu'il est

 21   question.

 22   Ma question suivante, page 3 version serbe, et en anglais, ce sera toujours

 23   la page 2, donc nous trouvons les informations sur les activités.

 24   Qui vit à Brdjani, Monsieur ?

 25   R.  Mais où sont Brdjani, de quel Brdjani parle-t-on ?

 26   Q.  Mais dans votre municipalité.

 27   R.  Il n'y a pas de Brdjani, je ne crois pas.

 28   Q.  Qui vit à Odzacine ?

Page 1345

  1   R.  Des Serbes naturellement.

  2   Q.  Et qui vit à Rozanj ?

  3   R.  Peut-être des Serbes. Mais Rozanj, ce n'est pas un endroit que je

  4   connais le mieux.

  5   Q.  Mais on avait tout ça sur la carte. Donc pendant cette période, il y a

  6   eu un grand nombre d'activités de combat dont on nous signale que les

  7   suivantes : la libération de Sapna et de Gaj, le 6 mai; les combats pour

  8   Zaseok, le 10 mai; la prise de Brdjani, le 14 mai; Odzacine, le 11 juin; et

  9   la bataille de Boskovici, le 22 juin. Alors, que cherchait l'armée

 10   musulmane à Boskovici ?

 11   R.  Mais qui a attaqué Sapna et Gaj ? Ce sont les Musulmans qui ont attaqué

 12   ou les Serbes ? Et à Gaj et à Sapna, c'était à

 13   90 % une population musulmane. Alors qui les a attaqués ? Explique-moi qui

 14   a attaqué Gaj et Sapna ? Ils se sont attaqués tous seuls.

 15   Q.  Qui vivait à Rastosnica ?

 16   R.  Des Serbes. C'est eux qui vivaient là-bas.

 17   Q.  A Rastosnica, il y avait trois Croates, six Musulmans et

 18   2 334 Serbes. Ils étaient riches.

 19   R.  Je ne connaissais pas ce village. J'en ai entendu parler. Je n'y suis

 20   jamais allé. Je pensais qu'il y avait zéro Musulman à Rastosnica.

 21   Q.  Monsieur, le 19 août 1992, d'après ce texte, et à ce moment-là vous

 22   étiez dans votre village, on a libéré Rastosnica. Mais de qui l'a-t-on

 23   libéré ?

 24   R.  Je vais te le dire. Ne me pose pas la question. Demande cela à un

 25   témoin de cette région si tu en auras un. Mais Rastosnica, j'ai rien à voir

 26   avec ceci. C'est à 40 kilomètres de moi. Moi, j'ai combattu pour protéger

 27   mes enfants et ma famille. Je n'allais pas libérer Rastosnica. Mais je ne

 28   sais même pas où se trouve Rastosnica.

Page 1346

  1   Q.  Merci. Mais vous savez tout ce qui s'est produit dans votre village ?

  2   R.  Oui, mon village, je peux t'en parler, mais ne me pose pas de questions

  3   qui sortent de mon village, parce que je ne suis pas un analyste militaire.

  4   Tu vois comment je suis venu. Je n'ai pas un seul document pour pouvoir

  5   t'en parler. Ce n'est pas moi l'auteur de l'histoire des guerres. On a

  6   combattu, mais on n'avait pas la force nous permettant d'attaquer.

  7   Q.  Monsieur, toutes les offensives sont listées ici et quelques actions

  8   défensives. Vous attaquiez donc ?

  9   R.  Mais on attaquait qui ?

 10   Q.  Monsieur, mais qui était votre ennemi dans cette guerre ?

 11   R.  Ceux qui nous attaquaient.

 12   Q.  Et c'était qui ?

 13   R.  Les Serbes. Les Serbes, c'est eux, ils nous ont attaqués, et c'est

 14   normal que c'étaient eux nos ennemis.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] J'élève mon objection parce qu'il y a une

 17   discussion de temps à autre entre l'accusé et le témoin. L'accusé polémique

 18   avec le témoin. C'est un contre-interrogatoire, je sais, mais il faudrait

 19   que l'accusé pose des questions au témoin au sujet de ce que le témoin

 20   connaît, des sujets dont il peut parler. Mais je pense que ce n'est pas

 21   utile d'avoir ici une polémique qui est que l'on ne pose pas de question.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais vous

 23   demander à vous aussi d'essayer d'écouter les questions et de répondre de

 24   la manière la plus simple possible.

 25   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je comprends tout

 27   à fait M. Nicholls. Effectivement, mon contre-interrogatoire est

 28   dommageable pour l'acte d'accusation, mais c'est son objectif d'ailleurs.

Page 1347

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, n'essayez pas de vous

  2   lancer dans des conclusions. Contentez-vous de poser vos questions.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 4, s'il vous plaît, en serbe. Je pense que

  4   ce sera également la page 4 en anglais.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vers la fin de la page, en haut, on lit le titre, "La structure des

  7   unités sur le plan de l'organisation et de l'organigramme." Donc on voit

  8   une liste qui comporte les noms des unités. Voyons maintenant le tableau à

  9   la fin. On voit les effectifs, les interventions, les positions et les

 10   arrières.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc page 4. Je pense que ce sera peut-être

 12   page 5 en anglais. Voilà, c'est cela.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Nous avons en tout 32 unités, l'état-major, 32 unités. Est-ce que vous

 15   voyez cette liste, Monsieur ?

 16   R.  Mais les 32 unités, où est-ce que tu les trouves ? Dans mon village,

 17   sur la totalité du territoire de la municipalité de

 18   Zvornik ?

 19   Q.  Le territoire de la municipalité de Zvornik. Vous allez nous dire

 20   quelles unités se trouvaient dans votre village.

 21   R.  Ne me pose pas la question pour la municipalité. Ne me pose des

 22   questions que sur mon territoire. Je t'ai dit que je ne suis pas un

 23   analyste militaire. Je n'ai pas apporté ici les instruments nécessaires.

 24   Vous avez tous des documents sous les yeux. Moi, la seule chose que j'ai,

 25   ce sont mes souvenirs, ma mémoire. Sapna, les événements de Djulici, les

 26   événements de Bijeljina. Tout ça, je ne le sais pas. C'est loin de

 27   l'endroit où j'étais. Il n'y avait aucune communication et le téléphone ne

 28   fonctionnait pas. On ne pouvait m'appeler pour me dire ce qui s'était passé

Page 1348

  1   ici ou là.

  2   Q.  Merci. Monsieur, au numéro 20. Page serbe 5. Les Pigeons de la mosquée,

  3   est-ce que vous avez entendu parler de cette unité ?

  4   R.  J'en ai entendu parler, mais je ne la connais pas. Il faut que tu poses

  5   cette question à un autre témoin qui viendrait de là-bas.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 5, s'il vous plaît, en serbe. Est-ce qu'on

  8   peut l'afficher. Et en anglais aussi, il faudrait tourner la page, s'il

  9   vous plaît. Page 6 donc. Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur le Témoin, voyez-vous cette dernière unité qui s'appelle

 12   Sultan Fatih. Est-ce que cela concerne Mehmed qui a conquis la Bosnie ?

 13   R.  Ecoute, je ne sais pas comment elle s'appelait cette unité. Là, c'est

 14   la première fois de ta bouche que j'en entends parler, la première fois.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à la page suivante,

 17   s'il vous plaît. En anglais aussi, la page suivante, s'il vous plaît. 

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Nous voyons maintenant le recomplètement : 30 % de moyens de

 20   transmissions; les armes d'infanterie, 40 %; armement d'appui, 30 %;

 21   armement pour les combats de blindés, 20 %; véhicules à moteur, 45 %;

 22   équipement, et cetera." Est-ce que vous voyez cela ? Donc les armes

 23   d'infanterie, 40 % pour plus de trois relèves, si on ne rentre pas chez soi

 24   avec son arme, n'est-ce pas ?

 25   R.  Chez moi, il n'y avait que des armes d'infanterie. Il n'y avait rien

 26   d'appui, pas de camions, pas de véhicules. Tu sais que les véhicules, il

 27   leur faut du carburant. Nous, on n'avait pas de station d'essence. T'as un

 28   véhicule mais tu peux pas le faire démarrer.

Page 1349

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 8, s'il vous plaît. Excusez-moi, page 7.

  3   Oui, très bien. Parfait.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  On voit sur cette page ce qui convient de se procurer. Le voyez-vous ?

  6   Je ne vais pas en donner lecture. Des RUP, des Motorola, des armes modernes

  7   d'infanterie, 500 pièces, des anoraks, des roquettes, des mines.

  8   R.  Mais qui a demandé cela et qui pouvait assurer le ravitaillement en

  9   cela ? Dis-moi, quelle est la distance de Tuzla par rapport à ces régions ?

 10   C'était entre vos mains ce territoire. Tuzla n'avait aucune voie de

 11   communication avec notre village.

 12   Q.  Je vous remercie. Ça, c'est l'unité qui est sur votre territoire et

 13   elle s'adresse à la base.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Prenons la page 8 maintenant.

 15   Page 8. En anglais, ce sera la page suivante également, ou plutôt, tournez

 16   la page. La page suivante en anglais, s'il vous plaît. La dernière page de

 17   ce document.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  "Les tâches principales pour continuer de développer les forces armées

 20   de la municipalité."

 21   De quoi s'agit-il ? De se procurer la fourniture en équipements divers;

 22   améliorer la structure et l'organisation; améliorer la discipline, le

 23   commandement. Donc le recomplètement en officiers supérieurs, améliorer le

 24   système de direction, et le QG de Kamenica doit être renforcé; améliorer le

 25   système de transmissions et se polariser sur les activités de libération

 26   afin d'ouvrir un corridor vers Kamenica dans le cadre des activités de

 27   combat; et renforcer les positions avant de la défense sur les territoires

 28   libres.

