Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 5 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Nous sommes censés entendre le général Rose aujourd'hui. J'ai appris que

  7   vous vouliez intervenir auparavant, Maître Robinson.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  9   J'en ai avisé la Chambre et l'Accusation, par courriel la semaine dernière,

 10   nous allons faire opposition à certains paragraphes de la déclaration de

 11   synthèse proposée en tant qu'élément de preuve sous le régime de l'article

 12   92 ter. Ces paragraphes concernent les combats à Gorazde en avril et en mai

 13   1994, paragraphes 66 jusqu'à 113 de cette déclaration amalgamée, les

 14   combats à Bihac en novembre 1994; ceci se trouve aux paragraphes 169 à 176

 15   de cette même déclaration, et une question supplémentaire que je n'avais

 16   pas évoquée dans mon courriel, c'est que nous faisons opposition aux

 17   paragraphes 218 et 219. A notre avis, ce sont des conclusions juridiques

 18   qui ne seraient pas recevables si elles faisaient partie d'une comparution

 19   viva voce, et nous pensons qu'elles doivent être exclues de la déposition.

 20   Nous faisons objection à deux titres; d'abord, pour ce qui est de l'avis

 21   donné, et de la pertinence.

 22   Pour ce qui est du préavis donné, les événements de Gorazde et de Bihac ne

 23   sont pas prévus dans l'acte d'accusation. On n'en parle pas dans les chefs

 24   retenus pour meurtres, détention dans des camps de détention, persécution

 25   ou incidents de bombardements ou de tirs.

 26   Dans le paragraphe 53 du mémoire préalable au procès, on fait certes

 27   référence à Gorazde et à Bihac, où nous disons qu'effectivement, la VRS a

 28   poursuivi des actions militaires d'une façon qui montre qu'il y a un lien

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  1   entre les objectifs stratégiques et les opérations militaires, notamment

  2   lors des événements de 1993 à 1995 dans certains lieux, dont Gorazde et

  3   Bihac.

  4   Pour ce qui est de l'annexe au mémoire préalable au procès du témoignage de

  5   M. Rose, on parle de Gorazde, mais pas de Bihac. Il n'est donc pas logique

  6   de faire intervenir ces événements dans l'acte d'accusation. L'acte

  7   d'accusation est vicié à cet égard et ne nous donne pas de préavis. Nous

  8   pensons que c'est très clair, il fallait que les références soient claires

  9   dans le mémoire préalable au procès pour que nous sachions que ces

 10   événements allaient être évoqués dans le cadre de procès.

 11   Pour ce qui est de la pertinence, nous pensons que nous avons eu

 12   suffisamment de temps, mais il faudrait exclure, si vous estimez que nous

 13   avons eu assez de temps, que ce soit exclu au titre de manque de

 14   pertinence, parce que c'est le premier domino qui vient dans cette rangée

 15   que vous avez. Si vous admettez Gorazde et Bihac, à ce moment-là, il faudra

 16   un temps supplémentaire pour le contre-interrogatoire. Il faudra faire une

 17   enquête, il faudra trouver des témoins. Il faudra en parler dans le mémoire

 18   en clôture. Il faudra que ce soit mentionné dans le jugement, et il faudra

 19   qu'on en fasse appel de part et d'autre du prétoire. Donc, si vous décidez

 20   d'admettre ces deux éléments aujourd'hui dans la comparution, ceci va

 21   entraîner une chute des autres dominos, qui aura un effet sur la portée de

 22   la longueur du procès.

 23   Pour cela, je vous demande d'exclure cette partie de la déposition de la

 24   déclaration de synthèse et de ne pas entendre d'éléments ici à l'audience

 25   sur ces deux sujets, à savoir Gorazde et Bihac.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est M. Tieger ou Mme

 27   Edgerton qui va répondre, je me le demande.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Permettez-moi de commencer par certains

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  1   éléments de réponse, si vous m'en donnez l'autorisation. Parlons d'abord de

  2   la question de pertinence.

  3   Permettez-moi, cependant, de relever ceci : aux paragraphes 104, 106 et

  4   107, mentionnés par Me Robinson, il a dit de ces paragraphes qu'ils

  5   englobaient les éléments concernés concernant Gorazde, alors qu'en fait, ce

  6   n'est pas en rapport avec Gorazde, ce qui veut dire que ceci n'entre pas en

  7   ligne de compte dans ses objections. La pertinence, elle est manifeste, de

  8   prime abord, parce qu'ici ça concerne surtout Sarajevo.

  9   Je crois qu'on a fait un certain amalgame entre plusieurs points. Je dirais

 10   d'abord que les éléments auxquels s'oppose Me Robinson, ce n'est pas un

 11   élargissement de la thèse que nous avançons. Maître Robinson, nous ne

 12   retenons pas comme chefs des faits qui se seraient produits au cours de

 13   l'offensive de Gorazde, ou de celle de Bihac plus tard en 1994. Ici, nous

 14   vous proposons ces éléments de preuve en ce qui concerne des aspects-clés

 15   de l'acte d'accusation dressé contre M. Karadzic -- et je vais énumérer ces

 16   éléments. Eu égard à l'offensive de Gorazde et à celle de Bihac, la

 17   déposition du témoin sera pertinente. Elle démontrera que M. Karadzic avait

 18   un pouvoir de commandement et un contrôle effectif des forces de la VRS

 19   pendant la période couverte par l'acte d'accusation. En ce qui concerne

 20   l'offensive de Gorazde, le présent témoignage, à notre avis, donne son sens

 21   à la mise en œuvre du troisième objectif stratégique, à savoir

 22   l'élimination de la Drina en tant que frontière séparant les Etats serbes,

 23   et c'est aussi pertinent quand on pense à l'intention qu'a M. Karadzic

 24   d'appliquer cet objectif pour déloger de façon permanente les non-Serbes du

 25   territoire que revendiquent les Serbes dans la vallée de la Drina.

 26   On a l'impression, à entendre l'objection de Me Robinson, que s'agissant

 27   des événements des enclaves orientales, notamment Srebrenica en 1995, ils

 28   doivent être vus séparément. Mais on ne peut pas le faire, que ce soit au

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  1   niveau du temps de ces faits et au niveau de la géographie où ils se sont

  2   produits.

  3   La politique des dirigeants serbes de Bosnie en ce qui concerne les

  4   enclaves de Gorazde et de Zepa, une politique d'attaques militaires, de

  5   blocus, de restrictions imposées à des convois, c'est une politique - et le

  6   témoin en parlera - une politique qui est aussi pertinente, parce que cette

  7   systématicité, on va l'appliquer aussi à Srebrenica. Toutes ces trois

  8   enclaves, il faut les prendre en lot, si vous voulez. C'est comme ça que

  9   les dirigeants serbes de Bosnie les ont prises. A notre avis, si on enlève

 10   ces trois enclaves, c'est là quelque chose qui est vital pour l'exécution

 11   du troisième objectif stratégique.

 12   Dans un instant, je vais évoquer certains documents qui vont nous le

 13   montrer, mais je poursuis l'examen de la question de la pertinence.

 14   Pourquoi cette déposition va-t-elle être pertinente ? C'est aussi pour la

 15   prise d'otage, élément retenu dans l'acte d'accusation dressé contre M.

 16   Karadzic. Ça c'est passé en mai 1995. Pourquoi est-ce pertinent ? Parce que

 17   le général Rose nous dira que c'est quelque chose de systématique pendant

 18   toute l'année 1995 [comme interprété]. On détenait des forces de l'ONU et

 19   d'autres éléments des organisations humanitaires pour enrayer une

 20   intervention de l'OTAN, et ça s'est répété en mai 1995.

 21   C'est important pour Bihac, parce que nous avons présenté cette théorie

 22   concernant Sarajevo, à savoir que des événements survenant ailleurs sur le

 23   théâtre d'opérations ont un effet délétère sur la sécurité, sur la

 24   protection des civils de Sarajevo.

 25   Revenons à certains des documents que j'ai mentionnés. Les dirigeants

 26   serbes de Bosnie ont non seulement examiné les événements de Gorazde en

 27   excluant les autres, et là je vous rappellerais quelques documents : P976,

 28   la Directive 4 du 19 novembre 1992, qui appelait les forces du Corps de la

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  1   Drina a épuiser l'ennemi, à infliger le plus de pertes possible sur

  2   l'ennemi, et que Bihac, Srebrenica et Gorazde soient ainsi des lieux où cet

  3   ennemi doit partir avec la population musulmane.

  4   Document 65 ter 03979, ordre du Corps de la Drina numéro 2-126 de novembre

  5   1992, au paragraphe 1, dit qu'il faut infliger, et on parle ici au Corps de

  6   la Drina, le plus de pertes possible pour les diviser ou les forcer à se

  7   rendre et forcer la population musulmane locale à abandonner Cerska, Zepa,

  8   Srebrenica et Gorazde. P977, Directive 5 du 25 juin 1993, on dit que le

  9   Corps de la Drina doit essayer de garder les forces musulmanes qui restent

 10   à Gorazde, Zepa et Srebrenica dans une situation de siège et d'encerclement

 11   constant. La pièce P838, Directive 7, en date du 8 mars 1995, quand on voit

 12   les tâches données au Corps de la Drina, on voit notamment celle-ci :

 13   directive qui est de créer une situation intenable d'insécurité absolue,

 14   sans espoir de survie aucun, ni de vie aucune pour les habitants de

 15   Srebrenica et de Zepa aussi, et de libérer des zones serbes qui se trouvent

 16   dans l'enclave de Gorazde et de réduire celle-ci à la taille d'un

 17   protectorat de trois kilomètres à partir du centre de la ville. Enfin, la

 18   pièce P01412, à savoir les propos mêmes de M. Karadzic lorsqu'il parle à la

 19   52e séance de l'assemblée. Page 111, voici ce qu'il a déclaré :

 20   "Le moment était venu, et j'ai signé cette directive, celle qui était de

 21   capturer Teocak, Srebrenica et Gorazde. Cette directive a été signée, et

 22   nous avons commencé à l'appliquer."

 23   Page 112 de cette même séance de l'assemblée, il déclare ceci :

 24   "Nous n'avons pas réussi à prendre Gorazde cette fois-là et nous ne sommes

 25   toujours pas capables de nous en emparer car les menaces sont sérieuses, et

 26   on ne peut pas leur donner un coup de poing dans la figure juste

 27   maintenant, mais maintenant, le temps viendra de prendre Gorazde, comme le

 28   bon moment était venu de conquérir Srebrenica."

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  1   Donc même politique pour les trois enclaves orientales, Gorazde, Zepa et

  2   Srebrenica, et la signification stratégique qu'il a à donner à une attaque

  3   sur l'une d'entre elles, à notre avis, n'est pas bien comprise si on ne

  4   présente pas d'éléments sur les offensives menées sur les deux autres

  5   enclaves.

  6   Pour ce qui est de la question de la pertinence, c'est ce que je voulais

  7   vous présenter en guise d'arguments.

  8   Notons que M. Karadzic a reçu la déclaration du général Rose au cours de

  9   l'été 2009. La notification 92 ter de ce témoin concernant cette même

 10   déclaration, au départ, elle a été déposée le 23 juillet 2010. La

 11   notification finale des pièces que nous allons utiliser par l'entremise du

 12   témoin qui a limité de façon significative le nombre qu'on allait présenter

 13   au départ, cette notification finale a été déposée le 23 septembre 2010. Je

 14   pense que là on a avisé suffisamment la Défense, et l'accusé n'est

 15   aucunement lésé sur ce plan.

 16   S'agissant du temps accordé pour le contre-interrogatoire, à mon

 17   humble avis, il ne convient pas. Pourrait-on dire que la Défense nous dicte

 18   ce qu'on a à présenter en fonction de ce que l'accusé croit nécessaire

 19   s'agissant du temps dont il aurait besoin pour procéder au contre-

 20   interrogatoire ?

 21   Je ne sais pas si M. Tieger a d'autres arguments à vous présenter,

 22   mais je pense avoir abordé tous les points présentés par Me Robinson.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Edgerton.

 24   Maître Robinson.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, m'accordez-vous un moment pour

 26   la réplique ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] D'abord, pour ce qui est du préavis, je

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  1   pense que la jurisprudence est claire. Les déclarations préalables du

  2   témoin ne servent pas à corriger, à rectifier un vice de forme dans l'acte

  3   d'accusation. Voyez les propos liminaires et le mémoire préalable au procès

  4   pour y trouver des sources de jurisprudence. Je l'ai déjà dit, dans ces

  5   deux documents, on avait abordé ces événements, mais le fait que nous avons

  6   reçu la déclaration du témoin ne concerne pas la question du préavis.

  7   Pour ce qui est de la pertinence, l'Accusation nous dit maintenant

  8   qu'elle a besoin de ces éléments pour montrer qu'il y avait pouvoir de

  9   commandement et de contrôle, la volonté de déloger à jamais les Musulmans,

 10   et aussi pour apporter la preuve des prises d'otage en 1995. Vingt

 11   municipalités sont retenues dans l'acte d'accusation, comme Sarajevo aussi

 12   et Srebrenica, donc l'Accusation a-t-elle vraiment besoin de ceci ? Si elle

 13   en avait besoin, elle aurait dû le dire dans l'acte d'accusation.

 14   Nous avons tous entendu le commentaire à la Conférence de mise en

 15   état du 3 septembre. On a dit que c'était ici un point sur lequel la

 16   Chambre devrait exercer son pouvoir discrétionnaire. Elle peut décider

 17   d'exclure tel ou tel élément de preuve.

 18   Merci.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A l'évidence, les événements

 22   survenus à Gorazde et à Bihac n'ont pas été retenus dans l'acte

 23   d'accusation. Dans ce sens, les événements de Gorazde et de Bihac ne sont

 24   peut-être pas importants au regard des charges retenues dans l'acte

 25   d'accusation; mais la Chambre estime que ceci permettra sans aucun doute

 26   d'étayer, en dressant mieux le contexte général, plusieurs points, tels que

 27   le commandement, la direction, le contrôle effectif, l'intention, le

 28   caractère systématique, et d'autres points. Nous estimons, par conséquent,

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  1   que les éléments préparés ou présentés dans la déclaration visée par

  2   l'article 92 sont pertinents, et nous rejetons vos arguments, Maître

  3   Robinson.

  4   Faisons entrer le témoin.

  5   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, mon Général.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-nous de ce retard. Nous avons dû

  9   évoquer quelques questions en votre absence.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Aucun problème, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez prononcer la déclaration

 12   solennelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : MICHAEL ROSE [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur.

 18   Installez-vous.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez la parole, Madame Edgerton.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, mon Général. Je veux que ceci soit acté au

 24   dossier : veuillez dès lors décliner votre identité.

 25   R.  Hugh Michael Rose.

 26   Q.  Mon Général, est-ce que vous vous souvenez avoir fourni une déclaration

 27   au bureau du Procureur en 1995 ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que, par la suite, vous avez déposé en tant que témoin à charge

  2   dans le procès intenté à Stanislav Galic --

  3   R.  Oui.

  4   Q.  -- en juin 2002 ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Vous avez déposé en tant que témoin à la CIJ, au nom de la Serbie; est-

  7   ce exact ?

  8   R.  J'ai été témoin de la Chambre. Je tiens à le dire clairement, je n'ai

  9   pas témoigné en faveur de la Serbie.

 10   Q.  Vous avez écrit un ouvrage sur les expériences que vous avez vécues en

 11   Bosnie-Herzégovine qui s'intitule : "Un combat pour la paix," "Fighting for

 12   peace" ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je vois que vous avez apporté un exemplaire de ce livre; je suppose que

 15   c'est pour l'utiliser en guise de référence éventuellement ?

 16   R.  Exact.

 17   Q.  Merci. En janvier 2009, est-ce que vous vous souvenez avoir rencontré

 18   des représentants du bureau du Procureur, dont je faisais partie ? Est-ce

 19   que vous avez préparé une déclaration de synthèse qui reprenait des

 20   éléments que nous venons d'évoquer, notamment aussi des parties de votre

 21   ouvrage ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans le cadre de la préparation à votre témoignage aujourd'hui, est-ce

 24   que vous avez relu cette déclaration et les documents y afférents qui sont

 25   mentionnés dans cette déclaration ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Permettez-moi d'attirer votre attention, et je vois que vous avez

 28   apporté un document, mon Général, est-ce que c'est une copie de cette

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  1   déclaration dont nous venons de parler ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Permettez-moi d'attirer votre attention sur deux paragraphes de cette

  4   déclaration de synthèse. Le paragraphe 150 et le paragraphe 151.

  5   Madame et Messieurs les Juges, il s'agit de document de la liste 65 ter

  6   22285.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avez-vous trouvé ces paragraphes ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Ces deux paragraphes font état d'événements survenus en septembre 1992.

 11   R.  Oui, il faudrait que ce soit les -- septembre 1994.

 12   Q.  A chaque paragraphe ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Mis à part ces deux erreurs peut-être typographiques, est-ce que vous

 15   voulez apporter d'autres corrections, apporter d'autres éclaircissements à

 16   ce document ?

 17   R.  Non, pas du tout.

 18   Q.  Si on vous reposait les mêmes questions aujourd'hui, celles qui ont

 19   donné lieu aux réponses que l'on trouve dans cette déclaration, est-ce que

 20   vous y répondriez de la même façon ?

 21   R.  Oui, du mieux que je pourrais, oui.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement du document de la

 23   liste 65 ter 22285 en tant que pièce à charge.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document est versé en tant que pièce.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1638, Madame et

 26   Messieurs les Juges.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 28   Permettez-moi de donner lecture d'un résumé de la déposition écrite du

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  1   général Rose.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Le général, Sir Michael Rose, était

  4   commandant des forces des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine de janvier

  5   1994 à janvier 1995. A son arrivée, à Sarajevo, il a vu une ville qui

  6   était, je cite :

  7   "Réduite à un état quasiment médiéval, sans éclairage, sans eau, sans

  8   électricité. Il a appris que plusieurs civils avaient été tués à la suite

  9   de tirs isolés et de bombardements au cours des semaines et des mois qui

 10   avaient précédé. Les civils dont des enfants ont continué d'être la victime

 11   de bombardements en janvier, fin janvier et début février. Moment où le

 12   général Rose a soulevé la question de ces tirs isolés aveugles avec M.

 13   Karadzic lors d'une réunion qui s'est tenue le 30 janvier 1994. M. Karadzic

 14   a dit de ces bombardements constants qu'ils n'avaient pas de sens et il

 15   était d'accord pour dire qu'ils s'arrêtent.

 16   "Le général Rose a constaté que arrivée l'année 1994 les dirigeants serbes

 17   de Bosnie tenaient beaucoup à avoir un cessez-le-feu global pour toute la

 18   Bosnie, car c'était un moyen de consolider, d'arrêter l'endroit où se

 19   trouvaient les lignes de confrontation et de cimenter les conquêtes

 20   territoriales, qui représentaient à ce moment-là quelque 70 % du territoire

 21   du pays.

 22   "Après le bombardement du marché de Markale, le 5 février 1994, le général

 23   Rose a vite fait appliquer un cessez-le-feu à Sarajevo en établissant une

 24   zone d'exclusion totale de 20 kilomètres pour les armes lourdes. Le cessez-

 25   le-feu a été en grande partie respecté et appliqué par les deux parties et

 26   est resté en vigueur pendant l'essentiel de cette année.

 27   "De l'avis du général Rose la capacité qu'avaient les dirigeants à faire

 28   appliquer ce cessez-le-feu était un indice du contrôle qu'ils avaient sur

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  1   les forces militaires entourant Sarajevo.

