Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 26 mai 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour, Colonel Doyle.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois que vous êtes revenu, Monsieur

  9   Robinson, j'en suis ravi.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est à vous,

 12   continuez.

 13   LE TÉMOIN : COLM DOYLE [Reprise]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes

 16   les personnes présentes dans le prétoire.

 17   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Colonel.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Nous avons à peine entamé le contre-interrogatoire, donc je pensais

 21   continuer pour le moment avec les points d'accord que nous avons trouvés au

 22   sujet de l'entretien qui a été le nôtre. Donc vous avez confirmé n'avoir

 23   pas su que les Serbes ne s'étaient pas opposés à ce référendum organisé par

 24   les Musulmans concernant l'indépendance. Et maintenant, est-ce que vous

 25   confirmez également que la position serbe était de dire que nous, nous

 26   avions notre référendum. Les deux autres communautés, elles aussi, devaient

 27   disposer du leur afin que la volonté des peuples respectifs soit connue, à

 28   défaut de cela on aurait dû passer par une procédure d'amendement de la

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  1   constitution dans l'assemblée. Est-ce que vous le saviez ?

  2   R.  Oui, tout à fait. Je sais très bien que les Serbes de Bosnie avaient

  3   organisé leur propre référendum et qu'en revanche les Croates et les

  4   Musulmans ont voulu que le référendum se fasse par le biais d'un débat

  5   parlementaire, je le savais.

  6   Q.  Oui, mais voilà où je veux en venir : est-ce que vous saviez que les

  7   Serbes n'avaient rien contre ces référendums, qu'ils ne les ont pas

  8   entravés et qu'ils les ont même rendus possibles dans des territoires où

  9   ils étaient majoritaires et où ils exerçaient un contrôle total ?

 10   R.  Désolé, vous dites que les Serbes de Bosnie n'avaient rien contre leur

 11   propre référendum ou le référendum des autres nations ? Pouvez-vous

 12   éclaircir ce point, s'il vous plaît.

 13   Q.  Ma position est la suivante : nous allons voir que vous aussi, vous

 14   avez été présent à cette réunion. Nous avons proposé qu'il y ait une

 15   démarche régionale, que l'on conduise ce référendum. Nulle part, il n'y a

 16   eu le moindre incident, nous n'avons entravé ce référendum nulle part. Je

 17   parle du référendum qui s'est tenu fin février.

 18   R.  Oui, je suis d'accord avec vous sur ce point.

 19   Q.  Merci. Alors, il y a un élément qui me gêne un peu dans votre rapport.

 20   Vous indiquez très clairement quelles étaient les causes des manifestations

 21   à Sarajevo -- ou plutôt, les causes ayant conduit à ces barricades dans les

 22   rues. Cependant, au cours de l'interrogatoire principal, vous vous êtes

 23   appuyé sur les résultats du référendum et vous avez indiqué que c'était là

 24   la cause de ces barricades, alors que dans votre déclaration, vous dites

 25   que la cause c'était les morts de cette procession lors du mariage.

 26   Donc notre position était que le référendum et ses résultats ont

 27   contribué à cela, mais sans tenir compte des barricades ni du comportement

 28   de ces criminels qui ont attaqué les participants à ce mariage serbe.

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  1   Alors, est-ce que vous conviendrez avec ce qui figure dans votre

  2   rapport, à savoir que la raison de ces barricades c'était les morts

  3   survenues pendant ce mariage ?

  4   R.  Dans mon rapport, la conclusion à laquelle j'étais arrivé en ce qui

  5   concerne le référendum est que les barricades avaient été érigées par les

  6   Serbes de Bosnie, et ce, pour deux facteurs. Deux facteurs, le résultat du

  7   référendum tout d'abord; ensuite, bien sûr, d'après les Serbes de Bosnie,

  8   c'était le meurtre qui avait eu lieu lors de ce mariage. C'est pour cela

  9   que des barricades avaient été érigées. Donc j'ai conclu que les Serbes de

 10   Bosnie considéraient que c'était pour ce motif-là que les barricades

 11   avaient été érigées, pour ce meurtre. J'ai pris ça en considération

 12   d'ailleurs, mais je l'ai ajouté comme cause supplémentaire à celle des

 13   résultats du référendum.

 14   Mais je considère que les barricades ont été érigées si rapidement

 15   que ça ne peut pas être spontané. Ça doit être prémédité d'une façon ou

 16   d'une autre. Ça c'est mon opinion de professionnel à l'époque, et je l'ai,

 17   bien sûr, repris dans mon rapport.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir le document 11040 de

 19   la liste 65 ter de l'Accusation. C'est le même document que le 2177. Dans

 20   le système électronique, bien entendu. Il s'agit donc du numéro 11040 de la

 21   liste 65 ter de l'Accusation. Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Le premier paragraphe nous montre que vous avez attribué quand même la

 24   plus grande importance au meurtre commis pendant ce mariage serbe, ensuite,

 25   au conditionnel, vous mentionnez les résultats du référendum qui auraient

 26   pu contribuer aux tensions. Est-ce que vous voyez ces première et seconde

 27   phrases :

 28   "La tension a été accrue à Sarajevo suite au meurtre d'un Serbe et au fait

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  1   qu'un autre ait été blessé lors d'un mariage en ville le 29 février."

  2   R.  Oui, je vois cela.

  3   Q.  Mais je pense que c'était quand même le 1er mars ce meurtre, et c'est

  4   également le 1er mars que les barricades ont été érigées. Ensuite :

  5   "Un certain degré de tensions pourrait aussi être attribué aux résultats du

  6   référendum qui a eu lieu le 29 février."

  7   Donc les résultats du référendum étaient connus partout, sur tout le

  8   territoire de la Bosnie, mais le meurtre en question ne s'est produit qu'à

  9   Sarajevo et les barricades n'ont été érigées à Sarajevo, et votre

 10   évaluation de l'époque était tout à fait juste, n'est-ce  pas ? Cependant,

 11   il semble que l'Accusation ait préféré une autre version. Alors, excusez-

 12   moi, cela n'a pas été versé au compte rendu, mais je veux dire que les

 13   résultats du référendum étaient en vigueur dans la Bosnie tout entière,

 14   mais il n'y a eu de barricades érigées nulle part ailleurs qu'à Sarajevo,

 15   et c'est à Sarajevo uniquement aussi qu'il y a eu ce meurtre. Donc à ce

 16   moment précis, votre rapport est plutôt exact, vous attribuez la plus

 17   grande importance au facteur le plus important. Mais il semble que

 18   l'Accusation ait choisi de privilégier la piste des résultats du référendum

 19   comme cause, alors qu'en fait, il ne s'agit pas de la cause.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, venez-en au fait.

 21   Quelle est votre question ?

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question est la suivante : pourquoi le

 23   colonel a-t-il utilisé ici le conditionnel dans la seconde phrase de ce

 24   rapport, alors qu'il a lui-même confirmé que ses souvenirs ont tendance à

 25   s'estomper avec le temps ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le témoin a répondu à la

 27   question.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez à autre chose.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Je voudrais que nous vérifiions encore si nous avons un point d'accord

  5   sur un autre point. Vous avez dit que vous m'avez rencontré après cela le

  6   premier ou le second de ce mois-là. Alors, j'ai un document dans lequel il

  7   est écrit que vous êtes venu me voir le 1er mars, probablement le matin, et

  8   dans ce même journal qui a été tenu à l'époque, il est écrit qu'à 16 heures

  9   j'ai pris un avion avec Koljevic et Krajisnik à destination de Belgrade.

 10   Est-ce que vous avez pu mélangé cela, en fait, est-ce que vous avez pu me

 11   voir avant les meurtres ?

 12   R.  C'est de ça que vous avez parlé lors de la réunion la semaine dernière

 13   lorsque nous nous sommes vus. J'ai vérifié mes notes, or je ne crois pas

 14   que dans ma déclaration de témoin j'ai déclaré vous avoir rencontré vous-

 15   même ce jour-là. Lorsque vous avez dit la semaine dernière que vous n'étiez

 16   pas en ville, là je l'accepte. Ce qui n'empêche pas le fait que les

 17   dirigeants serbes, ce jour-là, m'ont donné une liste d'exigences que j'ai

 18   dû passer à Ganic. Donc je suis d'accord que vous n'étiez pas là. Il se

 19   peut que dans mon rapport cela figure, mais c'était une erreur.

 20   Q.  Merci. Je crois qu'il serait bon que nous passions encore quelques

 21   instants sur ce document. On peut y voir ces demandes formulées par les

 22   Serbes et remises à la présidence lors de la réunion de cette dernière.

 23   Mais il y a encore un autre point qui me semble plus important. Voilà, mon

 24   intention se porte sur le point suivant : vous avez indiqué que les Serbes

 25   auraient déclaré que c'est seulement sur ordre de ma part qu'ils

 26   accepteraient de démanteler les barricades, n'est-ce pas, c'est bien ce que

 27   vous avez dit ?

 28   R.  Oui.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir la seconde page de ce

  2   même document, s'il vous plaît.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  La dernière phrase du premier paragraphe dit la chose suivante :

  5   "Au vu des négociations qui ont suivi, il est devenu évident que les Serbes

  6   armés n'envisageraient de démanteler les barricades que sur ordre des

  7   dirigeants du SDS, cela dit, ils ont aussi exprimé leur gratitude à la

  8   Mission d'observation de l'Union européenne."

  9   Donc non pas de Karadzic, mais de la direction, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, en effet, mais là je faisais référence à vous-même en tant que

 11   dirigeant des Serbes de Bosnie, je tiens à le dire. Et si je me souviens

 12   bien, votre nom figure sur ma déclaration de témoin que j'ai rédigée en

 13   1995.

 14   Q.  En effet, mais pas dans votre rapport, parce que le reste de cette

 15   direction n'en conviendrait certainement pas sur ce point consistant à dire

 16   que la direction c'est moi. Je n'étais qu'une partie de la direction. Mais

 17   avançons.

 18   Passons à la page suivante. Vous dites ici qu'après l'obtention d'un accord

 19   au sein de la présidence et que la présidence a accepté à l'unanimité les

 20   exigences serbes sur lesquelles nous allons revenir, voilà ce que vous

 21   dites :

 22   "Suite à l'annonce de cette information, on a commencé à assister au

 23   démantèlement des barricades."

 24   Colonel, ce n'était pas sur ordre ou instruction de ma part, mais suite aux

 25   résultats obtenus lors des négociations entre la présidence et le SDS,

 26   présidence d'ailleurs au sein de laquelle étaient également présents des

 27   membres du SDS ?

 28   R.  Certes.

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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant avoir le document

  3   1D1210, s'il vous plaît. Je crois que le document a déjà été versé par

  4   l'Accusation, n'est-ce pas ?

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document a été admis sous la cote

  6   P924.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pouvons-nous avoir le document 1D1210,

  8   s'il vous plaît.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Nous avons ici le procès-verbal de la 56e session de la présidence de

 11   la République socialiste de Bosnie-Herzégovine tenue le 2 mars.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous avoir également un

 13   agrandissement de la version anglaise, s'il vous plaît.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Nous voyons que sont présents Alija Izetbegovic; Biljana Plavsic;

 16   Franjo Boras; le Dr Ejup Ganic; l'adjoint du secrétaire général de la

 17   présidence, Mile Dmicic; Jure Pelivan et Muhamed Cengic, le président et

 18   vice-président du gouvernement; Alija Delimustafic et Vitomir Zepinic, en

 19   tant que ministre de l'Intérieur et son adjoint; le commandant Milutin

 20   Kukanjac; le commandant de la Défense territoriale, Drago Vukosavljevic. Et

 21   lors de la seconde partie de la réunion, le président de la cellule de

 22   Crise du SDS de la Bosnie-Herzégovine, Rajko Dukic, a également été

 23   présent. Il était président du comité exécutif, mais à cette occasion

 24   précise il est intervenu afin de pouvoir exercer un contrôle sur les

 25   événements.

 26   Voilà, vous pouvez voir cela. Je voudrais maintenant qu'on affiche la page

 27   numéro 3, s'il vous plaît. Pendant que nous attendons l'affichage de ce

 28   document, je voudrais vous rappeler ce que vous avez dit. Vous avez dit que

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  1   j'ai été présent à toutes les négociations. Mais est-ce que vous êtes

  2   d'accord pour dire que c'était là une exigence de nos médiateurs et il

  3   aurait été incorrect de ma part de ne pas être présent en personne, mais

  4   d'envoyer plutôt quelqu'un pour me remplacer ?

  5   R.  Tout d'abord, je tiens à dire que je n'ai jamais vu ce document. Le

  6   rapport que j'ai rédigé se fondait sur les informations que j'avais

  7   collectées à l'époque. Les demandes des Serbes de Bosnie m'ont été remises

  8   en mains propres et je les ai transmises à Ejup Ganic. Quant à savoir qui

  9   assistait à quelle réunion par la suite, ça je n'en sais rien.

 10   Q.  Mais dans ce cas-là, Ganic ne les a pas remises parce qu'on voit que

 11   c'est Dukic qui a remis cela, et ce, pendant la séance elle-même, c'est

 12   d'ailleurs la raison précise pour laquelle il a été invité à la séance,

 13   pour pouvoir formuler ses propres commentaires et indiquer comment il

 14   pouvait exercer une influence sur la population pour que les barricades

 15   soient démantelées. Maintenant, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que

 16   si les médiateurs Vance, Owen, et les autres, s'attendent à ce que je sois

 17   présent, il est correct que je sois effectivement présent et qu'il serait

 18   offensant pour eux de voir arriver à ma place des remplaçants ?

 19   R.  Je ne sais pas très bien pourquoi vous parlez tout d'un coup de Cyrus

 20   Vance. Je pensais que nous allions parler de la situation qui régnait dans

 21   la ville le 2 mars. Donc vous étiez le dirigeant des Serbes de Bosnie. Je

 22   veux bien que vous ne soyez pas là ce jour-là, que vous ne soyez pas sur

 23   place, mais je ne comprends pas du tout quel est le problème. Où voulez-

 24   vous en venir ?

 25   Q.  Mais ce n'est pas un problème, Colonel. Ma question est la suivante :

 26   vous avez affirmé que j'ai été présent et j'ai participé à toutes les

 27   négociations, et je pense que cela a plu à l'Accusation. Je voudrais une

 28   explication sur ce point et je vous demande s'il est correct que je sois

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  1   présent à ces réunions de façon régulière conformément aux attentes de nos

  2   médiateurs ? Est-ce que ces derniers attendaient de moi que je sois présent

  3   ?

  4   R.  Chaque fois que des négociations avaient lieu dans la ville de

  5   Sarajevo, des négociations auxquelles j'ai participé, je tiens à dire que

  6   vous étiez toujours présent. Quant à savoir ce qui s'est passé avec des

  7   gens comme Cyrus Vance, ça je n'en sais rien, mais je peux vous dire juste

  8   que je faisais référence à ces occasions où il y avait les négociations.

  9   Chaque fois qu'il y avait des négociations où j'ai participé, les Serbes de

 10   Bosnie étaient toujours dirigés par vous-même.

 11   Q.  Bien. Merci. Nous n'avons pas réussi à obtenir ce que je vous

 12   demandais. Je vous demandais s'il était habituel qu'il y ait cette attente

 13   que je sois présent, mais bon, passons à la page numéro 2, nous l'avons en

 14   serbe. Est-ce qu'on peut l'avoir également en anglais, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il conviendra aussi que nous puissions

 16   voir la page 1 en anglais.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Très bien. Nous voyons page 2 que Rajko Dukic était présent. Pouvons-

 19   nous maintenant passer à la page 3, s'il vous plaît. En anglais, c'est

 20   toujours la page numéro 2. Merci.

 21   Je vais résumer ce que nous avons ici. "Le président de la cellule de Crise

 22   du SDS, Rajko Dukic, a indiqué, en se basant sur la situation factuelle à

 23   Sarajevo et en Bosnie-Herzégovine, a énoncé les exigences suivantes," et ce

 24   sont les exigences dont vous parlez. Je poursuis la situation. "Il convient

 25   d'arrêter la campagne menée dans le but de proclamer l'indépendance de la

 26   Bosnie-Herzégovine jusqu'à ce que l'on obtienne une solution finale et

 27   satisfaisante pour tous les trois peuples constitutifs."

 28   J'espère que les interprètes disposent de la version en anglais. Très bien.

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  1   Bon. Pour le compte rendu d'audience.

  2   Ensuite, je poursuis la situation.

  3   Exigences également. Je cite :

  4   "Qu'il y ait un arrêt sans condition de la campagne menée dans les médias

  5   en faveur de la souveraineté de l'indépendance de la Bosnie."

  6   Phrase suivante, je cite :

  7   "Et que l'on s'assure que les informations soient transmises de façon non

  8   partisane jusqu'à la fin de la conférence de paix sur la Bosnie-Herzégovine

  9   menée sous l'égide de la Communauté européenne."

 10   Je poursuis la situation. "Qu'à Travnik, Kupres, Zivinice, les

 11   événements survenus sont la conséquence directe des événements survenus au

 12   sein du MUP de la Bosnie-Herzégovine, et qu'il est nécessaire suite à ces

 13   changements personnels au sein du MUP que l'accord obtenu par les

 14   directions politiques des différentes parties soit immédiatement mis en

 15   place au sein du MUP et appliqué, accord obtenu après les élections."

 16   Ce que je voudrais savoir, Colonel, c'est est-ce que, comme vous

 17   pouvez le voir pendant toute l'année, même 13 ou 14 mois, les Musulmans ont

 18   agi afin de ne pas favoriser la nomination de cadres serbes au sein de la

 19   police ?

 20   R.  Je n'en sais rien.

 21   Q.  C'est l'une des choses qui se passaient. Les Serbes obtenaient des

 22   postes au sein de la police, et eux, ils compromettaient cela. Ils le

 23   sabotaient en n'attribuant pas ces postes. Donc vous auriez dû le savoir.

 24   C'est quelque chose de très important. Cela figure ici, et je pense que

 25   personne ne s'est véritablement demandé ce que signifiait ce paragraphe.

 26   Est-ce que vous, vous vous êtes posé cette question ?

 27   R.  Non. Je ne me suis pas posé de questions à ce propos. Ma mission, en

 28   fait, était d'obtenir les exigences de la part des Serbes de Bosnie et de

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  1   les relayer au comité de Crise pour savoir si éventuellement ils

  2   accepteraient ces demandes. Donc j'étais là pour faciliter les choses et

  3   certainement pas pour interpréter le message. J'étais là pour relayer le

  4   message et rien de plus, et essayer de faire avancer un petit peu les

  5   choses de chaque côté. Donc je n'étais pas là du tout pour prendre partie.

  6   Absolument pas. Je devais être objectif, et j'étais là pour faciliter

  7   l'obtention d'un accord. Rien de plus.

  8   Q.  Merci. Paragraphe suivant. Je cite :

  9   "Il est exigé qu'au cours de la même journée soient arrêtés les auteurs du

 10   crime horrible commis contre l'église orthodoxe serbe de la Barsarsija

 11   [phon] à Sarajevo."

 12   Est-ce que vous saviez que dès le mois d'avril, le meurtrier qui avait agi

 13   pendant ce mariage serbe, Ramiz Delalic Celo, est passé à la télévision

 14   d'Etat à Sarajevo et s'est vanté d'avoir tué ce participant à ce mariage

 15   serbe, parce qu'il avait vu dans cette procession un drapeau serbe ? Cela

 16   s'est produit après votre venue sur place, après le 10 avril.

 17   R.  Non, je n'en étais pas au courant.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que pour les Serbes il

 19   s'agissait d'une offense et d'une humiliation; c'était pour le moins

 20   irritant ?

 21   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, comment

 22   est-ce que vous voulez que le témoin réponde à cette question; elle demande

 23   des conjonctures à propos d'un événement dont il ne savait rien.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si le témoin se sent en mesure de

 25   répondre, qu'il réponde. Sinon, il n'a qu'à dire qu'il ne peut pas

 26   répondre.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, j'accepte cela, parce que l'une des

 28   conditions données par les Serbes de Bosnie était qu'ils voulaient que les

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  1   auteurs de ce crime soient arrêtés. J'ai bien compris que c'était l'une des

  2   conditions qu'ils demandaient. Je pense que toutes les parties étaient

  3   d'accord d'ailleurs à ce propos. Donc je l'ai pris comme argent comptant et

  4   rien de plus, mais à part ça nous ne savions rien d'autre, et je n'ai pas

  5   de commentaire à faire.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Merci. Mais savez-vous que ce meurtrier, ce criminel, a été liquidé

  8   dans un café après la guerre et qu'il n'a jamais été jugé pour le crime

  9   qu'il a commis ?

 10   R.  Son nom m'avait été mentionné au passage, et j'avais su que c'était un

 11   criminel. Quant à savoir quel a été son destin, ça je n'en savais rien.

 12   J'ai même appris qu'il avait été tué, mais je ne sais pas dans quelles

 13   circonstances.

 14   Q.  Savez-vous qu'il a été assistant du commandant de la 9e Brigade de

 15   Montagne pendant toute la durée de la guerre à Sarajevo ?

 16   R.  Non, je ne le savais pas.

 17   Q.  Merci. Paragraphe suivant. Il est exigé, je cite, que :

 18   "Compte tenu du fait que depuis déjà un temps assez long le peuple serbe en

 19   Bosnie fait l'objet d'un blocus en matière d'information, il est exigé

 20   qu'on procède à un partage urgent de la radio et de la télévision, et il

 21   est exigé également un arrêt des émissions jusqu'à ce qu'un accord

 22   constitutionnel portant sur la Bosnie-Herzégovine ait été atteint."

 23   Ensuite, le point numéro 6 :

 24   "Il est exigé que la cellule de Crise de la présidence de la Bosnie-

 25   Herzégovine soit immédiatement dissoute avec Ejup Ganic à sa tête, car il

 26   s'agit d'un organe anticonstitutionnel. Il est exigé également que soient

 27   désarmées les formations paramilitaires des Bérets verts qui agissent

 28   publiquement à Sarajevo et protègent, entre autres, des criminels et des

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  1   auteurs de crimes."

  2   Colonel, est-ce que vous savez que ce sont les Musulmans qui ont formé les

  3   premiers une cellule de Crise au sein de la Présidence et des cellules de

  4   Crise dans toute la Bosnie, et que ce n'est qu'ensuite que les Serbes ont

  5   eux-mêmes constitué des cellules de Crise à la veille de la guerre ?

  6   R.  Non, ça je ne le savais pas. Je savais qu'il existait un comité de

  7   Crise au sein de la présidence. Quant à savoir qui en faisait partie, je

  8   n'en savais rien. La seule personne que j'ai rencontrée en lien avec ce

  9   comité était Ejub Ganic. Donc je ne sais absolument pas qui d'autre ait

 10   participé. Mais je répète, j'étais là uniquement pour relayer les demandes

 11   pour qu'elles soient prises en compte par la présidence. Et si elles

 12   étaient acceptées, dans ce cas-là, nous étions là pour résoudre les

 13   problèmes immédiats qui se faisaient jour dans la ville. C'était mon

 14   objectif principal.

 15   Q.  Merci. Je ne vous attaque en rien, si vous n'étiez pas au courant de

 16   cela. Si vous n'étiez pas au courant, c'est nous qui en sommes responsables

 17   au premier chef. Mais je souhaiterais simplement vous rappeler que la

 18   cellule de Crise au sein de la présidence, en tant qu'entité non

 19   constitutionnelle et pourtant acceptée par la présidence, servait à

 20   contourner Biljana Plavsic et Nikola Koljevic en tant que représentants du

 21   peuple serbe dotés d'un droit de veto contre les décisions essentielles de

 22   la présidence. Donc cela montre encore un autre aspect de la vie sous la

 23   domination des Musulmans, et non pas en cohabitation avec les Musulmans.