Page 1350

  1   R.  Mais que voulez-vous dire, Monsieur Karadzic ?

  2   Q.  En est-il ainsi ?

  3   R.  Ce que vous voulez dire, c'est que nous n'avions pas à combattre, qu'il

  4   nous fallait rester chez nous, et lorsque vous arrivez, vous ramassez tout

  5   le monde au sein d'une maison, vous violez les femmes et les jeunes filles,

  6   vous tuez qui vous voulez, vous laissez partir qui vous voulez, vous faites

  7   souffrir le peuple comme vous l'entendez. C'est ça que vous voulez dire,

  8   Monsieur Karadzic. Heureusement que les gens ont su résister. Nous avons

  9   libéré un camp sur notre territoire, le seul qui a été libéré. Et je peux

 10   dire aux Juges tout ce qui s'est passé dans ce camp.

 11   Q.  Nous allons avancer lentement et de manière précise en examinant les

 12   documents. Dans vos unités, aviez-vous des gens venus d'ailleurs, par

 13   exemple, des Albanais ?

 14   R.  Non. Mais vraiment, tu racontes des choses qui sont absurdes.

 15   Q.  Non, je pose ma question. Je dis rien.

 16   R.  Nous avions des hommes et nous n'avions pas d'armement, pas de

 17   munitions. Nous n'avions pas besoin d'hommes. Si nous avions des armes ou

 18   des munitions, nous aurions pu nous défendre et j'aurais été à ce jour dans

 19   ma maison. Tu n'aurais pas pu me la brûler.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin --

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  [aucune interprétation]  

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le témoin qui avait commencé à

 24   parler. La question était de savoir si vous aviez des Albanais dans vos

 25   rangs, mais vous, vous avez répondu en parlant d'armement. Est-ce que vous

 26   pourriez, s'il vous plaît, répondre aux questions qui vous sont posées, et

 27   ce, de la manière la plus simple.

 28   Monsieur Karadzic.

Page 1351

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Y avait-il des Albanais à Kamenica, chez vous ?

  3   R.  Non, pas du tout.

  4   Q.  Pas d'Albanaises non plus ?

  5   R.  Non, personne.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document de la Défense, s'il vous plaît,

  7   1D00639.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant que le document s'affiche,

  9   est-ce que vous souhaitez demander le versement de ce document ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, absolument, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et la carte Cutileiro, est-ce que vous

 14   avez l'intention d'en demander le versement à ce stade ou à un stade

 15   ultérieur ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'était pas tout à fait précis, donc je

 17   préfère le faire à l'avenir. Ce n'était pas effectivement la carte

 18   Cutileiro avec tous les détails, toute la précision voulue.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, très bien. Quelle sera la cote ?

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D38.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document de la Défense, s'il vous plaît, 639.

 23   Il n'a pas été traduit, mais nous allons nous efforcer d'en présenter la

 24   substance.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Connaissez-vous ce garçon de votre village ?

 27   R.  Il me semble que je le connais. C'est un enfant.

 28   Q.  Bien.

Page 1352

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 2 de ce document, s'il vous plaît.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, s'il vous plaît.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne sais pas si c'est traduit, mais si

  4   nous allons montrer des photos des habitants du village d'où est originaire

  5   le témoin, je pense qu'il faut passer à huis clos partiel, si nous allons

  6   montrer des photos, ce qui permettra d'identifier le village. Il faut peut-

  7   être au minimum ne pas diffuser.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous n'allons pas diffuser à

  9   l'extérieur cette image.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page numéro 2, s'il vous plaît. Et ne diffusez

 11   pas, s'il vous plaît. Je donnerai lecture. Non, non, on ne diffusera pas.

 12   On le verra uniquement dans le prétoire.

 13   Page 3 -- enfin, d'après ce que je vois, c'est le numéro 3 qu'il me

 14   faut. 4, 4, excusez-moi. Page 4, s'il vous plaît.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Je lirai, mais je ne citerai pas le nom du village, je dirai "dans

 17   votre village." (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21   La tentative de sauver son chien, il l'a payée de sa vie."

 22   Je vais vous dire ce qui s'est passé. Secrètement, en comprenant

 23   qu'ils étaient en péril, cette minorité de votre village, elle a réussi à

 24   prendre la fuite de nuit, et soudain, le petit Slobodan, il s'est souvenu

 25   que son chien, Lassie, est resté dans le village, et donc personne n'a pu

 26   l'empêcher de revenir détacher le chien pour l'emmener avec lui.

 27   A son retour, il a trouvé sur place votre armée, dont Elfete Veseli,

 28   cette femme, et il n'est jamais revenue, mais il ne s'est pas passé ce que

Page 1353

  1   vous dites, vous et d'autres témoins, on n'a plus revu cet homme ou il

  2   n'est pas revenu, et il n'y a pas de preuve qu'il soit mort. Et s'il a, on

  3   a une preuve drastique.

  4   On voit ce qui est advenu de Slobodan.

  5   "On vivait dans votre village du bas," raconte Ilija. "Les Musulmans

  6   constituaient la majorité. Dans le village, on n'arrêtait pas d'imaginer

  7   des plans pour prendre la fuite. C'était le 4 juin 1992, un jeudi, à

  8   l'aube, on a réussi à s'enfuir en cachette. On a emmené quatre ou cinq

  9   chèvres. C'est chez le kum de Zoran Milosevic," dans un hameau dont je ne

 10   dirai pas le nom" qu'on a trouvé à se cacher, et Slobodan a dit : 'Papa,

 11   Papa, Lassie est resté attaché à la maison,' et il est parti en courant et

 12   on verra ce qui est arrivé à Slobodan."

 13   Donc le père dit : Personne n'a pu l'empêcher de le faire.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce n'est pas utile de

 15   donner lecture de la totalité d'un article de presse. Quelle est votre

 16   question ? Posez votre question, s'il vous plaît.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Page 70, je

 18   voudrais, par précaution, que l'on expurge les lignes 1 à 5, parce qu'il

 19   donne des noms d'habitants du village.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je suis d'accord.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  "Les avant-bras ont été coupés sur le corps de Slobodan, mon Slobodan.

 23   Il n'avait pas un seul doigt. Ses oreilles ont été coupées. Il avait une

 24   ouverture sur sa poitrine sous forme de carré et on l'a écorché. Il y avait

 25   des traces d'orifice d'entrée de balle et de sortie sur sa tête."

 26   Monsieur le Témoin, qu'en dites-vous ?

 27   R.  (expurgé)

 28   (expurgé)

Page 1354

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé) Et c'est certainement ce qui s'est passé.

  4   Quant au petit, je ne sais pas s'il a été envoyé, je ne sais pas ce

  5   que le petit a fait. Le petit, je le connaissais parce qu'ils habitaient

  6   assez près de moi. C'étaient des voisins qui n'étaient pas mal, je ne dis

  7   pas, mais tout de suite après les élections multipartites, on a su qu'ils

  8   étaient le seul qui était appelé Sumbulja [phon], c'était son surnom. Il

  9   est le seul qui est resté avec nous. Il est décédé il y a peut-être un an.

 10   Il est le seul qui est resté, et tous les autres, ils ne sont pas restés.

 11   Personne ne les a chassés. Ils sont partis de leur propre gré.

 12   Et quant à leur enfant, que s'est-il passé ? Je pense que c'étaient

 13   des éclaireurs. Parce que la mère et le père qui laissent repartir l'enfant

 14   à cause d'un chien qui se promène tout seul qui soit attrapé, non, non,

 15   l'enfant n'est pas venu là à cause du chien.

 16   Q.  On reviendra à la question de culpabilité du petit Slobodan et de ses

 17   parents et à la sanction qu'ils ont subie. Mais vous dites qu'ils se sont

 18   révélés, qu'ils ont montré qui ils étaient pendant les élections.

 19   R.  Il y avait ce Sumbulja, c'était ça son surnom, je n'arrive pas à

 20   retrouver son nom, et cette famille Stojanovic, ils étaient les seuls qui,

 21   tout de suite, se sont mis à le frapper parce qu'il a dit : J'ai donné ma

 22   voix à Alija, et eux, ils ont probablement voté pour le SDS.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Monsieur Karadzic.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Et ils se sont dévoilés de la sorte ?

 26   R.  Non, ils se disputaient, eux.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'excuse --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

Page 1355

  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'excuse une fois de plus d'interrompre,

  2   mais on a une fois de plus des noms qui sont donnés en la même page, cette

  3   page, lignes 20 et 21. Peut-être pourrions-nous passer à huis clos si ça va

  4   continuer dans ce type de détails, parce qu'autrement, il va y avoir des

  5   noms qui vont rejaillir.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vois ces lignes --

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, je ne vais pas mentionner de

  8   noms. Et il faudrait peut-être que M. Nicholls donne un conseil à son

  9   témoin pour qu'il se retienne pour ce qui est de dire des noms de

 10   personnes, des noms de localités et ce genre de choses, et moi, je voudrais

 11   que nous restions en audience publique, si possible.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, soyez prudent

 13   lorsque vous donnez les noms d'autres individus parce que vous pouvez, de

 14   la sorte, identifier votre localité d'origine. Vous le comprenez ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais tout le monde sait quelle est ma

 16   localité d'origine.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, je suis en train de regarder la

 18   montre -- non, non, vous pouvez continuer.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous voulez dire que ce joli garçon a mérité une telle mort par quelque

 22   chose ?

 23   R.  Il ne l'a pas méritée, mais il y a des milliers enfants d'autres

 24   groupes ethniques qui ne l'ont pas méritée et qui sont quand même morts, et

 25   vous ne posez pas de questions, Monsieur Karadzic, pour ce qui est de cette

 26   fille dont toute la famille est morte à Vlasenica. Je ne justifie pas. Il

 27   ne fallait rien faire à cet enfant, mais il ne faut pas juste essayer

 28   d'expliquer ce qui est advenu de sa famille. Est-ce qu'à Vlasenica, sa

Page 1356

  1   propre famille à elle a été tuée ?

  2   Q.  Monsieur le Témoin, elle faisait partie intégrante de l'ABiH, et c'est

  3   partant de là qu'elle s'est trouvée dans votre village. Elle a commis ce

  4   crime qui n'est pas contesté, et ce dangereux garçon qui était venu en

  5   reconnaissance, comme vous le laissez entendre, a été découpé en morceaux.