  2   "En avril 1994, les Serbes de Bosnie ont lancé une offensive sur Gorazde

  3   qui s'est soldée par les frappes aériennes de l'OTAN. En réponse, les

  4   Serbes de Bosnie ont pris en otage du personnel de la FORPRONU, chose qui

  5   s'est répétée plusieurs fois pendant le tour des services du général Rose.

  6   Le général rose pense que ces offensives avaient pour intention de faire

  7   pression sur l'enclave et ainsi sur les Musulmans de Bosnie pour qu'ils

  8   acceptent un cessez-le-feu global. A son avis, cet épisode était aussi un

  9   exemple du fait qu'il y avait un rapport de fonctionnement tout à fait

 10   efficace entre l'aile politique et l'aile militaire, les dirigeants serbes

 11   de Bosnie.

 12   "Le général Rose a souvent rencontré M. Karadzic et d'autres membres des

 13   dirigeants politiques et militaires serbes de Bosnie. Au cours de ces

 14   réunions, il a régulièrement soulevé la question des tirs isolés, de la

 15   liberté de circulation, et de la possibilité pour les convois militaires

 16   d'arriver sur place.

 17   "Le général rose a constaté que les Serbes semblaient bloquer l'aide

 18   humanitaire pour parvenir à des fins politiques ou en réponse à des

 19   événements, comme, par exemple, des offensives menées par l'ABiH ailleurs.

 20   Lors d'une réunion, septembre 1994, M. Karadzic s'est plaint du fait que le

 21   Conseil de sécurité avait apposé des sanctions et il avait dit ceci : Si la

 22   communauté internationale nous traite comme si on était un animal, une bête

 23   c'est comme ça qu'on va se comporter aussi, et il faisait référence au

 24   contrôle de ces installations comme étant un moyen de guerre. En dépit, du

 25   cessez-le-feu de Sarajevo les tirs isolés restaient quotidiens, monnaie

 26   courante à Sarajevo.

 27   "En août 1994, les dirigeants des deux parties belligérantes se sont mis

 28   d'accord pour avoir un accord anti-sniper et ceci a été suivi immédiatement

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  1   par une forte diminution des tirs isolés au cours des semaines qui ont

  2   suivi.

  3   "Vers la fin 1994, la situation à Sarajevo et en Bosnie aussi s'est

  4   détériorée. Il y a eu augmentation des tirs isolés et des bombardements à

  5   Sarajevo et des restrictions spectaculaires sur l'arrivée d'aide

  6   humanitaire jusqu'à l'accord de cessation des hostilités signé par les

  7   parties sous les auspices de Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis

  8   accord signé le 31 décembre 1994."

  9   Ceci met fin au résumé que je vous ai lu.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   Vous avez d'autres questions à poser au témoin ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Tout à fait. Je n'ai pas pu ouvrir mon

 13   système LiveNote jusqu'à ce stade, et j'ai saisi cette occasion. Très bien.

 14   Q.  Général, je souhaite aborder avec vous quelques domaines ou en tout cas

 15   développer certains domaines que vous avez évoqués dans votre déclaration

 16   écrite et qui a été enregistrée. Pour ce qui est du premier sujet, à savoir

 17   des réunions et des négociations, votre déclaration écrite indique que vous

 18   avez eu des réunions fréquentes avec les dirigeants militaires et

 19   politiques des factions belligérantes, à la fois sur le terrain et à

 20   l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?

 21   R.  Oui, c'est exact.

 22   Q.  A quel niveau politique ou militaire se situaient vos interlocuteurs ?

 23   R.  Nous nous entretenions avec les dirigeants politiques et militaires de

 24   haut rang, ce qui était appelé à l'époque, la Republika Srpska.

 25   Q.  Qui était son particulier ?

 26   R.  J'ai parlé au Dr Karadzic, M. Krajisnik, M. Koljevic, de temps en temps

 27   à M. Zametica, et du côté militaire, il y avait toujours le général Mladic

 28   et le colonel Tolimir qui était son assistant militaire, et quelquefois

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  1   accompagné d'une ou deux personnalités militaires.

  2   Q.  Pour ce qui est des questions évoquées à ces réunions, y avait-il une

  3   différence selon l'endroit où se tenait la réunion ?

  4   R.  Il y avait toujours deux niveaux auxquels nous abordions les questions.

  5   La première, c'était les questions qui avaient trait au fait de mettre un

  6   terme à la guerre, que ce soit par un processus de cessez-le-feu, de

  7   cessation d'hostilité, et finalement, faire en sorte qu'il y ait une paix

  8   permanente. Il y avait à un autre niveau, le Haut-commissariat des Réfugiés

  9   des Nations Unies - les convois qui traversaient la Bosnie, le HCR, comme

 10   cela s'appelait - s'adressait aux autres parties en conflit et fournissait

 11   en vivre les trois parties au conflit.

 12   Q.  Donc suite à vos échanges, lorsque vous abordiez ces différentes

 13   questions, avez-vous pu avoir une idée d'ensemble de la situation au plan

 14   politique et militaire dans le pays ?

 15   R.  La situation globale au plan politique et militaire en Bosnie, pendant

 16   toute l'année 1994, était comme suit : du côté serbe, il y avait le désir

 17   de mettre un terme à la guerre, et en l'état des choses, ils contrôlaient

 18   la plus grande partie du territoire. Comme vous l'avez dit, ils

 19   souhaitaient échanger les territoires contre une paix selon leurs propres

 20   conditions. Il y avait des parties de la Bosnie qu'ils souhaitaient avoir,

 21   et ils étaient disposés, en fait, à lâcher certaines parties à la partie

 22   croate ou à la partie bosniaque, dont ils ne souhaitaient pas. Du côté du

 23   gouvernement de Bosnie, la plupart des cas, il y avait un accord entre les

 24   Croates et les Musulmans, pour constituer une fédération. Il y avait deux

 25   parties au conflit pendant l'essentiel ou la plupart de l'année 1994. En

 26   fait, du côté du gouvernement de Bosnie, qui dirigeait la Fédération, ils

 27   ne souhaitaient que les avancées territoriales faites par l'armée serbe de

 28   Bosnie soient converties en paix. Et donc le gouvernement de Bosnie, à

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  1   l'origine a accueilli l'arrivée des Nations Unies, et le fait que cette

  2   dernière puisse alléger les souffrances et fournir de l'aide. Mais au fil

  3   des jours, le gouvernement de Bosnie s'est opposé au deuxième objectif des

  4   Nations Unies, qui était d'instaurer la paix, parce que le gouvernement de

  5   Bosnie souhaitait recourir les territoires qu'ils avaient perdus pendant la

  6   guerre, et ceci prévalait, était la position stratégique générale qui

  7   prévalait pendant l'année 1994.

  8   Q.  Donc pour ce qui est du contrôle du territoire, vous avez dit que les

  9   Serbes de Bosnie contrôlait 70 % de l'ancienne république; est-ce que cela

 10   signifie que les forces de Bosnie contrôlaient les parties beaucoup moins

 11   importantes ?

 12   R.  Je ne connais pas les pourcentages, mais les Croates contrôlaient la

 13   plupart des régions du sud et de l'ouest, de la Bosnie. Le camp musulman,

 14   les parties centrales de Gorazde ou Srebrenica, Bihac, et des territoires

 15   comme cela par-ci, par-là, mais surtout ce qu'il y avait autour de

 16   Sarajevo. C'était la -- la répartition était sans doute de l'ordre de

 17   15/15.

 18   Q.  Y a-t-il eu un changement ou une modification de la situation au plan

 19   stratégique, pendant l'année 1994 ?

 20   R.  Oui, il y a eu un changement massif. Ce qui s'est passé en 1994, c'est

 21   qu'au mois de février au mois de mars, là, il y a eu une fédération qui a

 22   été formée entre les Croates et les Musulmans, aux termes de l'accord de

 23   Washington, ce qui a modifié l'équilibre militaire contre le côté serbe de

 24   Bosnie. La raison en était parce que la Fédération a commencé à développer

 25   ces ressources militaires; ce faisant, il y a eu des lignes plus élargies

 26   que le côté serbe devait maintenir et contrôler, et ils ont été affaiblis

 27   en raison des sanctions qui ont été imposées contre l'ex-Yougoslavie. Par

 28   conséquent, ils avaient atteint ce que l'on appelle, d'après, Klausewitz,

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  1   le plan culminant. A partir de ce moment-là, à partir du mois de mars 1994,

  2   les Serbes de Bosnie allaient se trouver de façon inévitable dans une

  3   situation d'affaiblissement, alors que la fédération de Bosnie se trouvait

  4   dans une situation où de plus en plus forte, et l'équilibre allait être

  5   modifié à l'avantage de la fédération. Ils avaient l'impression qu'à un

  6   moment donné, le temps allait intervenir. Bien sûr, une fois que le temps

  7   intervenait de façon active, à  partir de ce moment-là, l'équilibre serait

  8   modifié encore davantage en faveur de la Fédération.

  9   Q.  Ce changement, ce point culminant comme vous nous l'avez décrit; est-ce

 10   que ceci a eu un quelconque rapport sur les positions adoptées lors des

 11   négociations de paix internationales ?

 12   R.  Cela éclaire, parce que la fédération de Bosnie a été encouragée dans

 13   ce sens, a développé leur stratégie et à ne pas signer un accord de paix

 14   qu'ils jugeaient injuste, et qui récompensait l'agresseur, et ils avaient

 15   l'appui de l'OTAN et des Américains, bien sûr, surtout sur ce plan-là. Les

 16   Serbes de Bosnie, je crois, ont commencé à comprendre petit à petit,

 17   lentement mais sûrement qu'à un moment donné, ils allaient perdre leurs

 18   avantages militaires et territoriaux. Ce qui a eu évidemment un impact sur

 19   les discussions, parce que les Serbes de Bosnie, à ce moment-là,

 20   souhaitaient de plus en plus que la paix soit conclue selon leurs termes et

 21   devenaient de plus en plus désespérés dans ce sens.

 22   J'espère que ceci est logique.

 23   Q.  Dans vos fonctions, et compte tenu de ces réunions, de ces négociations

 24   auxquelles vous avez assisté, avez-vous pu comprendre les objectifs de la

 25   guerre, et des dirigeants serbes de Bosnie ?

 26   R.  Les dirigeants serbes de Bosnie, comme je l'ai dit, il s'agissait en

 27   fait, de conclure une paix d'après leurs conditions, avant que la situation

 28   militaire ne se détériore de façon importante. Ils devaient utiliser leur

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  1   avantage sur le plan militaire, à ce moment-là, pour servir de levier et

  2   exercer des pressions sur le gouvernement de Bosnie, de façon à ce qu'ils

  3   puissent conclure une paix. Une paix qui aurait été conclue avant, en tout

  4   cas, c'est ce qu'ils auraient souhaité.

  5   Q.  Savez-vous quelles étaient les aspirations sur le plan territorial ou

  6   les objectifs ?

  7   R.  Ceci est apparu clairement suite aux discussions que nous avons eues,

  8   et nos échanges avec le Groupe de contact et d'autres intermédiaires, ainsi

  9   que nos propres discussions des chiffres que les Serbes de Bosnie étaient

 10   disposés à réduire. Ils étaient disposés à le faire tomber de 70 à 51 %.

 11   Mais le vrai débat portait sur la qualité des territoires qu'ils étaient

 12   prêts à échanger, et si vous tenez en compte ce 70, 30 % - cette différence

 13   - il s'agissait en fait de territoires qui étaient sans importance aux yeux

 14   des Serbes de Bosnie. Donc c'était le couloir de la Posavina, la partie

 15   occidentale de la Bosnie, et des régions autour de Sarajevo qui resteraient

 16   serbes, il y avait la Bosnie occidentale qui devait rester musulmane. Il y

 17   avait toute sorte d'éléments criminels aussi, serbes, près de Sarajevo. Il

 18   y avait en fait la centrale hydroélectrique aussi de Sarajevo, et le droit

 19   en fait de diriger les réseaux ferroviaires et les routes sur le territoire

 20   de l'un et de l'autre, et toute sorte de détails. On avait le sentiment

 21   général que les Serbes de Bosnie allaient accepter un ratio de 51/49 en

 22   leur faveur, étant donné qu'il y avait des éléments essentiels pour eux sur

 23   ces territoires, qu'ils souhaitaient avoir.

 24   Q.  Ce que vous avez décrit comme étant ces morceaux de territoire vitaux,

 25   savez-vous quels étaient ces territoires ?

 26   R.  Pas dans le détail mais à Sarajevo, par exemple, nous avions toujours

 27   l'impression que les Serbes souhaitaient conserver la région de Grbavica

 28   qui était encore détenue par les Serbes.

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  1   Q.  A Sarajevo ?

  2   R.  Ils souhaitaient certainement que Srebrenica soit 100 % Serbe, et sans

  3   doute toute cette partie-là de la Bosnie qu'ils souhaitaient voir Serbe, à

  4   savoir si cela portait sur Gorazde ou pas, nous l'avons jamais su. S'ils

  5   étaient prêts à céder sur Gorazde, nous ne l'avons jamais découvert.

  6   Q.  Lors des discussions que vous avez eues avec les dirigeants serbes de

  7   Bosnie, vous avez évoqué le HCR des Nations Unies qui a donné son appui à

  8   la fourniture d'aide humanitaire. Ceci était-il une priorité dans le mandat

  9   de la FORPRONU ?

 10   R.  Le mandat de la FORPRONU a été revu et corrigé lorsque je suis arrivé à

 11   une réunion que j'ai eue à New York avec M. Kofi Annan, qui dirigeait les

 12   efforts de maintien de la paix à ce moment-là. Nous avons décidé qu'il y

 13   avait trois domaines essentiels sur lesquels nous devions nous concentrer

 14   parce qu'il y avait parfois des résolutions des Nations Unies qui étaient

 15   contradictoires et qui avaient été adoptées au fil des ans suite aux

 16   différentes crises qui avaient eu lieu. Le rôle essentiel est de continuer

 17   à améliorer la mise à disposition de l'aide humanitaire des 2,7 millions de

 18   personnes qui dépendaient entièrement de cette aide encore au début de

 19   l'année 1994. Il y avait des personnes des trois camps, des personnes

 20   musulmanes qui vivaient dans les enclaves.

 21   Il y avait également un deuxième objectif en fait de la présence des

 22   soldats du maintien de la paix. Il s'agissait en fait de créer des

 23   conditions qui auraient permis une résolution politique du conflit en

 24   réduisant le niveau même du conflit et permettre aux discussions politiques

 25   d'avoir lieu. Pour lieux, ce qui était sous-jacent, il fallait éviter que

 26   la guerre ne se propage dans les territoire adjacent de la Macédoine et du

 27   Monténégro, qui était une éventualité à l'époque.

 28   Mais le but essentiel de la présence des Nations Unies était le fait

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  1   de faciliter la mise à disposition de l'aide humanitaire, et ça c'était

  2   quelque chose que -- et nous n'allions certainement pas autoriser que

  3   celle-ci soit déjouée parce qu'il y avait d'autres exigences à l'ordre du

  4   jour de la communauté internationale.

  5   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle était la situation en 1994 pour ce

  6   qui est de la capacité de la FORPRONU à faciliter la mise à disposition de

  7   l'aide humanitaire ?

  8   R.  Les objectifs de mise à disposition de l'aide humanitaire avaient

  9   été fixés par l'OMS, et les différentes études qui avaient été faites sur

 10   les conditions de la population par le HCR des Nations Unies, qui avait

 11   fait part de ses observations et avait estimé qu'il y avait deux tonnes

 12   métriques par jour qui étaient exigées. La force de protection des Nations

 13   et le Haut-commissariat des Réfugiés étaient loin de ce chiffre parce

 14   qu'ils avaient des problèmes. Les véhicules tombaient en panne le long des

 15   routes, les systèmes, il y avait blocage des convois émanant des trois

 16   parties à la fois.

 17   Q.  Vous avez évoqué le fait que les convois étaient bloqués par les trois

 18   parties quelquefois. Avez-vous eu des difficultés à cet égard parfois avec

 19   les dirigeants serbes de Bosnie?

 20   R.  Oui, certainement, parce qu'ils dominaient le territoire et c'est eux

 21   qui détenaient les enclaves, et c'était eux en général qui bloquaient les

 22   entrées, surtout l'entrée à Sarajevo, et quelquefois, à Sarajevo, les

 23   entrepôts des Nations Unies étaient vides.

 24   Q.  Vous avez indiqué que vous avez soulevé ces difficultés en présence des

 25   dirigeants serbes de Bosnie. Est-ce que vous vous souvenez avoir évoqué

 26   cette question avec le Dr Karadzic ?

 27   R.  A quasiment chaque réunion que j'ai eue avec lui, nous avons toujours

 28   abordé la question du mouvement des convois et nous avons adopté une

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  1   approche assez -- adopté une position assez forte dès le départ. Nous avons

  2   voulu faire en sorte que le passage des convois à Sarajevo puisse se faire

  3   avec l'appui de l'OTAN et de l'appui aérien rapproché, et le convoi qui ne

  4   pouvait pas passer pour qu'il puisse passer. Nous avons, après cela, après

  5   avoir fait appliquer cela, eu une liberté de mouvement beaucoup plus

  6   importante. Il y a eu moins d'obstruction et d'entrave du côté serbe à

  7   partir de ce moment-là, et des autres côtés.

  8   Q.  Peut-être que nous pourrions passer à un document qui est cité dans

  9   votre déclaration écrite au paragraphe 182, numéro 65 ter 06870. Il s'agit

 10   d'un rapport du lieutenant-colonel Jamie Daniel, qui est daté du 12

 11   décembre 1994, et portant sur une réunion que vous avez eu à Pale avec

 12   Koljevic, Krajisnik, Tolimir, Gvero et d'autres personnes.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  J'ai le paragraphe sous les yeux, et vous devriez bientôt pouvoir voir

 15   ce document à l'écran qui est devant vous.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Veuillez m'accorder quelques instants s'il

 17   vous plaît, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'a informé du fait que nous avons du

 19   mal à afficher le système dans le prétoire électronique.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci de votre patience. Nous devrions

 21   pouvoir vous présenter une copie papier.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant nous l'avons.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Pardonnez-moi.

 24   Q.  Général, voyez-vous ce document qui illustre cette réunion ? Vous

 25   l'avez sous les yeux.

 26   R.  Oui, première page.

 27   Q.  Puis-je vous demander de vous reporter au paragraphe 3 --

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  -- de ce document, où les sujets sont les convois, 3(b) en particulier,

  2   où il est noté que vous déclarez que c'était clair à vos yeux que les

  3   procédures bureaucratiques et les questions ridicules qui faisaient partie

  4   des demandes de convois ne pouvaient être qu'imposées parce qu'il y avait

  5   une politique qui consistait à vouloir faire dérailler le système du

  6   convoi. Pardonnez-moi, Général.

  7   R.  Telle était la situation à l'époque. C'était dans l'intérêt stratégique

  8   des Serbes de ne pas permettre ces convois de passer. Par conséquent, ils

  9   exerçaient des pressions sur le gouvernement de Bosnie. Mais ils avaient

 10   signé un peu plus tôt avant le déploiement des forces de protection des

 11   Nations Unies à la liberté de circulation de tous les convois. Par

 12   conséquent, ils ont dû, à ce moment-là, arriver avec de nouvelles idées sur

 13   comment bloquer ces convois. Parfois, ces convois étaient bloqués

 14   physiquement, parfois ces convois étaient attaqués. Mais quelquefois

 15   également, cela prenait la forme de procédures bureaucratiques ridicules et

 16   absurdes qui prenaient beaucoup de temps, et ils fouillaient un convoi,

 17   avaient trouvé un article qui n'avait pas été déclaré comme un tout petit

 18   biscuit, par exemple, à titre d'illustration, et à ce moment-là, tout le

 19   convoi était renvoyé ou en tout cas ne pouvait pas passer. Et c'était

 20   devenu une procédure de routine en ce qui les concernait pour toute l'année

 21   1994.

