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1 Le mercredi 28 avril 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour, Monsieur
7 l'Ambassadeur.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
9 LE TÉMOIN : HERBERT OKUN [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il y a un
12 petit point de procédure à aborder avant de commencer.
13 On vient de me dire que des informations confidentielles ont été
14 révélées par le biais de notre ordonnance d'expurgation, donc la Chambre
15 demande par la présente au greffe de modifier l'ordonnance d'expurgation
16 publique déposée le 23 avril 2010, numéro de page D34952, pour en faire
17 maintenant un document confidentiel afin de protéger l'identité du témoin.
18 Monsieur Karadzic, c'est à vous.
19 Maître Robinson.
20 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, j'ai deux points rapides à aborder.
21 Tout d'abord, le document D77 qui avait reçu une cote provisoire MFI,
22 et maintenant on me dit que la traduction est arrivée, donc il faut que je
23 fasse une demande orale pour que cette pièce devienne une pièce sans MFI,
24 donc pièce versée au dossier.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Ensuite, au cours du témoignage de
27 l'ambassadeur Okun, on a parlé d'une lettre qui aurait été envoyée à propos
28 du pilonnage de l'hôpital de Sarajevo. Donc avec l'assistant de
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1 l'Accusation, nous avons réussi à trouver une lettre, c'est une lettre du
2 général Morillon au président Izetbegovic, et nous voudrions que cette
3 lettre soit versée au dossier. Nous en avons parlé avec l'Accusation, et
4 ils n'ont pas d'objection à soulever. Il s'agit de la pièce 1D900 dans le
5 prétoire électronique.
6 Je vous remercie.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La 1D900. Très bien. Pourriez-vous me
8 rappeler la chose suivante : a-t-on parlé de cette lettre hier ?
9 M. ROBINSON : [interprétation] Non, on en a parlé avant-hier, en fait. Cela
10 faisait partie des informations supplémentaires fournies par l'ambassadeur
11 Okun à l'Accusation lorsqu'il est arrivé à La Haye.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'avez-vous à dire ?
13 M. TIEGER : [interprétation] Me Robinson a bien dit que nous ne soulevions
14 aucune objection au versement de cette lettre. Ce n'est pas tant que cette
15 lettre ait été abordée dans le cadre du témoignage, mais ce qui est
16 important, en fait, ce sont les points qui ont à voir avec cette lettre, et
17 comme Me Robinson l'a indiqué, ces points ont été soulevés dans le cadre de
18 l'interrogatoire, et donc nous n'avons pas d'objection à ce que cette
19 lettre soit admise.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Les deux documents sont
21 admis.
22 Poursuivez, Monsieur Karadzic.
23 Nous vous donnerons la cote du dernier point.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D900 recevra la cote D99.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
26 Bonjour, Vos Excellences. Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Bonjour à tous.
27 Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]
28 Q. [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, avant que de poursuivre là où
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1 on s'était arrêté hier, je voudrais vous demander si vous avez réussi à
2 lire quoi que ce soit dans les deux tomes des journaux du Pr Koljevic ?
3 Vous savez certainement qu'il a laissé derrière lui un journal très précis,
4 qu'il a tenu à jour au quotidien.
5 R. Je n'étais pas au courant.
6 Q. Merci. Si on a le temps, on reviendra sur ce sujet. Mais comme vous ne
7 l'avez pas lu, ce n'est pas une priorité.
8 Je voudrais qu'on nous montre dans le prétoire électronique le 1D217
9 maintenant. Le 1D217. Nous avons besoin de la version anglaise. On l'a.
10 C'est la version anglaise qu'il nous faut. J'aimerais qu'on zoome un peu.
11 Monsieur l'Ambassadeur, nous avons pas mal de correspondance entre nous et
12 la Croix-Rouge internationale. Ici, c'est une lettre de ma part au chef du
13 gouvernement, M. Branko Djeric, premier ministre. Je lui dis :
14 "Monsieur le Premier Ministre, je vous communique une copie des rapports
15 que je viens de recevoir concernant la situation dans les prisons de
16 Manjaca et Bileca. Au sujet de ces rapports, j'ai envoyé une lettre à M.
17 Cornelius Samaruga, le président du CICR, et au général Ratko Mladic.
18 "Je m'attends à ce que le gouvernement, par le biais des ministères de la
19 Justice et de l'Intérieur, partant des rapports qui ont été communiqués,
20 prennent des mesures immédiatement aux fins d'améliorer les conditions de
21 vie dans ces prisons qui sont tenues par nos autorités civiles sur le
22 territoire concerné."
23 Savez-vous, Monsieur, que nous nous sommes occupés de cela ?
24 R. Je savais, de la part du Comité international de la Croix-Rouge, qu'ils
25 étaient en contact avec vous du fait qu'ils souhaitaient que les conditions
26 de détention dans les camps soient améliorées.
27 Q. Merci. Je voudrais qu'on nous montre le 1D244.
28 Oui, est-ce qu'on peut verser au dossier ce document, Monsieur le
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1 Président, pour en faire une pièce à conviction.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D100.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Ici, nous avons un ordre à l'attention de l'état-major principal de
6 l'armée de la VRS, ministère -- mais je tiens d'abord, avant que de le
7 dire, vous rappeler qu'on était tout à l'heure au 7 août, et là, on est au
8 19 août 1992. Et nous sommes en pleine coopération et activité sur
9 l'adoption du plan Vance-Owen.
10 C'est indiqué à l'état-major de l'armée de la Republika Srpska,
11 ministère de l'Intérieur, et tous les centres de services de Sécurité. Vous
12 n'ignorez pas que les services de Sécurité couvrent, depuis une
13 municipalité, plusieurs autres municipalités, n'est-ce pas ?Alors, il est
14 dit :
15 "Conformément à notre document daté du 13 juin 1992 et qui se rapporte au
16 respect des normes internationales en temps de guerre, une fois de plus,"
17 je souligne "une fois de plus," "j'ordonne :
18 "1. Que tous les intervenants se conforment à leurs obligations
19 relevant du droit humanitaire international, en particulier les conventions
20 de Genève numéro 3 et 4.
21 "2. Donner instruction à tous les combattants et à tous les employés
22 du ministère de l'Intérieur concernant le respect des individus, civils,
23 institutions en lieux publics et privés, les insignes de la Croix-Rouge et
24 la population, ainsi que les ressources des Nations Unies soient pleinement
25 respectées.
26 "3. Prévenir ou empêcher le déménagement ou les départs illégaux de la
27 population civile, et en cas de confirmation de vente de biens ou
28 déclaration disant que les réfugiés ne retourneraient pas, ça n'a aucune
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1 validité légale et cela est abrogé.
2 "4. Prendre immédiatement des mesures aux fins d'améliorer les conditions
3 dans la totalité des prisons au sein de la République serbe, conformément
4 aux recommandations avancées par la Croix-Rouge internationale à l'occasion
5 de ses visites à ces sites. Conformément à la décision précédente, tous les
6 prisonniers de guerre qui ne sont pas en bon état de santé et qui ne
7 risquent pas de se retrouver dans les rangs d'armées ennemies doivent être
8 tout simplement relâchés.
9 "5. Immédiatement informer la Croix-Rouge internationale de la situation
10 dans la totalité des prisons dans la République serbe afin qu'il soit
11 communiqué à cette organisation-là une liste précise des gens qui sont
12 gardés dans ces prisons."
13 Cinquièmement :
14 "La totalité des membres de l'armée et de la police de la République
15 serbe sont tenus de fournir toute assistance à l'intention des membres de
16 la Croix-Rouge internationale et du Haut-commissariat aux réfugiés auprès
17 des Nations Unies ainsi qu'aux autres organisations humanitaires.
18 "Toute instance de l'armée et de la police dans sa zone de
19 responsabilité est tenue d'investiguer de façon vigoureuse toute suspicion
20 ou signe de violation relative à la Loi humanitaire internationale."
21 Alors, saviez-vous que nous avons réitéré à plusieurs reprises, jusqu'au 19
22 août 1992, pour donner des ordres explicites et qui n'ont jamais été
23 abrogés pour que les autorités se comportent de façon appropriée à l'égard
24 des civils, des prisonniers de guerre, des organisations internationales,
25 et cetera.
26 R. Nous avons été informés directement par le CICR des communications
27 qu'elles entretenaient avec vous, comme je vous l'ai dit d'ailleurs. Ils
28 nous ont aussi informés que les conditions dans les camps ne s'étaient pas
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1 améliorées. D'ailleurs, le Dr Sommaruga en a parlé dans son discours du 26
2 août 1992 à la conférence de Londres. Cela dit, la lettre que vous venez de
3 nous lire est extrêmement recommandable, c'est sûr.
4 Q. Merci. Je tiens à ajouter que ceci est un ordre. Je n'ai pas envoyé des
5 lettres à la police et à l'armée. J'ai envoyé des ordres.
6 Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, verser cette pièce au dossier, le
7 1D244.
8 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
9 Je tiens juste à dire que la traduction anglaise porte un intitulé,
10 "traduction de la Défense." Or, il existe une traduction qui a déjà été
11 faite de ce document. Elle est sur la liste 65 ter, si je ne m'abuse, et je
12 pense qu'elle a été déjà versée. Cela dit, comme je sais que la partie
13 adverse se plaint souvent de ne pas avoir assez de temps pour traduire et
14 pas assez de ressources pour traduire ces documents, il faudrait peut-être
15 qu'ils s'entretiennent avec nous pour nous assurer qu'ils ne font pas
16 traduire des documents qui ont déjà été traduits.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il une possibilité qui permette à
18 la Défense de savoir si le document a déjà été traduit ou pas. Possibilité
19 technique.
20 M. TIEGER : [interprétation] Ça devait être téléchargé dans le prétoire
21 électronique, et ça fait partie de la liste 65 ter. Je comprends qu'il y a
22 les documents pour lesquels il faut faire des recherches supplémentaires,
23 mais celui-ci, je pense qu'il est passé au travers du filet, c'est tout.
24 Mais je ne veux pas dire que quelqu'un s'est trompé ou a été négligent,
25 absolument pas, mais je pense juste que dans l'intérêt de la bonne gestion
26 de nos ressources, il est utile de le faire savoir.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc il sera admis. Quelle
28 sera la cote ?
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote D101.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 Je voudrais qu'on nous montre au prétoire électronique le 1D312, le 312.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. En attendant qu'on nous le montre, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais
7 vous dire toute suite de quoi il s'agit.
8 Comme on l'avait annoncé avant la guerre, nous avions dit que l'ordre était
9 entre nos mains et que le chaos n'était l'intention de personne, et il y a
10 certes eu des meurtres de commis, et voilà comment les instances de l'Etat
11 se sont comportées lorsqu'elles ont eu vent de certains agissements. Il
12 s'agit du ministère de l'Intérieur de la république serbe, qui dit :
13 "Il y a des instances disant qu'à Bastezi, non loin de Celinac, il y a eu
14 cinq Musulmans civils à être tués.
15 "Je donne l'ordre de procéder à une investigation des plus strictes pour
16 que les criminels soient identifiés et conduits en justice.
17 "Les représentants du ministère, pour ce qui est du centre des services de
18 Banja Luka et du centre des services de sécurité publique de Celinac, se
19 doivent de prendre toutes les mesures aux fins de protéger la population
20 civile musulmane de la municipalité de Celinac qui, d'après nous, ne
21 dispose d'aucune organisation militaire ni est en train de se préparer à
22 quelque intervention militaire que ce soit à l'encontre du peuple serbe."
23 Monsieur l'Ambassadeur, lorsqu'une chose pareille se produisait dans votre
24 pays, il est certain que le niveau central chercherait à savoir ou vous
25 donnerait l'ordre au FBI d'intervenir, n'est-ce pas ?
26 R. Très certainement.
27 Q. Merci. Nous avions estimé que ceci était un "federal case," comme vous
28 le dites chez vous, et nous sommes intervenus.
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1 Est-ce que l'un quelconque de vos collaborateurs vous aurait dit, Monsieur
2 l'Ambassadeur, que le général Galic avait informé que jusqu'au mois de
3 septembre 1992 il y a eu 6 300 plaintes au pénal, dans la plupart des cas
4 c'était du domaine militaire, mais il y a aussi d'autres actes qui
5 n'impliquaient pas les militaires, et Stojan Zupljanin, le chef de la
6 police de cette partie de la Krajina, a fait un rapport disant qu'il avait
7 eu jusqu'à ce moment-là 2 500 ou 3 000 dépôts de plaintes an pénal ? Ils
8 nous en ont informés dans leurs demandes qui étaient celles de renforcer
9 les instances de la justice, parce que la police, une fois qu'elle avait
10 déposé une plainte, avait terminé son travail, mais les activités de la
11 justice ne pouvaient pas suivre la cadence. Donc est-ce que vous avez été
12 informé du nombre de dépôts de plaintes qui sont encore poursuivis en
13 justice de nos jours en Bosnie-Herzégovine ?
14 R. Je ne me souviens pas avoir été au courant des chiffres précis. Nous
15 savions qu'il y avait des échanges dans chaque camp entre les leaders et
16 les subordonnés. Il faut aussi remarquer que nous n'étions pas en mesure de
17 vérifier si ces ordres donnés avaient été bel et bien exécutés par la
18 police sur le terrain.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais que cette pièce soit versée
20 au dossier.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. En attendant, je voudrais le D235.
23 Et en attendant, Monsieur, je tiens à vous dire que les Serbes
24 étaient assez mauvais du point de vue de la propagande ou de la publicité à
25 faire de soi-même, ce qui fait que pendant la guerre nos activités
26 passaient inaperçues. C'est une erreur de notre part, mais nous avions
27 pensé que c'était plutôt de mauvais goût que de faire du ramdam au sujet de
28 ce que nous étions de toute manière censés faire.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que dans la déclaration, on
2 demande une réponse de la part de l'ambassadeur, s'il souhaite répondre.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de réponse à donner. Ce qui est
4 certain c'est que le nettoyage ethnique, c'est de très mauvais goût.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, vous ne soulevez aucune
6 objection au versement au dossier de cet ordre ?
7 M. TIEGER : [interprétation] En effet.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Il recevra une cote.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce serait la cote D102.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre maintenant le
12 1D235. Il s'agit d'une lettre à l'attention du commandant de l'état-major
13 principal, M. Ratko Mladic; M. Mico Stanisic, le ministre de la police; et
14 Momcilo Mandic, le ministre de la Justice. Il s'agit de la date du 22
15 octobre 1992. Nous sommes toujours encore ensemble, et vous êtes avec nous
16 dans notre crise. Je dis :
17 "Messieurs, comme vous le savez, à l'époque j'ai signé une autorisation
18 officielle à l'attention des représentants du Comité international de la
19 Croix-Rouge, et partant de cette autorisation, il doit être autorisé,
20 conformément aux conventions de Genève, un libre accès aux prisons et
21 prisonniers. Je vous renvoie une fois de plus une copie de ladite
22 autorisation.
23 "J'ai été informé que certaines autorités policières, militaires ou civiles
24 avaient complètement ignoré le document en question et avaient fait
25 obstruction aux activités normales des délégués du comité international.
26 "Je vous demande d'urgence de prévenir tous vous responsables subordonnées
27 que cette autorisation du CICR portant ma signature doit être absolument
28 respectée.
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1 "Donc je vais demander qu'une investigation soit diligentée dans tout cas
2 de manque de respect à l'égard de cet ordre."
3 Bien que la Republika Srpska et les Etats-Unis, ça ne se compare pas, mais
4 votre président a-t-il des instances particulières ou est-ce qu'il doit
5 passer par des autorités officielles pour réclamer le respect de la loi ?
6 Est-ce qu'il a une communication directe ou est-ce qu'il donne des ordres à
7 l'attention d'un niveau quelconque au niveau central ?
8 R. Le président utiliserait une procédure normale et pas directe, mais
9 indirecte, comme vous l'avez dit.
10 Q. Merci. Est-ce que le président des Etats-Unis, en sus de ces
11 structures, dispose d'organes d'investigation au sein de son propre cabinet
12 ?
13 R. Oui, il en dispose. Comme vous l'avez dit précédemment, il y a le FBI,
14 le "Federal Bureau of Investigations," le Bureau fédéral des enquêtes. Et
15 au titre de notre constitution, le président des Etats-Unis et le
16 commandant en chef des forces armées, donc tout ce qu'il demande est
17 automatiquement exécuté par toutes les unités militaires, et ce, à tous les
18 niveaux de la hiérarchie.
19 Q. Merci, c'est bien ce que je pensais.
20 Mais à l'extérieur de ces structures il n'a pas une police secrète à soi
21 dont personne n'aurait connaissance ?
22 R. Non, non, bien sûr qu'il n'en a pas.
23 Q. Merci.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que je peux demander le
25 versement au dossier de cette pièce, 1D235.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D103.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
2 Je voudrais maintenant que l'on nous montre au prétoire électronique le
3 1D253.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Pendant que nous attendons le 1D253, je tiens à vous informer, Monsieur
6 l'Ambassadeur, de quoi il s'agit.
7 Il s'agit de la date du 11 mars 1993. Nous sommes toujours ensemble
8 là-bas, c'est-à-dire vous êtes encore présent à notre conférence, et vous
9 êtes resté, je crois, jusqu'à la mi-mai 1993 ?
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Il s'agit ici d'une directive. Le président de ladite république rend
12 une directive qui se lit comme suit, c'est adressé à l'état-major principal
13 de l'armée de la Republika Srpska. On n'avait pas Republika Srpska sans
14 Bosnie-Herzégovine. Donc il est question de directive.
15 L'état-major de l'armée de la Republika Srpska se doit de continuer à
16 l'avenir aussi :
17 "1. De rendre possible l'accès et une protection des envois,
18 équipement, du personnel qui est censé fournir l'assistance à la population
19 civile de la partie adverse."
20 2 :
21 "Interdiction d'utiliser les vivres, l'eau potable, les réservoirs à
22 eau, et cetera, à des fins militaires."
23 Troisièmement :
24 "Se conformer aux conventions de Genève pour la protection des
25 victimes de la guerre en application des protocoles 1 et 2, tout comme de
26 la convention de La Haye portant loi et coutumes de la guerre, de 1907 et
27 autre dispositions du droit international en temps de guerre.
28 "4. Assurer à l'intention de toutes les unités de l'armée, une
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1 information appropriée et un respect par leur soin de ces directives."
2 Alors, vous savez que le 13 juin 1992, nous avions donné des
3 instructions très détaillées à ce sujet, ainsi qu'un carton disant comment
4 il fallait se comporter à l'égard des prisonniers de guerre. En mars 1993,
5 cela est indiqué une fois de plus, parce que comme vous le savez, dans ce
6 chaos de la guerre civile, il y a bien des comportements volontaristes de
7 possibles, et on donne instruction à l'état-major principal de supprimer
8 tout comportement volontariste et de se conformer aux instructions qui lui
9 sont données.
10 R. Nous étions au courant de cette directive générale, c'était une
11 question importante. En effet, cette directive tout à fait honorable n'a
12 pas été respectée ni par l'armée des Serbes de Bosnie ni par les autres
13 armées d'ailleurs, les autres parties. Les convois alimentaires sous
14 protection -- plutôt escortés par les troupes de la force -- la FORPRONU
15 étaient arrêtés, étaient volés ou alors on obligeait les personnes à payer
16 leur passage, parfois à certains points de contrôle. Donc cette directive
17 est tout à fait honorable, mais malheureusement elle était enfreinte plutôt
18 que respectée.
19 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Avez-vous eu connaissance de, ne serait-
20 ce qu'un cas, où l'armée ou la police serbe aurait demandé de l'argent pour
21 laisser passer un convoi ?
22 R. Oui, à de nombreuses reprises. Vous les trouvez dans les dossiers de la
23 FORPRONU.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je demanderais à ce que le Procureur me
25 communique ces éléments de preuve.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Saviez-vous, Monsieur l'Ambassadeur, combien de convois il est passé et
28 combien de convois a eu à faire face à des problèmes ? Je tiens à vous dire
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1 qu'il devait y avoir moins de 1 %, et peut-être était-ce des cas pour 1
2 000, et non pas pour 100 à en avoir eu.
3 R. Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais je peux répéter ce
4 que je viens de dire.
5 A plus d'une reprise, la FORPRONU nous a dit que les convois rencontraient
6 des obstacles de façon routinière, et ce, obstacles présentés par toutes
7 les parties au conflit.
8 Q. Je vais confirmer, Monsieur l'Ambassadeur, qu'il y a eu des
9 inspections, parce que nous avions constaté -- enfin, nous avions déterminé
10 comment ces inspections devaient être faites. Parce que seriez-vous
11 d'accord avec moi pour dire qu'il y a eu des abus des convois à des fins
12 militaires pour approvisionner nos ennemis ?
13 R. Oui, tous les camps avaient tendance à abuser de la situation.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on nous montre le 1D274.
15 Pendant que nous attendons cette pièce, je voudrais tirer une chose au
16 clair.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Je n'ai pas dit mauvais traitement, j'ai dit abus, contrebande
19 d'équipement militaire dans les convois qui étaient censés transporter de
20 l'aide humanitaire. Et cela nous a contraints à procéder à des inspections
21 routinières de la teneur de ce qui était transporté dans les convois. Pour
22 essayer de trouver des munitions, des armes ou autres matériels de guerre.
23 R. Ça je ne l'ai jamais su comme étant un fait avéré, mais j'imagine que
24 c'était le cas. J'ai déjà témoigné, par exemple, pour expliquer que le
25 président Tudjman m'avait escorté à l'aéroport de Zagreb, il voulait nous
26 montrer un avion iranien, il s'agit d'un certain 747, iranien, qui
27 apportait des équipements militaires pour l'armée des Musulmans de Bosnie.