  6   R.  Non, je ne pense pas que cela ait été fait. On a appris que l'enfant a

  7   été tué, mais personne n'a jamais dit que cet enfant a été massacré.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais présenter ce document et le faire

  9   verser au dossier avec une cote MFI.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président. Bien

 12   sûr, nous attendons la traduction.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. On le fera.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera, Monsieur le Président, la pièce

 15   MFI D39, sous pli scellé.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Nous allons faire maintenant une

 17   pause.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, lorsque vous demandez

 20   à verser au dossier des notifications, les évaluations de temps relatives à

 21   avril 2010 effectuées pour le 9 avril de cette année nous disent que vous

 22   aviez besoin de quatre heures pour le contre-interrogatoire de ce témoin,

 23   mais vous n'avez pas indiqué que ces quatre heures allaient être

 24   nécessaires seulement pour une finalité, à savoir la situation qui se

 25   rapporte à l'année 1992 -- 1993. Vous avez passé plus d'une heure et demie

 26   à contre-interroger, mais vous n'avez pas dit encore un mot pour ce qui est

 27   de la situation en 1995. Donc je m'attends à ce que vous vous penchiez sur

 28   ce type de questions à l'occasion de l'audience qui viendra.

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Page 1358

  1   Nous avons ici un témoin qui a survécu à un massacre terrible, et

  2   vous avez dit que ce n'était pas une victime, mais un soldat. Or, c'est une

  3   déclaration inouïe. Je voudrais que vous passiez aux questions que vous

  4   avez à poser au témoin.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que nous

  6   passions à huis clos partiel avant que vous ne leviez l'audience, parce que

  7   je veux évoquer une question et attirer l'attention des Juges de la Chambre

  8   sur quelques points.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   Nous sommes maintenant à huis clos partiel.

 11   [Audience à huis clos partiel]

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 1359

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, j'ai compté sur les éléments

  6   qui ont été évoqués par Mme Uertz-Retzlaff, à savoir que Srebrenica, on y

  7   viendra à la fin, et au prix de ne pas avoir à parler de 1995 du tout,

  8   j'aimerais tirer au clair les événements qui courent jusqu'en 1993. C'est

  9   si important que jamais à ce témoin on n'a posé des questions pertinentes,

 10   et c'est maintenant qu'on le voit qu'il se fâche. Je ne veux pas

 11   l'offenser. Il est offensé par la vérité, et moi, ce qui m'offense, c'est

 12   les mensonges, donc il faut que je tire les choses au clair.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je vous prie --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, ce n'est pas une occasion pour vous

 16   de présenter des arguments. Vous allez avoir l'occasion de le faire.

 17   Concentrez-vous sur les questions que vous avez à poser. Les Juges de la

 18   Chambre n'ont pas encore cru comprendre que vous étiez en train de poser

 19   des questions au sujet de l'année 1992-1993 et la situation qui prévalait à

 20   ce moment-là. Alors, compte tenu de votre déclaration, je pense qu'il

 21   serait approprié pour vous d'utiliser le temps qui vous est attribué de

 22   façon adéquate.

 23   Nous allons lever l'audience pour 25 minutes.

 24   --- L'audience est suspendue à 17 heures 23.

 25   --- L'audience est reprise à 17 heures 51.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1360

  1   Q.  Monsieur le Témoin, vous êtes venu le 3 avril. Est-ce que vous auriez

  2   entendu dire que M. Izetbegovic, en sa qualité de président de la

  3   présidence qui nous était conjointe, a déclaré une mobilisation générale le

  4   4 avril pour tous les effectifs de combat en Bosnie-Herzégovine ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  C'était diffusé par les médias.

  7   R.  Non.

  8   Q.  Est-ce que vous avez regardé la télévision dans votre village ?

  9   R.  J'ai regardé la télévision, mais je n'ai jamais appris cela à l'époque.

 10   Q.  Avez-vous ouï dire que le 8 avril, à Zvornik, il y a eu proclamation

 11   d'une mobilisation du segment musulman de la police ?

 12   R.  Je crois que le 7 avril, Zvornik est tombée. Les forces serbes ont pris

 13   Zvornik.

 14   Q.  Mais avant cela, il y a eu une mobilisation, puis les Serbes ont fui

 15   vers la Serbie.

 16   R.  Et où ils sont allés, alors ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je voudrais qu'on nous montre le 643. Le

 18   643, c'est un document en anglais. Je voudrais qu'on nous montre la page 2

 19   de cette pièce 643. Nous ne l'avons qu'en version anglaise. Nous n'avons

 20   pas -- si, il y a une version en serbe.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, je vais parler de la version anglaise, et les interprètes n'ont

 23   qu'à vous traduire.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la page 55. Alors, c'est la page

 25   69 du livre et c'est la page 9 du document. Voilà. Le document, c'est la

 26   page 9. A l'affichage électronique, donc je vous demande page 9. En version

 27   serbe, dans le livre, il s'agit de la page 69.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1361

  1   Q.  En attendant qu'on nous montre tout ceci, je vais donner lecture du

  2   premier paragraphe. Il est dit :

  3   "Le SDA avait aspiré à la création d'un front unifié et obtenir le soutien

  4   de tous, exception faite du SDS. Avec les conflits en Croatie, et plus

  5   concrètement encore, lorsqu'il y a eu un conflit à Pakrac au printemps

  6   1991, Brano Grujic, le président du comité municipal du SDS, a demandé une

  7   réunion pour mettre en place une stratégie pour éviter que le conflit ne se

  8   transfère vers Zvornik. La réunion s'est tenue, et il a été convenu que la

  9   situation soit suivie afin que cette région demeure pacifiée."

 10   Alors, vous voyez que le président du Parti démocratique serbe, Brano

 11   Grujic, a pris les devants et proposé que l'on crée des conditions afin que

 12   la guerre ne se propage pas vers Zvornik, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, il est certain que non. Les chars en 1992, le 3 avril, étaient à

 14   Karakaj. Vous dites que les Serbes sont passés en Serbie, c'est inexact.

 15   Q.  Non, non, je vous prie de ne pas gaspiller mon temps.

 16   R.  Oui, oui, mais Brano Grujic, on sait où il est. Il a été jugé pour

 17   crimes de guerre.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Monsieur le Procureur.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste pour le

 20   compte rendu, je voudrais demander à ce que l'accusé nous donne exactement

 21   ce qu'il est en train de lire. Ce n'est pas consigné au compte rendu. Et je

 22   ne pense pas qu'il ait donné ni le nom du livre ni l'auteur du texte.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Vous avez omis de nous présenter la

 24   base de ce que vous êtes en train de citer, qui en est l'auteur et de quoi

 25   il s'agit. Continuez.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avec votre autorisation, Monsieur le Président,

 27   je n'ai pas oublié. C'est ma tactique avec les témoins hostiles.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1362

  1   Q.  Il s'agit d'un livre écrit par Mirza Hamzic. Son titre est "Zvornik

  2   depuis les élections à Dayton". Ça a été publié en 1998. Vous connaissez le

  3   nom de Mirza Hamdic ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Mais c'est certainement un Musulman ?

  6   R.  Oui, d'après le nom et le prénom, c'est un Musulman.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avec votre autorisation, Monsieur le Président,

  8   je voudrais continuer. Page 10 de ce document et il s'agit de la page 71

  9   pour ce qui est du livre. Vous l'avez en version anglaise, Excellences.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors on y dit :

 12   "La Ligue patriotique a été créée le 26 juillet 1991 dans une salle

 13   de lecture pour la jeunesse à Kula Grad. Nous avons créé une cellule de

 14   Crise, mais il n'y a pas eu nomination de son commandant. A l'occasion des

 15   entretiens entre Hadzic et Juzbasic, il a été demandé que l'aile de

 16   Juzbasic fournisse le commandant. Et il y a eu une réunion à l'occasion de

 17   laquelle on a décidé que Sakib Halilovic, alias Kibe, finisse par être

 18   nommé commandant."

 19   Alors, vous connaissez Sakib Halilovic ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci. Passage suivant :

 22   "L'organisation était désormais créée. Le plan de la défense a été établi

 23   et le réseau pour l'approvisionnement en armes existait. Les armes ont été

 24   achetées à Vienne et acheminées jusqu'à Brod, où il y avait un réseau de la

 25   Ligue patriotique. Les 'contrebandiers' ont établi des réseaux pour vendre

 26   ces armes afin de pouvoir en racheter de nouvelles. En septembre 1991, à

 27   peu près 15 fusils sont arrivés par le biais du SDA, ce qui a eu un effet

 28   contraire, parce que Juzbasic a fait circuler une rumeur disant que les

Page 1363

  1   armes ne devraient pas être achetées et que c'était au SDA d'armer le

  2   peuple."

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] La page 11 de ce document et il s'agit de la

  4   page 72 pour ce qui est du livre. Pour ce qui est des Juges, c'est sur la

  5   même page. Alors, dernier passage de ce paragraphe qui dit, je dois donner

  6   lecture du passage tout entier :

  7   "Par le biais des compagnies, il y a eu des tentatives de se procurer de

  8   l'argent pour l'achat d'armes. A l'occasion d'une réunion avec des

  9   directeurs de sociétés lorsque les Chetniks, donc les Serbes, avaient

 10   commencé avec leurs bacchanales à Karakaj et Celopek, les moyens ont été

 11   recherchés, mais Muhamed Jelkic, le directeur exécutif du centre de santé -

 12   -"

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Montrez-nous la page suivante en version

 14   B/C/S.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  "-- a fait une offre de fournir les moyens pour l'achat des armes par

 17   lesquelles la population finirait par être protégée. Et en accord avec

 18   ceci, il s'est agi de faire sortir nos jeunes gens qui étaient dans la JNA

 19   pour empêcher la mobilisation des effectifs de réserve."

 20   Alors, ma question pour vous, Monsieur, c'était de savoir si la JNA était

 21   devenue serbe parce que les Serbes se précipitaient vers la JNA ou parce

 22   que vous aviez quitté la JNA ? Vous avez quitté la JNA et vous avez empêché

 23   la mobilisation suite aux instructions émanant de vos leaders.

 24   R.  Si les Bosniens étaient dans l'armée, enfin ce qu'on avait appelé la

 25   JNA à partir de 1990, ils auraient fini par être victimes. Tes combattants,

 26   tes Serbes, seraient dans leur dos, donc ils auraient dû tirer vers les

 27   autres, et donc ils auraient fini par être victimes.