 22   Q.  Dans ce document et à la phrase suivante, on note que vous avez dit que

 23   :

 24   "Cette politique marchait bien étant donné que nous étions arrivés à

 25   des niveaux critiques de carburant et de vivre à certains endroits, et

 26   l'armée serbe de Bosnie saisissait toutes les occasions pour voler toutes

 27   les choses qu'ils estimaient ne pas correspondre."

 28   Pourriez-vous nous expliquer ce qui a motivé l'emploi de ce terme

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  1   "politique" à cet égard, c'était systématique, et n'aurait pu seulement

  2   émaner d'une décision au chef d'état-major ?

  3   R.  Le commandant Row voulait s'assurer le passage des convois et se mettre

  4   d'accord avec les parties belligérantes pour savoir comment ces convois

  5   pouvaient passer. Après cela, ils passaient beaucoup de temps pour essayer

  6   de faire en sorte que les convois soient débloqués, et lui comme moi, nous

  7   savions que c'était une politique qui avait été adoptée par les Serbes de

  8   Bosnie.

  9   Q.  Etiez-vous au courant des effets que cette politique avait tout d'abord

 10   sur les enclaves orientales ?

 11   R.  Oui, certainement. Les gens de Srebrenica et de Zepa étaient dans une

 12   condition qui était proche de la famine. La situation à Gorazde n'a jamais

 13   été aussi grave parce que Gorazde était plus facile d'accès. Mais la

 14   situation est devenue critique quelquefois aussi.

 15   Q.  Est-ce que les forces de la FORPRONU ont été déployées dans ces

 16   secteurs à ce moment-là ?

 17   R.  Oui, tout à fait, et ils souffraient des pénuries également.

 18   Q.  Vous avez évoqué cette politique et je vais essayer de voir si je peux

 19   retrouver vos propres termes. Veuillez m'accorder quelques instants, s'il

 20   vous plaît.

 21   Vous avez fait référence à cette politique en évoquant la stratégie,

 22   appuyant la stratégie des forces serbes de Bosnie; qu'entendiez-vous par là

 23   ?

 24   R.  Ils utilisaient le blocage des convois dans les entrées comme un moyen

 25   pour exercer des pressions sur le gouvernement de Bosnie pour qu'il signe

 26   la paix selon leur condition pour essayer de contrôler d'une manière ou

 27   d'une autre les Nations Unies que ce soit sur le plan psychologique peut-

 28   être, et ils étaient tout à fait au courant des conséquences de leurs

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  1   actes, le blocage des convois, parce que c'est quelque chose que nous avons

  2   porté à leur attention sans cesse.

  3   Q.  Sarajevo était-il touché de la même façon ?

  4   R.  Sarajevo, la situation était quelque peu différente. Nous avions tenté

  5   ou en tout cas fait appliquer la cessation des hostilités en 1994 et le

  6   retrait des armes lourdes autour de la région ce qui a eu pour résultat --

  7   le résultat suivant, non seulement les convois des HCR des Nations Unies

  8   mais les convois tout simplement commerciaux à l'extérieur de l'enclave à

  9   Sarajevo sont des choses en fait que l'on a pu voir passer, et pendant le

 10   printemps et l'été avec quelques interruptions. La vie était redevenue

 11   quasi normale parce que leur réapprovisionnement se faisait de façon quasi

 12   normale.

 13   Mais au mois de septembre 1994, tout ceci a cessé lorsque le

 14   gouvernement de Bosnie a lancé une attaque contre les Serbes, et les Serbes

 15   ont, à ce moment-là, bloqué à nouveau l'entrée des convois à Sarajevo.

 16   Q.  Dans votre déclaration écrite aux paragraphes 127 à 129, vous faites

 17   état d'un événement qui s'est déroulé un peu plus tôt, à savoir la

 18   fermeture de l'aéroport aux convois commerciaux qui empruntaient la route

 19   le long du mont Igman. Paragraphes 127 à 129, avez-vous trouvé ces

 20   paragraphes ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Pouvez-vous placer cet évènement dans son contexte pour nous ?

 23   R.  Ceci est arrivé pour deux raisons : La première, c'est que la pression,

 24   encore une fois. Il ne s'agissait pas simplement sur le plan stratégique,

 25   mais était exercé sur la partie serbe pour qu'elle conclue une paix selon

 26   leurs termes. Il y avait également un accord pour faire cesser les tirs

 27   embusqués; et ils souhaitaient que Sarajevo soit démilitarisée. Je crois

 28   que c'était les trois domaines où les trois domaines qui les intéressaient

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  1   et qui ont motivé la fermeture de ces routes, parce qu'ils voyaient que les

  2   personnes qui vivaient à Sarajevo du côté musulman vivaient beaucoup mieux

  3   que les gens qui vivaient du côté serbe en Bosnie, bien sûr, et souffraient

  4   en raison des sanctions qui avaient été imposées à Belgrade à présent la

  5   communauté internationale.

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, pour que vous puissiez

  8   planifier votre présentation, je voulais simplement vous rappeler que notre

  9   première pause aura lieu à 4 heures moins quart.

 10   Veuillez poursuivre.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Les conditions à Sarajevo, pour les Musulmans de Bosnie et les autres

 13   personnes qui vivaient dans la ville, que leur condition s'était améliorée

 14   due à l'accord de cessez-le-feu de février 1994 ?

 15   R.  Les conditions s'étaient améliorées de façon incroyable. Les trams ont

 16   commencé à circuler, les services publics avaient été remis en œuvre, de

 17   l'eau arrivait dans les canalisations, et les gens de Sarajevo, pour la

 18   première fois, ont commencé à espérer un retour à la normale et pensaient

 19   que la fin de la guerre était proche. Malheureusement, ces espoirs ont été

 20   déçus.

 21   Q.  Vous souvenez-vous peut-être -- ou peut-être pourriez-vous nous

 22   expliquer le sens ou l'importance de l'approvisionnement en nourriture et

 23   autres articles ? Comment faire passer les convois commerciaux en passant

 24   par l'aéroport et la route du mont Igman, et alors lorsqu'il s'agissait de

 25   réapprovisionner la ville, quelle en était l'importance ?

 26   R.  Les convois commerciaux ne passaient pas par la montagne, parce que la

 27   route était trop difficile. C'était une route que l'on utilisait en cas

 28   d'urgence lorsque les routes principales étaient fermées. La plupart en

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  1   fait empruntaient les routes qui arrivaient à Sarajevo. Donc lorsque ces

  2   routes ont été rouvertes, à ce moment-là, les gens pouvaient acheter des

  3   produits frais, peut-être en fait du poisson qui avait été pêché ce jour-

  4   là, et depuis deux ans et demi, on n'avait pas vu de fleur vendue, et on

  5   revenait ainsi à la vie normale.

  6   Q.  Quelles étaient ces routes bleues ?

  7   R.  Ces routes bleues étaient celles que nous avons désignées comme étant

  8   essentielles pour approvisionner Sarajevo, et l'une de ces routes

  9   empruntait le mont Igman, mais on l'utilisait que dans un cas extrême. Il

 10   ne fallait pas descendre le mont Igman.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, à ce stade, je

 12   souhaite passer à un document, qui est le numéro 65 ter 21913. Mais je

 13   souhaite indiquer que ce document, au paragraphe 4, note de notre

 14   notification définitive, indique qu'il s'agit d'un document nouveau qui n'a

 15   pas encore été rajouté sur la liste 65 ter de l'Accusation.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Allez-y. Votre requête est

 20   accordée, y fait droit.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 22   Q.  Bon, veuillez nous montrer ce document, je vous prie.

 23   Il faudrait que vous puissiez voir sur votre écran bientôt ce document,

 24   version anglaise aussi. Merci, c'est fait.

 25   Q.  Alors, Mon Général, vous avez sous les yeux un document qui a été émis

 26   par l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska. La date est

 27   celle du 23 juillet 1994, et c'est adressé au commandant du Corps Sarajevo-

 28   Romanija. Il s'agit de préparatifs à l'intention de l'unité aux fins de

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  1   prévenir tout transit par l'aéroport de Sarajevo, ordre préparatoire. Vous

  2   le voyez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Je vois premièrement ici dans ce document qu'il est dit que, partant

  5   d'un ordre verbalement donné par le président de la Republika Srpska, et

  6   ce, dans l'objectif d'accomplir les préparatifs indispensables pour

  7   empêcher tout transit par l'aéroport de Butmir, et qu'ensuite, il est donné

  8   un certain nombre d'instructions et d'ordres; vous le voyez ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Donc vous avez pu voir l'introduction ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que ce document, d'après vous, a quoi que ce soit à voir avec la

 13   fermeture de ces routes bleues et la fermeture de l'aéroport pour tout ce

 14   qui était convoi commercial qui passait par la route de Igman, qui est

 15   référé dans votre déclaration ?

 16   R.  Oui. Cela coïncide grandement avec les résultats de ce qu'on a vue sur

 17   le terrain.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez tirer une conclusion quelconque au sujet de la

 19   référence qui est faite à un ordre verbalement donné par le président de la

 20   Republika Srpska ?

 21   R.  Cela confirme les positions que nous avons toujours émises, à savoir

 22   qu'il y avait une corrélation très rapprochée entre le haut du commandement

 23   militaire et le haut des autorités civiles du côté des Serbes de Bosnie.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au

 25   dossier comme une pièce de l'Accusation, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, bien ce sera versé au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1639, Madame,

 28   Messieurs les Juges.

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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] D'après mes notes, je crois avoir oublié de

  2   demander le versement du document de tout à l'heure, le 65 ter 06870.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier en tant que

  4   P1640.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation]  Merci.

  6   Q.  Général, on a parlé -- vous avez mentionné, vous-même, un cessez-le-feu

  7   de février 1994. Alors, je voudrais que vous nous disiez si vous êtes à

  8   même de commenter l'efficacité de ce cessez-le-feu.

  9   R.  Le cessez-le-feu a été convenu à une réunion à l'aéroport, et au bout

 10   de certaines difficultés de mise en œuvre, parce qu'il a fallu prouver à

 11   l'OTAN que les Serbes de Bosnie avaient retiré toutes les armes lourdes à

 12   l'extérieur de la zone de 20 kilomètres autour de Sarajevo. Les Nations

 13   Unies étaient là en guise de force de maintien de la paix, donc nous

 14   n'avions pas la possibilité de recueillir du renseignement à ce sujet, mais

 15   il y avait des observateurs militaires des Nations Unies sur le terrain qui

 16   n'étaient pas tout à fait formés pour l'accomplissement de ce type de

 17   tâche. Malgré tout, nous avons réussi à convaincre l'OTAN du fait que

 18   toutes ces armes avaient été retirées, et suite à cela, suite à ce retrait

 19   des armes, il y a eu -- enfin, ça a été pris comme décision politique de

 20   transférer vers l'armée, mais les deux parties étaient en train de tricher

 21   pour ce qui est du retrait des armes lourdes et avaient caché certaines des

 22   armes lourdes qui se trouvaient dans ce cercle de 20 kilomètres autour, et

 23   non pas remis cela aux Nations Unies.

 24   Q.  Comment avez-vous découvert cela ?

 25   R.  Nous avons trouvé les armes.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Si l'on ne perd pas ceci de vue, peut-être

 27   pourrions-nous nous pencher sur un autre document, qui a également été

 28   évoqué à l'occasion de cette notification en fin de course, à savoir

Page 7260

  1   paragraphe 4, pièce 65 ter 22945 ? Cela n'a pas été ajouté comme document à

  2   la liste 65 ter de l'Accusation. Avec votre autorisation, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais que vous voyiez ce document. Il se trouve sur votre écran,

  7   Monsieur. Mon Général, c'est daté du 10 février 1994, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Le titre en est : "Proposition de mise de l'artillerie de côté."

 10   R.  Je le vois.

 11   Q.  Alors, dites-nous -- ou plutôt, penchez-vous un peu sur ce document. Il

 12   comporte plusieurs pages. Penchez-vous donc sur la première page.

 13   R.  C'est déjà fait.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Passons maintenant à la page 2 alors.

 15   Q.  Alors, Général, ce document, c'est une proposition visant à mettre de

 16   côté des pièces d'artillerie non opérationnelles qui ont été réceptionnées

 17   par les soins d'autres parties du corps de la VRS, pour en camoufler

 18   d'autres. Comme vous pouvez le voir, cela englobe des obusiers de 122

 19   millimètres. Alors une fois que vous aurez examiné jusqu'à la fin de cette

 20   deuxième page, faites-nous signe.

 21   R.  C'est fait.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors passons à la dernière page de la

 23   version traduite, page 2 de la version B/C/S toujours est-il.

 24   Q.  Alors vous venez de lire le document. Est-ce que vous avez un

 25   commentaire à faire à son sujet ?

 26   R.  C'est grandement conforme à ce que nous avons eu l'occasion de voir sur

 27   le terrain, mais étant donné que les Nations Unies, à l'époque, étaient en

 28   train d'intervenir avec trois partenaires, et les partenaires étaient assez

Page 7261

  1   récalcitrants pour ce qui était d'aboutir à la paix, donc il n'y avait pas

  2   d'aptitude à recueillir des informations relevant du renseignement. Mais

  3   nous avions supposé que ce type de chose se produisait. Nous ne pouvions

  4   toutefois pas inspecter la totalité des entrepôts dans un périmètre de 20

  5   kilomètres autour de la ville, chaque hangar, pour voir si on s'était

  6   conformé à ce qui était entendu ou pas, et voir aussi si nos suspicions

  7   étaient justifiées ou pas. Parfois, on trouvait des armes cachées et on a

  8   insisté pour que ces armes soient déplacées vers les postes de

  9   rassemblement de ces armes lourdes. Mais l'essentiel, c'est que les tirs

 10   sur Sarajevo avaient stoppés.

 11   Q.  Alors une fois que vous avez lu ce document, vous est-il donné la

 12   possibilité d'en tirer des conclusions pour ce qui est du contrôle effectif

 13   des forces serbes à l'égard de leurs armes lourdes ?

 14   R.  Il y avait une coordination extrêmement bonne entre les lignes de front

 15   et les échelons supérieurs au niveau des structures politiques et

 16   militaires, et les décisions qui ont été prises tout à fait en haut étaient

 17   mises en œuvre immédiatement sur le terrain, comme on pourrait s'y attendre

 18   dans n'importe quelle armée. Il faut se souvenir du fait que l'armée des

 19   Serbes de Bosnie, c'était les éléments serbes de ce qui avait constitué

 20   l'armée yougoslave régulière. Donc ils avaient les mêmes mécanismes de

 21   communication et le même niveau de discipline qui a été incorporé dans leur

 22   structure. Donc cela -- enfin, c'est le contraire qui aurait été

 23   surprenant.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on demander le versement au dossier de

 25   cette pièce pour le compte de l'Accusation.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 1641, Madame,

 28   Messieurs les Juges.

Page 7262

  1   Mme EDGERTON : [interprétation]

  2   Q.  A présent, mon Général, comme vous avez commenté le fait que les tirs

  3   en direction de Sarajevo avaient effectivement stoppés. Dans votre

  4   déclaration écrite, et je me réfère au paragraphe 45, vous décrivez une

  5   promenade que vous avez effectuée aux côtés du commandant du secteur

  6   Sarajevo, Soubirou, par le pont de l'unité de la fraternité, pour tester

  7   l'efficacité de ce cessez-le-feu et de sa mise en œuvre. Alors je voudrais

  8   vous montrer à cet effet un document daté de la même date. Il s'agit du

  9   document 65 ter 21218.

 10   Mon Général, il s'agit d'un ordre émanant de Dragomir Milosevic, qui

 11   donne instruction de cessez-le-feu, au front de Sarajevo, partant d'une

 12   lettre en provenance de l'état-major général de la VRS. Je vous prie de

 13   parcourir ce document, et de nous signaler lorsque vous serez arrivé au bas

 14   de la première page.

 15   R.  C'est déjà fait.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on me montrer la page d'après, je vous

 17   prie ? Il s'y trouve une traduction du bloc où se trouvent les signatures.

 18   Q.  Alors est-ce que vous pourriez faire un commentaire au sujet de ce

 19   document, s'agissant de la situation telle qu'elle se présentait ce jour-là

 20   ?

 21   R.  Les événements sur le terrain coïncident exactement avec ce qui figure

 22   dans cette instruction en provenance des militaires, des Serbes de Bosnie,

 23   et de fait, le gouvernement bosnien a continué à leur tirer dessus, mais

 24   eux n'ont pas riposté, et les forces du gouvernement bosnien ont cessé de

 25   tirer.

 26   Q.  Pouvez-vous tirer une conclusion quelconque du point de vue de contrôle

 27   effectif effectué par les forces des Serbes de Bosnie, à l'égard de l'usage

 28   des armes lourdes ?

Page 7263

  1   R.  Absolument, le contrôle était absolu.

  2   Q.  Merci.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce qu'on peut demander le versement au

  4   dossier de cette pièce, Monsieur le Président ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1642, Madame et

  7   Messieurs les Juges.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation]

  9   Q.  Général, quelle a été la réaction de la population pour ce qui est de

 10   ce cessez-le-feu, les gens que vous avez eu l'occasion de rencontrer et de

 11   voir en ville ?

 12   R.  Les gens étaient enthousiasmés. Les enfants ont commencé à sortir des

 13   sous sols, où ils avaient passé les deux dernières années. J'ai eu pour la

 14   première fois un espoir qui était celui de voir la guerre cessée.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors, Monsieur le Président, plutôt que de

 16   passer au sujet, suivant et vu l'heure qu'il est, je me demande si vous

 17   vous voudriez à présent faire la pause. Bien entendu, je peux continuer

 18   aussi bien.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certains membres de la Chambre doivent

 20   assister à une réunion qui commence à 15 heures 45, donc je vous prie de

 21   continuer pendant encore cinq minutes.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Parfait.

 23   Q.  S'agissant de ce sujet, Général, on était en train d'évoquer un jeu de

 24   football, et là, je vous renvoie au paragraphe 64 de votre déclaration, où

 25   vous décrivez un match de foot, entre les Nations Unies et une équipe de

 26   Sarajevo, à la date du 20 mars 1994. Vous évoquez aussi le fait que le Dr

 27   Karadzic s'était engagé à laisser ce jeu, enfin ce match se produit sans

 28   interruption; vous en souvenez-vous ?

Page 7264

  1   R.  Je m'en souviens bien.

  2   Q.  Ce stade, il se trouve où, d'après vos souvenirs, Général ?

  3   R.  Au centre de Sarajevo.

  4   Q.  Est-ce qu'il s'agit d'un stade qui est plus -- peut être vu et peut

  5   être atteint par l'infanterie et les armes lourdes des Serbes de Bosnie ?

  6   R.  Certainement.

  7   Q.  Le match a-t-il eu lieu ?

  8   R.  Le match a eu lieu sans interruption aucune.

  9   Q.  Je sais qu'il s'est passé beaucoup de temps depuis, mais est-ce que

 10   vous pourriez par hasard, nous dire combien de spectateurs il y avait eu ?

 11   R.  10 000, peut-être même 20 000, je ne sais trop. Je ne suis pas

 12   quelqu'un de fort en foot.

 13   Q.  Mais quand vous dites que le match a eu lieu sans interruption aucune,

 14   est-ce que cela veut dire qu'il n'y a pas eu un seul incident, un tir de

 15   sniper ou un tir à l'arme lourde ?

 16   R.  Non, il n'y a pas eu un seul incident.

 17   Q.  Est-ce que vous avez cru comprendre qu'il y avait un contrôle effectif

 18   de la part du Dr Karadzic, pour ce qui est de l'utilisation des armes

 19   lourdes par ces forces ?