 24   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'une telle cellule de Crise qui

 25   existait déjà au moins en septembre 1991, donc avant que les cellules de

 26   Crise formées par les Serbes ne voient le jour, c'était quelque chose de

 27   tout à fait inadéquat, inapproprié ?

 28   R.  Je ne sais pas exactement à quel moment les cellules de Crise ont été

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  1   mises en place et à quel moment surtout ce comité de Crise a été mis en

  2   place. Je ne savais pas, de toute manière je ne m'en occupais pas vraiment.

  3   Je tiens à dire que chaque fois que nous avons contacté les partis

  4   politiques c'était pour essayer de les faire se mettre d'accord pour qu'il

  5   n'y ait pas conflit. C'est tout. C'était notre objectif principal, ça

  6   n'allait pas plus loin.

  7   Q.  Excusez-moi. Mais quand est-ce que vous êtes arrivé pour la première

  8   fois à Sarajevo ? C'était au début du mois d'octobre, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je suis arrivé à Sarajevo pour reprendre le poste de chef de mission

 10   vers la fin novembre 1991. Avant cela, j'étais observateur dans la ville de

 11   Banja Luka.

 12   Q.  Est-ce que au moment de votre arrivée, la cellule de Crise du SDS

 13   existait déjà ? Est-ce que vous avez eu des contacts avec cette cellule de

 14   Crise ? Est-ce qu'elle a pris contact avec vous ? Est-ce que, pour

 15   commencer déjà, elle existait tout simplement ?

 16   R.  Je ne sais absolument pas à quel moment la cellule de Crise des Serbes

 17   de Bosnie a été mise en place. Si vous vous en souvenez bien, la première

 18   fois que je vous ai rencontré officiellement c'était en février 1992, et

 19   c'est à ma demande que cette réunion a eu lieu.

 20   Q.  Merci. Pourrions-nous avoir maintenant la page suivante, s'il vous

 21   plaît, en version serbe, alors qu'en anglais nous avons toujours besoin de

 22   la même page. Nous voyons ici donc, c'est en bas de la page anglaise :

 23   "Un accord a été trouvé selon lequel le démantèlement des barricades met

 24   fin au besoin de poursuivre les activités de la cellule de Crise de la

 25   présidence de la Bosnie-Herzégovine constituée le 21 septembre 1991.

 26   "Par la même occasion il a été décidé que lors de la séance suivante de la

 27   présidence sera examiné un rapport d'activité de la cellule de Crise en

 28   question." Donc cette cellule de Crise a été formée le 21 septembre, n'est-

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  1   ce pas, alors qu'il n'y avait pas la moindre barricade, il n'y avait pas le

  2   moindre besoin d'avoir une telle cellule de Crise, c'était un acte

  3   anticonstitutionnel qui permettait aux représentants musulmans de la

  4   présidence de mener leurs affaires en contournant les représentants serbes

  5   de la présidence. Ici on a donc trouvé un accord pour que soit dissoute

  6   cette cellule de Crise au sein de la présidence. Vous pouvez le voir,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Au vu de la traduction anglaise du document qui est sous mes yeux,

  9   c'est bien ce que je dis, en effet. Lorsqu'il est fait référence à la mise

 10   en place de cellule de Crise de la présidence en septembre 1991, mais moi,

 11   je n'étais pas sur place. Je n'y étais pas avant octobre, donc je n'étais

 12   même pas en Bosnie en septembre 1991. Donc je n'aurais pas pu savoir à quel

 13   moment cette cellule de Crise a été établie.

 14   Q.  Merci. Voyons le paragraphe suivant :

 15   "La présidence annonce que le référendum qui vient de se terminer ne

 16   préjuge en rien de l'organisation future de la Bosnie-Herzégovine, qui fait

 17   l'objet de négociations concernant justement cette organisation future,

 18   négociations menées sous l'égide de la Communauté européenne. Ces

 19   pourparlers doivent être poursuivis de façon urgente et leurs résultats

 20   doivent prendre en considération les intérêts de chacun des trois peuples

 21   tout comme ceux de tous les autres citoyens de la Bosnie-Herzégovine."

 22   Vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour dire que cela se présente plutôt

 23   bien, non ?

 24   R.  Tout d'abord, comme je l'ai dit précédemment, je n'ai pas vu ce

 25   document avant, je ne vois pas vraiment une différence entre le contenu

 26   même de ce document et le contenu des mesures énumérées dans mon rapport.

 27   Je pense que nous ne faisons que répéter ce qu'il a déjà été dit.

 28   Q.  Il n'y a pas de différence, mais ici nous avons une version plus

Page 2705

  1   complète. Il y a quelques éléments qui nous montrent la façon dont la

  2   présidence a pris acte d'exigence naturelle, normale, et cela après la

  3   levée des barricades. Alors, ce que je voudrais savoir, c'est s'il était

  4   normal qu'on n'ait jamais porté cela à l'ordre du jour et est-ce que la

  5   présidence aurait fonctionné conformément à la constitution s'il n'y avait

  6   jamais eu de barricades. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord ?

  7   R.  Ecoutez, je ne peux pas répondre personnellement à cette question. Ce

  8   que je trouve un peu étrange, c'est que nous avons ici maintenant un

  9   document extrêmement détaillé à propos d'un comité de Crise qui parle de la

 10   constitution à venir de la Bosnie, alors que d'après vous, les barricades

 11   ont été érigées du fait du meurtre qui a eu lieu lors du mariage. Je trouve

 12   ça très étrange quand même que ces barricades aient été érigées suite à un

 13   meurtre qui aurait eu lieu dans le cadre d'un mariage, alors que tous ces

 14   points constitutionnels ont été abordés en vue de démanteler les

 15   barricades. Ça me paraît bizarre, c'est pour ça que j'ai tendance à penser

 16   que le meurtre, en fait, n'était pas la raison principale de tout cela,

 17   c'était plutôt le référendum, enfin, c'est mon opinion bien sûr.

 18   Q.  Oui, mais, Colonel, est-ce que vous seriez d'accord pour dire qu'il y

 19   avait des tensions considérables qui ont entraîné justement le meurtre

 20   commis pendant ce mariage et que ce meurtre est la conséquence des

 21   tensions, et non pas la cause de ces dernières ? Il y a eu une véritable

 22   éruption de colère qui a mené à l'installation de ces barricades, mais le

 23   meurtre en lui-même n'est que le résultat, ces tensions sont le résultat

 24   des jeux politiques que la direction musulmane menait déjà depuis un

 25   certain temps contre les Serbes, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, non, là, je ne peux pas être d'accord avec vous.

 27   Q.  Est-ce que vous voulez dire qu'avant ce meurtre la situation était tout

 28   simplement idyllique en Bosnie d'un point de vue politique ?

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  1   R.  Non, non. Mais j'essaie juste de vous dire la chose suivante : il y

  2   avait trois partis politiques qui existaient en Bosnie et ils leur était

  3   impossible de cohabiter, de vivre ensemble. Et de ce fait il y a eu

  4   énormément de tensions, et nous savions très bien dans la communauté

  5   internationale que si ces tensions continuaient, au vu de ce qui était

  6   sous-adjacent, un conflit était inévitable. Or, nous étions là pour éviter

  7   le conflit, c'était dans ce but que nous étions présents sur place. Quant à

  8   savoir qui faisait quoi et pourquoi, je n'ai pas tous les détails, bien

  9   sûr, ma mission était d'être chef de la Mission des observateurs à

 10   Sarajevo. Notre liberté de mouvement, notre sécurité n'était plus assurée.

 11   Donc il était extrêmement difficile de nous déplacer, pour obtenir des

 12   informations, et donc nous n'avons pas pu être aussi efficaces que nous

 13   aurions pu l'être.

 14   Q.  Merci. Nous avons ici un procès-verbal d'une séance de la présidence.

 15   Je comprends que vous n'ayez pas vu ce document, mais en fait nous y voyons

 16   exactement ce qui s'est passé lors de la séance. Je dois simplement dire à

 17   titre de conclusion - nous pourrions peut-être avoir l'affichage de la

 18   dernière page, s'il vous plaît - je dois donc indiquer que toutes ces

 19   exigences, toutes ces demandes ont été acceptées, et ce, à l'unanimité, ce

 20   par quoi d'ailleurs la présidence a confirmé que ces demandes étaient

 21   légitimes, qu'elles étaient acceptables, et donc, comme je l'ai dit, tout

 22   cela il y a été fait droit à l'unanimité. Vous êtes d'accord, n'est-ce pas

 23   ?

 24   R.  Dans la mesure où ces documents ont été signés, je serais d'accord avec

 25   vous. Je vois le document devant moi. Il semble avoir été signé par

 26   plusieurs membres, donc je dois accepter vos propos.

 27   Q.  Merci. Je devrais peut-être donner lecture d'un paragraphe qui n'a pas

 28   été traduit nous voyons en serbe. Je cite : "Il a été décidé que l'opinion

Page 2707

  1   publique soit immédiatement informée de la présente et que le vice-

  2   président du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, Muhamed Cengic, et le

  3   président du comité de Crise du SDS de la Bosnie-Herzégovine, Rajko Dukic,

  4   s'engagent après s'être exprimés à la télévision à lever les barricades qui

  5   entravent la circulation à Sarajevo.

  6   Donc vous voyez qu'il était nécessaire de faire intervenir de façon très

  7   précise ces deux personnalités, aussi bien un Serbe qu'un Musulman, afin de

  8   lever les barricades, parce que vous vous en souviendrez, il y avait aussi

  9   bien des barricades serbes que des barricades musulmanes, n'est-ce pas ?

 10   R.  Je n'étais pas au courant qu'il y ait eu des barricades érigées par les

 11   Musulmans dans la ville ce jour-là. Les barricades des Musulmans, si je me

 12   rappelle bien, ont été érigées, je crois, deux jours plus tard parce que

 13   les gens ont eu peur de l'arrivée de M. Arkan. J'ai entendu dire que M.

 14   Arkan venait pour me rencontrer. Donc les 1er et 2 mars, toutes les

 15   barricades que j'ai vues étaient toujours des barricades tenues par des

 16   Serbes de Bosnie. Et le soir même d'ailleurs j'avais réussi à négocier mon

 17   passage du Holiday Inn jusqu'à l'aéroport. Mais à chaque fois, j'ai dû

 18   négocier mon passage au travers de barricades qui étaient tenues par des

 19   Serbes de Bosnie. Je n'ai pas rencontré de barricades tenues par des

 20   Musulmans de Bosnie à ce moment-là.

 21   Q.  Merci. Nous allons voir avec d'autres documents que cela a bien été le

 22   cas. Pouvons-nous avoir maintenant le document 1D1236, s'il vous plaît.

 23   Mais le document précédent, Excellences, peut-il être versé au dossier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'imagine, Madame Uertz-Retzlaff, que

 25   vous aimeriez avoir une traduction complète de ce document ?

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, tout à fait. Il y a un autre

 27   problème aussi à propos de ce document. C'est soi-disant le PV de la 56e

 28   séance, et lorsque l'on voit le document en B/C/S, cela ne paraît pas être

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  1   le format habituel des séances de la présidence. Ça semble plutôt être une

  2   synthèse avec des passages mis en exergue. Donc peut-être pourrions-nous

  3   simplement donner une cote provisoire jusqu'à ce que nous puissions

  4   vérifier l'authenticité de ce document pour vérifier que c'est

  5   véritablement ce qu'il est censé être. Parce que nous aimerions vérifier

  6   qu'il s'agit bel et bien du PV de la 56e séance de la présidence, et non

  7   pas un document qui aurait été monté, édité et qui viendrait d'une autre

  8   source.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, qu'avez-vous à dire ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, bien sûr, cela a été publié par M. Simic

 11   de "national security and future", un document de la Bosnie-Herzégovine de

 12   1991 à 1994, document de la présidence publié par M. Simic en 2006. Nous

 13   avons demandé à ce que nous soient fournis tous les procès-verbaux et les

 14   documents des séances de la présidence, mais nous ne les avons pas reçus.

 15   Nous nous sommes procurés ceci qui a été publié par Tomo Simic, qui a

 16   organisé cette publication, et certains de ces documents ont déjà été

 17   utilisés dans une des affaires jugées devant ce Tribunal.

 18   Voilà, ceci c'est le document que nous avons pu nous procurer. Si

 19   l'Accusation peut nous fournir l'intégralité des documents de la présidence

 20   de la Bosnie-Herzégovine et les procès-verbaux, ce serait très bien. Parce

 21   qu'il est possible que quelque chose ait été laissé de côté, mais ceci, en

 22   tout état de cause, c'est le document que nous avons pu nous procurer.

 23   L'éditeur en est tout à fait connu, toutes les informations sont

 24   disponibles. Et nous avons bien ici des notes qui ont été consignées, et

 25   non pas un procès-verbal. Les notes prises en réunion sont généralement un

 26   peu plus concises.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais qui donc est ce M. Simic et quelle

 28   est sa fonction ?

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Manifestement, c'est un collaborateur de cet

  2   institut qui s'appelle sécurité nationale et avenir, "national security and

  3   future," il a préparé ceci en sa qualité de documentaliste, j'imagine, ou

  4   de bibliothécaire. Enfin, personne n'a contesté ceci. Il a préparé tout un

  5   ensemble de document émanant de la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame le Procureur, acceptez-vous cette

  7   explication ou est-ce que vous demandez à ce que l'on cite un témoin pour

  8   établir la base de ce document ?

  9   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne pense pas qu'il y ait besoin de

 10   faire venir un témoin pour établir cette authenticité.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous allons juste lui donner une

 12   cote MFI en attendant la traduction.

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera donc la pièce D214, MFI.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Poursuivons.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite demander à l'Accusation le plus

 17   aimablement du monde qu'elle veuille bien nous fournir les documents

 18   émanant de la présidence de Bosnie-Herzégovine dont elle peut disposer par

 19   ailleurs.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Colonel, nous avons maintenant à l'écran des extraits d'un journal, le

 22   journal de mon chef de cabinet, en fait. Il est dit ici, dimanche, 1er

 23   février 1992. Pouvons-nous avoir la page suivante ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est le numéro de pièce à

 25   conviction, le numéro 65 ter de ce document ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1236. 1D1236, l'intégralité du journal qui a

 27   été versé sous cette cote.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Au point numéro 2, il est indiqué :

  2   "Voyage à Belgrade à 16 heures."

  3   Ensuite 3, l'ambassadeur turc va venir lundi, et cetera. Mais il y a une

  4   erreur dans la date. Vous voyez ce numéro SA043963. Est-ce que nous

  5   pourrions revenir en arrière d'une page au moins ? Excusez-moi, pouvons-

  6   nous avancer d'une page.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Peut-être puis-je vous venir en aide.

  8   Ce document est présent deux fois dans le prétoire électronique. Une

  9   première version ne comptant qu'une page, ensuite il y a plusieurs pages

 10   qui sont disponibles sous la cote 1D01255. Mais c'est le même document.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Uertz-Retzlaff.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais que l'on affiche le

 13   document 1D01255. C'est un document de plusieurs pages. Nous pouvons voir

 14   qu'il y a une erreur, voilà. Mais il n'y a pas 31 jours en février. Est-ce

 15   qu'on peut suivre ce numéro SA043987, est-ce qu'on peut avoir la page

 16   suivante. Donc on a 3 938, c'est bien la page suivant la 3 937. Donc nous

 17   voyons samedi 1er février 1992. Dimanche 2 février. Passons à la page

 18   suivante. Nous avons donc lundi 3 février. Est-ce qu'on pourrait passer

 19   maintenant au 29 février. Donc samedi 29 février, je cite :

 20   "Dans la nuit de vendredi à samedi, des affrontements se sont produits

 21   entre des Serbes et des Musulmans près de Turbe. Un Serbe a été gravement

 22   blessé et deux Musulmans ont été tués. Les Serbes ont érigé des barricades

 23   à l'entrée de leur village."

 24   "2. Dr Karadzic est à Banja Luka, présent à des pourparlers."

 25   "3. La télévision allemande," et cetera.

 26   Est-ce qu'on peut avoir la page suivante, s'il vous plaît. Dimanche 1er

 27   février, mais en fait, si on voit le numéro de page,

 28   3 963, ça devrait être le 1er mars, je cite :

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  1   "Trois membres de la Mission européenne d'observateurs souhaitent

  2   rencontrer le Dr Karadzic," et cetera.

  3   Deuxièmement, voyage à Belgrade à 16 heures. Puis troisièmement,

  4   l'ambassadeur turc arrivera à tel ou tel moment.

  5   Peut-on avoir la page suivante, et voyez le numéro de la page qui se

  6   termine en 3 963. Maintenant, on a la page 3 964. Lundi

  7   2 mars. A présent, il a lui-même effectué la correction : 

  8   "Manifestations et barricades à Sarajevo. La raison en est le meurtre d'un

  9   Serbe lors d'un mariage à Bascarsija."

 10   Puis il indique que la raison c'est ce meurtre.

 11   Avançons, s'il vous plaît. Il y a marqué Pristina, Sarajevo, et cetera,

 12   mais nous avons, mercredi 4 mars, manifestations à Sarajevo, situation

 13   critique, les Bérets vers ont essayé de lancer une attaque contre les

 14   membres serbes des forces territoriales. Le Dr Karadzic a fait une

 15   apparition avec Alija Izetbegovic. Donc ce jour-là, je suis, peut-être le 4

 16   mars, à Sarajevo, et je me suis montré en public avec M. Izetbegovic afin

 17   que nous donnions une déclaration commune visant apaiser la situation.

 18   Est-ce que vous en convenez ?

 19   R.  Oui, tout à fait. Mais si vous me permettez, Madame, Messieurs les

 20   Juges, j'ai un agenda sur moi que j'ai déjà employé. C'est un agenda tout à

 21   fait simple, mais ça me permet de me rafraîchir un petit peu la mémoire

 22   pour savoir qui j'ai rencontré et à quel jour j'ai rencontré ces personnes.

 23   Puis-je, s'il vous plaît, compulser un petit peu cet agenda ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord, Monsieur Karadzic,

 26   lorsque vous dites qu'il y a eu une réunion à la télévision. Je le sais, en

 27   effet, cette réunion a eu bel et bien le jour que vous avez précisé.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Merci. Nous allons donc attendre que vous ayez consulté vos notes. Il

  2   serait très bon que nous puissions avoir accès d'ailleurs à ces notes.

  3   R.  Pour le 3 mars, sur mon agenda, il est écrit que j'étais à la

  4   présidence et que l'on m'a parlé de l'accord qui avait été conclu. J'ai

  5   mentionné qu'il y avait des barricades érigées par les Musulmans qui

  6   avaient extrêmement peur du fait de rumeurs - et ce que j'ai écrit ici -

  7   c'est que c'étaient des rumeurs de l'entrée de Chetniks dans la ville ainsi

  8   que l'arrivée de M. Arkan. Ensuite, le 4 mars, dans mon agenda, il est

  9   écrit que les barricades ont été démantelées, que la situation s'est

 10   apaisée.

 11   Q.  Merci. Cela montre que vos notes, effectivement, sont une chose assez

 12   précieuse. Je voudrais que le greffe puisse se pencher sur la question de

 13   savoir comment nous pourrions avoir accès à ces notes. Alors, est-ce que ce

 14   journal de Ljubo Grkovic peut être versé, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Madame Uertz-Retzlaff,

 16   qu'en pensez-vous ?

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un petit

 18   problème avec cet agenda. On voit qu'il y a des problèmes de dates quand

 19   même en ce qui concerne les dates fournies dans cet agenda. De plus, nous

 20   ne savons toujours pas qui est cette personne. Peut-être pourrions-nous

 21   avoir un peu plus de détails à propos de cette personne. Dans ce cas,

 22   sinon, j'élèverais une objection, je m'opposerais à son versement, et il

 23   faudrait aussi faire venir le témoin qui a rédigé cet agenda.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Karadzic peut sans doute nous aider.

 25   Qui donc est ce M. Grkovic --

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] M. Grkovic était un journaliste au journal

 27   "Oslobodjenje" avant la guerre. Il était avant la guerre aussi mon chef de

 28   cabinet au sein du SDS. Je travaillais à la clinique en tant que psychiatre

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  1   jusqu'au 1er mars, l'après-midi, donc je travaillais à la clinique, et le

  2   présent journal a été obtenu par les enquêteurs du Tribunal pour le compte

  3   de l'Accusation. J'ignorais même jusqu'à son existence. Et par les numéros

  4   de pages qui y figurent, en commençant par SA, on voit très bien le

  5   séquencement [phon]. Alors il y a une erreur concernant les 1er et 2 mars.

  6   L'auteur a fait une erreur sur le mois. Mais la succession des pages et de

  7   leurs numéros montrent bien quelles sont les dates. On voit qu'il y avait

  8  samedi 1er et dimanche 2 février, puis on a avancé dans les dates, puis on a

  9   vu ensuite que le 1er mars, il s'est trompé, il a indiqué 1er février, mais

 10   ensuite il a corrigé. Donc c'est un document que manifestement l'Accusation

 11   s'est procuré -- ou plutôt, les enquêteurs agissant pour le compte de

 12   l'Accusation. Et c'est ainsi qu'il nous est parvenu. Oui, c'est bien ça.

 13   Nous avons reçu ce document au sein de l'un des lots de documents qui nous

 14   ont été fournis.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui, je peux le confirmer. En effet,

 17   cet agenda a été saisi par les autorités de Bosnie, il nous a été

 18   communiqué, et maintenant que je sais de qui il s'agit, je n'ai plus

 19   d'objection à soulever.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc nous allons l'admettre,

 21   mais le marquer pour identification en attendant une traduction.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote MFI D215.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Les passages que nous venons

 24   d'étudier possèdent une traduction, et M. Reid vient même de me dire qu'en

 25   fait ce document a été totalement traduit, et nous pouvons donc le

 26   télécharger dans le système électronique.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. De ce fait, vous n'avez

 28   aucune objection en ce qui concerne le versement de cette pièce.

Page 2715

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Elle sera donc admise. Ce sera donc la

  3   pièce D215.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] La Défense souhaiterait pouvoir se voir

  6   communiquer ladite traduction, s'il vous plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien sûr.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on affiche le

  9   document numéro 6608 de la liste 65 ter.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce a déjà été admise sous la

 11   cote P938.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est exact. C'est un procès-verbal d'une

 14   réunion du club des députés du SDS. Mais je vois que M. Kalinic était

 15   présent lui aussi. En fait, tous les Serbes qui ont rejoint l'assemblée du

 16   peuple serbe sont là.

 17   Je voudrais la page 2 de ce document. En version anglaise c'est la page 13,

 18   alors qu'en version serbe ce sont les pages 19 et 20. Nous avons déjà vu la

 19   première page, donc je voudrais qu'on ait la page 13 en anglais, s'il vous

 20   plaît. Voilà.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur les propos tenus par Velibor

 23   Ostojic, Colonel, c'est une personne que vous avez rencontrée en sa qualité

 24   de ministre de l'Information au sein du gouvernement de la Bosnie, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui, en effet.

 27   Q.  Merci. Je vais maintenant donner lecture en serbe, et vous disposez de

 28   la traduction en anglais, Velibor Ostojic, je cite :

Page 2716

  1   "Messieurs, je vais simplement donner des informations qui vont s'avérer

  2   véritablement nécessaires pour prendre position.

  3   "Premièrement, je vous informe qu'un organe informel, sans que le

  4   gouvernement et le ministère de l'Information en soient au courant, a

  5   introduit une unité spéciale dans le bâtiment de la radiotélévision de

  6   Sarajevo, or cela n'est prévu que dans des circonstances exceptionnelles et

  7   en cas de guerre. J'ai écrit une lettre au chef de la Mission des

  8   observateurs, M. Doyle. Je l'ai rencontré hier et je l'ai informé en détail

  9   de la situation, et il a promis d'enquêter sur cette situation. Il est

 10   horrifié par cet événement.