28 Il s'agissait principalement de masques à gaz, ce qui n'est pas très utile.
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1 Mais enfin, il s'agissait quand même d'un avion commercial bourré de
2 l'équipement militaire.
3 Q. Merci. Enfin, vous étiez plutôt préoccupé par ces masques à gaz que les
4 uniformes, enfin, qu'ils soient vêtus ou nus, mais ils avaient ressenti le
5 besoin d'avoir des masques à gaz, parce qu'ils avaient pensé qu'on allait
6 utiliser des poisons à des fins militaires.
7 Bon, mais en attendant, j'ai demandé à ce qu'on nous montre le 1D274.
8 Tant que nous attendons cette pièce, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais
9 vous demander si vous avez gardé le souvenir du fait que j'avais demandé à
10 un haut responsable de la Republika Srpska, le Pr Koljevic, d'être
11 président du comité pour coopérer avec les Nations Unies. Donc c'est du
12 haut de son autorité qu'il pouvait intervenir même quand je n'étais pas là
13 pour améliorer la situation s'il l'estimait nécessaire.
14 R. Oui, je m'en souviens. Je me souviens que le Pr Koljevic et M.
15 Krajisnik s'occupaient de vos intérêts dans le cadre de la conférence
16 lorsque vous n'étiez pas là. Mais je n'ai jamais eu connaissance des
17 instructions précises que vous aviez données à Koljevic.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous donne une cote
19 pour la pièce précédente, s'il vous plaît.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans l'intervalle, le document 253 sera
21 admis, à moins qu'il y ait des objections. Quelle sera sa cote ?
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la D104.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Monsieur l'Ambassadeur, ceci est daté du 5 mai 1993. Il est adressé à
27 l'état-major de l'armée de la Republika Srpska et on dit qu'il a rendu la
28 décision suivante :
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1 "Premièrement, stopper tout de suite les activités offensives militaires.
2 "En cas de conduite d'actions vers l'état-major, résister avec des forces
3 adéquates."
4 Mais ce qui nous intéresse c'est le troisièmement :
5 "Rendre possible la fourniture sans entrave de l'aide humanitaire dans les
6 secteurs de la partie adverse. Le contrôle de l'aide humanitaire doit être
7 effectué de façon complète, efficace, avec le moins de retard possible, de
8 façon correcte. Pour cette tâche, tout de suite former le personnel de la
9 police militaire et de la police ordinaire qui doivent disposer de
10 ressources pour faire leur travail.
11 "Faciliter la mise en œuvre de la résolution 824 du Conseil de sécurité des
12 Nations Unies, et pour ce qui est des actions concrètes, les déterminer au
13 travers de négociations."
14 Alors ceci est encore l'un des ordres de toute une série d'ordres à
15 l'intention de l'armée pour ce qui est de la nécessité de se conformer aux
16 obligations qui étaient les nôtres. Vous êtes bien d'accord avec moi ?
17 R. Oui. La conclusion que je tire en voyant le nombre important d'ordres,
18 de directives, de courcis [phon], et de lettres que vous avez envoyées sur
19 ce sujet à vos militaires, c'est qu'ils ne suivaient pas vos ordres.
20 Puisque s'ils vous avaient écouté, ils auraient obéi, vous n'auriez pas eu
21 à envoyer autant de lettres. Donc certes ces ordres étaient extrêmement
22 honorables dans l'esprit en tout cas, mais visiblement ils n'étaient pas
23 suivis des faits sur le terrain.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 Je voudrais qu'on nous montre le 1D256.
26 En attendant, je tiens à vous informer - et je ne sais pas si vous le
27 saviez - j'ai toujours pris en considération les observations des
28 représentants de la communauté internationale, et j'ai tout le temps mis en
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1 garde mes officiers partant des observations dont on me faisait part, et
2 très souvent ces informations n'étaient pas tout à fait exactes. Il
3 arrivait aussi que je m'attaque à mes officiers, à mes subordonnés sans
4 justification véritable.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Vous êtes d'accord aussi pour dire qu'il y a eu des cas de ce type
7 aussi ?
8 R. J'imagine que des cas de ce type ont existé.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
10 Je voudrais pour la pièce précédente une cote, et je voudrais qu'on nous
11 montre le 256 maintenant.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce 274 est admise.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle reçoit la cote D105.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Ici nous sommes à la date du 12 mai 1993. Ministère de l'Intérieur de
17 la Republika Srpska. A l'attention de M. Ratko Adzic en personne :
18 "Partant de l'article 80 de la constitution de la Republika Srpska, je
19 donne l'ordre de passer par le biais du centre des services de Sécurité de
20 Banja Luka pour procéder à des patrouillages [phon] renforcés et sécuriser
21 toutes les constructions religieuses dans Banja Luka.
22 "Réaliser cet ordre tout de suite et m'informer des mesures qui auront été
23 prises."
24 Est-ce que quelqu'un vous aurait dit que nous avions pris soin de tout ce
25 qui constituait édifices religieux ?
26 R. Oui, nous connaissions la situation épouvantable qui existait à Banja
27 Luka où les églises étaient détruites, les mosquées étaient détruites par
28 les forces serbes. Vous vous souviendrez sans doute, Monsieur Karadzic, que
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1 c'est pour cela que le secrétaire Vance et Lord Owen vous ont demandé
2 l'autorisation d'aller à Banja Luka pour voir comment éviter cette
3 destruction aveugle de ces édifices religieux chrétiens ou musulmans, et
4 vous leur avez d'ailleurs donné cette autorisation. Donc ils sont allés sur
5 place avec votre accord.
6 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Justement, je dispose de cette
7 information qui provient de l'Accusation. J'aimerais que ceci soit placé
8 sur le rétroprojecteur. C'est en anglais.
9 Vous avez raison, mais je tiens à préciser que c'est moi qui avais demandé
10 à M. Vance et M. Owen de venir à Banja Luka sur invitation de ma part. Ils
11 sont venus, je les ai accueillis à Gradiska, au passage frontière.
12 R. C'est tout à fait vrai. D'ailleurs c'est consigné dans mes carnets.
13 Q. Un graphoscope [phon], un rétroprojecteur, j'avais mal utilisé le
14 terme.
15 Le document n'est pas sur la liste. Mais ce que je voudrais -- enfin,
16 zoomez d'abord pour commencer. Merci. Alors :
17 "Banja Luka, le 15 septembre.
18 "Le leader des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, attend les coprésidents
19 de la conférence sur la Yougoslavie pour dénier les allégations au sujet
20 des nettoyages ethniques dans Banja Luka. M. Karadzic a dit vendredi qu'il
21 croyait bien que les coprésidents de la conférence sur l'ex-Yougoslavie,
22 Cyrus Vance et Lord Owen, allaient se rendre compte de la non-justification
23 des allégations au sujet du nettoyage ethnique à Banja Luka - oui, on voit
24 un peu mieux maintenant - sur les territoires contrôlés par les Serbes de
25 Bosnie. Vance et Owen sont arrivés à Banja Luka le vendredi et ont
26 rencontré les représentants des Musulmans et Croates dans les différentes
27 villes. Vance et Owen ont pu se rendre compte par eux-mêmes qu'il n'y a pas
28 de discrimination à l'encontre des Croates et des Musulmans à Banja Luka,
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1 Karadzic a dit à la conférence de presse qui s'est tenue en ville qu'il
2 avait ajouté qu'il croyait bien que les coprésidents étaient impartiaux.
3 "En soulignant qu'il était contre toute forme d'expulsion forcée, Karadzic
4 a dit que du fait de la guerre, beaucoup de Serbes, Croates et Musulmans
5 avaient dû quitter leurs secteurs."
6 Monsieur l'Ambassadeur, ce que je voudrais c'est que nous tirions au clair
7 une chose qui n'est pas consignée dans vos carnets.
8 Mais partant de vos explications, il découle le fait que nous n'avions pas
9 nié ce que nous avions fait, M. Tieger, à l'occasion de son interrogatoire
10 principal, de façon très habile, a placé une allégation disant que j'avais
11 accepté le fait que mes forces à moi avaient procédé à du nettoyage
12 ethnique, il l'a dit le premier jour. Moi, ce que je vous dis ici, c'est
13 que nous avions pu comprendre qu'il allait y avoir de la peur auprès de la
14 population et qu'il y aurait probablement des départs depuis des zones où
15 ils étaient minoritaires vers des zones où ils étaient censés être
16 majoritaires. Je l'ai prévu dans mon discours du 25 janvier qu'on a vu
17 hier. Il est confirmé ici le fait que nous niions de façon permanente le
18 fait que l'Etat et les instances de l'Etat aient fait quoi que ce soit pour
19 ce qui est de déplacer de façon forcée la population.
20 Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous voyez bien que nous avons nié le
21 fait que l'Etat aurait à voir quoi que ce soit avec ce type de comportement
22 ? Mais le phénomène était prévisible, je l'avais même prévu avant le début
23 de la guerre. Et on peut envisager dans toute guerre civile qu'il y aurait
24 des cas de figure de ce genre. Etes-vous d'accord avec moi ?
25 R. Je suis désolé, mais je n'ai entendu toute cette question en B/C/S
26 uniquement, donc je vais devoir maintenant prendre connaissance du compte
27 rendu.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Prenez votre temps, vous avez tout le
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1 temps pour lire le compte rendu.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- le compte rendu.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je regrette que vous n'ayez pas eu
5 l'interprétation.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai très rapide. Je sais que nous n'avons
7 pas beaucoup de temps.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Ce que je veux dire par là c'est que nous avons de fait nié les
10 allégations aux termes desquelles l'Etat aurait procédé à des nettoyages
11 ethniques.
12 R. Monsieur Karadzic, pour répondre à votre question, je dois dire que
13 j'ai eu de longues discussions avec M. Vance lorsqu'il est revenu de Banja
14 Luka. Or, ce qu'il m'a dit ne correspond pas à ce que vous venez de me
15 dire. Il m'a dit avoir vu énormément d'édifices religieux chrétiens et
16 musulmans détruits et qu'il avait eu l'impression que l'expulsion et
17 l'intimidation des Musulmans et des Croates à Banja Luka se faisaient de
18 façon organisée.
19 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais M. Vance ne nous a jamais
20 communiqué ce type d'information ni par écrit ni de façon orale.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document qui n'a pas été annoncé, peut-on
22 lui attribuer une cote aux fins d'identification au moins, Monsieur le
23 Président ? On est arrivé à ce document, parce que M. l'Ambassadeur a
24 initié en quelque sorte la chose.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudrait d'abord admettre le document
26 256.
27 M. TIEGER : [interprétation] En ce qui concerne le document 256, je
28 voudrais qu'il ait juste une cote provisoire. Car j'aimerais vérifier sa
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1 provenance avant qu'il ne soit versé définitivement au dossier.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'ordre, n'est-ce pas, que nous
3 avons vu, cette pièce 256 ?
4 M. TIEGER : [interprétation] En effet, c'est ça.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors vous --
6 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais vérifier avec la Défense de M.
7 Karadzic et peut-être avec d'autres personnes quelle est la source exacte
8 de ce document avant d'autoriser son admission et de ne pas soulever
9 d'objection.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire, pourquoi
11 la "source" ? C'est un ordre qu'il a rédigé, votre problème c'est l'origine
12 ?
13 M. TIEGER : [interprétation] Oui. J'aimerais savoir par quel lien il a été
14 obtenu. Je vois qu'il s'agit bien d'un ordre dont la date est précisée, et
15 cetera. Mais je voudrais vraiment savoir par quel biais il a été obtenu.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez besoin de combien de temps ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Ce sera rapide, la prochaine audience, enfin,
18 la semaine prochaine, quoi.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Pour l'instant il recevra une cote
20 MFI.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D106 MFI.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant avant de poursuivre, quel est
23 ce document que nous avons vu sur le rétroprojecteur ? C'est un article de
24 presse ?
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, j'attends l'interprétation, Excellence,
26 c'est pour ça que je mets du retard.
27 Il s'agit d'un aperçu publié par les agences de presse yougoslaves
28 concernant les informations de ce jour. Le bureau du Procureur a toute une
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1 collection d'aperçus de ce type, et cela m'a été communiqué par le bureau
2 du Procureur sous la cote qui y est indiquée, des revues de presse.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
4 M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, c'est le cas. Je crois, si j'ai bien
5 compris, il s'agit d'un extrait de "Tanjug." Je n'ai pas d'objection à
6 l'admission de cette pièce.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc elle recevra une cote.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote D107.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai cru comprendre que ce document
10 n'était pas sur votre liste 65 ter, et vous avez demandé qu'il y soit
11 ajouté, n'est-ce pas ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez raison, Excellence. Je m'étais retenu
13 pour ce qui était de proposer son versement en sus de l'ordre prévu, mais
14 M. l'Ambassadeur ayant l'amabilité de me rappeler cet événement de Banja
15 Luka m'a rendu possible d'étayer ce qu'il a dit et sa bonne mémoire pour ce
16 qui est du déplacement effectué par M. Vance et M. Owen vers Banja Luka.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas quelque chose qui a été
19 dissimulé, absolument pas. C'est juste que dans le contexte de la question
20 posée aux questions [comme interprété] ce document a été soulevé. Très
21 bien, je n'ai pas d'objection à cela.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
23 Poursuivons.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 Je voudrais demander à présent qu'on nous montre au prétoire électronique
26 le 1D258. C'est bien le 12, me semble-t-il ? Ça c'est la version serbe. Je
27 voudrais qu'on nous montre la version anglaise pour que les autres dans le
28 prétoire puissent lire. Merci.
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1 Je vais donner lecture moi-même de la version serbe, mais est-ce que vous
2 pouvez nous montrer la version anglaise sur nos écrans. Le 1D258 version
3 anglaise. Si ça n'a pas été traduit, je vais lire, ensuite on fournira une
4 traduction a posteriori.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Il s'agit de la date du 9 juin 1993 :
7 "Je donne l'ordre à l'état-major de l'armée de la Republika Srpska :
8 "Premièrement : Les soldats du Conseil croate de la Défense qui se sont
9 abrités sur le territoire serbe à Vlasic assuraient un transport organisé
10 avec tout leur armement par le biais des territoires serbes jusqu'à Vares."
11 Vous vous souviendrez qu'ils avaient fui, il y a eu 10 000 civils à fuir
12 Travnik et toute l'armée de là-bas aussi sous les frappes de l'armée
13 musulmane. Ils sont passés à Vlasic sur le territoire serbe.
14 "Deuxièmement : Les civils serbes qui se sont abrités sur le territoire
15 serbe doivent disposer de la possibilité d'aller vers l'Herceg-Bosna ou
16 vers la République de Croatie, selon leur souhait.
17 "Troisièmement : Procéder immédiatement à l'exécution de cet ordre et
18 m'informer de l'évolution et des aboutissements."
19 Je tiens à vous rappeler que ces civils croates à l'époque disaient
20 souvent, "Mais quelle FORPRONU ? L'armée serbe, pour nous, c'est la
21 FORPRONU." Est-ce que vous saviez que nous avions accueilli un nombre
22 énorme de Croates qui s'étaient réfugiés vers nos territoires, et nous leur
23 avons fourni la possibilité d'aller où bon leur semblait ?
24 Je crois que la traduction nous est fournie par le biais du
25 rétroprojecteur. Est-ce qu'on peut faire en sorte que les autres dans le
26 prétoire aient la possibilité de voir le texte de la traduction ?
27 R. Vous m'avez posé une question ?
28 Q. Oui, Monsieur l'Ambassadeur. Je voulais savoir si vous aviez eu vent --
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1 R. Ecoutez, en ce qui concerne ce point, je n'en savais rien. Au mois de
2 juin 1993, et le 9 particulièrement, M. Vance et moi-même ne travaillions
3 plus en Bosnie et sur l'instruction du secrétaire général des Nations
4 Unies, nous nous penchions maintenant sur la dispute entre les Grecs et les
5 Macédoniens. Je vois ce document, et ce document est véridique, est fiable,
6 je le pense. J'ai déjà déposé souvent pour dire que l'armée des Serbes de
7 Bosnie et l'armée croate coopéraient très souvent sous de nombreux plans
8 contre les Musulmans. D'ailleurs les dirigeants aussi coopéraient entre eux
9 de temps en temps.
10 Or, du printemps à l'été 1993, il y a eu des combats très intenses entre
11 les forces des Croates de Bosnie d'un côté, et les forces des Musulmans de
12 Bosnie de l'autre côté. Il n'est pas surprenant que l'on ait demandé à la
13 VRS, donc à l'armée des Serbes de Bosnie d'aider les Croates de Bosnie, les
14 soldats croates de Bosnie.
15 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je voudrais vous rappeler aussi - et je
16 crois bien que vous le savez - qu'avec les Croates, du point de vue
17 religieux, nous étions plus proches d'eux. Mais du point de vue ethnique
18 nous considérions que nous étions plus proches d'eux parce qu'on pensait,
19 on était convaincu que c'étaient aussi des Serbes. Enfin, c'étaient des
20 gens qui, contre leur gré, avaient été islamisés. Et pourquoi n'y aurait-il
21 pas de Serbes dans les trois ou quatre confessions existantes ? Les
22 Croates, c'étaient des chrétiens comme nous, mais du point de vue ethnique,
23 nous estimions que les Musulmans ils étaient tout à fait pareils à nous.
24 Etes-vous d'accord avec cela ?
25 R. Il est incontestable que c'était ce que vous pensiez, ce que vous
26 croyiez, je le savais d'ailleurs à l'époque. D'ailleurs, je tiens à dire
27 que les Croates ont exactement le même discours que vous. D'après eux, les
28 Musulmans bosniens sont des Croates, Croates qui ont été convertis à
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1 l'Islam après la conquête ottomane de la Bosnie. C'est le président Tudjman
2 d'ailleurs qui le disait. Mate Boban aussi a soulevé ce point. D'ailleurs,
3 le président Tudjman a ajouté que c'était justement parce que les Musulmans
4 de Bosnie-Herzégovine étaient en vérité des Croates, qu'au cours de la
5 Deuxième Guerre mondiale la Bosnie-Herzégovine avait été donnée à la
6 Croatie parce que cela faisait partie de la Croatie.
7 Donc il est vrai, Docteur Karadzic, que les Serbes de Bosnie
8 considéraient que les Musulmans étaient des Serbes au départ. Mais il faut
9 aussi remarquer que les Croates avaient exactement le même discours et
10 considéraient que les Musulmans de Bosnie étaient, en fait, des Croates.
11 Et on doit ajouter qu'il y a eu énormément de mariages mixtes,
12 surtout entre Serbes et Musulmans. Et dans une moindre mesure aussi, entre
13 Croates et Musulmans. Donc Croates catholiques et Musulmans.
14 En fait, la conclusion de tout cela c'est que la Bosnie-Herzégovine
15 était surtout un Etat multiethnique et multireligieux au sein duquel tous
16 ces groupes ethniques cohabitaient de façon pacifique jusqu'à 1991.
17 Pourrais-je avoir ceci à l'écran, s'il vous plaît ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander à ce que ce 258
19 soit versé au dossier, s'il vous plaît ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
21 Monsieur Tieger, qu'avez-vous à dire ?
22 M. TIEGER : [interprétation] L'accusé a fait référence à une traduction de
23 ce document, mais je ne l'ai pas reçue, je ne l'ai pas vue à l'écran.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, enfin, c'était sur le
25 rétroprojecteur.
26 M. TIEGER : [interprétation] Oui. J'ai deux points mineurs à ajouter. Tout
27 d'abord, si on pouvait nous donner les traductions à l'avance, ce serait
28 quand même mieux.
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1 Ensuite, lorsqu'il y a une traduction en anglais d'un document, il
2 faudrait mieux avoir la traduction en anglais sur l'écran pour que nous
3 puissions -- et que la lecture se fasse à partir de l'anglais. Ainsi nous
4 n'aurons qu'une seule traduction. Alors, que nous, nous avons la traduction
5 qui vient aussi des cabines d'interprètes. Je ne sais pas comment les Juges
6 de la Chambre aimeraient traiter de ce problème, mais enfin, pour
7 l'instant, je sais que c'est quand même un problème qui existe, je sais que
8 nous n'avons pas beaucoup de temps.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est inévitable. Lorsque l'accusé
10 lit quelque chose à partir d'une version en serbe, en B/C/S,
11 l'interprétation est peut-être un peu différente de la traduction écrite.
12 C'est inhérent à l'exercice.
13 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Enfin, dans d'autres Chambres de première
14 instance, on nous a plutôt encouragés à demander à ce que la lecture soit
15 faite de la traduction qui déjà été faite. Enfin, bon, je ne sais pas si ça
16 va créer un problème, mais ça pourrait éventuellement créer un problème.
17 Mais il est vrai que nous pourrions peut-être trouver la solution à un
18 autre moment lorsque nous avons plus de temps.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. En tout cas, je remarque que
20 vous ne faites pas objection à l'admission de ce document.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Qui recevra la cote D208.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 Je crois bien que nous avions communiqué la traduction par courrier
25 électronique, mon équipe l'a fait. Mais ce sont des documents de toute
26 manière qui proviennent du terrain, étant donné que les archives de l'Etat
27 là-bas ont été détruites à l'occasion des événements. Mais ça a été
28 communiqué au bureau du Procureur pour qu'il puisse y avoir un droit de vue
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1 en 1997, 1998, sans obstacle aucun. Parce que nous avions pensé que c'était
2 des enquêteurs du Tribunal, et non pas du bureau du Procureur. Alors, à
3 deux reprises on leur a remis le tout.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons donc de l'avant.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous êtes au courant -
8 et j'aimerais qu'on nous montre le 1D221 au prétoire électronique.