 20   R.  Oui, le Dr Karadzic, c'était quelqu'un qui tenait sa parole. Il a

 21   veillé à ce que le match se passe sans qu'il y ait eu de tirs de sniper ou

 22   de pilonnage.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que l'on se penche maintenant

 24   sur le 65 ter 06667, s'il vous plaît.

 25   Q.  Général, vous avez sous les yeux une traduction, celle d'un document

 26   signé par le Dr Karadzic, et daté du 19 mars 1994. Le document lui, est

 27   adressé au général Galic; vous souvenez-vous qui c'était le général Galic ?

 28   R.  Oui, certainement.

Page 7265

  1   Q.  De qui s'agit-il ?

  2   R.  C'était lui qui se trouvait à la tête du corps qui était autour de

  3   Sarajevo, de cette partie de Sarajevo.

  4   Q.  Dans ce document, on informe le général Galic du fait que Karadzic

  5   avait donné l'autorisation de voir ce match de foot joué. Il lui a donné

  6   instruction d'empêcher les forces serbes de provoquer ou de générer des

  7   incidents, et le général Galic, conformément à cela, était censé d'informer

  8   les brigades de la nécessité absolue de se conformer à cet ordre.

  9   Est-ce que vous avez un commentaire à faire au sujet de ce document ?

 10   R.  Cela confirme la réalité des événements sur le terrain.

 11   Q.  Merci.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que ce document soit également

 13   une pièce de l'Accusation.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, cela

 16   deviendra la pièce P1643.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons-nous maintenant faire cette

 18   pause.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Certes.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme on l'a dit, on prendra une demi-

 21   heure de pause, donc jusqu'à 16 heures 15.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 18.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton, à vous.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Q.  Passons maintenant à un autre sujet, Général Rose, et essayons de

 27   parler des tireurs embusqués. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles

 28   sont les observations, qui ont été les vôtres, pour ce qui est des dangers

Page 7266

  1   encourus par les civils pour ce qui est des tireurs embusqués, et ce, dans

  2   les parties de Sarajevo qui étaient sous l'autorité du gouvernement de

  3   Sarajevo ?

  4   R.  Ecoutez, la présence des snipers, bien sûr, rendait une vie normale

  5   dans Sarajevo tout à fait impossible. Le fait qu'il y ait eu des tirs en

  6   ville a empêché bien entendu toute forme de vie normale et les gens ne

  7   pouvaient sortir que la nuit, et encore pour ce qui est seulement des

  8   secteurs pour lesquels ils étaient sûrs qu'ils n'étaient pas ciblés par des

  9   snipers. Il y avait donc un climat de peur qui s'est installé jusqu'à la

 10   signature d'un accord à ce sujet.

 11   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire si cet accord a été bel et bien

 12   effectif et efficace ?

 13   R.  Au début j'ai eu l'impression que ça marchait assez bien, et puis

 14   ensuite il y a des violations de la part de deux parties. Mais, en dépit de

 15   toute chose, la situation s'est améliorée après le 14 août pendant un

 16   certain temps.

 17   Q.  Est-ce que vous avez pu constater qu'il y avait des améliorations du

 18   fait d'un contrôle effectif effectué à l'égard des tireurs embusqués ?

 19   R.  Il est certain que ces activités de tireurs embusqués faisaient partie

 20   de la police d'intimidation de la population civile.

 21   Q.  Revenons à la question des tirs isolés. Il s'agit là des paragraphes

 22   155 et 156 --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 24   Excusez-moi, mon Général. Vous avez dit que, pour vous, il y avait eu

 25   des ruptures de part et d'autre, et vous avez dit que les tirs isolés ça

 26   faisait partie de la politique visant à intimider la population civile.

 27   Est-ce que vous pensez à une partie précise ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, je pensais aux Serbes de

Page 7267

  1   Bosnie, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il y avait aussi des tirs embusqués

  4   venant de l'autre côté sur Grbavica et ailleurs, et là, je suppose que

  5   c'était le fait et c'était la responsabilité du gouvernement de Bosnie.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Poursuivez.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation]

  9   Q.  Sur de point, revenons à ma question, celle du contrôle effectif qu'on

 10   pouvait avoir sur les tireurs embusqués. Est-ce que c'était vrai pour les

 11   deux factions belligérantes ?

 12   R.  Oui, même si c'était moins clair que, pour les bombardements à l'arme

 13   lourde qui s'étaient arrêtés de façon absolue, vous savez, ce n'était pas

 14   très net, ces tireurs embusqués, et il n'y avait jamais vraiment de fin à

 15   ces activités à proprement parler.

 16   Q.  Aux paragraphes 155 et 156, vous faites référence à une réunion à

 17   laquelle vous avez assistée, vous, le général Andreev, le général

 18   Gobillard, et d'autres étant présents; c'était une réunion avec le général

 19   Mladic, le 10 octobre 1994. Au paragraphe 155, vous renvoyez une télécopie,

 20   un fax de M. Andreev à M. de Mello, qui fait rapport sur la feuille, et je

 21   vais vous montrer le document.

 22   Il s'agit du document P00867.

 23   Nous l'avons maintenant à l'écran, vous aussi.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Première page. Veuillez la lire pour vous rappeler la teneur du

 26   document. Dites-nous quand vous aurez terminé cette lecture, nous pourrons

 27   passer à la page suivante.

 28   R.  Je l'ai lue.

Page 7268

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on afficher la page suivante ?

  2   Q.  Regardez le paragraphe 5 du document. On dit que vous avez condamné un

  3   incident survenu samedi au cours duquel on a tiré sur un tramway; vous

  4   voyez ce passage ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous avez souvent présenté ce genre de protestation aux

  7   dirigeants serbes de Bosnie s'agissant d'incidents de tirs isolés ?

  8   R.  Chaque fois qu'il y en a eu, nous en avons parlé quand c'était un

  9   incident grave.

 10   Q.  Est-ce que ceci a suscité une réponse, ou non -- tendait à répondre ?

 11   R.  Bien sûr, au départ, nous avons émis de vive voix des protestations

 12   contre ces tirs isolés, mais la réponse qui nous venait par la voie

 13   hiérarchique, c'était que ce n'était pas eux qui tiraient, c'était les

 14   Musulmans de Bosnie qui essayaient de leur attribuer la responsabilité et

 15   de détruire ainsi leur réputation. C'est ce qu'on nous disait en guise de

 16   réponse.

 17   Q.  Je vois qu'ici en l'occurrence, au paragraphe 5, on dit que vous avez

 18   reçu une réponse analogue. Mais qu'il y a eu un expert technique de la

 19   FORPRONU qui était présent et qui a pu assurer aux personnes présentes que

 20   le tir ne venait pas du côté de l'hôtel Holiday Inn, et on a fourni une

 21   carte.

 22   R.  Effectivement.

 23   Q.  Ici, dans cet incident, bon, il s'agit de tirs dirigés sur un tramway.

 24   Est-ce que le fait qu'on ait remis les trams en service pendant, sous votre

 25   commandement, est-ce que c'était important ?

 26   R.  La remise en service de ces tramways, c'était quelque chose

 27   qu'accueillaient avec beaucoup de gratitude les habitants de Sarajevo, qui,

 28   sinon, devaient passer par des voies détournées, ce qui était toujours

Page 7269

  1   accompagné de risque. Alors que maintenant, ils pouvaient utiliser des

  2   tramways et ça leur a vraiment boosté le moral, ils en étaient vraiment

  3   contents --

  4   Q.  La circulation de ces tramways, pendant la durée de votre mission, a-t-

  5   elle été affectée par des situations de bombardements de tirs isolés ?

  6   R.  C'est que normalement si on tirait sur un tramway il ne circulait plus

  7   pendant un jour ou deux, et puis ils étaient remis en circulation une fois

  8   nos protestations exprimées, et puis la circulation se poursuivait jusqu'à

  9   la survenue de l'incident suivant. Mais vous savez c'était des véritables

 10   résistants les habitants de Sarajevo, il y a une vieille dame qui m'a dit,

 11   il est préférable de mourir d'un coup de feu lorsqu'on est dans un tramway

 12   plutôt que d'essayer de se déplacer avec une grande difficulté en boitant

 13   sur trois kilomètres dans une rue.

 14   Q.  Qu'est-ce qu'elle voulait dire ?

 15   R.  Elle devait emprunter cette longue route pour aller trouver de quoi

 16   manger, et elle préférait le faire de façon plus confortable que moins

 17   confortable.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je pense que nous n'aurons plus besoin de

 20   ce document.

 21   Q.  Avançons pour trouver le paragraphe 156, mon Général. On a l'impression

 22   qu'il y a eu deux incidents qui ont appelé votre attention vers cette date

 23   : il y a eu le fait qu'on a tiré sur ce tramway ce dont on parle dans le

 24   paragraphe précédent, il y a un deuxième incident au cours duquel on a tiré

 25   sur deux femmes qui se trouvaient dans le quartier de Vojkovici à Sarajevo.

 26   Vous en souvenez ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous vous souvenez qu'il y a eu un échange de courrier après

Page 7270

  1   ceci ?

  2   R.  J'ai écrit au président Karadzic et au président Izetbegovic.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-on maintenant avoir le document de la

  4   liste 65 ter 1302 ?

  5   Q.  C'est bien un document de deux pages; est-ce que vous reconnaissez la

  6   première page que vous avez à l'écran ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Qu'est-ce que c'est ?

  9   R.  C'est une lettre que j'ai adressée au président Izetbegovic pour

 10   protester.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions -- non. Peut-être

 12   pourrais-je me pencher sur la deuxième page de ce document avant que

 13   d'aller de l'avant. Est-ce qu'on peut nous montrer la deuxième page, s'il

 14   vous plaît ?

 15   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cette page 2 du document, Général ?

 16   R.  Oui. Il s'agit de la lettre que j'ai adressée au Dr Karadzic pour

 17   protester de façon similaire.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais qu'on verse ce document au

 20   dossier.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1644, Madame, Messieurs

 23   les Juges.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] 

 25   Q.  Général, pendant la mission que vous avez effectuée à Sarajevo, est-ce

 26   que vous avez pu vous faire une idée des cibles des pilonnages, des tirs de

 27   snippers et de blocages de la ville pour ce qui est des objectifs des

 28   Serbes de Bosnie ?

Page 7271

  1   R.  Oui. Ils voulaient faire pression contre le gouvernement de Bosnie pour

  2   accepter une paix sous les conditions imposées par les Serbes de Bosnie,

  3   c'est-à-dire ce qui avantagerait les Serbes de Bosnie et non pas le côté du

  4   gouvernement bosnien. Mais lorsqu'on parle de tireurs embusqués, et cela se

  5   produisait très souvent en guise de réaction à d'autres événements, par

  6   exemple, lorsque l'armée bosnienne passait par la zone démilitarisée pour

  7   faire incursion sur le mont Igman où il y a eu mort de 20 soldats serbes,

  8   alors il y tout de suite eu le même jour des tirs de tireurs embusqués en

  9   guise de réponse aux activités du gouvernement bosnien. Donc il n'y avait

 10   pas un seul isolement à avoir été commis en soi pour rien.

 11   Q.  Je comprends. Je vous remercie. Je vais peut-être revenir à la première

 12   partie de votre réponse, à savoir que ces pilonnages, ces tirs de snippers

 13   et ces blocages avaient servi d'outil de pression contre le gouvernement

 14   bosnien pour aboutir à un accord de paix selon les accords des -- selon les

 15   termes des Serbes de Bosnie. Est-ce que vous pouvez nous dire sur quelle

 16   base vous fondez cette opinion ?

 17   R.  On s'est basés sur la situation stratégique totale qui prévalait dans

 18   le pays en 1994, et comme je l'ai dit, l'équilibre militaire s'est déplacé

 19   en faveur -- au détriment des Serbes de Bosnie. Donc il était de leur

 20   intérêt d'aboutir à un accord de paix. Le gouvernement bosnien refusait

 21   d'accepter cet accord de paix. Par conséquent, toutes ces activités avaient

 22   des objectifs stratégiques qui consistaient à faire pression afin qu'ils

 23   cèdent.

 24   Q.  Merci. J'aimerais passer maintenant à un autre domaine qui a fait

 25   l'objet de votre témoignage par écrit, et il s'agit de Gorazde. Alors ce

 26   qui m'intéresse c'est de savoir si vous avez eu des opinions similaires et

 27   des points de vue similaires pour ce qui est des objectifs de l'offensive

 28   lancée contre cette ville en avril 1994 ?

Page 7272

  1   R.  Je crois que cela résulte de façon claire de cette façon de penser. Il

  2   y a eu des négociations et des discussions à l'aéroport entre les deux

  3   partis avec la médiation des nations Unies, où il a été suggéré qu'après la

  4   mise en place d'un cessez-le-feu autour de Sarajevo, il faudrait passer à

  5   une cessation des hostilités qui, au final, devait conduire à

  6   l'établissement de la paix. Il y avait une grande volonté de la part des

  7   Serbes de Bosnie d'aboutir à cet accord de paix, mais les négociations,

  8   malheureusement, étaient interrompues avant qu'il y ait eu détermination de

  9   l'ordre des choses à entreprendre, à savoir est-ce qu'il devait y avoir une

 10   cessation des hostilités dans le gouvernement et dans le pays tout entier

 11   avant que l'on interrompe les hostilités, ou alors mettre un terme aux

 12   hostilités pour englober un accord de paix. En attendant, les Serbes se

 13   sont attaqués à Gorazde, à la zone protégée de Gorazde, et ceci, pour

 14   exercer une pression contre le gouvernement bosnien.

 15   Le deuxième objectif, bien entendu, c'était de récupérer le territoire que

 16   les Serbes avaient perdu pendant les combats de 1992, 1993 du côté droit de

 17   la rivière qui passe pas Gorazde.

 18   Q.  Dans votre déposition écrite, au paragraphe 85, vous dites que le 11

 19   avril 1994, vous avez dit au général Mladic qu'il avait dix minutes pour

 20   arrêter les chars qui avançaient sur Gorazde et que, peu de temps après

 21   cette date butoir, les officiers de la Commission mixte avaient dit que les

 22   chars avaient rebroussé chemin. Vous voyez cette rubrique ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que ça veut dire que, là, il y a un caractère immédiat entre

 25   l'ordre et la réaction ?

 26   R.  Bien, on voit qu'il y a un lien très étroit entre le commandement

 27   supérieur, les échelons supérieurs de la voie hiérarchique, et ce qui se

 28   passait sur le terrain. En ce qui concerne les chars, c'était peut-être une

Page 7273

  1   coïncidence mais, à mon avis, nous avons pensé que c'était bien plus que

  2   cela.

  3   Q.  Fort bien. Nous sommes toujours à cette même page, paragraphe 87. Ici,

  4   il est question d'un document, document de la liste 65 ter 08055, qui porte

  5   lui aussi la date du 11 avril 1994. Ça vient d'un commandant qui s'appelle

  6   Dragisa Masal. J'attends quelques instants pour que le document -- le temps

  7   que le document s'affiche à l'écran. Le voici. Très bien.

  8   Première chose, mon Général. Est-ce que vous connaissez ce colonel Dragisa

  9   Masal ?

 10   R.  Oui. Nous avons eu à faire avec lui après la cessation des combats

 11   autour de Gorazde. D'après ce que nous avons compris, il commandait les

 12   unités se trouvant sur la rive droite de la rivière, les unités serbes ont

 13   s'entend.

 14   Q.  Dernier paragraphe du texte, le point 7. Ici, il est dit dans le

 15   document que le document Masal transmet un message du commandant, du

 16   Ravnice de la VRS, le général Mladic "qui a visité notre zone d'opérations

 17   de combat le 10 avril 1994." Puis, il y a une citation que je vous donne :

 18   "Continuez de faire pression pour avancer avec énergie. Ne vous occupez pas

 19   de ce qui se passe autour de nous. Il faut faire disparaître les Turcs de

 20   ces zones."

 21   Vous voyez ce texte ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez commenter, ou vous voudriez commenter ce

 24   passage ?

 25   R.  C'est tout à fait en ligne -- en droit fil avec les événements qui se

 26   sont passés sur le terrain.

 27   Q.  Est-ce que ça vous fait changer d'avis quant aux objectifs poursuivis

 28   par cette opération ?

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  1   R.  Non. J'ai été surpris d'entendre cette dernière référence dans la

  2   lettre, à savoir que l'objectif avait été de faire partir tous les

  3   Musulmans de Bosnie de Gorazde, si c'est ce qui est dit ici. Ce qui est dit

  4   ici, bien nous avons toujours pensé qu'il fallait empêcher qu'ils ne

  5   traversent la rivière. C'était pour les empêcher d'aller sur la rive

  6   droite. Alors je ne vois pas très bien ce que ça veut dire. Parce que vous

  7   dites : "Il faut que les Turcs disparaissent de cette zone." Je crois

  8   qu'ils parlent de la rive droite, en tout cas, de la partie la plus

  9   importante de Gorazde.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que ceci peut devenir une pièce à

 11   charge, Monsieur le Président ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1645.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation]

 15   Q.  Nous revenons à votre déclaration écrite, paragraphe 90. Vous parlez du

 16   fait que des soldats des Nations Unies, des observateurs militaires, et des

 17   personnes qui donnaient de l'aide humanitaire avaient été détenus le 14

 18   avril 1994, après une deuxième série de frappes aériennes.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous dites que c'était devenu quelque chose systématique qu'on pouvait

 21   reconnaître dans l'attitude et le comportement des Serbes. Quand vous dites

 22   "pattern," ce côté systématique, qu'est-ce que vous voulez dire en anglais

 23   ?

 24   R.  C'était une réaction quasi viscérale, instinctive, à toute frappe

 25   aérienne, à toute forme de coercition exercée sur les Serbes. Par exemple,

 26   lorsque des chars danois ont tiré sur des chars serbes, ça a eu pour

 27   résultat qu'il y a eu prise d'otages et blocage des convois. C'était une

 28   réaction instinctive, viscérale, comme ça, un réflexe qu'ils avaient chaque

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  1   fois qu'il y avait recours à la force de la part des forces de protection

  2   des Nations Unies.

  3   Q.  Vous parliez de côté systématique, ce côté répétitif, "pattern," en

  4   anglais; est-ce que ça veut dire que cette réaction se répétait ?

  5   R.  Oui. Oui, et pas seulement en 1994 mais aussi, et nous savons très

  6   bien, en 1995 aussi, un incident bien connu.

  7   Q.  S'agissant d'incidents survenus pendant votre tour de service, est-ce

  8   que vous vous souvenez s'ils étaient généralisés sur le plan géographique ?

  9   R.  Ça n'avait pas grande importance de savoir où il y avait eu des prises

 10   d'otages. C'était toujours en rapport avec le fait que les forces des

 11   Nations Unies avaient eu recours à la force dans la zone en question.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation]  Un instant, s'il vous plaît. Il me faut

 13   trouver le numéro de la liste 65 ter en ce qui concerne le prochain

 14   document.

 15   P00855, s'il vous plaît. Il porte la date du 19 avril 1994, il émane du

 16   général Mladic, et il est envoyé au commandement de corps.

 17   Q.  Veuillez examiner ce document, mon Général, et dites-nous quand vous

 18   aurez terminé la lecture.

 19   R.  C'est fait.

 20   Q.  Regardez dans le premier paragraphe introductif. C'est un ordre que

 21   nous avons ici, à la première ligne, il dit ici :

 22   "Suite aux ordres donnés oralement par le président de la Republika

 23   Srpska…"

 24   Puis on a, au paragraphe 4 :

 25   "Immédiatement accroître les mesures de sécurité et de contrôle de la

 26   FORPRONU et d'autres organisations humanitaires internationales. S'il y a

 27   des frappes aériennes massives contre les unités et les installations de la

 28   RS, désarmer et arrêter ces hommes immédiatement, confisquer les armes et

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  1   le matériel de combat, et les utiliser pour des activités antiaériennes."