 11   "J'ai demandé à MM. Zepinic, Mandic, Kic, et Zuban, donc l'ensemble de

 12   notre structure au sein du MUP, de l'échelon de la république à celui de la

 13   municipalité, s'ils étaient au courant de cet événement. Aucun d'entre eux

 14   n'était au courant. Cela a été fait lorsque la direction de la

 15   radiotélévision de Sarajevo se trouvait à Banja Luka."

 16   Donc vous avez été informé par M. le ministre qui, malheureusement, n'est

 17   plus parmi nous, du fait que quelqu'un s'était arrogé ce droit de faire

 18   entrer une unité spéciale dans le bâtiment de la radiotélévision, n'est-ce

 19   pas ?

 20   Q.  Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Karadzic. Je n'ai reçu aucune

 21   lettre de M. Ostojic. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que je

 22   l'ai rencontré, en effet, et je peux d'ailleurs vous parler de cette

 23   réunion, car je m'en souviens bien, mais M. Ostojic ne m'a envoyé aucune

 24   lettre, je tiens à le dire. En tout cas, je n'ai reçu aucune lettre de la

 25   part de cette personne.

 26   Q.  Vous rappelez-vous que la remarque qu'il a faite concernait

 27   l'occupation de la télévision par des forces spéciales qui n'avaient aucune

 28   légitimité ?

Page 2717

  1   R.  M. Ostojic ne m'a certainement pas dit ça. L'objectif principal de M.

  2   Ostojic, lorsqu'il a demandé à me rencontrer, consistait à me faire savoir

  3   qu'il savait que d'après lui, en tant que ministre de l'information, il

  4   aurait dû exercer un contrôle sur la télévision de Sarajevo plutôt que le

  5   ministère de l'Intérieur. Ensuite, il m'a fait savoir qu'il avait été

  6   attaqué et frappé devant son appartement et qu'il soupçonnait que c'était

  7   des responsables du ministère de l'Intérieur qui étaient responsables de

  8   cela. Je lui ai dit qu'il n'était pas convenable pour moi, en tant que chef

  9   de la Mission des vérificateurs, de m'impliquer dans des querelles internes

 10   entre différents ministères, mais que j'avais besoin, avant toute chose,

 11   d'entendre ce que disait l'autre partie, à savoir le ministère de

 12   l'Intérieur.

 13   Et par la suite, j'ai rencontré M. Hebib qui, d'après ce que je

 14   savais, était ministre adjoint de l'Intérieur, qui m'a dit qu'en aucune

 15   circonstance, la télévision ne pouvait être sous le contrôle du ministère

 16   de l'Information, et que c'est la raison pour laquelle, d'après lui, il

 17   estimait que M. Ostojic avait été attaqué, mais que ceci n'avait rien à

 18   voir avec la télévision. C'était un problème d'ordre privé. A aucun moment,

 19   M. Ostojic ne m'a-t-il parlé d'une quelconque unité spéciale qui aurait été

 20   déployée à l'intérieur des bâtiments de la télévision de Sarajevo. Je ne

 21   sais rien de cela.

 22   Q.  Bien, voyez-vous, Monsieur, ce n'était pas une querelle d'ordre privé,

 23   comme on vous l'a fait savoir à tort. C'était une tentative de meurtre.

 24   Vous avez dit que j'étais protégé. Nous avons reçu de la part de la police

 25   régulière un service de protection suite à cela. Mais nous reviendrons sur

 26   cette question.

 27   Je demande le versement au dossier de ce document. Il est déjà versé

 28   au dossier. Bon. Je demande l'affichage du document 1D1128, à présent, de

Page 2718

  1   façon à ce que nous voyions quels étaient les rapports que faisait le

  2   commandement de la 2e Région militaire - d'ailleurs, c'était peut-être déjà

  3   la 4e Région militaire à ce moment. Non, non, 2e Région militaire - donc 2e

  4   zone opérationnelle qui rend compte, à partir de la 17e Brigade des

  5   Partisans au sujet de ce qui se passe dans sa zone de responsabilité. Donc

  6   document 1D1128.

  7   Nous voyons dans ce document qu'il est couvert par le secret défense, et

  8   ce, à perpétuité, autrement dit aucun renseignement figurant dans ce

  9   document ne devra jamais être connu du public.

 10   Je demanderais que l'on affiche la page 2 de ce document. Merci.

 11   Nous voyons dans ce document, je cite :

 12   "Dans le bâtiment de la télévision de Sarajevo règne un mécontentement de

 13   la part de la majorité des journalistes en raison de la présence permanente

 14   de forces spéciales armées présentes à l'intérieur du bâtiment de la

 15   télévision, et ce, devant les correspondants de plusieurs villes. En raison

 16   de cela, les correspondants font leur travail de façon unilatérale et

 17   tendancieuse car ils le font sous la menace des armes. Nous tenons à

 18   informer de cela toute votre unité."

 19   Ce document date du 23 avril 1992.

 20   J'aimerais maintenant que nous affichions la page 1 de ce document.

 21   Vous étiez présent le 23 avril, n'est-ce pas ? Saviez-vous que la

 22   télévision de Sarajevo, le bâtiment, le siège de la télévision fourmillait

 23   de membres des formations paramilitaires; oui ou non ?

 24   R.  Non, je ne le savais absolument pas.

 25   Q.  Merci.

 26   En page 1, nous lisons, je cite :

 27   "Le 17 ou 18 avril 1992, les Bérets verts et les forces spéciales du MUP de

 28   Bosnie-Herzégovine ont mené une attaque contre l'usine Pretis de Vogosca,

Page 2719

  1   et durant cette attaque cinq attaquants ont été tués; 20 blessés et neuf

  2   faits prisonniers. Sept camions ont été confisqués dont deux transportaient

  3   des munitions. Une centaine de véhicules de marque Golf ont été volés, il

  4   s'agissait de véhicules utilisés par les Bérets verts. Grâce à une

  5   intervention opportune d'une unité de la JNA, une catastrophe de plus

  6   grande ampleur a pu être évitée. "

  7   Connaissiez-vous cette attaque de la part des forces paramilitaires et des

  8   éléments musulmans du MUP mixtes qui ont visé des objets appartenant à la

  9   JNA, et saviez-vous que le ministère en a été informé ?

 10   R.  Non, je n'avais aucune connaissance de cela.

 11   Q.  Merci. Le paragraphe suivante se lit comme suit, je cite :

 12   "Dans la nuit du 18 au 19 avril 1992, au sein de l'organisation des Bérets

 13   verts, l'usine militaire Igman de Konjic, situé dans les environs de

 14   Konjic, a été prise et soumise à un blocus. Les téléphones ont été coupés

 15   afin d'empêcher des réactions de la part des militaires."

 16   Est-ce que vous avez été au courant de cette action ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Merci. L'avant-dernier paragraphe, à présent, je cite :

 19   "La situation est en train de s'apaiser à Visegrad, et une influence

 20   importante a été exercée à cet égard par les unités relevant de la 2e

 21   Région militaire. Plusieurs centaines de réfugiés ont reçu une protection,

 22   ils étaient avant tout d'appartenance ethnique musulmane. Une aide

 23   importante a été fournie sous forme de vivres. L'escalade du conflit entre

 24   les Serbes et les Musulmans a conduit les unités du HOS à frapper des deux

 25   côtés afin de faire en sorte que le conflit se poursuive."

 26   Voilà les dernières nouvelles de ce qui se passe à Sarajevo. Ils

 27   utilisaient des canons pour semer la terreur parmi les habitants, car le

 28   bruit des explosions était multiplié plusieurs fois, était magnifié.

Page 2720

  1   Est-ce que vous savez ce qu'est le HOS, Monsieur ?

  2   R.  Bien, le HOS, d'après ce que je sais, était une organisation

  3   paramilitaire. Nous utilisions ce sigle pour désigner toutes les formations

  4   paramilitaires qui ne relevaient pas de la JNA. Donc nous avions l'habitude

  5   de parler de façon générale des paramilitaires, car il y en avait en

  6   réalité plusieurs types, avec des uniformes de couleurs différentes, il

  7   était très difficile de distinguer les uns des autres.

  8   Je dois dire ici, si vous me le permettez, Monsieur le Président, que dans

  9   cette période Sarajevo était pratiquement une ville assiégée. Je me

 10   trouvais dans la ville de Sarajevo en tant que représentant de Lord

 11   Carrington. J'avais l'appui de la Mission des vérificateurs, mais je

 12   n'avais pas un homme sous mon commandement. Je n'exerçais de contrôle

 13   direct sur personne. J'étais un représentant autonome et il ne

 14   m'appartenait pas de circuler dans la ville pour enquêter au sujet des

 15   allégations qui pouvaient être faites. La ville était dans le plus grand

 16   désordre à ce moment-là. Il était très difficile d'obtenir des

 17   renseignements précis. Donc je ne peux pas vous dire sur la base de ce que

 18   je savais à l'époque quels pouvaient être des renseignements détaillés au

 19   sujet des incidents qui pouvaient survenir.

 20   Q.  Je vous remercie. Mais je crois que vous savez ce qu'est le HOS. Ici il

 21   est écrit que le HOS frappait aussi bien les Musulmans que les Serbes pour

 22   essayer d'entraîner une escalade du conflit, et que le HOS tirait au canon

 23   pour augmenter l'effet de peur. Les obus pleuvaient. Parmi ces obus, il y

 24   avait des obus tirés par le HOS, aussi bien sur les Serbes que sur les

 25   Musulmans. Et ce document est un document secret qui devait rester secret.

 26   Donc je vous demande de nous dire, je vous prie, si vous savez ce qu'est

 27   cette formation paramilitaire désignée sous le sigle de HOS ?

 28   R.  Un des points sur lequel je tiens à insister ici, c'est qu'il ne

Page 2721

  1   m'appartenait pas de faire le moindre effort pour déterminer quelles

  2   étaient les diverses unités paramilitaires armées ou pas, car j'avais une

  3   certaine expérience en matière de maintien de la paix, et en raison de

  4   cette expérience j'étais emmené à penser qu'il était de mon devoir de faire

  5   preuve d'impartialité et de neutralité, et c'est ce que j'ai toujours fait.

  6   Et si je m'étais mis à écrire des rapports en évaluant le danger représenté

  7   par telle ou telle organisation militaire d'un côté ou de l'autre, on

  8   aurait pu penser que j'étais l'agent de quelqu'un. Donc je ne m'impliquais

  9   pas dans des détails de ce genre au sujet des organisations paramilitaires

 10   quelles qu'elles soient. J'étais le représentant personnel de Lord

 11   Carrington. J'avais un rôle diplomatique à jouer, et je me suis limité à ce

 12   rôle.

 13   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous avons entendu

 14   à plusieurs reprises le témoin dire très clairement quelles étaient les

 15   différentes facettes de son travail, et les occasions qu'il avait ou qu'il

 16   n'avait pas. Il me semble qu'il est très nécessaire à présent que vous vous

 17   concentriez sur votre tâche qui consiste à lui poser des questions au sujet

 18   desquelles il peut sembler qu'il a des connaissances personnelles. Le

 19   témoin pourra de cette façon aider le Tribunal beaucoup plus. Ça, c'est le

 20   premier point, et deuxièmement la procédure avancera beaucoup plus vite.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, mais c'est un fait que

 22   le colonel a dit pas mal de choses au principal, et d'ailleurs, nombre de

 23   documents ont été admis par le biais de sa déposition ici. Donc il devrait

 24   m'être possible de tester ce qu'il sait au sujet des documents dont j'ai

 25   accepté l'admission au dossier. J'aimerais simplement lui demander s'il

 26   sait quelle était la nature exacte du HOS.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'était cette formation

 28   appelée HOS.

Page 2722

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Merci. Vous avez parlé de l'attaque contre la télévision. Vous avez dit

  3   ne pas savoir que c'étaient les Bérets verts qui se trouvaient à

  4   l'intérieur du siège de la télévision, et que depuis ce bâtiment il était

  5   déterminé de quelle façon seraient présentées les informations, et qu'en

  6   fait, ceci était dicté par les Bérets verts. Croyez-vous que le siège, le

  7   bâtiment de la télévision, peut être une cible légitime ?

  8   R.  J'ai déjà dit ne pas savoir que les Bérets verts avaient une de leurs

  9   unités à l'intérieur du bâtiment de la télévision. Je n'avais aucune preuve

 10   de cela. Donc je n'y ai pas réfléchi particulièrement. Ça, c'est la

 11   première chose que je voulais dire. Ce fait n'a jamais été porté à mon

 12   attention par quelque représentant de l'une ou l'autre des parties. Je n'ai

 13   jamais su qu'il y avait une unité de Bérets verts dans le bâtiment de la

 14   télévision de Sarajevo. Vous avez parlé d'une lettre que j'aurais dû

 15   recevoir, une lettre de M. Ostojic, et je vous dis ne pas l'avoir reçue.

 16   Donc je n'ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez par rapport à une

 17   unité qui aurait été présente à l'intérieur du bâtiment de la télévision,

 18   et je ne sais rien de cette allégation selon laquelle il y aurait eu

 19   présence des Bérets verts à l'intérieur de ce bâtiment. Je peux, en

 20   revanche, parler de l'attaque contre la télévision mais c'est une question

 21   différente.

 22   Q.  Ma question consistait à vous demander si vous considérez ou estimez

 23   que la télévision, le siège d'une télévision, peut être une cible légitime

 24   ? Ne parlons plus de la présence ou non de forces militaires à l'intérieur

 25   de ce bâtiment.

 26   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, c'est aux

 27   Juges de la Chambre de première instance de décider si tel ou tel lieu est

 28   une cible légitime ou pas. Il n'appartient certainement pas au témoin en sa

Page 2723

  1   qualité de témoin en ex-Yougoslavie de le faire.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, mais lorsque

  3   le colonel pourra répondre à la question en sa qualité de militaire, nous

  4   apprendrons ce qu'il sait.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je ne pense certainement pas qu'une

  6   télévision peut être une cible d'une quelconque action militaire. Si un

  7   individu ou un organisme s'efforce d'endommager ou de détruire des

  8   institutions d'Etat - et le siège de la télévision en est une, c'est un

  9   lieu central de communication - donc s'il y a attaque contre un tel lieu de

 10   la part de quelqu'un, cela devient une cible légitime. Donc je ne sais pas

 11   dans quel contexte le Dr Karadzic me pose cette question. Pouvez-vous vous

 12   expliquer plus précisément, je vous prie ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avançons.

 14   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Je voudrais dire simplement que l'OTAN n'appréciera pas votre réponse,

 16   car vous décrivez l'attaque de la télévision de Belgrade dans le bâtiment

 17   de laquelle il n'y avait aucune présence militaire, alors que s'agissant du

 18   siège de la télévision de Sarajevo il y avait une présence militaire.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas de discours, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande le versement au

 21   dossier de ce document. C'est un rapport confidentiel adressé au

 22   commandement de la 17e Brigade de Partisans. En fait, au commandement de la

 23   2e Région militaire par l'une des unités sur le terrain.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 25   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, objection

 26   encore une fois. D'abord, nous n'avons pas de traduction, et deuxièmement,

 27   nous n'avons pas de fondement valable pour la demande de versement au

 28   dossier de ce document. Le témoin n'a pas pu en parler. Le commandement de

Page 2724

  1   la 17e Brigade des Partisans n'est certainement pas une unité de la JNA.

  2   Donc la valeur et la fiabilité de ce document n'ont pas été établies. Nous

  3   aurions besoin d'un fondement à l'appui de la demande de versement.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Par ailleurs, le

  5   témoin ne sait rien du contenu de ce document en dehors du nom de l'un des

  6   paramilitaires mentionnés, et nous ne voyons pas dans quelles conditions la

  7   crédibilité de ce document pourrait être établi et aider les Juges. Donc

  8   nous rejetons ce document, Monsieur Karadzic.

  9   Et je suppose que l'heure de la pause est arrivée.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une minute encore, je vous prie. La Défense

 11   tient à dire qu'il est question ici d'une attaque contre la télévision. Il

 12   est montré dans le document qu'il s'agit bien du siège d'une station de

 13   télévision qui était une installation militaire puisque la JNA y a été

 14   présent jusqu'au 20 mai. Donc la Défense est déçue. Mais l'unité en

 15   question n'aurait certainement pas dû être baptisée, Brigade des Partisans,

 16   car nous n'étions ni favorables aux Partisans ni favorables aux Chetniks

 17   pour la construction d'une société serbe moderne.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez toute possibilité de

 19   poursuivre votre interrogatoire et de présenter des éléments de preuve sur

 20   ce point.

 21   Vingt minutes de pause.

 22   --- L'audience est suspendue à 10 heures 20.

 23   --- L'audience est reprise à 10 heures 43.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic,

 25   mais veuillez tenir compte de ce que M. le Juge Morrison vous a dit.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Avant de

 27   reprendre le contre-interrogatoire, je souhaitais demander à la Chambre si

 28   elle accepterait de prendre en compte une requête émanant de la Défense qui

Page 2725

  1   porte sur l'agenda du colonel Doyle, et sur notre demande quant au fait de

  2   savoir s'il lui conviendrait que nous fassions une photocopie de plusieurs

  3   pages de son agenda aujourd'hui, les pages où il est question des sujets

  4   évoqués au cours de l'audition de ce témoin, qu'il s'agisse de réunions ou

  5   d'événements, étant entendu que tous les passages personnels seront

  6   expurgés, tous les passages dont le témoin ne souhaite pas qu'ils nous

  7   soient communiqués. Et donc si cet agenda pourrait nous être transmis avant

  8   la fin du contre-interrogatoire que mène le Dr Karadzic, au cas où certains

  9   éléments contenus dans ces notes pourraient être utiles. Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En principe, nous laissons ces

 11   négociations avec le témoin entre les mains des parties, mais, Colonel

 12   Doyle, puis-je vous demander quelle est votre position sur cette requête de

 13   la Défense ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, cet agenda est un

 15   agenda qui est tout à fait personnel, il comporte des notes écrites par moi

 16   au sujet des communications que j'ai pu avoir avec ma famille dans la

 17   période en question. Je n'ai consigné ces notes qu'afin de me rappeler qui

 18   je rencontrais et où je rencontrais telle ou telle personne. Les agendas ne

 19   comportent aucun élément portant sur un avis personnel ou aucun rapport.

 20   Donc je demanderais, si vous me le permettez, bien entendu, au cas où tout

 21   devrait être photocopié, de me réserver le droit d'expurger mes agendas de

 22   certains passages personnels.

 23   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Cela pourra prendre un peu plus de

 24   temps, mais si vous voulez relire les photocopies, je suis sûr que le temps

 25   nécessaire sera réservé à cet effet. Mais quoi qu'il en soit, c'est à vous

 26   qu'il appartient de décider à quel moment vous souhaitez éventuellement

 27   transmettre ce document à la Défense et dans quelles conditions.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pensais, parce que je

Page 2726

  1   n'ai pas mis par écrit l'identité des personnes que j'ai rencontrées à

  2  partir du 1er mars jusqu'à la date de mon évacuation le 12 mai, donc cela ne

  3   me pose aucun problème que la Défense souhaite que les éléments relatifs à

  4   cette période soient photocopiés, mais je me réserve le droit de supprimer

  5   toute note personnelle. Mais cela ne me pose aucun problème par ailleurs.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Très bien. Et normalement lorsqu'il

  7   est question d'un agenda dans le prétoire, la question qui se pose est de

  8   savoir s'il peut être communiqué à la Défense. Par exemple, si un officier

  9   de police est en train de témoigner en s'appuyant sur un carnet de notes,

 10   le même principe s'applique, qu'on l'appelle un carnet de notes ou un

 11   agenda, mais c'est le même principe de non-communication qui s'applique au

 12   sujet de toutes les parties du carnet de notes qui ne sont pas pertinentes

 13   en espèce, et qui donc ne sont pas communiquées à la Défense. Dans votre

 14   cas, il s'agit des éléments qui vous sont personnels.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, cela ne me pose pas de

 16   problème. Mais voyez-vous, prendre en compte l'intégralité de l'année en

 17   question n'est pas indispensable. Je proposerais donc qu'entre le 1er mars,

 18   date à laquelle la situation a commencé à évoluer, jusqu'à la date de mon

 19   évacuation le 12 mai, les éléments relatifs à cela ne soient pas

 20   communiqués. Mais pour le reste, Monsieur le Juge, Monsieur le Président,

 21   nous n'avons pas de problème.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous apprécions votre

 23   coopération.

 24   Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande l'affichage du

 26   document 1D01273. Voyons d'abord la première page qui permettra

 27   d'identifier le document, après quoi nous passerons à la page 4 du

 28   document. Cette page a été traduite.

Page 2727

  1   Donc première page sur les écrans. Très bien. Maintenant, la page 4

  2   qui est traduite en anglais.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Colonel, nous avons ici un rapport de la police de la République serbe

  5   de Bosnie-Herzégovine, département de la Sécurité nationale -- ou plutôt,

  6   des Services secrets, et nous voyons écrit le mot Ilidza. Donc ce rapport

  7   c'est un rapport qui est fait dans lequel on lit que la télévision de

  8   Sarajevo a été reprise par les Bérets verts, que 50 à 70 Bérets verts sous

  9   la conduite de Sejo Saric sont présents dans le bâtiment, et qu'un certain

 10   Boca, ainsi qu'un autre homme prénommé Saban, agissent avec l'aide de

 11   Bajrovic et de Kasim, et cetera, qu'ils disposent de grandes quantités de

 12   munitions et que pendant une attaque, 30 à 40 membres des Bérets verts sont

 13   arrivés à la station de télévision, y ont installé des lance-roquettes et

 14   des bazookas sur le toit du bâtiment, des armes qui ont une portée de tir

 15   de 500 mètres, puis que des employés de la station de télévision

 16   suppliaient les Bérets verts de leur fournir des munitions de façon à

 17   pouvoir les échanger contre du pain en ville. Donc ils demandent un échange

 18   de munitions contre du pain. Et un peu plus loin, nous lisons que lors du

 19   bombardement du 9 mai, le sixième étage du bâtiment a été touché et qu'il

 20   s'en est suivi la destruction de plusieurs bureaux que le septième étage a

 21   été touché également, et cetera.

 22   Alors, est-ce que ceci prouve que le siège de la télévision était

 23   effectivement utilisé comme installation militaire ?

 24   R.  Non, pas du tout. Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais vu d'unités

 25   militaires dans le bâtiment de la télévision de Sarajevo. Il n'y a jamais

 26   eu aucune mention de cela qui m'ait été faite. Personne parmi les Serbes de

 27   Bosnie n'est venu me voir pour me parler de cela. Et cela me surprend au

 28   plus haut point de lire ce que je lis ici. J'estime que ceci est très

Page 2728

  1   difficile à croire ou à admettre. Je n'ai jamais vu pendant la période que

  2   j'ai passée à Sarajevo une quelconque forte unité militaire dans le

  3   bâtiment de la télévision. Je n'ai jamais vu d'armes sur les toits, et

  4   étant donné que les Bosno-serbes ont mené une attaque aux mortiers contre

  5   la station de télévision, je me pose la question de savoir si la mention de

  6   ces munitions n'est pas simplement une façon de justifier cette attaque.

  7   Mais je dois dire que pendant la période où j'étais présent sur les lieux,

  8   je n'ai jamais vu de Bérets verts ou quiconque en uniforme, pas plus que de

  9   grandes quantités d'armes ou quoi que ce soit de ce genre, et personne ne

 10   m'a dit un mot, de votre côté en particulier, au sujet de ces allégations.

 11   Q.  Je vous remercie. Colonel, nous devons préciser un certain nombre de

 12   points qui ont fait l'objet de déclarations contradictoires. Vous avez dit

 13   que vous étiez seul et impuissant, que vous n'aviez personne pour vous

 14   aider. Lorsque nous nous sommes entretenus, vous et moi, vous avez déclaré

 15   que vous n'alliez pas au centre-ville mais que vous aviez des représentants

 16   à vous au centre-ville.