 28   Q.  Merci. Mais ça n'a pas été ma question. Ma question c'était celle de

Page 1364

  1   savoir si les officiers musulmans et les soldats musulmans avaient quitté

  2   les rangs de la JNA suite à l'instruction de vos leaders, et si vos leaders

  3   ont empêché les réponses aux convocations sous les drapeaux ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie maintenant de passer à la page

  7   suivante : 

  8   "Le conflit avec le SDA a influé l'efficacité de ces actions. A un moment

  9   donné, le MUP de Zvornik était tombé sur un soldat qui avait réussi à fuir

 10   la JNA et le faire revenir dans l'unité. En lui posant la question de

 11   savoir ce qu'il faisait, le chef du ministère de l'Intérieur, Osman

 12   Mustafic, a répondu : 'Moi, je préserve l'autorité légale.'"

 13   Alinéa suivant : "Et nous autres, qu'est-ce qu'on fait ?"

 14   Alinéa suivant : "Vous êtes en train de créer un soulèvement, une espèce

 15   d'insurrection."

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Alors, est-ce que vous avez entendu parler d'Osman Mustafic, Monsieur ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que les préparatifs de la communauté musulmane et leur combat

 20   avaient-ils un caractère de révolution ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Mais ce policier est un employé de l'Etat qui dit, à juste titre, que

 23   vous êtes en train de procéder à une révolution, à un revirement.

 24   R.  Vous êtes en train de faire, vous, un revirement.

 25   Q.  Non, mais lui le dit pour le SDA.

 26   R.  Non, c'est les Serbes. Osman c'était un pion. Lui, le pauvre, il ne

 27   pouvait rien faire. Vous vous êtes tout de suite dissociés et vous avez mis

 28   des barrages routiers à Karakaj et partout ailleurs, et une police serbe,

Page 1365

  1   et Osman, lui, ne pouvait qu'observer.

  2   Q.  Monsieur, vous me faites gaspiller mon temps. On a gaspillé --

  3   R.  C'est vous qui gaspillez. Moi, je peux rester ici longtemps.

  4   Q.  Je sais bien, mais les Juges de la Chambre ne vont pas nous autoriser à

  5   le faire.

  6   R.  C'est vous qui le voulez.

  7   Q.  "Le résultat c'était une situation paradoxale. On a donc vu que le MUP

  8   contrôlait le courant de Pasic à la tête duquel il y avait un Bosnien. Et

  9   en dépit de ce fait, le SDA a réussi à faire acheminer sur le territoire de

 10   la municipalité de Zvornik quelque 4 000 canons. A l'occasion de l'une des

 11   sessions de la municipalité de Zvornik, les députés du SDS ont présenté des

 12   renseignements disant que les Bosniens étaient en train de s'armer. On a

 13   nommé l'inspecteur Sakib Coric," Sakib étant un Musulman, c'est évident, "à

 14   se pencher sur la situation, et il a reçu l'ordre de mettre aux arrêts Asim

 15   Hadzic en sa qualité d'organisateur de ces activités illégales. Hadzic a

 16   réussi à se procurer un ordre d'arrestation et à le remettre au ministre de

 17   l'Intérieur au niveau de la république, M. Alija Delimustafic."

 18   Alors, Monsieur, est-ce que vous voyez que dans cette municipalité, il y

 19   avait des activités politiques visant à empêcher les achats d'armes, mais

 20   ça a été déjoué et les informations ont été envoyées à Alija Delimustafic,

 21   c'est-à-dire le ministre de la police de Bosnie-Herzégovine, qui est

 22   également, lui, un Musulman, n'est-ce pas ?

 23   R.  Tout ce que vous êtes en train de nous lire, vous pouvez lire pendant

 24   trois jours. Moi, je n'en sais que très peu de choses.

 25   Q.  Moi, je suis pressé. Passons à la page 73 du livre, à la fin du

 26   paragraphe qui dit :

 27   "Abdulah Pasic a répondu : Restituez les armes. J'ai déjà contacté la

 28   partie adverse et nous avons besoin de continuer à vivre ensemble."

Page 1366

  1   Abdulah Pasic estime donc qu'il faut continuer à vivre ensemble, et

  2   non pas de se battre. Est-ce que vous avez entendu parler d'Abdulah Pasic ?

  3   R.  Ecoutez, tout ce que vous dites ici, nous avons restitué nos armes, ces

  4   pauvres gens qui ont restitué leurs armes sont désormais morts. Ils n'ont

  5   pas continué à vivre parce qu'ils ont restitué leurs armes. Vous êtes en

  6   train de nous raconter des récits dénués de teneur.

  7   Q.  Merci. On prouvera que cela n'est pas vrai.

  8   R.  Si, c'est vrai.

  9   Q.  Passons à la page 12, livre 74 : 

 10   "Nous avons entendu dire qu'il fallait emballer les équipements et quitter

 11   la ville, et les autorités municipales étaient censées déménager à Kula

 12   Grad."

 13   Donc la partie musulmane de l'autorité de Zvornik quitte Zvornik et

 14   déménage le siège de son pouvoir à Kula Grad ?

 15   R.  Ecoute, Karadzic, arrête de dire des bêtises. Je t'en prie, ne dis pas

 16   de bêtises. Kula Grad, il n'y a pas de siège. Zvornik -- enfin, ils ont

 17   quitté, dis-tu, la municipalité. Si tu as quelque chose de plus

 18   intelligent, dis-le-nous. Et si tu n'as rien de plus intelligent, qu'on

 19   interrompe mon témoignage et que je m'en aille.

 20   Q.  Monsieur le Témoin, ne vous fâchez pas. Ce n'est pas une vérité serbe.

 21   C'est un Musulman qui le dit.

 22   R.  Ça, c'est une contrevérité serbe. Mais, Monsieur Karadzic, dis donc à

 23   ces Juges et à ces gens, est-ce qu'il y a un endroit où les Serbes sont

 24   coupables de quelque chose ? Dis-le-nous. Mettons de côté les victimes.

 25   Est-ce qu'il y a des endroits ou un endroit quelconque où les Serbes sont

 26   coupables, ou alors c'est toujours la faute des autres ? Ne dis pas de

 27   bêtises tout le temps.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, ayez l'amabilité de simplement

Page 1367

  1   répondre aux questions qu'on vous pose.

  2   Allons de l'avant.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, moi, je ne peux pas

  4   répondre à des bêtises. Excusez-moi. C'est vous qui présidez aux travaux de

  5   cette Chambre, mais moi, c'est sur ma propre peau que j'ai senti tout ceci,

  6   et mes enfants n'ont pas eu une enfance comme les autres enfants. Alors, si

  7   ça ne vous plaît pas que je le dise, dites-le, Monsieur. Vous pouvez me

  8   dire : "Vous pouvez retourner d'où vous êtes venu, Monsieur."

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il convient, Monsieur, de répondre aux

 10   questions, et c'est de cette façon que vous aiderez la Chambre à parvenir à

 11   la vérité. Moi, je comprends vos sentiments, mais calmez-vous et

 12   concentrez-vous sur la nécessité de répondre aux questions.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dites-lui à lui de ne

 14   pas lire des choses qui n'ont rien à voir avec moi. Il n'a qu'à lire des

 15   choses qui ont à voir avec moi. Moi, je ne suis pas un stratège militaire

 16   pour avoir rédigé des archives et ouvert des pages avec mes conseillers,

 17   comme le fait Karadzic, Prends cette page, prends cette page. Moi, je suis

 18   en train de dire ce qui est vrai et ce que je sais. Ce que je ne sais pas,

 19   ça ne m'intéresse pas.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, répondez aux questions, ou si

 21   vous ne savez pas répondre, dites que vous ne savez pas.

 22   Allons de l'avant.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ça, ce n'est pas des questions pour moi,

 24   du tout. Ce ne sont pas du tout des questions pour moi.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Témoin, dans vos déclarations à l'occasion de votre

 28   témoignage, vous avez présenté des allégations pour ce qui est des

Page 1368

  1   événements qui se sont produits dans cette région, et moi, j'essaie de

  2   prouver que les choses se passées autrement. Je suis en train de donner

  3   lecture d'une source musulmane publiée après la guerre. Ne vous fâchez pas.

  4   Je ne m'attaque pas à vous. J'essaie de déterminer la vérité.

  5   R.  Non, ce n'est pas du tout la vérité. Il n'y a pas un gramme de vérité

  6   dans tout cela. Ne me dites pas cela. C'est pour cela que ça me fâche,

  7   parce que tu dis des contrevérités. Merci à Allah, le Grand, que pendant

  8   toute la guerre, j'étais en Bosnie-Herzégovine. Et j'ai pu voir comment

  9   étaient les voisins que nous avions. Il a mangé aujourd'hui avec moi, et le

 10   lendemain, il a pris un fusil pour nous tuer.

 11   Q.  Mais est-ce que c'est la première fois que ça s'est passé ainsi,

 12   Monsieur le Témoin ?

 13   R.  Pour moi, oui. Moi, je n'ai pas gardé en mémoire autre chose, mais ça

 14   ne s'est jamais produit de la sorte. Devant le monde entier, devant les

 15   Nations Unies qui ont rétabli des liens avec les Bosniens et qui ont donné

 16   des armes aux Croates.

 17   Vous savez, Messieurs, que Srebrenica c'était une zone protégée, et

 18   en aucun cas il ne fallait pas que ça tombe, et vous avez laissé tuer 8 000

 19   habitants. Est-ce que vous avez entendu dire une mère l'an passé, elle

 20   était en train de donner naissance à Potocari, et une femme l'a aidée, et

 21   dès qu'on a entendu l'enfant, un soldat serbe est arrivé pour étouffer cet

 22   enfant. Et ça, vous ne le comprenez pas. Lorsque les mères de Srebrenica

 23   ont dit qu'elles allaient porter plainte contre les Nations Unies, on a

 24   répondu que les Nations Unies -- il y avait une immunité. Alors, quand il

 25   s'agit des vies des autres peuples, les Nations Unies ont beau jeu. Vous

 26   nous avez d'abord dépossédés de tout ce qu'on avait, puis vous nous avez

 27   dépossédés de nos vies. Et puis vous êtes en train d'essayer de nous

 28   convaincre que les Musulmans avaient voulu la guerre et que vous autres,

Page 1369

  1   vous ne la vouliez pas.