  2   Ordre du général Mladic.

  3   Alors partant de ce document, est-ce que vous êtes en mesure

  4   d'établir une corrélation entre le document en question et la détention de

  5   membres de la FORPRONU et autres représentants des organisations

  6   humanitaires internationales qui se sont produites au mois d'avril ?

  7   R.  Cela coïncide de façon tout à fait claire et notre point de vue,

  8   c'est que cela était une réaction immédiate de la part des Serbes de

  9   Bosnie, en guise de réponse aux frappes aériennes de l'OTAN ou aux

 10   activités des Nations Unies ou autres formes de recours à la force.

 11   Q.  Est-ce que vous pouvez tirer quelque conclusion que ce soit de ce

 12   document, suite à sa lecture, pour ce qui est de la nature et du degré de

 13   contrôle vis-à-vis de ce type d'incident ?

 14   R.  Une fois de plus, je dirais que c'est évident, comme dans toute

 15   autre force armée, les ordres qui sont donnés tout à fait en haut sont

 16   obéis par tous ceux qui se trouvent en dessous.

 17   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Pouvons-nous maintenant déplacer ce

 18   document de notre écran.

 19   Q.  Alors, Général, on a parlé quelque peu plus tôt de façon assez

 20   détaillée de la question de liberté de déplacement et de l'importance que

 21   cela avait pour la mission de la FORPRONU, sur le terrain. A ce sujet, je

 22   voudrais vous renvoyer au paragraphe 92 de votre déclaration, où vous vous

 23   étiez penché sur des documents datés du 15 avril 1995, et je fais référence

 24   au 65 ter 08329. Je crois que ce document va sous peu vous être montré sur

 25   votre écran. Alors il est question d'un rapport émanant du général

 26   Milovanovic, adressé au président de la République et à d'autres.

 27   Veuillez d'abord nous dire, Général, qui était ce général Milovanovic

 28   ? Vous en souvenez, Général Rose ?

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  1   R.  Ce général était l'un de ceux qui se trouvaient soit à l'état-

  2   major et qui avait fini par être un des commandants sur le terrain, du côté

  3   de l'armée des Serbes de Bosnie, du côté Sarajevo, je veux dire.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'on peut, je vous prie,

  5   se pencher sur la page 4, me semble-t-il, de la version anglaise, et il

  6   s'agit aussi du paragraphe 4. Non, non, non, page 4. Il se peut qu'il

  7   s'agisse de la page 5.

  8   Je vous prie d'avoir un peu de patience.

  9   Paragraphe 3.

 10   Q.  Alors j'attire votre attention sur le paragraphe 3, qui se trouve

 11   au bas de la page, Général.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Est-ce que vous voyez, vers le milieu du paragraphe, qu'il est dit :

 14   "Dans d'autres parties de la RS, il n'y pas eu de déplacement de

 15   convois humanitaires et de convois de la FORPRONU, ce qui signifie que les

 16   ordres émanant du commandement Suprême et du commandant de l'état-major

 17   principal de la VRS ont été obéis de façon complète."

 18   R.  Je le vois.

 19   Q.  Est-ce que, partant de ce document, il vous est possible de tirer quoi

 20   que ce soit comme conclusion, s'agissant de cette liberté de déplacement de

 21   convois de la FORPRONU ?

 22   R.  Il est tout à fait clair que cet ordre a été donné en réponse aux

 23   frappes aériennes de l'OTAN et que la totalité de la fourniture de l'aide

 24   humanitaire devait être abandonnée en guise de résultante de tout ceci.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez vous pencher sur cette phrase-ci, qui dit :

 26   "Dans la soirée, suite à un ordre du président de la République, il y

 27   a eu cessation temporaire des opérations de combat et départ de deux

 28   hélicoptères de la FORPRONU depuis le secteur de Gorazde où, à partir du

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  1   site en question, il y a eu transport de deux membres blessés des forces

  2   britanniques."

  3   R.  Une fois de plus, heureusement, il y a eu un membre des forces des

  4   Nations Unies qui a tragiquement péri à Gorazde, suite à des tirs du côté

  5   serbe, et M. Akashi, qui se trouvait à ce moment-là à Pale, était en train

  6   de négocier un cessez-le-feu dans le secteur autour de Gorazde, et il est

  7   intervenu auprès du Dr Karadzic pour lui demander de faire stopper les

  8   combats en attendant de faire évacuer les soldats en question, donc celui

  9   qui était mort et celui qui était blessé, et c'est ce qui s'était produit.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 11   Est-ce qu'on peut mettre ce document au dossier à charge ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1646, Monsieur le

 14   Président.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation]

 16   Q.  Général, avant que de venir témoigner ici aujourd'hui, avez-vous eu

 17   l'occasion de revoir certaines traductions de carnets de notes qui avaient

 18   appartenu au général Mladic ?

 19   R.  Oui, c'est le cas.

 20   Q.  Est-ce que vous avez constaté que ces carnets de notes correspondaient,

 21   en gros, à la période où vous avez commandé la FORPRONU ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Lors de l'examen de ces carnets de notes, est-ce que vous avez pu

 24   retrouver des renseignements relatifs à des entrées portant sur des

 25   réunions où vous avez participé, vous-même, avec le général Mladic ?

 26   R.  Oui, bien sûr.

 27   Q.  Est-ce que vous avez, d'une manière générale, trouvé des inscriptions

 28   concernant des renseignements que vous évoquez dans votre témoignage pour

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  1   ce qui est de ce qui a été mis dans les rapports de la FORPRONU ?

  2   R.  Ecoutez, cela a été écrit à partir d'une perspective tout à fait

  3   différente et probablement moins englobante que les rapports des Nations

  4   Unies en provenance de ces réunions, mais cela correspond, d'une façon

  5   générale, à la façon dont nous avons compris ce qui s'était dit à ces

  6   réunions.

  7   Q.  Général, je me propose de vous montrer plusieurs entrées en provenance

  8   de ces carnets de notes, et je voudrais qu'on nous montre le P01486. Il

  9   s'agit d'un carnet de notes qui se rapporte à la période d'avril/septembre

 10   1994. Je vous renvoie à la page 29 en anglais et à la page 34 de la version

 11   en B/C/S. Ce qui nous intéresse ici, c'est les renseignements datant de ces

 12   dates du mois d'avril 1994, portant sur une réunion du commandement

 13   Suprême.

 14   Général, excusez-moi. Quand j'ai dit "l'emplacement de la version B/C/S,"

 15   j'ai donné cela à partir de la version originale cyrillique et non pas du

 16   compte rendu, donc je me référais à la page qui est celle du prétoire

 17   électronique.

 18   En version anglaise, il s'agit de la page 5.

 19   Alors, Général, est-ce que vous voyez ce que j'ai évoqué tout à l'heure ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Il est dit là -- sous l'intitulé : "Karadzic," il est dit que : 

 22   "L'opération avait été très bien planifiée et réalisée parce qu'on

 23   s'est emparé de plus qu'on ne le pensait."

 24   R.  Oui.

 25   Q.  [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez la bonne page en

 27   B/C/S ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Page 34 en affichage électronique, pour ce

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  1   qui est de la version électronique. Lorsque j'ai choisi les pages, je me

  2   suis référée aux références du prétoire électronique, et non pas au numéro

  3   de page qui est manuscrit au haut de cette page dans le carnet en tant que

  4   tel, et je suis vraiment désolée, mais je n'ai pas songé à donner un numéro

  5   ERN pour la page.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être pourrait-on avancer de cinq

  7   pages, parce que je vois "29" et "24".

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Je crois qu'on l'a bel et bien trouvée,

  9   maintenant.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le 23.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci beaucoup.

 12   Q.  Général, si vous pouvez vous pencher sous le passage qui est attribué

 13   au Dr Karadzic, et ensuite, il est indiqué "ma" présentation, celle du

 14   général Mladic, où il est dit :

 15   "Les Turcs ont subi une défaite militaire à côté de Gorazde et dans

 16   la vallée de la Drina."

 17   R.  Oui.

 18   Q.  A ce sujet, il est dit dans la suite que :

 19   "Ils ne constituent plus une force militaire dans les enclaves de

 20   Gorazde, Zepa et Srebrenica, que nous devrons prochainement neutraliser,

 21   donc dans un avenir proche, par recours à des moyens politiques et

 22   économiques, gouvernementaux et, si besoin, militaires et policiers."

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Général, est-ce que ceci coïncide avec les évaluations des objectifs de

 25   l'opération que vous avez évoquées tout à l'heure ?

 26   R.  Pas réellement. La surprise, c'est de voir ne pas mentionner Bihac,

 27   parce qu'en réalité, ils s'étaient attaqués à Bihac avant que de s'attaquer

 28   à Zepa, Srebrenica ou Gorazde.

Page 7282

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Un peu plus loin dans ce document, page 46

  2   de la version anglaise et page 56 de la version originale en B/C/S, on

  3   verra une entrée relative à la date du 7 mai 1994 :

  4   "Il s'agit d'une localité qui s'appelle Srbinje," on l'a en anglais,

  5   et il est dit : "analyse de l'opération Zvijezda 1994."

  6   L'INTERPRÈTE : Zvijezda voulant dire étoile, précise l'interprète.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors je vous prie de patienter jusqu'à ce

  8   qu'on nous montre le document original avant que d'aller de l'avant. Grand

  9   merci.

 10   Q.  Alors maintenant, que nous avons retrouvé cette réunion et la date en

 11   question, j'aimerais que vous alliez un peu plus loin, page 48 de la

 12   version anglaise. C'est deux pages plus loin en version anglaise, et que

 13   vous passiez à la page 58 de la version B/C/S, donc il s'agit d'avancer, en

 14   version B/C/S, de deux pages aussi.

 15   Est-ce que vous voyez une inscription similaire à ce qu'on a vu auparavant,

 16   à savoir "Mes observations," où le général Mladic se félicite des résultats

 17   réalisés dans cette opération Zvijezda 1994 ?

 18   R.  Je le vois.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors avançons maintenant de deux pages,

 20   une fois de plus, version anglaise page 50, et page 60 pour le B/C/S. Il

 21   s'agit d'une partie du même exposé, et je fais ceci pour vous situer cela

 22   dans le cadre temporel et dans le contexte. Un grand merci.

 23   Alors j'attire votre attention vers le bas de cette page 50, Général, où il

 24   est dit :

 25   "Nous n'en avons pas terminé complètement dans cette enclave de

 26   Gorazde."

 27   Je vous renvoie maintenant à la page d'après pour la suite.

 28   "Il faut la couper du reste, la diminuer, lui faire subir des pertes, et

Page 7283

  1   seulement sur les périphéries au-delà d'un périmètre de trois kilomètres

  2   pour s'assurer qu'il n'y a aucune perspective de survie pour M dans ce

  3   secteur."

  4   R.  Je le vois.

  5   Q.  Est-ce que vous avez un commentaire au sujet de ce passage, Général ?

  6   R.  C'est plus ou moins conforme à ce qui se passait sur le terrain, une

  7   fois de plus.

  8   Q.  Est-ce que ceci influe sur les estimations que vous aviez faites au

  9   sujet des objectifs de l'opération ?

 10   R.  Non. Garder la pression sur les enclaves a toujours fait partie de leur

 11   stratégie.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, pouvez-vous, je vous prie, nous

 13   dire ce que signifie ce périmètre de trois kilomètres auquel il est fait

 14   référence, si vous le savez ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais, Monsieur. Cela se rapporte à un

 16   accord qui avait été assuré par M. Akashi avec les Serbes de Bosnie pour ce

 17   qui est du retrait des armes lourdes et des unités militaires sur un

 18   périmètre de trois kilomètres au-delà de la ville de Gorazde, comme on

 19   avait déjà fait à Sarajevo avant. Cet accord a été établi à Belgrade à une

 20   réunion où je n'ai pas assisté, mais j'ai eu connaissance des conséquences,

 21   et nous étions sur le terrain, ceux qui étaient censés mettre en œuvre cet

 22   accord.    

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Grand merci.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande un

 25   instant de patience.

 26   Q.  Au début de l'interrogatoire principal, Général, vous avez évoqué ce

 27   qui, d'après vous, constituait les objectifs territoriaux des Serbes de

 28   Bosnie pendant votre tour. Etes-vous en mesure de nous commenter le

Page 7284

  1   caractère de ce territoire, comme vous le compreniez ?

  2   R.  Non, pas plus que je ne l'ai déjà fait.

  3   Q.  Merci. Pour en terminer, je souhaite revenir à Sarajevo très

  4   rapidement, et je souhaite vous demander la question suivante : A aucun

  5   moment pendant que vous faisiez un tour de la ville, avez-vous évalué qu'il

  6   y avait la possibilité que les forces effectuent une percée dans Sarajevo ?

  7   R.  Non. L'armée musulmane, quand bien même elle disposait d'une infanterie

  8   plus importante que les Serbes, elle n'était absolument pas en mesure

  9   d'opérer une percée couronnée de succès à Sarajevo. Elle ne disposait ni du

 10   matériel, ni de la formation, ni de l'artillerie lourde, ni des blindés

 11   lourds non plus.

 12   Q.  Je vous remercie.   

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ceci met un

 14   terme à mon interrogatoire principal. Avant de m'asseoir, je souhaite vous

 15   demander ceci, comment souhaitez-vous aborder la question des documents

 16   connexes ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pensez demander le versement au

 18   dossier de tous les documents qui figurent sur la liste ?

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite entendre l'avis de Me

 21   Robinson, à savoir s'il y a une objection.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] Non, il n'y a pas d'objection. Nous

 23   maintenons en revanche notre position précédente. Autrement dit, nous

 24   souhaitons que tous les documents connexes portant sur Gorazde et Bihac

 25   soient exclus. Merci.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas, je vais évoquer des

 27   questions qui ont trait à certaines pièces à conviction. Tout d'abord, le

 28   numéro 65 ter -- je vais donner leur numéro 65 ter : 6850.

Page 7285

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que vous avez peut-être la même

  2   liste que moi avec les différents éléments dessus, parce que je dispose en

  3   fait ici de notre notification -- notre dernière notification, et nous

  4   avons une liste à jour, et j'ai essayé de donner les différents numéros de

  5   façon à accélérer ce processus.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] C'est donc le numéro 14.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le point numéro 14.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, je l'ai maintenant.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 6850, c'est une déclaration dans ses

 10   déclarations. Je suppose que c'est au paragraphe 676. Mais ceci n'a pas été

 11   commenté, donc nous n'allons pas accepter le versement au dossier de ce

 12   document.

 13   Ensuite vous ne demanderez pas le versement au dossier de l'ensemble

 14   de la déclaration du témoin ?

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, effectivement.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous voulez retirer les

 17   déclarations précédentes du témoin ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Donc quant est-il de 7496 ? Je

 20   vais essayer de le trouver.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Question numéro 25, je l'ai ici, Monsieur

 22   le Président, citée au paragraphe 98.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En ce qui concerne ce point, le témoin

 24   n'a fait aucun commentaire. Tout ce qu'il a dit, c'est qu'on lui avait

 25   montré ceci.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] J'entends bien, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La même chose vaut pour le 7619. Donc si

 28   vous souhaitez en demander le versement, dans ce cas, vous devez présenter

Page 7286

  1   ce document au témoin. Dans ce cas, nous n'allons pas accepter le versement

  2   au dossier non plus.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] J'entends bien. Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous ne demandez pas le versement non

  5   plus du compte rendu d'audience dans l'affaire Galic ? Vous souhaitez -- je

  6   demande simplement une confirmation.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est exact.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Point 14683, avons-nous abordé cela ?

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, mais je le peux, Madame, Messieurs les

 10   Juges.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci est au paragraphe 97, et le témoin

 12   n'a pas commenté ceci non plus.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que vous m'autorisez à présenter ce

 14   document au témoin ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Ensuite le 14689. Sur ce point-là

 16   également, le témoin n'a fait aucun commentaire. Donc si vous souhaitez en

 17   demander le versement et le versement de ces deux documents, il faut les

 18   présenter au témoin.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Simplement le premier, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   Sinon, tous les autres points seront admis, les autres documents sur la

 23   liste. Plutôt que d'en aborder le détail, nous allons distribuer les

 24   numéros qui auront été donnés, et c'est le représentant du greffe qui fera

 25   ça, en coopération avec les juristes de la Chambre.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le numéro 65

Page 7287

  1   ter 14683 à l'écran, s'il vous plaît.

  2   Q.  Général, avant que je ne m'assois, je vais vous demander de vous

  3   reporter au paragraphe 97, s'il vous plaît, de votre déclaration où vous

  4   faites état d'un rapport du général Milovanovic, daté du 20 avril 1994, au

  5   président de la Republika Srpska, le chef d'état-major de l'armée

  6   yougoslave, ainsi que le commandant des corps.

  7   Après avoir lu la première page, je vous demande de regarder la page 5, de

  8   la traduction.

  9   Avez-vous pu parcourir la première page ?

 10   R.  Oui, tout à fait.

 11   Q.  Puis-je vous demander maintenant de regarder la page 5 de la

 12   traduction, et je vais vous demander pour finir de regarder le dernier

 13   paragraphe.

 14   R.  Je vois le dernier paragraphe.

 15   Q.  Général, je remarque, d'après la date de ce document, qu'il précède de

 16   très près le 23 avril 1994, et l'accord à cette date, que vous avez évoqué

 17   au paragraphe 99 de votre déclaration.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous déduisez quelque chose à partir de ce document, compte

 20   tenu de la date et du contexte sur le contrôle effectif du Dr Karadzic des

 21   forces qui opéraient dans le secteur de Gorazde, à l'époque ?

 22   R.  Je crois que l'armée serbe de Bosnie répondait aux instructions données

 23   par le Dr Karadzic, après l'accord conclu à Belgrade, avec M. Akashi, plus

 24   ou moins. Parce qu'évidemment, ils ont habillé leurs soldats avec des

 25   habits civils, donc ils ont triché là-dessus, ils étaient habillés en civil

 26   ou en policier. Nous avons eu un échange avec eux, et finalement, ils s'en

 27   retiraient. De façon générale, ils ont respecté l'accord, pour finir.

 28   Q.  Merci.

Page 7288

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Si vous me le permettez, je souhaite

  2   demander à ce que ceci soit la prochaine pièce à charge, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, simplement

  5   pour le compte rendu d'audience, il s'agit d'un duplicata de 65 ter 7650,

  6   ce sera la pièce P1647.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie d'avoir remarqué que

  8   c'était un doublon. J'ai maintenant terminé mon interrogatoire principal.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez

 10   maintenant contre interroger le général. Nous avons environ dix minutes

 11   avant la pause, si cela vous agrée, nous pouvons faire la pause maintenant,

 12   c'est à vous d'en décider.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Si cela vous convient également.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas, nous allons faire une pause

 15   de 25 minutes, et nous reprendrons à 17 heures 35.

 16   --- L'audience est suspendue à 17 heures 13.

 17   --- L'audience est reprise à 17 heures 39.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous, dans le prétoire.

 20   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Général Sir Michael Rose.

 22   Tout d'abord, je souhaite vous remercier d'avoir rencontré la Défense.

 23   J'espère que ceci nous permettra d'aborder un grand nombre de questions en

 24   répondant, par oui ou par non, de façon à ce que nous y consacrions le

 25   moins de temps possible.