 17   Alors, est-ce que vous étiez en mesure de voir quoi que ce soit, et

 18   si vous n'avez rien vu, est-ce que vous excluez entièrement la possibilité

 19   que ce qui est écrit ici se soit passé en dépit du fait que vous ne l'ayez

 20   pas vu ?

 21   R.  J'aimerais préciser ma position. Jusqu'au moment où je suis devenu

 22   représentant personnel de Lord Carrington, je contrôlais environ 60

 23   observateurs de l'Union européenne qui travaillaient sous mon commandement

 24   dans la ville de Sarajevo et un peu partout dans le pays. Leurs missions

 25   étaient distribuées par moi, et ils étaient chargés de présenter des

 26   rapports quotidiens au sujet de l'évolution dans les zones où ils

 27   opéraient. Au nombre de ces zones se trouvait la ville de Sarajevo.

 28   Lorsque je suis devenu le représentant personnel de Lord Carrington et que

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  1   je suis rentré à Sarajevo le 10 avril 1992, si j'avais toujours l'appui des

  2   observateurs de la Mission européenne et que je pouvais obtenir des

  3   rapports de leur part, je n'exerçais plus aucun contrôle, je n'avais plus

  4   aucun pouvoir sur eux.

  5   Puis deuxième point que je tiens à souligner, c'est que la télévision de

  6   Sarajevo était assez près de l'endroit où nous résidions, c'est-à-dire à

  7   Ilidza. La télévision de Sarajevo n'était pas au centre de la ville. Par

  8   conséquent, nous savions et pouvions avoir des contacts avec la télévision

  9   de Sarajevo. J'ai fait pas mal d'interviews dans ces bâtiments. Donc je ne

 10   peux que vous donner mon avis personnel, mais à mon avis, tout ce rapport

 11   alléguant qu'il y avait des bazookas et toutes sortes de munitions dans le

 12   bâtiment, je ne suis pas en mesure de l'admettre. C'est mon avis et

 13   l'appréciation que j'ai faite à l'époque.

 14   Q.  Colonel, étiez-vous en mesure d'en savoir plus que les services de

 15   Sécurité d'un Etat, parce que ceci est un document qui date du 11 mai. Vous

 16   nous dites que vous pouviez en savoir davantage que des services officiels

 17   de l'Etat et que ce document n'est pas un document authentique. Vous étiez

 18   à Ilidza, ce document est un document marqué sécurité, secret, défense. Les

 19   services de Sécurité avaient des représentations un peu partout, et vous

 20   affirmez aujourd'hui que vous étiez en mesure d'en savoir plus sur la

 21   situation que des services officiels de l'Etat, et vous contestez

 22   l'authenticité de ce document qui est un document de l'époque. C'est bien

 23   ce que vous êtes en train de dire ?

 24   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est une

 25   déformation complète des propos du témoin. Ce que le témoin a dit c'est ce

 26   qu'il a vu et ce qu'il ignorait personnellement et, bien entendu, c'est à

 27   cela que doit se limiter l'audition de tout témoin. Il doute de

 28   l'authenticité de ce document et l'explique par ce qu'il vient de dire.

Page 2730

  1   L'authenticité du document n'est pas un élément dont le témoin peut parler

  2   en tant que tel. Si vous avez des éléments de preuve que vous pouvez

  3   présenter en temps utile et qui permettront d'authentifier ce document,

  4   vous êtes libre de les présenter, mais pour le moment, vous avez déformé

  5   entièrement la nature de la déposition de ce témoin sur ce point ainsi que

  6   ce qu'il dit sur le fond.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Colonel, mon problème est le suivant : vous parlez de pas mal de

  9   choses. Pendant l'interrogatoire principal, vous avez parlé d'un certain

 10   nombre de sujets. Je voulais vous interroger maintenant au sujet de détails

 11   relatifs aux événements ou ce que vous avez abordé dans l'interrogatoire

 12   principal. Vous dites ne pas savoir ou vous affirmez que vous avez des

 13   connaissances différentes de ce qui est écrit dans les documents. Donc vous

 14   êtes bien partial, Colonel ?

 15   R.  Non, la seule chose dont je ne peux jamais être accusé, Monsieur

 16   Karadzic, c'est d'être partial, sauf le respect que je vous dois.

 17   Q.  Je vous remercie. Mais voilà la question que j'aimerais vous poser

 18   maintenant : pourquoi est-ce que vous avez évité de rencontrer des

 19   représentants de la partie serbe ou de vous faire photographier avec des

 20   représentants de la partie serbe ? Est-ce que la partie serbe n'était pas

 21   une partie égale aux autres dans les négociations et dans le conflit ?

 22   R.  Est-ce que cette question qui porte sur des rencontres avec les

 23   représentants serbes se situe à une époque particulière ? Je ne comprends

 24   pas votre question, Monsieur Karadzic.

 25   Q.  Bien, voici ma question : quand vous faisiez partie de la Mission

 26   européenne - et je constate que cela s'est poursuivi par la suite - vous

 27   avez refusé d'être reçu à Ilidza par la direction locale qui se trouvait

 28   là, et lorsque vous êtes arrivé à Pale, vous avez imposé une condition, à

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  1   savoir que vous ne vouliez pas être photographié pour la télévision. Alors,

  2   je me demande pourquoi tous ces hauts représentants respectaient les trois

  3   parties, alors que vous-même, vous ne vouliez rien avoir à faire avec la

  4   partie serbe ? Voilà ma question.

  5   R.  D'accord. Je peux répondre. D'abord, vous avez parlé dans la première

  6   formulation de votre question d'un dîner auquel j'aurais été invité par un

  7   comité bosno-serbe nouvellement créé à Ilidza. Durant ce dîner, j'ai

  8   commencé à me rendre compte que j'étais utilisé, dirais-je, utilisé à des

  9   fins politiques. Tous les membres non-serbes que l'on trouvait parmi les

 10   personnes travaillant dans cet hôtel avaient été emmenés par les Bosno-

 11   serbes et déplacés sans leur consentement vers le centre de la ville. A

 12   l'époque où ce discours a été prononcé en ma présence, j'ai pensé qu'ils

 13   souhaitaient me souhaiter la bienvenue et j'ai estimé que cette nouvelle

 14   organisation souhaitait me rencontrer pour se donner une légitimité. Et je

 15   n'étais pas préparer à jouer ce rôle.

 16   S'agissant de la rencontre à Pale au cours de laquelle Mme Plavsic a

 17   accepté que notre rencontre ne fasse l'objet d'aucune publicité, à cette

 18   époque-là, la Republika Srpska n'était toujours pas acceptée

 19   internationalement. Et encore une fois, j'ai été vu à Pale en uniforme des

 20   observateurs de l'Union européenne et j'ai pensé que si une photo de moi

 21   était vue dans cet uniforme, ce serait une façon d'indiquer que je

 22   reconnaissais et j'admettais toute la Republika Srpska. Or, je souhaitais

 23   éviter cela, parce que je m'efforçais de maintenir mon statut impartial et

 24   neutre. Lorsque les événements ont évolué, certains ont découvert que

 25   c'était mon anniversaire, et Mme Plavsic est venue m'apporter un gâteau, la

 26   télévision a couvert l'événement, et je crois comprendre que cet événement

 27   a fait l'objet de publications d'articles à Belgrade. Donc il faut que vous

 28   vous rendiez compte que je m'efforçais de maintenir une certaine

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  1   neutralité, et c'est la raison pour laquelle je ne voulais aucune

  2   publicité. Je n'ai à aucun moment refusé une réunion de médiation ou une

  3   quelconque coopération avec les dirigeants bosno-serbes. Je pense que vous

  4   devez reconnaître cela vous-même, Monsieur Karadzic. Je n'ai jamais refusé

  5   la moindre rencontre, j'ai essayé d'être aussi utile que possible à toutes

  6   les parties au conflit.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demande le versement au

  8   dossier de ce document, Monsieur le Président. Et je demande l'affichage du

  9   document 1D1291, rapidement. C'est un livre dont l'auteur est le général

 10   MacKenzie.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 12   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] S'agissant du document 1D1273, nous

 13   élevons la même objection qu'au sujet du document précédent. Ce document

 14   n'a pas été reconnu par le témoin, le témoin n'a pas pu parler de ce

 15   document. Il n'existe donc aucun fondement susceptible d'expliquer

 16   l'admission de ce document au dossier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Accepté. Nous rejetons ce document.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Encore une fois, j'exprime mon désappointement,

 19   car ce document montre que le témoin n'était pas suffisamment bien informé,

 20   mais enfin, c'est la décision de la Chambre.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  J'aimerais maintenant poursuivre avec l'affichage du document suivant

 23   qui est un livre dont l'auteur est le général MacKenzie. Et à présent que

 24   nous avons vu la page de garde montrant le titre et l'auteur, je demande

 25   que soit affichée la page 182. Donc c'est la page 182. Je ne sais pas dans

 26   la succession des pages laquelle c'est exactement. Page 182 du livre. Dans

 27   la pagination du document, c'est la page numéro 22.

 28   Alors, voyons ce que dit le général MacKenzie :

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  1   "Le 11 mai. La Communauté européenne avait tenu des pourparlers, des

  2   négociations marathons au cours des jours précédents, les quelques jours

  3   précédents. La Communauté européenne a continué à exclure les Serbes de

  4   Bosnie des pourparlers et, par conséquent, la popularité de la Communauté

  5   européenne n'a cessé de chuter auprès d'eux. Entre-temps, les Serbes de

  6   Bosnie dirigés par Radovan Karadzic devenaient de plus en plus indépendants

  7   de la JNA. Il y avait même des rapports faisant état des Serbes de Bosnie

  8   attaquant toute unité de la JNA, qui essayait de," et cetera, et cetera.

  9   Donc vous voyez que c'était là également le point de vue du général

 10   MacKenzie, à savoir que la Communauté européenne et ses représentants nous

 11   contournaient.

 12   Et vous avez reconnu que la position de Lord Carrington était que -- la

 13   seule chose essentielle était que chacune des trois parties appose sa

 14   signature au bas du plan de paix, et tous nous ont d'ailleurs traités sur

 15   un pied d'égalité dans le cadre des pourparlers, à l'exception de la

 16   Communauté européenne.

 17   Et en bas de la page, on voit à la date du 12 mai, je cite :

 18   "Après une nuit sans répit, dans des circonstances nouvelles, je me suis

 19   assis avec les généraux Nambiar, Philippe Morillon et Cedric Thornberry

 20   pour examiner l'élargissement de notre mandat de maintien de la paix en

 21   Bosnie. Nous n'avons toujours pas un mandat des Nations Unies pour la

 22   Bosnie, mais avec le départ de la Communauté européenne, nous étions restés

 23   seuls sur place, en ville, et lentement, mais sûrement, nous étions de plus

 24   en plus impliqués. Nous avons convenu que nous devions faire participer les

 25   Serbes de Bosnie à toute négociation portant sur un cessez-le-feu et tenue

 26   sous l'égide de la FORPRONU," et cetera, et cetera.

 27   Donc, Colonel, vous voyez que nous avons insisté pour qu'on tienne compte

 28   de la présence de la partie serbe, sans laquelle aucune négociation n'était

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  1   pas possible, et qui représentait tout simplement un tiers du système en

  2   vigueur, système légitime en Bosnie-Herzégovine. Nous n'avons pas demandé

  3   que soit reconnue la Republika Srpska, mais que soit respectée la partie

  4   serbe ainsi que je viens de le dire. Alors, pourquoi cela était si

  5   difficile à accepter du point de vue de la Communauté européenne ?

  6   R.  En fait, ce n'est pas du tout le fait que la Communauté européenne

  7   n'acceptait pas les Serbes de Bosnie comme étant un groupe ethnique et

  8   légitime en Bosnie. Si vous me demandez pourquoi les Serbes de Bosnie

  9   n'étaient pas invités aux négociations où j'ai pris part, je pourrais vous

 10   expliquer pourquoi. Alors, je ne comprends pas bien votre question. Il est

 11   évident que les Serbes de Bosnie étaient une nation qui existait, qui

 12   faisait partie d'une entité. N'oubliez pas non plus que le général

 13   MacKenzie était le commandant des forces des Nations Unies. Il commandait

 14   énormément de personnes. Il représentait les Nations Unies, alors que moi,

 15   j'étais dans un poste parfaitement différent, je ne représentais pas la

 16   Communauté européenne. Je représentais la communauté [comme interprété] de

 17   paix internationale sur l'ex-Yougoslavie. Mais vous n'avez qu'à poser des

 18   questions au général MacKenzie. Peut-être qu'il n'a pas les mêmes opinions

 19   que moi. D'ailleurs, il n'aura peut-être pas les mêmes opinions que moi.

 20   Mais rappelez-vous, en fait, que nous essayions peut-être d'arriver au même

 21   but, mais que lui, il était officier des Nations Unies, alors que moi, je

 22   ne l'étais pas.

 23   Q.  Merci. Nous allons y revenir, mais j'aimerais, pour le moment, savoir

 24   si ce document peut être versé. Nous aurons l'occasion d'y revenir à

 25   plusieurs reprises. Nous pouvons également en demander le versement plus

 26   tard.

 27   Pourrions-nous avoir le document 1D01270 à l'écran, s'il vous plaît,

 28   afin de conclure sur ce sujet. Vous allez voir qu'il s'agit d'une lettre

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  1   envoyée par le général Kukanjac à Alija Izetbegovic en date du 19 avril.

  2   Vous étiez déjà sur place. Le général Kukanjac écrit à Izetbegovic -- il

  3   faudrait que nous ayons également la traduction en anglais.

  4   Je vais lire en serbe certains des passages les plus

  5   importants : 

  6   "Monsieur le Président," je cite, "au cours de la nuit du 17 au 18 avril

  7   1992, vos Bérets verts se sont livrés à une attaque visant une partie de

  8   l'usine Pretis, à Vogosca. Vous êtes au courant des résultats de cette

  9   attaque."

 10   "Au cours de la nuit du 18 au 19 avril, à Konjic, à partir de 20 heures, le

 11   18 avril, tout a été mis sous blocus. Les communications téléphoniques ont

 12   été coupées. Les Bérets verts ont pris le contrôle des installations

 13   industrielles Igman."

 14   Ensuite, au point (a) :

 15   "Arrêtez ces attaques visant des installations militaires,"

 16   (c) : "Ordonnez le déblocage des installations militaires Ljuta et

 17   Celebic." Alors, nous restons à la même page en anglais, mais à la page

 18   suivante en serbe -- non, en anglais également, il faut tourner la page, je

 19   cite :

 20   "Monsieur le Président, n'oubliez pas que nous avons conclu un accord de

 21   cessez-le-feu, le 12 avril 1992, et que le même jour, votre directive par

 22   laquelle vous déclarez la guerre à la JNA a été publiée. Bien entendu, cela

 23   visait également les Serbes et d'autres citoyens innocents."

 24   Et au dernier paragraphe :

 25   "Analysez tout cela et prenez position publiquement pour dire que c'est la

 26   guerre que vous voulez. Si vous ne voulez pas la guerre, alors, prouvez-le

 27   par vos actes."

 28   Alors, tout cela se passait alors que vous étiez l'envoyé de Lord

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  1   Carrington dans le cadre de la conférence de paix. Mais n'êtes-vous pas

  2   d'accord pour dire que de telles circonstances exercent une influence

  3   déterminante sur le cours d'une telle conférence de paix et sur les chances

  4   d'une issue favorable à cette dernière ?

  5   R.  C'est la première fois que je vois ce document, et je ne savais pas

  6   qu'il a été envoyé par qui que ce soit, et je ne connais pas la teneur du

  7   document, non plus. Donc je ne peux pas faire de commentaire sur ce sujet.

  8   Tout ce que je peux dire, c'est que le 18 avril, c'est le jour où la

  9   station de télévision a été pilonnée au mortier par les Serbes de Bosnie.

 10   Q.  C'est la seule chose que vous savez ? Vous n'êtes pas au courant des

 11   actes commis par les forces musulmanes dans ce cas, n'est-ce pas ?

 12   R.  Monsieur Karadzic, je ne sais pas parfaitement ce que toutes les

 13   personnes savaient à ce moment-là. La ville était assiégée. Il y avait des

 14   rumeurs, des allégations qui couraient un peu partout. Mais la communauté

 15   internationale était principalement préoccupée par ce qui arrivait de la

 16   ville venant de l'extérieur de la ville, puisque c'était, en fait, le

 17   pilonnage de la ville qui venait de l'extérieur. C'est ça qui préoccupait

 18   la communauté internationale. Donc je ne comprends pas très bien pourquoi

 19   il y toutes ces allégations qui courent sur des Musulmans qui, eux,

 20   étaient, en fait, finalement assiégés ou n'avaient pas la liberté de

 21   mouvement, et qui ont passé énormément de temps dans des caves et des

 22   bunkers. Donc tous ces documents sont assez étranges, pour le moins.

 23   Q.  Colonel, est-ce que vous savez qui se livrait à ces pilonnages ? Est-ce

 24   qu'avant d'avoir vu ce document, vous étiez au courant du fait que le HOS

 25   et son artillerie étaient présents à Sarajevo, oui ou non ?

 26   R.  Je savais qu'à l'intérieur de la ville il y avait des éléments qui

 27   essayaient de défendre la ville, mais qu'en revanche, au sein de la ville

 28   aussi, il y avait d'autres éléments qui essayaient d'obtenir du territoire.

Page 2738

  1   Cela, j'en savais. Mais à cette époque-là, ce qui se passait

  2   principalement, c'est que la ville était pilonnée de l'extérieur et depuis

  3   les collines qui se trouvaient à l'extérieur de Sarajevo. C'est là

  4   qu'étaient les pièces d'artillerie et c'est pour ça que la plupart d'entre

  5   nous, nous nous abritions dans les bunkers des Nations Unies.

  6   Q.  Oui, mais, Colonel, est-ce que vous saviez qui était en position sur

  7   ces différentes collines autour de Sarajevo, est-ce que vous saviez qui

  8   tenait chacune de ces différentes positions ?

  9   R.  Non. Non, je ne le sais pas. Mais nous savions très bien que c'était

 10   principalement les Serbes de Bosnie, puisqu'ils avaient déjà leur propre

 11   armée, l'armée des Serbes de Bosnie, et toutes les armes lourdes, les chars

 12   avaient été employés, avaient été pris, si je puis dire. J'ai vu des

 13   preuves de cela dans un document qui vous a déjà été présenté, je crois. Il

 14   s'agit d'une réunion du comité de la Republika Srpska où ils parlaient de

 15   toutes les armes qu'ils avaient déjà obtenues et prises. Donc, je pense

 16   qu'il est incontestable que l'essentiel des armes, à l'époque,

 17   appartenaient et étaient contrôlées par les Serbes de Bosnie, et étaient

 18   dirigées contre la ville de Sarajevo.

 19   Q.  Mais, Colonel, nous avons l'obligation d'être précis, ne vous fâchez

 20   pas. Est-ce que vous dites que les Serbes de Bosnie avaient leur propre

 21   armée au moment où vous étiez en Bosnie, donc jusqu'au 12 mai ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Mais c'est un fait connu de tous que la décision portant constitution

 24   de l'armée a été prise le 12 mai, à l'assemblée à Banja Luka, et que

 25   l'"armija" Srpska, l'armée serbe, est apparue le 20 mai, parce que la JNA

 26   s'est, à ce moment-là, retirée, l'armée des Serbes de Bosnie est apparue

 27   après le retrait, le 20 mai, de la JNA.

 28   R.  La JNA s'est retirée de Bosnie ce jour-là. Je suis d'accord avec ça.

Page 2739

  1   Mais on ne fabrique pas une armée du jour au lendemain, Monsieur Karadzic.

  2   Nous avons vu des convois énormes d'armes, de chars allant jusqu'à Pale,

  3   donc jusqu'au QG de la Republika Srpska. J'y suis allé d'ailleurs, je l'ai

  4   déjà dit, j'y suis allé le 1er mai avec Mme Plavsic. J'avais essayé de m'y

  5   rendre la veille, mais les routes étaient tellement encombrées, bloquées

  6   par des pièces d'artillerie lourde, par des chars qui montaient sur Pale,

  7   tous ces tanks qui avaient été repris par les Serbes de Bosnie auprès de la

  8   JNA qui n'avait qu'une hâte, c'était se retirer de Bosnie.

  9   Q.  Est-ce que c'étaient des chars de la JNA, et quand les Serbes les ont-

 10   ils repris auprès de la JNA ? A qui étaient ces chars, en fait ?

 11   R.  Bien, j'imagine qu'ils ont été repris lorsque je les ai vus monter vers

 12   Pale. Et si je me souviens bien, lorsque vous veniez à une réunion à

 13   Ilidza, vous êtes arrivé, vous-même, à bord d'un char, sous protection de

 14   la JNA. Donc je ne sais pas exactement. Je sais quel jour la création de

 15   l'armée serbe de Bosnie a été annoncée. Mais avant, il y avait énormément

 16   de mouvements d'armes. L'une des  Missions des observateurs de la MOCE

 17   était de suivre, et d'observer, de surveiller les convois de la JNA qui se

 18   retiraient du territoire de Croatie. C'est l'une de mes missions qu'on m'a

 19   donnée en tant que chef de la mission. Et je l'ai réalisé d'ailleurs, nous

 20   avons observé un grand nombre de convois de la JNA se déplaçant au travers

 21   du territoire de la Bosnie pour aller vers la Serbie. Mais un grand nombre

 22   de ces convois, à notre avis, étaient en train d'être contrôlés et mis sous

 23   le contrôle des Serbes de Bosnie qui étaient en train de, très rapidement,

 24   créer leur propre armée des Serbes de Bosnie. En fait, les critères étaient

 25   que toute personne qui était née en Bosnie et qui était membre de la JNA

 26   pouvait rester en Bosnie. La plupart d'entre eux étaient Serbes, et ils

 27   avaient non seulement le droit de rester sur le territoire, mais de rester

 28   avec leurs armes et avec les équipements, et avec les chars, et cetera.

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  1   Donc ça, c'est incontestable, c'est ce qui se passait.

  2   Q.  Beaucoup de cela est controversé, Colonel. D'où est arrivé le général

  3   Delic, en provenance de quelle armée ?

  4   R.  Je n'en sais rien, je n'en sais rien. Je ne le connais pas.

  5   Q.  D'où est arrivé Hajrulahovic dont vous avez fait la connaissance ? D'où

  6   sont venus les officiers qui commandaient au sein de l'armée musulmane et

  7   d'où sont arrivées les armes, les premières armes dont ils ont disposé ? Je

  8   ne parle pas des seconde ou troisième livraisons en provenance d'Iran, mais

  9   les premières armes dont ils ont disposé. Alors, je vais essayer de vous

 10   aider. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que la JNA a été, en

 11   quelque sorte, la mère de toutes les armées apparues ensuite dans les ex-

 12   républiques yougoslaves ?

 13    R.  Oui, j'admets, en effet, que la JNA représentait toutes les

 14   républiques de l'ex-Yougoslavie, et j'admets le fait qu'il y avait certains

 15   éléments des Serbes de Bosnie musulmans -- surtout des Musulmans de Bosnie

 16   et des Croates de Bosnie qui ont eu accès aux armes. Mais je considère que

 17   lorsque la JNA s'est retirée de la Croatie, l'essentiel des armes ont été

 18   donnés aux Serbes de Bosnie. Il est évident que certains des membres de la

 19   JNA qui, eux, étaient des Musulmans de Bosnie ont été incorporés au sein de

 20   la TO, de l'armée territoriale. Mais ce que je dis, en fait, c'est que

 21   l'essentiel des forces, l'essentiel donc des forces de la JNA qui n'étaient

 22   pas en retraite, mais ils quittaient la Croatie suite à un accord, bien,

 23   étaient des Bosniens qui étaient nés en Bosnie, des Serbes nés en Bosnie

 24   qui sont devenus membres de l'armée des Serbes de Bosnie, par la suite.