  2   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Nous sommes complètement conscients de

  3   vos sentiments. Nous avons vraiment conscience de la façon dont vous vous

  4   sentez. Mais je vous prie de prêter une oreille attentive à ce que le Juge

  5   Morrison et le Juge Kwon vous ont déjà dit, et je vais le redire. M.

  6   Karadzic a le droit de vous poser des questions. Il a le droit de vous

  7   contre-interroger. Et lorsque vous entendez une question que vous ne

  8   comprenez pas, laissez-nous savoir que vous ne comprenez pas. Nous

  9   demanderons à ce que ce soit clarifié. Si la question n'est pas appropriée,

 10   le Procureur va se lever et va dire qu'il fait objection. Nous allons alors

 11   rendre une décision. Nous allons donc intervenir. Mais tant que le

 12   Procureur ne fait pas objection aux questions et tant que nous

 13   n'intervenons pas et que vous avez compris la question qui vous est posée,

 14   répondez de la meilleure des façons que vous pouvez. C'est tout ce que nous

 15   sommes en train de vous dire. Mais nous sommes conscients de vos

 16   sentiments.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, moi, je vous comprends bien,

 18   mais vous ne me comprenez pas. Vous êtes en train d'écouter ce que Karadzic

 19   est en train de nous lire, mais ça n'a rien à voir avec ma déclaration.

 20   Moi, ça ne m'intéresse pas. Je ne suis pas un homme politique, je ne suis

 21   pas un analyste militaire.

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur, si M. Karadzic vous pose une

 23   question et que vous n'êtes pas d'accord, dites : "Je ne suis pas d'accord,

 24   je n'accepte pas." Vous n'avez pas à dire quoi que ce soit d'autre, mais

 25   lui il a le droit de vous poser ces questions. Vous pouvez dire que vous ne

 26   comprenez pas la question ou que vous n'êtes pas d'accord.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'ai des droits aussi, et c'est ce que --

 28   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Oui, vous avez des droits.

Page 1370

  1   Personne ne laissera piétiner vos droits devant ce Tribunal. Mais l'accusé,

  2   lui aussi, il a des droits, et il faut que nous tenions compte du respect

  3   de tous les droits, des droits de tout un chacun, y compris les droits de

  4   M. Karadzic.

  5   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] C'est bon, continuons.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Je vais essayer de faciliter les choses pour chacun. Monsieur le

 10   Témoin, je ne vais pas lire littéralement les citations, je vais seulement

 11   les paraphraser. Donc page 16 --

 12   L'INTERPRÈTE : Page que l'interprète n'a pas entendue, ligne que

 13   l'interprète n'a pas entendue dans le livre.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Il y est écrit qu'après la réunion avec M. Mustafic, le capitaine

 16   Dragan Obrenovic est arrivé et a informé d'un incident qui avait eu lieu.

 17   Je pense que cela s'est passé le 5 avril, incident à Sapna, où un soldat de

 18   l'armée populaire yougoslave qui était parti en Yougoslavie a été tué. Les

 19   autres soldats se sont égayés dans la nature, et huit de ces soldats ont

 20   été capturés. Vous rappelez-vous cet incident ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Je vous remercie. Le président de la municipalité, un certain Pasic,

 23   est entendu. Est-ce que vous avez entendu ce qu'il leur est arrivé ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Passons maintenant à la page 26, page 102 de la version dans l'autre

 26   langue. M. Hamzic, c'est l'auteur du livre, Mirza Hamzic, ce sont les mots

 27   qu'il utilise, il déclare qu'il pensait à appeler leur armée, l'armée

 28   musulmane. Est-ce que vous avez entendu parler de cela ?

Page 1371

  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci.

  3   R.  Dans notre armée, il y avait des représentants de tous les groupes

  4   ethniques. Ce n'était pas une armée monoethnique.

  5   Q.  Nous avions aussi des unités musulmanes dans notre armée.

  6   R.  Je ne crois pas, je ne crois pas. Mais si vous le dites, peut-être que

  7   vous avez pris des prisonniers pour creuser des tranchées pour vous.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Passons à la page 30 de ce document, page 111

  9   du livre.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Donc page 111 du livre, page 30 du document. Je cite :

 12   "Nous avions un plan pour la défense de Zvornik, et nous avions informé les

 13   autorités de Zvornik à ce sujet, c'étaient des Musulmans de Bosnie. Parce

 14   que l'ex-JNA venait de quitter Zvornik pour aller de l'autre côté en

 15   Serbie, et elle avait organisé de l'artillerie. Elle s'était fortifiée,

 16   elle avait fait venir de nouveaux renforts. Ainsi, immédiatement avant

 17   l'agression des Chetniks, nous avions l'intention d'occuper les positions

 18   les plus importantes de Zvornik. Mais il était certain que nous ne pouvions

 19   pas le faire en l'absence d'appui et de coopération de la part des

 20   personnalités dirigeantes de la municipalité."

 21   Donc il est dit ici qu'avant l'attaque, une partie du pouvoir municipal

 22   avait été transférée à Kula Grad, et ils avaient l'intention d'occuper les

 23   positions les plus importantes de la ville.

 24   Est-ce que vous avez entendu parler de ça ?

 25   R.  Non. Mais ils n'avaient pas les forces nécessaires pour combattre des

 26   corps d'armée. Les Serbes ont fait venir des corps d'armée. Le peuple ne

 27   pouvait pas se battre à mains nues contre des corps d'armée. Laisse tomber

 28   tes bêtises.

Page 1372

  1   Q.  J'espère que le calcul sera fait du temps qui m'était imparti qui a été

  2   utilisé pour rien.

  3   R.  C'est normal puisqu'on parle de rien.

  4   Q.  Je poursuis la citation :

  5   "Selon le plan, Zvornik ne devait pas être la seule à être défendue.

  6   C'était simplement une des municipalités en rapport avec laquelle le

  7   commandant Sakib Halilovic avait été mis en place dans la sous-région de

  8   Podrinje qui, en dehors de Zvornik, comprenait également Bratunac,

  9   Srebrenica, Vlasenica et Kladanj, et le commandant était Salko Dedic."

 10   Donc une organisation militaire régionale est mise en place, placée sous le

 11   commandement de Salko Dedic.

 12   Tout à l'heure, j'ai dit que ceci n'était pas la vérité serbe et c'est

 13   resté tel quel au compte rendu d'audience. Je le fais remarquer. Ce que

 14   nous entendons ici, c'est la vérité musulmane, donc j'aimerais que la

 15   correction soit apportée au compte rendu d'audience. Il s'agissait d'une

 16   contrevérité serbe.

 17   Est-ce qu'il y avait une organisation militaire régionale correspondant à

 18   ce que Mirza Hamzic a décrit dans cet ouvrage ?

 19   R.  Où ça ?

 20   Q.  A Zvornik, à Bratunac, à Kladanj, à Vlasenica, et cetera, dont le

 21   commandant était Salko Dedic.

 22   R.  Mais pourquoi est-ce qu'un génocide a eu lieu, puisque nous, nous

 23   n'avions pas la possibilité --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin et Monsieur Karadzic,

 25   il y a chevauchement de vos deux voix. Vous êtes priés de parler un après

 26   l'autre.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis prêt à parler.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que la Chambre intime au témoin

Page 1373

  1   l'ordre de répondre à mes questions. C'est moi qui pose les questions, pas

  2   lui.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'Accusation n'a pas pour travail de

  4   superviser l'évolution de la déposition du témoin. Ce rôle incombe à la

  5   Chambre.

  6   La dernière question portait sur "Zvornik, Bratunac, Kladanj, Vlasenica, et

  7   cetera. On vous a dit que le commandant de l'unité était Salko Dedic."

  8   C'est ce que nous voyons écrit au compte rendu d'audience. Quelle est

  9   votre réponse à la question qui vous a été posée tout à l'heure, Monsieur

 10   le Témoin ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, c'est la première fois que j'entends

 12   parler de cet homme Salko Dedic. Moi, j'étais encerclé, je ne pouvais pas

 13   me déplacer, je ne pouvais communiquer avec personne ni aller nulle part.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Je vous remercie.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je poursuivre, Excellence ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie.

 18   M. KARADZIC : [interprétation] Page 36 du document, page 123 du livre. Nous

 19   lisons, je cite :

 20   "Salko Bukarevic, l'un des organisateurs et des membres actifs de la

 21   Ligue patriotique pour le nord-est de la Bosnie se rappelle cette période."

 22   Il dit : "Au début de janvier 1992, Sefer Halilovic, commandant de la

 23   Ligue patriotique pour la Bosnie-Herzégovine est arrivé à Tuzla en

 24   provenance de Sarajevo en compagnie des membres du quartier général de la

 25   Ligue patriotique de Tuzla. Il a visité le nord-est de la Bosnie. Parmi les

 26   membres du QG se trouvait également Salko Bukarevic, qui déclare au sujet

 27   de la visite de Sefer."

 28   Nous passons maintenant à la page 37 du document, qui correspond à la

Page 1374

  1   page 125 dans le livre. Je cite :

  2   "Des pourparlers avec les dirigeants du SDA et les autorités

  3   municipales." Donc une partie du pouvoir municipal coopère avec la Ligue

  4   patriotique musulmane, qui est une organisation illégale, au mois de

  5   janvier 1992, au début du mois de janvier 1992."

  6   Je poursuis la citation. Je cite :

  7   "A cette occasion, il a assigné des missions précises à des

  8   représentants municipaux spécifiques. Il s'intéressait en particulier à

  9   l'aptitude de Podrinje d'opposer une défense potentielle. C'est le moment

 10   où le président du SDA de Zvornik, Asim Juzbasic a déclaré que toutes les

 11   unités étaient prêtes à assumer cette mission éventuelle et que tout se

 12   préparait pour détruire les ponts de la Drina."