 26   Comme vous le savez, j'avais demandé 30 heures pour ce contre-

 27   interrogatoire, avant que nous commencions pour ce qui est des questions

 28   sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord au cours de cet entretien qu'a

Page 7289

  1   pu se réaliser grâce à vous, je souhaite vous poser quelques questions sur

  2   quelque chose qui m'a vraiment surpris.

  3   Vous m'avez dit, en réalité, que certaines personnes pensaient que vous

  4   aviez une tendance pro-serbe.

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Qu'il y avait même quelques livres qui avaient été écrits sur le sujet

  7   en ces termes-là; c'est exact ?

  8   S'agit-il d'un écrivain impartial ou est-ce qu'un groupe de pression

  9   musulman qui est derrière cela ?

 10   R.  Vous devriez retenir votre propre interprétation. Des livres n'étaient

 11   certainement équilibrés.

 12   Q.  C'est ce qui m'inquiète, Michael; conviendrez-vous que très souvent nos

 13   rapports étaient froids et quelquefois nous n'avions pas de rapport du tout

 14   ?

 15   R.  C'était ainsi.

 16   Q.  Je dirais que nos rapports étaient imprégnés d'un respect personnel

 17   très profond et professionnellement parlant nous n'estimions pas que vous

 18   étiez pro-Serbe du tout.

 19   R.  Je suis ravi de vous l'entendre dire, parce qu'en tant que médiateur

 20   nous devions rester impartiaux eu égard aux partis au conflit.

 21   Q.  Malheureusement, après cette expression de satisfaction, nous avons

 22   estimé que vous - pas vous personnellement, que les unités placées sous

 23   votre contrôle - nous estimions que vous étiez légèrement partial ou que

 24   vous aviez un parti pris en faveur des Musulmans. En tout cas, sur la base

 25   des documents, vous ne leur avez pas demandé de prêter attention à des

 26   violations fortes importantes, et d'un autre côté, les Serbes ont été

 27   réprimandés pour beaucoup moins que cela; êtes-vous d'accord que nous avons

 28   une raison de croire cela ?

Page 7290

  1   R.  Il y a eu un moment du conflit où les forces de protection des Nations

  2   Unies ont été perçues par le côté serbe de Bosnie comme étant moins

  3   qu'impartiales envers les Serbes. La raison à cela c'est que l'OTAN a

  4   manqué à ses propres obligations, eu égard à la démilitarisation du mont

  5   Igman, et les Nations Unies qui étaient soutenues par l'OTAN ont

  6   inévitablement été perçus comme étant une partie à ce manquement à

  7   l'obligation de répondre.

  8   Q.  Merci. Il me semble que vous compreniez les raisons que j'aie citées et

  9   pourquoi les Serbes n'étaient pas satisfaits des Nations Unies. Tout

 10   d'abord, en raison des sanctions qui avaient été imposées, deuxièmement,

 11   les provocations et on ne leur a pas demandés d'être prudents à cet égard.

 12   On nous a demandé d'être prudents eu égard à nos réponses. La partialité

 13   des médias et la partialité d'une grande partie de la communauté

 14   internationale qui avait un parti pris contre les Serbes, et cinquième

 15   point, des plans de paix qui étaient injustes et qui étaient conçus de

 16   telles sortes que nous devions les refuser, et, par conséquent, être

 17   exposés à des pressions. Sixième point, une approche parcellaire au cessez-

 18   le-feu où il était difficile pour les Musulmans qui étaient la partie

 19   perdante qu'ils souhaitaient un cessez-le-feu, et l'ensemble de la

 20   communauté internationale les aidait dans ce cas. Alors qu'il était

 21   difficile pour nous, personne ne nous aidait, et personne n'a demandé le

 22   cessez-le-feu de notre côté.

 23   Vous souvenez-vous du fait qu'hier j'ai évoqué ces six raisons que j'ai dit

 24   que c'était le minimum, et vous nous avez dit que ceci peut paraître

 25   convaincant d'un point de vue serbe ?

 26   R.  Je comprends.

 27   Q.  Merci. Nous étions d'accord pour dire que la FORPRONU ne disposait pas

 28   de collecte de renseignement ni d'information précise sur le déploiement de

Page 7291

  1   la guerre ou sur les déploiements des parties belligérantes. C'était

  2   particulièrement important pour nous et à Sarajevo il n'y avait pas une

  3   image d'ensemble sur qui était où; est-ce exact ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Nous étions d'accord pour dire que vous n'aviez pas une connaissance

  6   complète des effectifs et de la structure des armements du 1er Corps de

  7   l'ABiH qui était à Sarajevo et aux alentours de Sarajevo ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  D'après vous, même à votre époque, en 1994, l'ABiH n'était pas une

 10   force militaire organisée.

 11   R.  Il serait difficile pour moi de répondre, car comme vous le dites, nous

 12   ne disposions pas d'observation de leur capacité militaire.

 13   Q.  Merci. De même nous avons établi que vous ne saviez pas que les Serbes

 14   vivaient également à Sarajevo pendant la guerre. Vous n'étiez surtout pas

 15   conscient du fait qu'ils étaient au nombre de 50 à 70 000 dans les

 16   quartiers de Sarajevo placés sous contrôle musulman.

 17   R.  Je savais certainement qu'il y avait des Serbes qui vivaient à Sarajevo

 18   pendant le conflit. Effectivement, un des généraux musulmans de Sarajevo

 19   était, en réalité, un Serbe, mais je n'avais pas connaissance du fait

 20   certainement qu'ils étaient au nombre de 70 000 qui vivaient à Sarajevo, à

 21   l'époque. Je trouve que c'est un chiffre qui est difficile à croire.

 22   Q.  Merci. Le général serbe, que vous avez cité, Divjak; c'est exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Vous avez également présenté quelque chose sur la longueur de la

 25   ligne de front à l'intérieur de Sarajevo entre les deux parties

 26   belligérantes. Vous avez dit que c'était de l'ordre de 70 kilomètres. Nous

 27   avons confirmé, en 1992, que c'était de 42 kilomètres, et en 1994, 64

 28   kilomètres; est-ce exact ?

Page 7292

  1   R.  En 1994, nous avons pensé que c'était de 70 kilomètres environ, c'est

  2   exact.

  3   Q.  Merci. Nous avons convenu que la ligne de front qui faisait face à la

  4   Bosnie centrale et du sud, à savoir la ligne externe de séparation était

  5   trois fois plus longue, environ 240 kilomètres environ; est-ce exact ?

  6   R.  Vous avez une meilleure connaissance de cela que moi.

  7   Q.  Mais vous êtes d'accord pour dire que cette ligne était trois fois plus

  8   longue que la ligne de front intérieure ?

  9   R.  Ce chiffre ne me surprendrait pas.

 10   Q.  Merci. Nous avons convenu que le fait de garder un nombre important de

 11   troupes ennemies sur un petit secteur relève d'une certaine logique

 12   militaire, que ceci est justifié en termes militaires, à savoir essayer de

 13   garder le plus grand nombre possible de soldats ennemis sur un petit

 14   secteur ?

 15   R.  Je ne comprends pas très bien le but de votre question, de votre

 16   remarque.

 17   Q.  Ce que vous avez dit, c'est qu'il était naturel qu'ils aient trois fois

 18   plus de soldats à Sarajevo parce que c'est ce dont ils avaient besoin pour

 19   assurer leur défense. S'ils souhaitaient opérer une percée, il leur fallait

 20   plus de soldats que les Serbes et, par conséquent, il y avait plus de

 21   troupes dans la partie centrale, le centre de Sarajevo.

 22   Q.  Lorsque j'ai demandé si cela était justifié au plan militaire de

 23   bloquer et de garder les troupes ennemies sur un petit secteur, vous avez

 24   dit que oui, cela relevait de la logique militaire.

 25   R.  Je crois que j'ai dit que cela pouvait relever de la logique militaire

 26   parce que de se battre en zone urbaine, en zone construite, ce qui était le

 27   cas de Sarajevo qui avait été exposé au pilonnage, il faut un nombre de

 28   troupes très important, que ce soit d'un point de vue défense -- du point

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  1   de vue de la défense ou du point de vue de l'attaque. Donc inévitablement,

  2   si les forces du gouvernement bosniaque souhaitaient défendre une ligne de

  3   70 kilomètres qui se trouvait pour l'essentiel dans des zones très

  4   construites, il faudrait un nombre très important de troupes. J'ai

  5   également avancé l'idée théorique que lorsqu'il s'agissait de prendre une

  6   partie de la ligne, lorsqu'il s'agissait d'attaquer - je ne pense pas

  7   qu'ils souhaitaient attaquer - mais quand bien même, ils l'auraient

  8   souhaité, ils auraient dû, à ce moment-là, assembler un nombre de troupes

  9   trois fois supérieur à l'algorithme normal défini pour une attaque en cas

 10   d'attaque défensive, parce que l'avantage qu'ils avaient sur le terrain

 11   contre les Serbes de Bosnie, il leur faudrait même davantage. C'était cela

 12   que ce que nous avons abordé ce thème-là.

 13   Q.  Merci. Vous avez confirmé que moi-même et le camp serbe dans sa

 14   totalité était vraiment en faveur de la démilitarisation de Sarajevo et que

 15   cette dernière soit placée sous placée sous administration onusienne, mais

 16   le côté musulman s'y opposait, s'y est toujours opposé.

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Également vous avez confirmé que les Nations Unies ne pouvaient pas

 19   décide de façon -- ou sans équivoque et avec précision la provenance des

 20   tirs embusqués, puisque des enquêtes appropriées n'ont pas été menées pour

 21   que cela puisse être établi au-delà de tout doute raisonnable.

 22   R.  C'est ainsi.

 23   Q.  Et vous avez dit que vous avez beaucoup critiqué les observateurs

 24   militaires des Nations Unies, qu'ils étaient des bons à rien, qu'ils

 25   étaient inutiles. C'est quelque chose que vous disiez en guise de

 26   plaisanterie, et certains d'entre eux, ils avaient été vendus. C'est que

 27   vous n'étiez pas satisfait d'eux et qu'ils étaient assez inutiles. Je crois

 28   que vous avez dit ça dans certaines de vos déclarations, dans votre

Page 7294

  1   ouvrage.

  2   R.  Je crois que vous exagérez ce que j'ai dit un petit peu. D'après moi,

  3   les observateurs militaires des Nations Unies venaient d'horizons assez

  4   différents, militairement parlant. Ils ne disposaient pas de l'expérience

  5   nécessaire pour comprendre ce qu'était une bataille, d'un point de vue

  6   tactique. Bon nombre d'entre eux vivaient avec les parties au conflit et

  7   qu'ils étaient censés observer. Dans leurs rapports, je suppose qu'ils

  8   étaient souvent peu fiables. Ils avaient une ligne de communication directe

  9   avec New York, et donc pouvaient être soumis à des pressions de propagande

 10   menée par toutes les parties belligérantes. Telle était mon observation. Il

 11   y avait cependant beaucoup d'observateurs militaires extrêmement capables

 12   qui ont servi les Nations Unies de façon très honorable pendant cette

 13   guerre tragique.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Général, pardonnez-moi. Il y a quelques

 15   instants, vous avez confirmé l'affirmation faite par M. Karadzic, à savoir

 16   que les Serbes étaient très en faveur de la démilitarisation pour que ceux-

 17   ci soient placés sous le contrôle de l'administration onusienne. Mais plus

 18   tôt, vous avez également évoqué la politique d'intimidation de la

 19   population serbe. Comment ces deux observations peuvent-elles coïncider ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] En réalité, il s'agissait de quelque chose qui

 21   visait à réaliser une stratégie unique. Il fallait opérer la

 22   démilitarisation de Sarajevo d'une manière qui permettrait les lignes de

 23   conflit d'être déterminées, fixes. C'est le deuxième point. Ceci

 24   permettrait également de saper la souveraineté du gouvernement de Bosnie.

 25   Bien sûr, c'est le droit souverain d'un gouvernement que de maintenir des

 26   troupes sur son propre territoire, surtout dans leur capitale. C'était un

 27   des objectifs du côté serbe de Bosnie de démilitariser les zones protégées,

 28   ce qui semble être une proposition raisonnable, ce qui a été accepté ni par

Page 7295

  1   le gouvernement de Bosnie, ni par la communication internationale dans son

  2   ensemble, ce qui semble adéquat même si, à l'époque, ça eut été un pas en

  3   direction de la pacification de cette zone. Bien sûr, la démilitarisation

  4   de l'enclave aurait permis de mieux protéger la communication civile qui

  5   vivait là parce qu'elle ne serait plus prise à partie entre les deux

  6   parties belligérantes.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  J'espère que nous pourrons montrer demain à l'aide de document que nous

 11   avons toujours -- nous n'avons jamais voulu accepter le fait incompris que

 12   toutes les questions territoriales seraient abordées au cours d'une

 13   conférence. Nous n'étions pas en mesure de savoir, parce que vous êtes venu

 14   plus tard.

 15   Est-ce que nous pouvons convenir pour dire que la crise à Igman était due

 16   au fait que la communauté internationale et l'OTAN nous ont obligé à céder

 17   du territoire que nous avons pris sur le mont Igman, et à nous demander de

 18   leur rendre, et nous l'avons rendu aux Nations Unies; c'est exact ? Nous

 19   parlons de l'année 1993, avant mon arrivée.

 20   R.  Mais c'est comme cela que j'ai compris ce qui m'a été dit, lors de la

 21   réunion d'information, à mon arrivée. Je crois que c'est pour cela, ce

 22   retrait des forces serbes de Bosnie est la raison pour laquelle il y

 23   appartenance ethnique eu cet ultimatum de l'OTAN pour démilitariser le mont

 24   Igman.

 25   Q.  On y reviendra pour le détail. Mais ce dont nous avons parlé hier, et

 26   on est tombé d'accord, c'est de dire qu'aujourd'hui, la communauté

 27   internationale nous a contraints à restituer Igman, parce que rester à

 28   Igman pour nous signifierait un encerclement total de Sarajevo, et sans que

Page 7296

  1   nous contrôlions Igman, Sarajevo ne se trouverait pas être tout à fait

  2   encerclé; c'est bien cela ?

  3   R.  Deux choses. Tout d'abord, j'avais compris que, pour empêcher

  4   l'encerclement de Sarajevo, c'était précisément une des raisons de

  5   l'ultimatum de l'OTAN pour le retrait des forces serbes de Sarajevo. Puis

  6   le deuxième point, là, je suis d'accord avec vous, c'était pour permettre

  7   qu'il y ait encore une voie de communication avec Sarajevo, qui n'était pas

  8   contrôlé par les Serbes de Bosnie. 

  9   Q.  Merci. De même, j'ai remarqué dans votre livre - et vous avez confirmé

 10   la chose - à savoir que M. Izetbegovic très souvent renonçait à ce qui

 11   avait déjà été convenu pour revenir en arrière et retomber vers le début.

 12   Vous avez appelé cela revenir à la case de départ, me semble-t-il, case de

 13   départ. Donc après avoir longuement négocié, on voyait M. Izetbegovic

 14   revenir à la case de départ; c'est bien cela ?

 15   R.  Toutes les parties au conflit avaient tendance à le faire, ce n'était

 16   pas là le privilège de M. Izetbegovic, son seul apanage. Je pense que vous

 17   faites référence au fait qu'il est revenu sur cet accord qui était de

 18   retirer les armes lourdes, de mettre fin au bombardement, aux tirs sur

 19   Sarajevo. Vous faites référence à la décision du gouvernement de Bosnie,

 20   qui avait été de remettre le conflit dans Sarajevo, alors que c'était un

 21   accord qui avait conclu M. Izetbegovic. Mais de façon générale, ce que vous

 22   voulez dire et/ou bien ce que vous avez dit, c'est quelque chose que les

 23   parties avaient tendance à faire en fonction de la façon dont ils voyaient

 24   le développement et déroulement du conflit, en fonction de leurs intérêts

 25   stratégiques.

 26   Q.  Merci. Moi, j'avais à l'esprit une continuité de ce type de

 27   comportement. Parce que le plan Cutileiro, nous, on l'avait accepté,

 28   Izetbegovic y renonçait. Mais, bon, vous n'ignorez pas certaines parties de

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  1   -- vous connaissez certaines parties serbes de Sarajevo, comme par exemple,

  2   Grbavica, et vous avez pu vous rendre compte du fait que la situation

  3   militaire était extrêmement difficile. Je crois que vous avez dû forcément

  4   voir des traces de tirs de sniper et des traces des cas d'obus.

  5   R.  Les Nations Unies ne font pas de différence lorsqu'il s'agit de fournir

  6   du secours humanitaire aux populations civiles, qui sont prises entre deux

  7   feux, dans des combats. Donc on donne ce secours humanitaire à toutes les

  8   populations civiles, pas seulement à ceux qu'on pourrait croire les

  9   victimes ou dont la communauté internationale croit que ce sont les

 10   victimes. Le secours humanitaire -- l'aide humanitaire ne saurait être

 11   considéré comme une arme, quel que ce soit le conflit. Donc même si vous

 12   aviez 2 700 000 personnes qui bénéficiaient de l'aide humanitaire, il y en

 13   avait effectivement sur ce nombre, 600 000, beaucoup d'entre eux vivant

 14   d'ailleurs à Grbavica.

 15   Q.  A un moment donné, vous avez tiré la conclusion qui est celle de dire

 16   que Grbavica, la situation était plus grave encore que  dans la partie

 17   musulmane de Sarajevo; c'est bien cela ?

 18   R.  Il est certain qu'à un moment donné, au cours de l'été 1994, lorsque

 19   l'aide humanitaire arrivait par avion, dans la partie que tenait -- ou dans

 20   les parties de Sarajevo que tenait le gouvernement de Bosnie, sans problème

 21   -- les convois arrivaient dans ces parties-là. Ce qui n'était sûrement pas

 22   le cas pour Grbavica, parce que l'itinéraire de Grbavica était difficile,

 23   il y avait aussi des sanctions imposées notamment en matière de carburant à

 24   Belgrade, donc il y avait beaucoup moins d'approvisionnement. Ce qui est

 25   certain, cet été-là, c'est que les Serbes qui vivaient à Grbavica étaient

 26   bien moins bien lotis que ceux qui vivaient dans les quartiers tenus par le

 27   gouvernement de Bosnie.

 28   Q.  Merci. Le fait est que suite à l'arrivée des convois humanitaires,

Page 7298

  1   l'armée musulmane se battait avec plus de violence encore et vous avez

  2   interprété la chose différemment, pour ce qui me concerne que moi, que

  3   c'était plus en raison de l'aide humanitaire. Moi, j'ai interprété la chose

  4   en pensant que c'était du fait de la livraison d'armes et de munitions, et

  5   puis ensuite vous avez présenté une information assez inhabituelle, à

  6   savoir que ce premier niveau de l'aide humanitaire allait aux combattants,

  7   le deuxième niveau allait au personnel gouvernemental, et ce n'est que le

  8   troisième segment qui se trouve être destiné à la population civile; est-ce

  9   que c'est bien exact ?

 10   R.  Ça, c'est une expérience générale, s'agissant de l'approvisionnement en

 11   aide humanitaire dans les conflits. Ce n'était pas simplement pour la

 12   Bosnie. C'est le prix qu'il faut payer, si l'on veut avoir cette aide

 13   humanitaire sur le terrain, où que se déroule ce conflit. Mais c'était sans

 14   nul doute vrai en Bosnie.

 15   Q.  Merci. C'est grâce à Mlle Edgerton, qui a entamé ce sujet des questions

 16   litigieuses relatives aux convois humanitaires, nous allons nous proposer

 17   de présenter toute une série de documents pendant votre séjour, pour

 18   montrer pourquoi les Serbes avaient des raisons d'être critiques. Mais j'ai

 19   bien voulu accepter la suggestion que vous avez avancée hier, à savoir que

 20   s'il y avait eu de la contrebande d'armes et de munitions, que les

 21   commandements hauts placés de la FORPRONU n'avaient rien à voir avec. Moi,

 22   je veux bien l'accepter cela; c'est bien cela ?