 25   Q.  Très bien. Alors, je voudrais avancer la chose suivante : les Croates

 26   et les Musulmans, dans une seconde phase, ont progressivement quitté les

 27   rangs de la JNA, si bien que cette dernière est devenue à dominante serbe.

 28   Les Serbes n'ont pas quitté la JNA jusqu'à la toute fin, si bien qu'ils

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  1   ont, en fait, hérité d'une partie, alors que les Croates et Musulmans ont

  2   quitté la JNA en emportant au passage des armes. Donc la théorie que

  3   j'avance consiste à dire que c'est la JNA qui est la mère de toutes les

  4   différentes armées apparues dans les différentes républiques et constituées

  5   sur la base de la Défense territoriale et des services de police présents

  6   dans ces différentes républiques, ainsi que des éléments de la JNA qui ont

  7   quitté les rangs de la JNA; donc les Croates et les Musulmans, alors que

  8   les Serbes, eux, n'ont pas quitté la JNA, si bien qu'il en ressort que

  9   votre impression selon laquelle la JNA était à dominante serbe est

 10   partiellement exacte. Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que

 11   toutes ces différentes forces armées sont apparues en étant issues de la

 12   JNA, à ceci près que certaines de ces forces armées sont apparues par

 13   défection progressive d'éléments de la JNA, alors que les Serbes, eux, sont

 14   restés jusqu'au bout ?

 15   R.  Je ne peux que répéter mes propos précédents, vous savez qu'environ 80

 16   % de l'armée de la JNA qui est entrée en Bosnie était composée de Bosniens.

 17   La plupart d'entre eux étaient d'ailleurs des Serbes de Bosnie. Donc du

 18   jour au lendemain, la transition était très facile pour passer de la JNA à

 19   la VRS, à des unités serbes de Bosnie. C'était beaucoup plus difficile pour

 20   les Croates et les Musulmans puisqu'ils étaient beaucoup moins nombreux.

 21   Ensuite, les Serbes de Bosnie étaient armés, parce que le président

 22   Izetbegovic avait déclaré l'état de neutralité, et ça, c'était lorsque la

 23   JNA fédérale a fait un appel aux réservistes. Mais la plupart des gens qui

 24   ont répondu à cet appel, en fait, étaient des Serbes de Bosnie, puisque les

 25   Musulmans et les Croates n'étaient pas censés obéir à cet ordre, suite à ce

 26   qu'avait décidé le président Izetbegovic. Donc les Serbes de Bosnie ont été

 27   mobilisés, et quand ils ont répondu à l'appel, on leur a donné des armes,

 28   et ces armes, ils ont pu les garder lorsqu'ils ont été démobilisés. C'est

Page 2742

  1   ainsi que les Serbes de Bosnie ont été armés, et ceci ne s'est pas fait, en

  2   revanche, pour les Musulmans de Bosnie, en tout cas, pas dans la même

  3   mesure. Donc ils avaient accès à des armes, et c'était extrêmement

  4   préoccupant pour nous au sein de la Mission d'observation, parce que nous

  5   avions des rapports selon lesquels différentes municipalités disaient que

  6   les Serbes de Bosnie s'armaient, parce qu'ils avaient obéi, en fait, à cet

  7   appel à la mobilisation. Le président Izetbegovic disait que ce n'est pas

  8   son avis légal, mais en tout cas, les Serbes de Bosnie étaient en train de

  9   s'armer.

 10   R.  Colonel, je dois maintenant vous rappeler que lors de notre entretien,

 11   je vous ai demandé si vous étiez au courant de la doctrine titiste de la

 12   Défense populaire généralisée, également de la Loi portant sur cette

 13   Défense populaire, et si vous étiez au courant du fait que bien avant la

 14   guerre déjà, les réservistes avaient toujours eu le droit d'emporter chez

 15   eux leur équipement et leurs armes. Vous saviez cela ainsi que leurs

 16   uniformes d'ailleurs ?

 17   R.  Je le sais.

 18   Q.  Merci. C'était un fait d'une notoriété publique.

 19   Est-ce que vous savez, Colonel, quand la partie musulmane a commencé à

 20   constituer ces propres forces armées ?

 21   R.  Non, je ne sais pas exactement quand cela est arrivé. Evidemment, je

 22   savais que le président était Alija Izetbegovic, et en tant que président

 23   et président de la présidence, il avait une certaine influence. J'étais

 24   assez préoccupé, parce que j'ai été appelé à la présidence pour que la

 25   présidence justement me parle de leurs préoccupations qui étaient tout

 26   d'abord le fait que les Serbes de Bosnie s'armaient, et deuxièmement, qu'il

 27   y avait des munitions qui arrivaient en Bosnie mais qui n'étaient pas

 28   proprement étiquetées, qui arrivaient par le biais de camions. D'ailleurs,

Page 2743

  1   il y a eu un incident où le premier ministre Peladin [phon] m'a demandé

  2   d'aller voir les gens de la JNA pour savoir pourquoi ces armes arrivaient

  3   en Bosnie pour la JNA. Je ne dis pas à l'heure actuelle que ces armes

  4   étaient à destination des Serbes de Bosnie. Elles allaient à la JNA.

  5   Mais c'est de ce dont on parlait avant la crise.

  6   Q.  Très bien. Mais alors, est-ce que vous acceptez de dire que la JNA,

  7   comme toutes les forces armées, pouvait faire intervenir des moyens de

  8   transport qui étaient en possession d'autres entités afin de transporter

  9   ses propres équipements ailleurs ? Est-ce qu'il était possible, est-ce que

 10   l'armée pouvait faire appel à des sociétés pour assurer le transport d'une

 11   partie de ses équipements comme c'est le cas partout ailleurs dans le monde

 12   ?

 13   R.  Je n'ai pas vécu cela dans mon pays. Dans mon pays, on utilise toujours

 14   des équipements militaires pour transporter tout ce qui est militaire. Mais

 15   moi, on m'a parlé de cette lettre de voitures, donc du convoi, et dans

 16   cette lettre de voitures, on ne parlait pas des lance-roquettes qui étaient

 17   à bord de ces quatre camions civils et qui ont été trouvés plus tard, et

 18   c'est pour ça qu'on était assez préoccupé quand même. Et à ma

 19   recommandation, je tiens à dire que ces armes devaient être données à la

 20   JNA et que davantage devrait commencer à dialoguer avec la JNA en tant

 21   qu'armée. Parce que jusqu'à présent, ce n'était pas le cas. Donc suite à ma

 22   suggestion, des contacts ont été établis avec la JNA, alors qu'avant que je

 23   rencontre le premier ministre, il n'y avait eu aucun contact de ce type.

 24   Q.  Merci. Colonel, je voudrais maintenant avancer un certain nombre de

 25   faits et vous voudrez bien me dire si vous les contestez, si vous admettez

 26   que ces faits sont possibles, ou si vous êtes d'accord.

 27   M. Izetbegovic, au mois de février, deux mois après la mise en place du

 28   premier pouvoir démocratiquement élu en Bosnie-Herzégovine, a constitué un

Page 2744

  1   comité secret visant à la protection des Musulmans bien qu'il ait eu

  2   officiellement la fonction de président du comité de protection des trois

  3   peuples. Est-ce que vous confirmez ce fait, est-ce que vous en acceptez

  4   simplement la possibilité ou vous le contestez ? Est-ce que vous confirmez

  5   qu'à ce moment-là on a assisté à la constitution du comité secret pour la

  6   défense des Musulmans ? C'était son intitulé, comité pour la défense des

  7   Musulmans, en février 1991.

  8   R.  Non, Monsieur Karadzic. Je n'en sais absolument rien. Je n'étais pas en

  9   Bosnie-Herzégovine à l'époque.

 10   Q.  Merci. Dans le même ordre d'idée, savez-vous que le 31 mars 1991, une

 11   décision a été prise portant constitution de la Ligue patriotique en tant

 12   qu'armée secrète du SDA ?

 13   R.  Je n'ai aucune connaissance de cela. Et je tiens à vous dire que je ne

 14   me suis jamais rendu en Bosnie-Herzégovine avant octobre 1991.

 15   Q.  Merci. Je vais simplement avancer ces faits à votre attention : est-ce

 16   que vous savez que le 13 avril cette Ligue patriotique a effectivement été

 17   constituée et qu'à partir de ce moment-là est décomptée l'ancienneté de

 18   tous les combattants musulmans ? L'ancienneté des combattants musulmans

 19   commence donc le 13 avril 1991. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

 20   R.  Je n'en ai aucune connaissance.

 21   Q.  Merci. Savez-vous que dans 103 municipalités, donc seules  les

 22   municipalités croates sont exemptes de ce décompte, dans 130 municipalités

 23   où cohabitaient Serbes et Musulmans, cette Ligue patriotique a été

 24   constituée. Donc jusqu'à la fin mai et début juin 1991, cette armée secrète

 25   a été mise en place sous nos yeux à tous dans toutes ces municipalités où

 26   nous vivions les uns et les autres côte à côte ?

 27   R.  Je n'en ai aucune connaissance.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là déjà commence l'armement

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  1   des uns et des autres, que des armes arrivaient de toutes parts, et

  2   qu'ensuite, au moment où le conflit a éclaté, et ce, au vu au su des Etats-

  3   Unis, les Musulmans ont reçu des armes en provenance d'Iran, et ce, en un

  4   flux continu par l'intermédiaire du territoire croate ?

  5   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

  6   Q.  Si je vous dis, Colonel, que le Nouvel an 1992, nous l'avons fêté alors

  7   qu'il y avait plus de 120 000 Musulmans armés dans toute la Bosnie-

  8   Herzégovine qui faisaient partie de la Ligue patriotique, qu'avez-vous à

  9   dire de cela ?

 10   R.  Je dirais que cela m'étonne énormément.

 11   Q.  Merci. Que diriez-vous maintenant si je vous informais que le 27 juin

 12   1991, les présidents Kucan et Tudjman et le président de la présidence de

 13   Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic, ont conclu une alliance secrète

 14   contre la Yougoslavie et la JNA ? C'était une alliance militaire aux fins

 15   d'une guerre contre la JNA.

 16   R.  A nouveau, je dois dire que je n'en sais rien.

 17   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je ne voulais pas vraiment

 18   interrompre. Jusqu'à présent j'ai soulevé très peu d'objection, mais le

 19   témoin a répété à de nombreuses reprises qu'il ne sait rien de tout ça, et

 20   il a bel et bien dit qu'il était arrivé en Bosnie en octobre 1991. Donc

 21   toutes ces questions ne mènent nulle part, enfin, j'aimerais savoir

 22   jusqu'où cela va aller.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces questions portaient sur 1992, après

 24   l'arrivée du témoin, enfin, certaines d'entre elles en tout cas. Et si j'ai

 25   bien compris, il présente sa thèse. Alors, vous pouvez y aller, Monsieur

 26   Karadzic, mais ne vous étendez pas trop sur le sujet.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite dire que le colonel Doyle, pour

 28   lequel nous avons beaucoup de respect, est arrivé dans une situation donnée

Page 2746

  1   au sujet de laquelle il savait fort peu de choses, et je suis persuadé que

  2   le colonel Doyle aurait porté un regard différent sur ces circonstances

  3   s'il avait été au courant de cette alliance militaire secrète --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ne faites pas de

  5   discours, s'il vous plaît.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me contente d'expliquer pourquoi j'estime

  7   cela pertinent. Le colonel n'était pas au courant de ce qu'il vient

  8   d'apprendre.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, vous aurez tout le temps de

 10   vous expliquer, de parler de la crédibilité de vos éléments de preuve, de

 11   leur pertinence, et cetera. Ce n'est pas le moment de faire un discours.

 12   C'est le moment de contre-interroger ce témoin. Rien de plus.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Colonel, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que lors de notre

 16   entretien, vous avez confirmé n'avoir pas su quelles étaient les formations

 17   ou entités contrôlées à l'époque par le Dr Karadzic, et que votre notion

 18   selon laquelle Karadzic exerçait un contrôle sur d'autres entités était

 19   fondée sur le fait qu'il bénéficiait d'une escorte armée ?

 20   R.  A l'époque, je pense qu'en tant que dirigeant des Serbes de Bosnie,

 21   vous étiez responsable de tous les éléments des Serbes de Bosnie qui

 22   étaient contrôlés par vous-même, y compris l'élément militaire. Lorsque

 23   l'on dirige quelque chose, on doit accepter la responsabilité des

 24   subalternes. Donc j'imagine que cela était le cas aussi pour les Musulmans

 25   de Bosnie qui étaient sous le contrôle du président Izetbegovic, les

 26   dirigeants politiques contrôlent ces personnes, mais ce sont eux qui sont

 27   responsables de leurs actes, à mon avis. Et c'est ce que j'attendais de

 28   vous étant donné que vous étiez le chef incontesté des Serbes de Bosnie.

Page 2747

  1   Je suis prêt à dire, certes, qu'il y a toujours des éléments qui ne

  2   sont pas sous le contrôle centralisé. Il y a toujours des éléments qui

  3   échappent au contrôle, mais normalement les maîtres politiques contrôlent

  4   les forces militaires.

  5   Q.  Merci. Mais je parle ici d'une période qui s'étend jusqu'au 12

  6   mai, et vous avez confirmé ne pas avoir su jusqu'au 12 mai que j'exerçais

  7   un contrôle sur certaines formations. Je ne parle même pas de la situation

  8   au-delà du 12 mai lorsque la VRS a été constituée.

  9   Mais lorsque vous étiez sur place, vous avez reconnu ne pas savoir

 10   que j'exerçais le moindre contrôle sur telle ou telle formation. Dans votre

 11   déclaration, vous avez dit avoir noté que je bénéficiais d'une escorte

 12   armée.

 13   Alors, est-ce que lors de notre entretien, vous avez bien convenu que

 14   cette escorte armée m'avait été attribuée par le ministère chargé des

 15   services de police et qu'il s'agissait, en fait, d'employés de la police ?

 16   R.  Lorsque nous nous sommes rencontrés et que vous m'avez dit cela,

 17   je l'ai admis, oui, c'est vrai. J'ai admis ce que vous m'avez dit. Je ne

 18   peux pas dire maintenant à quel moment cette escorte est devenue une

 19   escorte de Serbes de Bosnie armés. Il y avait énormément de personnes en

 20   uniforme ou en civil qui étaient armées et il était difficile de savoir qui

 21   faisait quoi exactement. Mais chaque fois que je vous ai vu lorsque vous

 22   étiez escorté, certains des membres de votre escorte n'étaient pas en

 23   uniforme, donc on ne savait pas exactement de qui il s'agissait. Mais bon,

 24   j'admets ce que vous m'avez dit, qu'il s'agissait des personnes qui vous

 25   avaient été données par la police. Je ne vois pas pourquoi je ne vous

 26   croirais pas.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous étiez au courant de ce que l'on peut

 28   trouver en page 2 de ce document en version serbe -- de cette lettre, en

Page 2748

  1   fait, du général Kukanjac adressée à Alija Izetbegovic : n'oubliez pas nous

  2   avons conclu un accord de cessez-le-feu le 12 avril et qu'eux,

  3   immédiatement après, ont publié une directive aux termes de laquelle ils

  4   déclarent la guerre à la JNA ? Est-ce que vous étiez au courant de ce

  5   cessez-le-feu ? Vous avez indiqué précédemment que vous étiez au courant du

  6   cessez-le-feu du 12 avril, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, en effet. A cette époque, j'étais revenu à Sarajevo le 10 avril et

  8   j'étais impliqué -- du moins, j'ai assisté aux négociations ou aux

  9   pourparlers qui avaient lieu à Ilidza pour essayer d'obtenir ce cessez-le-

 10   feu.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que ce même jour-là, Hasan Efendic a

 12   envoyé une instruction confidentielle pour que guerre soit menée contre

 13   toutes les installations de la JNA, pour que les chemins soient entravés,

 14   les communications également, pour que l'électricité soit coupée, enfin,

 15   tout ce qui était déjà arrivé à la JNA en

 16   Croatie ?

 17   R.  Non, je n'en savais rien.

 18   Q.  Bien, nous avons publié cette information et nous l'avons envoyée aux

 19   médiateurs dans le cadre des négociations.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cette lettre du général Kukanjac à

 21   Alija Izetbegovic peut être versée au dossier, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 23   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a

 24   dit qu'il ne peut rien confirmer à propos de cette lettre ou qu'il ne peut

 25   faire aucun commentaire sur cette lettre, et donc notre position est

 26   inchangée.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes d'accord avec vous.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais il a confirmé, Votre Excellence, il a

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  1   confirmé avoir participé aux négociations, avoir agi en tant

  2   qu'intermédiaire.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Il n'a fait aucun commentaire. Nous

  4   n'allons pas admettre ce document.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du

  6   document 1D0278.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pendant qu'il s'affiche, Colonel, je voudrais vous demander la chose

  9   suivante : est-ce que vous étiez au courant des attaques lancées par

 10   l'armée musulmane contre Nedzarici, contre les installations de la JNA,

 11   est-ce que vous étiez au courant des vols d'armes, et cetera ?

 12   R.  Nous avons été informés que des éléments musulmans avaient lancé

 13   quelques attaques contre certaines installations de la JNA en vue d'obtenir

 14   des armes, mais je n'ai pas de rapport écrit à ce propos et je n'ai pas pu

 15   vérifier cette information à l'époque.

 16   Q.  Voilà ce document qui évoque l'interview que vous avez accordée au

 17   journal "Vecernje Novosti" le 12 mai 1992. Il y est dit :

 18   "Le représentant personnel de Lord Peter Carrington a donné une déclaration

 19   selon laquelle il rentre chez lui."

 20   Nous avons une copie de meilleure qualité peut-être :

 21   "…qu'il rentre chez lui, fatigué et épuisé par des réunions tenues avec des

 22   centaines de discussions qu'il a eues avec différentes personnes --"

 23   Ensuite, il dit :

 24   "Colonel Doyle a déclaré que cette attaque visant l'entrepôt de munitions

 25   de la JNA près de Nedzarici était incompréhensible pour lui, attaque par

 26   laquelle la présidence a de nouveau violé la parole donnée précédemment. Si

 27   nous convenons de quelque chose, "dit-il," et si nous convenons de tous les

 28   détails de cet accord," a dit Doyle, 'il est absolument incroyable que ce

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  1   qui a été convenu ne soit pas respecté. J'estime qu'à Sarajevo, à cet

  2   instant, personne ne contrôle complètement la situation et que de

  3   nombreuses forces armées échappent à tout contrôle. C'est probablement

  4   également la raison de cette attaque dans laquelle, malheureusement, il y a

  5   de nouveau eu des morts et des blessés."

  6   Est-ce que vous vous rappelez cette interview ?

  7   R.  Oui -- enfin, j'en ai donné énormément des interviews, donc je ne me

  8   souviens pas vraiment de celle-ci.

  9   Ceci est daté du 12 mai, or le 12 mai, je me suis levé à 5 heures du matin,

 10   parce que je devais me rendre à Lukavica parce qu'on m'avait dit que

 11   j'allais être évacué par hélicoptère sur Belgrade. Donc je ne pense pas que

 12   cette interview ait eu lieu le 12 mai. Peut-être que le journal a été

 13   imprimé le 12 mai, mais je ne me rappelle pas exactement de cette interview

 14   de toute façon.

 15   Mais si je pouvais faire une lecture plus approfondie de ce document,

 16   je pourrais peut-être le commenter, mais je veux dire que là, il me

 17   surprend un peu.

 18   Q.  Merci. Vous avez dit juste que cela a été publié dans le journal

 19   le 12 mai. C'est une information qui a été reprise, et sans doute avez-vous

 20   donné cette déclaration un ou deux jours précédemment. Alors, voyons ce qui

 21   est dit concernant les événements du 3 mai lorsqu'une colonne entière de

 22   l'armée a été massacrée. M. Doyle a dit la chose suivante :

 23   "Concernant le passage de ce convoi militaire, tout avait été convenu

 24   d'avance et ce crime n'aurait pas dû se produire. Malgré tout, je dois dire

 25   qu'à l'occasion de l'évacuation de l'armée et du commandement de la 2e

 26   Région militaire, il y a eu également des erreurs militaires. En effet,

 27   avant qu'il n'ait été décidé de se mettre en route, j'ai attiré l'attention

 28   du général Milutin Kukanjac sur le fait qu'un convoi de 25 véhicules était

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  1   beaucoup trop volumineux, et au général MacKenzie, je lui ai dit qu'il

  2   était trop tard pour partir."

  3   Est-ce que vous vous rappelez avoir dit cela ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ?

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, il sera

  9   admis.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D216.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pouvons-nous avoir de nouveau le livre

 12   1D1291, le livre écrit par le général MacKenzie, il s'agit de la page 3 de

 13   ce document.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Puisque vous avez évoqué cette attaque visant le convoi militaire à la

 16   date du 3 mai, nous allons maintenant simplement nous pencher sur un

 17   extrait où on évoque également votre nom assez régulièrement. Je vais

 18   donner lecture en anglais juste de certains passages : 

 19   "Le 3 mai, sans le moindre doute le pire jour de ma vie, c'est le début de

 20   mon journal pour cette journée. Vers la mi-journée, le vice-président

 21   bosnien, Ejup Ganic, est venu dans mon bureau et m'a rencontré ainsi que

 22   Colm Doyle de la Communauté européenne. Ganic a expliqué que le président

 23   Izetbegovic, après être revenu de Lisbonne, avait été kidnappé à l'aéroport

 24   de Sarajevo; il était retenu et mis en détention par la JNA au camp de

 25   Lukavica, juste à l'est de la piste d'atterrissage. Ganic a déclaré que

 26   lui-même n'était pas un leader charismatique et qu'il avait besoin du

 27   retour de son président afin d'exercer un contrôle sur les officiers plus

 28   radicaux présents au sein de la TDF bosnienne, qui échappaient rapidement à

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  1   tout contrôle. Les forces de la TDF assiégeaient les quartiers généraux du

  2   général Kukanjac dans la partie est de la ville; Ganic craignait que si

  3   jamais ils se lançaient dans une attaque contre la caserne du général, la

  4   JNA riposterait en rasant de Sarajevo."

  5   Est-ce que vous vous rappelez ceci à l'arrivée de M. Ganic dans le bureau

  6   de MacKenzie ?

  7   R.  Oui, car j'étais là.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous savez combien de temps a duré le siège du

  9   commandement de la 2e Région militaire ?

 10   R.  Je ne suis pas certain, mais je savais que le QG militaire était

 11   encerclé par les Musulmans de Bosnie, je peux le vérifier. Et lorsque

 12   MacKenzie m'a dit que les Nations Unies n'avaient pas le mandat pour opérer

 13   en Bosnie, il m'a demandé si je voulais bien diriger un comité qui

 14   essaierait de libérer le président contre la levée du blocus de la caserne

 15   où était le général Kukanjac, et c'est ce que nous avons fait.

 16   Q.  Merci. Et si je vous dis que c'était depuis des semaines déjà que ce

 17   commandement était assiégé par les Bérets verts, est-ce que vous

 18   l'accepteriez ?

 19   R.  Bien, ça je n'en sais rien, mais pourquoi pas l'admettre après tout. Ça

 20   m'a donné des munitions, si je peux dire, pour faire ce marché où j'ai

 21   échangé dans mon échange le président contre le général, et c'est ce que je

 22   me suis employé à faire d'ailleurs.

 23   Q.  Merci. Vous vous rappelez qu'avant cela, un accord avait été passé

 24   concernant les modalités du retrait de la JNA et que le gouvernement avait

 25   apporté sa garantie, n'est-ce pas ? Nous disposons je crois, de ce

 26   document. Nous l'avons. Je crois que l'Accusation en a demandé le

 27   versement. Est-ce que vous vous rappelez de l'existence d'un tel document,

 28   à savoir que la partie musulmane du gouvernement a donné sa garantie

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  1   concernant la sécurité pendant le retrait ?