9 En attendant, je voudrais savoir, Monsieur l'Ambassadeur, si vous avez
10 connaissance d'un manifeste daté du 21 août 1992, date à laquelle nous
11 avions précisé les positions qui étaient les nôtres dans un document
12 intitulé, "Nous acceptons, nous proposons, nous ferons." Vous allez le voir
13 sur l'écran tout à l'heure. "Nous acceptons, nous proposons, nous ferons."
14 Et nous avons fait savoir aux représentants de la communauté internationale
15 sur quoi ils pouvaient compter du point de vue de la coopération, à mettre
16 en place avec nous. Oui, nous l'avons à l'écran. Le voyez-vous ce document
17 à l'écran, Monsieur l'Ambassadeur ?
18 R. Oui.
19 Q. A cette époque-là, vous étiez déjà -- ou plutôt, pardon, vous êtes
20 devenu partie prenante à notre crise une semaine plus tard, mais ce
21 document avait commencé à circuler. Je voudrais que nous voyions
22 l'intégralité de ce document. Donc :
23 "Nous acceptons avec les deux autres communautés de constituer
24 l'association des communautés de Bosnie-Herzégovine dans les frontières
25 existantes.
26 "Nous admettons que les questions qui se posent soient réglées dans
27 le cadre de la conférence entamée par la communauté internationale à cette
28 époque."
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1 Là c'était toujours la conférence de Carrington :
2 "Nous n'accepterons pas les prétentions éventuelles des pays
3 voisins."
4 Et sous le titre, "Nous proposons," nous lisons :
5 "Nous proposons un cessez-le-feu absolu et l'admission de la trêve
6 sous contrôle de la FORPRONU.
7 "Nous proposons la conclusion d'un accord relatif au retour des
8 réfugiés et la libre circulation des civils avec plein de garanties des
9 droits humains qui s'appliquent. Nous proposons un règlement bilatéral
10 immédiat et des pourparlers trilatéraux entre les représentants des trois
11 communautés ethniques sur toutes ces questions."
12 Puis sous le titre, "Nous allons faire," nous lisons :
13 "Nous allons rendre possible le déplacement libre et sans entrave dans
14 toutes les directions de tous les convois humanitaires et garantirons leur
15 sécurité sur les territoires serbes.
16 "Nous empêcherons le nettoyage ethnique.
17 "Nous mènerons des enquêtes chaque fois qu'il y a doute quant à
18 l'éventualité d'un transfert forcé de population civile et sanctionnerons
19 toutes les personnes responsables.
20 "Nous mènerons une enquête au sujet de tout document relatif à la
21 vente ou à la cession de propriété réalisée sous la contrainte. Ces
22 documents seront déclarés nuls et non advenus et absolument dépourvus de
23 valeur.
24 "Nous sommes prêts à échanger tous les prisonniers de guerre sur la
25 base de tous contre tous et fermerons tous les lieux de détention."
26 Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ceci est une série de propositions
27 tout à fait équitables ?
28 R. Ceci a été fait avant la conférence de Londres. Et nous le savons tous.
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1 C'est une tentative manifeste de redorer son blason pour empêcher que
2 soient connus le nettoyage ethnique, les déportations et les expulsions qui
3 avaient largement été entrepris par les forces serbes de Bosnie. Nous avons
4 toujours été au courant de l'offre, par exemple, d'un échange des
5 prisonniers sur la base de "tous contre tous." Le Dr Karadzic a fait cette
6 offre directement à la conférence internationale.
7 Donc la situation générale s'agissant de ce document a été dépeinte de
8 façon plus précise cinq jours plus tard par le président Sommaruga du CICR.
9 Ce document avait déjà été discuté et présenté. Il offre une description
10 tout à fait différente de la situation sur le terrain. Mais je n'ai aucun
11 doute quant au fait que ce document, comme je viens de le dire, a été
12 présenté à la conférence de Londres dans le but de redorer le blason de qui
13 de droit dans le cadre de la situation qui avait cours et qui, en réalité,
14 était très différente.
15 S'agissant d'un autre point, à savoir la proposition de cessez-le-feu et la
16 signature d'une trêve, nous en avons discuté à plusieurs reprises au
17 Tribunal. Puisque les Serbes de Bosnie et leurs armées contrôlaient à ce
18 moment-là à peu près 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine, il était,
19 bien évidemment, dans leur intérêt de mettre un terme aux combats alors
20 qu'ils tenaient la haute main, et ils ont fait des offres répétées de
21 cessation des combats. Mais ils n'ont jamais proposé de revenir sur les
22 territoires qu'ils avaient acquis.
23 Q. Je vous remercie. Ceci recevra réponse en temps utile.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du 1D288, document du 20
25 avril 1992. Je dois vous le soumettre en raison de la réponse que vous
26 venez de faire.
27 Et je demande une cote pour le document que nous venons de voir, à savoir
28 le 221.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
3 devient la pièce D109.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Pendant que nous attendons l'affichage du document 1D288, Monsieur
6 l'Ambassadeur, je dois vous rappeler que nous avons toujours proposé de
7 revenir à un pourcentage de 53 % des territoires, car nous avons toujours
8 admis le fait que les Musulmans devaient posséder 30 % du territoire et les
9 Croates, 17 %. Ceci est confirmé dans tous les plans. Mais j'ai toujours
10 dit qu'il n'y avait aucune chance que nous acceptions de nous retirer en
11 l'absence d'un accord de paix signé et garanti, parce que dans ce cas-là
12 nous perdrions la guerre. Nous ne pouvions pas nous retirer des positions
13 acquises par nous et présentant un avantage stratégique, je suis sûr que
14 vous en conviendrez.
15 Ce document maintenant est un programme proposé par moi, en tant que
16 président du parti, sans fonction étatique, et il date du 22 avril 1992. Je
17 vais le lire en anglais :
18 "Programme proposé par Radovan Karadzic dans le but de résoudre la crise en
19 Bosnie-Herzégovine.
20 "1. Cessez-le-feu inconditionnel et immédiat et respect de l'accord du 4
21 avril 1992.
22 "2. Poursuite urgente de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine et de son
23 travail jusqu'à solution définitive.
24 "3. Dans le cadre de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine, la priorité
25 doit être accordée à la réalisation de plans de la ville de Sarajevo et de
26 ces parties constitutives.
27 "4. Engagement public de la part de toutes les parties présentes en Bosnie-
28 Herzégovine quant au fait que les éléments constitutifs ne seront pas
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1 annexés aux Etats voisins et que les forces armées de Bosnie-Herzégovine ne
2 seront pas envoyées à l'extérieur.
3 "5. Engagement public de la part de toutes les parties présentes en Bosnie-
4 Herzégovine quant au fait que la politique du fait accompli, même celle qui
5 résulte de l'héritage communiste, ne sera pas admise et que les avantages
6 territoriaux obtenus par recours à la force ne seront pas reconnus.
7 "Application urgente de tous les accords constitutionnels," et cetera, et
8 cetera.
9 Monsieur l'Ambassadeur, ceci date de deux semaines à peu près après le
10 début de la guerre. Savez-vous si, à votre avis, cette proposition est une
11 proposition convenable à l'époque ?
12 R. Je n'étais pas en Bosnie le 22 avril et je n'ai pas eu connaissance de
13 l'existence de ce document. Je tiens à faire remarquer que le troisième
14 point de ce texte fait référence à ce dont nous avons déjà parlé, à savoir
15 le désir des Serbes de Bosnie de diviser Sarajevo. Donc ce point correspond
16 à cette position qui était déjà bien connue.
17 Je tiens également à souligner que le 22 avril se situe dix jours environ
18 après que l'artillerie serbe de Bosnie a commencé à pilonner Sarajevo.
19 Donc à première vue, il me semble que l'offre que nous voyons ici est
20 raisonnable. Mais comment elle pouvait être acceptée par des gens qui
21 étaient pilonnés sans merci à Sarajevo, c'est, bien sûr, une autre
22 question.
23 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais il y a un point que je voudrais
24 vous rappeler. Le 22 avril, l'armée de la Republika Srpska n'existait pas.
25 Jusqu'au 20 mai, c'était toujours la JNA qui existait. Par ailleurs, le 22
26 avril, la partie serbe ne contrôlait pas 70 % du territoire; on ne savait
27 pas qui contrôlait combien de territoires. Puis cette proposition consiste
28 à dire que des municipalités, opstina, doivent être créées en toute liberté
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1 à Sarajevo, il n'est pas question de diviser la ville, et nous comparons en
2 permanence et en public la situation de Sarajevo et de Bruxelles. De toutes
3 les municipalités de Bruxelles, aucune n'est mixte. Donc il est question de
4 mettre en place des municipalités à Sarajevo pour que les Serbes soient
5 minoritaires dans la plupart de ces municipalités, et les faits sont là
6 pour le démontrer. Il n'y aurait donc pas division de la ville, parce que
7 le 22 avril nous espérions toujours qu'il n'y aurait pas de guerre.
8 Conviendrez-vous avec moi que le 22 avril, nous pouvions penser qu'il n'y
9 aurait pas de guerre et que l'armée de la Republika Srpska n'existait pas
10 encore à cette époque-là ?
11 R. Bien, c'est exact, et je m'excuse d'avoir utilisé l'expression "armée"
12 de Bosnie, parce que la JNA était toujours en existence le 22 avril. Elle
13 est devenue l'armée des Serbes de Bosnie quelques semaines plus tard au
14 mois de mai, comme le Dr Karadzic l'a dit à juste titre.
15 La situation militaire qui prévalait au mois d'avril, cela dit, n'a pas été
16 correctement décrite par le Dr Karadzic, car en fait, les combats ont
17 commencé au mois de mars, et pas au mois d'avril. J'étais à Sarajevo et en
18 Bosnie à l'époque, je portais un gilet pare-balles et j'avais un air assez
19 bizarre avec un casque sur la tête, mais je me souviens très bien que les
20 combats ont commencé au mois de mars.
21 Donc en avril, la situation était déjà assez avancée. La guerre
22 n'avait pas encore atteint toute son intensité en Bosnie, mais des combats
23 assez importants faisaient rage, un peu comme en septembre 1939 en Europe,
24 voyez-vous, ce n'était pas encore l'invasion de la France, ce n'était pas
25 encore l'invasion soviétique de la Russie, mais des combats assez
26 importants faisaient rage à cette époque-là. Et comme je l'ai dit, les
27 canons étaient déjà sur les collines entourant Sarajevo, et la ville était
28 pilonnée par l'artillerie. Le siège de Sarajevo, que les Serbes de Bosnie
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1 ont toujours nié en disant qu'il ne s'agissait pas d'un siège, était, en
2 fait, un siège et cela devenait une réalité de la vie quotidienne. Donc les
3 hostilités étaient déjà bien avancées le 22 avril.
4 Q. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Vous me contraignez à
5 approfondir le sujet, mais permettez-moi de vous dire la chose suivante :
6 jusqu'au 1er avril, en Bosnie-Herzégovine, seules les parties croate et
7 musulmane attaquaient pour tuer des Serbes, et c'est le 25 -- enfin, nous
8 allons apporter la preuve de tout cela plus tard. Nous avons tous les
9 documents nécessaires.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les interprètes n'ont
11 pas pu vous suivre en raison de votre débit. Donc veuillez avoir
12 l'amabilité de répéter la dernière partie de votre intervention.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Ma question consistait à vous demander, Monsieur l'Ambassadeur, si vous
16 contestez le fait que le 1er avril, les attaques étaient dues exclusivement
17 aux forces croates et musulmanes, y compris d'ailleurs à des forces croates
18 venant de Croatie, et qu'au mois de mars, il n'y avait absolument pas de
19 pilonnage de Sarajevo ?
20 R. Les attaques du mois de mars ont été principalement dues aux Serbes de
21 Bosnie et étaient principalement dirigées contre les Musulmans. J'étais à
22 Sarajevo et j'ai pu le voir moi-même dans la ville de Sarajevo. Il est vrai
23 que l'armée de Croatie a pénétré elle aussi en Bosnie au mois de mars à
24 Bosanski Brod, ceci a été un fait bien connu. Il n'est pas vrai que des
25 attaques nombreuses aient été lancées par les forces musulmanes contre les
26 Serbes de Bosnie ou la JNA, parce que ce qui est un fait c'est que les
27 Musulmans n'avaient pas d'armée et qu'ils n'en étaient encore qu'au stade
28 de l'organisation de leurs forces.
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1 Q. Ceci, nous le démontrerons facilement.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier du document
3 288, il est dans le prétoire électronique. Je ne pensais pas en demander le
4 versement, mais j'ai été amené à devoir le faire. C'est un document bien
5 connu, qui a été rendu public, un programme adopté le 20 avril.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
7 M. TIEGER : [interprétation] Comme l'accusé vient de le signaler, ce n'est
8 pas un document qui a été annoncé. Mais en dépit de cela, nous n'élevons
9 pas d'objection.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'ajout de ce document à la liste
11 est accordé, et ce document est admis en tant que pièce à conviction.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D110, Monsieur le
13 Président, Madame, Messieurs les Juges.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Est-ce que le document 211 a aussi été versé au dossier ? Oui. Bien.
18 Je demande maintenant l'affichage du 1D853.
19 Dans l'attente de l'affichage, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais appeler
20 l'attention de chacun ici sur la position des organes d'Etat de la
21 Republika Srpska, à savoir qu'aucune option menant à la guerre n'était une
22 option acceptable et qu'il n'y avait pas de fait accompli. Nous avons ici
23 une consigne qui date du 23 août 1992. Je vais donner lecture de ce texte
24 en langue anglaise :
25 "Consignes données à tous les présidents de municipalités.
26 "Il est devenu courant pour la population locale d'emménager dans des
27 appartements vides en lieu et place des réfugiés, et ils conservent même
28 parfois une espèce de 'droit' à l'occupation de plusieurs appartements.
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1 "La réalité ou la question posée par les appartements abandonnés est une
2 question liée à la guerre, tout comme la question des réfugiés. Ce qui veut
3 dire que ces situations sont temporaires.
4 "Veuillez respecter strictement les consignes suivantes :
5 "1. Les appartements temporairement abandonnés peuvent être donnés pour
6 utilisation temporaire uniquement à des réfugiés, et pas à la population
7 locale.
8 "2. Des registres en bon ordre doivent être tenus au sujet des appartements
9 temporairement abandonnés et des réfugiés. Les appartements temporairement
10 abandonnés ne peuvent être accordés pour utilisation que par une commission
11 qui rend cette décision pour usage temporaire.
12 "3. Tout abus, népotisme et défaut de respect de ces consignes entraînent
13 non seulement une responsabilité politique, mais également des poursuites
14 au pénal.
15 "Par ailleurs, outre les obligations relatives à cette conduite, vous
16 devez démontrer une connaissance politique et le tact nécessaire lorsque
17 vous traitez avec les réfugiés, leur logement et leur emploi, comme ceci
18 est exigé de vous par le programme du parti qui vous a nommé à votre
19 poste."
20 L'original de ce document existe également quelque part. Mais j'aimerais
21 vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, que le gouvernement a interdit le
22 trafic de propriété immobilière au mois d'avril alors que la guerre était
23 en cours, et qu'avec ce document la présidence a interdit l'utilisation des
24 propriétés abandonnées par la population locale, de façon à ce que ceci ne
25 devienne pas un motif permettant d'exercer des pressions sur les voisins
26 musulmans et croates pour les contraindre à partir.
27 Avez-vous eu connaissance de cette série de consignes ?
28 R. Je ne crois pas. Je me rappelle la discussion que nous avons eue,
Page 1786
1 Docteur Karadzic, vous et moi, sur la question des appartements, durant
2 laquelle vous m'avez dit que la guerre a commencé lorsque vous avez été
3 expulsé de votre appartement de Sarajevo. Ce document est certainement un
4 document valable par son contenu.
5 Comme je l'ai déjà dit s'agissant d'autres documents qui ont tous une
6 valeur intrinsèque, ils n'auraient pas été rédigés s'il n'y avait pas eu
7 nécessité de les rédiger. Et il est certainement agréable de voir
8 aujourd'hui que les intentions de la présidence étaient bonnes. Mais il est
9 particulièrement dommage que la réalité eut été différente.
10 Q. Merci. C'est vrai, il y a eu des situations de ce genre qui se sont
11 présentées, et c'est précisément la raison pour laquelle ces consignes ont
12 été émises et que des personnes ont également été sanctionnées. Mais de
13 façon générale, lorsqu'il y a nécessité d'imposer l'application du droit,
14 de nouvelles dispositions doivent être prises pour empêcher des situations
15 comme celles-ci.
16 Je demande le versement au dossier du 1D853. L'original est dans le
17 prétoire électronique, nous n'avons fait afficher sur les écrans que la
18 traduction anglaise.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
21 pièce à conviction D111.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, avant de parler du document
23 1D211, je dois dire au préalable que nous avons effectivement évoqué le
24 document 1D211, mais je n'ai pas le souvenir qu'il ait été admis au
25 dossier.
26 Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] 221, Excellence.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Pause de 20 minutes.
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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.
2 --- L'audience est reprise à 10 heures 47.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.
4 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le
5 versement au dossier du dernier document qui n'était pas encore versé, qui
6 a été enregistré aux fins d'identification, car la traduction a été reçue
7 entre-temps.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque que le sténotypiste n'est
9 pas encore dans le prétoire. Je ne crois pas que nous puissions procéder en
10 son absence.
11 Maître Robinson, je vous demanderais de bien vouloir répéter ce que vous
12 avez dit.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 Je suis informé que nous avons reçu la traduction du document enregistré
15 aux fins d'identification MFI, donc 97. J'en demande le versement au
16 dossier en tant que pièce D97.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
18 Oui, Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
20 Je demande l'affichage du D101 grâce au prétoire électronique, rapidement.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, nous avons déjà vu ce document. Il date du 19
23 août, donc d'une semaine avant que vous veniez chez nous, et j'aimerais
24 appeler votre attention sur le paragraphe numéro 3 de ce document, qui est
25 un ordre, n'est-ce pas ? Ce point 3 va dans le même sens que les consignes
26 dont nous avons donné lecture avant la pause. Je cite :
27 "Selon notre document du 13 juin, empêcher les relogements sous la
28 contrainte et toute autre action illégale dirigée contre la population
Page 1788
1 civile." Puis nous arrivons à cette partie qui est importante, je cite :
2 "Ainsi que la confirmation éventuelle de cession de propriétés, ou
3 l'acceptation de déclarations selon lesquelles les réfugiés s'engagent à ne
4 pas revenir comme n'ayant aucune validité juridique et donc abrogées et
5 considérées comme nulle et non avenue."
6 Est-ce qu'on peut annuler quelque chose qui a eu lieu illégalement sur le
7 terrain, qui a été fait par quelqu'un illégalement sur le terrain, par le
8 président ou qui que ce soit d'autre ? Est-ce que vous êtes d'accord que ce
9 document a force de loi et donc cet ordre correspond à une loi ?
10 R. J'espère que ce document avait force de loi. Il est certain que la
11 volonté exprimée ici est digne de considération.
12 Q. Je vous remercie. Je peux vous informer avec satisfaction qu'aucun
13 document ou aucun acte illégal qui ait été admis par une municipalité n'a
14 été mise en œuvre dans la pratique.
15 Je demande l'affichage du 1D427 à présent dans le prétoire
16 électronique.
17 Il s'agit de la pièce 101, donc nous n'avons pas besoin de demander une
18 nouvelle fois le versement au dossier du document précédent.
19 1D427 à présent. J'ai interverti les chiffres. 1D247, je vous prie.
20 Ce document date du 1er septembre 1992, et au paragraphe 2 nous lisons, je
21 cite :
22 "Toutes les familles réfugiées, indépendamment de leur religion et de leur
23 appartenance ethnique, sont tenues de retourner sur leur lieu de résidence
24 dans la Republika Srpska dans les délais et selon les modalités stipulées
25 dans le plan de retour des réfugiés."
26 Ceci est un plan destiné à organiser le retour des réfugiés, et il est
27 envoyé, ce document, à la Serbie, au ministère de l'Intérieur de la
28 République de Serbie. Et je vous rappelle que dans votre journal, dans vos
Page 1789
1 agendas, vous avez vous-même fait remarquer que sur les plusieurs centaines
2 de milliers de réfugiés présents en Serbie, plus de 15 % étaient des Serbes
3 de Bosnie qui avaient trouvé refuge en Serbie, et que des hauts
4 responsables des Nations Unies vous ont appris qu'ils avaient été
5 accueillis en Serbie en l'absence de toute mesure discriminatoire.
6 R. Quelle est la question ?
7 Q. La question était la suivante.
8 Q. Vous rappelez-vous que vous avez appris que plus de
9 30 000 réfugiés serbes de Bosnie étaient arrivés en Serbie en provenance de
10 Bosnie orientale, auxquels s'étaient ajoutés 15 000 Musulmans qui avaient
11 également pris la fuite, et que ceci figure dans vos agendas où il est
12 écrit que ces réfugiés avaient le droit de revenir à leur lieu de résidence
13 selon le plan qui avait été adopté dans chaque municipalité ? Est-ce que
14 vous êtes d'accord sur ce
15 point ?
16 R. Oui. Je me rappelle très certainement que des réfugiés musulmans ont
17 été accueillis en Serbie, comme ils l'ont été en plus grand nombre
18 d'ailleurs en Croatie, et, bien sûr, que de nombreux réfugiés musulmans
19 sont partis à l'étranger. J'ai dit hier qu'un très grand nombre d'entre eux
20 est parti pour la Suisse.
21 Mais un point de moindre importance, Docteur Karadzic. Le Dr Karadzic a dit
22 que le 1er septembre la conférence sur la Yougoslavie avait déjà commencé,
23 ce qui n'est pas exact. Elle a commencé le 3 septembre, c'était le jour de
24 l'ouverture de la conférence internationale. Le 3 septembre. C'est un
25 détail sans grande importance. Je ne pense pas que ce soit un point
26 contesté.