 13   Monsieur le Témoin, vous étiez prêt à détruire les ponts de la Drina en

 14   janvier 1992, au moment même où nous étions en pleines négociations qui se

 15   sont achevées le 18 mars par l'accord de Lisbonne. Est-ce que c'est le cas

 16   ou pas ?

 17   R.  Dites-moi, Karadzic, qu'est-ce qu'ils étaient prêts à défendre ? Est-ce

 18   qu'il y avait une menace contre eux, contre laquelle ils auraient dû se

 19   préparer pour se défendre ?

 20   Q.  Monsieur, est-ce qu'il est écrit ici qu'ils se préparaient, que tout

 21   était en train d'être préparé pour la destruction des

 22   ponts ?

 23   R.  Je ne sais pas, mais qu'est-ce qu'ils étaient prêts à défendre eux-

 24   mêmes ? Si vous n'aviez pas été favorable à la guerre, contre quoi est-ce

 25   qu'ils auraient dû se préparer à se défendre ? Contre quoi ? Réponds-moi.

 26   Les Juges sont ici, et nous sommes ici tous les deux.

 27   Q.  Oui. Ne perdons pas de temps. Je ne suis pas ici pour répondre à vos

 28   questions. C'est vous qui êtes ici pour répondre aux miennes.

Page 1375

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demande le versement au dossier

  2   de ce document, le livre de Mirza Hamzic, et les extraits dont j'ai donné

  3   lecture qui constituent le document 1D00643.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, pas

  7   d'objection fondamentale. Mais je pense que le document, pour le moment, ne

  8   peut qu'être enregistré aux fins d'identification, car nous n'avons de

  9   traduction que pour des extraits très peu nombreux, donc la traduction

 10   n'est pas définitive et pas complète. Nous ne connaissons pas le contexte

 11   dans lequel sont traitées ces questions mais je n'ai pas d'objection

 12   réelle. Je tiens simplement à faire remarquer que pour le moment la

 13   traduction, à mon avis, n'est pas suffisante.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En dépit de l'observation de

 15   l'Accusation, la Chambre préfère ne pas admettre ce livre au dossier, et la

 16   raison en est la suivante : un certain nombre d'extraits ont été soumis au

 17   témoin et le témoin, dans la plupart des cas, n'a pas confirmé ces

 18   extraits. L'extrait confirmé par le témoin existe dans le compte rendu

 19   d'audience, donc il n'est pas nécessaire qu'il soit versé au dossier de

 20   façon distincte. Quant aux autres extraits que le témoin n'a pas confirmés

 21   ou, en tout cas, avec lesquels il n'était pas d'accord, il n'y a aucun

 22   fondement pour qu'il soit versé au dossier, ce qui ne veut pas dire que

 23   vous ne pouvez pas produire ce document pendant la présentation des moyens

 24   de la Défense.

 25   Donc ceci montre combien de temps a été gaspillé. Je m'attends à ce que

 26   vous suiviez le conseil de Me Robinson quant au meilleur usage qu'il

 27   importe de faire du contre-interrogatoire pour qu'il soit efficace et doté

 28   de sens. La façon dont le contre-interrogatoire a été mené jusqu'à présent

Page 1376

  1   n'est pas la meilleure, en particulier face à ce témoin que vous avez

  2   qualifié de témoin hostile et qui, en tout cas, n'est pas un témoin amical

  3   par rapport à vous. Donc ne perdez pas cela de vue.

  4   Le document n'est donc pas admis pour le moment. Vous pouvez passer à

  5   un autre sujet.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence. Je pense que ce

  7   document, s'il ne pouvait être qu'utile à une chose, aurait pu servir à

  8   évaluer la crédibilité de ce témoin. Mais je demande à présent l'affichage

  9   du document 644 et je demanderais à ce qu'il ne soit pas diffusé à

 10   l'intention du public. 644. Et que le 645 soit préparé. Nous allons

 11   rapidement passer en revue ces documents. Je voudrais simplement que le

 12   témoin y jette un coup d'œil et les commente.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous devons passer à huis

 14   clos partiel ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Si les images ne sont pas diffusées à

 16   l'extérieur de la salle d'audience, ce n'est pas nécessaire.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissez cette personnalité ?

 19   Vous voyez son nom.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Il travaillait à Belgrade, n'est-ce pas ? Est-ce que vous l'avez

 22   fréquenté à Belgrade ?

 23   R.  Non. Lui était dans la police. Il est arrivé de temps en temps que nous

 24   nous rencontrions lors d'un voyage en autobus ensemble.

 25   Q.  Très bien. J'aimerais que vous vous penchiez sur le paragraphe du

 26   milieu.

 27   Où il est indiqué que l'un des créateurs de la 1ère Brigade musulmane de

 28   Podrinje est cet homme et qu'il a rejoint cette unité avec (expurgé)

Page 1377

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé) Il a

  5   rempli un certain nombre de missions, et cetera, et cetera.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de ce

  7   document que nous ferons traduire. Je n'ai pas prononcé le nom du village.

  8   Les interprètes voient le document, bien sûr, mais il ne faut pas qu'ils

  9   lisent à haute voix le nom du village. J'ai donc respecté la

 10   confidentialité des débats quant au nom du village d'où vient ce témoin et

 11   l'homme en question.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.Monsieur Nicholls.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 14   Juges, encore une fois, pas de traduction, donc aucune idée pour moi de ce

 15   que signifie ce passage lu par M. Karadzic. Puis deuxièmement, rien n'est

 16   dit au sujet de l'origine de ce document. Il faut tout de même qu'il y ait

 17   un fondement à la base d'une question ou, en tout cas, qu'une description

 18   soit donnée de la nature d'un document qui sert de base à des questions et

 19   pas seulement une photo ou un texte dans un encadré pour qu'on puisse

 20   demander le versement au dossier d'un document.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, de quoi traite ce

 22   document ? Qui a élaboré, établi ou produit ce document ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, ceci est une monographie qui traite

 24   des opérations menées par le groupe de Srebrenica de la 28e Division des

 25   forces terrestres. Ce document est déjà dans le prétoire électronique. Il a

 26   été téléchargé. Nous allons nous pencher sur ce document 646 dans un

 27   instant. Ce sont simplement des extraits destinés à ne pas nous imposer la

 28   lecture de tout le document. Nous aimerions faire valoir un certain nombre

Page 1378

  1   d'extraits de cette monographie.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez me dire exactement à quel

  4   endroit il a amené ces 500 hommes, la 1ère Brigade musulmane de Podrinje ?

  5   R.  Mais vous dites qu'il a fait venir de ces hommes depuis quel village ?

  6   Q.  Il les a probablement emmenés à Srebrenica.

  7   R.  Non. Il a quitté notre village avant le départ des femmes et des

  8   enfants pour aller à Tuzla. Il n'a peut-être même jamais vu Srebrenica de

  9   ses yeux.

 10   Q.  Monsieur, il est écrit ici qu'il a été nommé commandant de la 1ère

 11   Brigade d'infanterie motorisée. Peut-être était-ce à Tuzla ?

 12   R.  Il est certain que non. Je ne sais pas pour Tuzla, mais en tout cas, il

 13   n'est jamais allé à Srebrenica.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de problème. Monsieur Nicholls, quel

 15   est votre avis après avoir entendu l'accusé ?

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je n'ai

 17   toujours pas bien compris. J'essaie de comprendre de quel document nous

 18   parlons. Il a peut-être été téléchargé dans le prétoire électronique, mais

 19   je ne sais pas encore très bien de quel document il s'agit, qui en est

 20   l'auteur, de quelle entité il provient.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Peut-

 24   être n'est-il pas nécessaire de passer à huis clos partiel si la Chambre

 25   examine rapidement la page 95, lignes 10 à 15 du compte rendu d'audience

 26   d'aujourd'hui. Le document n'a pas été diffusé à l'extérieur de la salle

 27   d'audience, mais il y a deux références consécutives qui rendent nulle et

 28   non avenue cette mesure de précaution, et je pense qu'il importe d'expurger

Page 1379

  1   le texte du compte rendu de ces références.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera fait par le juriste hors classe

  3   et l'officier instrumentaire à la fin de l'audience.

  4   L'ACCUSÉ : [hors micro]

  5   [La Chambre de première instance se concerte] 

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une

  7   monographie qui provient d'une source musulmane. Cette monographie existe

  8   en tant que telle, elle a été téléchargée dans le prétoire électronique et

  9   je ne voulais pas vous donner lecture de tout le document, je me suis

 10   contenté d'extraits relativement courts. Nous avons déjà examiné le

 11   document 645, et j'avais l'intention de proposer le document 646 à présent,

 12   première page du document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je suis prêt à vous

 14   faire confiance, mais ce n'est pas vous qui déposez, et nous ne sommes pas

 15   convaincus que le fondement cité par vous au sujet de ce document est

 16   suffisant. Donc dans l'attente de traduction, nous allons enregistrer ce

 17   document aux fins d'identification.

 18   Quel sera le numéro qui lui sera octroyé ?

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

 20   pièce D40, enregistrée aux fins d'identification et à conservée sous pli

 21   scellé.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous souhaitiez me

 23   dire quelque chose ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez procéder, Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin le

 27   document 645, puis le document 646 rapidement, après quoi nous pourrons

 28   passer à un autre sujet. D'abord, le document 645. Qu'il n'y ait pas

Page 1380

  1   diffusion des images à l'extérieur de la salle d'audience.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, est-ce que vous connaissez ce nom ? Peut-on afficher la page

  4   où on voit le nom sur les écrans.

  5   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin, connaissez-vous l'homme répondant à ce nom ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous voyez au deuxième paragraphe, nous lisons :

 10   "A partir de septembre 1991, il a travaillé de façon intensive à

 11   l'organisation et à la préparation d'une résistance contre l'agression

 12   subie par la République de Bosnie-Herzégovine au moment où il a été nommé

 13   commandant de l'état-major de Crise pour la région."

 14   Et un nom figure ensuite; vous le voyez ?

 15   R.  Mais non, ce n'est pas du tout ça. Cet homme n'avait aucun rapport avec

 16   l'armée. C'est un religieux. Je ne crois pas qu'il n'ait jamais saisi un

 17   fusil entre ses mains.