  2   R.  Je ne me souviens pas des détails exacts de toute cette opération, mais

  3   tout ce que je peux dire c'est que j'étais très inquiet, puisque je pensais

  4   que nous avions un accord permettant d'échanger le président contre le

  5   général Kukanjac, mais à ce moment-là, un officier - son grade était

  6   colonel - il a décidé que finalement il allait me faire monter un peu la

  7   donne. Il ne voulait plus de général, il voulait tout le QG militaire, en

  8   fait. Donc le général MacKenzie, qui était militaire, savait que qu'il

  9   serait très difficile et très dangereux de permettre de leur donner toute

 10   la caserne. Donc ce n'était pas du tout une option viable, de notre avis,

 11   et nous savions que les Musulmans qui ont encerclé le QG ne seraient pas

 12   d'accord pour ce type d'échange. Mais ce colonel, d'abord, il m'insultait

 13   et il était très violent avec moi, il a vraiment essayé de réduire à néant

 14   tous mes efforts qui essayaient d'obtenir la liberté du président.

 15   Donc oui, je sais, je peux le dire, nous savions que le QG de l'armée était

 16   encerclé par les Musulmans de Bosnie en armes, et nous étions très

 17   inquiets, parce que bien que le président a dit qu'il pouvait assurer la

 18   sécurité du convoi, ni le général MacKenzie ni moi-même considérions que

 19   ceci pouvait être véritablement réalisé.

 20   Q.  Merci. Nous voyons encore ici :

 21   "Ganic a été très secoué par ces informations. Il a presque perdu son sang-

 22   froid. Colm et moi-même avons décidé de nous rendre au camp de la JNA situé

 23   à Lukavica afin de voir sur place ce qui était en train de se passer."

 24   Pouvons-nous avoir la page suivante. Etes-vous d'accord avec cela, n'est-ce

 25   pas ? Oui ou non ?

 26   R.  Désolé --

 27   Q.  Est-ce que ce passage dont je viens de donner lecture est exact ou non

 28   ?

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  1   R.  Oui, c'est tout à fait exact.

  2   Q.  Merci. A la page suivante, cinquième paragraphe :

  3   "Le président était au téléphone en train de parler au général Kukanjac et

  4   il semblait plutôt de bonne humeur."

  5   Vous confirmez cela aussi, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non, je ne peux pas le confirmer, parce qu'au cours des deux premières

  7   heures, nous étions à Lukavica, donc je n'étais pas avec le président.

  8   J'étais à l'extérieur. C'est le général MacKenzie qui s'occupait du

  9   président, et il est sorti pour me dire que le marché que nous avions

 10   conclu était tombé à l'eau suite à la conversation qu'il y avait eue entre

 11   le président et le général Kukanjac, que je n'ai pas pu entendre. Ensuite,

 12   on m'a dit ce colonel est revenu à la charge. Il est venu me voir et m'a

 13   dit que ça allait être difficile, parce que le marché qui avait été conclu

 14   au QG des Nations Unies dans la ville était tombé complètement à l'eau, et

 15   ça m'énervait pas mal d'ailleurs. J'étais assez énervé parce que j'avais

 16   l'impression qu'on arrivait à rien, et il allait être difficile de déplacer

 17   le convoi lorsqu'il ferait nuit. Je l'ai dit donc, et le président a dit :

 18   Je vais garantir la sécurité du convoi.

 19   Ensuite, le colonel a à nouveau changé d'avis, il ne voulait plus libérer

 20   les autres membres de la présidence. Donc il a dit : Vous avez obtenu la

 21   libération du président, mais uniquement du président, ni de sa fille ni de

 22   son escorte.

 23   Donc j'essayais de trouver une solution, mais moi, je me trouvais aussi

 24   otage, enfin, j'étais un peu de la garantie qui était retenue dans le cadre

 25   de ce marché. Alors, lorsque le convoi a quitté la caserne de Lukavica avec

 26   le président, là je ne sais pas du tout ce qui s'est passé depuis le départ

 27   de la caserne de Lukavica jusqu'à l'arrivée du président à la présidence.

 28   J'ai pu regarder ce qui s'était passé à l télévision et j'ai quelques

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  1   rapports, mais je sais que le convoi a été attaqué et qu'environ cinq à six

  2   membres de la JNA ont trouvé la mort dans le cadre de cette attaque.

  3   Q.  Merci. Je crains qu'il y ait là bien plus à dire encore, mais pour

  4   l'essentiel de ce que vous avez dit, nous le trouvons également dans le

  5   livre du général MacKenzie, à savoir que vous étiez contre une opération

  6   d'évacuation d'une telle envergure et qu'Izetbegovic a pris la

  7   responsabilité de cela.

  8   Je voudrais maintenant qu'on affiche le document -- ou plutôt, la page qui

  9   se trouve quatre numéros de pages plus loin.

 10   Nous voyons sur cette page :

 11   "A ce moment-là, nous avons entendu le klaxon d'un véhicule qui

 12   s'approchait, un véhicule des urgences. C'était une ambulance de la JNA qui

 13   se dirigeait droit sur nous. Le chauffeur maniait le volant de façon assez

 14   frénétique en essayant d'éviter d'écraser qui que ce soit. Sa tâche était

 15   rendue encore plus difficile par le colonel de la JNA qui s'était écroulé

 16   sur son épaule. Le colonel était manifestement mort ou sur le point de

 17   mourir."

 18   La citation se poursuit :

 19   "Ensuite, les vols de matériel se sont poursuivis, mais au moins personne

 20   n'était plus exécuté."

 21   Alors, je pense que beaucoup plus de personnes ont été tuées que ce que

 22   vous avez comptabilisé, c'est l'objet du procès qui se tient. Ganic a été

 23   arrêté à Londres comme l'une des personnes responsables de ce qui s'est

 24   passé. Il est dommage que vous n'ayez pas été présent sur place. Mais est-

 25   ce que le général MacKenzie, qui décrit cela, vous a informé de ce qui

 26   s'était passé ?

 27   R.  Je ne me souviens pas très bien de ce que nous nous sommes dit. J'étais

 28   déjà très inquiet à propos de ma propre sécurité lorsque j'étais détenu à

Page 2757

  1   Lukavica parce que j'étais quand même sous la menace d'un pistolet. Donc

  2   j'étais déjà assez inquiet en ce qui concerne ma propre vie. Mais je n'ai

  3   pas assisté -- dès que le président a quitté Lukavica, j'étais en dehors du

  4   coup, si je puis dire, et donc après, je ne sais plus vraiment ce qui s'est

  5   passé, je n'ai pas assisté à quoi que ce soit. Donc je ne peux pas vraiment

  6   faire des commentaires à propos de tout cela.

  7   Q.  Maintenant, à cette page numéro 170, un peu plus bas -- il faudra faire

  8   défiler vers le bas. Il est dit la chose suivante :

  9   "A cette étape, le général Kukanjac a commencé à déambuler dans la rue en

 10   criant qu'il lui manquait au moins 200 soldats et qu'il fallait procéder à

 11   un appel pour qu'ils reviennent."

 12   Ensuite, un peu plus bas, le général MacKenzie dit :

 13   "Je lui ai dit que s'il procédait ainsi, il serait tué à coup sûr."

 14   Ensuite, un peu plus bas :

 15   "Je lui ai ordonné de rejoindre le véhicule de Steve. Il a obéi à

 16   contrecoeur, avec l'expression sur son visage des tourments d'un officier

 17   qui se préoccupait du sort de ses soldats."

 18   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les Serbes s'attendaient à ce

 19   que la présence des représentants des forces internationales allait

 20   permettre de garantir la sécurité de ce convoi et qu'ils avaient de bonnes

 21   raisons d'être en colère suite à de tels massacres ?Indépendamment de la

 22   question de savoir s'ils avaient raison ou non, est-ce que les Serbes

 23   avaient raison d'estimer qu'ils pouvaient compter sur la présence des

 24   forces internationales et qu'ils pouvaient également accorder foi aux

 25   paroles prononcées par le président Izetbegovic ?

 26   R.  Ce que je vois ici c'est lorsque le président a dit qu'il garantirait

 27   la sûreté du convoi, nous n'étions pas d'accord avec lui parce que nous

 28   pensions qu'il n'était pas en mesure d'assurer cette sécurité. Et en tant

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  1   qu'officiers militaires, nous ne serions pas contentés de cet accord. Mais

  2   bon, c'était le président du pays. Il avait donné sa parole qu'il

  3   assurerait la sécurité du convoi. La situation était explosive. La caserne

  4   miliaire était encerclée, et comme vous le savez, on a parlé d'environ 27

  5   camions, mais il y a bien plus que 27 camions qui ont quitté la caserne

  6   militaire. On s'en doutait d'ailleurs qu'il y en aurait plus.

  7   Donc je n'ai aucune raison de ne pas accepter ce que dit le général

  8   MacKenzie ici, puisqu'il était sur place, or moi je n'y étais pas.

  9   Q.  Merci. Alors le 6 mai, ensuite, vous étiez sur place, n'est-ce pas,

 10   lorsque M. Ludwig était venu ?

 11   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : M. Goulding.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Je voudrais maintenant que l'on affiche la page qui se trouve huit

 15   numéros de pages plus loin par rapport à celle que nous avons.

 16   Le 5 mai, Marrack Goulding était sous-secrétaire aux affaires spéciales et

 17   il se trouvait à Pale. Ensuite, il était accompagné du général MacKenzie,

 18   et il est dit ici :

 19   "Après que notre convoi a essuyé des tirs nourris en provenance de l'est de

 20   Sarajevo, le général Nambiar a insisté pour être à la tête de la prochaine

 21   tentative."

 22   Puis :

 23   "J'ai passé toute une journée avec M. Goulding le 6 mai pour le briefer.

 24   Dans l'après-midi, nous nous sommes rendus en visite dans la ville en

 25   compagnie du président Izetbegovic et avons essayé quelques tirs dans le

 26   centre-ville de la vielle ville musulmane. Il y avait des signes clairs

 27   indiquant qu'il s'agissait de quelque chose qui avait été orchestré pour

 28   les médias afin de présenter les Serbes sous un jour défavorable."

Page 2759

  1   Est-ce que vous étiez au courant de l'existence de telles mises en scène

  2   qui visaient à noircir le tableau pour ce qui concernait les Serbes ?

  3   R.  Non, en effet, le 5 mai, je dirigeais des négociations sur le cessez-

  4   le-feu dans le bâtiment des PTT suite à la libération du président.

  5   D'ailleurs, à partir de ce moment-là jusqu'au jour où j'ai été évacué, je

  6   crois que je suis resté dans le bâtiment des PTT. Je voulais obtenir un

  7   cessez-le-feu suite à la libération du président et je voulais négocier

  8   pour obtenir le retrait total des forces de la JNA de Bosnie. Donc quant à

  9   savoir ce qui se passait dans la ville même au QG des Nations Unies, ça je

 10   n'en savais rien. Je suis resté au bâtiment des PTT.

 11   Q.  Merci. Voyez le paragraphe suivant :

 12   "Sur ma propre requête, je me suis aussi rendu --" et cetera.

 13   M. Goulding y donne une évaluation des événements survenus, ainsi que des

 14   meurtres de sang froid de soldats et de commandants commis par la Défense

 15   territoriale bosnienne. Le général MacKenzie dit dans le paragraphe suivant

 16   :

 17   "Des mois plus tard alors que j'avais déjà cité pour de bon Sarajevo, j'ai

 18   été surpris de découvrir à quel point les médias avaient peu couvert la

 19   déclaration véhémente de Goulding dans le monde entier. Je n'ai pas pu

 20   m'empêcher de penser que si la JNA avait pris en embuscade les forces de la

 21   Défense territoriale au lieu que l'inverse se soit produit, cela aurait

 22   fait la une de tous les médias."

 23   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que les médias du monde entier

 24   étaient d'une grande partialité et que tout cela se faisait sur le compte

 25   des Serbes ?

 26   R.  Oui, je serais d'accord avec vous. Les médias internationaux

 27   considéraient qu'il s'agit d'un conflit qui avait été lancé par Milosevic,

 28   et il y avait une grande sympathie pour les Musulmans de Bosnie. Donc c'est

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  1   vrai qu'aux yeux du monde, les choses étaient présentées de la sorte.

  2   Q.  Merci. Nous allons montrer au cours de ce procès que c'était l'inverse,

  3   en fait.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on verse tous les différents

  5   extraits du livre du général MacKenzie.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

  7   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En ce qui concerne l'incident du

  8   convoi et la description de cet incident, donc chapitre 17, là nous ne

  9   soulevons aucune objection. En ce qui concerne le chapitre 18, en revanche,

 10   c'est juste l'opinion du général McKenzie que nous avons ici. Mais bon, le

 11   témoin a pu faire des commentaires au moins sur l'un des aspects de ce

 12   chapitre 18, donc je ne soulèverai pas d'objection à propos du versement de

 13   ce chapitre.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il n'a rien confirmé à propos de la

 15   page 182 ni la page 22 du système téléchargé en anglais.

 16   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] En effet.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En tout, cela fait 23 pages. Vous

 18   acceptez que l'on verse le document dans sa totalité ?

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Oui, il n'a pas fait partie des

 20   événements, il n'y a pas participé, pas en tout cas de bout en bout, mais

 21   il y a quand même légèrement pris partie.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc ce document sera admis

 23   dans sa totalité.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D217.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque que le pendule tourne, nous

 26   allons donc faire une pause d'une demi-heure.

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 35.

Page 2761

  1   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant

  4   d'un document qui posait question, nous avons tiré la situation au clair.

  5   Il s'agit de la pièce à conviction 1D01210. Le texte qui a été communiqué

  6   correspond au procès-verbal de la 56e réunion de la présidence, document

  7   communiqué à la Défense et nous nous contentons maintenant d'apporter

  8   quelques détails au sujet de l'origine géographique de ce document, mais

  9   malheureusement nous n'avons pas de traduction. Donc la traduction

 10   intégrale est encore attendue.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous parlons de la pièce D214,

 12   n'est-ce pas, enregistrée aux fins d'identification ?

 13   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Oui. Il s'agit du procès-verbal --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre micro, s'il vous plaît.

 15   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est le procès-verbal de la 56e

 16   réunion de la présidence.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est exact.

 18   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] C'est exact. Bien, dans ces

 19   conditions tout va bien.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de ce renseignement. Avançons.

 21   Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Si je me souviens bien, Colonel, vous avez dit que vous étiez d'accord

 25   quant au fait que vous avez assisté le 24 janvier à la réunion de

 26   l'assemblée de Bosnie, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Et vous avez également convenu du fait que j'avais proposé que soit

Page 2762

  1   d'abord entreprise la mise en place de la régionalisation pour que les

  2   Serbes puissent se prononcer durant le référendum et que Muhamed Cengic a

  3   proposé que le gouvernement se voit accorder une quinzaine de jours pour

  4   mettre en place la régionalisation et que cette proposition a été acceptée

  5   par moi, n'est-ce pas ?

  6   R.  Bien, je me souviens d'avoir pris place à l'assemblée pendant la durée

  7   de ce débat. Mais vous admettrez -- enfin, j'avais un interprète qui

  8   m'accompagnait, donc voyez-vous, je n'ai pas obtenu traduction intégrale de

  9   chaque mot qui a été dit, mais j'étais présent et j'ai compris de façon

 10   générale sur quoi portait le débat. Quant aux détails très précis, je ne

 11   suis pas compétent, je crois, pour les commenter.

 12   Q.  Je vais vous rappeler ce qui se passait. J'ai accepté la proposition de

 13   Muhamed Cengic, puis nous avons demandé à ce que soit examiné ce document,

 14   un document qui peut être présenté ici le cas échéant, et je me suis rendu

 15   au micro en compagnie de Muhamed Cengic, et pendant deux heures et demie

 16   tout le monde a pensé qu'un accord avait été conclu et que le gouvernement

 17   allait mettre en place la régionalisation dans une quinzaine de jours et

 18   que les Serbes voteraient au référendum d'une façon ou d'une autre, mais en

 19   tout cas qu'ils voteraient. Vous vous rappelez de cela ?

 20   R.  Non, je ne saurais dire que je me rappelle tous les détails. J'ai été

 21   chargé par le siège de la Mission de vérification d'assister aux débats

 22   relatifs aux référendum afin de communiquer à l'admission les résultats de

 23   ce débat. Mais je n'étais pas chargé d'assister à chaque seconde du débat.

 24   Donc le rapport que j'ai envoyé était assez général, il ne comportait pas

 25   tous les détails parce que le débat a duré longtemps, il a duré toute la

 26   nuit.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce D87.

Page 2763

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Pour vous rafraîchir la mémoire, Colonel, car il semblait bien que nous

  3   avions sauvé la Bosnie à ce moment-là. Voilà de quoi il retourne, c'était

  4   l'une de ces occasions où nous avions pensé que nous avions peut-être

  5   réussi à sauver la Bosnie. Et plus tard, bien entendu, il y a eu la

  6   conférence Cutileiro, par exemple, pendant la durée de votre séjour en

  7   Bosnie. Mais quoi qu'il en soit, je demande l'affichage du document 1D0087,

  8   qui est déjà une pièce à conviction.

  9   Page 103, sur les écrans, s'il vous plaît. Page 103 de ce document. C'est

 10   un enregistrement au magnétophone des débats tenus durant une réunion de

 11   l'assemblée mixte en date du 24 janvier 1992. Donc maintenant je demande

 12   l'affichage de la page 103 de cette transcription.

 13   Alors, voyons un peu ce que dit M. Muhamed Cengic et je lis le texte serbe

 14   :

 15   "Mesdames et Messieurs, je voudrais vous informer, j'ai une proposition à

 16   faire. Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Je ne crois pas que dans la

 18   version anglaise nous ayons sous les yeux les propos de M. Cengic sur les

 19   écrans.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on affiche sur l'écran la

 21   version anglaise de la page 103 en version serbe. Voilà. Je n'avais pas

 22   prêté attention, toutes mes excuses.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Je cite :

 25   "Je voudrais vous informer, j'ai une proposition à faire. Le gouvernement

 26   de Bosnie-Herzégovine a reçu l'ordre, en tout cas une décision de mettre en

 27   place la régionalisation, une nouvelle régionalisation de Bosnie-

 28   Herzégovine. Je considère que la partie serbe ainsi que le Parti démocrate

Page 2764

  1   serbe et l'Union démocratique croate devrait présenter leurs exigences

  2   quant à la forme que devrait prendre cette régionalisation, et donc ce qui

  3   devrait se faire dans le cadre de cette régionalisation. Je considère qu'il

  4   serait utile que la régionalisation soit mise en place, d'ailleurs c'est le

  5   devoir du gouvernement, et je pense que nous devrions organiser un

  6   référendum pour déterminer une date limite à ce sujet. Je pense que ce

  7   serait satisfaisant, que cela satisferait tous les habitants de Bosnie-

  8   Herzégovine, car il ne nous sert à rien de parler des desideratas des

  9   Serbes, de dire que tous les Serbes voudraient vivre dans un seul et même

 10   Etat ou que les Musulmans voudraient le faire, mais ce qu'il faut que nous

 11   fassions c'est discuter les uns avec les autres, nous rapprocher les uns

 12   des autres." Et un peu plus loin, il dit, "la proposition que je viens de

 13   vous faire, je la fais aussi à M. Karadzic qui est d'accord avec cela. Je

 14   crois qu'il est important et que je dois demander que vous vous prononciez

 15   sur ceci."

 16   Et puis, je demande maintenant l'affiche de la page suivante. La page

 17   suivante de la version anglaise, je vous prie, ou bien qu'on fasse défiler

 18   la page. Oui, très bien. Je ne vois pas le texte en serbe, mais je vais en

 19   donner lecture en anglais. C'est Radovan Karadzic qui parle :

 20   "Vous m'excuserez parce que ma voix est un peu éraillée. Au moment où nous

 21   pensions nous être mis d'accord, nous nous écartons un peu les uns des

 22   autres --"

 23   Et :

 24   "De ce fait, nous modifions tout le projet sur le fond. Il est clair que la

 25   Bosnie-Herzégovine ne peut pas empêcher ou éviter les transformations qui

 26   sont en cours tout autour de nous. Elle ne peut pas le faire. Ces

 27   transformations exigent qu'un nouvel Etat de fait soit mis en place et que

 28   la légalité soit respectée et que ce nouvel Etat légal soit instauré --"

Page 2765

  1   Et puis :

  2   "…cela serait bon pour le peuple serbe pour peu qu'une nouvelle

  3   transformation démocratique de la Bosnie-Herzégovine intervienne qui en

  4   fasse un nouvel Etat dans lequel les trois nations souveraines

  5   accepteraient ce projet et le mettraient en œuvre. Par conséquent, je crois

  6   que pour ce nouvel Etat, pour que les trois peuples participent à ce nouvel

  7   Etat, il faut un référendum national et collectif au niveau civil. Rien

  8   n'est possible en Bosnie-Herzégovine sans le consensus des trois peuples.

  9   Je me dois de vous dire quelles seraient les conséquences si nous ne

 10   faisions pas cela. Si nous ne faisons pas cela, nous créerons les

 11   conditions de l'annonce de la création d'un Etat indépendant sans notre

 12   consentement. Parce qu'en vertu de la loi anticonstitutionnelle qui a été

 13   votée, car cette loi est contraire à la constitution et elle stipule que 51

 14   % des voix sont nécessaires pour que le référendum soit reconnu. La loi

 15   existante est anticonstitutionnelle et ne correspond pas à la constitution

 16   car il est écrit dans la constitution qu'il faut 66,6 % des voix pour qu'un

 17   référendum soit valable et reconnu. Pour une quelconque modification de la

 18   situation en vertu de la nouvelle constitution, nous avons besoin de 66,6 %

 19   des voix, et les Serbes et les Croates n'ont pas 66,6 % des voix à eux deux

 20   et auront une importance numérique de plus en plus faible au sein de la

 21   totalité de la population de Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, si nous

 22   organisons un référendum avant la transformation de la Bosnie-Herzégovine,

 23   les Serbes et les Croates sont prisonniers, enfermés dans les frontières

 24   internationalement reconnues que personne ne peut modifier. Eux sont

 25   totalement au pouvoir, ils sont les maîtres et les chefs de la Bosnie-

 26   Herzégovine, je veux parler de ceux qui sont majoritaires actuellement," et

 27   cetera, et cetera.

 28   Alors, voyez-vous, Colonel, les Musulmans ont réussi à obtenir une

Page 2766

  1   transformation de la constitution avec exigence de 51 % des voix à l'issue

  2   d'un référendum pour que le référendum soit valable, ce qui est totalement

  3   anticonstitutionnel. Il n'y a aucune constitution dans le monde qui peut

  4   être amendée avec seulement 51 % des voix à l'assemblée ou à un référendum.

  5   Donc voyez-vous que nous avons été trompés et contraints à faire

  6   quelque chose qui était anticonstitutionnel ?

  7   R.  Je pense pour préciser ce point, Monsieur le Président,

  8   j'aimerais dire qu'à la fin de cette séance marathon de l'assemblée, j'ai

  9   rédigé un rapport que j'ai adressé à mon quartier général, et ce rapport

 10   décrivait de façon assez générale la position qui était la mienne sur les

 11   questions débattues. J'ai été suffisamment impliqué pour écrire dans ce

 12   rapport que selon les Serbes de Bosnie, il fallait qu'un accord soit obtenu

 13   par consensus, alors que la plupart des personnes présentes au parlement

 14   étaient prêtes à accepter un référendum qui se solderait par la prise en

 15   compte d'une majorité simple. Mais quelle était cette majorité exactement,

 16   je ne le savais pas. J'ai écrit que tout cela devait être vérifié quant à

 17   la légalité de ces décisions. Donc j'ai demandé qu'une décision soit rendue

 18   par les tribunaux de Bosnie et j'ai rencontré les responsables le lendemain

 19   pour voir ce qu'il en était sur le plan juridique car je ne suis pas

 20   juriste.