27 Mais revenons à ce sujet des réfugiés et des personnes déplacées à
28 l'intérieur du pays. Il y avait, bien sûr, des centaines de milliers
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1 d'entre eux, et cela a été un problème majeur pendant toute la durée de la
2 guerre.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 Je demande que l'on remplace 15 000 par 15 % dans la phrase précédente.
5 Je demande à présent l'affichage du document 248 du prétoire électronique.
6 C'est le même genre de descriptif, mais cette fois-ci le document est
7 envoyé au ministère du Monténégro, et on trouve le même paragraphe que
8 celui dont nous venons de discuter dans le texte précédent, mais cette
9 fois-ci au paragraphe numéro 2. Le contenu de ce paragraphe est le même que
10 celui que nous venons de discuter. Donc la même chose a été écrite au
11 Monténégro.
12 Est-ce que les deux documents pourraient être versés au dossier.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins qu'il y ait objection, ils
14 seront admis au dossier en tant que pièces à conviction.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 247 devenant la pièce D112,
16 et le document 1D248 devenant la pièce D113, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage grâce au prétoire
19 électronique du document 1D249 à présent.
20 Ce document est un document adopté au niveau de l'assemblée, donc il
21 n'émane plus de la présidence, mais de l'assemblée, et lorsqu'il apparaîtra
22 sur les écrans c'est le point 3 qui va m'intéresser, je cite :
23 "Nous invitons tous les citoyens qui ont quitté leurs domiciles en raison
24 des opérations de guerre, en raison de leur sentiment personnel ou de leur
25 insécurité à revenir sur le territoire de la Republika Srpska dès lors
26 qu'une paix durable aura été instaurée. Tous les citoyens des autres
27 groupes ethniques verront leurs droits pleinement reconnus dans le respect
28 de la constitution et de la loi.
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1 "Tous ceux qui ont fait partie des forces ennemies mais n'ont commis aucun
2 crime contre le peuple serbe ne seront pas poursuivis en justice."
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur l'Ambassadeur, nous voyons ici qu'au niveau de l'assemblée il
5 s'agit de la première amnistie pour ceux qui ont participé aux combats
6 pendant la guerre. Vous en convenez ?
7 R. C'est ce que signifient les mots utilisés dans ce document, oui.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement au dossier de ce
9 document.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
11 M. TIEGER : [interprétation] La Chambre a demandé hier si je ne disposais
12 que d'une version anglaise de ce document. Je crois pouvoir dire que je
13 n'ai reçu que la version anglaise, en effet, à moins qu'il y ait eu une
14 erreur technique. La Chambre m'a demandé si l'original était en anglais ou
15 en B/C/S. La même question se pose ici.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'étais sur le point de poser cette
17 question à l'accusé.
18 Monsieur Karadzic, pouvez-vous confirmer que ce document est l'original ou
19 pas ? Le prétoire électronique stipule qu'il s'agit d'un document original.
20 Est-ce que l'assemblée de Bijeljina a rédigé ce document en anglais.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, ceci est un document qui émane de
22 l'assemblée de la Republika Srpska. C'est donc l'assemblée de la Republika
23 Srpska qui tient séance à Bijeljina. Je crois que le procès-verbal de cette
24 séance existe, car le Procureur est en possession de tous les procès-
25 verbaux de toutes les séances de l'assemblée de la Republika Srpska. Ce
26 procès-verbal a été rédigé dans les deux langues. Mais vous savez, n'est-ce
27 pas, que nos archives ont vécu des problèmes de destructions importants,
28 donc le seul document disponible est celui que nous avons ici.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
2 Avec ces explications, le document est admis en tant que pièce à
3 conviction.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D114, Monsieur le
5 Président.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
7 Veuillez poursuivre.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 Je demande l'affichage du document 65 ter numéro 00041 dans le prétoire
10 électronique. C'est un numéro de référence qui a été assigné à ce document
11 par le Procureur. C'est la page 75 de la version anglaise qui m'intéresse.
12 Elle correspond à la page 77 de la version B/C/S. Donc numéro 41 des
13 documents de l'Accusation. Page 75 en anglais.
14 Ce que nous avons ici ce sont les propos tenus par Vladimir Lukic devant
15 l'assemblée. Il était premier ministre à l'époque. C'est le premier
16 paragraphe de son allocution qui m'intéresse.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Ma citation commence à la ligne 10 du premier paragraphe à peu près, je
19 cite :
20 "Dès aujourd'hui, nous devons commencer à créer les conditions permettant
21 aux citoyens qui ont quitté leur lieu de résidence en raison des opérations
22 de la guerre, en raison d'un sentiment d'incertitude personnel pour eux-
23 mêmes ou pour leurs propriétés, de revenir sur le territoire de la
24 Republika Srpska dès lors qu'aura été instaurée une paix durable. En vertu
25 de la constitution, nous devons garantir les droits de tous les citoyens
26 des autres groupes ethniques. Nous avons assumé ces obligations, et nous
27 devons les respecter."
28 Alors, ce premier ministre est en train de dire à l'assemblée ce que fera
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1 le pouvoir exécutif dans ce domaine. Nous sommes les 19 et 20 janvier 1993.
2 A un moment où nous étions ensemble, n'est-ce
3 pas ? Je pense que nous étions à New-York à ce moment-là, ou pratiquement.
4 Vous êtes d'accord sur ce point ?
5 R. Je lis le document. C'est bien ce qui est écrit dans le document, oui.
6 Q. C'est un document qui est en possession de l'Accusation; l'Accusation
7 possède tous les procès-verbaux des séances de l'assemblée. Je vous
8 remercie.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc je propose le versement au dossier de ce
10 paragraphe particulier du document 41 de l'Accusation, même si, selon moi,
11 les procès-verbaux de l'assemblée sont normalement admis dans leur
12 intégralité.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous demandez le versement au
14 dossier de 82 pages en anglais, l'intégralité du document, n'est-ce pas ?
15 Monsieur Tieger.
16 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, le document est admis.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D115, Monsieur le
19 Président.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.
22 J'aimerais maintenant passer à un autre sujet, si possible.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, passons à un autre sujet. Il en est question
25 assez longuement dans vos journaux personnels. J'aimerais vous demander si
26 vous vous rappelez que toutes les sources d'approvisionnement en eau, sauf
27 une toute petite, donc toutes les sources d'approvisionnement électrique
28 également de la ville de Sarajevo provenaient du territoire serbe ou
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1 passaient par le territoire serbe. Est-ce que vous êtes d'accord sur ce
2 point ?
3 R. La question de l'approvisionnement en électricité de Sarajevo était un
4 problème, et il a été résolu pacifiquement.
5 Q. L'électricité, il y en avait à Tuzla et Kakanj, et nous dépendions,
6 d'une certaine façon, de leur électricité. Mais l'eau, on en a à part
7 entière, puisque toutes les sources se trouvaient sur le territoire serbe.
8 Vous êtes d'accord avec moi ou pas ?
9 R. Oui, c'est vrai pour l'essentiel.
10 Q. Merci. Je voudrais maintenant demander à ce qu'on nous montre votre
11 carnet numéro 1, 06534. Vous voyez ? En l'occurrence, c'est la page 36 qui
12 m'intéresse. Vous --
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La pièce 784.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Vous avez écrit :
16 "Approvisionnement en eau très difficile à Sarajevo, et les convois
17 terrestres se fraient un passage, il y en a un qui est passé aujourd'hui."
18 C'est bien ce que vous avez consigné dans votre journal, n'est-ce pas
19 ?
20 R. Je n'ai pas encore trouvé le passage dont vous venez de me donner
21 lecture. Est-ce que ce serait la page de gauche ou la page de droite ? Une
22 fois que je l'aurai retrouvée, je suis sûr que je serai d'accord avec vous.
23 Q. Celle du côté gauche : "Convois terrestres au-dessus de Kumin."
24 R. Oui.
25 "L'approvisionnement en eau est difficile. La France fournit
26 l'approvisionnement d'eau. Les convois terrestres arrivent à passer."
27 Très bien. La question principale, ici, vous avez la suivante,
28 Sarajevo était assiégée, assiégée par les forces des Serbes de Bosnie, et
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1 donc, tout l'approvisionnement se faisait par le biais de la ligne de front
2 des Serbes de Bosnie. Donc il fallait négocier le passage et comme j'avais
3 dit précédemment, l'aéroport avait été remis aux mains de l'HCR par les
4 forces de Bosnie. Donc il y avait une possibilité de communication
5 aérienne, pont aérien. Mais quand on passait par la terre, il fallait
6 toujours passer par les lignes des Serbes de Bosnie, et c'était toujours
7 une source de discussion incessante.
8 En ce qui concerne l'eau, par exemple, puisque le Dr Karadzic en a
9 parlé, il s'agissait d'une question difficile, et les gouvernements
10 occidentaux, et les individus aussi, des personnes, ont permis
11 l'approvisionnement d'eau à Sarajevo, approvisionnement qui allait à toutes
12 les parties, bien sûr, en présence, et qui, grâce à l'intervention des
13 gouvernements extérieurs -- occidentaux, a pu être augmenté.
14 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. C'est exact en grande mesure, parce
15 qu'on nous a donné le matériel qu'il fallait pour réparer, et nous, nous
16 avons réparé.
17 Alors, est-ce qu'on peut voir de l'autre côté, du côté droit, "UNICEF" :
18 "L'eau et l'électricité sont les problèmes principaux."
19 "Les Musulmans contrôlent la centrale hydroélectrique du principal de
20 Tuzla."
21 C'est ce que vous avez noté en page 36, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, les Musulmans ont toujours contrôlé Tuzla pendant toute la guerre.
23 Bien sûr, ils étaient pilonnés, mais de façon générale, Tuzla était un
24 endroit assez protégé au cours de la guerre.
25 Q. Merci. Page 46 maintenant, s'il vous plaît, pour ce qui est du même
26 document. Pouvez-vous nous montrer cela. Page 46, on voit "Karadzic," sur
27 le côté gauche. Karadzic semble dire :
28 "Il y a eu coupure d'eau et d'électricité à Sarajevo. Nous allons accepter
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1 les approvisionnements en eau et électricité. Ça peut être fait par les
2 gens des Nations Unies."
3 En sus de l'aéroport, nous leur proposons les sources d'eau pour qu'ils
4 puissent les gérer, que le personnel des Nations Unies le place sous sa
5 propre gestion.
6 R. Cette conversation a eu lieu, elle a été consignée de façon fidèle dans
7 ce carnet, pour la raison suivante : l'approvisionnement en eau sous le
8 contrôle des Serbes de Bosnie avait été extrêmement irrégulier,
9 pratiquement jusqu'à ne plus exister du tout. Donc c'était devenu un
10 problème grave, et il a été soulevé, et on voit que le Dr Karadzic nie
11 avoir coupé l'approvisionnement en eau. Il le dit à gauche :
12 "Nous n'avons jamais coupé l'approvisionnement en eau ou
13 l'approvisionnement en électricité."
14 Ce qui n'est pas vrai d'ailleurs, mais en revanche, ce qui est vrai,
15 c'est qu'après avoir été convaincu, si je puis dire, par différentes
16 méthodes, les Serbes de Bosnie ont accepté de réapprovisionner Sarajevo en
17 eau.
18 Q. Merci. Vous allez voir, Monsieur l'Ambassadeur, dans un autre
19 document, que cela a été l'œuvre de la partie adverse pour les raisons
20 qu'on a mentionnées hier, à savoir faire souffrir davantage encore sa
21 propre population.
22 Et ce qui m'intéresse maintenant, c'est le 06535. 06535, page 24.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de la pièce P785.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on a cette page 24, s'il vous plaît.
25 Oui, on voit "Karadzic."
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Et vous avez noté :
28 "Nous pouvons autoriser des corridors protégés, non seulement pour l'aide
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1 humanitaire, mais aussi pour l'aide économique. L'eau et l'électricité, ça
2 devrait être confié à la FORPRONU."
3 Monsieur l'Ambassadeur, nous avons constamment affirmé que la partie
4 adverse avait eu recours à des astuces, à des ruses de guerre, pour nous
5 mettre en accusation, et afin d'éviter ce type de choses nous avons proposé
6 que la FORPRONU gère à part entière l'approvisionnement en eau et
7 électricité, et que les convois terrestres ne soient pas destinés seulement
8 à de l'aide humanitaire, mais aussi à des marchandises en matière d'échange
9 économique. Et la FORPRONU a dit que Sarajevo n'a pas été sous blocus, mais
10 encerclée du point de vue militaire. Et nous avons cela dans le livre
11 d'Izetbegovic, si on n'a pas le temps de le montrer aujourd'hui, on le
12 montrera une autre fois. Notre objectif n'était pas de bloquer Sarajevo. Il
13 y a eu un blocus organisé depuis l'intérieur, les contrebandiers
14 empêchaient les convois économiques pour contrôler les hauts prix qu'ils
15 avaient mis en place là-bas, et on avait empêché aussi, depuis l'intérieur,
16 l'approvisionnement en eau potable, aux fins de générer une intervention et
17 de diaboliser les Serbes.
18 Est-ce que vous avez consigné le fait que --
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est votre question ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ne faites pas de commentaires, s'il vous
22 plaît, Monsieur Karadzic.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous avez bien consigné que nous avions proposé de confier à
25 la FORPRONU l'approvisionnement en eau et en
26 électricité ?
27 R. Oui, d'ailleurs, on peut le lire, c'est consigné sur ce carnet, à
28 l'écran. Et nous avons fait pression sur vous en ce qui concerne cette
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1 question, parce que vous n'aviez pas autorisé l'approvisionnement régulier,
2 le passage régulier des convois d'approvisionnement. Donc c'est devenu un
3 problème, problème qui a été soulevé avec vous. Et vous avez convenu - et
4 c'est d'ailleurs consigné - que l'approvisionnement en eau et en
5 électricité pourrait se faire. C'était en septembre 1992. Sarajevo était
6 assiégée depuis le mois d'avril, ça faisait donc cinq mois que la ville
7 était assiégée. Donc on comprenait bien que la question est devenue
8 problématique, et cela dit, on a trouvé une solution. Le siège s'est
9 poursuivi, mais l'approvisionnement en eau et en électricité a recommencé.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des commentaires à faire à
11 propos de la déclaration faite selon laquelle des contrebandiers auraient
12 arrêté des convois pour prendre des fusils ou d'autres équipements
13 militaires ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des contrebandiers partout, de
15 toute façon, dans toutes les parties, dans tous les camps en Bosnie-
16 Herzégovine.
17 Cela dit, je tiens à dire - et je l'ai déjà dit - que les éléments
18 criminels des trois communautés ethniques étaient très actifs au cours de
19 la guerre. Ils ont rendu la vie épouvantable pour tout le monde.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais M. Karadzic semble dire que c'était
21 les Musulmans de Bosnie qui arrêtaient les convois.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument pas. Leur intérêt, c'était que
23 les convois passent puisqu'ils tenaient Sarajevo, et Sarajevo était
24 assiégée. Ça n'aurait aucun sens. Et c'était faux, c'est faux d'ailleurs.
25 De plus, le HCR avait un pont aérien pour l'approvisionnement en
26 nourriture. Dans les livres du général McKenzie, il y a toutes sortes de
27 détails sur cette question. C'était lui qui commandait la FORPRONU à
28 l'époque. Il habitait à Sarajevo, le général canadien McKenzie.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
2 l'Ambassadeur.
3 Monsieur Karadzic, poursuivez.
4 M. KARADZIC : [interprétation] Merci.
5 Q. Je voudrais seulement attirer votre attention sur le fait que j'avais
6 proposé, j'ai dit "should be," personne ne l'a demandé cela. Moi, je
7 voulais qu'on enlève cette fonction de nos épaules et j'ai dit "should be,"
8 "devrait," donc, être confié à la FORPRONU.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ces carnets, ils ont déjà été versés au
10 dossier, n'est-ce pas, Excellence, les numéros ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ils ont été admis, et en totalité.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
13 Je voudrais qu'on nous montre le 1D383.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. En attendant qu'on nous le montre, je voudrais vous rappeler, Monsieur
16 l'Ambassadeur, qu'à chaque fois qu'il y avait un convoi humanitaire à
17 passer, il y avait rechute de prix à Sarajevo. On a des preuves à cet
18 effet, les contrebandiers préféraient --
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation] J'avais demandé, il y a peu de temps, en me
21 levant, pour demander que l'accusé ne fasse pas de commentaires. Et je me
22 lève à nouveau exactement pour réitérer ma demande.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, Monsieur Tieger.
24 Ecoutez, Monsieur Karadzic, vous perdez votre temps en faisant ce
25 type de commentaire.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous étions en train d'attendre un
27 document, l'affichage d'un document. Et je voulais faire de la lumière sur
28 un point.
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Je ne sais pas si on l'a sur nos écrans. Je ne pense pas que nous
3 l'ayons en sa version traduite, mais je vais en donner lecture. Voilà de
4 quoi il s'agit. Présidence de la Republika Srpska, c'est envoyé au
5 ministère. Donc c'est le ministère de l'Agriculture, des Forêts et des Eaux
6 qui nous informe suite à une question probablement de notre part. Et
7 l'objet du courrier, c'est fourniture d'eau potable pour Sarajevo, à la
8 date du 18 juillet 1993.
9 A Pale, il s'est tenu une réunion des représentants du présent
10 ministère et des entreprises chargées de l'approvisionnement en eau potable
11 du territoire des municipalités de la ville de Sarajevo. Le sujet de la
12 réunion a porté sur la fourniture d'eau potable aux parties de Sarajevo qui
13 sont habitées par une population musulmane en majorité, mais par une
14 population assez nombreuse du groupe ethnique serbe qui se trouve
15 pratiquement captif dans cette ville. Les conclusions principales de ladite
16 réunion sont :
17 "1. De notre côté, il existe de la bonne volonté pour ce qui est de
18 la fourniture des quantités nécessaires d'eau potable. Mais dans ces
19 circonstances-ci, cela n'est pas possible pour les raisons qui suivent :
20 l'acheminement de l'énergie électrique vers les stations de pompage ne se
21 fait pas en continuité; ou plutôt, les coupures d'électricité en
22 approvisionnement des stations de pompage sont fréquentes, et cela est
23 occasionné par les activités de combat conduites par les forces musulmanes.
24 "Dans les zones protégées, les sources d'eau, et notamment dans la
25 première et deuxième zone qui constituent source de pompage à Bacevo, il y
26 a beaucoup de personnel et de matériel de guerre. Il y a eu création de
27 nouveaux cimetières et création de décharge de détritus et il a été
28 constaté l'apparition de plusieurs types d'épidémies."
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1 Ensuite :
2 "Certaines parties du système d'approvisionnement en eau sont assez
3 vieilles, et il faut les remplacer."
4 Page 2, maintenant, de ce document, s'il vous plaît. Il est fait état
5 de pénurie de moyens matériels pour l'achat de produits chimiques
6 nécessaires.
7 Et en page 2, on dit, paragraphe 2 :
8 "En parallèle avec la fourniture des conditions ou la prestation des
9 conditions nécessaires, le ministère créera un prix unitaire par mètre cube
10 d'eau pour ce qui est de la fourniture de l'eau potable par système varié.
11 Il convient de dire que si on ne paie pas, il ne peut pas y avoir entretien
12 des systèmes d'approvisionnement, et donc il ne peut pas y avoir de
13 livraison d'eau. Nous proposons donc, qu'à l'occasion, des négociations
14 avec la FORPRONU et la partie adverse, on fasse venir les représentants
15 professionnels du système d'approvisionnement en eau potable ainsi que les
16 représentants du présent ministère."
17 Et on voit, en bas, de ma main, tout à fait d'accord, "R. Karadzic."
18 Donc les réunions étaient prévues avec la partie adverse et la
19 FORPRONU aux fins de surmonter les problèmes. Ça a été envoyé à mon
20 intention par le ministre Borivoje Sandic. Moi, j'ai juste dit : "Tout à
21 fait d'accord," et j'ai signé.
22 Le voyez-vous, ce document, Monsieur l'Ambassadeur ?
23 R. Oui, je l'ai lu. Je tiens aussi à faire remarquer qu'il s'agit ici du
24 mois de septembre 1992, auquel vous aviez fait précédemment allusion. C'est
25 à ce moment-là que vous aviez dit à M. Vance et à moi-même que vous étiez
26 d'accord pour que ce problème soit résolu par la FORPRONU. Or, ici, dans ce
27 document - c'est un document qui date de dix mois plus tard - le problème
28 est toujours là, il n'a pas été résolu. Je tiens à le dire, parce que ça
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1 montre bien qu'il y a une divergence importante entre vos propos et ce qui
2 est dit et ce qui est fait.
3 Q. Bien, je dirais, Monsieur l'Ambassadeur, entre les propos et les
4 possibilités, parce que entre-temps, on fournissait autant d'eau que faire
5 se pouvait. Et ici, on a entrepris des démarches aux fins d'assurer un
6 approvisionnement continu, l'accent étant mis sur le mot continu.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement de ce
8 document au dossier. Nous allons assurer nous-mêmes la traduction, ou le
9 Procureur, mais nous, probablement.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Il recevra donc une cote MFI
11 jusqu'à ce qu'il reçoive sa traduction.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D116 MFI
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, je voudrais qu'on nous montre le
14 1D895.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. En attendant qu'on nous le montre, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais
17 vous demander ce qui suit : est-ce que vous connaissez M. Morton Abramowitz
18 ?