 18   Q.  Merci. Merci. C'est un document qui vient de votre commandement.

 19   R.  S'il y avait eu des hommes de ce genre, il y aurait eu encore plus de

 20   morts.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande le versement au

 22   dossier pour identification de ce document, et je demanderais que l'on

 23   affiche le document 646 à présent.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Pièce D41, enregistrée aux fins

 25   d'identification. Pièce D41, avec une cote MFI, par conséquent.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document 646 sur les écrans, je vous prie.

 27   Voilà donc ce sur quoi porte la monographie, 2e Corps, 8e Groupe

 28   opérationnel. Je demanderais maintenant l'affichage de la page 3 de ce

Page 1381

  1   document dans le prétoire électronique.

  2   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, c'est le livre en

  3   question. Il ne fait aucun doute qu'il est Musulman et qu'il a été publié

  4   par leur armée.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Permettez-moi de lire simplement --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Aviez-vous une question au sujet de

  8   l'image que nous venons de voir ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question consistait à demander au témoin

 10   s'il connaissait l'homme en question, et j'ai lu le deuxième paragraphe où

 11   l'on voit que cet homme, depuis septembre 1991, avait œuvré à la

 12   préparation d'une résistance armée, et cetera. Le témoin a admis connaître

 13   cet homme, mais avait exprimé des doutes quant au fait que cet homme avait

 14   travaillé de cette façon. Il a dit qu'il était inapte, et cetera.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, ce n'est pas qu'il était inapte.

 16   Mais je ne sais pas ce qu'il a fait. J'ai des doutes quant au fait qu'il

 17   aurait travaillé pour l'armée.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais --

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais au sujet de l'image du blason qu'on

 22   a vue, quelle était votre question, si c'est un blason.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la page de garde de ce livre, et nous

 24   avons sorti plusieurs documents de ce livre. C'est la page 3 que je me

 25   propose d'utiliser maintenant. Je n'ai pas posé de question pour le moment.

 26   Ils ont fait diffuser la première page, mais en fait, ce n'est pas ce que

 27   j'ai demandé.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1382

  1   Q.  Monsieur le Témoin, je me propose de vous donner lecture. Le Groupe

  2   opérationnel numéro 8 de Srebrenica, plus tard la 28e Division de l'armée

  3   de terre, était composé de la 280e Brigade légère de Potocari, 288e Brigade

  4   de Suceska, Brigade légère de Bosnie orientale de Srebrenica, trois de

  5   Srebrenica, puis Brigade légère de Bosnie orientale de Zepa, de la Brigade

  6   de Montagne de Srebrenica, Brigade de Montagne de Bratunac. Vous avez

  7   raison, tout à fait. La 1ère Unité d'infanterie motorisée était de Tuzla,

  8   donc la première image.

  9   Donc je vous demande si ces unités, pour autant que vous le sachiez,

 10   faisaient partie du Groupe opérationnel numéro 8 ?

 11   R.  Je ne sais pas jusqu'en 1993, mais en 1993, ce n'était pas le cas, car

 12   c'est en 1993 que je suis arrivé à Srebrenica.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 46, s'il vous plaît, dans le prétoire

 14   électronique. C'est le 6e Détachement de Srebrenica, donc je donne lecture.

 15   Dès le mois d'avril, à savoir le 6 avril 1992, repousse une attaque chetnik

 16   sur Kula ainsi que la reddition des armes le 11 avril 1992, et repousse une

 17   attaque chetnik sur le village, dont vous voyez le nom ici, à savoir votre

 18   village, le 25 avril. Puis, suivent les attaques menées sur Kula et la

 19   chute de cette même Kula, puis l'attaque sur Snagovo. Donc on reprend ce

 20   village, donc je ne donne pas le nom, et les combats du 25 mai et du 27

 21   mai. Un sabotage sur les véhicules ennemis à Redzici, en agissant de

 22   concert avec l'ICO, on mène des actions de combat sur Liplje, et cetera. Je

 23   ne donne pas lecture de la suite. Est-ce que vous êtes au courant de ces

 24   combats ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Mais cela se passe dans votre village ?

 27   R.  Non, la seule chose que je sais c'est qu'il y a eu un certain nombre

 28   d'unités qui sont arrivées avec des véhicules légers, puis pour le reste,

Page 1383

  1   je n'en sais rien du tout.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 12, s'il vous plaît, dans le prétoire

  3   électronique, mais il ne faut pas le diffuser à l'extérieur du prétoire.

  4   Page 12, TO, 6e Détachement. Je ne vais pas citer le nom du village.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Voyez-vous, Monsieur, au point 3 -- en fait, il n'y a pas de chiffres,

  7   mais aux points 3, 4, 5, 6, et également aux points 3, 6 et 9. Voyez-vous

  8   votre nom de famille ?

  9   R.  Un instant.

 10   Q.  Ce sont les commandants de votre 6e Détachement, détachement de votre

 11   village.

 12   R.  Oui. Mais de quels commandants parle-t-on ? Mais ce sont des gens

 13   ordinaires. Tout simplement, ils ont voulu défendre les innocents, la

 14   population. Mais ce n'est pas des commandants. Ils n'ont aucun grade, aucun

 15   d'entre eux.

 16   Q.  Merci, Monsieur. Vous avez dit dans votre déclaration que de Konjevic

 17   Polje, sur la base d'un accord, parce qu'on s'était mis d'accord que les

 18   civils partent pour Srebrenica. Mais un accord avec qui ?

 19   R.  C'est Morillon qui est venu.

 20   Q.  Mais Morillon, il s'est mis d'accord avec qui ?

 21   R.  Avec Naser Oric.

 22   Q.  Mais avec quelqu'un d'autre en plus, n'est-ce pas, nécessairement ?

 23   R.  Mais que voulez-vous, j'étais un second couteau, du menu fretin. Mais

 24   je n'en ai pas la moindre idée.

 25   Q.  Mais avec les Serbes normalement, non, ils étaient sur le même

 26   territoire ?

 27   R.  Mais quels Serbes ?

 28   Q.  Mais ceux de Srebrenica et de Bratunac ?

Page 1384

  1   R.  Mais heureusement qu'ils n'étaient pas là. Si on avait dû passer par

  2   là, on serait restés sur place. On ne serait pas partis.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

  4   Je présente mes excuses aux interprètes. Je les comprends tout à fait.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous êtes arrivé à Srebrenica et les Serbes n'avaient pas pris

  7   Srebrenica. Alors, dites-nous pourquoi, à votre avis ?

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Objection.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais posez cette question aux Serbes. Ne me

 10   posez pas la question à moi.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Je soulève une objection, Monsieur le

 12   Président. On invite le témoin à se livrer à des conjectures.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il n'appartient pas au témoin de

 14   formuler des conjectures.

 15   Monsieur Karadzic, il vous faudra encore combien de temps pour ce témoin ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 17   Juges, je pense que je n'ai utilisé que deux heures en tout et pour tout.

 18   Tout le reste est parti en questions de procédure, questions techniques,

 19   et, s'il vous plaît, j'aurais besoin de deux heures pour terminer, et peut-

 20   être que je pourrais passer à une heure et demie à parler de l'année 1995

 21   pour éviter au témoin de devoir revenir.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois l'heure. Au moins, je

 23   m'attendrais à ce que vous commenciez à poser vos questions au sujet de la

 24   situation de 1995. Allons de l'avant, s'il vous plaît.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer d'abréger. Il me reste

 26   énormément de documents que je n'ai pas eu le temps d'aborder. Ce témoin

 27   est plus important aux yeux de la Défense pour l'année 1993, en fait.

 28   255 à présent, c'est un document de la Défense.

Page 1385

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'allais dire demain.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ah, vous vouliez dire demain. Très bien. Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant d'aller de l'avant, est-ce que

  4   l'on ne devrait pas s'occuper de ce document ? Vous allez aborder un autre

  5   document à présent ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demande le versement de ce

  7   document.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai oublié de mentionner le document

  9   précédent, D41 MFI, et il a été versé au dossier sous pli scellé. J'ai

 10   oublié de le préciser. Et la monographie, qu'en dites-vous, Monsieur

 11   Nicholls ?

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne m'opposerai pas à ce qu'on lui

 13   attribue une cote. Ce n'est pas tout à fait clair encore de savoir de quoi

 14   il s'agit --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est un document de 135 pages, c'est

 16   cela qui me préoccupe, et les seules pages qui ont été présentées au témoin

 17   sont les pages 1, 3, 12 et 46. Donc nous n'allons qu'attribuer une cote aux

 18   fins d'identification à ces seules pages en attendant la traduction.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D42, sous pli scellé,

 20   qui a été reçue aux fins d'identification.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Karadzic, vous avez la

 22   parole.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je crains qu'on ait présenté davantage au

 24   témoin que ce que vous venez de dire. Ce sont les pages dans le prétoire

 25   électronique ou les pages si on respecte la pagination dans le livre que

 26   vous avez citées ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me suis fondé sur la pagination telle

 28   qu'on la voit sur les pages elles-mêmes, mais nous pouvons vérifier cela

Page 1386

  1   dans le compte rendu d'audience. Avançons.

  2   D'après ce qu'on me dit, c'étaient des numéros dans le prétoire

  3   électronique.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. J'espère qu'on pourra

  5   apporter des corrections si cela s'avère nécessaire.

  6   Donc nous avons encore du temps aujourd'hui, si j'ai bien compris ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dix minutes pour aujourd'hui.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D00255.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Il faut agrandir un peu. Monsieur le Témoin, ici, vous avez un ordre

 11   émanant de moi daté du 16 avril 1993. Il est dit :

 12   "J'ordonne de cesser toutes les activités --"

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi. Je ne pense pas que le

 14   témoin puisse lire. Est-ce que vous reconnaissez les caractères, vous

 15   pouvez lire ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je ne m'efforce pas de lire. Je n'essaie

 17   même pas, parce que je dois mettre des lunettes. Donc je ne peux pas lire

 18   plus de deux ou trois lignes sans lunettes.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  On peut mettre ça sur le rétroprojecteur, si nécessaire, et j'en

 21   donnerai lecture.