 21   J'ai rencontré les trois principaux juges de Bosnie, le Serbe, le

 22   Croate et le Musulman, et quand nous avons eu cette réunion, une femme qui

 23   faisait partie des hauts responsables juridiques m'a dit, Monsieur Doyle,

 24   vous ne comprenez pas. Je suis Serbe et cette personne ici est Croate et

 25   cette autre personne est Musulmane. Nous ne pouvons pas nous mettre

 26   d'accord quant à ce qui est constitutionnel ou anticonstitutionnel car nous

 27   appliquons chacun la philosophie de nos représentations politiques.

 28   Donc même le fait d'organiser une réunion avec les plus grands cerveaux de

Page 2767

  1   Bosnie sur le plan juridique ne pouvait pas permettre de répondre de façon

  2   définitive à cette question de savoir si le référendum était

  3   constitutionnel ou anticonstitutionnel, et j'ai écrit dans mon rapport que

  4   j'ai adressé à mon QG.

  5   Les détails, Docteur Karadzic, que vous venez d'évoquer, je ne suis tout

  6   simplement pas en mesure de les commenter parce que ce débat a duré des

  7   heures et des heures avec des discussions juridiques dans une langue que je

  8   ne comprends pas et à un niveau de technicité que je n'égale pas.

  9   Q.  Merci. Donc ce document est déjà versé au dossier, je n'en demande pas

 10   le versement. Il a déjà été admis. Mais vous avez vu l'évolution des

 11   événements. Il y a eu un référendum auquel nous n'avons pas pris part, mais

 12   nous ne l'avons pas contesté non plus. Et puis, est arrivé le 3 mars. Vous

 13   vous rappelez ce qui s'est passé le 3 mars à Bosanski Brod ?

 14   R.  Non, je ne sais pas ce qui se passait en dehors de Sarajevo le 3 mars,

 15   je ne sais que ce qui s'est passé à Sarajevo.

 16   Q.  Merci. Pendant que nous avons encore ce document sur les écrans, je

 17   vous demande si vous convenez que la position de Lord Carrington était

 18   également favorable à la conclusion d'un accord entre les trois parties

 19   quant à l'aspect que devait prendre la Bosnie à l'avenir. Il estimait qu'il

 20   ne devait pas y avoir concurrence entre les différentes parties, mais

 21   qu'elles devaient s'entendre, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, pendant que j'étais avec Lord Carrington, c'est ce qui lui a été

 23   proposé durant une conférence de presse à l'aéroport. Ce qu'il pensait

 24   c'était qu'un accord serait conclu par les parties en présence, quelle que

 25   soit la nature de cet accord, mais que la simple conclusion de cet accord

 26   suffirait pour que l'Union européenne estime avoir rempli son rôle au sein

 27   de la conférence de paix et en tant que médiateur des bons offices entre

 28   les trois populations dans le but de trouver une solution sans violence.

Page 2768

  1   Donc ce n'était pas une question qui pouvait être discutée par la

  2   conférence de paix, ce n'était pas une question sur laquelle Lord

  3   Carrington devait prendre une décision quant à la solution à appliquer, et

  4   donc au lieu de leur dire : Vous devez vous entendre, il a dit : Je serais

  5   très heureux le jour où vous vous serez entendus. Donc il renvoyait la

  6   balle, si je puis dire, aux trois parties pour qu'elles s'efforcent de

  7   trouver une solution acceptable.

  8   Q.  Je vous remercie. Savez-vous que le 18, un accord a effectivement été

  9   conclu dans le respect du plan Cutileiro ?

 10   R.  Oui. Je ne sais pas quel est le texte de cet accord. Je n'étais pas

 11   partie prenante. Mais sa signature a été portée à mon attention, car le 18

 12   mars, je n'étais pas avec Lord Carrington. Je dirigeais la mission, et on

 13   m'a dit qu'un accord avait été conclu avec les Musulmans et qu'à mon retour

 14   on m'informerait du contenu exact de cet accord, mais je ne connaissais pas

 15   le texte à ce moment-là.

 16   Q.  Très bien. Donc il fallait encore que le détail des cartes soit mis au

 17   point et il fallait aussi résoudre la question de l'armée commune. Tout le

 18   reste avait été accepté. Bon. Vous n'étiez pas là sans doute, mais savez-

 19   vous que le 25, et même plus précisément le 26, il y a eu encore effusion

 20   de sang à Bosanski Brod, Sijekovac, et cetera. Est-ce que vous avez entendu

 21   parler de ça ?

 22   R.  Non, je n'étais pas au courant.

 23   Q.  Merci. Passons à la journée du 12, et je demande l'affichage du

 24   document 1D01256. A ce moment-là, vous étiez déjà en Bosnie-Herzégovine.

 25   Je ne vais pas me pencher sur la situation précédent la journée du 10, même

 26   s'il y avait déjà eu dans la période antérieure des événements importants.

 27    Je demande l'affichage de la version anglaise du texte à côté de la

 28   version serbe.

Page 2769

  1   Vous rappelez-vous que ce jour-là, le 12 donc, une trêve a été signée ?

  2   Nous avons sous les yeux le document dans lequel, entre autres, il est

  3   stipulé dans le cadre de cet accord de cessez-le-feu qu'il importe

  4   d'accélérer le travail sur les cartes géographiques. Vous vous rappelez

  5   cela ? Je vous parle du cessez-le-feu qui a été signé ce jour-là; vous vous

  6   rappelez ?

  7   R.  Oui, oui, oui. Oui.

  8   Q.  Nous nous pencherons plus tard sur le texte de cet accord de cessez-le-

  9   feu, mais voyons maintenant ce qui est écrit dans ce document-ci dans

 10   lequel nous voyons ce que le commandant des Bérets verts de Bosnie-

 11   Herzégovine, dont le nom était Sead Ahmetovic, déclare. Alors, on a le

 12   sceau strictement confidentiel sur le texte, c'est un télégramme. Il date

 13   du 12 avril 1992 et il est écrit poste de police de Visegrad. Voilà ce

 14   qu'il dit :

 15   "Prière de transmettre le message de Murat Sabanovic, commandant des Bérets

 16   verts dans la région de Visegrad et ses environs, qui demande que l'on

 17   fasse sauter le barrage de Visegrad dans les plus bref délais."

 18   Vous vous rappelez ça ?

 19   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela. Je dirais que l'une des choses

 20   les plus frustrantes dans notre travail en Bosnie c'était que nous nous

 21   efforcions d'obtenir la signature de cessez-le-feu qui était signé avec ce

 22   que je qualifierais de régularité monotone, parce que dès que l'encre de la

 23   signature séchait, ces accords étaient violés. Donc ce travail semblait

 24   particulièrement inutile.

 25   Mais cet incident particulier, je n'ai pas été au courant, non.

 26   Q.  Je vous remercie. Nous avons une photocopie de ce document original

 27   aussi, mais en tout cas à l'époque se déroulait une crise et à la

 28   télévision on a pu voir Kukanjac et Izetbegovic, ainsi que cet homme, Murat

Page 2770

  1   Sabanovic, et les autres essayaient de le convaincre de ne pas faire sauter

  2   le barrage. Izetbegovic l'a fait en lui disant : Murat, il faudrait garder

  3   cette opportunité pour plus tard.

  4   Est-ce que vous vous rappelez qu'il y a eu une diffusion en direct à

  5   la télévision où les deux autres essayaient de le convaincre de ne pas

  6   faire cela, de ne pas faire ce qu'il voulait faire ? Et c'était vraiment

  7   une crise à ce moment-là. Vous vous rappelez ?

  8   R.  Je me rappelle cet incident, mais pas dans ces détails, mais oui, je me

  9   rappelle qu'il a défrayé la chronique, oui.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 12   document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

 14   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, la fiabilité

 15   de ce document est très peu certaine. Le témoin n'a aucun détail au sujet

 16   de ce texte. Par conséquent, je fais objection à son versement.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le témoin se rappelle que des

 18   discussions ont eu lieu sur cette question.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] D'accord, d'accord. Oui, oui. Bien.

 20   Alors, pas d'objection.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Compte tenu de l'objection de la Chambre

 23   que je viens de mettre en mots, la Chambre admet ce document.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D218, Monsieur le

 25   Président.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande à présent l'affichage du

 27   document 1D01108.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter le numéro.

Page 2771

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D01108. Oui, le document s'affiche en serbe.

  2   Je ne sais pas si la traduction existe. Je crois que oui. L'Accusation

  3   possède ce document. Je ne sais pas quel est le numéro de ce document dans

  4   les dossiers de l'Accusation, mais en tout cas elle possède ce document.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Alors, permettez-moi de vous faire connaître la teneur de ce document

  7   qui date du 20 avril. Le premier ministre de la Republika Srpska, donc de

  8   la République serbe de Bosnie-Herzégovine, le Pr Branko Djeric, émet

  9   l'ordre suivant :

 10   "Les tirs d'artillerie et d'armes lourdes sont interdits à partir des

 11   positions occupées par les forces de défense serbe contre des cibles

 12   situées dans la ville de Sarajevo.

 13   "2. L'emploi de l'artillerie et des armes lourdes contre des cibles situées

 14   dans la ville de Sarajevo ne sera ordonné que dans des cas justifiés par le

 15   ministre de la Défense. L'application du présent ordre commence," et

 16   cetera, et cetera, puis un peu plus loin, "et toute violation du présent

 17   ordre sera strictement sanctionnée. Cet ordre entre en vigueur

 18   immédiatement."

 19   Alors, j'aimerais vous dire d'abord qu'en raison des pressions et du fait

 20   que le gouvernement avait déclaré que les territoriaux serbes devraient

 21   s'abstenir de tirer dans les rues de la ville -- donc il était interdit de

 22   tirer dans les rues de la ville. Est-ce que vous conviendrez que ceci

 23   pouvait être ordonné par le commandant suprême et le président de la

 24   République, et pas par le premier ministre ?

 25   R.  Si ce document -- non, j'aimerais vous demander de répéter votre

 26   question. Vous me demandez si ce document a été émis par ?

 27   Q.  Il a été émis par le gouvernement de la République serbe de Bosnie-

 28   Herzégovine, et je voudrais dire que le gouvernement devait être à

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  1   l'origine de l'émission de cet ordre, car à ce moment-là il n'y avait pas

  2   de président de la république, ou plus précisément, le président de la

  3   présidence n'était pas président de la république. Il n'y avait pas non

  4   plus d'armée de la Republika Srpska, il n'y avait que des membres de la

  5   Défense territoriale serbe qui pouvaient obéir, mais n'y étaient pas tenus.

  6   Est-ce que vous pensez qu'il est habituel qu'un premier ministre

  7   émette un ordre de cette nature ?

  8   R.  Eh bien, je suppose que tout dépend de savoir si l'ordre est obéi ou

  9   pas. Dans cette période, il y avait pas mal de pilonnage sur la ville de

 10   Sarajevo. Donc si cet ordre a été émis par la Republika Srpska, il n'a

 11   certainement pas été obéi, à mon avis.

 12   Q.  Ce que j'essaie de dire c'est que le premier ministre a essayé de faire

 13   ce qu'il pouvait avec les outils qu'il avait pour faire exécuter cet ordre.

 14   Il a essayé de donner l'ordre aux membres de la Défense territoriale ou à

 15   ceux qui défendaient leurs quartiers d'arrêter de tirer. Vous êtes d'accord

 16   là-dessus ?

 17   R.  Eh bien, nous n'avons pas de traduction de ce document sur les écrans.

 18   Le document que j'ai maintenant sous les yeux est toujours en serbe. Je ne

 19   suis pas très sûr du résultat de ce texte parce que les pilonnages ont

 20   continué. Autrement dit, cet ordre n'a pas été obéi.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 23   document.

 24   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le

 25   Président. En fait, nous avons reçu une traduction, mais elle n'est pas

 26   encore téléchargée dans le prétoire électronique, mais elle existe.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc avec cette observation

 28   complémentaire et en prévoyant que la traduction sera communiquée à la

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  1   partie adverse, nous admettons ce document en tant que pièce à conviction.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D219, Monsieur le

  3   Président.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande à présent l'affichage du

  5   document 1D00289.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Et dans l'attente, Mon Colonel, je vous demande si vous vous rappelez

  8   quel était mon programme en vue de résolution de la crise en Bosnie-

  9   Herzégovine, donc le programme que j'ai publié le 22 avril 1992 ?

 10   R.  Non, non, je ne m'en souviens pas.

 11   Q.  C'était pourtant assez bien connu par tout le monde, par les étrangers

 12   puisque nous l'avions envoyé, l'avions diffusé. Nous avions informé Lors

 13   Carrington et l'ambassadeur Cutileiro, et ça a été publié aussi dans les

 14   médias. Vous voyez cela à l'écran. Donc notre proposition dans notre

 15   programme, on voit bien ce que nous proposons et ce à quoi nous nous

 16   engagions. Il s'agissait donc :

 17   "Un cessez-le-feu immédiat et sans condition et respect de l'accord de

 18   cessez-le-feu du 12 avril 1992."

 19   C'est sur cet accord de cessez-le-feu que vous travailliez ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  "2. Poursuite urgente de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine et

 22   continuité de ces activités jusqu'au dégagement d'une solution.

 23   "3. Dans le cadre de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine, élaboration

 24   prioritaire d'une carte de la ville de Sarajevo et des Etats constitutifs.

 25   "4. Obligation publique de toutes les parties en Bosnie-Herzégovine de

 26   s'abstenir de toute annexion de parties constitutives de la Bosnie-

 27   Herzégovine aux Etats voisins et de garantir que les territoires de la

 28   Bosnie-Herzégovine ne seront pas appelés à recevoir des forces armées

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  1   originaires de l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine.

  2   "5. Obligation publique acceptée par toutes les parties aux termes de

  3   laquelle il n'y aura aucune reconnaissance de territoire conquis par la

  4   force.

  5   "6. Application urgente du nouvel accord constitutionnel avec les

  6   garanties de la communauté internationale.

  7   "7. Début d'un processus de démilitarisation et définition précise du

  8   rôle de la JNA dans la période suivante."

  9   Que pensez-vous de cette plateforme politique, Colonel ? Je regrette que

 10   vous n'ayez pas été au courant mais tous les négociateurs, Lord Carrington

 11   et Cutileiro étaient au courant, pour leur part. Alors, qu'en pensez-vous ?

 12   Est-ce que ça pouvait constituer une base pour la poursuite des

 13   négociations ?

 14   R.  Bien, en regardant le document, il est vrai qu'il est fort attirant, si

 15   je puis dire. Mais c'est le même jour que les combats ont commencé dans la

 16   ville de Sarajevo, et pendant toute la journée, j'ai essayé de négocier un

 17   cessez-le-feu afin de permettre l'arrivée de Lord Carrington et du

 18   président du conseil des ministres de l'Union européenne à l'aéroport de

 19   Sarajevo le lendemain matin. Donc c'était ça qui me préoccupait, en fait,

 20   ce jour-là. Donc le lendemain matin, le 23 avril, nous avons essayé de

 21   faire avancer un petit peu les choses.

 22   Donc je ne suis pas très au courant du contenu de ce document. Quant à

 23   savoir maintenant si tout ceci allait être mis en œuvre ou pas, c'est autre

 24   chose, et nous savons très bien que finalement rien n'a été mis en œuvre.

 25   Q.  Merci. Mais ici, il ne s'agit pas d'un ordre exécutoire. C'est un

 26   engagement de la part de la partie serbe, et il est indiqué que nous

 27   n'accepterons pas la politique du fait accompli, et cetera.

 28   Alors maintenant, vous allez voir pourquoi il y a eu des combats.

Page 2776

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser ce document,

  2   s'il vous plaît.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à soulever.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, évitez de faire des

  5   commentaires. Le dernier commentaire que vous avez fait était parfaitement

  6   superflu. Donc à moins que vous ayez une question à poser au témoin, ne

  7   faites pas de commentaires.

  8   Et nous allons admettre le document.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D220.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on affiche le

 11   document 1D01109.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que le 22 avril 1992, vous

 14   étiez à Ilidza ?

 15   R.  En effet.

 16   Q.  Merci. Alors, c'est un autre document. Le document qu'il nous faudrait

 17   à l'affichage est le 1D01109.

 18   Il est daté du 2 mai. Nous aurons besoin de ce document aussi mais

 19   plus tard.

 20   Ce n'est pas le numéro dont j'ai demandé l'affichage.

 21   Il y a une erreur avec les numéros. Est-ce qu'on peut peut-être placer sur

 22   le rétroprojecteur la version papier du document en commençant par la

 23   première page, pour permettre de l'identifier, dans un premier temps. Le

 24   numéro qui nous a été fourni est 1D01110.

 25   Première page, s'il vous plaît.

 26   Donc vous étiez à Ilidza lorsque les forces musulmanes ont lancé une

 27   attaque contre Ilidza. Je vais lire le rapport de police sur le sujet :

 28   "L'attaque menée le 22 avril par les forces paramilitaires musulmanes sur

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  1   le territoire de la municipalité serbe d'Ilidza avait fait l'objet d'une

  2   longue préparation et d'une planification soigneuse. Selon des estimations

  3   des dirigeants du SDA, ce territoire est d'une importance stratégique

  4   particulière pour la formation d'un Etat musulman. Les dirigeants du parti

  5   ont affecté des ressources financières considérables pour la fourniture

  6   d'équipements et d'armes. De nombreux citoyens riches d'Ilidza, du groupe

  7   ethnique musulman ainsi que le ministre de l'Intérieur de l'ex-Bosnie-

  8   Herzégovine ont participé à ces préparatifs. Des individus enclins à

  9   commettre des crimes ont participé à ces opérations. Tout cela a été fait

 10   sous l'égide du MUP et avec le concours de membres de la communauté

 11   religieuse musulmane. Ainsi, quatre unités paramilitaires ont pu être

 12   constituées."

 13   Ensuite, nous avons la partie suivante surlignée, je cite :

 14   "Il y a déjà un an, le SDA a amené des armes sur place. Le fournisseur

 15   principal était Senaid Memic, que nous allons retrouver fréquemment."

 16   Est-ce qu'on peut avoir la suite. Voyons vers le bas de la page d'abord.

 17   Vérifions s'il y a encore quelque chose à présenter, puis nous avancerons

 18   en page suivante.

 19   Uniquement la partie surlignée, s'il vous plaît.

 20   "En ce qui concerne Ilidza --

 21   Voilà.

 22   "En ce qui concerne Ilidza, le coordinateur principal de toutes les

 23   activités de rassemblement d'instruction d'armement des membres de la

 24   population appartenant au group ethnique croate ou musulman est le chef du

 25   poste de sécurité publique d'Ilidza Edin Marinovic."

 26   Dans le paragraphe suivant, on parle des plus hauts responsables de la

 27   police et de la façon dont ils ont été responsables de l'armement sur

 28   place. Et là où vous étiez, à Ilidza sur place, le chef du poste de police

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  1   Edin Milic était responsable de l'armement, de d'abord armer les Musulmans

  2   parmi la population, ensuite dans un café il se réunissait avec des

  3   criminels notoires. Il y rassemblait principalement des Croates et des

  4   Musulmans. Il en faisait des membres de la Ligue patriotique, et très près

  5   de ce café "Queen," à son quartier général il distribuait des armes.

  6   Est-ce qu'on peut avoir la page suivante.

  7   Est-ce que vous saviez que la police préparait de telles attaques ?

  8   Monsieur le Colonel, vous étiez au courant du fait que la police était

  9   responsable de la préparation de ces attaques, et qu'elles se trouvaient à

 10   l'arrière-plan de ces unités

 11   paramilitaires ?

 12   R.  Non, je n'étais pas au courant de cela. Je me souviens très bien de

 13   l'attaque d'Ilidza ce jour-là. Les défenseurs étaient des Serbes de Bosnie.

 14   Ils étaient attaqués. Je ne sais pas par qui. Je sais que nous, nous nous

 15   cachions, parce que les choses étaient extrêmement dangereuses. Environ 13

 16   personnes ont trouvé la mort dans cette attaque. Donc je savais qu'il y

 17   avait eu cette attaque, et je sais que c'étaient les Serbes qui se

 18   défendaient à ce moment-là, mais je ne peux pas en dire plus.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous vous rappelez que c'est à partir de la localité

 20   d'Otes qu'ils ont été attaqués ainsi qu'en provenance de Sokolivic-Kolonija

 21   et de Hrasnica ?

 22   R.  Non. Je dois dire que pour l'essentiel de la journée, j'étais dans ma

 23   chambre ou à l'hôtel. On ne pouvait pas quitter l'hôtel. J'ai quitté

 24   l'hôtel pour donner une interview à la BBC, et c'est le jour où on m'a

 25   demandé si la réunion qui était prévue pour le lendemain avec Pinhiero et

 26   Carrington devait avoir lieu. Nous étions assez inquiets à propos de la

 27   sécurité de ces personnes et la sécurité de cette réunion. Donc j'ai essayé

 28   d'évaluer la situation. Mais je savais qu'il y avait des combats en cours,

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  1   parce que c'est la première fois que j'ai vu des véritables combats dans la

  2   ville de Sarajevo. Quant à savoir d'où venaient les tirs, ça je ne peux pas

  3   vous le dire, parce que nous étions extrêmement proches de l'emplacement où

  4   se trouvaient les personnes qui défendaient leurs positions.

  5   Q.  Merci. Très bien. Dans ce cas-là, je n'insisterai pas avec ce document.

  6   Il est clair que vous avez vu de vos propres yeux l'attaque lancée contre

  7   la partie serbe d'Ilidza, et la défense qui s'en est suivie.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document aux fins

  9   d'identification ? Je ne suis pas sûr qu'il y ait une traduction.

 10   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Je vous donne un oui de

 11   principe, mais uniquement sous cote provisoire, car nous n'avons pas de

 12   traduction à l'heure actuelle.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le numéro 65 ter est le 1109; c'est bien

 14   cela, Monsieur Karadzic ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. 01109.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Donc ça devrait une cote MFI.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D221MFI.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puis-je maintenant avoir l'affichage du

 19   document 1D01258.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Colonel, pendant qu'il s'affiche, je vous indique qu'il s'agit d'une

 22   instruction fournie par le quartier général de la Défense territoriale de

 23   Bosnie-Herzégovine en date du 23 avril 1992. Comme vous le savez, à ce

 24   moment-là, les efforts entrepris aux fins de la mise en place du cessez-le-

 25   feu proposé par vous-même et l'ambassadeur Cutileiro le 20 avril se

 26   poursuivent. Donc ici, nous avons un document du 23 avril et une nouvelle

 27   instruction concernant la défense de la souveraineté et de l'indépendance

 28   de la Bosnie-Herzégovine de Hasan Efendic.

Page 2780

  1   Nous n'avons pas cela, n'est-ce pas ? Voilà, nous l'avons.

  2   Malheureusement, nous n'avons pas la traduction de ce document non plus,

  3   mais je voudrais attirer votre attention simplement sur les points

  4   suivants. Le point numéro 1 parle des forces ennemies. Donc il s'agit de la

  5   Défense territoriale SAO de la Région autonome serbe,  SAO, et de l'armée

  6   yougoslave JA, qu'il considère également comme ennemi à la date du 23

  7   avril, et vers le bas de la page numéro 4, il est indiqué, je cite :

  8   "J'ai décidé de procéder immédiatement à la mobilisation de

  9   l'ensemble de l'effectif de la Défense territoriale de la République de

 10   Bosnie-Herzégovine de poursuivre de façon accélérée la constitution

 11   d'unités de combat dans toutes les municipalités qu'il conviendra de placer

 12   sous le commandement conjoint des quartiers généraux municipaux, de

 13   districts et de la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine, ensuite

 14   de briser la capacité d'attaque de l'ennemi par une action rapide et

 15   décisive en appliquant des stratégies d'encerclement."