19 R. Oui.
20 Q. C'est quelqu'un que j'ai contacté au téléphone plusieurs fois, je ne
21 l'ai pas connu en personne. Est-ce que vous connaissez son ami, M. Fred
22 Cuny ou Cany ?
23 R. Oui, Fred est mort, il est mort en Bosnie-Herzégovine. Il s'y trouvait
24 pour le compte de George Soros, le financier philanthrope bien connu. Il
25 était là justement pour ce problème d'approvisionnement en eau de Sarajevo,
26 approvisionnement difficile du fait du siège de la ville par les Serbes de
27 Bosnie : Abramowitz, à l'époque, travaillait de façon très étroite avec
28 Soros pour essayer de trouver une solution au problème, et c'est pour ça
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1 qu'ils ont envoyé Cuny qui a apporté une aide efficace jusqu'à sa mort.
2 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Morton Abramowitz, c'est un haut
3 fonctionnaire qui était membre du conseil de la politique étrangère, enfin,
4 quelqu'un de très proéminent.
5 Et dans ce document, on peut voir --
6 R. Un diplomate à la retraite. C'était un représentant des Affaires
7 étrangères à la retraite. Il avait été ambassadeur en Turquie et il était à
8 la retraite.
9 Q. On voit maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, qu'il s'agit ici d'une
10 lettre assez longue de la part de Fred Cuny à l'attention de Morton
11 Abramowitz. C'est daté - on va vous le dire tout de suite quand est-ce
12 qu'il l'a écrit déjà. C'est une lettre qu'on a trouvée au site internet qui
13 est indiqué.
14 J'aimerais qu'on nous montre la page 6 de ce document. C'est janvier 1994,
15 page 6, s'il vous plaît, paragraphe 1 de cette page 6.
16 "L'un des officiers de la FORPRONU affirme qu'ils avaient disposé
17 d'information disant que certains membres du gouvernement s'opposaient à
18 remettre de l'eau, parce que ça effacerait l'une des images les plus
19 omniprésentes de la souffrance qui était subie par la ville. D'après cette
20 source, les radicaux du gouvernement avaient senti qu'ils avaient ressenti
21 le besoin de promulguer cette publicité négative qui était celle des
22 Bosniens qui étaient assiégés à Vitez, et ce, en montrant les images des
23 gens de Sarajevo en train de porter de l'eau, du carburant, et cetera, sous
24 les pilonnages des Serbes. (Je pense, personnellement que cette publicité a
25 été perçue, mais la FORPRONU estime que c'est véritablement une
26 possibilité). "
27 Alors, cet homme, on peut lui faire confiance, non ?
28 R. La personne qui a écrit la lettre ne le croit pas puisqu'il est dit :
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1 "Personnellement, je rejette cette théorie…"
2 Q. Oui, mais à la page 5, maintenant, lui, il reçoit les informations de
3 la FORPRONU, et la FORPRONU est plus présente que lui sur le terrain, il
4 s'efforce d'être objectif. Donc il dit qu'il y a de telles informations qui
5 sont communiquées par la FORPRONU.
6 Montrez-nous la page 5, en bas :
7 "Troisièmement, nous avons reçu des informations pour une personne proche
8 de M. Mohammed Zlatar qui nous a indiqué que la raison pour laquelle
9 certains représentants officiels empêchaient la remise de l'eau courante
10 était celle de voir ces représentants officiels engagés dans une vente
11 d'eau depuis la fabrique de l'usine de bière à Bacevo. Il y a des
12 conteneurs qui emmènent régulièrement cette eau depuis la source pour
13 fournir de l'eau aux entreprises, y compris l'hôtel Holiday Inn. Il y a
14 aussi de l'eau qui est vendue aux maisons, aux familles. Et dans les
15 périodes d'hiver, ces ventes sont très importantes. Et d'après notre
16 informateur, la ville autorisera la remise de l'eau courante, mais une fois
17 seulement lorsque l'eau sera, au préalable, fournie à des secteurs
18 privilégiés (lorsque après fermeture des valves critiques), et une fois
19 qu'il y a une grande demande et que les prix auront chuté, bien --"
20 Vous voyez que notre aide pour ce qui est de l'approvisionnement en eau
21 potable portait détriment au prix qu'ils avaient fixé pour cette eau ?
22 R. Oui, oui. J'ai déjà dit que chaque camp se livrait à des activités
23 criminelles. Alors, c'est un document que je vois pour la première fois,
24 Monsieur Karadzic, mais ça me confirme bien le fait qu'il y avait activités
25 criminelles de la part de tous les camps.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur
27 l'Ambassadeur.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai plus rien à dire.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Page 6, une fois de plus, je vous prie, paragraphe 3, maintenant, qui
4 dit :
5 "Si on continue à nous mettre des bâtons dans les roues, il y aura
6 plusieurs options. Je peux demander au général Rose de donner l'ordre de
7 remettre en marche tout le système ou de le confier aux Nations Unies. Ce
8 serait peut-être la façon la plus aisée et politiquement la meilleure des
9 façons pour ce qui est de faire en sorte que les Bosniens s'en occupent."
10 La lettre est longue, mais dans cette lettre, M. Cuny affirme que
11 nous avions rendu possible la réparation du système d'approvisionnement
12 d'eau. Ils ont demandé aux Musulmans de laisser passer l'eau. Le
13 gouvernement musulman n'a pas accepté qu'on remette en marche l'eau. Les
14 Nations Unies ont remis l'eau contre leur volonté, et eux, ils sont venus
15 pour couper l'approvisionnement en eau afin qu'elle ne parvienne pas à la
16 ville de Sarajevo. C'est ce que nous dit cette lettre, en réalité ?
17 R. Non, c'est plus compliqué que cela, Monsieur Karadzic. Regardez le
18 paragraphe suivant. Il est écrit, et je cite :
19 "J'aimerais dire que nous avons reçu énormément de soutien de la part de
20 plusieurs secteurs du gouvernement."
21 Ce n'est pas une surprise. Puisque le gouvernement est divisé - nous
22 l'avons évoqué à plusieurs reprises - le gouvernement de Bosnie était très
23 divisé puisqu'il y avait le courant laïc et le courant religieux, le
24 courant religieux et le courant militaire, le courant civil et le courant
25 militaire, ceux qui veulent essayer d'apaiser les Serbes qui les attaquent,
26 alors que ceux qui veulent, en revanche, plutôt s'arranger avec eux. Donc
27 les gouvernements étaient très divisés, c'est évident.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
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1 J'aimerais qu'on nous montre maintenant la page 2, paragraphe 1 -- milieu
2 du paragraphe 1, s'il vous plaît.
3 Le paragraphe, en haut de la page, on dit :
4 "Toutefois, nous n'avons pas réussi à persuader les autorités de la ville à
5 nous autoriser à remettre l'eau, pas même pendant les graves pilonnages qui
6 se sont produits en janvier. A un moment donné, suite à la mort de
7 plusieurs personnes qui sont mortes alors qu'elles essayaient de prendre de
8 l'eau au robinet de l'usine de bière, j'ai donné l'ordre de leur remettre
9 l'eau d'après mon autorité, mais les autorités sont intervenues pour couper
10 l'eau."
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Ce n'est pas les autorités serbes, c'est les autorités musulmanes qui
13 n'ont pas laissé que l'on remette l'approvisionnement en eau de la ville.
14 Je ne m'intéresse pas aux factions différentes dans l'autorité, mais c'est
15 les autorités qui avaient refermé l'approvisionnement en eau afin que les
16 gens dans la ville continuent à souffrir ?
17 R. Oui, on pourrait tirer cette conclusion, en effet.
18 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce 1D895 soit versé au dossier.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, avez-vous des
21 objections ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une cote.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote D117.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais maintenant à ce qu'on nous
26 montre à l'affichage électronique le 1D336.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Je ne sais pas si nous avons la traduction de ce texte, mais ça nous a
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1 été communiqué par le Procureur. Il s'agit de la République de Bosnie-
2 Herzégovine, c'est la partie musulmane qui émet le document, état-major du
3 commandement Suprême des forces armées, administration de la sécurité, et
4 c'est daté du 23 octobre 1993.
5 En page 2 -- montrez-nous, s'il vous plaît, la page 2.
6 Le premier paragraphe dit :
7 "Le président de l'assemblée municipalité de Novi Grad, Enes Cengic, dans
8 son entretien avec le commandement restreint de la 101e Brigade motorisée,
9 a présenté plusieurs renseignements intéressants du point de vue de la
10 sécurité concernant le fonctionnement et les problèmes rencontrés par
11 l'autorité civile dans cette municipalité. Il a souligné qu'Ismet Hadzic,
12 entre parenthèses, le commandant de la 5e Brigade motorisée, puis Huso
13 Cesir [phon], entre parenthèses, adjoint à Ismet pour la logistique, et un
14 dénommé Sefkija Okelic, entre parenthèses, ex-président du conseil exécutif
15 de la municipalité, qui, en leur qualité de représentants de la ligne dure
16 du SDA, ont l'intention d'organiser un soulèvement de la population
17 musulmane contre les instances élues légalement dans la municipalité de
18 Novi Grad."
19 Puis j'en saute, et :
20 "Cengic souligne que les citoyens et les combattants de Dobrinja
21 n'appuient pas le comportement et les activités du commandement de la 5e
22 Brigade motorisée, chose qu'ils ont manifestée au travers de 500 signatures
23 de pétition, où ils demandent la révocation dudit commandant et du
24 commandement de la 5e Brigade motorisée, tout comme du commandement de la
25 protection civile."
26 Dans cette pétition que Cengic avait sur soi, il est fait état des
27 irrégularités pour ce qui est du partage de l'aide humanitaire, parce que
28 certains individus se sont vus privés de leur droit à cette aide, et on dit
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1 que l'électricité destinée aux utilisateurs prioritaires, donc hôpitaux, et
2 cetera, a été acheminée vers les appartements des amis du commandant ?
3 Alors, ça c'est un rapport émanant des Services secrets de l'armée,
4 disant que leur commandant, pour ce qui est de l'électricité qui passait
5 par les territoires serbes, plutôt que de l'acheminer vers les infirmeries
6 et les hôpitaux, il la faisait passer vers les appartements de ses propres
7 amis. Est-ce que vous saviez cela ?
8 R. Je crois que vous avez parlé du mois d'octobre 1993, c'est la date de
9 cette lettre. Mais j'avais cessé toute activité en ce qui concerne la
10 Bosnie-Herzégovine en mai 1993, donc je n'étais pas au courant de cela
11 puisque, officiellement, je ne travaillais plus dans le cadre de la Bosnie-
12 Herzégovine.
13 Q. Mais vous ne contestez pas la chose, Monsieur l'Ambassadeur ?
14 R. Vous me l'avez présentée et je l'ai lue.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
16 Est-ce qu'on peut demander le versement au dossier de ce 1D366.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation] Comme l'a dit l'accusé, il n'y a pas de
19 traduction, et nous aimerions jeter un œil sur la traduction avant que ce
20 document ne soit admis, donc pourrions-nous avoir une cote MFI
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Cote MFI
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D118 MFI
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander au service concerné maintenant
25 de faire afficher -- ça existe à l'affichage électronique ? Oui. Le 1D899.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur l'Ambassadeur, en attendant qu'on nous montre ce document, je
28 tiens à vous informer de quoi il s'agit. Il s'agit de la République serbe
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1 de Bosnie-Herzégovine, présidence, appel à l'attention des Musulmans pour
2 une cessation d'hostilités. C'est daté du mois de mai 1992. 1D899, j'ai
3 dit.
4 Il y a aussi une version anglaise. Alors, montrez-nous l'anglais sur
5 l'écran, et je vais donner lecture à partir du serbe.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que ce document existe,
7 le 1D899.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si, vous l'avez --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivons.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon. Il s'agit d'une "Proclamation à
11 l'attention des Musulmans, un appel pour une cessation des hostilités."
12 "Musulmans et Musulmanes, ce déchirement malheureux de la Yougoslavie et la
13 sécession anticonstitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine vis-à-vis de la
14 Yougoslavie et la politique violente qui était celle de la coalition
15 musulmano-croate vous ont poussés dans la pire des guerres civiles, une
16 guerre interethnique et interconfessionnelle. Le démantèlement de la
17 Yougoslavie a transformé la Bosnie-Herzégovine pour faire trois entités. En
18 Bosnie-Herzégovine serbe, il y aura une certaine quantité de Musulmans et
19 de Croates, tout comme un certain nombre de Serbes finira bien par vivre
20 dans la Bosnie-Herzégovine musulmane et croate. Peut-être allez-vous
21 résider dans la partie musulmane, mais peut-être allez-vous aussi résider
22 dans la Bosnie-Herzégovine serbe. Cela dépendra des accords politiques qui,
23 au final, devront bien être mis sur le tapis. Donc pour le moment, vous
24 êtes dans la Bosnie-Herzégovine serbe et vous devez bénéficier des mêmes
25 droits que les Serbes. Bon nombre de villages musulmans ont restitué leurs
26 armes et bénéficient d'une protection pleine et entière de l'armée serbe et
27 des autorités serbes. Etant donné qu'il s'agit ici d'une guerre
28 interconfessionnelle, nous ne les obligeons pas à se battre de notre côté.
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1 Mais à tout autre point de vue, ils sont mis sur un pied d'égalité avec les
2 Serbes. Les Musulmans sont traités et soignés par nos hôpitaux, cela fait
3 de ces hôpitaux les leurs. Les Musulmanes donnent naissance à leurs enfants
4 dans des hôpitaux serbes. Ils s'approvisionnent au même endroit en vivres,
5 les Serbes et les Musulmans, les Musulmans qui ne se battent pas contre les
6 Serbes, bien entendu.
7 "Pourquoi vous battez-vous contre les Serbes ? Ne pouvons-nous pas
8 préserver la paix et rechercher une solution politique ? Pourquoi vos
9 familles doivent-elles avoir faim ? Pourquoi êtes-vous partis dans les
10 forêts à la veille de l'hiver ? Combien de Serbes et de Musulmans doivent
11 mourir encore pour les idées folles de --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quelle est votre
13 question ? Quelle est la finalité de cette lecture de cette déclaration ?
14 Posez donc votre question.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que dans ce texte, tel que lu jusqu'à
17 présent, il est aisé de voir que la partie serbe ne s'appuie pas sur le
18 fait accompli et ne reconnaît pas le [imperceptible], donc ce qu'on
19 possède, on doit le garder; mais prévoit aussi qu'au final, l'appartenance
20 de telle ou telle région à une première ou une troisième Bosnie sera une
21 solution qui sera déterminée suite à des négociations politiques ?
22 R. Ce document me paraît totalement fourbe. La déclaration à la fin, par
23 exemple :
24 "L'Occident ne le permettra pas, parce que l'Occident veut que vous
25 autres, les Musulmans, soyez détruits et anéantis dans le cadre d'une
26 bataille contre les Serbes et les Croates."
27 C'est absolument ridicule.
28 Ceci a été dit en mai 1992. Vous l'avez dit vous-même. Or, le 12 mai,
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1 l'assemblée des Serbes de Bosnie a émis cette directive ou cette
2 déclaration, je ne sais pas comment vous voulez l'appeler, là, où vous avez
3 présenté vos objectifs de guerre. Ceci a été versé au dossier d'ailleurs.
4 On en a parlé de façon exhaustive dans le cadre de l'affaire Krajisnik.
5 Au vu des documents officiels, les frontières que vous souhaitiez
6 pour votre Republika Srpska autoproclamée étaient évidentes. C'est de cela
7 qu'on parle. Avec ces frontières, vous auriez obtenu entre deux tiers et 75
8 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine, et c'est d'ailleurs la question
9 centrale de cette guerre. Donc cet appel que je lis correspond parfaitement
10 à votre politique, à la politique des Serbes de Bosnie, puisqu'en fait,
11 c'est un appel à se rendre. Vous demandez aux Musulmans de se rendre,
12 puisque tout allait très bien sur le terrain pour vous, finalement. Ce
13 n'est pas surprenant. C'est un fait avéré. Quant à la logique et le
14 raisonnement qui sous-tendent le document, c'est totalement faux et ça en
15 est ridicule d'ailleurs.
16 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Je vais vous avancer plusieurs thèses
17 que je me propose de prouver pendant que vous êtes encore ici et plus tard.
18 Il est une thèse qui est largement répandue, une conviction parmi les
19 intellectuels tant Musulmans que Serbes, qui dit que l'Occident avait eu
20 pour intention de neutraliser les Musulmans de la Bosnie-Herzégovine à
21 l'aide des Serbes et des Croates. Est-ce que vous contestez la chose ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je suppose qu'il est en
23 train de présenter sa thèse au témoin; c'est cela ?
24 Monsieur l'Ambassadeur.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est parfaitement ridicule. L'Occident,
26 justement, était en faveur des Musulmans. Que ce soit correct ou pas, je ne
27 sais pas. Mais ça, nous l'avons déjà établi.
28 M. Karadzic l'a déjà montré d'ailleurs, quelqu'un comme Fred Cuny avait été
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1 envoyé par Soros pour essayer de rétablir l'approvisionnement en eau. C'est
2 pour ça aussi que la FORPRONU se trouvait sur place. Donc dire que le but
3 final de l'Ouest était de neutraliser les Musulmans en Bosnie en manipulant
4 les Serbes et les Croates, c'est, primo, incroyable, mais surtout ridicule.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Il faudra que j'ajoute de nouveaux
7 éléments de preuve en provenance de sources musulmanes cette fois. Je
8 voudrais vous demander si vous avez vous aussi fait partie de cette
9 communauté internationale qui était, de façon si décisive et déterminante,
10 du côté des Musulmans.
11 R. Non, absolument pas. J'étais négociateur et je travaillais pour les
12 Nations Unies. Et vous le savez, Monsieur Karadzic, aussi bien que moi.
13 Q. Mais il me semble que vos carnets sont impartiaux, mais vos témoignages
14 ne le sont pas. Ça m'oblige à demander à ce que l'on ouvre encore un sujet
15 que j'avais voulu laisser de côté. Je voulais vous l'épargner.
16 Nous avons ici un livre publié par Izetbegovic, où il dit que le président
17 Tudjman lui a dit que la Communauté européenne l'avait chargé de prendre
18 soin des Musulmans de Bosnie, et Izetbegovic s'y est opposé.Alors, est-ce
19 que vous allez affirmer que cela n'est pas vrai ?
20 R. Je n'étais pas présent lorsque cette déclaration, que, selon vous, le
21 président Tudjman aurait faite au président Izetbegovic, aurait été dite.
22 D'ailleurs, j'ai des doutes à ce propos, à moins que ce qu'il voulait
23 vraiment dire lorsqu'il dit "s'occuper des Musulmans de Bosnie," ça
24 signifie les épauler dans leur lutte contre vous. Mais je trouve cette
25 déclaration très ambiguë.
26 Q. Merci. Je vais vous donner lecture de ce qu'Izetbegovic a rédigé :
27 "Pour ce qui est de la vantardise à Tudjman disant que certains Européens
28 lui auraient confié l'européisation [phon] des Musulmans de Bosnie aux fins
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1 d'empêcher la création d'un Etat musulman sur le territoire de l'Europe, je
2 pense qu'il y a eu de la vérité dans ce que Tudjman a dit. Bon nombre
3 d'Européens et de gens en Amérique, à quelques exceptions honorables près,
4 avaient beaucoup de défiance à l'égard de ce qui était en train de se
5 passer en Bosnie. Il fallait éteindre les dangers de ce qu'ils avaient
6 considéré comme étant un renouveau islamique dans ce pays. Beaucoup de
7 choses très vilaines ont été faites pour que l'on y aboutisse. L'une des
8 choses c'est la criminalisation des autorités bosniennes en Bosnie-
9 Herzégovine, qui allait s'intensifier notamment après la guerre pour
10 atteindre son apogée dans l'article du 'New York Times' publié en 1999."
11 Je vous assure, Monsieur l'Ambassadeur, que l'un de nos députés aussi avait
12 dit que nous avons été désignés comme étant les exécuteurs des Musulmans,
13 ceux qui allaient les exécuter. La thèse parmi les intellectuels serbes
14 c'était de dire que les occidentaux avaient le plus profité des conflits
15 entre les Serbes et les Musulmans. C'est la thèse qui est enracinée autant
16 dans les livres d'Izetbegovic que dans les écrits de Zulfikarpasic. Est-ce
17 que vous allez le nier cela, comme vous avez nié le tout tout à l'heure ?
18 R. En ce qui concerne Tudjman et la façon dont il se vantait, puisque
19 c'est ainsi qu'Izetbegovic avait appelé ses propos, on peut y croire, parce
20 que comme je l'ai déjà dit - et on le voit dans mes carnets - Tudjman
21 méprisait les Musulmans. Il ne les aimait pas. Lorsque nous parlions
22 d'Izetbegovic en tête-à-tête, il faisait référence en disant "cet
23 intégriste, Izetbegovic." Je ne le dispute pas. Il n'est pas à disputer
24 aussi que l'intérêt des Serbes et des Serbes de Bosnie, ainsi que des
25 Croates et des Croates de Bosnie était de diviser la Bosnie, de la
26 découper. Tout ceci c'est un fait avéré.
27 Ce qui paraît parfaitement incroyable dans les propos que vous venez de
28 lire c'est qu'en fait, tout d'un coup, des Musulmans sont les coupables en
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1 ce qui concerne l'Occident. Pour l'Occident, ce sont les Musulmans qui sont
2 coupables. Alors que depuis trois jours, Monsieur Karadzic, vous êtes en
3 train de dire que l'Occident avait toujours considéré qu'il s'agissait des
4 Serbes qui étaient coupables et que c'était, de votre avis, parfaitement
5 incorrect, et maintenant vous êtes en train de nous donner ce document qui
6 déclare, de façon parfaitement incorrecte aussi, que l'Ouest voudrait voir
7 l'anéantissement des Musulmans de Bosnie. Mais je vous assure, Monsieur
8 Karadzic, qu'en ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, il n'y a pas un
9 Américain sur 10 000 qui avait entendu de la Bosnie-Herzégovine avant 1992
10 et qui savait ce qui s'y passait. Or ici, dans ce document, la Bosnie-
11 Herzégovine serait censée occuper une place bien stratégique au sein de la
12 politique occidentale -- enfin, non, c'est vil, c'est vraiment ridicule.