 23   R.  Mais je suis content que vous en parliez, parce que j'allais demander

 24   l'autorisation d'intervenir. Parce que j'avais récupéré quelque chose à

 25   l'écran, et je n'avais pas réfuté l'allégation selon laquelle ces convois

 26   d'aide humanitaire auraient été des sources d'armes ou de matériel

 27   militaire pour les forces musulmanes de Bosnie. Je rejette aussi

 28   catégoriquement et merci de l'avoir signalé dans votre dernière

Page 7299

  1   intervention.

  2   Q.  Mais nous avons été d'accord pour dire que ça a bien su se passer, bien

  3   sûr, arriver mais sans que les commandements supérieurs le sachent. Nous

  4   avons donc disculpé les commandements haut placés, mais le phénomène en

  5   tant que tel a fort bien pu se produire, n'est-ce pas ?

  6   R.  Il est certainement vrai qu'on a commencé à en avoir des preuves sur le

  7   terrain, en Bosnie. Un exemple, il y a de nouveaux uniformes de type

  8   américain qui ont été fournis aux éléments des Musulmans de Bosnie, ceci

  9   c'était une forme de soutien à ce qui était d'habitude les forces de la

 10   Fédération. Vous le savez, le gouvernement britannique a quelquefois

 11   soulevé cette question, l'a abordée aux Nations Unies à New York.

 12   Q.  Merci. Nous allons revenir sur ce segment relatif au territoire. Mais

 13   je voudrais dire d'abord que nous avons été d'accord et que vous avez

 14   constaté vous-même le fait que, de 70 %, nous avons accepté de revenir à

 15   quelque 50 %.  Mais, Général, laissez-moi vous demander : saviez-vous que

 16   ces 70 % c'était des territoires à majorité serbe considérable ? Nous

 17   n'avons pas pris cela aux Musulmans, nous n'avons fait que protéger nos

 18   propres territoires.

 19   R.  Ça je ne le sais pas. Mais je ne suis pas prêt à l'accepter non plus

 20   cette idée.

 21   Q.  Bien. Mais il y a des données à ce sujet. Nous sommes toutefois

 22   d'accord pour dire que vous avez été critique à l'égard des médias

 23   internationaux qui n'ont pas été d'une grande aide et qu'ils ont été

 24   extrêmement partiaux en faveur de la partie musulmane ?

 25   R.  Quel que soit le conflit, c'est vrai, en Bosnie aussi, les médias

 26   constituent une excellente forte surtout lorsqu'il s'agit de faire la

 27   lumière sur des atrocités, des exactions, des souffrances, ou des

 28   violations du droit international humanitaire où que ce soit dans le monde.

Page 7300

  1   Les médias sont souvent très bons pour -- excellents pour mobiliser la

  2   communauté internationale, obtenir son soutien pour que ce soutien soit

  3   apporté aux personnes qui se trouvent dans ces situations de souffrance. A

  4   Sarajevo, en Bosnie, la guerre n'était pas différente qu'ailleurs. Mais on

  5   a compris après un certain temps que les médias ont commencé à avoir un

  6   point de vue moral, moralisateur ou sur ce qu'il faudrait faire pour

  7   repousser les agressions, pour mettre fin à ce qu'ils voyaient se passer.

  8   Lorsque, moi, je suis arrivé en Bosnie, il est certain qu'à ce moment-là,

  9   déjà il y avait une très forte initiative déployée par les médias en vue de

 10   démobiliser l'Occident pour faire intervenir l'OTAN en Bosnie et pour

 11   retirer les forces de maintien de la paix des Nations Unies. Ça a été

 12   vraiment fidégrane [phon] de toute l'année 1994. C'était -- et c'est

 13   l'obligation morale disait-on de ce que devrait faire la communauté

 14   internationale.

 15   A mon avis, c'était mauvais pour l'année 1994, mais je crois que

 16   c'est ce qui aurait dû se passer au début de l'année 1995.

 17   Q.  Quand vous évoquez, Sir Michael, lorsque vous évoquez le gouvernement

 18   bosnien, et lorsque vous parlez d'agression, vous y avez passé suffisamment

 19   de temps pour connaître la substance des relations en place. Etes-vous

 20   d'accord avec moi pour dire que nous autres, Serbes de Bosnie, nous sommes

 21   originaires de Bosnie, on n'est pas venus d'ailleurs, nous autres ?

 22   R.  Je l'ai déjà dit, Monsieur Karadzic. Nous ne connaissions pas la

 23   composition des effectifs des parties belligérantes telles qu'elles soient.

 24   D'où venaient les hommes ? Combien étaient-ils ? Quel était le matériel

 25   dont ils disposaient ? Nous n'avions que des connaissances tronquées,

 26   parcellaires. Ce n'était pas systématique, donc il m'était impossible de

 27   commenter ce que vous dites.

 28   Q.  Est-ce qu'on vous a fait savoir lors des briefings que les Serges

Page 7301

  1   constituaient un tiers de l'autorité de l'Etat et que le tiers du monopole

  2   de la force de l'Etat était tenu entre les mains -- enfin, par les Serbes

  3   entre leurs mains, le Pr Koljevic et Mme Plavsic étaient sur un pied

  4   d'égalité avec M. Izetbegovic avant que la présidence ne se désintègre ?

  5   R.  Non, moi, je me suis concentré sur ma mission principale, à savoir

  6   l'acheminement et la livraison d'aide humanitaire.

  7   Q.  Vous avez eu pas mal de succès à ce faire. Toujours est-il que

  8   j'aimerais que vous me m'autorisiez - avec tout le respect que je dois de

  9   dire - que quand on parle de gouvernement d'un côté, on laisse entendre que

 10   de l'autre côté il y a des insurgés. Or la thèse que vous avez avancée

 11   c'est que le monopole du recours à la force de la part de l'Etat et les

 12   mécanismes de l'Etat se sont désintégrés en trois parties pour revenir aux

 13   trois peuples constitutifs. Est-ce qu'à vos yeux, il était normal -- enfin,

 14   est-ce qu'on était censé vous le dire et dire que les Serbes n'étaient pas

 15   des insurgés là-bas mais qu'ils constituaient le tiers d'un pouvoir en

 16   place tout à fait légitime ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu doit dire que c'est la thèse

 18   que nous avions avancée nous autres, les Serbes.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Donc aurait-il été correct d'avoir eu des briefings pour que vous

 21   sachiez à qui vous avez affaire, à savoir que les Serbes n'étaient pas des

 22   insurgés mais une partie intégrante de l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire

 23   qu'ils faisaient partie des mécanismes de l'Etat ?

 24   R.  Le gouvernement de Bosnie, de la nation bosniaque, avait été reconnu

 25   par les Nations Unies. C'était un Etat reconnu. A l'époque, on n'a pas fait

 26   référence à ce qu'on a appelé la Republika Srpska, et ce, à fort juste

 27   titre d'ailleurs.

 28   Q.  Bon. Ça on le prouva facilement en une autre occasion. Est-ce que nous

Page 7302

  1   sommes d'accord pour dire que vous avez répondu à des questions posées par

  2   le général Mladic et que vous avez pris en charge des responsabilités pour

  3   ce qui est des appels lancés à l'OTAN pour des frappes aériennes à faire

  4   opérer par celui-ci dans le secteur de Gorazde ?

  5   R.  Nous avons donné des avertissements, en bonne et due forme, afin que

  6   soient retirés les blindés, l'artillerie, qui attaquaient - je parle ici

  7   des forces serbes qui attaquaient - elles ont été dûment averties pourtant

  8   les attaques se sont poursuivies. C'est à ce moment-là qu'on a décidé

  9   d'avoir des interventions aériennes contre ces positions d'artillerie,

 10   contre ces blindés. Moi-même d'ailleurs, j'y fais partie de ce processus,

 11   par lequel on a fait intervenir les avions, pourquoi il y a eu des frappes

 12   aériennes. Le Conseil de sécurité, en vertu de la décision 834, m'avait

 13   donné comme mission d'empêcher toute attaque de ces enclaves, et c'est pour

 14   ça que nous avons agi de la sorte.

 15   Q.  Mais est-ce que nous sommes d'accord pour dire que ces attaques ont été

 16   faites non pas parce qu'on s'était attaqué à vos effectifs à vous, mais à

 17   l'enclave de Gorazde --

 18   R.  Monsieur le Président, est-ce que je peux signaler une petite

 19   correction apportée au paragraphe précédente ? Ce que j'ai dit dans ma

 20   réponse c'est : "En vertu des Résolutions 824 et 836."

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci d'avoir apporté cette correction.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre à votre question, Monsieur

 23   Karadzic : Nous avons décidé des frappes aériennes parce que les forces

 24   serbes de Bosnie avaient attaqué à l'intérieur de l'enclave de Gorazde. Le

 25   fait qu'il y avait du personnel des Nations Unies dans cette enclave,

 26   c'était une coïncide -- il y aurait eu ces frappes, ces attaques auraient

 27   eu lieu qu'en présence ou en l'absence de ce personnel.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

Page 7303

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  A présent, mon Général, puisque nous avons tiré au clair le degré de

  3   vos positions pro-serbes, dont font partie ces appels aux bombardements,

  4   est-ce que je peux vous demander si je puis compter sur votre honneur

  5   chevaleresque et au honneur d'officier pour dire que ces positions soi-

  6   disant pro-serbes ne vont certainement pas influer sur vos réponses et que

  7   vos réponses, ni consciemment, ni inconsciemment, ne se feront anti-serbes

  8   à l'occasion de ce contre-interrogatoire.

  9   Pour être plus précis, est-ce que vous pouvez être objectif, puisque vous

 10   avez déjà été placé sous pression par des allégations disant que vous étiez

 11   un pro-serbe ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais qu'est-ce que vous voulez poser

 13   comme question ? Je ne comprends pas bien. Veuillez passer à la question

 14   suivante.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Moi, je voulais m'assurer que

 16   certaines questions ne seraient pas considérées comme étant anti-serbes, et

 17   je crois que Sir Michael a prouvé qu'il n'était pas pro serbes. On vient de

 18   le prouver.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Abstenez-vous de faire ce genre de

 20   déclaration.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Mon Général, dans votre livre : "Fighting for peace," "Combat pour la

 24   paix en Bosnie," page 25 - et au prétoire électronique, il s'agit de la

 25   page 35 - vous avez dit quelle était la bienvenue que vous avez assurée les

 26   soldats musulmans lorsque vous étiez arrivé pour la première fois dans

 27   Sarajevo. Votre collaborateur civil, c'est-à-dire celui qui était chargé

 28   des affaires civiles, M. Andreev, vous l'avait expliqué en disant que

Page 7304

  1   c'était habituel lorsque quelqu'un, un invité ou un haut représentant

  2   arrivait, la partie musulmane se mettait à tirer en direction des Serbes

  3   pour qu'il y ait riposte et pour que l'on voit bien que c'est eux la

  4   victime. Vous êtes en train de citer qu'Andreev vous a dit qu'il l'a

  5   souligné et en répliquant que :

  6   "…les civils avaient moins d'importance aux yeux du gouvernement

  7   bosnien que les images de souffrance et de guerre."

  8   R.  C'est comme ça. Oui, ce que je veux dire, ce n'est pas nécessairement

  9   que ce que disait Viktor Andreev était juste, mais c'est ce qu'il m'a

 10   rapporté à mon arrivée.

 11   Q.  Mais est-ce qu'il vous l'a dit partant de ses expériences antérieures

 12   avec d'autres personnes, n'est-ce pas ?

 13   R.  Il faut demander à lui.

 14   Q.  Merci. En outre, à la page 35 du prétoire électronique du même livre,

 15   vous avez indiqué, et là je vais citer :

 16   "Ici, la décence humanitaire --"

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que nous pourrions

 18   avoir le numéro de la liste 65 ter ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D1037, le livre de Sir Michael. Alors le

 20   livre, il est volumineux. Nous n'avons pas le temps de nous pencher sur la

 21   totalité de sa teneur. Donc nous ne prenons que des extraits assez courts.

 22   Il dit :

 23   "Ici, l'humanité et l'indécence avaient été bannis dans un autre monde où

 24   la fin justifie les moyens. Manifestement, ma première tâche allait être de

 25   dire au président Izetbegovic que cette sombre stratégie qui était

 26   d'infliger de telles horreurs à sa propre population n'allait jamais

 27   réussir et que, moi, je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour

 28   empêcher les Nations Unies de participer à une guerre en Bosnie en tant que

Page 7305

  1   partie combattante."

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Est-ce que c'était bien comme ça ?

  4   R.  Vous avez dit "page 35," mais ce n'est pas dans mon livre.

  5   Q.  Non, non. C'est la page 18 du livre.

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  Dans le livre, c'est la page 18, et pour ce qui est du prétoire

  8   électronique, c'est la page 35.

  9   L'INTERPRÈTE : Correction : Dans la citation précédente, c'était la

 10   "décence."

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez du livre papier, parce que, moi,

 12   je ne l'ai pas ici dans la première -- dans le livre, dans le livre de

 13   poche. Moi, j'ai le format livre de poche.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Oui, c'est la page 18 du livre, mais dans le prétoire électronique,

 16   c'est de la page 35 que nous parlons. J'ai l'impression que nous n'avons

 17   pas la même édition.

 18   R.  Ça ne fait rien. Je peux lire ce qu'il y a à l'écran. C'était quel

 19   paragraphe que vous aviez mentionné, Monsieur Karadzic ?

 20   Q.  Je suis en train de faire référence à ce livre : "Fighting for peace,"

 21   alors page 18 disais-je, ERN 0641-7997, et c'est l'avant-dernier paragraphe

 22   au milieu. On dit :

 23   "…New York, j'avais mentionné que cette tactique du gouvernement de

 24   Bosnie qui a été mentionnée à Mme Albright, qui a confirmé que

 25   l'administration américaine savait ce qui se passait mais ne pouvait pas y

 26   faire grand-chose. Et maintenant, cet appartement tranquille et civilisé

 27   avec vue sur la East River où nous avions discuté de la Bosnie semble

 28   s'être éloigné de cette ville brisée et des bombardements bruyant dont j'ai

Page 7306

  1   été témoin. Ici, l'humanité et la décence…"

  2   Est-ce que vous avez trouvé ceci ?

  3   R.  Oui, c'est bien ce que j'ai écrit et je suis sûr que c'est bien ce que

  4   j'ai dit, à l'époque, à Madeleine Albright.

  5   Q.  Merci. Ensuite, vous avez confirmé dans votre témoignage dans l'affaire

  6   Galic, page 10 210, à l'interrogatoire principal, le fait qu'il y avait eu

  7   des preuves ou des suspicions disant que le gouvernement bosnien avait

  8   ciblé délibérément des civils dans le cadre des lignes de conflit, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  J'attends de voir ce passage à l'écran.

 11   Q.  Je n'ai fait que paraphraser. Mais est-ce que vous vous souvenez d'en

 12   avoir parlé ? Je peux vous citer exactement, si vous le voulez. Alors, vous

 13   souvenez-vous de cette déclaration ? C'est le Juge Orie qui vous a posé sa

 14   question, page 10 210. Le Juge Orie vous a demandé --

 15   Je dois vous demander d'attendre -- ah oui, que s'arrête le pointeur. Oui,

 16   oui, c'est bien.

 17   Alors il a été question de ces suspicions et vous avez confirmé.

 18   "Oui. Avant mon arrivée à Sarajevo, il y avait des soupçons disant que les

 19   médias avaient fait des allégations et il est certain qu'il y avait des

 20   suspicions qui ont été entendues après mon arrivée. Ce qui est certain,

 21   c'est que les forces du gouvernement de Bosnie, de temps en temps, tiraient

 22   sur les Serbes à des moments qui revêtaient une grande importance politique

 23   pour qu'il y ait un retour de feu sur Sarajevo, de façon à ce que le

 24   gouvernement de Bosnie puisse continuer de montrer, d'afficher la

 25   souffrance perpétuelle des civils de Sarajevo."

 26   R.  Vous me demandez si c'est bien ce que j'ai déclaré à l'audience Galic,

 27   ou est-ce que c'est là quelque chose que je devrais confirmer ou infirmer

 28   ici même, maintenant.

Page 7307

  1   Q.  Non, je voudrais que vous confirmiez que vous l'avez bel et bien dit

  2   dans ce procès contre le général Galic.

  3   R.  Mais je n'ai pas l'original sous les yeux. Il m'est impossible de le

  4   faire.

  5   Q.  Voilà, je vais vous poser ma question. On vous a posé cette question-

  6   ci, le revers de la médaille, pour ainsi dire. Quand vous étiez à Sarajevo,

  7   est-ce qu'il y a eu des incidents qui ont été portés à votre attention,

  8   sous forme de rapport, d'enquête menée par les Nations Unies, laissant

  9   entendre que des forces se trouvant, contrôlées par les Musulmans de

 10   Bosnie, par le gouvernement de Bosnie, le long de la ligne de confrontation

 11   avaient délibérément pris pour cible les civils, à l'intérieur des lignes

 12   de confrontation ?

 13   Vous avez répondu ceci :

 14   Il est certain qu'il y avait des suspicions allant dans ce sens, mais

 15   c'était avant mon arrivée.

 16   Si vous voulez, je peux vous donner ce texte.

 17   R.  C'est exact, et il est certain qu'il y avait des rumeurs allant

 18   dans ce sens au sein des forces de la FORPRONU, disant que en fait les

 19   forces du gouvernement de Bosnie avaient tiré sur leurs propres civils pour

 20   créer ces images de souffrance, pour maintenir ce sentiment, pour pousser

 21   la communauté internationale à venir à l'aide de l'état plutôt que de

 22   simplement fournir des secours humanitaires. Il est certain que c'était

 23   quelque chose qui était sans nul doute envisager comme étant une

 24   possibilité à l'époque. Mais on n'a jamais trouvé aucune preuve à l'appui

 25   de ces soupçons, pour les corroborer.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant voir au

 27   prétoire électronique, le 1D2257 ?

 28   Q.  Vous vous trouviez là-bas encore le 9 novembre, peut-être, étiez-vous

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  1   en voyage mais vous étiez toujours le commandant, à l'époque, n'est-ce pas

  2   ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Voilà, c'est le document en question. C'est daté du 9 novembre, la

  5   police de Bosnie avait présenté devant un juge un certain M. Krsnatovic,

  6   une plainte relative à du pilonnage dans la rue Livanjska Ulica, calibre de

  7   deux obus de 82-millimètres. Alors on peut le voir nous tous.

  8   J'aimerais qu'on nous montre la page 2, pour parler de l'angle de chute,

  9   évalué entre 70 et 75 degrés. On parle de l'angle de chute. Ensuite je

 10   voudrais que nous nous penchions sur la page 3, pour lire les conclusions : 

 11   "Il est possible de conclure que les zones faisant l'objet de plus grand

 12   nombre de soupçon sont contrôlées par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Pour

 13   tirer depuis les positions de l'armée des Serbes de Bosnie, avec les mêmes

 14   portées et avec le même angle de chute, la direction de l'obus de mortier

 15   devrait être de 4 200, depuis Grdonj," qui était contrôlé par les

 16   Musulmans.

 17    Puis la phrase suivante, pour dire :

 18   "Pour tirer de positions de la VRS et depuis la même direction avec une

 19   fourchette de 1 200 à 1 600 mil, la distance devrait être d'au moins 3 700

 20   mères l'angle de chute en l'occurrence, serait inférieur à 60 degrés."