 16   Page suivante.

 17   "En prenant le contrôle des casernes, en confisquant les armes et en

 18   occupant également les entrepôts de munitions et d'armes, mettre en place

 19   un blocus des casernes et faire prisonniers les membres de la JNA sur le

 20   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Former des unités de la Défense

 21   territoriale composée d'effectifs de volontaires de la Ligue patriotique,

 22   celle-ci, ainsi que les autres unités patriotiques placées sous le

 23   commandement conjoint et porteuses des insignes tels qu'en a disposé la

 24   présidence de Bosnie-Herzégovine."

 25   Ensuite il est dit :

 26   "Tout en continuant à assurer la préparation aux combats du gros des

 27   effectifs pour qu'ils puissent participer aux combats tout en disposant de

 28   forces annexes."

Page 2781

  1   Ensuite, page suivante :

  2   "A l'échelon du commandement des municipalités, des régions de la

  3   république," et cetera, et la suite est moins importante.

  4   Je poursuis :

  5   "Pendant la durée des négociations portant sur un cessez-le-feu suite

  6   aux efforts entrepris par la communauté européenne, les préparatifs se

  7   poursuivent également et de façon accélérée pour la guerre."

  8   Est-ce que quelqu'un vous a mis au courant de ces activités de Hasan

  9   Efendic, ou plutôt du commandement musulman ?

 10   R.  Non, absolument pas. Ceci ne m'a pas été relié.

 11   Q.  Est-ce qu'il ne s'agirait pas tout de même de quelque chose que les

 12   négociateurs, les intermédiaires dans les négociations de paix, auraient dû

 13   savoir ?

 14   R.  Ecoutez, le 23 avril j'organisais, enfin, je facilitais l'arrivée de

 15   Pinhiero et de Carrington à Sarajevo. Pendant toute la journée, nous avons

 16   participé à des négociations en vue d'un cessez-le-feu avec tous les partis

 17   politiques. Vous étiez présent vous-même d'ailleurs, Monsieur Karadzic,

 18   vous vous en souviendrez. Ma mission à l'époque était de faire arriver les

 19   dirigeants à l'aéroport pour qu'ils puissent signer le document, et ce

 20   n'était pas si facile que ça. Donc c'était ce qui m'importait. Ma mission

 21   était d'obtenir des signatures en bas de ce document.

 22   Nous savons qu'un grand nombre de cessez-le-feu ont été enfreints.

 23   Quant à savoir qui les a enfreints, ça je n'en sais rien. Et toutes les

 24   parties ne faisaient que démentir qu'ils étaient les responsables de ces

 25   infractions.

 26   Mais est-ce que j'aurais dû savoir tout cela ? Ecoutez, je ne sais

 27   pas. Je ne peux pas vraiment dire quoi que ce soit à propos de ce document.

 28   Q.  Merci.

Page 2782

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il conviendrait de donner une cote

  4   provisoire à ce document. A l'heure actuelle, je ne sais même pas si ce

  5   document a un lien quelconque avec la déposition du témoin. Enfin, tout

  6   dépend de la façon dont on le lit, et les passages qui ont été lus et

  7   consignés au compte rendu d'audience ne semblent pas avoir été confirmés

  8   par le témoin.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant qu'une décision ne soit prise, puis-je

 11   peut-être vous informer, Madame, Messieurs les Juges, du fait qu'il s'agit

 12   d'un document confidentiel suivi d'un document public qui est un ordre de

 13   la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine contournant la police

 14   concernant le retrait des unités de la JNA et la façon dont il convient de

 15   procéder avec ces dernières.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Elle recevra une cote

 17   provisoire, et lorsque nous aurons la traduction, la Chambre évaluera la

 18   pertinence de ce document et rendra sa décision quant à sa recevabilité.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D222 MFI.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. A présent, le document de l'Accusation

 21   numéro 01040 de la liste 65 ter de l'Accusation. A-t-il été versé ? Comme

 22   document annexe ? Numéro 01040 de la liste 65 ter du Procureur. Et nous

 23   avons la traduction anglaise. Voilà, c'est la plateforme politique que nous

 24   retrouvons dans ce document de synthèse dans lequel l'Accusation a regroupé

 25   un certain nombre de communiqués de l'agence SRNA. Donc cette plateforme du

 26   22 avril a bien été publiée dès le 23. Pouvons-nous maintenant afficher le

 27   bas de cette page en anglais où il est dit "La vérité concernant les

 28   combats à Ilidza". C'est tout en bas de la page en anglais. Merci. Voilà ce

Page 2783

  1   que l'agence SRNA dit :

  2   "SRNA a l'autorisation de communiquer une information en provenance de la

  3   République serbe de Bosnie-Herzégovine arrivée le 22 avril 1992. En raison

  4   du grand nombre de fausses informations qui sont intentionnellement émises

  5   aux fins d'une propagande psychologique sur les ondes tant de la radio que

  6   de la télévision de Sarajevo, le centre de presse de la République serbe de

  7   Bosnie-Herzégovine situé à Ilidza, au centre des opérations de guerre, fait

  8   état des informations suivantes : Ce matin, une attaque a été lancée par

  9   des formations musulmanes en provenance du lotissement de Sokolovic. Les

 10   membres de ces unités ont occupé le restaurant Topola et l'institut de

 11   réhabilitation à partir d'où ils ont procédé à des tirs de tireurs

 12   embusqués, et pendant la durée de ces tirs, ils ont blessé plusieurs

 13   membres de la police serbe et de la Défense territoriale d'Ilidza. Du côté

 14   serbe, il y a des morts, mais leur nombre pas plus que leur identité n'ont

 15   pu être déterminés avant que les corps de ces personnes n'aient été retirés

 16   de la zone des tirs."

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Cela correspond à ce que vous avez confirmé, n'est-ce pas ?

 19   R.  En général, oui, mais quant aux détails, pour savoir exactement d'où

 20   émanaient les tirs, par exemple, ça je ne peux rien dire.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous avoir maintenant le document 1D54.

 23   Est-ce que ce document que nous venons de lire a déjà été versé ? Parce

 24   qu'il se trouvait déjà dans --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne le sais pas, mais nous allons

 26   l'admettre.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il recevra la cote D223.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une référence du Procureur, donc il a été

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  1   présenté et versé par l'Accusation, mais je pense que nous pourrons nous y

  2   référer.

  3   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non, nous n'avons pas demandé le

  4   versement de ce document.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Passons maintenant au document suivant.

  6   Il émane de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Le 27 avril 1992, cette

  7   présidence a pris la décision portant retrait des unités de la JNA du

  8   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Au point numéro 3, si vous voulez bien

  9   vous y reporter, je cite :

 10   "Les membres de la JNA qui, pour quelque raison que ce soit, ne souhaitent

 11   pas se mettre à la disposition des organes de l'Etat de Bosnie-Herzégovine

 12   ont l'obligation de quitter le territoire de la Bosnie-Herzégovine dans la

 13   direction qu'ils souhaiteront de façon organisée et accompagnés par les

 14   organes du MUP de la Bosnie-Herzégovine sous la surveillance des

 15   observateurs de la Communauté européenne."

 16   Passons maintenant à la page suivante. Alors, nous avons également en

 17   anglais la suite :

 18   "Les organes de l'Etat de Bosnie-Herzégovine garantiront le retrait en

 19   toute sécurité des unités de la JNA."

 20   Ensuite, point numéro 5 :

 21   "Les institutions et les organes à qui seront confiés les équipements et

 22   les armes des unités de la JNA et de la Défense territoriale ont

 23   l'obligation de remettre ces équipements et ces armes aux propriétaires, à

 24   savoir aux organes compétents de la Défense territoriale de Bosnie-

 25   Herzégovine."

 26   Et au point numéro 7 :

 27   "Cette décision a été prise par la présidence de la Bosnie-Herzégovine

 28   suite à la dissolution de la RSFY dans le but de garantir une solution

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  1   pacifique et équitable de la question. La présidence réitère son

  2   attachement à une démilitarisation permanente du territoire de cette

  3   république."

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Alors, comment cela se présente-t-il à vos yeux suite aux événements du

  6   3 mai, rue Dobrovoljacka ?

  7   R.  Eh bien, c'est une demande du gouvernement qui déclare que ceux qui

  8   veulent faire partie de l'ABiH peuvent le faire et ceux qui ne le veulent

  9   pas n'ont qu'à quitter le territoire. Mais quelle est la pertinence ? Vous

 10   faites référence ici à l'attaque contre le convoi ou aux combats de rue ?

 11   R.  Eh bien, voilà, Colonel, nous avons d'abord le rapport confidentiel où

 12   on parle de l'attaque, ensuite il y a document public où ils garantissent

 13   un retrait pacifique, et on a ensuite le 3 mai les événements qui voient le

 14   meurtre de plusieurs personnes au sein du convoi malgré les garanties

 15   données. Donc vous voyez ce qui est dit "attaquer, bloquer ce convoi, faire

 16   des prisonniers," donc le retrait a été convenu, mais lorsque que ce

 17   retrait se produit, non seulement il y a une attaque le 3 mai à Sarajevo,

 18   mais également le 15 à Tuzla. Est-ce que cela a contribué à la paix ou est-

 19   ce que cela va contribuer à l'éclatement de la guerre ? Est-ce qu'on avait

 20   le droit de procéder ainsi ou non ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a trop de questions.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Premièrement, je tiens à dire que je

 23   n'ai aucune connaissance de ce document précis et aucune connaissance aussi

 24   de qui aurait pu être en train de lancer des attaques contre la JNA, comme

 25   c'est ce que vous êtes en train de dire. Moi, à ce moment-là, j'essayais de

 26   permettre un retrait de la JNA de la République de Bosnie parce que j'avais

 27   l'impression que c'était ce qui était souhaité partout, ça a été d'ailleurs

 28   vérifié et ça m'a été confirmé par Belgrade le 12 mai lorsque j'étais au

Page 2786

  1   commandement militaire de la JNA, lorsque j'ai été évacué, on me l'a bien

  2   dit. Mais je ne connais pas bien ce document, donc je ne peux pas vraiment

  3   faire de commentaires à propos de ce document.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Oui, mais, Colonel, vous êtes au fait des événements des 2 et 3 mai.

  6   Vous étiez sur place. Le 2 et le 3 mai, les Bérets verts ont tué des

  7   soldats de la JNA, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je sais que les 2 et 3 mai les troupes de la JNA ont été prises pour

  9   cible dans le cœur du convoi parce que nous avions réussi à obtenir la

 10   libération du président. Je sais très bien que le convoi dans lequel se

 11   trouvait le président ainsi que le général Kukanjac a été attaqué, ça je le

 12   sais, bien sûr. Mais comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas physiquement

 13   sur place. J'étais retenu à Lukavica, mais j'étais au courant qu'il y avait

 14   eu une attaque contre ce convoi et avec des victimes. On m'a demandé

 15   d'essayer d'obtenir la libération du convoi qui avait été divisé, et j'ai

 16   essayé de le faire, mais j'ai été menacé à un poste de contrôle des Serbes

 17   de Bosnie après que j'aie quitté Lukavica et on m'a dit que c'était ma

 18   responsabilité. On m'a dit que si j'allais négocier la libération du

 19   président, je savais exactement à quoi je m'engageais, et donc j'ai quand

 20   même fait de mon mieux pour pouvoir obtenir la libération des membres du

 21   convoie le lendemain, et cette libération avait bien eu lieu.

 22   Q.  Merci. Mais au point 3, il est dit que les organes du ministère de

 23   l'Intérieur organiseront l'escorte, et ce, sous surveillance des

 24   observateurs de la Communauté européenne, donc sous votre surveillance. Et

 25   c'est un document public une semaine avant le massacre, et il est indiqué

 26   que vous, vous allez jouer le rôle d'observateur de ce retrait. Il est dit

 27   ensuite que les organes de l'état garantiront un retrait sûr et sans

 28   entrave.

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  1   Alors, que vous ayez été menacé par un officier serbe, cela s'est

  2   produit suite à un massacre dont cet officiel estimait que vous auriez pu

  3   l'empêcher. Je ne suis pas en train de vous attaquer. Mais je vous présente

  4   simplement la façon dont la situation s'est présentée. Nous avons ici un

  5   document public qui nous garantit que la JNA va pouvoir se retirer de façon

  6   pacifique et qu'à vous, on vous permettra de contrôler tout cela et de

  7   jouer le rôle d'observateur. Et tout cela est écrit dans un document qui

  8   est émis par la présidence de Bosnie-Herzégovine. Mais bon.

  9   Merci, Colonel.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser ce document. Mme UERTZ-

 11   RETZLAFF : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Une cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela recevra la cote D224.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais maintenant le document 1D56.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Je vous rappelle que la partie serbe, par mon intermédiaire, a proposé

 18   le 22 avril le programme dont nous avons parlé tout à l'heure. Mais voyons

 19   ce que faisait la partie musulmane à ce même moment.

 20   Le document que nous avons sous les yeux est un document qui date du

 21   29 avril, et je lis MUP de la République de Bosnie-Herzégovine. Je vous

 22   rappelle d'ailleurs que nous faisions partie du pouvoir et que nous étions

 23   à la tête d'un tiers du pouvoir en Bosnie-Herzégovine. Donc c'est le MUP de

 24   Bosnie-Herzégovine, par l'intermédiaire de ces centres de sécurité publique

 25   et par l'intermédiaire du SUP de Sarajevo, qui dit ce qui suit :

 26   "Il importe que tous les centres de sécurité publique, postes de sécurité

 27   publique et le SUP de Sarajevo entreprennent toutes les mesures nécessaires

 28   et toutes les actions nécessaires dans le cadre de leurs responsabilités en

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  1   vue d'assurer la sécurité et la mise en œuvre de l'ordre du commandant du

  2   QG de la Défense territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine,"

  3   numéro tel et tel, "datant du 29 avril 1992, que nous vous faisons suivre

  4   dans sa forme originale."

  5   Et plus loin, nous lisons :

  6   "J'ordonne par la suivante :

  7   "Réaliser le blocus massif et complet de tous les carrefours présents sur

  8   les routes dans le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine,

  9   routes qui pourraient être utilisées par les unités de l'ex-JNA pour

 10   effectuer leur retrait technique et matériel, et cette opération doit être

 11   coordonnée avec le MUP.

 12   "2. Réaliser le blocus de toute la région et des installations militaires

 13   présentes dans la région avec équipement et matériel militaires que la JNA

 14   va essayer d'emporter par divers moyens," et cetera, "dont la sécurité doit

 15   être assurée dans l'intérêt des unités de la Défense territoriale.

 16   "Tous les convois non annoncés d'unités de l'ex-JNA ainsi que ceux qui ne

 17   sont pas escortés par le MUP doivent être empêchés de quitter les casernes

 18   et de communiquer sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine.

 19   "Commencer immédiatement à préparer et à mettre en place les combats

 20   nécessaires sur tout le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine

 21   et coordonner ces préparatifs avec le QG de la Défense territoriale de la

 22   région, du district et de la République de Bosnie-Herzégovine. Dans le

 23   cadre des combats prévus, prendre toutes les mesures nécessaires pour

 24   protéger la population ainsi que les biens matériels," et cetera.

 25   Donc voilà. En dépit des garanties fournies, voilà ce qui est en train de

 26   se préparer. Des combats se préparent sur tout le territoire de la Bosnie-

 27   Herzégovine.

 28   Avez-vous estimé que la partie musulmane préparait effectivement une guerre

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  1   à grande échelle et avez-vous pu informer Lord Carrington de cela, qui, à

  2   votre avis, faisait le plus pour essayer de préserver la paix ?

  3   R.  Non, je ne suis pas au courant de ce qui est écrit dans ce document, et

  4   je puis dire que le 29 avril je me concentrais entièrement sur la nécessité

  5   d'essayer de faire monter le président, M. Izetbegovic, à bord d'un avion à

  6   destination de Lisbonne pour participer aux pourparlers. C'est le seul

  7   point sur lequel j'ai concentré mon attention toute cette journée-là. Donc

  8   je ne connais pas le contenu de ce document, je ne suis pas au courant de

  9   ce qui est écrit dans ce document.

 10   Q.  Estimez-vous que vous avez été trompé par vos partenaires musulmans qui

 11   étaient censés vous informer avec sincérité de leurs intentions, avec

 12   honnêteté et sincérité ?

 13   R.  Il y a eu des moments où pendant mon séjour en Bosnie j'ai eu

 14   l'impression d'être trompé par tout le monde, par les représentants des

 15   trois parties. Donc cela ne me surprend pas.

 16   Q.  Je vous remercie.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 18   document, et je demande l'affichage du document 1D01260.

 19   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Monsieur le Président, même si le

 20   témoin n'a pas connaissance de la teneur de ce document, il entre dans le

 21   cadre de sa déposition générale, donc pas d'objection.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons appliquer la règle adoptée

 24   par nous de façon cohérente. Le témoin n'a pas pu commenter le contenu de

 25   ce document, donc nous ne l'admettons pas.

 26   Je remarque l'heure. Ce sera votre dernière question, Monsieur

 27   Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. La Défense est un peu perdue,

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  1   parce que si le colonel était présent sur place à l'époque, or dans le

  2   document il est question d'un certain nombre de phénomènes dont lui ne

  3   parle que sous un certain angle, il en parle de façon partielle, par

  4   conséquent, je pense que ce document devrait devenir pièce à conviction.

  5   Mais enfin, qu'à cela ne tienne.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Colonel, dans ce document le commandant du 4e Corps d'armée - et nous

  8   sommes toujours à la date du 7 mai 1992 - présente la position de ceux qui

  9   sont à l'intérieur des casernes, ce qu'ils ressentent, et les ordres

 10   précédents concernaient ces mêmes personnes dans les casernes. Je ne sais

 11   pas si nous avons une traduction de ce document-ci, mais en tout cas voici

 12   ce que l'on peut lire dans ce document. Petit 1 :

 13   "La situation en Bosnie-Herzégovine est catastrophique. Il y a disparition

 14   totale de la loi et de l'ordre, le chaos et la terreur règne eu égard aux

 15   membres de la JNA et au peuple serbe."

 16   Paragraphe 3 :

 17   "De plus en plus souvent, les gens sont provoqués et attaqués à l'aide

 18   d'armes."

 19   Puis page suivante, sous le grand B, page suivante sur les écrans, je vous

 20   prie, nous lisons :

 21   "Des attaques ont été lancées contre le foyer de la JNA, la colonne de

 22   véhicules motorisés se déplace vers le foyer de la JNA pour essayer de

 23   sauver ceux qui y travaillent. Le commandement, le commandement du district

 24   et d'autres installations militaires ont été attaqués dans la même période,

 25   et plus tard la 65e Brigade motorisée a reçu l'ordre de faire mouvement

 26   vers le foyer de la JNA pour tenter d'en extraire les hommes qui avaient

 27   été tués."

 28   Page suivante maintenant sur les écrans, je vous prie :

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  1   "Ils ont reçu l'ordre de se déplacer vers Skenderija afin de retirer les

  2   morts et les blessés, mais les gens ont été attaqués par des forces

  3   importantes dans le secteur de Marin Dvor et ont été empêchés d'atteindre

  4   leur objectif. Etant donné l'insuccès de cette opération et l'absence de

  5   toute autre possibilité, la colonne qui était tombée dans cette embuscade a

  6   dû se battre pour sauver sa peau," et cetera, et cetera.

  7   Et le commandant Lazarevic, qui était présent pour protéger l'hôpital

  8   militaire, a commis un suicide après avoir été blessé. Il s'est donc tué

  9   lui-même. Donc vous voyez que tout ce qui a été ordonné dans ce document a

 10   été mis en œuvre. Enfin, c'est un document qui comporte plusieurs pages et

 11   nous devrons y revenir demain car il est regrettable de l'examiner si

 12   rapidement. C'est regrettable pour vous ainsi que pour les Juges de la

 13   Chambre de première instance, mais vous voyez que tout ce qui a été ordonné

 14   a été exécuté et que tous ceux qui travaillaient pour la JNA ont fait

 15   l'objet d'attaques très violentes et ont même été tués pour certains. A

 16   l'époque, vous étiez présent sur place. Est-ce que vous avez eu

 17   connaissance de  cela ? Est-ce que vous avez su tout cela ? Est-ce que vous

 18   avez été informé du fait que tout cela se passait ou est-ce que vous le

 19   contestez ? Ou alors, est-ce que vous admettez la possibilité que c'est

 20   bien ce qui s'est passé ? Peut-être serait-ce une meilleure façon de vous

 21   poser la question de façon à vous permettre d'y répondre.

 22   R.  Bien, ce que je peux dire c'est que le 2 mai, c'est la date du

 23   premier pilonnage important de la ville de Sarajevo, et je savais que la

 24   caserne de la JNA était encerclée, mais c'est aussi le jour où le président

 25   a été maintenu en détention à l'aéroport, et toute mon attention a été

 26   concentrée sur les efforts à déployer pour essayer de résoudre ce problème.

 27   J'ai également lancé un appel public à la télévision, parce qu'une partie

 28   faisait porter la responsabilité sur l'autre eu égard à qui avait commencé

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  1   à tirer dans les rues de la ville, et j'ai dit que je contribuerais à cette

  2   discussion en me mettant à la disposition de la population pour essayer de

  3   mettre un terme à ces tirs et à ces combats. Donc c'était un jour très

  4   important pour moi, et les affrontements ont duré toute la nuit. Donc je me

  5   concentrais principalement sur la nécessité de découvrir où se trouvait le

  6   président, pourquoi il était là où il était, pourquoi il avait été retenu

  7   prisonnier et quand il allait revenir à l'aéroport. Il y a eu pas mal de

  8   désordre ce jour-là. J'ai d'ailleurs mis par écrit dans mon agenda un

  9   certain nombre de notes, vous allez recevoir un exemplaire de mon agenda et

 10   une photocopie, et vous verrez que j'ai écrit qu'il y avait des combats

 11   intenses toute la journée dans les rues de la ville et que j'ai lancé cet

 12   appel à la télévision. Donc voilà ce que j'ai essayé de faire, ce que j'ai

 13   fait. J'ai fait ce que je pouvais pour apporter une contribution positive à

 14   la situation. Mais qui faisait quoi à l'extérieur, je ne le savais pas tout

 15   simplement.

 16   Q.  Merci, Colonel. Il n'est pas contestable que vous avez fait ce

 17   que vous avez fait. Ce qui est contestable c'est que vous ayez su ce que

 18   faisaient les autres parties. C'est ça qui est discuté en tout cas entre

 19   nous. Les Serbes n'étaient pas les seuls à tirer. La partie adverse tirait

 20   également, et pendant ces quelques journées, nombre de Serbes ont été tués.

 21   Je vous demanderais simplement si j'ai besoin de demander le versement au

 22   dossier de ce document maintenant, parce que demain nous allons continuer à

 23   travailler avec ce document, bien que le colonel ne puisse nous dire

 24   réellement grand-chose à son sujet, mais il a été témoin de ce qui se

 25   passait dans la ville à l'époque.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous poursuivrons demain matin ou

 27   bien est-ce que nous l'enregistrons à des fins d'identification.

 28   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Non. En fait, Monsieur le

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  1   Président, je voulais mettre en exergue un autre point. Nous n'avons pas de

  2   traduction.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

  4   Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Mais ce document est une

  5   reproduction de la pièce 65 ter 03721 de l'Accusation, et elle existe dans

  6   le prétoire électronique avec traduction. Peut-être --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera très utile. Nous en

  8   reparlerons demain à 9 heures du matin.

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le jeudi 27 mai

 10   2010, à 9 heures 00.

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