13 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Comme partout au monde, les grandes
14 masses qui n'ont pas entendu parler de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas
15 chargées de la conduite de la politique. La politique, elle est confiée aux
16 gouvernements. Or, les gouvernements en Occident savaient fort bien tout ce
17 qui se situait au niveau des Balkans.
18 Mais une petite rectification, Monsieur l'Ambassadeur. M. Izetbegovic ne
19 dit pas que c'est de la vantardise, tout cela. Il
20 dit : Je pense qu'il y a eu de la vérité dans ce que Tudjman avait dit. Et
21 un autre petit rectificatif, Monsieur l'Ambassadeur. Les Serbes avaient
22 supplié les Musulmans de Bosnie de faire en sorte que la Bosnie toute
23 entière reste en Yougoslavie. Ils ne voulaient pas la partager. Le partage,
24 c'est Alija Izetbegovic qui l'avait proposé, et nous allons le prouver ici,
25 cela.
26 R. Je vais vous rappeler votre déclaration qui est d'ailleurs consignée
27 dans mon carnet, selon laquelle le problème pourrait être résolu, si
28 Tudjman et Mate Boban, donc les dirigeants croates, étaient d'un côté, et
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1 vous étiez de l'autre côté de la table, avec Milosevic et Hadzic. Donc ce
2 que cela signifie, vous pourrez, bien sûr, faire des remarques là-dessus,
3 que cette déclaration signifiait -- enfin, au vu de toutes les personnes
4 qui l'ont lue, c'est que les Serbes et les Croates voulaient la partition
5 de la Bosnie-Herzégovine ou voulaient mettre en place une fiction légale
6 selon laquelle l'Etat appelé Bosnie-Herzégovine existerait toujours, mais
7 où, en fait, en coulisse, ce serait les Serbes de Bosnie et les Croates de
8 Bosnie qui auraient le pouvoir.
9 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Mais est-ce qu'on vous aurait dit que
10 suite à la solution apportée à la crise en Croatie, c'est-à-dire les
11 questions relatives à la Krajina serbe en Croatie, là, vous auriez raison.
12 Mais ma thèse, le fondement ou l'origine de la crise yougoslave, ce sont
13 les relations serbo-croates, et nous, en Bosnie, nous ne pouvions pas
14 avancer, parce que nous avions une question qui n'était pas résolue qui
15 était celle de la Krajina serbe. Et c'est la raison pour laquelle nous
16 avions besoin de Tudjman et de Milosevic, mais pas pour la Bosnie, parce
17 que si on avait tranché la question de la Krajina serbe, on aurait
18 également tranché ou trouvé une solution plus aisément pour la Bosnie.
19 Je tiens à vous rappeler aussi, Monsieur l'Ambassadeur, que jusqu'à
20 l'éclatement de la guerre, pendant toute l'année 1991, nous avons proposé à
21 la Bosnie de rester en Yougoslavie, et nous avions renoncé à toutes les
22 régionalisations. Et c'est un accord que nous avions réalisé avec
23 l'Organisation bosnienne musulmane. D'abord, c'était soutenu par
24 Izetbegovic, puis après toutes ces opportunités sont tombées à l'eau. Est-
25 ce que vous le niez, cela ?
26 R. Oui, lorsque vous dites que la question essentielle qui a entretenu le
27 conflit était la relation entre la Serbie et la Croatie, là, vous avez
28 raison, en effet, parce qu'il s'agit des deux plus grandes républiques de
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1 l'ex-Yougoslavie, et la relation entre Zagreb et Belgrade était absolument
2 essentielle. Elle l'est encore, d'ailleurs.
3 Alors que là, vous vous fourvoyez, Monsieur Karadzic. C'est lorsque
4 vous dites qu'au cours de l'année 1991, vous proposiez à la Bosnie de
5 rester au sein de la Yougoslavie. Certes, vous faisiez cette proposition,
6 et la raison pour laquelle vous le faisiez est claire, c'est parce que la
7 Yougoslavie était en train de s'effondrer avec le départ de la Croatie et
8 de la Slovénie, qui étaient les deux républiques les plus riches de
9 l'ancienne Yougoslavie. Une fois qu'elles auraient quitté le giron de la
10 Yougoslavie, cette Yougoslavie croupion, si je puis dire, était devenue, en
11 fait, un Etat serbe puisqu'il n'y avait plus que la Serbie, la Macédoine et
12 le Monténégro. Or, ni les Croates ni les Musulmans ne voulaient rester dans
13 cette Serbo-slavie, puisqu'ils l'appelaient ainsi. Ils nous en parlaient
14 souvent, d'ailleurs, la Yougoslavie n'existe plus; maintenant, c'est la
15 Serbo-slavie. C'est pour cela qu'ils ne voulaient pas rester dans le giron
16 de la Yougoslavie, et c'est pour cela que lorsqu'il y a eu le 29 février et
17 le 1er mars 1991 [comme interprété], ce référendum sur l'indépendance, votre
18 parti donc, les Serbes ont boycotté ce référendum, et les autres partis, en
19 revanche, y ont pris part.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] On y reviendra. Merci.
21 Est-ce que le 1D899, on peut le verser au dossier, s'il vous plaît. Et
22 qu'on nous le laisse, et on va voir à quel point il est sincère pour ce qui
23 est d'affirmer quels sont les villages musulmans qui ont vécu en toute
24 quiétude jusqu'à la fin de la guerre.
25 Alors, on va parler des extraits du livre à Izetbegovic, cette page
26 252. On peut peut-être tomber d'accord dessus.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, qu'en est-il du 1D899
28 et de l'autre ?
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1 M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je pense que là, nous n'avons pas
2 reçu d'information de la part de l'autre partie.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je ne pense pas.
4 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je ne pense pas qu'il y aurait des
5 problèmes, mais je voudrais être prudent. Donc j'aimerais quand même avoir
6 un peu de temps, et j'aurais préféré être averti à l'avance que ce document
7 allait être utilisé.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui -- enfin, c'est un passage -- enfin,
9 c'est un passage d'un recueil de discours -- enfin, bon, vous préféreriez
10 que le document reçoive une cote provisoire ?
11 M. TIEGER : [interprétation] En effet.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence --
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D119 MFI
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur a un recueil de six livres ou
16 recueils d'ordres et de discours de ma part. Ça se trouve en page 233 du
17 recueil numéro 4. Ça, c'est le recueil numéro 4. Et cela a été publié,
18 pendant que je me dissimulais, par le comité qui se chargeait de dire la
19 vérité.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur l'Ambassadeur --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'en est-il du livre de M. Izetbegovic
23 ? Pouvez-vous nous donner sa cote 65 ter, son numéro sur la liste 65 ter ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, j'ai été obligé, du fait de
25 l'évolution des témoignages faits par M. l'Ambassadeur, à avancer ces
26 arguments que j'avais eus à l'esprit, mais je ne les ai pas proposés pour
27 versement au dossier, parce que je n'avais pas eu l'intention d'aller avec
28 ce témoin-ci vers ce domaine de questions. Mais ce sont des sujets entamés
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1 par M. l'ambassadeur Okun qui avait dit que je n'étais pas sincère, et que
2 lui, il l'était. Or, nous en étions arrivés au point de savoir si
3 l'Occident avait été perçu, si tant est que ce n'était pas la vérité, comme
4 étant quelqu'un qui conduisait une politique perfide contre les Serbes et
5 les Musulmans, et les Serbes et les Musulmans sont légion à penser que
6 c'est effectivement le cas.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le passage pertinent a été lu et
8 consigné au compte rendu d'audience. Donc nous n'avons pas nécessité
9 d'admettre ce document séparément. Nous n'allons donc pas nous occuper de
10 cet ouvrage dans les médias.
11 Je dois l'horloge. Il est temps de faire la deuxième pause. Etant donné que
12 vous avez déjà disposé de près de 12 heures de contre-interrogatoire de M.
13 l'Ambassadeur, je pense que vous devriez pouvoir en terminer dans les trois
14 quarts d'heure qui suivront la reprise des débats à midi trente.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je prononcer
16 une brève déclaration en rapport avec ce que le Dr Karadzic vient de dire ?
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je vous en prie.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
19 Docteur Karadzic, je suis surpris de vous entendre dire que j'aurais
20 allégué que vos appels ont été fourbes. J'ai dit le contraire. J'ai dit
21 qu'ils étaient dignes de respect, j'ai dit qu'ils étaient respectables,
22 qu'ils avaient du mérite. J'ai dit qu'ils n'avaient pas été respectés sur
23 le terrain, mais je n'ai jamais accusé ces documents d'être quoi que ce
24 soit d'autre que sincères.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une demi-heure de pause.
27 --- L'audience est suspendue à 12 heures 04.
28 --- L'audience est reprise à 12 heures 38.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est à vous.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Est-ce que vous connaissez ce test en matière de psychologie qui
5 s'appelle "le test des phrases inachevées." Je vous rappelle, c'est un test
6 où on propose à un client une phrase inachevée et chacun l'achève
7 conformément à ses besoins, ses humeurs, et son sentiment intérieur, donc
8 il y a en somme jamais la même fin qui est donnée à même début de phrase.
9 Est-ce que vous vous en souvenez de cela ?
10 R. Oui, je sais de quoi vous parlez.
11 Q. Merci. Alors, je trouve que dans vos carnets, que j'estime très
12 précieux, il y a beaucoup de choses qui sont rédigées suivant cet exemple
13 de phrases inachevées. Vous êtes d'accord avec moi pour le dire ?
14 R. Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire, Monsieur Karadzic.
15 En effet, dans ce carnet je consigne les propos de différentes personnes.
16 Et parfois et assez souvent d'ailleurs, je note aussi ce que je pensais de
17 leurs propos, ils étaient crédibles, si je les croyais, si je ne les
18 croyais pas, et cetera, afin qu'a posteriori je puisse bien comprendre les
19 propos tenus. Mais je ne pense pas quand même que le concept de phrases
20 inachevées s'applique vraiment à ces carnets. Dans le cadre des
21 négociations les parties prennent des positions, positions qui parfois sont
22 dignes, parfois elles ne le sont pas, parfois sont juste des ballons
23 d'essai que l'on envoie au cas où pour savoir un petit peu pour tâter le
24 terrain, si je puis dire. Mais je n'appellerais pas tout cela des phrases
25 inachevées, enfin je ne pense pas pouvoir m'appesantir plus sur le sujet.
26 Q. Merci. Ce que j'avais surtout à l'esprit c'est les lecteurs qui
27 prennent connaissance de vos carnets. Mais il y a une chose qui ne fait pas
28 l'ombre d'un doute, je pense, vos carnets ont été [inaudible] et ça s'est
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1 consigné au moment où le phénomène est apparu, donc vous avez sur le champ
2 pris des notes ?
3 R. Tout à fait. En effet, et le point que vous avez précédemment soulevé,
4 c'est-à-dire que le fait que le lecteur du carnet peut tirer des
5 conclusions différentes, ça aussi c'est tout à fait correct, différents
6 lecteurs peuvent tirer différentes conclusions. Mais je tiens à dire qu'il
7 ne s'agit pas d'un carnet que j'ai tenu juste à un moment ponctuel,
8 absolument pas, j'ai commencé en octobre 1991, et ça s'est poursuivi
9 jusqu'en mai 1993. Donc ce sont des carnets qui portent sur une période de
10 temps assez longue et qui m'ont permis d'affiner les jugements que j'ai
11 passés sur les choses au fur et à mesure que le temps s'écoulait.
12 Q. Je vous remercie. J'espère que tous les participants ici présents ont
13 eu un exemplaire, ou plutôt, on va faire distribuer. Alors ce qui me plaît
14 dans tout ce que vous avez dit, c'est la partie qui se rapporte au carnet.
15 Je suis quelque peu surpris par l'élément qui venait chez vous tout de
16 suite après le mot "mais," et qui fait plutôt partie d'un témoignage
17 d'expert. Je n'ai rien contre le fait de vous voir revenir en qualité
18 d'expert, je ne vois personne qui serait à même de mieux le faire mais il y
19 aurait donc une approche tout à fait différente à adopter. Mais j'ai
20 procédé à une analyse, mon équipe a procédé à une analyse, élaboré une
21 analyse pour ce qui est de vos témoignages fournis a posteriori et dans
22 quelle mesure ceux-ci s'appuient sur ce qui a été consigné dans vos
23 carnets.
24 J'aimerais que nous parcourions rapidement ceci, si vous n'y voyez pas
25 d'inconvénient. La première partie nous l'avons qualifiée Okun contre Okun
26 - j'espère que vous ne m'en voudrez pas - et ce, pour voir le sujet le plus
27 important, c'est-à-dire le sujet du nettoyage ethnique. Donc la première et
28 la deuxième des allégations ou assertions vous les présentez dans votre
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1 témoignage dans l'affaire Krajisnik, le 22 juin 2004. On peut voir quelles
2 sont les pages dont il s'agit : 4 158, 4 204, 4 169. Ce que vous avez dit à
3 l'occasion des témoignages, nous l'avons retrouvé nulle part dans vos
4 carnets de notes.
5 R. A quoi faites-vous référence ?
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur l'Ambassadeur,
7 mais les interprètes n'ont pas reçu une copie de ces documents. De ce fait,
8 ils ont énormément de mal à suivre vos propos puisque vous lisez
9 extrêmement vite. L'interprétation s'est arrêtée, en tout cas, pour la
10 cabine anglaise, après vos propos sur le procès de M. Krajisnik le 22 juin
11 2004. Donc veuillez poursuivre à partir de ce passage.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
13 L'ACCUSÉ KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, le numéro 1 et le numéro 2, pour ce qui est des
15 assertions avancées, vous les avez prononcées le 22 juin 2004, en pages 4
16 158 et 4 204. L'autre assertion dans l'affaire Krajisnik date du 22 juin
17 2004, page 4 169. Voici ce qui est dit :
18 "Les Serbes de Bosnie avaient six objectifs politiques.
19 Troisièmement, disposer d'une entité ethniquement pure et essentiellement
20 serbe.
21 Dans une phase ultérieure, les Serbes de Bosnie ont fait partir les
22 Musulmans de leur territoire aux fins de créer une Republika Srpska
23 ethniquement pure."
24 Nous allons prouver que ce n'est pas le cas, et nous, enfin, la Défense et
25 moi, personnellement, je tiens énormément à ce que vous repartiez d'ici
26 dans la conviction qui serait celle de dire : S'il n'en a pas été ainsi,
27 pourquoi cela ne figure-t-il pas dans vos carnets de notes ?
28 R. Il y a deux points là à soulever, Monsieur Karadzic. Tout d'abord,
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1 c'est bel et bien contenu dans les carnets. C'est parfaitement clair.
2 Deuxièmement, en ce qui concerne la pureté ethnique, ou ethniquement pure,
3 ce sont des termes qui ont été employés par M. Krajisnik lui-même lorsqu'il
4 a fait sa présentation par vidéo de la Republika Srpska, présentation au
5 cours de laquelle il a déclaré que la Republika Srpska occupait des
6 territoires qui étaient serbes avant la guerre, ce qui était absolument
7 faux et pouvait être démontré d'ailleurs, puisque la carte qu'il utilisait
8 montrait toutes les municipalités musulmanes existant le long de la Drina.
9 Enfin - et ce n'est pas la moindre des choses - la déclaration à propos des
10 objectifs de guerre des Serbes de Bosnie, bien, comme je l'ai dit, ils
11 étaient connus publiquement et aussi de façon privée, car le 12 mai 1992 -
12 on en a parlé d'ailleurs - votre gouvernement a publié ces objectifs de
13 guerre qui correspondaient parfaitement avec les six objectifs dont j'ai
14 parlé dans les procès précédent et dans l'affaire Milosevic. Il était
15 d'accord avec moi d'ailleurs pour dire qu'il s'agissait bel et bien des
16 objectifs de guerre des Serbes de Bosnie. Vous pouvez lire le compte rendu
17 d'ailleurs.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, veuillez
19 regarder le compte rendu. Je ne pense pas que le début de votre réponse
20 reflète correctement vos propos. Il est écrit en anglais :
21 "It is clear on the point", "c'est clair."
22 Je me souviens de vos propos en anglais. Je pense que ça n'a pas été
23 écrit correctement.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Je disais que c'était une conclusion
25 que je tirais de mes carnets, qui était correcte.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Merci. Mais moi, je ne l'ai pas retrouvée dans vos carnets. Toute mon
28 équipe n'a pas trouvé cela dans vos carnets.
Page 1823
1 Alors, il y a deux ou trois points que j'aimerais tirer au clair.
2 Monsieur l'Ambassadeur, les problèmes linguistiques devant ce Tribunal sont
3 considérables pour les façons de parler idiomatiques. Je vais me référer à
4 la nécessité pour les interprètes de vous confirmer le fait que quand nous
5 exprimons idiomatiquement le fait que c'est un territoire purement serbe,
6 ça ne veut pas dire que c'est pur. Quand on dit "purement serbe," ça veut
7 dire que ce n'est pas contesté qu'il y a plus de 50 % des Serbes. Dans le
8 témoignage dans l'affaire Krajisnik, j'ai souligné la chose, parce que si
9 nous disons que c'est purement croate ou purement musulman, ça ne veut pas
10 dire que c'est nettoyé ethniquement des autres, mais que ce n'est pas
11 contesté que c'est une majorité musulmane, parce que nous avons parlé de
12 territoires qui n'étaient pas contestés et nous avons reconnu les uns pour
13 les autres, pour 80 % des territoires, que ce n'était pas contesté que
14 c'était serbe, pas contesté que c'était croate ou pas contesté que c'était
15 musulman. Pour le reste, il fallait le résoudre soit par des négociations,
16 soit par la guerre.
17 Alors, je crains que cette spécificité de notre langage, de notre façon de
18 parler, a conduit à la conclusion. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi
19 ou pas ?
20 R. Oui, j'aurais pu mais, en fait, non.
21 Rappelez-vous de votre déclaration en 1993 devant le comité de
22 coordination des Serbes de Bosnie et des Serbes. Vous avez parlé en fait de
23 la situation à Zvornik. 50 % Serbes, 50 % Musulmans avant la guerre, et la
24 même population. Donc, 50 000 maintenant, qui est à 100 % Serbes. Donc,
25 toujours 50 000 personne mais cette fois-ci, 100 % Serbes. Bon, j'accepte
26 parfaitement la distinction linguistique que vous faites en ce qui concerne
27 les mots "pureté," "purement," "totalement pur," ce qui peut être en
28 anglais, en effet, considéré comme incontestable. Mais vous l'avez utilisé
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1 pour décrire le nettoyage ethnique en cours. C'est vous qui l'avez dit.
2 Q. Merci. Mais s'agissant de cette réunion de janvier 1993, je dois dire
3 qu'avant cette phrase de ma part, M. Vladislav Jovanovic s'était employé en
4 faveur de l'exclusion de tout déplacement forcé de la population, et j'ai
5 apporté mon soutien à ce propos. J'ai dit :
6 "Pour quoi faire ? Parce que, de toute façon, cela se passe de façon
7 spontanée."
8 Je n'ai pas justifié, je ne me suis pas employé en faveur des déplacements
9 de la population. J'ai dit :
10 "A quoi bon déplacer de façon forcée la population, alors que la population
11 va, de toute manière, se déplacer par elle-même ?"
12 On va le prouver lorsque le sujet sera sur la table.
13 Je voudrais maintenant que nous revenions à l'analyse des divergences entre
14 --
15 R. Puis-je faire une remarque, s'il vous plaît. Je serai rapide et serai
16 très bref.
17 Jovanovic il était ministre des Affaires étrangères d'abord de Yougoslavie,
18 ensuite de Serbie. Lors d'une réunion dont nous parlons Dr Karadzic et moi-
19 même, réunion de janvier 1993, réunion du comité de coordination, dans ses
20 propos liminaires, il a dit qu'il n'était pas un expert. C'est Jovanovic
21 qui parle, bien sûr. Il a dit qu'il n'était pas expert de la situation,
22 surtout du nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine, mais en tant que
23 diplomate chevronné, il savait ce que signifiaient les échanges pacifiques
24 de populations, tel que cela s'était produit après la Première Guerre
25 mondiale, entre les Grecs et les Turcs, entre la Grèce et la Turquie. C'est
26 bien connu. Ce qu'il semblait suggérer au groupe, donc à ce comité de
27 coordination des Serbes - je pense qu'il s'adressait principalement
28 d'ailleurs là aux Serbes de Bosnie - il essayait de leur dire que c'était
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1 une façon d'atteindre leur but, leur objectif. Il n'avait pas besoin de
2 chasser, d'expulser les gens par la force. Il pouvait très bien essayer
3 d'obtenir ce même résultat, mais de façon pacifique. C'était sa remarque,
4 d'ailleurs. C'est au compte rendu, vous pouvez le lire dans le document
5 portant sur le comité de coordination qui a été versé au dossier de
6 Krajisnik. D'ailleurs, je tiens à dire que Krajisnik n'a pas contesté la
7 chose.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, je voudrais qu'on nous communique ces six
9 objectifs stratégiques. Il s'agit du 00781, des pièces de l'Accusation.