 22   R.  A toi de lire. Moi, je ne peux pas. Et je n'ai pas besoin de lire,

 23   d'ailleurs. Non, je ne peux pas.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Continuons.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Alors, vous voyez dans cet ordre que j'ai ordonné de faire cesser

 28   toutes les activités en direction de Srebrenica. Et il y a un paragraphe

Page 1387

  1   qui dit que j'ai donné l'ordre de ne commettre aucune espèce

  2   d'investigations de crimes commis par ces soldats musulmans afin qu'il n'y

  3   ait pas augmentation des tensions.

  4   Est-ce que vous voyez cela ?

  5   R.  Ecoutez, ce que vous avez donné comme ordre, vous avez peut-être donné

  6   des ordres pour que l'opinion publique entende cela, mais dans le secret,

  7   vous avez dit : "Tuez le plus possible," et votre objectif c'était d'en

  8   tuer le plus possible. Ce n'est pas vrai de dire que vous avez cherché à

  9   protéger les gens. Moi, j'ai entendu quand vous avez dit à la radio, je

 10   n'arrive pas à me souvenir combien de temps c'était avant la chute de

 11   Srebrenica, que vous alliez vous venger des hommes de Srebrenica.

 12   Q.  Ça, c'est votre Procureur qui devra nous la montrer, cette déclaration,

 13   pour qu'on voit où est-ce que ça se trouve, si le Procureur vous soutient

 14   et vous appuie.

 15   R.  Non, ce n'est pas le Procureur. C'est moi qui ai entendu cela. Le

 16   Procureur n'a pas --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de discours. Pas de discours. Posez

 18   les questions.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Ici, au paragraphe 1, il dit :

 21   "Cesser toutes les activités…"

 22   Paragraphe 2 : "Arrêter les forces de l'armée de la Republika Srpska aux

 23   positions atteintes et ne pas autoriser leur entrée dans Srebrenica."

 24   Paragraphe 3, et ça c'est daté du 16 avril 1993, donc une fois que vous

 25   êtes arrivé à Srebrenica et que l'armée de la Republika Srpska a libéré une

 26   partie qui est habitée par des Serbes, et c'est ainsi qu'il y a eu création

 27   d'une zone protégée de Srebrenica. Puis je dis :

 28   "Sécuriser la pacification de la ville de façon à ce que les forces

Page 1388

  1   musulmanes remettent leurs armes à la FORPRONU…" pas aux Serbes, à la

  2   FORPRONU. Et la FORPRONU est censée mettre ces armes sous deux clés de

  3   concert avec les forces serbes.

  4   Paragraphe 5 : "Après la restitution des armes, tous les combattants et

  5   soldats musulmans doivent être traités comme d'autres civils."

  6   "Leur fournir la protection à l'intention de civils et leur fournir

  7   la liberté de choisir entre partir et rester."

  8   Sixièmement : "Ne pas conduire d'investigations des crimes de guerre commis

  9   à Srebrenica auparavant."

 10   Et point 7, on dit : "Réaliser immédiatement ces ordres et m'en informer."

 11   Donc jusqu'à 1995, il n'y a pas eu d'entrée dans Srebrenica, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non, non. Vous aviez l'intention de nettoyer Srebrenica.

 13   Q.  Merci, merci.

 14   R.  Vous avez essayé de placer les Nations Unies entre les deux et vous

 15   avez dit, Traitez les soldats comme les civils. Vous avez raison, vous les

 16   avez traités pareil. Vous avez tué des jeunes de 14 ans et des vieux, et il

 17   y a beaucoup d'enfants de 14 ans qui ont été réenterrés l'an passé. Et ceux

 18   qui ont de la dignité ont pleuré. Tuer un enfant de 14 ans, c'est --

 19   Q.  Mais, Monsieur, vous êtes en train de gaspiller mon temps.

 20   R.  Vous êtes en train de gaspiller le mien.

 21   Q.  On n'a jamais retrouvé de corps de femmes ou de jeunes femmes ou de

 22   jeunes filles de moins de 16 ans. A aucune exhumation, ça n'a été retrouvé.

 23   Mais passons maintenant au 53.

 24   R.  Un instant. Voilà les Juges ici. Voilà l'Accusation. Voici vos conseils

 25   de la Défense. A Potocari, il y a les noms et prénoms de tous ceux qui ont

 26   été enterrés, et si ce témoin-ci ici présent vient mentir, moi, je veux

 27   bien m'asseoir à ta place, et toi tu témoigneras contre moi.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur --

Page 1389

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ça, on peut aller voir. En 24 heures, on

  2   peut avoir une liste.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Calmez-vous, Monsieur.

  4   Monsieur Karadzic, comme je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, ce

  5   n'est pas l'endroit et le moment pour vous de faire des déclarations. Vous

  6   avez dit qu'il n'a jamais été retrouvé de corps de jeunes filles ou de

  7   jeunes femmes de moins de 16 ans à l'occasion des exhumations. Vous devriez

  8   non pas faire des déclarations à l'intention du témoin mais lui poser des

  9   questions, de lui demander s'il sait si les choses sont de la sorte. Donc

 10   ce que vous déclarez ne nous aide en rien.

 11   Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes d'accord avec ce que  l'accusé

 12   vient de dire ? Est-ce qu'il y a eu à quelque moment que ce soit de corps

 13   de femmes de retrouvés ou de corps de jeunes femmes, jeunes filles mineures

 14   ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de le dire,

 16   tout ceci est accessible à Potocari. Sur les plaques, il y a tous les noms

 17   et les prénoms. Vous pouvez envoyer un enquêteur. Dieu merci, les avions

 18   ont recommencé à voler et en trois jours, on peut vous remmener toutes les

 19   listes d'enfants, de personnes âgées. C'est pas moi qui ai exhumé pour

 20   savoir s'il y avait des femmes, mais d'après la liste, il y a 66 femmes qui

 21   sont mortes.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Merci.

 24    L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais le numéro OTP 65 ter 0053, et

 25   on pourra terminer pour aujourd'hui. Alors, la pièce de l'Accusation 053 de

 26   la liste 65 ter. Il s'agit d'une transcription d'une session de l'assemblée

 27   populaire de la Republika Srpska, 33e session qui s'est tenue le 21 juillet

 28   1993. Je recommande à votre attention -- non, on ne l'a pas encore sur nos

Page 1390

  1   écrans. La dernière phrase. Peut-être pourrais-je donner --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, je suppose que vous n'avez

  3   pas d'objection à ce que soit versé au dossier le document précédent,

  4   Monsieur Nicholls.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et ce numéro ?

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction D43.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  9   Votre dernière question, Monsieur Karadzic, pour aujourd'hui.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais donner lecture.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  S'agissant de vous, Monsieur, je vous recommanderais  de vous référer à

 13   la page 02150376. Donc 02150376 et 77. Je vais brièvement donner lecture

 14   d'un passage. Je crois que c'est en version anglaise la même page.

 15   Monsieur, je vais vous donner lecture de ce que j'ai dit au parlement. Donc

 16   ce n'est pas pour les médias que je l'ai dit. Ce n'est pas de la

 17   propagande.

 18   Pour ce qui est de Srebrenica, je pense que c'est un bon point pour

 19   nous, parce que si nous étions entrés dans Srebrenica, il serait entré des

 20   gens dont les familles ont été abattues. Il y a eu 1 200 Serbes de tués

 21   jusqu'en 1993. Il y en a eu 2 005 jusqu'à la fin de la guerre. Il y aurait

 22   eu du sang jusqu'aux genoux, et nous pourrions perdre notre Etat pour cela.

 23   Aussi, suis-je d'avis que Morillon nous a sauvé, nous, et non pas les

 24   Musulmans, lorsqu'il est entré dans Srebrenica.

 25   R.  Vous avez raison, Monsieur. Morillon vous a sauvé. Là, vous avez

 26   raison. C'est sous les yeux de Morillon qu'on a tiré depuis [inaudible], et

 27   Morillon était là. Je crois qu'il y avait même un membre de la FORPRONU à

 28   avoir été blessé. C'est sous ses yeux que ça s'est fait. Oui, vous avez

Page 1391

  1   raison. Morillon vous a rendu service et le Cutileiro que vous mentionnez,

  2   puisque le citez autant que cela votre Cutileiro.

  3   Q.  Monsieur, est-ce que vous acceptez que jusque-là, il a été tué autour

  4   de Srebrenica, dans Podrinje, quelque 1 200 Serbes ? Et qui est-ce qui les

  5   a tués ?

  6   R.  Est-ce que vous savez combien de Musulmans il a été tué ?

  7   Q.  Monsieur, attendez, laissez ça de côté.

  8   R.  Je ne sais pas. Il se peut qu'il n'y ait pas eu un seul Serbe de tué.

  9   Moi, je suis arrivé d'une municipalité tierce à Srebrenica. Je ne sais pas

 10   ce qui s'est passé à Srebrenica avant. Mais toi, tu ne sais pas ce qui

 11   s'est passé dans mon village. Enfin, si, tu le sais, parce que tu étais le

 12   commandant en chef. C'est toi qui donnais des ordres. C'était vous l'homme

 13   numéro un.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour

 15   aujourd'hui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à ce que cette pièce 65 ter de

 17   l'Accusation 0053, pages 376 et 377, soit versée au dossier pour ce qui est

 18   des passages dont j'ai donné lecture, pour servir de pièce à conviction de

 19   la Défense.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D44.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, ça a dû être une

 24   longue journée pour vous. Nous allons reprendre demain. Entre-temps, je

 25   vous demande de ne pas discuter avec qui que ce soit de votre témoignage.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas fatiguant

 27   pour moi, parce que je veux prouver quel est ce type d'homme, qui a tout

 28   fait et qui essaie de jouer aux innocents. Mais pourquoi alors avez-vous

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  1   mis en accusation un innocent ? Pourquoi avez-vous fait venir un innocent

  2   ici alors qu'il est si innocent ? Pour moi, en ce qui me concerne, je veux

  3   bien rester trois jours et trois nuits si vous le voulez.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Merci. Nous allons reprendre demain

  5   après-midi à 14 heures 15.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le jeudi 22 avril

  8   2010, à 14 heures 15.

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