 21   Ce sont des constatations qui nous disent, et cela a déjà, ça avait même

 22   été présenté à un juge de Sarajevo, qui nous dit que ce sont eux-mêmes qui

 23   ont bombardé la rue Livanjska, n'est-ce pas ?

 24   R.  Mais c'est ce que le rapport semble dire, certainement. Mais je dois

 25   vous mettre en garde, l'identification du point de départ d'un tir de

 26   mortier quand on examine le cratère, l'appréciation ne peut être

 27   qu'inexacte. C'est une science très inexacte. Je ne connais qu'un cas où il

 28   a fallu prendre un avis différent à la suite d'un complément d'enquête,

Page 7309

  1   après avoir reçu de meilleures informations sur les faits. Les Nations

  2   Unies avaient déployé des systèmes de radar de repérage d'obus de mortier.

  3   Mais par rapport à la technologie d'aujourd'hui, c'était très primitif, ce

  4   qu'on avait maintenant, en un jour, on pourrait avoir un seul radar sur

  5   toute la ville. Donc même si ce rapport semble concluant, je voulais

  6   simplement ajouter un bémol, pour dire qu'il n'est peut-être pas aussi

  7   concluant que vous ne semblez le penser.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce document soit versé au

 10   dossier.

 11   Q.  Sir Michel, vous voulez dire que, dans l'ensemble, la méthodologie à

 12   utilisé était assez peu sûre, c'est bien ce que vous voulez dire ?

 13   R.  C'est à peu près cela. Ça dépend du nombre d'obus, de l'angle. Ici, je

 14   ne suis pas un artificier, un spécialiste mais l'angle d'entrée, plus

 15   l'angle et aigu, plus il est difficile de déterminer l'origine. Si l'on a

 16   qu'un obus, c'est encore plus difficile que si on en a quatre, par exemple.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce document qui porte le numéro de

 18   la liste 65 ter, 2257 est versé au dossier. Ce sera la pièce D --

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas --

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] 680. D680.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   Q.  Un peu plus loin, au compte rendu, pour ce qui est de l'affaire Galic,

 23   page 10 211, à l'interrogatoire principal, vous affirmez que et c'est ce

 24   qu'on a lu tout à l'heure dans le même document, dans le livre, je veux

 25   dire que les forces musulmanes, vous parlez du gouvernement bosnien, mais

 26   nous aussi, on est gouvernement bosnien. Alors il semblerait que les forces

 27   musulmanes avaient tiré sur les Serbes, dans l'objectif de les voir

 28   riposter à leur tir; c'est bien cela ?

Page 7310

  1   R.  Mais, je n'ai pas dit qu'elles tiraient mais on soupçonnait. Il y avait

  2   des rumeurs, quand je suis arrivé sur place, qui disaient que ça s'était

  3   peut-être parfois passé, mais aucune trace tangible ne m'a été proposée à

  4   quel que moment que ce soit montrant que ça aurait été une politique

  5   délibérée, de la part du gouvernement de Bosnie.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez votre déclaration

  7   de synthèse, devant vous, Monsieur le Témoin ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous allez la recevoir dans un instant.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai celle du 13 janvier, mais je n'ai pas la

 11   partie qu'a lue Mme Edgerton.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, celle du 13 janvier.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai, la longue.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez prendre le

 15   paragraphe 215. Vous voyez la tête de rubrique, ceci responsabilité

 16   alléguée de l'armée de Bosnie-Herzégovine, s'agissant d'attaque sur

 17   Sarajevo. Vous dites mais je suis sûr que, de temps à autre, les forces du

 18   gouvernement de Bosnie tiraient de temps en temps sur les Serbes, à des

 19   moments précis revêtant une grande importance politique pour qu'il y ait un

 20   retour de feu sur Sarajevo.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ça a été souvent fait.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   Monsieur Karadzic, nous avons lu déjà tout ceci dans les éléments de

 24   preuve. Il n'est pas nécessaire que vous abordiez chacun de ces éléments

 25   par le menu détail.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je crains fort c'est que ce livre ne

 27   soit pas trop important, et dans son ensemble, c'est quand même une œuvre

 28   littéraire. On a été d'accord pour dire hier que le général Rose avait

Page 7311

  1   rédigé cela avec une certaine liberté poétique dans la formulation des

  2   choses. La Défense, elle, doit préciser les choses pour délittéraliser

  3   [phon] l'œuvre. Alors c'est très bien de lire le livre parce que,

  4   littérairement parlant, c'est bien, mais la Défense, elle, doit préciser

  5   les choses pour dire quels sont les faits et quels sont les opinions ou les

  6   sentiments de tout un chacun.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je pense que c'est une

  8   question que je dois poser aux parties. Quel est le statut donné au livre

  9   de Sir Michael ? Je sais que ça a été versé au dossier, j'ai noté la cote

 10   PD1162, mais je pense qu'il n'y a que quelques pages qui ont été versées au

 11   dossier. Je me corrige. Corrigez-moi, si je me trompe.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Bien, nous en parlions précisément mon

 13   collègue et moi. Mais, effectivement, c'est bien comme ça que ça été fait.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir pour répondre à M.

 15   Karadzic. Il n'y a aucune licence poétique dans ce livre. Il a peut-être

 16   certains mérites littéraires, peut-être pas, et c'est ce que j'expliquais

 17   au conseil de M. Karadzic hier. C'est parce que j'ai fait un examen

 18   minutieux des archives des Nations Unies. J'avais des -- j'avais des

 19   coupures de presse d'autres sources, des notes personnelles, certaines ont

 20   été détruites parce qu'elles avaient été saisies sur ordinateur. Mais il

 21   n'y a aucune licence poétique dans ce livre.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 23   Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, j'attends l'interprétation. Je suis en

 25   train d'attendre l'interprète.

 26   Voilà de quoi il s'agit. Nous avons une déclaration amalgamée faite par le

 27   général Rose, mais le livre entier n'a pas été versé au dossier. Je

 28   n'aimerais pas que ce soit versé au dossier avant que l'on ne dépoétise

Page 7312

  1   certaines parties et avant qu'on ne précise quels sont les faits. Nous

  2   n'avons pas non plus de témoignage fait par le général Rose auprès de la

  3   Cour international de Justice. Nous n'avons pas non plus le reste des

  4   déclarations faites par le général Rose, déclarations faites devant ce

  5   Tribunal-ci. Donc je crois qu'il faudrait que l'on verse au dossier tous

  6   les éléments de témoignage, par exemple, pour que le -- général Galic.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas le moment de faire des

  8   déclarations, des discours. C'est le moment de poser des questions. Les

  9   discours ils sont inutiles.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'étais en train d'expliquer pourquoi je

 11   reprenais certains éléments, j'ai été contraint de le faire.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Mon Général, vous avez, dans l'affaire Galic, une fois de plus, en page

 14   compte rendu 10 211, affirmer que :

 15   "Les forces des Musulmans de Bosnie, de votre avis, avaient trois

 16   chars et quelques pièces d'artillerie lourde qui se trouvaient dans un

 17   tunnel."

 18   Hier, nous sommes tombés d'accord pour dire que ce tunnel se trouvait

 19   à proximité de votre siège. Dans le compte rendu, vous avez dit également

 20   que :

 21   "Ils emmenaient cela à l'extérieur de temps à autres, en particulier,

 22   après le cessez-le-feu du mois de septembre, et qu'ils tiraient en

 23   direction des Serbes de Bosnie pour que ces derniers leur tirent dessus à

 24   leur tour."

 25   Puis vous avez dit que :

 26   "Vous aviez protesté auprès du gouvernement des Musulmans de Bosnie

 27   pour ce qui est de ce type d'incident pendant toute la durée du temps. Vous

 28   avez tout le temps protesté et ces protestations sont allées

Page 7313

  1   essentiellement vers M. Galic qui semblait être à la tête des opérations

  2   militaires du côté du gouvernement musulman."

  3   C'est bien cela ?

  4   R.  Tout à fait.

  5   Q.  Merci. Ensuite dans votre déclaration datée du 24 mai 1995, en page 4,

  6   ERN 104-4294, vous avez donc aussi affirmé là que deux blindés de

  7   transports de troupes suédois avaient été détruits à côté de Tribnica

  8   [phon].

  9   Alors le support avait été convenu avec l'OTAN pour ce qui est du support

 10   aérien, les vols ont eu lieu mais les attaques ont été stoppées sans qu'il

 11   y ait eu une attaque de lancer véritablement contre les forces des Serbes

 12   de Bosnie. Vous vous étiez entretenu avec Mladic et Milovanovic pour les

 13   prévenir du fait que ce type d'attaque allait faire l'objet d'une riposte

 14   par la force, et eux ont affirmé qu'eux n'avaient fait que riposter à des

 15   attaques faites par l'armée des Musulmans de Bosnie et ils ont accusé les

 16   Bosniens des Musulmans de Bosnie pour cette attaque contre les Suédois.

 17   R.  Il nous a dit qu'il faudrait leur donner des conseils si -- pour leur

 18   dire qu'après un problème dans des zones sensibles pour qu'il n'y ait pas

 19   répétition de cette [imperceptible], ceci indiquait que l'armée des Serbes

 20   de Bosnie avait été responsable.

 21   Q.  Etes-vous d'accord donc pour dire qu'il fallait bien que l'armée de la

 22   Republika Srpska sache à quel moment et à quel endroit se trouvait tel

 23   véhicule ou tel autre véhicule vous appartenant à vous ?

 24   R.  Mais là, vous parlez de quel document ?

 25   Q.  Compte rendu dans l'affaire Galic, à la page 10 211, il s'agit d'un

 26   blindé de troupes suédois qui a été détruit probablement par les Serbes. Or

 27   les Serbes n'avaient pas du tout connaissance du fait qu'il se trouvait là

 28   parce qu'ils étaient en train d'échanger des tirs avec l'armée musulmane.

Page 7314

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de répondre, je donne la parole à

  2   Mme Edgerton.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voulais simplement intervenir pour aider

  4   sur le fait que c'était le paragraphe 53 de la déclaration amalgamée de

  5   janvier 2009. Je fais objection à la question posée par M. Karadzic parce

  6   que vraiment, là, il n'a pas le droit de faire ce genre de commentaire, aux

  7   lignes 20 à 23 de la page concernée dans le compte rendu d'aujourd'hui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous êtes en mesure de

  9   répondre à la question, Général ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je me souviens de cet incident ou deux

 11   véhicules transporteurs de troupes ont été détruits, et j'ai averti les

 12   Serbes. Je leur ai dit que, si ça se répétait, on ferait quelque chose, et

 13   effectivement nous serions intervenus si nous avions pu déterminer d'où, de

 14   quelle position serbe les tirs étaient venus. Voilà le souvenir que j'ai de

 15   la situation.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Mais d'une manière générale compte tenu de cette situation, compte tenu

 19   aussi des passages de certaines unités ou de petits groupes de la FORPRONU,

 20   vous souvenez-vous du fait que la partie serbe avait demandé à être

 21   informée des déplacements -- il fallait que les déplacements soient

 22   annoncés parce qu'il n'y avait que de cette façon-là que l'armée serbe

 23   pouvait assumer ses responsabilités par rapport à ce qui risquait de se

 24   produire.

 25   R.  Nous avons toujours averti les Serbes de Bosnie s'il y avait des

 26   mouvements de la FORPRONU ou s'il y avait le passage d'un convoi d'aide

 27   humanitaire, dans un territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie. Jamais

 28   on ne s'est déplacés sans avertissement préalable.

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  1   Q.  Nous allons montrer demain qu'il y a eu des cas de ce type, des

  2   incidents ou des malentendus qui sont survenus parce que, justement,

  3   l'armée serbe ne savait pas que des forces de moindre importance ou des

  4   groupes vous appartenant se trouvaient là où ils se trouvaient. Vous

  5   souvenez-vous, Général, du fait de cette crise liée à Gorazde, qu'il y a eu

  6   une communication notoirement connue entre vous et Akashi, et il y avait

  7   moi et Mladic ? A la fin, nous avons constaté que c'est l'armée musulmane

  8   qui avait emmené vos effectifs vers des positions où personne ne

  9   s'attendait à eux. Une fois que l'armée musulmane s'est retirée, eux, ils

 10   sont restés là sur place, exposés au péril des tirs des Serbes. Est-ce que

 11   vous vous souvenez de ces cas de figure ?

 12   R.  Là, vous parlez du déploiement des officiers de la Commission mixte

 13   dans l'enclave de Gorazde. Ce n'était pas les forces de Bosnie qui leur

 14   avait dit où se placer. C'était des positions choisies par ces hommes eux-

 15   mêmes, car ils pensaient que c'est de là qu'ils voyaient le mieux, le plus

 16   facilement ce qui se passait.

 17   Q.  Mais vous vous souviendrez du fait que le malentendu tout entier est

 18   venu du fait qu'ils se trouvaient à de mauvaises coordonnées, là où

 19   personne ne s'attendait à ce qu'ils s'y trouvent. Et s'ils ne s'étaient pas

 20   -- enfin, ils ne se sont pas retirés lors du retrait de l'Unité musulmane.

 21   Ils sont restés dans cette espèce d'encerclement par les Serbes; vous en

 22   souvenez-vous ?

 23   R.  C'est à peu près ce qui s'est passé mais, bien entendu, n'oubliez pas

 24   que les coordonnées que nous vous avions données avant le déploiement de

 25   ces officiers avaient subit des bombardements lourds de l'artillerie serbe,

 26   sûrement après les frappes aériennes. Heureusement, ces hommes -- ces

 27   officiers ont pu aller dans d'autres positions. Ils s'étaient déplacés déjà

 28   au moment des frappes.

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  1   Q.  Mon Général, je pense que dans votre livre l'événement a été décrit. M.

  2   Akashi et moi, on se trouvait à Pale et il y avait M. Stoltenberg et M.

  3   Churkin aussi, et Mladic était sur le terrain. Vous, vous étiez quelque

  4   part aussi, et en fin de compte, nous avions déterminé que vos observateurs

  5   -- je veux dire vos soldats probablement - étaient-ce des gens qui étaient

  6   là pour le contrôle de l'espace aérien - ils se trouvaient dans les lignes

  7   de déploiement musulman, dans des tranchées musulmanes, là où la partie

  8   serbe ne s'attendait pas à les trouver. Je voulais tirer, prélever cet

  9   exemple pour démontrer et établir s'il y avait eu une intention qui était

 10   celle de porter du tort à des soldats ou des véhicules des Nations Unies,

 11   ou était-ce plutôt des malentendus qui venaient du manque d'information

 12   concernant l'emplacement de vos hommes ?

 13   R.  Ils ne se trouvaient pas du tout dans des tranchées de l'armée de la

 14   BiH, c'était dans un tournant de la rue au moment où ils ont été touchés

 15   par des tirs serbes, et ça a été accepté par ces officiers et par mon

 16   propre commandement. Ça n'avait pas été fait exprès. Ils ont été pris entre

 17   deux feux, entre les feux croisés de deux parties adverses s'opposant.

 18   Q.  Merci. Alors, dans votre livre intitulé : "Combat pour la paix," au

 19   prétoire électronique, je vous renvoie à la page 26. Il se peut que ça se

 20   trouve dans la partie introductive, préambule. Vous avez dit que le

 21   gouvernement bosnien, et je cite :

 22   "Avait l'objectif supplémentaire d'obtenir des Etats-Unis et de l'OTAN

 23   qu'ils s'engagent dans la guerre sur le terrain."

 24   Ils ont donc essayé de se procurer un soutien médiatique ou du cirque

 25   médiatique, comme vous l'avez appelé, à Sarajevo, en promouvant les images

 26   de guerre, les images de souffrance. En faisant de la sorte, le

 27   gouvernement bosnien voulait en appeler directement à faire quelque chose -

 28   -

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  2   Oui, Madame Edgerton.

  3   Mme EDGERTON : [interprétation] S'il vous plaît, une demande à M. Karadzic.

  4   Est-ce qu'il pourrait nous donner le numéro de la page de l'ouvrage dont il

  5   parle, parce que ça pourrait m'aider, en tout cas, moi, à trouver cette

  6   page.

  7   L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que ce serait aussi utile pour

  8   eux.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement. Monsieur Karadzic,

 10   lorsque vous citez telle ou telle partie de document, il faut que le

 11   document soit d'abord affiché pour tout le monde.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je pense -- enfin, je ne sais pas encore

 13   si c'est au prétoire électronique. Ce serait la page 26 du prétoire

 14   électronique. Dans le livre, il s'agit de la page 9, pour ce qui est de

 15   l'édition que nous avons en notre possession.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que maintenant c'est affiché à

 17   l'écran, la page 9.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Juge, je le vois.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors est-ce que c'est bien dans votre livre que vous présentez vos

 22   opinions et vos conclusions pour ce qui est des manœuvres déployées par la

 23   partie musulmane pour ce qui est de l'intention de manipuler les médias

 24   mondiaux ?

 25   R.  Ce que j'ai écrit reflète la pensée que j'avais alors et aujourd'hui

 26   aussi. C'est bien, à mon avis, ce qui s'est passé. Je n'ai pas parlé dans

 27   le texte de "manipulation." Je n'ai pas utilisé ce terme-là.

 28   Q.  Non, c'est moi qui ai utilisé ce mot parce qu'à mes yeux, c'est de la

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  1   manipulation. Nous savions cela, et nous sommes d'accord qu'ils l'avaient

  2   fait dans une tentative qui visait à retourner le monde entier contre nous.

  3   Penchons-nous sur la phrase d'après :

  4   "Les efforts des forces de maintien de la paix pour mettre fin au combat,

  5   c'était clairement une gageure, et arrivé 1994, il était évident pour nous

  6   à Sarajevo que l'intérêt premier des Nations Unies, qui était de soulager

  7   les souffrances des gens, était moins important, moins conséquent pour les

  8   dirigeants de Bosnie que la réalisation de leurs propres objectifs

  9   politiques."

 10   Est-ce bien comme ça ?

 11   R.  Oui, c'est ce que j'ai écrit et c'est ce que je pensais, et c'est ce

 12   que je pense.

 13   Q.  Merci. Vous avez été plutôt mécontent des positions adoptées par Ganic

 14   à bien des occasions. Ici, par exemple, dans votre livre intitulé : "Combat

 15   pour la paix," affichage électronique 187, page 187, vous évoquez des tirs

 16   en direction d'un avion des Nations Unies, au sujet de quoi il était

 17   forcément au courant du fait que cela venait du côté des Musulmans de

 18   Bosnie. A un moment donné, un soldat français a vu qu'on lui avait tiré

 19   dessus avec un mortier du côté musulman depuis Butmir, de l'autre côté de

 20   l'aéroport, et ce, pendant que l'avion attendait d'être chargé. Les forces

 21   musulmanes de façon évidente l'ont fait pour garder cette image de ville

 22   sous siège, de ville assiégée. Galic a été d'accord pour dire que les

 23   attaques auraient dû être interrompues, mais il ne l'a jamais fait. Vous

 24   dites qu'il était même moins coopératif quand il s'agissait d'interrompre

 25   les combats dans Bihac, par exemple, n'est-ce pas ?

 26   R.  Je me souviens de l'incident que j'ai décrit dans mon livre lorsque le

 27   mortier a traversé l'aérodrome vers le bâtiment terminal, où se trouvaient,

 28   bien sûr, les Français. Je me souviens aussi que j'ai abordé la question

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  1   avec M. Galic, et je me souviens qu'il y avait eu un tir de mitrailleuse ou

  2   de mitraillette.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'heure est venue de lever l'audience,

  4   Monsieur Karadzic. Nous reprendrons les débats demain après-midi, à 14

  5   heures 15.

  6   L'audience est levée.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mercredi 6 octobre

  9   2010, à 14 heures 15.

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