10 C'est déjà une pièce à conviction, 00781. Je voudrais montrer ici, comme
11 pour ce qui est du témoignage dans Krajisnik, que le troisième objectif
12 c'était de faire en sorte que la Drina ne soit pas une frontière entre deux
13 mondes, je parlais de l'Est et de l'Ouest, parce que la frontière de la
14 Drina avait été cela, pas entre les Serbes et les Serbes, comme on l'a dit
15 dans l'affaire Krajisnik. Dans l'original, c'est sans contestation aucune
16 absolument de ce qui est dit. Nulle part dans ces objectifs il n'est dit
17 que l'unité serbe en Bosnie-Herzégovine allait être ethniquement purifiée
18 ou essentiellement, en grande partie, serbe.
19 On peut les afficher, ces objectifs, sur nos écrans ?
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Vous avez à un point de vue raison, Monsieur l'Ambassadeur. Ça n'était
22 pas un secret du tout, et dès le mois de juin nous avions décidé, aux côtés
23 de la carte, d'envoyer ces points de départ à la Communauté européenne
24 comme étant des objectifs stratégiques. Nous avions, bien sûr, compté sur
25 la probabilité de voir quelque chose de perdu aussi.
26 R. Oui, Monsieur Karadzic, je ne veux pas perdre du temps là-dessus, mais
27 vos objectifs publiés le 12 mai 1992 étaient principalement des buts
28 géographiques, je l'ai déjà dit. Or, si on en avait fait une réalité, ce
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1 fer à cheval, dont on a déjà parlé d'ailleurs et qui enferrait Sarajevo,
2 était mis en œuvre, et vous vouliez que votre frontière occidentale, c'est-
3 à-dire que la frontière côté est du fer à cheval sur la vallée de la
4 Neretva, serait justement placée à cet endroit-là. Les Croates, d'ailleurs,
5 ne le voulaient pas et se sont battus. Ils ne voulaient pas que vous alliez
6 jusqu'à la Neretva, parce que leur capitale autoproclamée, Mostar,
7 justement, se trouvait sur la Neretva.
8 Donc il s'agit de questions qui étaient débattues lors de la guerre,
9 certes, mais je ne peux pas être d'accord avec vous lorsque vous dites que
10 vos objectifs, tels qu'ils sont émis en mai 1992, ne correspondent pas aux
11 objectifs que j'ai décrits. Moi, je trouve que cela correspond
12 parfaitement, donc là, vraiment, je ne peux pas être d'accord avec vous.
13 Q. Mais enfin, Monsieur l'Ambassadeur, il n'est jamais nulle part écrit le
14 fait que nous voulions un Etat ethniquement pur.
15 Et ici, j'attire l'attention des Juges sur la transcription des
16 objectifs, telle que faite ici, qui est citée comme étant une décision
17 datant d'un an et demi après, où il y aurait eu des changements en matière
18 de cadres dans l'administration. Je voudrais qu'il soit noté pour ce qui
19 est du compte rendu qu'à l'occasion du discours que j'ai tenu à
20 l'assemblée, et dont il y a une transcription qui existe ici, qui dit que
21 la Drina ne doit pas être une frontière entre deux mondes, et c'est tout à
22 fait conforme à ce que M. Izetbegovic disait, à savoir que l'Una n'allait
23 pas être une frontière pour les Croates et que la Drina ne serait pas une
24 frontière pour les Serbes. Et en 1993, dans une émission télévisée, j'ai
25 expliqué que ce serait des frontières comme des frontières qu'on connaît en
26 Europe.
27 Monsieur l'Ambassadeur, vous avez ensuite dit, je me penche sur la partie 3
28 :
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1 "Karadzic aurait dit, Nous voulons la paix ou la guerre serait un
2 désastre."
3 Dans votre témoignage, alors ce troisième se trouve dans votre carnet
4 numéro 4, 06530, page 46. S'agissant de ceci, vous en avez témoigné dans
5 l'affaire Krajisnik le 22 juin 2004, page 4 400, c'est un avenant, et il
6 est dit :
7 "Okun n'a pas cru que nous étions sincères et il a quand même admis
8 que cela serait désastreux tant pour les Musulmans que pour les Croates."
9 Monsieur l'Ambassadeur, êtes-vous d'accord pour dire que les Serbes sont un
10 tiers de la population, alors que la coalition antiserbe constitue les deux
11 tiers, qu'il y avait contre les Serbes tant la Croatie en permanence -- la
12 Croatie avec cinq millions d'habitants, ça fait déjà 1:8, et avec la
13 participation de l'Occident contre les Serbes en Bosnie, ça fait 1 sur N,
14 le nombre est inconnu ? Pourquoi voulez-vous alors que nous souhaitions une
15 guerre ? Pourquoi l'avez-vous dit dans votre témoignage, or cela n'existe
16 pas dans vos carnets ?
17 R. La réponse est simple. Je serai rapide et bref.
18 Il ne faut pas prendre chaque entrée dans le carnet ou chaque déclaration
19 venant de votre bouche de façon isolée. Vous dites la guerre serait un
20 désastre. Mais je sais très bien lorsqu'en octobre 1991, lorsque vous avez
21 quitté la vieille assemblée de Bosnie, vous avez dit s'ils déclarent leur
22 indépendance, cela va emmener les Musulmans vers l'enfer. Donc moi, je
23 prenais vos remarques en prenant en compte le contexte, et non pas en
24 prenant chaque remarque de façon isolée.
25 Donc lorsque vous dites que vous étiez en minorité de façon importante, ce
26 que vous oubliez de dire c'est que vous aviez la Serbie derrière vous, avec
27 dix millions de personnes, et aussi la JNA, l'armée populaire de
28 Yougoslavie, avec pratiquement 500 000 hommes. Donc dire que vous étiez la
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1 partie la plus faible, surtout au début, ça c'est faux, c'est évident,
2 étant donné que vous aviez le soutien entier de la JNA.
3 Q. Bien, nous allons avoir un débat.
4 Monsieur l'Ambassadeur, vous vous souviendrez que la Serbie avait
5 accepté chaque plan et que l'instance de coordination avait été créée suite
6 à suggestion de l'Ouest afin que la Serbie puisse exercer son contrôle à
7 notre égard et influer à notre égard, et les premiers malentendus avec la
8 Serbie sont survenus avec le plan Vance-Owen, que la Serbie a accepté et
9 que nous n'avions pas accepté; est-ce que c'est bien exact ?
10 R. En effet, c'est exact. Après que les Croates ont accepté le plan Vance-
11 Owen ainsi que les Musulmans de Bosnie, il n'a été refusé que par les
12 Serbes de Bosnie. C'était la seule partie en présence qui n'a pas voulu
13 l'accepter. Et les Serbes, dirigés personnellement par le président
14 Milosevic, en ma présence d'ailleurs, ont vraiment essayé, je pense,
15 vraiment essayé d'obliger ou de convaincre le Dr Karadzic et M. Krajisnik
16 d'accepter ce plan Vance-Owen. Mais ils n'ont jamais réussi à les
17 convaincre.
18 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur. Et croyez-moi bien qu'ils étaient tout à
19 fait sincères, et c'est là qu'il y a eu une divergence totale entre nous.
20 Pourquoi y a-t-il cette divergence ? Passons au point 4, où vous y
21 dites, dans la transcription Krajisnik, juin 2004, page 4 172, vous dites
22 que :
23 "…ces opstina serbes de Yougoslavie. Autrement, il y aura une
24 guerre."
25 R. C'est vous qui l'avez dit, Monsieur Karadzic.
26 Q. Pourquoi ceci ne figure pas dans vos carnets de notes, Monsieur
27 l'Ambassadeur ?
28 R. C'est dans mes carnets. On peut vérifier ? Je serais ravi de trouver la
Page 1829
1 référence, enfin, ça pourrait être long. Mais je pense que les parties en
2 présence, enfin, les conseils pour l'Accusation et pour la Défense,
3 devraient vérifier, parce que je suis presque sûr que cela figure dans mes
4 carnets.
5 Q. Je tiens à vous rappeler, Monsieur l'Ambassadeur, quelles sont nos
6 priorités. La priorité c'est de garder une Yougoslavie avec six républiques
7 en son sein. La deuxième priorité c'est de maintenir la Bosnie et les
8 autres qui veulent. La troisième priorité, proposée par Izetbegovic, à
9 savoir que ne quittent la Yougoslavie que les parties musulmanes de la
10 Bosnie. Ce sera facile à démontrer cela et à prouver, parce que c'est dans
11 les sources musulmanes que ça se trouve. Et dans ce cas-là, d'après
12 l'exemple de la Virginie occidentale, il fallait faire en sorte que les
13 municipalités serbes restent en Yougoslavie. La quatrième priorité c'était
14 de faire en sorte que ces municipalités quittent aussi la Yougoslavie, mais
15 obtiennent une unité distincte.
16 Donc je crois que tout est fait sur le modèle des phrases inachevées.
17 Or, tout cela, on ne le retrouve dans vos carnets.
18 R. Je comprends bien ce que vous me dites, et il est vrai qu'en partie
19 vous avez raison. Vos priorités, enfin, votre première option, la
20 préférable pour vous, c'était qu'il n'y ait pas de modification à la
21 structure administrative yougoslave. Mais malheureusement, les choses
22 évoluaient. La Croatie avait déclaré son indépendance et l'avait obtenue.
23 La Slovénie avait aussi demandé son indépendance et l'avait obtenue,
24 indépendance pleine et entière. Donc lorsque vous me parlez de la Virginie
25 occidentale, on en a déjà parlé d'ailleurs, là, les choses sont un peu
26 différentes. Vous dites que la Virginie occidentale a fait sécession de la
27 Virginie pendant que la guerre de sécession était en cours, parce qu'il
28 n'était pas un territoire où il y avait des esclaves, ce qui est vrai. Mais
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1 la différence entre l'affaire de la Virginie occidentale et ce qui nous
2 occupe ici c'est que c'est vous qui avez commencé la guerre en Bosnie avec
3 cette autoproclamation, selon laquelle, soit vous resteriez au sein de la
4 Yougoslavie, soit vous établiriez votre propre Republika Srpska. Alors, en
5 Virginie occidentale, le problème a résulté de la guerre, alors que vous,
6 c'est votre propre déclaration qui a déclenché la guerre. J'imagine que
7 vous n'allez pas être d'accord.
8 Q. Oui, Monsieur l'Ambassadeur. Nous allons vous montrer des preuves que
9 vos collègues de l'Ouest, Warren Christopher, et même le président Clinton,
10 James Bissett, Henry Kissinger, ont dit le contraire, à savoir la sécession
11 unilatérale. Et même l'acte d'accusation dans l'affaire Milosevic dit la
12 Slovénie a déclaré son indépendance et ça occasionné la guerre. Et après,
13 ça a été modifié, mais même le bureau du Procureur avait admis que la
14 déclaration d'indépendance unilatérale a donné lieu à la guerre. Moi, je le
15 dis dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. Cette proclamation unilatérale
16 et anticonstitutionnelle de l'indépendance a donné lieu à la guerre. Et ce
17 n'est pas nous, parce que nous n'avions pas besoin du tout de faire la
18 guerre. Nous n'avons réclamé leurs territoires. On avait assez de nos
19 territoires, et nous avions une autorité efficace en temps de paix sur ces
20 mêmes territoires. Mais allons de l'avant. Nous allons prouver la chose
21 très facilement ici, cette chose-là.
22 Ce que je veux dire c'est qu'il y a d'énormes divergences au niveau des
23 carnets, que j'accepte, et il y a vos témoignages qui divergent a
24 posteriori, donc dix ans plus tard, qui divergent de ce que vous avez
25 annoté. Il y a bon nombre d'exemples.
26 Par exemple, au paragraphe 13 de la page 2, vous avez témoigné pour dire
27 que Milosevic -- que le président grec, et Milosevic était en bons termes,
28 non pas avec le président, mais avec le premier ministre -- à savoir que
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1 Milosevic accepterait 45 % de la terre de la Bosnie-Herzégovine à
2 l'attention des Serbes de Bosnie :
3 "Mais il est difficile d'accepter le segment accordé aux Serbes de Bosnie
4 pour le plan Vance-Owen, parce que ce n'est pas ethniquement pur. Donc les
5 négociateurs ont un problème, parce qu'ils ne peuvent pas appuyer un
6 nettoyage ethnique par les soins de Milosevic qui dit qu'il accepterait 45
7 % si cela venait à être ethniquement pur. La direction de la Republika
8 Srpska était même plus dure et stricte à cet effet."
9 Donc dans les journaux ça n'existe pas, Monsieur l'Ambassadeur. Nous, nous
10 ne voulions pas avoir une pureté ethnique, parce qu'on nous avait attribué
11 à peine dix à 15 % de toutes les ressources naturelles qui étaient
12 communes. Est-ce que c'est bien de cela qu'il s'agissait ou pas ?
13 R. Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Karadzic. Dans mes carnets, vous
14 trouverez un grand nombre de remarques, surtout venant de votre collègue,
15 Alexsi Buha, qui agissait en tant que ministre des Affaires étrangères de
16 ce qui était appelé la Republika Srpska. Il y a de nombreuses remarques
17 faites par ce Buha qui sont consignées dans mes carnets selon lesquelles le
18 plan Vance-Owen n'était pas juste envers les Serbes de Bosnie pour
19 plusieurs raisons, entre autres, parce qu'ils ne s'étaient pas tous
20 rassemblés. Une accusation bien précise était que 50 % des Serbes de Bosnie
21 ne vivaient pas dans les provinces où les Serbes de Bosnie étaient en
22 majorité. En fait, c'était 40 %. Mais il avait raison, puisque le but même
23 du plan de paix Vance-Owen était de remédier au nettoyage ethnique, d'y
24 mettre une fin et de mélanger à nouveau tous les groupes ethniques pour
25 qu'ils cohabitent à nouveau de façon pacifique en Bosnie-Herzégovine, comme
26 ils l'avaient fait avant la guerre.
27 Donc vous avez fait un travail d'exception en étudiant de si près mes
28 carnets, je vois cela, mais je trouve que votre équipe de la Défense et
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1 vous-même avez été extrêmement sélectifs dans vos choix, et de ce fait,
2 tout ceci est assez trompeur.
3 Q. Bien, Monsieur l'Ambassadeur, voilà ce que vous avez rédigé au sujet de
4 Mitsotakis, c'est votre carnet numéro 2, 0635. Page 53 :
5 "Mitsotakis : Nous devrons résoudre les divergences entre Serbes et
6 Croates. Ils sont disposés à parler, à négocier. Aujourd'hui, la partie
7 musulmane constitue le problème."
8 Et c'est ce que vous avez rédigé à propos de M. Mitsotakis. Dans votre
9 témoignage, par contre, vous dites que les observations de la part des
10 Serbes c'était d'affirmer que les territoires qu'on leur avait attribués
11 n'étaient ethniquement purs, mais c'étaient des territoires très pauvres,
12 il n'y avait ni industrie ni ressources minières, ni infrastructures. Nous
13 avons toute une étude qui montre les raisons pour lesquelles le plan Vance-
14 Owen a été inacceptable. Je vais montrer cette étude, je vais la présenter
15 aux Juges de la Chambre. C'était une étude qui a été établie à l'époque et
16 qui vous a été montrée, qui vous montre combien d'appartements ou de
17 maisons sont revenus aux Serbes, combien de ressources minières, et au
18 niveau des territoires qui, depuis toujours, ont été des territoires
19 serbes.
20 Or, est-ce que cela constitue une divergence considérable entre ce qui est
21 consigné dans votre carnet de notes et vos témoignages ?
22 R. Absolument pas, Monsieur Karadzic. Je l'ai d'ailleurs fait remarquer.
23 Je viens juste de relever les propos de Buha, et Buha me le disait souvent.
24 Très souvent, il me disait avec son langage très coloré, La seule chose que
25 vous nous avez donnée c'est les serpents et les pierres.
26 Donc je tiens à dire que le première ministre, M. Mitsotakis, le ministre
27 de Grèce, a toujours soutenu la position des Serbes pendant toute la
28 guerre, la position des Serbes et la position des Serbes de Bosnie. C'est
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1 d'ailleurs lui qui avait organisé la conférence d'Athènes où vous avez
2 signé, sous pression d'ailleurs, le plan Vance-Owen le 2 mai 1993. Et comme
3 vous le savez et comme je le sais aussi, il s'est rendu à l'assemblée des
4 Serbes de Bosnie avec le président Milosevic quelques semaines plus tard,
5 en mai, pour essayer de vous convaincre de signer à nouveau et d'accepter
6 le plan Vance-Owen, mais vous l'avez rejeté, vous n'avez pas été convaincu
7 et vous n'avez pas non plus écouté le président Milosevic, donc la guerre
8 s'est poursuivie pendant encore deux ans, jusqu'à ce que les Croates y
9 mettent fin.
10 Q. Merci. Mais je ne sais pas si vous avez bien compris, M. Buha, dans
11 quelle langue il vous l'aurait dit ?
12 R. Il nous parlait soit en anglais, soit en serbo-croate.
13 Q. Je crains fort que son anglais ne soit très, très mauvais de nos jours
14 encore, il était pire encore à l'époque. Mais quand on parle de "rochers et
15 de serpents," ce n'était pas une question de population, c'était une
16 question ou un aspect qui était lié, une image liée à la pauvreté. Or, les
17 ressources naturelles et l'infrastructure, par ce plan, étaient mineures
18 pour ce qui est de ce que le plan nous laissait.
19 Alors, nous allons voir vos notes prises à Athènes. Sur l'écran, on nous le
20 montre. C'est vos carnets de notes du temps de la réunion à Athènes. Est-ce
21 que vous pouvez retrouvez quelque part, Monsieur l'Ambassadeur : "Ce que
22 les Serbes seraient disposés à accepter, à moins de 50 %, Milosevic
23 aiderait."
24 Donc ici, il est question des Serbes de Bosnie, qui accepteraient
25 moins de 50 %, alors que nous avions toujours compté
26 30 % aux Musulmans, 17 % aux Croates, et 53 % à l'intention des Serbes.
27 Alors, ces notes que vous avez consignées dans votre carnet, est-ce que ça
28 peut générer le type de témoignage que vous avez fait ?
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1 R. Ce n'est pas contesté entre nous, et d'ailleurs je n'ai jamais
2 dit que vous vouliez détenir tous les territoires occupés par votre armée.
3 J'ai dit - et c'est vrai d'ailleurs - que la VRS occupait à peu près 70 %
4 du territoire. Cela dit, il a toujours été parfaitement clair qu'il
5 faudrait faire des petits réglages.
6 Dans le plan Vance-Owen, vous vous êtes retrouvé avec 43 % du
7 territoire, donc 43 % dans des provinces à majorité serbe. Ce qui vous
8 aurait obligé à retirer vos forces d'environ 40 % des territoire occupés à
9 l'époque. Vance et Owen trouvaient que c'était équitable. Ils étaient
10 extrêmement critiqués par plusieurs personnes en Occident, surtout aux
11 Etats-Unis, parce que, et je cite : "Ceci aurait légitimé le nettoyage
12 ethnique et l'agression serbe." Moi, je n'étais pas du tout d'accord avec
13 ça, parce qu'ils considéraient qu'en réduisant l'occupation des territoires
14 de 70 % à 43 %, ils donnaient beaucoup. Mais ils étaient quand même
15 agressés pour vouloir tenir ces propos. Cela dit, les Serbes de Bosnie ne
16 sont pas la seule partie prenante qui ait rejeté ce plan Vance-Owen. Le
17 gouvernement américain aussi l'a rejeté.
18 Le fait que vous étiez prêt à accepter un territoire moins important que
19 celui occupé par votre armée n'a jamais été un point contesté, étant donné
20 que votre armée avait réussi à capturer les trois-quarts du pays.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez en terminer
22 de votre contre-interrogatoire dans les dix minutes qui viennent.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Conviendrez-vous, Monsieur l'Ambassadeur, que dans le cadre de la
25 conférence Cutileiro, avant la guerre et sans guerre, nous avions accepté
26 moins encore que ce que nous obtenons, d'après ce que vous venez de dire, à
27 savoir 45 %, et ce, sans contiguïté territoriale, au moment où il était
28 estimé que la Bosnie ne plongerait pas dans la guerre ? C'était encore
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1 moins que ce que nous avons maintenant. Est-ce que vous êtes d'accord ?
2 R. Oui, c'est exact. Nous avons vu cela sur le projet de plan Darwin. Je
3 suis d'accord. Cela figurait bien sur ce projet de carte.
4 Q. Je vous remercie. Je manque de temps, donc j'aimerais me contenter pour
5 le moment d'appeler votre attention sur la partie 4 de ces documents. Nous
6 ne pouvons pas passer en revue l'intégralité de ceci, mais on trouve
7 vraiment des différences significatives entre vos carnets et le reste, vos
8 carnets que j'apprécie hautement.
9 Paragraphe 2, je cite :
10 "Karadzic déclare que Trnopolje était un camp ouvert où les gens avaient la
11 liberté d'aller et de venir, mais ceci n'est pas vrai. Interrogé au sujet
12 de l'affaire graduée des camps, Karadzic s'est concentré sur le fait que
13 des Serbes étaient détenus par d'autres, ce qui est vrai, mais ils étaient
14 détenus en nombre beaucoup moins important."
15 Donc voyons maintenant le compte rendu d'audience de votre déposition dans
16 l'affaire Krajisnik la même année, pages 4 200 et
17 4 201 du compte rendu.
18 Monsieur l'Ambassadeur, il n'y a aucune référence à cela dans vos
19 journaux personnels. Trnopolje était toujours un camp ouvert, et il y avait
20 plus de Serbes dans les prisons, à l'exception des prisonniers de guerre
21 qui étaient libérés très rapidement. Je crains que quelque chose ne se soit
22 passé entre le moment où vous avez consigné vos notes dans vos carnets et
23 le moment où vous avez témoigné. Que diriez-vous par rapport à tout cela ?
24 R. Je dirais que ceci n'est pas vrai, Docteur Karadzic, si nous laissons
25 de côté le fait que, bien entendu, qu'avec le passage du temps nous
26 apprenons tous quelque chose.
27 Je vous renvoie au discours de Cornelius Sommaruga en 1992 à la
28 conférence de Londres, dans lequel il énumère les centres de détention, les
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1 mauvais centres de détention, ceux où les gens étaient horriblement
2 maltraités, et ces centres de détention étaient tous tenus par des Bosno-
3 Serbes. Lui aussi - et ceci figure au compte rendu - a utilisé le nombre de
4 plusieurs centaines de milliers. Il a aussi cité en exemple - je n'en ai
5 pas encore parlé, mais ceci figure dans l'allocution de M. Sommaruga - à
6 Sanski Most, les Serbes de Bosnie -- il ne le dit pas aussi précisément que
7 cela. Mais Sanski Most avait été pris par les Serbes de Bosnie, donc il est
8 clair qu'il parle des Serbes de Bosnie. A Sanski Most, des civils ont été
9 conduits sur le champ de bataille entre les lignes. Je trouve que dans ces
10 conditions, Docteur Karadzic, il est très difficile d'être d'accord avec
11 vous, même s'il est flatteur que vous ayez accordé tant d'attention à mes
12 journaux personnels.
13 Q. C'est une occasion unique, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir une personne
14 comme vous ici.
15 Ce que je tiens à dire, c'est que vous venez de confirmer que
16 certains éléments sont fondés sur des informations que vous avez obtenues
17 ultérieurement aux faits. Je crains que M. Sommaruga ait également été mal
18 informé, ou plutôt, incomplètement et incorrectement informé.
19 J'aimerais appeler votre attention sur la page 2, paragraphe 3 de ce
20 document, où nous lisons, je cite :
21 "Karadzic : veut un règlement politique de notre situation. Nous
22 devons parvenir à une solution. Ne pouvons abandonner la souveraineté et
23 l'égalité de notre peuple ou de notre terre. Fermerons bientôt les derniers
24 camps de prisonniers de guerre. Remettre les criminels de guerre entre les
25 mains du CICR. Pas d'offensive venant de nous. Unilatéral déjà déclaré."
26 L'INTERPRÈTE : Il y a mot illisible.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. "Prêt à discuter jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée, mais nous
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1 pouvons accepter : 1, Un Etat intégré; petit 2, à l'état centralisé; petit
2 3, la perte du statut national "de notre terre."
3 Monsieur l'Ambassadeur, ceci est écrit dans votre carnet de notes. Je peux
4 le confirmer également dans le volume numéro 6, carnet numéro 6, numéro de
5 référence 06539, page 9. Donc vous mettez fidèlement par écrit quelle était
6 ma position, pas d'Etat intégré, pas d'Etat centralisé, nous ne pouvons
7 perdre notre statut de nation, et devenir une minorité nationale.
8 Toutefois, votre déposition, elle, est différente de ceci. C'est la
9 raison pour laquelle je crains que quelqu'un vous ait mal informé
10 ultérieurement. Au fait, lorsque vous étiez en situation de voir les choses
11 par vous-même, sur place, je n'ai pas d'objection à ce que vous le disiez.
12 R. Je ne suis pas sûr de savoir quelle est la question que vous me posez,
13 Docteur Karadzic, mais je vais répondre selon la compréhension que j'ai de
14 cette question.
15 J'ai noté correctement, et je suis heureux de vous entendre en
16 convenir, votre déclaration -- enfin, votre avis sur la situation. J'ai
17 aussi déclaré qu'à la Chambre, un peu plus tôt - et vous y avez fait
18 référence, donc il n'y a pas de désaccord sur ce point - que c'est bien ce
19 que j'ai fait. Vous ne vouliez pas d'Etat intégré, vous ne vouliez pas
20 d'Etat centralisé. Vous refusiez de vivre dans ce genre de pays. C'est la
21 raison pour laquelle vous avez entamé une guerre pour empêcher que ceci ne
22 se produise.
23 Alors, sur la question de la mauvaise information éventuelle ou de
24 l'information partielle, en tout cas, du président Sommaruga au sujet de la
25 situation, personne ne va trouver cela facile à croire. Il disposait de
26 tous les moyens du Comité international de la Croix-Rouge sur place, il
27 avait des effectifs humains à sa disposition. Vous avez cité à plusieurs
28 reprises les commentaires faits à notre intention par Thierry Germond, et
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1 cetera, et cetera, qui a comparu devant le Tribunal. Donc je ne crois pas
2 que le CICR pouvait être mal informé. Le CICR est chargé, très précisément,
3 de faire respecter les conventions de Genève dans le cadre des visites
4 qu'il fait auprès des prisonniers, qu'il s'agisse de civils pris dans des
5 conflits ou de militaires. Au jour d'aujourd'hui, les visites du CICR au
6 centre de détention américain de Guantanamo Bay sont importantes, car c'est
7 la seule organisation qui a été autorisée à s'y rendre.
8 Donc j'ai la plus grande difficulté à croire que vous disiez qu'il
9 ait pu être mal informé ou partiellement informé. Je pense que vous dites
10 cela parce qu'il était très bien informé, et disait des choses qui étaient
11 très désagréables pour les Serbes de Bosnie, en tout cas, qui leur était
12 difficile d'entendre, s'agissant des crimes de guerre.
13 Je ne suis pas d'accord sur le fait que ma déposition, aujourd'hui ou
14 dans l'affaire Krajisnik, se soit écartée des commentaires provenant de
15 moi, à l'époque des faits et des notes que vous-même et d'autres ont lu. Je
16 répète, il est flatteur pour moi de recevoir des compliments sur mes notes.
17 Personne n'a jamais contesté le contenu de mes journaux personnels, pas
18 même Milosevic, pas même Krajisnik; ils correspondent à la réalité.
19 Mais c'est également vrai, comme nous l'avons souligné, que je ne
20 suis pas sténotypiste. Chaque mot qui a été prononcé n'est pas consigné par
21 écrit dans mes carnets. On y trouve le sens fondamental de ce qui s'est dit
22 pendant les réunions évoquées. Et comme nous l'avons déjà dit, il
23 m'arrivait souvent de ne pas mettre par écrit ce que j'avais dit, parce que
24 je savais ce que j'avais dit, et que cela ne m'intéressait pas de l'écrire
25 dans mes journaux personnels, car cela eût été un exercice assez
26 égocentrique. Donc je ne fais jamais cela. Par exemple, si vous ne trouvez
27 pas dans mes journaux personnels un commentaire que je vous aurais adressé
28 avant la guerre quant au fait que vous risquez de commettre un génocide,
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1 bien, je ne l'ai pas mis par écrit parce que je sais que je l'ai dit. Je ne
2 le croyais pas à l'époque, mais je sais que je l'ai dit aujourd'hui, et
3 c'est la raison pour laquelle, Docteur Karadzic, je l'ai rappelé, en raison
4 de l'accent que vous mettiez sans cesse sur le génocide subi par les Serbes
5 pendant la Seconde Guerre mondiale qui est répété à plusieurs reprises dans
6 mes journaux personnels, y compris dans une entrée particulière où je note
7 que j'ai été un peu surpris, parce que trois minutes se sont écoulées avant
8 que vous n'ayez évoqué le génocide subi par les Serbes de Bosnie au cours
9 de la Seconde Guerre mondiale. Je ne discute pas à ce sujet. Un génocide a
10 effectivement été commis contre les Serbes de Bosnie.
11 D'ailleurs, lorsqu'un jour j'ai parlé de cela avec le général Mladic,
12 c'était exactement le même sujet que celui que vous aviez évoqué au sujet
13 des Serbes, et il m'a dit que les zones principales où les Serbes de Bosnie
14 avaient subi un génocide au cours de la Seconde Guerre mondiale étaient
15 Sarajevo, la Krajina serbe et Srebrenica. Il est intéressant de voir qu'il
16 a évoqué Srebrenica, compte tenu de ce qui s'y est passé plus tard.
17 Donc le Dr Karadzic est psychiatre, je ne le suis pas. Il serait
18 intéressant de savoir ce qu'il avait à l'esprit en juillet 1995.
19 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
20 Je pense que ce que nous venons de voir est une démonstration de ce
21 que les Américains appellent de l'obstruction par longues interventions. Je
22 me demande si l'on ne pourrait pas accorder au Dr Karadzic cinq minutes
23 supplémentaires.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je répondais aux questions, mais je veux bien
25 continuer.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
27 M. TIEGER : [interprétation] J'ai été patient, s'agissant du temps dont je
28 pourrais disposer pour mes questions supplémentaires. Je n'ai rien contre
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1 ces cinq minutes supplémentaires. Je ne pense pas que l'on puisse parler
2 d'obstruction par longs discours. Je pense que le témoin s'efforce de
3 répondre aux questions qui lui sont posées aux problèmes évoqués. Mais je
4 ne souhaite pas disposer de temps du tout pour les questions
5 supplémentaires. Il n'y a que quelques questions qui ont besoin d'être
6 évoquées.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends donc que c'est votre
8 dernière question. Combien de questions avez-vous encore, Monsieur Karadzic
9 ?
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Excellence, s'agissant de ce témoin qui a
11 une expérience aussi importante, on pourrait lui poser beaucoup plus de
12 questions encore. Toutefois, je réduirai à deux ou trois questions, et j'en
13 aurai terminé.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur l'Ambassadeur, conviendrez-vous que ce que vous écrivez au
16 moment des faits est plus authentique que ce que vous pouvez penser dix, 15
17 ou 20 ans plus tard ? Répondez par oui ou par
18 non. Nous pouvons régler ces questions rapidement.
19 R. Non.
20 Q. Vous pensez que notre mémoire est plus précise et plus fraîche des
21 années après les faits qu'elle ne l'est au moment des faits; oui ou non ?
22 R. Non. J'ai un motif à évoquer, mais si je ne suis pas autorisé à parler
23 de ce motif, bien, je répondrai simplement par la négative. Mais je peux
24 vous dire pourquoi. Ça dépend de vous.
25 Q. Donc vous pensez que nos souvenirs ne sont pas plus frais, plus vifs,
26 au moment des faits, que 20 ans plus tard ?
27 R. J'ai continué à m'occuper activement de l'ex-Yougoslavie après avoir
28 effectué ma mission en Bosnie - je l'ai déjà dit - je l'ai fait jusqu'en
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1 1997. Donc je sais très bien ce qui s'est passé dans toute cette période.
2 J'ai continué à m'inquiéter des affaires yougoslaves après 1997. J'ai
3 commencé mon témoignage ici, devant ce Tribunal, en 2001, dans l'affaire
4 Milosevic. Donc - et je le dis sans aucun plaisir particulier - j'ai été
5 étroitement associé à l'ex-Yougoslavie, et ce, de façon continuelle, depuis
6 1991. C'est la raison pour laquelle je dis, sans vouloir faire obstruction
7 par de longs discours, que mes souvenirs sont très bons, parce qu'il ne
8 s'agit pas simplement de souvenirs. Je me suis occupé de ces questions
9 pendant de très nombreuses années.
10 Q. Bien, Monsieur l'Ambassadeur, dans ces conditions, puis-je en déduire
11 que ce qui s'est passé, c'est qu'une évolution considérable s'est produite
12 dans vos positions et dans ce que vous saviez de la situation ? Dans quelle
13 mesure est-ce que votre comparution, ici, devant ce Tribunal, ainsi que
14 votre coopération avec le bureau du Procureur ont influé sur l'évolution
15 qui a eu lieu depuis le moment où vous avez consigné par écrit ces notes,
16 autrement dit depuis le moment de votre présence sur place ?
17 R. Je n'ai pas du tout été influencé par le bureau du Procureur. Ma
18 comparution devant ce Tribunal vise à dire la vérité et toute la vérité, et
19 c'est ce que je me suis efforcé de faire.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci pour tout, Monsieur l'Ambassadeur, et en
21 particulier, pour vos journaux personnels.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Docteur Karadzic.
23 Et il me faut dire à ce stade que le Dr Karadzic a déclaré qu'il
24 aurait eu éventuellement de très nombreuses questions encore à me poser,
25 que si je devais comparaître une nouvelle fois je serais tout à fait prêt à
26 le faire.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est très aimable à vous, Monsieur
28 l'Ambassadeur.
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1 Monsieur Tieger, à vous.
2 M. TIEGER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
3 Nouvel interrogatoire par M. Tieger :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Commençons par
5 quelques questions rapides. D'abord, l'affirmation de l'accusé qu'il a
6 faite il y a quelques instants selon laquelle votre déposition dans
7 l'affaire Krajisnik s'agissant de ce qui est consigné dans vos carnets de
8 notes ne correspondait pas à ce qui était écrit précisément, j'aimerais
9 donc revenir sur les documents Mitsotakis cités en référence. Il s'agit de
10 la déposition dans l'affaire Krajisnik, qui commence en page 4 233 du
11 compte rendu d'audience, et de ce que l'on peut lire dans la pièce 44, qui
12 est donc une entrée du carnet de notes datant du 23 novembre 1992. On la
13 trouve dans la pièce P787 du prétoire électronique, page 68.
14 Le Dr Karadzic a souligné que vous aviez dit dans votre déposition, lors de
15 l'audience où il a été question de Mitsotakis que Milosevic avait déclaré
16 qu'il accepterait 45 % du territoire si celui-ci était ethniquement
17 nettoyé, et selon le Dr Karadzic rien de tel ne figure dans vos carnets de
18 notes.
19 Alors, examinons la référence qui se trouve en haut de la page affichée à
20 l'écran, celle qui précède immédiatement la rencontre commençant à 4 heures
21 35. Est-ce que vous avez trouvé cette référence, Monsieur l'Ambassadeur ?
22 R. Oui.
23 Q. D'accord. Pouvez-vous indiquer aux Juges si la référence de votre
24 témoignage dans l'affaire Krajisnik correspond bien à ce qui est noté dans
25 votre carnet de notes ?
26 R. Oui. En effet c'est le cas. Je vais vous lire le passage. Donc c'est le
27 premier ministre Mitsotakis qui s'exprime devant nous le 23 novembre 1992,
28 et je cite, j'ai écrit: "le problème n'est pas un pourcentage de
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1 territoire. Milosevic pourrait accepter 45 %. Il me l'a dit." Ce qui est
2 difficile à admettre, c'est le propos de Milosevic, autrement dit le propos
3 des Serbes de Bosnie, selon lequel "le segment de Milosevic n'est pas
4 ethniquement pur, mais nous ne pouvons admettre le nettoyage ethnique
5 quelles que soient les circonstances."
6 Donc c'est Milosevic qui s'adressait à moi et à M. Vance. Voilà ce qu'il a
7 dit, et voilà ce qui est consigné par écrit dans mes carnets.
8 Q. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. L'accusé a également appelé
9 votre attention, ainsi que celle des Juges de la Chambre, sur votre
10 déposition dans l'affaire Krajisnik dans laquelle vous avez déclaré, je
11 cite : "Liez les opstina serbes à la Yougoslavie, autrement la guerre en
12 résultera."
13 Et il vous a demandé pourquoi ceci n'était pas dans votre carnet de notes,
14 Monsieur l'Ambassadeur. Vous avez dit que vous pensiez que cela y figurait.
15 M. TIEGER : [interprétation] Pouvons-nous passer à la pièce P777 du
16 prétoire électronique, page 23.
17 R. Quelle est la date ?
18 Q. Le 2 décembre 1991.
19 R. 1992, je pense.
20 Q. Je crois que c'est 1991, Monsieur l'Ambassadeur.
21 R. Septembre 1991 je n'étais pas en Yougoslavie.
22 Q. Excusez-moi, décembre. Décembre.
23 R. Décembre. Excusez-moi. Toutes mes excuses aux Juges de la Chambre. Ces
24 carnets de notes sont assez encombrants.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Prenez votre temps, Monsieur
26 l'Ambassadeur.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai trouvé la page, Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Très bien.
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1 Q. Donc je pense que vous êtes à la page 49, et je vous demande si oui ou
2 non cette référence à la nécessité "d'établir un lien entre les opstina
3 serbes et la Yougoslavie, sinon, il y aura la guerre" se trouve bien dans
4 vos carnets de notes.
5 R. Vous venez de lire cette citation. Je cite : "Créez un lien entre les
6 obstinas serbes et la Yougoslavie, sinon il en résultera une guerre."
7 Q. Oui. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur. Alors hier, il y a
8 également eu une échange entre vous et l'accusé dans lequel il vous a
9 demandé si l'une quelconque des personnes ayant participé aux négociations
10 aurait déclaré qu'il était un menteur. Il a affirmé que personne n'avait
11 dit cela, et il y a eu également une proposition venant de l'accusé selon
12 laquelle votre position était différente de celle de vos collègues, ou de
13 ceux qui dirigeaient cette entreprise et vous aidaient.
14 C'était une citation. Et cette dernière remarque que je viens de faire a
15 été faite en rapport avec un extrait tiré du livre de Lord Owen. Donc
16 j'aimerais que nous nous penchions sur ce livre et que nous lisions des
17 extraits qui n'ont pas été portés à votre attention. Nous le ferons très
18 rapidement.
19 D'abord le document 65 ter numéro 006285, page 186 dans le prétoire
20 électronique. C'est la partie gauche de l'écran qui nous intéresse, le
21 paragraphe qui commence par : "Ever since I had clashed" donc : "Depuis le
22 moment où je me suis heurté à Karadzic à Banja Luka au sujet du nettoyage
23 ethnique en septembre 1992."
24 Le passage se poursuit : "Les excuses de M. Karadzic sont mises en exergue
25 pour le nettoyage ethnique, et le fait qu'il n'ait élevé aucune objection
26 en vue de faire protéger les droits humains dans le cadre des
27 négociations."
28 Puis j'appelle votre attention sur la dernière phrase du paragraphe. Je
Page 1845
1 cite :
2 "Tout ceci cependant était une façade destinée à couvrir un engagement très
3 profond vis-à-vis des Serbes qu'ils n'auraient pas à vivre aux côtés des
4 Musulmans, et un engagement à procéder au programme de nettoyage ethnique
5 dans le plus grand déshonneur, d'une ampleur encore plus importante que son
6 incapacité constate à respecter ou même à connaître la vérité."
7 Puis un autre passage, Monsieur l'Ambassadeur, si vous voulez bien, car le
8 temps nous presse. Page 120 dans le prétoire électronique. Cela commence en
9 haut de la page par les mots, je
10 cite :
11 "Le talent particulier de Karadzic, et c'est un talent considérable,
12 consiste à désamorcer et à se défaire de toute question hostile par une
13 expression innocente du visage et une apparence de préoccupation dans la
14 voix."
15 Puis il est question du pilonnage de Sarajevo et d'une réponse selon
16 laquelle ce sont les Musulmans qui sont responsables de ces pilonnages, les
17 Serbes ne faisant que défendre leurs maisons.
18 Ce paragraphe se termine sur une référence au fait que le
19 Dr Karadzic affirme que les Serbes ne sauraient vivre aux côtés des
20 Musulmans et des Croates et qu'il ne faut pas les mettre dans le même sac,
21 comme on le ferait avec des chats et des chiens.
22 Finalement, on arrive au commentaire suivant :
23 "Peut-être parce que nous sommes tous les deux médecins de formation, je
24 trouve difficile à croire qu'il aurait pu pratiquer le nettoyage ethnique
25 et épouser une philosophie aussi odieuse totalement contraire au serment
26 d'Hippocrate. J'ai espéré au début qu'il y avait plus de respect pour la
27 vie humaine et la dignité humaine au fond de cet homme, mais je me suis
28 bercé d'illusion."
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1 Monsieur l'Ambassadeur, très rapidement, est-ce que Lord Owen était l'une
2 de ces personnes, en dehors de Lord Carrington dont vous avez parlé hier,
3 est-ce que c'était l'une des personnes qui a participé aux négociations et
4 qui vous a dit que le Dr Karadzic ne disait pas la vérité ?
5 R. Oui. Il a été profondément déçu, comme il le dit, par la fausseté du Dr
6 Karadzic.
7 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me rends
8 compte que nous n'avons plus de temps, j'ai déjà dépassé l'heure, donc j'en
9 termine.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.
11 Monsieur l'Ambassadeur Okun, ceci met un terme à votre déposition. Je vous
12 remercie du fond du cœur d'être venu au Tribunal une nouvelle fois pour
13 partager avec nous votre expérience du travail que vous avez accompli en
14 Bosnie. La présente Chambre - et je crois pouvoir dire le Tribunal dans son
15 ensemble - apprécie grandement les efforts déployés par vous pour venir ici
16 à de si nombreuses reprises nous apporter votre aide grâce au travail
17 accompli par vous.
18 J'espère qu'à présent que votre déposition est terminée, vous pourrez vous
19 détendre et prendre plaisir à vos activités à venir. Je vous remercie.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
21 remercie l'ensemble des Juges et le Tribunal, et j'apprécie la courtoisie
22 qui m'a été manifestée par le Tribunal, les accusés et les membres de
23 l'Accusation.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
25 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous pourrons nous
26 occuper des questions d'intendance plus tard, mais je demanderais le
27 versement au dossier de ces extraits.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur, vous êtes
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1 dorénavant libre de quitter la salle d'audience.
2 La partie de "l'Odyssée des Balkans" a déjà été versée au dossier en
3 tant que pièce P799, donc je me demandais ce qu'il convenait de faire
4 dorénavant. La partie supplémentaire sera-t-elle ajoutée à la partie déjà
5 versée ? Nous nous occuperons de cela à la reprise des débats mercredi,
6 mercredi après-midi. Je souhaite un bon repos à chacun d'entre vous jusque-
7 là. Je suspends l'audience.
8 [Le témoin se retire]
9 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 5
10 mai 2010, à 14 heures 15.
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